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ACADEMIE DES SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES

INSTITUT D'ÉTUDES SUD-EST EUROPEENNES

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TOME XII-1974 N° 2

Histoire des cultures. Thennes et méthodes

EDITURA ACADEMIEI
REPUBLICII SOCIALISTE ROMANIA
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La REVUE DES ETUDES SUD-EST EUROPEENNES parait 4 fois par an.
Toute commande de l'étranger (fascicules ou abonnement) sera adressée à « ROM-
PRESFILATELIA», Boîte postale 2001, Telex 011631, Bucarest Roumanie, ou a ses
représentants à l'étranger.

La correspondance, les manuscrits et les publications (I lyres, revues, etc.) envoy&


pour comptes rendus seront adressés à. L'INSTITUT D'ÉTUDES SUD-EST
EUROPEENNES, Bucarest, sectorul 1, str I C Frimu, 9, télephone 50. 75. 25,
pour la REVUE DES ETUDES SUD-EST EUROPEENNES.

Les articles seront remis dactylographiés en trois exemplaires.


Les col laborateurs sont priés de ne pas dépasser les limites de 25-30 pages dactylo-
graphiées pour les articles et de 5-8 pages pour les comptes rendus.

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SUD-ErST

TOME XII - 1974 N°2

EDITURA ACADEMIEI
REPUBLICII SOCIALISTE ROMANIA

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Comité de rédaction

M. BERZA membre correspondant de l'Académie


de la Republique Socialiste de Roumanie réciacteur
en chef; ALEXANDRU DUTU rédacteur en chef
adjoint ; EM. CONDURACHI, A. ROSETTI, membres
de l'Académie de la Republique Socialiste de Rou-
manie ; H. MIHAESCU, COSTIN MURGESCU, D. M.
PIPPIDI, membres correspondants de l'Académie de
la Republique Socialiste de Roumanie ; AL. ELIAN,
VALENTIN GEORGESCU, FR. PALL, MIHAI POP,
EUGEN STANESCU

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REVUE DES ÈTUDES SUD-EST EUROPÈENNES
TOME XII 1974 N° 2

SOMMAIRE
Histoire des cultures. Thèmes et méthodes
ALEXANDRU DUTU, L'étude comparée des cultures européennes et la recherche
interdisciplinaire 195
CATAL/NA VELCULESCU et VICTOR GEORGE VELCULESCU, Livres roumains
a listes de souscripteurs (Première moitié du XIX° siècle) 205
G. D. ISCRU, Le début de l'enseignement public dans les villages en Valachie . 221
N. ISAR, N. Piccolo correspondant a Paris de la CurateIle des écoles publiques de
Moldavie (1840-1844) 235
ADRIAN FOCHI, Le motif poétique I L'Epreuve de l'amour * dans le folklore sud-est
européen (I) 215
MICHAEL D. TAYLOR (Chicago), Three local motifs in Moldavian Trees of Jesse,
with an excursus on the liturgical basis of the exterior mural programs 267
MARIA ANA MUSICESCU, Byzance, Occident et création nationale dans l'art du
Sud-Est de l'Europe 277

Rapports linguistiques
ELENA MIHAILA-SCARLATOIU, Considérations linguistiques sur quelques topo-
nymes slaves d'origine roumaine en Yougoslavie 291

Chroniquo
PETRE GHEORGHIU, Le colloque international Istanbul a la jonction des cultures
balkaniques, méditerranéennes, slaves et orientales XVIe XIXe siècles *
(Istanbul, 15-20 octobre 1973) 303
MUSTAFA A. MEHMET, Ier Congrès international de turcologie, Istanbul (15-20
octobre 1973) 305

Comptes rendus
PETAR SKOK, Etimologijski Rjanik Hrvatskogo illi Srpskogo jezika. Dictionnaire
étymologique de la langue croate ou serbe (H. Mihdescu); PETER WUNDERL I,
Etudes sur le livre de l'Eschiele Mahomet. Prolégomènes A une nouvelle édition
de la version franeaise d'une traduction alphonsine (Mircea Arzghelescu); ION
TALOS, MWerul Manole. Contributie la studiul unei teme de folclor european
(Adrian Fochi); Dimitrie Cantemir Historian of South-East European and
Oriental Civilizations (Mustafa A. Mehmet); DUMITRU VELCIU, Miron Costin
MARIA PROTASE, Petra Maior (Alexandra Dula) 309
Notices bibliographiques 327

Livres revis 337

REV. ÉTUDES SUD-EST EUROP., XII, 2, P. 191-342 BUCAREST, 1974

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Histoire des cultures. Thèmes et méthodes

L'ÉTUDE COMPARÉE DES CULTURES EUROPÉENNES


ET LA RECHERCHE INTERDISCIPLINAIRE

ALEXANDRU DUTU

Fondées sur les acquis des civilisations antiques, grecque et latine,


développées dans leurs étapes de début en présence du prestigieux modèle
culturel offert par la civilisation byzantine, analogue par ses traits essen-
tiels aux cultures du Moyen-A-ge occidental, les cultures du Sud-Est de
l'Europe se sont intégrées du fait de leurs orientations dans les grands
courants de la culture européenne moderne. Aucune hésitation pour l'his-
torien littéraire quand il s'agit de présenter le tableau des courants artis-
tiques des XIX' ou XX' siècles : il décrit le romantisme on le réalisme, le
symbolisme ou l'expressionisme affirmés dans cette zone, faisant la part
des caractères communs et des traits spécifiques. Mais, dès qu'il remonte
du XVIII' siècle vers les époques révolues du passé, la difficulté de suivre
les méandres de la naissance et du développement des courants sud-est
européens devient de plus en plus sensible ; il découvre un humanisme,
mais au XVII' siècle et sans tangence directe avec la Renaissance de type
occidental ; il y a un baroque, mais fort peu spectaculaire dans l'art
et la peinture ; les Lumières qui s'épanouissent dans cette partie du
monde au moment de l'apparition du romantisme occidental accusent des
tendances qui ne sauraient permettre de désigner cette période comme
«un siècle de la Raison ».
S'il se soumet rigoureusement aux recommandations de la chrono-
logie, l'historien tournera les difficultés en consignant des « retards »;
s'il poursuit de manière mécanique le processus de diffusion, avec la
ferme conviction que ce qui fut produit plus tard ne devait être qu'une
imitation de ce qui a précédé, il notera les réalisations de ces « attardés »
qui confirment les choses déjà connues des réalisations obtenues par les
avancés »; s'il accepte les explications sommaires, il sortira de l'impasse
en jettant brusquement dans la discussion les « coordonées » socio-poli-
tiques et il parlera de l'incapacité de développer une culture « supérieure »
REV. 0-UDES SUD-EST EUROP., XII, 2, P. 195-203, BUCAREST, 1974

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196 ALEXANDRU DUTIT 2

enfin, s'il perd patience, il laissera à ses successeurs le soin de trouver


les joints.
Il est incontestable que la comparaison des acquis culturels des
diverses sociétés a bénéficie, dans une large mesure, de la méthode en
usage chez les historiens littéraires qui out ouvert ainsi le domaine d'une
recherche de vaste envergure, avec une application plus tenace et des
résultats meilleurs que ceux qui ont compare des ceuvres appartenant à
d'autres domaines. Cependant, l'essai d'expliquer la vie intellectuelle des
sociétés au moyen des résultats dégagés de l'étude spécialisée des textos
littéraires devait, camme de juste, aboutir à une impasse, créée aussi
bien par l'obligation tacite ou délibérement acceptée de réduire
l'expérience intellectuelle des sociétés à un modèle exemplaire, que par
la consequence, inélu.ctable, de cette façon d'envisager le problème, à
savoir la priorité accordée à la littérature, priorité qu'elle n'a pas eu
constamment dans la marche de la civilisation humaine. Le chercheur
specialise d'une littérature nationale a poursuivi dans les autres les pro-
longements des realisations qu'il connaissait à fond ; c'est ainsi que Louis
Beau a pu nous presenter une Europe françaiso. Ceux attachés à l'étude
littéraire ne découvrent que difficilement des courants littéraires dans la
culture &rite des XV° -xvir siècles dévoloppée dans le Sud-Est de
l'Europe. Ensuite, le schema influence-reception a été applique fort
consciencieusement par ceux désirant presenter des priorités nationales :
le fait que Mme de Geniis apparait d'abord dans une certaine littérature
balkanique et seulement plusieurs décen_nies après dans une autre litte-
rature de cette même aire de notre continent a constitué la preuve péremp-
toire d'une nette avance dans la voie magnifique des Lumières. On a inclus
dans le débat les dimensions conferees par les « parallélismes »1 ou les
« coincidences » 2 que la comparaison des littératures au développement
suivant des rythmes divers a mis au. jour. De telles dimensions devaient
se montrer fort utiles surtout pour permettre de dégager les traits spéci-
fiques des differentes experiences culturelles.
Les tendances visant à donner aux etudes littéraires des dimensions
universellos se révèlent de jour en jour plus fréquentes, comme les travaux
du recent Congrès de litterature compare° tenu au Canada 3 l'ont souligné.
Rappelons, en ce sons, à titre d'exemples l'expose de Roger Bauer sur l'im-
pératif de la reprise des recherches topologiques ou thématologiques faites
pour contribuer au diagnostic des variations globales, de profondes signi-
fications, propres an langage littéraire de diverses époques 4; celui de
Roland Mortier qui, tout en posant le problème de la périodisation du
1 Voir Al. Dima, Principii de Itteraturd cornparatei, Bucarest, Editura enciclopeclicd
rot/IMO, 1972.
2 Voir C. Tb. Ditnaras, La Grèce au temps des Lumières, Geneve, Droz, 1969, p. 1-9.
3 Le comité canadien du programtne a réussi a intégrer les contributions individuelles
en un échange de vues très enrichissant ; il suffit de rappeler ici les vas et intéressants &bats
sur les critères esthetiques et plulosophiques de la périodisation littéraire ou les discussions
engagees autour des 'tables rondes' consacrées aux siècles litteraires. Le theme la périodisation
(I

de l'histoire litteraire du xvine siècle * a entramé la participation d'éminents specialistes,


cornine Nina Facon, A. O. Aldridge, Istvan Soter, E. Bene, Bela Kopeczi, H. H. H. Remak,
Michel Cadot et mitres.
4 Roger Bauer, La topologic et la thématologie au service de l'histoire, a paraltre dans
les Actes du Congres.

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3 L'ETUDE COMPARE DES CULTURES EUROPENNES 197

XVIII' siècle européen, plaida en favour d'une plus grande souplesse


dans l'adaptation à la diversité des littératures européennes et de la prise
en consideration d'autres facteurs aussi (les beaux arts, la politique, etc.),
bien que débordant le cadre strietement littéraire 5; ou encore la suggestive
communication de Patrick Brady qui présenta le Rococo dans une inter-
pretation structurale qui dépassa la simple enumeration chronologique
des oeuvres respectives 6. E nous faudrait faire également état des discus-
sions fecondes qui eurent pour objet les siècles littéraires.
E nous semble discerner clans toutes ces tendances une invitation
A, passer de maniere déliber6e de l'enclos littéraire au domaine culturel.
Sans doute, la cultur e se prête à des definitions multiples 7; notre propos
n'est pas d'y ajouter encore une, rnais simplement de souligner Putilité
qu'il y aurait à connexer l'investigation des oeuvres littéraires avec l'ana-
lyse des documents écrits appartenant à d'autres genres, afin de mieux
saisir les pensées et les sentiments des hommes. Car Phistoire culturelle
interroge en tout premier lieu les hommes qu'elle découvre à travers ces
témoignages. Ce n'est pas le changement de direction intervenu dans un
courant littéraire ou idéologique qui définit le contour d'une certaine
époque, mais les modifications de P« essence humaine » et de la « nature
humaine », vient d'affirmer dernierement Istvan Söter ; « les époques de
l'histoire sont aussi celles de Phomme, c'est-à-dire des phénomènes 'anthro-
pologiques', manifestant les transformations successives et les remodela-
ges de 1"essence humaine' et de la 'nature humaine' Autrement dit,
dans l'histoire en tant qu'cen-vre humaine, nous de-vons savoir reehercher
et trou-ver son auteur, Phomme » 8.

Or, le premier seuil à dépasser est celui dresse par les theories ro-
mantiques, qui prétendent que la supreme affirmation de l'esprit humain
reside dans l'ceuvre de « genie ». Si l'on accepte que le beau s'incarne de
temps en temps dans Pceuvre du -visionnaire qui exprime toutes les pen-
sees sublimes de ses contemporains, il ne reste plus àl'interprète que d'entrer
en relations secretes avec Pceuvre en question, pour la déchiffrer au profit
des non-inities. En assumant ce rôle magique, le critique conclut un accord
connu par lui seul avec chaque creation séparément, pour pénétrer
les sens caches des monades spirituelles portées par la vague du temps.
L'intuitionisme change le patrimoine culturel en trésor éternel, qui se
révèle par tranches A, l'esprit critique; sorte de « House Beautiful », comme
le disait Ernst Robert Curtius.
Un autre seuil est celui de Pinterprétation positiviste de l'histoire
humaine ; sous la forme de Phistoire événementielle, celle-ci a réduit les
expressions artistiques à une succession d'incidents jalonnant la vie de
l'humanité. Dans cette conjoncture, les fragments ne sont plus relies
entre eux que par le fil d'une Par que qui se nomme le Temps. Ce qui advient

6 Roland Mortier, Lumiéres, préromantisme, romantisme. Leur délimitation en tali-


rature comparée, idem.
6 Patrick Brady, The Mask of Pleasure and the Muting of Pain: A Structural Interpre-
tation of the Rococo, idem. Voir aussi son etude From Traditional Fallacies to Structural Bypo-
thesis. Old and New Conceptions in Period Styles Research, tire-A-part de i Neophilologus.
7 Une recapitulation chez A. L. Kroeber and C. Kluckhohn, Culture. A Critical Review
of Concepts and Definitions, New York, 1963.
I. Soter, L'époque et les courants. Coherence et diversité des Lizmieres, in Etudes
européennes. Mélanges offerts cl Victor L. Tapié, Paris, Publications de la Sorbonne, 1973, p. 368.

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198 ALEXANDRI.7 OUTtT 4

après Upend de ce qui l'a précédé, une ceuvre du XVIII' siècle n'apparait
qu'une fois publiée une autre, du XVII°, de même que Louis XVI n'a
pu accéder au treine qu'au moment ou Louis XV a rendu manifeste sa
vac ance.
Pour préciser les multiples liens de Pceuvre d'art avec le milieu social
où elle est &lose, il ne suffit pas de se demander « quel rapport y-a-t-il
entre cet art et cette société ?», car on laisserait entendre que la société
est une entité en soi. « Si l'art est une partie de la société, il n'y a pas
d'entité en dehors d'elle A, laquelle on puisse accorder la priorité. L'art
y figure, en tant qu'activité, au même titre que la production, le commerce,
la politique, le développement des familles. Pour étudier les relations de
manière adéquate, il est nécessaire de les étudier activement, considérant
toutes les activités comme autant de formes particulières et contemporaines
de Pénergie humaine » 9. C'est de ce même point de vue que l'histoire cul-
turelle ne saurait se séparer de l'événement sans le risque de se cloitrer
dans une prison spirituelle, dont les ba,rreaux empêcheraient toute approche
directe et sans préjugés du réel ; « l'histoire culturelle se doit par excellence
d'être interdisciplinaire »1°.
Telle que l'ont recommandé, d'ailleurs, ses initiateurs, qui se sont
intéressés a, l'esprit des lois, aux mo3urs des nations, aux démarches de
la raison et aux constructions de l'imagination, aux rapports entre la
prospérité des Etats et l'épanouissement de la culture. Mais en lui donnant
une perspective plus ample que celle qui lui fut conférée par « l'esprit de
société », attaché aux expressions culturelles formulées sur un seul niveau,
ou par cet « esprit de synthèses », attentif à, la politique culturelle des
cours impériales qui ne rend pas compte des courants profonds de la vie
des collectivités. Telle qu'elle s'est épanouie dans l'historiographie roman-
tique, pratiquée par un Jules Michelet ou Nicolae Balcescu ; mais re-
gagnant les dimensions sociales perdus dans les exposés didactiques où
la « vie culturelle » s'écoule dans une autre sphère que la « vie économique »
ou la « vie politique ». Car, ainsi que Pierre Francastel le soulignait dans
son Uncle sur l'art et l'histoire, l'ensemble du trésor des ceuvres du passé
ne constitue pas seulement un musk imaginaire, illustrant les chimères
de Phomme en présence d'un réel intangible. Il est temps de substituer à,
une esthétique née au XVIII' siècle de la foi dans la Beauté absolue, une
nouvelle problématique, liée à la reconnaissance de la capacité de Phomme
d'informer son entourage 11
Telle que la recommande l'histoire des mentalités qui rend aux
hommes du présent le sens du devenir, dégagé des faits que l'histoire
événementielle n'a enregistrés que parce que ce sont, justement, des faits,

9 Raymond Williams, The Long Revolution, Penguin Books, 1971, P. 61.


10 Alphonse Dupront, L'acculturazione, Torino, Einaudi, 1966, p. 90.
11 Pierre Francastel, Realtlatea figurativa. Traduction de Mircea Tomus. Bucarest,
Editura Meridiane, 1972, p. 134. Dans un sens similaire, Erich Kohler a évoqué <, la generation
de chercheurs adeptes du positivisme qui a fait un travail énorme ; mais son interpretation
esthétique est restée endettée au romantisme : la on on ne retrouve pas un sentiment authen-
tique personnel, oft le cri strictement subjectif de l'émotion d'un esprit solitaire ne se laisse
pas surprendre, on petit déceler la littérature, mais non pas la poésie. Depuis longtemps, les
interpretes de la versification médiévale n'éprouvent plus une sensation agréable devant de telles
evaluations » (Zur Struktur der altprovenzalischen Kanzone dans le volume Esprit und arkadische
Freiheil, Frankfurt/Bonn, Athenaum Verlag, 1966, p. 28-45).

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5 L'ETUDE COMPAREE DES CULTURES EUROPENNES 199

l'instar des collectionneurs qui admirent l'ingénuité de Magendie :


« Je me promène là-dedans comme un chiffonier, et je trouve à chaque
pas quelques chose d'intéressant à mettre dans ma hotte ». A quoi répli-
quait Dastre : « Quand on ne sait pas ce qu.'on cherche, on ne sait pas ce
qu'on trouve ». Une histoire des mentalités qui franchit les obstacles élevés
par les définitions commodes : « Attention, mon ami, vous allez sortir de
l'histoire Relisez rna définition, elle est si nette !... Si vous étes
historien, vous ne mettiez pas le pied ici : c'est le domaine du sociologue.
Ni là : vous seriez chez les psychologues. A droite ? Vous n'y pensez pas,
c'est chez le géographe ... Et à gauche, chez l'ethnologue » Cauchemar.
Sottise. Mutilation. A bas les cloisons et les étiquettes ! C'est à la frontière,
sur la frontière, un pied en deçà, un pied au dela, que l'historien doit
travailler librement. Utilement ... Car, continue Lucien Febvre, l'his-
toire ne présente pas aux hommes une collection de faits isolés. Elle orga-
nise ces faits. Elle les explique, et done pour les expliquer elle en fait des
séries, à qui elle ne prête pas une égale attention. Car, qu'elle le veuille
ou non c'est en fonction de ses besoins présents qu'elle récolte systé-
matiquement, puis qu'elle classe et groupe les faits passés. C'est en fonc-
tion de la vie qu'elle interroge la mort" 12 Une histoire globale, où l'histoire
littéraire prend part à l'élaboration d'une « science de Phomme », de l'hom-
me considéré dans son devenir ; « le bon historien ressemble à l'ogre de la
légende ; là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier » 13.
Si, au lieu de la pièce en soi, c'est le processus intellectuel qui re-
tien.dra Pattention de l'historien., ce processus dont elle est le fruit, celui
qui s'est cristallisé en elle et a participé, à travers elle, aux &bats du
milieu qui l'a créée, alors l'étude portera sur les idéologies nécessaire-
ment négligées par l'intuitionisme ou Phistoire événementielle. Et, dé-
limiter les idéologies suppose Pinvestigation concomitante des processus
d'élaboration et de diffusion de l'ceuvre d'une part et de Pactivité intellec-
tuelle dans le cadre de la société d'autre part. Il devient ainsi évident
que depuis l'outil qu'il s'est créé jusqu'à la manière dont il organise son
espace et son temps, Phomme développe ses capacités créatrices dans
un contexte économique et social déterminé ; depuis l'instrument qui
prolon.ge la force de son bras jusqu'à la maison qu'il habite, avec les
objets qui lui sont nécessaires et qui portent l'empreinte de ses capacités
sous la forme strictement utilitaire mais xnarquée par le besoin impérieux
d'introduire un certain ordre où la beauté a sa place, et jusqu'aux mani-
festations oil sa vision du monde aboutit à des formes sublirnées, tout un
ample registre se déroule auquel tout historien de la culture ne saurait
rester étranger. Farce que, dans ce registre il pourra saisir la mécanique
des représentations mentales, sur le plan de la psychologie collective,
là où se dessine l'image que la société se fait d'elle méme 14; c'est une image

12 Luden Febvre, Vers une autre histoire dans Combats pour l'htstolre, Paris, Armand
Colin, 1965, P. 431, 425, 437.
13 Affirmation de Marc Bloch, citée dans idem, zbidem, p. 426. Sur les rapports de Phis-
toire littéraire avec l'histoire des mentalités voir aussi Roger Fayolle, D'une histoire littéraire
l'hzstoire des Izttératures, « Scolies. Cahiers de recherches de l'Bcole Normale Supérieure *,
Paris, 2, 1972, p. 7-23.
14 Voir Georges Duby, L'iustozre des systèmes des valeurs. a History and Theory *, XI,
1972, 1, P. 15-25.

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200 ALEXANDRU DuTu 6

de son devenir A, travers les temps et en rapport avec les autres, une image
de sa présence dans la contemporanéité, également en rapport avec les
autres. Le projet existentiel de la collectivité se cristallise dans un modèle
de vie qu'elle se propose et il conduit a l'ébauche d'un modèle d'humanité
projeté dans la conscience des membres de la collectivité. C'est toujours
en rapport avec les autres que le modèle culture', aussi bien que le modèle
d'humanité sent élaborés et, en tant que tels, ils rallient Pexpérience
intellectuelle de certaines collectivités du passé on du présent, tout en se
séparant de favn délibérée d'autres groupes d'expérien.ces. Chaque
modèle culture' et chaque modèle d'humanité comportent des traits uni-
verse's ; une universalité acceptée quand Porientation vers le passé prédo-
mine ou une universalité propulsée lorsque cette orientation s'attache au
présent. Comparer ces modèles ass-are a l'historien le moyen de récupérer
les expérien.ces du passé, et de restituer a ses contemporains, a la place
d'art° galerie de tableaux ou d'un con.glomérat de pièces, le frémissement
de la vie.
Pour ernbrasser la vie du passé dans son ensemble, Pinterprète
devra recourir aux résultats des disciplines spécialisées et pénétrer leurs
points de convergence, afin d'y retrouver les hommes, avec leurs hési-
tations, leurs réalisations et leurs insuccès, avec la pensée, la sensibilité et
la volonté d'agir sur le monde qui leur sont propres. Histoire des hommes,
l'histoire culturelle est a même de se proposer le programme de travail
le plus ambitieux entre tous, tant par l'exten.sion de son intérêt vers toutes
les formes d'expression de la vie sociale, que par ses objectifs, d'intervenir
activement dans les débats du présent, pour l'expliquer par son passé.
Aussi le caractère interdisciplinaire de la recherche se détache-t-il
nettement de cette étude, même quan.d, nécessairement, Penquête est
axée sur un groupe de documents détermin.é. Car, a partir du moment où
il décide d'étudier certains aspects d'une idéologie, l'exégète sera tenu a
recourir a Phistoire économique pour connahre la manière dont sont pro-
duits les biens et les relations économiques, à Phistoire sociale pour con-
n.aitre la nature et les formes revêtues par les rapports entre les classes
et les groupes sociaux, à Phistoire politique qui lui révèle l'organisation
de la société et ses liens avec les autres sociétés. Il tachera de saisir com-
ment communiquent entre eux les différents niveaux culture's 15, puisque
c'est d'une certain.e manière que se dessine le xnodèle culturel quand le
niveau supérieur impose son idéologie, surtout par des moyens politiques,
ou quand il s'assimile des données susceptibles d'augmenter son prestige
et son antorité, et d'un.e toute autre manière quand le modèle est élaboré
dans la zone de contact des niveaux ayant altern.ativexnent la priorité
(comme n.ous estimons que c'est le cas dans la majorité des sociétés sud-est
européennes a l'époque moderne). Il devra aussi étudier le fonctionnement
de la tradition sélective dont parle Raymond Williams, pour relever l'erro-
sion, voire la disparition de certains concepts, ainsi que la perpétuation
de quelques autres sur les paliers du temps, oil la longue durée 16 joue un
rôle essentiel.
15 Voir Robert Mandrou, Cultures ou nweaux culturels dans les sociétés d'Ancien Régime,
e Revue des études sud-est européennes , 1972, 3, p. 415-422.
16 Voir Fernand Braudel, La longue durée in Ecrrts sur l'histoire, Paris, Flammarion,
1969, p. 41-83.

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7 L'ETUDE COMPAREE DES CULTURES EUROPENNES 201

Limitée à une période de riche signification, tel Phumanisme ou la


période des Lumières, renquête insistera de preference sur les categories
variées de temoignages dont l'ensemble constitue Pécran sur lequel sont
projetés les hommes du passé, qui nous communiq-uent, à travers ces
témoignages, leurs pensées et leurs sentiments ; elle tracera, de la sorte,
le cadre de l'expression 17 Là, elle trouvera des expressions orales (de la
communication et de la creation artistique), des expressions &rites (attes-
tant des préoccupatiolas philosophiques, historiques, littéraires, scienti-
fiques), des expressions plastiques (architecture, sculpture, peinture),
la musique et la dan.se ; elle étudiera les rapports entre les différentes
expression.s, ainsi que la manière dont elles sont structurées. Ce faisant,
une Write s'imposera, à savoir que pour chaque étape la préséance revient
à un certain groupe de temoignages ; elle comprendra, ainsi, que Pin.vesti-
gation d'un seul groupe étudié à travers les temps ne saurait saisir les
transforxnation.s essentielles de la mentalité humaine. C'est ce qui nous
montre l'histoire littéraire qui, sous l'impulsion du romantisme, s'est
assumée le devoir d'expliquer revolution de la capacité créatrice des
hommes, objectif qu'elle ne pourra jamais atteindre à elle seule. En effet,
certaines étapes Pessentiel d'un mouvement culturel se dégage de la
littérature juridique, alors qu'à certaines autres c'est la littérature histo-
riq-ue qui le révèle. Qui plus est, à d'autres périodes Pessence lame du
mouvement culturel est dévoilee par l'histoire de l'architecture ou de
la peinture. On serait en droit de se demander si ce n'est pas aussi le
cas de la Renaissance italienne, dominée plutôt par un Michel Ange et
un Leonard de Vinci, que par Leonard Bruni ou Pic de la Miran.dole
nous l'affirmerions presque sans hesitation à l' égard du Baroque, instauró
par Borromini, Bernini, Wren ou Fischer von Erlach plutôt que par la
poésie, qui revele dans une moindre mesure les touches modifiant la sen-
sibilité. C'est , de toute façon, le cas de la culture roumaine des XIV°
XVI' siècles, dont la peinture et l'architecture sont plus pregnantes que-
reflétant mieux les tendances idéologiques de la société
du temps.
Les différentes modalités de l'expression culturelle s'éclairent réci-
proquement, et celui qui se propose de &Tager le modèle d'humanité
du courtisan, tel que Castiglione le présente dans ses pages, n.e peut ignorer
les ceuvres de son collegue à la cour d'urbin Raphaël ; de même que
le modele du lettré propose par les écrits d'Albeiti s'éclaire grâce aux pein-
tures de Pierro della Francesca ; le bréviaire du lettré élaboré par la cul-
ture roumaine de la fin du XVII' siècle a pour glossaires la peinture et
l'architecture brancovan.es. Pour la période des Lumières, l'appel aux
ceuvres de Bach, Haendel et Mozart est indispensable si Pon veut com-
prendre les transformation.s interven.ues non seulement dans le gait
artistique, mais dans la pens& et la sensibilité des hornmes du XVIIP
siècle aussi. Et celui qui desire connaitre le processus entrainant la désa-
grégation du modèle d'humanité à pretention universelle qu'a &Le l'hon-
late homme ou le gentleman, à l'époque du romantisxne, doit s'adresser

17 Des details clans notre article Vie des hommes et vie des truvres dans la société rouma:ne
(1650-1848). Contacts culture's et stiuctures mentales, Revue des etudes sud-est européennes
1972, 2, p. 393-410.

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202 ALEXANDRU DuTu 8

tout n.aturellement aux ceuvres de Victor Hugo, Pouchkine ou Byron,


rnais à celles de Delacroix et de William Blake egalement.
Il n'est pas moins vrai que les temoignages Wont pu percer tous à
travers les temps et de ce fait l'effort de restitution n'aboutira parfois
qu'à des résultats partiels. Ce sont notamment les témoign.ages oraux,
révélateurs de la pensée et de la sensibilité des xnasses ayant agi sur l'his-
toire, qui se dérobent souvent aux classifications chronologiques ;
moin.s, on ne peut les &after du repertoire documentaire, en nous bornant
reconstituer la mentalité populaire sur le seul fondement des livres, qui
ont vulgarise le mode de pensée seigneuriale ou des philosophes. De méme,
les representations thébtrales, qui ont eu au XIX' siècle un rôle décisif
dans la vie des sociétés, ne peuvent plus être recupérées ; qui pourra n.ous
rendre non seulement la voix mais aussi le mouvement scenique d'Ellen
Terry, de Frédérique Lemaitre on d'Aristizza Romanescu Les films ont,
de toute evidence, une situation privilégiée. Toutefois, ce qui importe
c'est de ne point perdre de vue Palternance et la conjugaison des temoi-
gnages, pour réduire la vie xnentale simplement à ce que Pécriture nous
offre à travers les temps, car, ainsi que Frartcastel en fait la remarque
pertinente, «il est evident que Phomme vit grace à ses yeux et à ses oreilles,
autant que par la parole. La parole est l'un de ses modes d'expression, le
plus en usage, le plus répandu. Nous subissons les effets d'une crise due
à la place exagérée que le texte écrit a ten.0 dans la formation génerale
des gén.érations récentes. Et j'insiste sur le fait que cette situation est,
it la bien con.sidérer, récente et qu'elle fausse n.otre jugement sur les modes
de pen.ser et d'agir des sociétés anciennes »18.
En se concentrant sur la totalité du cadre de Pexpression, Phistoire
culturelle pent maintenant aboutir au résultat prefigure par ses initiateurs
la restitution des civilisations de jadis et de la vie intelleetuelle des tem.ps
révolus au profit de ceux qui, dans des n.ouvelles conditions de l'existence,
s'efforcent de dresser le bilan des réalisation.s humaines. Et l'appel cons-
tant à la recherche interdisciplinaire la rend à méme de saisir, à la con-
fluence des faseicules de lurnière projetés sur les ténèbres qui suivent nos
pas, Pimage des hommes ayant vecu darts les villes et villages des terri-
toires dont la configuration humaine n'a jamais cessé de se modifier.
« Une discrimination des faits historiques est nécessaire » quand
l'objet de notre attention est constitue par toute une aire de civilisation.;
« les recherches consacrées au Sud-Est européen, aban.donnant à d'autres
disciplines le particulier (l'histoire événementielle, en Poccurrenee), vont
s'aiguiller de plus en plus vers le general, le structural, le social, le cul-
ture' » 19. Mais on ne pourra saisir la donnée générale qu'après avoir dis-
cerne le particulier dan.s ses relations avec le general. Par une comparaison
soutenue, aspirant à découvrir comment se sont constitnés les systèmes
des valeurs dans chaque société ; sur la piste tracée par la capacité d'assi-
milation et par la force de penetration des influence Influences-receptions,
enregistrement d'une avance ou n.otation d'un décalage ce sont les
premiers rapports, qui seront approfondis grâce à l'analyse du. r3rthme
19 Pierre Francastel, op. cit., p. 101-102.
19 Denis Zakythinos, Eta( actuel des eludes du Sud-Est européen, (, Bulletin de l'AIESEE »,
8, 1970, 1-2, P. 43.

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9 L'ETUDE COMPAREE DES CULTURES EUROPENNES 203

des contacts culturels ; à l'intérieur de ce rythme, la quête on la résistance


deviendront manifestes, marquant ain.si des disponibilités et des disparités.
A cause du rythme Si n.ous répondrions par l'affirmatif, ce serait s'in-
cliner avec somnission devant le Temps. C'est pourquoi, convergences et
divergen.ces nous conduiront vers une n.ouvelle interprétation des struc-
tures mentales qui se reflètent dans Pécriture, le langage figuratif et
Poralité ; des structures qui se cristallisent dans le modèle culturel qu'une
société s'est proposé. Ce modèle s'insère dans le courant général du pro-
cessus culturel ; recon.sidéré de ce point de vue, il gagn.e ses significations
profondérnent on généralement humaines. De cette manière, dans sa ten-
tative de saisir le tout, la recherche comparée et interdisciplinaire pourra
éviter le danger de la généralisation d'un fragment : découvert en Europe
en Occident, dans le Sud-Est ou dans le Nord dan.s des zon.es exem-
plaires, qui brillent 6, des distances sidérales dan.s la vofite claire d'un
ciel d'hiver.
Les distances et les décalages sont des termes voués à perpétrer
la généralisation du fragment. De ce fragment qui apparait si séduisant
dans la série des chefs d'ceuvres littéraires, dans les shies des événements
qui semblent vouloir révéler un. devenir, dan.s les hauts faits d'une classe
ou d'un groupe qui monte vers les sommets sublimes, dans toute création
élaborée par une société ou un groupe de sociétés. Du fragment que Phis-
toire globale est en mesure de dépasser ; cette histoire globale qui restitue
la vie culturelle des sociétés con.stituant la communauté humain.e et qui
retrouve, dans les modèles culture's, les éléments susceptibles de rendre
compte de l'universalité à laquelle ils on.t aspiré et qui a définileurs contours.
Une histoire globale ancrée dans la vie, qui s'attache à Pétude des témoi-
gn.ages non pas en tant que témoign.ages en soi ce qui leur offrirait la
possibilité de devenir des fragments mais comme témoignages humains.
Pour redécouvrir les hommes il n.'y a pas autre chose à faire que de
les chercher, avec application, avec courage comme le disait Nicolas
Iorga, en 1933 6, propos de l'avenir des études byzantines. Il est nécessaire,
disait-il, d'avoir la précision et la patience du «compulseur des manuscrits,
afin de dégager d'une telle activité le bon texte, celui sur lequel on peut
se fonder. ATMs, ensuite, il ne faut pas s'arréter a et avoir le courage
d'human.iser l'histoire de Byzance »
Une telle humanisation de l'histoire pourrait étre réalisée en tout
premier lieu par une équipe dans le genre de celle qui poursuit la rédaction
de « l'histoire intégrale de la société, avec ses expressions économiques et
politiques, littéraires et artistiques », ceuvre qu'on serait en droit d'es-
pérer comxne un couronnement des recherches conjuguées des spécialistes
du Sud-Est européen 21. L'orientation interdisciplinaire et comparatiste
de la recherche individuelle pourront lui fournir également leur apport.
Dans cette synthése, le patrimoine de la culture universelle est suscep-
tible de gagner d'autres dimensions et de mieux refléter la variété des
expériences intellectuelles, ainsi que leur caractère dynamique, qui est
le caractère méme de la vie humaine.
" Nicolae Iorga, Viitorul studitlor bizantzne in Sznteza bizantinä, recueil soigné par Dan
Zamfirescu. Bucarest, Editura Minerva, 1972, p. 156-157.
21 Mihai Berza, Exposé ... in Actes de la première réumon de la Commisston d'Ilistoire
des Idées dans le Sud-Est de l'Europe, « Bulletin de l'AIESEE i, 4, 1966, 1-2, p. 15.

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LIVRES ROUMAINS A LISTES DE SOUSCRIPTEURS

(PREMIÈRE MOITIÈ DU XIXe SIÈCLE)

CATALINA VELCULESCU et
VICTOR GEORGE VELCULESCU

1. INTRODUCTION

La présente etude a pour point de depart les listes de souscripteurs


annexées a certains livres roumains parus au cours de la première moitie
du XIV siècle*. Les personnes inscrites sur ces listes avaient verse à
l'avance à l'auteur la contre-valeur d'un certain nombre d'exemplaires,
justement pour faciliter la parution de l'ouvrage. En gén.éral, à côté
du nom sont mentionnés la localité où le souscripteur reside, sa profession
ou son ran.g social, ainsi que le nombre d'exemplaires qu'il a payes.
Pour les livres parus dans les provinces sous domination. autrichienne,
Pénumération des souscripteurs est faite en ordre alphabétique ; dan.s
les Principautés Danubien.n.es, les listes compren.nent d'abord les gens
d'Eglise, suivant la hiérarchie eeclésiastique, puis les la1cs, dans l'ordre

* Voir Filip Iliou, Pour une étude quantitative du public des lecteurs grecs d l'époque
des Lumières et de la revolution (1749-1832), in Actes du ler Congrès international des Etudes
balkamques el sud-est européennes, Sofia, 1967-1969, vol. IV, p. 475-480. Notre etude com-
mencée avant la parution de l'article susmentionné aborde l'aspect roumain de la pratique,
en usage dans les pays du Sud-Est européen, consistant A aider la publication de certains
livres par vole de souscriptions préalables. Aussi a-t-elle sa place tout indiquée dans une série
que Film Thou lui-méme a préconisée.
Pour les lecteurs bulgares, voir l'article de Manio Stoianov paru avant la communi-
cation ci-dessus Les # sundromites * bulgares de livres grecs au cours de la première moitie
du XIXe siècle, a Byzantinische-neugriechische Jahrbucher o, Athènes, 19, 1966, p. 373-406,
ainsi que les observations critiques du compte rendu de C. Papacostea-Danielopolu dans o RE-
SEE o, VI, 1968, n° 4, p. 697-699.
Pour les lecteurs grecs, cf. C. Papacostea-Damelopolu, Les lectures grecques dans (es
Principautés Roumarnes après 1821, r Balkan-Studies a 11, 1970, n° 1, p. 158-168.

REV. ÉTUDES SUD-EST EUROP., XII, 2, P. 205-220, BUCAREST, 1974

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206 CATALINA et VICTOR GEORGE VELCULESCU 2

de leurs rangs sociaux ou sans ordre aucun ; l'ordre alphabétique ne sera


adopte que plus tard.
Pour la période 1815-1853, nous avons trouvé des listes de sous-
cripteurs dans 26 livres (dont l'un en deux volumes parus A, des dates
différentes). Au total, n.ous avons enregistré 6938 souscripteurs ayant
payé 12.203 volumes.
Le premier objet de nos recherches a été de determiner le nombre
de volumes souscrits d'un certain livre, on à une certaine époque, ou par
une certaine catégorie socio-professionnelle ; à un second echelon, nous
avons calcule le nombre de volumes souscrits par une certain.e catégorie
de personnes à une certaine époque ou, à un degre supérieur de complexité,
le nombre de volumes souscrits par une certaine catégorie socio-profession-
nelle à une certain.e époque et pour un certain genre de livre.
L'époque on la profession., on l'époque et la profession, ou l'époque,
la profession et le genre de livre sont les conjonctures dans lesquelles
n.ous examinons la répartition des livres. Ces répartition.s une fois calcu-
lees, nous essayons d'établir a, partir d'elles des corrélations (par exemple,
la correlation entre tel livre et telle catégorie de souscripteurs) dont le
champ sera en.suite agrandi par l'interprétation.
Dans les pages qui suivent, nous définirons d'abord les notions uti-
lisées et nous exposerons la méthode de travail suivie, en justifiant celle-ci
et en précisant ses limites d'application. Le paragraphe suivant sera con-
sacré à la description du materiel, à sa classification, à ses correlations et
aux con.jonctures effectivement an.alysées. Nous présenteron,s ensuite
les résultats obtenus et leur interpretation. Enfin, un dernier chapitre
comprendra nos conclusions et quelques indications sur les voies à suivre
dans les recherches ultérieures.

2. IDFINITIONS ET MtTHODE

Pour les besoins de l'analyse, tout le materiel dont nous avons


dispose a 60 passé sur des fiches, chaque fiche correspondant à un sous-
cripteur et indignant : à quel livre il a souscrit, d'où il est, quelle est sa
profession et combien d'exemplaires il a payes. Une fiche peut comprendre
plusieurs souscripteurs au cas oil le livre, le lieu et la profession sont les
mexnes. Voici un exemple typique de fiche :
EROTOCRITTJL * CRAIOVA * NOTAIRE * 6 * 2
ce qui signifie que deux notaires de Cralova ont souscrit à six volumes de
l'ouvrage Erotocritul.
Comme on pent voir, une fiche contient cinq informations explicites
distinctes. Mais de fait, comme nous le verron.s plus en detail par la suite,
elle comprend aussi quatre informations implicites qui découlent de la
lecture meme de la fiche, à savoir : le genre et l'époque de parution du
livre, la region où se trouve la localité et une catégorie plus large où est
englobée l'occupation du souscripteur, que nous nommerons « position
sociale ».
Nous n.ommons « attribut » d'une fiche toute spécification de livre,
genre, époque, région, localité, position sociale et occupation apparaissant

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3 LIVRES ROUMAINS A LISTES DE SOUSCRIPTEURS 207

sur une fiche. Un seul attribut ou une série d'attributs définissent une
conjoncture.
Une fiche fournit effectivement neuf informations : les sept attributs,
plus le nombre de volumes et celui des souscripteurs. Les 1319 fiches
établies représentent par consequent un total de 11.871 informations
dont la systematisation et l'analyse ont rendu n.écessaire Pemploi d'un.
ordin.ateur.
Le programme, écrit dans une variante évoluée du langage
FORTRAN, appropriée à Pordinateur IB111/360, est décrit sommairement
ci-dessous dans le seul but de définir les operation.s effectuées et de préciser
la méthode de travail.
Le tableau 1 reproduit quelques fiches fictives semblables
lues par l'ordinateur. Une fois le materiel introduit, on effectue la première
operation, consistant à sélectionner tous les attributs distincts enregistrés.
Autrement dit, dans le tableau 1, la colonne « livre » comprend 1319'
elements, mais comme les titres se répètent, le nombre d'ouvrages dis-
tincts n'est en fait que de 26; de même, on constate qu'il a existe 84 loca-
lités ou bien 55 occupations.
Tableaq

souscripteurs
Nombre de
'7 7C)

souscrits
volumes
ci, W ...
C.) .., ,,, ...,.
livre genre époque région localité état occupation g :9: is . ,..
o

o
o

social
ô= E ""
Z ,5;

EROT LIT 10-20 Oltéme Craiova employé notaire 6 2


t_CV

DIREG PEDAG 30-40 Munténie Bucarest artisan typographe 1 i.


CDC

ADOL LIT 40-50 Muntérne Bucarest militaire colonel 2 1


CV

EROT LIT 10-20 Moldavie Jassy boyard sp5tar"


©

10 1
. . . . . . . . .
. . . . . . . . .
. . . . . . . . .

Nous avons calcule ensuite pour Maque conjoncture à un attribut,


le total des livres souscrits, le total des souscripteurs et le rapport entre
ces deux chiffres * Ainsi, pour Adoleshia, 421 exemplaires ont été sous-
crits par 159 souscripteurs, le rapport total des volumes I total des sous-
cripteurs &taut de 2,65. De méme, dans la plaine de la Tisa, 389 volumes
ont été souscrits par 294 souscripteurs, soit un rapport de 1,32.
Cette étape une fois franchie, nous avons calculé le nombre de volu-
mes, celui des souscripteurs et le rapport entre ces deux valeurs clans une
conjoncture à deux attributs. Par exemple, durant la période 1820-1830
(premier attribut), les boyards (second attribut) ont souscrit 461 volumes
commandés par 165 souscripteurs, soit un rapport de 2,79. Afin de pouvoir
comparer le spectre de répartition du second attribut en fonction des
variations du premier, il est utile d'introduire le quotient nombre de vo-
lumes dans le cadre de la conjoncture 1 nombre de volumes totalisés par le
premier attribut, que nous nommeron.s rapport corrélatif. Un exemple
* Voir p. 210.

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08 CATALINA et VICTOR GEORGE VEI1CULESCII 4

éclaircira tout de suite les choses. Durant la période 1840-1850, les


boyards ont souserit à 897 volumes. On pourrait, en se référant à l'exemple
précédent, croire que la part des boyards par rapport aux autres positions
.sociales a doublé. Or, il n'en est lien, car dans la première époque le total
,des volumes souscrits a été de 1752, alors que dans la seconde il a été de
4521. D'où il résulte que les boyards ont souscrit à 26,3% du total dans la,
première époque, contre 897/4521 --= 19,9% dan.s la seconde. En d'autres
termes, les boyards ont, par rapport à d'autres catégories sociales, moins
souscrit durant la période 1840-1850 que durant la période 1820-1830.
Enfin dans une troisième étape, nous avons calculé le nombre des
volumes, celui des souscriptears et le rapport de ceux-ci dans le cas
.d'une conjoncture à trois attnbuts : par exemple, pour une époque et
une région données, la répartition des souscripteurs par occupations. Tout
comme dans les conjorictures à deux attributs, n.ous pouvons décider de
comparer la répartition du troisième attribut en fonction des variations
,du premier, du second ou des deux premiers. Ces comparaisons sont
possibles à l'aide d'un rapport réel adéquat, soit pour le premier attribut,
soit pour le deuxième, soit pour leur produit.
Il serait possible, théoriquement, d'établir des conjonctures d'une
complexité encore plus grande, mais leur signification ne gagnerait pas
,en intérêt pour autant, car elle ressort implicitement des con.jonctures
précédentes. En outre, leur valeur interprétative devient incertaine,
parce que, dans la réalisation de conjonctures simultanées, plus le nombre
des attributs augmente, plus celui des données matérielles correspondantes
,diminue, au détriment de la certitude statistique. Nous tenons à souligner
que, dan.s cette étude, nous nous sommes limités à l'interprétation des
donn.ées présentant un volume statistique suffisant. De même, nous
avons pris dos précautions spéciales sur lesquelles nous ne pouvons
nous étendre ici pour savoir quand et dans quelles limites une donnée
-est significative.

3. DESCRIPTION DU CORPUS. CRITÉRES DE CLASSIFICATION.


CORRÉLATIONS ET CONJONCTURES ANALYSÉES

Livres pris en considération, Ain.si que n.ous l'avons déja montré,


notre étude a porté sur les listes de souscriptions de 26 livres (dont l'un
en deux volumes parus à des dates différentes et avec deux listes distinc-
tes de souscripteurs).
Nous n'avon.s pris en considération que les livres roumains parus
avec des listes nominales de souscripteurs.
Nous n'avons compris dans n.otre étude ni les périodiques, ni les
livres eu langue étrangère, méme avec souscnpteurs des Prin.cipautés
Romanies et parus sur le territoire de la Roumanie, ni les livres en langue
roumaine dont les souscripteurs ne sont déclarés que numériquement.
Nous n.'avons pas tenu compte non plus des livres qui, après avoir
fait appel aux souscripteurs, n'ont pas paru ; la comparaison entre ceux-ci
.et les livres parus, qui est des plus interessantes, fera l'objet d'une étude
ultérieure.

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5 LIVRES ROITSVLAINTS A LISTES DE SOUSCRIPTEURS 209,

Nous n'avon.s pas établi non plus de comparaison entre les livres
souscripteurs et ceux sans souscripteurs. Cette étude comparative, qui
ferait con.naltre la proportion des livres à souscripteurs par rapport
au total des ouvrages parus au cours de l'époque envisagée, serait certai-
n.ement utile, mais elle se heurte à des difficultés dues A, l'absence d'une
bibliographie complète pour les livres postérieurs à 1830.
A noter que, pour certains livres du moats, le tirage était supérieur
au nombre des volumes souscrits.
Etant don.né Pabsence d'un.e Bibliographic exhaustive des livres rou-
main.s parus après 1830, comme celle qui existe pour la période antérieure,.
où est mentionnée la présence ou l'absence des listes de souscripteurs,
il se pourrait qu'un certain nombre de livres aient échappé à nos in.vesti-
gations. Soulignons que toute communication à ce sujet sera la bienvenue_
L'attribut genre. Les 26 livres ont été répartis en 4 grandes
eatégories : 1. CEuvres littéraires ; 2. Livres scientifiques et manuels ; 3. Phi-
losophie pédagogie niorale ; 4. Théologie *.
La classification ci-dessus peut, assurément, prêter aux discussions._
La MOWS homogène des quatre catégories est la théologie. On y relève
en premier lieu l'absence de livres liturgiques : ceux-ci ayant leur clientèle
attitrée, point n'était besoin de recourir aux souscriptions. D'autre part,.
ce genre est celui dont le contenu s'est le plus modifié avec le temps :.
si durant la première période il s'agit de comxnentaires sur des thèmes
religieux, aux époques ultérieures on trouve soit des recueils de noes,
c'est-à-dire des ouvrages se situant aux limites du folklore, soit des ou-
vrages de musique ou d'histoire religieuse, don.c d'une plus vaste port&
Les livres scientifiques ont été groupés avec les manuels paree
que, en l'occurrence, pour le début du XIX° siècle, la distinction
entre ces deux catégories est le plus souvent impossible. Il va
de même pour le groupe philosophie pédagogie morale. Non
seulement la pédagogie et la morale se confondent en grande mesure, mais
méme les ouvrages de philosophie ont été tran.sposés en romnain, ainsi
que le proclament leurs traducteurs, dan.s le rame but de moralisation.
L'attribut époque. Le premier volume possédant une liste no-
minale de souscripteurs a paru en. 1815, le dernier qui soit compris dans
notre étude date de 1853. Pour des nécessités techniques et sur la base
de la division en périodes de la littérature roumaine plus ou moins généra-
lement acceptée, nous avons établi les étapes (périodes ou époques) comme
suit : I jusqu'en. 1820; II 1820 1829 ; III 1830 1839 ; IV
après 1839**.
L'attribut position sociale. Les souscripteurs font partie de
couches sociales diverses et ont des professions variées. Le matériel
enregistré a imposé la répartition suivante ' : 1 gens d'Eglise ;.

* Von- Annexe 1.
** Voir Annexe 2.
*** Voir Annexe 3.

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210 CATALINA et VICTOR GEORGE VELCULESCU 6

2 artisans et marchands ; 3 employés ; 4 occupations diverses ou


qualificatifs sociaux d'ordre non intellectuel (économe, agriculteur, éleveur
de mouton.s, fermier, administrateur, « hadji », « kyr ») ; 5 person.nes
situation sociale ou professionn.elle non déclarée ; 6 le monde de Pen-
zeignement (en.seignants, étudiants, élèves, etc.) ; 7 libraires ; 7'
intellectuels ; 8 militaires ; 9 person.nes pourvues de ran.gs ; 10
lectrices.
Ain,si qu'il apparait au premier coup d'ceil, cette classification ne
comporte pas un seul critère, mais deux ou trois, ce qui con.stitue un (Want
sérieux, mais in.évitable, parce que le matériel étudié n'offre pas des infor-
mations suffisantes pour Papplication d'un seul critère. Ainsi, si nous
avions essayé d'établir une classification A, partir du métier ou de l'occu-
pation des lecteurs, nous ne serions arrivé à rien, car les listes n.e mention.-
nent presque jamais de quoi s'occupaient les dizaines de « medelniceri »,
« serdari », « paharnici », etc. cités. Si, en revanche, nons avions négligé
Poccupatiort pour tenter une classification basée sur le rang des sous-
cripteurs, la plupart de ceux-ci se seraient trouvés dan.s la catégorie des
« personnes sans rang » et les autres informations à leur sujet seraient
restées en dehors de Penquête. La classification adoptée possède, par con-
séquent, deux critères fondamentaux : le rang et l'occupation. En dehors
de ces critères, nous avons constitué aussi les catégories suivantes : le
public féminin. (voir l'exposé des xnotifs p. 216), les gens d'Eglise (en tant
que représentant une certaine mentalité) et les personn.es à occupation.s
diverses non intellectuelles (oil nous avons groupé des occnpations on
des détermin.ations sociales hétérogènes parce que, prises chacune sépa-
érment, le résultat aurait été dépourvu de signification vu le nombre
réduit des individus). Mentionnons que ces positions sociales comportent
des subdivisions qui permettent un examen nuan.cé de leur comportment
travers le temps. Mais dans la présente étude nous ne nous référerons
qu'aux dix grandes catégories énumérées ci-dessus, pour aborder des
questions de détail une fois définie l'attitude de celles-ci.
Le rapport entre le nombre de volumes souscrits d'un certain livre et
le nombre de souscripteurs est d'une importance particulière. En effet,
en admettant que chaque souscripteur achète un volume pour le lire, il
est pen-1'ns de supposer que les autres volumes auxquels il a souscrit sont
destinés à étre tran.smis à d'autres personnes. Un tel souscripteur est done
non seulement lecteur, mais aussi diffuseur de livres. Le rapport des vo-
lumes souscrits par une certains catégorie de person.nes et le n.ombre de
souscripteurs de cette catégorie montre le rôle joué par cette catégorie
en tant que foyer de diffusion de la culture ou la portée de son action
de mécénat.

Corrélations. Le phén.omène de la souscription qui, ainsi que nous


l'avons déjà dit, consiste dan,s le paiernent anticipé d'un certain nombre
d'exemplaires d'un livre, apparait dans la vie culturelle roumaine au début
du XIX siècle. Jusqu'alors, la publication d'un livre dépendait le plus
souvent de la protection de quelque important personnage, qui assumait
les dépenses de l'impression et de la diffusion. Le passage de la publi-
.cation d'un livre par la bienveillan.ce d.'un mécène à celle de sa publication

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7 LIVRES ROUMAINS A LISTES DE SOUSCRIPTEURS 211

avec l'aide d'un nombreux public est le signe d'un, conunencement de


démocratisation d'un acte culturel fondamental : la subvention des pu-
blications.
Les listes de souscripteurs mentionnant le nom des person.nes, leur
situation sociale et la localité où ils résident permettent de calculer
répartition des volumes non seulement dans une série de conjonctures
simples, mais aussi dan.s une série de conjonctures à deux ou à trois attri-
buts. Le volume de la présente étude ne n.ous permettant pas d'analyser
tous ces cas, nous n.ous limiterons aux corrélations en rapport avec la
ré,partition des volumes dans les conjonctures suivantes : 1) époque ;
2) époque position sociale ; 3) époque genre ; 4) époque genre
position sociale.
Une dernière précision : le calcul des répartitions, qui a été réalisé
et ne pouvait être réalisé que par un ordinateur, ne fournit que la matière
première pour Pétablissement des corrélation.s qui suivent.
Caractère spAcifique du corpus. Il serait tout aussi hasardé d'affirmer
catégoriquement que telle couche sociale impose tel livre que de dire que
Pauteur, par son livre, ne s'adresse qu'à une certaine couche sociale. De
fait, la souscription est un phénomène produit par la rencontre de deux
réalités contradictoires. D'une part, les listes de souscripteurs étaient le
fait de livres dont la diffusion paraissait difficile faute d'un public certain
et clout les auteurs ne pouvaient s'exposer à une pate matérielle ; d'autre
part, s'inscrivaient sur ces listes ceux intéressés par un certain. livre. Celles-ci
se trouvaient, par conséquent, à l'intersection du manque d'intérêt craint
par l'auteur et de PintérAt suscitait. Les auteurs commen.çaient
dresser les listes de souscripteurs, sauf de rares exceptions, au moment où
le livre était prAt à entrer sous presse. Ce n.'est done pas le public qui
demandait le livre, mais l'auteur qui le lui offrait. Et ce qu'il lui offrait,
ce n'était pas un livre qui fistt d'évidence au gotit du public, mais une ceuvre
dépassant les connaissan.ces ou les limites de la perception esthétique de
ses éventuels lecteurs. Par ces caractères, les livres à souscripteurs et
lesdits souscripteurs occupent une place spécifique dans la configuration
culturelle du temps. Aussi, en tran.sférant sur les phénomènes culturels
du temps les conclusion.s de notre étude, faut-il user de la plus grande
prudence.
Difficult& dans l'interprétation du matériel. L'examen de l'attitude
des différentes couches sociales dans le problème qui nous occupe se
heurte à plusieurs difficultés majeures
Si un lecteur occupant une certaine position sociale souscrit à plu-
sieurs exemplaires d'un livre, nous ignorons dans quels milieux pénètrent
les volumes qu'il a diffusés. Il est à supposer que, abstraction faite des
libraires, des bibliothèques et des actions de rnécértat, ces milieux sont
proches de celui du souscripteur. Quan.d nous nous référons à l'évaluation
du rôle de tel ou tel métier dans l'achat d'un certain genre de livre, nous
nous référons de fait au nombre de volumes achetés par tous les sous-
cripteurs de cette catégorie. 11/lais la signification du rapport entre le nombre
de volumes et le nombre des souscripteurs, cest-à-dire l'importance du
métier en question comme facteur de diffusion, est un tout autre problème.

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212 CATALINA et VECTOR GEORGE VEIXTJLESCU 8

Une autre difficulté vient du fait que, aux différentes époques


envisagées, les différents genres de livres ne sont pas représentés par un
seul ouvrage, de sorte que Pintérèt ou le manque d'intérét d'une classe
sociale pour tel on tel gen.re, A, une certaine époque, pent étre déterminé
non par le genre en soi, mais par le contenu propre d'un certain ouvrage.
Dans cette étude nous avons toujours eu en vue l'ensemble des livres
d'un certain genre ; dans une étude ultérieure nous n.ous occuperons de la
composition sociale des souseripteurs pour chaque livre a part.
La troisième difficulté enfin et la plus grave se rattache à,
Pintérèt qu'il y aurait a comparer le nombre de sourscripteurs d'une cer-
tain.e classe sociale a tel ou tel livre avec le nombre total des personnes
faisant partie de ladite classe, ainsi qu'avee le nombre des personnes appar-
ten.ant aux autres classes sociales envisagées. Une telle comparaison per-
mettrait d'établir le pourcentage des souscripteurs d'une certaine classe
pour un certain genre de livre. Malheureusement une telle opération est
impossible sans un recensernent de la population pour chacune des quatre
périodes prises en considération et pour les trois provinces roumaines,
ce qui n'existe pas.

4. RtSULTATS OBTENUS ET LEUR INTERPRtTATICN

Répartition des volumes dans la conjoneture époque. Corrélations.


Si l'on examine par époques le nombre de volumes de tous les gen.res
auxquels ont souscrit toutes les catégories sociales, on constate que depuis
la première période jusqu'à la quatrième et dernière il y a une progression
continue, exception faite de la seconde période (1820-1829), caracté-
risée par une situation agitée et instable. En revan.che, la troisième pé-
riode (1830-1839) se présente comme une période florissante non seule-
meat par le grand nombre de volumes (nombre qui sera &passé dans la
période suivante), mais aussi par l'équilibre établi entre les différentes
couches sociales *.

