Ecole de Frankfort
Ecole de Frankfort
Ecole de Frankfort
Hirsch Mario. L'École de Francfort : une critique de la raison instrumentale. In: L'Homme et la société, N. 35-36, 1975.
Marxisme critique et idéologie. pp. 115-147.
doi : 10.3406/homso.1975.1576
http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1975_num_35_1_1576
une critique
de la raison instrumentale
MARIO HIRSCH
cistes dans la théorie de la révolution de Marx. Mais elle trébuchera sur cette
problématique du sujet qui* la condamne à la résignation comme on le verra,
car visiblement ce concept ne peut plus être réactivé de manière dynamique
face à une réalité de plus en plus caractérisée par une socialisation totale
(totale Vergesellschaftung) comme elle le note elle-même. t , ,
-* Pour désarmer ceux qu* croiront que ce réquisitoire est le fait d'un
esprit marginal, répondons tout de suite que nous croyons profondément,
avec des auteurs comme Horkheimer et Adorno qui ont toujours refusé de
faire partie d'une chapelle scientifique quelconque ¦*- qu'elle soit celle d'une
discipline scientifique ou d'une orientation théorique en la vertu du non-
professionnalisme. Ceci à une époque où force nous est de constater que le
L 'ECOLE DE FRANCFOR T \ 19
Cette rectification du tir, toute apparente qu'elle est, n'a pas donné le
sens de la modestie aux empiristes. Elle les a poussésr vers une confiance
démesurée en leurs capacités , d'où, en . retour, un culte aveugle> de la
« quantophrénie » (25). Il n'en a pas été toujours ainsi. Le test de l'empirie
n'a pas toujours occupé la même place en sociologie. Chez Durkheim, qui
était empiriste à sa manière, les faits étaient considérés plutôt comme
matériel servant à Ulustrer certaines affirmations, , à côté d'autres matériaux
divers et arbitraires,,, dont l'expérience du vécu subjectif. Ce n'est qu'avec
l'empirisme moderne à la Paul Lazarsfeld que les faits deviennent,, dans le
sens strict, preuve. Depuis lors, les sciences sociales qui se réclament de cette
tradition donnent trop souvent libre cours à une « hybris » immodérée et
sombrent dans un dUemme caractéristique ; . i
« La sociologie a à choisir entre résultats qui sont certains- mais, relativement
insignifiants et résultats importants, mais incertains » (26).
-
Etant donné ces réserves, U ! apparaît que le test de la signification
cognitive introduit par le positivisme nouvelle manière (essentiellement un
Popper rendu perplexe après sa controverse avec les dialecticiens de l'Ecole de
Francfort), n'est qu'qne améUoration apparente. Nous avions déjà montré que
l'emploi de termes tels qu"objectif" ou "absolu" revient à une pétition de
principe et ne nous avance guère, du fait qu'ils renvoient à une définition
trop étroite : est objectif ce qui correspond au consensus à l'intérieur d'une
communauté scientifique. D'autre part, c'est faire fl de toute une série de
questions non résolues parmi les épistémologues que d'identifier trop vite
l'empirie (l'apparence) de faits isolés avec la réalité (essence). Ici, on se heurte
à « une insuffisance généralisée des efforts théoriques en sciences sociales.
Certains auteurs exigent des théories qu'eUes soient "isomorphes" avec leur
objet d'étude (27). Mais contrairement à ce qui se passe dans les sciences
naturelles et exactes, cette exigence est loin d'être remplie dans les sciences
sociales. Comme on ne sait rien quant à une éventuelle équivalence
ontologique entre catégories ! scientifiques et structures de la réalité sociale, .
« Fhétéromorphie » est la règle dans ces disciplines.
A cela s'ajoute le fait déjà évoqué, et avec lequel les spécialistes des
sciences sociales doivent compter plus que quiconque, qu'il n'y a pas de
connaissance non-médiatisée. Même Popper a dû récemment concéder du
terrain sur ce point. Déjà en 1962 U a pris ses distances par rapport à
l'empirisme crû en réfutant la thèse « de l'évidence du donné pour soi dans
l'expérience sensuelle » (28). Plus tard, il note que les observations sont
toujours des interprétations à la lumière d'expériences et de savoir acquis. Les
données du monde sensible étant des interprétations dans le cadre de théories*
préexistantes, elles participent tout naturellement de la nature hypothétique
de celles-ci (29).:. .
L'on sait' que Popper tire de cet état, des conclusions pour le moins :
radicales, en relativisant tout savoir au niveau d'une opinion, d'une « conjec-'
ture », à l'aide desquelles nous pouvons tout au plus compléter hypothé-
L 'ECOLE DE FRANCFORT \ 23
«La valeur d'une théorie est déterminée par son Uen avec les tâches qui sont
entreprises dansi le moment historique précis par les -classes sociales
.
tributaire de cette tradition, et ceci jusque dans ses aspects les plus novateurs,
et n'échappe pas par conséquent à un certain ethnocentrisme. Elle souffre,
tout autant que les théories qu'elle attaque, du particularisme du sujet
bourgeois, qui reste son réfèrent. De ce fait, elle n'est pas à la hauteur de la
situation du monde actuel, marquée non seulement par le déclin politico-
militaire, mais aussi idéologique, du monde bourgeois occidental (49). Face à
la, renaissance du Tiers-Monde en générât et des< anciennes configurations
territoriales à caractère impérial,1 telles que la Chine, l'Egypte et l'Iran par
exemple, la théorie critique demeure bien provinciale, embourbée qu'elle reste
dans des querelles épistémologiques et incapable de s'embarquer dans la
véritable dynamique mondiale. La théorie critique participe donc au déclin
L'ECOLE DE FRANCFORT 127
.
sur le plan mondial du sujet bourgeois, déclin qu'elle n'a pas su dépasser en
relativisant son propre système de référence, en vue d'une nouvelle
généralisation, adéquate à la situation globale qui est la nôtre. Ce sort explique sans
doute pour beaucoup les impasses sur lesquelles elle a débouché. Il n'en reste
pas moins qu'à une époque où l'appareU de la recherche et de l'enseignement
officiel commence à douter du bien-fondé de sa démarche, les réalisations de
la théorie critique demeurent remarquables.
