Cours Nature Philosophie

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COURS ST2S ST2D LA NATURE 

INTRODUCTION : 

1) Étymologie : 

Le mot « nature » vient du latin natura. Radical na a donné nascor qui veut dire naître
et le suffixe turus, tri, tor signifie l'agent, la force qui agit. Nature = la force qui
engendre => Mère nature. On peut alors, dans un premier temps, définir la nature
comme « l'ensemble de l'univers, en tant qu'il est le lieu, la source, et le résultat
des phénomènes matériels ».

2) Première Problématisation :
On a tendance à considérer que la nature est « bien faite ». En effet, on peut retrouver,
dans la nature, beaucoup de régularités. Le nombre d'or ou la suite de fibonacci par
exemple. 
La suite de fibonacci : suite d'entiers dans laquelle chaque terme est la somme des
deux termes qui le précèdent. La suite commence par 0 ou 1 et se présente comme
telle :  0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21 etc. 
On retrouve cette suite dans les pétales de fleurs : les fleurs de lys= 3 pétales, les
boutons d'or=5 pétales, marguerites peuvent en compter 34,55 ou 89  2) Les spirales :
choux romanesco, choux-fleurs, ananas, pommes de pin.  3) Chez les animaux : suite
aussi présente dans les spirales des escargots, les coquilles de coquillages ou la
trompe d'un éléphant quand elle est repliée.

Pourtant, on a tendance à vouloir s'extraire de la nature par des efforts culturels. En


effet, la deuxième définition de la nature est la  « réalité matérielle considérée
comme indépendante de l'activité et de l'histoire humaine. » Cette définition
oppose la nature et la culture. 

3) Qu'est ce que la culture ? 


Culture de la terre = agriculture, transformation de la nature et du paysage par la
technique (construction de bâtiments, ponts, digues etc.), avoir de la culture, être
cultivé, culture de soi comme développement de certaines aptitudes. Dans ces
exemples on retrouve l'idée selon laquelle la culture serait le prolongement d'une
nature incomplète. On retrouve l'idée selon laquelle l'homme, grâce à la technique,
pourrait finir ce que la nature n'a pas fini. La nature est-elle alors si bien faite que
ça ? 

Le mot culture possède aussi un autre sens, les différentes cultures : diversité des
cultures, singularité, universalité du caractère culturel de chaque humain, ensemble
de pratiques, traditions et conceptions du monde communes à un groupe humain. 

4) Le naturel et le culturel : 
Premières définitions et distinctions (que l'on approfondira et dépassera au fil du
cours). 

> La nature renvoie au biologique et à l'inné, c'est-à-dire à ce qui est reçu à la


naissance, ne fait pas l'objet d'un apprentissage et ne peut pas être modifié.
Ex : c'est l'instinct chez les animaux, manières d'êtres et de faire naturelles,
involontaires, et qui demeurent toujours les mêmes. 
Au contraire, est issu de la culture tout ce qui est appris, c'est l'acquis. La
culture a donc à voir avec l'éducation, l'apprentissage.
(> On dira aussi que ce qui est culturel est artificiel : produit par l'art (au sens
général de la capacité humaine à produire des choses ≠ productions naturelles) ; et
conventionnel : ce sur quoi les êtres humains se sont mis d'accord, et qui peut
donc être modifié (par exemple, le langage). La culture ne prend pas la même
forme selon les sociétés et les époques.)

5) Deuxième problématisation : 
Mais on ne parle de nature que dans une société donnée. On ne peut en parler que
grâce au langage et à la culture. Tout ce qui est appréhendé par l'homme est vu sous le
prisme du langage. Même ce qui semble naturel, paysage ou forêt, est vu par un
regard humain et décrit par le prisme du langage. Tout semble alors culturel. Existe-t-
il réellement une opposition entre nature et culture ? Tout n'est-il pas culturel ?
La nature existe-t-elle ? 
En effet, l'homme a, à l'aide de la technique, cultivé la nature, si bien que plus rien ne
nous paraît naturel. Toutefois, cette transformation de la nature n'est pas sans risques,
surtout au niveau écologique. 
Comment penser et réguler les rapports entre l'homme et la nature?
Plan du cours. I. Il y a t-il une opposition entre nature et culture ? II. Existe-t-il
une nature humaine ? III. Avons-nous des devoirs envers la nature ?

