Rapport D'information Parlementaire Sur L'algérie
Rapport D'information Parlementaire Sur L'algérie
Rapport D'information Parlementaire Sur L'algérie
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
sur l’Algérie
Président
M. AXEL PONIATOWSKI
Rapporteur
M. JEAN-PIERRE DUFAU
Députés
1
La composition de cette mission figure au verso de la présente page.
La mission d’information sur l’Algérie est composée de : M. Axel Poniatowski,
Président, M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur, MM. Philippe Baumel, Jean-Claude Buisine,
Jean-Claude Guibal, Mme Françoise Imbert, M. Jean-Luc Reitzer et Mme Odile Saugues.
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SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION ......................................................................................................... 7
I. LA FRANCE ET L’ALGERIE VERS UNE RELATION APAISEE ? ................... 9
A. LA FRANCE ET L’ALGERIE, DES DESTINS ENTREMELES ....................... 9
1. Une relation unique ............................................................................................... 9
a. L’Algérie, un statut particulier dans l’empire colonial français ........................... 9
b. La décolonisation violente de l’Algérie (1954-1962) .......................................... 11
2. La constitution d’un espace commun de part et d’autre de la Méditerranée ........ 12
a. Un lien démographique dense et dynamique....................................................... 12
b. La langue française, un pont entre les deux rives ................................................ 15
B. UNE RELATION COMPLIQUEE ......................................................................... 17
1. Le poids de la mémoire ......................................................................................... 17
a. Une Algérie encore très présente sur la scène politique française ........................ 17
b. Des ressentiments persistants contre la France en Algérie .................................. 21
2. Une relation inévitablement chaotique ................................................................. 23
3. Une relation en voie d’apaisement ? ..................................................................... 28
C. UNE COOPERATION A POURSUIVRE ET A APPROFONDIR ................... 30
1. L’importance de la dimension humaine................................................................ 30
a. La circulation et le séjour ................................................................................... 30
b. L’entraide judiciaire........................................................................................... 32
c. La résolution de divers « irritants » .................................................................... 34
2. La culture et l’éducation au service de la jeunesse et de la langue française ....... 34
3. Pour une relation économique « gagnant-gagnant »............................................. 38
a. L’Algérie, un partenaire de premier plan pour la France ..................................... 38
— 4 —
CONCLUSION.............................................................................................................. 75
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ANNEXES ...................................................................................................................... 97
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
À cet égard, 2012 constituait l’année idéale pour lancer une telle mission.
C’était, bien évidemment, l’année du cinquantenaire de l’indépendance algérienne
avec tout ce que cela pouvait impliquer des deux côtés de la Méditerranée. C’était
aussi une année d’alternance politique en France qui avait très suivie en Algérie et
qui devait se conclure par une visite d’État réussie du président Hollande, juste
avant Noël. Sur le plan intérieur, l’Algérie, qui venait de réélire la chambre basse
de son parlement, était à un peu moins de deux ans d’un scrutin capital et sa
relative stabilité tranchait nettement avec les ressacs affectant ses voisins, dans le
sillage des révolutions arabes.
(1) Voir notamment le rapport d’information n° 1141 de M. François Loncle sur la mission effectuée par une
délégation de la Commission en Algérie en juillet 1998 et comprenant également Mme Marie-Hélène
Aubert, M. Georges Hage, M. Jacques Myard, Mme Yvette Roudy et M. Marc Reymann (21 octobre 1998).
— 8 —
Tout d’abord, il lui est apparu indispensable de faire le point sur la relation
bilatérale. Il n’était pas question de refaire l’histoire ou de s’immiscer dans les
polémiques surgies ces dernières années. La mission a tout simplement voulu
dresser un état des lieux sincère du lien franco-algérien. Elle a alors pu se rendre
compte du degré d’imbrication des destins des deux pays, un véritable espace
commun s’étant progressivement construit, avec le temps. La mission a bien
évidemment constaté le caractère parfois compliqué et chaotique de cette relation
qui n’enlève cependant rien à l’obligation qu’ont désormais les deux États de
coopérer sereinement et efficacement. À cet égard, la mission a souhaité mettre en
valeur certains domaines qui lui tenaient à cœur, en particulier la dimension
humaine de la relation et l’importance à accorder à la jeunesse.
La France a été présente en tout et pour tout 132 ans en Algérie, soit
l’équivalent de cinq ou six générations. Cette longue présence française au cœur
du Maghreb, conclue par une violente guerre d’indépendance, a généré un
phénomène d’assimilation et d’hybridation culturelle qui n’a existé nulle part
ailleurs, pas même en Tunisie ou au Maroc, rendant les rapports entre la France et
l’Algérie à la fois complexes et uniques.
(1) Le premier, officiellement pacifié, était administré « à la française » par des fonctionnaires civils, tandis
que les deux autres étaient administrés par des officiers (Collot, Les institutions de l’Algérie durant la
période coloniale (1830-1962), 1987, p. 36-41).
(2) Article 109 : « Le territoire de l’Algérie et des colonies est déclaré territoire français ».
(3) Benjamin Stora, Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954), La Découverte « Repères », 2004, p.20.
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(1) A ce titre, l’Algérie présente une grande différence avec ses voisins tunisien et marocain, dont il ne fut
jamais question de peupler massivement le territoire de colons français.
(2) On envoya notamment en Algérie une grande partie des ouvriers parisiens qui s’étaient révoltés en juin
1848… ce qui amena un député de l’époque à souligner qu’« il s’agissait plus de donner un coup de balai
dans les rues de Paris que de coloniser l’Algérie » !
(3) Principalement des Alsaciens et des Lorrains refusant de devenir allemands et ayant préféré quitter leur
région, annexée par la Prusse en 1871.
(4) Cette loi donna la pleine citoyenneté française, avec soumission à toutes les lois françaises, aux enfants
d’immigrés européens nés sur le sol algérien (« naturalise automatiquement tout étranger né en Algérie
s’il ne réclame pas à sa majorité la nationalité d’origine de son père »).
(5) Ferhat Abbas, La Nuit coloniale, Julliard, 1962
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Le bilan définitif de la guerre d’Algérie n’a jamais été établi avec certitude
et donne lieu à de profondes divergences de part et d’autre de la Méditerranée. Les
travaux des historiens spécialistes de la question permettent d’estimer qu’« au-
delà des considérations économiques et du coût qu’elle a représenté pour une
économie qui achevait sa reconstruction et poursuivait sa modernisation, la
guerre d’Algérie a fait environ 25.000 morts et 65.000 blessés dans les rangs de
l’armée française, ainsi que plusieurs dizaines de milliers de morts parmi les
harkis. Dans le camp adverse, près de 150.000 membres du FLN et soldats de
l’ALN ont été tués. Prise à partie par les deux belligérants, la population civile fut
la première victime du conflit : bien qu’un chiffre exact soit difficile à fixer, les
estimations les plus vraisemblables sont de 300.000 à 400.000 victimes
algériennes et plusieurs milliers de civils français »(1). Quoi qu’il en soit, ce bilan
fut, proportionnellement à la population totale du pays, plus meurtrier que la
première guerre mondiale pour la France.
(1) Travaux de Benjamin Stora, cités par M. Alain Néri dans son rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales du Sénat sur la sur la proposition de loi, adoptée par l’assemblée nationale, relative à la
reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des
victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc (17 octobre
2012).
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certains éléments des troupes françaises qui ont eu recours à la torture contre des
militants nationalistes et leurs soutiens. De même, « le cœur de Paris fut le théâtre
de manifestations réprimées dans le sang. Le 17 octobre 1961, 11.000 Algériens
[furent] arrêtés par la police et plus d’une centaine tués, pour certains jetés dans
la Seine. Le 8 février 1962, au métro Charonne, neuf manifestants [moururent]
sous les coups des policiers »(1).
Si, comme on l’a vu, l’Algérie accueillit très tôt un nombre important de
Français et de populations en provenance de plusieurs pays européens alentours,
l’immigration algérienne en France est, elle aussi, ancienne : elle débuta très tôt
dès la fin du XIXème siècle, principalement en provenance de Kabylie, une région
particulièrement pauvre à l’époque(3). Ainsi, d’abord économique, notamment
pour fournir une main d’œuvre aux mines du nord de la France puis, après-guerre,
aux usines automobiles, l’immigration algérienne en France se poursuivit dans les
années 70 et après, y compris à la suite de l’arrêt de l’immigration de travail, par
(1) Aujourd’hui, le taux de refus de visas est de 20 % à Alger et de 30 % à Annaba et à Oran. Les motifs de
refus sont principalement le risque migratoire et les ressources insuffisantes. Contrairement à il y a une
dizaine d’années, les motifs d’ordre public sont désormais peu fréquents.
(2) Voir notamment : Tarik Ghezali, Un rêve algérien, chronique d’un changement attendu, 2012, pp. 103 et s.
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pour la terminer en arabe avec quelques mots de kabyle au milieu, ce qui explique
peut-être que bon nombre d’Algériens – avec du dépit mais aussi de l’humour et
de l’autodérision – n’hésitent pas à se qualifier d’ « analphabètes trilingues ».
Quoiqu’il en soit, en dépit de cette situation, le français est aujourd’hui
indispensable pour réussir en Algérie. C’est un sésame incontournable dans le
milieu des affaires mais aussi pour obtenir un visa et, le cas échéant poursuivre
des études à l’étranger. L’administration, elle aussi, ne fait pas exception et, en
dépit de la politique d’arabisation constante depuis l’indépendance, certains
secteurs de la fonction publique continuent d’accorder une place prépondérante au
français comme, par exemple, la justice dont l’organisation reprend, dans les
grandes lignes, celles de la justice française. L’enseignement, lui-même, fait une
place non négligeable à notre langue : certes, l’arabe est la langue d’enseignement
obligatoire durant les neuf premières années mais le français est enseigné à partir
de la troisième année, c’est aussi la langue d’enseignement pour les cours avancés
de mathématiques et de sciences. La mission a d’ailleurs pu se rendre compte par
elle-même de l’importance de la langue française mais aussi de l’attrait qu’elle
exerce auprès de nombreux jeunes Algériens en ayant des conversations riches et
passionnantes avec certains d’entre eux(1) mais aussi en visitant l’Institut français
d’Alger, véritable havre de tranquillité et de savoir au cœur de la ville. Cet institut
est une des antennes de notre réseau culturel en Algérie avec Annaba, Constantine,
Oran et Tlemcen, la réouverture de celle de Tizi-Ouzou, longtemps bloquée et
suspendue à la résolution de certaines difficultés administratives, étant aujourd’hui
impossible du fait du refus des autorités algériennes (2). Au cours des cinq
dernières années, le nombre d’inscrits aux cours de langue française proposés par
ces centres a explosé : de 4.500 durant l’année 2008/2009, ils sont aujourd’hui
supérieurs 11.000 ! La demande pour notre langue est considérable. Beaucoup de
jeunes éprouvent le besoin de se perfectionner au moment de leur entrée à
l’université où ils seront confrontés à des cours qui seront uniquement donnés en
français, langue qui, comme on l’a vu, est indispensable à la réussite
professionnelle ou à l’émigration. Ainsi, l’unique lycée français d’Algérie – le
lycée Alexandre Dumas – est-il assailli par les demandes d’inscription. Et il est
quelque peu paradoxal de constater que les premiers demandeurs sont souvent de
hautes personnalités du régime algérien.
Notre langue est donc encore bien présente en Algérie et est le principal
vecteur du lien très fort qui unit, encore aujourd’hui, les destins algérien et
français. Malgré tout, elle demeure un enjeu politique et continue d’être
officiellement considérée avec prévention comme le montre le refus algérien
d’adhérer à l’Organisation internationale de la francophonie ou même de n’y
avoir que le statut d’observateur(3). Votre rapporteur, tout en comprenant que le
(1) En particulier lorsque la mission d’information a rendu visite à l’association SOS Bab El Oued le 25 mars
2013.
