Les Douzes Degres de L Humilite Extrait
Les Douzes Degres de L Humilite Extrait
Les Douzes Degres de L Humilite Extrait
Éditions Saint-Remi
2013
NIHIL OBSTAT :
Fr. P. BEURRIER,
Fr. N. BALLADUR,
cens. dep.
Imprimi potest :
Fr. JOANNES OLPHE-GALLIARD,
Abbas Sanctæ Mariæ.
Imprimatur :
Pictavii, die 1° Septembris 1951.
A. AUTEXIER,
v. g.
Éditions Saint-Remi
BP 80 – 33410 Cadillac
Tel/Fax : 05 56 76 73 38
www.saint-remi.fr
AVANT-PROPOS.
O première
demandait un jour à Démosthène quelle était la
N
qualité d’un orateur. « C’est, répondit le célèbre
Athénien, d’avoir une bonne prononciation. » On lui demanda
alors quelle était la seconde, puis la troisième. Et il fit chaque fois
la même réponse : « C’est d’avoir une bonne prononciation. »
Saint Augustin, après avoir rapporté ce trait, ajoute : « Si
maintenant vous m’interrogiez pour savoir quelle est à mon sens
la vertu la plus importante de toute la religion chrétienne, je vous
dirais que c’est l’humilité ; et autant de fois vous me poserez la
même question, je vous ferai toujours la même réponse1. »
Il n’y a pas de vérité qui soit affirmée avec plus de force par la
Sainte Écriture et par toute la tradition catholique : aussi saint
Benoît, qui ne s’est proposé autre chose dans sa Règle que de
donner la quintessence des enseignements de l’Évangile, a-t-il
ramené toutes les autres vertus à celle-là. Pour conduire son
disciple à cette « Paix », qui est sa grâce particulière et le terme
auquel est ordonnée toute son ascèse, il n’a pas trouvé de voie
plus directe et plus sûre. Quiconque la suit échappera à toutes les
ruses de l’amour-propre, à tous les pièges du démon, et arrivera
certainement à la gloire éternelle. Saint Benoît l’a décrite avec
beaucoup de soin au chapitre VII de sa Règle, la jalonnant de
douze points qu’il appelle : les XII degrés de l’humilité. Le
présent ouvrage n’est que le commentaire de ce chapitre. Nous
l’avons divisé en six livres : le premier est une manière
d’introduction à l’étude de la vertu qui nous occupe ; le deuxième
traite de la révérence envers Dieu, objet du Ier degré d’humilité ; le
troisième livre étudie la réforme de la volonté au moyen des trois
degrés suivants : IIe, IIIe et IVe ; le quatrième, la réforme de
1 Ép. à Dioscore, ch. III, 22. Pat. lat., t. XXIII, col. 442.
4 LES XII DEGRÉS DE L’HUMILITÉ
nous parlant ainsi, elle nous montre que tout élèvement est un
genre d’orgueil, contre lequel le Prophète nous apprend qu’il se
tient en garde, lorsqu’il dit : Seigneur, mon cœur ne s’est point exalté et
mes yeux ne se sont point élevés ; je n’ai point marché dans des voies
prétentieuses, ni recherché des merveilles au-dessus de moi2. Mais comment
a-t-il agi ? Si je n’ai pas eu d’humbles sentiments, si j’ai exalté mon crime,
traitez-moi comme l’enfant qu’on enlève du sein de sa mère3.
Si donc, mes frères, nous voulons atteindre le sommet de la
suprême humilité et parvenir promptement à cette élévation
céleste où l’on monte par l’humilité de la vie présente, il nous
faut, par les degrés ascendants de nos œuvres, dresser cette
échelle qui apparut à Jacob durant son sommeil et sur laquelle il
voyait des anges descendre et monter4. Cette descente et cette
montée signifient pour nous, sans aucun doute, que l’on descend
par l’élèvement et que l’on monte par l’humilité. Cette échelle
ainsi dressée, c’est notre vie en ce monde que le Seigneur élève
jusqu’au ciel si notre cœur s’humilie. Les deux côtés de cette
échelle sont, selon nous, notre corps et notre âme ; et la grâce
divine qui nous a appelés y a disposé divers échelons d’humilité et
de vie régulière qu’il nous faut monter.
1 Luc, XIV.
2 Ps. CXXX.
3 Ibid.
4 Gen., XXVIII.
CHAPITRE I
IMPORTANCE DE L’HUMILITÉ.
C mes frères...
nobis Scriptura divina... La Sainte Écriture nous crie,
LAMAT
Saint Benoît qui lisait ce livre divin non pas
seulement avec les yeux de son corps, mais avec toute l’attention
de son esprit, entendait monter des profondeurs du texte sacré,
comme un cri sans cesse répété : Quiconque s’élève sera humilié ;
quiconque s’abaisse sera élevé.
La force du mot clamat est accentuée encore par la place qui lui
est donnée en tête de la phrase et de tout le chapitre. Pourquoi
une telle insistance à nous faire entendre cet avertissement ?