Distribution des volumes dans la conjoneture position soeiale


époque. Corrélations. Le comporte,ment des différentes couches sociales
varie A, travers le temps. Voici, en résumé, les principales modifications
constatées.
Au cours de la première période (avant 1820), ,la prin.cipale cat&
gorie de souscripteurs est constituée par les gens d'Eglise, suivis par le
monde de Penseignement.
Au cours de la deuxième période (1820 1829), l'importance des
gens d'Vglise baisse en faveur des personnes occupant un rang (qui sont
en ha,usse par rapport a la période précédente) et de Penseign.ement.
La troisième période (1830 1839) est caractérisée par Pascension
des personn.es sans profession déclarée, des xnarchands et des artisans, des
employés et des personnes A, occupations non intellectuelles, mais aussi
des intellectuels. Il y a un nivellement des catégories sociales, les gens

* Von. Annexe 2.

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'9 LIVRES ROUIVLAINS A LISTES DE SOUSCRIPTEURS 213

d'Eglise qui continuent à déten.ir la première place étant en baisse


et les catégories suivantes en.seignement et personnes pourvues de
rungs &bunt rejointes par les autres.
La quatrième période (après 1839) est celle de l'explosion des groupes
de personnes sans profession déclarée, qui pren.n.ent le dessus sur les gens
d'Eglise et sur les personn.es pourvues de ran.gs (en hausse pourtant par
rapport à la période précédente), tan.dis que toutes les autres catégories
accusent une diminution d'importance.
La catégorie des gens sans profession déclarée comprend des per-
sonnes fort différentes : les uns ne déclarent pas leur situation sociale
parce qu'elle n'est pas brillante, les autres par xnodestie. On relève parfois
la môme personne parmi les porteurs de, ran.gs pour un livre et parmi ceux
sans position sociale définie, pour un autre. Cette dernière catégorie pour-
rart (*Are considérée comme un élément perturbateur dans l'interprétation
des données enregistrées, mais elle est en méme temps une catégorie qui
reflète cette réalité : qu.'avec le temps ces souscripteurs-là achètent un
livre pour le lire et 11011 pas pour la satisfaction de voir leur nom et leur
rang imprimé sur les listes de souscription. Les variations d'importance
d'une certaine catégorie sociale a des époques différentes doit être inter-
prétée en fonction de l'évolution par genres et par provinces des livres
souscripteurs.
Distribution des volumes dans la eonjoneture genre époque.
Corrélations. Si les genres de livres, tels qu'ils ont été défins plus haut,
sont soumis à un examen quantitatif au cours des quatre périodes, on
constate comme ii fallait d'ailleurs s'y attendre que leur diffusion
varie proportion.nellement suivant les époques.
Les livres de littérature à listes de souscripteurs n.'apparaissent
qu'a partir de 1829 et dès le début on les achetait plutôt pour les lire que
pour les diffuser. Après 1839, leur nombre augxnente brusquement, dans
la proportion. de 400% en.viron, avec la tendance de plus en plus marquée
d'ôtre diffusés directement et non par l'entremise des lecteurs (voir p. 210).
Les livres scientifiques et les manuels sont 2,5 fois plus demandés
1820 1829 qu'avant 1820. Leur nombre continue à augmenter au cours
de la période 1830 1839, quand ils sont serrés de près par les livres de
philosophie pédagogie morale.
Avant 1820, les ouvrages de philosophic pédagogie morare sont
les plus demandés et c'est à cette époque que leur pourcentage est le plus
important. En 1820 1829, ils diminuent autant connne nombre que
comme importance. En 1830 1839, bien que leur nombre dépasse le
chiffre de la première période, leur pourcentage diminue.
Après 1839, on constate la diminution brusque aussi bien des ou-
vrages scientifiques et des manuels que des ouvrages de philosophie péda-
gogie morale, effet de la préférence désorrnads de la majorité des
lecteurs pour les ceuvres de littérature, qui est du reste attestée par des
témoignages directs du temps. Il y aura dorénavant un public spécialisé
pour les deux genres ci-dessus.
En conclusion, l'an.alyse des préféren.ces des souscripteurs de livres
pour les différents genres montre qu'avec le temps la suprématie a passé

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214 CATALINA et VICTOR GEORGE VELCULESCU 10

des livres scientifiques et des manuels et des ouvrages de philosophic


péclagogie morale aux ceuvres de littérature, cependant que les livres de
théologie, dont le caractère se modifie (voir p. 209), se placent également
en. tète.

Répartition des volumes dans la conjoncture époque genre


position sociale. Corrélations. Nous passerons rapidement en revue, pour
chaque catégorie sociale a, part :
comment celles-ci se comportent, à chacune des quatre époques,
en ce qui concerne tous les gen.res publies ;
comment elles se comportent, au cours des mémes époques, en
ce qui concerne le même gen.re ;
quels sont les genres qu'elles préfèrent et à quelle époque ; quels
sont les genres qu'elles ignorent. Nous analyserons à une autre occasion
le rôle joué par chaque couche sociale dan.s la diffusion à travers le temps
de certains genres et, pour chaque genre, quels sont les groupes socio-
professionn.els qui le préfèrent aux différentes époques.
Nous présentons ensuite seulement un court résumé des résultats
obtenus.
Les gens d'Église jouent, durant la première période, le rôle prin-
cipal dans la publication des livres de théologie. Aucune autre coliche so-
ciale, à aucune époque, ne souscrit dans la méme mesure à un genre quel
qu'il soit, à l'exception des boyards en ce qui concerne les livres de philo-
sophie durant la deuxième période. Au second ran.g des préférences des
gens d' glise, on note les livres scientifiques et les manuels en 1820-1829
et au troisième rang à la première époque les livres de philosophie péda-
gogie morale. C'est aux ceuvres de littérature qu'ils accordent le moins
d'importance. Ainsi done, PRglise est intéressée en premier lieu, ainsi qu'il
est normal, par la théologie, mais elle joue toutefois un rôle important dans
l'achat des ouvrages scientifiques et des manuels, ainsi que des ouvrages de
philosophie pédagogie morale. Pendant les deux prexnières époques
elle constitue un facteur important dans le processus de souscription,
ce rôle décroit au cours des époques suivantes et cela pour deux raisons
parce que entre-temps d'autres catégories sociales se sont élevées et parce
que Pon publie surtout un genre de livres qui ne l'intéresse pas spéciale-
ment (littérature) dans les genres auxquels elle est habituée, des ouvrages
sans grand intérét.
ou'

Personnes sans occupation ou situation sociale déclarée. Ces personnes


qui, ainsi que nous l'avons dc'ja, mentionné, sont discrètes soit paree que
leur situation sociale n'est pas brillante, soit pour n'avoir pas l'air de se
vanter de leurs titres (done l'élément plébéien et celui à tendances démo-
cratiques), souscrit surtout aux limes de science et aux manuels durant la
première période (avant 1820), aux ceuvres littéraires après 1839, puis
à la théologie, représentée par un recueil de chants religieux de earactère
folklorique, durant la période 1830-1839. La philosophie pédagogie
morale se situe au dernier rang. Au fil des ans, cette catégorie sociale
devait prendre de plus en plus d'importance par rapport aux autres et
marquait un double intérêt : pour ce genre nouveau, la littérature, et pour

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11 LIVRES ROUNLAINS A LISTES DE SOUSCREPTEURS 215

les livres à contenu n.ouveau des genres traditionnels. Elle est attirée par
le côté littéraire des ouvrages de théologie, genre peu goûté en lui-mérne,
ainsi que par les ouvrages de la catégorie philosophie pédagogie morale
renfermant des con.seils sur la manière de se comporter dans le monde.
Les personnes pourvues de ranys manifestent un intérêt particulier
pour l'achat des livres de ph,ilosophie durant la deuxième période, intérét
qui dépasse celui de toute autre catégorie sociale, à n'importe quelle époque
et pour n'importe quel genre, à l'exception de l'intérêt des gens d'Eglise
pour les livres de théologie durant la première période. Suivent en ordre
d'importance les ouvrages scientifiques et les manuels en 1820-1829, puis
la littérature après 1839, à laquelle ils acconlent pratiquement le même
intérét qu'à la théologie pendant la pr(mière période. Ainsi done, les per-
sonnes pourvues de rangs, attirées par la théologie au début, s'orientent
à l'époque suivante vers les livres scientifiques, les manuels et les ouvrages
de philosophie pédagogie 'morale. Après 1829, tout en continuant à
are les premiers acheteurs de ces genres, leur prépon.dérance est Inoins
marquée, d.'une part eu raison. de Pintervention d'autres couches sociales,
d'autre part parce que eux-mêmes sont de plus en plus attirés par la
littérature, clout ils devien.n.ent les principaux adeptes après les personnes
san.s position sociale ou profession déclarée.
Le monde de Penseignement se relève surtout comme acheteur de
livres de pédagogie durant la première période, puis d'ouvrages scientifiques
et de manuels à l'époqu.e suivante et, à une grande distance, de livres
de théologie durant la quatrième période. La littérature se situe au dernier
rang. En général, les personn.es faisant partie de l'enseignement n'achètent
que les livres qui les intéressent directement du point de vue didactique,
qu'il s'agisse de guides pédagogiques ou de manuels. Au cours des deux
premières époques elles jouent un rôle prépondérant dans l'achat de ce
gente de livres, mais après 1829 leur rôle dimin.ue en faveur d'autres
catégories sociales : gens d'Eglise, personnes sans occupation déclarée
et celles pourvues de rangs.
Les libraires n'apparaissent qu'à l'époque 1830-1839, parmi les
souscripteurs à tous les genres de livres, les pourcentages les plus élevés
étant atteints par les ouvrages de théologie, suivis de près par ceux de
science et les manuels. A chacun.e des autres époques, ils n'achètent qu'un
gente de livre : ouvrages pédagogiques (pour lesquels ils se situent au qua-
trièxne rang) durant la première période, livres scientifiques et manuels
(pour lesquels ils sont les derniers) durant la seconde période, théologie
après 1839.
Les artisans et les marehands manifestent le plus grand intérêt
pour le genre philosophic pédagogie morale durant la période 1830
1839, suivi, à la mèxne époque, par la théologie (représentée, ainsi que nous
l'avons déjà mentionn.é, par un recueil de chants religieux de caractère
folklorique), puis par les ouvrages seientifiques et tes manuels, la littérature
se situant au dernier rang. L'époque de la plus grande participation des
artisans et marchan.ds à la pratique des souscriptions est la période 1830
1839. Mais ils ne sont à aucun moment les premiers parmi les acheteurs,

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216 CATALINA et VICTOR GEORGE VELCULESCU 12

pour aucun genre. Ils n.e manifestent qu'un très faible intérét pour la
littérature, en échange ils sont attires par les livres de philosophie péda-
gogie morale lorsqu'ils contiennent des indications concrètes sur le-
eomportement recomman.dé dans la vie sociale, mais non lorsqu'ils abor-
dent des problèmes abstraits. Ils s'interessent également aux ouvrages
d'information scientifique. On les trouve parmi les souscripteurs aux
Dialogues franco-roumains, mais non parmi ceux au Dictionnaire allemand-
roumain.
Les employ& apparaissent surtout comme amateurs de livres de'
science et de manuels à la seconde époque, puis d'ouvrage de philosophic.
pédagogie morale à la troisième. La théologie est au troisième rang
durant la quatrième période et la littérature au dernier rang. De mêm.e
que les marchan.ds et les artisan.s, les employes encouragent la publication
d'ouvrages d'instruction genérale on fournissent des règles de conduite
sociale. Ils ne sont que pen attirés par la littérature et du tout par les
discussions philosophiques. Ils ne constituent a, aucun moment un fac-
teur actif dan.s le processus de souscription et ne dépassent jamais lea
derniers rangs parmi les souscripteurs.
Les militaires out le rôle le plus important comme acheteurs de
livres de littérature après 1839 et d'ouvrages théologiques (voir plus haut
le caractère special de ceux-ci) durant la troisième période. En gén.éral,
leur intéret est réduit a toutes les époques pour tous les autres genres.
Pourtant ils swat presents comme souscripteurs a, tous les gen.res durant
les deux dernières périodes, après l'in.stitution de la mince nationale.
Les intelleetuels ne souscrivent qu'à un petit nombre d'exemplairesl.
aussi est-il difficile d'établir une échelle de leurs preferences. Mentionnons
qu'ils n.e souscrivent pas aux livres de théologie (c'est a peine a la quatrième
époque que, parmi les 2345 souscripteurs a de tels livres, on trouve aussi
4 intellectuels). En revanche, ils se situent au deuxièxne rang pour l'achat
des ouvrages scientifiques durant la première période. C'est d'ailleurs le
seul genre auqu.el ils souscrivent a, toutes les époques et auquel, a toutes
les époques, ils accordent la priorité par rapport aux autres categories
de livres.
Diverses occupations non intelleetuelles. Le nombre de volumes
auxquels ils souscrivent est trop petit pour que leurs préférences puissent
être établies. Ils abordent tous les genres, mais n'achètent pas un seul
exemplaire des livres de « l'élite ». Ils manifestent un intérêt particulier
pour le recueil de chants religieux (MA mentionné.
Public feminin. Nous sommes convaincus que les personnes de sexe
féminin passées sur les listes de souscripteurs ne sont pas les seules lec-
trices, mais consiclérant que le fait d'y être inscrites devoile une certaine
mentalité, nous les avons traitées comme une catégorie a part et n.e les
avons pas englobées dan.s les couches dont elles font partie. C'est proba-
blement la categorie la moins hom.ogène de toutes et nous nous réservons
la táche d'en exposer le comportement par composantes sociales lorsque

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13 LIVRE,S ROUMAINS A LISTES DE SOUSCRIPTEURS 217

nous entreprendrons l'analyse des autres sous-groupes de professions.


A noter qu'entre 1820 et 1829 il n.'apparait aucun nom de femme sur les
listes de souscripteurs, tandis qu'après 1839 elles sont présentes quel que
soit le genre. Leur principal in.térél est pour les livres de litterature, durant
la période 1830-1839. Elles ne souscrivent pas aux manuels, mais elles
achètent des livres de pédagogie. Les con.naissances pratiques les attirent
surtout, san.s être réfractaires pour auta,n.t aux ouvrages d'un.e tenue plus
élevée.

5. VOIES PREVU ES POUR LA CONTINUATION DE CETTE ETUDE.


CONCLUSIONS

La répartition des volumes dans des conjonctures a, un, deux ou


trois attributs autres que celles passées en revue ci-dessus (région ; région-
genre ; époque-région ; région-position sociale ; région-époque-genre ; épo-
que-région-position sociale, etc.) étant d'ores et déja calculée, nous pour-
suivrons notre recherche par l'établissement et l'interprétation de nouvelles
corrélations.
Les attributs position socials et région comportent des subdivisions
(respectivement du type métier ou ville) dont l'étude quantitative pourra
fournir des informations particulièrement intéressantes.
Il faudra de même, pour chacune des situations analysées, pren.dre
en considération le rapport nombre de volumes nombre de souscripteurs
(facteur de diffusion), délibérément écarté jusqu'à présent en vue de la
simplification de l'exposé.
L'enquête pourrait s'étendre aux livres de langue étrangère ayant
parmi leurs souscripteurs des personnes des Principautés Roumaines, anx
listes de souscripteurs A, des périodiques on aux livres qui n'ont plus été
publiés. De mème, une comparaison pourrait être établie entre les livres
souscripteurs et ceux qui ont pu se passer de ceux-ci.
L'ouvrage dont nous venous de faire la succincte présentation dé-
inontre que la méthode quantitative utilisée peut aboutir A, la déconverte
d'aspects inédits de l'époque étudiée. Il va de soi que, pour formuler des
conclusions générales valables, on devra, avoir recours en permanence aux
données fournies par l'histoire de la littérature, par l'histoire en général
et par la sociologie historique. Le présent article a eu simplement pour
but de faire connaitre ime méthode nouvelle et efficace, non de formuler
de telles conclusions.
Les informations de nature qumatitative suscitent des problèmes
nouveaux, dont l'étude exige une plus ample recherche, mais en m'ème
temps elles projettent une lumière nouvelle sur les thèses admises jusqu'à
présent en ce qui concerne la première moitié du XIX' siècle *
* Les auteurs tiennent h exprimer leur reconnaissance au I Pr Gr. Moisil I pour rintérét
et le précieux concours qu'il a bien voulu accorder au présent travail. Ils remeroient, de nzarne9
les inathématiciens A. Brezuleanu et I. Catona pour leurs utiles indications quant à l'emploi
de l'erdinateur, ainsi que le physicien A. Vincenz, qui a contribué substantiellernent à l'éclair-
cissement de la notion de rapport corrélatif tel qu'il est entendu dans cette étude. Enfin, ils
tiennent à préciser que l'idée de la mise en valeur des listes de souscripteurs leur a été donnée
par le Pr Paul Cornea, qui a dirigé et surveillé en permanence cette enquéte.

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218 CATALINA et VICTOR GEORGE VELCULESCU 14

ANNEXES
Annexe 1

11 s'agit d'une enumeration arbitraire, déterminée par des nécessités techniques. Ci-
dessous, la liste de répartition des volumes par genres (conjonetures à un seul attribut)
Volumes Souscripteurs Rapport

1) Scientifiques inanuels 3833 1864 2,06


3771 3895 1821 1907 2,02 2,10

2) Theologic 3150 1470 2,14


3094 3206 1432 1508 2,11 2,17

3) Philosophie pedagogie 2817 1729 1,63


morale 2764 2870 1687 1771 1,60 1,66

4) Littérature 2403 1875 1,28


2354 2452 1832 1918 1,26 1,31

Les données ayant un caractère statistique, on leur a acordé une a marge de sinreté a,
dont la valeur est inverseinent proportionnelle au nombre d'exemplaires. Nous ne pouvons
aborder ici les procédés qui aboutissent à l'établissement de cette marge. Void en échange, des
exemples pratiques de lecture du tableau
Dans le genre philosophic péclagogiemorale, on a eu 2817 volumes, avec une marge de
stlreté comprise entre 2764 et 2870 volumes ; dans le genre littérature, 2403 volumes, avec la
marge de sareté 2354-2458. D'on peut conclure gull y a eu un plus grand nombre de
souscripteurs pour la philosophie que pour la littérature, puisque la limite inférieure (2764) de la
marge dc snreté de la philosophie est plus grande que la limite supérieure (2452) de la
!literature.
Autre exemple : le nombre de souscripteurs pour les livres de science est de 1864, pour
les livres de littérature de 1875. On ne saurait pourtant affirmer que le genre littérature a réuni
plus de souscripteurs que le genre science, l'écart de 11 étant msignifiant. Mathématiquement,
cela résulte du fait que la limite supérieure de la marge de seireté des 'tyres de science manuels
(1907) est comprise dans la marge de snreté de la littérature (1832-1918).
Annexe 2
Époque Volumes Souscripteurs Rapport
I (avant 1820) 1851 1053 1,73
1728 184 1021 1085 1,69 1,77
11 (1820-1829) 1752 978 1,79
1710 1794 947 1009 1,75 1,83
III (1830-1839) 4108 1964 2,09
2044 4172 1920 2008 2,06 2,12
IV (après 1839) 4512 2943 1,53
4445 4579 2889 2997 1,51 1,56

Annexe 3
L'énumération initiale a été, évidemment, arbitraire. Nous nous y tenons toutefms, afin
de conserver la concordance avec le code du programme FORTRAN. Ci-dessous, le tableau des
positions sociales (conjoncture à un attribut), classées en ordre décroissant suivant la répartition
des volumes et, en regard, le nombre des souscripteurs et le rapport entre ces deux valeurs :

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15 LIVRES ROITIVIAINS A LISTES DE SOUSCRIPTEURS 219

Position sociale Volumes Souscripleurs Rapport


1) Gens d'Eglise 3228 1621 1,99
3173 3283 1581 1661 2,02 1,96
2) Personnes sans position sociale
déclarée 2486 1930 1,29
2436 2536 1886 1974 1,25 1,33
3) Personnes pourvues de rangs 2087 1016 2,05
2042 2132 984 1048 2,00 2,14
4) Monde de l'enseignement 1983 1316 1,51
1938 2028 1280 1352 1,47 1,54
5) Libraires 731 22 33,2
704 758 17 27 32,4 34,4
6) Artisans et marchands 440 350 1,26
419 461 331 369 1,70 1,32
7) Employes 342 254 1,35
324 360 238 270 1,28 1,42
8) Militaires 283 198 1,43
266 300 184 212 1,34 1,52
9) Intellectuels 274 63 4,35
258 290 55 71 4,10 4,60
10) Divers métiers non intellec- 173 65 2,66
tuels 160 186 57 73 2,46 2,86,
11) Public féminin 166 103 1,61
153 179 39 113 1,50 1,70

Annexe 4
La correlation a ripoque permet des comparaisons dans lesquelles l'attribut époque
varie, l'attribut genre demeure constant et l'attribut position sociale peut varier ou demeurer
constant.
La correlation au genre permet des comparaisons dans lesquelles l'attribut genre varie
ou demeure constant, l'attribut époque demeure constant et l'attribut position sociale peut
varier ou demeurer constant.
La correlation au genre el a repoque pei met des comparaisons dans lesquelles l'attribut
genre varie, l'attribut époque varie de méme, tandis que l'attribut profession - position sociale
peut varier ou demeurer constant.
Voici quelques exemples pour ces différents cas
Par correlation a l'époque on répond A des questions de l'ordre suivant (voir graphique A)
A quelle époque les marchands et artisans (position sociale 2) jouent-ils le rôle le
plus important dans l'achat des livres de science et manuels (genre 2), à la lere , la Ile, la Me
ou la IVe époque ?
Quelle est la profession jouant le premier rûle dans Fachat du genre 2 a telle ou
telle époque ?
Par corrilatton au genre on répond A des questions du type suivant (voir graphique B)
Quelle est la categoric sociale la plus importante dans l'achat des livres do littéra-
ture (genre 1) A la IIIe époque (1830-1839)?
Quel genre telle catégorie sociale préfère-t-elle à la IIle époque ?

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220 CATALINA et VICTOR GEORGE VELCULESCU 16

Par correlation au genre et a l' époque on repond h des questions du type suivant (voir
graphique C):
Les achats des marchands et artisans sont-ils plus importants pour les livres de science
la IIe époque ou pour les ouvrages de littérature A la Ille époque ?
Laquelle de ces deux categories sociales a-t-elle plus d'importance, les marchands et
artisans A la Ir époque pour le genre 2 ou les personnes sans profession déclarée A la 111eépoque
pour le genre 3?
JO 110,
e;goque
Ìre époque
9enre
llf époque gen/'e 2
e e'paque genre ,7
' LE-9 époque 35
-- genre SI

.20 --

25

JO

011Sq5577'51
Graphique A: La correlation A l'époque pour
-
10

les livres scientifiques et manuels.


e ,
ir!epoque, genre 2
e époque, genre 1
e ,
,67- epoque, genre 3
o
,0 Z 4/ 6' 7 7' 8 O

Graphiq B : La correlation au genre pour


la 111e époque.

o
0 1 7 3 a41 6 7 7' 6' 8
Graphique C : La correlation A l'époque et au genre.

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LE DEBUT DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DANS
LES VILLAGES EN VALACHIE

G. D. ISCRLP

L'histoire de l'enseignement public dans les pays roumains a fait


l'objet de nombreuses Uncles qui, en ce qui concerne la Valachie, ont
surtout été axées sur Penseignement urbain et sur l'enseignement sup&
rieur 1 Ces dernières années, de nouvelles données et de nouvelles inter-
prétations sont venues compléter cette histoire, les investigations englobant
aussi l'enseignement en milieu rural 2. Pourtant, il faut remarquer qu'une
étude systématique et approfondie de l'enseignement public dans les
villages de Valachie fait encore défaut. Soulignons de même que des pré-
occupations similaires se font jour dans la série de recherches dédiées au
Sud-Est européen ; dans cette revue lame a paru une intéressante relation
sur l'Académie d'Ayvalik 3. Cependant, pour peu que l'on veuille mettre
en relief le rôle de Penseignement dans la modernisation des cultures sud-est
européennes, on ne saura se dispenser de prendre en considération le rôle
joué dans ce processus par Papparition et le développement de l'ensei-
gnement organisé dans les villages. Et cela d'autant plus que ces écoles,
implantées dans des sociétés éminemment rurales, ont contribué non seu-
lement à l'expansion de la civilisation du livre, mais aussi à la modification
des manières de penser traditionnelles. A cet égard, nous estimons que les
premières questions qui se posent sont les suivantes : quand ces écoles.
ont-elles fait leur apparition et comment ont-elles fonctionné ?

Voir notamment les ouvrages de date récente : Istoria lnydfdrnintului din Ronutnia.
Compendiu, Editura didacbcd 5i pedagogicd, Bucarest, 1971, 479 p. ; Ariadna Camariano-
Cioran, Acadenuile domnestz din Bucuresti si Iasi, Bucarest, 1971, 328 p.
2 Nous nous référons principalement aux recherches de Gh. PArnutd, exposées dans son
réceut ouvrage Istoria inveitämintului si gindirea pedagogicd din Tara Ronidneascei (secolele
XVIIXIX), Editura didacticd si pedagogicd, Bucarest, 1971, 352 p.
3 Richard Clogg, Two accounts of the Academy of Ayvalik (Kydonies) in 1818-1819,
RÉSEE, X (1972), 4, p. 633-667.

REV. ÉTUDES SUD-EST EUROP., XII, 2. 221-234, BUCAREST, 1974

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222 G. D. iscRu 2

Seule, pour sfir, une Ulnae comparative pourrait élucider entière-


ment ces problèmes. Dans les pages qui suivent, nous en avons abordé
un aspect particulier, qui vise en même temps à indiquer une voie pour
des recherches ultérieures, une voie susceptible de cerner une expérience
historique. Et cette expérience historique, nous l'envisageons dans les
conditions concrètes qui ont présidé au développement de l'enseignement
en milieu rural, dans les conditions économiques et sociales des peuples
du Sud-Est européen.
L'enseignement dans les villages n'a pas été une création du capi-
talisme. Dès la période de decomposition de la féodalité, les contacts d'une
intensité accrue du village avec le marché, ceux du paysan, dans le cadre
même du village, avec les représentants du nouvel ordre social (par exemple
avec les fermiers) et, plus particulièrement, les nécessités actuelles et à
venir de la production ont permis à la cause de l'instruction de gagner
de plus en plus d'adeptes. Mais, dans plus d'un cas, la lenteur et la difficulté
que les paysans ont éprouvé à s'affranchir de la clépendance féodale
et à s'adapter au nouveau système de relations de production ont amoindri
les résultats des initiatives scolaires dans les villages. Alors , c'est h la
ville, à la bourgeoisie en cours de formation et à quelques représentants
lucides des classes privilégiées elles-mknes gull est revenu de porter
leur attention sur le paysan, en vue de le rendre apte h s'intégrer dans la
société moderne. Dans ces conditions-lh, la transmission de Pinstruction
du maltre à l'apprenti est entrée clans une forme d'organisation nouvelle :
l'apprentissage au convent ou auprès de quelque magister de village West
avérée en effet incapable de répondre aux nécessités nouvellement apparues.
Pourtant, la situation générale, assez défavorable encore, a exercé
une influence négative sur la diffusion de l'instruction.
En Serbie, des efforts particuliers dans ce sens ont été entrepris vers
le milieu du siècle dernier, bien que la première loi d'organisation de Pen-
seign.ement primaire ne date que de 1882 4. En Bulgarie, l'instruction
populaire, notamm.ent l'enseignement rural, se limitait de même aux
écoles dues à l'initiative privée ou à des contributions, ainsi qu'aux écoles
fonctionnant auprès des églises et des monastères 5. 13n examen dans le
temps ou même une présentation statistique des élèves ne sont pas possi-
bles, que nous sachions, dans le stade actuel des recherches. En Grèce,
avant la liberation, la plupart des écoles primaires se trouvaient dans le
Péloponnèse et dans les nes, mais un mouvement d'une certaine ampleur
pour l'enseignement populaire, y compris dans les villages, n'a commence
qu'après la conquête de Pindépendance. La loi de 1834 inspirée, en ce
qui concerne l'enseignement primaire, de la loi frainaise a domé une
bonne organisation à l'instruction populaire, mais son application a
laisse grandement à désirer. Dans le problème de l'instruction dans les
villages, notons, à titre d'exemple, que même en 1881 les villages de Grèce
4 E. Levasseur, L'enseignement primaire dans les pays cioilzsés, Paris-Nancy, 1897,
p. 250. Une etude sur le début de renseignement en Serbie a été publiée récemment par
Strahmja K. Kostie, Ausstrahlungen deutscher literarisch-volkstilmlicher Aufklarung im sud-
slawischen Raum Linter besonderer Berucksichtigung des Schulwesens, dans Die Aufklarung in ost-
und sudosteuropa, Bohlau Verlag, Koln-Wien, 1972.
5 M. Ghetchev, Kilignite outchilichla u Bertlgaria. Schdanie I razprostranenie, Narodna
prosvcta, Sofia, 1967.

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3 LE DEBUT DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DAN'S TMS VILLAGES EN VALACH1E 223

manquaient d'écoles pour les 2/3 6. Une contribution importante, surtout


en ce qui concerne les fils de marchands, a 60 fournie, ainsi qu'il est
connu, par les Principautés roumaines en faveur de l'enseignement de
langue grecque, et cela même après l'ère des princes phanariotes. Dans les
Archives centrales de Bucarest, au fonds du Ministère de l'Instruction, il
existe un grand nombre de documents de la première moitié du XIX*
siècle se référant aux écoles grecques de Valachie, de Cerneti A, BrAila, y
compris des situations scolaires fort detainees.
Du reste, la situation pénible de l'instruction publique en Turquie
explique en grande mesure le sort, dans ce domaine, des pays qui ont 6-0
sous la domination de l'Empire ottoman. Le hattichérif de Gul-hané
(1839) avait édicté, entre autres, d'assez bonnes mesures en matière
cl'instruction publique et des efforts dans ce domaine, comme dans tant
d'autres d'ailleurs, ont été deployés au cours du Tanzimat, mais avec
les mêmes mauvais résultats 7. Bien que l'instruction primaire filt déclarée
gratuite et obligatoire (1847), le pourcentage de 1 écolier pour 100 habi-
tants attesté en 1865 montre A qu.el bas niveau la Turquie se situait en
matière d'enseignement g.
A la lumière de ce qui précècle, les recherches que nous avons entre-
prises 9 font apparaitre la Valachie dans une situation privilégiée dans
le Sud-Est européen. Après que, en 1838, l'enseignement public y eut été
institué dans les villages, on enregistre en 1848 le chiffre appreciable de
près de 2 300 écoles de village, comptant presque 50 000 élèves. Cependant,
le progrès enregistre au cours de ces dix ans n'a été possible qu'après que
des obstacles infranchissables en apparence eurent été surmontés.
L'espace dont nous disposons nous interdit de traiter ici, méme
sommairement, tous les aspects de la question. Nous nous bornerons done
A presenter l'élément fondamental de toute école ses enseignants et,
plus particulièrement, deux facettes de ce problème, A savoir le mode de
recrutement et la condition sociale des enseignants. Nous avons annexe
A notre exposé un tableau exprimant en chiffres une quantité conside-
rable de matériaux d'archives inédits.
Au début, on a cru pouvoir résoudre le problème de l'instruction
élémentaire dans les villages au moyen des chantres d'églises. En effet,
en l'absence de normes légales d'organisation de l'enseignement public
dans les villages, c'était la seule façon d'assurer une remuneration aux
enseignants, conformément A la loi de 1834 lo. Le cumul de ces deux offices

6 G. Chassiotis, L'instruction publique chez les Grecs depuis la prise dc Constantinopla


par les Tures jusqu'à nos jours, Paris, 1881, p. 173-183.
7 Youssouf Fehmi, Histoire de la Turquie, Paris, 1909, p. 233-234; Colonel Lamouche,
Histoire de la Turqute, Paris, 1934, p. 265-266.
9 E. Levasseur, op. cit., p. 251.
9 Dans notre thèse de doctorat, soutenne en 1972 : Inceputul invätärnintului public la
sale in Tara Romdneased in anii 1838-1848 fi importanfa lui social-pained, XIX + 712 +
CXXXIV p.
10 Voir G. D. Iscru, Legiferarea organizdrii invOdmintului in Tara Romtlneascd in anii
1831-1834, dans Contribulti la istoria inväldmintului romeinese, Recueil d'études, Ed. didactica'
i pedagogica', Bucarest, 1970, p. 187. La loi prévoyait (art. 8) que, dans chaque village, un
chantre d'église soit chargé de l'enseignement des enfants, recevant pour cela de chaque habitant
du village 2 lei et 2 kile (environ 800 ocques) d'aliments par an livrées du magasin de réserve
de la localité.
8 e, 1284
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224 G. D. ISCRU 4

chantre d'église et instituteur procédait d'un.e bonne intention,


mais il a donne lieu A, de grandes difficultés. Pour les chantres, il était
évidemment plus reposant de reciter dans les eglises les formules rituelles
apprises par cceur depuis longtemps que de s'efforcer d'assimiler des
connaissances nouvelles ; en outre, beaucoup d'entre eux étaient d'un Age
avancé. Aussi se sont-ils montrés assez recalcitrants à devenir instituteurs,
se contentant de ce que leur garantissait la loi et des revenus de leur
exploitation. A ce manque d'ambition venait s'ajouter, certes, la difficulté
réelle qu'il y avait à assurer les offices religieux en l'absence des chantres,
obliges de faire des stages préparatoires à l'école du chef-lieu. Les échanges
de notes officielles entre les autorités supérieures respectives n'ont évi-
demment rien pu résoudre et le dilemme a persisté, affectant en égale
mesure Paccomplissement des offices religieux et, tout particuliérement,
la retribution des enseignants.
Le seul représentant de l'« Ephorie » (la Direction) des écoles organe
central auquel incombait la charge de recruter et de nommer les eandidats
aux postes d'instituteurs était le professeur à l'école « normale » 11
L'Ephorie avait fait de ses attributions en matière de recrutement et, en.
general, du mouvement des cadres, à l'encontre de toute autre opinion
ou tentative, une question fondamentale d'autorité, dans l'intérêt de Pen-
seignement. Aussi, encourages par la fermeté d'attitude de l'Ephorie,
certains professeurs livraient-ils, sur le plan local, de véritables batailles
pour imposer leur autorité 12.
Pour un recrutement normal, sans conflits de competence, la règle
était la suivante : celui qui avait été désigne par le village était envoyé,
avec un rapport, à la sous-prefecture, qui devait confirmer son choix, et,
par Pentrernise de la prefecture, le dirigeait vers le professeur. Avant de
l'accepter comme candidat, celui-ci l'examinait. S'il n'y avait pas de com-
plications et si la personne avait les qualités requises, id haft regu comme
eandidat au poste d'enseignant de son village 13 Mais si le professeur avait
des doutes, il priait le sous-réviseur de la sous-prefecture de faire une
enquête sur les lieux, après laquelle il prenait une decision. Le professeur
C. Codreanu, de Rhnnieu-Vilcea, a, par initiative personnelle, institué
une sorte de concours pour le recrutement des candidats : il dernandait
au village de lui envoyer trois jeunes gens et il choisissait comme candidat
celui qui lui paraissait le meilleur 14.
Parmi les critères servant de base au recrutement, la condition
d'Age était des plus importantes : en régle générale, l'Ephorie avait fixé
20 ans comme minimum d'Age 15 Elle n'admettait des candidats plus
jeunes qu'en cas de force majeure et alors elle recommandait au professeur
de les instruire à l'école avant de les nommer comme instituteurs salaries 16.

11 Archives de l'Etat Bucarest (citées désormais : Arch. Buc.), fonds Vornicia din
Lduniru Tara 1?omcineascd (V .L.T.R.), dos. 5390 III B/1838, f. 842, 878-879, 840 et 843.
12 Arch. Buc., fonds vIinjsjerul I nsirucliund Tara RomiMeascd (M.I.T.R.), dos. 2698)
1841, f. 167 et 188, 221-223.
lbidem, dos. 1723/1845, f. 46 v. 47 r., etc.
Ibidem, dos. 1747/1845, f. 43, 70, 72, 108, 132, 136, 171, 250, 253, 273, etc.
Ibidem, dos. 1751/1845, f. 169.
16 Ibidem, dos. 1292/1847, f. 101.

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5 LE DÉBUT DE L'ENSEIGNEMENT PLIBLIIC DAN'S LES VELLAGES EN VALA.CFILE 225

Lorsque le candidat était par trop jeune (14 A, 15 ans, ou méme moins),
l'Ephorie préférait que l'école reste avec le poste vacant jusqu'au jour
oh l'on trouverait un candidat d'âge adéquat 17. Néanmoins, les listes oh
sont passées les données biographiques et les états de service des ensei-
gnants renferment plus d'une fois des instituteurs d'un Age des plus tendres,
qui ont évidemment été accept& faute de candidats plus Agés.
Etant donné le grand besoin qu'il y avait d'enseignants, on a parfois
eu recours à des solutions inspirées, fussent-elles provisoires : on a nommé
des postes d'instituteurs les candidats de réserve » 18 ou « normalistes
(c'est-à-dire des élèves du chef-lieu ou mème venus des villages pour suivre
le cours complet de l'école) 13, ou bien des diplômés des séminaires théolo-
gigue-s20 (pour cette catégorie, le règlement officiel pour leur nomination
des postes d'enseignants est intervenu en 1847 21), voire des sous-officiers
non réengagés 22.
Signalons aussi que, à l'instar des villes de Valachie où professaient
un grand nombre de Roumains venus de Transylvanie, on rencontre dans
les écoles de village un certain nombre d'instituteurs transylvains, attestés
par des documents oh leur origine est révélée par le lieu de naissance, par
le nom ou par le qualificatif de « sujet étranger » chez certains d'entre
eux. De tels cas nous sont apparus dans 7 districts, le nombre de ceux en
cause variant de 1 à 4. Un cas significatif a été signalé le 19 octobre 1845
par le professeur I. Gherasim Gorjanu, de Ploiesti. Il rapportait à l'Ephorie
qu'un « jeune Roumain de Transylvanie » du nom d'Alexandru Pamfilie,
venu exprès à cette école de son pays il y a environ cinq mois » et que le
professeur D. Pizo cm:malt, démontrait avec preuves à l'appui ses connais-
sauces en allemand et en latin, qu'il avait une bonne conduite, qu'il était
initié à la méthode lancastérienne et qu'il désirait maintenant être nommé
instituteur communal. Dans l'immédiat, le professeur le recommandait
pour Pécole vacante du bourg de Telega et l'Ephorie donnait cours favo-
rable à sa proposition 23. On le retrouve aussitôt en cette qualité, à Pécole
du bourg susmentionné, la localité la plus importante du canton de Pra-
hova (587 familles) 24.
Afin d'avoir des données plus complètes sur les instituteurs et sur
les candidats à ce poste et vu qu'il n'existait pas de modèle de formulaire

Ibidem, dos. 1727/1845, f. 194 et 195.


19 Ibidem, dos. 1705/1845, f. 428, 431.
19 Ibidem, dos. 1727/1845, f. 150; dos. 1747/1845, f. 370.
20 Ibidem, dos. 3415/1840, f. 136-137; dos. 3386/1840, f. 154; dos. 1707/1845, f. 236;
dos. 1732/1845, f. 165.
Ibidem, dos. 1755/1844, f. 98; dos. 1284/1847, f. 103; dos. 1282/1847, f. 55-59, 64,
70 et 73.
Ibidem, dos. 6062/1838, f. 73 et 133; dos. 2129/1843, f. 5-6; dos. 1747/1845, f. 22-23.
Les deux sous-officiers que nous avons rencontrés comme instituteurs et dont l'un devait de-
venir sous-réviseur, avaient fait leurs études A Pécole de la caserne de Dudesti, où entre
autres avait enseigné le Junker-professeur * N. BAlcescu et oil ils ont figure parmi les meilleurs
élèves. L'école donnait des attestations * en vue de leur nomination, une fois leur service
militatre achevé, comme instituteurs auprés des stagiaires (cf. Cornelia Bodea et Paul Cerne. -
vodeanu, Primele cco1i ostc-oegi din Tara Romeinesscd (1838-1840), dans Studii i articole de
istorie, vol. V111/1966.
23 Arch. Buc., M.I.T.R., dos. 1729/1845, f. 96-97.
24 Ibidem, dos. 1492/1846, f. 5 v.

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226
227
Candidats (Insiltutenrs) des ¡toles des i Illages
de Valachie - 1843-1847. Appartenanee sociale ct diat civil
I) Fils de
d'ordre

-01-. CO
c.
Date de la laics gens
:O
o District mention tetal imposables****
1

total
d'Eglise w -i.
C./

co

o dont prétres
.11.J
.t_-1. 2
s.-a
..., Total général Source (M.I.T.R.,dos....)
absolument 0/, absolument % absolt ment 0/0 ;:-.1 :- g
absolt ment %
Idont

L5 .>
ARGE 25.XI.1843 93 63,69 87 59,58 53 36,30
5.XI.1845 125 69,83 121 67,59 54 30,16 45 30,82 79 66 1 146
BRAILA 17.XII.1843 25 78,12 21 65,62 7 21,87
47 26,25 98 81 - 179
2140/1843, f. 3-6 i 15-19.
1705/1845, f. 93-100.
2
6.IV.1845 29 82,85 28 80,00 6 17,14 6
6
18,75
17,14
14
16
18
19
-- 32 3385/1840, f. 461.
3 BUZAU 3.XII.1845 107 66,87 99 61,87 50 31,25 35 1706/1845, f. 43-44, 49-50.
47 29,37 73 85 1 160
4 DIMBOVITA 10.X11.1843 78 55,31 70 49,64 63 44,68 1748/1815, f. 57-60, 67-69.
5.11.1845 78 53,06 70 47,61 69 46,93 53 37,58 74 66 1 141 2688/1841, f. 485-489, 504-507.
59 40,13 70 76 147
dupà 1.XI.
5 DOLJ
1847 198 93,65 - 91,21 12 5,85
11 5,36 111
1
1749/1845, f. 27-32, 43-47.
Arch. Etat-Craiova, fonds Lycée
6 GORJ 29.X11.1843 119 75,31- 105 66,45 39 24,68 93 I 205 Carol I, mv. 3/1815.
10.IV.1845
1.X1.1845
133
138
77,32
77,52
120
125
69,76
70,22
39
40
22,67
22,47
34
31
21,51
18,02
62
81
96
91
-- 158 3387/1843, f. 523-532.
172 1746/1845, 1. 68-70, 77-84.
30 16,85 79 98 178
IALOMITA 20.111.1844 53 68,96 39 50,64 24 31,16 1 Ibidem, f. 160-170.
7
18.VI.1845
10.V11.1846
53
55
68,96
67,90
41
44
53,24
54,32
24
26
31,16
32,09
22
23
28,70
29,88
41
32
36
45
-- 77
77
1770/1844, f. 16-19.
8 ILFOV 4.VI.1846 104 75,36 85 61,59 34 24,63
24
26
29,62
18,83
33 48 - 81
1724/1845, f. 53-54, 59-60.
Ibidem, f. 147-148, 155-157.
1.X11.1843 69 66 3 138
9 MEHEDINTI 197 80,08 191 77,63 49 19,91 1751/1845,f. 109-113, 128-131.
21.111.1845 141 79,66 135 76,27 36 20,33 48 19,51 103 142 1 246
36 20,33 84 3388/1840, f. 410-417, 426-428.
10 MUSCEL 15.XII.1843 49 56,97 41 47,68 37 43,02 92 1 177 1731/1845, f. 4-12.
1.11.1845 50 59,52 44 52,38 34 40,47 26 30,23 36 49
24 28,33 29
1 86 3392/1840, f 198-199.
12.IX.1845 55 62,50 50 56,81 33 37,50 54 1 84 1708/1845, f. 24 *i 39.
5.1.1846 56 64,36 51 58,62 31 35,63 23 26,13 22 64 2 88
OLT** 29.V.1842 27 27 - 81 - 21 24,13
-
23 62 2 87
Ibidem, f. 101 §i 110.
Ibidem, f. 141, 150-152.
11
28.1.1844 65 58,55 63 56,75 46 41,44 1
32 28,82
84
77
26
33
- 110 3381/1840, f. 497-501.
12 PRAHOVA' 8.1/.1844 48 58,53 47 57,31 18 21,95 1 111 Ibidem, f. 768-771.
6.111.1845 56 56 30
28
12 14,63 47 35 -- 82 - 1776/1844, f. 20, 55-58. Ploiqti.
=112 64,00 =112 64,00 =63 36,00 =57 32,57
47 39 86-P v-- 1729/1845, f. 6-11, Ploie§ti.
7.VII.1845 56 33 =175
13 RIMNICU-SARAT 19.XI.1843 69 73,40
56
56 59,57 25 26,59
29 48 41 - 89-V 1732/1845, f. 27-30. Valeni.
5.111.1845 71 74,73 63 66,31 24 25,26 23-
22
24,46
23,15
39
40
55
48
-- 94 3393/1840, f. 484, 499-501.
14 ROMANATI 19.XI.1843 65 60,74 64 59,81 42 39,25 95 1707/1845, f. 6-8, 11.
9.XI.1845
15.1.1847
78
74
62,40 76 60,80
60,83
47
46
37,60
38,33
31
38
28,97
30,40
63
63
44
62
-- 107 ' 394/1840, f. 464-465, 476-479.

15 SAAC 29.XII.1843 76
61,66
58,46
73
68 52,30 -54 41,53
37
43
30,83
33,07
57
64
63 - 125
120
1727/1845, f. 105-106, 109-113.
Ibidem, f. 282-287.
16 TELE ORMAN 22.XI.1843 96 66,66 81 56,25 48 33,33 64 2 130 3415/1840, f. 463, bis, 464, 473-476.
23.IV.1844 104 28,76 38 20,38 90 50 4
71,23 89 60,95 42 144 2873/1842, f. 269-273.
29.X.1844 106 72,60 91 62,32 40 27,39 36 24,65 91 51 4 146
34 23,28
1773/1844, f. 125-128.
-.11.1845 105 71,91 61,64 41 28,08 86 55 5 146
90
35 23,97
Ibidem, f. 192, 209-210.
25.V.1845 106 73,10 92 63,44 39 26,89 88 54 4 146 1726/1845, f. 6-9.
11.IX.1845 97 72,38 63,43 27,61 32 22,06 74 67 4
85 37
30 22,38 65
145 Ibidem, f. 33-38, 43-46.
17 VILCEA 6.XII.1843 125 69,83 115 64,24 54 30,16 65 4 134 Ibidem, f. 56-62.
16.VI.1845 119 63,52 30,00 39 21,78 76 101 2
70,00 108 51 179 2129/1843, f. 5-14, 22-23.
42 24,70 80 89 170
18 VLACA 14.VI.1844 92 65,71 86 61,42 48 34,28 1 1747/1845, f. 6-7, 22-28.
2.V11.1845 82 74,54 75 68,18 28 25,45 42 30,00 46 91 3 140
27 24,54
1774/1844, f. 70-80.
30.V1.1846 78 69,64 76 67,85 33 29,46 37 72 1 110 1723/1845, f. 45-52, 73 -75.
27.X.1846 82 68,34 79 65,83 38 31,66 32
36
28,57
30,00
45
51
66
68
-- 112 1506 11/1846, f. 76-80, 83-86.
65,54 120
2.V11.1847 80 67,22 78 39 32,77
D'apits les tableaux envoyés i l'Ephorie par les professeurs des tecle. Normales des chefs-lieux des distriets.
Les poureentages ont été calcules pour le second tableau envoyé I l'Ephorie, vu Que les données du premier
35 29,41 53 66 - 119
Ibidem, f. 207-211, 218-222.
1284/1847, f. 75-81.
* Le premier tableau est valable pour le district da Prabovs avant Pcarrondissement» de 1846 : les deux suivants tableau ne le permettaient pas.
l'atare par celui de Vileni. -en semble, vota le mame district -aves
Nous AYUCID groupe dans cette categorie tous ce= designés par itk termes de «laica », «villsgeois u et « labou l'«arrondissement», l'un aYant ele envoy e par le professeur de Plotesti,
reurs », itant donné Que les autres categories (artisans, marehands, etc.) sont mmtionnées avec leur
(milite precise.

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228 G. D. ISCRU 8

répondant à cette nécessité, le 8 et le 15 novembre 1843 l'Ephorie a adressé


une circulaire aux professeurs leur enjoignant d'envoyer dorénavant des
tableaux d'après le modèle suivant
Date de la Nom et Age Marie, Fils de Localité Se trouve
candidature prenom veuf ou prétre d'origine h l'école
célibataire ou de qui du village
de ...
Nous avons trouvé dans les archives et transcrit 45 tableaux conformes
A ce modèle, envoyés à l'Ephorie par des professeurs des 18 districts
de la Valachie à différentes dates, jusqu'à l'été de 1847. La plupart sont
des districts de Teleorman (6-1843-1845), Vlasca (5-1844-1847) et
Muscel (4-1843-1846) ; les moins nombreux (par un tableau ) sont des
districts de BuzAu, Dolj, Ilfov et Saac ; le tableau de Dolj est de fait un
gros registre bien tenu et mis à jour par le professeur I. Maiorescu. Ces
tableaux sont de la plus grande utilité pour la connaissance en premier
lieu de Porigine sociale des instituteurs, ensuite de leurs fluctuations
(d'après la date de Pentrée en service), de leur état civil et de leur Age ;
ils permettent enfin d'établir exactement le nombre d'écoles ayant des
instituteurs (ou des candidats) et de celles oil le poste est vacant, et par
consequent le nombre total d'écoles communales du district aux dates
respectives.
Dans le tableau ci-joint, établi à partir des tableaux susmentionnés,
nous n'avons passé que les totaux par districts, le nombre des fils de la1cs
ou de prêtres, ainsi que l'état civil des candidats ou instituteurs. Nous
n'avons pas passé toutes les catégories sociales, mais la présente note en
indique la diversité 25 On remarque que la majorité, dans tons les dis-
tricts, étaient fils de laIcs et, parmi ceux-ci, des personnes imposables.
Pour ce qui est de leur état civil, on constate que l'écart entre ceux mariés
et les célibataires est assez mince, ce qui démontre le caractere de sérieux
avec lequel l'action a été menée, alors que Pon aurait pu s'attendre
trouver, dans ces années de début, beaucoup de jeunes peu soucieux de
fonder une famille. Il est vrai que beaucoup de ceux mariés l'ont fait en
vue de l'exemption d'impôts, mais la constatation n'en demeure pas
moins valable. Malheureusement, aucun district ne possède la série entière
de ces tableaux pour chaque année de la période 1843-1848, soit qu'ils
ne les aient pas envoyés, soit que les tableaux se sont égarés. Ce fait nous
prive de l'image la plus complète, A, la fois détaillée et globale, que l'on
aurait pu a,voir des enseigna,nts ruraux de Valachie.

25 Nous avons noté partni les instituteurs des fits de : imposables, corvéables, commer-
eants patentables ; tailleurs, cordonniers, teinturiers, drapiers, memiers, pgres, éleveurs de
moutons, porchers ; logothétes, s dorobanti s (soldats d'infanterie), capitaines de poste, mill.-
taires, s ceausi * (grade militaire), ispravnici * et # vornici * (fonctions admmistratives) ; mar-
chands, colporteurs, a cumphnasi * (membres de compagnies commerciales) ; exemptés, fits de
veuves, sujets étrangers, me mbres de corporations, 4 mazili s, # boieri de nearn s, s boiernasi o,
nemurasi s, s postelnici s (différentes catégories de petits boyards) ; fermiers, boyards, habi-
tants des villes ; parmi les gens d'Eglise fits de prétres (la majorité), de sacristains, de chantres,
de diacres, de moines, d'archtprétres, de praxes defroqués.

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9 LE DEBUT DE L'ENSEIGNDMENT PUBLIC DANS LES VILLAGES EN VALACHIE 229

La rémuaration des candidats (ou des instituteurs 26) constitue


l'un des chapitres les plus importants de l'enseignement public dans les
villages à se période de début, car si les enseignants ne pouvaient compter
sur leur dû, tout le système était compromis. Tant les professeurs que
l'Ephorie, les prefectures et le Département de l'Intérieur (qui avait
sa charge Porganisation matérielle de l'enseignement) en étaient parfaite-
ment conscients et Pon ne saurait nier que des efforts à cet égard ont été
consentis. L'Ephorie aurait voulu que tous les habitants des villages, sans
distinction, soient tenus à payer les 2 lei par famille pour le candidat.
De son COO, le Département donnait aussi parfois des ordres dans ce sens,
ce qui provoquait confusion et désordre, car d'autre part il avait fixé, par
différents ordres, une dizaine de catégories d'exemptés, d'habitude dif fé-
rentes categories d'indigents. C'est aux autres habitants des villages,
indépendamment de leur catégorie sociale, qu'il revenait d'assurer le dû
du candidat. Les ordres étaient ainsi, mais ils n'étaient pas toujours res-
pectés, aussi sévère qu'en ffit la formulation.
Le mode de paiement du salaire des instituteurs a été modifié trois
fois au cours des dix ans envisagés et chaque modification a entraine
malgré les bonnes intentions évidentes de l'Ephorie des difficult& de
plus en plus grandes. Au commencement (16 septembre 1838), l'Ephorie
a propose au Département que les salaires des instituteurs soient perçus
par les soins des autorités districtuelles et payés aux professeurs des écoles
normales deux fois par an, à savoir à la fin des deux périodes de prépara-
tion 27. Ce procédé n'avait rien d'anormal, car d'autres fonctionnaires de
l'Etat recevaient aussi leur salaire à de grands intervalles. Mais ce qui
est curieux, c'est que le Département, après avoir approuvé la proposition
de l'Ephorie et adresse aux districts au bout d'une semaine un ordre
circulaire pour sa mise en ceuvre 29, est revenu sur sa décision deux semaines
plus tard, adoptant un nouveau point de vue des plus défavorables pour
les candidats. A savoir, le Department décidait que le salaire des candidats
« soit payé par chaque habitant des villages directement à l'instituteur
respectif, sans que le sous-préfet s'en 'nee autrement qu'en tant que simple
exécuteur 29 Pratiquement, l'instituteur devait se débrouiller comme
le pouvait avec les habitants, son a se transformant ainsi en une mendi-
cité chez les uns et chez les autres comme l'ont d'ailleurs caractérisé
certains professeurs avec tout ce que cela comportait d'humiliations.
Cette decision, qui a été en vigueur durant six ans et, circonstance aggra-
vante, durant six années de début de l'institution, a été, à notre avis,
on ne peut plus nuisible au fonctionnement normal de l'enseignement
public dans les villages, ainsi qu'au prestige tant de l'enseignement que
des enseignants. La seule initiative qui puisse lui étre comparée et
qui appartient toujours au Département et toujours à ces années difficiles
des debuts (et dont les conséquences seront d'ailleurs des plus graves)
est celle obligeant les habitants des villages à construire les locaux

29 Car on ne faisait pas de distinction A ce point de vue entre les uns et les autres
dos. 5390 I A/1838, f. 271 ; M.I.T.R., dos. 1782/1844, f. 86 et 97).
22 V.L.T.R., dos. 5390 I A/1838, f. 216.
29 Ibidem, f. 218-219.
IbIdem, f. 257.

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230 G. D. ISCRU 10

d'écoles comme ils le pourront, à condition de respecter le plan établi.


Enchantées d'être dispensées pratiquement de l'obligation de percevoir
les sommes, les autorités locales se sont dépêché de répondre que l'ordre
sera exécuté A, la lettre 30 Et ce qui est encore plus étonnant, c'est que
l'Ephorie ait cédé sans la moindre opposition, sans la moindre tentative
d'une intervention directe auprès du Département 31.
Le salaire du candidat devait être payé pour le temps qu'il avait
servi, et non par anticipation 32
A la fin de Pannée scolaire 1839-1840, l'Ephorie a proposé une
certaine amélioration, mais ses recommandations sont restées sans effets
importants 33. C'est à peine vers la fin de l'ann.ée scolaire 1843-1844
(le 1" mars), à la suite de nombreux rapports et suppliques, que l'Ephorie
a adressé au Département de nouvelles propositions au sujet du salaire
des candidats : A, savoir que les 2 lei soient perçus de chez les habitants en
même temps que la « contribution à la Trésorerie *, c'est-à-dire 20 paras
par trimestre, que les sommes soient déposées aux sous-préfectures et
que celles-ci payent personnellement, une fois par semestre, au personnel
enseignant et aux sous-réviseurs les sommes qui leur étaient dues, le
bénéficiaire devant pour sa part présenter une liste des personnes tenues
à vers.er cette contribution 31. Ce procédé est entré en vigueur le 1" janvier
1845 35 Lors de Pentrée en vigueur du nouveau système, le Département,
avec l'approbation du Conseil Administratif, a envoyé aux préfectures par
deux registres pour chaque sous-préfecture, l'un oil le sous-préfet devait
passer les sommes reçues des habitants de tons les habitants, sans
exception aucune, précisait l'ordre par l'entremise des maires des villages,
Pautre oil il inscrivait les sommes remises, contre signature, aux insti-
tuteurs et aux sous-réviseurs. Les sommes étaient perçues en même temps
que la capitation, &talent versées au sous-préfet, avec un bordereau séparé
et sous signature, le sous-préfet passait les sommes dans le registre des
rentrées et toujours lui payait leur dii aux ayants droit, passant les sommes
respectives dans le registre des sorties. Trimestriellement, la sous-préfec-
ture faisait ses comptes avec la préfecture, qui avait l'obligation d'envoyer
au Département un état résumé des paiements effectués. A la fin de Pannée,
la préfecture réunissait tons les registres, les vérifiait, les confirmait
non sans avoir au préalable fait contrôler par les professeurs les signatures
des instituteurs et des sous-réviseurs, sous le rapport de l'authenticité
de la signature et de l'exactitude de la somme et les envoyait au
Département 36 Celui-ci les envoyait ensuite, pour une nouvelle vérification,
A l'Ephorie qui, après avoir fait les observation.s qu'elle jugeait nécessaires,
les renvoyait au Département, d'où ils étaient expédiés aux Archives de
l'Etat ; en même temps, le Département adressait aux préfectures des
ordres en conséquence, où étaient passées les observations de l'Ephorie 37.
" Ibidem, f. 286, 290, 291, 306-311, 313, 348, 351, 356, 392.
31 M.I.T.R., dos. 6709/1837, f. 151, 154. Si elle en avait fait une, le document respectif
se trouverait dans les archives.
32 Ibidem, dos. 6071/1838, f. 222.
33 Ibtelem, dos. 3390/1840, f. 15-16; dos. 2701/1841, f. 43.
34 Ibidem, dos. 1775[1844, f. 3 et 6; V.L.T.R., des. 5390 IV A11838, f. 186-187.
25 M.I.T.R., dos. 1778/1844, f. 84-85; V.L.T.R., dos. 5390 IV B/1838, f. 428.
36 V.L.T.R., dos. 5390 IV B/1838, f. 425-426, 432 et 854.
37 IbIdem, dos. 5390 V B/1838, f. 1148-1152.

