Cartilage de Croissance Et Croissance en Orthopédie

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Cartilage de croissance et croissance


en orthopédie
J.-L. Jouve, G. Bollini, F. Launay, Y. Glard, T. Craviari, J.-M. Guillaume, M. Panuel

Le cartilage de croissance assure la croissance en longueur au niveau des os longs. Il est indissociable
d’une entité plus globale que constitue la chondroépiphyse. Celle-ci comprend l’ensemble des structures
cartilagineuses qui assurent le développement des épiphyses des os longs. La chondroépiphyse constitue
une unité à la fois histologique, fonctionnelle et vasculaire. Toute lésion de cette région peut avoir un
retentissement sévère sur la croissance. Les mécanismes de régulation de la croissance sont complexes,
génétiques, socioéconomiques, endocriniens et mécaniques. Il est difficile de les dissocier. L’observation
clinique répétée reste indispensable pour porter un diagnostic et surtout pour effectuer une prévision
fiable du statut en fin de croissance. Les courbes de croissance, abaques, corrélées aux mesures d’âge
osseux permettent d’effectuer de telles prévisions avec une précision intéressante. Ces évaluations
tiennent compte du caractère non linéaire de la croissance, ainsi que du comportement propre à chaque
cartilage de croissance. Les perturbations de la croissance peuvent être distinguées en perturbations
locales, régionales ou générales. Le chirurgien orthopédiste est directement concerné par les
perturbations locales, lors de la constitution d’une épiphysiodèse. Parmi les examens d’imagerie,
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) s’est affirmée comme l’examen de choix pour s’orienter vers
un traitement palliatif ou une désépiphysiodèse. Les perturbations régionales vont concerner l’ensemble
d’un membre. Les courbes prévisionnelles vont alors guider l’indication thérapeutique entre un
allongement ou une épiphysiodèse chirurgicale. Enfin, une anomalie générale avec un écart de plus de
deux déviations standards va justifier d’une orientation vers une équipe spécialisée afin de rechercher une
anomalie organique et discuter un traitement adapté.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Cartilage de croissance ; Croissance ; Épiphysiodèse

Plan ¶ Perturbations locales de la croissance 9


Traumatismes à distance du cartilage de croissance 9
¶ Introduction 1 Traumatismes par séparation en bloc de la chondroépiphyse
(décollement épiphysaire) 10
¶ Acteurs de la croissance 2
Traumatismes directs du cartilage de croissance 10
Chondroépiphyse, unité fonctionnelle indissociable du cartilage
de croissance 2 ¶ Perturbation régionale de la croissance 13
Virole périchondrale 3 ¶ Perturbation générale de la croissance 13
Périoste 4 Enfants de petite taille 13
Équilibre des zones de croissance 4 Enfants de grande taille 14
¶ Cinétique de la croissance 4
Croissance anténatale 4
Croissance de 0 à 5 ans : croissance rapide, mais déclinante 5
Croissance de 5 à 10 ans : croissance linéaire douce 5 ■ Introduction
Croissance après 10 ans, le pic pubertaire 5
Variabilité en fonction de segments considérés 5 La croissance peut répondre à de nombreuses définitions. De
¶ Régulation de la croissance 5 manière pragmatique, on regroupe sous ce terme tous les
Facteurs génétiques 5 événements conduisant un individu de la vie fœtale à un stade
Facteurs environnementaux 5 mature. Le chirurgien orthopédiste est particulièrement intéressé
Facteurs endocriniens 6 par ces événements car la croissance squelettique est à la fois le
Facteurs mécaniques 6 guide et le témoin principal d’une croissance harmonieuse.
¶ Exploration de la croissance 7 La croissance obéit à des lois précises. Certaines sont parfai-
Exploration clinique 7 tement connues, d’autres sont encore mystérieuses et font
Exploration radiographique 7 l’objet de théories parfois contradictoires.
Âge osseux et courbes de croissance 7 Les mécanismes régulateurs de la croissance sont nombreux,
Imagerie du cartilage de croissance 8 génétiques, endocriniens, mais également socioéconomiques et
mécaniques. Ces facteurs sont intriqués et encore mal connus.

Appareil locomoteur 1
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La croissance peut être perturbée en un point précis du


squelette. Elle peut affecter un segment de membre, un hémi-
corps. Elle peut être généralisée à l’ensemble du squelette.
Toutes les perturbations de la croissance vont converger vers le
chirurgien orthopédiste. Son rôle va être de démembrer le
problème de la manière la plus précise possible. Il prend en
charge les dysfonctionnements relevant de sa compétence. Il
organise la prise en charge multidisciplinaire des pathologies
complexes.
L’étude de la croissance est marquée par des étapes majeures.
À chacune d’entre elles, un pas important a été franchi. Les
inconnues restent encore importantes et, à ce jour, beaucoup
d’éléments manquent à une bonne compréhension de la
croissance. Il est parfois difficile, dans les ouvrages écrits,
d’établir ce qui relève de faits établis de manière formelle et ce
qui relève de l’hypothèse ou de la déduction non documentée.
Notre objectif dans ce chapitre est de communiquer au lecteur
les bases fondamentales de la croissance et les éléments sur
Figure 2. Cinétique de la croissance de l’os long. Le cartilage de
lesquels il peut s’appuyer dans sa pratique quotidienne.
conjugaison assure la croissance en longueur. Le périoste assure la crois-
sance en épaisseur. Le cartilage de croissance épiphysaire assure la crois-
sance de l’épiphyse par apposition centripète. Le point d’ossification
■ Acteurs de la croissance épiphysaire se développe de manière asymétrique et permet de donner la
forme définitive à l’extrémité osseuse concernée.
Chondroépiphyse, unité fonctionnelle
indissociable du cartilage de croissance
La chondroépiphyse est une structure anatomique pluritissu-
laire, située à chacune des deux extrémités d’un os long (Fig. 1).
Son rôle est double : assurer la croissance en longueur de l’os
diaphysaire et permettre la croissance volumique des extrémités
osseuses, notamment la forme de la surface articulaire
correspondante [1].
À la naissance, la plupart des chondroépiphyses ne sont
encore formées que de cartilage hyalin (cartilage de croissance)
entouré d’une fine couche de fibrocartilage (cartilage articu-
laire). Une seule présente constamment à la naissance un noyau
d’ossification déjà présent, il s’agit de l’extrémité inférieure du
fémur. Le ou les noyaux d’ossification de chaque chondroépi-
physe apparaissent à des périodes précises de la croissance
postnatale. La chronologie d’apparition des noyaux d’ossifica-
tion est à la base des techniques d’évaluation de l’âge osseux.
Il est habituel de dire qu’il y a dans la chondroépiphyse, deux Figure 3. Cas clinique d’un enfant âgé de 7 ans. Cet enfant a bénéficié
types de cartilages de croissance : d’une injection de biphosphonates à la période néonatale motivée par un
• un de type sphérique à croissance centripète, il s’agit du trouble du métabolisme phosphocalcique. Un liseré de calcification était
cartilage de croissance du point d’ossification épiphysaire ; alors formé au niveau du point d’ossification épiphysaire. On observe
• un de type discal à croissance axiale ou cartilage de conju- parfaitement sur son cliché, plusieurs années après, que la croissance du
gaison. point d’ossification épiphysaire s’est faite essentiellement par appositions
périostées distales et latérales. La croissance du versant métaphysaire du
point d’ossification a été quasiment inexistante. Cela pondère la notion
d’un cartilage de croissance épiphysaire sphérique (collection Necker – P.
Cartilage articulaire Schmit, C. Glorion).

Chondroépiphyse
Les choses paraissent en pratique un peu plus complexes. Le
Centre d'ossification Épiphyse schéma classique de cartilage de croissance épiphysaire sphéri-
que à croissance centripète paraît simpliste. Un tel mode de
fonctionnement est évident sur certains os courts comme le
Cartilage de coissance
talus ou le calcanéus. En revanche, aux os longs, la croissance
du noyau épiphysaire est plus subtile, beaucoup plus lente que
le cartilage de conjugaison. Elle gère essentiellement la forme de
Métaphyse
l’épiphyse et se fait essentiellement en regard de la périphérie.
Elle est quasi inexistante en regard de la métaphyse où seule
l’activité du cartilage de conjugaison semble efficace (Fig. 2). Le
cas clinique de la Figure 3 donne une idée assez précise du
véritable mode de croissance de l’épiphyse fémorale distale.

