Thiam, Baba - Etude Sur La Telephonie Rurale Au Senegal

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ETUDE SUR LA TELEPHONIE

RURALE AU SENEGAL

Par
Baba THIAM
(Etude pour le compte de l'Institut Panos Londres)
INTRODUCTION

Le secteur des télécommunications connaît partout dans le monde des mutations


décisives. Ces changements profonds se singularisent dans un contexte marqué par
une libéralisation tout azimut, un environnement international caractérisé par la
mondialisation et la globalisation des échanges, mais aussi par le développement
fulgurant des technologies de l'information et de la communication, conséquence de
la convergence entre l'informatique, l'audiovisuel et les télécommunications. En
Afrique, la quasi-totalité des populations n’est pas en mesure d’accéder au
téléphone. Toutefois au Sénégal, à en croire Annie Chéneau-Loquay1, directrice de
recherche au CNRS, par ailleurs, coordinatrice d’Enjeux des technologies de la
communication en Afrique, du téléphone à Internet (Karthala, Paris, 2000) et
animatrice du site africanti.org, plus de 70 % de la population est accessible par ce
biais, un succès exceptionnel pour le continent noir.

I – COLLECTE DE DONNEES DISPONIBLES

I-1 Télédensité

La télédensité au Sénégal a enregistré un taux de croissance de 85% en l’espace de


sept ans. En 1990, la télédensité était de 0,6%, alors qu’en 1997, elle est portée à
1,11%. Aux dernières statistiques, elle était de 2,5 téléphones pour 100 habitants.2
Au niveau de la téléphonie fixe (200 000 abonnés), la télé densité est de 2
téléphones pour 100 habitants.

I-1-2 Nombre de téléphones fixes et mobiles des 5 principales villes

Les derniers chiffres de la SONATEL dont nous disposons remontent aux exercices
1999 et 2000. A ces dates, les régions de Dakar, Diourbel, Thiès, Kaolack et Saint-
Louis occupaient respectivement les cinq premiers parcs téléphoniques les plus
denses du pays. Selon les statistiques, En 1999, Dakar avait 108 373 lignes,
Diourbel suivait avec 17 515, Thiès venait en troisième position : 11 731 abonnés,
Kaolack (et Fatick) et la région de Saint-Louis ferment la marche avec
respectivement 7 819 et 6 982 lignes. En 2000, la capitale sénégalaise menait le
peloton de tête avec 118 043 lignes, la région de Diourbel pointait toujours en
deuxième place avec 18 660 lignes, Thiès avait sensiblement élevé son nombre
d’abonnés évalué à 12 985. L’antépénultième, la région de Kaolack (avec Fatick)
avait un parc téléphonique de 8 009 abonnés. La dernière place revient encore à la
région de Saint-Louis avec 7 770 lignes.

I-1-3 Les acteurs

Au Sénégal, le secteur des Télécommunications enregistre deux acteurs principaux :


- La Société nationale des télécommunications du Sénégal (SONATEL).
- La Sénégalaise des télécommunications (SENTEL)

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Le segment de la téléphonie cellulaire est soumis à une concurrence ‘’encadrée’’.
Deux opérateurs GSM 900 se partagent le marché. C’est la SONATEL Mobiles et
SENTEL. La SONATEL a lancé le premier service GSM en 1996 avec une formule
abonnement « Alizé ». Il aura fallu attendre deux ans plus tard pour voir se
positionner un nouvel opérateur (la SENTEL) sur le marché sénégalais des
télécommunications.

En matière de télécommunications, le Sénégal vient juste après l’Afrique du Sud en


terme de qualité de couverture. SONATEL Mobiles a un taux de couverture du
territoire national satisfaisant avec plus de 85% de la population. Le géographe
sénégalais, Cheikh Guèye,) affirme que la couverture totale du pays par la
téléphonie portable assure aux zones rurales le saut de l’obstacle coûteux que
constitue la mise en place des réseaux de téléphone filaire.

Cette couverture quasi-générale des 192 000 km2 du pays a été possible grâce à
l’investissement de quelque 49 milliards de francs Cfa au cours des quatre dernières
années. Certes, des désagréments existent sur le réseau, mais ces impairs
s’expliquent par un choix de zones prioritaires (voies de circulation et de grandes
concentrations) et par la densité des utilisateurs dans certains lieux comme la
capitale. Une demande a été introduite pour permettre de passer de 900 MHz à 1800
MHz, soit un doublement de la fréquence, acceptée par l’Agence de Régulation des
Télécommunications. Ce qui permet d’augmenter la capacité et la qualité technique
du réseau.

Selon le responsable technique de l’opérateur privé Sentel Gsm, cette filiale de


Millicom International Cellular couvre le territoire national. Aujourd’hui, toutes les
régions du Sénégal sont couvertes avec un réseau dense, estime-t-on. Mieux il y a
une visibilité permanente pour ne pas être surpris en terme de croissance, soutient-
on du côté de la SENTEL.

La SONATEL Mobiles, lancée depuis 1996, et qui fonctionne comme société-filiale


de la SONATEL depuis 1999, a renforcé le volume de ses investissements. Plus de
25 milliards de francs Cfa ont été mobilisés pour le réseau, permettant de porter sa
capacité de 120 000 en 2000 à 600 000 clients en décembre 2003.

Selon des données extraites des rapports généraux annuels de la SONATEL


paraissant les mois de décembre de chaque année4, le nombre de lignes cellulaires
de la SONATEL a été multiplié par plus de 150 en moins de cinq ans.
C’est ainsi que les lignes passent de 1395 en 1996, à 6942 en 1997. De 1998 à
1999, on note un glissement de 22 110 à 73 472. En 2000, les lignes sont portées à
150 000.

