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Aperçu des origines

de la géométrie symplectique

Patrick Iglesias-Zemmour∗

Jérusalem, le 18 Décembre 2002

Introduction
Cet article est une brève introduction à l’histoire des origines de la géométrie
symplectique. Comme pour tout fruit de la pensée humaine, la géométrie
symplectique mérite que l’on connaisse la branche et même l’arbre qui le
porte. Séparer le fruit de l’arbre, comme il est malheureusement courant de
le faire dans l’enseignement, aboutit à le flétrir.
La géométrie symplectique s’est imposée comme discipline mathématique à
part entière vers le milieu du vingtième siècle, avec l’apparition de la quanti-
fication géométrique, comme préalable à l’élaboration des bases mathémati-
ques des principes de la mécanique quantique. Les objets modernes de cette
théorie, comme le groupe symplectique linéaire, les variétés symplectiques, les
objets symplectiques fondamentaux : sous-espaces isotropes, lagrangiens, ap-
plication moment, structure symplectique des orbites coadjointes etc... sont
apparus comme les réponses mathématiques aux constructions nécessaires
de la physique du vingtième siècle. Une fois ces objets introduits, l’étude
de leurs relations mutuelles a constitué ce que l’on appelle aujourd’hui la

Je remercie chaleureusement l’Université Hébraı̈que de Jérusalem, qui m’a hébergé
ces derniers mois, pour l’ambiance amicale et studieuse que j’y ai trouvée ; je remercie
mes collègues israéliens, en particulier Yaël Karshon et Gil Kalaı̈, pour m’y avoir invité et
permis de profiter de ce cadre agréable, unique et magique.
géométrie symplectique. En même temps, l’élaboration de cette théorie pour
les fins de la physique quantique, a permis de jeter un regard nouveau sur la
mécanique classique et ses principes, de la dynamique des systèmes de points
à l’optique. La géométrie symplectique est devenue le cadre par excellence
de la mécanique à tel point que l’on peut dire aujourd’hui que ces théo-
ries se confondent (voir par exemple, deux approches différentes [Sou1969]
et [Arn1976, Arn1980]). La géométrie symplectique n’est pas seulement le
langage de la mécanique, elle en est l’essence et la matière.
Pour apprécier le récit des origines d’une théorie il faut en avoir une idée,
ne serait ce qu’élémentaire. La première partie de cet article est consacrée à
une présentation sommaire de la géométrie symplectique et de quelques uns
de ses objets. Une des difficultés majeures de cette géométrie est qu’elle est
peu visuelle, comme peut l’être par exemple la géométrie euclidienne, car elle
évolue en général en grande dimension. En effet, ses objets ne sont pas du
domaine du visible immédiat mais concernent la structure interne, cachée,
des choses comme la gravitation, les mécanismes, l’optique, les particules
élémentaires et autres. Alors, pour en avoir quand même une idée je propose
un parallèle qui présente, en quelque sorte, la géométrie symplectique en
négatif de la géométrie euclidienne.
La deuxième partie de cet article est consacrée à la discussion sur les ori-
gines proprement dites de la géométrie symplectique, dans les travaux de
Lagrange sur les questions de stabilité du système des planètes. C’est entre
1808 et 1811, que Joseph-Louis Lagrange, professeur à l’école Polytechnique,
introduit les premiers éléments de calcul symplectique, dans trois articles
[Lag1808] [Lag1809] [Lag1810], publiés aux comptes rendus de l’Académie,
et enfin dans le deuxième tome de sa Mécanique Analytique [Lag1811], où
son travail à ce sujet prend sa forme aboutie. Cette partie de sa Mécanique
n’a été publiée qu’après sa mort, en 1816.
La troisième partie de cet article est consacrée à une discussion sur une
méprise historique amusante ou consternante : l’utilisation de la lettre H
dans les cours de mécanique moderne désigne ce que l’on a coutume d’ap-
peler le hamiltonien, qui représente l’énergie totale d’un système mécanique,
faisant référence par là à Sir William R. Hamilton, célèbre mathématicien
irlandais du dix-neuvième siècle. Mais, en réalité, Lagrange utilise déjà dans
sa Mécanique la lettre H pour désigner la constante des forces vives, c’est-
à-dire justement l’énergie totale du système, et cette lettre n’est pas choisie
au hasard mais en hommage à Christian Huygens à qui Lagrange attribue le
mérite de cette découverte. Sir Hamilton, à cette époque, n’avait pas encore
commencé sa carrière scientifique, il n’était âgé que de cinq ans.
La quatrième partie de cet article est une discussion sur les mérites respectifs
de Lagrange et de Poisson quant à l’introduction et l’usage des divers crochets
et parenthèses qui apparaissent à la lecture de leurs œuvres, et qui expriment
d’une manière ou d’une autre la nature symplectique de l’espace des solutions
des systèmes de la mécanique analytique.

1 Eléments de géométrie symplectique


Les mathématiciens modernes accordent au mot géométrie un sens différent
que celui que lui donnait les anciens. Après Felix Klein et son Programme
d’Erlangen, on désigne aujourd’hui, par ce terme, l’étude des actions de grou-
pes sur des ensembles. Les ensembles en question sont censés représenter des
objets idéalisés comme les points, les cercles, les droites, ou autres objets que
la notion de groupe fait apparaı̂tre, comme les moments par exemple, et qui
n’ont pas nécessairement de visualisation immédiate naturelle. Rappelons
qu’un groupe est un ensemble G muni d’une loi ∗ de composition possédant
les vertus (axiomes) suivantes :

1. A deux éléments du groupe, a et b on sait associer un troisième noté


a ∗ b, c’est la loi du groupe.

2. Cette loi est associative, c’est-à-dire : le résulat des opérations (a ∗ b) ∗ c


et a ∗ (b ∗ c) est identique.

3. Il existe un élément neutre e dont l’opération sur tout autre élément a


laisse l’élément inchangé : e ∗ a = a ∗ e = a.

4. Tout élément a possède un inverse ā dont l’opération sur a renvoie


l’élément neutre : a ∗ ā = ā ∗ a = e.

Les premiers exemples de groupes sont les groupes de transformations. Par


exemple, le groupe d’Euclide, ou groupe des déplacements euclidiens. Pour
le plan euclidien P , ce groupe est engendré par les translations et les rota-
tions autour d’un centre. Tout objet ou figure géométrique du plan peut
être translaté le long d’un vecteur fixe, et tournée d’un angle donné, autour
d’un centre. L’ensemble de ces transformations constitue le groupe d’Euclide.
Ce groupe est formellement défini comme l’ensemble des transformations af-
fines du plan préservant la distance euclidienne, définie par le théorème de
Pythagore. Supposons donc connue la notion de plan euclidien, de point
et de groupe des déplacements euclidiens. Nous pouvons retouver les ob-
jets géométriques euclidiens plus élaborés, par un jeu sur les symétries des
figures1 .
La symétrie d’une figure du plan euclidien, c’est-à-dire d’un ensemble de
points, est définie comme l’ensemble des transformations euclidiennes du plan
qui laisse cette figure globalement inchangée. Cet ensemble de transforma-
tions euclidiennes constitue un sous-groupe du groupe d’Euclide.

• Les cercles : la symétrie d’un point A du plan est l’ensemble des


rotations autour de A. Mais comme sous-groupe de transformations du
plan cette symétrie a des orbites, c’est-à-dire les ensembles de points
qui se déduisent les uns des autres par l’action de ce groupe. Les
orbites de la symétrie d’un point sont les cercles concentriques à ce
point. Autrement dit, le statut géométrique d’un cercle est d’être une
orbite de la symétrie d’un point.

• La distance : deux points A et B définissent la distance de l’un à


l’autre comme l’orbite du couple (A, B) sur lequel le groupe d’Euclide
agit de la même façon sur chacun des facteurs. Autrement dit, deux
points sont à la même distance que deux autres s’ils peuvent se super-
poser par l’action d’un déplacement. La distance n’est plus un nombre
mais une orbite du groupe d’Euclide agissant sur les couples de points.

• Les droites : la symétrie d’un couple de points distincts (A, B) agis-


sant sur les points du plan sépare ceux-là en deux classes : ceux fixés
par la symétrie et les autres. Les points fixés par la symétrie constituent
la droite ∆ passant par les points A et B. Les droites se retrouvent
1
Ce passage est inspiré de différentes discussions avec Jean-Marie Souriau, à propos
d’une axiomatique du groupe d’Euclide, qui évite la définition préalable de la distance
euclidienne.
donc redéfinies, par ce jeu, comme l’ensemble des point invariants sous
l’action de la symétrie d’un couple de points distincts ; cette symétrie
est le groupe de réflexion par rapport à ∆.

• Les parallèles : la symétrie d’un droite ∆ est engendrée par les


translations le long de cette droite et la réflexion par rapport à ∆.
Ses orbites, dans le plan, sont les droites parallèles à ∆ ; mais, à cause
de la réflexion, elles viennent par deux.

• Les triangles : les triangles équivalents de la géométrie euclidienne


sont les orbites des triplets de points (A, B, C) que l’on souhaitent non
concourants. Les différentes symétries des triangles les partagent en
classes : triangles quelconques, triangles isocèles, triangles équilatéraux.
Deux triangles sont équivalents si les distances respectives entre leurs
sommets sont identiques, c’est le cas d’égalité des triangles.