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11 LE DEBUT DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DANS LES VILLAGES EN VALACHIE 231

Ces registres des salaires des instituteurs ont été utilises à partir du premier
trimestre de 1845 et jusqu'au premier trimestre de 1848, lorsqu'une nouvelle
modalité de paiement des salaires a été instituée, lesdits dossiers étant
alors retires 38. A partir de l'entrée en vigueur du nouveau système, l'Epho-
rie effectuait son propre contrôle au moyen de listes des salaires dressées
par les professeurs, vérifiées par les prefectures et envoyées à l'Ephorie,
qui approuvait le paiement.
Enfin, ayant constaté les ncmbreux et graves abus ccmmis par
les sous-prefectures, l'Ephorie a, le 20 février 1848, propose au Départe-
ment une nouvelle modalité de paicment, qui représentait en gros un
retour A, son point de -vue initial. L'Ephorie proposait que le salaire des
instituteurs et des sous-réviseurs soit payé dcux fois par an, A, la Saint-
Georges et A, la Saint-Démétre, directement par la prefecture du district, A,
tous en même temps, en présence du professeur. Ce procédé semblait d'autant
meilleur à l'Ephorie que les instituteurs étaient quand meme obliges de
venir deux fois par an au chef-lieu du district, pour des stages de prepa-
ration de deux mois. C'était pour l'Ephorie A, la fois un moyen de contrôle
de l'accomplissement par les instituteurs de leurs obligations et de leur
presence aux stages de preparation 39. ATMs l'Ephorie omettait que ces
stages, d'après ses propres instructions antérieures, n'étaient plus obli-
gatoires, cette question devant être mie-ux réglementée le 19 avril 1848 4°.
Le ler mars 1848, le Departement se déclarait d'accord avec l'Ephorie 41
et adressait un ordre circulaire dans ce sens aux prefectures, ce procédé
devant entrer en vigueur à partir du mois d'avril 42. L'Ephorie a envoyé
de son côté des instructions aux professeurs, instructions qui différaient
d'ailleurs en partie de celles du Département, ce qui n'a pas manqué
de créer des complications sur le plan local. En effet, suivant les instruc-
tions de l'Ephorie, le nouveau systéme de paiement devait entrer en vigueur
rétroactivement, à partir du 1" janvier ; et comme l'élaboration des listes,
leur expedition, approbaticn et réexpédition demandaient beaucoup de
temps, l'Ephorie décidait, sans tenir ccmpte du grave inconvénient que
cela représentait pour les instituteurs, de payer les salaires non pas au
printemps, selon la coutume et ainsi que l'avait ordonné le Département,
mais au bout de neuf mois, en octobre 1848, et alors seulement pour les
six premiers mois de Pannée, les six derniers mois devant être payes A,
peine le 23 avril (c'est-à-dire à la Saint-Gecrges) 1849 43.
Les autorités locales et les professeurs out rapporté les difficultés
auxquelles donait lieu le nouveau systCme de r aicment : la charge presque

38 Ibidem, dos. 797 I A/1847, f. 608; dos. 797 I B/1847, f. 41-42 Ils existent presque
an complet pour les années 1845-1846, ceux de districts seulement (Braila et Olt) pour 1847
et d'un district seulement (Rimnicu Silrat) pour 1848. Au total, 303 dossiers, point trop volu-
mineux. On y trouve mentionnés le nombre des families de chaque village de l'arrondissement
respectif, la somme reçue des habitants, le salaire payé par le sous-préfet, enfin les signatures
dos instituteurs et des sous-réviseurs. Existent de meme pcur 3 districts les états récapitulatifs
mentionnés (V.L.T.R., inventaire Salaires des instituteurs de village, 1845-1848).
39 V.L.T.R dos. 797 I B/1847, f. 38 et 45.
4° M.I.T.R., dos. 1491/1848, f. 3.
V.L.T.R., dos. 797 I B/1847, f. 40.
42 Ibidem, f. 41-42.
43 Ibidem, f. 39; M.I.T.R., dos. 1755/1844, f. 99 et 102; dos. 2581/1849, f. 2.

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232 G. D. ISCRU 12

insupportable qu'il représentait pour les fonctionnaires des préfectures 44,


les longs séjours que les instituteurs devaient faire au chef-lieu (deux
mois, suivant les dispositions de l'Ephorie), les sommes considérables
d'argent qu'allaient toucher d,'-un seul coup des personnes inexpérimentées
à ce point de vue 45 et, enfin, la contradiction qui existait entre les ordres
de l'Ephorie et ceux du Département 48. Mais cette fois-ci l'Ephorie s'est
maintenue fermement sur ses positions, peut-être pour éluder une réponse
embarrassante47. Mais après de nouvelles interventions, consciente de la
contradiction entre ses ordres et ceux du Département, l'Ephorie, le 16 avril
1848, a admis que les salaires soient payes, comme auparavant, par les
sous-préfets pour les mois de janvier à mars 1848, conformément aux dis-
positions du Département, et qu'à partir d'avril le paiement soit effectué
par les prefectures ; mais il subsistait néanmoins des divergences entre le
système propose et celui qu'avait établi le Département, à savoir en octobre
1848 on ne devait payer que les salaires du trimestre avril-juin, et non le
HP trimestre (juillet-septembre), lequel devait étre payé en même temps
que le IV` trimestre (octobre-décembre) le 23 avril 1849. « Et il en sera
toujours ainsi dorénavant chaque trimestre sera payé au eours du se-
mestre suivant » précisait l'Ephorie à la fin de sa circulaire 48. Prati-
quement, en 1848, du fait de ces mesures qui, chose curieuse, n'ont pas
été modifiées méme par le Gouvernement révolutionnaire un grand
nombre d'instituteurs et de candidats n'ont pas touché leur dil.
C'est ainsi qu'à évolué le système de paiement des 2 lei par famille
prévus pour les instituteurs.
Quant à la livraison des deux « kile » d'aliments49, qui selon la loi
était due pour Paceomplissement du service de chantre d'église, ce n'est
pas sans peine et sans complications qu'elle s'est faite. Au début, la ques-
tion paraissait toute simple, puisque les chantres ou les sacristains devaient
accomplir aussi le service d'instituteurs. Par la suite les choses se sont
compliquées, car la plupart de ceux-ci ont refusé d'assumer cette charge,
mais n'ont pas cessé pour autant de réclamer leur dû, tout en essayant
d'empêcher les instituteurs ou eandidats d'exercer leur métier. De leur
e6té, les candidats n'avaient nulle envie de faire le métier de chantre, soit
avaient de la peine à apprendre les chants liturgiques, soit qu'il
ne leur convenait pas d'assumer une charge qui les soustrayait à leurs
obligations d'enseignants, soit qu'ils craignaient les conflits qu'un jeune
instituteur introduit brusquement dans le réseau solidement établi des
relations locales risquait d'avoir avec le prêtre et ses nombreux assistants .
Les premières années, il n'était pas question pour l'Ephorie et pour
le Département que l'instituteur puisse ne pas recevoir son &I en matière
d'aliments. Les autorités locales demandaient des instructions pour
les cas oil les can.didats n'étaient pas aussi chantres, mais Pordre
qu'elles recevaient du Département, en ceci comme à d'autres occasions,

44 V.L.T.R., dos. 797 I B/1847, 1. 113.


46 Ibidem, f. 114; M.I.T R., dos. 258111849, f. 4.
46 V.L.T R., dos. 797 I B/1847, f. 395; 1N1.I.T.R., dos. 2581/1849, f. 6-7.
47 M I.T.R., dos. 2581/1849, f. 138.
43 Ibidem, f. 140.
49 La kila (pl. ktle) valait 400 oeques (ibldem, dos. 6071/1838, f. 334 et 351).

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13 LE DEBUT DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DANS LES VELLAGES EN VALACHIE 233

était de s'inspirer de « l'esprit » des lois 50 Le Département a méme donné,


le 17 janvier 1841, un ordre circulaire suivant lequel, lorsque les candidats
se trouvaient à leurs stages en ville, les sacristains devaient les remplacer,
mais sans toucher leur dfr 51 Quelques années se sont écoulées avant que
les deux institutions centrales ne réalisent gull y avait néanmoins un pro-
blème. Alors l'Ephorie a essayé d'expliquer aux instituteurs la situation 52,
après quoi elle a commencé A, intervenir pour que ceux-ci soient acceptés
aussi comme chantres d'églises 53.
Outre son salaire et sa part d'aliments, qu'il recevait dans les
conditions qui viennent d'être exposées, le candidat ou l'in.stituteurmais
seulement sa propre personne bénéficiait de certaines exemptions, qui
du reste n'étaient pas toujours respectées : exemption de la capitation,
cet impôt devant être versé des fonds du village 54 j exemption du service
militaire, qui n'était pas stipulée par un texte de loi, mais qui avait été
reconnue à la suite d'une entente entre l'Ephorie et le Département,
d'une part, et le Ccmmandement de l'armée, d'autre part (l'ordre général
d'exemption ne devait étre donné qu'en 1846 55); exemption pour l'insti-
tuteur de livrer une qvote-part de sa récolte de mais aux magasins de réserve
du village, ainsi que d'autres obligations dans le cadre du village, établies
par accord librement consenti 56
De lame, l'exemption des obligations envers le maitre terrien, au cas
oil le candidat était paysan dépendant de celui-ci, n'a pas été imposée
par la loi, mais était restée à la latitude du maltre, ou le plus souvent,
pratiquement, de son intermédiaire, le fermier. Dans Pen.thousiasme des
premiers temps, l'Ephorie et le Department avaient cru qu'il n'y aura
pas de difficultés à cet égard, que les « propriétaires » comprendraient la
situation et agiraient en conséquence, quitte à ce que le préfet s'entende
avec eux 57. Lorsque, au bout de peu de temps, le Département s'est rendu
compte que les boyards et les fermiers n'étaient pas du tout aussi « com-
préhensifs », il a réitéré ses reccmnnandations initiales, accusant souvent
les préfets de n'avoir pas su convaincre les « proprétaires »58. Autant
l'Ephorie que le Département entendaient que l'exemption ne joue que
pour les lots que le seigneur était obligé par le Eèglement Organique de
donner aux paysans corvéables, mais non pour les « excédents »5°. En
outre, l'Ephorie estimait normal que lcrsque le candidat n'était pas
marié et habitait avec ses parents, sans avcir par consequent de terre
pouvant lui conférer les avantages de l'excmption, le droit à eette exemp-
tion s'étende à ses parents ; le Départcmcnt lui-mème s'était laissé
convaincre et donnait des ordres en ccnsequence 6°. N'cmpèche que si le
5° V.L.T.R., dos. 5390 11/1838, f. 68-69; dos. 5390 I B/1838, f. 1197, 1512 1514
1521 ; M.I.T R , dcs. 6076/1838, f. 39-40.
V.L.T.R., dos. 5390 11/1838, f. 485.
52 M.I.T.R., dos. 3395/1840, f. 29.
53 Ibidem, dos. 1571/1845, f. 59.
54 V.L T.R., dos. 5390 I A/1838, f. 124-125 et 128.
Ibtdem, dos. 5390 V B/1838, f. 930-931.
Ibidem, dos. 5390 11/1838, f. 546, 549, 552; M.I.T.R., dos. 3384/1840, f. 714 et 727.
57 V.L.T R., dos. 5390 I A/1838, f. 125 et 148; M.I.T R, dos. 3395/1840, f. 7 sqq.
58 V.L.T.R., dos 5390 I A/1838, f. 372.
59 Ibidem, dos. 5390 11/1838, f 494; dos. 6697/1837, f. 185 et 204.
60 Ibidem, dos. 2700/1841, f. 28-29.

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234 G. D. ISCRU 14

propriétaire » ne voulait pas se laisser convaincre, personne n'y pouvait


rien, légalement. Le Département était impuissant et, pour ne pas risquer
d'être accusé d'illégalités, il recommandait dans de pareils cas que l'on
respecte « les droits de la propriété, conformément aux législations en
vigueur »61. ii essayait parfois, il est vrai, d'étendre aux candidats les
prévisions de la loi de 1834 pour les séminaires, qui stipulait des exemp-
tions pour les desservants des églises 62, mais cela au cours des premières
années seulement, car en avril 1848 il devait reconnaitre lui-même que
cette loi ne pouvait être invoquée en faveur des candidats 63. Dans les
cercles officiels, on discutait assurément la possibilité d'adopter des me-
sures légales en cette matière et il se pourrait que l'Ephorie ait même fait
parvenir un rapport A, ce sujet au prince 64, car autrement l'Ephorie n'aurait
pu mettre sur certains rapports des résolutions comme celle-ci, de 1843
«Une décision et une mise en ceuv-re sur le plan national seront adoptées » pour
l'exemption des candidats quant aux obligations envers la propriété »65.
Mais cette décision « générale » n'a plus été prise et le Département, submergé
par les rapports des préfets, devait avouer son impuissance : tout en
continuant à faire appel au don de persuasion des préfectures, il leur
déclarait nettement qu'il n'y avait point d'autre vole pour obtenir
l'exemption des candidats quant aux « obligations envers la propriété »,
car « cette exemption ne saurait étre obtenue par le Département,
étant donné qu'elle est contraire aux législations en vigueur » 66
Wine en ce qui concerne les domaines de l'Etat, il a 60 impossible
de faire adopter une mesure d'exemption pour les instituteurs par l'Assem-
blée nationale. Une telle exemption n'a pu être admise qu'en 1845 pour les
instituteurs des villages conventuels, et cela uniquement pour ceux qui
étaient aussi chantres d'église 67
L'absence de toute possibilité légale d'exempter les instituteurs des
« obligations envers la propriété » sera l'un des principaux obstacles au
fonctionnement dans de bonnes conditions de l'enseignement public dans
les villages jusqu'en 1848.
C'est avec un personnel soumis aux conditions matérielles définies
dans les pages qui précèdent que l'enseignement rural a dû faire face, en
Valachie, aux difficultés engendrées par les relations féodales, jusqu'au
jour on un nouveau programme d'activité scolaire allait être formulé
par les révolutionnaires de 1848.

61 V.L.T.R dos. 5390 III A/1838, f. 234.


62 Ilndern, f. 406.
63 I bidem, dos. 797 I B/1847, f. 137.
61 Malheureusement, les archives du Secrétariat d'Etat ont breilé en 1944.
65 M.I.T.R., dos. 3392/1840, f. 311.
66 V.L.T.R., dos. 5390 IV B/1838, f. 673; voir également f. 958.
57 D. C. Sturdza-Scheeanu, Acle i le giuri prtvitoare la chestta lea-dneascd, Pre série, vol. I,
Bucarest, 1907, p. 351, 359-360, 364, 369-370 et 443.

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N. PICCOLO - CORRESPONDANT A PARIS DE LA CURATELLE
DES ÉCOLES PUBLIQUES DE MOLDAVIE (1840-1844)

N. ISAR

Les recherches du Pr C. N. Velichi dans le domaine des relations


roumano-bulgares ont mis en lumière les relations de N. Piccolo avec
l'une des provinces roumaines la Valachie. Les précieuses données
sur Pactivité de Piccolo pendant son séjour en Valachie fournies par le
Pr C. N. Velichi dans sa dernière Uncle consacrée à N. Piccolo 1 ont mis
sur le tapis le problème des relations de celui-ci avec une autre province
roumaine la Moldavie. Or si, vu le manque de documents, il ne pouvait
tirer une conclusion définitive sur la nature des relations présumées de
Pérudit bulgare avec la Moldavie, son hypothèse, a, la lumière des docu-
ments publiés ci-dessous, s'est avérée exacte.
En effet, N. Piccolo a été correspondant a, Paris de la Curatelle
de l'Instruction publique de Moldavie, et non pas professeur a, l'«Academia
Milaileana, », comme inclinaient sans fondement A, croire, il ya long-
temps de cela, D. A. Sturdza et Colescu-Vartic 2. Si l'information fournie
par G. Bibescu dans sa lettre A, M. Sturdza du 2 janvier 1844, a, savoir
que Piccolo recevait une indemnisation « en qualité de correspondant de
PUniversité Moldave » 3 information sur la base de laquelle le Pr Ve-
lichi a bati son hypothèse pouvait étre interprétée de différentes ma-
nières, les documents publiés par nous en annexe éclaircissent définiti-
vement le problème.
Le 1e juin 1840, « ayant besoin d'un correspondant a, Paris » et
constatant que « le docteur Piccoli, qui a eu dans la principauté de Valachie
1 ,11-p Hincoaa C. 1InHono MS Baannio, dans le volume publié en son honneur,
A-p Himona. C. Ihnco.rw, Sofia, 1968, p. 251-252.
2 Voir le résumé de la lettre de Piccolo A Sturdza du 21 mars 1840, dans Hurmuzaki,
Documente, vol. VI, suppl. I, p. 219-220.
3 Hurmuzaki, Documente, vol. IV, suppl. I, p. 273-274.

REV. fTLIDES SUD-EST EUROP., XII, 2, P. 235-244, BUCAREST, 1974

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236 N. 1SA.R. 2

la charge de la Sainte Curatelle, part maintenant en séjour à Paris » 4,


la Curatelle de l'Instruction publique de Moldavie proposait au prince
pour cette fonction Pérudit bulgare. Sa mission consistait à faciliter
« l'achat et Pexpédition autant des livres nécessaires A, la bibliothèque de
l'Acadérnie que des différents instruments et autres choses propres
améliorer et A, faire progresser la branche de l'instruction dans cette
principauté » 5.
Le mème jour 1" juin 1840 la Curatelle s'adressait à N. Pic-
colo pour lui faire connaitre la mission qui lui était confiée et la rémuné-
ration annuelle, de 7 875 lei, qui lui était allouée « en compensation pour
sa peine » 6. On recommandait à Piccolo de s'entendre avec la Curatelle
« chaque fois qu'il sera nécessaire », de telle sorte que la somme de 14 000 lei
qu'elle lui avait allouée pour Pannée 1840 « sur l'excédent de ses dépenses »,
en vue de l'achat de livres pour la bibliothèque et « d'instruments pour
l'industrie », ne soit en aucun cas dépassée ; cette somme devait comprendre
aussi les frais d'expédition et ceux de sa correspondance 7.
Le prince Mihail Sturdza a approuvé chaleureusement les propo-
sitions de la Curatelle concernant N. Piccolo, d'autant plus qu'il avait
6.0 le premier A, prier celui-ci de se mettre en rapport avec la Curatelle.
Sa décision &taut prise d'offrir A. Piccolo la charge de correspondant
Paris, le prince lui écrivait : « Nous vous engageons de vous entendre avec
la Curatelle de l'Instruction publique pour tout ce qui concerne les &tails
de Pexécution et le montant des frais qu'elle peut y consacrer annuelle-
ment » 8.
Convaincu que les institutions roumaines d'enseignement devaient
étre mises en accord avec la promotion des connaissances humaines, que
la Moldavie devait participer aux bienfaits du développement industriel
et des découvertes de la science, le prince Mihail Sturdza chargeait le
savant bulgare de procurer à la Moldavie, suivant un plan d'enseignement
régulier et méthodique, les livres nécessaires à l'organisation d'une biblio-
thèque publique, ainsi que les instruments absolument nécessaires à l'en-
seignement des sciences 9.
La mission que Piccolo avait assumée dema.ndait, surtout en ce
qui concerne l'achat des livres nécessaires à Penseignement en Moldavie,
un esprit de discernement particulier. Or, les lettres adressées par lui, en.
qualité de correspondant, à la Curatelle des écoles de Moldavie avaient
justement pour but de faire connaitre les critères qui avaient déterminé
le choix des livres achetés A, Paris et expédiés en Moldavie.
Nous estimons particulièrement intéressante à cet égard la lettre
de N. Piccolo du 5 janvier 1841 10,où il expose les raisons qui ont déterminé
le choix des livres expédiés en Moldavie le mois précédent. Tout en faisant
4 Archives de l'Etat Bucarest, Ministère des Cultes et de l' Instruction publique, Mol-
dame, dos. 317/1840, f.1, original (Annexe no 1).
5 lindem.
6 Ibtdem, f. 2, brouillon (Annexe no 2).
lIndem.
lindem, f. 9, copie, sans date, brouillon en franeais f. 12 (Annexes no 3).
9 Ibidem. Cette lettre est évidemment antérieure au 1 er juin 1840. Dès le 7/19 mars
1840 N. Piccolo répondait favorablement à M. Sturdza, le remerciant pour ses propositions,
Cf. Hurmuzaki, Documente, vol. VI, Suppl. I, p. 219-220.
10 Archives de l'Etat Bucarest, tbutem, f. 29, 30, 51, original (Annexe no 4).

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3 N. /PICCOLO ET LA CURATE= DES ECOLES PUBLIQUES DE moLDAIViE 237

1'6loge des efforts déployés pour le développement de l'instruction en


Moldavie, il insiste sur la nécessité d'aecorder un rôle plus important aux
études classiques.
Sa démonstration en faveur des études classiques, les exemples pris
dans l'histoire de la culture oceidentale que Piccolo donne à l'appui de
ses idées font de cette lettre dont la lecture intégrale s'impose une
pike de grande valeur pour la connaissance des conceptions de Pérudit
bulgare. Le choix de précieuses collections de livres ou de publication,
caractère littéraire et seientifique, ses propositions intelligentes en ce qui
coneerne l'orientation de la culture roumaine montrent une fois de plus
l'apport considérable de Piccolo dans le développement de notre culture
nationale.
Le même souci de procurer à la Curatelle les auteurs classiques,
notamment les auteurs latins, se retrouve dans sa lettre du 27/15 juillet
1841 11.
Les états comptables envoyés par Piccolo à la Curatelle pendant les
années 1841-1843 sont évidemment de moindre intérAt. L'on y trouve
pourtant des données sur les libraires Eichtal, Leguen, Pixii, Firmin
Didot, etc. chez lesqu.els il aehète les livres, les sommes destinées aux
achats de livres et d'instruments, ainsi que les titres des publications aux-
quelles il fait des abonnements (Revue seientifique, journal des Econo-
mistes, Comptes rendus de l'Aeadémie des Sciences, de l'Académie des
Sciences morales et politiques, etc.) Sans publier ces états comptables,
dont certains sont en annexe aux lettres susmentionnées, et qui sont datés
du 5 janvier 1841, du 27/15 juillet 1841, du 28/16 juillet 1841, du 2/14
septembre 1842, du 2 décembre 1842, du 5 juillet 1843 12, nous nous
faisons un devoir de signaler l'existence de ces documents, susceptibles
d'intéresser les chercheurs soit par les (Wails qu'ils apportent sur Pacti-
vité de N. Piccolo, soit sous le rapport du mouvement culturel des Prin.ci-
pautés Roumaines durant la période qui a précédé la révolution de 1848.
Envisagés dans leur totalité, les documents que nous publions
ci-dessous et ceux simplement signalés permettent de déclarer que N. Pic-
colo a accompli avec zee et compétence les missions dont il avait été
chargé par la Curatelle des écoles publiques de Moldavie.
Les raisons qui devaient mettre fin A, la mission de correspondant de
Piccolo les difficultés financières en premier lieu font l'objet de la
lettre adressée par lui à la Curatelle le 21 octobre/3 novembre 1843 13.
Le dernier groupe de documents relatifs A, Pactivité de Piccolo ont
trait à la liquidation de ses comptes avec la Curatelle pendant Pannée
1844. Le 2 mars 1844, la Curatelle de l'Instruction publique montre que,
étant donné que N. Piccolo a retenu « des comptes qu'il avait avec la Cu-
ratelle son salaire pour une période de six mois, c'est-à-dire du 1" décembre
1843 au mois de juin 1844 », en valeur de 1 475 francs, la Trésorerie devra
&poser cette somme au caissier des écoles 14 D'autre part, à cette date, la
Ibtdem, f. 28, 52, original (Annexe no 5).
12 Dildem, f. 33, 32, 35, 37, 36, 34.
12 Ibuiern, f. 17, 20, brouillon (Annexe no 6). Le prince de Valachie est intervenu, ainsi
que nous l'avons vu, par sa lettre du 2 janvier 1844, cf. Hurmuzaki, Documente, vol. IV,
Suppl. I, p. 273-274.
14 Archives de l'Etat, iludem, f. 21 (Annexe no 7).

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238 N. ISAR 4

Curatelle avait à payer à Piccolo une « différence » de 120 francs « pour


l'achat des livres et des instruments pour l'Académie » ". Le 2 juin. 1844,
la Curatelle réitérait sa demande à la Trésorerie de retenir à Piccolo, au
crédit de la caisse de la Curatelle, la somme de 1 475 francs, « soit 4 425
lei »16, représentant son salaire encaissé à l'avance.
Telle qu'elle se dégage des documents publiés ci-dessous, Pactivité
de N. Piccolo comme correspondant de la Curatelle des écoles publiques de
Moldavie constitue un nouveau témoignage des liens de Pérudit bulgare
avec le mouvement culturel des Principautés Roumaines au cours de la
première moitié du XIX' siècle.

Annexe n 1
Votre Altesse I

La Curatelle de l'Instruction publique, ayant besoin d'un correspondant A Paris qui


soit chargé de l'achat et de l'expédition autant des livres nécessaires A la l3ibliothèque de l'Aca-
démie que des différents instruments et autres dioses propres A améliorer et A faire progresser
la branche de l'instruction dans cette principauté, et étant donné que M. le Docteur Piccoli,
qui a eu dans la principauté de Valachie la charge de la Sainte Curatelle, part maintenant en
séjour A Paris, la Curatelle l'a choisi comme correspondant, lui remettant pour cette mission
250 ducats sur la somme de 22 000 lei prévue dans le budget des écoles pour l'achat de livres
et d'instruments, plus 60 ducats pour ses frais de déplacement. La Curatelle soumet cette pro-
position à Votre Altesse pour sa haute approbation.

De Votre Altesse,
Le pieux intercesseur auprès de Dieu
et lieutenant de Sa Sainteté le Métropolite,
Filaret . . .(?)
et ses burnbles serviteurs,
N. Sutu . . .(?)
No 137
Jassy, le 1 e' juin 1840
En haut, la résolution
Approuvé, le 13 juin 1840

Archives de l'Etat Bucarest, Ministère des Cultes el de l'Instruction publique, 11Ioldavie, dos.
317/1840, f. 1, original (voir également une copie, f. 7).

Annexe no 2
N° 136, A M. N. Piccolo, 1" juin 1840.

A la suite de la proposition et de sa haute approbation vous chargeant, A l'occasion de


votre séjour A Paris, de la mission de procurer aux institutions d'enseignement de ce pays les
objets nécessaires A la propagation des connaissances d'utilité publique, tels que manuels d'en-
15 Ibidem, f. 23, brouillon (Annexe no 8).
16 ibidern, f. 22 (Annexe no 9).

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5 N. PICCOLO ET LA CURATELLE DES ECOLES PUBLIQUES DE MOLDAVIE 23t.

seignement et d'orientation, livres pour la bibliothèque et instruments pour l'industrie, la Cura-


telle de l'Instruction publique, sur la base des rapports élablis avec vous A cette occasion, juge
de son devoir de vous informer que, la question ayant été dAment étudiée, en dehors de la somme
de 7 875 lei qui vous est allouée en compensation pour votre peine dans la mission qui vous a
été confiée, elle a pu assigner cetle année pour les objets susmentionnés, sur l'excédent de ses.
dépenses, la somme de 14 000 lei destinée cette année A un tel but, somme qui vous sera versée
A la suite des demandes faites A la Curatelle.
Donc, chaque fois qu'il sera nécessaire, vous vous entendrez avec la Curatelle de l'Instruc-
bon, équilibrant vos achats de telle sorte qu'ils soient compris pour Forme° en cours dons les
limites de cette somme, sans la dépasser en aucun cas ; cette somme comprendra les frais d'expe-
dition, ainsi que vos frais de correspondance avec la CurateIle.

Archives de l'Etat Bucarest, ibidem, f. 2, brouillon.

Annexe n° 3
A illr. le Docteur N. Piccolo

L'estime que nous professons pour votre personne et la confiance que nous avons en
vos lumières et votre amour du bien-public nous fait saisir avec empressement l'occasion de
rendre votre séjour A Paris utile au pays que nous gouvernons. Le but que nous nous proposons.
en vous inettant en rapport direct avec la Curatelle de l'instruction publique est de procurer
par votre organe aux institutions d'enseignement les notions qui peuvent servir A les metire au
niveau du progrès des connaissances hurnaines, de faire participer le pays aux bienfaits du
développeroent industriel et des découvertes soientifiques en lui procurant, suivant un plan
d'études régulier et méthodique des ouvrages qui serviront A former une bibliothèque d'utilité
genérate et des instruments que l'étude des sciences rendent indispensables.
Pleinement convaincu que vous serez A même de justifier notre attente sous tous ces
rapports et que vous embrasserez avec empressement une mission si utile, nous vous enga-
geons de vous entendre avec la Curatelle de l'instruction publique pour tout ce qui concerne les.
details de l'exécution et le montant des frais qu'elle peut y consacrer annuellement.

Archives de l'Etat Bucarest, ibidem, f. 12, brouillon

Annexe n° 4
A l'honorable Curatelle de l'Instruction Publique
Rapport
Le 27/15 décembre j'eus l'honneur d'envoyer A Monsieur le Prince N. Soutzo le catalogue
des livres expédiés le 22/10 du méme mois.
Je demande A l'honorable Curatelle la liberté d'exposer ici les motifs qui m'ont deter-
miné dans le choix de ces byres, et de lui soumettre quelques réflexions qui se rattachent
A ce sujet. Ces réflexions, quelle qu'en soit la valeur, je prie l'honorable Curatelle de les regar-
der comme un tribut de mon zèle et non comme l'effet d'une présomption qui est loin de
ma pensée.

4 c. 1284

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210 N. ISAR 6

Le plan sur lequel l'instruction publique a été organisée en Moldavie, fait honneur
aux linniéres et A la sagesse des personnes qui l'ont coneu et mis en pratique. L'administration
des écoles est digne de tout eloge. Mais il m'a semble qu'on avait accordé trop peu de place aux
,études classiques. Cependant, ce sont ces etudes qui peuvent être cultivées avec le plus de
succès, c'est d'elles qu'on doit attendre les meilleurs fruits. Je n'ai pas besoin de m'étendre ici
sur les merites divers de la litterature classique. Je ne rappellerai pas que c'est elle qui, dissi-
pant les ténébres de la barbarie du moyen Age, a civilise l'Europe occidentale. Je ne dirai pas que
c'est elle qui a forme les littératures modernes les plus dignes d'estime. Je me bornerai
citer un fait contemporain qui me parait, à lui seul, plus concluant que tous les raisonnements
que je pourrais employer. Certes, parmi les modernes, les lettres franeaises occupent un rang
distingué. Un franeais pourrait, A la rigueur, acquérir toutes sortes de connaissances, sans
avoir recours à aucune autre langue, morte ou vivante. Nous avons même l'exemple d'un
poéte illustre, le pi emier et le plus populaire des poétes franeais de nos jours, qui n'a jamais
appris un mot de grec ni de lalin. En bien I malgré tant de ressources, les etudes classiques
sont de plus en plus encouragées en France. La langue grecque qui avait été un peu negligée,
vient d'être rendue obligatoire dés la septième classe. Il faut donc que les hommes éminents
gin sont A la tête de I:instruction publique aient reconnu A la littérature hellénique des guali-
tés précieuses, qualités que nul autre moyen ne peut suppleer, pour en imposer l'étude au
même instant que celle de la langue latine. Ils ont cru devoir s'y prendre de bonne heure,
afin de mieux incalquer la connaissance du grec litteral dans l'esprit des enfants, afin de la
rendre plus solide et plus durable. Quelles sont done les raisons qui ont pu determiner A cet
égard les Ministres et le Conseil Royal d'instruction publique ? Ces raisons, Messieurs, vous les
connaissez ; elles se trouvent exposées dans les écnts des hommes les plus eloquents, des
plus beaux genies de tous les Ages, depuis Horace et Ciceron jusqu'A l'auteur du Télemaque. Je
me bornerai a deux citations : La chose du monde la plus certaine pour moi, disait Erasme,
c'est que nous ne sommes rien en aucun genre de littérature, sans la connaissance du grec (0 millos
nos esse in litteris, sine graecitate*). L'auteur d'Emile, pour former le gait de son élève,
s'adresse A des auteurs grecs.
Malgre des autorités si imposantes, Fatale de la langue grecque, grâce aux plaisanteries
de quelques beaux-esprits, avait été negligée en France, surtout après la revolution. Mais les
tristes effets de cette negligence n'ont pas tarde à se faire sentir. Ainsi, l'importance et l'utilité
de cette etude ont été confirmées par des preuves de tout genre : le raisonnement, l'autorité des
faits dans le passé, l'exemple contemporain des Universités d'Angleterre et d'Allemagne, enfin
la double experience qui eut lieu dans ce pays, d'abord positive, et puis en sens contraire.
Voila ce qui m'a decide, 'Messieurs, à mettre dans mon premier envoi pour la bibliothè-
que publique de Jassy la collection des classiques latins, publiée par Panckouke. C'est pour la
même raison que je n'ai pas choisi des editions savantes, accompagnées de commentaires éten-
dus. En effct, peu de personnes à present voudraient ou pourraient se servir de ces editions
surchargées de notes érudites sous lesquelles le texte est en quelque sorte étouffé ; tandis que,
dans la collection de Panckouke, la traduction franeaise mise en regard peut aides le lecteur
-sans le fatiguer. Elle peut même contribuer A inspirer le goat des etudes classiques à ceux qui
n'avaient pas eu l'occasion de s'en occuper et le raviver dans les autres. Quant aux editions
critiques ou variorum), nous aurons le temps de nous en occuper, A mesure que le besoin s'en
fera sentir.
La Bibliothéque publique de Iassy aunt déjà abonnée à l'excellente collection des
classiques grecs de Mrs. Firmin Didot, je n'aurai qu'A continuer l'envoi des volumes nouveaux
qui se succédent avec assez de rapidité.
J'ai joint A ce premier envoi tous les volumes du Journal de connaissances utiles, qui ont
paru jusqu'A ce jour. J'ai cru devoir commencer par ce travail, parcequ'il est le plus simple et
le plus économique. Cependant, il est loin d'être suffisant. Je demande done A l'honorable

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7 N. PICCOLO ET LA CURATE= DES ECOLES PUBLIQUES DE MOLDANIE 241

CurateIle l'autorisation d'abonner la Bibliotheque publique A la Revue scientzfique el zndustrielle


du Dr. Quesneville, dont j'envoie le prospectus conjointement avec celui de la Bibliotheque des
sciences el des arts. Cette dernière collection me paratt encore indispensable. Elle sera composée
de 70 volumes dont il n'a paru que 19 jusqu'à present. Si l'honorable Curatelle l'approuve, je
prendrai, parmi les volumes déjà publiés, les parties qui sont completes pour les réunir au pro-
chain envoi. Cet envoi pourra se faire vers la fin d'avril, si les fonds me sont envoyés A temps.
Ayant pourvu au plus pressé par rapport aux etudes classiques et A la partie industrielle,
voici le plan que je me propose de suivre A l'avenir, sauf approbation de l'honorable CurateIle.
Je crois devoir in' attacher principalement : 10 A completer la collection des meilleurs ouvrages
de la longue franeaise ; 2° A réunir les meilleures histoires, soit originales, soit traduites ; 3
A procurer de bons ouvrages élémentaires pour la littérature, le droit, etc, ainsi que les ouvrages
nouveaux les plus marquants, soit dans les sciences ou sous le rapport littéraire. Quant
aux instruments ou appareils, j'attendrai les ordres de l'honorable Curatelle.
Enfin, Messieurs, toutes mes pensées n'auront pour objet que le devoir de contribuer
autant qu'il est en moi, au progres des établissements que vous dirigez avec tant de zèle.
Aidé de vos lumières, je ferai tous Ines efforts pour remplir les intentions généreuses du Prince
éclairé que la Providence a donne A la Moldavie, et pour justifier la confiance dont vous m'ho-
norez.
N. Piccolo
12, rue de l'Abbaye
Paris, le 5 janvier 1841, n.st.

Archives de l'Etat Bucarest, ibidem, f. 29, 51, 30, original.

Annexe n° 5
A l'honorable Curatelle de l'instruction publique
Rapport
Au commencement d'avril, j'eus l'honneur d'accuser A Mr. le P. N. Soutzo reception
de la lettre de l'honorable Curatelle en date de 28 février (v.st.) sous No. 25, ainsi que de la
somme de quatre mille treize francs (4.013 fr.) que je touchai chez Mr. Eichtal. En méme
temps, j'envoyai une note de M. Pixii, avec l'estimation des instruments commandés par
l'honorable Curatelle, et les époques on ils pourraient are préts. J'ai fait confectionner, avec
le plus grand soin, ceux d'entre ces instruments qui exigeaient le moins long délai. Ils ne furent
prets que 40 jours après le terme fixé par M. Pixii lui-meme. Je me suis vivement plaint de ce
retard. M. Pixii s'excuse, en disant qu'il était lui-meme victime des ouvriers qui lui avaient
manqué de parole, et qu'il n'était pas moins désolé que moi-méme de ce contre-temps. Enfin,
le 3 juillet les instruments furent expédies en deux caisses, accompagnées d'une troisieme
contenant des livres, dont la note est ci-jointe. Quant A celle des instruments, j'eus l'honneur
de l'adresser A l'honorable Curatelle le 1/13 courant, par le canal de M. le P. N. Sout7o Les caisses,
marquees P.Y., n-os 154-155-156, ont Re adressées (comme celles du premier envoi) A
M. Michel Dem. Curtis fils de Vienne, avec recommandation expresse de les expédier immédia-
tement A Iassy, A l'adresse de M. le P. N. Soutzo.
Pour les instruments qui, vu la longueur du terme, n'ont pu ttre achetés, j'attends les
ordres de l'honorable Curatelle, ainsi que l'envoi des fonds nécessaires. Le compte ci-joint fait
voir que j'ai dépensé 1.214 fr. 50 c. au-delA de la somme qui était A ma disposition. II serait A
désirer, pour la promptitude ct la régularité du service, que l'allocation semestrielle filt envo-

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242 N. ISAR 8

yée exactement. I' serait bon aussi de s'y prendre de bonne heure pour commander les instru-
2nents nécessaues aux cours de chimie, de physique, etc. afin de donner au fabrieant le temps
de les préparer ou de les mettre en état.
La bibliothèque des elassiques latins" par Panckouke, en 178 vol. in-80, est complete.
Conformétnent aux ordres de l'honorable Curatelie je continue A m'occuper de la collection des
.classlques franeais, mats sans precipitation toute fois, tachant de profiter, autant que possible
des occasions ou des ventes publiques, pour le plus grand avantage de la bibliothèque publique
de Iassy. Quant aux ouvrages des auteurs vivants, Its sont, en general, d'un prix tres élevé.
J'aurai done pour régle de n'acheter, des livres de ce genre, que ceux dont le mérite extraordi-
naire ou le besom urgent contrebalancerait la cherté. L'honorable Curatelie pout se reposer
sur mon zèle dans Faccomplissement de mes devoirs. Mon vceu le plus cher est de justifier sa
confiance et contribuer A la prospérité d'un établissement éminemment propre à répandre le
_gait de 'Instruction, et A consolider les bienfaits d'une administration sage et eivilisatrice.

N. Piccolo Dr. M.
12, rue de l'Abbaye
Paris, le 27/15 juillet, 1841.
Archives de l'Etat Bucarest, Ibidem, f. 28,52, original.

Annexe n° 6
Monsieur,
L'instruction publique en Moldavie est dotée d'un revenu fixe qui dans l'origine a offert
A la fin de chaque année un excédant considerable; mais plus les progrès de l'instruetion se
développèrent plus l'excédant susmentionne diminue graduellement jusqu'A disparaitre tout A
fait. Des écoles primaires ont été chaque année ajoutées aux précédentes ; de nouvelles chaires
ont été créées A mesure que se sont formes des élèves ; un institut de jeunes idles, un institut pra-
tique de métiers ont requis pour leur fondation de fraiche date une forte allocation de dépenses ;
des constructions indispensables et des acquisitions d'édifices dans la ville aussi bien que dans
les districts ont fini par absorber l'excedent des ressources accumulées pendant les années
précédentes. Pour suffire A ce surcroit de dépenses la Curatelle a successivement supprimé
tout ce qui avait le caractère du luxe ou de la superfluité.
Pendant l'année courante une réforme dans l'administration des écoles était devenue
imminente. L'assemblée genérate en a pour ainsi dire impose robligation A la Curatelle qui s'en
occupe sans relache depuis près de trois mois ; mais en se rendant compte de ses ressources la
Curatelle s'est convaincue que la plupart des ameliorations projetées, ameliorations indispensa-
bles pour la marche progressive de l'instruction ne pouvaient se réaliser A cause de l'insuffisance
des moyens.
Dans cet état de choses et jusqu'A ce qu'il soit possible au gouvernement d'allouer en
faveur de l'instruction publique un surcroit de ressources, la Curatelle a dû s'imposer les plus
strictes economies, afin de faire face aux besoins les plus urgents.
Reconnaissant avec gratitude les services que depuis plusieurs années vous avez rendus,
Monsieur, aux Ecoles de la Moldavie et l'intérét que vous n'avez cessé de vouer aux progrès de
l'instruction, la Curatelle vous prie de vous pénétrer de l'embarras qu'elle éprouve A continuer
pour le moment de consacrer à l'acquisition d'instruments et de livres, une somme qui employee
au développement de l'enseignement primaire aurait donne à cette branche essentielle de l'édu-
'cation publique une impulssion importante et qui est devenue de toute nécessité.

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9 N. !PICCOLO ET LA CURATELLE DES ncoLEs PUBLIQUES DE MOLDANTIE 243

Cet exposé succint suffira pour vous faire apprécier, Mr., les motifs qui obligent la Cura-
telle de suspendre dès ce moment tout achat d'instruments et de livres et pour vous engager
sans doute A renoncer en méme temps h la continuation du traltement qui vous était alloué
A cette fin.
En terminant la Curatelle vous prie, Mr., de la mettre au plutôt A même de régler les
comptes relatifs A la somme qui était destmée A l'acquisition des livres, afin qu'elle puisse dresser
A temps son budget pour l'année prochaine et préparer l'introduction de quelques-unes des
reformes qu'elle a projetées.
La CurateIle saisit cette occasion pour vous assurer, Mr., de sa parfaite estime et de sa
consideration la plus distinguée.
Iassi, le 21 oclobre 1843
3 novembre
N. 643/sept. 29
A. Mr. le Docteur N. de Piccolo
Rue du pot de fer (St. Sulpice) N. 14, A Paris
Archives de l'Etat Bucarest, ibidem, f. 17, 20, brouillon.

_Annexe n° 7
CurateIle de l'Instruction publique
de la principauté de Moldavie
N° 142
2 mars 1844
Jassy
A l'honorable Trésorerie.

La Curatelle ayant appris que M. le Dr. N. Piccolo, actuellement A Paris, doit recevoir
(le la Trésorerie le salaire qu'il touchait auparavant de la caisse des écoles et qui, avec votre
assentiment, a cessé de lui étre dtr A partir du ler décembre 1843 ; attendu d'autre part que le
susnommé a retenu des comptes qu'il avait avec la Curatelle son salaire pour une période de six
mois, c'est-à-dire du ler décembre 1843 au mois de juin 1844, en valeur de 1 475 francs, c'est-A-
dire mille quatre cent soixante quinze francs ; prie la Tresorerie de verser la somme ci-dessus,
qui est l'équivalent de son salaire pour une demi-année, au caissier des écoles et dorenavant, A
partir du ler juin, M. Piccolo l'enverra directement.

A. Bals
Archives de l'Etat Bucarest, ibidem, f. 21.

Annexe n° 8
A M. le Secrétaire
N° 203
24 mars 1844

Etant donne que, d'après les comptes envoyés par M. Piccolo de Paris, il a encore A rece-
voir, pour l'achat des livres et des instruments pour l'Académie, une difference de 120 francs,
M. le Secrétaire paiera cette somme de sur les fonds extraordinaires et enverra la somme ci-dessus

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244 N. ISAR 10

4 Paris ; en outre, 11 paiera 15 lei pour acquitter les provisions et 3 lei 30 paras pour frais d'expe-
dition de la lettre au banquier Mihel Daniel de Jassy, soit en lei, au total, 300 lei 18 paras.

Archives de l'Etat Bucarest, ibidem, f. 23, brouillon.

Annexe no 9
Curatelle de l'Instruction publique
de la principauté de Moldavie

2 juin 1844
Jassy

A l'honorable Trisorerie.

Par l'adresse n° 142, la CurateIle a prié l'honorable Trésorerie de bien vouloir verser,
de sur le salaire de M. le Doeteur Piccolo qu'elle tient du gouvernement, la somme de 1 475
francs, soit 4 425 lei, que le susnommé a encaissée a l'avance du fonds des écoles, somme qui
n'a pas été recue jusqu'à ce jour. C'est pourquoi nous prions pour la seconde fols la Trésorerie
d'ordonner sans retard que cette somme soit versée au caissier des écoles, ear elle est absolument
nécessaire.

Archives de l'Etat Bucarest, ibidem, f. 22, copie.

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LE MOTIF POÉTIQUE «L'ÉPREUVE DE L'AMOUR» DANS
LE FOLKLORE SUD-EST EUROPÉEN (I)

ADRIAN FOCH I

L51111 des principaux problèmes que se sont posés les créateurs popu-
laires du monde entier et de tous les temps est la définition de l'amour
qui unit un couple de jeunes gens. Ce sujet poétique se rencontre, bien
que sous des formes différentes, chez tous les peuples d'Europe et égale-
ment clans d'autres continents (Asie et Afrique) et ne connait pas moins
de quatre cycles de motifs parfaitement individualisés. Ce qui montre,
sans conteste, que l'idée a intéressé toujours et tout le monde.
La plus ancienne attestation européenne du motif se rencontre (IAA
dans Pantiquité grecque, notamment dans la grande littérature classique.
Il s'agit de la légende d'« Alceste », laquelle a connu un développement
exceptionnel dans l'ceuvre des grands tragiques1. Le motif, connu dans des
formes folkloriques, se trouve chez les Néo-Grecs, les Slaves du sud, les
Roumains, les Hongrois, les Russes, les Persans, les Hindous, les Kabyles
et les Soudanais et se résume ainsi : un jeune homme est menacé d'une
mort prématurée (le jour mérne du mariage), ce dont il est averti mira-
culeusement. Il ne peut être sauvé que si l'un des siens accepte de mourir
sa place, ou de lui céder une partie de ses années, de vie. Le père, la
mére, la sceur, les frères et les beaux-frères refusent le sacrifice ; seule la
bien-aimée l'accepte, ce dont elle est recompensée à la fin 2.
Le deuxième motif de ce cycle n'a pas la vénérable ancien.neté du
premier, mais con.nait toutefois une diffusion européenne générale et est
entré dans la littérature du genre sous le n.om de « die Losgekaufte ». Ort
1 Voir à ce sujet Liviu Rusu, Eschil, Sofocle. Euripule, Bucarest, 1961, P. 273-277,
chap. Alcesta ». gtant donné que ce fait a jusqu'ici échappé à l'attention des chercheurs,
nous mentionnons ici que la légende d'Alceste trouve déjà un parallèle dans le Mahabharata.
L'ouvrage de Ditandy, Parallèle d'un episode de l'ancienne poésie inchenne avec des poèmes de
rantiguité classIgue, oil est faite l'analyse comparative avec Savitri, ne nous a toulefois pas été
access' ble,
2 L'étude sur ce thème a été écrite par G. A. Megas : Die Sage von Alkestis, dans Ar-
chiv fur Religionvvissenschaft * 30 (1933), P. 1-33, republiée dans Laografia *25 (1967),
p. 158-191.
REV. ETUDES SUD-EST EUROP., XII, 2, P. 245-266, BUCAREST, 1974

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246 ADRIAN FOCHT 2

peut le définir ainsi du point de vue poétique : une jeune fille est en.levée
par les pirates. Elle demande à ses propres parents de la racheter, mais
tous refusent. Seul le bien-aim6 offre la somrue du rachat et la jeune fille
est sauv6e 3. Une variante de ce motif coxnprend l'idée inverse : « le jeune
homme est en prison., pour des raisons pas toujours claires. Il prie les sieris
de l'en sortir, mais seule la bien-airnée, par ses prières ou ses menaces,
ou par un modeste cadeau fait au ge6lier, réussit à le sawyer, en lui rache-
tant la vie 4.
Le troisième motif est celui du sauvetage de la noyade du héros
ou de l'h6rolne et se résume ainsi : un jeune homme ou une jeune femme
dan.s la situation réelle ou simulée de se noyer, West pas sauvé (ou sauvée)
par ses proches parents mais par son bien-aimé (ou sa bien-aimée) 5.
Le quatrieme motif doit etre appelé « le serpent dans le sein, », car
il a le con.tenu suivant : un serpent entre dans le sein d'un, jeune homme ou
d'une jeun.e femme pendant son soxnmeil. Il (on elle), s'adresse à ses
proches parents, tour à tour, en les priant de sortir le serpent du sein.,
pour lui sauver la vie. Tons se dérobent, en excusant de différentes ma-
nières leur peur on leur indifférence. Lorsqu'il (ou elle) s'adresse à son
(ou sa) bien aimé, celui-ci (ou celle-ci), sans hésiter, lui enlève le serpent
du sein, lequel, parfois, pour récompenser sa fidélité, son dévouernent
et son esprit de sacrifice, se transforme en un objet précieux 6
Tous ces quatre motifs se retrouvent chez les Roumains et chez les
peuples sud-est européens. Leur Uncle, dans leurs connexions internes
et les relations entre leurs motifs, exigerait certainement, le travail d'une
vie entière. Etant donné que pour quelques-uns de ces motifs, pris sépa-
rément, des ouvrages d'un.e certaine pertin.ence ont été écrits, nous ne
nous occuperons que d'un seul de ces quatre motifs, non encore étudi6
jusqu'ici, à savoir « le motif du serpent dans le sein u. Il y a encore deux
raisons pour lesquelles nous nous sommes arrété : a) il est limité
comme circulation à la zone du sud-est européen, &taut con.n.0 par les
Roumains, les Bulgares, les .A.roumains, les Macédoniens, les Serbo-
Croates et les Ilongrois et b) ji permet un. son.dage adéquat dans Phistoire
3 Le motu f a été étudié par Erich Pohl, Die deutsche Volksballade V071 der o Losgekaufien».
Ein Versuch zur Erforschung des Ursprungs und Werdeganges eincr Volksballade von europclischer
Verbreitung, Ilelsinki, 1934, (FFC XXXVIII, 105). Il avait été éttidie auparavant par le même
G. A. Megas : Die Ballade von der Losgekauflen, dans Jahrbuch fur Volksliedforschung 3 (1932),
p. 54-73, republie dans o Laografia s, 25 (1967), p. 373-398.
4 Al I. Amzulescu, op. cit., vol. I, p. 198-199, n° 243 : Le prisonnier et la bien-aimee.
14 variantes, avec le contenu suivant : o Le gaillard emprisonné ne peut etre sauvé des fers
par les parents et les freres moyennant de riches cadeaux. Seuls la prière ou la menace de
la bien-année, ou le rnodeste cadeau qu'elle offre ou promet, libère le prisonmer a. Voir aussi
Erich Pohl, op. cit., p 341-342.
6 Le motif n'a pas élé éludie indépendamment jusqu'ici. Il a été étudié tangentiellement
chez nous par D. Caracostea, Balada zisci istoried [La ballade dite historique], dans «Revista
fundatiilor s (10 (1943), n° 5, p. 369-370 (vmr aussi Poezia tradtlionala rorntina [La poésie tra-
ditionnelle roumaine], Bucarest, 1969, vol. II, p. 105-106), où ii montre que les Serbo-Croates
ont realise une version supérieure à toutes les autres versions nationales, l'o épreuve de l'amour s,
étant faite successivement par les deux amoureux. Le materiel roumain chez Al. I. Arnzulescu,
Balade populare ronidneVi [Ballades populaires roumaines], Bucarest, 1964, vol. I, p. 60-67;
le materiel bulgare dans le catalogue d'Anton P. Stoilov, 17oxaameif ne,avnanume npea
XIX «ese 6b.leapcim napoanu necnu, n° 774, 856; le materiel serbo-croate chez L. K. Goetz,
Volkslied und Volksleben der Kroaten und Serben, vol. II, p. 119-120.
6 Le sujet n'a pas encore été étudie jusqu'ici. Le meme Erich Pohl l'a étudie tout
A fait tangentiellement et superfictellement.

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.L'EPREIRVE DE L'AIVIOUR. DAN'S LE FOLKLORE SUD-EST EUROPEEN 247

du motif et l'examen de sa diffusion dans la, zone. Il représente une He


compacte et relativement hom.ogène, bien détermin.ée géographiquement
l'intérieur de l'Europe, île entourée comme par un océan par les autres
motifs énumérés ci-dessus, ce qui fixe Pacte de gel-1.6s° des différentes
versions n.ationales à l'intérieur de cette zone. En outre, ces versions na-
tionales conservent différents stades historiques du développement de
l'idée poétique, en nous offrant, d.'un.e manière frappante, la possibilité
de déterminer la stratification du sujet par étapes ehronologiques.
semble probable que ce motif s'est développé en connexion avec tous ceux
qui composent le cycle de épreuve de l'amour », d'autant plus que cer-
tain.s circulent parallèlernent et concomitamment chez les mêmes pen-
pies ; il n.'est pas moins vrai que le sujet s'est fortement individualisé par
toute sa structure artistique en deven.ant une pièce représentative pour
le folklore de la zon.e, de toute faon plus représentative que tout autre
motif xnentionné ci-dessus.
Comme on le voit, dans tons ces quatre cas énumérés, il s'agit de
définition du sentiment de l'amour. Cette définition ne se produit
toutefois pas d'une manière discursive, mais par des moyens poétiques,
l'aide de la comparaison par antithèse. C'est ainsi que sont mis face à,
face l'amour des parents et des frères et le sentiment qui unit deux jeunes
amoureux. Cette dernière espèce d'amour est mise au-dessus de l'amour
une véritable hiérarchie étant ainsi créée dans le cadre du même
sentiment. La caractéristique essentielle exaltée par la poésie est le dé-
vouement des amoureux et leur capacité de sacrifice réciproque. L'arnour
devient ainsi à ce niveau, un sentiment total, abyssal, irréversible ; selon
la conception populaire la plus authentique, il peut engendrer les moments
les plus sublimes d'élévation, de mkne que les catastrophes les plus doulou-
reuses. Les textes dont nous nous occupons tranchent non seulement le
problème des moments les plus aigus de sublimation. L'idée ne surgit pas
accidentellement à l'intérieur de ce cycle de ballades, mais possède une
large et expressive diffusion dans le cadre de la création lyrique populaire,
ce qui montre qu.'il s'agit d'une conception unitaire et largement répan.due
dans le folklore 7. Nous D.OUS trouvons done, avec le sujet que nous étudion.s,
dan.s le tréfonds le plus typique de la mentalité populaire de la zone et la
présente étude approfon.dit justement l'un des traits fondamentaux de la
psychologie folklorique, la conception populaire de l'amour et de ses signi-
fication.s. En fait, il s'agit de l'hymn.e le plus noble élevé à, un sentiment
étern.el et universel, lequel a fourni à Part d'inn.ombrables sujets de chefs-
d'ceuvres. Avec la conviction que n.ous nous trouvon.s dans la voie de la
découverte d'un chef-d'ceuvre, n.ous passons A, l'étude analytique des
matériaux documentaires dont nous disposons.
7 Voir dans ce sens dans la poésie lyrique populaire roumaine, I. U. Jainik et A. Bit.-
seanu, Doine si strigiituri din Ardeal [Complaintes et vers satiriques ou d'amour improvisés,
que les jeunes gens chantent en Transylvarne, en dansant, accompagnés de cris de joie]. Ed.
de l'Académie de la République Socialiste de Roumanie, Bucarest, 1968, P. 219, text. XXII
et XXIV et p. 561. Nous connaissons aussi quelques parallèles yougoslaves de Yid& : L. K. Goetz,
op. cit., p. 118-119 : e So verkiindet das Madchen, dass der Liebste ihm teurer sei als die
eigene Mutter ; ein Gleiches sagt der Bursche von der Geliebten ». L'idée que l'amour entre
les deux jeunes gens est supérieur à l'amour des parents se trouve aussi chez Herbert Peukert
Serbokroallsche und makedonische Volkslyrik. Gestaltuntersuchung. Berlin, 1961, p. 68 80, le
cycle avec le schema : a Ja bih draga najvolija

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248 ADRIAN FO CHI 4

LA VERîION HOUIIIAINE

Nous commençons par l'analyse comparative des matériaux de la


version roumaine. Nous bén.éficions à cette fin, du plus grand nombre de
variantes, déjà publiées ou inédites, existant dans les différentes archives
du pays. En tout, le matériel roumain. s'élève à 133 variantes, recueillies
sur tout le territoire du pays 8, au cours de plus de 100 an.s. Les plus an-
eiennes variantes roumaines conn.ues ont été recueillies en 1863 9, mais
y a des indices péremptoires que le texte était connu méme avant cette
date, sans avoir toutefois été recueilli. C'est ainsi qu'en 1861, le poéte
Haralamb Grandea publiait une adaptation assez imparafaite du sujet ",
ce qui montre avec certitude que celui-ci par sa diffusion. était
la portée de n'importe qui. Ce qui est certain., c'est que dan.s le recueil
classique de Vasile A.lecsan.dri, notre sujet ne figure pas. La circulation
du texte roumain, tel qu'elle résulte du grand nombre de variantes dont
nous disposons, prouve que n.ous avons affaire à l'un.e des création.s les.
plus répandues de la ballade roumaine. Au demeurant, les in.vestigateurs
de l'In.stitut d'ethnographie et de folklore de Bucarest ne Pen.registrent
méme plus aujourd'hui, et se contentent seulement de la signaler dans les
répertoires, tant elle est con.nue partout. Ce qui est important c'est juste-
ment ce fait, tout à fait éloquent pour la vie actuelle de cette ballade eliez
les Roumains, à savoir la grande audience dont elle jouit aujourd'hui
encore. San.s doute, cela est dû au sujet lui-mérne de la pièce, qui est de-
mandée et est appréciée. Nous pensons done, inévitablexnent, au message
de la pièce, en.core très appréciée. De méme que dan.s d'autres ouvrages,
nous présenton.s une liste du Inatériel bibliographique roumain., groupé
selon l'ordre géographique (commen.çant par la Transylvanie, suivie par
le Banat, l'Olténie et la Valachie, et finissant par la Moldavie), pour pou-
voir déterminer plus facilement les nuances typologiques des textes. Les
renvois seront faits aux numéros d'ordre de chaque variante dan.s eette
liste, tandis que Panalyse sera faite globalement, par l'examen de la théma-
tique intérieure des textes. Voiei la liste du matériel roumain.
Ion Birlea, Literaturd populard din Maramures [Littérature populaire du Maramures],
Bucarest, 1968, vol. I, p.62-65, reproduit de : Balade, colinde f i bocete din Maramure
[Ballades, cantiques de Noel et lamentations du Maramures], Bucarest, 1924 : Berbesti,
départ. de Maramures.
Dumitru Pop, Poezii populare din Sdlaj [Pastes populaires de SAlaj] dans le vol. Folclor
din Transilvania [Folklore de Transylvanie], vol. I, Bucarest, 1962, P. 203-204 : Brisesti,
&part. de Maramures.
AFC (= Archives de folklore de Cluj), FA, 04285; BAsesti, &part. de Maramures.
Tache Papahagi, Graiul i folklorul Maramuresului [Le parler et le folklore du Mara-
mures], Bucarest, 1925, p. 118 : Sieu, depart. de 1Vlaramures.
Iuliu Bugnariu, Muza somesand [La muse de Somes], Glierla, 1892, p. 28-31, reproduit
de « Familia * 22 (188r), p. 344, 346 : Cosbuc, &part. de Bistrita NAsAud.