Le parc téléphonique a, en effet, connu une forte croissance ces trois dernières
années, passant de 301 795 en 2001 à 549 345 abonnés en septembre 2003, et
devrait atteindre 586 000 abonnés à la fin du mois de décembre de la même année.

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Le réseau Alizé a été déployé dans 43 nouvelles villes ce qui permet désormais de
couvrir l’ensemble des capitales régionales du Sénégal, la quasi-totalité des capitales
départementales, des sites touristiques et des villages du centre. Hors du pays, Alizé
a doublé ses accords de roaming, permettant à ses clients qui le désirent de voyager
dans plus de 60 pays tout en conservant leur numéro Alizé.

Cette offre s’est enrichie à partir de 1998 de deux formules prepaid sans
abonnement, à savoir Diamono et Diamono J. En janvier 1999, l’opérateur regroupe
toutes ses activités dans Sonatel Mobiles, filiale à 100% de la Sonatel et qui se
positionne en leader incontesté du marché avec 80% du parc de lignes mobiles,
alors que sa concurrente, SENTEL (Sénégalaise des télécommunications), se
contente des 20% restants.

Ce deuxième opérateur, qui a déjà accueilli son 250 000 ième abonné, a reçu sa
licence GSM en juillet 1998. 24 000 abonnés ont fait confiance à l’opérateur au début
des activités. Contrôlée à hauteur de 75% par le groupe Millicom International
Cellular et de 25% par des privés sénégalais, ce nouvel opérateur obtient une
concession d’opération pour 20 ans. C’est au printemps du mois d’avril 1999 que
SENTEL a mis dans le circuit sa formule prepaid. Rappelons que ce nouvel
opérateur s’est limité à cette forme. Mais ses responsables n’écartent pas la
possibilité d’investir la téléphonie fixe dont la libéralisation est annoncée pour le mois
de juillet 2004. A partir de cette date, la Sonatel n’aura plus le monopole sur la
fourniture au public des services de téléphonie fixe.

Mais également de liaisons spécialisées, de communication de données par


commutation de paquets, de télex et de télégraphie, renseigne le Directeur des
Etudes, de la Prospective et de la Planification au ministère de l’Information et de la
Coopération Panafricaine dans les Ntic, Cheikh Tidiane Ndiongue, dans une
interview parue dans un quotidien local5.

I-1-4 Investissement et chiffre d’affaires

L’opérateur historique a investi, durant l'année 2000, 64,6 milliards de francs Cfa
pour l’amélioration de ses installations. En 2001, la SONATEL a injecté 48,5
milliards, alors qu’en 2002 le montant a été porté à 75,7 milliards de nos francs.
Le Chiffre d’affaires de la SONATEL, en 2000, était de 126,06 milliards F Cfa pour un
bénéfice net de 42,52 milliards. En 2001, le CA était de 148,21 milliards et le
bénéfice net : 48,5 milliards. Durant l’exercice 2002, le Chiffre d’affaires est de 163
milliards de nos francs, soit une croissance d’environ 10% par rapport à l’exercice
précédent.

L’investissement initial de Sentel Gsm était de 5 milliards de francs Cfa à sa création


en 1999. En 2003, l’investissement s’est élevé à plus de 6 milliards de francs Cfa. Ce
présent exercice, 7 milliards de francs d’investissements supplémentaires sont
prévus pour maintenir la qualité du réseau face à l’augmentation du nombre
d’abonnés et du trafic.

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SONATEL SONATEL MOBILES SENTEL

(abonnés) (abonnés) (abonnés)

CAPITAL
(Francs Cfa) (Non
50 milliards F Cfa 9 milliards F Cfa
disponible)

FIXES 200 000

MOBILES 600 000 250 000

I-1-5 Historique de la SONATEL

La SONATEL a été créée en 1985, suite à la réforme du secteur des


télécommunications. Cette décision des autorités gouvernementales faisait suite à la
fusion de deux entités auparavant en charge de la gestion des télécommunications
intérieures et extérieures. C’est l’office des Postes et Télécommunications et
Télésénégal. La SONATEL est devenue une Société Anonyme lorsqu’en 1997, elle
s’est alliée au partenaire stratégique, France Télécom, qui détient 42,33% de son
capital. Le reste de la clé de répartition du capital est la suivante :

- Etat du Sénégal : 27,67%


- Institution et grand public : 20%
- Salariés et anciens salariés : 10%

Dans le cadre précis de la libéralisation des télécommunications, il faut signaler, avec


le président de l’Observatoire sur les systèmes d’informations, les réseaux et les
inforoutes au Sénégal (OSIRIS), M. Amadou Top6, que depuis 1997, le Sénégal a
vécu quasiment le régime de monopole privé pour un produit aussi essentiel que
celui des télécommunications.

Il est difficile d'évaluer la part autorisée au rapatriement. Toutefois, des responsables


de la SONATEL estiment que les taxes reversées à l’Etat du Sénégal sont de
quelque 1 milliard de francs Cfa par semaine, soit l’équivalent de 52 milliards injectés
dans les caisses des pouvoirs publics. Les salariés de la SONATEL affirment
qu’entre 1997 et 2003 la Société nationale des télécommunications a investi 350
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milliards F Cfa et plus de 60 milliards de dividendes sont versés dans les caisses du
pouvoir public, par ailleurs actionnaire.

Mais l’expérience de la privatisation sénégalaise montre qu’elle est avant tout


rentable pour France Télécom. Certains esprits avisés dans le landernau des
télécommunications voire même dans les plus hautes sphères de l’Etat se
demandent si les bénéfices réalisés par la SONATEL (6ème entreprise africaine dans
le secteur des télécommunications, 67,9 millions de dollars de bénéfice) dont une
bonne partie est rapatriée par l’opérateur français, ne sont pas choquants eu égard
au besoin du Sénégal en matière d’investissement, et si ces sommes ne seraient pas
mieux utilisées dans le pays.7

Le Secrétaire général d’OSIRIS, Olivier Sagna, estime que ‘’dans le cadre de ces
filiales, les procédures sont bizarres’’. Selon lui, en dehors de l’argent gagné en tant
qu’actionnaire, France Télécom ‘’offre’’ une assistance technique et la SONATEL est
dans l’obligation de payer ces services. Il est difficile de se faire une estimation des
sommes d’argent rapatriées.