Ainsi, grâce à ce petit jeu des symétries et des orbites, on peut retouver
l’ensemble des objets traditionnels de la géométrie euclidienne sans faire
appel à autre chose que le groupe des transformations euclidiennes et ses sous-
groupes. Venons en maintenant à la géométrie symplectique et au groupe qui
lui est associé. De la même manière que le groupe d’Euclide est défini par le
groupe des transformations affines qui préservent la distance de Pythagore, le
groupe symplectique du plan est défini comme le groupe des transformations
affines qui préservent la surface signée des triplets de points ou des couples
de vecteurs.
L’aire signée : trois points (A, B, C) du plan définissent un couple de
−→ −→
vecteurs (AB, AC). Considérons un système de coordonnées orthonormées
−→ −→
du plan d’origine A, les deux vecteurs AB et AC sont repérés par des couples
de nombres, respectivement, (x, y) et (x , y  ) (voir figure 1). La surface signée
de ce couple est définie par :
−→ −→
S(AB, AC) = xy  − x y. (1)

C’est la surface du parallélogramme dont les côtés sont portés par les vecteurs
−→ −→
AB et AC, elle est dite signée parce qu’elle s’inverse lorsqu’on permute
−→ −→ −→ −→
les point B et C : S(AB, AC) = −S(AC, AB). Pour se convaincre que
B
y
AB

y' AC C

A x x'

Figure 1: L’aire signée xy  − yx

cette formule donne bien l’aire du parallélogramme en question il suffit de se


rappeler que l’aire d’un parallélogramme est égal à sa base par sa hauteur.
Ensuite, en faisant glisser le parallélogramme le long des directrices pour
le transformer en un rectangle appuyés sur les axes, on obtient facilement
l’expression annoncée.
Cette opération qui à chaque couple de vecteurs du plan, issus d’une même
origine, renvoie l’aire du parallélogramme associé est appelée forme symplec-
tique du plan. Le groupe des transformations linéaires qui préservent cette
forme symplectique est appelé groupe symplectique. De la même manière
que le groupe des transformations euclidiennes est engendré par les rota-
tions et les translations, le groupe symplectique affine est engendré par les
transformations symplectiques linéaires et les translations, les transforma-
tions symplectiques linéaires prennent le rôle des rotations.
Note – C’est Hermann Weyl qui, dans son livre Les Groupes classiques
[Wey1946], choisit ce nom : groupe symplectique. La relation étroite entre
cette structure définie par l’aire signée et la structure des nombres com-
plexes lui fait choisir le mot symplectique [grec sum-plektikos], transposition
de complexe [latin com-plexus], pour désigner ce groupe. Le suffixe plekticos
∼ plexus signifiant tenir, entrelacer... L’idée de complexe, comme symplecti-
que sous-entend l’existence de plusieurs types d’objets (ici deux) maintenus
ensemble dans une même structure. On peut dire, rapidement, que dans un
cas la complexité représente la dualité réel–imaginaire, et dans l’autre la sym-
plecticité représente la dualité position–vitesse. Voilà ce qu’en dit lui même
Weyl [Wey1946, p. 165] :

The name “complex group” formerly advocated by me in allu-


sion to line complexes, as these are defined by the vanishing of
antisymmetric bilinear forms, has become more and more embar-
rassing through collision with the word “complex” in the conno-
tation of complex number. I therefore propose to replace it by
the corresponding Greek adjective “symplectic”. Dickson calls
the group the “Abelian linear group” in homage to Abel who
first studied it.

Que reste-t-il du jeu des symétries, lorsqu’on remplace le groupe d’Euclide


par le groupe des tranformations symplectiques affines ?

• Disparition des cercles : la symétrie d’un point A du plan est l’en-


semble des transformations symplectiques d’origine A. Malheureuse-
ment ce groupe a deux orbites, le point A, fixé, et tout le reste du plan.
En effet, pour tout couple de points différents de A on peut trouver une
transformation symplectique qui fixe A et qui amène l’un sur l’autre.

• Disparition de la distance : Puisque tout couple de points non


confondus est équivalent à tout autre couple de points non confondus,
il n’existe plus de (( distance )) au sens des orbites des couples de points,
par le groupe symplectique affine.

• Les droites : la symétrie d’un couple de points distincts (A, B) agis-


sant sur les points du plan sépare ceux-là encore en deux classes : ceux
fixés par la symétrie et les autres. Les points fixés par la symétrie
constituent la droite ∆ passant par les points A et B. Les droites
(( symplectiques )) survivent donc à ce petit jeu de la symétrie.

• Disparition des parallèles : malheureusement la symétrie d’une


droite n’a que deux orbites, elle même et le reste du plan. Il n’existe
donc pas de notion de parallélisme en géométrie symplectique, analogue
à celle de la géométrie euclidienne.
• Les triangles : les triangles équivalents de la géométrie symplectique
sont les orbites des triplets de points (A, B, C) que l’on souhaitent non
concourants. Naturellement, deux triangles sont équivalents si leur aire
est identique. Il existe donc beaucoup moins de triangles (( différents ))
en géométrie symplectique qu’en géométrie euclidienne. L’égalité des
triangles est réduite à l’égalité des aires.

Voilà donc une illustration sommaire, à travers le prisme de la géométrie


euclidienne, de quelques aspects de la géométrie symplectique. Ce jeu des
symétries et des orbites est certainement le jeu favori des mathématiciens
lorsqu’il s’agit de géométrie. Mais les mathématiciens ne se satisfont pas
du plan, ils généralisent la structure symplectique, introduite plus haut, en
dimension supérieure. Considérons n copies du plan P , soit P n = P ×. . .×P ,
n fois, c’est un espace affine de dimension 2n. Choisissons, dans chaque
copie du plan P trois points (Oi , Bi , Ci ), i variant de 1 à n. Nous avons
ainsi n triangles, pour chacun d’entre eux nous choisissons un sommet : Oi .
−→ −→
Nous avons ainsi n paires de vecteurs du plan (Oi Bi , Oi Ci ). La fonction qui
associe à ces n couples de vecteurs du plan la somme des surfaces signées de
parallélogrammes associés est une structure symplectique sur P n :
−→ −→ −→ −→ 
n −→ −→
Sn ((O1 B1 , O1 C1 ), . . . , (On Bn , On Cn )) = S(Oi Bi , Oi Ci ). (2)
i=1

À cette structure symplectique, en dimension 2n, est associé un nouveau


groupe symplectique linéaire, plus complexe que dans le cas du plan, qui
définit la géométrie symplectique en cette dimension.
Mais cette généralisation est la moindre, les mathématiciens ont affaire non
seulement à des espaces linéaires mais aussi à des espaces plus généraux qu’ils
appellent des variétés. Les variétés (différentielles) ressemblent localement
à des espaces linéaires : chaque point peut être considéré comme l’origine
d’un morceau d’espace affine, avec un système de coordonnées adapté, mais
ce morceau n’est pas l’espace entier et l’ensemble de ces systèmes de co-
ordonnées ne se (( recolle )) pas comme un système de coordonnées affines.
Comme exemple de variétés : les sphères d’un espace euclidien, les tores, l’en-
sembles des droites d’un espace affine, ou encore l’ensemble des triangles, et
d’autres ensembles plus compliqués. La notion de forme symplectique s’étend
aux variétés différentielles, de dimension paire, en supposant l’existence d’une
forme symplectique, comme nous l’avons introduite plus haut, définie sur cha-
que domaine de coordonnées. Les changements de coordonnées, d’un système
à un autre, devant respecter cette structure2 . Comme exemple de variété
symplectique : toute sphère ordinaire de dimension 2, c’est-à-dire l’ensemble
des points, de l’espace à trois dimensions, à égale distance d’une origine3 .
Les tores de dimension paire, l’espace des droites affines d’un espace affine
quelconque. La liste est loin d’être achevée. L’introduction d’un structure
symplectique sur une variété fait apparaı̂tre un groupe de transformations
bien plus grand que les transformations symplectiques affines : le groupe
des symplectomorphismes c’est-à-dire le groupe des transformations différen-
tielles qui préservent infinitésimalement la structure symplectique4 . L’étude
de ce groupe, de ses sous-groupes, est une des préoccupations essentielles de
la géométrie symplectique différentielle.

2 Lagrange et le calcul symplectique


La première structure symplectique de l’histoire des mathématiques est appa-
rue dans les travaux de Lagrange sur la théorie des perturbations des planètes
du système solaire [Lag1808, Lag1809, Lag1810, Lag1811]. Si le problème à
deux corps est résolu de façon entièrement satisfaisante, de façon pratique
et théorique, grâce en particulier aux travaux de Kepler et de Newton, il
n’en va pas de même en ce qui concerne le problème à n-corps, c’est-à-dire
l’étude des mouvements d’un système quelconque de planètes en interactions
mutuelles. La seule méthode d’étude, encore aujourd’hui, reste la méthode
des perturbations. C’est cette méthode que Laplace a utilisée pour démon-
trer, dans certaines conditions d’approximation, la stabilité du grand axe
des planètes. En août 1808, Lagrange expose à l’Académie un mémoire de
Siméon-Denis Poisson [Pois1808] qui perfectionne le résultat de Laplace. La
complexité des calculs qui constituent ce travail incite Lagrange à reprendre
2
La différentielle du changement de coordonnées est en chaque point un élément du
groupe symplectique.
3
La sphère de dimension 2 est la seule sphère de dimension paire à posséder une
structure symplectique.
4
C’est un groupe de dimension infinie.
cette question à la lumière d’une théorie qu’il avait introduite quelques années
auparavant, pour traiter de questions a priori différentes : les solutions parti-
culières d’équations différentielles [Lag1775] [Lag1779]. Cette méthode qu’il
a nommée la méthode de la variation des constantes, a fait apparaı̂tre, sous
sa plume, les premiers éléments de calcul symplectique.
L’idée essentielle de la méthode de la variation des constantes consiste à
représenter le mouvement du sytème réel, qui tient compte des interactions
que nous ne savons pas résoudre explicitement, dans l’espace des solutions du
système où ces interactions sont ignorées. Dans la situation des planètes du
système solaire, attirées par un centre fixe, nous savons résoudre le problème
de chacune des planètes attirées par le soleil, le problème à deux corps, mais
nous ne savons pas le résoudre lorsque nous considérons en même temps les
interactions mutuelles des planètes entre elles.