- Elle a faites siennes depuis plus de trente ans les récriminations actuelles
« contre un savoir "en miettes", pulvérisé entre une multitude de spécialistes
où chacun s'enferme comme pour fuir la véritable connaissance... ; contre un
divorce croissant entre une université de plus en plus cloisonnée et la société,
la "vraie" perçue comme un tout, complexe et indissociable, mais
simultanément contre cette société eUe-même dans la mesure où elle limite l'individu
à une fonction étroite et répétitive et l'aliène en l'empêchant de développer
toutes ses virtuaUtés et toutes ses aspirations » (50). ?
. Le fait «qu'elle a= perçu ce courant bien avant d'autres explique sans
doute largement l'engouement dont eUe bénéficie de la part de tous ceux qui
rejettent le Wissenschaftsbetrieb dominant, ainsi que le contexte social dans
lequel il s'insère.
La théorie critique a non seulement pratiqué l'interdisciplinarité comme
«pratique polémique » dirigée contre le découpage arbitraire (51). Elle a
rétabli le rapport direct entre théorie et monde vivant (Lebenswelt), en
faisant du rapport' au vécu (Lebensbezug) le critère de la valeur de la
théorie (52) : «
« Tout comme la phUosophie se méfiait des apparences trompeuses et insistait sur
l'interprétation, la théorie se méfie d'autant plus sûrement de la façade de la société
. que ceUe-ci se présente Usse «t parfaite. La théorie veut nommer ce qui tient
effectivement le rouage ensemble. L'aspiration de la pensée, pour laqueUe le non-sens
(Sinnlosigkeit) de ce qui est seulement apparent était autrefois insupportable, s'est
sécularisée avec l'insistance pour la démystification. EUe aimerait soulever la pierre
sous laquelle couve le monstre ; c'est seulement dans ce dévoUement qu'eUe voit un
sens» (53). -, . -,
¦
Ce cercle vicieux, qui ne fait que nous renvoyer à nos propres préjugés,
est- brisé à l'aide d'un concept » de critique qui fait apparaître que les
réifications qui : déterminent notre > existence . et l'appréhension de cette
existence sont elles-mêmes des moments médiatisés et non pas l'alpha et
l'oméga de la science. La construction de la totaUté tend à appréhender
conceptuellement (auf den Begriff bringen) la société ; il ne s'agit pas d'un
concept étranger aux mouvements propres de cet ensemble,* mais d'un
concept « qui transforme, ; dans l'intention subjective, les concepts en ceux
que la chose a d'elle-même » (80). s
Où en sommes-nous après ces longs développements ?
Nous avons essentiellement essayé de faire resortir le relativisme et le
subjectivisme de la méthode positiviste ; ces deux caractéristiques étant dues
au fait que cette méthode se refuse au test de la réalité (et ceci malgré une
vénération apparente de l'empirisme, ou plutôt à cause de cette vénération)
et qu'elle se plaît dans un demi-monde qui connaît ses propres conventions et
traditions, sans trop se soucier de la réalité sociale ambiante. Ces insuffisances
ne sont pas nécessairement le produit de prises de position extra-scientifiques-.
Le ver est dans le germe bien avant d'être transmis au fruit ! Des problèmes
apparemment méthodologiques entraînent des conséquences fondamentales
pour toute la démarche scientifique. La dialectique est certainement dans les
choses, mais ce qui constitue une chose est déterminé par nos conceptions
théoriques. Examinons de façon schématique cette difficulté à travers deux
aspects : le rôle de l'empirisme et la problématique conceptuelle.
Personne ne saurait nier le rôle que doit jouer un empirisme bien
compris. Le tout est de savoir quelle place la vérification des hypothèses
scientifiques par les faits devrait occuper. Ce contre quoi U faut s'insurger
c'est la prétention philosophique de l'empiricisme, et notamment son
déterminisme "physicaliste" : toute expUcation du comportement humain est en
dernière analyse une explication de phénomènes physiques, c'est-à-dire une
expUcation , mécaniste. Chaque phénomène, social aussi bien. que naturel,
serait soumis, à la loi causale. Cette prétention se retrouve chez tous les
empiristes, à commencer par le grand Thomas Hobbes (Cf. par exemple le
premier livre du Leviathan) (81). Le behaviorisme moderne, qui veut réduire
le comportement humain à la seule chaîne causale stimulus-réponse, n'en est
que la dernière variante.
L'explication deductive du système positiviste de Popper est donnée
comme universellement valable, que ce soit dans les disciplines qui s'occupent
de phénomènes naturels ou dans les sciences sociales. Partout, l'explication se
fait' selon
La véritable
le modeexplication
causal : chaque
ne consisterait
fois que nous
cependant
avonspas
A, àil montrer
s'en suit B (82).
C'est précisément cela que le positivisme omet de faire. Il nous offre une
description d'un principe qui n'est pas premier, mais dérivé ; sans toutefois
nous éclairer sur le principe premier. Certains positivistes sont parfaitement
conscients du déficit explicatif de leur propre expUcation (cL supra, p. 17 et
sq).-
Tout au long de ces pages, je n'ai pas quitté le niveau d'un inventaire
critique et essentieUement négatif des démarches scientifiques dominantes.
Très peu de points lumineux sont apparus. Est-ce qu'on peut aller vraiment
au-delà et fonder positivement une nouvelle théorie sociale ?
La théorie critique lançait ce défi, sans vraiment satisfaire les espoirs
auxquels U donnait lieu. Elle n'a pas quitté la position, importante, U est vrai,
de celui qui répertorie minutieusement l'inventaire des dégâts causés au
monde par une civUisation qui repose sur le principe positiviste (93). Un de
ses adhérents a cependant essayé de dépasser cette position de négation
absolue. Nous voulons parler de Jurgen Habermas (94).
Cet auteur, fidèle à Marx en cela, nous propose l'ébauche d'une théorie
sociale dans une intention pratique. L'interprétation de l'évolution doit
comprendre en même temps une interprétation à la fois du Entstehungs-
zusammenhang (rapport de constitution) et du Verwendungszusammenhang
(rapport d'utilisation) de la théorie. Celle-ci doit indiquer les conditions qui
rendent possible une auto-réflexion sur l'histoire de l'espèce humaine et elle
doit nommer le destinataire qui peut, à l'aide de la théorie, s'éclairer sur son
rôle émancipateur dans le processus historique (95). La théorie est ainsi un
moment catalysateur nécessaire du Lebenszusammenhang (rapport de vie)
qu'elle analyse. Elle l'analyse comme un rapport de contrainte dans la
perspective de son dépassement. Cette réflexion théorique et pratique s'insère
dans des réflexions qui visent à fonder une épistémologie que Habermas veut
matérialiste.
