La Responsabilité Pénale Des Personne Morales
La Responsabilité Pénale Des Personne Morales
La Responsabilité Pénale Des Personne Morales
Sémestre1 :
1
Sommaire :
Introduction
Première partie : La notion de la responsabilité pénale des personnes morales
Chapitre I : La conception jurisprudentielle et doctrinale
Chapitre II : La position du législateur français et marocain
Deuxième partie : le régime juridique de la responsabilité pénale des personnes
morales
Chapitre I : Le champ d’application de la responsabilité pénale de la personne
morale
Chapitre II : Le régime répressif de la responsabilité pénale de la personne
morale
Conclusion
2
Introduction :
Le bon sens voudrait que l’on commence par définir ce qu’est la responsabilité,
le contexte de son développement avant de se projeter sur notre thème : la
responsabilité pénale de personnes morales.
Le terme « responsable » a plusieurs sens. Etymologiquement, être responsable
signifie « répondre de ses actes ». Juridiquement parlant, la même définition est
admise. Cependant, on doit distinguer entre plusieurs types de responsabilité
dont les plus connues sont la responsabilité civile et pénale.
Selon un dicton juridique : « Qui casse paye »1, ce principe était originairement
partagé par la responsabilité pénale et civile.
Toutefois, l’évolution de la responsabilité civile sera orientée vers la réparation
du dommage causé à autrui, soit par son fait personnel, mais aussi pour les
personnes et les choses pour lesquelles l’on doit répondre.
En revanche, la responsabilité pénale est restée fidèle au principe de la
personnalité2. Jadis, les rédacteurs du code pénal français reconnurent
expressément l’irresponsabilité pénale des personnes morales. Cette position fut
consacrée par la jurisprudence française, notamment dans un arrêt du 8 Mars
1883 de la Cour de cassation3 . Cette conception de la personne morale et de sa
responsabilité pénale fut l’objet d’énorme critique par une partie de la doctrine
partisane de la responsabilité pénale des personnes morales.
A partir du XXème siècle, la naissance des multinationales ou société
transnationale et le développement industriel et commercial mettaient en
exergue la criminalité des personnes morales. La nécessité d’un encadrement
juridique de ces sociétés s’imposait, mais plus particulièrement, leur
responsabilité pénale.
Dans quelle mesure peut-on engager la responsabilité pénale des personnes
morales ou encore quelles sont les conditions nécessaires pour l’établissement
d’une infraction pénale commise par une personne morale par le juge répressif ?
Et quelles sont les sanctions infligées à ces dernières ?
1
Didier R.Martin, Droit commercial et bancaire marocain P.97. Voir aussi dans le même sens, l’art.77
D-O-C.
2
Art.121-1 du code pénal français « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ».
3
Cour de Cassation : « l’amende est une peine, et toute peine est personnelle sauf les exceptions
spécialement prévues par la loi, elle ne peut donc être prononcée contre un être morale, lequel ne peut
encourir qu’une responsabilité civile ». La responsabilité pénale des sociétés dans le droit libanais et le
droit français, Maitre Salam H. Abdel Samad ; édit, Alpha L.GDJ.
3
Dans cet exposé, il sera détaillé de prime abord, la notion de la responsabilité
pénale des personnes morales (Partie I) et pour terminer on analysera le champ
d’application et le régime juridique de la responsabilité pénale des personnes
morales (Partie II).
4
Première partie : La notion de la responsabilité pénale des
personnes morales
La responsabilité pénale des sociétés fut l’objet d’une controverse doctrinale et a
suscité un long débat surtout en droit comparé. On doit souligner que la
responsabilité civile d’une personne morale ne posait aucun problème.
Cependant, la jurisprudence et la doctrine étaient en désaccord sur la
responsabilité pénale des personnes morales pour des raisons différentes. On
développera successivement la conception jurisprudentielle et doctrinale de la
responsabilité pénale des personnes morales (Chapitre I) et la position adoptée
par le législateur français et marocain (Chapitre II).