Dans son ouvrage « L’endettement puis l’ajustement, l’Afrique des institutions de


Bretton Woods », l’économiste sénégalais Makhtar Diouf écrit : « Les entreprises
venues procéder à la ‘’privatisation’’ sont pour l’essentiel des entreprises publiques
dans leur pays d’origine : France Télécom appartient à 65% à l’Etat français. Est-il
vraiment approprié de parler de privatisation ? »8

I-1-6 Conflits
Le nouvel environnement dans le secteur des télécommunications ne pouvait
manquer d'influencer, au Sénégal comme dans le reste du monde, le dispositif
juridique qui organise le secteur des télécommunications. Dans le souci d’anticiper
sur d’éventuels conflits ou de jouer le rôle d’arbitre, le législateur sénégalais a mis en
place, avec le vote de la loi n°2001-15 du 27 décem bre 2001 portant code des
télécommunications, un organe indépendant de régulation, l'Agence de Régulation
des Télécommunications (ART), susceptible de garantir l'exercice d'une concurrence
saine et loyale, au bénéfice des consommateurs, des opérateurs du secteur. Cette
mise en place de cette structure participe également à épouser l’esprit et la lettre de
l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). C’est ainsi qu’un cadre
réglementaire efficace et transparent, favorisant une concurrence loyale au bénéfice
des utilisateurs des réseaux et services des télécommunications est mis en branle.
Un groupe de travail, composé des principaux opérateurs du secteur (Sonatel,
Sonatel mobiles, Sentel et Art) a été mis sur les fonts baptismaux au mois de février
2003. Avec un mandat d’une durée de quatre mois, ce groupe était chargé de la
"validation de la version révisée du catalogue d’interconnexion de la Sonatel qui
s’applique jusqu’au 31 décembre 2003 et de la préparation de la mise en place d’un
comité permanent de l’interconnexion pour l’approbation annuelle du catalogue
d’interconnexion qui lie les opérateurs", indique-t-on. Ce groupe de travail était
chargé de "traiter tous les cas de litiges évoqués par les opérateurs sur
l’interconnexion", de "valider la version complète du catalogue d’interconnexion de la

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Sonatel pour l’année 2003", de "valider le protocole d’accord entre les opérateurs
mobiles" et enfin de "proposer une approche méthodologique pour la mise en place
d’un modèle tarifaire orientant les tarifs d’interconnexion vers les coûts réels
d’utilisation des réseaux".

Les résultats obtenus par ce groupe de travail vont de l’acheminement du trafic des
services d’urgence’’ à l’ ’’approbation des tarifs ADSL’’, en passant par l’Accord tarif
de terminaison entre SONATEL Mobiles (Alizé) et Sentel’’ et l’ ’’Echange de
messagerie écrite entre Sonatel Mobiles et Sentel’’.

Au niveau de la qualité de service, la SONATEL Mobiles se targue d’être la première


entreprise africaine de téléphonie mobile certifiée International standard organisation
(Iso) 9001-version 2000 avec zéro non-conformité et zéro remarque par l’Association
française de l’assurance qualité (Afaq), leader français de certification et l’un des tout
premiers au plan mondial. Cette certification, qui a été obtenue en septembre 2003,
garantit le système de facturation de l’entreprise sénégalaise de téléphonie mobile.
Laquelle est considérée aujourd’hui par l’entreprise comme étant "fiable,
transparente, détaillée et non contestable".

II – CONTEXTE

La privatisation de l’opérateur historique intervient dans le cadre de la politique de


privatisation des entreprises publiques amorcée par le Sénégal au milieu des années
90 et préconisée de longue date par les institutions financières internationales. Cette
opération répond aussi à l’impératif de nouer des alliances stratégiques dans le
contexte d’un secteur en cours de libéralisation. Mais selon Amadou Top, « quand
sur le plan international, on s’est mis dans cette ère de dérégulation et de
déréglementation, on a fait comme si tous les pays du monde devaient avoir la
même potion de développement des télécommunications, alors qu’ils n’ont ni le
même niveau de développement, ni la même ancienneté d’installation de leurs
supports de télécommunications ni les mêmes besoins. »ç

L’ouverture du capital est organisée de la façon suivante : 33,3% à un opérateur de


télécommunications étranger d’envergure stratégique, 10% du personnel de
l’entreprise, 5% à un opérateur africain et 17,7% au public. Après une première
adjudication annulée au suédois Telia Overseas, c’est finalement France Câbles
Radio (FCR), filiale de France Télécom, qui acquiert en juillet 1997 33,34% du capital
pour un montant d’environ 65 milliards de francs Cfa.

A l’issue de la privatisation, l’Etat a concédé à la Sonatel ses droits relatifs à


l’établissement et l’exploitation des réseaux et la fourniture des services de
télécommunications pour une durée de 20 ans, assorti d’une période de monopole
sur les services de base de 7 ans. Selon Cheikh Tidiane Ndiongue, c’est en toute
souveraineté que l’Etat avait accordé un monopole sur le fixe de sept ans à la
SONATEL.

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II-2-1 Structuration organisationnelle du secteur des télécommunications

La SONATEL s’est vue confier le monopole des télécommunications ainsi que la


mission de service public à sa création en 1985, lorsque l’Etat réforme le secteur en
séparant les Postes des Télécommunications (loi n° 85-86). La loi n° 96-03 portant
Code des Télécommunications vise à modifier le passage institutionnel de ce secteur
afin de favoriser le développement de l’initiative privée en accroissant l’efficacité de
l’opérateur national dans un contexte de saine concurrence.

