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N° 34-35

PARIS PROJET NUMERO 34-35

PARIS PROJET
PARIS 2020,
ÉLÉMENTS
POUR UN PLAN
D’AMÉNAGEMENT
ET DE DÉVELOPPEMENT
DURABLE

PARIS 2020, ÉLÉMENTS POUR UN PLAN D’AMÉNAGEMENT


ET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
PRIX : 30€
PARIS PROJET NUMÉRO 34-35

Collection préparée par l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), association déclarée


CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’APUR
Membres :
L’État, représenté par :
M. le Préfet de la Région d’Ile-de-France, préfet de Paris, ou son délégué, représentant le ministre de l’Intérieur,
de la Sécurité intérieure et des Libertés locales.
M. le Directeur régional de l’équipement d’Ile-de-France ou son délégué, représentant le ministre de l’Équipement,
des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer.
M. le Directeur régional de l’Insee ou son délégué, représentant le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
M. le Ministre de la Culture et de la Communication ou son délégué.
M. le Préfet de police ou son délégué.
La Ville de Paris, représentée par :
M. Bertrand Delanoë, maire de Paris.
M. Denis Baupin, adjoint au maire de Paris chargé des transports, de la circulation, du stationnement et de la voirie,
trésorier de l’Apur.
Mme Dominique Bertinotti, maire du 4e arrondissement.
M. Jean-Pierre Caffet, adjoint au maire de Paris chargé de l’urbanisme et de l’architecture,
président du conseil d’administration.
Mme Claire de Clermont-Tonnerre, conseillère de Paris.
M. Jean-Yves Mano, adjoint au maire de Paris chargé du logement.
M. Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris chargé des relations avec les collectivités territoriales d’Ile-de-France.
Mme Françoise de Panafieu, maire du 17e arrondissement.
Le Département de Paris, représenté par :
M. Roger Madec, conseiller général du Conseil général de Paris, conseiller de Paris, maire du 19e arrondissement.
La Région d’Ile-de-France, représentée par :
M. Jean-Felix Bernard, conseiller régional.
M. Bertrand Bret, conseiller régional, vice-président de l’Apur.
M. Jean-Loup Morlé, conseiller régional.
La Chambre de commerce et d’industrie de Paris, représentée par :
M. Jean-Louis Jamet, président de la Délégation de Paris, ou son délégué.
PARIS 2020
La Chambre des métiers de Paris, représentée par :
M. Armand Arianer, président, ou son délégué.
ÉLÉMENTS POUR UN PLAN D’AMÉNAGEMENT
La Caisse d’allocations familiales de Paris, représentée par :
ET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
M. Richard Puyal, président, ou son délégué.
La Régie autonome des transports parisiens, représentée par :
Mme Anne-Marie Idrac, présidente-directrice générale, ou son délégué.

PARIS PROJET
Directeur de la publication : Jean-Baptiste Vaquin.
Ont collaboré à ce numéro : Julien Bigorgne, André-Marie Bourlon, Michel Cougouliègne, Marc Esponda, Thomas Lesay, Olivier
Nicoulaud, Patricia Pelloux, Hovig Ter Minassian, Florent Turck, Anne-Marie Villot.
Conception : André Lortie.
Coordination et réalisation : Christiane Blancot, André Lortie.
Révision : Susan Watelet-Riou.
Documentation photographique : Myriam Berthier, Maud Charasson.
Reportages photographiques : Jérôme Saint-Loubet Bié et Apur.
Conception graphique : Pierre Dusser (écran/papier).
Mise en pages/cartographies : Martine Cléron, Edwige Dessenne/Christine Delahaye, Maria Dragoni, Bernadette Eychenne, Patrick
Galas, Odile Ollagnon, Laurent Planchot, Alain Ponceau, Anne Servais, Pascale Sorlin-Sarazin.
Suivi de réalisation : Apur.
Imprimerie : Néo Typo; 1 c, rue Lavoisier, 25044 Besançon Cedex.
Diffusion : Apur, Service diffusion 17, boulevard Morland, 75181 Paris Cedex 04 - Tél. : 01.42.71.28.14 - www.apur.org
Photographie de couverture : Apur.
Paris Projet possède le caractère d’une revue consacrée à l’exposé et au commentaire d’études et de réalisations et ne doit en aucun cas être regardée comme une sorte de
« Journal officiel de l’administration », dont chaque ligne ou chaque conclusion définirait la position ou engagerait la responsabilité.
© Atelier parisien d’urbanisme, Paris 2003. ISBN 2-900222-14-1 Dépôt légal : octobre 2003.
POSER
LES TERMES DE L’ÉVOLUTION
DE PARIS