Chapitre I : La conception jurisprudentielle et doctrinale
On étudiera d’une part, la jurisprudence et la doctrine en faveur de
l’irresponsabilité pénale des personnes morale (Section I) et d’autre part, la
jurisprudence et la doctrine partisane de la responsabilité pénale (Section II).
Section I : La jurisprudence et la doctrine contre la responsabilité
pénale des sociétés
A- La jurisprudence :
La Cour de cassation française dans un arrêt de la chambre criminelle du 8 Mars
1883, DP 1884, I 428 Bull. n°61 p147 affirma que : « l’amende est une peine, et
toute peine est personnelle sauf les exceptions spécialement prévues par la loi,
elle ne peut donc être prononcée contre un être moral, lequel ne peut encourir
qu’une responsabilité civile ».
Il ressort de cet arrêt un principe, celui d’irresponsabilité pénale des personnes
morales. La jurisprudence a plusieurs fois rappelée « qu’une personne morale ne
peut être pénalement poursuivie que si la loi le décide expressément »4. La
jurisprudence fondait ces décisions surtout sur les motifs suivants :
- La personne morale n’a pas de volonté propre ;
- La capacité de la personne morale est limitée à son objet ;
- L’absence de sanctions pénales adaptées.
B- La doctrine classique :
4
Jurisprudence : Arrêt de la chambre criminelle, 8 Mars 1968, Bull. crim. n°61, p147. Voir aussi Ph.
Merle, Droit commercial, société commerciale, 11 è édit, Dalloz, 2007, n°97, pp.129 et S.
5
Pour la doctrine classique5, il est impossible d’incriminer pénalement une
personne morale. Pour justifier leur thèse, elle avançait cinq arguments.
Premier argument : La fiction de la personne morale
En effet, la célèbre phrase de Gaston Jèse est pertinente en ce sens « je n’ai
jamais déjeuné avec une personne morale ». Par conséquent la personne morale
n’a pas un portrait physique et ne peut commettre une infraction ni être
responsable pénalement puisque l’élément moral ferait défaut. Il s’agit d’une
entité dépourvue de volonté car il faut la dissocier de ses fondateurs.
Deuxième argument : La spécialisation de la personne morale
Ce principe considère en effet que la personne morale ne saurait dépasser son
objet social qui est d’ailleurs licite puisqu’il est conforme à la loi.
Troisième argument : L’intérêt des dirigeants non coupables
Cet argument postule que la condamnation de la personne morale pourrait
causer un préjudice à l’intérêt des dirigeants qui n’ont commis aucune
infraction.
Quatrième argument : L’incompatibilité du régime juridique des peines à la
personne morale :
La responsabilité pénale correspond uniquement à la personne physique. Elle ne
saurait être appliquée à une personne morale puisque cette dernière est
dépourvue de volonté et de discernement6. Comment pourrait-on par exemple
emprisonner une personne morale ?
Enfin, pour les classiques seuls les dirigeants sont responsables des infractions
pénales commises dans le cadre de l’activité sociale puisque la personne morale
est irresponsable pénalement.
Section II : la jurisprudence et la doctrine partisane de la
responsabilité pénale des personnes morales
Certaines jurisprudences et doctrine considéraient les arguments avancés par les
jurisprudences et la doctrine vues supra comme faibles. Ainsi, elles essayèrent
d’élargir la responsabilité pénale aux personnes morales. On analysera d’un
côté, la jurisprudence en faveur de la responsabilité pénale des personnes
morales (A) et de l’autre côté, la doctrine moderne (B)
5
Doctrine classique : Vidal, Magnol, Donnedieu de Vabres, Bouzat et Pinatel, Mestre, Gabara et
Richier, fasc. Préc., n°5, p6 : les arguments avancés contre la responsabilité pénale des personnes
morales.
6
Discernement : Cour d’Appel d’Orléans 26 Avril 1941, J.C.P., 1942, p 20341.
6
A- La jurisprudence partisane de la responsabilité pénale des personnes
morales :
A côté des jurisprudences consacrant l’irresponsabilité pénale des personnes
morales, certains tribunaux, notamment français admettait un principe contraire
à l’irresponsabilité pénale. Ils s’inspirèrent de l’ancien droit7 qui admettait la
responsabilité pénale des personnes morales.