(2) Site TSA, 14 juin 2013 : http://www.tsa-algerie.com/actualite/item/844-le-projet-de-centre-culturel-
francais-a-tizi-ouzou-definitivement-enterre
(3) Même s’il convient d’avoir en mémoire qu’à Beyrouth (2002), l’Algérie participa pour la première fois à un
sommet francophone, le président algérien ayant été l’ « invité spécial » des autorités libanaises. À cette
occasion, Abdelaziz Bouteflika estima « qu’après avoir été récupérée et renforcée, notre arabité est
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poids de l’histoire puisse encore susciter des réticences, ne peut que constater que
la participation de l’Algérie aux travaux de l’OIF enrichirait grandement la famille
francophone mondiale. Au cours du déplacement de la mission à Alger, il a, à
plusieurs reprises, souligné l’utilité d’un éventuel début de rapprochement au
niveau parlementaire, par l’intermédiaire de l’Assemblée parlementaire de la
francophonie. Il espère que cet appel sera entendu et que des progrès pourront
être effectués, dans ce domaine, dans les années à venir. Le Français, « butin de
guerre » (1) a assurément un avenir prospère en Algérie.
1. Le poids de la mémoire
Parmi ces groupes, il y a bien entendu les « Pieds Noirs », c’est à dire les
européens rapatriés d’Algérie, au moment de l’indépendance. Les chiffres
précédemment cités par votre rapporteur sont éloquents. En quelque mois, la
France métropolitaine dut accueillir, en 1962, dans la précipitation, « comme si un
barrage s’était rompu »(2), près de 800.000 de ses citoyens. On a peine à imaginer,
de nos jours, l’ampleur de cette migration forcée qui vit des familles entières
quitter brusquement et définitivement la terre qui les avait vus naître pour un pays
dont beaucoup n’avait jamais foulé le sol. D’autant plus que ce déracinement
intervînt dans un contexte lourd, les Pieds Noirs estimant avoir été abandonnés par
le pouvoir de l’époque. Ce sentiment trouva son paroxysme au moment des
massacres d’Oran, le 5 juillet 1962, une violation flagrante des accords d’Évian
face à laquelle la France, à l’époque, choisit de ne pas réagir. De surcroît, à ces
souffrances morales et physiques s’ajouta la relative hostilité manifestée par
nombre de Français de Métropole qui voyaient dans les Pieds Noirs de riches
suffisamment affirmée, pour ne courir aucun risque » et affirma que l’Algérie avait « conscience que
l’usage de la langue française [permettait] à nos jeunes d’élargir leur horizon, et de participer à l’évolution
du monde moderne ».
(1) Expression chère à l’écrivain algérien Kateb Yacine (voir : Isabelle Mandraud, « La langue française,
« butin de guerre », prospère en Algérie », Le Monde, 18 décembre 2012).
(2) Jean-Marc Gonin, Les pieds-noirs, 50 ans après, Le Figaro, 8 février 2012.
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exploitants privilégiés (1) mais aussi les responsables du conflit meurtrier qui avait
mobilisé des milliers d’appelés. Dans ce contexte global loin d’être anodin, il n’est
pas anormal qu’en dépit du succès de l’intégration, par la suite, de ces citoyens
originaires de la rive sud de la Méditerranée, le souvenir de la guerre d’Algérie
soit demeuré vivace, en France, tout au long de ces cinquante dernières années.
(1) Alors que le revenu moyen des Français d’Algérie était globalement inférieur à ceux de métropolitains.
(2) Travaux de Benjamin Stora, cités par M. Alain Néri dans son rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales du Sénat sur la sur la proposition de loi, adoptée par l’assemblée nationale, relative à la
reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des
victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc (17 octobre
2012).
(3) Voir l’avis fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de
finances pour 2013 (n° 235), p. 19.
— 19 —
Par ailleurs, un système d’aides spécifiques fut mis en place, avant même
l’indépendance, et continue de fonctionner aujourd’hui. Si le processus de
réparation est loin d’avoir été parfait, il ne doit pas, non plus, être sous-estimé : au
total, près de 40 milliards d’euros(3), en cumul, ont été dépensés depuis 1961. Il
convient toutefois de relever que ce n’est qu’à partir de la loi du 16 juillet 1987
qu’un régime particulier d’indemnisation fut élaboré en faveur des anciens
supplétifs qui s’étaient vu reconnaitre la qualité d’anciens combattants par une loi
de décembre 1974(4).
(1) Voir, par exemple, le décret n° 2012-795 du 8 juin 2012 relatif aux attributions du ministre délégué auprès
du ministre de la défense, chargé des anciens combattants.
(2) Décret n°2002-902 du 27 mai 2002 portant création d’une mission interministérielle aux rapatriés.
(3) Valeur 2013.
(4) Pour des détails sur ce régime d’aide, voir le rapport remis au Parlement en exécution de l’article 99 de la
loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 relatif à « l’application de la loi n° 2005-158
du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français
rapatriés ».
(5) « Je suis toujours rattrapé par l’Algérie », entretien avec Benjamin Stora, Libération, Le Mag,
17 novembre 2012.
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(1) Pour les détails de cette affaire, voir le Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur
les questions mémorielles (n° 1262) déposé le 18 novembre 2008 par M. Bernard Accoyer, pp. 32 et s.
(2) D’ailleurs, la date officielle de fin du conflit telle que reconnue, pour l’ouverture des droits aux différentes
prestations attribuées aux anciens combattants, par la loi du 18 octobre 1999, est le 2 juillet 1962.
(3) Article 2 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 : « La Nation associe les rapatriés d’Afrique du Nord, les
personnes disparues et les populations civiles victimes de massacres ou d’exactions commis durant la
guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Evian, ainsi que les victimes civiles
des combats de Tunisie et du Maroc, à l’hommage rendu le 5 décembre aux combattants morts pour la
France en Afrique du Nord ».
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Si l’histoire tend à peser sur la relation que la France peut avoir avec
l’Algérie, il en va également, en sens inverse, de la perception de notre pays par
les Algériens. Il faut dire que la dénonciation des méfaits du colonialisme et la
glorification des martyrs de la guerre de libération font partie, depuis 1962,
du discours de légitimation du pouvoir algérien. Le sentiment national s’est
construit, en Algérie, contre la France, laquelle encore aujourd’hui, malgré elle,
est un ciment du nationalisme. L’hymne national algérien ne mentionne-t-il
d’ailleurs pas expressément notre pays pour lui demander des comptes ? (2). La
rhétorique officielle passe inévitablement par une dénonciation constante du
système colonial et des exactions de la guerre d’indépendance même si ce
discours, paradoxalement, ne s’adresse pas forcément à notre pays mais a surtout
un usage intérieur. Ainsi, les propos anti-français font partie du jeu. Un certain
nombre de partis, surtout les islamistes et les anciens moudjahidines, poussent en
ce sens et le président Bouteflika lui-même a eu l’occasion, à plusieurs reprises, de
s’en prendre à notre pays, lequel, selon lui, a « tué l’identité algérienne » au cours
de la période coloniale(3). Ce phénomène est d’ailleurs encouragé par le fait
qu’ « on a accordé énormément de poids aux martyrs et aux moudjahidines qui
sont l’un des soutiens essentiels du pouvoir » et bénéficient d’un « statut à la fois
symbolique et matériel extrêmement privilégié dans l’Algérie indépendante »(4).
(1) Rapport de M. Alain Néri, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur la sur la
proposition de loi, adoptée par l’assemblée nationale, relative à la reconnaissance du 19 mars comme
journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la
guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc (17 octobre 2012), p. 15
(2) Ce qui semble d’ailleurs en faire un des rares hymnes nationaux mentionnant expressément un autre État.
(3) Il est par exemple intéressant de relever que la lutte contre notre pays demeure une des conditions pour
postuler à la magistrature suprême du pays puisque l’article 73 de la constitution algérienne impose que
les candidats à l’élection présidentielle justifient « de la participation à la Révolution du 1er novembre
1954 » (pour ceux nés avant juillet 1942) ou « de la non-implication [de leurs parents] dans des actes
hostiles à la Révolution du 1er novembre 1954 » (pour ceux nés après juillet 1942).
(4) Laetitia Bucaille, Actes du colloque du 30 juin 2012, « Algérie-France : comprendre le passé pour mieux
construire l’avenir », Sénat, 30 juin 2012, p. 62.
— 22 —
(1) Cité Cherif Ouazani, Algérie-France, mémoires vives, Jeune Afrique,18 mars 2012.
(2) Benjamin Stora et Renaud de Rochebrune, Evian, d’hier à aujourd’hui, Jeune Afrique, 18 mars 2012.
(3) «L’intervention française a pour objectif de fragiliser l’Algérie», entrevue avec Ahmed Adimi, professeur
en sciences politiques, Le Soir d’Algérie, 14 janvier 2013.
(4) Jean-François Daguzan, Les relations franco-algériennes ou la poursuite des amicales incompréhensions,
Annuaire français des relations internationales, 2001, volume II, p. 448.
— 23 —
(1) Voir notamment : Isabelle Mandraud et Béatrice Gurrey, Un demi-siècle de relations « passionnelles »
entre Paris et Alger, Le Monde, 5 juillet 2012.
(2) Vincent Jauvert, « Quand la France testait des armes chimiques en Algérie », Le Nouvel Observateur,
octobre 1997.
(3) Valéry Giscard d’Estaing, entrevue avec Christophe Barbier, Alain Louyot et Ghislaine Ottenheimer,
L’Express, 22 janvier 1998.
— 24 —
(1) Mélanie Morisse-Schlibach, L’Europe et la question algérienne, Paris, PUF, coll. « Perspectives
internationales », 1999
(2) Votre rapporteur évoque les émeutes de 1988 dans la seconde partie du rapport.
(3) Jean-François Daguzan, Les relations franco-algériennes ou la poursuite des amicales incompréhensions,
Annuaire français des relations internationales, 2001, volume II, p. 439.
— 25 —
Toutefois, la violence extrême dont firent preuve, au cours des années 90,
les groupes islamistes, contribua à les décrédibiliser totalement aux yeux de
l’opinion publique internationale mais aussi, française. Le gouvernement algérien
réussit à reprendre le contrôle de la quasi-totalité du pays et apprécia l’engagement
actif de la France – atteinte, à son tour, par les attentats en 1995 et 1997 – dans la
lutte contre les réseaux terroristes. Au moment de l’élection du président
Bouteflika, en avril 1999, un rapprochement au plus haut niveau franco-algérien
semblait de nouveau possible même si, pendant un moment, les
« préoccupations » exprimées par le gouvernement français sur les circonstances
de l’élection présidentielle(2) furent une source de tension entre les deux capitales.
Ainsi le chef de l’État algérien se rendit-il, en visite, à Paris, en juin 2000 et, à
cette occasion, il fut reçut à l’Assemblée nationale et prononça, dans l’hémicycle,
un discours – symboliquement fait en français – dans lequel il salua « les
retrouvailles entre deux peuples libres, si proches au fond l’un de l’autre malgré,
ou à cause des vicissitudes, qui pourraient parfois suggérer l’inverse » mais
rappela aussi que « la colonisation [avait porté] l’aliénation de l’autochtone à ses
limites extrêmes » (3). De son côté, lors de cette visite, le Président Chirac rappela
le courage et la dignité du peuple algérien dans la lutte contre le terrorisme et
manifesta sa confiance dans l’avenir de l’Algérie. Dans la foulée de ce
réchauffement, 2003 fut proclamée « Année de l’Algérie en France » et, au mois
de mars, Jacques Chirac y effectua une visite d’État qui se révéla être un grand
succès. Au-delà de l’accueil excellent qui fut réservé au président de la
République, une « déclaration » par laquelle les deux pays s’engageaient à établir
un « partenariat d’exception » fut signée et l’élaboration d’un traité d’amitié – à
l’image du traité de l’Élysée conclu avec l’Allemagne en 1963 – fut même
envisagée.