J E A N - P I E R R E C A F F E T
Paris engage aujourd’hui la révision de son Plan local notre avenir. Le Grand Projet de renouvellement urbain de la
d’urbanisme (PLU). La dernière révision d’ensemble de ce couronne et le tramway des Maréchaux permettent déjà
document remonte à 1989, année de la chute du mur de d’engager la réflexion avec les communes limitrophes.
Berlin. C’était hier, mais c’était aussi, à bien des égards, un L’aménagement en profondeur des principaux territoires
autre temps. Depuis, on le sait, le monde, les modes de vie et évolutifs de l’agglomération, comme celui de La Plaine Saint-
les attentes des habitants ont considérablement évolué. Denis et du nord-est de Paris, pourra prolonger cette ambition
Il y a quinze ans, penser l’urbanisme à Paris condui- sur une plus vaste échelle. La candidature de Paris aux jeux
sait surtout à traiter des grandes fonctions urbaines à Olympiques de 2012 en offre aussi l’occasion.
l’échelle de la ville, dans les strictes limites de son périmètre, Ouvrir le débat, la nature même des questions posées
tout en concevant le dialogue avec les habitants d’une ma- et leur complexité suffisent à en montrer la nécessité. Pour
nière très juridique et centralisée. Aujourd’hui, les usages et beaucoup, aujourd’hui, la manière de communiquer, de pré-
les pratiques se sont multipliés et il n’est plus possible de parer et de faire aboutir un projet est aussi déterminante
plaquer une pensée unique sur la ville. Il faut, au contraire, que le contenu du projet lui-même. Encore plus que cela,
confronter les échelles, du quartier et de l’arrondissement, la concertation et ses résultats font partie intégrante du pro-
à la ville et à l’agglomération. Il faut aussi ouvrir le débat jet, même si, au bout du compte, la décision revient aux élus.
avec les habitants, en imaginant les formes nouvelles de ce C’est le sens de l’action qui est menée dans le cadre de
dialogue, avant d’effectuer les choix indispensables. l’actuelle révision du PLU. Tous les habitants doivent en
Voilà, à mes yeux, des axes essentiels pour préparer être les acteurs, par l’intermédiaire notamment des 121
un développement durable de Paris. conseils de quartier qui sont nés de la récente loi relative
Confronter les échelles, c’est savoir dans le même mou- à la démocratie de proximité. Depuis plusieurs mois, un tra-
vement préparer les projets de Paris, capitale, et porter l’at- vail considérable a ainsi été effectué : les difficultés et les
tention nécessaire aux préoccupations locales de la vie quoti- atouts de chaque quartier ont été repérés ; des propositions
dienne : lutte contre l’insécurité et l’insalubrité, création et des idées ont été avancées et synthétisées, arrondisse-
d’équipements, soutien aux commerces de proximité, respect ment par arrondissement – elles permettront de formuler
de l’environnement et développement des circulations douces. des propositions concrètes.
C’est aussi réduire les inégalités et trouver de nou- L’Apur a beaucoup contribué à ce travail, en fournis-
veaux équilibres entre les quartiers, en termes de diversité sant à chaque étape les éléments d’analyse et de prospective
d’occupation et de mixité sociale. Le renforcement des em- qui lui étaient demandés. Il était naturel que Paris Projet
plois dans l’Est et le Nord et celui des logements sociaux en présentât la synthèse.
dans le Centre et l’Ouest font ainsi partie des pistes de tra- Par ailleurs, en donnant la parole à des spécialistes
vail retenues pour préparer le futur PLU. reconnus, ce numéro de la revue résume et illustre point par
Confronter les échelles, c’est encore préciser la part du point l’actualité des débats sur les principaux sujets traités.
renouvellement du bâti et celle de la préservation de l’existant, Il contribue ainsi très utilement à la démarche de réflexion,
dans un tissu déjà très constitué et parfois prestigieux. Cette ouverte et partagée, voulue par la municipalité pour conce-
question difficile nous conduit à évoquer des sujets aussi sensi- voir les nouveaux documents d’urbanisme de la capitale.
bles que la définition du patrimoine, la place de la création ar-
chitecturale, la diversité du paysage et de la silhouette de Paris. Jean-Pierre Caffet,
C’est, enfin, nous tourner vers ceux qui nous entourent adjoint au maire de Paris
et préparer avec eux les principaux projets qui organiseront chargé de l’urbanisme et de l’architecture.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION
5 Poser les termes de l’évolution de Paris, Jean-Pierre Caffet
9 Avant-Propos, Jean-Baptiste Vaquin
14 La loi SRU et Paris, Catherine Barbé