Le problème à deux corps


Considérons d’abord une planète attirée par un centre fixe : le soleil, selon la
loi de la gravitation universelle. Son mouvement est décrit par une équation
différentielle de degré deux dans l’espace à trois dimensions, il faut donc six
constantes d’intégration5 pour le caractériser. D’après Newton, on sait que la
trajectoire de ce corps est une ellipse6 , dont le foyer est le centre d’attraction7 .
Pour décrire complètement cette ellipse il faut d’abord connaı̂tre le plan
dans lequel elle s’inscrit : le plan de l’orbite, pour le repérer il faut deux
paramètres. Pour définir l’ellipse dans son plan on peut choisir la position
du deuxième foyer, ce qui donne deux nouveaux paramètres, et le périmètre
de l’ellipse8 , soit au total : cinq paramètres pour situer et décrire la trajectoire
5
À cette époque on disait constantes d’intégration quand nous parlons aujourd’hui
d’espace de solutions. Par exemple, l’équation différentielle ordinaire réelle dx/dt = x a
toutes ses solutions de la forme x(t) = c exp(t), où c est une constante arbitraire — la
fameuse constante d’intégration. Or c caracactérise justement cette solution.
6
Nous ne parlons pas des comètes pour lesquelles les trajectoires peuvent être parabo-
liques ou hyperboliques.
7
Si Kepler a découvert le mouvement elliptique des planètes, c’est Newton qui l’a
(( déduit )) de la loi de la gravitation universelle qui porte son nom. Pour une discussion
plus approfondie sur ce sujet voir la thèse de F. de Gandt [dG1987].
8
Il est possible maintenant de tracer l’ellipse par la méthode du jardinier.
du corps dans l’espace.
Mais si ces cinq paramètres suffisent à définir complètement la trajectoire
du corps céleste, ils ne suffisent pas à déterminer son mouvement. En effet,
comment déterminer la position de la planète à chaque instant sur sa tra-
jectoire si on ne connait pas sa position à une origine des temps arbitraire ?
ou encore la date de son passage à l’aphélie ? Voilà comment s’introduit ce
sixième paramètre que les astronomes appellent l’époque.
Dans sa Mécanique, Lagrange choisit les six éléments képleriens (a, b, c, h, i, k),
où a est la valeur du demi-grand axe (l’inverse de la constante des forces vives
au signe près), b le paramètre de l’ellipse (qui est le carré du moment cinéti-
que), c l’époque. Les éléments h, i et k déterminent le plan de l’orbite et l’axe
de l’ellipse dans ce plan : i est l’inclinaison du plan de l’orbite par rapport
à un plan de référence, h est la longitude des nœuds, c’est-à-dire l’angle que
fait la trace du plan de l’orbite sur le plan de référence (la ligne des nœuds),
et k est la longitude du périhélie, c’est-à-dire l’angle que fait l’axe de l’ellipse
avec la ligne des nœuds.
On pourrait tout aussi bien choisir six autres paramètres : par exemple les
position et vitesse initiales de la planète à l’origine des temps. Ils définissent
aussi, de façon unique, le mouvement de la planète. Seul le caractère prati-
que de tel ou tel ensemble de paramètres peut justifier un choix ou l’autre.
Les astronomes appellent ces paramètres, qui servent à caractériser le mouve-
ment : les éléments képleriens de la planète. L’ensemble des mouvements de
la planète considérés indépendamment du choix des paramètres qui servent
à les décrire est appelé espace des mouvements képleriens et noté K, pour les
modernes c’est une variété.

La méthode de la variation des constantes


Voici les principes de la méthode de la variation des constantes telle qu’elle a
été introduite par Lagrange : lorsque la planète suit un mouvement képlerien,
son état est complètement caractérisé par les 6 éléments de son orbite qui
définissent, nous l’avons dit, à la fois la figure de l’ellipse et sa loi horaire. Ce
mouvement est un point m de l’espace K. Supposons alors que la planète,
qui suit le mouvement képlerien m, subisse un choc instantané dû à l’impact
d’un astéroı̈de. Après le choc, elle suivra un nouveau mouvement képlerien m
Figure 2: Méthode de la variation des constantes

différent du précédent. C’est une autre ellipse9 parcourue selon une nouvelle
loi horaire. Le mouvement, perturbé, de cette planète est donc décrit par son
mouvement m avant le choc, son mouvement m après le choc et l’instant t
du choc. Supposons ensuite que la planète subisse une série de chocs de ce
type. Le mouvement réel de la planète est donc décrit par une courbe dans
l’espace des mouvements képleriens, discontinue et constante par morceaux,
chaque morceau de courbe décrivant le mouvement képlerien de la planète
entre deux chocs successifs. Suivant ce raisonnement, Lagrange interprète
l’interaction des autres planètes du système solaire comme une série infinie
de chocs (( infiniments petits et continuels )). Il décrit ainsi le mouvement
réel de la planète perturbée par une courbe, maintenant différentiable, tracée
dans l’espace des mouvements képleriens. C’est ce que représente, de façon
rudimentaire, la figure 2. Voici ce qu’en dit Lagrange exactement [Lag1811,
tome II, p.58] :

(( Un des premiers et des plus beaux résultats de la Théorie de


Newton, sur le système du monde, consiste en ce que toutes les
orbites des corps célestes sont de même nature, et ne diffèrent
entre elles qu’à raison de la force de projection que ces corps peu-
vent être supposés avoir reçue dans l’origine des choses. Il suit de
là que, si une planète ou une comète venait à recevoir une impul-
sion étrangère quelconque, son orbite en serait dérangée ; mais il
9
Si le choc n’a pas été trop violent !
n’y aurait que les éléments, qui sont les constantes arbitraires de
l’équation, qui pourraient changer : c’est ainsi que l’orbite circu-
laire ou elliptique d’une planète pourrait devenir parabolique ou
même hyperbolique, ce qui transformerait la planète en comète.
Il en est de même de tous les problèmes de Mécanique. Comme
les constantes arbitraires introduites par les intégrations dépen-
dent de l’état initial du système, qui peut être placé dans un
instant quelconque, si l’on suppose que les corps viennent à re-
cevoir pendant leur mouvement des impulsions quelconques, les
vitesses produites par ces impulsions étant composées avec les vi-
tesses déjà acquises par les corps, pourront être regardées comme
des vitesses initiales, et ne feront que changer les valeurs des
constantes.
Et si au lieu d’impulsions finies, qui n’agissent que dans un ins-
tant, on suppose les impulsions infiniment petites, mais dont l’ac-
tion soit continuelle, les mêmes constantes deviendront tout à fait
variables, et serviront à déterminer l’effet de ces sortes de forces,
qu’il faudra regarder comme des forces perturbatrices. ))

Les crochets et parenthèses de Lagrange


Le mouvement d’une planète attirée par un centre fixe et perturbé par
l’interaction d’autres planètes se traduit donc par une courbe sur l’espace
des éléments képleriens. C’est cette courbe qu’il s’agit de déterminer, et
d’en extraire éventuellement quelques renseignements, comme la stabilité du
grand axe. Reprenons le discours de Lagrange : supposons donc que la
planète subisse de façon continue une série de chocs infiniment petits. Ces
chocs se traduisent par une variation instantanée de la vitesse, au point
d’impact. Si on désigne par a un élément quelconque de la planète (par
exemple le demi grand axe), on pourra écrire10 :

da ∂a dv  3
∂a dvi
= = i
, (3)
dt ∂v dt i=1 ∂v dt

10
On note ∂a/∂r l’application linéaire tangente de r → a.
où v = (v1 , v2 , v3 ) représente la vitesse instantanée de la planète. En
remarquant que le vecteur dv/dt représente exactement la force perturbatrice
X exercée sur la planète à l’instant t au point r = (r1 , r2 , r3 ), la variation
infinitésimale de l’élément a, sous l’effet de la perturbation, peut s’exprimer
à nouveau :
da ∂a 3
∂a i
= X= i
X. (4)
dt ∂v i=1 ∂v

Où les X i sont les composantes de la force pertubatrice. Le mouvement


réel est ainsi décrit par la courbe intégrale de cette équation, tracée dans
l’espace des éléments de la planète. Cette famille d’ellipses est appelée famille
d’ellipses osculatrices du mouvement perturbé.
Supposons maintenant que la force perturbatrice X dérive d’un potentiel Ω,
autrement dit que :
∂Ω ∂Ω
X= i.e. X i = i = 1, 2, 3, (5)
∂r ∂ri
et que ce potentiel de perturbation Ω ne soit fonction que de r. Ce qui,
exprimé autrement :
∂Ω ∂Ω
= 0 i.e. = 0 i = 1, 2, 3, . (6)
∂v ∂vi
Nous ne changeons donc rien en écrivant :

da  3
∂a ∂Ω ∂a ∂Ω
= i i
− i i. (7)
dt i=1 ∂v ∂r ∂r ∂v

C’est maintenant, avec cette transformation astucieuse de Lagrange11 , que


l’histoire commence, d’où est sortie la géométrie symplectique. Mais allons
un peu plus loin : puisque l’application (t, r, v) → (t, a, b, c, h, i, k) est un
difféomorphisme12 , le potentiel de perturbation peut être considéré aussi bien
11
C’est pour simplifier les calculs de ses premiers mémoires que Lagrange utilise cette
astuce dans sa Mécanique. En effet cette remarque lui évite de longs développements qui
justifient l’élimination de termes symétriques dans l’expression de la variation de l’élément
képlerien a.
12
Une correspondance bi-univoque bi-différentiable.
comme une fonction de r que comme une fonction du temps t et des éléments
(a, b, c, h, i, k) de la planète. En remplaçant l’expression des :