Trois régimes caractérisent l’exploitation des réseaux et services de


télécommunications au Sénégal :

- le monopole de l’opérateur historique sur les services de base dont la


téléphonie fixe, jusqu’en 2004 ;
- une concurrence limitée sur le segment de la téléphonie cellulaire où deux
opérateurs se partagent le marché depuis 1998 ;
- la libre concurrence pour les services à valeur ajoutée.

La Sonatel demeure l’acteur incontournable du secteur avec 100% des lignes fixes et
80% des lignes mobiles

II-2-2 Historique de la dérégulation et pressions


Processus de stratégie mis en place

Compte tenu de la position stratégique qu’occupe le secteur des


télécommunications, il est essentiel, pour un Etat, d’asseoir une politique d’impulsion
et de régulation, dont l’objectif doit être la constitution d’une maîtrise d’ouvrage
exprimant l’ensemble des besoins du pays et de s’assurer que ces besoins sont bien
pris en compte par les différents acteurs et en particulier, les opérateurs et
fournisseurs de services de télécommunications.

Depuis plus de deux ans, précisément le 27 décembre 2001, date de promulgation


de la loi n° 2001-15, portant code des télécommunic ations, l’Etat n’a pas posé un
acte majeur quant à la politique et la stratégie qu’il compte mener dans ce secteur si
névralgique. Cheikh Tidiane Ndiongue, affirme qu’il y a un manque de clarté des
règles de jeu. Selon cet expert, en amont, il faut un cadre réglementaire tout en
réglant les problèmes d’ordre financier. Cet impair découle des textes qui organisent
le secteur. L’examen de ces textes ne permet pas de savoir exactement quel est le
démembrement de l’Etat chargé de l’élaboration des politiques et de la stratégie,
sans parler de la confusion entre les fonctions de réglementation et de régulation,
estime cet expert. Comme on le constate, le secteur des télécommunications souffre
aujourd’hui de trois handicaps sérieux. A savoir, l’absence de politique et de
stratégie, le manque de clarté des règles et des rôles sur le plan institutionnel et
l’inexistence d’un cadre réglementaire pouvant rendre possible la concurrence

Concernant l’inexistence d’un cadre réglementaire pouvant rendre possible la


concurrence, il faut souligner pour ce handicap, tout le travail non encore effectué, et
qui doit porter sur des questions essentielles. Les conditions techniques, juridiques et
financières ainsi que les délais de mise en œuvre de la sélection appel par appel et
de la présélection du transporteur.
Il y a ensuite, les conditions techniques, juridiques et financières ainsi que les délais
de mise en œuvre de l’accès direct des opérateurs à la boucle locale dont la Sonatel
est propriétaire et pour lequel, il n’est pas possible économiquement, pour un
opérateur, de le répliquer intégralement. 10

Ce monopole prendra donc précisément fin le 19 juillet 2004 sur le plan juridique.
Cependant, dans les faits, ce monopole persistera encore au moins pendant 18
mois, parce que l’Etat n’a pas entamé dans les délais tout le travail nécessaire au
préalable en vue d’apporter des réponses aux questions déjà évoquées, de l’avis de
M. Ndiongue. Ces questions sont assez complexes sur les plans, technique, juridique
et économique. Leurs études aboutissent souvent à la nécessité de procéder à un
choix sur une pluralité d’options et ce dernier peut être différent suivant les acteurs,
qu’il s’agisse d’un opérateur dominant, un opérateur nouvel entrant, ou d’un
fournisseur de services.

L’Etat, en charge de la réglementation, de la régulation du secteur, et dont l’objectif


doit être la constitution d’une maîtrise d’ouvrage exprimant l’ensemble des besoins
du pays et de s’assurer que ces besoins sont bien pris en compte par les différents
acteurs, doit nécessairement décider en toute connaissance de cause et en
s’appuyant sur une consultation organisée et régulière de toutes les parties
intéressées.

La libéralisation de la téléphonie fixe prévue en 2004 ne se fera pas sans la


Sénégalaise des télécommunications (Sentel). La filiale du groupe Millicom
International Cellular Operation est déjà prête pour affronter la Société nationale de
télécommunications (Sonatel) qui détient le monopole. "Le monopole est une
mauvaise chose pour le développement économique, surtout dans les
télécommunications. Il y a différents services que les opérateurs et les fournisseurs
ne peuvent pas offrir aujourd’hui du fait du monopole. Le jour où le monopole sera
derrière nous, les Sénégalais verront des services beaucoup plus performants. Ce ne
sera pas seulement la téléphonie mobile, mais tous les services des
télécommunications seront plus disponibles pour les consommateurs sénégalais",
affirmait Amnon Avissar, directeur général de Sentel Gsm dans les colonnes d’un
journal local. Sentel n’attend que la fin du monopole pour démontrer son savoir-faire
en matière de télécommunications. Tout comme son concurrent, Soatel Mobiles,
Sentel dispose d’un roaming avec une cinquantaine de pays.

Depuis quelques années, une levée de bouclier était perceptible dans le secteur des
télécommunications. Le Secrétaire général d’OSIRIS reste convaincu que depuis que
la Sonatel a été privatisée, elle n’est plus une société sénégalaise, en terme de
capital. Car la majorité du capital est détenue par France Télécom, une société
française.

En termes de capital, même si au plan juridique, c’est une société sénégalaise, il


était quand même anormal qu’on donne, au Sénégal, à une société étrangère privée,
un monopole dans le secteur des télécommunications.

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Olivier Sagna se réjouit de la fin du monopole sur la téléphonie fixe et Internet qui
étaient réservés à la Sonatel.