Il a effectivement tenté d'élaborer une protothéorie, en précisant le
cadre transcendental (système de concepts de base) dans lequel nos
expériences peuvent être organisées a priori et avant le processus investigatif
proprement dit. Mais Habermas construit ce cadre transcendental de manière
explicite contre celui de Marx. Il propose en effet une relativisation de
l'applicabilité du rapport de base marxien travaU salarial/capital et de la
théorie de la lutte des classes qui en découle :
« Le cadre catégoriel dans lequel Marx a formulé les conceptions fondamentales du
matérialisme historique doit être reformulé. Le rapport entre forces de production et
relations de production devrait être remplacé par le rapport plus abstrait de travaU et
interaction » (96).
Habermas construit sur ce rapport fondamental deux types de
comportement social qui devraient déterminer toute tentative d'appréhender cette
réalité sociale : le comportement instrumental (travail) et le comportement
communicatif (interaction).
Les intérêts épistémologiques (Erkennlnisinteressen) sont invariablement
déterminés par des impératifs de la structuration de la vie socio-culturelle qui
MARIO HIRSCH '
138
elle-même est caractérisée par le travaU et le langage. Habermas se croit obligé
de transformer le cadre de référence marxien parce qu'U estime devoir
constater que les forces productives auraient perdu leur force révolutionnaire,
l'instance de négation dont parlait Marcuse. Comme d'autre part, U prétend
s'attacher à l'idée d'une théorie sociale dynamique, U est obligé de trouver un
substitut au « moteur de l'histoire » qu'U rejette dans son expression
marxienne.
Tirant notamment argument de ce que la technique et la science seraient
devenues les forces productives les plus importantes, Habermas conclut à
l'inapplicabilité de la théorie de Ja valeur-travaU de Marx et U procède à
relativiser la théorie de l'infrastructure-superstructure en arguant d'une
autonomie dû politique. Ces réflexions ont acquis un caractère systématique avec
l'ouvrage le plus récent de Habermas (97), où U développe une théorie du
capitalisme d'après trois interrogations fondamentales i
Pourquoi le problème de la légitimation devient-U le problème le plus
important dans une société capitaUste avancée ?
Est-ce que les conflits, contrôlables sous l'effet de la planification
étatique, ont été déplacés au niveau du système poUtique ?
Est-ce qu'une théorie, poUtique des crises doit remplacer la théorie
économiste des crises ?
De cette interrogation qui bouleverse considérablement la démarche
traditionnelle du politôkonomischer Ansatz, Habermas tire des conclusions
importantes, quant aux chances de transformation d'un tel système et à
l'organisation politique. »
C'est indéniable que Habermas a mis le doigt sur une évolution évidente,
et dans ce contexte, sa théorie sociale, qui insiste sur le nécessaire
déplacement de l'accent de l'analyse de la sphère des rapports de production à la
sphère des rapports de communication, constitue une des innovations les plus
intéressantes dans le domaine de la théorie politique.
Mais la critique que fait Habermas de Marx se situe à un autre niveau,
c'est-à-dire ce qu'U appelle la théorie objectiviste de la révolution (98).
, Prisonnier de la logique implacable, de sa théorie de l'histoire, Marx
serait conduit à situer la dynamique du processus historique à l'écart de
l'action et de la volonté des hommes dans un lieu imaginaire où ne jouerait
plus que l'évolution de la contradiction entre forces de production techniques
et rapports de production.
La révolution deviendrait , ainsi simple fonction du progrès
technique (99).
Bien que cette correction opérée sur les conceptions marxiennes se
rattache à toute une tradition qui va de Karl Korsch jusqu'au groupe Praxis,
l'accent mis sur l'idée de la subjectivité d'individus libres, que ce soit chez ces
auteurs ou chez Adorno, Horkheimer et Habermas, n'est pas sans poser des
problèmes et constitue dans une certaine mesure une régression par rapport à
ce qu'on peut considérer comme le principal acquit marxiste.
L'ECOLE DE FRANCFORT 139
Les événements récents du Chili ainsi que les grèves sauvages qui éclatent
un peu partout montrent, s'il en était besoin, que les vieux antagonismes
n'ont pas été résorbés par la rationalité envahissante de la civilisation
technologique et1 ont acquis une dimension internationale bien inquiétante
(firmes multinationales) (105). Habermas renonce sans conteste trop
facilement à une certaine arme de la critique qui attend toujours, pour ce qui est
140 MARIO HIRSCH
toute théorie, car une théorie qui serait déterminée en dernière analyse par
une société dans laquelle des hommes sont massacrés en masse, ne peut pas
être vraie, tout comme cette société ne peut pas être vraie. Adorno estime
que la philosophie a raté de manière définitive. Ainsi, U est en quelque sorte
encore plus hégélien que le grand phUosophe lui-même en renvoyant la
dialectique à elle-même. Elle perd ainsi tout rapport avec la société dénoncée
globalement comme fausse.
Pour prophétiques qu'elles soient, ces idées se condamnent à leur propre
inefficacité ; la constatation de la négativité radicale de ce monde écarte toute
velléité d'action et pousse à la résignation. Horkheimer, tout grand bourgeois
qu'U était, ne se plaisait pas dans cette impasse, d'autant plus qu'U n'était pas
prêt à renoncer aux grands principes de la révolution bourgeoise. Il s'en sortit
effectivement par un recours à une théologie sécularisée, au grand désarroi de
ses disciples qui préféraient interpréter ce développement comme un signe de
décadence due au grand âge du maître, plutôt que d'y voir un aboutissement
logique d'une théorie radicale du « tout à fait autre ».
Désespérant de trouver une trace de ce Ganz andere en ce monde,
HorkheUner avait fini par le projeter dans l'au-delà, préférant renoncer au
monde, plutôt que d'abandonner cette dimension (108).