∂Ω ∂Ω ∂a ∂Ω ∂b
i
= i
+ + etc., (8)
∂r ∂a ∂r ∂b ∂ri
et des :
∂Ω ∂Ω ∂a ∂Ω ∂b
i
= i
+ + etc., (9)
∂v ∂a ∂v ∂b ∂vi
dans l’équation (7), nous obtenons une nouvelle expression de da/dt :

da ∂Ω ∂Ω
= (a, b) + (a, c) + etc. (10)
dt ∂b ∂c
où les parenthèses (a, b), (a, c), . . . , introduites par Lagrange, sont les fonc-
tions de (t, r, v) définies par :


3
∂a ∂b ∂b ∂a
(a, b) = i i
− . (11)
i=1 ∂v ∂r ∂vi ∂ri

Il en est de même pour les autres parenthèses, au nombre de quatorze puisque


on peut déjà constater que (a, b) = −(b, a) etc.. Les termes ∂Ω/∂a, ∂Ω/∂b,
etc... intervenant dans cette formule, peuvent être considérés, ainsi que
les présentent Lagrange, comme les forces de perturbations rapportées aux
variables (a, b, c, h, i, k). Les coefficients des forces de perturbation exprimées
dans les variables (a, b, c, h, i, k), sont appelés aujourd’hui parenthèses de
Lagrange13 .
L’expression formelle (4) de la variation da/dt est beaucoup plus simple
que celle (10) à laquelle nous avons abouti après toutes ces transformations.
On peut se demander quel est l’intérêt d’effectuer ces transformations. La
réponse est contenu dans le théorème suivant de Lagrange, où l’on considère
la transformation (t, r, v) → (t, a, b, c, h, i, k).

Théorème (Lagrange). Les parenthèses (a, b), (a, c), etc. considérées
comme des fonctions de (t, a, b, c, h, i, k) ne sont fonction que des éléments
(a, b, c, h, i, k).
13
et parfois même appelés crochets de Poisson, voir paragraphe 4.
À ce propos Lagrange écrit exactement [Lag1811, volume II page 73] :

(( Ainsi la variation de a sera représentée par une formule qui


ne contiendra que les différences partielles de Ω par rapport à b,
c, etc., multipliées chacune par une fonction de a, b, c, etc., sans
t. Et la même chose aura lieu à l’égard des variations des autres
constantes arbitraires b, c, h, etc. ))

Lagrange fait remarquer aussitôt que la formule (10) donnant l’expression de


la variation des éléments de la planète en fonction des forces de perturbations
s’inverse, et note :
∂Ω db dc
= [a, b] + [a, c] + etc., (12)
∂a dt dt
où les crochets [a, b], [a, c], . . . , ne sont eux-mêmes fonctions que des éléments
(a, b, c, h, i, k), et sont explicitement donnés par :

3
∂ri ∂vi ∂vi ∂ri
[a, b] = − , etc.. (13)
i=1 ∂a ∂b ∂a ∂b
Dans cette dernière équation les vecteurs r et v sont considérés comme
fonctions de t et des éléments (a, b, c, h, i, k).

La structure symplectique de l’espace des mouvements


képleriens
Comme le souligne Lagrange dans son théorème, les parenthèses (a, b), (a, c),
(a, i). . . et les crochets [a, b], [a, c], [a, i]. . . , sont donc fonctions seulement
des éléments képleriens a, b, c, h, i, k, ils sont donc biens définis sur l’espace
des mouvements képleriens de la planète et pas seulement sur l’espace des
conditions initiales (t, r, v), ils définissent, sur cette variété, ce qu’en terme
moderne on appelle une structure, caractérisée par les trois propriétés remar-
quables suivantes :

1. Ils sont anti-symétriques :


[a, b] = −[b, a], [a, c] = −[c, a], etc., (14)
2. La matrice ω définie par la famille de crochets :

ωab = [a, b], ωac = [a, c], etc., (15)

est inversible, et son inverse est la matrice des parenthèses de Lagrange :


   
ω −1 = (a, b), ω −1 = (a, c), etc.. (16)
ab ac

3. Pour tous les triplets d’éléments (a, b, c), (a, b, h), . . . , (i, h, k) l’équa-
tion aux dérivées partielles suivante est vérifiée :
∂[b, c] ∂[c, a] ∂[a, b]
+ + = 0, etc.. (17)
∂a ∂b ∂c

Ces trois propriétés font de la matrice ω une forme symplectique sur l’espace
K des éléments képleriens. L’aire signée est donnée par

ω(m)(X, Y ) = ωij (m)X i Y j , (18)
i,j

où m est un point de l’espace K, X = (X 1 , X 2 , X 3 ), Y = (Y 1 , Y 2 , Y 3 ) sont


deux vecteurs tangent en m à K. La troisième condition, que Lagrange
n’évoque pas, est équivalente par le théorème de Darboux à l’existence de
cartes locales dans lesquelles la forme symplectique est constante, et donnée
par une formule du type 2. Ce n’est que plus tard que l’importance de cette
condition apparaı̂tra avec la formalisation du calcul différentiel. Du point de
vue de la mécanique cette dernière propriété est la conséquence de l’existence
d’un potentiel de la force d’attraction gravitationnelle.
Lagrange a calculé explicitement la valeur de ces crochets, c’est-à-dire les
composantes de la forme symplectique, qui sont au nombre de quinze. Il en a
donné les expressions dans diverses cartes de l’espace des mouvements képle-
riens, c’est-à-dire pour divers choix d’éléments képleriens caractérisant les
mouvements de la planète. Il n’y a pas grand intérêt à donner ici l’ensemble
de ces expressions que l’on peut trouver dans [Lag1808] et [Lag1811].

Remarque. Dans sa mécanique, Lagrange note que l’on peut toujours choi-
sir les positions et les vitesses à un instant donné, comme constantes d’intégra-
tion, plutôt que les éléments de la planètes. L’expression des parenthèses et
des crochets s’en trouve alors notablement simplifiée. En effet dans ce cas
les seuls crochets non nuls sont :

[vi , ri ] = 1, i = 1, 2, 3. (19)

Cest l’expression de la forme symplectique canonique définie par la formule 2


sur (R2 )n . Mais Lagrange, même s’il dit qu’(( il y aurait toujours de l’avantage
à utiliser ces constantes à la place des autres constantes a, b, c, etc. ))
[Lag1811, volume II, page 76], n’utilisera pratiquement pas ces coordonnées
canoniques. Il faut noter, en particulier, que la carte (a, b, c, h, i, k) n’est pas
canonique.

Le point de vue moderne de la méthode de Lagrange


Revenons à la méthode de la variation des constantes telle qu’elle est présentée
plus haut, et en particulier à la formule 3. Nous pouvons en donner une
présentation qui justifie cette méthode du point de vue moderne. Considérons
l’espace Y des conditions initiales du système étudié, c’est-à-dire l’espace des
triplets y = (t, r, v) où t ∈ R, r ∈ R3 − {0} et v ∈ R3 . Les solutions de
l’équation différentielle
dr dv r
= v et = − 3 + X, (20)
dt dt r
sont les courbes intégrales du feuilletage défini sur Y par :
 
1
 
y → R · ξ avec ξ =  v . (21)
−r/r + X
3

Le vecteur ξ se décompose en ξ0 + χ :
   
1 0
   
ξ0 =  v  et χ =  0  . (22)
−r/r3 X

L’espace des mouvements képleriens est l’espace quotient K = Y /R·ξ0 , c’est-


à-dire l’espace des courbes intégrales du feuilletage y → R · ξ0 . Considérons
mouvement non perturbé

Y K
dm
dt
y
m

mouvement perturbé

Figure 3: Projection de Y sur K

alors une feuille du feuilletage y → R · ξ passant par y = (t, r, v). Cette


courbe se projette sur l’espace des mouvements képleriens K, son équation
est alors :
dm ∂m ∂m ∂m
= (ξ) = (ξ0 ) + (χ), (23)
dt ∂y ∂y ∂y
où ∂m/∂y désigne l’application linéaire tangente à la projection π : y → m
de Y sur son quotient. Or, par construction (∂m/∂y)(ξ0 ) = 0, il reste donc
dm/dt = (∂m/∂y)(χ). La figure 3 illustre parfaitement cette construction.
C’est la famille d’équations (4). Enfin, transformée en la famille d’équations
(10), elle s’exprime encore, en termes mathématiques actuels :

dm
= ω −1 (dΩ), (24)
dt
où dΩ désigne la différentielle de Ω. Par analogie avec le cas euclidien, comme
ω est inversible, on appelle gradient symplectique de la fonction Ω le champ
de vecteurs ω −1 (dΩ). L’équation différentielle qui décrit la variation des
constantes devient après ces conventions de langage :
dm
= grad(Ω). (25)
dt
L’évolution du mouvement m, perturbé par le potentiel Ω, est donc la courbe
intégrale du gradient symplectique du potentiel de perturbation.
Application à la stabilité séculaire du grand axe
Illustrons cette construction par ce pour quoi elle a été inventée, c’est-à-dire le
théorème de Lagrange sur la stabilité du grand axe des planètes. Appliquons
la formule 12 à l’époque c :
∂Ω da db dk
= [c, a] + [c, b] + · · · + [c, k] . (26)
∂c dt dt dt
Lagrange a calculé la valeur de ces crochets, il a montré que les crochets [c, b],
[c, h], [c, i], [c, k] sont nuls et qu’il ne reste que :
1 ∂Ω 1 da
[c, a] = − d’où =− 2 . (27)
2a2 ∂c 2a dt
Mais le demi-grand axe a est égal à −1/f , où la constante des forces vives f
est le double de l’énergie H du mouvement képlerien, on obtient :
dH ∂Ω
=− . (28)
dt ∂c
Cette formule est en réalité très générale et Lagrange l’établit pour tous les
problèmes de mécanique analytique conservatifs [Lag1809].
Comme nous l’avons déjà dit, le potentiel de perturbation Ω (fonction de r)
est considéré comme fonction de t et des éléments képleriens (a, b, c, h, i, k).
Mais le temps n’intervient dans Ω que par t − c : Ω est fonction de (a, b, t −
c, h, i, k). En effet, dans les coordonnées du plan de l’orbite, en prenant pour
axe des x l’axe du vecteur excentricité, et en posant r = (x, y), on a les
formules explicites :

b √
x=a 1− + a cos(θ) et y = ab sin(θ), (29)
a
où θ est l’anomalie excentrique. En notant φE la fonction :

b
φE : θ → θ − E sin(θ) avec E = 1− . (30)
a
Cette fonction est inversible (car E < 1) et on obtient :