I. Il y a t-il une opposition entre nature et culture ?

A) Qu'est ce que la nature ? Qu'est ce que la culture ?

_ Claude Levi-Strauss, « Entretiens avec Claude Levi-strauss ».

Lévi-Strauss est anthropologue. L'anthropologie est la science qui étudie l'être


humain (anthropos) sous tous ses aspects mais plus particulièrement dans ce qu'il a de
spécifique par rapport aux autres animaux (ce qui relève de la culture). Ethnologie =
étude comparée des différentes sociétés humaines (dans leur diversité, et permet de
dégager ce qu'elles ont de commun). 
Donner le texte et leur demander de classer dans un tableau ce qui relève de la nature
et ce qui relève de la culture. 

Explication : Pour Levi-Strauss, la nature et la culture sont deux éléments qui


coexistent dans l'être humain : d'un côté les caractéristiques biologiques qu'il reçoit à
la naissance, de l'autre les habitudes et les aptitudes qu'il apprend au cours de sa vie
dans une société particulière. Tout ce qui est culturel définit la vie en société.
Constituer le tableau ensemble et leur demander s'ils sont d'accord avec cette
classification. 

Objections par rapport à la classification de Lévi-Strauss : 


Sur l'utilisation de la technique : technique = fabrication et utilisation d'outils, n'est
pas le propre de l'homme puisque certains animaux en sont aussi capables. Ex castors
coupent des branches pour barrages, éléphants se grattent le dos avec branches. 
Sur la culture : singes lavent des patates sur île au japon = culture + fourmis cultivent
des champignons. 
Par contre autre signe distinctif bien plus marquant :seuls les êtres dotés de culture
possèdent un langage articulé, c'est à dire un système de signes qui permet une
infinité de combinaisons. C'est donc finalement le langage qui fait la différence entre
l'humain et l'animal. 
Objection : utilisation de signes par les animaux pour communiquer entre eux. Mais
ce n'est pas du langage articulé ! 
Ex : les grands singes qui peuvent apprendre la langue des signes, mais ils ne
l'utilisent pas pour communiquer entre eux et n'ont rien à dire. C'est seulement le
dressage qui leur permet de l'utiliser dans des situations apprises. 
Ex : danse des abeilles, fourmis etc. Critères de Descartes pour distinguer :
communication animale se rapporte à des passions (faim, peur, espoir de manger etc).
Ex du perroquet, animal machine. 
Les animaux communiquent, peuvent émettre des signaux et y répondre. Mais ils ne
disposent pas d'un langage comparable au langage humain. Ils ne sont pas capables
de parler du monde qui les entoure et de l'expérience qu'ils en font. 
>> La nature dans l'être humain semble être seulement ce qui le rattache à l'animalité,
sa spécificité réside au contraire dans tout ce qui fait de lui un être culturel.
Paradoxalement, la nature de l'être humain semble être la culture. 

B) Les cultures animales.

On a dit que la culture était ce qui distingue l'homme de l'animal. Mais pourtant,
certains éthologues, comme Dominique Lestel,  ont constaté qu'il y avait aussi une
culture chez les animaux. 

*Ethologue: personne qui étudie les comportements animaux. 

_ Dominique Lestel,  Les Origines animales de la culture, 2001, Flammarion, p. 8-


9.