Ses prémisses t- die rastlose Selbstzerstôrungen der Aufklârung zwingt
das Denken * dazu, * sich auch die letzte Arglosigkeit gegeniiber den
Gewohnheiten und Richtungen des Zeitgestes zu verbieten (109) (l'incessante
auto-destruction du Siècle des Lumières contraint la pensée de s'interdire toute
naïveté à l'égard des coutumes et tendances de l'esprit de l'époque) ¦*- d'une
critique phUosophique radicale finissent ainsi par rattacher la théorie critique à
un courant ininterrompu de pensée utopiste :
« Ohne Dimension Zukunft, uns als adàquat denkhar, aktivierbar bleibend, hait es
ohne hin kein Dasein lange aus. So zeigt in niedergehenden Zeiten wenigstens ein
horror vacui, doch in aufsteigenden allemal ein Plus ultra, dass utopisches
Bewusstsein lebt. Um so scbJimmer, wenn eine GeseUschaft, die nient mehr
abstrakt-utopisch, sondern mit dem Weg zur Sache vermittelt sein wUl, gefàhrlich im
Weg fehlgreift. 1st der revolutionâre Vollzug nicht dazu da, abstrakt an Um
herangebrachte Idéale zu verwirkUchen, so erst nicht konkret erschienene zu
diskreditieren, gar durch katastropale Mittel zu vernichten. Und die vorhandenen
Tendenzen des Uebergangs in einer Gesellscha wird der Vollzug nur dann aktiv in
Freiheit setzen, wenn das utopische Ziel so unverfâlscht wie unabgedankt vor Augen
steht. Auch wenn die Utopien ihre noch so greifbaren Optima bestenfaUs
versprochen haben, jedoch als objektiv real môglich » (1 10). .
(Sans dimension d'avenir, pensable comme conforme au moi, et demeurant
activable, aucune existence n'est d'aUleurs possible à la longue. Le fait qu'en période
de déclin nous trouvions toujours au moins « l'horreur du vide » et en période
ascendante toujours un « plus ultra », montre bien la vitaUté de la conscience
utopique. U n'en devient que plus redoutable quand une société qui fuyant
l'abstraction utopique, cherche son chemin concret, se trouve dangereusement
dévoyée. L'accomplissement révolutionnane n'est-U pas essentiellement destiné à
142 MARIO HIRSCH
réaUser des idéaux reçus en tant que concepts, et non pas de discréditer ceux qui se
présentent concrètement, ni surtout de les détruùe catastrophiquement i et les
tendances vers une transformation, existantes au sein d'une société, ne seront
vraiment libérées par l'accompUssement révolutionnaùe que lorsque le but utopique
aura conservé, à l'évidence, son authenticité et son actualité. Et cela même lorsque
l'utopie aura présenté ses objectifs comme des promesses optimales, mais
objectivement réaUsables).
NOTES .
(1) A noter que depuis une année, les éditions Gallimard et Payot ont entrepris un programme de
traduction ambitieux qui rendra accessibles sous peu les ouvrages majeurs au public français. Pour une
vue d'ensemble, voir J.M.Vincent, Fétichisme et société, Anthropos, Paris, 1973, dont un chapitre
rend compte de l'Ecole de Francfort. '
(2) Voir l'ouvrage fondamental de Martin Jay,. The Institute for Social Research (en cours de
traduction chez Gallimard).
(3) Le premier concept a été créé par Dhal/Lindbloom, (Economies, Politics and Welfare, Harper,
New York, 1954), théoriciens du libéralisme dans l'acception américaine, le second par Popper.
(4) « The rubbish that lies in the way to knowledge » (J. Locke, Essay concerning human
understanding.
(5) Et pourtant, le pape de la « sociology of science » américaine, Robert Merton, a clairement
pressenti les dangers que peut avoir une telle vue mutilée. Voir son « organized scepticism » qui devrait
être à la fois « a methodological and an institutional mandate » (R.K. Merton, Social theory and social
structure, Free Press, Glencoe, 1963, p. 560).
(6) L. Kolakowski, Positivist Philosophy, Penguin, Harmondsworth, 1972, p. 244.
(7) G. Lukacs, Geschichte und Klassenbewusstsein, Luchterhand, Neuwied, 1970, chapitre « Die
Verdinglichung und das Bewusstsein des Proletariats ».
(8) Cette citation est tirée d'un ouvrage controversé que, partant d'une discussion critique de
l'uvre de Max Weber, épingle le rôle et le caractère historique de la méthode de la sociologie
bourgeoise : W. Lefebvre, Zum historischen Charakter und zur historischen Funktion der Méthode
bùrgerlicher Soziologie, Suhrkamp, Frankfurt, 1971, p. 94.-.
(9) Alvin Gouldner cite l'exemple d'un ouvrage récent, American Sociology, édité par Parsons et
supposé faire le point de la recherche. Alors que la société américaine est déchirée par la guerre du
Vietnam et les émeutes raciales, les auteurs dont notamment S.M. Lipset n'en soufflent mot et
pratiquent la « self-congratulatory celebration », le « patriotic pitch » et le « triumphal theme » : The
coming crisis of Western Sociology, Heineman, Londres, 1971. .
(10) Ainsi, le rêve d'Auguste Comte serait enfin réalisé. La méthode scientifique nous permettrait
de passer, après les errements de l'état théologique et de l'état métaphysique, dans les certitudes de
l'état positif. Le principal théoricien de la méthode scientifique est Karl Popper. Son ouvrage Die
Logik der Forschung, paru pour la première fois en 1936, a été traduit en 1973 chez Payot. Pour une
application sympathisante des principes universaux de la méthode scientifique aux sciences sociales, cf.
K.D. Opp, Méthodologie der Sozialwissenschaften, Rohwolt, Reinbek, 1970...
(11)11 ne faut d'ailleurs pas s'imaginer que la «méthode scientifique» soit quelque chose qui
n'influe guère sur la démarche concrète des sciences sociales et demeure cantonnée dans les sphères
éthérées de l'épistémologie et de la philosophie. Les préceptes de Popper ont été intégrés dans la
plupart des sciences sociales, surtout d'inspiration anglo-saxonne, ne serait-ce que comme justification
idéologique d'un certain « habitus » scientifique. Pour la science politique par exemple, voir V. Van
Dyke, Political science, a philosophical approach, Standford University Press, 1962 et Dhal Neubauer,
eds. Readings in modern political analysis, Prentice Hall, Knglewood Cliffs, 1968.