La nette amélioration des relations entre les deux pays fut cependant
vivement contrariée en 2005 à la suite de l’adoption, par le Parlement français, de
la loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des
Français rapatriés (4) dont l’article 4, précédemment évoqué par votre rapporteur,
reconnaissait le « rôle positif » de la présence française outre-mer, notamment en
Afrique du Nord. Malgré l’abrogation de la disposition contestée un an plus tard,
la polémique fut extrêmement vive tant dans la presse que parmi les autorités
Comme cela avait été le cas sous la présidence de Jacques Chirac, les
progrès accomplis au début du mandat de Nicolas Sarkozy furent rapidement
remis en cause dans la foulée de la visite d’État. Si, au mois d’avril 2008,
l’ambassadeur de France, M. Bernard Bajolet, reconnût la « très lourde
responsabilité des autorités françaises de l’époque » dans les massacres du 8 mai
1945, l’arrestation, par erreur, au mois d’août suivant, d’un diplomate algérien par
la police française, à Marseille(6), freina considérablement la relation bilatérale. A
ce motif de tension s’ajouta toute une série de griefs concernant, par exemple, la
politique migratoire française ou, plus tard, l’intervention en Libye. Initialement
prévue en 2009, la visite d’État, en France, du président Bouteflika ne cessa d’être
ajournée et le nombre de visites ministérielles réciproques fut quelque peu réduit
même si les liens ne furent jamais coupés entre la France et l’Algérie. Votre
(1) Jean-Marc Manach, Algérie : la France révèle l’implantation des mines antipersonnel posées pendant la
guerre, Le Monde, 22 octobre 2007.
(2) Voir par exemple : Bruno Jeudy et Thierry Oberlé, À Alger, Sarkozy dénonce le système colonial, le Figaro,
4 décembre 2007.
(3) Discours, à Sétif, de l’Ambassadeur de France, M. Hubert Colin de Verdière (27 février 2005).
(4) La Tribune (quotidien algérien), 6 décembre 2007. Cité par Benjamin Stora dans sa contribution à
« Guerre d’Algérie, Mémoire parallèles », Le Monde Hors-série, mars 2012, p. 16.
(5) Benjamin Stora, Algérie-France, Mémoires sous tension, Guerre d’Algérie, Mémoire parallèles, Le Monde
Hors-série, mars 2012, p. 16.
(6) Voir Isabelel Mandraud, L’affaire Mecili continue d’empoisonner les relations franco-algériennes, Le
Monde, 31 mars 2010.
— 27 —
(1) Sur cet accord, voir le rapport de votre rapporteur n° 343 du 7 novembre 2012 (rapport sur le projet de loi
autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire
(n° 73).
(2) Voir notamment Isabelle Mandraud, L’Algérie célèbre les 50 ans de son indépendance, Le Monde,
jeudi 5 juillet 2012.
(3) Certes, la France ne fut pas invitée aux célébrations officielles, contrairement à neuf autres pays dont les
États-Unis, la Chine, la Russie ou l’Afrique du Sud mais cette décision peut aisément se comprendre.
— 28 —
entre la France et l’Algérie, signée par les deux chefs d’État, laquelle a créé un
Comité intergouvernemental de haut niveau présidé par les deux Premiers
ministres(1). Ce texte a été complété par un communiqué conjoint des deux
ministres des Affaires étrangères, lequel se réjouissait de la signature de nombreux
autres documents et accords lors de la visite : le document cadre de partenariat
renouvelant pour cinq ans un précédent adopté en 2007, un mémorandum de
coopération financière, une déclaration conjointe pour un partenariat industriel et
productif, une convention de partenariat et de coopération dans les domaines de
l’agriculture, du développement rural et de l’agro-alimentaire ainsi qu’un
arrangement administratif relatif à la coopération en matière de protection et de
sécurité civiles. De même fut signé le procès-verbal d’échange des instruments de
ratification et d’approbation de l’accord franco-algérien de coopération en matière
de défense précédemment évoqué par votre rapporteur. Ce texte, signé en juin
2008, avait été ratifié par l’Algérie en mai 2009 mais fut soumis à l’Assemblée
nationale et au Sénat en octobre et en novembre 2012 seulement(2).
(1) Cette instance devrait tenir sa première réunion à la fin de l’année 2013.
(2) Ce retard a été essentiellement provoqué par la nécessité de préciser la portée juridique de certaines
dispositions de l’accord, ce qui a donné lieu à l’adoption d’une déclaration interprétative unilatérale
française qui dut ensuite être acceptée par les autorités algériennes. Sur cet accord, voir le rapport de votre
rapporteur n° 343 du 7 novembre 2012 (rapport sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de
coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n° 73).
— 29 —
En tout état de cause, il est certain qu’en dépit des progrès récents, la
relation bilatérale franco-algérienne n’est pas pleinement et irréversiblement
apaisée. Sa normalisation prendra du temps – sans doute une ou deux
générations – car on ne peut pas facilement mettre un terme à plus de 130 ans
de liens aussi complexes, qui relèvent tant de l’attirance que, parfois, de la
répulsion et qui sont indéniablement uniques. Abdelaziz Bouteflika, lui-même, en
1974, avait su trouver la formule pour qualifier les relations entre la France et
l’Algérie : elles « peuvent être bonnes ou mauvaises, en aucun cas elles ne
peuvent être banales ».
d’Afrique – durant les deux guerres mondiales mériterait d’être proposée aux
autorités des pays concernés(1).
La coopération entre les deux pays est aujourd’hui bien réelle mais, bien
évidemment, est encore largement perfectible.
a. La circulation et le séjour
Ainsi que votre rapporteur l’a indiqué, notre pays est la première
destination des ressortissants algériens tant à des fins touristiques que
d’émigration durable, leur circulation dans notre pays étant encadré par la
réglementation européenne. Très critiqué, par le passé, par sa lenteur et son taux
de refus élevé, notre réseau consulaire en Algérie – qui, pour mémoire, a délivré
155.000 visas de court séjour en 2011 et environ 180.000 en 2012 –, afin de
faciliter l’accueil et de réduire les délais, a externalisé la réception des demandes,
(1) Une telle démarche a également été préconisée par mission d’information de la commission de la défense
et des forces armées sur le contrôle de l’exécution des crédits de la mission « Anciens combattants » pour
les exercices 2011 et 2012 (rapport d’information n° 1289 de M. Marc Laffineur et de Mme Sylvie Pichot,
18 juillet 2013).
— 31 —
En tout état de cause, cette question des visas est un sujet éminemment
sensible. Votre rapporteur va avoir l’occasion d’y revenir dans la seconde partie
du présent rapport mais la possibilité offerte aux Algériens et, plus
particulièrement, à la jeunesse, d’émigrer est l’un des éléments qui contribuent à
équilibrer les relations entre le régime algérien et sa population, donc au maintien
d’une relative stabilité intérieure. Y mettre un terme ou, en tout cas, réduire
fortement l’accueil légal de ressortissants algériens sur notre territoire, décision
souveraine de la France, aurait indéniablement des conséquences politiques
relativement sérieuses en Algérie. Les autorités algériennes suivent avec attention
les orientations prises par notre pays en la matière, et ce, plus que tout autre pays
serait amené à le faire.
(1) En 2012, notre consulat à Alger a reçu 168.682 demandes de visas et en a refusé 31.219 (soit un taux de
refus de 18,5 %). Quant aux taux de refus des consulats à Oran et Annaba l’an passé, ils ont été
respectivement de 27,8 % (sur 62.073 demandes) et 34 % (sur 49.409 demandes).
— 32 —
b. L’entraide judiciaire
L’entraide judiciaire tant en matière pénale qu’en matière civile représente
un enjeu majeur pour la France et l’Algérie, deux pays qui, on l’a vu, en plus d’un
passé et d’intérêts communs, partagent aujourd’hui une vaste communauté
humaine composée de ressortissants et de doubles nationaux très mobiles.
Dès lors, on ne peut que saluer les rapprochements entrepris par les deux
États dans ce domaine si sensible. C’est notamment le cas grâce aux magistrats
de liaisons détachés, réciproquement, dans chaque pays. La décision de créer de
tels postes a été prise en 2007, à l’issue de la visite du président Sarkozy en
Algérie et a été formalisée deux ans plus tard, en 2009. Le premier magistrat de
liaison français à Alger – que la mission a eu l’occasion de rencontrer tant sur
place qu’à Paris – a pris ses fonctions en septembre 2009. Son rôle est multiple. Il
participe à l’entraide judiciaire, qu’elle soit pénale ou civile. Il aide les juges
français quand ils délivrent des commissions rogatoires ou des mandats d’arrêt, il
participe à la diffusion de la connaissance du droit français aux Algériens et du
droit algérien aux Français et contribue à la formation des magistrats algériens, le
système judiciaire de ce pays relevant d’une organisation proche de la nôtre.
Enfin, il conseille, sur le plan juridique, l’ambassadeur et les trois consuls
généraux (Alger, Oran et Annaba). Ce travail, si précieux, doit être poursuivi et
votre rapporteur se félicite de la pérennisation de ce poste dont le prochain titulaire
est sur le point d’être nommé. De même doit-on saluer les multiples jumelages de
cours d’appel qui se sont noués avec le temps – Bordeaux avec Oran, Paris avec
Alger, Tlemcen avec Montpellier, Constantine avec Grenoble, Lyon avec
Annaba… – et qui sont si utiles pour une meilleure connaissance réciproque et un
travail plus efficace. Plus récemment, l’engagement pris par les deux États, à
Alger, en décembre 2012, de mettre en place un groupe de travail pour résoudre
les cas d’enfants déplacés issus de couples mixtes mais aussi pour faciliter
l’entraide pénale doit, lui aussi, être salué.
— 34 —
Si la mission n’a pas souhaité rentrer dans les détails de tous les
programmes franco-algériens de coopération en matière culturelle et éducative,
qu’ils soient actuellement en cours ou envisagés, il lui a semblé opportun de
mettre l’accent sur deux pans important de cette coopération : la jeunesse et la
langue française.
Pourquoi la jeunesse ? Peut-être parce que plus qu’ailleurs, c’est une des
clefs pour comprendre l’Algérie d’aujourd’hui. Votre rapporteur y reviendra en
seconde partie du présent rapport mais la jeunesse est aujourd’hui largement
prépondérante dans la société algérienne (28 % de la population a moins de
15 ans). Elle en constitue le cœur et ses palpitations ne sont pas sans influence sur
la vie politique et sociale du pays. Majoritairement sans emploi dans un pays qui
peine à lui faire une place, éprise du désir de découvrir de nouveaux horizons,
tiraillée entre les traditions et de légitimes aspirations à plus d’ouverture comme y
invite le succès d’internet et de ses réseaux sociaux, la jeunesse algérienne est
assurément la « cible » la plus pertinente vers laquelle doivent tendre nos actions
de coopération. A ce titre, on ne peut que se féliciter de la décision prise lors de la
visite d’Etat de décembre 2012 d’ouvrir et de développer un réseau d’une
vingtaine d’Instituts d’enseignements supérieur technologique (IEST) à travers
le territoire » (1) algérien et ce avec l’aide de la France.
(1) Communiqué conjoint des ministres des affaires étrangères sur la relation bilatérale franco-algérienne
(19 décembre 2012).
(2) Edouard Tetreau, Quel couple mythique célébrerons-nous en 2063 ?Les Echos, 23 janvier 2013.
— 36 —
(1) Source : avis n° 252 présenté par Mme Claudine Schmid au nom de la commission des affaires culturelles
et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2013, tome I, Action extérieure de l’état, Diplomatie
culturelle et d’influence.
— 37 —
(1) Votre rapporteur tient à relever que le marché automobile algérien connaît une très forte expansion
actuellement. Entre 2011 et 2012, il a connu une augmentation de 50 % : plus de 400.000 véhicules sont
vendus chaque année en Algérie !
(2) Source : Ambassade de France en Algérie, service économique régional.
(3) Source : Ambassade de France en Algérie, service économique régional.