Des fournisseurs de services Internet qui s’étaient installés ont disparu à cause des
prix exorbitants pratiqués pendant longtemps par la Sonatel. Selon M. Sagna, la
concurrence était faussée car la société de télécommunication faisait des tarifs
préférentiels pour ses propres filiales (Télécom plus, Sonatel multimédias) qui étaient
branchés directement sur ses installations au niveau des installations techniques. Ce
qui faisait, qu’ils avaient une qualité que les autres ne pouvaient pas fournir car ils
étaient obligés de passer par les liaisons spécialisées avec des débits inférieurs.
Donc, les filiales de la Sonatel dans le domaine de l’Internet bénéficiaient de tarifs
préférentiels, de l’expertise technique de la Sonatel, d’un traitement technique
privilégié.

II-2-3 Contexte rural

Le Sénégal est l’un des 20 pays les plus pauvres dans le monde. 154ème sur 174
Etats. Les ménages sont éprouvés. Au sortir d’une enquête basée sur la perception
des populations de leur condition de vie en 2001, il est ressorti des données
recueillies que 67% des ménages sont happés par le cercle vicieux de la pauvreté.
Le taux de croissance était de 1,2% en 2002. Un ratio bien en deçà des prévisions
(5,7%) et de la croissance démographique qui est de l’ordre de 2,7 points.

En milieu rural, indique le sociologue sénégalais Boubakar Ly, la pauvreté se


présente sous la forme de la faiblesse des revenus monétaires, de la baisse du
niveau de l’autoconsommation, des difficultés d’accès au crédit et à la terre, de la
faible couverture des services sociaux, de la lourdeur du travail des femmes, de la
faiblesse du niveau d’instruction… Le revenu annuel moyen enregistré est de 3,5%
inférieur à celui du milieu urbain.11 M. Ly poursuit : « Les sources de revenus dans
les milieux ruraux proviennent d’activités non agricoles, de la solidarité nationale et
des revenus de travailleurs immigrés dans les villes ou à l’extérieur du pays.
L’environnement hostile qui prévaut dans les zones rurales a davantage accéléré le
processus de l’exode rural. Ce qui se traduit tout naturellement par ‘’une ruée vers
des zones plus clémentes’’. C’est ainsi que ‘’faute de pouvoir rester dans les villages
démunis, (bon nombre de ruraux) sont montés ou descendus (c’est selon) non pas
même dans les villes secondaires mais dans la capitale elle-même’’, explique le
sociologue M. Ly.

Le Sénégal est peuplé de 10 millions d’habitants, avec un accroissement annuel de


2,8% et une population urbaine de 41%. Dans le cadre de la concentration urbaine, il
faut dire que la capitale sénégalaise, Dakar, compte quelque 2 millions d’habitants,
soit 21% de la population nationale. Avec une densité d’environ 3000 habitants au
km2, Dakar s’étend sur 525 km2. la forte concentration humaine qui singularise les
villes au Sénégal génère un certain nombre de difficultés qui ont pour noms : la
pauvreté, le chômage, l’insalubrité, l’accès au logement, la prostitution, la banditisme.

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II-2-4 Difficile accès à la téléphonie rurale Quelques exemples

Le cahier des charges signé par France Télécom, l’actionnaire majoritaire de la


Société nationale de télécommunication du Sénégal, prévoyait en 1997 de connecter
976 villages avant 2005. Mais sept ans après ce paraphe et à quelques semaines de
la libéralisation effective sur le fixe, moins de 1000 villages ont été raccordés sur un
total de 13 500. Le Chef du département Ingénierie de la SONATEL, Hadji Maty
Sène affirme que ce chiffre de 976 peu paraître faible par rapport aux 13 500 villages
du pays. En guise d’explication, il invoque les réalités dans nos pays voisins et
estime qu’ ‘’il faut cependant les mettre en regard de nos réalités socio-économiques.
Il suffit de regarder ce qui se fait dans la sous-région pour se convaincre
immédiatement que cet objectif fixé par l’Etat sénégalais est un objectif ambitieux.’’
Le Secrétaire Général d’OSIRIS, Olivier Sagna, pense pour sa part que le rythme de
connexion est lent.

Selon le Chef du département Ingénierie de la SONATEL, l’esprit du cahier des


charges, dans sa partie couverture rurale, était entre autres de permettre à tout
sénégalais d’accéder à une ligne téléphonique à moins de 5 km, donc d’amener le
téléphone à moins d’une heure de marche. Cet objectif devait être atteint en couvrant
également plus de 50% des villages dits centres.

M. Sène estime qu’‘’un nombre significatif de villages est aujourd’hui couvert par la
Sonatel. La liste de l’Etat comportait 976 localités. Aujourd’hui, en terme de nombre
de villages raccordés par la téléphonie fixe, nous avons dépassé ce chiffre. Environ
40% des localités ne figurent pas dans la liste de l’Etat. Il s’agit pour la Sonatel, au
delà des obligations du cahier des charges de l’Etat, de couvrir les zones de
concentration de population pour apporter également le téléphone au plus grand
nombre de sénégalais. Il reste aujourd’hui des villages de la liste de l’Etat à couvrir.
Nous travaillons actuellement au raccordement de ces villages en 2004 et 2005. De
ceci, vous déduirez aisément que la Sonatel dépassera de plus de 40% les objectifs
de l’Etat en 2005. Le rendez-vous est fixé en août 2005 pour une évaluation des
villages couverts par la Sonatel.’’