9 La ballade circule en Transylvanie, dans le Banat, en Olténie, Valachie et dans le


nord de la Moldavie. Elle n'a pas encore 61.6 dépistée, A notre connaissance, en Dobroudja.
9 Elle a été publiée par nous dans I. U. Jarnik et A. Birseanu, op. cit., P. 881-882.
10 Revista Carpatilor s, 2 (1861), II P. 374-376, reproduite ensuite dans le vol. i Pre-
ludele s, Buc., 1862, p. 50-53, sous le titre ,Sarpele [Le serpent].

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5 <<L'EPREUIVE DE L'A_MOUR. DANS L'E FOLKLORE SUD-EST EURoPÉEN 249

C. Constantin Zamfir, Victoria Dosios, Elisabeta Moldoveanu-Nestor, 132 cfntece si jocuri din
1\idsilud [132 chansons et danses de NilsAud], Bucarest, 1958, P. 100-101 :
depart. de Bistrita Näsilud.
7. AFC. Mgt 681j : Mociu, depart. de Cluj (1963).
I. U. Jarnik et A. Birseanu, DoMe si strigeituri din Ardeal [Complaintes et vers satiriques
ou d'amour improvisés, que les jeunes gens chantent en Transylvanie en dansant, accom-
pagnés de cris de joie]. Ed. de l'Académie de la République Socialiste de Roumanie,
Bucarest, 19e8, p. 881-882 : &part. de Cluj (1863).
9. AIEF (Archives de l'Institut d'ethnographie et de folklore de Bucarest), Fgr. 6583 a
Mihai Viteazul, depart. de Alures (1938).
10 I. U. Jarnik el A. Birseanu, op. cit., p. 489 . Cugir, &part. d'Alba (1868).
AIEF, Mgt. 2721, I. v. : Ampoita, départ. d'Alba (1964).
Teofil Frincu et George Candrea, Romanii din Mania Apuseni. 111olii [Les Rournains des
Monts Apuseni (Les Moti)], Bucarest, 1888, p. 226-227: Ponor, &part. d'Alba.
13 G. Alexici, Teste din literatura poporand romeind [Textes de la littérature populaire rou-
mine], Budapest, 1899, vol. I, p. 77, reproduit de « Poporul *, 5 (1898), p. 365 : Vidra
de Sus, depart. d'Alba.
Gr. G. Tocilescu, Materialuri folkloristice [Matériaux folkloriques], Bucarest, 1900,
p. 1070-1071 : ona, &part. d'Alba.
AIEF., Fgr. 5367 b : Palos, &part. de Brasov (1934).
« Floarca darurilor o, 1907, vol. II, p. 140-141 : Cava, &part. de Brasov.
4 Convorbiri literare o, 22 (1888) p. 534-535 : Cata, depart. de Brasov et dans Christu S.
Negoescu, Poezii populare alese [Poésies populaires choisies], Bucarest, 1896, p. 57-59.
AIEF, Mgt. 1698, lIj : Dacia, depart. de Brasov.
AFC, ms. 988, p. 15-19 : Luta, &part. de Brasov (1902).
Foaia poporului o, 6 (1898), p. 409-410: Comana de Jos, départ. de Brasov.
Gb. Tulbure, Cintece din lumea veche [Chansons du vieux monde], FAgAras, 1908,
p. 38-42 : sans indication de lieu.
I. U. Jarnfk et A. Btrseanu, op. cit., p. 882 : Bungard, &part. de Sibiu (1863).
AIEF, Fgr. 918 a : Molm, &part. de Sibiu (1931).
94. Gheorghe Cernea, Comori din Ardeal [Trésors de Transylvanie], dans le vol. Folclor din
Transilvania s, Bucarest, 1969, vol. IV, p. 143-145 : Mohu, depart. de Sibiu (1938).
AIEF, Fgr. 3581 a : Blrghis, depart. de Sibiu (1935).
AIEF, Fgr. 5071 e: Retis, départ. de Sibiu (1931).
Monogratia judefului Tirnava Mare [Monographie du depart. de Tirnava Mare], Sighisoara,
1945, p. 460 : Retis, départ. de Sibiu (1930).
Miron Ponapiliu, Balade populare romdne [Ballades populaires roumaines], Jassy, 1870,
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ReNista Tinerimea romand *, 5 (1900), p. 314-315 : sans indication de lieu.
Nicolae Jula, Versuri populare din s Cimptil Ptinii s [Vers populaires de s Clinpul Pimii
dans le volume Folclor dm Transilvania, Bucarest, 1962, vol. II, p. 468-469 : Vaidei,
depart. de Hunedoara.
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Iosif Popovici, Poezii populare romdne [Poésies populaires roumaines], Oravita, 1909,
p. 85-86 : Burjuc, &part. de Hunedoara.
Ovid Densusianu, Flori alese [Fleurs choisies], Bucarest, 1920, p. 184-187 : sans indica-
tion de lieu.
Gazeta Transilvaniei s, 52 (1889), no 182 : sans indication de lieu.
« Tribuna *, 9 (1892), p. 479 : sans indication de lieu.
AIEF, Fgr. 5868 : Tirnova, départ. de Caras-Severin (1936).

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250 ADRIAN FOCHI 6

AIEF, Fgr. 6397 : Borlova, départ. de Caras-Severin (1938).


« Izvorasul s, 14 (1935), p. 187-188 : Oravita, depart. de Caras-Severin.
AIEF, Mgt. 3032, II y : Berzasca, depart. de Caras-Severin (1966).
Nicolae Ursu, Cfntece sz jocurz populare romeinesti din Valea Almdjului (Bana0[Chansons
et danses populaires roumaines de la Vallee de l'Almaj (Banat)1, Bucarest, 1958,
p. 107-108 : Rudilria, depart. de Caras-Severin.
AIEF, Fgr. 5933 b : Sirbova, depart. de Timis (1936).
Balade 196n6fene [Ballades du Banat] (Collection Lucian Costin), Craiova, sans année,
p. 29-30: sans indication de lieu.
G. Giuglea et G. VIlsan, De la Romaii din Serbia [De chez les Roumains de Serbiei,
Bucarest, 1913, p. 189-190: Costol, Yougoslavie.
G. Alexici, op. cit., p. 73-76, reproduit du « Poporul », 5 (1898), p. 364-365 : Strain
(Yougoslavie).
Petre Uglis Delapecica : Poezii si basme populare din Crisana si Banal [Patsies et contes
populaires de Crisana et du Banat], Bucarest, 1968, P. 49 : Bodrogu Vechi, Yougoslavie
(1908).
AIEF, Fgr. 2804 b Runcu, depart. de Gorj (1930).
AIEF, Fgr. 2813 : Runcu, &part. de Gorj (1930).
AIEF, Fgr. 2860 b : Runcu, départ. de Gorj (1930).
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252 ADRIAN FOCHI 8

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Ion CreangA s, 4 (1911), p. 218 : sans indication de lieu.
Une première observation qui s'impose concern.e le héros de la pike
et son titre, &taut don.né qu'il existe dans le cas présent une corres-
pondance typologique essentielle entre ces deux éléments. C'est ainsi que,
-partout, dans la version rouxn.ain.e de la ballade, il s'agit d'un héros de la
pike (un jeune homme) qui porte un nom distinctif, devenu un signe de
reconnaissan.ce de la ballade, figurant dan.s le titre même de la ballade.
Il s'agit d'habitude d'un nom dissyllabique trocha1que,lequel peut être
facilement manié dan.s le vers, toujours de 7/8 syllabes. Nous disions que

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9 «L'EPREUNE DE LAMOUR. DANS LE FOLKLORE SUD-EST EUROPEEN 253

le noxn a une valeur typologique suggestive et il en est vraiment ain.si.


C'est ainsi qu'en Transylvanie , le nom du héros est P 'dint ou Petrea,
paraissant dans 36 variantes 11, en Olténie et en Valachie son nom. est
Milea, present dan.s 41 variantes 12, Oil Mirea en 16 variantes13(avec
différentes modifications locales, comme Nilea 14, Mircea 15, Chirea 16,
Illinea 17, Illihu 18, Miu 19, Mitu 29 ,11lielu) 21 Nous rencontrons en.core
d'autres noms de la m "erne espèce (dissyllabes trochadques), comme : George22,
Toader 23, Costea 24, Toma 25, Giurgiu 26, Freda 27, Gheorghe 28, lesquela
figurent dan.s la ballade, seulement parce qu'ils s'acconlent comme rythme
et comme métrique, sans avoir une fonction typologique détermin.ée.
Dans seulement 4 cas le nom est trisyllabique : Gheorghild 29 Gheorghies 36,
Petrisor 31. Deux fois le dissyllabe est iambique : Ione 32. Le n.om est
tellement nécessaire à eette ballade que de toutes les variantes que nous
con.naisson.s, seuls 7 nous présentent le hems, sans le nommer 33. Nous
retenons don.c comme un trait spécifiqu.e de la version roumain.e, la ten-
dance de donner un nom. au héros (nom qui est Petrea en Transylvan.ie et
dans le sud du pays Milea, avec ses n.orabreux dérivés). Nous retenona
également le fait que dans absolument toutes les variantes roumaines
s'agit d'un héros, un jeune homme nubile, à la différen.ce des autres ver-
sion.s nation.ales de la zone, où le héros peut etre également une jeun.e fille
et un jeun.e homme, ou seulement une jeune fille.
Mais le fait que D.0118 rencontron.s, en general, deux noms, très
répan.dus geographiquement, n'a aucune influen.ce sur le déroulexnent de
la ballade. C'est ain.si que, presque dan.s tous les cas, la ballade commence
par une formule identique, solidifiée dans l'expression., laquelle con.stitne
une constante artistique du texte et devient un signe de recon.n.aissance
pour cette ballade : à savoir que le héros crie dans la montagne ou dan.a
des vallées profondes où il garde les vaches ou les cochons. D'habitude,
voix est très difficile à entendre et seulement sur le tard par ses parents,
" 'Var. 2, 3, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 18, 20, 22, 25, 26, 27, 29, 30, 31, 32,
33, 34, 35, 36, 37, 38, 41, 42, 45, 115, 117, 127, 132, 133,
12 Var. 19, 39, 50, 60, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 74, 75, 76, 78, 80, 81, 82, 83, 84, 85,
86, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 106, 108, 112.
13 Var. 43, 44, 46, 47, 48, 49, 51, 52, 54, 55, 56, 57, 58, 62, 64, 109.
1* Var. 124.
16 Var. 59, 63, 77, 113.
16 'Var. 79.
" Var. 87, 104, 150, 111,.
Is Var. 53.
19 Var. 103.
20 Var. 107.
21 Var. 40.
22 Var. 6, 120, 121, 122,
23 Var. 17.
24 Var. 21, 61.
25 Var. 23. 24.
26 Var. 28.
27 Var. 114.
28 Var. 123.
29 Var. 1, 4.
30 Var. 118.
31 Var. 129.
32 Var. 110, 119.
33 Var. 13, 116, 125, 126, 128, 130, 131.

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254 ADRIAN FOCHI 10

qui accourent et lui dem.an.dent pourquoi il se lamente. Le héros raconte


alors ce qui lui arrive et comment le serpent est entró dan.s son sein et il
prie qu'on l'en sorte. Ici intervienuent trois moments poétiques successifs :
le cri du héros, Parrivée des parents et le récit du héros avec sa prière.
Tous les trois moments sont parfaitemertt fixes dan.s l'expression , les
variation.s ne consistant que dan.s le vocabulaire. Étant don.née que l'ex-
pression poétique est stable et presque identique, 110118 présenton.s pour
chaque moxnent, la formule correspon.dante. C'est ain.si que pour le cri du
héros, nous présentons la variante 14:
Strigà Petru dintre lunci, Petru appelle des boqueteaux
Dintre lunci, de dupà junci, Des boqueteaux, du milieu de son troupeau
Nimenea nu-1 auzea, Mais personne ne l'entendait
Filesingurri malca-sa. Sauf sa mère qui accourait.
avec des modifications non essentielles (le remplacement du nom de
Petru par celui de Milea, ou de l'hémistiche dtt milieu de son troupeau, par
des vallées profondes), cette formule figure dan.s la plupart des variantes 34.
Deux cas qui s'éloign.ent de ce schéma doivent être xnen.tion.nés ici 35.
Dans les deux cas il s'agit d'un.e contamination avec une autre ballade,
celle du gaillard emprisonne (Catalogue d'Amzulescu n° 243) : le gaillard
enfermé dan.s une prison appelle ses proches parents pour qu'ils l'aident
à en sortir, pour le racheter de la captivité, comme dans les exemples
cités par Amzulescu (au n° 243), mais pour qu'ils lui sortent le serpent du
sein.. Les deux variantes provienn.ent du nord de la Tran.sylvanie. On
voit très bien corrunent par Passociation des deux ballades, différentes
comme xnessage artistique, ou en est arrivé à la contamination dont
nous parlous. Dan.s le nord de la Moldavie 36, le gaillard est conduit
potence et demande la permission d'appeler son père. Celni-ci vient chez
lui et à partir de ce moment on revient au conte normal : le héros demande
qu'on lui sorte le serpent du sein. .A.près le premier refus, la formule se
répète identiquement, et toute la problématique du texte s'épuise.
D'habitude, le parent qui Pentend accourt. Dans d'autres versions
n.ation.ales, la situation., comme on le verra, sera in.verse : le héros se rend
tour a. tour chez tous ses parents. La formule typique pour la version
roumairie est Pauly& des parents chez le héros, attirés par ses cris de
désespoir. Celui qui vient lui demande, selon une formule fixe :
Ce tie-e, Mireo, de ce tipi? Qu'as-tu Mirea, pourquoi cries-tu
Dintre lunci, din \Ili adinci, Des boqueteaux et des vallées profondes
Ori porcii mi i-ai pierdut, Aurais-tu perdu tes cochons
Ori chelsugul mi-ai Ou fini ta nourriture
Ori haine mi-ai ponosit, Ou abimé tes habits
Ori vremea cà ti-a venit, Ou bien le moment est-il N,,enu
Vre mea de cilsritorit? Oue tu te maries?"
34 Var. 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25,
'26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 49, 50, 51,
57. 58, 60, 63, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 75, 81, 82, 83, 84, 85, 87, 88, 89, 90, 92, 93, 94,
95, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 104, 105, 106, 108, 109, 111, 114, 115, 117, 120, 121, 122, 123,
124, 132, 133.
35 Var. 1, 4.
36 Var. 125.
37 Var. 48.

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11 .L'EPREUVE DE L'AIVLOUR. DAN'S L'E FOLKLORE SUD-EST EUROPEEN 255

La formule compren.ant seulement les premiers 5 vers est presque stable.


Les vers 6 et 7 con.stituent un élément de contamin.ation., également connu
dans d'autres ballades. Ce qui doit 'are relevé, c'est le fait que dan.s
13 cas, la ballade commence d'emblée par Parrivée des parents, san.s qu.'on
xnention.ne les cris du héros et de l'arrivée de la mère ou de quelqu'un.
d'autre 98. Le grand nombre de questions est destiné à créer Patmosphère
psychologique du moment.
La répon.se du héros est toujours parallèle. Il dit qu.'il n'a pas perdu
les cochons ou les génisses, n.'a pas fini sa nourriture, qu'il n'a pas
ablmé ses habits, et, pour la dernière question, que le moment n'est pas
venu qu'il se marie mais mais qu'il s'est couché sous un arbre (d'habi-
tude un ponunier) fleuri, que le vent a légèrement soufflé et que les fleurs
sont tombées et l'ont couvert 39, et qu'en même temps un serpent est entré
dan.s son sein. La formule qui exprime les circonstan.ces dan.s lesquelles le
serpent a pénétré dan.s son sein est presque partout d'une stabilité vraixnent
remarquable : on la retrouve, à quelques très petites variations près,
dan.s 105 variantes. C'est encore une preuve qu'il s'agit d'une unité par-
faite du texte roumain sur tout le territoire du pays. Dan.s aucun moment
de l'action, les différences ne sont tellement marquées, pour imposer
une différenciation typologique. Parce que le passage est également bien
réalisé artistiquement, nous le reproduisons d'après la variante 94
Da eu, taicA, am gresit, Oui, c'est moi, papa, qui ai eu tort
Am gresit de-am adormit J'ai eu le tort de m'endormir
Sub un pom mare-nflorit, Sous un grand arbre fleuri,
Un vint mare mi-a bAtut, Un gros vent a soufflé,
Si pomul s-a clAtinat, L'arbre s'est balance,
Florile m-au presurat, Les fleurs m'ont couvert,
Sarpe-n sin cA ml-a intrat. Le serpent est entré dans mon sein.
Mentionnons que ce passage ne figure dans aucune des autres versions
nationales de la ballade
La description du serpent est moin.s stable comme expression poé-
tique et marque le début de Patmosphère fantastique. C'est encore un
trait spécifique de la v'ersion roumain.e, dans le sens qu'elle prépare déjà
le moment mkaphorique de la tran.sformation du serpent en ceinture
d'or, qui sera la recompense pour l'amour et le dévouement de la bien-
aimée. De sorte que, si dan.s certaines variantes très rares, la présentation
du serpent garde encore quelques traits réalistes (serpent jaundtre et vio-
lacé sous le ventre)4°, partout le serpent est présenté sous forme de dragon
(reptile rencontré souvent dans le conte populaire roumain) aux
écailles dorées 41, aux cornes d'or 42, aux queues d'or 43, hi la gueule
31 Var. 40, 48, 52, 54, 55, 56, 59, 61, 62, 77, 91, 113, 129.
39 Var. 5, 6, 9, 10, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 31, 32, 33, 34, 35,36,
37, 38, 40, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 62, 63,
64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 89,
90, 91, 92, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 111, 112, 113,
114, 117, 118, 120, 122, 123, 124, 127, 128, 129, 130, 131, 132.
49 Var. 113.
41 Var. 6, 20, 21, 49, 57, 61, 62, 65, 66, 67, 68, 71, 72, 73, 75, 78, 79, 84, 85, 86, 87,
97, 100, 109,114, 117, 119, 120.
42 Var. 7, 8, 12, 28, 70, 107.
43 Var. 48, 50, 83, 99.

6 - C. 1294
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256 A_DRIAN FOCHT 12

d'argent44, aux yeux d'or 45, aux ailes d'or 46, aux côtes d'or 47. Parfois il a trois
têtes 46, ou 9 tétes 42, 9 queues d'or 50 ou seulement 3 queues d'argent 61 ou
d'or 62. Dans deux cas, on anticipe sur la transformation du serpent en cein-
ture d'or, sans aucune allusion. à «l'épreuve de l'amour » 63. Nous avon.s pré-
senté les plus grandes variations sur cethèxne, l'in.stabilit6 du moment ne
nous permettant pas la citation d'un fragment caractéristique. Ce n'est
que dan.s le sud du pays que le serpent est présenté dan.s une formule
stable - torturant le héros. Cette formule ne contenant que trois vers est
relativement la suivante
and se-ntinde, rnd cuprinde, Lorsqu'il s'étend, il me serre,
Se zgtrceste, md sfirseste, Lorsqu'il se contracte, il me tue,
Inimioara mi-o topeste54. Il me consume le cceur.
Dan.s quelques cas dan.s le nord de la Transylvanie et de la Moldavie, nous
trouvons également une formule de contamin.ation, -venue d'un.e autre
ballade, intitulée « Le serpent » (Axn.zulescu, n° 7). Ce texte ne circule
plus dans ces provin.ces et ne se maintient plus qu'en Olténie et en Valachie,
et cornme nous l'avons montré ailleurs, s'est xnaintenu en partie en Tran-
sylvanie 66 Mais la formule dont il s'agit s'est conservée dans la ballade
dont nous nous occupons, et a la teneur suivante :
Jumdtate m-a mincat, Il m'a mange A moat&
Jumdtate nu md poate, Dans l'autre moitie il se heurte,
De curele-nttntdlate, À des courroies cloutées
De culite ascutite, A. des couteaux affettes
De furcute-ntrargintite. A des ceintures argentas 56.
On crée ain.si une assez sensible inadvertance : il n'est plus question que le
serpent soit arrache du sein du héros, mais que le héros lui-m6xne soit
arraché de la gueule du serpent. Cette solution artistique ne se trouve que
dans 15 variantes 57.
Dans l'intention du héros, la description de ses souffrances tend b,
susciter la pitié et la compassion de ses parents pour que le serpent lui
soit arraché du sein aussi rapidement que possible ; en réalité, il ne réussit
qu'à les effrayer l'un après l'autre, d'autant plus qu'il leur con.seille de
44 Var. 109.
45 Var. 123.
46 'Var. 22.
47 Var. 19.
44 Var. 30, 35, 83, 88, 90, 91, 92.
46 \T
60 'Var. 16, 77.
61 'Var. 101.
52 Var. 80, 81, 82, 106, 112.
52 Var. 9, 25.
54 Var. 27, 42, 43, 44, 46, 47, 48, 50, 52, 53, 54, 55, 56, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65,
67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 87, 90. 92, 95, 96, 97,
98, 99, 100, 101, 109, 112.
55 I. U. Jarnik et A. Birseanu, op. cit., p. 874, oil sont reproduits 2 fragments et des
renvois a d'autres pubhés par I. Pop-Reteganul et Ilarion Cocisiu.
66 Var. 33.
57 Var. 2, 33, 34, 37, 110, 115, 116, 120, 121, 123, 128, 129, 130, 132, 133.

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13 .LSPREUWE DE L'AMOUR» DA.NS LE NOLICLORE STJD-EST EUROPEEN 257

s'envelopper la xnain pour qu'il ne leur arrive rien. 58. Dans le sud du pays,
eette formule, assez instable est associée à la suivante :
Bag-o sin, pe sub zabun Mets la main, sous le sarrau
scoate §arpe din sin 59. Et arrache-moi le serpent du sein.
Mais comme n.ous le disions, toutes ses paroles out le don d'effrayer ceux
qu.'il appelle, au lieu de les décider de le sauver, leur refus catégo-
rique. Le refus des parents revel également une série de formules fixes,
comme suit. C'est ainsi que sur tout le territoire du pays, la formule qui
exprime cette idée est constituée des deux vers conjoints suivants
Decit eu fArd de mind, Pinta que rester sans main
Mai bine färd de tine. Je préfère rester sans toi 60.

La formule se retrouve dans pas moins de 85 variantes, ce qui représente


63 % et montre sa stabilité relative. Ce qui est remarquable, c'est le fait
que n.ous la rencontrons aussi bien en Trausylvanie qu'en Olténie, en Vala-
chie et en Moldavie. C'est la preuve que nous sommes en présen.ce d'un.
moment artistique réussi et certain.ement très an.cien.. C'est pourquoi Ou
ne saurait parler d'une typologie locale ou régionale de la ballade en question.
Elle n.e con.n.alt qu'une seule forme typologique, relativement stable,
sur tout le territoire du pays. Dan.s 45 cas, on la trouve seule, dan.s sa
forme simple in.diquée ci-dessus, étant suffisante pour l'expression inté-
grale de l'idée poétique. Dan.s les autres 45 cas, on y ajoute qaelquesvers
explicatifs, jusqu.'à 4 et même 6 vers. Mais ceux-ci représentent la partie
mobile de la formule et ils constituent certainement une addition récente
ou plus récente. Eu gén&al, ce supplément content l'idée que si les parents
demeurent en vie, ils auront un autre enfant à la place du héros 61; que
s'il y aura la paix dans le pays, ils en auront un autre 62; qu'ils ne peuvent
risquer la main ou la vie pour lui, car ils peuvent vivre san.s lui, mais pas
san.s xnain 63; qu.'ils ne peuvent rester man.chots pour lui 64: qu'ils ont
encore d'autres enfants a, la maison qui les consolent de sa perte 65.
Comme on le voit, la motivation du refus est plus mobile, bien qu'il ne
s'agisse que d'un nombre réduit d'idées. Cette motivation, bien qu'elle

58 En Transylvanie et en partie en Moldavie on emploie le terme chtndeu ou chescheneu :


var. 8, 11, 14, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 29, 30, 31, 32, 36, 37, 42, 114, 124;
en Oltéme et en Valachie, les termes basma [fichu] : var. 47, 49, 51, 52, 53, 54, 55, 57, 58,
59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 67, 68, 69, 71, 72, 73, 74, 76,77,79, 80, 82, 83, 86, 87, 88, 89, 90, 91,
94, 95, 96, 98, 99, 100, 101, 105, 106, 107, 112, 113, 116, 127, 132, plus rarement naframa
[fiehu] var. 28; mamma [long voile de gaze porté par les paysannes] : var. 35, 111; cirpa
[chiffon], var. 38, 43; tergar [fichu de téte] : var. 56; batista [mouchoir], var. 70; fervet
[serviette] : var. 109; seulement qu'elle recouvre sa main : var. 12, 84, 85, 97.
59 Var. 63, 64, 75, 78, 80, 81, 83, 85, 86, 96, 97, 100, 106, 112.
6° Var. 7, 9, 10, 11, 12, 14, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 29, 31, 32,35,
37, 41, 42, 43, 46, 47, 49, 50, 52, 53, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71,
72, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100,
101, 102, 104, 105, 106, 111, 113, 117, 124, 132, 133.
61 Var. 28, 32, 41, 70, 88, 94, 107.
62 Var. 62, 65, 117, 120, 132.
63 Var. 44, 46, 60, 95.
64 Var. 62, 70, 107, 109.
65 Var. 30, 75, 78, 84, 85, 97, 98, 131.

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258 ADRIAN FOCHI 14

se trouve aussi en Transylvanie, est plus fréquente dans le sud du pays,


en Olténie et en Valachie. Nous présentons la situation dans les notes
bibliographiques 66. En même temps que cette formule, nous trouvons
en Transylvanie et en Moldavie une deuxième formule poétique fixe,
laquelle a cependant une diffusion plus réduite. Elle a aussi seulement
deux vers, qui sont les suivants.
FArd mina nu pot fi, Sans tnain je ne peux pas 8tre.
FArd tine pot trdi 67. Sans toi je peux vivre.
C'est exactement la même idée que nous rencontrons dans les variantes
bulgares. Parfois, elle figure seule, mais la plupart du temps elle est accom-
pagnée d'éléments flottants (vers explicatifs) de la mane série que dans la
formule décrite antérieurement. C'est ainsi que la for mule est parfois précé-
dée d'un distique - qui exprime clairement le refus des parents, motivé
par la peur d'être mordus par le serpent 68 - ou bien est suivie d'un autre
qui montre que les parents auront un autre enfant à la place du héros 69.
En général, les deux for mules fixes que nous avons signalées sont accom-
pagnées des mêmes éléments mobiles et flottants 70 Si nous portons un
jugement sur ce qui a été dit ci-dessus, nous de-vons montr er que la ver sion
roumaine de la ballade est caraetérisée par la présenee de deux formules
fixes pour exprimer le refus des parents (l'une à circulation générale,
l'autre à diffusion locale), souvent accompagnées d'éléments explicatifs,
plus ou moins improvisés, ce qui prouve que le texte quoique três bien
fixé dans son expression traditionnelle, est encore -vivant et productif,
perrnettant à différents intexprètes d'intervenir avec leur propre création
pour exprimer les nuances psychologiques du refus. En effet, ce qui
semble earactériser la version roumaine A, ce moment de son déroulement,
c'est la tendance à motiver psychologiquement le refus, à le rendre moins
brutal et douloureux pour le héros. Nous devons faire ici une observation
quant à la répétition du refus. En génér al, il est rEpris par tous les parents
sollicités, sous la même forme, sans modifications essEntielles. Les seules
différences entre les formules susmEntionnées concernent le vocatif
adressé par chaque parent ou héros (les parents Pappellent d'une manière,
les frères et sceurs d'une autre), ce qui ne modifie pas la signification du
refus. Seule la 62' variante, comprend une variation substantielle du
contenu lui-même, destinée à atténuer la monotonie du texte. Dans les
autres variantes la même for mule est employée par tous les parents, chaque
fois que le besoin se fait sentir. Ce qui est encore à retenir c'est le fait que
chaque fois, le héros répéte tout ce qu'il a dit concernant les cliconstances
de l'entrée du serpent dans son sein, ses souffrances et la demande que le
serpent lui soit enlevé. Nous assistons ainsi à une monotonie complète
du texte, des choses identiques étant tout le temps répétées et l'effet
tique escompté étant réalisé par le pz océdé de Paceumulation et non pas

66 Var. 32, 41, 44, 46, 50, 56, 60, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 74, 75, 76, 78, 80, 81, 82,83,
84, 85, 86, 87, 88, 94, 95, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 106, 111.
67 Var. 2, 3, 4, 6, 33, 34, 107, 110.
" Var. 114, 118, 121, 122, 126, 128.
al Var. 1, 115, 123.
7° Exemples typiques : var. 1, 8.

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15 «LI1PRELVVE DE L'A.MOI.M. DANS LE FOLKLORE SUD-E.ST EUROPEEN 259

par des différenciations successives ou par la reduction du caractère


épique. C'est ce qui fait, par exemple, que l'une des variantes roumaines
de la ballade, qui engage le père, la mère, le frère, la sceur et la bien-aimée,
n'a pas moins de 365 veis (var. 81, AlEF, Fgr. 8407 de 1940, recueillie
par Paula Cap du village de Caravaneti, depart. de Teleorman).
Le moment le plus plein de tension dans le déroulement de la ballade
est évidemment constitué par la discussion du héros awe ses proches
parents. C'est pourquoi nous devons y insister plus longuement. Il s'agit
en fait du nombre et de la qualité des per sonnes auxquelles le héros de-
mande l'aide. La tension ne nait pas seulement de la demande du héros
et du refus des parents, Timis egalement du i apport contradictoire entre
les neeessités du contenu et la structure méme du texte, c'est-h-dire de
la contradiction entre le contenu des pièces et les lois structurales qui les
régissent. En effet, le texte est soumis en méme temps à deux tendances
opposées : la première, consiste a, accentuer le sens dramatique de la pike
par Paccumulation du plus grand nombre possible de personnages de la
famille, tendance que l'on pourrait appeler réaliste park qu'elle exploite
tous les degrés possibles de parenté, aussi bien au niveau des parents
(père mère) qu'au niveau des frères et sceurs. On arrive ainsi au résultat
que le nombre des personnages participant à la narration soit de 5, ce
qui suppose la quintuple répétition obstinée des mémes formules poétiques.
Le procédé est typique pour la creation folklorique, laquelle procède la
plupart du temps de cette manière par de pareils systèmes de répétition,
sans appliquer le principe de la différenciation qualitative des formules
poétiques. L'accentuation dramatique du texte est faite par son allonge-
ment, suivi brusquement par le dénouement de la ballade. La seconde
tendance consiste A, donner au passage un sens symbolique, par l'emploi
du procédé inverse, d'abrégement dii texte, pour sa stylisation épique.
On emploie à cette fin le chiffre épique 3, lequel comme on sait, représente
dans le folklore le symbole de l'irréversible, du fait accompli, de la situa-
tion close. La solution, dans les variantes les plus réussies choisit un per-
sonnage au niveau des parents et un autre au niveau des frères et sceurs,
chacun considérés symboliquement et représentant le niveau de parenté
respectif. A la fin arrive la bien-aimée, en tant que porteuse de la signi-
fication symbolique de la pièce.
Afin de faire voir comment opèrent ces deux tendances dans la
version roumaine, et leur influence sur la structure des textes, nous pré-
sentons les données suivantes :
avec 5 personnages : 17 variantes
mire père frère sceur bien-aimée : 4 variantes
père mire frère sceur bien-aimée : 11 variantes
mire père sceur frère bien-aimée : 1 variante
pire mère sceur frère bien-aimée : 1 variante

Dans tous les cas ci-dessus, le schéma est fixe, comprenant toutes les rela-
tions de famine possibles, la place des parents ou des frères et sceurs étant
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260 A_DRIAN FO CHI 16

seulerrr,nt changée. Cependant le deuxième schéma est plus stable, figurant


dans 11 des 17 variantes construites sur ce type.
avec 4 personnages: 20 variantes
mere père sceur bien-année : 8 variantes
mère père frère bien-aimée : 1 variante
père mère sceur bien-aiinée : 3 variantes
sceur mere père bien-aimée : 1 variante
mère soeur père bien-aimée : 1 variante
père frère sceur bien-atmée : 1 variante
père mère frere bien-aimele : 1 variante
mère frère sceur bien-année : 1 variante
sceur père mère bien-aimée : 1 variante
frère père mère bien-année : 1 variante
mère sceur frère bien-aimée : 1 variante

Dans les cas à 4 personnages, sont absents ou l'un des parents, on l'un
des frères et sceurs.
Cependant la tendance principale consiste à faire figurer les deux
parents et seulement l'un des frères et sceurs (17 variantes sur 20). Dans
trois cas seulement sont préférés le frère et la sceur et l'un des parents.
Le schéma à 4 personn,ages apparait ainsi comme une réduction délibérée
de celui à 5 personnages, non pas comme une solution artistique indépen-
dante. Nous sentons que le processus de transition va de 5 à 3, et pas
inversement de 3 à 5.
avec 3 personnages: 71 variantes
mère père bien-aitnée : 17 variantes
pere mère sceur : 2 >7

père mère bien-année : 9 t,


mère sceur bien-aimée : 35 >7

mère pére sceur : 1 variante


sceur mère bien-aimée : 1 7>

mère père épouse : 2 variantes


père mère épouse : 2 07

mère frère bien-aimée : 1 variante


bien-aimée sceur mère : 1 77

On s'attendrait à ce qu'il y efit partout un représentant pour chacune des


deux lignes de parenté (pour les parents et pour les frères et sceurs),mais
il n'en est pas ainsi. Le plus grand nombre de variantes (35), comprend
un pareil schéma mais il y en a d'autres, dans lesquels ne figurent que les
parents et la bien-aimée (26 variantes) : mère père bien-aimée et
père mère bien-ain0e. L'examm attentif de ce tableau montre
que le schéma à 3 personnages dérive de celui de 4 et 5, étant une solution
structurale plus récente. Donc, la formule qui comprend la stylisation
épique (sur la base des triples répétitions) est, sans doute, une apparition
plus récente. Le fait toutefois que 71 variantes du total dont nous disposons
(54, 61%), optent pour cette formule, prouve que la tendance qui semble
dominer la vie de la ballade ces derniers cent ans est quand même la ten-
dance à la stylisation épique. Seulement 13% des variantes maintiennent
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17 .LIBPREUVE DE L'AMOUR. OANS LE FOLKLORE gUD-EST EUROPEEN 261

encore le schema à 5 personnages, et 15,40% le schema à 4 per sonnages.


La version roumaine n'a pas définitivement opté pour une solution ou une
autre, mais la tendance qui se manifeste le plus évidemment consiste
dans la structur ation sur trois personnages, done sur le principe de la sty-
lisation épique. Loin done d'être un texte mort, complètement ossifié, la
ver sion roumaine reflète fortement la tendance au renouvellement, dans
le sens d'une plus giande concentration du caractère épique et dans la
direction de la modernisation des procédés artistiques du folklor e.
Une observation typologique et géographique s'impose ici. C'est
ainsi que clans le nord du pays, en Tiansylvanie, la formule commune est
celle qui est organisée sur la stylisation epique (à 3 personnages) ; dans le
sud, en Olténie et en Valachie, prédomine la formule longue (à, 5 person-
pages). Nous avons dans le sud des textes de la plus giande étendue et
amplitude possibles (nous avons mentionné plus haut le texte de Cara-
-vaneti comprenant 365 -vers), où prédomine Video de la structuration la
plus veridique du contenu, tandis que dans le nord c'est l'idée de la struc-
turation symbolique des textes qui predomine. Cependant cela ne crée
pas pour autant une différenciation typologique, de nature à determiner
deux types parfaitement individualises de la version roumaine, mais
marque seulement les tendances principales des deux zones. On sait
d'ailleurs que dans le sud du pays, étant donne qu'il existe un style propre
d'interprétation libre de la ballade, les textes s'élèvent, en general,
des proportions fastueuses et pleines de grandiloquence épique, tandis
qu'en Transylvanie la ballade a pris un autre chemin de développement,
en se transposant en strophes et en reduisant au minimum le contenu
épique. La présente ballade ne fait pas exception à cette règle. Comme
on le vena par la suite, cette evolution ne s'est pas produite sous l'influ-
ence d'autres versions nationales voisines, de lame que celles-ci ont
évolué sans subir l'influence de la -version roumaine. A titre de simple
observation, nous rele-vons le fait que la version serbo-croate, contiguê
geographiquement à la zone méridionale de notre pays, manifeste une forte
tendance de stylisation epique (chez nous cinq personnages, chez eux
trois), tandis que la version hongi oise, contigue à la zone noidique de
notre pays, corms:it la tendance inverse d'allonger la ballade au delà de
la limite fixée par le contenu (chez nous trois personnages, chez les Hon-
g' ois sept). Donc, ce qui est à retenir c'est le fait que, A, ce point de son
developpement, la ballade roumaine est encore vivante et productive et
qu'elle n'a pas opte pour une solution definitive, mais penche dans cer-
taines regions pour la solution A, ti ois personnages, représentant le moment
de stylisation epique du contenu, une &tape plus récente de la -vie générale
de la ballade.
En concluant notre analyse, nous devons encore montier que la
version roumaine contient aussi 16 variantes où le schema est réduit
jusqu'à deux personnages à savoir :
mère sceur : 2 variantes
mère bien-aimée : 11 variantes
bien-aimée mere : 1 variante
père bien-aim6e : 1
frère sceur : 1

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262 ADRIAN FOCITT 18

Les situations ci-dessus, à l'exception du cas mère bien-aimée, indiquent


clairement qu'il s'agit de la dégradation plus récente de la structure de
la ballade. Nous sommes en présence de variantes peu réussies, surtout
dans les cas où la bien-aimée est absente, done la morale méme de la pièce.
D'autres 6 cas sont fragmentaires, à savoir : dans 4 il n'y a que la mère,
dans deux seulement la soeur. Nous avons ainsi achevé la discussion sur
ce moment de corruption de la ballade, pouvant déterminer, outre le
sens actuel de l'évolution des textes, leur caractère intégral ou fragmen-
taire. Dans la lutte qui se livre sur ce point entre la tradition et l'inno-
vation, entre le contenu et la structure, on n'arrive pas seulement à la
prédominance des lois artistiques de la structure, mais nous avons éga-
lement constaté le danger de la dégradation et de la fragmentation des
textes, à mesure que l'abime entre le fond et la forme s'accentue. Le
désaccord entre le contenu et la structure, entre le fond et la forme prouve
une fois de plus s'il était encore besoin que la généralisation d'un
aspect du processus de création se fait au détriment de la création elle-
m'ème, et pas seulement aux dépens de l'autre aspect.
Mais ici intervient encore un autre problème. On peut constater de
ce qui précède que la partie la plus étendue de la ballad.e est constituée
de la discussion successive du héros avec ses parents. L'agglomération,
par la répétition des mèmes formules au même fragment, n'est autre chose
que Papplication de la technique du retardement narratif, considérée par
les folkloristes comme «le procédé central » de la construction. épiquen.
Le ralentissement de la narration et le retard dans le dénouement de la
pièce, sont, dans le texte que nous étudions, particulièrement évidents :
tout le texte est construit sur cette technique. Seulement, il a deux moti-
vations, l'une concernant le contenu (les relations de famille), l'autre la
structure (le symbolisme du triplement). Le dénouement apparait comme
une cassure brusque de ce flux narratif et se concentre en un seul moment,
il n'a presque pas de durée épique. Si le moment n'a pas d'étendue épique,
il a par contre de l'aeuité, car il bouleverse tout ce qui précède, il inverse
la situation épique et même les formules poétiques précédentes. Le texte
&ant construit sur la technique du dialogue, la solution de la pièce se
place toujours dans une discussion : du héros avec sa bien-aimée, celle-ci
Atant celle qui détient la solution éthique de la pièce. C'est ainsi que dans
les variantes où le refus des parents s'exprime par la formule
Fare!' tine pot trAi, Sans toi je peux vivre
Fdrci mind nu pot fi, Sans main je ne le pulls.
la bien-aimée répond, en inversant sa signification, par la formule :
FcIrd mind pot trAi, Sans main, je peux vivre,
Fcird tine nu pot fi ; Sans toi, je ne le puis 72.
Dans le cas de l'autre formule, plus répandue, les choses se passent de la
même façon. La formule :
Dectt sà fiu rtird mina, Plutát que rester sans main
Mai bine Ord de tine Je préfére rester sans toi,
77 Voir pour cela les Notes supplémentaires chez V. I. Propp : M9rfologia basmalui [La
morphologie du conte de fees], Ed. rourn. Bucarest, 1970, p. 163-164.
72 Var. 2, 3, 33, 34, 110,128, 130.

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19 «L'EFREUNE DE L'AIDOUR» DANS LE FOLKLORE STUD-EST EUROPEEN 26a

devient par l'inversion des éléments :


Decit sè fiu fard tine, Plutôt que rester sans toi
Mai bine fiira de mtn6 73, Je préfère rester sans maul.
Et pour que les choses gagnent en signification, la bien-aimée est toujours
prete à introduire sa main dans le sein du bien-aimé, sans plus la recouvrir
du fichu 74. Parfois les choses en restent là, après la simple declaration de la
jeune fille, sans passer à Pacte 75. Mais dans la plupart des cas, soit que
la bien-aimée fasse ou non cette declaration de principe, la ballade con-
tinue, en nous présentant les choses concrètement. Dans la version rou-
maine, nous trouvons trois manières différentes de clore effectivement
la narration. Dans le premier cas, il s'agit simplement de Penlèvement du
serpent du sein 76 Nous rencontrons cette solution dans 17 variantes et
elle est totalement instable. Parfois, elle n'est suggérée que par les vers.
suivants
Si ea mina si-o bágat Et elle introduisit la main
Si pe voinic l-o scdr at Et sauva le gaillard 77.

Par ailleurs, il est dit clairement qu'elle a arraché le serpent du sein. Etant
donne que l'acte est particulièrement important pour le déroulement
artistique même du motif, nous présentons ici les exemples caractéristi-
ques 78. D'autres fois nous nous trouvons en présence d'un moment
de transition de la réalité A, la métaphore : le serpent enlevé du sein, se
mue en ceinture d'or sous les yeux des héros :
Mina nici nu invelea Elle ne recouvrait méme pas sa main
Si de cap 11 apnea Mais elle le saisit à la téte
Si pe cimp mi-1 arunca. Et le jeta par terre.
Dar pe cimp ce se vedea ? Mais qu'est-ce qu'on vit par terre ?
Aurul Ca' strAlucea, L'or qui brillait
Soarele cà rAsärea 79 Le soleil qui se levait.
Mais la formule employée le plus souvent est celle dans laquelle la bien-
airnée sort du sein du jeune honme un objet précieux sans qu'il y ait
encore la métamorphose rairaculeuse du serpent. Elle sort du sein du bien-
aimé de l'argent 8°, une ceinture d'or 81, une baudruche remplie de pikes.
d.'or 32, des bourses remplies d'or 83, un globe d'or ", une boule d'or 85,.
73 Var. 10, 11, 12, 14, 16, 19, 22, 25, 29, 47, 50, 52, 53, 55, 61, 71, 89, 90, 133.
74 Var. 1, 35, 62, 114, 116, 126.
75 Var. 2, 3, 6, 10, 11, 33, 34, 47, 52, 55, 56, 110, 114, 116, 120, 121, 126, 129, 130,132,
sans que les textes soient frapnentaires. Prat menis scnt les n" 8, 13, 15, 40, 46, 93, 115, 122.
78 Var. 30, 48, 50, 68, 76, 83, 96, 99, 112, 113, 118, 119, 126, 127, 128, 131, 133.
" Var. 127, 128, 133.
78 Var. 48, 50, 68, 76, 96, 99, 113, 118, 119.
79 Var. 54.
88 Husost Imonnaie d'argent de 45 cent.] : var. 1; thalers : var. 4, 42; pièces d'or : var..
12, 36, 38, 42, 61, 81 ; jaunets : var. 39, 51, 64.
81 Var. 14.
82 Var. 44.
83 Var. 35, 39, 75.
84 Var. 65.
85 Var. 88.

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264 ADRIAN rocm 20

mais en Transylvanie surtout une ceinture d'or 88, et dans le sud du pays,
en Olténie et en Valachie, d'habitude un « chimir » (large ceinture paysan-
ne) rempli d'or 87. Si, lorsque le serpent se muait en objet précieux, les
héros du récit restaient muets d'étonnement, lorsque la bien-aimée sort
du sein du héros la ceinture d'or, leur étonnement est tout aussi grand.
Mais cela dén.ote que dans tout ce cycle de variantes, il ne s'agit pas d'une
« épreuve expresse de l'amour », mais seulement d'une récompense mira-
culeuse de la bien-aimée pour sa fidélité et son dévouement. Par le fait
que le plus grand nombre de variantes roumaines contiennent cette solu-
tion artistique, elle peut étre considérée comme, typique pour la présente
version. Il y a cependant aussi chez les Roumains, une dernière solution,
la troisième de celles que nous avons annoncées au début de cette discus-
sion, dans laquelle il est certainement question de « l'épreuve de l'amour ».
Nous verrons que cette solution est typique pour la version serbo-croate,
oil elle apparait dès le début de la piece. Elle n'existe chez les Roumains
que dans trois cas 88. Dans celui de la variante 37 le héros a trouvé des piè-
ces d'or, il les a mises dans son sein et a commencé ensuite à crier au se-
cours ; la variante 109 est désordonnée : l'interprète a chanté la ballade
selon la manière traditionnelle et s'est rappelé plus tard l'épisode de la
déconverte d'un trésor et il ajoute le fragment à la fin. Il y est ainsi dit que
le héros trouve un trésor, le met dans une peau de serpent et ensuite met
ses parents à l'épreuve, en prétendant qu'un serpent est entré dans son sein.
Dans la variante 73, les choses se passent d'une façon un peu différente :
le héros travaille chez des étrangers et ramasse un magot, le pose dans
son sein et procède ensuite à la mise à l'épreuve des parents. Dans quatre
cas, l'idée d'« épreuve de l'amour » n'apparait qu'à la fin, une sorte de
« dens ex machina » :
El cu gindul s-o gindit, Il réfiéchit
Pdrintii-au prabilluit Mit ses parents à l'épreuve
Si pe fral,ii lui ava, De me= que ses frères
Au credintä ei ori ba ? Sont-ils dévoués ou non?
Dupa-aceea pe mindrutä, Ensuite de sa bien-aimée
O cercat vi-a ei credintä Il éprouva le dévouement.
Dans quatre autres cas, l'idée expresse d'« épreuve de l'amour
n'apparatt que dans le commentaire en prose des différents interprètes,
après la fin de la chanson : « et il les éprouva pour voir lequel est avec
lui 09; « il a voulu mettre à l'épreuve son dévouement et voir si elle seule
de toute sa famine l'a vraiment aimé ; elle a trouvé de l'or au lieu du ser-
pent el j 4 mais je crois que les choses se sont passées ainsi, il a mis
l'épreuve sa mère, son père ; il a dit qu'il y avait un serpent, mais c'était
de l'or »92; « que je te raconte ce qui s'est passé avec lui. C'était un gars

86 Var. 5, 9, 16, 17, 18, 19, 20, 23, 24, 25, 28.
87 Var. 51, 59, 61, 64.
MI Var. 37, 73, 109.
89 Var. 31.
" Var. 46.
91 Var. 65.
92 Var. 66.

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21 «L'EtPREUVE DE L'ANUOUR» DANS LE FOLKLORE sup-rsT EUROPEEN 265

que les parents ont envoyé a-vec les cochons. Mais il a trouvé de l'argent,
sous forme de couronne ou de dragon, comme c'était a-vant. Et qu'est-ce
qu'il a pensé ? Mettre à l'épreuve tous les siens : voir lequel aura pitié de
lui et seule sa bien-aimée a osé » 93. DlOil, on peut conclure que dans la
version roumaine il y a trois conclusions différentes, qui montrent la stra-
tification historique subie par ce motif au long de son évolution. C'est
ainsi que dans un nombre assez réduit de variantes (17), on ne parle que
de Penlèvement du serpent du sein. Il semble que ce soit la couche la plus
ancienne de l'histoire du motif. En effet, elle est suffisante en tant que
solution poétique du texte. Plus récente est la solution métaphorique de la
transformation miraculeuse du serpent en objet précieux et nous avons
lame découvert les indices de la transition de la forme ancienne, primaire,
la forme artistique supérieure. Enfin, dans un nombre très réduit de
variantes (7), apparait l'idée d'« épreuve de l'amour ». La formation de
cette idée est encore en cours, car dans quatre autres exemples elle ne
figure que dans le commentaire de l'interprète, n'étant pas encore assi-
milk au texte, c'est-à-dire transformée en poésie. Nous pouvons done dire
que la version roumaine comprend toutes les étapes de développement
artistique du motif, nous permettant ainsi un sondage adéquat clans son
histoire et sa signification mèmes. Cette observation est essentielle pour
la compréhension de la circulation du motif aussi bien chez les Roumains
que chez les autres peuples de la zone.
Certains textes s'arrêtent ici, à l'une des séquences épiques notées
ci-dessus, mais d'autres vent encore plus loin, essayant de donner aussi
une solution éthique à la ballade. Si dans 18 variantes, il est question du
mariage imminent des deux héros 94, dans d'autres, le héros conseille
sa bien-aimée de porter d'une manière ostentatrice la ceinture pour faire
enrager les parents qui ne l'ont ras aidé 99; enfin, dans d'autres, il montre
que l'amour de la bien-aimée est toujcurs supélicur à celui des proches
parents 96, ce qui d'ailleurs était à attendre, comme ccnclusion logique et
nécessaire du récit. Voici un exemple plus ample pcur une telle conclusion :
Decit un tatd si-o mumd, Plut&t qu'un pere et une mere
Mai bine-o puled cu mild ; Une bien-année pitoyable
CA de-ar fi cit de stráind, Aussi étrangère qu'elle soit
Are dor si are mild. Elle est aimante et pitoyable.
Decit un frate si-o sor, Plutôt qu'un frère et une sceur
Mai bine-o puled cu dor ; Une bien-aimée tendre
Sä fii eft de strdior, Aussi étranger qu'on soit,
Prinde milà, prinde dor, Elle a pitié, elle a de l'amour.
Nu e mild, nu e dor, Il n'y a pas de pitié, pas d'amour
De la frati, de la surori ; De la part des frères et des sceurs
Nu e dor si nu e mild, Il n'y a pas de pitié, pas d'amour,
De la tatd, de la mumd, De la part du père et de la mère,
Ca de la sotie buna 97. Qui vaille ceux d'une bonne épouse.

93 Var. 91.
94 Var. 21, 35, 39, 44, 64, 66, 67, 70, 71, 72, 76, 79, 80, 81, 87, 96, 101, 117.
95 Var. 5, 9, 16, 18, 19, 21, 23, 24, 25, 26, 27, 28.
96 Var. 10, 30, 52, 63, 75, 82, 83, 84, 85, 86, 88, 90, 91, 94, 95, 97, 99, 100, 103, 124.
97 Var. 85.

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266 ADRIAN FOCHT 22

Cette conclusion est très proche, comme formule poétique, de ces


chansons lyriques auxquelles nous avons fait allusion au début de notre
ouvrage 98.
Nous avons ainsi achevé l'analyse de la version roumaine et nous
sommes en mesure d'établir un bref schérna de celle-ci, ainsi que de faire
sa caractérisation esthétique. Pour ce qui est du bref schéma de la version
roumaine, nous croyons pouvoir la concrétiser ainsi : un jeune patre appelle
son aide ses proches parents : son père, sa mère, le frère et la sceur viennent
it tour de rôle et lui demandent pourquoi il se lamente. It leur dit que pendant
.son sommeil, un serpent est entré dans son sein et que sa vie est en, danger. . .
il leur demande d'arracher le serpent, mais tous refusent, de peur de perdre
la main ou méme la vie. À la fin, il appelle sa bien-aimée et eelle-ci se hate
d'accourir et a) lui enlève le serpent da sein, b) sort dic sein du bien-airné
un objet précieux qui la récompense miraculeusement de son amour et de son
dévouement et c) sort un objet d'or caché par le héros dans son sein pour mettre
l'épreuve l'amour de ses parents. Le texte s'achève par le mariage des amou-
reitx, ou du moins par une réflexion relevant la supériorité de l'amour entre
deux jeunes gens. La version roumaine se caractérise par les traits distin-
ctif s suivants : a) le materiel est, en général très unitaire, le texte ne com-
portant qu'une seule forme artistique. Il ne contient pas de types ou de
sous-types régionaux ou locaux, en dépit de Pinstabilité des formules
d'expression ou de la différenciation superficielle des variantes à certains
moments du déroulement du récit. Cette unité du texte avère sa grande
ancienneté. b) Partout, dans les variantes roumain.es, il s'agit d'un héros,
un jeune homme nubile, même si son nom diffère d'une zone à Pautre.
Une telle stabilité dans la conception n'existe dans aucune autre version
nationale, on l'on rencontre souvent ou bien un héros ou une heroine, ou
bien seulement une héroine de la narration. c) Une grande extension est
accordée, dans la ballade, A, la description des circonstances dans lesquelles
le serpent est entré dans son sein. Il faut égalenient relever, au delh de
l'extension narrative, la beauté particulière de l'idée poétique, laquelle
pent être considérée comme l'une des plus remarquables realisations
artistiques du folklore roumain. d) Est encore caractéristique cette onde
lyrique qui traverse tout le poème (explicable par la propension spéciale
an lyrisme de la ballade populaire roumaine !), mais devient visible surtout
'clans le refus des parents et dans la morale du récit. e) Du point de vue
structural, le retardement du dénouement (par le triplement et le quin-
tuplement des répétitions), apporte un surplus artistique remarquable.
Le moment peut étre utile A, l'étude comparative des versions de la zone.
f) La, version roumaine comporte trois dénouements du récit, sans doute,
les trois seuls possibles, ce qui montre que sur le territoire de notre pays
le motif a parcouru toute sa trajectoire évolutive, sans suggestions du dehors.
Il faut encore relever le fait que, A, côté des trois solutions épiques men.-
tionnées, la version roumaine présente également les moments de transi-
tion d'une étape artistique à l'autre, en montrant comment a évolué
l'effort de mouler le motif dans une expression poétique supérieure.
cr) La circulation si intense et si unitaire du motif sur tout le territoire de
la Roumanie est encore une preuve de la grande ancienneté du texte.

98 Voir notre note n° 7.

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THREE LOCAL MOTIFS IN MOLDAVIAN TREES OF JESSE,
WITH AN EXCURSUS ON THE LITURGICAL BASIS
OF THE EXTERIOR MURAL PROGRAMS

MICHAEL D. TAYLOR
(Chicago)

In 1928 P. Henry laid the foundations for subsequent study of


the Tree of Jesse in Moldavia by going beyond Green's more philological
interest in the pagan prophets of Christ to clarify the internal iconographi-
cal structure of the examples at Humor (1530-35), Moldovita (1537),
S. George at Suceava (1532-34), Voronet (1547), and Sucevita (c. 1600)
as wall as those at Lavra (1536) and Dochiariou (1568)1. Since that time
it has been possible to augment the number of this special group of his-
toriated Jesse Trees thanks to the discovery of images of the same type
in other areas of southeastern Europe and in Italy. The earliest of these
is at Sopaani (1263-68) while the westernmost one, at Orvieto, dates
approximately 1305-10 and is of exceptional significance to the study
of the group as a whole 2 Although the geographical and temporal distri-
1 P. Henry, L'arbre de Jesse dans les eglises de Bukovine, Mélanges de la Bibliothégue de
l'Institut Français des Hautes-Études, Bucharest, 2, 1928, lff. V. Grecu, Darstellungen altheid-
nischer Denker und Schriftsteller in der Kirchenmalerei des Morgenlandes. "Académie Roumaine.
Bulletin de la section historique", 11,1924,1ff. ; The datings of Suceava and Lavra which differ
from Henry's are based on S. Ulea, Batarea frescelor bisericti mitropolitane Sf.Gheorghe din
Suceava, "Studn i cercetari de istoria artei", 13, 1966, 207ff. ; and M. Chatzidakis, Recherches
sur le peintre Théophane le Crétois, "Dumbarton Oaks Papers", 23-24, 1969-70, 319ff. Henry
excluded from his study the later Tree at Cetätuia (I. D. Stefänescu, L'évolution de la peinture
religieuse en Bucovine et en Moldavie, Paris, 1928, pl. 93 : 2) which is of a considerably later
date (1668-72) and has been so reduced in essential portions that it does not have a place
in this study either.
2 Studies of this group and additional bibliography are found in A. Nava, 'L'albero di
.Jesse' nella Cattedrale d'Orvieto e la pittura bizantina, "Revista del R. Istituto d'Archeologia
e Storia dell'arte", 5, 1936, 363ff. ; A. Watson, The Imagery or the Tree of Jesse on the West
Front of Orvieto Cathedral, in Fritz Saxl: A Volume of Memorial Essays from his Friends in
England, ed. D. J. Gordon, London, 1957, 149ff. ; M. D. Taylor, The Iconography of the Facade
Decoration of the Cathedral or Orvieto, Ph. D. Dissertation, Princeton University, 1969, 108ff.
idem, The Prophetic Scenes in the Tree of Jesse at Orvieto, "Art Bulletin", 54, 1972, 403ff.

REV. ETUDES SUD-EST EUROP , XII, 2, P. 267-275, BUCAREST, 1974

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268 MICHAEL D. TAYLOR 2

bution which now confronts us raises important questions concerning the


origin of the archetype of the entire series, it necessitates equally a defi-
nition of the special value that the image may have had within a specific
historical locus.
A number of factors relative to the Moldavian group makes such
an analysis particularly interesting. All but one of Henry's Romanian group
were executed during the great development of exterior mural programs
carried out under Petru Rare. While later, Sucevita follows the earlier
models so closely that it may be counted as a witness of almost equal
weight. In addition, each of the Jesse Trees is distinguished from those
elsewhere by three specific iconographical features features which do,
in fact, reveal their distance from the archetype but which , on the other
hand, provide valuable indications of the manner by which the imagery
was adjusted to local circumstances.
At Voronet, rightly chosen by Henry as the most comprehensive
and representative of the Moldavian Trees of Jesse, to the left of the central
stem of kings there are two scenes which may be identified as the Ascension
and the Annunciation of the Second Coming (Fig. 1) 3. Scenes haviuig the
same iconographical characteristics are present at Moldovita, Suceava,
and Sucevita, and, although its deterioration does not permit a comple-
tely positive statement, it is very likely that the example at Humor also
included the same two scenes originally 4. Individually and considered
together these two scenes present iconographical curiosities which reveal
in one case important traces of its pictorial ancestry and in another the
apparent intentions of its creators. That the uppermost one was considered
an Ascension is incontestable from the inscription which so identifies
it 6, but instead of a full complement of apostles it has only four flanking
the Virgin. As will be seen, it would be improper to consider this a reduc-
tion of the more typical iconography. Rather, it is the result of endowing
an originally different scene with a new meaning. The inscription on the
Annunciation of the Second Coming is a paraphrase of Acts 1 : 11 : "This
Jesus who has been taken up from you into heaven, shall come again in
the same way as you have seen him going up to heaven" 6. Thus, it relates
closely to the Ascension, and, in fact, from the iconographical standpoint
it resembles conventional renderings of that subject even more than the
scene above it. The only departure from the norm is the duplicate bust
of Christ in heaven 7. Just what must have been intended by this can be
ascertained most readily with reference to the corresponding sccne at
Moldovita in which Christ appears beside God the Father 8. As Henry's
analysis suggests, this pairing was surely inspired by the apocalyptic
3 Henry, L'arbre, 4f.
4 Ibid., figs. 2-4.
5 I am indebted to my colleague Prof. Z. Golab for his generous assistance with the-
inscriptions.
6 Henry, L'arbre, 4, n. 10, wrongly associates the inscriptions with Mark 14: 62 and
Luke 22: 69. These do however, furnish the must suitable explanation of why there are two
busts in heaven. See below.
7 The large figure of Levi to the right of the apostles should not be considered part of
this scene.
8 *tefänescu, Bucoutne et Moldavie, pl. 52 : 2.