Histologie du cartilage de croissance


Figure 1. Extrémité d’un os long en croissance. Cartilage de croissance
Le cartilage de croissance est composé successivement, de
et cartilage articulaire sont inclus dans la masse cartilagineuse que repré-
l’épiphyse vers la métaphyse, de quatre couches dont la finalité
sente la chondroépiphyse.
est un processus d’ossification enchondrale (Fig. 4). Les chon-

2 Appareil locomoteur

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1
6

7
2

3
9

Figure 5. Aspect du fémur distal d’un enfant affecté d’une arthrite


chronique juvénile. Les injections successives de biphosphonates ont laissé
10
à chaque injection un liseré calcique. L’aspect montre parfaitement le
principe de croissance en longueur par appositions osseuses successives.

Figure 4. Aspect histologique du cartilage de croissance métaphysaire


de la virole périchondrale. On note l’indépendance entre la vascularisation
épiphysaire et la vascularisation métaphysaire. La zone avasculaire corres- d’invasion vasculaire par de l’os. Ce tissu ostéoïde ou spon-
pondant à la couche dégénérative constitue le point de faiblesse en gieuse primaire est progressivement remplacé par un os plus
traumatologie. 1. Périchondre ; 2. virole périchondrale ; 3. périoste ; 4. structuré ou spongieuse secondaire.
artère épiphysaire ; 5. centre d’ossification épiphysaire ; 6. couche germi- Tout autour des chondrocytes se trouve une substance
nale ou de réserve ; 7. couche sériée ou en colonnes ; 8. couche de cellules fondamentale formée de protéoglycanes et de collagène. C’est à
hypertrophiques ; 9. couche dégénérative ou d’ossification ; 10. vaisseaux ce niveau que vont se produire les phénomènes de calcification.
métaphysaires. Les protéoglycanes sont en quantité plus importante. Les
déficits enzymatiques qui perturbent leur dégradation consti-
tuent les maladies de surcharge ou mucopolysaccharidoses. Le
collagène constitue la trame fibreuse de la substance fondamen-
drocytes vont se multiplier régulièrement en produisant autour tale. Les anomalies du collagène sont responsables des maladies
d’eux une substance fondamentale. Celle-ci va se calcifier de type Ehlers-Danlos ou Marfan.
secondairement. Ce mode de croissance par appositions osseuses successives
Dans la couche de cellules germinales ou couche de réserve, est parfaitement visible sur les radiographies de patients traités
les cellules sont petites, disposées de façon éparse au milieu par les biphosphonates (Fig. 5). Sur ces clichés, les lignes
d’une substance fondamentale abondante. Le rythme des calciques correspondent à chaque injection de biphosphonates
divisions cellulaires y est lent. C’est une zone de stockage. Sa dans le temps, permettant de bien visualiser le mécanisme de la
vascularisation est d’origine épiphysaire. croissance en longueur.
La couche de cellules sériées ou en colonnes se présente sous À la fin de la croissance, le cartilage de croissance s’atrophie
forme de cinq à 30 cellules empilées en colonnes. Les divisions et il survient une désorganisation cellulaire puis les vaisseaux
cellulaires au sommet des colonnes sont intenses. C’est dans la épiphysaires et métaphysaires s’anastomosent, constituant une
couche sériée que va se constituer l’allongement de l’os. véritable épiphysiodèse physiologique.
L’épaisseur des colonnes est d’ailleurs le témoin de l’activité du
cartilage de croissance concerné. La vascularisation est riche,
également d’origine épiphysaire. Virole périchondrale
La couche de cellules hypertrophiques correspond à la zone
de maturation. Les chondrocytes se vacuolisent, les noyaux se La physe est entourée de deux structures, l’encoche d’ossifi-
fragmentent et la substance fondamentale se raréfie. C’est une cation de Ranvier et la virole périchondrale de Lacroix. La virole
zone avasculaire et fragile. C’est à ce niveau que se produisent est constituée d’un réseau collagénofibreux en continuité avec
les décollements épiphysaires. le périoste vers la métaphyse et le périchondre vers la chondro-
La dernière couche dite de cellules dégénératives est la zone épiphyse. La virole peut être représentée comme un joint
d’ossification. Les cellules éclatent et évoluent vers la nécrose circulaire qui assure la stabilité mécanique de la physe (Fig. 6).
chondrocytaire. Les logettes sont alors vides et deviennent le Une autre disposition anatomique de la physe favorise sa
siège d’une invasion vasculaire d’origine métaphysaire. Les résistance aux cisaillements, il s’agit des processus mamillaires.
capillaires métaphysaires sont dépourvus d’endothélium à leur La limite entre le cartilage de croissance et la métaphyse n’est
extrémité, ce qui favorise l’extravasation sanguine dans les pas un plan, mais une surface tomentueuse constituée de ces
logettes cartilagineuses. Des bandes de cartilage minéralisé processus mamillaires, permettant un meilleur ancrage du
apparaissent. Le cartilage calcifié est remplacé le long de la ligne cartilage de croissance sur la métaphyse.

Appareil locomoteur 3
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Membre en Segment Membre en Segment


totalité de membre totalité de membre

30 % 17%
40 % 80 %

70 % 37 %
20 % 65 %
10 %
50 % 26 %
10 % 20 %

Figure 6. Aspect histologique de la virole périchondrale. 1. Périchon-


dre ; 2. encoche d’ossification de Ranvier ; 3. virole périchondrale de
Lacroix ; 4. périoste.

Périoste
40 % 80 % 40 % 18 %
La deuxième structure de croissance est représentée par le
périoste. Celui-ci engaine sur toute sa longueur la diaphyse et
Figure 7. Constitution des différents cartilages de croissance à la crois-
la métaphyse et s’interrompt au niveau du cartilage de conju-
sance du membre d’après Dimeglio [3, 4].
gaison en se fixant à la virole périchondrale. Ce périoste est une
membrane très épaisse chez l’enfant et permet à l’os de grandir
en épaisseur car sa face profonde est ostéoformatrice. Le périoste
joue un rôle essentiel dans l’apparition du cal osseux après une
fracture diaphysaire ou métaphysaire et dans le remodelage du
cal osseux avec la croissance. Cette action a été résumée par la
loi de Wolf dès 1892 [2] qui considère que les appositions
périostées se constituent aux endroits mécaniquement
contraints, alors que les régions non sollicitées font l’objet de
résorptions osseuses. L’ensemble aboutit progressivement à un
déplacement relatif du cal fracturaire vers l’axe mécanique de
l’os considéré. Ce processus, présent chez l’adulte, est beaucoup
plus marqué chez l’enfant, porteur d’un périoste infiniment plus
actif.

Équilibre des zones de croissance


Il existe une balance d’activité entre les cartilages de crois-
sance situés aux deux extrémités des os longs. Pour exemple, la
croissance des cartilages de conjugaison est respectivement de
30 % pour l’extrémité supérieure et de 70 % pour l’extrémité
inférieure du fémur, de 80 % et 20 % pour l’humérus, de 55 %
et 45 % pour le tibia. Ainsi, au membre inférieur, le genou
concerne 65 % de la croissance. L’ensemble de ces valeurs est Figure 8. Mise en évidence de la variabilité de la croissance entre
résumé en Figure 7. l’épiphyse fémorale proximale et le grand trochanter. La croissance de
Au sein d’une même extrémité d’os long, il peut exister une l’épiphyse fémorale est globalement du double de celle du grand trochan-
synergie d’activité de deux structures de croissance adjacente. ter, entraînant une valgisation progressive du col fémoral. Il s’agit du cas
Ainsi, l’extrémité supérieure du fémur détermine un angle clinique d’un enfant atteint d’une ostéogenèse imparfaite pour lequel
d’inclinaison (angle formé par l’axe de la diaphyse et l’axe du plusieurs fractures sont survenues à intervalles réguliers au membre infé-
col) par une synergie qui fait qu’alors que le grand trochanter rieur, provoquant la constitution du liseré d’ossification (collection CHU
fournit en direction du col une quantité de croissance (x), le Tunis – M. Ben Ghachem, M. Smida).
cartilage de conjugaison de l’épiphyse fémorale fournit, lui, une
quantité double de croissance (2x) en direction du col du fémur
(Fig. 8).
Croissance anténatale
■ Cinétique de la croissance La croissance anténatale est exponentielle jusqu’à la nais-
sance. La morphologie et la vitesse de croissance sont réglées
La vitesse de croissance n’est pas linéaire. Les travaux par une combinaison complexe de facteurs génétiques et
biométriques de Dimeglio ont permis de distinguer quatre posturaux. Ainsi, il a été démontré [5, 6] que certains éléments
périodes [3, 4]. tels que la trochlée fémorale étaient fixés dès les premiers stades