(12) Th.W. Adorno, Studien zu Hegel, Suhrkamp, Frankfurt, 1963, p. 89. Cf. du même auteur : Zur
Metakritik der Erkenntnistheorie*, Suhrkamp, Frankfurt, 1975.
(13) L. Sklair, Organized knowledge, Paladin, St. Albans, 1973, passim. Voir également la récente
étude de l'OCDE sur l'état actuel de la recherche dans les sciences sociales en France qui dégage
d'autres conséquences du processus d'institutionalisation.
L'ECOLE DE FRANCFORT , 143
(14) Telle est la conception qui se dégage de la plupart des contributions de l'ouvrage édité par
I. Lakatos et A. Musgrave, Criticism and the growth of knowledge, Cambridge University Press, 1971.
(15) T.S. Kuhn, The structure of scientific revolutions, Chicago University Press, 1962. Voir
également H. Martins, The Kuhnian revolution and its implications for sociology, in C. Nossiter, éd.,
Imagination and precision in the social sciences, Faber, London, 1972.
- (16) Cette remarque nous permet de faire peu de cas des arguments avancés par Merton (op. cit.)
et Popper (The open society and its enemies, Routledge, London, 1962) sur la correspondance entre
normes scientifiques et société libérale. A contraster avec J. Bernai, The social function of science,
Routledge, London, 1939 et du même, Science in History, Penguin, Harmondsworth, 1971.
(17) Lettre de Marx à Engels du 27.6.1867, in Mew, vol. 31, p. 313. Pour une critique
systématique du caractère pseudo-concret de la démarche positiviste, voir K. Kosik, Die Dialektik des
Konkreten, Suhrkamp, Frankfurt, 1967.
(18) K.R. Popper, The poverty of historicism, Routledge, London, 1957, pp. 64-68. De manière
assez significative, Popper prend d'ailleurs comme cible principale le système philosophique du
marxisme ; voir également l'ouvrage The open society and its enemies, déjà cité. L'orientation libérale
de cette tendance n'est pas seulement un réflexe philosophique mais une attitude politique (Cf.
également l'ouvrage de Lakatos et Musgrave déjà cité).
(19) E.H.Carr, What is history, Penguin, Harmondsworth, 1964, p. 155.
(20) Th.W. Adorno, Einleitung zu Adorno, Popper, Habermas et alt., Der Positivismusstreit in der
deutschen Soziologie, Luchterhand, Neuwied, 1969, p. 43.
(21) Th.W. Adorno, Der Positivismusstreit, op. cit., p. 44.*
(22) Th.W. Adorno, Minima Moralia, Suhrkamp, Frankfurt, 1968, p. 7.
(23) C.G. Hempel, Problems and changes in the empiricist criterion of meaning, in « Revue
Internationale de Philosophie », 1950.
(24) K.R. Popper, Der Positivismusstreit, op. cit., p. 117.
(25) P. Sorokin, Fads and Foibles in modern sociology, H. Regnery Co., Chicago, 1956, chapitre 7,
voir aussi la bible de la sociologie positiviste r R. Konig, et ait., Handbuch der empirischen
Sozialforschung, Enke, Stuttgart, 1964.
(26) S. Ossowski, Die Besonderheiten der Sozialwissenschaften, Suhrkamp, Frankfurt, 1973, p. 148.
(27) Voir par exemple les middle-range theories de Merton.
(28) Relevé par J. Habermas et ait., Der Positivismusstreit, op. cit., p. 239.
(29) K.R. Popper, Conjectures and Refutations, Routledge, London, 1963, pp. 23 et 387. '
(30) A.V. Cicourel, Method and measurement in sociology, Free Press, Glencoe, 1964, p. 18.
(31) En face de cette réalité, il incombe au savant de rendre manifestes les valeurs qui entrent dans
son entreprise, de découvrir ses préjugés. Cf. G. Myrdal, Value in social theory, Macmillan, London,
1958, et du même, Objectivity in social research, Panthéon, New York, 1969, ainsi que L. Bramson,
The political context of sociology, Princeton University Press, 1960.
(32) C'est le terme de Max Weber : Gesammelte Aufsâtze zur Wissenschaftslehre, Mohr, Tubingen,
1968, p. 15. Voir aussi D. Henrich, Die Einheit der Wissenschaftslehre Max Webers, Mohr, Tubingen,
1952.
(33) A. Rapoport, Various meanings of theory, in : « American Political Science Review 52 » (2),
1958. Voir également les travaux de M. Polanyi et de M. Green, The knower and the known, Faber &
Faber, London, 1966..
(34) F.S.C. Northrop, Thé logic of the sciences and the humanities, Meridian Books, New York,
1959, p. 119.
(35) J. Habermas, Zur Logik der Sozialwissenschaften, Suhrkamp, Frankfurt, 1970, p. 11.*
(36) Cf. C. McCoy, J. Playford, Apolitical politics, a critique of behavioralism, Cromwell, New
York, 1967 et M. Surkin, A.Wolfe eds., An end to political science, Basic books, New York, 1970.
Voir aussi P. Bachrach, M.S. Baratz, Two faces of power, « American Political Science Review » 56.
(4), 1962.
(37) B.F. Skinner, Beyond freedom and dignity, Knopf, New York, 1971.
(38) Sur ces deux traits, cf. P. Feyerabend, Ueber konservative Ziige in den Wissenschaften und ihre
Beseitigung, Club Voltaire 1, Munchen 1964 ainsi que l'ouvrage édité par Robin Blackburn : Ideology .
in social science, Fontana, London, 1972.»
(39) Cf. chez Popper la corresponsance logique entre prognose ef explication, le succès de la
prognose déterminant la valeur de l'explication. ,
(40) K.R. Popper, Conjectures and refutations, op. cit.
(41) Nous ne pouvons qu'effleurer cet aspect très riche des écrits d' Adorno, Signalons que la
théorie esthétique de cet auteur, qui prend le contrepied de celle de Lukàcs, est en cours de traduction
144 MARIO HIRSCH
chez Klinksieck, Paris. Cf. également M. Jimenez, Adorno, penseur de l'art, 10/18, Paris, 1973, ainsi
que la page double consacrée par Le Monde du 25.10.74 à l'Ecole de Francfort.