— 39 —
Par ailleurs, s’il est certes difficile, le marché algérien peut présenter
des avantages pour les entreprises françaises. La proximité géographique,
culturelle et linguistique leurs donnent des avantages indéniables. De plus, la taille
du marché algérien et ses 38 millions d’habitants mais aussi son aisance financière
avec de grands programmes d’investissements sur budget public et un taux
d’épargne élevé des ménages constituent des facteurs attractifs. De même, si
certains pans de la réglementation algérienne telle que la loi 51/49 peuvent
susciter des interrogations légitimes, plusieurs interlocuteurs rencontrés par la
mission d’information en Algérie ont insisté sur le caractère généralement durable
des investissements réalisés dans ce pays malgré – ou grâce à – la relative
difficulté à la pénétrer.
A cet effet a été signée par Mme Nicole Bricq, M. Arnaud Montebourg et
M. Cherif Rahmani une « déclaration conjointe pour un partenariat industriel et
productif » qui jette les bases d’un développement de la « colocalisation » entre
les deux rives de la Méditerranée, afin d’enclencher un cercle vertueux profitant à
tous. On pourrait par exemple imaginer que des investissements algériens viennent
aider des entreprises françaises en difficulté, leur permettant ainsi d’acquérir des
technologies et des savoirs faires industriels pour investir ensuite conjointement en
Algérie dans un partage de la chaîne de valeur qui assurerait une meilleure
compétitivité face à la concurrence d’autres pays.
L’année 2011 a débuté, en Algérie, par des émeutes violentes dans 20 des
48 wilayas du pays. Connue pour être une terre de « jacqueries » régulièrement
secouée de soubresauts, l’Algérie vécut, entre le 5 et le 8 janvier 2011, un
mouvement d’insurrection, fondé sur des revendications à la fois politiques et
sociales, dénonçant le pouvoir et la vie chère, et qui fut une véritable surprise tant
aux yeux des autorités que des Algériens eux-mêmes. « De Bab el-Oued, quartier
chaud de la capitale, à Tirigou, cité des laissés-pour-compte d’Oran, la deuxième
ville du pays, en passant par Bouira et Béjaïa, en Kabylie, Chlef et Relizane dans
le Nord-Ouest, Tiaret dans les hauts Plateaux, Djelfa et Laghouat aux portes du
désert, l’Algérie [s’embrasa] en quelques heures. Liaisons ferroviaires
interrompues, axes routiers coupés, rideaux de magasins baissés et rues livrées à
des hordes de jeunes armées de sabres et de barres de fer… Un très fort sentiment
d’insécurité planait sur les grandes villes du pays »1. Le 12 février suivant, une
marche fut organisée à Alger, à l’initiative de la CNCD, la coordination nationale
pour le changement et la démocratie, et ce, en dépit de l’interdiction de manifester
dans cette ville en vigueur depuis juin 2011. Le mouvement s’essouffla
rapidement et le nombre de participants, estimé à 8.000 personnes le premier jour,
décrut rapidement les jours suivants.
(1) Cherif Ouazani, Algérie, pourquoi tant de haine ?, Jeune Afrique, 9 mai 2011.
— 46 —
Enfin, au niveau politique, la réponse des autorités fut double. D’une part,
elles laissèrent la presse s’exprimer librement et offrirent ainsi à l’opinion
publique un défouloir bienvenu lui permettant d’exprimer sa colère. D’autre part,
elles souhaitèrent ne pas se montrer immobiles face aux revendications en
acceptant de s’engager dans un processus de réformes. Le 15 avril 2011, le
président Bouteflika annonça, dans une intervention télévisée, une série de
mesures devant permettre de consolider la démocratie en Algérie. Certaines
d’entre elles furent rapidement adoptées comme la levée de l’état d’urgence et les
votes de nouvelles lois sur les élections1, les partis politiques et les associations2.
De même, la perspective d’une révision de la Constitution fut également envisagée
avec, au préalable la tenue de consultations permettant de définir les paramètres
d’un jeu politique ouvert et la tenue d’élections véritablement démocratiques. À ce
jour, ce processus de réformes ne semble pas avoir vu d’effets concrets et paraît
avoir été délibérément allongé(3). Les autorités algériennes ont su apporter une
réponse habile qui a permis de calmer un certain nombre de revendications.
(1) La loi sur la représentation politique des femmes a permis l’élection d’un tiers de femmes à l’Assemblée
populaire nationale lors du scrutin du 10 mai 2012.
(2) Votre rapporteur doit souligner que les entretiens de la mission tant à Paris qu’à Alger ont montré que ces
deux derniers textes ont eu des effets plutôt négatifs en permettant la multiplication de nouveaux micro-
partis à quelques semaines des élections législatives mais aussi en rendant plus restrictive la législation sur
les associations.
(3) Le projet de loi sur l’audiovisuel annoncé en 2011 n’a été déposé qu’au printemps dernier et la commission
chargée de préparer la révision constitutionnelle n’a été installée que le 8 avril 2013 (voir infra).
— 47 —
confrontée aux mêmes troubles que ses voisins arabes, en 2011, réside dans le
douloureux souvenir de la décennie noire qui affecte, encore aujourd’hui, de
nombreux Algériens. Cette terrible guerre civile fit près de 200.000 victimes et des
dizaines de milliers de disparus. Elle succéda à une période d’ouverture
démocratique, en 1988, qui, pour beaucoup, fut le premier « printemps arabe »
de la région. Entre le 5 et le 10 octobre 1988, de graves émeutes se déclarèrent
dans toute l’Algérie. Face à ces évènements très violents et mal anticipés par le
pouvoir, le président Chadli, après avoir proclamé l’état de siège, fit appel à
l’armée pour rétablir l’ordre ce qui, selon un bilan officieux, aurait provoqué la
mort de 500 à 600 personnes. Toutefois, le 10 octobre 1988, le chef de l’État
intervînt à la télévision et annonça une série de réformes favorables au
multipartisme et à la liberté d’expression. C’est dans ce contexte que les islamistes
montèrent rapidement en puissance, favorisés notamment par le choc qu’avait
constitué, aux yeux de nombreux Algériens la terrible répression d’octobre 1988.
Le FIS remporta les élections municipales de 1989 puis fut sur le point de gagner
le scrutin législatif de 1990 avant que le processus électoral ne soit suspendu, entre
les deux tours, le 26 décembre 1991 et laisse place à la guerre civile qui fit souffrir
l’Algérie tout au long des années 90.
(1) Luiz Martinez, Algérie : l’après-Bouteflika a commencé, Politique internationale, n° 140, été 2013, p. 151
— 48 —
En outre, l’Algérie n’est pas une dictature militaire et le pouvoir doit y être
analysé avec subtilité. Si l’appareil étatique repose sur des institutions classiques
qui nous sont familières – présidence de la République, gouvernement, parlement
bicaméral, conseil constitutionnel, double ordre de juridictions… – il doit être
analysé à travers une « grille de lecture » propre à l’Algérie. En effet, au-delà
de la façade officielle, le pouvoir semble impliquer plusieurs rouages de l’État
dans un mode de fonctionnement relativement collégial et autonome mais
empreint d’opacité. « Conseil d’administration » ou « conclave » sont des termes
fréquemment entendus par la mission d’information, au cours de ses auditions,
pour désigner cette façon d’exercer le pouvoir, également appelée « Nidham »
(« système ») par les Algériens. En tout état de cause, il apparaît difficile de cerner
les contours exacts de ce « cercle » dirigeant qui, selon certains observateurs
attentifs de la vie politique algérienne, « n’est pas une somme d’individus mais un
ensemble de rouages interdépendants et d’inégale importance » composé, en
premier lieu « du rouage suprême, l’institution présidentielle, qui en assure la
pérennité » mais aussi de « deux autres rouages indispensables, l’Armée nationale
populaire (ANP) et les services de renseignements (hier Sécurité militaire,
aujourd’hui Département du renseignement et de la sécurité, DRS) » (1). Cette
relative opacité du cœur du pouvoir algérien et le fait qu’il semble être quelque
peu autonome vis-à-vis de l’architecture officielle des institutions soulèvent
régulièrement la question de la réalité du pouvoir algérien et de l’identité des
véritables responsables du pays(2).
(1) Cherif Ouazani, Une mécanique bien huilée, Jeune Afrique, 23 juin 2013.
(2) Il est intéressant de relever que le conseil des ministres ne s’est réuni que deux fois en 2012 et une seule
fois en 2013 (le dimanche 29 septembre dernier).
— 49 —
(1) Contrôlée par l’Etat, la télévision algérienne semble être peu regardée au profit des chaînes étrangères,
arabes ou françaises.
(2) Voir notamment http://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/05/20/la-presse-algerienne-denonce-la-
censure-sur-l-etat-de-sante-de-bouteflika_3382101_3212.html
(3) Les caricatures de Hic Dilem peuvent être consultées sur les sites internet de leurs journaux respectifs :
http://www.elwatan.com/divers/dessins.php et http://www.liberte-algerie.com/dilem/galerie .
— 50 —
(1) Isabelle Mandraud, L’Algérie, l’arme de l’abstention, Le Monde Géo & Politique, 6-7 mai 2012.
— 51 —
Il est vrai que, ces dernières années, l’actualité algérienne a été nourrie
par plusieurs scandales notamment l’affaire Khalifa ou celle impliquant la
Sonatrach – l’entreprise nationale de pétrole – et des personnes liées au pouvoir7 .
(1) http://www.liberte-algerie.com/dilem/dilem-du-06-mai-2012
(2) Voir le site de l’ « Algerian International Diaspora Association » que votre rapporteur a déjà cité
précédemment ( http://aida-association.org/diaspora/index.php?sr=6 )
(3) NABNI est l’acronyme de « Notre Algérie Bâtie sur de Nouvelles Idées ». En arabe, « Nabni » signifie aussi
« nous construisons ».
(4) http://www.nabni.org/wp-content/uploads/2012/12/rapport-nabni-2012.pdf
(5) http://www.transparency.org/country#DZA
(6) Le Matin, 5 décembre 2012
(7) Cherif Ouazani et Karim Djaad, Algérie : corruption à Sonatrach, le système Chakib Khelil, Jeune Afrique,
5 mars 2013.
— 52 —
« C’est pourquoi, les citoyens n’ont plus confiance dans leurs institutions.
Ils ont recours aux personnes, qui, à différents échelons, peuvent « octroyer » des
droits et avantages au détriment de la loi. Ces personnes, cadres ou simples
agents de l’Etat, privatisent la fonction exercée, aidées en cela par une
nomination sans fin dans leurs fonctions. Et, ils dirigent les différentes institutions
et administrations dont ils ont la charge comme un bien qui leur rapporte à
chaque acte ou décision des avantages matériels. Une telle attitude est observée à
tous les niveaux de responsabilité.
Les chiffres exacts ne sont pas connus mais il y aurait, jusqu’à un millier
de manifestations, chaque année, en Algérie. Ce fut d’ailleurs le cas quelques
jours avant le déplacement, à Alger, de la mission d’information, puisque la ville
de Ouargla accueillit une imposante « marche des chômeurs » et fut le théâtre,
quelques semaines plus tard, de véritables émeutes dont le mobile déclencheur
semble avoir été la protestation contre une liste de logements sociaux affichée par
les autorités locales.
(1) Rapport annuel (2011) de la Commission Nationale Consultative de Promotion et de Protection des Droits
de l’Homme, p. 111 (http://www.cncppdh-algerie.org/php_VF/images/pdf/RAPPORT-2011.pdf ). Cette
Commission, dont la mission a rencontré le Président le 25 mars 2013 lors de son déplacement à Alger, est
une institution qui dépend directement de la présidence de la République.
(2) Isabelle Mandraud, L’Algérie, l’arme de l’abstention, Le Monde Géo & Politique, 6-7 mai 2012.
(3) Une situation mise en lumière par l’hospitalisation, à Paris, pendant plusieurs semaines, du Président
Bouteflika et qui conduit au lancement, sur les réseaux sociaux, d’une initiative intitulée « Val-de-Grâce
pour tous » afin de mobiliser la société alégrienne autour de la question de la prise en charge médicale en
Algérie. Voir notamment : « Le Val-de-Grâce pour tous », un slogan pour dénoncer l’abandon des
cancéreux, Blog « Visa pour l’Algérie », 4 mai 2013 (http://blog.lefigaro.fr/algerie/2013/05/a-alger-on-se-
rassemble-pour-demander-le-val-de-grace-pour-tous.html ) et Farid Ikken, En Algérie, « si tu as le cancer
et pas de relations, tu meurs », Rue 89, 24 septembre 2013 (http://www.rue89.com/2013/09/24/algerie-si-
as-cancer-relations-meurs-246008 ).