C’est dans ce sens que la Cour de cassation française dans un arrêt du 6 Août
1829 connu sous le nom de « l’affaire Devillez Bodson C. Min pub » condamna
une société minière pour des faits commis par ses ouvriers et agents en
contravention à l’article 96 de la loi du 21 Avril 1810 sur la police des mines8.
Outre, quelques rares arrêts fondaient leur décision sur des « textes répressifs ne
distinguant pas entre personne physique et personne morale » pour sanctionner
pénalement les sociétés. Cette pratique est illustrée par « l’affaire Frishel et
société St Martin, Legesse, Neveu et Cie9 .
B- La doctrine moderne :
Suite au développement industriel et commercial au XXe siècle, en plus de la
naissance des multinationales, on assista à la délinquance des groupements de
société. Il fallut donc reconnaitre qu’un groupement de société10 tout comme une
personne physique devrait être responsable pénalement.
La doctrine moderne proposait sa théorie à travers une série de critiques des
arguments avancés par les classiques vus supra d’une part. D’autre part, elle
proposait des sanctions applicables et compatibles aux personnes morales.
Première critique : La capacité
La doctrine moderne postule que la personne morale peut contracter et être
responsable civilement et par conséquent, elle est capable11. Elle a donc une
volonté et peut être condamnée pénalement.
Deuxième critique : La sanction
7
Ancien droit : la grande ordonnance criminelle de 1670.
8
R. Valeur, la responsabilité pénale des personnes morales dans les droits français et anglo-
américains, éd, Marcel Giard, Paris 1931 ; n°41, p24 ; op. cit. Maitre Salam H. Abdel Samad.
9
Cass. Crim. 4 Novembre, 1898 : R. Valeur, Op, cit. M. Salam H. Abdel Samad p19.
10
Article sur les activités des sociétés transnationales et la nécessité de leur encadrement juridique,
publié le 03/05/2001 par les auteurs Cetim ; Q. Nicolas, éd de CETIM/ AAJ Genève, 4-5 Mai 2001.
11
Emanuel Drayer, Droit pénal général, 2ème édition, p711 : « les personnes morales n’ont ni chair, ni
sang, pourtant, elles ont des organes. Elles n’ont ni sentiment, pourtant, elles ont une volonté. Elles
sont invisibles mais agissent et peuvent même se voir reprocher leur inaction. Elles n’ont pas de
domicile, pourtant, elles ont un siège, etc. ».
7
La doctrine moderne trouve la sanction pénale plus dissuasive par rapport à une
sanction civile ou disciplinaire.
Troisième critique : L’élément moral
Pour la doctrine moderne il faut plutôt apprécier l’élément moral de l’infraction
à travers la volonté collective des actionnaires ou des associés matérialisés par
les assemblées générales.
Quatrième critique : La réalité de la personne morale
La doctrine moderne répond à la doctrine classique que la personne morale n’est
pas une fiction. C’est un être réel qui a un intérêt différent de ceux des associés
et créanciers des associés puisque ces derniers ne peuvent saisir les biens de la
société et vice versa.
Enfin, la doctrine moderne est favorable à une suppression du principe de
spécialisation des personnes morales. Cette idée constituait un frein à
l’incrimination de la personne morale par le juge répressif. Par exemple, la
société peut commettre une infraction de corruption alors que son activité est
licite et légitime. Pour les auteurs de la doctrine moderne, il s’agit n’ont pas de
condamner les commettants irresponsables mais l’organe représentant la
personne morale.
Chapitre II : La position adoptée par le législateur français et
marocain
Théoriquement et pratiquement, la responsabilité pénale des personnes morales
a connu beaucoup de mutations d’où on verra la position adoptée par le
législateur français (Section I) et le législateur marocain (Section II).