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Fig. 1. Voronet. Tree of Jesse, detail : Ascension (above) and


Annunciation of the Second Coming.

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°

L -rre?
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A
:

Fig. 2. Orvieto, Tree of Jesse, detail


Prophecy of Nahum. photo : Aunar.

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3 VIOLDAVIA_N TREES OF JESSE 269

words of Mark 14: 62: "And you shall see the Son of Man sitting at the
right hand. of the Power and coming with the clouds of heaven" 9. As
pendants in that both relate to the Ascension the two scenes strongly
emphasize those aspects of the event which are paradigmatic of the
final moment in time.
It is not difficult to establish that neither of these scenes had a
place in the aa chetype and that they are local modifications. An exa-
mination of the Jesse Tree at Orvieto reveals that the scene whose coun-
terpart at Voronet is the Ascension shows an entirely different subject
which, however, is superficially similar in a number of ways (Fig. 2). Its
chief elements are a standing Christ-like figure holding a scroll and the
heads of four other men who gaze directly at his feet. Such an icono-
graphy does not reflect well either eastern or western formulae for the
Ascension, but it does constitute a very clear, literal illustration of the
Prophecy of Nahum 1 : 15: "Behold upon the mountains the feet of him
that bringeth good tidings, and that preacheth peace". As I have shown
elsewhere, this prophecy refers to the evangelical role of Christ's Church
and it often appears inscribed on western Trees of Jesse otherwise unrelated
to the type under consideration'. The juxtaposition of these scenes suggests
two important observations. First, it is clear that intrinsically the Pro-
phecy of Nahum is a subject which amplifies the fundamentally prophetic
character of the overall image, whereas the Ascension departs radically
from the conventional set of ideas evoked by a Tree of Jesse. Second and
equally important, if one considers the artists' working procedures, it
will become apparent immediately that, while it is not hard to imagine
the transformation of an illustration of a very obscure Old Testament
passage into a frequently encountered event from the life of Christ which
the former tends to resemble, it would court the absurd to hypothesize
the reverse 11 As suggested above, it would be precisely this kind of alte-
ration which would explain most adequately why there are only four and
not twelve apostles in the Ascension at Voronet ; a lingering respect for
the original character of the scene must have inhibited a thorough conver-
sion of the imagery. Based on these examples, therefore, one must conclude
that Orvieto preserves the archetypal character of this version of the
Jesse Tree and that Voronet and the other Moldavian representatives
contain a variant iconography. One should not, however, necessarily
believe that the variant was produced solely by ignorance or error.
That the Moldavian painters' alteration was their own and not
merely the repetition of an iconography that had been introduced in
another area at another time can be affirmed by a comparison with the
corresponding scene at Lavra 12 There one finds a depiction of the bust
9 See above, n. 6.
10 Taylor, Prophetic Scenes, 406ff., pp. 412.
11 Two other metamorphoses of the type suggested here are also especially noteworthy.
'What had originally been the Celebration of the Israelites became the Presentation of Christ
in the eastern Trees and the Peaceable Kingdom likewise became the Nativity. See Taylor,
Prophetic Scenes, 4051f.
12 G. Millet, Monuments de l' Athos, Paris, 1927, pl. 151 : 3. A similar scene may be found
in the Tree of Jesse in the Church of the Holy Apostles at Thessalonika (A. Xyngopoulos,
Les fresques de l'église des Saints-Apôtres d Thessalonique, in Art et société à Byzance sous les
Paléologues, Venice, 1971, pp. 87. figs. 19-21).

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270 'MICHAEL D. TAYLOR 4

of Christ above four mountains, a subject possibly inspired by Micah 4:


1 or Zechariah 14 : 4 13. Once again superficial similarities bind the scene
to Orvieto and the archetype, but like many of the other Athonite scenes
it is not an accurate reflection of the original 14.
The Annunciation of the Second Coming is even more clearly unique
to the Moldavian group. In this case the painters simply dispensed with
anything resembling the original Joel's prophecy of a Fountain from
the House of the Lord (3 : 18f.) 15 and inser ted an entirely new subject
which features the Virgin in the center like the Ascension above it. None
of the Jesse Trees not directly dependent on the Romanian group have
anything remotely similar 16
There exists one other motif which also distinguishes Voronet and
its Moldavian relatives from other Jesse Trees of this type. Flanking the
central stem of kings are portraits of the patriarchs of the Twelve Tribes
of Israel. .Although this group is not always complete, enough of its mem-
bers are always present to assure that it too constituted an integral part
of the image as modified for this location 17. P. Henry believed that the
Twelve Tribes must have been part of the archetype, and for hini their
absence at Lavra and Dochiariou was a sign that the Athonite examples
were imperfect copies of it 18. Now, however, as a consequence of the
discovery of the Serbian members of this group the reverse appears to
be true. Nowhere but in the Bucovinan examples does this motif appear.
Instead, like Lavra the earlier examples have additional direct ancestor s
of Christ selected from Matthew's genealogy.
As suggested above, I believe it unlikely that these three distinctly
local elements entered the iconography of the Moldavian Tree of Jesse
wholly by chance or error. Rather, I suspect they resulted from the
desire to integrate the overall image more perfectly with the themes
expressed by other major sections of the typical exterior program. Together
with the Tree of Jesse this program consists of the following primary
components to which auxiliary subjects could be added at local discretion :
the Akathistos Hymn with its prologue the Siege of Constantinople, the
Last Judgment, the story of the Prodigal Son, the Heavenly Ladder
(or its substitute the Celestial Steps), the history of Adam and Eve, and

13 The passage from Zechariah was read on the Feast of the Ascension. See J. Mateos,
Le Typicon de la Grande Église, 2, Rome, 1963, 126f. ;I. F. Hapgood, ed., Service Book of the
Holy Orthodox-Catholic Apostolic Church, New York, 1922, pp. 242.
14 Both the Nativity and Presentation are found at Lavra for example. See above,
nn. 11, 12.
16 Taylor, Prophetic Scenes, pp. 406.
16 The Annunciation of the Second Coming does appear in the Tree of Jesse in ti.e.
Church of the Nativity al. Arbanasi (1649 ; A. Grabar, La peinture religicuse en Bulgarze, Paris,
1928, 278f., pl. 53). This would suggest that it is dependent on a model with a Moldavian pro-
venance. Artistic connections that would help explain this are discussed by Grabar, Bulgarie,.
291, n. 5; and A. Boschkov, Die Bulgarische Malerei, Recklinghausen, 1969, 161ff.
17 Henry, L'arbre, 26ff., et passim.
1
Ibid., 26ff.

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5 MOLDAVIAN' TREES OF JESSE 271

the Cm n on the apses, hierarchies considered to represent the Celestial


aud Terrestrial Churches or a much enlar ged Deësis 12.
One of the most obvious results of the inclusion of the two new
scenes is an increased emphasis on the Virgin, for she is the focal point
of both compositions. This supplements the attention already paid to
her in the form in which this type of Tree came to Moldavia. In virtually
all the eastern examples there are three other scenes where she is also
prominent : the Presentation, Nativity, and illustration of Psalm 84
12 2°. In addition, it should be remembered that any Tree of Jesse glori-
fies the Virgin the virga of Isaiah's pr ophecy and the human lineage
which she brings to Christ. Parallels for this emphasis in other major
components of the program are not at all difficult to discover. The Aka-
thistos Hymn in praise of the Vir gin is the regular pendant of the Tree of
Jesse on the side walls of these churches. Were this not sufficient, the
Virgin also has a deservedly important role in the center of the Cm n on
the apses where she appears as the Theotokos with the infant Christ on
her knees. Moreover, TJlea also records that beginning in 1534 her image
usurps the customary place of the church's patron saint 21.
Equally remarkable is the character or essential message of the
two scenes. As shown above the texts which appear to have been foremost
in the minds of the artists and their patrons were not those which describe
the Ascension primarily as an historical event but those which lend it
an unmistakably eschatological character. The creators of the new scenes
thus reveal their preoccupation with the final moment in history, when
Christ shall return in glory, condemn his enemies, and welcome the
faithful of his Church to heaven a preoccupation which is also reflected
in the first antiphon of the Feast of the Ascension which includes these
verses : "For the Lord is high and to be feared : he is the great King-
upon all the earth. He shall subdue the people under us, and the nations
under our feet" 22.
These notions accord very well with the clear and rather aggressive
separation of the community of the blessed, the Church, from heretics
and oppressors which is so noteworthy a facet of the typical Moldavian
program. Connections with the content of the Last Judgment and the
hierarchies on the apses are immediately apparent. Furthermore, these
same ideas of ultimate triumph and damnation relate very closely to
Ulea's observation of militantly anti-Ottoman motifs in these exterior
programs, the reflection of Petra Rares's struggle against Turkish domi-

12 On the programs of the exteriors, see P. Henry, De l'originalité des pezntures buco-
viniennes dans l'application des principes byzantins, "Byzantmn", 1, 1924, 291ff. ; idem, Les iglises
de la .Moldavie du nord, des origines es la fin du XV le szecle, Paris, 1930, 229ff. ; StefAnescu,.
Bucovine et Moldavie, 185ff.; idem, L' evolution de la petnture religteuse en Bucovtne et en Mol-
davie : Nouvelles recherches, Paris, 1929, 149ff. ; S. Ulea, L'origine et la signification tdéologigue
de la peinture extérieure moldave. "Revue roumaine d'histoire de l'art", 2, 1963, 39ff.
20 All figures have been deleted from the Illustration of Psalm 84: 12 at Lavra and Doch-
iariou (Millet, Athos, pls. 151 : 3, 240 : 1) and in this instance the Moldavian Trees are nearer-
the archetype. See Taylor, Prophetic Scenes: pp. 408.
Ulea, L'origine, 67f.
Hapgood, Service Book, pp. 244.

6 e, 1284

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272 MICHAEL D. TAYLOR 6

nation 23. Portions of the iconography crucial to this theme are, first,
the Siege of Constantinople which, in effect, enlists the Virgin as patron
of the eventual liberation of all cities conquered or threatened by the
Turks, and, second, the extraordinary prominence given to Turks and
Tatars amidst the damned in the Last Judgment 24. It now seems clear
that those who modified the Tree of Jesse had these concerns very much
in mind. The emphasis in both scenes on the Virgin and her role relative
to the ultimate triumph of the Church and the consequent liberation
of the Christian faithful corresponds so well to these aspects of the
typical program that one can only conclude that the iconography was
altered to conform to them.
The transformation of what had been ancestors of Christ into the
patriarchs of the Twelve Tribes beside the line of kings may have been
dictated by the anti-Ottoman concern as well. To be sure their presence
as a coherent group reflects the desire for a clear ordering of the parts of
the decoration, a desire that is manifest elsewhere as in the Cm n on the
apses. But it is also noteworthy that the land of Abraham and Isaac was
promised to the sons of Isiael (Genesis 35 : 11ff.) and later divided by
Moses among their heirs (Numbers 34: lff.). Could it not have been the
intention of those who specified the inclusion of the Twelve Tribes to
equate the recovery of the Promised Land with the defense and recovery
of Moldavia and other Orthodox lands, just as the repulsion of the siege
of Constantinople was equated with the anticipated victory over the
'Turks ? Certainly such an intention would harmonize peifectly with the
other major themes which have been discussed.
Thus, although one must admit that the creators of this specifically
1VIoldavian version of the historiated Tree of Jesse did sacrifice a degree
.of internal logic and preservation of the original nature of the image, at
the same time they achieved a more perfect coherence of the entire exterior
program.
Excursus
In the foregoing reference has been made to the Oin, the vast sub-
ject on the apses of the churches which consumes at least a third of the
space available for decoration. Together with its size its location on the
eastern, most sanctified part of the church would suggest that it was
intended to dominate and establish the fundamental character of the
entire exterior program. Basically it consists of layered groups or ranks
of figures who converge toward the west-east axis where one finds images
.of the foremost subjects of Christian doctrine. An eminently representative
example is that at Voronet which has these components arianged from
top to bottom : (1) busts of angels in medallions converging on Christ
in heaven at the head of the apse ; (2) a row of seraphim ; (3) prophets with
Aaron and Melchizadek next to the Archangels Michael and Gabriel who
flank the Virgin and Child ; (4) the infant Christ-Child on a paten at the

23 Ulea, L'origine, 41ff., el passim.


24 Ibid.

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7 MOLDAVIAN TREES OF JESSE 273.

axis flanked by two angels dressed as deacons, the apostles, and archdea-
cons ; (5) bishops and hermit saints ; and (6) military saints and martyrs 25.
With only relatively minor exceptions this ranked scheme of prophets,
apostles, bishops, hermits, martyrs, and military saints is characteristic
of virtually all Moldavian churches of this period 26 As yet, however,
its meaning does not appear to have been fully understood.
Recently Ulea has followed and enlarged on Grabar's suggestion
that it is a great prayer of all saints, suggesting that this prayer is a
collective invocation for divine assistance in defense of the count y against
the Ottoman invader. Thus, in his opinion the ein would be the nexus
of a highly secular exterior program whose end would be the mobilization
of the masses in defense of Moldavia : "Ainsi, tandis qu'on laissait la
peinture intérieure des églises remplir son 161e traditionel d'éducatrice
religieuse de la masse des fidèles, on conçut la peinttue extérieure comme
étant le support d'une message éminemment laïque" 27. Notwithstanding
the compelling evidence presented for anti-Ottoman components within
the exterior decoration, such a conclusion seems to so negate traditional
assumptions about church decoration as to require further scrutiny. Unfor-
tunately earlier explanations are of only limited assistance because of
their lack of specificity. Henry calls the ein a vision of the Church-Triumph-
ant 28; tefäneseu relates portions of the imagery to dogmas of the Church,
characterizing the wh.ole as a development of the Deésis and terming it a
representation of the Celestial and Terrestrial Churches 29 Doubtless these
general characterizations have some validity, but nevertheless they do
not indicate a precise role for the overall subject within the program
nor do they have a truly specific textual basis.
In fact, the Cm n can be readily explained with reference to the Office
of the Preparation of the Elements of the Mass or Pi °thesis. This ritual
begins with an in-vocation of God in heaven and then, with the preparation
of the bread, further invocations are made in honor and commemoration
of the Virgin, John the Baptist, the prophets, the apostles, the holy
fathers and saints, martyrs and hermit saints in that very order 3°. Vir-
tually the identical order obtains in the decoration of the apses at Voronet
and at all the other monasteries where the subject is found. That such a
close connection is not fortuitous can be demonstrated by a number of
details. To cite but a few of the more specific, one need only recall that
at Vol onet the Christ-Child is depicted lying on a paten ; in equivalently
central locations one finds the Emmanuel at Humor, the Agnus Dei above
the infant at Moldovita, and the lamb and Child on the paten at Sucevita.
The eucharistic connotations of these images are beyond any question, and
in this fashion they refer directly to the priest's prepar ation of the oblation
which accompanies the vetbal component of the same litur gy. At Vol onet,

25 tef Mies cu, Nouvelles recherches, 154f. ; Henry, Les eglises, pis. 38 : 3, pp. 39.
26 tef änescu, Ncuvelles recherches, 151ff.
Ulea, L'origine, 58ff., pp. 69. A. Grabar, L'origine des façades peintes des églises mol-
doves, in L'art de la fin de l'antigutté et du nioyen dye, 2, Paris, 1968, 906f.
28 Henry, Les églises, pp. 231.
tef nescu, Nouvelles recherches, 151ff.
36 Hapgood, Service Book, 68ff.

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274 MICHAEL D TAYIAR 8

flanking the image of the Virgin and Child, Melchizadek and Aaron are
shown as the foremost representatives of the prophetic group. As chief
priests they too call attention to the liturgical and eucharistic nature of
the overall subject. Finally it should be noted that during this very poi tion
of the Prothesis the priest arranges pieces of the altar-bread on the paten
in a formal, ordered pattern an action which is precisely the comple-
ment of the formal, ordered scheme of mural decoration.
When considered in the context of the total decoration of the chur-
ches it should not seem at all surprising to discover this liturgical refe-
rence. Subjects on the interior such as the Communion of the Apostles,
Christ in the Chalice, and, of course, the Great Feast paintings have long
been recognized to stem from liturgical considerations 31 One can even
trace the origins of this pal ticular image to the church decoration of stefan
cel Mare. In the church of Dolhestii Mari (shortly before 1481) there is a
representation of the same sub ject in the south by of the narthex. Because
of the reduced space its form is more condensed, but one can easily see
the divisions into categories of Godhead, prophets, apostles, bishops, and
martyrs, and over the window once again there is the Child on the paten 32
This alone indicated that at least portions of the elaborate scheme of
exterior decoration under Petru Rare§ had their genesis in interior paintings
created for his great predecessor.
By its close relationship to the Prothesis the Oin establishes that the
programmatic theme of the exterior painting's is that of prepaiation. In
this light the subjects of all the other major components of the decoration
may be seen to have a common liturgical foundation : each one relates to
a period of fasting, observances in preparation for the Great Feasts.
During the long Lenten season or period of the Triode Sundays commemo-
rate the Prodigal Son, the Last Judgment, and the history of Adam and
Eve. In this same period the Akathistos Hymn is sung and the Heavenly
Ladder of John Climacus is read 33. The Tree of Jesse relates to another
Fast, that of the Sunday before Christmas when the gospel lection is
Matthew 1 : 1 25 which ennumerates all of Christ's ancestors. Prepa-
ration is thus indicated in a twofold fashion. On the one hand, the Cmn
refers to a liturgical ceremony ; on the other, the remaining subjects
refer to Fasts of the liturgical year which ready the worshipper for major
holidays, just as the priest daily readies himself and the elements of the
Mass for communion. It thus becomes clear that the decoration of the
31 H. Brockhaus, Die Kunst in den Athos-Klostern, Leipzig, 1891, 61ff. ; G. Millet, Re-
cherches sur l'iconographie de l'Evangile, Paris, 1916, 31ff. et passim.; Stefänescu, Nouvelles
recherches, 69ff. ; zdem, L'tllustration des Liturgies dans l'art de Byzance et dans l'Ortent, Brussels,
1936, 44ff. et passim.; O. Demus, Byzantine .illosaic Decoration, London, 1948, 14ff. ; G. Nan-
dri5, Christian Humanism in the Neo-Byzantine Mural-Painting of Eastern Europe, Wiesbaden,
1970, 128ff.
32 Stefdnescu, Nouvelles recherches, 5ff.
33 Enough variation exists in the service books consulted to prevent indicating the precise
days for some of these commemorations as they were celebrated in Moldavia in the period in
question. Nonetheless, we can be sure that they did take place. See Hapgood, Service Book,
XXIV ; Mateos, Typicon, 2ff. ; Mercerner and Paris, La prieuré des églises de rite byzantin, 2, 1,
Prieuré d'Amay-sur-Meuse (Belgium), 1939, xviiff. ; Brockhaus, Athos, 82f.; E. Wellesz, The
'Akathistos' : A Study in Byzantine Hymnography, "Dumbarton Oaks Papers", 9-10, 1955
56, pp. 143.

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9 'MOLDAVIAN TREES OF JESSE 275

outside of the churches (or the western interior) has a metaphorical rela-
tionship to this unifying concept. Not only would it be the first part that
the monks, catechumens, or faithful would see their preparation,
but also it would signify the readiness of the church as the body of Christ,
the bread, for communion. No other programmatic scheme for the exterior
could surpass the propriety of this one.
In conclusion, it should be pointed out that the anti-Ottoman refer-
ences emphasized by Ulea do seem to have a definite place within this
overall conception. During the Prothesis the priest calls to the remem-
brance of the Lord the reigning monarch and other Orthodox among the
living and dead. Also in the liturgy of S. Basil, used chiefly during periods
of fasting, there is an even more elaborate invocation on the ruler's
behalf. It includes these lines : "0 Lord . . . overshadow his head in the
day of battle. Strengthen his arm, exalt his right hand ; make mighty
his kingdom ; subdue under him all barbarous nations which seek wars "34.
By these means the concerns of the Church are linked or even identified
with those of the State and, considering the Ottoman peril, a secular
policy of Moldavian independence must have been considered the reci-
procal of the preservation of Orthodoxy.

34 Hapgood, Service Book, pp. 109. The close connection between reverence accorded
emperors and the liturgy is emphasized by E. Kantorowicz, Ivories and Litanies, "Journal of
the Warburg and Courtauld Institutes", 5, 1942, 75ff. el passim.

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BYZANCE, OCCIDENT ET CRÉATION NATIONALE
DANS L'ART DU SUD-EST DE L'EUROPE*

MARIA ANA MUSICESCU

Pour les historiens de la culture et de l'art du Sud-Est européen un


livre portant le titre de « Kunst und Geschichte in Sadosteuropa »
suscite un vif intérêt, teinté d'un certain étonnement. Car, depuis le temps
qu'on en parle et les spécialistes, de plus en plus nombreux, sont la
pour témoigner qu'il est justifié de nos jours de parler d'une « discipline »
de la connaissance du Sud-Est aucune étude de plus ample envergure
(nous n'envisageons évidemment pas l'utopie que serait une synthèse)
ne porte ce titre aussi alléchant que téméraire 1. Congrès et colloques inter-
nationaux, institutions spécialisées, de nombreuses publications des
pa,ys du Sud-Est et du dehors, étudient les problèmes concernant les peuples
de cette zone de PEurope. Il faudrait peut-être souligner le mérite des
instituts d'après guerre ; c'est en grande partie grace à leur activité dans
ce domaine (dont la complexité s'accentue avec l'intensification des
recherches) qu'on doit le renouveau d'intérêt à l'égard de cette zone si
unitaire et si diverse a, la fois.
Nous sommes a, la veille du troisième Congrès international des
&aides sud-est européennes. Huit ans nous séparent du premier (Sofia
1966), quatre du second (Athènes 1970) ; moments où l'on a essayé de
« faire le point » des connaissances acquises dans tous les domaines de Phis-
toire (dans le sens le plus large de cette notion) des pays et des peuples de
cette partie de l'Europe. Les Actes de ces deux congrès demeurent,
malgré leur suggestive ampleur, incontestablement en deça, même de l'in-
formation obtenue au cours de ce dernier quart de siècle. De ce point de
* En m urge du livre a Kunst und Geschichte ir Sudosteuropa », herausgegeben v. Klaus
'Wessel, Recklinghausen, 1973, 188 p., 150 ill., 34 planches en couleur, XXXI dessems.
A. Grabar, L'art du Illoyen-Äge en Europe orientate, Paris, 1968. Ce livre envisage pour
la première fois une vue d'ensemble de l'art du Sud-Est de l'Europe et de la Russie à l'époque
byzantine.

REV. ETUDES SUD-EST EUROP., XII, 2, P. 277-290, BUCAREST, 1974

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278 MAFtIA. ANA MUSDCESCU 2

vue, Phistoriographie récente est très riche. C'est cette information, qui
porte souvent sur des détails, qui a fait surgir certains problèmes d'envEr-
gure, ayant trait surtout au rôle de Byzance dans la formation de Part
dans le Sud-Est de l'Europe, du poids que représente la tradition byzan-
tine dans l'art des XVI' XVIII' siècles et enfin des relations artistiques
entre les peuples du Sud-Est de l'Europe. C'est à ce niveau théorique
qu'on se heurte aux plus glandes difficultés. L'histohe de Part comparé
dans cette zone est encore A, faire. Or, le livre que nous étudions aborde
en plein ces problèmes. Sa structure recueil d'études lui permet
mettre en regard deux étapes chronologiques : celle où Byzance agit direc-
tement sur l'art des peuples slaves du Sud et des Roumains, celle de Part
de ces peuples à la fin du in oyen Age. En bref, c'est une fois de plus, au binô-
me tradition-innovation que nous aboutissons. C'est aussi le thème que la
Section d'Art aura A, développer au prochain congr ès. Qu'il nous soh done
permis de discuter le livre « Kunst und Geschichte in Sfidosteuropa »
dans cette perspective qui permettra de situer sa contribution dans le
cadre le plus adéquat de son intérét scientifique.

Du Sud-Est européen, (de ce volume) l'Albanie et la Turquie manquent.


Avidemment, eette dernière a pen d'accointances avec un art saturé de
symboles chrétiens lesquels deviendront, api és la chute de l'Empire, autant
d'instruments aidant à créer un autre langage symbolique, celuinational ; elle
nous lègue une image artistique étr angère à celle créée par Byzance et son
« Commonwealth » 2. Toutefois cet art musulman n'a pas manqué d'offrir
des suggestions (A, différentes époques et sous des aspects divers) aux
peuples chrétiens, à Byzance méme, avant et apr ès la conquête 3. Esquisser
au moins quelques-uns des traits de rencontre entre art chrétien et art
xnusulrnan serait d'autant plus utile qu'il s'agit d'un domaine peu fouillé
et susceptible d'offrir des surprises (surtout vers les XVII'- XVIII'
siècles) dans le sens d'un renforcement de l'Orient musulman dans certaines
expressions de l'art des pays du Sud-Est.
Quant à l'Albanie, éton.n.amment peu conn.ue du point de vue artis-
tique en dehors des cercles plus on moin.s restreints des spécialistes alba-
n.ais mémes, elle offre, tout le long des trois &tapes de Part du sud-est
européen : celle byzantine, celle post-byzantin.e, celle, appelons-la « pré-
modern.e », les mbnes traits, la mêm.e évolution., les mêmes preuves
d'interférences que celles de l'art grec, bulgare, serbe et roumain. 4.
Avant d'aborder plus en détail quelques-un.s des problèm.es que
pose ce livre, soulign.on.s l'excellen.ce du choix et de la qualité des illustra-

2 D. Obolensky, The Byzantine Commonwealth. Eastern Europe 500 1453, Londres, 1971.
3 Pour ce problème v., e.a. A. A. Vasiliev, Byzantium and Islam, dans le volume
N. H. Baynes and H. St. L. B. Moss, Byzantium. A n Introduction to last Roman civilization,
éd. Oxford, 1961.
4 11.e.a., T. Popa, Considerations generales sur la peinture postbyzantine en Albante, dans
Actes du premier Congrès International des Etudes Ballaniques et Sud-Est europeennes, II,
Sofia, 1969.

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3 BYZANCE, 0CfCIDENT ET CREATION NATIOVALE, 279

tions. Elles sont de premier ordre et on. les « lit » avec le même intériA
que le texte qui les invoque.

M. Klaus Wessel, Die Byzantinische Kunst, ihr Lebensraum und


ihr Ausstrahlungsbereich, développe son exposé par le moyen de six
thèses qu'il soutient par de n.ombreux exemples de tous les gen.res d'art,
provenant des différents endroits du monde byzantin..
Pre thèse. « Reichskun.st » et « Kunst ein.es Universalreiches », Part
byzantin n.'est pas unitaire ce qui lui permet de devenir une « Leitkun.st ».
Cette diversité (« Jan.usköpfigkeit », «Mehrgesichtigkeit ») représenteincon-
tPstablement une des dimension.s les plus significatives de l'art byzantin.
Il nous parait toutefois légitime de la xnettre en balance avec son contraire
Punité tout aussi saisissante, tout aussi signifiante, autre « constan-
te » de ce monde de successives « Ren.aissan.ces », xnalgré son apparente
inimobilite'L Car , même les « particularismes régionaux » auxquels s'attache
l'auteur 5 demeurent liés, pour l'essentiel de la forme et de la finalité, au
même symbolisme, 6, la même esthétique. Et c'est souvent à Part de la
Capitale même, justement à l'époque qui intéresse l'auteur, que l'art
byzantin doit les plus nobles et les plus pures élaboration.s qui lui confèrent
son imité et dont témoign.ent son rayon.nernent xnême. En fin de compte,
n.e pourrait-on pas admettre que si c'est la diversité (sans oublier sa très
haute qualité spirituelle) qui en fait une « Leitkun.st », c'est 6, la profonde
imité de son répertoire artistique qu'on doit la lon.gue et émouvante
survie de cet art dans le monde orthodoxe ? Nous avon.s une fois de plus
la preuve de la difficulté d'une lecture globale d'un art mouvant et divers
dans ses détails, constant (mkne dan.s ses ren.onvellements les plus spec-
taculaires) et unitaire pour ce qui regarde ses articulation.s essentielles.
C'est de cette survie dans l'espace culturel de l'empire qu'il s'agit
dans la 2g thèse. On pourrait en.core multiplier les exemples au-delà
de celles parfaitem.ent explicites qu'indique l'auteur (la Cappadoce, le
Mont Athos, les Météores, la Crète, le Chypre). Il s'agit dans ce cas de
très puissants foyers d'art, rayounant au loin, comme le Mont Athos.
Mais cette survie devient autrement révélatrice dans les vastes espaces
ouverts habités par les Grecs, les Bulgares, les Serbes, les Roumain.s. C'est
sur le plan de la « Geistesgeschichte » de tous ces peuples que l'art de
Byzance agit A, partir d'un certain. moment (le XIV' siècle) dans une
perspective n.ationale, mais oil la forme byzantine demeure facilement
reconnaissable après la chute de l'empire et jusque dans les temps
« prémodern.es ».
C'est un rappel n.écessaire (on l'oublie si souvent) de l'existence
d'un art profane à Byzance que l'auteur développe dans sa 3` thèse. Plus
on multiplie les exemples, plus cet aspect souvent éclatant obtiendra
le poids n.écessaire afin de rétablir l'équilibre que la structure profon.dé-
ment religieuse de l'autre aspect de l'art byzantiu tend trop souvent
rompre. Toutefois ce n.e sont pas que les ceuvres d'art disparates (orfèvrerie,

6 A. Grabar, Le premier art chra ten, Paris, 1966, p. 280. L'auteur distingue entre trois
grandes familles regionales d'ceuvres d'art qui se sépareront davantage au Moyen-Age : arts
du Levant et de la Transcaucasie, arts des Grecs et arts des Latins.

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280 MARIA ANA MTJ1SICESCU 4

miniatures e.a.) aussi typiques qu'elles soient, qui puissent à elles seules
rétablir l'équilibre. Il faudrait y ajouter un autre gen.re d'art, essentielle-
ment profane (meme s'il s'intègre sm.-tout dans le contexte de la peinture
monumentale religieuse, où il n.e manque jamais) : le portrait de donateur.
Basileis, krals, tsars, princes, voivodes, évèques ou simples pretres,boyards,
bourgeois, paysaus avec leurs femmes et enfants, souvent avec leurs an.ce-
tres et (vers la fin du XVIII° siècle et au XIX' en Olténie toug
les habitants d'un village, des groupes de haidouks aussi) sont represen.tés
sur les murs des narthex et des naos des églises du Sud-Est. C'est un autre
aspect et pas parmi les xnoindres artistique, culturel, social de
Punité dans Part du Common.wealth byzantin. 8. Et autant sinon plus que
les « arts de luxe », ces innombrables poitraits integrent dans l'art reli-
gieux le monde profane, la vie histolique et sociale, Pambiance cultu-
relle des peuples du Sud-Est.
Les theses 4, 5 et 6 sont dédiées à l'expansion de l'art byzan.tin,
surtout aux XIII' XIV siècles, en dehors des frontières de l'empire
memo (these 4: dans Part copte, en Syrie, en Arménie, en Georgic, en
Nubie ; these 5: chez les Slaves ; these 6: en Italie, en Fran.ce, en.
Allemagne) 7.
Qu'il n.ous soit perxnis de mettre en discussion., en marge de la these
5, quelques considération.s de detail. Qualifier les peintures de Bojana
uniquement par « die n.och ganz in komnenischer Tradition stehen.
(p. 24) c'est les apprécier in.justement. Ses attaches avec la peinture
byzantine sont incontestables (des affinités avec l'Occident ont été aussi
décelées) 8; elles prouvent, comme le soulignent V. N. Lazaiev et Otto
Demus, un certain conservatisme dans le style comme dans le prograxn.me
iconographique. Néanmoins, ce qui intéresse en premier lieu dans la pein.-
ture de Bojana, ce qui lui confère son originalité (prouvant justement
«l'édification de ses propres experiences) »9, sa singularité aussi, c'est
travers la variété de leur typologie, la puissante expressivité des figures.
Ceci justifie le Prof. V. N. Lazarev de parler de « tipi dei volti schietta-
mente nazionali »19 et Ath. Bogkov d'un.e « ausgesprochen.e Bestie-
bung der KUnstler, ihren. Bildern spezifisch nazionale Merkmale zu ver-
leiheD. »11. Dans nombre de ces figures Byzan.ce est très loin, souvent
n'y est plus qu'un vague souvenir.
Dans son rapport au XIVe Congrès d'études byzantines, Bucarcst, 1971 (Rapports III),
sur l'art profane à B3zance, le Prof. A. Grabar distingue trois grandes categories d'teuvres
d'art profane A Byzance : 1. Themes politiques et sociaux ; 2. Themes scientifiques et littéraires
(c'est clans cette catégorie qu'il classe les portraits peints) ; 3. Themes décoratifs : arts de luxe.
7 L'Angleterre n'a pas été mentionnée ; elle n'échappe pourtant pas A une cerlaine influ-
ence de Byzance. V. D. T. Rice, The Byzantine Legacy, dans Sources archéologigues de la civi-
lisation europeenne, Bucarest, 1970, avec une riche bibliographic du problème. Pour e l'exis-
tence de l'unité de la tradition aitistique byzantine en tant qu'élément actif parmi les peuples
qui participent d'une manière ou d'une autre au vaste domaine de la culture byzantine a,
v. aussi M. Chatzidakis, Aspects de le peinture religzeuse dans les Balkans, dans Aspects of the
Balkans. Continuity and change. Contribution to the International Balkan Conference held
at VCLA, October 23-28, 1969, The Hague-Paris, 1972. V. également A. Grabar, L'art du
Moven-Age ... Paris, 1968.
a A. Grabar, La peinture religieuse en Bulgarie, Paris, 1928.
A. Grabar, L'art du Mogen-Age ...
1° V. N. Lazarev, Storia delta pittura bizantina, Ed. ital. Torino, 1967, p. 287.
11 At. Boskov, Die Bulgarische Malerei, ... Recklinghausen, 1969, p. 68.

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5 BYZANCE, OCCIDENT ET CREATION NATIONALE 281

On est, d'autre part, en droit de se demander pourquoi l'auteur


installe, par une formule par trop généiale, « grdssenteils v011ig oder
weitgehen.d von der palaiologischen Kun.st in Byzanz abhän.gig » (p. 24),
la peinture bulgare du XIV' siècle, sous la tutelle exclusive de Byzau.ce.
Il suffxrait de comparer l'en.semble peint de Zemen.12 celui de Ivan.ovo
pour qu'il devienn.e clair que la peinture bulgare maniait son propre
langage artistique (même si issu des prémices byzantin.es) plastique et
cluomatique et qui est loin d'étaler la monotonie qu'engen.dre le parfait
conformisme à un modèle, aussi prestigieux qu'il soit 13
Il en est de lame de la peinture serbe des XII' XIII' siècles.
Il suffirait de mettre en regard l'indiscutablement « grossartigen En.gel*
de Kurbinovo, que cite l'auteur (l'archange de la fig. 20 n'est pas, °online
il est dit, le « Verkimdigun.gsen.gel », mais bien celui peint dans la conque,
qui est en adoration devant la Vierge. Son attitude de calme et noble
révérence l'indique d'ailleurs elairernent. L'archan.ge de l'Annon.ciation,
peint au-dessus de Pare triomphal, est en plein vol, dorain.ant les hauteurs,
dynamique et victorieux dans sa fascinante étran.geté. Voir V. N. Lazarev,
op. cit. fig. 339), et celui, non In.oins remarquable, ma's appal-tenant 6,
une ViS1011 tout à fait différente, de 1V1ilegevo, pour justifiei nos réserves
quant à l'affirmation trop catégorique, dan.gereusement gén.éralisatrice,
que « die serbische xnonumentale Wan.d Malerei steht unter kräftigster
byzantinischer Ausstrahlun.g » (p. 24) 14.
Sy. Radojèie, Die Ausstrahlung der byzantinischen Kunst auf die
slawisch.en Under in der Zeit vom 11. Jh. bis zum Jahre 1453.
Dans son langage alerte et souple, rehaussé d'accents de couleur,
conune pour xnieux faire « voir » sa pen.sée aussi précise que char& de
nuan.ces imprévues, le Prof. Radojèié n.ous brosse, en lign.es très larges,
ayant comme toile de fon.d les référen.ces aux situations historiques,
l'image, ou plus exactement les images des relations artistiques entre
Byzan.ce et les pays slaves d'un.e part, entre les pays slaves eux-m&nes,
de l'autre. C'est un réseau de routes, paitant en évantail de Con.stanti-
nople, qu'il dessin.e ain.si sous nos yeux, avec ses relais et ses &tours,
avec ses aboutissants. Ces routes n.e sont pas également éclairées, des
tronçons en man.quent parfois mais, et c'est ce qu.i importe, chaque relais
devient à son tour réceptacle et foyer rayonnant, créant d'autres routes
l'intérieur des frontières ethn.iques. L'auteur de cette carte artistique
nous entretient surtout de ces foyers, ces centres qui reçoivent et créent
leur tour une architecture, une peinture, des objets d'art somptuaire,
qui gardent, avec des accents dont l'équilibre chan.ge d'intensité et de

Liliana Mavrodinova, Zemenskata Trkva, date la peinture de Zemen vers la fin du


XIIP début du )(we siècle. At. Bakov, op. cit.
13 Ce n'est pas l'inhabile repnse en résumé du livre de A. Grabar (La peinture religieuse
en Bulgarie) qui est celui de D. Panaiotova, que l'auteur cite dans le texte méme qui est en
mesure d'éclaircir ces problémes. S'adresser à la source méme serait plus profitable.
Quant à la qualification de 4 école de Miloutme i, M. MilkoN ie-Pepek, L'ceuvre des
peudres Alichel el Euthyche, Skoplje, 1967, on est en droit de ne pas y adhérer sans réserves.
A son tour, Mme Maria Sotiriou, L'école macéclomenne et l'.école dite de Milouttne, Athènes,
1969 (en grec avec résumé en français), propose comme plus adéquate la reprise du vieux terme
4 art serbo-byzantin », au lieu de celui d'q école de Miloutine

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282 MARIA ANA MITSICESCIJ 6

signification selon les époques, la double empreinte byzan.tin.e et natioanle.


C'est sur la première qu'insiste l'auteur afin de soulign.er ce qu'elle est
devenue dan.s Pinterprétation soit des artistes venus de Byzance pour
exercer leur art en terre étrangère, soit des artistes issus de ces terres
mêmes et qui maniaient techniques et formes repes de Byzance, selon.
les possibilités, les besoins, Pambiance culturelle et les traditions artistiques
de leur propre patrie.
Il y a d'abord Preslav et sa « Rätselhafte » église ronde, « premier
centre de l'art monumental byzan.tin parmi les Slaves » (p. 36). Cette
capitale du tsar Siméon, si inten.sément fouillée par les archéologues, si
minutieusement étudiée et in.terprétée par les historiens de la cultme et
de Part bulgares, révèle à travers ses imposantes ruines une image
assez claire du remarquable contexte culturel et artistique qu'avait attein.t,
aux IXe X' siècles, Pernpire bulgare intégré dan.s le Commonwealth
byzantin (malgré la hain.e de Byzance, que le Prof. Radojèié souligne en.
-prenant comme exemple le gran.d Siméon même, ce « Zöglin.g Konstan-
tinopeis », à la fois « Verehrer der grieehischen Bildung und Todfein.d des
byzartinischen Reichs », p. 35). On. pourrait toutefois remarquer, si
ce n'est pas trop exiger des preuves qui existent pourtant pour
accepter sans réserves le point de vue par trop sceptique du savant serbe
« Der Prozess der Entstehnun.g der ältesten. byzantin.isch-bulgarischen.
Kunst in 10. Jahrhun.dert bleibt ganz noch irn. Dun.keln » (p. 37). Anme
si presque exclusivement archéologique, la perspective de Part en terre
bulgare, à partir de 681, n.'en est pas moin.s lisible. Il y a les fresques
de Perugtica du VIII" s. 15, avec ses souvenirs hellénistiques ; il y a Pliska,
ses fortifications, ses basiliques, ses palais, ses églises, on l'on retrouve
traditions hellénistiques, souvenirs paléobyzantins, fortes suggestions
byzan.tin.es. Il y a également, au début du VIII' siècle le Cavalier de Ma-
d ara qui est, en fin de compte, un thème « triom.phal », comme d'autres
Byzan.ce 15a.
Vient en.suite la prestigieuse Kiev, cette « capitale de l'art » du XI`
siècle russe. L'auteur en esquisse les traits qui Papparen.tent à Byzance,
tout en suggérant ce qui est « régionalisme » russe et similitudes avec la
Sainte Sophie d'Ochride, avec les mosaïques de Saint Luc en Phocide.
Au XII` siècle, les traits roman.s se trouvant dans l'architecture et dans
la sculpture de Vladimir-Suzdal, corvine dan.s celle de l'église de la Vierge
Studenica, commie la sculpture serbe de la fin du XII' siècle qui rappelle
die « Vermischung byzantinischer und romanischer Elemente in Venedig
und desser nahere Urngebung » (p. 41), montrent, en dépit des, différences
stylistiques que cet apport de l'Occident engendre dans l'art serbe et
russe, la vastité de l'aire artistique qui participait à la création de Part
des Slaves avant le XIII' siècle. C'est à cette époque et la remarque du
Prof. Radojèie xnérite d'être soulign.ée que s'inten.sifient les relation.s
artistiques entre les pays slaves. C'est un aspect encore trop peu étudié
ces relation.s très diverses sort à Porigin.e de la diversité comme de l'unité

15 A. Grabar, op. cit.


15 a. .V.e.a., St. Stanchev, PI iska et Madeira, dans l'hisloire culturelle bulgare, dans La
culture méeltévale bulgare, Sofia, 1964; Stamen Athailov, La grande basillgue de Pliska et la
tradztion paleobyzantzne de bdtir dans la Péninsule balkanigue, dans Actes, Sofia, 1969, p. 583-597.

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7 BYZANCE, OCCIDENT ET CREATION NA1IONALE1 283

de Part des XIV` XV' siècles et qui se prolonge, durant l'époque post-
byzantine, dans tous les pays du Sud-Est de l'Europe. Similitudes et traits
particuliers, rayonnement de la peinture paléologue dans les Balkans et
en Russie, moments représentatifs des différentes modalités stylistiques
(Trno-vo, Novgorod, Pécole xnorave, Mistra) lesquels, tout en gardant
Pempreinte byzantine, diversifient le paysage de la peinture paléologue
en permettant de comprendre les traits qui dfdinissent ce qui deve-
nait un art nation.al bulgare, serbe, russe. Hypothèses, peut-être parfois
térnéraires mais non moin.s séduisantes, comme celle que « Ivanovo zeigt
die Genesis jener byzantinischen Malerei, die in Serbien um 1370, in Nov-
gorod um 1378 erscheint » (p. 45), ou celle du style « sentimental, lyrique
et décoratif » (p. 48) de Kalenié qu'on pourrait difficilement comparer
celui plutôt sec et graphique de la Cozia olténienne (1382), Part d'un
Théophane le Grec et d'un, Rublev, le rôle des « wanderkiinstler », tout
comme celui des « irren.den Schriftsteller » dan.s la diffusion de la culture
et de l'art byzantin, représentent autant d'éclaircies clans le réseau infi-
n.ixnent complexe que le flux in.interrompu de la pénétration byzantine
étend sur les arts de l'Europe orientale. Et le texte du Prof. Radofeie
offre quelques exem.ples pour souligner fermement que « Alle jun.gen
Völker Europas, besonders in Ihrer Nähe, erblickten in Byzanz das Ziel
und Vorbild ihres Fortschritts » (p. 49). Que ces « von Byzanz ererbten
Kunsttraditionen deviennent, durant les siècles de la Turcocratie, « eine
allzuschwäre Enrde » est une autre page de l'art sud-est européen et qui
mériterait une étude tout aussi compréhen.sive, dans ces aspects contra-
dictoires, que celles du convainquant panorama artistique que l'auteur
nous a offert pour les Xle XV' siècles.
Corina Nicolescu, Die alie Kunst Rvniävins ivd are Bezielvangcn
zu Byzanz. C'est le tour de l'art roumain de révéler ses racines byzantines.
Dans quelle mesure s intenses fouilles archéologiques du dernier quart
de siècle ont pu prouver que ces racines byzantines s'enfoncent profon.-
dément dan.s le sol de la Rouxnanie de nos jours, mille ans avant la forma-
tion. des Etats roumains indépendants, c'est ce que l'auteur s'est proposé
de démontrer. Et il est vrai que cette tache blanche sur la carte culturelle
et artistique de la Rournanie entre 271 et jusque vers le milieu du XIV'
siècle se rétrécit au fur et à mesure de la découverte des in.nornbrables
souvenirs de la vie qui acheminait les Daco-Romains vers ce qui devien-
dra, vers le IXe siècle, le peuple roumain. La zone la plus riche en témoi-
gnages artistiques, depuis les citadelles et les basiliques (avec leurs beaux
chapiteaux en marbre sculptée) et jusqu'à la céramique, est in.discu-
tablement le Bas-Dan.ube avec la Dobroudja, où les influences grecque,
puis byzantine (avec quelques interruptions qui ne provoquent
pas de discontinuité dans son processus artistique) sont nombreuses. C'est
sur cette zone que l'auteur se penche pour surprendre son « facies » artistique.
est romano-byzantin, souvent constantinopolitain, d'autres fois provincial,
des plus lointaines terres de P« oixouphyr) » byzantine, oil survivaient des
traits orientaux. L'exposé bref et clair de l'auteur, s'appuyant sur la très
riche bibliographie archéologiqu.e rouxnaine et à l'aide des nouvelles
interprétations historiques, rassemble des témoins épars le long des siè-
cles et recompose ainsi, sinon une image en plein.e lumière (qui, du moin.s

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28,1 MARIA ANA MUS10ESCU 8

pour les VIIeIX° siècles, West pas en.core possible), du moins une
ambiance on Byzance joue le r6le essentiel. Néanxnoins, malgré les trou-
vailles de n.ombreux objets (céramique, en premier lieu, objets de culte,
c.a.) dans différents en.droits du pays et qui, à leur tour, sont soit de prove-
nan.ce, soit d.'imitation byzantin.e, c'est la Dobroudja qui demeure, jusqu'au
xive siècle, le réceptacle le plus actif, le plus perxnan.ent aussi, de la
pénétration artistique byzantin.e, parmi ces i/L o6e(p6c4poq comm.e les
qualifie Attaléiatès 16 et qui « parlent toutes les lan.gues ».L'art en est
byzantin et florissant dans ce thèxne du Paristrion. L'auteur sonligne, à
juste titre, que la Dobroudja est une zon.e « provin.zieller byzantinischer
Kunst auf der Karte Sndosteuropas » (p. 61). On. pourrait meme suren-
chérir et parler, si nous envisageons toute l'époque à partir du IV' siècle,
de la pén.étration.plut6t rare, il est vrai de certains traits de l'art
impérial byzantin. si Pon juge d'après quelques basiliques et quelques
pieces d'orfèvrerie.
Si l'on regarde de plus près la carte artistique des IV' siècles
couvrant le territoire de la Roumanie de nos jours, tout ce qu'on a trouvé
eu dehors de la Dobroudja (le long du Danube on ne con.n.ait jusqu'à
nos jours que la basilique de Sucidava VIe siècle et les ruines des deux
petites églises de Turnu Severin (XIII' siècle non en.core fouillées), appar-
tient surtout au domain.e de la culture matérielle, objets dont les traits
artistiques, d'allure stylistique et de procédés techniques byzantins,
couvrent tout le territoire du Sud-Est de l'Europe et même une zone très
éten.due des pays slaves du Nord et de l'Est. Il n.ous parait donc difficile
,d'admettre, san.s prudemment n.uancer les faits, que « diese vier Jahr-
hun.derte /X' XIII' siècles/ währende Periode ist dio wichtigste fiir die
Entwicklun.g der rumitnischen Kunst un.d ihrer Beziehungen zu der byzan.-
tinischen. Welt » (p. 66). Il est indéniable que ce qu'on appelle la culture
protoroumaine » est nourrie aussi des éléments byzantins de provin.ce.
Tout ceci ne constitue qu'un.e sorte de toile de fond, plus on moins
uniformément &endue sur l'en.semble du territoire roumain. Mais d'où
-vien.n.ent Curtea de Arge§ et Cozia, Siret, Voronet, Neamt, e.a., pour n.ous
limiter aux XIV' XATe siècles ? Cette toile de fon.d n.e peut nous suggérer
une répon.se directe. Et en.core moin.s les modestes églises de Din.ogetia-
Garvän et de Niculitel, ou ce 6:7-r4 qui est le complexe de Basarabi-
Murfatlar sur notre territoire, et qui n'auront pas de lendemain. en
Roumanie. Il nous parait impossible d'adm.ettre que ces mon.uments
d'extrème limite d'un.e petite provin.ce de l'empire soient les an.cêtres
en lign.e droite du noble monument, esthétiquernent achevé, qui est
l'église princière de Curtea de Arge§, byzantin aussi, rnais issu
d'amtres « dimen.sions » artistiques, avec sa pein.ture paléologue (si
injustement traité,e aujourd'hui par quelques-uns des plus grands
spécialistes étrangers) qui est grandement redevable à l'en.sem.ble le
plus hautement réussi de ce style : la Chora con.stantinopolitain.e 17. L'église

16 Pour ce problème, y. aussi E. Shinescu, Les nuxobarbares du Bus-Danube au X.16


siècle, dans Nouvelles Etudes d'Histotre, III, Bucarest, 1965.
1? Paul A. Underwood, The Kahrie-Djami, New York, 1966.

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9 BYZANCE, OCCIDENT ET CREATION NATIONALE Z85

Saint Nicolas de Curtea de Arges représente une nouvelle hape historique,


elle est issue d'un autre milieu celui princier du début de l'Etatvalaque
in.dépen.dant. C'est à d'autres fin.s que Basarab r et ses successeurs Pont
voulue à l'instar des mon.uxnents byzantins de premier ordre. Nous avons.
d'un.e part, pour la Dobroudja, la comman.de et l'ceuvre des chefs militaires
et de l'Eglise, des ceuvres de simples artisan.s aussi, de Pautie, la comm.ande
d'un chef d'Etat. De ce point de vue il n'y a pas continuité
de relations avec l'art byzantin se trouvant sur le sol de la
Dobroudja ain.si que sur le reste du territoire roumain. L'art r o u-
main du Moyen-Age, en tant que comman.de surtout prin.cière, achevé
par des artistes roumains (souvent três gran.ds) pour le peuple roumain,
puise três profon.dément ses sources dan.s l'art byzantin de l'époque paléo-
logue ; il choisit, adapte, adopte, développe et crée, s'enrichit d'échos go-
thiques et don.n.e n.aissan.ce à un style qui lui est propre et quiévolue selon
ses don.n.ées internes. La société rourn.aine sous les premiers Basarab,
sous Mircea l'Ancien, Alexandre le Bou, n'était plus celle des XI° XIII'
siècles ; sa structure, sa manière de vivre, sa « Weltan.schauung », sa culture,
son idéal, étaient autrement complexes, autrement perm.anents aussi,
que ceux des temps hérolques des knezats de Jean, de Farcas, de Litovoi,
de Sen.eslau. La petite église en croix grecque dont les fon.dation.s out été
récernment trouvées sous Pactuelle église princière d'Arge§ 18, attribuée
Seneslau, participe elle aussi à l'horizon artistique des églises de la
Dobroudja, de Turnu.-Severin., de Vodita. C'est une seconde étape, comme
le souligne d'ailleurs l'auteur (tout comme les 1C _J0 siècles en sont
une), de la pénétration byzantine sur le territoire qui sera celui de la
nation roumaine, mais dont Paboutissant n'est pas, n.e peut pas être, la
première église princière, nécropole royale aussi, dans la longue évolution
de Part roumain. L'église princière elle-même n.e peut pas être qualifiée
de monument r oumain; c'est un. mon.urnent byzantin sur le territoire
de l'Etat valaque, mais qui exprime dans tous les traits de son art ce que
les princes qui l'on fait con,struire et décorer -voulaient pour le m.onument
qui représentait leur Etat A, l'époque où celui-ci ven.ait d'être officiellement
reconnu, par le basileis et le patriarche cecuménique, parxni les pays.
orthodoxes.
Avec ces considérations, en marge de Pexcellent article de Mine
Corina Nicolescu, qui a su composer, avec clarté et précision, Phorizon
artistique encore si confus des lointains débuts de l'art roumain, ce n'est
ni la continuité, ni le rôle émin.ent de l'art byzantin parmi ses an.cêtres.
que nous conteston.s. Nous considéron.s seulernent que Phypothèse de
Pauteur, affirmant que l'église prin.cière de Arge§ est une fin d'étape,
peut être sujette à caution.. N'est-elle pas plutôt un début, qui perxnettrait
l'art du moyen âge roumain de prendre son point de départ et son essor
imynédiat, 31011 pas dan.s un contexte artistique provincial du
monde byzantin. du XIV siècle, xnais dan.s celui de la maturitê
des Paléologues Située ain.si sur la grande route qui liait les.
deux centres prestigieux de l'Empire, Con.stantinople et Salonique,
avec d'autres centres nation.aux des pays du Sud-Est, cette
18 N. Constantinescu, La residence d'Arges des vorvodes roamams des XILle XIV"
&Mes..., dans Revue des eludes sud-est europeennes, VIII (1970), n° 1.

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-286 MARIA ANA MUSICESCIP 10

église prin.cière représente parfaitement la phase artistique où, cornme le


dit H. Focilion., « la forme ... va perpétuellement de sa nécessité à sa
liberté »19. Car, si jusqu'au XIV' siècle, la réception de l'art byzantin
s'est faite selon les nécessités d'ordre historique, culturel, spirituel, l'art
des Etats valaques et moldaves transforme et développe ce « prélude »,
y ajoute l'in.vention avec la liberté qu'implique le choix et toute pers-
pective de l'avenir.

Virgil Vätäsianu, Romanische und gotisehe Bauk,unst in Sieben-


burgen. Un autre paysage artistique nous accueille au 1Vioyen-Age
Trausylvanie : celui de l'Occiden.t. Cette province roumaine est, avec les
pays sla,ves du Nord, comme la dernière « marche » du roman et du
gothique à travers l'Europe centrale vers l'Est. Simplifiés, sinon
appauvris, si ori les compare avec les monuments de la Fran.ce ou de l'Alle-
magne, mais néarimoins gardant la pureté du style qui a servi de prototype,
les monuments transylvains des XIlleX-Ve siècles swat les témoin.s d'une
« vie des formes » qui se meut et agit selon d'autres interpré-
tat ion.s de l'espaces, selon d'autres lois esthétiques, selon un
mitre vocabulaire plastique. L'effet et la portée en sont tout
autres. Et c'est avec une maitrise exexnplaire que le meilleur spécia-
liste roumain du roman et du gothique n.ous brosse les traits essentiels
et l'évolution de ces deux styles en Tran.sylvanie. Il n'est pas lieu ici de
nous attarder, ni sur les rapports entre art roumain et art occidental en
Trau.sylvanie, ni sur le rôle que ce dernier a joué, depuis le XVe siècle,
dan.s la synthèse artistique moldave, etc. L'essentiel a été dit par le Prof.
Vätäsian.0 et c'est plus qu'une simple leçon de Phistoire de l'art d'une pro-
vince qu'il offre au public étran.ger, mais un aspect et pas le moin.dre
permettant, une fois de plus, de rattacher Part et la culture des Pays
Roumain.s à Part et A, la culture européenn.es. Et il Paffirxne dans la
perspective intégrale des dirnen.sions historiques du passé roumain A, la
fin de son exposé : « ... das hier entworfene Bild umfasst die wertvollsten.
Bauten, in. denen die herbe Sprache einer Kun.st zur Geltung kommt, die
an ein.em Knoten.punkt der dramatischen Geschichte des mittelalterlichen
Europa, in ein.em geographischen Bollwerk gegen. Tataren und Tiirken
gebliiht hat » (p. 108).
Djuro Basler, Die mittelalterliche Grabsteine im Bosnien und in der
Herzegovina. A.utre « Randgebiet der Europäischen Kultur im Mittelalter"
(p. 121), la Bosnie et la Herzegovine échappent à l'emprise artistique
byzantin.e et adoptent les formes d'art romau.es et gothiques. Si, pour
ce qui est, au XIV' siècle, l'art de la Cour et celui des cloitres catholiques,
c'est, C01111110 en Transylvanie, le gothique qui s'impose, les couches popu-
laires pratiquant à large échelle P« hérésie » bogomile s'adressent, pour
&corer leurs dalles fun.éraires (« mramor * ou stecaks ») au vocabulaire
plastique roman. B. s'agit d'un. art A, caractère folklorique, usant d'un lan-
gage tout syxn.bolique accessible aux seuls initiés dans cette « doctrine »
très répandue d'ailleurs lon.gtemps et violemment réprimée par les
autorités de l'Etat et de l'Eglise. C'est pourquoi cet art des bogomiles
" H. Focilloia, La me des formes, Paris, 1934, p. 95.