(4) Nadia Henni-Moulaï, A quoi rêvent les Algériens ?, Le Magazine de l’Afrique, juillet-août 2012, p. 7
— 54 —
(1) Cité par Cherif Ouazani dans Les sept plaies de l’Algérie, Jeune Afrique, 19 décembre 2010.
(2) Agence Frontex, AnnualRisk Analysis 2013, p. 66.
(3) Agence Frontex, AnnualRisk Analysis 2013, p. 31.
— 55 —
e. Le corset du conservatisme
Au soutien de l’initiative tendant à donner une impulsion nouvelle à la vie
nocturne algéroise que votre rapporteur vient d’évoquer, le Premier ministre Sellal
a déclaré, le 4 juin dernier, que « la jeunesse a besoin de vivre » et qu’on ne peut
pas « l’envoyer dormir juste après la prière du soir. »2. La formule est intéressante
car, en creux, elle indique la difficulté de concilier modernité et tradition en
l’Algérie.
(1) Isabelle Mandraud, Le « printemps » des façades à Alger, Le Monde 27 juin 2013.
(2) Cité par Isabelle Mandraud, Le « printemps » des façades à Alger, Le Monde 27 juin 2013.
— 56 —
Pour autant, ces données que jalouseraient bien des pays en Europe, ne
doivent pas tromper : la situation économique de l’Algérie est préoccupante et,
à terme, loin d’être viable.
(1) Tarik Ghezali, Un rêve algérien, chronique d’un changement attendu, 2012, p.44.
(2) Tarik Ghezali, Un rêve algérien, chronique d’un changement attendu, 2012, p.45.
(3) Issad Rebrab, fondateur et PDG de Cevital, premier groupe privé d’Algérie, entrevue parue dans Jeune
Afrique, 30 juin 2013.
(4) Tarik Ghezali, Un rêve algérien, chronique d’un changement attendu, 2012, p.90.
— 57 —
Tout d’abord, gaz et pétrole ne sont pas éternels. D’après les informations
recueillies par votre rapporteur, le « pic » pétrolier et gazier – c’est-à-dire le
moment où la production commencera à décliner – n’est pas très éloigné. « Si
l’on en croit la BP Statistical Review, une référence dans les milieux énergétiques,
le pays dispose de dix-huit années de réserves pétrolières au taux actuel de
production et de cinquante années en ce qui concerne le gaz. En fait, nombre
d’experts s’attendent à voir intervenir le pic bien avant : pour le pétrole, dès
2020, pour le gaz, vers 2030. Il est peu probable que l’on découvre de fortes
réserves d’hydrocarbures conventionnels »(1).
(1) Hervé Kempf, L’Algérie hésite entre le gaz de schiste et le soleil, Le Monde, 17 mai 2012.
(2) Mohamed Touati, L’Algérie en état d’alerte, l’Expression, 7 avril 2013.
(3) Zoubir Benhamouche, entretien paru dans Le Magazine de l’Afrique, juillet-août 2012, p. 18.
— 58 —
(1) Tarik Ghezali, Un rêve algérien, chronique d’un changement attendu, 2012, p.93.
(2) « La bureaucratie nous tue. Elle est pire que le cancer » (Abdelmalek Sellal, Premier ministre, 26 juin 2013).
(3) Yazid Taleb, L’essor du marché financier en Algérie bloqué par la bureaucratie d’Etat, Maghreb Émergent,
9 avril 2013.
— 59 —
pointilleux des changes qui constitue une gêne pour les sociétés étrangères. Le
droit des affaires présente aussi un côté « repoussoir » car en disposant que la
bonne foi du contrevenant ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale, un chef
d’entreprise qui prend un acte de gestion s’avérant mauvais pour l’intérêt de la
société est passible d’une peine de prison alors même qu’il n’y avait pas d’intérêt
personnel en jeu.
Les autorités algériennes semblent avoir conscience des risques que fait
courir sur l’avenir du pays le modèle économique actuel qui prévaut en Algérie.
(1) http://francais.doingbusiness.org/data/exploreeconomies/algeria
(2) http://www.wto.org/french/thewto_f/acc_f/a1_algerie_f.htm
(3) Ryadh Benlarech, Hors du public, un début de salut, Jeune Afrique, 26 mai 2013.
(4) Dollars des Etats-Unis.
— 60 —
ce qui traduit assurément une certaine difficulté à mener à bien les projets
entamés.
Pour autant, cette puissance n’a pas de traduction diplomatique directe car,
en matière de politique étrangère, l’Algérie reste fidèle à ses principes
fondateurs, au moment de son indépendance : lutte en faveur de la décolonisation
des peuples du tiers-monde, « non alignement », soutien aux « causes justes »
(1) http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/388174
(2) Sur cette question, voir notamment le rapport n° 343 du 7 novembre 2012 de votre rapporteur sur le projet
de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et
populaire (n° 73).
— 61 —
300.000 Marocains d’Algérie, en 1975 après la « marche verte » décidée par le roi
Hassan II (1). Le Sahara occidental constitue le second – et assurément le plus
célèbre – contentieux entre l’Algérie et le Maroc. La question du statut du Sahara
occidental est en effet non résolue depuis le départ de la puissance coloniale –
l’Espagne –, en 1975 et oppose durablement un Maroc qui en revendique la
souveraineté à une Algérie clamant le droit à l’autodétermination des Sahraouis et
soutenant le Front Polisario.
(1) http://www.afp.com/fr/node/128961/
(2) http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/04/26/dossier-sahraoui-le-maroc-fait-reculer-les-etats-
unis_3167168_3222.html
(3) Voir, par exemple l’article « Pourquoi Mohammed VI a peur aujourd’hui de la Minurso ? » paru dans La
Liberté le 21 avril 2013.
(4) Isabelle Mandraud, Paris tiraillé entre les frères ennemis du Maghreb, Le Monde, 19-20 décembre 2012
(5) Isabelle Mandraud, La longue guerre froide du Maghreb, Le Monde, 21 avril 2013
— 64 —
Pour de nombreux Algériens, les révolutions qui ont embrasé leurs voisins
orientaux ont été perçues avec inquiétude – voire assez négativement – car
synonymes d’instabilité pour la région. Ces expériences politiques renvoient en
effet l’Algérie à sa propre histoire, celle de la fin des années 80 et du début des
années 90 où, à la suite de l’interruption du processus électoral, le pays plongea
dans une guerre civile des plus meurtrières.
poids de l’histoire qu’à cause d’un prétendu « agenda caché » inavouable(1). Elle a
ainsi, pendant plusieurs années, insisté sur la nécessité d’une solution politique
sans pour autant en fournir les clefs. De même, elle a tenté, sans succès, d’affirmer
son « leadership » dans la coordination des efforts régionaux dans la lutte contre
AQMI et les autres groupes terroristes, arguant, entre autres, de sa réussite dans
leur éradication sur son sol. Elle fut ainsi à l’initiative de l’installation du CEMOC
– comité d’état-major conjoint (2) – à Tamanrasset, en avril 2010 mais cette
structure, bien qu’unique en Afrique, ne donna aucun résultat tangible. Comme
avaient pu l’analyser nos collègues François Loncle et Henri Plagnol dans leur
rapport d’information intitulé « Le Sahel pris en otage », publié à la fin de la
XIIIème législature, il n’était pas inenvisageable de voir dans l’attitude de
l’Algérie un double, voire un triple langage(3). Car, tout en assurant prendre au
sérieux la menace terroriste sur son flanc sud, ce pays n’en prenait pas moins des
actions allant dans un sens contraire. Par exemple, le « pari » algérien sur Ansar
Eddine a pu soulever de légitimes interrogations(4). Il était également frappant de
constater que l’organisation géographique de l’outil militaire algérien, de loin le
plus important de la région, était entièrement tournée vers la « menace »
marocaine et non vers la frontière méridionale.
Ainsi que votre rapporteur l’a souligné dans la première partie, cette
coopération a été « spectaculaire » car inimaginable encore quelques semaines
auparavant et a sans doute été rendue possible par le réchauffement des relations
entre la France et l’Algérie consécutif à la visite d’État du président Hollande.
Pour autant, laisse-t-elle présager un changement durable d’attitude de la part de
l’Algérie sur la question sahélienne? Il est sans doute encore trop tôt pour le dire
mais nul doute que cette dernière va demeurer une source d’inquiétude vive pour
les autorités algériennes, d’autant plus que, pour certains, l’opération Serval n’a
fait qu’illustrer « l’incapacité de l’Algérie à sécuriser son environnement
régional »(5). En tout état de cause, l’évolution de l’influence de l’Algérie sur la
(1) « Agenda caché » que quelques interlocuteurs ont encore mis en avant lors de la visite d’une délégation de
la mission d’information, à Alger, en mars 2013.
(2) État-major rassemblant les pays du champ : Algérie, Mauritanie, Mali et Niger.
(3) Rapport d’information n° 4431 de MM Loncle et Plagnol, députés, sur la situation sécuritaire dans les pays
de la zone sahélienne (6 mars 2012).
(4) Voir l’entrevue de M Mathieu Guidère parue dans l’Express, le 4 juillet 2012
(http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/mali-pourquoi-l-algerie-parie-sur-les-islamistes-d-ansar-
eddine_1134319.html)
(5) Luiz Martinez, Algérie : l’après-Bouteflika a commencé, Politique internationale, n° 140, été 2013, p. 149
— 66 —
région, la stabilité des États du champ, le sort des Touareg (1), la dissémination des
djihadistes dans les pays environnants… sont autant de paramètres qui vont,
encore plus qu’avant, structurer la diplomatie algérienne dans les mois et les
années à venir.
C. 2014 ET APRES ?
Tout d’abord, comme cela a déjà été précisé, prendre la mesure exacte
du système politique algérien est loin d’être aisé et passe par de subtiles et
peu accessibles « clefs de compréhension ». La plupart des interlocuteurs de la
mission – y compris ceux dont on aurait pu croire qu’ils auraient pu avoir, de par
leur fonction ou leurs travaux, une connaissance exacte de la réalité – ont fait part
de leurs doutes face à la situation politique algérienne et de leurs difficultés à
l’appréhender correctement. La relative opacité du système mais aussi son
fonctionnement collégial et ne recoupant pas forcément les institutions officielles,
contribuent beaucoup à compliquer toute réflexion sur le devenir de l’Algérie. Une
des personnes auditionnées par la mission est allée jusqu’à prétendre, non sans
humour, que cette dernière ferait mal son travail si elle devait parvenir à une
compréhension parfaite du système algérien. Il y a malheureusement du vrai dans
cette boutade.
(1) Au mois d’août 2013, des affrontements ont opposé, à Bordj Badji-Mokhtar, dans l’extrême sud algérien,
communautés arabes et touareg, avant de se propager du côté malien (« Affrontements mortels entre
communautés arabe et touareg à la frontière algéro-malienne », Le Monde, 16 août 2008).
— 67 —
a. Quand ?
Aux termes de l’article 74 de la constitution algérienne, « la durée du
mandat présidentiel est de cinq ans ». Réélu à la tête du pays le 9 avril 2009, le
mandat d’Abdelazi Bouteflika s’achèvera donc dans quelques mois, en avril 2014.
Les problèmes de santé du chef de l’État algérien qui ont conduit à son séjour en
France, du 27 avril au 16 juillet 2013, laissent toutefois planer un doute quant à la
date des prochaines élections présidentielles. « Entre des versions officielles
angéliques distillées à dose homéopathique, et les versions alarmistes que
répandent certains médias français et algériens, il est difficile de se forger une
opinion »(1).
En tout état de cause, s’il devait y avoir une élection anticipée, ce serait en
application de l’article 88 de la constitution algérienne, lequel dispose que
« lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable,
se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil
(1) Marwane Ben Yahmed, Sans lui... Jeune Afrique, 26 mai 2013.