Section I : la position adoptée par le législateur français
On analysera la position du législateur français avant 1994 date d’entrée vigueur
du nouveau code pénal français (A) et son attitude après l’entrée vigueur du
nouveau code adoptée le 22 juillet 1992 par rapport à la responsabilité pénale
des personnes morales (B)
A- La période antérieure au nouveau code pénal français de 1992
Avant 1994 date d’entrée en vigueur du nouveau code pénal français, le
législateur français ne disait mot sur la responsabilité pénale des personnes
morales. Ainsi, en application du principe légaliste selon lequel « pas de peine,
pas d’infraction, sans loi », le juge répressif s’abstenait d’incriminer les sociétés.
Cependant, devant des infractions de droit commun telles que l’abus de
8
confiance, le faux et l’usage du faux… étaient retenus contre certains dirigeants
malhonnêtes.
En revanche, on doit noter le projet de loi de 1978 prévoyait la responsabilité
pénale des personnes morales, notamment dans son article 37 et 38. A côté de ce
projet, on peut citer d’autre textes tels que : l’ancien code commerce12…
B- Le nouveau code pénal français et l’instauration de la responsabilité
pénale des personnes morale
Le législateur français a dans un premier temps reconnu la responsabilité pénale
de la personne morale13 à l’exception de l’Etat.
Par ailleurs, il adopta la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 appelée « loi Perben II »
qui supprima le principe de spécialisation de la personne morale. Par
conséquent, on peut désormais engager la responsabilité pénale des personnes
morales pour toute infraction pénale : crime, délit, contravention.
Section II : la position adoptée par le législateur marocain
Il faut dire que le législateur marocain à l’instar de son homologue français ne
prévoyait pas la responsabilité pénale des personnes morales avant 1962 (A). On
doit tout de même souligner que le législateur marocain a reconnu la
reconnaissance des personnes morale pendant trois décennies avant son
homologue français soit en 1962 (B).
A- La position du législateur marocain avant 1962
Pour ne pas perdurer à se répéter, on dira tout simplement que le législateur
marocain tout comme son homologue français ne reconnaissait pas la
responsabilité pénale de la personne morale avant 1962.
B- L’attitude du législateur marocain à partir de 1962
Le législateur marocain énonçait expressément au terme de l’article 127 du
code pénal que les personnes morales ne peuvent être condamnées qu’à des
12
L 470-1 ancien code pénal : solidarité de la personne morale dans la peine prononcée contre ses
dirigeants.
13
L 121-2 du nouveau code pénal : « les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables
pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur
compte, par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des
infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de convention de
délégation de service public.
La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou
complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3».
9
peines pécuniaires et aux peines accessoires prévues sous les numéros 514, 615,
716 de l’article 36. Elles peuvent être soumises aux mesures de sûretés de
l’article 62.
En somme, on peut dire que la jurisprudence et la doctrine classique de par leur
argument craignait un retour à une personnalité pénale collectives ou une
dérogation au principe de la personnalisation de la peine.
En revanche, on peut dire que les partisans de la responsabilité pénale ont pu
démontrer que la personne morale peut être reconnue responsable pénalement.
Et qu’il existait des sanctions adéquates telles que : la dissolution = peine de
mort, la fermeture et l’interdiction de travail = peines privatives ou restrictives
de la liberté, l’amende, la confiscation et la limitation de certains privilèges
comme = contraventions.
Toutefois qu’en est-il de la réalité de nos jours après la consécration de la
responsabilité pénale des personnes morales de nos jours ?
14
Art.36 ; 5 « la confiscation partielle des biens appartenant au condamné, indépendamment de la
confiscation prévues comme mesure de sureté par l’article 89.
15
6 : la dissolution de la personne juridique.
16
7 : la publication de la décision de condamnation.
10
Deuxième partie : Le champ d’application et le régime répressif
de la responsabilité pénale de la personne morale
Chapitre I : Le champ d’application de la responsabilité pénale de
la personne morale
A- La nature de la responsabilité pénale de la personne morale :
La détermination de la nature de la responsabilité pénale de la personne morale
ne paraît être une chose aisée dans la matière pénale.
C’est un sujet qui fait couler beaucoup de salives.
En effet, deux conceptions s’affrontent à ce propos, d’un côté le principe posé
par le législateur et de l’autre, la jurisprudence.