« Dans la pensée occidentale, nature et culture constituent classiquement les deux


termes d'une opposition fondamentale et irréductible. L'homme est par essence un
animal de culture, ce qui non seulement le distingue de tout animal, mais le distingue
suffisamment pour le faire sortir de l'animalité. Cette vision de l'homme est
corrélative d'une façon de se représenter l'animal comme une espèce de robot
autonome plus ou moins intelligent, mais fondamentalement programmé a priori.
[…] je soutiens la thèse selon laquelle loin de s'opposer à la nature, la culture est un
phénomène qui est intrinsèque au vivant dont elle constitue une niche particulière,
qu'on en trouve les prémices dès les débuts de la vie animale, et que le
développement de ces comportements permet de comprendre comment un
authentique « sujet » a émergé de l'animalité. […] Il ne s'agit naturellement pas de
considérer que les animaux sont tous des espèces d'humains ; une telle approche
anthropomorphique a perdu toute pertinence depuis longtemps. La question est
ailleurs. En particulier dans la nécessité face à laquelle nous nous trouvons désormais
de devoir penser le phénomène culturel dans une perspective évolutionniste et
pluraliste, et non plus poussés par la volonté de dégager le "propre de l'homme" une
fois pour toutes. Il ne faut plus penser la culture en opposition à la nature, mais
prendre conscience de la pluralité des cultures chez des créatures d'espèces très
différentes."

Analyse du texte de Lestel: 

Lestel commence par énoncer l’opinion commune. En général, et plus


particulièrement dans la pensée occidentale, on pense que la nature s’oppose à la
culture. La culture, considérée comme le propre de l’homme, permettrait à ce dernier
de sortir de l’animalité. La conséquence de cette opposition occidentale entre nature
et culture est que l’animal apparaît comme un être entièrement naturel, déterminé par
ses instincts et ses pulsions. L’animal est donc perçu comme une machine. Cette
vision de “l’animal machine” remonte au 17ème siècle, notamment avec les écrits de
Descartes. 

Il énonce ensuite sa thèse qui va à l’encontre de cette opinion. La culture ne s’oppose


pas à la nature mais elle en fait partie. La culture est une forme particulière du vivant.
Elle fait partie d’un processus qui a ses racines dans la vie animale. C’est en étudiant
les comportements animaux que l’on peut comprendre comment la culture a émergé
chez les humains. 

Lestel nuance ensuite sa thèse pour éviter une confusion fréquente: les cultures
animales ne sont pas les mêmes que les cultures humaines. Il ne s’agit pas de
considérer les cultures animales comme similaires aux cultures humaines. Cela
reviendrait à un anthropomorphisme. L’anthropomorphisme est le fait de donner une
forme humaine aux animaux (ex: fables de la fontaine). Ce phénomène est dû à une
projection que fait l’humain de sa propre condition sur d’autres espèces. Après avoir
écarté cette confusion, Lestel recentre le problème: il est maintenant nécessaire de
penser la culture dans une perspective de continuité par rapport aux animaux
( évolutionniste). La vision de la culture chez Lestel s’oppose donc à celle de
Rousseau qui voulait dégager un “propre de l’homme”, une nature humaine.
Maintenant, il n’en est plus question. La nature et la culture ne doivent plus être deux
termes opposés.Les animaux aussi possèdent de la culture. 

Exemple éthologique : en 1953, sur l'île de Koshima au Japon, Imo, une jeune
femelle macaque, a commencé à laver ses patates douces dans l'eau pour les manger.
Elle a transmis cette pratique aux générations suivantes qui l'ont améliorée : les autres
macaques se sont mis à laver leur nourriture dans l'eau de mer afin de lui donner un
goût salé. Aujourd'hui, tous les macaques du Japon lavent leurs patates dans la mer
alors qu'ils ne le font pas ailleurs.

La culture n'est donc pas le propre de l'homme. Si la culture n’est plus ce qui définit
l’homme en tant qu’homme, ce qui constitue sa “nature”. Faut- il encore continuer
d’opposer le naturel et le culturel ? 

C) Tout n’est-il pas à la fois naturel et culturel dans les comportements


humains ? 

_ Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Gallimard, Tel,


1945, p.230. 