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CM
1

Filles 2
12

10 Garçons 3

8 4
6

Ans 1 5 10 13 15 18
Figure 10. Schéma montrant que le pic pubertaire global est constitué
Figure 9. Vitesse de croissance respective chez la fille et le garçon. On
de plusieurs pics d’amplitudes différentes et également décalés dans le
constate que, dans les deux cas, la vitesse de croissance diminue forte-
temps. 1. Vitesse de croissance globale ; 2. vitesse de croissance du tronc ;
ment à la naissance pour se stabiliser entre 5 et 10 ans puis accélérer lors
3. vitesse de croissance des membres inférieurs ; 4. vitesse de croissance
du pic pubertaire final. On observe également que l’ampleur et la chro-
du périmètre thoracique. D’après Dimeglio [3, 4].
nologie vont être décalés entre le garçon et la fille.

de la croissance intra-utérine. En revanche, d’autres éléments


le plus évident est le développement majeur du tronc par
tels que l’antéversion fémorale, l’incidence pelvienne sont
rapport au segment céphalique. Si tous les segments suivent
modifiés de façon progressive au fur et à mesure que le fœtus
globalement la même cinétique comme décrite précédemment,
se développe. Les longueurs respectives des différents segments
l’amplitude et la période du pic de croissance pubertaire sont
de membre sont bien connues à chaque stade de la grossesse,
notamment dans les derniers mois. La brièveté anormale, variables. Ainsi, la croissance des membres est pratiquement
l’asymétrie, la morphologie inhabituelle peuvent être observées épuisée à 13 ans chez la fille et à 14 ans chez le garçon alors
en échographie ou en imagerie par résonance magnétique (IRM) que la croissance du rachis et du thorax se continue durant
et permettre de poser un diagnostic précoce. plusieurs années encore (Fig. 10).

Croissance de 0 à 5 ans : croissance rapide,


mais déclinante ■ Régulation de la croissance
La taille double durant cette période, passant de 54 à
Les éléments régulateurs de la croissance sont nombreux [7].
108 cm [3]. Il s’agit donc d’une période de très grande crois-
Certains sont évidents tels que les facteurs génétiques, ethni-
sance. Cependant, on observe une diminution progressive de la
ques et familiaux. D’autres sont également présents, géographi-
vitesse de croissance. En effet, 25 cm sont acquis durant la
première année, alors que seulement 7 cm sont acquis entre ques, culturels avec des mécanismes intriqués mal connus.
3 et 4 ans. La vitesse de croissance se stabilise à partir de l’âge Enfin, les facteurs qui intéressent particulièrement le médecin
de 5 ans. sont de deux ordres : mécaniques et endocriniens.

Croissance de 5 à 10 ans : croissance Facteurs génétiques


linéaire douce
Les facteurs génétiques sont présents tout au long de la
La vitesse est constante d’environ 6 cm par an. C’est la période de croissance. Nous avons vu, dès la période anténatale,
période au cours de laquelle la croissance se fait surtout aux
que certains éléments tels que la trochlée fémorale sont établis.
membres (deux tiers pour les membres et un tiers pour le
Ils interviennent également de façon évidente sur les propor-
tronc).
tions des différents segments et la taille finale. La taille finale
prévisible ou taille cible est proposée selon une règle simple :
Croissance après 10 ans, le pic pubertaire [TC = TP (cm) + TM (cm) ± 13 (selon le sexe)]/2 avec TC
La reprise d’une croissance rapide est importante. Après = taille cible ; TP = taille père ; TM = taille mère.
10 ans, il reste en moyenne 35 cm à courir en taille debout
dont 20 cm sur la taille assise [3].
Le début de la puberté est marqué par l’apparition de la Facteurs environnementaux
pilosité pubienne dans les deux sexes, du bourgeon mammaire
chez la fille et de l’augmentation brutale du volume des La nutrition intervient de façon évidente. Les dénutritions
testicules chez le garçon. Cette période correspond à un âge s’associent à des retards de croissance. La nutrition intervien-
osseux de 11 ans chez la fille et 13 ans chez le garçon. Elle drait aussi dans le cas de modification de taille chez les
concerne essentiellement le tronc (deux tiers pour le tronc, un populations migrantes, mais de manière plus obscure.
tiers pour les membres). La vitesse de croissance augmente Les conditions socioéconomiques interviennent également
brutalement jusqu’à 13 ans chez la fille et 15 ans chez le dans la croissance et de façon intriquée avec la nutrition. Cela
garçon. Elle s’effondre ensuite pour ne concerner que le rachis concerne les populations migrantes. Cela concerne également
et va diminuer lentement (Fig. 9). l’accélération de la croissance et de la puberté au fil des âges.
Rappelons que la taille de l’homme a augmenté de 10 cm en un
Variabilité en fonction de segments siècle.
Le démembrement de ces facteurs est bien sûr difficile car ils
considérés
sont intriqués. Rappelons le cas des enfants sportifs de haut
Il est évident que la croissance se fait avec un changement niveau tels que les gymnastes qui voient leur croissance et leur
des proportions entre les différentes parties du corps. L’élément puberté décalées dans le temps.