Parce que c’est une vérité que la raison humaine, laissée à elle-
même, est incapable de découvrir, et qu’elle oublie sans cesse,
quand elle l’a apprise. Aucun des philosophes de l’antiquité n’a
compris la beauté de l’humilité : tous ont donné comme
fondement aux vertus qu’ils prônaient un orgueil plus ou moins
avoué, plus ou moins conscient. L’homme, laissé à ses propres
lumières, s’imagine invinciblement que c’est en s’élevant qu’il
arrivera à la gloire et à l’épanouissement de sa personnalité ; qu’en
s’humiliant, au contraire, il ne fera que se diminuer et s’avilir. C’est
pourquoi Notre-Seigneur s’est attaché avant toutes choses à
montrer la noblesse de cette vertu. Il l’a pratiquée et enseignée
avec plus de soin qu’aucune autre, si bien qu’au témoignage de
Saint Basile, on peut ramener à elle toute la doctrine qu’il a
prêchée, tous les exemples qu’il a donnés1.
E spiritualité
assignant à l’humilité cette valeur fondamentale dans la
N
chrétienne, nous ne prétendons pas dire
cependant qu’elle soit en dignité la première des vertus. Non
seulement la charité garde parmi celle-ci son rang de souveraine,
mais même, au témoignage de saint Thomas, les deux autres
vertus théologales, la foi et l’espérance, et encore la justice, ont le
pas sur elle1. C’est seulement dans l’ordre pratique que l’humilité
est la première, parce qu’elle fait fonction, disent les théologiens,
de removens prohibens : elle écarte l’obstacle dont la présence arrête la
grâce de Dieu et empêche notre rénovation intérieure, obstacle
qui n’est autre que l’orgueil.
Ce vice, en effet, est la cause unique de toute la misère dont
souffre le monde. Il est le principe de tous nos égarements. Dans
la balance de nos comptes intimes, il inscrit à notre actif la
propriété et le mérite des dons que nous avons reçus de notre
Créateur, et ainsi il nous incline à nous camper en face de lui
comme si nous valions quelque chose par nous-mêmes ; comme
si nous possédions le privilège incommunicable de la divinité :
l’aséité2 ; comme si nous étions, nous aussi, des dieux. Il nous fait
dire, à la suite de l’évêque de Laodicée, dans l’Apocalypse : Je suis
1 2. III, 17.
2 Élévations sur les Mystères, IVe Sem.
L’ÉCHELLE DE JACOB, DE LA RUINE DES ANGES 11
1 Ephes., IV, 9. « Quod autem ascendit quid est, nisi quia et descendit primum
T piété, toutes
OUTESles pratiques de mortification, tous les exercices de
les œuvres même de charité, risquent de
devenir un principe de corruption pour celui qui s’y livre, s’ils ne
sont pas accompagnés d’humilité.
En effet, l’orgueil perpétuellement sécrété dans l’âme par la
malice originelle s’insinue partout, s’attaque à tout, s’empare de
tout. Ver rongeur de la vie spirituelle, il stérilise tous les efforts,
détruit les racines des vertus, rend impossible l’union de l’âme
avec Dieu. Les périls qu’il fait courir à celle-ci sont si nombreux
qu’on peut leur appliquer les mots de saint Paul : périls sur terre,
périls sur mer, périls dans la solitude, périls parmi les faux frères.
Saint Antoine eut un jour une vision dans laquelle Dieu lui
montra un vaisseau ballotté sur une mer houleuse, hérissée de
récifs. C’était la figure des innombrables pièges que le démon
tend aux hommes dans leur pèlerinage ici-bas. Comme le saint se
disait avec effroi que le naufrage était inévitable, une voix lui
répondit : Humilitas solo pertransit. Seule, l’humilité peut passer au
travers.
L’humilité est le seul élément dont la présence ou l’absence
permette de reconnaître infailliblement les œuvres de Dieu de
leurs contrefaçons. Lorsqu’elle fait défaut, toutes nos vertus
apparentes ne sont que des vices déguisés.
Voici par exemple une personne très éprise d’oraison, au point
de paraître vraiment et constamment fixée en Dieu. Mais par
ailleurs on remarque qu’elle perd son calme devant les imprévus
et les contretemps. En voici une autre qui goûte dans la sainte
communion les plus grandes douceurs, et qui, avec cela, refuse de
14 LES XII DEGRÉS DE L’HUMILITÉ
E montre,
répétant que quiconque s’élève sera humilié, l’Écriture nous
N
continue saint Benoît, que toute exaltation est un
genre d’orgueil ; entendez produit, un fils de l’orgueil. C’est
incontestablement le sens qu’il faut attribuer ici au mot genus
comme dans ce passage de l’Apocalypse où Notre-Seigneur se
déclare lui même genus David, pour dire : le Fils de David. Tout
mouvement d’exaltation, qu’il soit suffisance, mépris du prochain,
révolte, etc. ... naît de l’orgueil, procède de lui, manifeste sa
présence dans l’âme. Aussi le Psalmiste mettait-il le plus grand
soin à en préserver son cœur, ses regards, sa démarche, les
œuvres qu’il entreprenait. Il a exprimé ses sentiments intimes à ce
sujet danse le Psaume CXXXI que saint Benoît reproduit ici
presque en entier, pour nous inviter à faire comme ce saint roi.