Alors que dans l’esprit et la lettre des textes, tout sénégalais devait avoir un
téléphone disponible dans un rayon de 5 kilomètres, il faut dire que notre enquête à
l’intérieur du pays nous a permis de savoir qu’on est loin du compte. M. Sagna est
d’avis que la mauvaise occupation de l’espace dans les zones rurales,
l’éparpillement des bourgades, occasionnant l’absence de concentration humaine et
le coût élevé des infrastructures filaires constituent autant de facteurs bloquants pour
une pénétration de la téléphonie en milieu rural.

La démarche de la Sonatel a été de développer une stratégie de couverture du plus


grand nombre de sénégalais tout en respectant ce cahier des charges à l’échéance
de fin juillet 2005. M. Sène explique : ‘’Nous avons donc couvert progressivement à
la fois les villages du cahier des charges, mais aussi des villages dont la population
dépasse une certaine masse. Les chiffres que nous avons indiquent les statistiques
suivantes : environ 13 500 villages dont 4800 environ ont plus de 250 habitants, nous
comptons 2170 localités de plus de 500 habitants. L’élan de couverture du rural ne
s’arrêtera pas pour autant en 2005. Nous sommes dors et déjà engagés dans les
études qui permettront de couvrir d’autres villages. Nous étudions actuellement les
villages de plus de 500 habitants.’’

Alors que des villages se vident de leur population pour aller en ville, avec le
phénomène de l’exode rural, la SONATEL s’est fixé comme objectif principal de
raccorder tous les villages de plus d’un demi millier de personnes.
Pour le moment, la SONATEL a doté de téléphone tous les chefs-lieux de
communauté rurale, mais il reste beaucoup à faire quand on remarque que des
utilisateurs parcourent des dizaines de kilomètres qui pour joindre un parent, qui pour
appeler un médecin…

Mbey : Quand le portable communautaire disparaît comme par enchantement

Le village de Mbey est niché à 40 km du département de Kébémer, région de Louga


à 210 km de Dakar. A l’image de la quasi totalité des villages sénégalais, Mbey est
coupé du reste du monde. Les quatre concessions qui font office de maison sont
occupées par une quarantaine de personnes (femmes, hommes et enfants). Seul le
frère du chef de village a un téléphone portable qu’il a reçu de son neveu vivant en
Italie. Le cordon ombilical qui reliait les habitants est ce portable qui faisait la fierté de
tout un village. Le télécentre le plus proche est distant de 5 km, c’est la communauté
rurale de Ndoyène. Mais le portable qui faisait office de téléphone communautaire a
été volé. Ici hommes et femmes parcourent une demi-dizaine de km sous un soleil de
plomb à travers des pistes impraticables pour appeler un proche ou répondre à un
coup de fil d’un parent. La tâche est dévolue aux enfants.

84 villages suspendus au téléphone de Keur Momar Sarr : Pas de tonalité les


week-ends

Nous sommes toujours dans la région de Louga, dans la communauté rurale de Keur
Momar Sarr. Une cinquantaine d’abonnés, sept (7) télécentres (un local pour vendre
des services de télécommunications. La SONATEL accorde une autorisation à des
personnes physiques ou morales d’ouvrir et d’exploiter des centres de
télécommunication) plantent le décor de cette localité. Selon le directeur de la radio
communautaire, Fm Keur Momar Sarr, il est difficile d’accéder au téléphone le week
end. Pour des raisons liées à une mauvaise couverture téléphonique, le téléphone
fixe n’a plus de tonalité. De l’avis de Ndongo Sarr, qui a le privilège d’accéder au
téléphone à partir des locaux de la radio communautaire, les populations de 84
villages souffrent de ce déficit d’accès à la téléphonie.

Keur Bakary Diop coupé du reste du monde : des enfants chargés de mission
pour relayer la nouvelle

Samba Niang vit dans ce village d’une centaine d’habitants depuis 50 ans. C’est un
ouvrier qui s’active dans la fabrication de matériels agricoles. Au contraire des autres
localités, Keur Bakary ne dispose même pas de téléphone portable. Selon Samba
Niang, il y a quelques années, les habitants du village étaient obligés de faire 15 km
(jusqu’à Kébémer) pour pouvoir joindre un parent. Les besoins téléphoniques se
limitent, à l’en croire, aux avis de décès, aux annonces de baptêmes. Mais depuis
quelque temps, un village voisin, Thiepp, (8km) dispose d’un télécentre. Et avec
l’avènement du portable, dans une autre bourgade distante de 7 km, Missirah Teug,
on ne parle que du mobile de Ndiémé et de Ngagne. Pour la première, son mari lui a
laissé son téléphone portable avant de retourner en Europe, alors que le second a
hérité du sien avec la bénédiction d’un vieil ami. Pour répondre au téléphone, les
enfants sont de véritables chargés de mission. Ils parcourent les sentiers pour alerter
les populations. Certes l’approvisionnement en électricité fait également défaut dans
ces localités, mais l’alternative, quand la batterie du téléphone se vide, est de se
rendre dans certains villages qui sont pourvus en énergie solaire. Comme on le
constate, un outil aussi personnel que le téléphone cellulaire devient un instrument
communautaire de désenclavement d’un village.12

Fatou Thiam est âgée de 45, mais au premier regard on lui en donnerait 30 de plus.
Les vicissitudes de la vie en milieu rural n’y sont pas étrangères. Le visage grave, le
corps décharné, Fatou Thiam n’utilise le téléphone que pour annoncer des
événements heureux ou malheureux aux membres de sa famille installés dans les
autres régions. La cherté du téléphone l’oblige, dit-elle d’ailleurs, à parler de manière
télégraphique au bout du fil. Il y a quelques années, Fatou Thiam parcourait une
quinzaine de km pour conduire ses enfants à l’hôpital de Kébémer. Mais depuis
l’installation du poste de santé de Thiep, les femmes en état de grossesse avancée
tout comme les malades font à peine 7 km pour se rendre chez le médecin.