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Facteurs endocriniens C max


Ils sont nombreux. Nous nous limitons aux facteurs essen-
tiels :
• l’hormone de croissance (growth hormone [GH]) : elle est
Vitesse de
sécrétée par l’antéhypophyse. Elle est elle-même dépendante croissance
d’un facteur stimulant hypothalamique (growth hormone-
releasing hormone [GH-RH]). Elle agit sur l’os par l’intermé-
diaire de facteurs de croissance insuline growth factor-I (IGF-I)
sécrétés par le foie. L’action de l’IGF-I se fait directement sur
le cartilage de croissance. La sécrétion de GH est nocturne,
elle se fait de manière pulsatile ;
• les stéroïdes sexuels : c’est l’augmentation massive des Distraction Compression
0
stéroïdes sexuels au moment de la puberté qui déclenche la
sécrétion d’hormones de croissance et, par conséquence, la Figure 11. Courbe de Frost. En ordonnée, la vitesse de croissance. En
production hépatique d’IGF-I. L’action des stéroïdes sexuels abscisse, les forces s’exerçant sur le cartilage de croissance. À gauche du 0,
est double, d’une part, par l’intermédiaire de l’hormone de les forces en distraction entraînent une stimulation de la croissance. À
croissance, d’autre part, par action directe sur le cartilage. droite du 0, les forces en compression entraînent tout d’abord une
L’action se fait par l’intermédiaire des estrogènes qui ont une stimulation de la croissance jusqu’à une valeur maximale à partir de
action de progression et de maturation osseuse. Ils sont laquelle il y a diminution.
essentiellement responsables de la fusion des cartilages de
croissance. Les estrogènes sont obtenus chez l’homme à partir
de l’aromatisation de la testostérone ; dépassé, il se produit une autoaggravation de la déformation.
• les hormones thyroïdiennes : elles stimulent la croissance et Cette théorie s’appuie sur les exemples cliniques que nous
la maturation osseuse ; venons de citer. Aucun protocole expérimental ne démontre les
• les glucocorticoïdes : ils sont impliqués dans la croissance, faits énoncés.
mais surtout peuvent provoquer un blocage de celle-ci par un
excès d’apport endogène ; Limites à la loi de Frost
• le complexe hormone vitamine D-calcitonine : il s’agit
essentiellement d’un groupe agissant sur la minéralisation La théorie de Frost est séduisante, mais reste à ce jour
osseuse par l’intermédiaire de l’équilibre phosphocalcique. controversée. En effet, s’il est clairement démontré in vivo que
les contraintes mécaniques en compression freinent l’activité du
Facteurs mécaniques cartilage de croissance [13-15], il n’a jamais été démontré qu’une
faible dose de compression, même appliquée seulement quel-
Les contraintes appliquées au cartilage de croissance peuvent ques minutes par jour, ait un quelconque effet stimulant sur le
varier en intensité, en direction, en cycle de production cartilage de croissance [16]. La théorie du « rebond », décrite par
amenant des réponses différentes de la physe. Cette notion a Bonnel apporte peut-être un élément de réponse à ces contro-
passionné plusieurs générations de chercheurs. Un bon nombre verses [17] . Il montre que si on applique une compression
de théories, de lois ont été énoncées sans qu’aucune ne puisse inférieure à 32 N pendant un mois sur des cartilages distaux de
aujourd’hui expliquer clairement et de façon reproductible la fémurs de lapin et que cette compression est ensuite supprimée,
réponse du cartilage de croissance aux contraintes mécaniques. non seulement la croissance reprend, mais sa vitesse est
supérieure à la normale pendant 4 à 5 jours. Ce phénomène est
Controverse historique appelé overshoot. Les résultats de ce travail n’ont cependant
jamais pu être reproduits à notre connaissance par une autre
Delpech [8], en 1828, postule qu’une augmentation de pres- équipe. On peut les rapprocher des travaux de mise du cartilage
sion sur le cartilage de croissance diminue la vitesse de crois- de croissance en apesanteur [18, 19]. Soumis à l’apesanteur, un
sance alors qu’une hypopression augmente la vitesse de cartilage de croissance voit son épaisseur diminuer en particulier
croissance. dans la zone hypertrophique. Remis en état de gravité normale,
À l’inverse, Volkman, en 1862 [9], considère qu’une hyper- apparaît une stimulation de croissance par rapport aux témoins.
pression augmente l’activité du cartilage de croissance. Cette Cette capacité de « rebond » dépend de la durée de l’apesanteur.
théorie repose sur le fait que lorsque apparaît une angulation Concernant la distraction, plusieurs travaux ont montré que
anormale, la région du cartilage de croissance située en regard la distraction du cartilage de croissance s’accompagnait d’une
de la concavité présente une croissance supérieure à celle augmentation de l’épaisseur du cartilage de croissance sans
correspondant à la convexité. Cette notion est reprise par augmentation du nombre de cellules contenues dans la zone
Pauwels [10] en 1977. Ainsi, pour certains auteurs, une hyper- proliférative avec une relation dose-effet [20]. Ces éléments sont
pression a un effet freinateur sur la croissance, alors que pour à la base de l’allongement osseux par chondrodiastasis [21].
d’autres, l’hyperpression est stimulante. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la quasi-totalité des
expérimentations mettant en distraction le cartilage de crois-
Loi de Frost sance s’accompagnent d’une fracture passant au travers du
cartilage de croissance et que le gain en hauteur est peut-être au
En 1979, Frost [11] a proposé une théorie qui stipule que le moins partiellement dû à cette fracture [22].
cartilage de croissance doit être soumis à une compression
« optimale » pour fonctionner au maximum de ses capacités et Système précontraint : chondroépiphyse-périoste
produire ainsi le maximum de croissance (Fig. 11). Selon la
théorie de Frost, le cartilage de croissance possède une activité La chondroépiphyse présente une unité biomécanique et
de base qui est faible (qui correspond par définition à la vasculaire indiscutable. Elle est cependant indissociable du
croissance observée lorsqu’il n’existe aucune contrainte en fourreau périosté tant sur le plan anatomique que fonctionnel.
compression). À partir d’un certain degré de compression, qui L’os long en croissance peut ainsi être représenté par cet
correspond à la situation physiologique, le cartilage est stimulé. ensemble qui constitue une enveloppe générant de façon
Au-delà d’un seuil (en situation pathologique), le cartilage est permanente la charpente osseuse métaphysodiaphysaire. Cet
inhibé. Frost affirme que c’est par ce mécanisme que l’on équilibre est le garant d’une croissance harmonieuse conduisant
observe une correction spontanée des cals vicieux post- à la formation d’une structure osseuse de morphologie et de
traumatiques [12] . Il affirme aussi que lorsque le seuil est géométrie normale.

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Âge osseux et courbes de croissance


L’âge osseux est le reflet du degré de maturation du squelette
d’un enfant en croissance. Pour réaliser cette datation, la
maturation osseuse a été comparée à l’âge civil des enfants. Cet
« âge osseux » est forcément approximatif. En effet, si l’âge civil
a toujours une évolution linéaire, la maturation osseuse peut
évoluer de façon différente avec périodes d’accélération et de
ralentissement [24].

Méthodes d’évaluation de l’âge osseux


Plusieurs méthodes existent pour approcher au mieux l’âge
osseux. Toutes ont le même principe. Évaluer dans un premier
temps la maturation osseuse, le plus souvent sur la base de
radiographie(s), puis extrapoler un âge osseux en fonction de
cette maturation osseuse.
Ces méthodes sont assez précises dans les premières années
de vie (0-9 ans), mais ensuite elles sont plus approximatives.
Elles imposent plusieurs radiographies pour le patient.
L’âge osseux est évalué sur une radiographie en fonction de
Figure 12. Schéma mettant en évidence la migration des éléments l’apparition, de la modification de forme et de la soudure de
musculotendineux métaphysaires au fur et à mesure que la croissance se différents points d’ossification. On reporte le résultat sur une
produit afin de conserver une situation anatomique identique. Cette grille qui permet d’extrapoler l’âge osseux. Cette méthode
migration ne peut se concevoir qu’avec un glissement du périoste sur la nécessite un atlas de référence ou au moins une série d’images
structure osseuse ou des éléments musculotendineux sur le périoste. types des stades évolutifs suffisamment explicites. Ce principe
peut être utilisé à plusieurs niveaux.

Poignet et main
Certains éléments de cette croissance sont encore mal connus
et nombre de questions se posent à partir de la simple observa- Il s’agit de la méthode de référence développée en 1950 par
tion clinique. Ainsi, il paraît évident que la croissance de la Greulich et Pyle [25]. Elle utilise une radiographie du poignet et
structure osseuse de l’os long ne peut se faire que grâce à un de la main droite de face sur laquelle on peut évaluer [26] os,
glissement survenant entre les éléments musculotendineux, le osselets ou épiphyses. La précision de la lecture est au minimum
périoste et la structure osseuse. Les insertions tendineuses et à 6 mois près et le plus souvent à 1 an près. Semple et Pavia
ligamentaires métaphysaires qui pontent la chondroépiphyse, proposent, en 1979, un atlas actualisé sur la base de radiogra-
comme par exemple la patte-d’oie, restent à une distance phies d’enfants européens [24].
constante de l’interligne articulaire. Or, de telles structures Pour pallier les difficultés de lectures et les imprécisions de
devraient en toute logique être retrouvées en fin de croissance l’atlas, Semple propose, dès 1986, une méthode de lecture facile,
au niveau médiodiaphysaire (Fig. 12). Leur situation anatomi- reproductible, précise au mois près. Actuellement, cette
que constante ne peut être interprétée que par l’existence d’un méthode est disponible sous forme d’un logiciel automatisé
phénomène de glissement actuellement non expliqué d’analyse de l’âge osseux : Maturos™ [27].
clairement [23].
Coude
La méthode de Sauvergrain [28] nécessite une radiographie du
■ Exploration de la croissance coude de face et de profil. Elle est de lecture relativement facile
et reproductible. Elle est précise entre 9 et 13 ans chez la fille
Il existe un très grand nombre de paramètres permettant et entre 10 et 16 ans chez le garçon. Les schémas utilisés pour
d’évaluer la croissance d’un enfant. Ces paramètres sont cette méthode sont relativement sommaires. Elle peut être
différents selon qu’ils concernent le pédiatre, l’endocrinologue optimisée par les méthodes décrites par Craviari et Semple [29].
ou le chirurgien orthopédiste.
Dans ce chapitre, nous nous limitons à donner les paramètres Genou
essentiels permettant au chirurgien orthopédiste de situer
L’atlas de Pyle et Hoerr [30] donne l’âge osseux déterminé au
l’enfant dans sa courbe de croissance. Ces paramètres sont
niveau du genou avec une précision à un an près. Elle est peu
particulièrement importants autour de la période pubertaire en
précise, mais, associée à une autre méthode, elle peut être utile
vu d’un traitement d’une inégalité de longueur des membres
dans le calcul des dates d’épiphysiodèse pour le genou.
inférieurs ou de la surveillance d’une déviation vertébrale.
En pratique quelle(s) méthode(s) utiliser ?
La majorité des équipes utilisent les méthodes qualitatives.
Exploration clinique Parmi elles, si l’âge osseux déterminé à la main reste la réfé-
rence, celui déterminé au coude présente également un intérêt
Elle comprend la taille et le poids. Chez le petit enfant, le non négligeable. La différence interobservateurs pour l’âge
périmètre crânien a une valeur importante. Chez l’enfant osseux de la main déterminé avec l’atlas de Semple et Pavia a
prépubère et pubère, il est également important de distinguer la été évaluée à 6,1 mois (maximum : 25 mois) [31]. Cette diffé-
taille debout et la taille assise afin d’évaluer le développement rence interobservateurs se réduit à 1,8 mois (maximum :
respectif des membres inférieurs et du rachis. 13 mois) si l’on utilise l’âge osseux déterminé au coude.
L’inconvénient de cette méthode est qu’elle n’est utilisable que
Exploration radiographique dans la tranche d’âge définie plus haut.
Ainsi, lorsqu’une précision optimale est requise, il semble
La téléradiographie des membres inférieurs permet d’évaluer intéressant d’utiliser les deux méthodes.
des longueurs des segments de membre, ainsi qu’une inégalité L’âge osseux présente un intérêt tout particulier pour les
de longueur. Cette mesure est cependant soumise à une techni- inégalités de longueurs des membres inférieurs et les défauts
que rigoureuse. Les clichés numérisés de petite taille en rendent d’axe pour lesquels une épiphysiodèse est envisagée. La datation
parfois l’interprétation difficile. précise de cette intervention est nécessaire pour pouvoir corriger