A lecture de l’article 121-2 CP français, on peut remarquer que le législateur
conditionne la responsabilité pénale de la personne morale par la commission
d’une infraction par un organe ou un représentant, personne physique. Dans
cette hypothèse, la responsabilité pénale de la personne morale serait par
ricochet donc indirecte.
Secundo, l’infraction commise n’est imputable à la personne morale que si
qu’elle a été pour le compte de cette dernière. Ainsi cette seconde condition
laisse à penser que la responsabilité pénale de la personne morale serait
autonome.
Cependant, la question de la nature de la responsabilité pénale de la personne
morale est loin d’être tranchée.
Ainsi, la jurisprudence dans plusieurs interventions met en cause la théorie de la
responsabilité indirecte17 en estimant que l’intervention d’une personne
physique n’est toujours pas nécessaire pour établir la responsabilité de la
personne morale (crim 2 décembre 1997).
Toujours dans la même lancée, on s’en souvient toutefois que l’alinéa 3 de
l’article 121-2 du CP, prévoit que la responsabilité pénale des personnes morales
n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes
faits18.
17
A.-M. Boisvert, Document de discussion sur la responsabilité pénale des personnes morales, in
Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada,
http://www.ulcc.ca/fr/criminal/index.cfm?sec=3&sub=3e ; J.-C. Hebert, La responsabilité pénale des
organisations, http://www.ciaj-icaj.ca/english/publications/2004/678H%E9bert.pdf 50
18
B. Bouloc, préc. p. 12.
11
Il ressort de cette formule négative que l’on peut retenir les deux responsabilités
mais sans pour autant l’imposer.
Dans moult de ses interventions, la jurisprudence met l’accent sur le fait qu’il
n’était pas nécessaire de chercher à identifier l’organe ou le représentant po ur
pouvoir engager la responsabilité de la morale alors que même cela serait
impossible (crim 21 juin 2000 Bull. n° 128, Crim 25 juin 2008, 8 septembre
2004 pourvoi n°03-85826, crim 26 octobre 2004 Bull, n°254.).
Cependant, avec la modification de l’article 121-3 issue de la loi du 10 juillet
2000 dite Fauchon19 qui a précisé la définition des délits non intentionnels a eu
pour effet de permettre d’engager la responsabilité pénale des personnes morale
alors même que celle des personnes physiques n’est plus susceptible de l’être.
B- L’étendue de la responsabilité de la personne morale :
En vue d’éviter un bouleversement du droit positif, le législateur français dans le
nouveau code pénal a prévu que les personnes morales n’étaient responsables
pénalement que dans les cas expressément prévus la loi ou le règlement.
Cependant, cette limitation a été supprimée par l’article 54 de la loi du 9 mars
2004 dite Perben II qui retenu le principe de la spécialité. Ainsi, toute décision
d’une juridiction de fonds qui ira à l’encontre de ce principe encourt la cassation
pour défaut de base légale (chambre criminelle du 9 mai 2001).
Plus tard, cette responsabilité sera élargie à toutes les infractions mais en tenant
compte de l’élément moral20 pour pouvoir déclencher le mécanisme. Ainsi,
quand l’infraction était non intentionnelle, la responsabilité pénale de la
personne morale était automatiquement engagée le cas échéant, il fallait
identifier la personne21 à l’origine de l’infraction (crim 5 février 2003 bull n°24,
circulaire du 13 février 2006).
Parlant de cette responsabilité pénale tout à fait particulière, il est important de
souligner que celle-ci diffère selon qu’il s’agit d’une personne morale de droit
privé et droit public.
S’agissant des personnes morales de droit privé, elles sont toutes pénalement
responsables exception en droit pénal de presse.
19
Cass. crim., 24 oct. 2000, Bull. 308, D. 2002, 514, note J.-C. Planque; JCP 2001, II, 10535, M.
Daury-Fauveau
20
Y. Mayaud, Droit pénal général, PUF 2007, 2e éd., n° 372
21
Cass. crim., 20 juin 2006, Bull. 188 : inutile de préciser l’identité de l’auteur du manquement, le fait
qu’un organe ou un représentant ait commis la faute est présumé. La CJCE raisonne de la même
manière : C-338/00 P, 18 sept. 2003
12
Tandis que les personnes morales de droit public sont en principe irresponsables
pénalement sous réserve que les collectivités territoriales pourront répondre
pénalement dans le cadre d’une convention de délégation portant sur la
réalisation d’une prestation de service public.