(42) Cf. le mémoire de maîtrise présenté en 1974, sous la direction de Georges Kassai à Paris VI
(Jussieu) par Claudia Hartmann et qui s'attache précisément à établir le dialogue entre Barthes et
Adorno. Cf. aussi, P.V. Zima, L'Ecole de Francfort, Editions Universitaires, Paris, 1974.
(43) G. Patzig, Postface à: R.Carnap, Scheinprobleme in der Philosophie, Suhrkamp, Frankfurt,
1970, p. 120.
(44) Ceux qui s'intéressent à la poursuite de cette discussion se reporteront utilement à
P. Lazarsfeld, M. Rosenberg eds., The language of social research, Free Press, New York, i955 et
E. Topitsch, Hg., Logik der Sozial wissenschaften, Kiepenheuer und Witsch, Ko In, 1965. Cf. aussi
B. Hindess, Models and masks empiricist conceptions of scientific know Ledge, in « Economy and
Society », May 1973.
(45) M. Horkheimer, Kritische Théorie, Fischer, Frankfurt, 1969, p. 140.
(46) Voir par exemple la controverse entre Jùrgen Habermas et un tenant de la sociologie
systémique, Niklas Luhmann : Théorie der Gesellschaft oder Sozialtechnologie, Was leistet die
Systemforschung ? , Suhrkamp, Frankfurt, 1971.
(47) Voir par exemple K. Mannheim, Ideology and Utopia, Routledge, London, 1971 ou l'ouvrage
fortement teinté de phénoménologie de P. Berger, Th. Luckmann, The social construction of reality,
Anchor, New York, 1966.
(48) Voir de ce dernier « Negative Dialektik », Suhrkamp, Frankfurt, 1966, mais aussi leur uvre
commune de 1948 : « Dialektik der Aufklârung », Fischer, Frankfurt, 1971.
(49) Un des rares théoriciens à penser la tâche de la restructuration de la pensée sociale dans ce
contexte de la situation globale, marquée par le déchn du monde occidental hégémonique et la
renaissance de la périphérie, est Anouar Abdel-Malek. Voir de cet auteur extrêmement stimulant « La
dialectique sociale », Le Seuil, Paris, 1972. Se rapproche de ces exigences un jeune universitaire
allemand qui gravite autour de la théorie critique, Bernard Willms : Entwicklung und Revolution,
Makol, Frankfurt, 1972.
(50) Ce sont les termes d'une étude très officielle faite par le Centre pour la recherche et
l'innovation dans l'enseignement de l'OCDE sur l'interdisciplinarité ; conclusion de G. Michaud, OCDE,
Paris, 1972, p. 294.
(51) G. Berger, in : étude de l'OCDE précitée, p. 54. .
(52) Ces concepts, propres à la philosophie phénoménologique de Husserl, ont été repris de façon
heuristique intéressante par A. Schùtz : Collected Papers, L, Nijdhoff, Leyden, 1962. La théorie
critique les a dynamisés de manière très heureuse : « Ce dont la phénoménologie philosophique rêvait
comme quelqu'un qui rêve de se réveiller, le ad res, pourrait incomber à une philosophie qui ne songe
pas à conquérir ces choses avec la magie d'une contemplation de l'essence, mais qui incorpore les
médiations objectives et subjectives » (Adorno, Eingriffe, Suhrkamp, Frankfurt, 1964.
(53) Th.W. Adorno, Der Positivismusstreit, op. cit., p. 81. -
(54) Cf. la controverse entre J. Habermas et N. Luhmann : Théorie der Gesellschaft oder Sozial
technologie, op. cit., et B. Schaefers, Hg., Thesen zur Kritik der Soziologie, Suhrkamp, Frankfurt, 1969.
(55) Ainsi Max Horkheimer dans un essai célèbre des années 30 (« Traditionnelle und kritische
Théorie »), repris dans Horkheimer, Kritische Théorie, op. cit.
(56) Th. W. Adorno, Negative Dialektik, op. cit., pp. 15 et 196. Voir aussi du même \Drei Studien zu
Hegel, Suhrkamp, Frankfurt, 1969 et Stichworte, Suhrkamp, Frankfurt, 1969.
(57) Karl Popper a fait porter à juste titre la controverse sur ce point. Cf. The poverty ofhistoricism,
op. cit.
(58) « Nur Bewegung also mit dem zu Erfullenden in sich ist also, die wirkliche Dialektik der
Unruhe, nà'mlich der Unerfùlltheit der Unangemessenheit. Kben darauf, auf die unvorhandene
Anwesenheit des Vollkommenen im Unvollkommenen, damit letzteres ùberhaupt ein so schmerz-
liches wie stachelndes sein konne, zielte Hegels tiefer Satz : 'Das Unvollkommene als das Uegenteil
seiner selbst ist der Widerspruch,.. der Impuis des Lebens in sich selbst, die Rinde der Fremdheit seiner
selbst zu durchbrechen » (E. Bloch, Tùbinger Einleitung in die Philosophie 2, Suhrkamp, Frankfurt,
1964, pp. 66-67.
(59) Th. W. Adorno, Der Positivismusstreit, op. cit., p. 127.
(60) Cette distinction a été faite par le politologue W. D. Narr Theoriebegriff und Systemtheorie,
Kohlhammer, Stuttgart, 1969, p. 69 et sq.
(61) Ces concepts sont ceux du grand philosophe marxiste Ernst Bloch : Prinzip Hoffnung et Zur
Ontologie des Noch-Nichtseins, tous les deux chez Suhrkamp, Frankfurt, 1962.
L'ECOLE DE FRANCFORT 145
(62) E. Bloch, Subjekt-Objekt, Erlauterungen zu Hegel, Suhrkamp, Frankfurt, 1971, p. 144. Nous
venons déjà à plusieurs reprises de citer Bloch à l'appui de thèses de l'Ecole de Francfort. Sans qu'il
fasse directement partie de ce mouvement, cet auteur est cependant suffisamment proche de
Horkheimer et d' Adorno pour que ce procédé soit légitime.
(63) G. W. F. Hegel, Vorrede zur Phànomenologie des Geistes, Meiner, Hamburg, 1952, p. 19.