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14-009-A-10 ¶ Cartilage de croissance et croissance en orthopédie

Filles Garçons cm
9

8
cm
7 7

6 6

Fémur distal
Fémur distal
cm 5 5

7 4 cm 4

6 3 6 3

5 2 5 2

Tibia proximal
Tibia proximal

4 1 4 1

3 0 3 0

2 2

1 1

0 0
7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18
Âge osseux en années Âge osseux en années

Moyenne
Moyenne ± 1σ
Moyenne ± 2σ
Âge osseux d'après l'atlas
de Greulich et Pyle
Figure 13. Courbe de croissance résiduelle du fémur distal et du tibia proximal chez la fille et chez le garçon d’après Green et Anderson.

l’anomalie. L’utilisation de l’âge civil pour cette prévision, si elle Carlioz [34], diagramme de Moseley [35]. Les courbes de Green et
est proposée par certains [32], ne semble pas logique. En effet, Anderson [36] évaluent la croissance résiduelle des cartilages de
l’analyse d’une série de 60 enfants [31] indemnes de toutes croissance fémoral distal et tibial proximal (Fig. 13). La finalité
pathologies hormonales a montré une discordance entre l’âge de tels diagrammes est de fixer les dates idéales de traitement
osseux mesuré à la main (Maturos™) et l’âge civil supérieur à des inégalités de longueur en termes d’allongement ou d’épi-
12 mois dans 30 % des cas. physiodèse. Un chapitre de l’EMC est consacré à ces
L’âge osseux peut également être utile dans le suivi et l’aide techniques [37].
à la prise en charge de nombreuses autres pathologies orthopé-
diques et traumatologiques pédiatriques tels que les scolioses, les
ostéochondrites, les nanismes, les troubles de croissance par Imagerie du cartilage de croissance
épiphysiodèse, les ruptures du ligament croisé antérieur [33].
Par définition, le cartilage de croissance et, plus générale-
Dans tous les cas, il est important de confronter les résultats
ment, toute la partie cartilagineuse de l’épiphyse sont radio-
obtenus à des paramètres cliniques simples tels que l’évolution
transparents. Aussi les indications d’imagerie vont-elles dépen-
de la taille assise, de la taille debout ainsi que quelques repères
dre avant tout de l’âge osseux et donc du stade de l’ossification
radiographiques fiables. Citons les repères suivants :
de l’épiphyse.
• 10 ans : petit trochanter et olécrane ;
Cinq techniques sont à la disposition du clinicien.
• 11 ans : sésamoïde du pouce et fermeture du cartilage en Y
du bassin chez la fille ;
• 13 ans : sésamoïde du pouce chez le garçon, apparition du Échographie
Risser chez la fille ;
• 15 ans : apparition du Risser chez le garçon. Il s’agit de l’examen théoriquement idéal lorsque l’épiphyse
Le test de Risser, bien que considéré comme grossier, présente n’est pas ossifiée. Malheureusement, cet examen simple reste de
en pratique quotidienne un intérêt certain dans l’évaluation de peu d’intérêt en traumatologie et il n’a pas de véritable
la maturation vertébrale surtout pour la surveillance d’une indication.
scoliose. Il s’agit de la calcification de l’aile iliaque. Lorsque le
test de Risser arrive à 4, une déviation vertébrale perd pratique- Radiographie standard
ment tout potentiel évolutif et l’arrêt d’une prise en charge
thérapeutique peut être envisagé. Elle prend le relais de l’échographie au fur et à mesure que le
point d’ossification épiphysaire apparaît et augmente de
Courbes et abaques volume. La date d’apparition des points d’ossification suit une
chronologie assez fixe, permettant d’évaluer l’état de maturation
L’ensemble des mesures va permettre l’utilisation de graphi- osseuse. La morphologie des points d’ossification est souvent
ques en vue de calculs prévisionnels d’inégalité. Plusieurs variable. Des aspects irréguliers ou des asymétries ne doivent pas
techniques sont utilisables, citons les techniques d’Hechard et être considérés comme forcément pathologiques.

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Cartilage de croissance et croissance en orthopédie ¶ 14-009-A-10

Figure 14. Aspect typique d’un pont d’épiphysiodèse et ses conséquences. Un pont d’épiphysiodèse paracentral fémoral distal entraîne un raccourcisse-
ment, un défaut d’axe en valgus (A). Le pont est parfaitement visible en imagerie par résonance magnétique (IRM) (B) qui montre sa situation, son importance
en volume et donne une idée sur l’aspect du cartilage de croissance restant. La scintigraphie osseuse (C) donne un aspect fonctionnel du cartilage de croissance
restant. Dans ce cas clinique, malgré un aspect en imagerie par résonance magnétique (IRM) satisfaisant, la scintigraphie osseuse est péjorative avec un
cartilage de croissance fémoral distal restant peu actif.

Scintigraphie osseuse au technétium 99m


L’isotope fixe les ostéoblastes et permet une exploration fine
de l’activité du cartilage de croissance. Elle permet notamment,
en cas d’altération de cartilage de croissance sous la forme d’une
épiphysiodèse, de connaître la valeur fonctionnelle du cartilage
de croissance restant (Fig. 14). Cet examen prend toute sa valeur
dans le bilan d’une épiphysiodèse post-traumatique afin de
savoir s’il persiste suffisamment de cartilage restant pour tenter
une désépiphysiodèse.
Certaines équipes parviennent à effectuer des tomoscintigra-
phies permettant au moyen de reconstruction de visualiser le
pont d’épiphysiodèse dans le cadre d’un bilan préopératoire [38].