 √ 
b t−c t−c
x=a 1− + a cos φ−1
E et y = ab sin φ−1
E . (31)
a a3/2 a3/2
On en déduit, d’une part, une nouvelle expression pour la formule 28 donnant
la variation de l’énergie H :
dH ∂Ω
= , (32)
dt ∂t
et on constate, d’autre part, que la fonction Ω est périodique en t − c,
de période 2πa3/2 (formules 31). Le potentiel peut se développer alors en
série trigonométrique. Il est intéressant de noter ce que Lagrange écrit
explicitement à ce propos [Lag1808, pages 735–736] :

(( comme les valeurs des coordonnées peuvent être réduites en


série de sinus et cosinus, il est facile de voir que la fonction Ω
pourra être réduite en une série de sinus et cosinus ; ces sinus et
cosinus ayant pour coefficients des fonctions des éléments a, b, c,
etc. ))

Ce que nous exprimons aujourd’hui de la façon suivante :


 ik(t − c)
Ω= Ak exp . (33)
k a3/2

Les coefficients Ak étant des fonctions seulement des éléments de l’orbite a,


b, h, i, k, l’équation (32) devient alors :
dH  ikAk ik(t − c)
= 3/2
exp . (34)
dt k=0 a a3/2

Ainsi que l’énonce Lagrange : la première approximation consiste à regarder


dans la fonction Ω tous ces éléments comme constants [Lag1808, page 736]
— i.e. à considérer, à l’intérieur des fonctions Ak , les éléments de l’orbite
comme constants. Sans vouloir commenter la validité de cette affirmation,
on obtient ensuite par intégration :
 ik(t − c)
H(t) ∼ H0 + Ak exp . (35)
k=0 a3/2

ce premier ordre d’approximation, la fonction H ne contient pas de terme


linéaire en t, qu’on appelle le terme séculaire, mais seulement des termes
périodiques. Laissons à Lagrange le soin de conclure [Lag1808, page 736] :
Théorème (Lagrange). Les grands axes des planètes ne peuvent être
sujets qu’à des variations périodiques, et non à des variations croissant
comme le temps.

Ce théorème n’est qu’une application des méthodes de la variation des cons-


tantes introduites par Lagrange. Il ne concerne, tel qu’il est présenté ici,
que la première approximation (démontré la première fois, mais par d’autres
méthodes, par Laplace en 1773). Son véritable théorème sur la stabilité
séculaire des grands axes des planètes (où il étend véritablement le résultat
de Laplace) est plus délicat car il prend en compte le mouvement de toutes
les planètes (consulter par exemple [Ste1969]).
L’importance de cette nouvelle méthode introduite par Lagrange, outre qu’elle
formule de façon élégante les principes de la mécanique analytique — en in-
troduisant la structure symplectique de l’espace des mouvements képleriens
— facilite aussi le calcul des autres inégalités14 . C’est ce qui la rendra célèbre
puisque Lagrange montrera que la variation de l’angle du périhélie de Jupi-
ter, observée par les astronomes (mais non encore expliquée à l’époque),
est périodique. Il en calculera la période (∼ 900 ans si on croit Sternberg
[Ste1969]).

Les insuffisances de la méthode


La partie la plus douteuse du travail de Lagrange concerne sûrement la mé-
thode d’approximation utilisée. Il est intéressant de souligner, qu’hormis
éventuellement les méthodes d’approximation, les conclusions de Lagrange
sont tout à fait légitimes du point de vue de la rigueur mathématique actuelle.
En ce sens les transformations qu’il apporte aux équations initiales peuvent
paraı̂tre sans grande utilité puisque celles qu’il obtient leurs sont absolument
équivalentes. Laissons-le parler :

(( Ainsi on peut regarder les équations précédentes entre les nou-


velles variables a, b, c, etc. comme les transformées des équations
en x, y, z ; mais ces transformations seraient peu utiles pour la
14
C’est ainsi qu’on appelait les variations des éléments de l’orbite dues aux perturbations
extérieures.
solution générale du problème. Leur grande utilité est lorsque la
solution rigoureuse est impossible, et que les forces perturbatrices
sont très petites ; elles fournissent alors un moyen d’approxima-
tion. )).

Et, c’est un fait. Mais la justification de ces méthodes emploiera un grand


nombre de mathématiciens après lui et non des moindres. Poincaré soulignait
dans l’introduction de sa célèbre Nouvelle mécanique céleste [Poin1892] :

(( Ces méthodes qui consistent à développer les coordonnées des


astres suivant les puissances des masses, ont en effet un caractère
commun qui s’oppose à leur emploi pour le calcul des éphémérides
à longue échéance. Les séries obtenues contiennent des termes dits
séculaires, où le temps sort des signes des sinus et cosinus, et il
en résulte que leur convergence pourrait devenir douteuse si l’on
donnait à ce temps t une grande valeur.
La présence de ces termes séculaires ne tient pas à la nature
du problème, mais seulement à la méthode employée. Il est
facile de se rendre compte, en effet, que si la véritable expression
d’une coordonnée contient un terme en sin αmt, α étant une
constante et m l’une des masses, on trouvera quand on voudra
développer suivant les puissances de m, des termes séculaires
αmt − α3 m3 t3 /6 + · · · et la présence de ces termes donnerait une
idée très fausse de la véritable forme de la fonction étudiée. ))

Cette objection est sans nul doute très pertinente et a conduit, notamment
grâce aux travaux de Poincaré, au développement de la géométrie symplec-
tique – en particulier en ce qui concerne son application à la mécanique.
De nouvelles théories sont nées comme par exemple la théorie des systèmes
complètement intégrables et de leur perturbation qui a donné le fameux théo-
rème15 de Kolmogorov – Arnold – Moser, sur la stabilité de nombreux mou-
vements après perturbation (voir [Arn1976] [Arn1980])
15
Théorème difficile.
3 La lettre H
Dans les manuels actuels de mécanique analytique, la lettre H désigne tra-
ditionnellement une fonction appelée hamiltonien et qui représente l’énergie
totale du système étudié, somme de son énergie cinétique et du potentiel des
forces d’interaction. Cette notation est ainsi présentée comme un hommage
des modernes à Sir William R. Hamilton, célèbre mathématicien irlandais
du dix-neuvième siècle. Mais cette interprétation est erronée et résulte d’un
malentendu historique. Ainsi que le fait remarquer Souriau dans ses divers
textes sur la mécanique symplectique [Sou1986], c’est Lagrange qui désigna
pour la première fois, par la lettre H, la constante des forces vives16 ; non
comme un hommage à Sir W.R. Hamilton mais à Christian Huygens. Que
ces deux grands mathématiciens : Huygens et Hamilton partagent la même
initiale a conduit à ce malheureux malentendu. Le hamiltonien devrait être
ainsi renommé : Huygensien !
Chacun peut vérifier que dans sa Mécanique Analytique, Lagrange désigne
bien par la lettre H la constante des forces vives. On peut y lire, à l’article
33, page 268 [Lag1811, tome I, seconde partie, deuxième édition] :

(( L’équation précédente devient


 
dxd2 x + dyd2 y + dzd2 z
S + dΠ m = 0
dt2

dont l’intégrale est


 
dx2 + dy 2 + dz 2
S +Π m=H
2dt2

dans laquelle la lettre H désigne une constante arbitraire, égale


à la valeur du premier membre de l’équation à un instant donné.
Cette dernière équation renferme le principe connu sous le nom
de Conservation des forces vives. En effet, dx2 +dy 2 +dz 2 étant le
16
Si la force vive désigne le double de l’énergie cinétique, la constante des forces vives,
elle, représente l’énergie totale.
dx2 +dy 2 +dz 2
carré de l’espace que le corps parcourt dans l’instant dt,
dt2
dx2 +dy 2 +dz 2
sera le carré de sa vitesse et m sa force vive. Donc
dt2
dx2 +dy 2 +dz 2
S m sera la somme des forces vives de tous les corps,
dt2
ou la force vive de tout le système ; et l’on voit par l’équation dont
il s’agit, que cette force vive est égale à la quantité 2H − 2SΠm,
laquelle dépend simplement des forces accélératrices qui agissent
sur les corps, et nullement de leur liaison mutuelle, de sorte que
la force vive du système est à chaque instant la même que les
corps auraient acquises si, étant animés des mêmes puissances,
ils s’étaient mus librement chacun sur la ligne qu’il a décrite.
C’est ce qui fait donner le nom de Conservation des forces vives
à cette propriété du mouvement. ))