Koumpentoun, pas de réseau téléphonique au-delà d’un rayon de 10 km

La Communauté rurale de Koumpentoun se situe à 400 km de la capitale. Dans cette


localité, Mamour Mbodji y a installé un télécentre privé depuis une dizaine d’années.
Tous les villages qui ceinturent la localité convergent vers cette dernière pour pouvoir
accéder au téléphone. Mamour Mbodji estime que des gens parcourent quelque 20
km pour téléphoner ou recevoir un appel téléphonique de la part d’un parent ou d’un
ami. Mais le réseau fait cruellement défaut, constate-t-il, au delà d’un rayon de 10
km. C’est à dos d’âne, sur des voitures hippomobiles (charrettes tirées par un
cheval), sur des moto ou des vélos, que les populations empruntent pour joindre le
premier télécentre. Selon le témoignage de Mamour Mbodji, des gens appellent des
autres régions du Sénégal, du Vieux continent, des Etats-Unis au niveau de son
télécentre pour joindre des parents qui sont installés à des dizaines de km de
Koumpentoun. Mamour Mbodji confie que contrairement à certains gérants de
télécentre, il ne fait pas payer la réception de ces appels. Une manière, selon lui, de
gagner davantage la confiance de la clientèle.

Ndèye Laye, la quarantaine sonnée, n’éprouve aucune difficulté pour joindre les
siens. Cette vendeuse de légumes fait à peine quelques… mètres pour répondre à
un coup de fil de ses enfants établis dans les autres parties du pays. Ce privilège, la
malheureuse habitante de Douba (village situé à 5 km de la Communauté rurale de
Koumpentoun) ne l’a pas eu. Au terme de sa grossesse, elle était accompagnée de
son époux pour se rendre au poste de santé de la Communauté rurale. Mais ce
parcours lui aura été fatal. Chemin faisant, elle décède des suites d’un difficile
accouchement. Le bébé ne survivra pas. Selon Ndèye Laye, il faut chercher la raison
dans l’absence d’infrastructures téléphoniques dans la zone qui pourrait permettre de
joindre à tout moment le poste de santé le plus proche.

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A Sadetou, les populations riveraines parcourent 50 km pour accéder au
téléphone le plus proche

Abidouna Diallo gère le télécentre de son père, Ousmane Diallo. Dans la


communauté rurale de Sadetou, les gens parcourent au moins 50 km pour accéder
au télécentre le plus proche. Beaucoup d’appels téléphoniques sont reçus dans cette
zone où la quasi totalité des habitants ont émigré. Selon le jeune gérant, on appelle
principalement du Gabon et des pays européens. Les clients viennent ici le week-
end pour voir leurs parents immigrés. Pour la plupart des usagers, les besoins les
plus pressants ont trait à l’envoi d’argent. Mais au contraire du télécentre de Mamour
Mbodji, un forfait est exigé pour les clients qui reçoivent des appels. Certes, certains
habitants ont reçu des portables de la part de leurs parents de la diaspora, mais le
manque de réseau téléphonique dans cette zone accidentée fait que les portables
élisent domicile au fond d’une valise.

CONCLUSION

La téléphonie rurale mérite qu’on s’y penche davantage, au regard des besoins
pressants exprimés par les populations rurales. Sur le principe, la téléphonie rurale
vit du trafic arrivée. En effet, les considérables revenus issus du trafic international
permettent d’équiper les villages. Mais on constate que c’est le désert. Selon Annie
Chéneau-Loquay, il n’y a pas de péréquation réelle. Dans le trimestriel ‘’Afrique
contemporaine’’, elle explique, dans un article intitulé, ‘’L’Etat africain face aux
nouveaus réseaux de réseaux de télécommunications : les cas du Mali et du
Sénégal’’, que les taxes représentent un tiers des bénéfices de la SONATEL, soit 31
milliards de F Cfas contre 16 milliards de nos francs issus de sa propre activité.
Selon ses prévisions, la baisse des revenus liés à la suppression de la taxe de
répartition occasionne (ra) une perte de ressources parfois considérables pour les
pays les plus pauvres, ceux qui reçoivent plus d ‘appels qu’ils n’en émettent.
C’est ainsi que Annie Chéneau-Loquay fait noter qu’en 2002, quand le marché sera
totalement libéralisé, les Etats-Unis paieront plus que 23 cents au Sénégal pour une
minute de trafic au lieu de 1,8 dollar auparavant.

Selon le Chef du département Ingénierie de la SONATEL, Hadji Maty Sène, la


téléphonie rurale ne bénéficie pas de traitement spécifique, alors que ce segment
exige d’importants investissements. Après avoir posé cette première strate, il faut
s’attaquer à l’exploitation du réseau, glisse-t-il. Il y a un coût à payer dans ce cadre,
quand on sait que, selon les propos de M. Sène, ‘’ces zones sont également difficiles
à exploiter. Un technicien peut parcourir des centaines de kilomètres pour relever un
dérangement. Il y passera une journée entière si la panne nécessite des allers-
retours. Le coût humain, matériel et financier de l’exploitation de l’infrastructure rurale
est sans commune mesure avec celui des zones urbaines.’’ Ces arguments sont
suffisants pour faire dire à notre interlocuteur qu’ ‘’un traitement particulier devrait
avoir sur le rural. Un effort de l’Etat pour alléger les taxes prélevées sur les dépenses
de la Sonatel sur le rural pourrait permettre de raccorder plus de villages.’’