Tomodensitométrie
Cet examen a perdu beaucoup de sa valeur depuis l’avène-
ment de l’IRM. Lorsqu’un pont d’épiphysiodèse est constitué, il
va permettre de visualiser ce pont comme n’importe quelle
structure osseuse. La tomodensitométrie ne permet cependant Figure 15. Aspect en imagerie par résonance magnétique (IRM) d’une
pas de connaître la valeur fonctionnelle de la chondroépiphyse rupture spontanée d’un pont d’épiphysiodèse sous l’effet de la croissance
restante. restante. Devant un tel aspect, la surveillance est de règle afin de s’assurer
de l’absence de trouble de croissance secondaire décalé dans le temps.
Lorsque le potentiel de croissance diminue, notamment en cas de lésion
Imagerie par résonance magnétique
d’origine infectieuse, le pont d’épiphysiodèse peut provoquer un trouble
Il s’agit de l’examen idéal dans l’exploration du cartilage de de croissance différé dans le temps au moment de la période pubertaire.
croissance. L’IRM va mettre en évidence l’existence d’un pont
d’épiphysiodèse, mais également sa nature. Il existe en effet des
ponts d’épiphysiodèse de qualité différente, fibreux, cartilagi-
neux, osseux. L’IRM va permettre non seulement de connaître ■ Perturbations locales
la qualité fonctionnelle du cartilage de croissance restant, mais
également la situation exacte et la nature du pont d’épiphysio-
de la croissance
dèse constitué [39]. L’IRM peut également, dans certains cas,
mettre en évidence la constitution d’un pont d’épiphysiodèse et Traumatismes à distance du cartilage
la rupture spontanée de ce pont sous l’effet de la force dévelop- de croissance
pée par la croissance résiduelle (Fig. 15).
L’ensemble de ces éléments, ainsi que le caractère non La survenue d’une fracture chez l’enfant intervient à une
irradiant de l’IRM en font un examen de choix dans l’explora- période au cours de laquelle règne une activité métabolique
tion des lésions du cartilage de croissance. intense. Périoste et cartilage de croissance vont être susceptibles de

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14-009-A-10 ¶ Cartilage de croissance et croissance en orthopédie

modifier de façon significative le résultat initial obtenu dans les


suites du traumatisme. Ces modifications sont de deux ordres :
• leurs actions conjuguées permettent un remodelage osseux et
un certain degré de correction des défauts d’axe ;
• les modifications d’activité métabolique locales et régionales
vont parfois modifier la vitesse de croissance du segment
osseux considéré et provoquer une poussée de croissance
excessive.
Ces modifications sont connues de longue date. Le principal
problème réside dans le nombre important de paramètres qui en
régissent le fonctionnement. Il est dès lors très difficile d’établir
des règles permettant d’évaluer avec exactitude les possibilités
de corrections de défauts résiduels. Le but de ce chapitre est
d’exposer les principaux facteurs intervenant afin de pouvoir au
mieux prévoir l’évolution de telles fractures.
Nous nous contenterons d’en rappeler les règles essentielles
qui permettent de guider le raisonnement et la conduite à tenir
du chirurgien orthopédiste.

Correction des déviations angulaires


Le remodelage osseux dépend essentiellement du périoste,
alors que la correction d’axe est assurée par les cartilages de
croissance adjacents. L’importance de ces deux mécanismes est
variable. Elle est quantifiée par Murray, dans un travail expéri-
mental chez le lapin, à 25 % pour le périoste et à 75 % pour
les cartilages de croissance [40].
La possibilité de correction dépend de plusieurs facteurs :
notamment l’âge, le segment osseux considéré, le siège de la
fracture, le plan de l’angulation résiduelle, la valeur de l’angu- A
lation résiduelle. Ainsi, une angulation se corrige toujours
Figure 16. Section expérimentale partielle d’un cartilage de croissance
mieux dans le plan sagittal, que dans le plan frontal. En
(A). On peut constater en histologie (B) que même lorsque la réduction de
revanche, la correction dans le plan transversal, c’est-à-dire en
la lésion est parfaitement anatomique, il n’y a pas de cicatrisation du
rotation, est peu susceptible de correction. cartilage de croissance et de constitution d’un pont d’épiphysiodèse a
Le potentiel de correction reste donc difficile à établir. minima. Le but du traitement d’une lésion du cartilage de croissance est
Rappelons la valeur de 1,3° par année de croissance restante donc de réduire au maximum le volume du pont d’épiphysiodèse qui se
retenue par Gicquel sur les deux os de l’avant-bras [41]. constitue afin de permettre la croissance restante, sa rupture progressive.

Poussée de croissance excessive


La survenue d’une fracture sur un os en croissance est à
Traumatismes directs du cartilage
l’origine d’une stimulation de la croissance. Cela s’observe de de croissance
façon constante, mais à des degrés variables. Cet effet est
On entend par-là les traumatismes altérant la couche de
significatif durant les 2 ans qui suivent le traumatisme et peut
réserve du cartilage de croissance et, par là même, le régime
atteindre des valeurs allant jusqu’à 30 mm. Les conséquences vasculaire épiphysaire. Le risque est majeur de voir survenir des
sont peu importantes au membre supérieur. En revanche, elle lésions irréversibles.
peut engendrer aux membres inférieurs des inégalités de longueur
de membres dont la famille doit être avertie. La poussée de Nature du traumatisme
croissance est fortement corrélée au type de traitement. Elle est
maximale avec les ostéosynthèses par plaque, minimale dans les On peut distinguer trois types de lésions :
traitements orthopédiques. Enfin, elle est peu marquée dans les • les épiphysiodèses post-traumatiques : certaines sont pure-
enclouages centromédullaires élastiques stables [42, 43]. ment mécaniques avec une section du cartilage de croissance.
D’autres sont à la fois mécaniques et vasculaires lors de
compression ou de contusion ;
Traumatismes par séparation • les épiphysiodèses postinfectieuses : elles sont également
en bloc de la chondroépiphyse fréquentes. Elles se caractérisent par la survenue à un âge
précoce dans la suite des ostéoarthrites infectieuses. Les
(décollement épiphysaire) conséquences sont alors majeures surtout lorsqu’il s’agit de
Il s’agit des décollements épiphysaires tels qu’ils sont décrits dans lésions multifocales ;
• les lésions observées lors des purpuras fulminans : on peut y
la classification de Salter sous les formes de type Salter 1 et 2.
rattacher des lésions observées lors des purpuras fulminans
Les travaux expérimentaux confirment les données de la
qui sont à la fois infectieuses et vasculaires et pour lesquelles
clinique [44, 45]. Lorsqu’il s’agit de traumatismes en traction ou
les atteintes sont multiples souvent très étendues.
flexion, l’unité vasculaire de la chondroépiphyse n’est pas
concernée. La couche de réserve est intacte. Le trait de fracture
Pont d’épiphysiodèse
passe par la zone avasculaire de la couche hypertrophique. Le
pronostic est donc tout à fait bon. On ne peut cependant jamais Une lésion du cartilage de croissance notamment de sa couche de
éliminer une contusion associée, notamment lorsque survient réserve entraîne une cicatrice irréversible de celui-ci. Il n’y a en
un traumatisme en compression qui altère la couche de réserve. aucun cas de réparation spontanée du cartilage de croissance. Même
Cela justifie le principe de surveillance systématique à long en cas de réduction anatomique, on observe une absence de
terme de toute fracture de l’enfant. cicatrisation au niveau du trait de fracture (Fig. 16).

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Cartilage de croissance et croissance en orthopédie ¶ 14-009-A-10

Figure 18. Principe de la désépiphysiodèse en distraction. Il existe un


pont osseux central. La mise en place d’un fixateur externe en distraction
permet la rupture du pont osseux dans un décollement épiphysaire de type
Salter 1. Dans un second temps opératoire, le pont osseux est réséqué et un
matériel d’interposition en ciment est mis en place.

Parfois, un pont fibreux ou fibrocartilagineux, notamment


postinfectieux, va se laisser distendre pendant plusieurs années
pour s’ossifier prématurément en fin de croissance et provoquer
une épiphysiodèse tardive.
On peut, dès à présent, constater que les conséquences d’un
pont d’épiphysiodèse vont dépendre essentiellement de sa
superficie relative par rapport au cartilage de croissance restant,
de sa situation au niveau du disque cartilagineux, de sa nature
histologique.
Lorsque le pont est central, la conséquence est l’arrêt de la
croissance. Lorsque le pont est latéral, la conséquence est un
défaut d’axe. Lorsque le pont est mixte, il combine un raccour-
cissement et un défaut d’axe.