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11 BYZANCE, OCCIDENT ET CREATION NATIONALE 287

fleurit dans une région de relative liberté, deux siècles durant et s'éteint
après la con.quête musulmane de 1463, laissant toutefois certaines trace s
dans la décoration des grandes croix en pierre dans les nécropoles du
XVI° siècle. Il est regrettable que cet exposé qui, xnalgré sa brièveté, réussit
parfaitexnent intégrer 'Information de &tail dans son contexte théorique,
soit si pauvrement illustré. Si, n.ée dans un cercle social étroit, éloign.ée
des centres de l'art officiel, cette sin.gulière et attirante « imagerie »
bogomile où Pon retrouve, si on y regarde de plus près, des motifs de POrient
préhistorique comme de l'art provincial romain, nous parait aujourd'hui
si étrange, elle n'est pas excepté son syxnbolisrne unique au niveau
des arts paysans. Dan.s les Balkans, dan.s certain.es régions de POlténie
on trouve dans les cimetières chrétiens des croix en bois, &corks
de motifs peints ou sgrafittés où les syxnboles chrétiens sont difficilement
reconnaissables sous des formes et des expressions dont l'extrème primi-
tivisme parait rejoin.dre un passé infiniment reculé.
Les trois derniers chapitres du livre sont consacrés ù quelques
expressions artistiques, parmi les plus relevantes, de la Grèce du Nord,
de la Serbie et de la Bulgarie, l'extrême fin du Moyen. Age, avant Péclo-
sion d'un art moderne (XVI r XIX' siècles).
Le Prof. St. Pélékanidis, Die Kunstformen der nachbyzantinisehen
Zeit im Nordgriechischen Baum, étudie, d'une part, l'architecture et la scul-
pture en bois religieuses des XVII' XVIII' siècles, en attirant l'atten-
tion sur ce qui est héritage byzantin., influence musulman.e et occidentale
dans la sculpture qui « durchdringen. einander . . . und geben so der neugrie-
chischen kirchlichen Skulptur einen neuen, subjektiveren. Ausdruck, der
zusammen mit den tradition.ellen Gegeben.heiten zu einem ... persön-
lichen Charakter fiihrt, in welchem das volkstiimliche Element neben dem
der Natur und dem Leben. entnornmenen Motiven die bedeutendste Rolle
spielt » (p. 130) et de Pautre, l'architecture profane si particulière des villes
xnarchan.des grecques des XVIII' XIX' siècles, où nait et se développe
ce type de grande et riche maison bourgeoise l'« archon.tiko ». L'auteur eu
donne une description systématique et détaillée selon la technique, la
structure et les régions, insiste sur la décoration. peinte, sculptée
intérieure oh. Pon retrouve traitée d'une manière toute personnelle, d'un.
« rein volkstiimlich-griechischen. Charakter » (p. 136) paysages orientaux,
décor baroque et rococo, décoration qui confère à ces très harmonieux et
gais intérieurs autant de charme que d'originalité. On retrouve, pas iden-
tique, xnais d'une arnbiance apparentée à cello grecque, des images tout
aussi directes du nouveau contexte social et culturel, visible dans tout le
Sud-Est européen, en Turquie, en Albanie, en Serbie, 011, Bulgarie et jus,
que dan.s les 4 cula » roumaines. C'est un nouvel horizon de culture où la
tradition fraternise harmonieusement, sous des aspects particuliers
chaque pays et zone ethnique, horizon grec, actualité orientale et occi-
dentale A, la fois. L'«archon.tiko» grec demeure, selon n.otre opinion, l'expres-
sion la plus frappante de Parchitecture d'un groupe social riches mar-
chands bourgeois et moyenne noble6se (en Roumanie) qui allait jouer
un r6le actif dan.s le renouvellement spectaculaire de l'art sud-est euro-
péen. au XIX' siècle.
s. 124
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288 MARIA ANA MuIsrcESCU 12

Dejan Medakovie, Die Nationalgeschichte der Serben im Lichte der


neuzeitlichen sakralen Kunst. Le Prof. Dejan Medakovié nous fait part de
l'un des plus con.vainquants témoign.ages de la « unzertren.n.bare Verbin-
dung » (p. 146) qui, dan.s la con.scien.ce du peuple serbe lient le present et
le passe que leurs « saints rois », despotes, métropolites et héros (dont ce
prin.ce Lazare de Kossovo) avaient investi d'un inoubliable éclat. Le
Prof. V. Djurié 20 a étudié, pour les XIIIeXIVe siècle, la manière dont
cette con.science de l'« actualité » historique et la signification nationale
d'un passé heroIque se reflétait dan.s la peinture et dan.s la culture &rite
serbe de l'époque. C'est ce meme aspect que le Prof. D. Medakovie étudie
dan.s les différentes expressions artistiques des XVIII' XIX' siècles.
Ceux-ci sont très peu con.nus. Toutefois, malgré leur in.déniable eclectisme
stylistique où l'Occident baroq-ue et romantique aussi a presque complè,-
tement efface les an.cienn.es modalités d'expression., ces « portraits » des
Saints Saya et Simeon., du tsar ITrog, la lign.ée des Nemanides, ain.si que
de nom.breux thèmes historiques qu'on retrouve dans les icôn.es, les pein-
tures murales, les gravures, sont antant de preuves de cette conscien.ce
active du passe chez le peuple serbe. Admirable leçon d'histoire, d'histoire
de la culture et de l'art serbes après 1690 et jusque vers la fin du XIX'
siècle, ce texte fait aussi la preuve que cet art tardif et dédaign.6 de nos
jours, parfois si gauche, si n.alf dan.s ses expression.s, obtient, de par le
symbol° qu'il représente et que tous compren.aient, la puissan.ce d'un
message tout actuel transmis par un genre d'art medieval, l'unique qui
survivait à un. très lointain. passé : la peinture religieuse. D'ailleurs, dan.s
tons les pays du Sud-Est on trouve, à cette époque, dan.s l'art religieux
d'un.e part, ce rappel au passé nation.al et de l'autre, eertain.s traits de ce
qu'on pourrait appeler « couleur locale » et qui sont peut-être déjà de
l'art moderne avant la lettre. La phrase finale de l'expose, du Prof. D. M.
s'applique à la peinture murale de toute la zon.e : « Audi der serbische
Klassizismus, Romantismus und Realismus stellen kein.e Kunstbewegun-
gen dar, in den die sakral-historische Malerei vollkommen verschwunden
wäre. Das weitere Aufgreifen solcher historischer Thematik seiten.s der
Kirche widerspiegelt gleichzeitig, ohn.e Riicksicht auf die bereits formierte
biirgerliche Opposition., auch den Versuch der Kirche, ihre historische
Rolle in der serbischen. Gesellschaft zu verlän.gern » (p. 156).
Vassil Zachariev, Entwicklung der bulgarischen bildenden Kiinste
während der Epoche der nationalen TViedergeburt.
« Die Grösse der Wiedergeburtsepoche des bulgarischen. Volkes tritt
in ihrer ganzen. Bedeatung durch den nberaus umfangreichen, beachtlichen
Aufbau der Kultur und die Entfaltung der Volksbildung in Erscheinung »
(p. 165). « Renaissan.ce » de la conscience nationale bulgare (1762-1856),
suivie d'une « Renaissance » de la culture et des arts (1829-1856), qui
aboutit entre 1856-1879 à une époque d'intensification de la lutte

20 Trois événements de l'Etal serbe du XIVe siècle el leur incidence dans la peinture de
l' époque, dans Zbornik za likoune umetnosti, Novi Sad, 4, 1968; Ibid., Compositions historiques
dans la peinture médievale serbe et leurs parallèles littératres, dans Recueil des trauaux de l' Instaut
d'Eludes byzantines, XI (1968), Beograd.

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13 BYZANCE, OCCIDENT ET CREATION NATIONALE 289

Rationale pour la liberté. C'est au cours de la seconde moitié du XVIII°


siècle que se développent et fleurissent ces écoles de peinture dans de
nombreux centres du pays (Trjavn.a, Samokov, Bansko-Razlog, DebAT-
Rekan., e.a.) qui sont en xnAme temps d'actifs centres écon.omiques et
culturels ouverts aux échanges de toutes sortes avec l'Occident, tout en
gardant ses attaches religieuses tradition.n.elles avec le lVfont Athos.
Peinture d'icônes et sculpture en bois, gravure et peinture à l'huile
aussi, suivant pas à pas les contacts avec l'extérieur, enrichissent Phorizon
culturel du peuple sans jamais rompre avec le passé. Cette fiévreuse acti-
vité artistique qui se transmet d'une gén.ération à l'autre, de père en fils,
permettant le passage sans heurt de l'art traditionael à, Part moderne est,
une fois de plus, et le regretté Prof. Zachariev le soulign.e un des
aspects communs de l'art des pays du Sud-Est de l'Europe à Pork des
temps modernes. Tourné vers le passé un. passé vu et senti à travers
un esprit romantique, et en Jame temps préparant l'avenir dans un esprit
activexnent réaliste, l'art des peuples qui luttaient pour leur affranchisse-
ment nation.al, sans rom.pre les liens entre la « légen.de chrétien.ne et le
spectacle de la vie », laisse le « réalisme de la connaissance l'emporter sur
l'univers visionn.aire de la foi » 21.

Les problèmes essentiels étudiés dan.s ce livre envisagent, au cours


de deux étapes chronologiques, le rôle de Byzance dans la formation, le
développement et l'évolution de l'art dans les pays du Sud-Est de l'Europe,
notamment : 1. celui de dén.ominateur commun, a ctif jusqu.'à la chute de
l'Empire et 2. Phéritage byzantin en regard de la création. n.ationale
Grèce, en Yougoslavie, en Bulgarie aux XVIII` XIXe siècles. Il faut
reconnoitre et souligner le fait que ce sont les récentes recherches qui ont
permis non seulement de révéler les nombreux et souvent in.naten.dus
aspects artistiques issus des relations avec Byzance, chez les peuples slaves
et les Roumain.s, mais aussi de mettre en valeur un aspect entièrement
n.ouveau, sin.on ignoré, du 1110iDS trop mal compris par les historiens de
l'art d'avant la guerre, qui est celui de Porigin.alité et de la signification
de l'art à la fin du long Moyen Age sud-est européen. avant Pétablissement
d'un art xnodern.e. Dorén.avant, Pétude de « Byzance après Byzan.ce
gagn.e un nouveau chapitre, celui de l'art et de son message culturel et
n.ation.al pen.dant l'époque des grandes luttes pour Pindépendance. Evidem-
ment, ce ne sont que les grands cadres qu'esquissent les exposés de St. NM-
kanidis, de D. Medakovie, de B. Zachariev. Et leconn.aissons que
le texte du Prof. Medakovie qui envisage d'une manière pertinente la
meilleure méthode dan.s ce domaine : celle de m.ettre les problèmes de l'art
en contact direct avec ceux de la culture, car c'est en fonction de celle-ci
que l'art traditionn.el gagne à cette époque sa vraie signification.. Déchu
de sa noblesse esthétique, de l'élégan.ce des formes, appauvri de son con-
texte purement spirituel, cet art ne palle plus un lan.gage aristocratique,
mais bien celui populaire, paysan. Et, au-den, des « diversités » ethniques,
s'éten.d tout coxnme naguère Byzance et son art une autre « unité »,
celle d'un art dont les racines communes, la lon.gue coexisten.ce, permet-
21 P. Francastel, Eludes de soctologie de l'art, Paris, 1970, p. 82.

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290 MARIA ANA MUSZCESCU 14

tent une fin, un début et un renouvellement commun.s. Si nous insistons


sur cet aspect final de Part sud-est européen. que le livre que nous venous
de présenter met particulièrernent en. valeur c'est du fait que c'est
justernent dans ce domaine gull y a en.core taut h travailler. Il y a dérnêler
jusqu'oil s'éten.d la tradition byzantine, quelle est sa signification., sa
place, son rôle, dans la formation des arts nation.aux. Quel est le processus
qui permet du point de vue stylistique le succès rapide de l'art
occidental?
Pour ce qui est de l'époque byzantine, les articles qui s'en occupent
insistent n.ormalement sur les relatiovs entre Part byzantin, balkanique
et roumain.. Ces relations sont en.core 4 approfondir, pour toutes les époques.
A n.uancer surtout. Il y a également à préciser ceitains termes, comme
celui d'influence, celui de Renaissance. Il y a à suivre l'avance de l'art
occidental depuis le XIII' et jusqu'au XIX' siècle.
Ce livre est riche en suggestions et c'est une de ses grandes quail-16s.
Il pose des problèmes et en. offre des solutions. Il incite à la discussion,
souvent à la controverse. Car c'est un Eyre vivant h l'instar de la recher-
che contemporain.e dans le domaine de l'histoire de Part, qui avance pas
it pas vers la précision. Il pourrait servir de point de départ pour toute
discussion ayant trait à l'art sud-est européen. du IV' au XIV siècle.

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Rapports linguistiques

CONSIDtRATIONS LINGUISTIQUES SUR QUELQUES


TOPONYMES SLAVES D'ORIGINE ROUMAINE EN YOUGOSLAVIE

ELENA ma-aiLA-scARLAToiu

La toponymie romane de « type roumain »1 du sud-ouest de la,


Péninsule Balkanique et des Iles dalrn.ates 2, moins étudiée que celle de
Le terme a été employé par M. Pavlovie dans son intervention A l'exposé de G. Chelaru,
donné au Vie Congrés des slavisants de Prague (v. VI mazinbrodni sjezd slavi std y Praze 1968.
Akta sjezdu I, Prague, 1970, p. 242).
2 Ouvrages concernant surtout l'influence dalmate : Fr. Miklosich, Die Fremdwbrter
in den slavischen Sprachen, Vienne, 1866; idem, Die Bildung der Slavischen Personen- und
Ortsnamen, Heidelberg, 1927; M. Bartoli, Das Dalmatische. Altromanische Spracherste von
Veglia bis Ragusa und ihre Stellung in der A ppenino-Balkanischen Vol. I Einteilung und Ethno-
graphie Illyriens. Vol. II Glossare und Texte. Grammatik und Lexicon, Vienne, 1906 ; C. Jire6ek,
Die Romanen in den Stadten Dalmatiens nvihrend des Mittelalters, IIII, Vienne, 1901-1904;
I. Popovié, Gesch.; P. Skok, Ortsnamen Studien zu De administrando imperio des Kaisers Con-
stantin Porphyrogennetos, in s Zeitschrift ftir Ortsnamenforschung o, IV (1928), p. 213 et suiv.
Contribution ei l'etude de l'istriote pré-vénitien, in « Mélanges Prokop M. Ma§kovec t, Brno, 1936,
p. 310 et suiv. ; Studi toponomastici sull'isola di Veglia, in Archivio glottologico italiano »,
XXIV, XXV; Studi je iz ilirske toponomastike, in Glasnik zemaljskog muzeja za Bosn. 1 Herc. o,
XXIX(1917) ; Beitrag zur Kunde des romanischen Elements im Serbokroatischen, in ZRPh XLI;
Pojave vulgarno-latinskogo jezika na natpisima rimske provincije Dalmacije, Zagreb, 1915; Ime
grade Splita, Spalatto, Zagreb, 1916; Les origines de Raguse, in Slavia o X (1930) ; La lopo-
nymie et la question du substrat et du superstrat, in Actes et Mémoires du premier Congrés inter-
national de toponymie o, Paris, 1938; Slavenstvo i romansivo na jadranskim otocima. Topono-
rnastieka zspitivanja. Vol. I II, Zagreb, 1950 recherche cempléte, voire exhaustive pourrions-
nous dire, de la romanité dalmate, qui offre des solutions A bon nombre de problèmes théo-
riques aussi. Le deuxième teme de l'ouvrage comporte, en plus, un précieux index des noms
géographiques, insistant surtout sur ceux d'origine dalmate. Fr. Miklosich, E. Kaluzniacki,
Vber die Wanderungen der Rumunen in dem dalmatischen Alpen und den Karpaten, Vienne,
1879; C. Jireèek, Die Wlachen und Maurowlachen in den Denkmalern von Ragua, in* Sitzungs-
berichte der Konig. bohmischen Gesellschaft der Wissenschaften hist. phil. Klasse Prague, 1879;
Die Kandelsstrassen und Bergwerke von Serbiert und Bosnien wahrend des Mittelallers. Historisch-
geographische studien, Prague, 1879; Geschichte der Serben, vol. I, II, Gotha, 1911-1918; I. Po-
povie, Gesch.; P. Skok, Iz toponomastike jufne Srbije, in s Glasnik Skopskog ueenog dru§tva t,
XII (1933) ; Prilozi k ispitivanja srpsko hrvalskih imena mjesta, «Bad », ncr 117, 131, 224;
Stud, je zz srpskohrvaishe toponornastika, in e Belieev Zbornik o (1l21); /z srpskohrvatcke topono-
mastike, in JF VI, no 74; ToponomasWki prilozi, in « Casopis za slov. jezik, k mjlievnost
zgodovino t, V.

REV. gTUDES SUD-EST EUROP , XII, 2, P. 291-301, BUCAREST, 1974

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292 ELENA malArLA-scARLATorn 2

« type dalmate », est susceptible de mieux éclairer le caractère des emprunts


roumains, ainsi que la direction qu.'ils out suivie dans l'aire de diffusion
de la lan.gue serbo-croate.
Malgré la difficulié d'approfondir une telle investigation à d6faut
des cartes militaires de la région vis6e, nous avons fini par Glimiter
partant du matériel à notre disposition 3 deux catégories de toponymes
a résonance roumaine, « romane continentale », en usage dams l'aire de
diffusion du serbo-eroate. La première catégorie, celle des caations rou-
maines proprentent-dites, englobe la majeure partie des toponymes discu-
; elle fora l'objet d'un autre article. Une deuxième catégorie est celle
des créations rottmaines sur un fonds slave la présente étude lui
est dédiée.
Sur l'ensemble du matériel examiné, nous avons relevé quelques
toponymes qui ont à leur base des appellatifs sud-slaves orientaux tout en
présentant des modifications d'ordre phonétique, morphologique ou sé-
mantique que seul le roumain était à même d'opérer à niveau de système.
Ceci fait qu'ils revétent l'apparen.ce des formes roumaines, dison.s «
manisées » pour plus d'exactitude. On peut les ranger, de n.otre point de
vue, en deux sous-catégories, comme suit
Toponymes à racines slaves (sud-slaves orientales) avec des
désinences roumain.es : a) KrItyle, Oernul, Vrhure; b) Pe§ter.
Toponymes à racin.es slaves (sud-slaves orientales) con.servant
la nasalité adaptée au système de la lan.gue roumaine : a) Dumboka-
Dumbojica (Dimboka); b) Dumbrava ; c)
1. Krnnle. Nom de village attesté en Serbie médiévale (dans les
régions Kolubara, et Podgorina) 4. On le retrouve en Serbie actuelle dan.s
le département de abac (au sud-est de Sabac et au sud de Vladirairei) 5.
Le serbo-croate contemporain conn.ait l'adjectif krnj, kinja, kritje
mais daus le sens de « bris6, tronché » et le substantif fémin.in kkja aux
sen.s suivants : 1. « infirme, person.n.e avec un défaut physique »; 2. « bceuf
auquel il manque une come »; 3. « pot sans une an.se ou avec n.'importe
quel &Mt »; 4. « femme aux dents gatées, ou édentée » (Tolstoj, 357).
La langue bulgare a conservé elle aussi ce radial, mais seulement
en dialecte, dau.s l'adjectif Eh" -a, -o, -u avec les sons de : 1. « bete ayant
perdu une CO1T.0 »; 2. (4 à piopos d'une pièce de voisselle) au bord Velé
ankh& » (Bernstein, .60112. pycc. citoecipb, 288).
En roumain il y a les formes adjectivales dm, -6 et la forme substan-
tivale cirnul, avec les sens suivants :1. (à, propos du n.ez ou assez rare
du mufle d'une béte) « petit, court, légèrement relevé du bout »; (à
propos d'une person.ne, souvent substantivé) «à petit nez, court, 160-
rement retrouss6 au bout »; 2. (h, propos des objets) «à la points tordue,
relevée »; 3. « au nez mutilé » et, par extension., « tordu » (DLRA1, 154).
Quant au topon.yme de Serbio Krnule, par la désin.ence et par son
aire de diffusion il représente fort probablement une création roumaine

3 Nous etterons dans les notes le matériel utilisé.


4 Dragointr, Vlahu, 57.
5 Atlas, c. 18.

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3 TOPONYMES SLAVES D'ORIGINE ROITMAINE 293

partant d'un appellatif-surnorn, dont le radical est le vieux slave kriinft, 8.


Fréquents en Serbie, de m'éme qu'en. Bosnie, Hertzégovin.e et Monté-
négro, les autres toponymes form& avec cette même racine sont d'un.e
structure entièrernent slave par leurs dé,sin.en.ces amtant que par leurs
suffixes dérivatifs 7.
eernul. Il figure comme nom de personne dan.s une mention. de
Zara, datée de Pan. 1360. Toujours coxrune n.om de persorme, avec
vocalisation du petit ier, on l'utilisait aux XI' XII` siècles, sous les formes
diaconus Cernata (Spalato, 1186), Cirnata (Spalato, 1134-1145), Cern ata
(n.oxn d'un prêtre de Veglia, 1186) 8.
Les documents ragusain.s des années 1363 mentionnent un harneau
vlaque du nom de Cernul : « Nacho in. canton de Cernul ») 9. Ce topon.yme
a le radical slave : v.bg. (v si.) 6rb1-b, bg. tte'pn, s.-cr. c'in, dna,
« n.oir », dniti « noircir ; slov. jfn « n.oir », 6rnika (plante), poi. czarny,
sorabe in carny, , polabe (.arné <si. c.* cbr(s)nce (comp. avec v. pruss.
kirsnan, lit. Kirsnet nom d'un cours d'eau syn. eerna, sanscr. kg-§nd-s,
in.dogerm. * qra-no)
De son côté, le roumain comporte des dérivés de cette méme racine
a) le verbe cerni(a) < v. si. (Tiktin., DRG I, 327), en usage chez les
auteurs des chroniques (chez Neculce, par exemple : « îi cern.ea barba »
(il se faisait teindre la barbe) et b) topon.ymes : eerna, Cernavoda (< *cerna
voda, devenu Cernavoda par la suite : a non accentué > Cernica, etc.
Pour les topon.yrn.es roum.ains (ain.si d'ailleurs que pour ceux forxnés du
même radical dans les autres lan.gues), « ces épithètes gardent leur sen.s
propre, imposé par la couleur de Peau, mais ils peuvent avoir aussi un
sens métaphorique, D.6 des superstition.s populaires, suivant lesquelles
le blan.c a une signification faste et le noir n.éfaste »11.
Par rapport à la forme s.-cr. cm, celle du toponyme eernul est une
forme roumanisée. Au point de vue phon.étique., e » a pu devenir « »
sous l'influence du phénomèn.e slovène analogue, mais c'est aussi un phé-
nomèn.e propre à la langue roumaine 12, alors que la vocalisation du petit
ier apparalt dan.s les emprunts rournain.s du bulgare (emprunts sud-slaves
orientaux). Quant A, la désinence -ni, elle représente la forme articulée
du n.om masculin. roumain (< lat. ilium> lu, 1(u)- Rosetti, ILR, I, 119).
Ce sont autant d'arguments en faveur de Phypothèse que le n.om Cernul
était au XIV' sikle un toponyme roumanisé, susceptible d'une locali-
sation aux en.viron.s de la ville actuelle de Dubrovnik.
6 II y a en roumain le nom de personne Cirnul (Al. Graur, Mime de persoane, Bucarest,
1965, P. 111-112) ; en l'occurrence, -ul n'est plus compris comme un article. On a ajouté au
radical slave kmn-les éléments : -ul (< art. masculin en romnain) et a (désinence du féminin et
du masculin singulier en scr.) : Krnula (comp. aNec Radula) > pl. Krnule. Il n'est pas à &after
la possibilité de la formation directe de ce toponyme du vocatd roumaine -ule:
7 V. Imemk, 177; Atlas, c. 36, 37.
JireC'ek, Die Rom. in den St. Dalm. II, 68.
9 Dragomir, Vlalui, 207.
10 Berneker, SEW 169-170; Alladenov, ER, 682-683.
11- Iordan, Top. rom., 107.
12 Du reste, l'appellatif sous forme Jrnika (et non errnka) est attesté seulement dans File
de Krk, (Veglia) mais dans l'unique sens de 4t clOne (ou d'arbre toujours vert s, probablement
d'un vert foncé, virant au noir), Skok, ER I 277-278. Comme toponyme, on retrouve le nom
ermka également dans les lies dalmates de Krk et Rah, Skok, Slay. z. rom., I 31 ; 63.

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294 ELENA 7VLIHAILA-SCARLATOIU 4

Vrhure. Une region de collin.es portant ce nom s'étend dans le nord,


ou plut6t le n.ord-ouest, de l'ile de Krk (Veglia), entre les localités Dubag-
nica et Skrbeie, et au n.ord de la localité Vrh. C'est, san.s doute, un nom
slave : il provien.t de l'appellatif v.sl. (v. bg.) vriati, pl. varhove (comp.
avec : ras. eepx, poi. wierzch, tch. vrch, slov. et s.-cr. vrh) < si. c. *vbr-s-
< i.e. *ver-s-,. *vr-s-, daus le seas de « plus é1ev6 » (comp. avec lit. vid'ia,
v. hind. variman «hauteur, sommet » v. angl. wrisil « géant ») (Mlade-
n.ov, ER, 80).
C'est un appellatif également connu en roumain sous les formes
1. vîrf s.n., pl. -un i (ancien. -ure) « Spitze, Gipfel, Wipfel »; 2. virh (syn
virf) < v.sl. vreih (Tiktin, DRG, III, 1752) ; 3. yin) (dialectal et presque
sorti d'usage : « l'extrémité supérieure (pointue) des objets d'une certain.°
hauteur ou des formes de relief (colline, montagne) ; « extremité pointue
d'un. objet ». Les formes les plus courantes dan.s les vieux textes roumains
sont virh et viry cette transformation du h > y étant un phénomène
frequent ; la Cazania (Evangile expliquée) I, 1564, de Coressi, use de la
forme vrbhul ; Dosithee emploie la forme virvuri
Le toponym° Vrhure (au lieu du s.-cr. vrhovi) de Veglia compte, sans
Pombre d'un doute, parmi les creations roumaines. Cette opinion. qui
était aussi celle de P. Skok 14 s'appuie sur la présen.ce de la désin.ence
du neutre pluriel caractéristique au roum.ain (-un, -une). En admettant
que le terme roumain proviertt du slavon d'église, qu'il est done postérieur
allX empruuts sud-slaves (sud-slaves orientaux, bulgares), les plus anciens,
nons somrnes en droit de supposer qu'il a dfi. apparaitre dans Pile de Krk
comme topon.yme aux XIV ° XV° siècles.
Peiter. «Nom d'un.e petite region montagn.euse, forme° d'un
haut plateau. (1500 m), sise dan.s le sud-ouest de la Serbio, à proximité
de la frontière du Montenegro, entre les rivières Lim et Ibar » et « qui est
définie par les manuels yougoslaves de geographie comm.e un plateau
montagneux, avec de bons pâturages, oh. Pon élève des moutons de la
meilleure espèce ». Ce plateau mon.tagneux se trouve dans une region
riche en noms topiques de type roumain Durmitor, Visitor (Visator,
1330), Cipitor, auxquels s'ajoutent des norm de localités tels Ursulica,
Pirlitor 15.
Ce qui a incite E. Petrovici (art. cit.) d'enregistrer le noxn topique
en question parmi les toponymes romans de type rournain c'est la presence
du groupe « à une distance de plus de 200 km de la lign.e d'isoglosse du
(à la place du e) < sl. c.*tj, *ktj (en macédonien k' et en s.-cr. 6) ». Si
nous le consideron.s nous aussi comme un term° rournanisé, ce n'est pas
en raison de la presence du groupe 0, qui ne saurait con.stituer dan.s le
cas respectif une preuve péremptaire car la ligue d'isoglosse du groupe
it < sl. c. *tj, *ktj ne se trouve pas « à peu près sur la lign.e de frontière

13 Mihàdà, Impr. 103.


Skok, Slay. i rom., I, 24-25.
15 E. Petrovici, Problema rometmlor apuseni 41 Studii de dialectologie §i toponimie*,
Bucarest, 1970, p. 216.

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5 TOPONYMES SLAVES D'ORIGINE ROUMArNE 295

qui sépare la Yougoslavie actuelle de la Bulgarie actuelle » (E. Petrovici,


art. cit., p. 217), mais plus à l'ouest 16.
Le rourn.ain connait l'appellatif poterd, pl. pefteri < y. si. peRera
avec le sen.s de « cavité, creux n.aturel, profond et spacieux, formé dans les
r6gions à calcaire, plâtre ou sel, par la dissolution des roches à la suite des
eaux d'infiltration », synonyrne de « grotte », caverne » (DLRM, 610).
Il con.n.ait aussi toute une série de topon.yraes forxnés à partir de cet appel-
latif : Petera, Pe§1ere, Pescere (aroum. Petera et Pistireaud) 17
Mais ce qui attira tout particulièrement notre attention., ce fut
remarque qu'en roumain, de raème qu'en bulgare (comme dan.s toutes les
langues slaves) le radical n.'est plus tout simplexnent pek- et en.suite patb-
< *pek tj(s), ainsi que Padmettait Miklosich (Lexicon 562) et Mla-
denov, (ER 421). C'est un radical « (augmenté » peet(b)+ (e) r a>patera
(comp. : rouxn. pefterci; bg. neufepd, Kapcmoea neufepd, neufepen, top.
ne'ufepa par rapport à neuf « cuire », neufap « chauffeur » (s'occupant des
pales, des fours) neufuna dim. de neuf « four »; rus. neuf epa, neufepKa,
dim. neufepa par rapport à neicb : 1. « cuire »; 2. « pale »; poi. piec-
zar a: i. « grotte »; 2. « caveau », par rapport à piec «four » (tch. pee,
slovaque pee.), pieczec « cuire » et pieczeh «rôti».
Le serbo-croate maintient pour son appellatif Pancien radical, égale-
raent «augmenté » mais d'un autre élément : in- pecind «eaverne, grotte»
pèeinast « ressemblant à une grotte, de la forme d'un.e grotte », peeinski,
-s, -o « des grottes ». Done, la forme « augmentée » du radical (avec le suff.
-er-) du toponyme serbe Pater est ce qui imprime, en réalité au nom topique
en question son caractère particulier, et non le groupe ,§t. Si Pon ajoute
ceci la con.statation. de E. Petrovici (art. cit. 217) que Pater est le pluriel
rouraain pester' = pegeri, dont le « r » palatisé final inexistant en serbo-
croate a gagn.é en dureté et que dans les emprunts du serbo-croate faits
d'autres lan.gues Paccent de la syllabe initiale est rendu par un accent
descendant (qui explique l'accent de la forme Pnter); on peut affirxner
que ce topon.yme a pour base l'appellatif etle topon.yxne roumain. Pe;steri.
Aussi, nous ne partageon.s guère le point de vue des auteurs du
RJA (IX 806-807), qui expriment Pidée que PUter, désignant toute
une contrée de l'an.cien.ne Serbie, est absoluxnent identique avec l'appel-
latif pee (« four »). De mème, en ce qui concerne Patera (topon.yme attesté
dan.s les documents d'Etien.n.e Dugan. : Protivu Pateram Orliim (RJA
IX 1.c.). Ii s'agit en réalité d'un nouveau radical ; ce n.'est plus pee-< si.
c.* pek-ti(s), raais un autre nouveau, augmenté : pater - < roum.
petera < v. sl. (v. bg.) patera. Pour le roumain., ils représentent des
emprunts remontant à l'époque des premiers contacts avec les Slaves du
Sud 4 orientaux » les Bulgares, alors que pour le serbo-croate ce sont
des mots slaves empruntés plus tard au roumain, roumanisés.

Cette constatation est attestée par les nombreux toponymes aec le groupe 1 dans
leur radical ou suffixe (au I'd < si. c. *dj) qui couvrent un N ast e territoire de la Yougoslavie
actuelle (v. Imenik et l'Ailas), Popovie, Gesch., 159 explique le toponyme Gradigte de Serbie
par un emprunt de l'alb. Gradishle Gebiet o, o contrée o, territoire o, en l'opposant au croate
Gradl.fee 4 Burgenland (p. 475). A retenir que ce toponyme est également présent en roumain :
Gradute, Grildiste, Greubslea, etc. (Iordan, Top. nom.).
17 Iordan, Top. rom. 39; E. Petrovici, Corespondenfe románegi ale grupurilor bulgare
gt, LimbA »i literaturA s vol. III, p. 292.

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296 ELENA ismiAmA-scARLATC413 6

Leurs dérivés connus sont :


paterac 1. « personne de Patera ou vivant dans la région des ce
n.oin ; 2. « nom de personne » (RJA IX 806-807).
Paterica top. du 'lord de la Macédoine (Popovie, Gesch. 272-273.)
2. Toponymes à ?wines slaves (sud-slaves orientales) conservant
la nasalité adaptée au système de la langue roumaine.
Quelques toponymes en usage dans le territoire convert par la langue
serbo-croate conservent, de nos jours encore, leur nasalité. Or, il est
généralement connu que la dénasalisation du serbo-croate commence au
IX' siècle, avec les syllabes accentuées 18. Comment expliquer alors la
présence des toponymes du genre Dumboka, Dimboka, Dumbrava Man-
drija côté des formes dénasalisées, conformes aux tendances générales
du serbo-croate Si de tels toponymes présentent en effet des racines
ces dernières n.e se sont pas maintenues telles quelles. Ainsi on.
constate
slaves' qu'elles ont subi des modification.s dont le résultat est la persis-
tan.ce d'une nasalité propre h des lois phonétiques que le roumain parmi
les langues romanes s'est appropriées, les adaptant à son propre système
et conforxnément à ses propres tendances d'évolution.
Il y a toute une série de toponymes en territoire rou.m.ain. « en appa-
rence d'origine slave » qui comportent les groupes in, im, un, um <y. si. Q
mais en réalité créés par les Roumains eux-mêmes. En examinant la
liste des toponymes roumain.s d'origine slave, E. Petrovici 19
la conclusion, que « l'unique traitment du si. c.* ç est in, im, jamais un,
um » (qui s'expliquent par le roumain et qui, de l'avis même de l'auteur,
« sont plus anciens, datant de l'époque du vieux-bulgare), alors que in,
im sont de l'époque du médio-bulgare ».
Mais en abordant théoriquement ce problème, il con.vient de ne point
n.égliger un fait essentiel : à l'époque où le roumain empruntait de la langue
des Slaves du Sud les premiers lexèmes avec des nasales, il disposait déjà
d'un système cristallisé des nasales (ou des groupes : voyelle nasale) 2°.
Ce système était le fruit d'une évolution naturelle des formes latines an,
ov, un, en
en, dont Paboutissement furent les formes connues du roumain
(Rosetti, I 82).
Le roumain, face aux termes slaves de type dób-, dpbrava ne dispo-
sait pas des moyens pour les adopter tels quels, car il ne con.naissait pas
la forme proposée par Pemprunt pour le groupe voyelle nasale. Il a
done écarté ce qui ne lui était pas propre, « adaptant » le matériel reçu
selon certaines lois ou tendances qui lui étaient propres et ne posaient
de ce fait aucun problème de prononciation.. De cette manière, des
appellatifs du gen.re dpb-, dpbrava ont été adaptés aux exigences du système
phonétique roumain, imposant le groupe um h la place de *on < *donb
et *donbrava.
La présence dan.s l'aire de diffusion du serbo-croate des toponymes
du genre de teux que n.ous venons de signaler qui ont conservé la
ls V. Putanec, Refleksi starodalmatoromanskog pridjeva sancius i onomastici °twine
Ilrvalske, o Slovo easopis staroslavenskog Instituta u Zagrebu, 13, 1963, p. 168-169.
19 E. Petrovici, op. cll., p. 195-198.
20 Une ébauche d'explication a été tent& par A. Balotà, La nasalisation et le rhotacisme
dans les langues roumazne el albanaise, Bucarest, 1925, p. 35.

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7 TOPONYMES SLAVES D'ORIGINE ROITMAINE 297

nasalité des formes propres au roumain indique scion nous une in.fluen.ce
romane « de type continental », roumaine (daeo-roumaine), exereee par-
fois pent être indireetement, à travers la longue des Istro-Roumain.s.
Dumboka-Dumboaca. Plusieurs emu's d'eau et clairières des Iles
faisant front à Zara et Sebenik portent le nom de Dumboka : Cuska
Dumboka (it. Punta Proversa), dan.s la Veli Otok. Nous avons relevé
aussi le nom Dumboaca dans l'ile de Pagman et l'arehipel Zadar-Sibenik
(Pile de Veli Otok) et Dumboko, désign.ant un certain point de Pile de Pag21.
Il y a, enfin, une Dumboko : « agglom.6ration en Croatie, département de
Rjeka, à proximité de Selee », (RJA II 885).
D'après S. Dragomir 22, eette forme est « eertainement romane,
à phon.étisme bulgare ». Toutefois, la formulation de l'hi storien réelame une
precision. : le phonétisme du mot n'est pas bulgare mais roumain, adapte
au système de la lan.gue roumaine (comp. : bg. em6ona, am6ona, Ob6oria,
8bA61114 ab1160,iltlia poet. eitz6una « profon.deur »; v.bg. arta6ohm « pro-
fundus » (1Viladenov ER 155; Miklosieh, Lexicon 131; Bern.stein BOA2.-
pycc. citocapb, 138). Le serbo-eroate con.nait les formes :
I. dicbok, dubbka, adj. « profundus ». Le eomparatif et les derives
adjectivaux perdent le suffixe -ok : dublji ; la forme abstraite se compose
avec le suffixe -ina : ¿lubina.
«En. Istrie et Dalmatie il y a un m qui précède le b; dùmbok (ehez
les Òakaviens, atteste aux XVI' XVIII' siècles (1702) » (Skok, ER,
I 450-451).
dum bina n..f. relevé au XVIII' siècle une seule fois, ehez un écrivain
6akavien. (RJA II 885) ;
dumbalj (à Lika) n.m. « profon.deur » « conea,vité ereusée par une
cascade, par la chute d'un torrent d'eau ».
DuboUca, Dubek'ac soul, des toponymes avec le u <i.
glibok (au lieu de dub-), en usage dans l'ouest : eroate-kajkavien,
entre en con.eurren.ce avec glib « mare », d'où le verbe glibiti « marcher à
travers les mares » employe à Lika ;
dibok, dimbok ;
glibok, mais le toponyxne Gluboki : Glubola jarak (Karlovae),
globak (slov. et kajkav.). «La forme gl9bok apparalt aussi dans la topo-
n.ymie rouxnain.e : Glimboacet, Glaboceni de 0.117)601M rencon.tre chez les
6akaviens du nord » forme qui, d'apres Skok (ER I 450 451), « pour-
rait 'etre antérieure à arcb6oiva > dubok ».
Le rouxnain eompte des toponymes et des appellatifs formes à
partir des deux racines susmention.nées, mais il eonvient d'en distinguer
les emprunts d'époque an.eien.ne, faits au v.bg., de eeux plus reeen.ts,
dont le radical est pris au bulgare xnoyen sans nasales
dilboanei « Kessel, Sehlucht » < * dlubina « Tiefe » (Tiktin, DRG
11 546) ; les toponymes Dflbanul, Dilboset, Dulbanul (< bg. abA6_),
boca, Bolboaca, bulboacel, bulboanet « endroit profond, mais de superficie
réduite, dan.s une eau stagnante, tourbillon d'eau ; eadroit profond mais
Skok, Slay. i rom. V, pp. 31, 65, 72-73, 75, 102, 111, 115, 116, 117, 121, 122, 136.
22 Dragomir, VlaInt, p. 108.

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298 ELENA MIHAILA-SCARLATOIU 8

de petite superficie dans une rivière ou un ruisseau» 23 Ce sont let des


« adaptations » roumaines faites et une date plus récente, alors que leurs
syn.onymes Glimboaca, Gilmboeta, GlImbocata, Glfmbocelul, Glimboaia
signal& par I. Iordau dans le ménne ouvrage sont des emprunts appar-
tenant à une couche plus ancienne, méclio-bulgare, provenant d'un.e racin.e
gén.éralement connue, oil la nasale est présente : 0.110601a 24
Il parait que la racine sl. * glQb (*glob-, *glyb-) est elle-même de date
plus ancienne (par rapport à *dib-) et qu'elle provient de l'i.e. * glu(m)bh-,
*gleubh-) (comp. le vieux hin.d. gambhirás, gabhirds « Tief », « profond »;
gr. yÀucpco « Gravieren », y?ucp t; « Kerbe », yXuty.o: « Eingegrabenes »;
lat. gliibo, glubdre, * exglubare « shälen. »; prov. esglué « ausschälen. »;
rus. dial. a.'6b601ia tief » rus, littéraire azy6osud; s.-cr. kajkavien glibok,
globok et les top. Gleboka, Gatboka dans Pile de Kres ; Galboki Bneak dan.s
Pile de Loginj 25; glùbolc, glubina rencontrés seulement dans le slavon
serbe et chez certains akaviens : slov. glôbok; tch. hlubokY ; poi. gleboki;
roum. top. Glimboacd).
Cepen.dant, pour antant que nous le sachion.s, le serbo-croate n'use
d'auctin toponyme formé du radical glQb- avec une résonance roumaine
ou plutót daco-rou.m.aine, autrement dit qui maintient la nasale telle
qu'elle apparait par exemple dan.s le topon.yrne roumain Giimboaca. Par
con.tre, il connalt toute une série de topon.ymes de type Dumboka, qui
ont maintenu la n.asale et dont l'origine remonte au synonym° du vieux
radical glQb-, à savoir : (bg. Oadta, azo,awia; s.-cr. ditbam, dubb,
¿lubina (Berneker, SEW 251).
A partir du XVI' siècle, P. Skok (ER I 451) enregistra pour l'Istrie
et la Dahnatie les formes dionbok, dambina (XVII° sièele), dumbalj
Lika), sans toutefois les commenter. Quant au RJA (II 885), il ren.voie
dabok le mot dtimbok, eri précisant que « la manière suivant laquelle
cette forme pent dériver de dubok (de même que dumbrava au lieu de
dubrava) n'est pas très claire », en ajoutant qu'on la retrouve comme appel-
latif chez certains écrivains 6akaviens du XVII siècle et chez les Oakaviens
de l'Istrie au XIXe siècle.
Si les formes 'Natant du radical dumb- > dumbok n'ont pas de
correspondants directs dans le daco-roumain, on ne saurait prétendre la
m6ine chose en ce qui con.cerne l'istro-roumain. Parini les mots d'origin.e
slave de l'istro-roumain, Miklosich 26 signalait l'adj. dembok «profond »
et les substan.tifs demboacd, demboci, demboace.
En retenant la précision du RJA II que dumboka apparait en tant
qu'appellatif chez les Cakavien.s de l'Istrie (d'on Pon pout supposer qu'il
aura descendu également dan.s les iles adriatiques), qu'à l'exception de
l'Istrie et des iles on ne le retrouve mine part ailleurs dans l'aire de la
lan.gue serbo-croate ni comme appellatif, ni comme topon.yxne avec
23 Iordan, Top. rom., p. 105-106.
24 Dans le bulgare contemporain le terme eith6on,(< v. bg. glQbok) est archatque et on en
use seuletnent dans le langage poétique, Bernstein, Bona-pyccn. c.aovapb 92, 138; mais
sa présence même dans ce contexte contribue à raffermir notre conviction qu'à l'époque du
vieux-bulgare il était bien a vivant s, ayant circulé couramment ; c'est de la que l'a emprunté
le roumain.
26 Skok, Slay. i. rom., I, p. 49.
Miklosich, Rum. Linters., p. 27.

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9 TOPONY'MES SLAVES D'ORIGINE ROITMAINE 299

une nasale nous sommes enclins de conclure que l'appellatif dumbok


et le topon.yme Dumboka (avec ses dérivés et ses variantes : Dumboaca,
Dimboka) sont des emprunts d'une date relativement plus récente faits au
dialecte istro-roumain (ir. de(m)b- + s.-cr. du(m)b-). Ces derniers auront
A leur tour emprunté et adapté ce mot du médio-bulgare, par la conta-
mination de deux racines ; v.bg. glob- (qui aura disparu dans l'istro-
roumain) et m.bg. dab. - au s.-cr. dub-.
Dumbrava. Les formes Dumbroa et Dumborou sont attestées,
la première en 1134 et la seconde en 1193 27. Quant à Dumbrava on l'a
sign.alé comme toponym° pour la première fois dans Bocce di Cattaro
(dial. Stokavien). D'autre part, une chan.son. (en dialecte 6akavien.) d'Istrie
use des appellatifs dumbrov : « IT zeleni dumbrov » (dans le bocage vert)
et dumbrava « v zeleni dumbrave » (RJA II 885).
Le roumain connait les appellatifs : 1. clumbravd « bois (de chène),
assez rare et composé habituellement de jeunes arbres » (Tiktin, DRG II
84-585; MihAilä, Impr. 101) < v. si. dobrava Wald, Eichwald, cf.
bg. aa6paea ; s.-cr. ditbrava (Berneker, SEW 215; Miklosich, Lexicon,
189-190). Le,s radicaux de ce term° sont : 1. dob- (v. bg. dobb-, Cod. Supr. ;
rus. ay6, dial ay6et( ; bg. 0-66; s.-cr. &lib- ; slov. dob-) < i.e. *dhumbh-o
et 2. clQbr- < i.e. *dhumb-ro «forêt aux arbres foncés » (comp. avec le
v. angl. dumb., v. island. adj. dumbr «sileneieux») (Berneker, SEW 216
217), d'où le roum. clumbravei.
dumbret vioarel , clumbreiviyi, dumbreivea (Tiktin., DRG II, 581-585).
dubovinei « endroit convert de forêts de chène » (lordan., Top.
rom. 70).
Topon.ymes : Dumbosul, Dumbrava, Dumbreivita, Dumbravnic,
Dumbrei vent (< *clobr-) et Dimbdu, Dimbovina, Dimbul, Dimbureni 28
C'est h juste titre que I. Iordan (op. cit. p. 70) souligne le fait que
les phon.étismes en in, um supposent une origine bulgare, alors que ceux
en. -u- (dubovnik) relèvent d'une influence serbe s'il s'agit du sud-ouest de
la Roumanie on ukrainienne, russe, dans le nord et l'est.
En ce qui concern.e le toponyme serbo-croate Dumbrava et les formes
provenant du mkne radical, ce sont à notre avis des formes emprun-
-Wes à une population de lan.gue roum.aine.
Mandre Mandrije. Selon P. Skok « Ce sont des topon.ymes
propres à Pile de Pag et qui out un thème roman.. Toutefois, on n.P, pent
affir.mer que les Croates les out hérités des Roumains, justernent dan.s
l'ile de Pag » 22. Pour notre part, nous estinions qu'en réalité il s'agit d'un
thème slave (cf. v.sl. módbrb « sage ») et phonétisme roumain, thème qui a
donné en roumain :
A.) I. L'adjectif et le substaatif mindru (avec leurs dérivés), qui ont
les sens suivants : 1. plein de con.fiance dan.s ses propres forces, ses qualités ;
2. orgueilleux, présomptueux, arrogant ; 3. heureux, content, honoré ;

27 Popovie, Gesch., p. 385.


" Iordan, Top. rom., p. 69 70.
29 Skok, Slay. i rom., I, p. 71.

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300 ELENA IIflAILA-SCARLATOIU 10

4. beau, superbe, magnifique ; II. san. et f. (poétique) chéri, aimé, chérie,


aimée. B) Le topon.yme Mindrqti 30; comp. l'aroum. mandrei.
Le serbo-croate con.n.alt lui aussi un appellatif et des topon,yxnes
issus du même radical; l'appellatif des Croates de Vile de Pag, avec le
sen.s de « petite clairière destin.ée au pare à bestiaux » (au debut, proba-
blement, il s'agissait du bétail de la xneilleure race, à grandes cornes le
sens de ce mot &taut done identique au sens que lui attribue le roumain.
(AI.4.) mandrae. Sous la forme mandre, mandra il est également conn.0 en.
Bosnie et le long du littoral adriatique de la Yougoslavie 31.
Les toponymes Illandre nom de deux agglomerations de Bosnie
situées clans le voisin.age de Sarajevo et Mandrija sont signalés par le
RJA (VI 440), qui les fait deriver de l'appellatif mandra (<gr. [Lotvapa,
par Pintermédiaire du te. mandra).
Sans exclure une influence grecque exercée par l'interme-
diaire du turc ou une ancienne influence « romaine », il ne faut pas
&after Phypothèse d'une influence rouxnaine qui s'exprimerait cette
fois par une restriction du sens. Toute une série de témoign.ages vienn.ent
Pappui de cette hypothèse
L'aire de diffusion des toponymes et appellatifs respectifs,
savoir la Serbie, la Bosnie et le littoral adriatique.
Le phonetisme de ces appellatifs et toponyxnes. Comme le serbo-
croate ne connalt pas de la série médiale roumaine ni le 1,, ni le et, mais
seulement le a, il a dû, fort probablement, « refaire » à sa manière phone-
tique le roumain mindru en lui donnant la forme mandre (pl. de mandra).
L'accent (descendant) de la syllabe initiale, caractéristique
plusieurs emprunts roumains en serbo-croate 32
Son sens et sa sphère d'emploi : en rapport avec Pélevage et lo
pacage du détail.

Attribués par une population d'origine roumaine (comme c'est


le cas de Cernul, Vrhure, Pe§ter) ou exnpruntés de celle-ci par les autoch-
tones et employes par la suite comme appellatifs et 110111S de lieux (Thou-
boka, Dimboka, Mandrija), les toponymes de Yougoslavie que n.ous avons
présentés fournissent leur modeste apport à la connaissan.ce du caractère
dacoroumain de l'influen.ce exercée dans cette region du sud-est de l'Europe,
par l'élément « roman. continental », dont la presence se fait sentir après
la grande scission dialectale du roumain commun..

LISTE DES ABRÉVIATIONS

Atlas Geografski Atlas Jugoslavije, Belgrade, 1964.


Berneker, SEW E. Berneker, Slavisches elymologisches W orterbuch. Zweite unveranderte Auflag.
Band I, Heidelberg, 1924.

30 E. Petrovici, op. clt , p 195.


31 4 Stanne », 49/1959, p. 273; Skok, Slay. i rom., I, p. 72.
32 E. Petrovici, Problema romdrulor o apusem *, Stud. de dial. i top. o , p. 215-217.

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11 TOPONYMES SLAVES D'ORIGINE ROTYMAINE 301

Bernstein, Eono.-pycen. caoeaeb. B. Bernstein, Boneapcno-pgccttud cnoeapb, Moscou, 1966.


ng. bulgare
carte
DLRM Dictionarul limbii romeine moderne [Dictionnaire de la langue roumaine moderne],
Bucarest, 1958.
Dragomir, Midi S. Dragomir, Vlahil din nordul Peninsulei Balcanice in evul mediu [Les
Vlaques du nord de la Péninsule Balkanique au Moyen Age], Bucarest, 1959.
i e. indo-européen.
Imenik BeJnik mesta (Abecedni imenik), Belgrade, 1927
Iordan, Top. rom. I. Iordan, Toponimia romdnescd [La toponymie roumaine], Bucarest, 1963.
MillAna', Impr. G. Mihàilá, Imprumuturi vechi sud-slave in limba romdrid [Emprunts sud-slaves
anciens en roumain], Etude lexico-sémantique, Bucarest, 1960.
Miklosich, Lexicon Fr. Miklosich, Lexicon paleoslovenico-graeco-latinum, Vmdobonnae, 1862-1865.
Mladenov, ER St. Mladenov, Etimologieeski i pravopisen re5nik na billgarskija kndoven ezik
[Dictionnaire étymologique et orthographique de la langue bulgare littéraire],
Sofia, 1941.
n.f. nom fémunm
n.m. nom masculin
Popovie, Gesch. Geschichte der serbo-kroatischen Sprache, Wiesbaden, 1960.
prov. provençal
RJA RjeJnik hrvarskoga iii srpskoga jezika [Dictionnaire de la langue croate ou serbek
Zagreb, 188g.
Rosetti, ILR I Al. Rosetti, Istoria limbii romdne [Histoire de la langue roumaine], Bucarest,
vol. I, 1964.
s.-cr. serbo-croate.
Skok, ER I. Skok, Etimologffeski re6nik srpskohrvatsko jezika [Dictionnaire étymologique du
serbo-croate], vol. I, II, 1972.
Skok, Slay. i rom. P. Skok, Slavenstvo i romanstvo na jadranskzm otocima. Toponomastzeka
ispitivanju [ Slaves et Roumains dans les contrées adriatiques. Recherche topono-
mastiques], vol. I I I, Zagreb, 1950.
slov. slovene
syn. synonyme
Tiktin DRG H. Tiktin, Rumeinisch-deutsches W orterbuch, Bucarest, vol. I II, 1895-1925.
Tolstoj N. S. Tolstoj, Cep6cico-xopeantoto-pyccnud cdtoeapb, Moscou, 1958.
v.bg. vieux bulgare
v. pruss. vieux prussien
v.sl. vieux slave

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Chronique:

LE COLLOQUE INTERNATIONAL q ISTANBUL A LA JONCTIONI


DES CULTURES BALKANIQUES, MÉDITERRANtENN ES,
SLAVES ET ORIENTALES XVIe XIX' SIÈCLES >>
Istanbul (15-20 octobre 1973)

Il est difficile, aujourd'hui, de concevoir une approche efficiente du faisceau de


problémes que pose l'étude des civilisations sud-est europiennos et des relations séculaires entre
les peuples de cette aire sans avoir reeours A des recherches interdisciplinaires. Crest juste-
ment cette constatation qui a impose peut-ètre, il y a quelques années, la oreation de
l'Association internationale des etudes sud-est européennes, organisation scientifique A caractere-
pluridisciplinaire. Et ce n'est point par hasard que, des le début de son activité, l'Association
a mis nettement l'accent sur une telle orientation des recherches, en accordant la priorite
A l'organisation des reunions scientifiques ouvertes A un nombre aussi grand que possible-
de disciplines archéologie, linguistique, histolre de l'art, etc. susceptibles, par l'examen
en commun des phénoménes et la conjugaison des efforts de recherche dans les différents.
dornaines, d'aboutir A la realisation d'une ample vision de synthése.
Cette orientation a fait entrer dés A present dans le patrimoine scientifique non seule-
ment les congrès internationaux d'études sud-est européennes qui jalonnent les dix as
d'aetivité de l'AIESEE, rnais aussi la sale de colloques qui, en abordant de facon inter-
disciplinaire des themes le plus souvent complexes, ont fourni des contributions notables A l'ap-
profondissement des themes respectifs et élargi l'horizon general de la recherche.
C'est toujours dans cette tradition et dais cette sphére de preoccupations que se situe
le Colloque organise l'année dernière par l'Association, dont le thane était Istanbul a la
jonction des cultures balkaniques, méditerranéennes, slaves et orientales XVIe XIX°
siécles » (Istanbul, 15-20 octobre 1973).
Par cotte manifestation scientifique, l'Association internationale des andes sud-est
européennes a inauguré en fait la série des reunions internationales plurichsciplinaires appelées
A mettre en application le vaste programme d'exploration des rapports entre les Balkans
et le monde méditerranéen, promu avec l'appui de l'UNESCO.
Le Colloque d'Istanbul, déclié au 50° anniversaire de la Republique Turque, a bénéficié
de la précieuse collaboration d'organismes scientifiques internationaux : les Comités interna-

REV. ÉTUDES SUD-EST EUROP., XII, 2, P. 303-307, BUCAREST, 1974

9 C. 1284

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'304 CHRONIQUE 2

tionaux des etudes slaves et de l'Asie Centrale, les Commissions internationales d'histoire
maritime et des etudes sur la Méditerranée. A la cooperation de ces organismes, qui illustre
rintéret suscité dans les milieux scientifiques internationaux par le programme de l'Associa-
tion, est venu s'ajouter le large appui accordé par la Commission nationale turque pour
l'UNESCO et par l'Association turque d'histoire.
En conformité avec son objectif, qui était de mettre en relief le rdle proéminen t joué
dans l'histoire par Istanbul, comme point de rencontre et de liaison des cultures balkanique,
méditerranéenne, slave et orientate, le Colloque a été structure suivant trois thèmes
paux : 1. Le carrefour d'Istanbul convergence des routes maritimes et continentales ; 2. La
vie urbaine organisation socio-économique des villes des provinces ottomanes ; centrali-
sation et régionalisme ; structure sociale, mode de vie ; 3. Echanges culturels entre les Balkans
et l'Orient à travers Istanbul arts figuratifs, arts décoratifs, métiers.
Le cadre general des problèmes mis en discussion a été défini des le début par une série
d'excellents rapports dus A des spécialistes éminents, d'une competence unanimement reconnue
les professeurs H. Inalcik (Turquie), Helene Ahrweiler et Michel Mollat (France), Nikolaj
Todorov (Bulgarie), Mihai Berza (Roumanie), B. Tuncel (Turquie).
Partant de ces rapports généraux et dans le cadre des themes respectifs, les parti-
cipants au Colloque plus de 40 hommes de science (historiens, linguistes, sociologues, éco-
nomistes, historiens de l'art et des idées, historiens du droit et des institutions)* ont débattu
pendant cinq jours les problemes se rattachant à revolution des rapports sur les plans histo-
rique, économique, social et culturel dans la zone envisagée, ainsi que le rede d'Istanbul
dans le developpement de ces relations interregionales.
Un moment significatif du Colloque a été celui de l'hommage rendu à Dimitrie Cantemir.
Les débats A ce sujet ont été ouverts par la remarquable communication du Pr Mihai Berza
.(Roumanie), suivie des contributions du Pr W. Vinogradov (URSS) D. Cantemir en Russie
et le r6le d'Antioche Cantemir dans la litterature russe et de Mme E. Vranoussis (Grèce),
qui a traité des essais de traduction en grec de l'ceuvre de Cantermr.
La haute competence des participants a assure au Colloque une tenue scientifique remar-
quable. Le grand nombre de communications et d'interventions, la qualité de celles-ci, les
points de vue souvent originaux exprimés ont créé une vision intéressante et plus d'une fois
nouvelle quant aux rapports complexes qui ont existe dans le cadre de l'Empire ottoman et
aux influences réciproques exercées sur les institutions culturelles et sur la civilisation des
peuples de cette aire, vision qui pourra à notre avis s'avérer feconde pour les recherches
futures. A cet égard, on peut affirmer sans hesitation que les travaux du Colloque d'Istanbul
ont constitué un modele d'activité scientifique interdisciplinaire et une étape importante dans
le développement du programme d'étude des rapports entre les cultures et les civilisations
balkaniques et celles du monde méditerranéen.

Petre Gheorghiu

* Mentionnons à titre d'exemple les noms de quelques-uns des spécialistes qui ont fourni
des contributions ou participé à ce Colloque : Ch. Verlinden (Belgique) ; Vasilka TApkova-
Zaimova,Virginie Paskaleva (Bulgarie) ; T. Stoianovich, I. Sanders, A. Lord (Etats-Urns) ;
J. P. Gentil Da Silva, G. Castellan, D. Bogdanovie, M. Corul-Lacoste (France) ; L. Vranoussis,
Ap. Daskalakis, Ch. Fragistas, Basilike Papoulia (Grece) ; J. Perényi (Hongrie) ; K. D. Grot-
husen (Republique Federative d'Allemagne) ; Em. Condurachi, Mihai Berza, Stefan 5 teM-
nescu, Virgil Candea, O. Iliescu (Roumanie) ; Ronald Syme (Royaume Uni) ; H. Djait (Tunisie) ;
B. Ongel, O. L. Barkan, Y. Yticel, H. Sahilioglu, B. Tuncel, K. Karpat, M. Aktepe, O. Aslanap,
H. Baikal, A. Erzi, S. Turan (Turqme) ; N. G. Kireev, Irina Dostyan, S. M. Aliev, V. I. Zlidnev,
J. F. Tchernikov, B. Gafourov, V. Vinogradov, L. Mirochnikov, I. Soustclukov (URSS) ;
'Olga Ztroevid, M. Sokolovski, A. Handjie, N. Vile°, Fr. Bangle (Yougoslavie).