(64) Cf. Th. W. Adorno, Negative Dialektik, op. cit., et l'introduction d'Oskar Negt à Deborin/Bu-
charin, Kontroversen ùber dialektischen und mechanistischen Materialismus, Suhrkamp, Frankfurt,
1969. Voir aussi l'ouvrage collectif Die Frankfurter Schule im Lichte des Marxismus, Verlag
Marxistische Blatter, Frankfurt, 1970.
(65) K. Marx, Das Kapital, Bd. I, Mew, Berlin, 1968, Bd. 23, p. 27. -
(66) Pour poursuivre cette discussion, voir H. Lefevbre, Logique formelle - logique dialectique,
Anthropos, Paris, 1970.
(67) Voir en outre V. O. Key, The politically relevant in surveys, Public Opinion Quarterly 24,
1960, ainsi que la critique de l'entropie du fonctionnalisme que fait Gouldner : The coming crisis of
Western sociology, op. cit., p. 373 et sq. Voir aussi la critique que font J. P. Cot et J. P. Mounier de
l'analyse systémique : « Car Easton cherche les variables explicatives du système poUtique, non dans la
société globale, mais dans les transactions du système avec cet environnement insaisissable... Dans cette
perspective, l'analyse des phénomènes reste autonomisée... Au lieu d'étudier la structure politique dans
son essence, on essaie d'en saisir les frontières. Reprochant aux autres auteurs de s'obnubiler sur le
pépin du fruit, Easton se contente d'en analyser la peau (Pour une sociologie politique 1, Le Seuil,
Paris, 1974. pp. 224-225).
(68) C'est le terme de Popper dans The poverty ofhistoricism, op. cit., passim.
(69) Th. W. Adomo, Der Positivismusstreit, op. cit., p. 16.
(70) C. W. Mills, The sociological imagination, Oxford University Press, New York, 1959, p. 134.
Pour une application concrète de ces préceptes, voir l'excellent ouvrage de B. Moore, Social origins of
dictatorship and democracy, Beacon, Boston, 1967 (voir notamment l'appendice « A note on Statistics
and conservative historiography »).
(71) Th. W. Adorno, Zur Logik der Sozialwissenschaften, in « Der Positivismusstreit », op. cit.,
p. 97.
(72) Pour la conception positiviste de la totalité, cf. A. Stinchcombe, Constructing social theories,
Harcourt, New York, 1968, chapitre 2.
(73) K. R. Popper, Die Logik der Sozialwissenschaften, in Adorno^ Popper, Habermas, Der
Positivismusstreit, op. cit., p. 166.
(74) K. R. Popper, Logik der Forschung, op. cit., section 1-7. Cf. également son The open society
and its enemies, op. cit., vol. 2, pp. 282-85.
(75) Th. W. Adorno, Der Positivismusstreit, op. cit., pp. 35-3*>.
(76) K. R. Popper, What is dialectic ? , in : « Conjectures and refutations », op. cit.
(77) Voir par exemple N. Geras, Marx and the critique of political economy, in : Blackburn, éd.,
« Ideology in social science », op. cit., et E. Mandel, La formation économique de la pensée de Karl
Marx. Maspero, Paris, 1967.
(78) Pour cette distinction entre opérationalismc et réalisme théoriques voir E. Nagel, The structure'
of science, Macmillan, London, 1961, pp. 129-152, ainsi que R. Harre, Theories and things, Macmillan,
London, 1965 et pour une exposition du réalisme théorique S. F. Nadel, The theory of social
structure, Cohen & West, London, 1957, ainsi que S. Ossowski, La structure de classe dans la
conscience sociale, Anthropos, Paris, 1971.
(79) Th. P. Wilson, Conceptions of interaction and forms of sociological explanation, in « American
Sociological Review » 35, 1970.
(80) Th. W. Adorno, Sociologia II, Frankfurter Bcitràge zur Soziologie, Band 1, Europaische
Vcrlagsanstalt, Frankfurt, 1962, p. 206.
(81) Nous ne pouvons pas poursuivre dans le détail cette discussion de l'empirisme. Pour une vue
plus complète, cf. A. Ryan, The philosophy of the social sciences, Macmillan, London, 1970. -
(82) K. R. Popper, The poverty of historicism, op. cit., p. 149 et sq.
,
(83) Comme le fait par exemple E. Durkhcim avec son concept de contrainte sociale (Les règles de
la méthode sociologique, Presses Universitaires de France, Paris, 1968, p. 6).
(84) Le terme est de P. Lorenzen, Methodisches Denken, Athenàum, Frankfurt, 1968, p. 142.
(85) Voir par exemple la notion de spécificité historique d'Anouar Abdcl-Malek et la critique que
fait cet auteur de la sociologie comparative : « ne conviendrait-il pas de mettre l'accent plutôt sur le
facteur endogène, sur la structure interne du terrain étudié, en un mot sur la spécificité, en lieu et
place de Funanimisme théorique, universalistc et équivalentiste ? »... En d'autres termes, la profondeur
du champ historique est bien le visage que revêt le concept de temps dans la saisie de la maintenance
et de la densité dialectique sociale dans l'histoire des sociétés humaines, le cadre général... où prend
forme la spécificité historique donnée d'une société nationale donnée au sein d'une aire culturelle
donnée, elle-même en dernier ressort, composante d'une parmi les grandes civilisations du monde » (La
Dialectique Sociale, op. cit., pp. 331 et 334). -
(86) Voir par exemple D. Apter, Politics of modernisation, Chicago University Press, 1963 et J. La
Palombara, éd., Bureaucracy and political development, Princeton University Press, 1963, E. R. Leach
fait remarquer à l'adresse de ce genre d'approche : « Functionalist thinking sees good categories as
abstract tools devoid of specific context which can be passed from scientist to scientist and society to
society like a hammer. In practice these tools are culture-bound » (The political system of Highland
Burma, Beacon, Boston, 1965). Cf. aussi la contribution d'A. Abdel-Malek à la table ronde T.S.S.C. -
I.S.A. sur « Priorities in comparative sociology » (Cologne 1973, ronéoté).
(87) J. Blondel, Comparing political systems, Weidenfeld, London, 1973.
(88) B. Crick, Party lines in political studies, in « Times Literary Supplement », november 26 1971.
Pour une critique de la sociologie électorale, voir W. Berns, Voting Studies, in : H. Storing, éd., Essays
on the scientific Study of politics, Holt, New York, 1962.
