Les Cancers de L'Intestin Grêle Au Chu de Lomé (Togo) A Propos de 8 Cas Observes en 10 Ans

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LES CANCERS DE L’INTESTIN GRÊLE

AU CHU DE LOMÉ (TOGO)


A PROPOS DE 8 CAS OBSERVES EN 10 ANS
A. AYITE, E. DOSSEH, K. ETEY, K. SENAH, K. NAPO-KOURA, K. JAMES 1

RÉSUMÉ and 0.31% of all cases of cancer observed during the


period of study.
Une étude rétrospective des cas de cancer de l’intestin Manifestations suggested peritonitis in 2 cases and acute
grêle opérés au CHU de Lomé, a été entreprise dans le intestinal obstruction in the 6 others cases.
but d’en rechercher les particularités épidémiologiques In all cases, treatment consisted of segmentary
et diagnostiques, ainsi que les mesures thérapeutiques et resection, followed by termino-terminal anastomosis.
leurs résultats. Seulement 08 cas en ont été trouvés sur Operative mortality was 0%. Two patients died by
10 ans (de Janvier 1981 à Décembre 1990), chez 5 fem- multiple metastases and six patients were lost from sight
mes et 3 hommes avec une moyenne d’âge de 41,75 ans. after the first post-operative checkup.
L’affection s’est avérée très rare : 1,61% des cancers The histological nature of the tumors was as follows :
digestifs et 0,31% de l’ensemble des cancers observés a d e n o c a rcinoma in 4 cases, sarcoma in 3 cases and
pendant la période d’étude. lymphoma in one case.
Le motif d’hospitalisation a été une péritonite dans 2
cas, et un tableau d’occlusion intestinale aiguë dans les 6
autres cas. INTRODUCTION
Le traitement a consisté dans tous les cas en une résec-
tion segmentaire avec anastomose termino-terminale. Le cancer de l’intestin grêle est réputé rare : entre 1 et 6%
La mortalité opératoire a été nulle. Deux patients sont des tumeurs du tube digestif selon les auteurs (2, 14, 15).
décédés de métastases multiples respectivement au bout En Europe, il touche essentiellement les sujets de plus de
de 6 mois et 13 mois. Tous les autres patients ont été 50 ans (1, 2).
perdus de vue après la pr e m i è re consultation post- L’absence de signe clinique spécifique rend son diagnostic
opératoire. difficile. Et, bien souvent, c’est la laparotomie d’urgence
Quatre tumeurs étaient des adénocarcinomes, trois des imposée par un accident aigu qui permet de le découvrir.
tumeurs sarcomateuses, et un lymphome.
Le type histologique en est varié mais d’une façon géné-
SUMMARY rale, cette tumeur est considérée comme grave en raison
notamment du diagnostic difficile et tardif.
Cancer of the small intestine at the Lome Teaching A partir de 8 cas colligés en 10 ans, nous nous sommes
Hospital. A review of 8 cases observed in 10 years assignés le but d’en étudier les particularités épidémiolo-
giques et diagnostiques, ainsi que les mesures thérapeuti-
A retrospective study on cases of cancer of the small ques et leurs résultats.
intestine treated at the Lomé Teachnig Hospital, was
undertaken, with the aim of bringing out the epidemio- MATÉRIEL ET MÉTHODES
logical and diagnostic features, as well as the treatment
and its results. Il s’est agi d’une étude rétrospective sur une période de
Only 8 cases were observed in 10 years (January 1981 10 ans, portant sur 8 cas de tumeur maligne de l’intestin
December 1990). There were 5 female and 3 male grêle (prouvée histologiquement) traités dans le Service de
patients, with a mean age of 41.75 years. Chirurgie Générale du CHU Tokoin de Janvier 1981 à
The affection was very rare : 1.61% of digestive cancers Décembre 1990.
1 - Service de chirurgie Générale (Pr K. James) BP. 1516 Lomé (TOGO)
Dr AYIKOE E. AYITE B.P. 13 161 Lomé (TOGO)