— 68 —
b. Qui ?
Que les prochaines élections présidentielles algériennes aient lieu en avril
2014 ou avant, qui sera candidat ?
(1) Selon une rumeur récurrente et largement reprise par plusieurs médias, le président du Conseil de la
Nation, M. Abdelkader Bensalah aurait des origines marocaines et ne serait pas né en étant citoyen
algérien. Or, c’est là une condition impérative pour exercer, même par intérim, les fonctions de chef de
l’État. Dès lors, s’il devait y avoir une élection anticipée, les suites données à cette rumeur par le régime
algérien devraient alors être suivies avec attention et, en cas d’empêchement de M. Bensallah, il
reviendrait au président du Conseil constitutionnel – M. Mourad Medelci, ancien ministre des affaires
étrangères, depuis le 15 septembre 2013 – d’assurer, à sa place, l’intérim présidentiel.
(2) Voir infra.
— 69 —
réduit dans le régime algérien actuel avec lequel, au demeurant, il s’est montré très
critique(1).
Aux côtés de cette candidature déclarée, plusieurs noms ont été évoqués
par la presse algérienne.
(1) Voir notamment El Watan du 10 avril 2013 dans lequel M. Benbitour juge que l’Algérie a aujourd’hui
toutes les caractéristiques d’un État défaillant et que le pouvoir actuel, autoritaire et paternaliste, doit
organiser son départ.
(2) Isabelle Mandraud, Élection controversée à la tête du parti au pouvoir en Algérie, Le Monde, 3 septembre
2013.
(3) Rached Ghannouchi (10 septembre 2013) et Béji Caïd Essebsi (11 septembre 2013), respectivement leaders
des partis politiques tunisiens Ennahda et Nida Tounès.
(4) En Algérie, le Président de la République est également ministre de la défense.
(5) Le Soir d’Algérie, 12 septembre 2013.
(6) Supprimée par la « Loi n° 08-19 du 17 Dhou El Kaada 1429 correspondant au 15 novembre 2008 portant
révision constitutionnelle ».
— 70 —
tout en retardant le choix d’un successeur. Votre rapporteur, de surcroît, relève que
l’hypothèse d’une « reprise en main » du camp présidentiel est renforcée par la
décision du chef de l’État de réduire les prérogatives du DRS en lui retirant ses
pouvoirs de police judiciaire, le privant ainsi d’une de ses principales capacités
d’agir(1).
Par ailleurs, plusieurs noms ont, à ce jour, été évoqués par la presse
algérienne pour succéder à Abdelaziz Bouteflika, le principal critère pour figurer
dans cette liste étant l’aptitude à incarner le meilleur compromis acceptable pour
le « système » mais aussi la population. Abdelmalek Sellal, le Premier ministre
actuel, Cherif Rahmani, ministre de l’industrie jusqu’au 11 septembre dernier(2),
Ahmed Ouyahia, à la tête du gouvernement jusqu’en septembre 2013, mais aussi
Mouloud Hamrouche, et Abdelaziz Belkhadem, respectivement premiers
ministres de 1989 à 1991et de 2006 à 2008, ont ainsi, à un moment ou un autre,
été cités comme d’éventuels présidentiables. Le nom d’Ali Benflis, chef du
gouvernement 2000 à 2003, est lui aussi revenu avec insistance au cours des
derniers mois mais, pour de nombreux observateurs, le remaniement ministériel du
11 septembre dernier a considérablement abaissé sa côte(3). Quoiqu’il en soit, cette
liste est assurément loin d’être close et on ne peut exclure qu’un ou plusieurs
noms vienne s’y ajouter.
(1) J.-D.M., Abdelaziz Bouteflika conforte son camp, L’Opinion, 17 septembre 2013.
(2) Que la mission d’information a pu rencontrer lors de son déplacement à Alger.
(3) Le Quotidien d’Oran, 11 septembre 2013.
(4) Ahmed Ouyahia a quitté la tête du RND en janvier 2013.
(5) Liberté, 17 juin 2013.
— 71 —
c. Comment ?
Aux côtés de la date et du nom des candidats – notamment du candidat
« officiel » –, les conditions d’organisation du prochain scrutin présidentiel sont
également une des inconnues de l’équation électorale algérienne.
(1) Cherif Ouazani, Dans l’œil du cyclone, Jeune Afrique, 30 juin 2013.
(2) Marwane Ben Yahmed, Sans lui... , Jeune Afrique 26 mai 2013.
(3) Avril 1999 : Abdelaziz Bouteflika est élu au premier tour avec 73,8% des voix (ses 6 rivaux se retirent à la
veille du scrutin) ; avril 2004 : il est réélu dès le premier tour avec 84,99% des voix ; avril 2009 : il est à
nouveau réélu au premier tour avec 90,24 % des voix (et après une révision de la constitution en 2008 pour
lui permettre de se représenter).
— 72 —
3. Un pays en attente
Si l’exercice prospectif n’est pas chose aisée et si, comme votre rapporteur
vient de le décrire, l’avenir politique de l’Algérie est encore difficilement
prévisible, un constat s’impose toutefois : l’Algérie, aujourd’hui, semble être un
pays en attente. Votre rapporteur a déjà eu l’occasion d’évoquer cette idée mais,
face aux révolutions arabes et aux troubles qui émaillent la Libye, l’Égypte et, à
un degré moindre, la Tunisie, l’Algérie ne préfère-t-elle pas observer ses voisins et
mesurer les difficultés qu’ils éprouvent au lieu de s’aventurer dans une voie dont
elle connaît trop bien les dangers ? Il est vrai que l’impact de la décennie noire
dans la mémoire collective des Algériens est impressionnant et, on l’a vu, il est
l’un des facteurs– peut-être le plus déterminant – qui ont fait que le Printemps
arabe de 2011 n’a pas eu, en Algérie, le même succès que dans les pays alentours.
(1) Sur les conditions des élections législatives de mai 2012, voir notamment le rapport de Mme Tokia Saïfi et
de M. Antonio Panzeri, co-présidents de la délégation du Parlement européen envoyée pour observer le scrutin :
http://www.europarl.europa.eu/intcoop/election_observation/missions/2009-2014/2012_05_10_algeria.pdf
(2) Ces taux ayant sans doute été, selon plusieurs observateurs, quelque peu « gonflés » par les autorités.
— 73 —
rester prudent car le probable n’est jamais certain. Cette prudence et cette attente
ont également des relents de « veillée d’armes », à quelques mois d’une échéance
électorale que les ennuis de santé du président Bouteflika, on l’a vu, contribuent à
rendre encore plus incertaine.
CONCLUSION
françaises est une nécessité. Cela passe par une politique de visas plus adaptée et
un effort en matière de bourses.
EXAMEN EN COMMISSION
Nous avons créé cette mission il y a un peu moins d’un an, dans un
contexte particulier. L’Algérie venait de célébrer, quelques mois auparavant, le
cinquantenaire de son indépendance et le Président de la République s’apprêtait à
effectuer à Alger et à Tlemcen la première visite d’État de son mandat.
Sur huit mois, nous avons mené une vingtaine d’auditions et vu une
quarantaine de personnes. Nous en avons rencontré une cinquantaine lors de notre
déplacement à Alger, en mars dernier.
En France aussi, l’Algérie est encore très présente sur notre scène
politique. Le rapport rappelle le poids de groupes tels ceux des anciens
combattants, des pieds noirs ou des harkis et l’impact de ce « fait algérien » sur
notre agenda politique avec l’examen de plusieurs lois mémorielles au cours des
20 dernières années. Nous n’avons pas souhaité rouvrir les débats qui ont été
menés à ce sujet. Nous avons estimé que notre mission n’avait pas cet objet-là.
Les causes sont multiples. Nombre d’Algériens disent qu’ils ont déjà eu
leur printemps en 1988. Ensuite, les autorités ont été habiles face aux manifestants
en achetant la paix sociale. De manière plus structurelle, il existe, en Algérie, des
« soupapes de sécurité » comme une réelle liberté de la presse, laquelle ne se prive
pas de critiquer les autorités. Je pense notamment au caricaturiste Dilem. Le
souvenir de la décennie noire a également beaucoup joué dans ce « rejet » du
« printemps arabe » de 2011. Contrairement à la Tunisie, à la Libye, à l’Égypte ou
à la Syrie, la population n’avait pas à lutter contre un dictateur.
Sur le plan économique, nous revenons sur les principaux blocages qui
affectent l’Algérie : comme je l’ai dit, elle dépend d’une rente pétrolière et gazière
qui a un effet anesthésiant sur le reste de l’économie. Le climat des affaires est, en
outre, très dégradé. Au classement « Doing Busines », l’Algérie est 152ème sur 185
pays. La diversification économique est nécessaire. Le tourisme n’a pas droit de
cité. Les pratiques administratives et une législation comme la fameuse règle
51/49 qui plafonne à 49 % les participations étrangères au capital des entreprises
algériennes brident le développement.
Nous nous sommes donc livrés à un petit exercice prospectif pour voir
comment sera l’après 2014 en Algérie. A quelques mois d’une échéance électorale
prévue au mois d’avril prochain, nous ne savons toujours pas qui sera candidat ni
même si les élections auront lieu car le scenario d’une révision constitutionnelle
expresse pour porter le mandat d’Abdelaziz Bouteflika à sept ans est tout à fait
envisageable.
— 83 —
L’Algérie est dans une position d’attente et, pour le moment, préfère ne
pas bouger. Elle voit l’exemple des pays voisins, dans lesquels règnent une grande
instabilité et la violence. Elle a été profondément marquée par la décennie noire
dans les années 90 et, pour le moment, est comme figée politiquement.
Ignorer ce pays serait une folie. Ne pas coopérer et s’en détourner seraient
une faute. Quoiqu’on en pense, les destins de l’Algérie et de la France sont liés et
le resteront.
Deuxième facteur, cette révolte a été bien maîtrisée par les autorités
algériennes, et ce, de trois façons. D’abord, par le maintien de l’ordre où l’Algérie
a une expérience plus grande que ses voisins. Le maintien de l’ordre a été efficace
avec une présence massive de militaires et de policiers dans les rues d’Alger.
30.000 d’entre eux furent déployées. Il y eut un seul mort. Ensuite, il y eut une
injection massive de pouvoir d’achat. 20 milliards d’euros furent dépensés en à
peine 3 mois ! Ça a servi à subventionner les produits de première nécessité – en
particulier l’huile et le sucre –, à mettre des crédits à disposition de la population
et notamment des étudiants et augmenter les salaires avec rétroactivité : les
policiers ont été augmentés de 80 %. On a acheté la paix sociale. Enfin, les
autorités ont annoncé des réformes importantes sur le plan politique et la fin de
l’état d’urgence. Cette dernière est bien entrée en vigueur mais aucune réforme n’a
été menée.
Il nous a semblé que c’est cette conjonction de trois facteurs qui a fait que
cette révolte s’est éteinte très rapidement. Pour autant, l’opinion publique souhaite
des évolutions mais n’est pas prête à un changement de régime et à aller jusqu’au
chaos.
Sur le plan économique, le pays est bloqué. Le secteur privé est quasiment
inexistant. Et ce pays ne produit rien à part du gaz et du pétrole. Un chiffre est
marquant : la capitalisation de la bourse d’Alger est de un pour mille du PIB
algérien. Celle de la bourse de Casablanca représente 60 % du PIB marocain. Cela
veut dire que la capitalisation boursière rapportée au PIB est 600 fois plus grande
au Maroc qu’en Algérie. On a vu deux raison à ça : l’héritage soviétique d’un
système où toutes les grandes sociétés sont nationales et le fait que le pays ne
fonctionne qu’à travers ses plans quinquennaux. Le blocage se manifeste par une
législation contraignante. Les entrepreneurs privés sont responsables civilement
mais aussi pénalement. L’administration est toute puissante et tatillonne. Il y a un
contrôle des changes rigoureux. Le recours au crédit et aux banques est quasiment
inexistant. Et en plus, on ne veut pas des investissements étrangers comme avec la
loi 51/49, votée il y a à peine trois ans et qui décourage considérablement les
investisseurs étrangers qui n’ont plus la maîtrise de leurs projets.