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3 CHRONIQUE 305.

ler CONGRÈS INTERNATIONAL DE TURCOLOGIE


Istanbul (15-20 octobre 1973)

Toute une série de manifestations scientifiques échelonnées le long de l'année 1973


wit marque en Turquie le demi-centenaire de la Republique. Parmi celles-ci, une place excep-
tionnelle revient sans doute, pour son ampleur et son caractère particulier, au I
international de turcologie, organise sous les auspices de l'Institut de Turcologic qui fonc-
tionne dans le cadre de la Faculté des Lettres de l'Université d'Istanbul. Son importance
fut d'autant plus soulignée par le haut patronage du president de la Republique Turque,
M Fahri Koruturk, le president d'honneur des travaux étant le professeur dr Nazim Ter-
recteur de l'Université d'Istanbul.
Plus de 20 pays du monde dont quelques-uns avec de vieilles traditions dans le
domaine de la turcologie ont envoyé au Congrès leurs spécialistes, dont le nombre dépassa
200 personnes. La delegation roumaine compta parmi les plus nombreuses, étant composée
de turcologues qui travaillent dans les divers instituts specialises de l'Académie des Sciences
Sociales et Politiques, A l'Université de Bucarest, aux Archives de l'Etat, etc.
L'ouverture du Congres a eu lieu dans le cadre d'une séance festive A l'occasion de
laquelle on a donne lecture au message du president de la Republique Turque, suivi par
les allocutions de salut des chefs des delegations étrangères.
Les travaux proprement-dits se sont développés dans qualre sections embrassant les
domaines suivants : 1) Langue turque; 2) Littérature turque; 3) Hzstoire turque et 4) Histoire
des arts lures.
Plusieurs traits distinctifs ont caractérisé ce congrès. Tout d'abord la grande variété
des différentes contributions, qui ont traité presque toutes les étapes et tous les aspects propres
Ii l'évolution de l'histoire, la langue, la litterature et les arts du peuple turc, depuis les.
premiers temps de son existence jusqu'A nos jours. Cette grande variété, découlant d'une vaste
thématique proposée aux spécialistes, leur a permis de presenter les tous derniers résultats
des investigations effectuées dans leurs domaines respectifs.
En outre, s'agissant d'un congrès de turcologie, la plupart des exposés ont été présentés
en turc. Dans bon nombre des cas mérne les &bats engendrés par les communications faites
dans les autres langues de circuit mondial se sont poursuivis en turc, ce qui a créé un
climat special, favorisant non seulement le bon développement des travaux, mais aussi des
contacts personnels fructueux.
Au tableau de la premiere section du Congrès, consacrée A la Langue turque, ont figure
une cinquantaine d'exposés, abordant tons les aspects des écritures et des langues turques en
general (tartare, azerbaIdjanais, ouigour, etc.) et du turc proprement-dit en particulier, consi-
dérés au point de vue phonétique, morphologique, lexicologique ou dialectal. Une attention
spéciale a été accordée aux rapports de la langue turque avec d'autres langues (coréenne,
mongole, etc), sans négliger les diverses formes de la langue turque parlée dans l'espace sud-est
europeen, la Roumanie y compris. Enfin, un certain nombre de ces contributions ont expose
le stade actuel des etudes turcologiques dans différents pays du monde.
Bien que les contributions inscrites A la section de Littérattire turque aient été moins
nombreuses, elles n'ont pas moins débattu des problèmes fondamentaux du domaine respectif,
insistant aussi sur l'étude de cette littérature A l'étranger. En plus de l'analyse des divers
aspects de la littérature cultivée, les débats de cette section ont accord& une grande place
l'étude des formes d'expression propres A la production populaire turque, telle qu'elle s'est
épanouie dans différentes zones geographiques, dont le Sud-Est européen (la Bulgarie, la Rou-
manie, etc.) ne pouvait manquer.

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306 10HRONIQUEI 4

Cependant, comme de juste, la plupart des contributions au congres on t en pour objet


l'histoire du peuple turc depuis ses commencements A nos jours. Quelques-unes se sont centrées
sur l'examen des formations politiques turques anciennes, remontant A la periode de leur
histoire centrale-asiatique, alors que d'autres exposés ont porté sur l'histoire de l'Empire des
Turcs Seldjoukides ou du réle des peuples turcs dans le monde des califats arabes pendant le
processus d'islamisation. Enfin, bon nombre de communications ont eté dédiées A certains
moments ou aspects d'un intérét particulier de l'histoire de l'Empire ottoman ; c'est dans ce
contexte que plusieurs exposés ont eu tmit aux sources étrangères de l'histoire du peuple turc
(sources arabes, hébralques, roumaines, etc.). Les problèmes lies A des institutions ou des
personnalités importantes de l'Empire ottoman n'ont pas échappé eux non plus A l'attention
des participants au congres, qui se sont penchés aussi, d'ailleurs, sur la question des rapports
de l'Empire avec d'autres Etats, européens ou asiatiques. A retenir également le fait que les
nombreux exposés d'un caractère particulier n'ont pas empéche la discussion de quelques
problemes fondamentaux de Flustoire du peuple turc. Nous rappelerons, dans cet ordre d'idées,
la communication du pr Ibrahim Kafesoglu destinée A repondre A la question : la féodalité
a-t-elle existé dans la société turque ancienne ? Eskt Turk Toplulu§unda Feodalam var mi
idi? ou celle du pr Osman Turan sur l'idee de l'Etat chez les Turcs Turklerde Beale(
Ftkri pour n'en mentionner que deux. La serie de ces exposes a été heureusement complétée
par des communications dediées A l'époque moderne et contemporaine, notamment aux réformes
cle Kemal Atattirk, ainsi qu'à leurs échos dans differents pays, dont la Roumanie aussi.
Les travaux de la dernière section du Congres, consacrée A l'Histoire des arts lures,
se sont maintenus sur la meme ligne d'extréme variété. L'architecture, la peinture, l'art de la
miniature, ainsi que les autres expressions artistiques auxquelles le monde turc a donne jour
,depuis les époques les plus anciennes de son histoire et jusqu'A l'heure actuelle on I- eté examines
A tour de r6le. Une place importante a été réservée A l'étude de certains complexes affectés aux
bonnes ceuvres (116pitaux, auberges, mosquées), ainsi qu'A l'étude des écoles de miniaturistes,
des inscriptions funéraires, etc.
Ce premier congres international de turcologie est envisage comme le début d'une serie
de telles reunions, qui devront désormais avoir lieu en Turquie tous les trois ans. Il est, en
rneme temps, A Forigine d'une autre initiative accueilhe avec la plus vive satisfaction par les
participants, A savoir de creer un organe international périodique de turcologie.
On ne saurait cl6re le present compte rendu sans dire au moins quelques mots de la
généreuse hospitalité qui a preside A l'organisation de ce congrès. Des receptions ont été donnees
en l'honneur des participants par le gouverneur du vilayet d' Istanbul, le recteur de l'Université
et le doyen de la Faculté des Lettres. Les membres de la delegation roumaine dont le signa-
taire de ces pages a fait partie declares « misafir * (Motes) ont béneficié, en outre, de tous les
avantages découlant d'une telle situation. Pour completer le programme, un défilé de la mode
turque accompagna le banquet donne au palais Topkapi le jour de l'ouverture des travaux et
un concert de musique classique turque fut organise au profit des participants au congres
.dans la salle de la Radio-Television d'Istanbul. Comme on le voit, toutes les mesures suscep-
tibles d'assurer la parfaite réussite de cette importante rencontre internationale ont eté
prises par ses organisateurs, qui n'ont pas ménage leurs efforts en vue de mener A bonne fin
la tAche qu'ils s'étaient assignés. C'est avec un sentiment de gratitude que nous rappelerons
ici l'infatigable activité des professeur dr Ahmed Caferoglu, le septuagenaire president du Congres,
,e t dr Sadettin Bulue, son secrétaire general, dont la cordiale sollicitude a veille sur nous tous.
Il était naturel donc que dans un climat aussi propice, les échanges de vues et les
contacts personnels se soient développés, comme nous l'avons déjà souligne, et ce ne fut
pas IA l'un des moindres merites de ce congres. Echanges de vues et contacts personnels qui
.ont pu se poursuivre durant une autre semaine encore, car A la cléture des travaux d'Istanbul
Iles participants ont été invites A prendre part, dans les mêmes conditions, A une deuxiime

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5 CHRONIQUE 307

manifestation scientifique en rapport avec leurs préoccupations, celle-ci organisée A Ankara.


Il s'agit de la XVIe séance de la PIAC (abréviation de la Permanent Internattonal Altaistic
Conference. XVIt4 Meeting) tenue sous les auspices de l'Institut de recherches sur la culture
turque, dans la capitale de la Turquie, les 21-26 octobre 1973. Les travaux ont été présidé
par le pr dr Ahmed Temir, spécialiste des etudes turques et mongoles de réputation mondiale.
Cette fois encore, une thérnatique très ample a pu embrasser non seulement toutes les époques
earaetéristiques de l'histoire des peuples tures, mais aussi des aires géographiques trés variées,
englobant depuis la Mongolie jusqu'en liongrie, sans négliger la Péninsule Balkanique, tous
les pays marqués d'une favor' ou de l'autre par cette histoire. Une communication donnée
A cette réunion scientifique a retenu entre autres notre attention, par son intérét scientifique
autant qu'en raison du fait qu'elle souligne la personnalité d'un écrivain roumain qui a parti-
cipé A la révolution des Jeunes Turcs de 1908-1909. Cette communication due au professeur
Kemal Karpat était consacrée A La Société des Jeunes Turcs et sa position vis-a-vis de ['Islam,
la personnalité en question étant Nicolae Batzaria (connu aussi A une certaine époque sous le
sobriquet de o Mos Nao qu'il avait adopté pour s'adresser aux enfants).
La délégation roumaine qui a participé A ces deux manifestations scientifiques a contribué
effectivement au bon développement des travaux du congrès, par la part active qu'elle a prise
aux débats. Elle a pu nouer ainsi des relations plus étroites avec les hommes de science du
pays héte et des autres pays qui y furent représentés.

Mustafa A. Mehmet

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Comptes rendus

PETAR SKOK, Etimologijski Rjeeruk Hrvatskogo tilt Srpskogo jezzka. Dictionnaire itymolo-
game de la langue croate ou serbe. Rédacteurs Mirko Deanovnie et Ljudevit Jonke,
collaborateur dans les travaux préparatoires et l'établissement du texte Valentin Putanec.
Volume III, poni 2 - f. Jugoslavenska Akademija Znanosti i Umjetnosti, Zagreb,
1973, 703 pp.

Avec son troisième volume, l'ceuvre d'éclition de cet important dictionnaire arrive A
son terme : on est done A méme maintenant de procéder A des observations generales concer-
nant les matériaux réunis IA, la mahode suivie par les éditeurs et les résultats obtenus. Si
le materiel légué par Petar Skok a été publié tel quel, la bibliographie de chaque article
a da *are complétée, afin qu'elle soit mise A jour et qu'elle puisse fournir de cette manière
un instrument de travail utile et operant. Reviser et completer cette bibliographie n'a pas
été chose facile ; en effet, l'operation suppose la maitnse compétente de tous les problemes
discutés et ces derniers embrassent non seulement la langue serbo-croate, mais aussi le
Sud-Est européen dans son ensemble. Partant des matériaux discutés dans ce dictionnaire et
parcourant la bibliographie respective, le spécialiste dispose A present d'un point de depart
dans la voie de ses recherches et de l'approfondissement de ses connaissances.
Pour établir l'origine des mots enregistrés, Petar Skok a fait appel aux langues voisines,
ainsi qu'à diverses autres disciplines onomastique, ethnographie, folklore, etudes byzantines
slaves, orientales, albanologie et l'étude des langues romanes en tout premier lieu. Il a fort
bien compris que dans le domaine de l'aymologie, la linguistique doit marcher la main dans
la main avec l'histoire de la culture, aant tenue, par consequent, de valoriser aussi les sources
historiques. Celles-ci sont de plusieurs especes : grecques-byzantines, slaves, latines, italiennes,
orientales, albanaises, allemandes et roumaines. l'vlalgré une telle variété, Petar Skok est
parvenu A les dominer magistralement ; aussi son dictionnaire est-il indispensable tant aux
travaux des slavisants, qu'aux etudes poursuivies par les albanologues, les romanistes, les
hellénistes et les orientalistes.
Les sources historiques et la toponymie ont fourni des données précieuses relatives A
des noms de lieux, de personnes et de peuples albanais, bulgares, grecs, russes, slaves ou
valaques. L'article consacre au Vlaques s'étale sur six colonnes, comportant des témoignages
empruntés des sources les plus anciennes jusqu'A la toponymie actuelle. Le mot Vlaque est
étudié au cours de son evolution historique, sans perdre de vue sa diffusion géographique, A
partir du terme Volcae, qui est le nom d'une tribu celtique de la Gaule. Romanisée, cette tribu
passait aux yeux des Germains du voisinage comme un prototype de romanisation contrastant
avec les Celtes non romanisés, les Germains ou les Slaves. Il s'ensuit done que les anciens
Germains désignaient par le terme Wakh les habitants romanisés de l'ouest, du sud ou de l'est

REV. ETUDES SUD-EST EUROP., XII, 2, P. 309-326, BUCAREST, 1974

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310 COMPTES RENDUS 2

de l'Europe. Du haut-allemand, le mot passe ensuite chez les Slaves et les Byzantins. Ceci
a eu pour consequence que, alors que les Romnains se désignaient eux-mémes par un terme
hérité directement du latin (Romanus-Romdn), les étrangers employaient le surnom Vlah qui
venu de l'Occident avait au fond le même sens de Romanus, c'est-h-dire quelqu'un qui parle
une langue romane i. Il est interessant de remarquer que le nom de Vlaque a convert une vaste
aire géographique, s'étendant depuis la Gaule, A travers l'Allemagne et l'Italie, jusqu'en Europe
orientale, dans la Péninsule Balkanique et en Asie 141ineure. Les Byzantins ayant passé ce terme
aux Turcs, ceux-ci l'ont adopté en désignant les Roumains par le nom 'flue ou Karaiflalc
(Roumains noirs). Quant au nom de la tribu Vokae, il était fondé sur l'appellatif ultique folk,
yolk dont le sens était de e prompt, rapide, vif s.
Dans la langue serbo-croate, le mot Vlah a pris sept sens différents, A savoir : 1. Latin
2. Roumain ; 3. Italien ; 4. Aroumain ou Macédo-Roumain ; 5. habitant d'un village vlaque,
berger nomade ; 6. refugié de l'Empire ottoman en territoire vénitien ; 7. nom territorial :
Starz Vlah. La fréquence et le vaste rayonnement de ce mot dans l'espace sont attestés aussi
par la richesse de ses dérivés : 1. Vlahinja paysanne ; 2. Vlahov nom de famine *; 3. Vla§kt
grad s la ville des Vlaques *; 4. Vlahinjzon; 5. Vlagté personne de confession orthodoxe
6. Vla§e ou Mae; 7. Vlahinizca; 8. Vla§ad; 9. vla§iti; 10. povla§ica. Le byzantin Mccup6f3Xccxoç
Vlaque noir o passa en turc (Karazflak) et en vénitien (Morlaco). Bien que l'auteur cite un
grand nombre de toponymes, sa liste est bien loin d'être complète. Donner le repertoire exhaustif
de la diffusion des élérnents linguistiques légués par les Vieques au Sud-Est de l'Europe reste
encore un probléme de recherche de l'avenir. En outre, le terme ethnique de Vlaque prend dans
les documents aussi le sens de e berger nomade s ou de e paysan asservis, suivant A cet egard
la même voie que le terme Rumein qui revétait le même sens dans la principauté roumaine
de Valachie.
Cette richesse de l'article Vlah du dictionnaire de Petar Skok montre combien utile
serait une monographic complete du nom des Roumains et des Vlaques à travers les temps.
Un tel ouvrage pourrait exploiter de manière exhaustive les sources historiques, la toponymie
et les données de la dialectologie dans un ample espace géographique, qui engloberait l'Albanie,
la Bulgarie, la Gréce, la Roumanie et la Yougoslavie.
La toponymie a suscité l'intérêt tout particulier de Petar Skok. Il a entrepris dans
ce domaine des enquêtes partielles en terrain, tout en tenant une chronique assidue dans la
publication spécialisée de large diffusion internationale *Zeitschrift fur Ortsnamenforschung ».
Relevons la manière magistrale dont sont rédigés les articles Raguszum, Rim, Skadar et
Smederevo. Le dernier de la serie est considéré d'origine roumaine ayant A l'origine la variante
populaire Stmedru, dérivée de Sanctus Demetrius. En effet, la localité Smederevo sise sur la
rive drone du Danube, A l'est de Belgrade se trouve placée sur la route par laquelle essaima
vers le nord le culte de saint Démetre le Thessalonicien, culte qui a laissé des traces dans la
toponymie jusque sur la Saya et le Danube. Il y avait à Thessalonique de nombreux ateliers
qui faisaient travarller des artisans habiles A fa conner le cuivre, le fer, le plomb ou à confec-
tionner des objets de \Terre. A la foil e qui se tenait chaque automne, le jour de la saint
Démetre, patron de la ville, des marchands et des artisans de tous les coins de l'Europe
(Bulgarie, Serbio, Scythie, Allemagne, Gaule, Espagne) s'y réunissaient. La coutume de tenir
eette sorte de foires devait rayonner ensuite vers le nord et le nord-ouest ; notons, par exemple,
la foire annuelle de Prilep, tenue avant la saint Démétre chaque automne, dans le voisinage du
monastére Treskovec ; Skopié était elle aussi un grand centre commercial on des marchands
grecs et serbes se rencontraient. Plus haut, dans la vallée du Vardar, il y avait la localité
Dimitrovici (Kosovska Mitrovica), née des mêmes circonstances économiques se rattachant A
la fête annuelle de saint Démétre. À Novi Pazar, sur la Ragka, affluent de l'Ibar qui se jette
dans la Morava, il y avait un sanctuaire du saint et une foire annuelle avait lieu le jour de sa
fête. Au X le siecle, 11 y avait dans Fan trque Sirmium (l'actuelle Sremska Mitrovica), sur la

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3 COMPTES RENDUS 311

Saya, une église de saint Démètre : IA aussi se tenait une foire annuelle. Enfin, le toponyme
Smederevo, désignant la localité située sur le Danube A l'est de Belgrade, résulte de la slavisation
du nom Stmedru ou Sunzedrtz de Sanctus Demetrius. D'où la conclusion que l'industrie et la
culture de facture byzantine de Thessalonique irradia vers le nord, suivant les vallées de la
Strutna, du Vardar et de la Morava, pour aboutir au Danube et chez la population romanisée
qui vivait dans ces regions.
Une autre categoric intéressante est celle des mots exprimant un contenu sémantique
lié A la vie sociale, tels rob, sklav, sluga, vladika, voivoda et tupa. La plupart d'entre eux
sont d'origine slave, véhicules par les Slaves, mais arrivant avec le temps A une large diffusion
teme au-delA des limites du monde slave. Tous se rattachent au regime de vie féodale ; ils
expriment des aspects caractéristiques pour la vie sociale des Slaves aux Vile XIVe siècles,
avec quelques prolongements partiels jusque vers l'aube du regime capitaliste. Pour commencer,
Slavus était un nom ethnique, que le Min balkanique prononçait Sclavus et qui s'est conserve
en albanais (Squa, pl. Shge) et en roumain (.Fchiau, pl. Schei); plus tard, dans la conjoncture
spécifique du regime féodal, ce noin prit aussi le sens d' s esclave e, suivant un processus ana-
logue A celui qui devait dormer au nom ethnique Vlaque également le sens de s berger nomade
ou de paysan asservi s. 2upa fort probablement un nom autochtone eut pour centre d'irra-
diation la Serbie médiévale, d'où il a rayonné couvrant une vaste aire geographique pour aboutir
dans les langues roumaine, hongroise, slovène, tchèque, polonaise, ukrainienne et russe. Une
chose est certainc, à savoir : l'extrème ancienne té des termes tupa et tupan du serbo-croate
car si on les trouve dans les sources du VIII` siècle, ils devaient sans doute exister auparavant
aussi. Si l'on tient compte du fait que la limite conventionnelle entre le latin et le roumain
a été approximativement fixée au VIIIe siècle, on peut tenir pour acquis que les termes iupa
et iupanus existaient dans le latin daco-mésique, qui les a directement transmis au roumain,
car il est visible que jupa et juptn (dialectal giupa, giuptn, en vieux-roumain giuptr ayant
subi le phénomène du rhotacistne) ont traverse les modifications phonétiques propres aux
elements latins, sont par consequent antérieurs aux premiers ernprunts faits par le
roumain au slave. Les mots tupa, Pip& et juptn sont, de nos jours, presque inusités ; ils
persistent néanmoins dans la toponymie d'une zone relativement étroite de la Yougoslavie
(9 localités 2upa, 2 2upanja, 1 2upanjac, 1 2upanjol) et en Roumanie du sud-ouest (Jupa,
Jupanic et Jupinesti au Banat) ; Jupdneasa et Juptnesti dans les départements de Mehedinti,
Gorj et Muscel). L'étude detainee de la diffusion du mot tupa a été fournie par l'ouvrage
de V. P. Gra6ev, Serbskaja gosudarstvennostj v X XIV vv. (Kritika teorii s ittpnoj organi-
zaczi), Moscou 1972, qui ne figure pas dans la bibliographie de ce terme donnée par le diction-
naire de Petar Skok.
Les termes stdn, stopanin, strunga et urda ont des correspondances dans les autres langues
du Sud-Est europeen ; ils doivent deriver, probablement, d'un fonds commun autochtone d'origine
indo-europeenne. Faisant partie de la terruinologie des troupeaux, ils sont repandus surtout
dans le langage des bergers montagnards, ne descendant que fort rarement jusqu'A l'Adriatique.
En ce qui concerne l'étude des elements latins du serbo-croate, le dictionnaire de
Petar Skok s'avère une mine d'informations inépuisable. Quelques-uns de ces elements sont
entrés directement du latin, alors que dans d'autres cas ils ent été adoptés par le serbe-croate
A travers le grec, le bulgare, l'albanais, le dalmate ou le roumain. Un trait caractéristique
est constitué par la persistance des termes Romania et Romanus, qui se sont conserves, par
exemple, dans le verbe romandtati e parler dans une langue étrangère e, auquel s'est ajouté
aussi un suffixe d'erigine turque ; Rusalje, derive de resalia ayant reçu une signification chré-
Come a rayonné partout dans le Sud-Est européen, passant en partie aussi en ukraiuiea et russe.
Une tAcke plus délicate du linguiste est de discerner les éléments latins entrés directement
dans les langues sud-slaves par rapport A ceux venus par le dalmate et le roumain §triga,

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312 colvu.TEis RENDUS 4

par exemple, est d'un phonétisme dalmate, tandis que turma et Ursulovac sont de phone-
tisme roumain.
L'un des elements qui caractérisent très bien les différentes aires linguistiques de la
latinité sud-est européenne est constitué par le terme &Indus (sancta) qu'on relève dans les
noms composes des saints. 11 s'est conserve en albanais sous la forme Shen, en dalmate Sul-
et en romnain Sint-, par exemple : Shengim Sanctus Ioannes, Shenvlash Sanctus Vlasius
en Albanie ; Sulvara Sancta Barbara, Sukaan Sanctus Cassianus en Dalmatie ; Strtgiorz
Sanctus Giorgius, Stmedru Sanctus Demetrius en Roumanie.
Le dictionnaire de Petar Skok fait son profit des matériaux déja étudies par son auteur
dans maints ouvrages spéciaux. Ce sera toujours un parfait instrument de travail, aussi indis-
pensable aux ethnographes, folkloristes, juristes et historiens de la culture qu'aux linguistes

H. Mihòescu

PETER WUNDERLI, Eludes sur le livre de l'Eschtele Mahomet. Prolégoménes et une nouvelle
&Litton de la version française d'une traduction alphonsme, Winterthur, 1965, 154 p.

La légende arabe -de l'ascension du Prophète Mahomet aux cieux a Re soumise à l'atten-
tion des comparatistes par les dantologues engages dans une vive dispute sur les sources
orientales de son ceuvre. Dans ce livre, le pr Peter Wunderli, titulaire de la chaire de linguisti-
que romane de l'Universite de Fribourg, se propose de préciser les données historiques et
phdologiques du seul manuscrit connu de la traduction francaise de cette légende, une copie
anglo-normande datant du X1V° siècle. De cette manière, les discussions des dantologues re-
gagnent la terre ferme ; mais les resultats de l'analyse seront retenus par un groupe plus grand
de spécialistes, et notamment par ceux qui s'intéressent h la circulation des ceuvres orientales
dans les litteratures de l'Eurepe et aux contacts entre traditions culturelles diverses.
Le professeur P. Wunderli s'attache, tout d'abord, aux questions soulevés par le ma-
nuscrit : il s'agit de préciser la langue dans laquelle a été ecrite la version utilisée par le
traducteur de la version francaise, de meme que la langue maternelle de celui qui a traduit
le texte ; ensuite, il faut interpreter de nouveau le prologue et reconstituer la circulation du
manuscrit dans les milieux érudits, verifier la datation, etc. Le texte francais, connu depuis
longtemps, a été éclité, dans la mame année 1949, par le savant italien Enrico Cerulli et par
l'espagnol José Muñoz Sendino, après qu'Ugo Monneret de ait signalé le contenu et
l'importance du texte. Scion son propre aveu, le livre de P. Wunderli est né de l'insatisfaction
provoquée par ces deux editions et par les etudes consacrées au texte ; les nouvelles données
accumulées au cours de son enquate Font determine à refaire tout le travail nécessaire
une neuvelle edition, qu'il a fmie d'ailleurs et dont on attend la parution. En effet, l'auteur
démontre, par une méthode critique rigoureuse, que les deux editions susmentionnées sont
marquees par d'assez graves défauts et mconséquences, qui anéantissent les deductions linguis-
tiques faites à partir de leur texte. Par exemple, des expressions considérées par dive's linguistes
cornme des italianismes ou des hispanismes, à savoir ne je ve los diraz ou montara le conte,
doivent atre lues, scion ses corrections, ne Je ne lo vos direi (p. 92) et montera le campe
(p. 97), etc. L'auteur déploie une grande erudition pour &after les nombreuses erreurs qui ont
conduit les linguistes à bâtir des hypotheses assez hasardées. P. Wunderli arrive ainsi, par une
critique philologique impeccable, à démontrer que la langue du manuscrit est marquee par des
traits caractéristiques anglo-normands, dues au copiste ; l'examen paléographique lei impose

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5 COMPTES RENDUs 313

la concluston que cette copie a été effectuée en Angleterre, au commencement du XIVe siècle.
Le texte français ne contient aucun hispanisme ou italianisine certain, mais des tiaits d'une
indubitable origine pi ovençale et latme. Done, les deux affirmations faites dans le prologue,
savoir que la traduction a été réalisée par l'ilalien Bonaventure de Sienne et que l'original
a été écrit en espagnol, sont ébranlées. Il est possible que Bonaventure de Sienne ne soit que
le traducteur du texte latin, comme le suppose l'auteur ; il est aussi possible que cate traduc-
tion ait été effectuée pour ce personnage par un scribe d'origine provençale (p. 119-120),
mais une conclusion ferme en ce qui concerne la parenté de toutes ces versions, latine, française
et espagnole (inconnue) ne saurait are ttrée qu'au moment on on pourrait connaitre
arabe d'après lequel on a traduit le texle primaire, soit-il espagnol ou latin ; malhetneusement,
en dépit des efforts des savants, cet original n'a pas encore été trouve.
Asin Palacios a démontré dès 1919 une ressemblance assez (Arcille de quelques passages
de la traduction européenne et de Tarstr de Tabari ou de quelques traditions (hadith), inais
le texte même est si amalgame, si abondant en répétitions et contradictions (que P. Wimderli
signale à juste raison), qu'II jette le lecteur dans une totale confusion. Il est évident que le
texte represente une composition tardive qui englobe des détails puisés à diverses sources
et aussi que ces fiagments sont enchevétrés et, quelquefois, mal places. Selon la remarque
de P. Wunderli, o A vrai dire il ne s'agit pas d'une fusion, mais d'une simple juxtaposition de
certains blocs i dans ce texte (p. 78), ce qui rend acceptable la supposition d'après laquelle le
récit represente o une version populaire assez tardive de la légende qui retina des éléments
trouves dans différents hadith v. En effet, les traditions orales concernant le voyage de Isdahomet
au Paradis ont continué A circuler en Espagne jusqu'au XII/e siècle ; mais l'ensemble du récit
nous fait penser plutét à une anthologie qu'A une tradition orale, qui, en dépit des contra-
dictions possibles, garde toujours une certaine unité et ne fait pas, d'habitude, des renvois
qui signalent que l'auteur o a déjà parlé d'un certain thème, d'un certain problème ailleurs.
Il faudrait se rapppeler que la traduction a été faite h la cour d'Alphonse le Sage, qui a ete
lui-méme s educado desde su niñez en este ambiente de cultura semitica ..., poliglota y ena-
morado de la literatura musulmana ... *, que son Grand e General Estoria piase les sources
arabes, qu'il a fait traduire le Coran, etc. 1 II nous est permis donc de supposer que cet intérét
l'a condint non seulement à demander la traduction des divers ouvrages arabes, mais aussi A
faire recueillir des légendes pas encore ecrites (A sa connaissance). C'est-h-dire qu'il a pu charger
un érudit qui connaissait l'arabe de recueillir une légende assez répandue parmi les Arabes
d'Espagne et dont les chrétiens ont eu, sans doute, connaissance, et ensuite de la traduire.
Dans ce cas, on ne retrouvera jamais l'original arabe de ce livre, car il n'a pas existe.
L'auteur mentionne en quelques endroits les difficultés qui empéchent tont éditeur de
rétablir la forme originale des noms propres arabes, et surtout celle d'un certain Abnez, cite
plusieurs fois et indiqué A la fin du manuscrit en memo temps que Habubekar, le fameux
Aba Bekr, qui furent charges par le Prophète de recueillir dans un livre toutes ses visions
durant son voyage nocturne. Les essais d'identification ont été commences avant l'édition du
inanuscrit, et P. Wunderli fait mention d'une note margmale, d'une main o assez moderne s,
qui propose d'interpréter le nom Abnez par Ibn Azz (p. 32). L'éditeur 'tallen, le savant Enrico
Cerulli, propose, de son c6Le, un cousin du Prophète, Ibn 4Abbds, paree que ce Abnez est
appelé quelque part dans le texte e Habenabez, mon cosin *2 L'éditeur espagnol, Muñoz
Sendino, qui identifie en partie les noms arabes deformes de ce manuscrit, ne semble pas avoir
une solution A proposer, o car il maintient la forme du manuscrit dans le resume, o. Il est évident

1 Miguel Asin Palacios, La escatologia musulmana en la Divina Comedia, Madrid, 1919,


p. 307.
2 Enrico Cerulli, Il <I libro della scala o e la questione delle fonti arabo-spaqnole delta Divina
Contmedia, Vatican, 1949, (cont.) p. 246-247. Le texte cité h la p 206.

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314 COMPTES RENDUS 6

que toutes ces indications du texte sont des mistifications (de l'avis méme de P. Wunderli,
p. 78), dues A un auteur tardif qui a voulu faire passer la légende comme authentique et
contemporaine à Mahomet ; mais s'il a investi Abil Bekr, le beau pare du Prophète, du titre
d'écrivain (auquel il n'a jamais aspire), il faut bien se demander si l'autre nom n'appartient
pas A un autre personnage qui a vécu à l'époque du Prophète, car Ibn 'Abbas (en réalité Ibn
al- 'Abbas surnomme Abu'l-`Abbas) n'était pas encore né au temps du voyage celeste de Mahomet.
De plus, il faut se demander si la mémoire du peuple a garde ensemble le souvenir d'un
guerrier comme Abh Bekr et d'un théologien comme Ibn al-Abbas, et si ce misterieux
Abnez n'est pas, lui aussi, une figure comparable à Abh Bekr ? C'est pour ce motif que nous
croyons qu'on peut penser à 'Aim Ibn al-As, contemporain de Mahomet et d'Abil Bekr, guerrier
et chef bien connu en son temps, né dans la tribu de Koraich done parent du Prophète
mentionné par Tabari dans ses Annales, par Ibn al-Athir et par d'autres auteurs importants.
Cette discussion trop longue sur les details de l'original arabe ne dolt pas faire oublier
qu'il s'agit d'un ouvrage intéressant surtout pour les romanistes, auxquels le pr Peter Wunderli
a offert un materiel riche en interpretations nouvelles et en elements précis, réunis dans le glos-
saire qui récapitule les mots dont la frequence est assez rare en francais ancien ou qui revètent
une forme ou un sens particuliers (p. 129-142).
Il faut esperer que l'édition du Bore de l'eschiele Mahornet, que le pr Peter Wunderli
nous promet, ne tardera pas a paraltre et que nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions.

Mircea Anghelescu

ION TALOS, Mesterul Manole. Contribulie la studiul unei teme de folclor european, Bucu-
resti, Editura Minerva, 1973, 470 p.

Après un travail assidu de recherche et de meditation, soldé le long des années


par différentes etudes partielles (voir : Balada mesterului Manole si variantele ei transilvdnene
(La ballade du IVIaitre Manole et ses variantes de Transylvanie), evist a de f olclor6
7(1962), n° 1-2, p. 22-57 ; Bausagen in Rumeinien, #F abul a# 10(1969), p. 196-211. Rituri de
construc(le la romcini (Les rites de construction chez les Boumains), vol. Folclor Itterar II, Timi-
soars, 1968, p.221-262), Ion Talo s entreprend cette fois-ci un ample travail de synthese sur toute
la problématique de cette très intéressante et passionnante ballade populaire. Le livre se recom-
mande ainsi comme le résultat des efforts comprenant à peu près 15 années de minutieuses
enquètes faites sur le terrain et de fouilles patientes réalisées dans les archives du pays et de
l'étranger, représentant tout ce que notre science d'aujourd'hui peut dormer de meilleur, de
plus complet, de plus competent, sur ce sujet. L'auteur, avec une admirable passion, dominée
par une remarquable lucidité, réussit à maitriser un materiel documentaire immense, autant
en ce qui concerne la quantité que sa variété (pensons seulement au fait que le materiel se
présente en 5 langues sud-est europeennes : l'albanais, le bulgare, le néo-grec, le serbo-croate
et le hongrois) ; il réussit avec une minutie de benedictin à faire de l'ordre dans un vrai chaos,
A systematiser ce qui paraissait ne pouvoir étre systematise et A presenter, dans une forme
courante et parfaitement accessible, des conclusions qui paraissent inébranlables. Ce travail
de cornparaison d'un nombre de 165 variantes roumaiaes avec 38 variantes magyares, 87 bul-
gates, 37 serbo-croates, 19 albanaises, 5 macedo-roumaiues, 4 tsiganes et 192 variantes neo-

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7 COMPTES RENDLTS 315

grecques en ajoutant les innombrables légendes de l'Europe de l'ouest et de l'est ainsi que les
légendes orientales sur ce sujet, nous offre une image du travail vraiment remarquable déposé
par l'auteur pour pouvoir s'assurer une vision d'ensemble sur ce problème et &teeter aussi
toutes les particularités spécifiques A chaque version nationale prise A part. Ion Talo s a répondu
A toutes ces exigences. Nous avons tenu A souligner ceci, étant donné que le lecteur moins prévenu
pourrait passer avec facilité sur cet immense travail de laboratoire, s'imaginant que s'agissant
en définitif d'un travail de folklore, l'élaboration elle-m8me se faisait d'une fa von plus ou moins
folklorique, tenant de l'improvisation et de l'essai. Rien n'est plus faux que ce point de vue.
Avec un respect de la vérité qui est tout A son honneur, Ion Talos donne une juste
part A taus les chercheurs qui au courant des temps se sont occupés de l'étude de cette ballade,
fixant avec précision le point de départ de son étude et délimitant son apport personnel au
probleme. Dans un deuxième chapitre il étudie le fondement de la ballade sud-est européenne
sur la femme murée vivante, déterminant ainsi la base ethnographique sur laquelle s'appuie
la création poétique et analysant, dans le méme cadre, les légendes en prose engendrées par
cette base ethnographique. Les légendes respectives, bien qu'elles aient une vibration affective
tendant vers l'art, sont encore très étroitement liées A cette base ethnographique et cherchent,
en premier lieu, A la justifier et A l'expliquer. C'est pourquoi nous considérons que Ion Talo s a eu
raison de les traiter dans le chapitre ofi il s'agit des pratiques et des croyances sur le sacrifice
do la femme murée. Ce chapitre a le mérite de donner de l'atmosphère A toute la probléma-
tique, avertissant le lecteur sur l'origine et la signification du produit artistique subséquent.
Mais le produit artistique est devenu, A un moment donné, autonome par rapport A sa base
ethnographique, n'ayant plus le rdle de l'expliquer, car il s'est développé dans la direction de
l'expression sur un plan supérieur ayant des finalités exclusivement esthétiques. C'est A ce
moment d'autonomisation artistique du sujet que Ion Talo s consacre le troisième chapitre de
son livre. L'auteur opère donc une translation de l'ethnographique A l'artistique, s'occupant
surtout de l'aspect esthétique des pièces. C'est ainsi qu'il étudie la morphologie, la structure et
le style des textes poétiques dans la version roumaine ainsi que dans les autres versions étudiées.
Le chapitre conclut avec la géographie des motifs et avec des observations concernant l'origine,
l'évolution et la signification des textes. En parlant de la méthodologie, Ion Talo s va du simple
au complexe ; il ne se limite pas A la description du texte, nous offrant seulement l'aspect
synchrone de sa problématique, car il apporte une vision diachronique qui lui est propre. En
partant, finalement, de la fonction sociale que le texte a chez les différents peuples (chez
les Roumains cantique de Nodl, lamentation funèbre chez les Néo-Grecs), l'auteur accepte
la thèse de Mircea Eliade d'après laquelle le chant aurait A sa base un 4 scénario mytico-
rituel *, considérant qu'A une épopie éloignée il a dil étre un chant de lamentation ou cantique
de deuil. Nous notons que le travail de Ion Talo s a une ample annexe (la carte typologique de
la version roumaine, bibliographie de 35 pages, résumé en langue franyaise, index de noms de
personnes et de noms géographiques). Le livre répond ainsi aux exigences actuelles de la science
et représente une contribution essentielle A la connaissance et A l'appréciation de cette mer-
veilleuse création artistique du sud-est européen.
Le livre de Ion Talo n'est pas cependant sans défauts. Nous lui reprochens le fait de
ne pas avoir donné dans l'annexe la transcription de toutes les variantes roumaines du texte.
Cela aurait été particuliérement nécessaire étant donné que certains de ces textes n'ont pas
encore été publiés et que les archives puhliques ne possédant pas tous les textes inédits, ils ne
sont pas, par conséquent, facilement accessibles. Une grande partie de ces textes inédits se
trouve dans sa collection personnelle. Si, de cette façon, il est interdit méme au chorcheur
roumain de connaltre complètement et de contr6ler le matériel documentsire, cette lacune affec-
tera d'autant plus les chercheurs étrangers. Or, il est connu que la ballade i Mesterul Maniple *
par ses implications internationales, intéresse les chercheurs étrangers d'une manière toute
particulière. Nous croyens donc que la publication des variantes roumaines aurait été une con-

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316 COMPTES RENDUS 8

dition indispensable pour le parachèvement d'un travail aussi important. Nous desirerions que
l'auteur retienne cette suggestion en vue d'une éventuelle réedition de son travail.
Pour conclure ce compte rendu, nous tenons A transcrire ici une variante
roumaine que l'auteur n'a pas connue. Nous savons qu'une variante en plus ou en
moins ne petit pas affecter les conclusions très fondées de l'étude. Pourtant, la variante
-dont nous parlons est le plus ancien texte roumain que nous connaissons ; il comprend
de précieuses suggestions concernant l'histoire mème du texte. Le materiel est d'ailleurs
lement accessible et c'est pour cela qu'il n'a pas été connu par Ion Talos. Tout ceci nous fait
croire que c'est de notre devoir de le transcrire ici. Il a é Le entendu par le journaliste franca's
Stan[slas Bellanger, entre 1838-1840 (?), du supéneur du monastère Curtea de Arges et est
en relation avec la première adaptation poétique du texte dans la littérature roumaine, la
version de Cezar Bolhac. Voici le texte, tel qu'il a été publie dans le livre du journaliste français
Le kéroutza. Voyage en Moldo-Valachie », vol. II, Paris 1846, p. 432-441 :< Voulant Miler
l'exécution des travaux confiés à ses soms, Manoli avait rassemblé de nombreux ouvriers. Son
plan dressé, ses mesures prises, il assigne A chacun sa besogne, et chacun se met sur le champ
A l'oeuvre. On travaille sans cesse, et pour ainsi dire sans repos. La nuit venue, on se relaie,
on reprend des forces, on saisit de nouveau la pioche et le marteau. De cette façon, la construc-
tion s'élève à N ue d'ceil. Les fondations, les pierres d'assises, les =rallies, le charpentage permet-
tent au regard de saisir une masse imposante ; déjà l'arclutecte peut admirer dans toui son
ensemble le résultat de ses travaux. Un événement imprévu vint mettre un terme à sa joie.
Pendant une nuit, l'édifice s'écroule sur lui-meme, sans qu'on sfit à quoi attribuer ce sinistre.
A l'aube du jeur, il ne présentait plus qu'un amas informe de décombres I Manoli, désespéré,
mais non abbatu, se remet courageusement à l'ceuvre, et recommence à edifier son église. Alms,
omme la première foix, au moment oil elle touchait à son achèvement, elle s'écroule de nouveau
sans qu'il soit possible de se rendre compte d'une pareille fatalité. Accablé de douleur, et redou-
tant la colère de Niagoé, qui, après avoir épuisé son trésor, après avoir vendu les diamants de
sa femme, a juré par sa barbe de faire tranchcr la téte au conducleur des travaux, et de faire
pendre tous les ouvriers s'ils ne parviennent pas à remplir leurs obligations dans un délai assez
court, Manoli va troll\ er le cenobite Hésius pour lui demander ce qu'il doit faire. Hésius le
ranime par de pieuses exhortations et l'engage à persévérer dans sa lutte, à reprendre encore
une fois la tiuelle, s'adresser humblement A Dieu. L'Etre suprème lui fera peut-ètre connaitre
par un signe quelconque de quelle façon il convient d'agir pour mener A bonne fin l'entreprise.
Alanoli suivit le conseil de l'ermite, et, trois mois après, au moment oil, venent d'achever sa
prière, il se disposait A se livrer au sommeil, un ange lui apparut, qui lui dit : Tu veilleras,
demam, A ce que la première femme qui se présentera devant toi, quels que soient son age
et sa condition, soit claquemuree, elle et ce qu'elle portera sur ses bras, dans un des piliers
de l'église, et tes tiavaux s'achèveront sans autre malheur". A peine éNeille par le chant matinal
de ses ouvi icrs, Manoli s'anpresse, muni d'une échelle, de monter sur le haut du clocher, qui
touchait à sa dernière pierre, et de IA il jette de tons ctités un regard attentif. Dans son
impatience, il a jure de ne prendre aucune nourriture avant que le sacrifice qu'on lui a
impose ne soit entièrement consommé. Une bonne partie de la journée s'écoula de la sorte, et
Alanoli, le cceur transi, ne voyait rien venir lorsque, vers la troisième heure du jour, il croit
erifin découvrir une femme.Elle s'avance en effet vers le temple, portant sur ses bias une pai tie
.des vivi es destines aux ouvriers. Alanoli, ému, se prosterne et va remercier Dieu de ses bontés
mais en regardant plus attentivement, il reconnait dans la victime qui vient au devant de
lui sa propre femme, Uca ; [Ce noin est la finale de Alariuea (Marion)] ; alors, d'abondantes
larmes descendent de ses yeux, il s'agenouille, il adresse une nouvelle prière au souverain ma itre
des cieux, il le supplie d'envoyer à sa jeune épouse quelqu'un qui l'arrete dans sa marche et
l'oblige A retourner sur ses pas. Il n'a pas achevé, qu'un gros chien sortant tout A coup d'un
buisson d'églantiers, se précipite sur Uça, la renverse, brise toutes les gamelles et la force

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9 COMPTES RENDTJS 317

ainsi de rentrer en hâte au logis pour préparer de nouveaux aliments. Tout plein dc son bonheur,.
Manoli se remet en sentinelle et plonge A droite et h gauche un regard avide et inquiet. Soudain,
les formes d'une femme se dessincnt encore dans le lomtain. Manoli, cette fois plein d'espoir,
comprime pour ainsi dire sa respiration haletante, regarde, regarde encore, il voulait se tromper,
tromper ses yeux memes ; helas 1 cette femme, c'est encore la simile, c'est Up. Elle semble se
hdter pour ne pas faire attendre plus longtemps les ouvriers impatients sans doute a prendre
leur repas. A cette vue, Manoli retrouvant un courage que double l'éminence du péril se prosterne
de nouveau. Mon Dieu, s'écrie-t-il les mains jointes et les yeux élevés vers le del, fais qu'Up
ne puisse arriver jusqu'id 1" Aussitôt, un loup affamé se roule aux pieds de la jeune femme et
lui cause une telle frayeur, qu'elle prend la fuite sur le champ, abandonnant ses provisions h
la voracité de l'animal. Marion en se relevant, s'aperçut de ce nouveau miracle, et il en rendit
pieusement grhces A Dieu. Cependant, le jour tendait a sa fin ; le soleil s'abaissait déjà vers
la mer ; les arbres, les ruisseaux, les collines, les troupeaux, tout se confondait dans un inextri-
cable chaos. Manoli, désespérant de ne pouvoir accomplir les prescriptions de l'ange, se résignait
déjà ii subir les consequences du courroux de Niagoé. Il avait fait, sans se plaindre, le sacrifice-
de sa vie. L'existence d'ailleurs lui était h charge ; il souffrait trop dans son amour-propre et
dans ses affections les plus cheres. Le sort seul réserN.,é A ses compagnons l'occupait. Au moment
oil il songealt au =yen de les soustraire A la mort, Up, que ses deux accidents de la journée
n'avaient point rebutée, Up reparaissait devant lui. D'une main elle portait des vivi es frais
et de l'autre main son enfant. Mallon, cette fois s'humilie comme autrefois Abraham. Pins,
reconnaissant, dans cette persistance, la victime sur laquelle la main du grand dispensateur de
toutes choses s'appesantissait : Mon Dieu, clit-il aussitôt, et sans que de son cceur sortit un
sanglot, que ta sainte volonté soit faite 1 s". II descendit, vint A la rencontre de sa jeune épouse,
l'embrassa tendrement, ainsi que son enfant qui tendait vers lui ses petites mains caressantes,
après quoi, les ayant placés tous les deux, la mere et l'enfant, dans l'un des piliers du temple, it
les fit murer sur le champ, malgré leurs cris lamentables ... Quelques jours apres, l'église
s'acheva completement et sa belle exécution attira tant de louanges h l'architecte principal
que ses confreres, jaloux de sa renommée, résolurent de la faire mounr. A cet effet, profitant
d'un moment oil Manoli venait de monter au clocher, pour en examiner le couronnement, ils
lui enlevèrent l'échelle dont il s'était servi pour son ascension, et l'abandonnerent dans cette
position dangereuse. Or, ce qu'ils avaient prévu arriva : Manoli chercha vamement h desceridre,
et dut se résoudre A mourir de faim et de fatigue, ou h se briser la téte sur le parvis, s'il
songeait jamais A sauter d'un point si élevé. Toutefois, Manoli était un homme ingénieux. a
avait donné de nombreuses preuves de son habileté. L'instinct de conservation éveilla en lni des
idées. Il eut l'adresse de se fabriquer, avec une scie oubliée par mégarde dans le clocher, deux
grandes ailes, et il se mit en devoir d'en tirer parti. Malheureusement, le mécanisme de ces
ailes était trop peu solide sans doute pour le poids de son corps ; au premier effort qu'il fit
elles se brisèrent, et nouvel Icare, il alla tomber A quelque distance de l'église. La terre, dit-on,
ouverte sous ses pieds, se referma aussitôt sur lui , laissant jaillir de l'endroit meme oh il venait
de s'abinner, une source d'eau vive sur laquelle on éleva plus tard la fontaine a trois canaux,
que vous apercevez d'ici. Depuis lors, à l'heure de minuit, on entend dans l'église une voix
deuce qui murmure ces plaintives paroles : Manoli, mon cher 'Manoli, pourquoi m'enfermes-tu
ainsi ? Les murailles m'étouffent, me pressent le sem ; mon lait coule, se perd, et je ne puis nourrir
ton enfant 1 Manoli, mon cher Manoli, viens à mon secour, car je ne puis plus respirer /Vlanoli 1"

Adrian Fochi

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18 COMPTES RENDUS 10

Dimitrie Cantemir, Historian of South-East European and Oriental Civilizations. Extracts


from * The History of the Ottoman Empire ». Edited by Alexandru Dian and Paul
Cernovodeanu. With a foreword by Professor Hatil Inalcik, President of AIESEE,
Bucharest, 1973, 358 p. (Association Internationale d'Etudes du Sud-Est Européen).

Ce volume, publié par les soins de l'Association Internationale d'Etudes du Sud-Est


Européen, s'ouvre avec une preface concise mais substantielle du professeur Hall
repute historien turc et president actuel de l'AIESEE.
Considérant dans sa Préface l'évolution de la société ottomanc, dont les efforts portent
A partir du XVIIe siècle dans le sens d'une meilleure connaissance du monde européen, le prof.
Hall Inalcik met en lumière l'apport dynamique A ce processus d'a occidentalisation fourni
par Démetre Cantemir, personnalité qui a tenu * un rtole dominant dans la confluence des cul-
tures orientales et occidentales i (p. 7). L'auteur souligne aussi le fait que l'érudit roumain
fut o l'un de ceux ayant imprimé une direction A la nouvelle orientation culturelle de la Capitate
ottomane s (p. 7) et que pour ce qui est du déclin de l'Empire ottoman son ouvrage Incrementa
atque decrementa aulae othomanicae était considéré en Europe o rceuvre classique dans ce domaine #
(p. 8). Par leurs remarques et leurs observations, les notes historiques de Cantemir sur la vie et
les institutions ottomanes connaissait si bien urestent encore inestimables # (p. 8), parce
que prises sur le vif, par leur auteur personnellement.
L'étude introductive qui fait suite A la preface est due a Alexandru Dutu. Elle &gage
les circonstances qui ont permis à Cantemir la redaction de son Histoire de l'Empire Ottoman,
tout en soulignant la portée d'une telle ceuvre dans le contexte scientifique de l'époque portée
considerable non seulement pour la connaissance de l'Empire ottoman en general, mais pour
celle des sociétés sud-est européennes en particulier aussi. Egalement fort utiles s'avèrent en
outre les precisions concernant l'édition de cette ceuvre dans les diverses langues de diffusion
européenne.
Quant aux notes ajoutées par Démetre Cantemir A son exposé, ces remarques et inter-
pretations disposent d'o une certaine autonomic (p. 13) par rapport au texte. Elles constituent
o une riche collection de materiel documentaire s, o un veritable guide de la vie de la société
sud-est européenne, ainsi que de la vie culturelle de Constantinople pendant la dernière partie
du XVIIe siècle et la premiere partie du XVIIIe siècle (p. 14).
De ce fait, l'Histoire de l'Empire Ottoman dépasse les limites d'une o simple description
de la grandeur et du déclin d'un pouvoir politique s, le livre représentant e une synthese de
la vie sociale et culturelle de l'Empire ottoman A une période de transition de sa longue
evolution. La valeur scientifique des notes de Démetre Cantemir, ainsi que leur originalité,
les transforment en o source précieuse d'informations, difficiles à trouver dans d'autres ouvrages
du temps * (p. 21).
En effet, Demetre Cantemir a mis en jeu, en tent qu'interprete de la civilisation des pen-
ples sud-est européens, son humanisme et sa confiance dans les chances de dévelappement
de la production materielle et spirituelle de l'humanité en general et de celle de l'espace sud-
est européen tout spécialement.
Aussi, de telles considerations justifient-elles la reunion en groupe de ces notes et leur
edition A part. On obtient, de la sorte. une encyclopédie concise * ou a une ébauche de diction-
naire philosophique (p. 29).
Après la e Note explicative s, viennent les passages tires de la version anglaise de N. Tindal
grotipés en chapares. Tons ces passages reproduisent, sans aueune abréviation, les notes ajoutées
par Cantemir A son exposé. Chaque note est suivie de references précises, indignant la partie,
le livre, le chapitre et la page de l'édition anglaise parue à Londres en 1734-1735.