Chapitre II : Le régime répressif de la responsabilité des
personnes morales
Le déclenchement de la responsabilité pénale d’une personne morale suppose la
réunion de trois conditions cumulatives (A) pour qu’enfin que cette dernière
puisse encourir des peines (B).
A- Les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité de la
personne :
Sans nul doute, l’imputation de l’infraction à la personne physique ne pose pas
de problème car cela découle de l’exécution de l’acte infractionnel par la
personne physique elle-même qui en toute conscience agit volontairement.
Par contre, pour une personne morale, l’imputation s’effectue par le truchement
d’une personne physique.
L’engagement de la responsabilité pénale d’une personne morale répond à une
triple condition :
➢ La nécessité d’une infraction commise par l’organe ou le représentant
ayant qualité à agir au nom de la personne morale,
➢ Et la nécessité de la commission de l’infraction pour le compte de la
personne morale.
➢ Le représentant doit avoir agi dans le cadre et la limite des fonctions qui
lui sont attribuées.
1- La commission de l’infraction par un organe ou un représentant de
la personne morale :
Cette condition se veut que toute infraction n’ayant pas été perpétrée par un
organe ou un représentant de la personne morale ne peut en aucun cas être
imputée à celle-ci22.
L'organe étant constitué des personnes habilitées par la loi ou les statuts pour
diriger la personne morale, aussi bien dans son administration que dans sa
direction.
Il pourrait s’agir par exemple :
22
Canada, Code criminel, art. 217-1.
13
– Dans une commune : le maire est l'organe exécutif et le conseil municipal est
l'organe délibérant.
– Dans une société en nom collectif et une SARL : c'est le gérant.
– Dans les sociétés anonymes à conseil d'administration : cela peut être le
président du conseil d'administration, le directeur général, le conseil
d’administration.
– Dans les sociétés anonymes à directoire : ce peut être le directoire, le président
du directoire, le directeur général unique
– Dans les sociétés anonymes : ce peut également être l'assemblée générale des
actionnaires
– Dans un établissement public : ce sont le président, le conseil d'administration
ou tous les organes ayant es fonctions similaires.
Quant au représentant, il s’agit d’une personne physique qui par la force d’un
mandat ou une décision de justice a reçu qualité de représenter la société auprès
des tiers. Cela est aussi valable pour les sociétés civiles, les associations ou les
groupements d’intérêts économiques.
– Dans un GIE : l'assemblée des membres et les administrateurs chargés de la
gestion
– Représentants désignés par une décision de justice : administrateur provisoire,
administrateur judiciaire ou liquidateur judiciaire
– Dans toutes les sociétés : ce peut être le dirigeant de fait, le salarié titulaire
d'une délégation de pouvoir (Crim 9 novembre 1999).
2- La commission de l’infraction pour le compte de la personne
morale :
Pour que la personne morale se voit sa responsabilité pénale être engagée, il
faudra dans un second lieu chercher à satisfaire à la condition qui voudrait que
l’infraction ait été commise pour le compte de celle-ci. Cela suppose que cette
dernière ait bénéficié d’avantages liés à la réalisation de du fait délictueux.
Le dirigeant d’une société qui aurait agi pour son intérêt personnel en
commettant une infraction doit répondre personnellement pénalement de celle-ci
car ladite infraction ne pourrait être imputée à la société. La jurisprudence va
encore plus loi que la simple recherche du profit en estimant que dès lors
l’infraction a été commise le représentant dans le cadre de ses fonctions, la
14
personne doit répondre pénalement. C’est pourquoi on retient les fautes
d’imprudences et de négligence des dirigeants.
3- Cette dernière voudrait que le représentant habilité à agir au nom et pour
le compte de la personne morale ait agi dans la limite de ses fonctions à charge
de répondre personnellement de l’infraction commise.