Les opérateurs de téléphonie mettent le doigt sur la non-rentabilité de ce sous-


segment. Selon ce salarié de la SONATEL, ‘’la caractéristique principale de certaines
zones rurales, je pense que l’on peut s’entendre dessus, est d’être à densité de
population faible, de trafic téléphonique faible justifié par une population faible et des
revenus faibles comparés à ceux des zones urbaines. Ceci implique un
investissement conséquent pour aller collecter le trafic téléphonique sur des
distances longues. A cela, il faut ajouter le faible niveau de développement des
infrastructures qui induit des investissements supplémentaires, par exemple en
énergie solaire. Dans ces conditions, la téléphonie rurale n’est bien entendu pas
rentable et doit être subventionnée. Nous avons parfois investi des dizaines de
millions FCFA pour raccorder un village qui ne rapportera pas plus de quelques
centaines de milliers de francs par an. Les réseaux devront être remplacés quelques
années plus tard du fait de l’obsolescence des technologies.’’

Les pouvoirs publics restent timorés, alors que les besoins sont plus que pressants.
M. Sène pense que le téléphone est bien entendu un vecteur de développement
efficace. Selon lui, ‘’la télécommunication, par définition, permet de communiquer à
distance. Elle rend donc d’une part la communication possible quand les distances
sont trop longues et d’autre part, permet de gagner de manière appréciable sur le
temps qu’aurait nécessité un déplacement. Elle permet notamment de gérer les
urgences. L’intérêt pour cela de disposer d’un téléphone est immédiat. Au-delà de ce
rôle, nous notons très souvent dans les correspondances que nous recevons un
besoin crucial de communication avec les populations expatriées. Nous savons tous
que ces expatriés, hormis ce besoin humain de communication avec leur famille,
investissent énormément dans leurs localités d’origine et le téléphone est un moyen
pratique pour piloter ces investissements. Ceci permet aux populations locales
d’attirer ces investissements.’’

Hormis la téléphonie mobile -avec ses obstacles comme le coût de l’appareil,


l’absence de réseaux en certains endroits, le coût élevé des communications, le vol
des appareils et l’équation de la recharge de la batterie liée à la disponibilité de
l’électricité-13 d’autres solutions de sortie de crise existent. Il y a trois années, les
responsables de la société américaine de téléphonie satellitaire Iridium se sont
rendus au Sénégal pour une prospection.
Dans la communauté rurale de Bandia (à une quarantaine de km de Dakar), une
démonstration a été faite sous le regard bienveillant des populations villageoises.
L’imposant téléphone en main, l’antenne orientée sur un point du ciel, le chef du
village était déjà en communication avec un membre de sa famille établi quelque part
dans le Vieux continent. Cette forme de téléphonie, selon Olivier Sagna, est la
technologie idéale. Selon nos bons soins, le dossier serait dans les tiroirs de l’ART.

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Les solutions alternatives : Organisation commerciale intergouvernementale
africaine de communication par satellite (RASCOM)

Cela fait maintenant une dizaine d’années que les pays africains s’étaient regroupés
autour de l’Organisation commerciale intergouvernementale africaine de
communication par satellite créée en 1992 (RASCOM) dans le but de lancer leur
propre satellite qui serait en mesure de raccorder tous les villages. Ce projet est
l’expression de la volonté des gouvernements africains et des opérateurs de
télécommunications de conjuguer leurs efforts en vue de fournir au continent africain
une infrastructure de télécommunications utilisant la technologie spatiale.

Ce projet RASCOM, composé de 44 pays africains, va, non seulement apporter une
réponse globale à tous les besoins en télécommunications identifiés en Afrique, mais
va particulièrement fournir des services de télécommunications à faibles coûts,
faisant ainsi de l’accès universel une réalité en Afrique.

Selon cet expert en télécommunications, M. Maty Sène, le projet RASCOM suit son
cours. A l’en croire, ‘’les dernières communications que nous avons reçues
indiquaient un lancement du satellite à l’horizon de 2006. Il est donc un peu tôt pour
baser une stratégie sur ce projet sachant que les conditions de commercialisation ne
sont pas figées. Il faut savoir que les propositions que nous avons aujourd’hui, de la
part d’autres opérateurs déjà installés, se révèlent très chères comparées aux tarifs
que la Sonatel pratique. Certains opérateurs de satellite nous propose la minute de
communication à un dollar soit environ 550FCFA. Ces solutions ont été installées
dans des pays de la sous-région, comme au Mali, où la minute de communication
par satellite est facturée à 1000 FCA.’’

Selon notre interlocuteur, ‘’voilà qui est révélateur : il existe des zones rurales de la
sous-région ou les populations doivent payer 1000FCFA la minute pour pouvoir
intéresser un opérateur télécoms dans leur zone. Il n’est pas à ma connaissance
aujourd’hui envisagé d’appliquer ces tarifs au Sénégal pour le rural.’’

Cependant l’espoir reste permis, estime M. Sène pour qui ‘’nous fondons cependant
beaucoup d’espoir sur les technologies mobiles en général. Les opérateurs mobiles
GSM par exemple couvrent un nombre important de villages avec une antenne GSM.
Leur installation dans certaines zones devra cependant souvent accompagner celle
de l’électricité courante. En effet, les antennes émettrices GSM sont très
consommatrices d’énergie rendant impossible l’utilisation du solaire. Les groupes
électrogènes imposent des contraintes d’exploitation difficiles à gérer.’’

Tout est fin prêt pour le grand saut des télécommunications high-tech. Selon Annie
Chéneau-loquay, ‘’grâce à des faisceaux hertziens ou avec des systèmes dits à
boucle locale radio, s’offrent des alternatives moins coûteuses.’’ La technologie
satellitaire, à l’image du Réseau Very Small Aperture Technology (VSAT) et la
constellation de satellites comme Iridium et Global Star, de grands espoirs peuvent
être entretenus pour la téléphonie rurale, mais la minute de communication qui
revient à 3 dollars dissuadent plus d’un. Les déclarations d’intention sont restées en
suspens. Les opérateurs occidentaux y voyaient également l’assèchement d’une
manne financière. Pour la bonne et simple raison que la plupart des communications
passaient par un pays européen.

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