Traitement palliatif
Lorsqu’une épiphysiodèse survient, il sera très important
d’établir la caractéristique morphologique et histologique du
pont d’épiphysiodèse, ainsi que la valeur du cartilage de
croissance restant. En fonction de ces éléments, plusieurs choix
thérapeutiques sont possibles. Lorsque le pont d’épiphysiodèse
est trop important et le cartilage de croissance restant peu
fonctionnel, le choix va se porter vers un traitement palliatif. Il
Figure 17. Aspect histologique de différents ponts d’épiphysiodèse.
s’agit d’une ostéotomie de redressement, un allongement ou
A. Un pont d’épiphysiodèse strictement fibreux et de petite taille qui se
laisse facilement distendre au cours de la croissance, c’est ce que l’on
une épiphysiodèse controlatérale.
observe par exemple lorsque l’on met en place une broche qui traverse le
cartilage de croissance. Traitement par désépiphysiodèse
B. Un pont d’épiphysiodèse osseux et large associée à une désorganisa-
tion du cartilage de croissance de part et d’autre du pont. Cet aspect est Lorsqu’il existe une possibilité de relancer la croissance grâce
de pronostic défavorable car le pont osseux constitue un véritable verrou au cartilage de croissance restant, une désépiphysiodèse méca-
entre épiphyse et métaphyse. nique est possible. Plusieurs techniques sont décrites. Certains
auteurs comme Langenskiöld [47] pratiquent une exérèse du
pont d’épiphysiodèse à partir d’une trépanation métaphysaire.
D’autres auteurs comme Bollini [48] effectuent dans un premier
temps une distraction par fixateur externe afin d’exposer, après
Cela a pour conséquence l’apparition d’une solution de
épiphysiolyse, le pont d’épiphysiodèse rompu (Fig. 18).
continuité entre l’épiphyse et la métaphyse avec constitution
Au cours d’une deuxième séance opératoire, le pont est retiré
d’anastomoses vasculaires. En lieu et place du cartilage de
et remplacé par un matériel inerte. Il est important de garder le
croissance, un tissu de substitution va se mettre en place. Dans
matériel inerte solidaire de l’épiphyse car, s’il est solidaire de la
les formes classiques importantes, il s’agit d’un tissu osseux
métaphyse, il va progressivement s’éloigner avec la reprise de la
solide, véritable verrou qui s’oppose à toute croissance. Il
croissance restante du cartilage de croissance. Des travaux ont
convient de revenir sur la notion de « pont osseux ». En effet,
démontré que le pont d’épiphysiodèse pouvait alors se reformer
au cours de ces dernières années, il s’est avéré que le terme de
et bloquer le processus [49]. Il n’y a pas de régénération sponta-
pont osseux était souvent impropre pour définir une épiphysio-
née du cartilage de croissance (Fig. 19).
dèse. Dans les formes réduites en superficie ou lors de lésions
infectieuses, le pont d’épiphysiodèse peut être constitué de tissu
fibreux ou fibrocartilagineux [46]. Traitement par greffe de cartilage de croissance :
Il convient d’insister sur le caractère hétérogène du tissu état actuel et perspective
constituant le pont d’épiphysiodèse (Fig. 17). Cela explique
Greffes de chondrocytes
qu’un verrou définitif puisse se constituer dans certains cas alors
que dans d’autres, le pont va se laisser distendre, voire se Depuis plusieurs années, plusieurs équipes ont réussi à
rompre et autoriser la reprise de la croissance. cultiver in vitro des chondrocytes [50]. Partant de ce résultat,

Appareil locomoteur 11
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14-009-A-10 ¶ Cartilage de croissance et croissance en orthopédie

Figure 19. Cas clinique mettant en évidence l’absence de régénération du cartilage de croissance. Il s’agit d’un enfant présentant une épiphysiodèse latérale
médiale d’origine infectieuse.
A. Radiographie standard montrant l’aspect hétérogène du cartilage de croissance fémoral distal au niveau médial avec un défaut d’axe en varus.
B. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) confirme l’existence d’un pont d’épiphysiodèse latéral médial.
C. Premier temps opératoire avec mise en place d’un fixateur qui permet la rupture du pont et un décollement épiphysaire de type Salter 1 du fémur distal.
D. Mise en place d’un matériel d’interposition en ciment fixé sur l’épiphyse. Malgré la fixation, le matériel d’interposition reste solidaire de la métaphyse et l’on
observe une déformation progressive de la broche de maintien.
E. Dans le même temps, le défaut d’axe en varus et le raccourcissement récidivent du fait de la constitution d’un pont d’épiphysiodèse sous-jacent. Il n’y a pas
de régénération du cartilage de croissance.
F. Nouvelle épiphysiodèse avec mise en place d’un bloc de ciment maintenu plus solidement par une vis.
G. Aspect radiographique montrant la reprise satisfaisante de la croissance.

quelques équipes ont essayé de greffer ces chondrocytes autolo- inégalité de longueur n’est observée. Ce résultat reste à confir-
gues ou hétérologues cultivés dans le but de réparer un cartilage mer, notamment pour les pertes de substances importantes.
de croissance lésé. Toutes les études en sont restées au stade
expérimental chez l’animal et, jusqu’à présent, les résultats sont
Autogreffes épiphysaires vascularisées
hétérogènes et assez décevants dans l’ensemble. Le procédé
expérimental est toujours à peu près le même : dans un modèle
animal (en général chien ou lapin), une partie plus ou moins Le seul transplant disponible en pratique est l’épiphyse
importante du cartilage de croissance proximal du tibia est proximale de la fibula [54]. Il a été montré dans ces travaux
détruite, et la perte de substance est comblée à l’aide d’une qu’une branche récurrente de l’artère tibiale antérieure vascula-
préparation cellulaire contenant des chondrocytes (autologues rise le cartilage de croissance proximal du péroné. Ces considé-
ou hétérologues) prélevés ailleurs dans l’organisme et mis en rations anatomiques ont conduit une équipe italienne à réaliser
culture. On peut donc se demander si les résultats obtenus lors des transferts de péronés vascularisés avec leur épiphyse
des premières tentatives sont à mettre sur le compte de l’effet proximale (Fig. 20). Les résultats sur le site receveur (radius
« antiépiphysiodèse » de la préparation injectée qui se comporte distal, humérus proximal) sont très bons, avec une croissance
comme un matériau d’interposition, ou s’il existe un réel effet significative du péroné transplanté dans 70 % des cas [55] .
biologique de cette greffe cellulaire [51, 52]. En 2006 Jin [53] Cependant, la morbidité au site donneur est loin d’être
obtient un résultat prometteur chez le lapin. Encore une fois, la négligeable.
culture de chondrocytes autologues est intégrée dans une Une autre voie est explorée actuellement par une équipe
structure 3D (matrice osseuse déminéralisée). À 16 semaines, américaine : l’allogreffe massive vascularisée [56]. La principale
aucune épiphysiodèse, aucune déformation angulaire ni aucune difficulté est de nature immunologique. Cette technique impose

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Cartilage de croissance et croissance en orthopédie ¶ 14-009-A-10

Figure 20.
A. Reconstruction osseuse d’une résection complète de l’humérus proximal au moyen d’un péroné épiphysaire vascularisé chez un enfant âgé de 5 ans.
B. À l’âge de 12 ans, on constate que l’autogreffe épiphysaire vascularisée a permis une croissance normale en longueur du segment considéré. Le cartilage
de croissance fibulaire proximal est toujours visible et actif.