B- Le régime répressif applicable aux personnes morales :
Longtemps négligé pour l’impossibilité d’appliquer une peine privative de
liberté ou une peine capitale à une personne morale, le législateur est enfin sorti
de son silence pour prévoir un régime répressif particulier relatif aux personnes
morales.
C’est dans ce cadre que des peines comme le paiement d’une amende qui et de 1
millions d’euros en cas de crime (132-2 CP français), la dissolution de la
personne morale (art 131-39 al. 1), le placement sous surveillance judiciaire (art
131-39 al. 3) comme ce fut le cas de Microsoft en 2002 aux USA, l’interdiction
d’exercer une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales (art 131-39 al.
2), l’interdiction de procéder à une offre au public de titres financiers ou de faire
admettre ses titres financiers aux négociations sur un marché réglementé (art
131-39 al. 6), la fermeture d’établissement ou de l’un des établissements de
l’entreprise ayant servi à commettre la peine incriminée (art 131-39 al. 4), la
confiscation ou l’interdiction de détenir un animal (art 131-39 al. 10 et al. 11),
l’interdiction de percevoir toute aide de l’Etat, des collectivités territoriales ainsi
que toute aide versée par une personne privée chargée d’une mission de service
public (art 131-39 al. 12), l’affichage ou la diffusion de la décision (art 131-39
al. 9), la confiscation (art 131-39 al. 8).
Également, en vue de respecter le principe de tous devant la loi pénale, le
législateur prévoit aussi des peines en cas de récidive par la personne morale.
C’est dans ce sens que va le législateur marocain en prévoyant dans l’article 127
CP que les personnes morales ne peuvent être condamnées qu'à des peines
pécuniaires et aux peines accessoires prévues sous les numéros 5, 6 et 7 de
l'article 36. Elles peuvent également être soumises aux mesures de sûreté réelles
de l'article 62. De même dans l’article 28 de la loi 43-03 relative à la lutte
contre le blanchiment des capitaux une amende de 1000000 à 5000000 dirhams
pour une société qui se serait livrée à cette pratique.
15
Conclusion :
A la lumière des discussions menées ci-dessus, nous pouvons affirmer sans nous
tromper que la responsabilisation de la personne morale en matière pénale ne
s’effectuée automatiquement. Face au silence et à la réticence du législateur, la
jurisprudence reconnaissant la personne morale a fini par conclure que celle-ci
pouvait avoir des intérêts distincts de ceux de ses fondateurs et il devient
légitime qu’elle réponde de ses fautes.
Néanmoins, la prise compte de la responsabilité pénale de cette dernière reste
toujours liée à la personne ayant qualité à la représenter vu que cette
responsabilité ne peut se déclencher que par le biais de cette personne physique
en qui il faudra rechercher l’intention infractionnelle.
En outre, cette reconnaissance de la responsabilité pénale de la personne morale
ne soustrait pas forcément les représentants du joug de la responsabilité pénale.
Ces derniers peuvent à tout moment voir les leurs engagées quand il s’avère
qu’il y a une intention manifestée de perpétrer le fait délictueux soit en utilisant
la personne morale comme couverture ou comme un paravent à ses propres fins.
Cependant, une inquiétude nous habite toujours, c’est celle des multinationales
qui, jusqu’ici revendiquent toujours la responsabilité civile sachant bien que le
vent de la mondialisation a donné un élan considérable à l’épanouissement de
cet acteur intournable dans le monde des affaires.
N’est-il pas temps pour le législateur de revoir sa position sur la responsabilité
de cette personne morale ?
16
Bibliographie et webographie :
Ouvrages :
La responsabilité pénale des sociétés dans le droit libanais et français : Maitre
Salam H. Abdel Samad ; édition Alpha ; L.G.D.J
Le droit commercial et bancaire en droit marocain : Didier, R. Martin ;
Tout Pour Réussir en Droit des affaires : Sébastien Layani ; Gualino ; lextenso
éditions ;
Comprendre et connaitre le Droit des Affaires au Maroc Souaidi ;
Maurice Cozian, Alain viandier et Florence Deboissy, Droit des sociétés, Litec,
15è Edition, 2003.
17