- une explosion sociale nous apparait peu probable à court terme car si
l’opinion publique est hostile au régime, elle est résignée : elle ne vote plus et la
participation réelle est plus faible que les chiffres officiels. Et il y a une forte
volonté d’émigration vers la France, le Canada ou quelques autres pays ;
A moyen et long termes, cette situation n’est pas viable. Soit on sera dans
une situation d’explosion, comme dans les pays voisins. Soit on peut assister à une
évolution du pays à petits pas. Auprès de certains ministres, notamment, nous
avons constaté qu’il y avait une volonté de changements, lesquels sont impossibles
pour le moment. Il pourrait y avoir une évolution mais il faudra l’arrivé au pouvoir
d’un homme providentiel pour faire aboutir cette forme de perestroïka dont
l’Algérie a besoin.
Cela étant, le système paraît bloqué, que ce soit sur le plan politique ou sur
le plan économique. C’est très difficile pour les investisseurs français. Néanmoins,
il y a plusieurs pistes à privilégier ; il faut mettre l’accent sur la jeunesse et la
formation professionnelle, ainsi que sur l’agriculture et l’agroalimentaire. Avez-
vous l’impression que la situation puisse évoluer lors des élections de 2014 ? A la
fin des années 1980, il y a eu un printemps algérien, autour de Chadli et du
gouvernement Hamrouche. Le souvenir de cette période demeure.
Sur le plan économique, ce qu’a dit Axel Poniatowski est éclairant. Sur la
base de cette description, que devraient faire nos entreprises pour se préparer ? La
diplomatie économique peut-elle aider à construire le futur et comment peut-on se
préparer à cette évolution et sur quel créneau ? S’agissant de l’agroalimentaire, je
pense par exemple à des entreprises bretonnes d’élevage pour la production de lait
qui seraient en action ; c’est un sujet à suivre.
concernant votre proposition sur la jeunesse. Il faudra que l’office que vous
proposez fonctionne de telle sorte qu’il permette des échanges entre les sociétés
civiles.
M. Pierre Lellouche. Je voudrais dire toute mon estime à ceux qui ont
travaillé sur ce rapport, le diagnostic est en effet très juste. Je crois en effet que le
moment est venu de dire les choses sans se réfugier derrière le caractère
passionnel des relations entre la France et l’Algérie. Les complexes de la
colonisation inspirent beaucoup nos politiques. Or, je ne crois pas que ce soit une
position durable pour la France. Je serais donc favorable à ce qu’un travail de
vérité, décomplexé, soit établi.
Pour terminer sur une note plus légère, permettez-moi de vous conseiller
la lecture de La France arabo-orientale de Pascal Blanchard. Il me semble que
l’histoire culturelle que nous avons en commun avec l’Algérie peut ouvrir
quelques horizons.
— 90 —
Enfin, il a été question de la Chine en Algérie, mais qu’en est-il des Etats-
Unis ?
M. Jean-Marie Le Guen. Merci pour ce rapport, qui dit les choses en les
analysant avec finesse. Mais entre le temps de l’analyse et le temps de
l’expression et de la politique à conduire, il doit aussi y avoir celui de la réflexion
sur les intérêts de notre pays et sur nos propres attitudes, qui ne sont pas toujours
positives. Il y a eu parfois une arrogance et un ressentiment dans le discours des
autorités françaises – je précise que je ne parle pas de ce Gouvernement, bien au
contraire. Il faut faire attention si nous voulons un dialogue avec l’Algérie.
Tout cela doit nous inciter à développer une analyse lucide, tout en
définissant des orientations politiques.
La première, c’est qu’on sent à travers nos échanges à quel point tout cela
reste passionnel. Pour arriver à dépasser cette histoire douloureuse entre la France
et l’Algérie, et pour éviter que l’on nous renvoie toujours la culpabilité de la
colonisation, je pense justement qu’il faut distinguer histoire et mémoire.
L’histoire, c’est l’affaire des historiens. Benjamin Stora a déjà commencé à écrire
des choses que je trouve formidables. La mémoire, elle restera ce qu’elle est, avec
la douleur des gens.
Sur les questions économiques, avec Nicole Bricq, les rapports sont en
train de se développer sur les dossiers de commerce extérieur. La colocalisation et
le codéveloppement se mettent en œuvre. Le 27 novembre aura lieu un comité
mixte économique franco-algérien. Les choses avancent, mais à petits pas, et je
crains que les évolutions ne seront pas aussi rapides que nous le souhaitons.
La conviction que j’ai, c’est qu’il ne faut surtout pas se focaliser sur ce
sujet. On a vu la façon dont il a ressurgi à chaque fois : il a suffi d’une petite
étincelle pour que les choses soient de nouveau dramatiques. En 2005, c’est
l’affaire de la contribution positive de la colonisation qui a plombé la fin du
quinquennat de Jacques Chirac ; plus récemment, ça a été l’affaire du diplomate
algérien arrêté par erreur et détenu pendant un an, qui a miné la fin du quinquennat
de Nicolas Sarkozy. J’espère qu’il n’y aura pas de nouveau une étincelle qui
— 95 —
L’affaire du Sahel en Algérie est traitée par l’Armée, tout comme le fut
l’attaque de la raffinerie.
faut regarder vers l’avenir : puisque les relations politiques sont difficiles, raison
de plus pour pousser sur le plan économique. J’espère vivement qu’il n’y aura pas
une autre étincelle qui obérera le réchauffement récent.
ANNEXES
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ANNEXE N° 1 :
CARTE DE L’ALGERIE
— 101 —
ANNEXE N° 2 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES
PAR LA MISSION D’INFORMATION
I. à Paris :
ANNEXE N° 3 :
CHRONOLOGIE DE L’ALGERIE
PERIODE DE L’ANTIQUITE :
Emergence des royaumes de l’âge de fer. Ceux-ci évoluent progressivement : d’abord
les Gétules au sud du pays, et la fondation des Comptoirs Phéniciens au Nord, puis
les Garamantes et finalement les Numides.
Conquête du territoire de l’actuelle Algérie par l’empire romain qui le transforme en
province romaine. Christianisation de la population berbère.
439-533 :
Les Vandales conquièrent successivement la Gaule, la Galice et la Bétique (en Espagne),
l’Afrique du Nord et les îles de la Méditerranée occidentale lors des Grandes invasions, au
Vème siècle. Période du « royaume vandale d’Afrique ».
533-647 :
Domination byzantine.
641-711 :
Conquête militaire arabe du Maghreb, qui devient une province omeyyade. Islamisation des
populations algériennes.
911 :
Les armées fatimides détruisent le royaume berbère de Tahert (région d’Oran).
1453 :
Prise de Constantinople par les Ottomans. Fin de l’Empire romain d’Orient
dénommé byzantin depuis).
1587 :
L’Algérie devient une régence dépendant de l’Empire ottoman.
1804-1827 :
Soulèvements tribaux et confrériques à travers toute l’Algérie.
— 106 —
1827:
Suite d’une dispute au sujet d’une dette française impayée, le dey d’Alger (titre
des régents d’Alger sous la domination de l’Empire ottoman, de 1671 à 1830) convoque le
consul de France en avril. Crise diplomatique franco-algérienne.
1830 :
14 juin : les troupes françaises débarquent à Siddi-Ferruch. Après la prise d’Alger, le 5
juillet, le dey Hussein Khodja capitule.
1832 :
Novembre : l’émir Abd El-Kader proclame le djihad contre les Français.
1834 :
24 février : annexion officielle de l’Algérie par ordonnance royale.
1837 :
30 mai : signature du Traité de la Tafna, suite auquel la France reconnaît la souveraineté
d’Abd El-Kader ben Muhieddine (homme politique et un chef militaire considéré,
en Algérie, comme étant à l’origine de l’État algérien moderne et le symbole de la résistance
algérienne contre le colonialisme et l’oppression française) sur les deux tiers du territoire
algérien. Elle conserve toutefois plusieurs « possessions », dont Alger, Blida et Oran.
13 octobre : les troupes françaises s’emparent de Constantine.
1843 :
Mai : prise de la smalah d’Abd El-Kader par le duc d’Aumale et massacres de populations
civiles par les Français.
1847 :
23 décembre : Abd El-Kader se rend.
1848 :
12 novembre : l’Algérie est officiellement proclamée « territoire français ».
1870 :
24 octobre : promulgation du décret Crémieux, qui accorde la nationalité française aux Juifs
d’Algérie.
1881 :
Juin : Jules Ferry fait adopter le code de l’indigénat, qui instaure un régime juridique spécial
pour les Algériens de confession musulmane. L’Algérie est entièrement intégrée à la France
par le « système des rattachements ».
— 107 —
1889 :
26 juin : adoption d’une loi qui accorde la nationalité française à tous les descendants
d’Européens présents en Algérie, mais pas aux musulmans.
1912 :
Janvier : décrets qui astreignent les musulmans au service militaire.
1914-1918 :
Sur les 173.000 soldats appelés et engagés d’Algérie, 25.000 Algériens musulmans et 22.000
Européens sont tués au cours de la première guerre mondiale.
1926 :
20 juin : création de l’Etoile nord-africaine (ENA), dont Ahmed Messali (Messali Hadj) est
élu secrétaire général. Le mouvement, qui réclame l’« indépendance de l’Afrique du Nord »,
sera interdit en 1929.
1936 :
Novembre : le projet Blum-Viollette sur l’octroi de la pleine citoyenneté française à une élite
de 21.000 Algériens musulmans est refusé par les colons et par les indépendantistes.
1937 :
11 mars : Messali Hadj crée à Alger le Parti du peuple algérien (PPA).
1939 :
Septembre : le PPA est dissous, et ses principaux leaders sont arrêtés.
1940 :
Octobre : le régime de Vichy abolit le décret Crémieux (qui accordait, depuis 1870 la
nationalité française aux Juifs d’Algérie).
1942 :
Débarquement des alliés à Alger.
1943 :
Mai : présentation par Ferhat Abbas du Manifeste du peuple algérien, qui revendique
l’égalité totale entre Musulmans et Européens d’Algérie. Ce texte est rejeté par le Comité
français de la libération nationale (CFLN), fondé à Alger le 3 juin.
Décembre : dans un discours prononcé à Constantine, le général de Gaulle annonce une série
de réformes concernant les droits civiques des Algériens.
— 108 —
1944 :
7 mars : le Général de Gaulle signe une ordonnance qui supprime le code de l’indigénat et
accorde la nationalité française à 65.000 Algériens.
1945 :
8 mai : De violentes émeutes éclatent à Sétif. Plusieurs dizaines d’Européens sont tués. La
répression fait plusieurs milliers de victimes, dans les régions de Sétif, Guelma et Kherrata
(entre 15.000 et 45.000 selon les estimations).
1946 :
Mai : Ferhat Abbas fonde l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA).
Octobre : Messali Hadj crée le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques
(MTLD).
1954 :
Avril : création du Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action (CRUA) par un groupe de
militants du PPA déterminés à entrer dans la lutte armée en constituant un front commun. Le
CRUA est transformé en Front de libération nationale (FLN)
1er novembre : début de la guerre d’indépendance.
Décembre : création du Mouvement national algérien (MNA) par les partisans de Messali
Hadj.
1955 :
Le Parlement français vote l’état d’urgence.
20 août : soulèvement de milliers de paysans de la région de Constantine.
27-30 septembre : débats aux Nations unies sur la « question algérienne ».
1956 :
16 mars: l’Assemblée nationale accorde les pouvoirs spéciaux au gouvernement de Guy
Mollet.
Août: le premier congrès du FLN aboutit à la création du Comité national de la révolution
algérienne (CNRA).
1957 :
Janvier-octobre : bataille d’Alger.
1958 :
13 mai : l’armée prend le pouvoir en Algérie et crée le Comité de salut public, dirigé par le
général Massu.
1er juin : à Paris, le général de Gaulle est investi comme président du Conseil.