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11 COMPTES RENDUS 319

Si le premier chapitre le Sens de la culture ne comporte que deux notes (Celebt et


Magnaninuté), le deuxième (Ottomans et autres peuples) couvre, en revanche, plusieurs pages,
se sous-divisant en groupes de problèmes : l'Europe, le Sud-Est européen, les Peuples ortentaux,
occidentaux et africains. On peut y puiser des considerations précieuses, sous les titres de Ru-
mélie, Moldavte, Iskenderberg (Skanderbeg), Dobroudja, etc. Mais encore plus riche et varié
se révèle le chapare III, consacré aux Croyances, coutumes et idées. Ce chapare atteste les vastes
connaissances du prince, qui lui permettaient aussi bien de définir les traits fondamentaux de la
société turco-islamique, que de mettre en lumière les divers aspects de la civilisation épanouie
dans l'espace sud-est européen. Dans ces notes, Démètre Cantemir traite avec une égale autorité
des principes de la religion musulmane et des pratiques du culte mahométan, ainsi que des
principales doctrines de l'Islam, voire de quelques sectes locales. Il ne néglige pas, non plus, les
cites vénérées des musulmans, ni les chefs spirituels du monde islamique (par exemple Mufti, etc.).
Les articles introduits dans le chapitre dédié A la Littérature (IV) sont relativement peu
nombreux. De beaucoup plus varié est le chapare suivant (V), traitant de l' Architecture. Les
textes groupés la portent sur les villes (Suceava, Isaccea, etc.) et sur divers edifices palais,
ponts et fon tames ou autres constructions édilitaires, edifices cultuels (tekke, turbe) ou mos-
quées (Suleymanzye, Selimlye). Appréciant le caractère monumental de la mosquée Suleymaniye,
bâtie par le renomme archaecte Sinan Celebi au nom du sultan Soliman le Magnifique (1520
1566), l'objectivité de Cantemir le pousse A noter que ce temple « est construit avec tant d'art
et d'élégance, qu'aucun autre edifice ne lui est comparable. Je l'ai entendu dire affirme
encore Cantemir non seulement par les Turcs, mais par les étrangers aussi o (p. 129). Bien
que peu nombreux, les articles sur la Peinture (chapitre VI) parviennent A définir les caractères
fondamentaux de cet art dans la conception islamique. D'autre part, le récit de quelques
anecdotes, vecues par Cantemir méme, confère A ce chapitre un caractère vivant et attractif.
Comme il fallaa s'y attendre, les notes du prince ne pouvaient manquer de contenir des ele-
ments relatifs A la Mustque (chapitre VII). On y retrouve des témoignages concernant les per-
sonnes auxquelles l'auteur avait pénétré les secrets de la musique turque.
Plusieurs sous-chapitres composent le chapitre VIII, consacre A la Cour : a) le Sultan;
b) les Revenus ; c) le Cérémonial ; d) les CEuvres de charzté ; e) les Put-lawns et la justtce ; f) le Com-
portement. Au chapare IX, celui des Ecoles, l'auteur décrit quelques institutions de culture
islamique et chretienne les seminaires musulmans dits Medrese, ainsi que l'Académie grecque
du Phanar.
Cependant, le chapare le plus ample du volume est celui faisant la revue des diverses
Personnalités (X). Les biographies concises constituant cette partie de l'ouvrage font encore une
fois la preuve des vastes connaissances du prince Cantemir dans le domaine de l'histoire
ottomane et de l'histoire europeenne, ainsi que de ses nombreuses relations avec les personnages
politiques et culturels de son temps. Aussi, le livre fournit-il des données précieuses sur : a)
les Sultans (Selim I, Soliman le Magnifique, etc.) ; b) les Dignitaires ottomans (Haireddin Bar-
barossa, les vizirs Kopruli, Kara-Moustapha Pacha qui assiègea Vienne en 1683, etc.) ; c) les
Chefs religteux (avec beaucoup de details concernant le cheik el-Islam Feizoullah effendi, We
pendant la révolte de 1703) ; d) les Khans tartars ; e) les Dignztaires persans ; f) les Prtnces et
digmtaires des pays roumatns ; g) les Hetmans cosaques ;h) les Dtplomates occidentaux (notamment
les ambassadeurs anglais, hollandais et francais) ; i) les Chefs des Kurnez hongrots ; j) les Lettris
ottomans ; k) les Lettrés et les dignitaires grecs dont deux drogmans ont bénéficié d'une espace
plus ample dans ces considerations, A savoir : Panaiotis Nikoussios (1661 1673) et Alexandre
Maurocordato (1673-1709). La liste de ces passages tires de Tindal s'achève avec une Vze de
Démbtre Cantemzr, &rite fort probablement par son fils Antioche.
Il convient de souligner que le materiel inclus dans le present volume témoigne d'une
selection minutieusement effectuée par les éditeurs. Leur souci de réaliser un ouvrage de contenu
aussi complet que varié se révèle aussi dans les notes explicatives du texte cantémirien, com-

10 C. 1284
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320 OOMPTES RENDUS 12

portant les references bibliographiques strictement nécessaires. D'autre part, grace aux brefs
commentaires ajoutés à cheque nom de personne ou de lieu figurant dans l'Index rédigé par
Lucia Taftd, les éditeurs ont été dispenses d'une série de notes qui risquaient d'allourdir le texte.
Les titres des chapitres dans lesquels ont été groupés les morceaux choisis dans l'ceuvre
de Cantemir montrent à eux seuh la diversité des preoccupations et des investigations du savant
en ce qui concerne le monde turco-islamique autant qu'à l'égard de l'espace sud-est enrol:teen.
D'autre part, l'analyse de ses annotations conduit à la conviction que Démètre Cantemir com-
mentait les thèmes qu'il abordait depuis les positions d'un penseur et d'un homme de science
connaissant le mécanisme profond des phénomènes cullurels de cette zone, particulièrement
complexe dans sa structure et sa composition. C'est là qu'interviennent aussi les lectures du
prince, qui n'a pas négligé les oeuvres des historiens ou des lettrés ottomans, dont on peut citer
Sa'adeddin (+1599), Moustapha Ali (1599), Sclaniki, Koçi Bey le Monstesquieu des Turcs
Kiatip Celebi, Hussein Hezarfen, etc. Quelques-uns, parmi eux, avaient déjA saisi les causes
de déséquilibre de la société ottomane, sans trouver néanmoins une voie de sortie du cane
d'ombre, afin de surmonter un tel état des choses (Hezarfen, par exemple), alors que quelques
autres (tels Ali, Koçi Bey, etc.) ont su réagir avec plus de force, en proposant des o solutions s
ou des o recettes * pour le rétablissement de l'Empire.
Il va sans dire que de tels tatonnements, cette recherche des a solutions # et o recettes s
pour endiguer les troubles et le déclin de la société ottomane, encore plus sensibles dans la Capi-
tale du temps de Démètre Cantemir, ne pouvaient guère être ignores par le lettré moldave si
avide de connaissances de toutes sortes. Cet état des choses ne pouvait pas échapper A son juge-
ment, aussi rien d'étonnant A ce qu'il apprécie les personnalités qui essayaient d'arrèter la de-
bacle. On le voit parler avec confiance d'un Sa'adeddin, admirer le sérieux avec lequel un ehroni-
quer tel Moustapha Ali s'applique à étudier les phénomènes socio-politiques de l'Empire ;
n'hésitera pas de qualifier le premier de o fameux historien turc» (ed. Hodosiu, p. 7, note 12),
en le désignant par le nom de Saadi (ce qui pourrait prèter confusion d'ailleurs avec o Saa di
Effendi * qui lui avait appris le turc) ou de considérer le second (Moustapha Ali) comme o de
grande portée, aimant la vérité et étranger à toute flatterie. Le livre de celui-ci notera
Cantemir est très rare méme parmi les Turcs ; c'est IA ajoute-t-il que j'ai ionise bien
de choses se referent au sujet que je traite Hodosiu, p. 250, note 70). De meme, Hezarfen
est pour lui s un historien turc très précis et dote d'acribie * (écl. Hodosiu, p. 297, note 88).
Souvent, Cantemir cite les s auteurs turcs * pour les opposer aux s écrivains chrétiens *. En
achevant la première partie de son Histoire de l'Empire Ottoman, il confie : s Tous ces faits qui
ont eu lieu dans ce grand Empire, vus par nous-meme, écrits par les historiens turcs en per-
sonne, nous les raconterons, dans la seconde partie de notre histoire, avcc la mème fidélité et
avec les mots méme des historiens turcs, comme nous l'avons fait dans la première partie
(ed. Hodosiu, p. 409). Cette confiance et cette estime de Cantemir temoignent non seulement
de sa connaissance de l'ceuvre d'un nombre important d'auteurs turcs, mais aussi de son accord
avec certains de leurs points de vue, y compris sur le phénomène du déchn ottoman.
Pour ce qui est des notes proprement-dites, rédigées par Cantemir, il est à présumer
qu'au moins quelques-unes d'entre elles représentent ses propres impressions, recueillies lors
de son sejour constantinopolitain, alors que les autres sont le fruit de sa mémoire prodigieuse,
qui a enregistre ce qui l'intéressait pour le passer ensuite au crible de sa propre pensée, sans
renoncer pour autant à cet esprit objectif qui le caractérise. C'est ce qui fait leur authenticité
et leur originalité.
Toutefois, nous estimons que ce materiel aurait pu s'enrichir avec d'autres elements
encore, destines A coinpléter l'un ou l'autre des themes abordés par Cantemir dans ses notes.
Dans cet ordre d'idées, outre les articles traitant des pratiques spéciales de l'Islam (namaz,.
Hadj, etc.), l'introduction de quelques categories plus générales (musulman, par exemple, Tin-

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13 COMPTES RENDUS 322

dal p. 37 note 8) aurait contribué à reproduire une image plus complete de la conception de Can-
temir en ce qui concerne l'Islam et, dans certains cas, méme rapportée au monde chraien (Tin-
dal, p. 89-90, note 39 : Varna). D'autre part, certaines notes cantemiriennes sont susceptibles
de fournir des renseignements précieux sur le jugement des Turcs eux-même relatifs aux causes
ayant determine les succes de l'Empire ottoman (Tindal, p. 8, note 5) ou ses defaites. D'une
importance égale comme Cantemir lui-méme le note s'avere la conception du peuple turc
quant A la dynastic ottomane ou l'institution de la souveraineté en general (Tindal, p. 169-170,
note 52).
Il y aurait aussi un mot à dire quant A la terminolope turco-arabo-persane des notes de
Cantemir. En effet, scuts quelques termes ont été corriges par leur transcription dans le ture
moderne transcription effectuée par Maria Monica Gâteni, dont la contribution sous ce rap-
port est consignee dans la note explicative de l'édition. Ma's bon nombre de textes tures repro-
duisent la foi me adoptée par l'éditton anglaise, parfois corrompue au-delA de toute limite.
Néanmoins, méme les expressions corrigées comportent quelques erreurs. En oici quelques
exemples : le proverbe Eushbazz Cumarbazt ulduren olur cazz (p. 97) a été transcrit en turc
moderne sous la foi me Kusabazz kumarbazz olduren olur kazz (p. 302, note 32) qui denature le-
vel liable texte, car le mot kaz signifie « oic i, alors que le texte parle d'un gazi, autrement
dit un i hems # Done le proverbe en question aurait dû are ecrit comme suit : Eusbazz, kumar-
bazz olduren, olur gazz qui se traduit par o Celui qui tuera le gardien d'oies, l'amateur de jeux du
hasard, deviendra un héros a. Ce pro. erbe a &le menticnné par Cantemir A propos du sultan,
Mehmet IV (1648-1687), chasseur passionne, sous le règne duquel commença la grande re-
traite ottomane d'Europe et qui a fini par are détrôné. De méme le proverbe Kzesilmin El,
upiulmek gzerek (p. 109), qui a été transcrit sous la forme : Eesilmeym ell, opulmek gerek, alors
que sa forme correcte est Resilmegen el, opulmek gerek, qui veut dire qu'o Il faut baiser la main
qu'on ne peut pas couper a. Des exemples du méme genre pourraient étre fournis à regard des
notes 55, 71, 72, 73, 77, etc.
On aurait pu obtenir la correction des formes corrompues de la version de Tindal en
faisant un appel plus constant A latine originate Ceci aurait également perms de
relever les erreurs introduites par le traducteur anglais dans le texte de Cantemir.
Un bon choix des échos enregistrés par V llzstozre de l'Empire Ottoman dans l'Europe
savante du XVIII° siecle, ainsi qu'une ample bibliographie viennent fort A propos completer
ce volume. Sa valeur documentaire est rehaussée aussi par les 30 planches, en couleurs dans
leur majeure partie, précieux témoignages de l'époque.
Nous ne saurions, par ailleurs, cl6re cette sommaire presentation sans féliciter l'équipe
qui a assure la partition du volume, dont la mise en page, les caractères typographiques et les
illustrations contribuent à offrir au lecteur contempoi am une élégante edition d'o un livre rare b.
Il s'agit, en effet, d'une réussite à tous points de vue, vouée à s'imposer notamment par
l'organisation systematique du materiel respectif à l'attention de tous ceux qui s'adonnent
l'étude de l'ceuvre de ce o grand drogman des cultures occidentales et orientales i (ainsi que
Nicolas larga appelait Cantemir) et des multiples aspects des cultures sud-est euroneennes-
Mustafa A. Mehmet

DUMITRU VELCIU, Miron Costin, Bucuresti, Editura Minerva, 1973, 299 p. MARIA PRO-
TASE, Petru Maior, B ucuresti, Editura Minerva, 1973, 413 p. (Collection Universitasa)

La série Universitas * dans laquelle ont paru des ouvrages d'histoire littéraire avec
une solide documentation et avec des interpretations renouvellées, s'est imposée, comn e de-
juste, à l'attention des spécia listes et des lecteurs roumains. L'initiative des Editions Antler\ a,

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322 GOIVLPTES RF.NDITS 14

de constiluer une série aes travaux, en grande partie, à l'origine theses de doctorat mérite
d'être soulignée ; de même que merite d'être accentuée l'intention d'assurer à ces livres une plus
large circulation, en les augmentant d'un résumé substantiel en franeais à la fin. Les titres
parus jusqu'à present trahissent une tendance évidente de la recherche littéraire actuelle, aux
exegeses consacrées A. des écrivains qui ont joué un rôle particulier dans l'histoire de la littéra-
ture roumaine ; mais les analyses ne se limitent pas à l'investigation de l'ceuvre et de l'hornme,
mais elles se proposent d'intégrer chaque écrivain dans l'histoire. Cette integration part, parfois,
delibérement d'éléments culturels : c'est le cas de la monographic de Petru Vaida, Dimitrie
Canicula' el l'humamsme (1972) ou du byre de Mario Rufftni, La bibliolliègue du sénéchal Constantin
Cantacuzino (1973). D'autres fois l'analyse philologique prédomine, comme dans Les enseigne-
ments de Neagoe Basarab el son flls Thiodose par Dan Zamfirescu (1972). Cependant, les analyses
les plus nombreuses sont fondées sur la vie et l'ceuvre, accordant une importance différente aux
liens entre biographic et vie sociale, entre ceuvre et courants d'idées. (Ion Agirbiceanu par
Mircea Zaciu, Gib. I. Miliclescu par M. Diaconescu ; Dane Chendi par Mircea Popa, etc.). Cette
importance différemment dosée, peut être rencontrée également dans les livres que nous signa-
ions ici le premier consacré A un représentant de l'humanisme roumain, le second consacré
A un protagoniste des Lumieres.
Le portrait de Miran Costin qui se détache du livre de Dumitru Velciu est different de
celui rencontré dans les histoires littéraires. La recherche attentive des sources, des elements
historiques inclus dans l'ceuvre du lettré rnoldave, des docinnents d'époque ont conduit l'auteur
A une restitution plus precise de l'activité politique du dIgnitaire. La partie la plus solide du
Eyre nous semble être le chapitre 2, on D. Veleiu s'occupe de o L'homme politique ». Auteur
d'une biographic documentée de Ion Neculce (Bucarest, Ed. Tineretului, 1968), l'auteur se
révèle un interprete avisé des dates qui restituent le sens des actions entreprises par des
personnalités ; ici encore les elements sont rms en rapport avec competence et esquissent la
figure d'un fils de haut dignitaire qui a été attire par le trône princier. Une entière serie de
preuves (détachées d'après une indication ante' ieure de Rugen Stdnescu, citée par l'auteur) s' ajoute
au dossier de ce candidat au trône moldave qui ne s'est pas écarle des manceuvres de coulisses
les plus habiles pour réaliser son but ; o les moyens utilises entachent dans une certaine mesure
l'hornme s, mais les buts supérieurs poursuivis par Miron Costal lui donnent le droit, nous assure
l'auteur, o d'être &chargé de toutes les tares d'intrigue et de haine, mis par le Moyen Age, en
Occident, aussi bien qu'en Orient, dans la panoplte de l'homme politique du temps u (p. 126).
Avertissement inutile, du moment que l'histoire n'absout et ne condatnne pas, mais explique
et restitue ; et d'autant plus que l'intrigue et la haine ne se sont pas épanomes seulement au
Moyen-Age, mais égaleinent durant la Renaissance (et, peut-être, d'une faeon plus spectaculaire)
et ensuite.
Sont à retenir les preisions de l'auteur concernant l'origine valaque de Costin (p. 52
51) ; ses relations avec les cercles politiques polonais, avec Faide desquels il espérait arriver au
trône et miller la Moldavie au front anti-ottoman ; rattitude de Costin face au prince 5tefan
Petriceicu, qui, par son orientation polonophile, est devenu un candidat adverse dangereux
(p. 82-89).
Ce portrait, l'auteur le projette sur l'arriere-plan trace par les recherches antérieures
le chapitre consacré au destin de rceuvre de Mimi Costin dans l'historiographie roumaine (p. 7
50), comine également le paragraphe avec de nombreux renvois bibliographiques concernant
l'appel que les écrivams de l'époque moderne et contemporaine ont fait à l'ceuvre du chroniqueur,
utillsee comme source d'inspiration (p. 247-250) constituent, A notre connaissance, la recapi-
tulation la plus complete et la plus autorisée jusqu'à present.
Le livre invite à la discussion, aussitôt que le lecteur pénetre dans le chapitre « L'homme
dans l'ceuvre écrite i et s L'écrivain ; car, d'une part, l'auteur, s'est senti oblige de creer une
antinomie entre l'homme politique et l'écrivain, et d'autre part, parce que cette opposition,

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15 COMPTES RENDUS 323

conjugée avec une tendance assidue de notre historiographie littéraire recente, l'a determine
revendiquer l'ceuvre entiere de Miron Costin pour le musée imagmaire des belles lettres.
D. VeIciu signale le fait que la s3 mpathie envers les Polonais se joint à une critique des.
comportements des ai mées pcicnaiscs, mais laisse l'explication s'en remettre à l'opposition
dont il était parti. 11 surprend cette double attitude dans les jugements émis sur la politique
de la Grande Porte et les comportements des Ottomans, mais sans ajouter de nouveaux ele-
ments A la pénétrante analyse que le professeur Mihai Berza a entrepris dans cette même revue
(dans l'article Turcs, Empire Ottoman el relations roumano-turques dans Phistoriographie moldave
des XVe XV II le szecles, n° 3, 1972). En ce qui concerne la reaction face aux Phanariotes qui
accaparaient de plus en plus fréquemment les fonctions A la cour, l'auteur reprend les opinions
de ses prédécesseurs qui ont parle d'une o diversion o, quoique l'étude attentive des témoignages
démontre que l'opposition était dirigee contre ceux qui venaient en Moldavie pour faire fortune,
augmentant ainsi l'exploitation des masses et épuisant les ressources économiques du pays,
et dans des conditions de grande obedience face A la Porte ottomane, diminuant ainsi les
possibilités d'initiative politique des principautes. Les rapports entre boyards et princes re-
gnants ont été, en Write, marques par la tension relevée par l'auteur, mais 11 est difficile de
préciser dans quelle mesure i l'humaniste et le théiste declare est en réalité un féodal dans ses
rapports avec la paysannerie o (p. 150), si on ne démontre pas en quoi a consiste le theisme
de Costin. En ce qui concerne les rapports avec la paysannerie l'auteur découvre le boyard,
quand il le volt décrire les mauvaises mceurs des Moldaves (p. 220-221), et l'humaniste, quand
il l'écoute entonner o un hymne de louanges au peuple dont l'auteur et ses lecteurs font partie
(p. 265). II nous semble que toutes les critiques de Miran Costin concernant les mauvaises inceurs
ne peuvent ell e détachées de l'exhortation faite par l'humaniste à ses compatriotes de o renaitre * ;
on retrouve ce sens, dans la critique de Dimitrie Cantemir dans Descriptio Moldaviae, chapitre
17, où le prince affirme que bien que son amour du pays l'avait pousse à faire des éloges,
a préféré critiquer pour corriger, aim que les Moldaves ne soient plus condamnées par ceux qui
ont o des mceurs de cboix i. De méme, il nous semble que l'éloge du peuple d'origine romaine ne
peut étre sépare du programme politique du haut dignitaire. Mais ici s'élève un autre probleme.
Dumitru Velciu a parfaitement raison quand 11 parle de l'image que Miran Costin se fait
de l'Antiquité (p. 172) ; il remarque de fa con judicieuse que l'illustre humaniste s'écarte du
style des chroniqueurs antérieurs. Les recapitulations des textes prouvant des assimilations
des poètes latins sont exactes (il faudrait ajouter, A propos de la légende se référant à l'endroit
de l'exil d'Ovide, les precisions de P. P. Panaitescu dans l'article paru dans cette revue, n°81-2,
1967). Il est à retenir encore sa suggestion d'inclure dans l'ceuvre de Costin le discours tenu face
A Iuri Bogdanovie Khmelnitsky, en 1677 (p. 189), de même que mérite d'être soulignée son affir-
mation que l'ceuvre la plus parfaitement réalisée artistiquement est Le poeme polonais (p. 186).
Instructive est également l'instance de l'auteur pour découvrir des procédés artistiques (descrip-
tions, narrations, tableaux de lutte, dont nous auront trouve la source plutôt dans l'interét
du haut dignitaire pour les problèmes militaires). Ce qui nous semble surprenant est, cependant,
le saut qu'a fait l'auteur quand il aflame que o l'essai réussi du chroniqueur de confectionner
son propre portrait reel, et s'inclure, naturellement, dans une réalité qu'il transforme et qu'il
adapte son idée préconcue, la capacité de dissimuler jusqu'à recreer, sur des bases con-
A.

ceptuelles, un autre univers, different de celui dans lequel il a évolué, cela signifie, bien sOr,
art, littérature ; par cela Miran Costin devient écrivain o (p. 268).
Recréer un autre univers ne signifie pas seulement, art, littérature, mais surtout ideolo-
gic ; en particulier, dans les époques antérieures au romantisme. Et il est evident que Miron
Costin réussit A la formuler. Mais il n'est pas suffisant de suivre la biographie d'un auteur pour
esquisser une doctrine. Il est evident que D. Velciu s'est laissé conduire par la direction qui
suit le dépistage des intentions délibérement artistiques * dans o l'ancienne s littérature rou-
maine ; et il l'a menée jusqu'au bout, séparant, en une ceuvre unitaire, la reflexion philosophique

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124 COMPTES RENDUS 16

de la narration lustorique et de s l'embellissement des exposés s, qui, jusqu'à la fin, submerge


les deux autres. L'interprele accentue seulement sur l'élément littératre et concha que la chronz-
que est o un vaste poème élegiaque * (p. 265). Pourrions-nous, vraiment, le comparer au poème
le Paradis perdu de Milton ? Mais si la chronique ne reflete pas d'une maniére simpliste, brute,
directe, les opinions et les sentiments les plus intimes de l'auteur s (p. 267) et, appartient done
A la littéiature, qu'est-ce que l'histoire ? Est-ce cette narration terne et sèche d'événements,
qui rejelte les tentatives de la pensée de découvrir le sens des transformations ? « Une erudition
chronologique ? Elle n'est pas, certes, dépourvue d'utilité pratique. Se suffit-elle à elle-même ?
Personne qui le praende s. Parce que si nous allons éliminer la réflexion de l'expose lustorique
awns nous demanderons avec Lucien Febvre : Pauvre mariée que te reste-t-il ? Pas meme
la pensée". Rien que la peau sur les os s. (Combats pour l'histotre).
Pour englober l'oeuvre historique de Miron Costin parmi les creations artistiques (dans
une littérature poussée par la philologie esthetique ou correctrice ? vers une expansion
impérialiste), l'interpréte fait appel A la biographic et au texte. Les references aux courants
d'idées de la culture polonaise sont sommaires, de meine que peu nombreuses sont les refe-
rences h la tradition de la culture roumaine &rite. Dans de telles conditions est attribuée A
l'art o la capacité de recréer s, qui en fait s'est inscrit naturellement en une ideologic gull
aurait fallu reconstituer. Si Mixon Costin a eu le &sir de se couvrir de la gloire de l'écrivain
(de même que l'auteur soulient, p. 182-183, en donnant un caractere de certitude A une hy-
pothese de Nirgil CAndea formulée dans la preface au Divan de Dimitrie Cantemir), cette
gloire il ne l'a pas detach& de son programme politique, qu'il a essayé de réaliser avec les moyens
et dans les conditions offertes par son époque. Un programme qui a fixé h la collectivité des
objectifs cristallisés aussi bien dans l'ceuvre de Miron Costin, que dans les ceuvres de Dimitrie
Cantemir et le sénéchal Constantin Cantacuzino, hommes d'action et écrivains qui ont consolide
un humanisme civique.
La recherche biographique dévoile, ainsi, ses merites et ses limites. Dans le cas d'un
penseur qui a délibérément créé des oeuvres artistiques, mais a consacré, avec la même resolu-
tion, ses capacites à l'histoire, l'étude des courants d'idées, des structures de la culture écrite,
des conditions d'existence dans lesquelles se sont implantés les actes culturels s'imposent
d'eux-meme. Pour ne pas attribuer aux belles lettres des ceuvres qui ne leur appartiennent
pas, et pour ne pas éclairer seulement une partie du portrait d'un dignitaire et d'un écrivain.
La tendance de la critique littéraire de découvrir o l'effort délibérement artistique i dans les
ceuvres historiques s'est montré seouvent stérilisante. Et elle est celle qut fait contestables les
conclusions de cette monographic, à laquelle les étudiants de la biographic et de l'ceuvre de
Miron Costin feront appel h. l'avenir.
La monographie Petru Major se propose de reconstituer la vie et l'ceuvre d'un des plus
remarquables lettrés de l'histoire de la culture roumaine ; une oeuvre qui se fonde sur une tra-
dition de pensée, qui a bénéficié des contacts de l'auteur avec les mouvements d'idées de l'empire
des lIabsbourg et a considérablement influence le programme existentiel formulé par la gene-
ration des révolutionnaires de 1848. La nécessité d'une pareille etude est d:sAnontree abondam-
ment par la recapitulation même qu'entreprend l'auteur dans le premier chapitre de son ouvrage
au grand représentant de s l'école transylvaine * lui furent consacrées jusqu'A present des
études d'un caractere general ou des flashes dans une serie d'histoires littéraires, qui ont
accentue des aspects different% de sa creation. Une etude attentive et exhaustive des documents
.concernants la vie et l'activité du leltré s'imposait à etre effectuée et par consequent il faut
sooligner, dès le début, que Maria Protase a fait un bon choix. Ce qu'il faut souligner, en second
lieu, c'est le fait que le sujet a été traité dans une perspective moderne qui restituant au monde
contemporain Fceuvre d'une personnalité o du prétendu fond passif, éloigné, de l'histoire de la
culture et de la laterature roumaine s, de même que l'auteur s'exprime, la reintegre dans le
fond actif des valeurs qui offrent, A present, des reperes hune collectivité. Se fixant l'obligation

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17 COMPTES RE,NDUS 325

d'aborder l'obj et de ses recherches o dans la perspective d'une triple appreciation : dans l'époque,
dans le processus de transformation de la littérature et sous l'angle strictement contemporain i
(p. 18), Maria Protase a su éviter deux points de vue contestables qui ont opéré dans l'histo-
riographie de la culture roumaine, disséquant les creations, parmi lesquelles celle de Petru
1\laior : l'exposé positiviste inspire de formules candides, comme celle de Ranke, qui afin de
reconstituer le passé ressuscitaient tous les details ; la critique artistique inspirée de la these
tranchante de Croce, conformément A laquelle les recherches dites historiques et philologiques
servent seulement au transfert du critique dans les conditions de l'esprit de l'auteur, dans l'acte
qui a constitué sa synthese artistique. Maria Protase s'est specialement adressée aux historiens
de la culture roumaine, aux exegetes sensibles au lien permanent entre la vie des ceuvres et
la vie de la société, et bénéficiant des indications offertes par un Nicolae Iorga et par s l'école
de Cluj *, illustrée par Dumitru Popovici, Ion Breazu, Iosif Pervian, David Prodan ou Lucían
Blaga, a donne A ses recherches l'orientation la plus adequate et la plus enrichissante, vers
l'histoire globale. Par la également le principal mérite de ce livre.
L'auteur s'appuie sur une riche bibliographie roumaine et étrangère, sur des documents
d'archives, sur une lecture pertinente des textes de l'ceuvre de Maior. Le lettré roumain est
réinséré dans la vie de l'époque, et son ceuvre est inscrite dans le tourment idéologique de la
fin du XVIII° s., les premieres décennies du XIX°. L'auteur insiste sur les rapports sociaux
dans l'empire des Habsbourg, sur # le despotisme éclairé * de Joseph II et de ses consequences
pour les Roumains, sur les relations de Maior avec Sincai et Ion Budai-Deleanu, sur le relic
joué par le groupe des Roumains autour de la tipographie de Buda. Dans le cadre des conflits
idéologiques de cet intervalle de temps, les écrits du grand lettré ont acquis une nouvelle dimen-
sion, autant Le Procanon que l'ceuvre parénétique, l'ceuvre historique ou l'ceuvre linguistique.
Un apport original du livre consiste en l'analyse de la periode romaine et viennoise de la
vie du lettré roumain. Utilisant les dates proposées par les recents chercheurs des archives de
l'étranger, en particulier les contributions de Lucia Protopopescu, l'auteur définit, par des inter-
pretations nouvelles, la formation de Petru Maior. On doit relever, surtout, la mise en relief des
quatre sources de la pensée joséphiniste, qui ensemble représentent quatre courants d'idées
de la Vienne A l'époque des lumieres : les lumieres françaises, l'humanisme et le rationalisme des
Pays-Bas, l'Aufklarung allemand et les lumières italiennes. La presence de l'influence italienne,
attestée égalemet par le grand débat engage autour de l'ceuvre de Pietro-Giannone, Il Triregno
(de meme qu'a relevé Giuseppe Ricuperati dans un article dans # Rivista storica italiana e,
1967), prouve l'éclectisme du milieu viennois. Mais de pareilles influences permettent A la
fois une meilleure connaissance de la diversité des lumières européennes qui furent longtemps
réduites A une dualité, l'aspect anglais et le fran gals, d'après la remarque de Pierre Chaunu.
L'empreinte laissée par Rome, mais également par le # Settecento riformatore # (évoqué récem-
ment par Franco Venturi), de meme que celle de Vienne animée par le réformisme josephiniste
(avec des limites clairement tracées par Ernest Wangermann), entrainent le jeune étudiant sur
la voie de la fronde anti-papale, avec également un point d'appui sur le gallicanisme, ainsi que
sur la voie des revisions doctrinales ; dans ce sens, on peut supposer que Petru Maior a connu
les orientations jansénistes, dont l'impact sur l'idéologie des lumières a commence a être de
plus en plus mis en lumière. Les années de formation représentent une période d'accumulations
et de restructurations des connaissances qui débouchèrent dans une ideologic éclairée origi-
nale, qui de meme que souligne l'auteur, devait répondre aux problèmes soulevées par l'existence
économique et sociale de la Transylvanie. Les premiers chapitres de l'ouvrage offrent une con-
tribution précieuse A une meilleure intelligence des lumières roumaines, avec une originalité
aussi marquante que celle des lumières italiennes, allemandes, greeques, bulgares on yougoslaves.
L'auteur revient sur l'empreinte romaine dans les chapitres suivants, surtout quand
il se réfère A l'ceuvre historique ; les années de formation se révèlent etre des fondations sur
lesquelles s'est élevée la conception politique et sociale de Maior.

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326 COMPTE1S RENDUS 18

S'y ajoutent des interpretations pertinentes, des analyses attentives des textes, dans la
série desquels il faut mentionner la recherche parallele des versions française, italienne et rou-
maine des Aventures de Télémaque de Fénelon (p. 164-172), et le dense chapitre consacré aux
preoccupations linguistiques, qui dévoilent o l'outillage mental de Petru Maior et des lettrés de
or Ecole transylvaine ».
Parlant de la formation du lettré, de son outillage mental, du sens conféré A ses ceuvres,
l'auteur realise par sa monographic, une intéressante incursion dans l'histoire des mentalités
roumaines qui, à répoque des lumieres, se fondent sur les conquétes des humanistes roumains
et s'ouvrent à l'esprit romantique. Contribution parmi les plus solides et les plus larges à l'his-
toire de la culture roumaine, cet encadrement de l'ceuvre de Petru Maior dans revolution de la
pensée roumaine assure, d'après notre opinion, une place insigne au livre de Maria Protase.
L'auteur accentue bien sur le sens de l'Union avec réglise catholique, dans la vision de Petru
Maior ; analysant la direction de l'attaque dirige par Petru Maior contre rautorité seculaire papale,
l'auteur conduit plus loin la série d'observations pertinentes qu'a fait Lucian Blaga, en marge
du Procanon. Maria Protase met en lumière l'attachement du polémiste face A la tradition sud-est
européenne, attitude qu'on peut comparer avec o la position politique du gallicanisme dans les
Etats et les églises catholiques d'Occident », et la position de Maior dans le cadre du conflit
Etat-Eglise du XVIIIe s. Mettant en correlation les affirmations du Procanon avec les notes
qui lui sont attribuées par l'auteur de riganiada, Ion Budai-Deleanu, l'auteur arrive A la con-
clusion que l'attaque contre l'absolutisme papal met sous accusation a n'unporte quelle con-
centration de pouvoir dans les mains d'un seul homme, monarque absolut » (p. 79-94). La
constatation soulève un probleme general, celui de la laicisation de la pensée dans la société
roumaine et, par comparaison, dans les sociétés sud-est européennes. Car l'apparition des
concepts laYques dans les écrits des clercs pent être considéré comme une preuve de revolution
continue d'une pensée qui s'est détachée de oruniversalisme medieval s, sans repudier le passé, mais
en le transformant. Sous cet aspect, la constatation de Maria Protase s'ajoute A la serie de preuves
qui entrainent les recherches vers l'analyse des modifications des structures mentales et non
vers l'appel aux formules qui couvrent les réalités des sociétés occidentales, comme o le cesaro-
papisme ». On peut espérer que ramie de Maria Protase sur le Procanon, parue dans cette revue
(n° 1, 1973), soulèvera les commentaires des chercheurs de repoque des lumières dans le sud-est
européen.
Solidement construit, le chapitre consacre à l'ceuvre majeure de Petru Maior, L'histoire
du début des Roumams en Dacie, met en lumière les articulations de ce passionnant exposé his-
torique, qui constitue le principal maillon entre la doctrine des humanistes et l'historiographie
de la generation de 1848 (p. 173-200).
Ecrit dans un style qui quelquefois imite la subtilité, mais aussi l'entrelacement com-
pliqué des arabesques, le livre met dans un éclairage nouveau chaque ceuvre du lettré, ainsi
que son entière creation, projetée sur le fond offert par le mouvement des idées dans le Centre
et le Sud-Est europeen.
Erudit engage dans la problématique soulevée par la vie quotidienne, lettré entrainé
dans la lutte politique menée par son peuple, Petru Maior se détache des chapitres de cette
monographie comme une personnalité complexe : guide par une faculté maitresse » qui est
H

son esprit polémique, par un vif amour pour le peuple et par une inébranlabe foi en la vérité,
en la justice et en la dignité humaine, l'illustre lettré que nous restrtue l'ouvrage de Maria
Protase se présente comme un homme vivant ; il nous apparait soumis aux chicanes, sollicité
par les ambitions et accablé par les suspicions de la médiocrité, mais soutenu par la force de
son intelligence et de celle du peuple, un lettré qui est devenu le messager des aspirations du
moment et des permanences de la culture roumaine.

Alexandra Dufu

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NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES

Rédigés par : H. MIHAESCU (H.M.); ZAMFIRA MIHAIL (Z.M.); J. IRMSCHER DDR


(hm.); MIRCEA ANGHELESCU (M.A.); CORNELIA BELCIN (C.E.)

V. POLAK, Einige Gedanken uber die Entstehung des balkanischen Sprachmodells, 4 Orbis *,
XXII, 1973, p. 215 231.

Obtenir des précisions ou des critères plus nuances pour la mise en lumière de ce qu'on
appelle « balkanismes o notamment presents en albanais, bulgare et roumain est sans doute
un effort aussi nécessaire qu'utile. Un tel essai doit surtout porter sur la morphologic et la syn-
taxe, afin d'y saisir les similitudes structurales. Il serait A désirer de commencer par des re-
cherches comparatives sur deux langues (l'albanais et le bulgare, par exernple, ou l'albanais et
le roumain), ce qui permettrait de réunir un nombre plus important de faits que celui dont
nous disposons jusqu'A present. Ni l'élément latin de l'albanais et du roumain et, en general,
de l'espace sud-est européen n'est encore si bien connu qu'il permette des jugements par trop
catégoriques, dans le genre de celui que le latin aura eu, a l'ouest, une evolution dans un tout
autre sens (« das Lateinische eine ganz andere Entwicklungsrichtung in den ubrigen romanischen
Sprachen gefolgt hat i), exception faite de quelques particularités, telles la postposition de
l'article, le futur créé avec volo ou habere A la place d'esse dans la composition du parfait compose.
Les parallélismes établis au préalable entre deux langues permettraient de saisir les differen-
ces, ainsi que de préciser une stratigraphie plus detainee.
L'idée que l'albanais est susceptible de fournir une aide précieuse en vue de l'établissement
des modèles balkaniques nous semble plausible et digne d'être suivie (« Das Albanische besetzt
eine Schlusselstellung in der Entstehung der gemeinsamen Zuge des balkanischen Sprachbun-
des », p. 231). De même, il convient aussi de compter avec l'hypothèse que le thrace et l'illyrien
ont persiste encore longtemps après la conquête romaine et méme après l'installation des Slaves
dans la péninsule Balkanique, en tant que méthode de travail, bien qu'elle soit refutée par
certains historiens.
En marge de cette exposition theonque aussi suggestive qu'intéressante, nous sommes
d'avis qu'il faudra approfondir l'examen des faits concrets avec plus de méthode qu'il n'a été
fait jusqu'A present.
H.M.

REV. ÉTUDES SUD-EST EUROP., XII, 2, P. 327-336, BUCAREST, 1974

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328 NOTICES BIBLIOGRAPHIQ'UES 2

E. Ç,ABEJ, (,'eshlja e prejardhjes se ngulunevel arbereshe te Ilal,sg ne dszten kryesisht te gjuhes


e le emrave vellake (La question de l'origine des colonies albanaises d'Italie A la lumiére
sui tout de la langue et des noms propres). o Studime Filologjike s, XXVI(IX), 2, 1972,
pp. 23-31.

Les Albanais de l'Halle du sud et de Sicile (d'environ 49 localilés) ont conservé leur
nom anclen d'Arberë (Albanais), alors que leurs fréres du pays l'ont oublié, pour s'appeler de
nos jours Shqtpetare. On appelle le parler des premiers gjuha arberishle et celui des seconds
gjuha shme. Ce qui importe, c'est que le parler des Albanais d'Italie est en général conser-
vateur, gardant bon nombre de traits archaiques, fait trés utile pour les spécialistes qui sont
inéme, grace A lui, de reconstituer partiellement le passé de cette langue.
L'auteur de la présente étude examine les traditions orales, les costumes, les vieilles
inélodies populaires, les us et coutumes, ainsi que les données historiques relatives aux Albanais
d'Italie, avec leur onomastique et leur parler, afin de déceler à quel moment et de quelle repon
d'Albanie ces colons sout venus. En ce qui concerne les circonstances historiques qui ont dé-
terminé leur exode, l'auteur pense qu'elles ont da déclencher plusieurs vagues, dans l'intervalle
approximatif de trois siècles, c'est-A-dire environ entre les années 1450-1750. L'analyse des
alares moyens informationnels conduit l'auteur A la conclusion que lesdits colons sont originaires
klu sud de l'Albanie et notamtnent de l'espace compris entre Vlora er Preveza, avec son Hin-
terland.
L'intérét de cette étude réside non seulement dans les conclusions de caractère historique
de l'auteur, mais aussi et surtout dans la méthode appliquée à l'esquisse de quelques points de
vue personnels relatifs A maints détails et dans la sareté de sa main lorsqu'il s'agit de guider
le lecteur à travers un riche enchevêtrement de faits, pas toujours faciles à interpréter et A
valoriser.
H.M.

D. V. VAYACACOS, Le grec moderne, les dialectes neohellénigues el le Dictionnaire historigue


de la langue grecgue de l'Academie d'Athènes. o Lexikographikon Deltion s, XII, 1972,
p. 81-256.

En tout premier lieu, l'auteur s'attache à démontrer l'unité géographique et la conti-


nuité historique de la langue grecque, formulant la conclusion suivante : o Le grec ancien,
postérieur, byzantin et moderne constitue diverses phases de la mérne langue et Fon ne peut
pas les examiner séparément, paree que l'une éclaire l'autre s (p. 86). Arrivé 1A, il expose les
principes selon lesquels est élaboré le Dictionnaire historique de la langue grecque, qui englobe
le trésor linguistique pos térieur aux années 1800, tout en usant aussi comme de juste pour
ses interprétations et explications des matériaux antérieurs A cette date.
L'Académie d'Athénes a pris l'initiative de rédiger ce Dictionnaire historique en 1914
et, A l'heure actuelle, quatre tomes ont d.:jA paru. Parallélement au Dictionnaire, son Centre
de rédaction f tit égalemmt paraitre un Bulletin lexicographique, aujourd'hui A son XII° volume.
Ensuite, l'auteur publie une bibliographie systématique de la langue grecque. Celle-ci
est un inventaire de 2630 titres, s qui se vela un guide de ceux qui s'occupent de l'étude du
grec médiéval et moderne : on y trouve les ouvrages et les articles fondamentaux des linguistes

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3 N OTI CE S BLBLIOGRAPHIQ' UES 329

de tous les pays qui se rapportent A la langue hellénique * (p. 101). Par atileurs, l'auteur
étudie de près les toponymes et les anthroponymes. Il tient une chronique péi todique dans les
revues a Athena * et e Onoma s, ayant publié dans la première un compte rendu exhaustif de
la toponymie et de l'anthroponymie grecque (LXVI, 1962, p. 300-424 et LXVII, 1963/
1961, p. 145-369).
Ce sont autant d'instruments de travail utiles pour aborder l'étude du grec ou des pro-
blèmes plus vastes impliquant l'application de la méthode compaiatiste.
H. M.

N10ETAS MAGISTROS, Lettres d'un exilé (928-916). Introduction, &talon, traduction et


notes par L. G. Westerink. Editions du Centre National de la Recherche Scientifique,
Paris, 1973, 154 pp.

Exile pendant 18 ans sur la côte sud-est du Hellespont, A peu de distance de Granikos
(Kocabas), A la suite de certaines intrigues autour de la succession au trOne, l'écrivain passe
son temps dans une petite propriété qui lut appartient en s'adonnant A la littérature. C'est
atnsi que nous lui somines redevables d'une série de letlres oil il nous donne ses impressions
sur la nature ou des réflexions sur la vie et sur la mart. Parini les auteurs qu'il lisait, il y
avait des historiens tels Hérodote, Arrien et Théophylacte Simocatta, des plulosophes comme
Platon et Plutarque ou des poètes Homère, Hésiode et Euripide ; avec la lecture de la
Bible, ils lui fournissaient sa nourriture spirituelle et sa consolation. Ses lettres sont d'un
style classicisant, ponetuées de citations antiques et da quelques légères ironies A. l'adresse
de la mythologie. Les allusions contemporaines sont rares et fortuites, son principal but étant
d'étaler une riche érudition, revêtant un langage soigne, parfois méme quelque peu précieu x.
ll adressait ces lettres soit A de hauts dignitaires de l'Empire, soit A quelque grand prélat
de l'Eglise, ses atnis ou parents.
Constatant la vanité de son espoir de retourner A Constantinople, il se compare A
Ulysse, le grand voyageur : o Aloi qui était de m'éme A la portée du chant des oiseaux, de l'aboi
des chiens, voire déjà de mes atnis même, et qui entendais presque leurs paroles, je rebrousse
chemin, privé de ceux que je regrette et qui me regrettent, et je me résigne au sort qui
ne se rassasic pas de me bafouer ainsi, je me soumets au temps, je me plie A la situation
par laquelle l'esprit est blessé et l'Ame souffre durement sous la nécessité qui la presse *
(17). La correspondance est pour lui un échappatoire, a car la souffrance s'évapore, pour ainsi
dire, quand nous la racontons A ceux qui nous aiment * (21).
H.M.

J. KODER, Negro ponte. Untersuchungen zur Topographie und Siedlungsgescluchte der Inset
Euboia wahrend der Zeit der Veneziarierherrschaft. Verlag der Osterreichischen Akademie
der Wissenschaf Len, Wien, 1973, 192 pp., 76 photos, 1 carte.

Séparée du continent par un détroit large de seulement quelques mètres, longue d'en-
viron 175 km pour une largeur moyenne de 20 km, l'Eubée, avec ses 3580 km carrés de super-

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330 NOTICES SIBLIOGRAPHIQUES 4

ficie, gravita dans l'orbite de Venise pendant presque quatre siècles (1082- 1470) sous le
nom de Negroponte. Elle fut durant cette periode le carrefour des influences orientales et occi-
dentales et la culture byzantine devait revétir lA un aspect caractéristique. Le present ouvrage
expose les details de son evolution. IL constitue le premier tome d'une serie de materiaux et
contributions A la Tabula Imperil Byzantini, que l'Académie viennoise est en train de préparer
sur l'initiative du professeur Herbert Hunger.
L'auteur, Johannes Koder, se révèle un lecteur attentif de la littérature spécialisée,
extrémement vaste d'ailleurs ; il a parcouru plusieurs reprises, étudiant sur place ses.
monuments archéologiques et les inventoriant, au grand complet. Il a décrit et valorise les
monuments ; il a essayé de préciser le chiffre et la composition de la population de I'lle ; it
a &piste une quantité de noms propres, qui pourront, par la suite, être exploités et expliqués.
par les linguistes. De cette maniere, il est arrive A presenter la monographic complete de
l'Ile A une époque determinée. Les materiels ainsi valorises serviront à la redaction de la future
Tabula Imperti Buzantinz, envisagée comme le complement nécessaire et la suite de la Tabula
Imperil Romani, en train d'être publiée sous l'égide de l'Union Académique Internationale-

H. M.

Analele Soczetalii de limba romeind, Zrenjanin, 3-4, 1973, 730 p.

La Societe de la langue roumaine de Vofvodina (Republique Federative Socialiste de-


Yougoslavie) a fete en 1972 son dixième anniversaire. La Societe a réussi au cours de cette
premiere décennie de son existence de s'assurer un nombre considerable de collaborateurs,
parmi les spécialistes reputes dans le domaine du roumain, tant de la Yougoslavie que d'autres.
pays. La Societe a organise deux symposiums &dies aux relations yougoslavo-roumaines. Le-
volume festif des o Annales s est &die au professeur Radu Flora, le president de la Societe
depuis sa fondation, A l'occasiosn de son cinquantième anniversaire.
Les premiers trois articles du volume, dus à Momeilo D. Savie, Ion BAlan et Nicolae Bot,.
rendent hommage au professeur Flora, en présentant différents aspects de son activité
la première partie du volume comprend également un article introductif signé par Emil Filip
et la bibliographic des ouvrages de Radu Flora parus depuis 1968.
Les contributions de 75 collaborateurs du volume, représentant 10 pays, portent sur
différents domaines de la linguistique, de l'histoire littéraire, des relations culturelles, du folklore,.
de l'ethnographie et de l'histoire de l'enseignement. Ne pouvant enumerer ici tous les articles,
nous nous bornons A passer en revue ceux traitant de problèmes balkaniques généraux et de-
questions linguistiques flees aux relations roumano-yougoslaves.
A. Rosetti, membre de l'Academie de la Republique Socialiste de Roumanie, dans son
etude intitulée Le vocabulaire sud-est européen de quelques institutions. Les éléments latins,,
traite des termes latins communs au roumain et à l'albanais et qui ne se retrouvent pas dans,
d'autres langues romanes ou y ont un sens different. Cet examen l'amène à conclure que le
développement des deux langues s'est &mule dans des conditions socio-linguistiques sem-
blables, ce qui explique l'emprunt des mots latins à l'albanais. A son avis, ces faits lin-
guistiquesqui ne sont, par consequent, pas dus A une parenté généalogiqueviennent
confirmer la nécessité de poser l'existence d'une civilisation commune des populations de langue
roumaine et albanaise, A une époque reculée (p. 479).

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.5 NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 331

Giovanni Battista Pellegrini (Padoue) présente quelques Osservazioni suite concordanze


Ira romeno e (i italo-romanze z nord-orientale et arrive A conclure que a nelle comparazione lessicali
interne alla regione friulana, ma soprattutto con le area confinenti ci potranno esser
di qualche utilità anche gli eventuali riscontri col romeno Milivoj Pavlov id (Belgrade) dans
Semanizjki z gut pro quo z u balcannistiaoj miksoglotici (Un <4 qui pro quo sémantique de la
mixoglottie balkanique) étudie des radicaux lat. plan- et v.sl. poza-, qui se retrouvent en rou-
main, serbo-croate et bulgare et présentent des problèmes sémantiques intéressants. Mirko
Deanovie (Zagreb) (Dal lesszco istrzoto di Rovigno) distingue trois dialectes parlés dans la péninsule
d'Istrie (qu'il appelle istrioto, veneto-gzultano et istrorumeno) et se propose de relever des contacts
lexicaux entre les parlers romans de la region.
Les relations roumano-yougoslaves et les rapports entre les différents autres peuples des
Balkans forment l'objet des contributions de Cezar Apreotesei (Timisoara) Stadiul actual al
cercetardor contactelor lingvistice romano-fugoslave In Republica Socialista Romania (L'état
actuel des recherches sur les contacts linguistiques roumano-yougoslaves dans la Republique
Socialiste de Roumanie), Ivan Petkanov (Sofia) Considérations sur les éléments roumazns dans
la langue bulgare, M. D. Savie (Belgrade) Doe zajadnzae crte u srpslam i vlagkim govorima
istane Srbje (Due caratteristiche comuni alle parlata serbe e valacche della Sei bia Orientale),
Dorm Gainulescu (Bucuresti), Sirbisme si turctsme In Banal (Elements serbes et turcs dans
le Banal), Mile Tomici (Bucuresti) Graturde sirbestz sz croate din R. S. Romania (Prunre generala)
(Les parlers serbes et croates de la R. S. de Roumanie Aperçu general), Th. TrApcea (Timi-
§oara), Despre z polurit z de la Radna-Lzpova o ramastfa de poputafte bosnzacci (A. propos des
poturi a de Radna-Lipova, un reste de population bosniaque), Victor Vescu (Belgrade), 0
contrtbuf le a slavzsticzi roinanesti la cercetarea lzmblz sirbocroate (Une contribution roumaine
li l'étude du serbo-croate) et Breda Vlahovi6 (Belgrade) Najnovua doseljavanja Rumuna u
Vrgac (Latest settling of Rumanians in Vrgac). Tous ces articles qui envisagent les problèmes
du point de vue historique se distinguent par leur originalité et leur bibliographie mise à jour.
Dans le domaine de l'ethnographie nous pouvons citer les etudes de Mirjana Maluckov
(Novi Sad) N eke karakterzstzke svadbenih obt5aja kod Rumuna u jugoslovenskom Banalu (Einige
Merkmale der Hochzeitssiten bei den Rumanen im Jugoslawischen Tell des Banats) et de
Liviu P. Marcu (Bucuresti) Aspecte ale corelafiel dzntre structura familzez st termznolog ta de rudenie
la vlaltu balcanzci (La correlation entre la structure de la famille et la terminologie des degres
de psrenté chez les Vlaches balkaniques) et dans le domame du folklore celle de Dugan Nedel-
kov (Belgrade) Folklorni rod facettja (Le genre folklorique des faceties).
Gligori Popa (Vrgac) dans l'article Dezvollarea invalamintuluz la romanzi din Banatul
iugoslav in lumina convenfiet scolare iugoslavo-romane (Le développement de l'enseignement chez
les Roumains du Banat yougoslave A la lumiere de la convention scolaire yougoslavo-roumaine)
et Iulian Ristea-Bugariu (Novi-Sad), dans son article Premise pentru per fectionarea
limbii romane (Prémisses pour le perfectionnement de l'enseignement du roumain) présentent
les conditions dans lesquelles se déroule l'enseignement du roumain en Yougoslavie et les me-
thodes qui y sont employees, tandis que Alexandru Rusu, Constantin Rudneanu s'occupent des
Scottie romano-ilirzce la sfirsitul secolului al XVIII-lea sz inceputul secoluluz al XIX-lea (Ecoles
roumano-illyres A la fin du XVIIle et au début du XIXe siècle), et Dan Simonescu des Tipografi
sirbi In slujba vechiului lipar romei nesc (Typographes serbes au service de l'ancienne imprimerie
roumaine).
Le volume s'achève par un riche et utile index des noms.

Z. M.

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332 NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 6

Recherches de géographie historique [Redaction : V. Begevliev, V. Tilpkova-Zaimova]. Sofia,


1970 (Studia balcanica. 1).

Alit seiner neueroffneten Reihe Studia baleanica" mochte das Institut fur Balkan-
studien bel der Bulgarischen Akadenne der Wissenschaften Forschungen sur la vie économique
et sociale, sur les relations politiques et culturelles des peuples balkaniques" Raum geben. Der
erste Band fal3t 21 Abhandlungen zur historischen Geographie der nordlichen Balkanhalbinsel
zusammen, ausgehend von der Erkenntnis, dati dieser Zweig der historischen Geographie des
Encouragements bedarf, wenn der Vorsprung aufgeholt werden soil, der bezuglich der gleich-
artigen Erforschung des griechischen Territoriums zweifelsohne besteht. Die Autoren sind
Wissenschaftler Bulgariens (Gerov, Venedikov, Velkov, Begevliev, Tùpkova-Zannova, Vojnov,
Margos, Biljarski, Kuzev, Begevliev jun., Zaimov, D2onov, Stoikov, Boneva-Petrova), Ruma-
mens (Vulpe, Diaconu, Nasturel), Ungarns (A16csy), Jugoslaviens (Skrivanie) und der DDR
(Bottger, Winkelmann). Behandelt werden Spezialfragen der historischen Geographie und
Toponymie von der Antike bis zum 19. Jahrhundert.

Irm.

V. BESEVLIEV, Les inscriptions protobulgares et leur portle culturelle et historique, Byzantino-


slavica", 32, 1971, p. 35-51.

Die Sammlun:g des Verfassers Die protobulgarischen Inschriften" (Berlin 1963) wird
in synthetischer Gestaltung ausgewertet, um den historischen Ort sowie die Kultur der Proto-
bulgaren, die als Unogunduren um 660 ihre Sitze im Kubangebiet verlieBen, zu bestimmen.

Irm.

FRANJO BARISIC, Joeatt Barnail, 17pommtuttue 36opnux dniao3o(Druoe (I)auyJiTera",


10, Beorpag 1970, p. 283-287.

Johannes Vatatzes, der um 1333 in Thessaloniki mit dem Titel npurcoxuv-,iy6g begegnet,
stellt eine wichtige Personlichkeit in den byzantinischen Burgerkriegen der ersten Halite des 14.
Jahrhunderts dar. Der Verfasser be muht sich um eine Biographie des 1345 von turkischen
Soldnern Geto teten.

Irm.

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7 NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 333.

I. K. VASDRAVELLIS, 'App.acToXo xXévreq cig Tip MocxeSovEav. B' gy.800l.g.


OescraXovEx7), 1970.

Das Buch gibt, auf die lokalen Quellen gegrimdet, einen eberblick auf die wesentlichen
Phasen der Geschichte des mazedonischen Armatolen- und Klephtenwesens vom 15. Jahr-
hundert bis zum griechischen Befreiungskampf. Fur gleich gewichtig wird der Anhang von
Urkunden aus den turkischen Archiven von Verria und Thessaloniki angesehen, die in grie-
chischertlbersetzung vorgelegt werden. Der Historiographie anderer Balkanlander zum Thema.
gilt ein einleitendes Kapitel.

Irm.

LOUIS COUTELLE, Le Greghesco. Réexamen des éléments néo-grecs des textes comigues uénitiens
du XVI` siècle. Thessalonique, 1971.

Gewisse komische Texte, die zwischen 1540 und 1572 in Venedig entstanden, der
Autor beschreibt sie und ihre Verfasser eingehend bringen in lateinischer Umschrift Floskeln
und einzelne Worter aus dem Neugriechischen. Alan hat diese Sprachzeugnisse lange Zeit fur
Belege eines Idioms angesehen, das die Stratioten, griechische Soldner im Dienste Venedigs,
gesprochen haben sollen. Von den Biographien der Textverfasser her vermag der Autor diese
Auffassungen zu widerlegen, ohne von dem verwendeten Vokabular her eine eindeutige Losung
vorschlagen zu konnen. Dieses Vokabular wird ebenso wie die verwendete Diktion grundlich,
analysiert.

Irm.

LOUKIA DROULIA & HRISA AIALTEZOU, TÒ 'Apxdov T.-4g `Iepac% Mov-7)ç `Ay[chq
Accúpccç Kcaapplíttov. K6vrpov Puccv7tvc7)v ipzuv6v, Eúti.[J.EGICTOC", 2 :A9-71voctp.
1970, p. 379-415.

Als Ergebnis zweier Studienreisen wurden die Archivalien der Lavra von Kalavryta
(Achaia) aufgenommen mid folgendes Ordnungsschema erarbeitet : 1. Griechische Urkunden
Patriarchats-, Metropoliten- und Klosterurkunden ; Notariatsurkumden der Zeit von 1691 bis
1835; offentliche und Privaturkunden der Jahre 1804 bis 1906; Urkunden des Metochi des
Heiligen Georg (1813 bis 1890); Verzeichnisse okonomischen Inhalts aus dem 18. und 19. Jahr-
hundert. 2. Venezianische Urkunden aus den Jahren 1688 bis 1715. 3. Turkische Urkunden
des 18. und 19. Jahrhunderts. Unter Varia werden russisch- und rumanischsprachige Doku-
mente aus dem 19. Jahrhundert erfafit ; die Sammlung gedruckten Materials betrifft Zeitungen,
und Zeitungsausschnitte.
Irm.

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334 NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 8

Das Madchen mil dem Mond in der Hand. Neugnechische Erzahlun gen. Herausgegeben von Marika
Mineemi, Leipzig, 1965.

Der Band enthalt in deutscher Obersetzung, die ein mehrkopfiges Kollektiv besorgte
22 Erzahlungen aus der griechischen Résistance des zweiten Weltkrieges ; unter den Autoren
linden sich Namen wie Petros Charis, Angelos Tersakis, Stratis Miriwilis, Menelaos Ludemis,
lhas Wenesis, Koslas Warnalis, Elli Alexiu, Themos Kornaros, Kosmas Politis, Melpo Axioti.
Ein Nachwort der Herausgeberm stellt die Widerstandsliteratur in den groBeren Zusammen-
han g der Entwicklung des neugriecluschen Schrifttums. Biobibliographische Notizen machen
mit den einzelnen Autoren nailer bekannt.

YASILE MACIU, Mouvements nabonaux et sociaux roumains au XIXe sack. Bucarest, 1971
(Bibliotheca histoi Ica Romaniae, 33).

Entgegen den Erwartungen, welche die Fassung des Titels aufkommen laBt, handelt es
sich bei dem anzuzeigenden Buche nicht um ein einheitliches Werk, sondern um die Zusammen-
fassung von Arbeiten, die der Verfasser im Verlaufe des letzten Jahrzehnts an verschiedenen
Orten veroffentlichte ; dabei raumen wir gern ein, daB ihre thematische und konzeptionelle
Zusammengehorigkeit eine solche Verbindung durchaus rechtfertigt. Vorangestellt ist ein
bisher unpublizierter tTherblick uber die Herausbildung der rumanischen Nation, durch
den die speziellen Themen des 19. Jahrhunderts Orientierung und Einordnung fmden. Zwei
Kapitel smd der Revolution von 1848 gewidinel ; das erste behandelt die Gesellschaft ruma-
nischer Studenten in Paris als ein revolutionares Zentium in den Jahren 1845 bis 1848, das
folgende stellt den einheitlichen Charakter der Geschehnisse in den rumanischen Landern
heraus. Dem Kampf des rumanischen Volkes um seine nationale Unabhangigkeit gelten die
weiteren Teile des Bandes den Auswirkungen des osterreichisch-ungarischen Ausgleichs"
von 1867, den Bestrebungen und Verdiensten des Historikers B. P. Hasdeu, der Bedeutung der
orientalischen Frage in diesem Zusammenhang, im speziellen der Rolle der Konferenz von
Konstantinopel um die Jahreswende 1876/77. Ausfuhrlich werden die differente Stellung der
gesellschaftlichen Krafte Rumaniens zur Frage der Unabhangigkeit dargetan und die Etappen
auf diesem Wege dargestellt. Grundliche Register (Personennamen, geographische und histo-
rische Namen, Titel von Zeitschriften und Buchern aus dem behandelten Zeitraum) unterstrei-
chen den einheitlichen Charakter des synthetischen Werkes.
Irm.

AUGUSTIN DEAC ION ILINCIOIU, Henurt u Pymbutu.st, ByxapecT, 1971 (Bibliotheca


Historica Romaniae, 35).

Sich auf Archivmaterialien sowie z. T. schwer zugangliche Tageszeitungen und Periodika


grundend, stellen die Verfasser die Bedeutung Lenins fur die rumanische Arbeiterbewegung
und das rumanische Volk uberhaupt heraus. Ein vorangestellter Vberblick erfaBt die Geschichte

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9 NuricES BIBLIOGRAPHIQUES 335

der sozialistischen Bewegung in Rumanien und insonderheit Hue Beziehungen zu russischen


Revolutionaren. Nachgegangen wird den fruhesten Erwahnungen Lenins in rumanischen
Presseerzeugnissen und dem zunehmenden Einfla seiner Veroffentlichungen. Zu ersten person-
lichen Beruhrungen kam es nach der russischen Revolution von 1905-1907, in der das ruma-
nische Proletariat seine Solidaritat bekundet ha tie. Weiler werden die \Virkungen der GroBen
Sozialistischen Oktoberrevolution und des Leninismus auf Rumanien ei fa0L und uber den
Empfang einer rumanischen Parteidelegation durch Lenin im Jahre 1920 berichtet. Schlielhch
wei den aus Lenins Arbeiten Bemerkungen zur rumanischen Geschichte zusammengestellt und
uber die illegale leninistische Propaganda der Kommunistischen Partei Rumaniens infoi 'inert.
Beigegebene Faksimilia unterstutzen wirksam die materialreiche Darstellung.

Inn.

I. MATE'. Sur les relations d'Aluned Veftk Paella avec les Roumums, « &JAIL' et acLa orienta-
ha », VII (1968), p. 95-131 et VIII (1971), p. 71-102.

Parmi les etudes d'une importance particulière qui concernent les relations des Roumains
avec les pays du Proche et du Moyen-Orient (la Turquie, l'Iran, l'Egy-pte ancienne et mo-
derne, etc.), les articles consacrés aux contacts roumano-ottomans occupent une place
insigne dans Fammaire de l'Association roumaine d'eludes orientales. L'article de I. Mate'
en fournit une excellente preuve.
Ahmed Vefik Paella (1823-1891), homme politique, ecrivain et philologue turc,
ttaducteur de Molière, intellectuel d'une orientation plut6t liberate, a été noinmé commissaire
extraordinaire dans les Principautes Roumaines A la place de Fouad Effendi en 1850. lt se
lia A l'écrivain roumain Ion Ghica, remarquable homme d'état et politicien influent A
l'époque. L'analyse pertinente de la correspondance d'Alimet Vefik Pacha avec Ion Ghica,
inédite jusqu'A présent, a permis A l'auteur de nous restituer non seulement l'image d'une
amitié A toute épreuve, par dessus les vicissitudes qui ont souvent oppose les intéréts de
leurs patries, mais aussi de nouveaux aspects de la e question orientate », de l'activité de l'émi-
gration roumaine et des projets de la Porte concernant les Principautés. Les allusions faites,
plusieurs fois, par Ahmet Vefik Pacha, A divers membres de l'émigration roumaine, notam-
ment A N. Bälcescu, rendent plus clair l'intérét avec lequel les Turcs ont surveillé les révolu-
tionnaires de 1848.

M. A.

L'Institut d'études balkaniques de Salonique nous offre, dans un volume posthume


intitulé Two Studies on Modern Greek Folklore (Institute for Balkan Studies, Thessaloniki,
1968, 132 p.) la version anglaise de deux importantes etudes du regretté professeur Stilpon
P. Kyriakidés. Une bonne partie des recherches de linguistique et folklore grecs de l'auteur
touchent également aux problémes lies A l'histoire culturelle de la péninsule Balkanique.
Bien que d'une grande concision, la première etude, consacrée au folklore grec model ne
(Modern Greek Folklore: Folk Poetry, Folk Religion and Folk Art, with References lo German

1 I. C. 1254
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336 NO1 ICES BIBLIOGRAPHIQUEs 10

Folklore, p. 15-45) traite de facon complete 'des types tres varies dula poegie populaire. Elle
souligne l'origine antique de certaines croyanees et coutumes encore en vigueur dans les eam-
pagnes, totit en disciltant aussi les coordonnées fondarnentales de Fart populaire de la Grèce
moderne a mettant en relief la nécessité d'une etude systema tique de ce chapitre de la culture
populaire.
La seconde etude est une monographic. du Language and Folk Culture of Modern Greece
(p. 47-127). Son premier chapitrc donne un bref historique du développeinent el de la continuite
de la langue et de la culture grecques. On peril consta ter la valeur accord& par l'auteur
aux arguments d'ordre historique lorsqu'il s'agrt d'expliquer et d'interpréter les faits de la
culture moderne, notamment quand il procede à la revue des dialectes parles en Grèce ou
a la discussion du phénomene de diglossie. Si l'on juge d'après les parallèles constamment
établis par l'auteur dans la deuxtème pudic de son etude entre la culture grecque antique et
celle de la Grece moderne parallèles qu'll releve dans divers doinaines, Lels : la nourri-
lure, l'architecture, le costume, les coutumes sociales, les ci ON ances, la poesie cette nsaiiiòi e
d'aborder le sujet indiquerait son penchant à considérer l'évolution du comporteinent tradi-
tionnel dans le contexte historico-culturel.
L'ensemble du volume plaide en faveur d'une etude conjuguée, dia- et synchronique,
des faits d'ethnographie et de folklore. En outre, ces deux etudes de S. P. Kyriakidès s'aèrent
également précieuses par les données essentielles qu'elles fournissent sur quelques-uns des
domaines les plus significatifs de la culture populaire grecque.

C. B.

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