Le principe des forces vives

C’est dans ce texte, même pas dans les articles fondateurs [Lag1808, Lag1809,
Lag1810] de La Dynamique17 , qu’apparaı̂t pour la première fois la lettre H
pour désigner la constante des forces vives, c’est-à-dire l’énergie totale du
système. Nous continuons à observer cette convention mais avec une idée
érronée de son origine.
Le Principe de conservation des forces vives est maintenant connu sous le
nom de Théorème de conservation de l’énergie ; mais ce changement de
dénomination cache un glissement sémantique, justement suggéré par l’ap-
parition de cette constante. En effet, comme on le voit clairement dans
l’équation précédente, et comme il est exprimé (suggéré sans être dit) : la
force vive n’est évidemment pas conservée ! La tentative de justification de
cette (( conservation )) reste confuse, et la question n’est vraiment réglée
qu’avec l’introduction, par Lagrange, de la constante d’intégration H.
Comme on peut le vérifier aussi, à la date de parution de cet ouvrage, en
17
seconde partie de La Mécanique Analytique.
1811, Hamilton n’avait que cinq ans. Le fait est indéniable : même s’il a
été un enfant prodige, H n’est pas pour Hamilton, mais Lagrange n’explique
pas, à cet endroit du texte (tome I, seconde partie, article 33), la raison de
son choix. Il faut aller chercher ailleurs ses motivations. Précisement dans
l’Introduction à la Seconde Partie de la Mécanique, Première Section : Sur
les principes de la dynamique. Outre son intérêt immédiat, sa lecture va
éclairer ce petit mystère. Voici ce qui est écrit à l’article 14 de la première
section de la seconde partie du tome I de la mécanique de Lagrange :

(( Le premier de ces quatre principes, celui de la conservation


des forces vives, a été trouvé par Huygens, mais sous une forme
un peu différente de celle qu’on lui donne présentement ; et nous
en avons déjà fait mention à l’occasion du problème des centres
d’oscillations.
...
Ainsi le principe de Huygens se réduit à ce que, dans le mouve-
ment des corps pesants, la somme des produits des masses par les
carrés des vitesses à chaque instant est la même soit que les corps
se meuvent conjointement d’une manière quelconque, ou qu’ils
parcourent librement les mêmes hauteurs verticales.
...
Il [Huygens] donna ainsi à ce principe le nom de conservation des
forces vives, et il s’en servit avec succès pour résoudre quelques
problèmes qui ne l’avaient pas encore été, et dont il parvenait
difficile de venir à bout par des méthodes directes. ))

Le centre d’oscillation du pendule composé

Au nombre des problèmes, résolus par Huygens grâce au principe de conser-


vation des forces vives, le plus important pour notre propos est celui du
Centre d’Oscillations. Ce problème fut posé à Huygens par le très savant
Mersenne (dixit Huygens [Huy1673, page 90 de l’édition originale, citation
extraite de la traduction française]) :

Le très savant Mersenne me proposa jadis, presqu’encore enfant,


et à de nombreux autres, la recherche du Centre d’Oscillations ou
d’Agitation, question tout à fait fameuse parmi les Géomètres de
ce temps. . .

Il s’agissait de déterminer le pendule simple isochrone à un pendule composé.


C’est-à-dire le pendule simple dont le battement est identique à celui d’un
pendule composé donné. Laissons de nouveau à Lagrange le soin de nous
exposer le problème [article 7 de la première section de la seconde partie du
tome I de l’ouvrage sus-cité] :

(( Un fil considéré comme une ligne inflexible, sans pesanteur et


sans masse, étant attaché par un bout à un point fixe, et chargé
à l’autre bout d’un petit poids qu’on puisse regarder comme
réduit à un point, forme ce qu’on appelle un pendule simple ;
et la loi des vibrations de ce pendule dépend uniquement de sa
longueur, c’est-à-dire de sa distance entre le poids et le point de
suspension. Mais si à ce fil on attache encore un ou plusieurs
poids à différentes distances du point de suspension, on aura
alors un pendule composé, dont le mouvement devra tenir une
espèce de milieu entre ceux des différents pendules simples que
l’on aurait, si chacun de ces poids était suspendu seul au fil. Car la
force de gravité tendant d’un côté à faire descendre tous les poids
également dans le même temps, et de l’autre l’inflexibilité du fil
les contraignant à décrire des arcs inégaux et proportionnels à leur
distance du point de suspension, il doit se faire entre ces poids une
espèce de compensation, et de répartition de leurs mouvements,
en sorte que les poids qui sont les plus proches du point de
suspension hâteront les vibrations des plus éloignés, et ceux-ci,
au contraire, retarderont les vibrations des premiers. Ainsi il y
aura dans le fil un point ou un corps étant placé, son mouvement
serait ni accéléré ni retardé par les autres poids, mais serait le
même que s’il était seul suspendu au fil. Ce point sera donc le
vrai centre d’oscillation du pendule composé, et un tel centre doit
se trouver dans tout corps solide de quelque figure que ce soit,
qui oscille autour d’un axe horizontal. ))

Le problème est bien posé, il est d’importance puisque les horloges sont
réglées justement grâce à des poids répartis sur leur balancier. Continuons
notre lecture :

(( Huygens vit qu’on ne pouvait déterminer ce centre d’une manière


rigoureuse, sans connaı̂tre la loi suivant laquelle les différents poids
du pendule composé altèrent mutuellement les mouvements que
la gravité tend à leur imprimer à chaque instant ; mais au lieu
de chercher à déduire cette loi des principes fondamentaux de
la Mécanique, il se contenta d’y suppléer par un principe indi-
rect, lequel consiste à supposer que si plusieurs poids attachés,
comme on le voudra, à un pendule, descendent par la seule ac-
tion de la gravitation, et que, dans un instant quelconque, ils
soient détachés et séparés les uns des autres, chacun d’eux, en
vertu de la vitesse acquise pendant sa chute, pourra remonter à
une telle hauteur, que le centre commun de gravité se trouvera
remonté de la même hauteur d’où il était descendu. ))

Voilà donc le principe, prémisse de la conservation des forces vives. Et


Lagrange d’ajouter :

(( On ne saurait deviner ce qui a donné à l’auteur l’idée d’un tel


principe
...
Quoi qu’il en soit, ce principe fournit une équation entre la hau-
teur verticale, d’où le centre de gravité du système est descendu
dans un temps quelconque, et les différentes hauteurs verticales
auxquelles les corps qui composent le système pourraient remon-
ter avec leur vitesses acquises, et qui, par le théorème de Galilée,
sont comme le carré de ces vitesses. ))

Voilà qui montre clairement comment la conservation des forces vives résout
le problème du pendule composé. En vérité, le problème n’était pas en-
core considéré comme définitivement réglé. Les principes posés par Huygens
n’étaient pas tout à fait ceux ceux énoncés plus haut, et il fallait les fonder da-
vantage. C’est Jacques Bernoulli qui satisfera définitivement les mécaniciens
de l’époque. Mais tout cela est admirablement conté dans l’introduction à La
Dynamique de la Mécanique de Lagrange (articles 6 à 14) et nous y renvoyons
le lecteur, pour son plaisir.

Horlogium Oscillatorium

Cela dit, avant de clore définitivement ce paragraphe il nous faut encore


préciser où et comment Huygens a présenté lui-même sa découverte. Pour
cela il faut lire la proposition V de la quatrième partie de l’Horlogium Os-
cillatorium [Huy1673, page 99 de l’édition originale, citation extraite de la
traduction française] :

Proposition V
(( Etant donné un pendule composé des poids que l’on veut, si
chacun est multiplié par le carré de sa distance à l’axe d’oscilla-
tion, et que la somme des produits soit divisée par le produit fait
de la somme des poids par la distance au même axe d’oscillation
du centre de gravité commun à tous ; il paraı̂t la longueur du
pendule simple isochrone au composé, soit la distance entre l’axe
et le centre d’oscillation même du pendule composé. ))

C’est dans la démonstration de cette proposition, qui donne la solution du


problème du pendule composé, qu’apparaı̂t, cachée mais bien là, la constante
des forces vives. On peut lire en effet, à la page 100 de cet ouvrage :
(( Mais comme le carré de la vitesse du point L qu’il possède en P
est au carré de de la vitesse du point A en T, ainsi est la hauteur
à laquelle L peut monter par la première vitesse, à la hauteur à
laquelle A peut monter par la deuxième vitesse... ))

Ainsi, le mystère de la lettre H est définitivement éclairci et accordons à


Huygens le mérite de la découverte de la conservation de l’énergie, comme
l’on nomme aujourd’hui son principe, ou plutôt ce théorème. Mais il est
important de souligner qu’après les Huygens, Bernoulli et autres, celui qui a
donné son sens moderne à ce principe, qui l’a établi dans toute sa rigueur,
analytique, c’est Lagrange. Et c’est encore aujourd’hui, de la même façon
qu’il a démontré il y a deux cents ans, que ce principe est enseigné dans nos
facultés.