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Pour chaque dossier nous avons étudié les paramètres été l’examen le plus couramment pratiqué. Elle a montré 4
suivants : l’âge, le sexe, les données cliniques et paraclini- fois des images caractéristiques d’une occlusion du grêle
ques, le traitement et l’évolution post-thérapeutique. (distensions gazeuses avec des niveaux hydro-aériques du
grêle).
RÉSULTATS
Le transit du grêle, examen de référence, a été pratiqué
1 - Aspects épidémiologiques chez 6 malades. Il a mis en évidence 5 fois une image d’ar-
rêt et une fois il n’était pas concluant.
a - Fréquence
Pendant la période d’étude 496 cas de cancers digestifs ont L’échographie abdominale, dans le cadre du bilan d’exten-
été observés, soit une fréquence de 1,6% pour le cancer de sion, n’a révélé qu’un cas de métastases hépatiques (diffu-
l’intestin grêle. ses).

b - Répartition selon le sexe et l’âge Le lavement baryté, demandé chez un seul malade, était
Le cancer du grêle a atteint 3 hommes (soit 37,5%) et 5 normal.
femmes (62,5%) dont l’âge moyen était de 41,75 ans
(extrêmes : 5 et 77 ans). Tableau II : Contribution des examens
Le tableau I répartit les tumeurs selon l’âge complémentaires au diagnostic et au bilan d’extension

Tableau I : Répartition du cancer Examen N Diagnostic %


du grêle par tranche d’âge
A.S.P. 8 4* 50,00
Age N %
Transit du grêle 6 5 83,33
0-20 3 37,50

21-40 0 0,00 Échographie 6 1** 16,67

41-60 3 37,50 Lavement baryté 1 0 0

61-80 2 25,00 * diagnostic d’occlusion du grêle.


** métastases hépatiques.

2 - Aspects cliniques
4 - Siège et anatomie pathologique
Les circonstances de découverte ont dans 2 cas revêtu un
caractère aigu avec un tableau de péritonite par perforation L’examen macroscopique des pièces opératoires a montré :
de la tumeur. Dans les autres cas, existaient des manifesta- 4 tumeurs sessiles, 2 tumeurs infiltrantes, 2 tumeurs ulcéro-
tions cliniques chroniques réalisant un tableau subocclusif végétantes perforées.
ou un syndrome de Koenig.
La tumeur était unique dans 6 cas et multifocale dans 2 cas.
Tous nos malades ont présenté une baisse de l’état général Les tumeurs multifocales réalisaient dans un cas 3 tumeurs
et une déshydratation extra cellulaire. séparées sur l’iléon, et dans l’autre 4 foyers jéjunaux.

3 - Examens paracliniques On remarque sur le tableau III une relative fréquence des
adénocarcinomes sur le segment proximal de l’intestin
Les examens complémentaires pratiqués figurent au grêle et une prédilection des sarcomes pour la localisation
tableau II. La radio de l’abdomen sans préparation (ASP) a distale.

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Tableau III : Siège et histologie des tumeurs des traitements immunosuppresseurs, les récidives sur
anastomose iléocolique après exérèse pour cancer sont
Histologie Siège Total rares. Expérimentalement des fragments de grêle inhibent
Jejunum Ileon la croissance d’autres tumeurs.