— 109 —
1959 :
16 septembre : au cours d’une allocution, de Gaulle reconnaît le droit à l’autodétermination
des Algériens par la voie du référendum.
1960 :
24 janvier : « Semaine des barricades » à Alger : des colons dirigés par Pierre Lagaillarde
appellent au soulèvement des Européens au nom de l’Algérie française. Ils se rendent le
1er février.
5 septembre : ouverture du procès du réseau d’aide au FLN animé par Francis Jeanson. Des
intellectuels favorables à l’indépendance publient le « Manifeste des 121 ».
19 décembre : l’Assemblée générale des Nations unies reconnaît le droit de l’Algérie à
l’indépendance.
1961 :
8 janvier : le référendum sur la politique d’autodétermination voit un large succès du « oui »,
en France comme en Algérie.
Février : des activistes européens constituent l’Organisation armée secrète (OAS).
Avril : échec du « putsch des généraux ».
17 octobre : la répression policière d’une manifestation algérienne pacifique à Paris fait une
centaine de morts.
1962 :
18 mars : signature des accords d’Evian qui se traduisent par un cessez-le-feu immédiat sur
tout le territoire algérien.
8 avril : Ratification de l’indépendance algérienne par référendum en France.
5 juillet : Proclamation de l’indépendance de l’Algérie.
Juillet - octobre : exode des Européens d’Algérie.
1963 :
8 septembre : la Constitution est adoptée par référendum.
15 septembre : Ahmed Ben Bella est élu président de la République. Il instaure un régime de
parti unique. Quelques jours plus tard, Hocine Aït Ahmed crée le Front des forces socialistes
(FFS) et entre en dissidence en Kabylie.
— 110 —
1964 :
Juin : les troupes françaises se retirent d’Algérie, mais restent présentes à Mers El-Kébir et
au Sahara.
1965 :
19 juin : le colonel Houari Boumediène renverse Ahmed Ben Bella.
Juillet : abrogation de la Constitution.
1966 :
Mai : nationalisation des mines et des compagnies d’assurances étrangères. Signature
d’accords de coopération avec la France.
1967 :
Mai : l’armée française quitte les bases de Reggane et Bechar.
Juin : l’Algérie rompt ses relations diplomatiques avec les Etats- Unis à la suite de la guerre
des six jours entre Israël et les armées arabes.
Décembre : coup d’Etat avorté contre Houari Boumediène.
1971 :
24 février : nationalisation des hydrocarbures: l’Etat acquiert 51 % des avoirs des sociétés
pétrolières françaises présentes en Algérie.
Novembre : le gouvernement lance la « gestion socialiste des entreprises » (GSE) et la
« révolution agraire ».
1973 :
Septembre : Alger accueille le IVème sommet des pays non alignés.
1974 :
Avril : lors d’un discours prononcé aux Nations unies, Houari Boumediène prône
l’instauration d’un nouvel ordre économique international.
1975 :
Avril : Valéry Giscard d’Estaing se rend en Algérie. Première visite d’un président français
depuis l’indépendance.
1976 :
27 juin : la Charte nationale est approuvée par référendum.
27 novembre : la Constitution est approuvée par référendum.
Décembre : Houari Boumediène, unique candidat en lice, est élu président.
— 111 —
1978 :
27 décembre : mort de Houari Boumediène.
1979 :
7 février : l’élection présidentielle est remportée par le colonel Chadli Bendjedid.
1980 :
Avril : « Printemps berbère » : émeutes à travers toute la Kabylie pour la reconnaissance de
la culture berbère.
1981 :
Novembre : lors d’un déplacement à Alger, François Mitterrand propose que les rapports
franco-algériens soient « un symbole des relations nouvelles entre le Nord et le Sud ».
1983 :
Novembre : visite du président Chadli à Paris, la première d’un chef d’Etat algérien depuis
l’indépendance.
1986 :
Novembre : manifestations étudiantes à Sétif et Constantine.
1988 :
4-10 octobre : de violentes émeutes à Alger et dans le reste du pays font plusieurs centaines
de victimes (600 morts selon un bilan officieux). L’état de siège est déclaré.
Décembre : Chadli Bendjedid est réélu après avoir promis des réformes politiques et
économiques.
1989 :
23 février : adoption par référendum d’une nouvelle Constitution qui ouvre la voie au
multipartisme.
18 février : création du Front islamique du salut (FIS), dirigé par Abassi Madani et Ali
Belhadj.
Septembre : légalisation du FIS.
1990 :
12 juin : le FIS remporte une large victoire aux élections municipales et régionales, premier
scrutin libre depuis l’indépendance.
Juillet : le général Khaled Nezzar est nommé ministre de la défense.
— 112 —
1991 :
23 mai : le Front islamique du salut appelle à une grève illimitée, ce qui conduit à des
affrontements entre forces de l’ordre et militants du FIS qui font des dizaines de morts.
5 juin : le premier ministre Mouloud Hamrouche, démissionnaire, est remplacé par Sid
Ahmed Ghozali. Les élections sont reportées.
30 juin : les fondateurs du FIS, Abassi Madani et Ali Belhadj, sont arrêtés.
1992 :
11 janvier : l’Assemblée nationale est dissoute et les élections annulées.
9 février : proclamation de l’état d’urgence.
4 mars : dissolution du FIS.
11 juin : soupçonné de complaisance envers le FIS, le président Bendjedid est contraint à
démissionner.
14 juin : Bendjedid est remplacé par un Haut Comité d’Etat (HCE), dirigé par Mohamed
Boudiaf. Le second tour des élections est annulé. Les violences qui s’ensuivent font près de
70 morts.
29 juin : Mohamed Boudiaf est assassiné à Annaba.
26 août : attentat à la bombe à l’aérogare d’Alger, attribué aux islamistes (huit morts et une
centaine de blessés).
1993 :
7 février : prorogation de l’état d’urgence pour une durée indéterminée. On estime à 15 000
le nombre de personnes tuées en un an.
1994 :
30 janvier : le HCE nomme le général Liamine Zeroual aux commandes de l’Etat.
Apparition des Groupes islamiques armés (GIA), dont se démarque l’ex-FIS.
24-26 décembre : prise d’otages du vol Air France 8969 à Alger et Marseille.
1995 :
13 janvier : les principales formations de l’opposition, islamistes compris, signent à Rome un
« contrat national » appelant notamment à l’arrêt des violences. Le texte est rejeté par le
pouvoir.
16 novembre : le général Zeroual remporte l’élection présidentielle dès le premier tour avec
plus de 60 % des suffrages.
1996 :
13 novembre : la réforme constitutionnelle renforçant les pouvoirs du président de la
République et interdisant les partis religieux et régionalistes est approuvée par référendum
avec plus de 85 % des voix.
— 113 —
1997 :
24 septembre : l’Armée islamique du salut (AIS), bras armé de l’ex-FIS et opposée aux GIA,
annonce une trêve à partir du 1er octobre.
23 octobre : après avoir remporté les élections législatives de juin, le Rassemblement
national démocratique (RND) du général Zeroual obtient plus de 55 % des sièges des
assemblées communales.
1998 :
Septembre : le général Zeroual annonce sa volonté de démissionner et la tenue d’une élection
présidentielle anticipée.
1999 :
15 avril : Abdelaziz Bouteflika remporte l’élection présidentielle avec 73,8 % des suffrages.
L’opposition dénonce des fraudes massives.
6 juin : l’AIS proclame l’arrêt définitif de ses opérations.
16 septembre : la loi de « concorde civile » (qui prévoit l’amnistie des militants islamistes
non impliqués dans des crimes de sang) est approuvée par référendum par plus de 98 % des
voix.
2000 :
14 juin : Allocution d’Abdelaziz Bouteflika à l’Assemblée nationale française.
26 août : Abdelaziz Bouteflika charge Ali Benflis de former un nouveau gouvernement.
2001 :
Avril : émeutes sanglantes en Kabylie après la mort d’un lycéen dans une gendarmerie.
D’importantes manifestations ont lieu à Tizi-Ouzou et à Alger.
3 octobre : le gouvernement présente un projet de réforme visant à officialiser la langue
berbère (tamazight).
2002 :
8 avril : le tamazight est reconnu langue nationale – mais non officielle – par le Parlement.
22 avril : signature, à Valence, de l’accord d’association entre l’Union européenne et
l’Algérie.
30 mai : le FLN remporte les élections législatives, boycottées par les partis kabyles.
2003 :
3-4 mars : visite d’Etat en Algérie de Jacques Chirac en Algérie. Allocution au Parlement.
Mai : Ahmed Ouyahia remplace Ali Benflis à la tête du gouvernement.
Juillet : libération d’Abassi Madani et d’Ali Belhadj, fondateurs du FIS.
— 114 —
2004 :
8 avril : Abdelaziz Bouteflika obtient 85 % des suffrages à l’élection présidentielle.
Juillet : le nouveau gouvernement signe un accord de partenariat stratégique avec la France.
2005 :
29 septembre : le projet de « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » est approuvé
par référendum à plus de 97 % des voix. Le bilan des treize années de violences est de
150 000 morts et de milliers de disparus.
2006 :
27 février : Adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.
2007 :
Mai : victoire du Front de libération nationale aux élections législatives.
9 juin : accord entre les Etats-Unis et l’Algérie sur le développement du nucléaire civil.
3-4 décembre : visite d’Etat en Algérie de Nicolas Sarkozy.
11 décembre : double attentat-suicide à Alger, qui fait 41 victimes.
2008 :
8 juin : deux bombes explosent contre une entreprise française près d’Alger (12 tués, dont un
Français).
21 juin : signature, par la France et l’Algérie, d’un accord de coopération dans le domaine de
la défense.
Août : recrudescence des attentats.
12 novembre : la Constitution est révisée, ce qui permet à Abdelaziz Bouteflika de briguer
un troisième mandat.
2009 :
9 avril : Abdelaziz Bouteflika est réélu (90,2% des suffrages) pour un troisième mandat.
2011 :
Janvier : émeutes contre le coût de la vie et le pouvoir en place (5 morts, 800 blessés), qui a
pour conséquence une baisse des prix des denrées de base.
2 février : levée de l’Etat d’urgence en vigueur depuis 1992.
12 février : marche à Alger de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie
(CNCD), neutralisée par 30 000 policiers.
15 avril : le gouvernement annonce des réformes politiques.
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12 septembre : adoption d’une nouvelle loi sur l’information qui met fin au monopole d’État
sur l’audiovisuel et organise l’ouverture au secteur privé.
3 novembre : le Parlement rejette le projet de loi sur la représentativité des femmes dans les
assemblées.
2012 :
12 janvier : les textes réformant le régime électoral, la loi sur les partis et la fin du monopole
d’Etat sur les médias audiovisuels sont promulgués.
8 mai : Bouteflika promulgue un discours dans lequel il annonce un possible changement de
génération à la tête du pays pour 2014.
10 mai : victoire du FLN et de ses alliés laïcs aux élections législatives. Défaite des partis
islamistes.
26 mai : élection de Mohamed Larbi Ould Khelifa à la présidence de l’Assemblé.
4 septembre : Abdelmalek Sellal est nommé Premier ministre.
29 novembre : élections municipales (66% d’abstention). Victoire du FLN et du
Rassemblement National Démocratique (RND).
19 et 20 décembre : Visite d’État de François Hollande.
2013 :
16-19 janvier : Prise d’otage sur le site d’exploitation gazière de Tiguentourine à In Amenas
(Sahara, Sud du pays). Les auteurs, membres du groupe armé islamiste dissident d’Al-Qaida
au Maghreb islamique « Les Signataires par le sang » réclament l’arrêt de l’intervention
française au Mali, qui est lancée cinq jours plus tard. 38 otages et 29 terroristes trouvent la
mort (source algérienne).
9-11 mars : première réunion de la grande commission interparlementaire France-Algérie à
Alger sous la co-présidence de Mohamed Larbi Ould Khelifa et Claude Bartolone.
27 avril – 16 juillet : Abdelaziz Bouteflika est hospitalisé à Paris.