4 Parenthèses de Lagrange ou crochets de


Poisson ?
Dans les cours de mécanique actuels, il est plus fréquent de voir cités les
crochets de Poisson plutôt que les crochets ou les parenthèses de Lagrange ; or,
il ne fait aucun doute que l’introduction des divers types de crochets/paren-
thèses en mécanique analytique est due à J.-L. Lagrange. Quel a donc été
le rôle de Poisson ? On peut lire dans le premier article de Lagrange sur ce
sujet [Lag1808, pp. 717–718], le texte suivant :

(( Dans un mémoire lu à l’académie de Berlin en 1776, je considérai


d’une manière directe les variations auxquelles peut être sujet
le grand axe d’une planète par les forces perturbatrices prove-
nant de l’action des autres planètes, et je réduisis ces variations
à une formule générale et très simple qui, ne dépendant que de la
différentielle partielle d’une fonction finie relativement au mou-
vement moyen de la planète, fait voir tout de suite que le grand
axe ne peut jamais contenir aucun terme proportionnel au temps,
quelque loin qu’on continue l’approximation par rapport aux ex-
centricités et aux inclinaisons des orbites, mais en s’arrêtant à la
première approximation par rapport aux termes proportionnels
aux masses des planètes.
On n’avait pas été plus loin sur ce point ; mais M. Poisson y a
fait un pas de plus dans le Mémoire qu’il a lu il y a deux mois
à la classe, sur les inégalités séculaires des moyens mouvements
des planètes, et dont nous avons fait le Rapport dans la dernière
séance. Il a poussé l’approximation de la même formule jusqu’aux
termes affectés des carrés et des produits des masses, en ayant
égard dans cette formule à la variation des éléments que j’avais
regardés comme constants dans la première approximation.
[. . . ]
Cette découverte de M. Poisson a réveillé mon attention sur un
objet qui m’avait autrefois beaucoup occupé, et que j’avais en-
suite totalement perdu de vue. Il me paru que le résultat qu’il
venait de trouver par le moyen des formules qui représentent le
mouvement elliptique était un résultat analytique dépendant de
la forme des équations différentielles et des conditions de la va-
riabilité des constantes, et que l’on devait y arriver par la seule
force de l’analyse, sans connaı̂tre les expressions particulières des
quantités relatives à l’orbite elliptique.
[. . . ]
J’ai obtenu des formules qui donnent les différentielles de ces va-
riations sous une forme plus simple que celle des formules connues
jusqu’à présent.
[. . . ]
Ces formules ont de plus l’avantage que, étant appliquées aux
variations du grand axe, on en voit naı̂tre tout de suite des
expressions analogues à celles auxquelles M. Poisson n’est parvenu
que par des réductions heureuses des formules déduites de la
considération du mouvement elliptique. ))
Ces formules, auxquelles Lagrange fait allusion, sont celles qui ont été ex-
posées précédemment, et qui expriment les forces de perturbation relative-
ment aux éléments des planètes en fonction de la variation des constantes
et des parenthèses de Lagrange (équation 12). Quant à l’article de Poisson
auquel Lagrange fait référence, il est publié dans le cahier numéro 15 du
Journal de l’école polytechnique [Pois1808]. Comme on peut le constater à sa
lecture, cet article de Poisson ne comporte aucune définition des crochets de
Poisson. Comme le dit Lagrange, la méthode est traditionnelle, les calculs
des perturbations y sont simplement poussés davantage que dans les arti-
cles précédents de Laplace ou de Lagrange. Alors comment s’explique cette
apparition des crochets de Poisson ?
Depuis longtemps, Lagrange avait l’habitude d’utiliser des parenthèses ou
crochets dans les développements en séries perturbatives, où ils apparaissent
comme les coefficients des différentielles des éléments perturbés, Lagrange
y regroupait l’ensemble des variables dont ces coefficients dépendaient. Ces
notations sont utilisées, en particulier, dans son article de 1781 sur la Théo-
rie des variations séculaires [Lag1781]. Il n’est donc pas étonnant de les
voir apparaı̂tre à nouveau dans ce Mémoire sur la théorie des variations des
éléments des planètes en 1808. Seulement, comme nous l’avons vu dans les
chapitres précédents, dans le cas particulier de la variation des constantes
dans les problèmes de la mécanique, cette notation, qui n’était qu’une com-
modité jusqu’alors, révèle une structure sous-jacente tout à fait particulière,
connue ajourd’hui comme structure symplectique de l’espace des solutions du
système des planètes. Plus précisément : ces parenthèses sont les coordonnées
covariantes de cette structure symplectique.
Quelques mois après son premier mémoire, Lagrange comprend la portée
universelle de sa découverte et généralise sa méthode à tous les problèmes de
la mécanique. Pour apprécier ensuite l’apport de Poisson, il est nécessaire
d’entrer à nouveau au cœur de cette méthode : Lagrange développe les
forces perturbatrices par rapport aux éléments képleriens des planètes (et
de façon plus générale par rapport aux constantes d’intégration du système).
Ces forces sont des combinaisons linéaires des variations des éléments eux-
mêmes et les coefficients de ces variations sont les parenthèses de Lagrange.
Pour obtenir la variation des éléments des planètes, en fonctions des forces
perturbatrices, il faut alors inverser le système linéaire ainsi obtenu dont les
coefficients sont les parenthèses. Lagrange dit lui-même [Lag1808, p. 731] :

(( Il s’ensuit qu’on pourra également exprimer les différentielles


da db dc
, , ,. . . par les différences partielles de la fonction Ω relatives
dt dt dt
aux éléments a, b, c,. . . , multipliées par de simples fonctions de
ces quantités sans t ; car il n’y aura qu’à déduire les valeurs de
ces différentielles des six équations précédentes par les méthodes
ordinaires de l’élimination, et il est visible qu’elles seront toutes
de la forme
 
dΩ dΩ dΩ dΩ dΩ dΩ
A +B +C +F +G +H dt,
da db dc df dg dh
dans laquelle les coefficients A, B, C, F ,. . . ne seront donnés
que par les coefficients (a, b), (a, c), (b, c), . . . , et ne seront par
conséquent que de simples fonctions de ces éléments sans t ; ce qui
fournit un Théorème très-important et très-utile dans la théorie
des perturbations des planètes. ))

Ce sont évidemment ces coefficients A, B, C, F , . . . qui, considérés par


Poisson comme fonctions des conditions initiales du mouvement18 (temps,
position, vitesse) vont devenir les crochets de Poisson des constantes a, b, c,
. . . du mouvement. Poisson donne leur construction dans son mémoire inti-
tulé Sur la variation des constantes arbitraires dans les questions de Mécani-
que, publié à la suite du mémoire Sur la théorie générale de la variation des
constantes arbitraires dans tous les problèmes de la mécanique de Lagrange
[Lag1809]. Voici ce que Poisson écrit dans ce mémoire, lu à l’Institut le 16
octobre 1809 et publié dans le Journal de l’école polytechnique [Pois1809, pp.
268–269] :
18
Remarquez la différence de point de vue : pour Lagrange, un ensemble de constantes
d’intégration (a, b, c, . . .) définit un mouvement : ce sont les formules (31) et (??) ; les
positions et vitesses sont alors fonctions des constantes d’intégration. Poisson considère
les constantes d’intégration comme fonctions des conditions initiales. C’est cette différence
de point de vue qui conduit naturellement à des formules inverses les unes des autres.
(( Les formules du dernier Mémoire de M. Lagrange sont inverses
des nôtres : elles donnent les différences partielles de la même
fonction, au moyen des différentielles des constantes arbitraires.
Je les rapporte dans la suite de ce mémoire afin de les comparer
à celles que nous avons obtenues, et de montrer la singulière
analogie qui existe entre ces deux genres de formule. ))

Il ajoute plus loin, aux page 289–290 du même mémoire, faisant référence au
Théorème de Lagrange cité plus haut :

(( M. Lagrange démontre directement que les quantités [a, b], [a, c],
[a, b], &c. sont des fonctions de a, b, c, e, f , g, h, qui ne renferment
pas le temps d’une manière explicite ; d’où l’on conclut ensuite
que, par des éliminations entre les équations que nous citons, on
obtiendra des valeurs de da, db, dc, de, df , dg, dh, exprimés au
moyen des différences partielles de Ω prises par rapport à a, b,
c, &c., et multipliées par des fonctions de ces constantes. Nos
formules ont l’avantage de donner immédiatement ces valeurs. ))

En effet, les formules de Poisson, données à la page 282 du mémoire en


question, sont bien les coefficients A, B, C, F , . . . de Lagrange, donnés
comme fonctions des conditions initiales. Il faut noter qu’au passage, Poisson
note les parenthèses de Lagrange par des crochets, et ses propres crochets
par des parenthèses, ce qui ajoute à la confusion.
La riposte de Lagrange ne tarde pas. Réalisant qu’il a laissé échapper un
aspect relativement important de sa propre théorie, Lagrange publie quelques
mois après un second mémoire sur la théorie de la variation des constantes
arbitraires dans les problèmes de mécanique. Dans ce mémoire, lu à l’Institut
le 19 février 1810, il donne sa version personnelle de l’inversion du système des
parenthèses qui portent son nom. Il écrit dans l’introduction de ce mémoire
[Lag1810, p. 810] :

(( Mais l’application des formules générales aux Problèmes parti-


culiers demandait encore un long calcul, à cause des éliminations
qu’il fallait faire pour obtenir séparément l’expression de la varia-
tion de chacune des constantes devenues variables. Heureusement
une considération très simple, que je vais exposer et qui m’avait
échappé, facilite et simplifie extrêmement cette application et ne
laisse plus rien à désirer dans la Théorie analytique de la variation
des constantes, relativement aux questions de la Mécanique. ))

Toutefois, le mémoire de Lagrange ne se réduit pas à celui de Poisson, comme


il l’écrit à la page 812 :