une immunosuppression efficace qui pose des problèmes qui fait généralement parler d’hémihypertrophie d’un membre.
éthiques importants sur des indications purement fonction- Dans cette hypothèse, il convient de vérifier l’absence d’étiolo-
nelles. gie, notamment sous la forme d’une tumeur rénale. Lorsque
cette hémihypertrophie est d’origine idiopathique, c’est égale-
Allogreffes microvascularisées de cartilage de croissance ment dans de telles circonstances que les abaques et courbes
Depuis quelques années, certaines équipes travaillent sur le prévisionnelles ont toute leur importance afin d’établir le
concept d’allogreffes microvascularisées de cartilage de crois- moment opportun pour réaliser une épiphysiodèse.
sance. En 2004, Bray et al. [57] ont montré qu’il est possible de Le trouble de croissance peut parfois concerner l’ensemble de
transplanter de manière viable un cartilage de croissance l’hémicorps, la problématique reste la même et dans ce cas
microvascularisé accompagné d’une fine couche d’os épiphy- également, une prévision rigoureuse doit être faite à partir des
saire et d’os métaphysaire de part et d’autre du cartilage. La abaques. Ces prévisions doivent être répétées dans le temps et
même équipe a montré que l’immunosuppression initiale éventuellement regroupées avec d’autres méthodes analogues.
pouvait être arrêtée, sans pour cela que la viabilité du cartilage
de croissance soit compromise, dès lors que l’os épiphysaire et
l’os métaphysaire (entre le donneur et le receveur) ont conso- ■ Perturbation générale
lidé. Cette donnée est fondamentale, puisqu’elle ouvre la voie
à l’expérimentation clinique, étant donné que l’immunosup-
de la croissance
pression n’est requise que pour une courte période, rendant le
Le niveau statural s’exprime en déviation standard. Il faut
procédé éthiquement acceptable chez l’humain.
savoir que 95 % des enfants ont une taille qui se situe entre
– 2 et + 2DS.
Synthèse Un trouble de croissance doit être recherché lorsque l’enfant
voit sa taille sortir de ces valeurs. D’autres éléments peuvent être
La survenue d’un pont d’épiphysiodèse est un événement qui
préoccupants tels que la discordance entre la taille de l’enfant
présente des conséquences importantes sur la croissance osseuse.
et celle des parents, une vitesse de croissance anormale pour
Il convient d’insister sur la nécessité d’une surveillance attentive
l’âge, une différence de plus de 2 ans entre l’âge osseux et l’âge
de toute lésion traumatique du cartilage de croissance, l’impor-
civil. De telles constatations doivent faire engager un bilan
tance d’un bilan exhaustif comportant notamment radiogra-
étiologique qui doit être conduit en milieu pédiatrique. On peut
phies standards, IRM et scintigraphie osseuse au 18e mois qui
distinguer deux éventualités.
suit l’accident. Ce n’est qu’au terme d’un tel bilan qu’une
décision thérapeutique peut être prise.
Enfants de petite taille
■ Perturbation régionale Dans l’immense majorité des cas, la petite taille est constitu-
tionnelle, c’est dire l’importance de connaître la taille de
de la croissance l’entourage familial. Les autres causes les plus fréquentes à
rechercher sont les suivantes :
La perturbation peut concerner un membre en totalité. Il • les déficits en hormone de croissance. Ils peuvent être
peut s’agir d’une pathologie malformative. Les plus fréquentes congénitaux ou acquis, notamment en cas de tumeur céré-
sont les ectromélies, notamment l’ectromélie longitudinale brale. Il s’agit d’une petite taille harmonieuse, parfois associée
externe avec agénésie du péroné. Ce type de malformation est à des signes tels qu’une adiposité, un visage poupin, des
dit à pourcentage constant, c’est-à-dire que le pourcentage anomalies de la ligne médiane. Le dosage de la GH, notam-
d’inégalité va être conservé jusqu’à la fin de la croissance. Cela ment lors de tests de stimulation, permet de poser le diagnos-
permet des prévisions d’inégalité de longueur tout à fait fiables. tic ;
Dans d’autres cas, il n’y a pas de malformations évidentes • le retard pubertaire. Il se caractérise par l’absence d’apparition
associées, mais essentiellement une inégalité constitutionnelle de signes de puberté après 13 ans chez la fille et 14 ans chez

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14-009-A-10 ¶ Cartilage de croissance et croissance en orthopédie

le garçon. Un bilan endocrinien est nécessaire, notamment le [14] Alberty A, Peltonen J, Ritsila V. Effects of distraction and compression
dosage des stéroïdes sexuels, des hormones thyroïdiennes. on proliferation of growth plate chondrocytes. A study in rabbits. Acta
Lorsqu’il est authentifié, le traitement repose sur l’adminis- Orthop Scand 1993;64:449-55.
tration de stéroïdes sexuels à faible dose afin de permettre [15] Reich A, Jaffe N, Tong A, Lavelin I, Genina O, Pines M, et al. Weight
une accélération de la croissance sans maturation définitive loading young chicks inhibits bone elongation and promotes growth
précoce. plate ossification and vascularization. J Appl Physiol 2005;98:2381-9.
D’autres anomalies peuvent être découvertes au cours du [16] Ohashi N, Robling AG, Burr DB, Turner CH. The effects of dynamic
bilan d’exploration telles que l’hypothyroïdie, l’hypercorticisme, axial loading on the rat growth plate. J Bone Miner Res 2002;17:
le syndrome de Turner. 284-92.
[17] Bonnel F, Perruchon E, Baldet P, Rabishong P. Comportement méca-
Enfants de grande taille nique du cartilage de conjugaison. Rev Chir Orthop 1980;66:417-21.
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Il s’agit d’enfants dont la taille est située à plus de deux plate according to Hert’s curve. Aviat Space Environ Med 1999;
déviations standards (+ 2 DS) sur les courbes de croissance. 70(3Pt1):245-9.
Plusieurs étiologies peuvent être évoquées : [19] Wronski TJ, Morey ER. Recovery of the rat skeleton from adverse
• grandes tailles constitutionnelles : il s’agit des causes les plus effects of simulated weightlessness. Metab Bone Dis Relat Res 1983;
fréquentes généralement familiales. Elles justifient d’une 4:347-52.
simple surveillance afin de s’assurer du caractère régulier de [20] Stokes IA, Aronsson DD, Dimock AN, Cortright V, Beck S.
la croissance ; Endochondral growth in growth plates of three species at two
• origines endocriniennes : elles sont rares chez l’enfant. Il anatomical locations modulated by mechanical compression and
s’agit des pubertés précoces avec des signes cliniques évidents tension. J Orthop Res 2006;24:1327-34.
de puberté, les hyperthyroïdies, les hypersécrétions de GH en [21] De Bastiani G, Aldegheri R, Renzi Brivio L, Trivella G.
rapport avec un adénome hypophysaire ; Chondrodiatasis-controlled symmetrical distraction of the epiphyseal
• anomalies non endocriniennes : elles doivent être systémati- plate. Limb lengthening in children. J Bone Joint Surg Br 1986;68:
quement évoquées, notamment le syndrome de Marfan 550-6.
lorsqu’il s’associe à une hyperlaxité ligamentaire, une sco- [22] Sledge CB, Noble J. Experimental limb lengthening by epiphyseal dis-
liose, des antécédents familiaux. Un bilan ophtalmologique et traction. Clin Orthop Relat Res 1978;136:111-9.
cardiaque s’imposent afin d’étayer le diagnostic. D’autres [23] Dörfl J. Migration of tendinous insertions. 1. Cause and mechanism.
syndromes plus rares peuvent être évoqués, tel que le syn- J Anat 1980;131:179-95.
drome de Klinefelter. [24] Semple M, Pavia C. Atlas de maturation squelettique. Villeurbanne:
Lorsque le pronostic de taille est supérieur à 185 cm chez la SIMEP; 1979.
fille et à 195 cm chez le garçon, le traitement peut se discuter. [25] Greulich WW, Pyle SI. Radiographic atlas of skeletal development of
Il consiste essentiellement en l’utilisation de stéroïdes sexuels the hand and wirst. Stanford Press University; 1950.
pour accélérer la fin de la croissance. [26] Hechard P, Carlioz H. Méthode pratique de prévision des inégalités de
De nombreuses inconnues existent encore dans la physiologie longueur des membres inférieurs. Rev Chir Orthop 1978;64:81-7.
et la pathologie du cartilage de croissance. L’observation [27] Normand M, Pontier J, Semple M. Le logiciel micro-informatique
clinique doit rester la priorité, compte tenu du caractère variable « MATUROS » pour une aide à l’évaluation de la maturation squelet-
et parfois imprévisible de l’évolution d’une pathologie. tique. Cah Anthropol Biométrie Hum 1988;6:61-70.
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J.-L. Jouve ([email protected]).


G. Bollini.
F. Launay.
Y. Glard.
T. Craviari.
J.-M. Guillaume.
Service de chirurgie orthopédique et pédiatrique, Hôpital d’enfants de la Timone, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 5, France.
M. Panuel.
Service d’imagerie médicale, Hôpital Nord, chemin des Bourrelys, 13015 Marseille, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Jouve J.-L., Bollini G., Launay F., Glard Y., Craviari T., Guillaume J.-M., Panuel M. Cartilage de croissance et
croissance en orthopédie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Appareil locomoteur, 14-009-A-10, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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