Adénocarcinome 3 1 4 2 - Facteurs étiologiques


Sarcome* 0 3 3
Avec toutes les réserves qu’impose une série aussi courte
Lymphome 1 0 1
que la nôtre, nous avons trouvé une légère prédominance
Total 4 4 8 féminine. Ce résultat est en contradiction avec ceux de
HOLLENDER (5), d’AWRICH (1) et de LANZAFAME
* 1 acrosarcome, 1 angiosarcome, et 1 fibroléiomyosarcome.
(7) qui ont trouvé une prédominance masculine. TISSOT
en revanche considère qu’il n’y a pas de spécificité liée au
6 - Traitement
sexe (14).
Le traitement a été chirurgical dans tous les cas. Il a
La moyenne d’âge de notre série (41,75 ans) est nettement
consisté en une résection intestinale segmentaire unique
inférieure à celles rapportées par leurs auteurs européens
passant au large de la tumeur et emportant mésentère adja-
(entre 52 et 65 ans) (5, 14).
cent et ganglions satellites, suivie d’anastomose termino-
terminale. L’exploration de la cavité abdominale a confir-
Nous n’avons retrouvé aucun facteur pathologique ou
mé les métastases hépatiques diagnostiquées par échogra-
génétique pouvant expliquer la survenue du cancer chez
phie, et l’intervention considérée dans ce cas comme
nos patients. Toutefois, certaines affections telles que la
palliative.
sprue nostras, le lymphome méditerranéen ou l’intolérance
au gluten, paraissent faire le lit du cancer du grêle (volon-
7 - Morbidité et Mortalité
tiers lymphosarcomateux) (5).
Les suites opératoires immédiates ont été simples dans 6
3 - Anatomie pathologique
cas, et marquées par une suppuration pariétale dans 2 cas.
La mortalité opératoire a été nulle.
Comme TISSOT (14) et SAKI (11), nous avons trouvé une
La survie est connue pour deux patients décédés respecti-
prédominance des adénocarcinomes mais il n’est pas rare
vement à 6 et 13 mois de métastases généralisées. Tous les
que les tumeurs lymphosarcomateuses occupent le devant
autres ont été perdus de vue après la première consultation
de la scène.
externe.
DUICING (3) signale une prédominance iléale des adéno-
DISCUSSION carcinomes. Mais, ainsi que nous l’avons constaté, le siège
de prédilection des adénocarcinomes est généralement le
1 - Fréquence jéjunum et celui des tumeurs sarcomateuses l’iléon (14).
Enfin, bien que nous n’en ayons pas observé, les tumeurs
Le taux de fréquence que nous avons trouvé (1,6%) est carcinoïdes et les tumeurs secondaires peuvent se rencon-
comparable à ceux de POTET (1 à 1,6%) (9), et de trer sur ce segment du tube digestif.
LAGARDE (1 à 3%) (6). En revanche, pour VIGNARD ce
taux atteint 6% (15). 4 - Diagnostic clinique
Quoi qu’il en soit, les cancers de l’intestin grêle sont des
tumeurs rares. Le grêle semble être protégé de l’atteinte Nous avons découvert ces tumeurs dans 2 circonstances
néoplasique par une véritable “aura immunitaire” encore différentes : primo, devant un syndrome abdominal aigu où
mal élucidée (4, 8). De nombreux faits cliniques et expéri- l’urgence chirurgicale a occulté les considérations étiolo-
mentaux en ce sens : ces cancers sont fréquents au cours giques, secundo, devant des symptômes peu spécifiques

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mais évocateurs d’un processus d’obstruction intestinale. hypothèse visant à incriminer la parasitose intestinale dans
Le polymorphisme clinique de la tumeur de l’intestin grêle la genèse de ce cancer.
est bien connu. En fait trois sortes de manifestations
révèlent habituellement la tumeur : 6 - Imagerie