(( M. Poisson a lu, le 16 octobre dernier à cette Classe, un Mémoire


sur la variation des constantes arbitraires dans les questions de
Mécanique, lequel est imprimé dans le volume qui vient de paraı̂tre
du Journal de l’École Polytechnique. Ce Mémoire contient une
savante analyse qui est comme l’inverse de la mienne, et dont
l’objet est d’éviter les éliminations que celle-ci exigeait. L’Au-
teur parvient en effet, par un calcul assez long et délicat, à des
formules qui donnent directement les valeurs des différentielles
des constantes arbitraires devenues variables. Ces formules ne
coı̈ncident pas immédiatement avec celles que je donne dans ce
Mémoire, parce qu’elles renferment les constantes arbitraires en
fonction des variables du Problème et de leurs différentielles, au
lieu que les notres ne renferment ces constantes qu’en fonction
d’autres constantes ; mais il est facile de se convaincre à priori
qu’elles conduisent aux mêmes résultats. ))

Autrement dit, Lagrange exprime la matrice inverse de son système de pa-


renthèses en termes d’un autre système de coordonnées de l’espace des so-
lutions du problème. Ce qui, effectivement, ne coı̈ncide pas immédiatement
avec l’analyse de Poisson. Ce que publie Lagrange, c’est plutôt l’expression
générale des transformations canoniques. Que faut-il alors retenir de ces
deux points de vue, de Poisson et de Lagrange, de ces analyses qui, tout en
étant différentes, sont si semblables ? Voici quelques remarques qui, prises
ensemble, peuvent expliquer cette (( négligence )) de Lagrange :
1. Les parenthèses de Lagrange, dans son premier mémoire de 1808, sont
les coordonnées covariantes de la forme symplectique ; les crochets de
Lagrange, dans son mémoire de 1810, en sont les coordonnées contra-
variantes. Qu’elles soient exprimées en fonction d’autres constantes
du mouvement ou en tant que fonction des conditions initiales (temps,
position, vitesse), c’est en tant que coordonnées de la forme symplec-
tique qu’elles sont exploitées pour étudier les problèmes des inégalités
séculaires19 (théorie des perturbations).

2. C’est la matrice des parenthèses, fonction des constantes du mouve-


ment, qui est utile, et utilisée, pour l’intégration des perturbations.
Les crochets de Poisson sont difficilement exploitables pour cet usage
puisqu’ils sont exprimés en fonction des conditions initiales.

3. En revanche, si les parenthèses de Lagrange mettent en évidence la


structure symplectique de l’espace des solutions des systèmes de la
mécanique, le théorème de Poisson met en évidence la structure d’algè-
bre de Lie des fonctions sur cette variété symplectique.

Pourquoi l’histoire a-t-elle retenu davantage les crochets de Poisson plutôt


que les parenthèses de Lagrange20 , tout au moins dans les manuels de mécani-
que ? Peut-être parce que la seule façon de bien comprendre ces constructions
de Lagrange c’est de les placer dans le cadre formel de la géométrie symplecti-
que et que la géométrie de l’époque n’était pas encore prête ? Peut-être aussi
parce que, si la construction de Lagrange est bien adaptée aux systèmes
dont on connait a priori l’intégration complète dans certaines conditions (on
pourrait parler de complète intégrabilité), elle l’est moins lorsque l’on ne peut
pas considérer le système réel comme une perturbation d’un système intégré.
19
L’apparition des crochets de Poisson comme méthode pour obtenir de nouvelles
constantes du mouvement en fonction de certaines connues est légèrement postérieure.
20
Pour ajouter à la confusion, entre les premiers articles de Lagrange et sa Mécanique
Analytique les parenthèses deviennent crochets et les crochets, parenthèses. Alors que dans
l’article de Poisson, ce que nous appelons crochets de Poisson est noté par des parenthèses.
Autrement dit, l’influence de Poisson sur Lagrange aura quand même conduit ce dernier
à changer de notations.
Mais, dans ces conditions, l’approche poissonienne est-elle mieux adaptée ?
On peut réfléchir aussi à la question suivante : pourquoi a-t-il fallu plus d’un
siècle et demi pour redécouvrir l’œuvre de Lagrange, effacée devant celle de
ses épigones ? Je laisse là ces questions à la méditation du lecteur.
En conclusion, je conseille vivement la lecture de l’ensemble des textes de
Lagrange : trois mémoires déjà cités [Lag1808, Lag1809, Lag1810] et la Méca-
nique Analytique [Lag1811]. L’écriture de Lagrange est agréable, explicative
et plus moderne qu’on ne peut l’imaginer a priori. En particulier, les intro-
ductions des chapitres sont de pures merveilles et des textes essentiels pour
la compréhension de son œuvre et de l’histoire de la mécanique. Il vaut
mieux éviter toutefois, en première lecture, les notes de Joseph Bertrand
qui émaillent le texte de la Mécanique Analytique dans sa troisième édition.
Elles portent sur des détails souvent peu importants et ne commentent pas
les idées nouvelles qui y fourmillent.

5 Notes biographiques
Joseph-Louis Lagrange est né à Turin en 1736, d’une famille originaire de
France. Il succède à Euler à Berlin en 1766, et y reste jusqu’en 1787, date
à laquelle il vient à Paris en tant que membre vétéran de l’Académie des
sciences. Il publie en 178821 la première version de sa Mécanique Analytique,
puis publie en 1811 la première partie de la deuxième version qui contient
pour la première fois des éléments de calcul symplectique. Il meurt à Paris
en 1813 et le deuxième volume de sa Mécanique n’est publié qu’après sa mort
en 1816.
Siméon Denis Poisson est né à Pithiviers en 1781. Il fut l’élève de Laplace
et de Lagrange. Il enseigna à l’École polytechnique à partir de 1802 et fut
nommé astronome au bureau des longitudes en 1808. Il meurt à Sceaux en
1840.
21
Prête semble-t-il en 1782.
Bibliographie
[Arn1976] V. I. Arnold. Méthodes mathématiques de la mécanique classique.
Éditions MIR, Moscou, 1976.

[Arn1980] V. I. Arnold. Chapitres supplémentaires à la théorie des équations


différentielles. MIR, Moscou, 1980.

[dG1987] F. de Gandt. Force et géométrie. Thèse de doctorat, Paris I, 1987.

[Huy1673] C. Huygens. Horlogium Oscillatorium. Édité par François Mu-


guet, Paris 1673. Traduit du Latin par Jean Peyroux. Édition
Bergeret, rue Leyteire, Bordeaux 1980.

[Lag1811] J.-L. Lagrange. Mécanique analytique. Librairie Albert Blan-


chard, Paris, 1965. Fac-similé de la troisième édition.

[Lag1808] J.-L. Lagrange. Sur la théorie des variations des éléments des
planètes et en particulier des variations des grands axes de leurs
orbites. Dans Œuvres de Lagrange, volume VI, pages 713–768.
Gauthier-Villars, Paris, 1877. Lu, le 22 août 1808 à l’Institut de
France.

[Lag1809] J.-L. Lagrange. Sur la théorie générale de la variation des


constantes arbitraires dans tous les problèmes de la mécanique.
Dans Œuvres de Lagrange, volume VI, pages 771–805. Gauthier-
Villars, Paris, 1877. Lu, le 13 mars 1809 à l’Institut de France.

[Lag1810] J.-L. Lagrange. Second mémoire sur la théorie générale de la


variation des constantes arbitraires dans tous les problèmes de la
mécanique. Dans Œuvres de Lagrange, volume VI, pages 809–816.
Gauthier-Villars, Paris, 1877. Lu, le 19 février 1810 à l’Institut
de France.

[Lag1774] J.-L. Lagrange. Sur les intégrales particulières des équations


différentielles. Dans Œuvres de Lagrange, volume IV, page 5.
Gauthier-Villars, Paris, 1877. Nouveaux Mémoires de l’Académie
royale des Sciences et Belles Lettres de Berlin, année 1774.

[Lag1775] J.-L. Lagrange. Recherches sur Les suites récurrentes. Dans


Œuvres de Lagrange, volume IV, page 151. Gauthier-Villars, Pa-
ris, 1877. Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences
et Belles Lettres de Berlin, année 1775.

[Lag1779] J.-L. Lagrange. Sur différentes questions d’analyse relatives à la


théorie des intégrales particulières. Dans Œuvres de Lagrange,
volume IV, pages 585. Gauthier-Villars, Paris, 1877. Nouveaux
Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles Lettres de
Berlin, année 1779.

[Lag1781] J.-L. Lagrange. (( Théorie des variations séculaires des éléments


des planètes )). In Œuvres de Lagrange, volume V, pp. 128-207.
Gauthier-Villars, Paris, 1877. Nouveaux Mémoires de l’Académie
royale des Sciences et Belles Lettres de Berlin, 1781.

[Poin1892] Henri Poincaré. Les nouvelles méthodes de la mécanique céleste.


Gauthier-Villars, Paris, 1892.

[Pois1808] S. D. Poisson. (( Sur les inégalités séculaires des moyens mouve-


ments des planètes )). Journal de l’école polytechnique, 15 : 1–56,
1808. Lu à l’Institut le 20 juin 1808.

[Pois1809] S. D. Poisson. (( Sur la variation des constantes arbitraires dans


les questions de mécanique )). Journal de l’école polytechnique,
15 : 266–344, 1809. Lu à l’Institut le 16 octobre 1809.

[Sou1969] J.-M. Souriau. Structure des systèmes dynamiques. Dunod, Paris,


1970.

[Sou1986] J.-M. Souriau. La structure symplectique de la mécanique décrite


par Lagrange en 1811. Math. Sci. hum., (94) : 45–54, 1986.

[Ste1969] S. Sternberg. Celestial Mechanics. W. A. Benjamin Inc., New–


York, 1969.
[Wey1946] H. Weyl. Classical Groups. Princeton University Press, 1939–
1946.

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13453 Marseille cedex 13

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