Seigneur, dit-il, Vous dont le regard pénètre jusqu’au fond des
cœurs, Vous que nul ne peut tromper sur ses sentiments même
les plus secrets, Vous savez que, malgré les bienfaits insignes dont
vous m’avez comblé, malgré la victoire que j’ai remportée sur
Goliath et les défaites que j’ai infligées aux ennemis de votre
peuple, malgré mon accession au trône d’Israël et la faveur dont
je jouis auprès des foules, mon cœur ne s’est point exalté. Je n’ai pas
cherché à m’attribuer le mérite de ces hauts faits ; — Et mes yeux
ne se sont pas élevés, je ne me suis pas cru le droit de regarder de
haut les autres hommes et de les mépriser.
Je n’ai pas passé au milieu de mes contemporains en cherchant à
les éblouir par mon faste, en accomplissant des œuvres grandioses,
comme font les souverains qui veulent graver leur nom dans la
L’ÉCHELLE DE JACOB, PARAPHRASE SUR LE PSAUME CXXXI 17
1 Ps. CI, 8.
CHAPITRE V
LES FONDEMENTS DE LA PAIX.
S contraire
l’orgueil est la racine de tous les péchés, l’humilité au
I
établit dans notre âme un terrain propice à la
croissance de toutes les vertus. Elle est source de lumière : nous
lisons au deuxième verset du livre de la Genèse que, au
commencement du monde, la terre était vide et déserte, — inanis
et vacua. Dans les versets suivants, Dieu dit : Que la lumière soit !
Puis il embellit notre planète par le travail des six jours. C’est là
une image de ce qui se passe dans le monde moral. La terre
représente notre âme : pour que Dieu envoie à celle-ci la lumière
de la discrétion, mère de tontes les vertus ; pour qu’il la pare de fleurs
et de fruits, c’est-à-dire de bonnes pensées et de bonnes œuvres, il
faut d’abord qu’elle commence par être, elle aussi, inanis et vacua.
Le sens du mot : inanis se tire du texte de saint Paul où il est dit de
Notre-Seigneur : Exinanivit semetipsum, il se réduisit à néant. Lui
qui était le Fils de Dieu et le premier né de toutes les créatures, il
se fit le dernier de tous, il se mit au rang du ver de terre. À son
image, il faut que l’âme commence elle aussi par s’anéantir :
qu’elle comprenne qu’elle n’est rien par elle-même, qu’elle n’a pas
d’être à proprement parler, inanis ; et qu’elle est vide — vacua —
c’est-à-dire, qu’elle ne possède rien, qu’elle ne produit rien de bon
par elle-même, ni bonnes œuvres, ni bonnes pensées, ni mérites,
ni rien du tout.
Alors, comme la Très Sainte Vierge, elle attire sur elle le regard
de Dieu, ce regard qui, semblable au rayon du soleil dans l’ordre
naturel, est, dans le domaine surnaturel, le principe de toute
croissance, de tout développement, de tout progrès. Alors, elle
20 LES XII DEGRÉS DE L’HUMILITÉ
Avant-Propos. .............................................................................................. 3
Livre premier L’échelle de Jacob. ............................................................... 5
Chapitre I Importance de l’humilité. .........................................................6
Chapitre II De la ruine des anges..............................................................9
Chapitre III Les signes des deux royaumes. .............................................13
Chapitre IV Paraphrase sur le psaume CXXXI. .......................................16
Chapitre V Les fondements de la Paix. ...................................................19
Chapitre VI Trois remarques préliminaires. .............................................23
Chapitre VII La vision de Jacob. ............................................................26
Chapitre VIII Les anges sur l’Échelle. .....................................................30
Livre deuxième La révérence envers Dieu.................................................35
Chapitre I La crainte de Dieu. ................................................................38
Chapitre II De la réforme de la mémoire. ...............................................42
Chapitre III De l’Y, et de sa signification mystique. .................................45
Chapitre IV Le petit de l’onagre. ............................................................47
Chapitre V De l’enfer. ...........................................................................51
Chapitre VI Du péché d’Adam et de ses suites. .......................................55
Chapitre VII De la vie éternelle. .............................................................61
Chapitre VIII De la circoncision spirituelle. ............................................67
Chapitre IX De l’omniprésence de Dieu. ................................................70
Chapitre X Du rôle des anges.................................................................75
Chapitre XI Du sanctuaire de l’âme. .......................................................78
Chapitre XII De la volonté propre. ........................................................82
Chapitre XIII D’un double danger à éviter. .............................................85
Chapitre XIV Des désirs de la chair. .......................................................89
Livre troisième Le règlement de la volonté................................................93
Chapitre I De la double opération de la volonté. .....................................95
Chapitre II Le deuxième degré d’humilité. ..............................................97
Chapitre III Remarques sur une citation. ..............................................101
Chapitre IV De la nécessité d’une discipline. .........................................104
Chapitre V Le troisième degré d’humilité. .............................................108
292 TABLE DES MATIÈRES