(89) Telle est pourtant la prétention d'un spécialiste des relations internationales, G. Allison, The
essence of décision, Little, Brown, Boston, 1972. ;
(90) Cette idée de structure appelle des précisions, d'autant plus qu'il ressortira des idées exposées
sur l'idée de totalité à propos de la théorie critique qu'il ne peut pas s'agir d'une notion statique de
structure, telle qu'elle apparaît dans le structuralisme français. Voir à ce propos H. Lefevbre, Au-delà
du structuralisme, Anthropos, Paris, 1971, ainsi que la critique du structuralisme que fait un disciple
de l'Ecole de Francfort, A. Schmidt, Der strukturalistische Angriff auf die Geschichte, in : Schmidt
Hg., Beitràge zur marxistischen Erkenntnis théorie, Suhrkamp, Frankfurt, 1969.
(91) P. Winch, The idea of a social science and its relation to philosophy, Routledge, London,
1958.
(92) L. Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 5.4711.
(93) Voir par exemple le « grand refus » de Herbert Marcuse. Tout en donnant une représentation
¦
de la situation qui ne semble pas donner d'autre issu que la résignation, Adorno ne prêche pas pour
autant la passivité : Adorno, Kritik, Suhrkamp, Frankfurt, 1973. La thèse de la critique philosophique
devrait être acquise : Positivism is philosophical, M. Horkheimer, The eclipse of reason, Oxford
University Press, 1947, p. 59.
(94) J. Habermas, Théorie und Praxis, nouvelle édition avec préface importante, Suhrkamp,
Frankfurt, 1971.
(95) Les textes épistémologiques importants de Habermas sont Erkenntnis und Interesse,
Suhrkamp, Frankfurt, 1968 et certains essais contenus dans Technik und Wissenschaft als'Idéologie',
Suhrkamp, Frankfurt, 1968.
(96) J. Habermas, Technik und Wissenschaft als "Idéologie", op. cit., p. 92.
(97) J. Habermas, Légitimations problème im Spàtkapitalismus, Suhrkamp, Frankfurt, 1973; cf.
aussi C. Offe, Politische Herrschaft und Klassenstrukturen, in : Cress/Senghaas, Politikwissenschaft,
Frankfurt, Fischer, 1972 et C. Offe, Strukturprobleme des kapitalistischen Staates, Suhrkamp,
Frankfurt, 1973. -
(98) Cf. sur ce point A. Wellmer, Kritische Gesellschaftstheorie und Positivismus, Suhrkamp,
Frankfurt, 1969. '
(99) Habermas semble ainsi tomber dans le même piège que Max Weber et que Herbert Marcuse a
dénoncé dans l'uvre weberienne (Industrialisierung und Kapitalismus im Werk Max Weber, an :
Marcuse, « Kultur und Gesellschaft » 2, Suhrkamp, Frankfurt, 1968). Voir aussi J. Habermas, Struk-
turwandel der Oeffentlichkeit , Luchterhand, Neuwied, 1962.
(100) B. Willms, Kritik und Politik : J. Habermas oder das politische Defizit der kritischen théorie,
Suhrkamp, Erankfurt, 1973, p. 66.
(101) Depuis peu, Habermas1 s'occupe intensivement de questions linguistiques. Cf. sa contribution
dans l'ouvrage collectif Hermeneutik und Ideologiekritik, Suhrkamp, Frankfurt, 1971 j
(102) J. Habermas, Erkenntnis und Interesse, op. cit., p. 342. Ce recours à Freud est évidemment
connu depuis l'ouvrage de Marcuse Eros and Civilization. Voir également les travaux d'un psychana-
lyste qui se réclame de l'Ecole de Francfort, Alfred Lorenzer : Ueber den Gegenstand der
Psychoanalyse.
(103) Voir sur le concept weberien de « Herrschaft », K. O. Hondrich, Théorie der Herrschaft,
Suhrkamp, Frankfurt, 1973.
L'ECOLE DE FRANCFORT 147
(104) Voir par exemple R. Dahrendorf, Class and class conflict in industrial society, Stanford
University Press, 1959 ainsi que G. Michelat, M. Simon, Classe sociale subjective, classe sociale objective
et comportement électoral, « Revue Française de Sociologie », octobre/décembre 1971.
(105) Voir M. Hirsch, La situation internationale des petits Etats : des systèmes politiques pénétrés,
« Revue Française de Science Politique », octobre 1974.
(106) Cf. K. O. Apel, Wissenschaft ah Emanzipation ? Eine Auseinandersetzung mit der Wissen-
schaftskonzeption der "kritischen Théorie" in : » Zeitschrift fur allgemeine Wissenschaftstheorie », «
Bd. I, Heft 3.
(107) t ... Dialektik muss in eins Abdruck des universellen Verblendungszusammenhangs und dessen
Kritik, in einer letzten Bewegung sich noch gegen sich selbst kehren. Die Kritik an allem Partikularen,
das sich absolut setzt ist die am Schatten von Absolutheit ûber ihr selbst, daran, dass auch sie, entgegen
ihrem Zug, im Medium des Begriffs verbleiben muss. Sie zerstôrt den Identitatsanspruch indem sie ihn
priifend honoriert. Darum reicht sie nur soweit wie dieser. Er prà'gt ihr als Zauberkreis den Schein
absoluten Wissens auf. An ihrer Selbstreflex ist es, ihn zu tilgen, eben darin Negation der Negation,
welche nicht in Position ùbergeht » (Adorno, Négative Dialektik, op. cit., pp. 395-396).
(108) On pourrait voir dans ces traits la dimension juive qui continue de marquer ces penseurs,
pourtant athées déclarés. Notons à ce propos que le grand spécialiste de fat mystique juive, Gershon
Scholem gravitait autour de l'Ecole de Francfort avant la dernière guerre. L'évolution de la pensée
d'Ernst Bloch accuse de plus en plus ces tendances. Voir son ouvrage Athéismus im Christ entum,
Rohwolt, Reinbek, 1 97 1 .
(109) Adorno, Horkheimer, Dialektik der Aufklârung, op. cit., p. 1.
(110) E. Bloch, Tûbinger Einleitung in die Philosophie 1, op. cit., pp. 131-132. Voir aussi son
ouvrage majeur Dos Prinzip Hoffnung, Suhrkamp, Frankfurt, 1959. .