Merleau Ponty énonce la thèse selon laquelle tout est à la fois naturel et culturel chez
l’humain. Il est impossible de dire que l’humain était d’abord un être naturel et que la
culture s’est ensuite greffée à cette base. En effet, même ce qui nous paraît le plus
naturel est en réalité culturel. 

Selon Merleau-Ponty, la colère ou l’amour ne sont pas plus naturels que d’appeler
“table” une table. On oppose d’ordinaire la nature à la culture. Merleau-Ponty nie
cette opposition. On pense qu'appeler table une table, c’est de la culture et que les
sentiments sont naturels. On oppose souvent le corps et l’esprit. On dit que le corps
est naturel et que l’esprit est culturel. Le corps = mécanique, besoins, animalité.
Esprit = principes moraux, vérité etc. Pour Merleau-Ponty, pas de distinction. Les
sentiments sont aussi conventionnels que les mots. Tout est construit. Même les
choses que l’on croit naturelles sont en réalité des conventions. Ex: la paternité. “La
paternité est une institution”, une  structure sociale à la fois matérielle et immatérielle
qui organise la vie sociale. La paternité n’a rien de naturel, on l’a créée. C’est
curieux. Comment est-ce possible que la paternité soit culturelle et non seulement
naturelle ? 

L’auteur illustre cette thèse à l’aide de plusieurs exemples. Le baiser est à la fois
naturel et culturel. En effet, il nous paraît naturel d’embrasser quelqu’un que l’on
aime. Mais en réalité, cette coutume n’est pas d’usage dans toutes les cultures. Au
Japon par exemple, le baiser ne fait pas partie des moeurs. 

Un autre exemple, encore plus frappant, est celui de la paternité. On pourrait croire
que c’est quelque chose de tout naturel que de s’occuper de son fils quand on en est le
géniteur. Or, chez les Indigènes des îles Trobriand, la paternité n’existe pas. Les
enfants sont élevés par leur oncle maternel. Le père biologique, quand il revient au
foyer, s’occupe de ses enfants “comme si c’était les siens”. Mais ce n’est pas le cas, il
en est le géniteur mais pas le père puisqu’il ne s’occupe pas d’eux. On peut
reconnaître un enfant ou ne pas le reconnaître. On peut accoucher sous X.

Comment est-ce que la nature et la culture peuvent coexister en l’homme ? La nature


elle-même est culturelle. Notre nature est culturelle. On lui donne une forme avec le
langage mais aussi notre pensée et nos actions. D’où vient la culture ? De la nature,
nous sommes des singes intelligents. Pas deux choses différentes. Les deux coexistent
en l’homme. 

Ce que l’on croît “naturel” est donc en réalité construit, fabriqué de toute pièce par la
culture. Notre vision du monde n'est-elle pas, elle aussi, influencée par notre
culture ? 

D) La façon dont on voit la nature est elle-même culturelle.

Descola, Par-delà nature et culture.

Pour Descola, la vision que nous avons de la nature est une vision purement
occidentale. D'autres peuples ou cultures ne la voient pas du tout comme nous. En
effet, certains peuples considèrent les animaux et les plantes non pas comme des
objets mais comme des sujets. Quand on dit que les Indiens sont « proches de la
nature », c'est un contresens. Pour être proche de la nature, il faut concevoir la nature
comme une sphère extérieure à l'humanité. Or, pour eux, il n'y a pas d'opposition
entre la nature et la culture.

Descola a vécu plusieurs années avec les Jivaros Achuar en Equateur. Il raconte dans
Par-delà nature et culture, que le chasseur animiste Achuar essaie de convaincre
l'animal qu'il poursuit de céder à ses avances : il le séduit grâce à un chant afin de
créer une relation. L'animal est ici perçu comme un allié avec lequel il faut négocier.
Les Aborigènes d'Australie, quant à eux, ont une cosmologie totémiste selon laquelle
chaque individu possède un double animal, qui est un autre être vivant à l'intérieur
duquel est logée une composante de sa propre personne. Un aborigène peut donc tuer
son double et donc se tuer lui-même. 

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