1) Les manifestations cliniques progressives et aspéci- La radio de l’abdomen sans préparation (ASP) garde sa
fiques qui retardent le diagnostic. valeur dans les syndromes occlusif et perforatif.
- Les douleurs abdominales en rapport avec une N’étant pourvus ni de scanner ni d’artériographie, le transit
obstruction plus ou moins importante de la lumière baryté du grêle demeure pour nous l’examen de base en
intestinale (allant de simples phénomènes dyskiné- dehors d’une complication aiguë. Il nous a permis d’évo-
tiques douloureux au véritable syndrome de quer le diagnostic dans 5 cas sur 6. Mais la série de SETHI
KOENIG, très évocateur), les hémorragies digestives (13), relativise l’importance de cet examen : sur 34 tumeurs
minimes ou modérées, la constatation d’une masse du grêle opérées, 10% seulement ont pu être détectés par le
abdominale (plutôt rare et tardive). transit. Et, HOLLENDER (5), à partir d’une revue de la
- Le déclin de l’état général est parfois le seul symp- littérature, fait état d’une grande disparité dans la valeur
tôme chez une sujet amaigri, anémié et fébrile. Un diagnostique de cet examen : 12 à 50%.
syndrome de malabsorption peut aggraver la dénu-
trition. Une entéropathie exsudative avec stéatorrhée, Le lavement baryté, qui permet de visualiser la valvule de
créatorrhée, sans troubles de l’absorption des sucres Bauhin et l’iléon terminal, peut être utile dans le diagnostic
et des folates est aussi possible, liée à un blocage lym- des tumeurs situées sur ce segment intestinal.
phatique par la tumeur.
7 - Traitement
2) Les manifestations aiguës
Fréquemment révélatrices, elles peuvent revêtir 3 aspects : Notre attitude thérapeutique a été exclusivement chirurgi-
- Une occlusion aiguë du grêle par obstruction ou par cale par manque de moyen thérapeutique complémentaire.
invagination. En effet, si la chirurgie constitue la base du traitement des
- Une hémorragie intestinale massive et récidivante adénocarcinomes, la chimiothérapie et la radiothérapie ont
avec état de choc. L’association hémorragie-occlusion leur place dans le traitement des tumeurs lymphomateuses
paraît très rare (2% des cas pour RIVET (10). et sarcomateuses.
- Une perforation intestinale (peu fréquente) réalisant
soit un tableau de péritonite cloisonée, soit un tableau Aucune méthode de dérivation n’a été pratiquée dans notre
de péritonite généralisée. série. Cependant, certaines publications rapportent des cas
d’iléostomie et de dérivation interne court-circuitant la
3) Enfin, il est des formes asymptômatiques de tumeur (iléo-iléostomie, iléo-sigmoïdostomie).
découverte opératoire, qui suggèrent l’exploration systé- Le trop petit nombre de cas opérés et l’absence de suivi à
matique du grêle lors de toute laparotomie. long terme ne nous autorisent pas à faire des déductions
Citons l’éventualité d’une perforation de la tumeur dans un recevables en terme de mortalité et de survie. Le taux de
organe voisin, avec son cortège de signes d’emprunt pou- mortalité opératoire oscille généralement entre 8 et 37% (2,
vant égarer le diagnostic. 5) et la survie globale à 5 ans entre 14 et 31% (14). Ces
derniers chiffres recouvrent en fait des diversités fonctions
5 - Biologie du type histologique : 14% pour les sarcomes, 20 à 25%
pour les lymphomes, 20 à 30% pour les adénocarcinomes,
Ne disposant pas de marqueurs biologiques, nous nous 43 à 64% pour les carcinoïdes (1, 2, 5, 8, 14).
sommes contentés d’examens biologiques de routine
n’ayant aucune spécificité. Par ailleurs, la discordance CONCLUSION
entre la très grande fréquence des parasitoses intestinales et
la grande rareté du cancer du grêle en Afrique, écarte toute Les tumeurs malignes de l’intestin grêle posent des problè-

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mes diagnostiques du fait de leur rareté et de l’absence de éventuellement associée à une radiothérapie, en cas de
signes cliniques spécifiques. Elles sont souvent des décou- lymphome.
vertes opératoires à l’occasion d’une complication aiguë. Leur pronostic à long terme encore réservé pourra s’amé-
liorer avec les traitements complémentaires. Malheureuse-
Le traitement de base est la résection emportant les gan- ment dans nos pays, ces thérapeutiques médicales complé-
glions satellites. Il est complété par une chimiothérapie, mentaires sont rarement disponibles.
BIBLIOGRAPHIE
1 - A.E. AWRICH, C.E. IRISH, R.M. VETTO, W.S. FLETCHER. 2 - B. DAI, A.G. GIUSTOZZI, S. ROHR, N. DE MANZINI, L.F.
A twenty five year experience with 204 primary malignant tumors of the HOLLENDER et CH. MEYER.
small intestine. Les tumeurs malignes de l’intestin grêle à propos de 55 cas.
Surg. Gynecol. Obstet. 1980, 151 : 9-14. Lyon Chir. 1991, 87/4 : 301-303.

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