18 LES ÉCHELLES DU POLYCENTRISME PARISIEN


20 Les dimensions de Paris
34 L’emploi et l’économie
48 Unité et pluralité parisiennes : un défi à relever, Guy Burgel

54 L’ÉCONOMIE DES DÉPLACEMENTS


56 Espaces publics et déplacements
80 Mobilité et équilibres urbains, Marc Wiel

88 PORTRAIT SOCIAL ET RÉSIDENTIEL


90 Profil socio-démographique des parisiens
101 Le parc de logements parisiens
112 Entre-soi ou mixité sociale? Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot

118 ÉQUIPEMENTS ET VIE QUOTIDIENNE


120 La vie quotidienne et son environnement
140 Division sociale et inégalités urbaines, Edmond Préteceille

146 PATRIMOINE ET TRANSFORMATION DES PAYSAGES


148 Le paysage et l’occupation des sols
164 Le patrimoine, évolution et enjeux, François Loyer

184 VILLE ET ENVIRONNEMENT


186 Ville et environnement
198 Bâtir la ville, Sabine Barles et André Guillerme

I N T R O D U C T I O N
P A R I S 2 0 2 0 7
AVANT PROPOS

J E A N - B A P T I S T E V A Q U I N

Pour permettre un développement cohérent et dura- le zonage du POS. Les espaces verts, publics, et les berges
ble de Paris, la municipalité doit émettre des principes et des voies d’eau ont été mieux protégés et des élargissements
des règles. Ces règles constituent le règlement d’urbanisme de rues, supprimés. La révision partielle de 1994 a essentiel-
de la ville. Le premier texte réglementaire 1 a été édicté par lement conduit à renforcer la protection des espaces verts
Henri II en 1554 ; le dernier en date est le règlement du privés en développant les Evip (espaces verts intérieurs pro-
Plan d’occupation des sols de Paris, de 1977. Aujourd’hui, tégés) et à diminuer les droits à construire affectés aux
la municipalité a remis en chantier ce règlement et prépare bureaux. Enfin, des POS particuliers, adaptations plus pré-
une nouvelle formulation qui s’appellera le Plan local cises et plus protectrices des règlements sur certains quar-
d’urbanisme. Pour établir ces principes et ces règles, tiers, ont vu le jour dans plusieurs arrondissements de Paris,
il convient de fixer, pour les prochaines années, les orienta- depuis la Butte-aux-Cailles et Montorgueil, jusqu’à
tions en matière de logements, d’activités, d’équipements, Montmartre et au faubourg Saint-Antoine. S’il a cherché
et de prévoir les espaces indispensables. Il faut aussi fixer à s’adapter à l’évolution du contexte, le POS apparaît au-
des objectifs en matière de réduction des inégalités, d’envi- jourd’hui vieilli et, surtout, sa cohérence n’est plus assurée.
ronnement et d’accueil. Il s’agit, enfin, de trouver les outils De toute façon, il était devenu indispensable de le réviser.
qui permettront de contrôler l’évolution du paysage et des
constructions futures. Dans ce domaine, la situation UN MONDE Cette évolution des
que nous vivons aujourd’hui résulte donc, pour une grande QUI CHANGE documents d’urbanisme
part, du Schéma directeur (Sdau) et du Plan d’occupation est nécessaire principa-
des sols (POS) de Paris qui ont été établis en 1977. lement parce que le monde, en vingt ans, a changé et que de
Les orientations du Sdau, approuvées par le Conseil nouvelles exigences s’affirment, qu’il faut prendre
en Paris en 1977, ont servi de support à l’aménagement de en compte dans l’aménagement futur de Paris. La période
la capitale jusqu’en 1992, date à laquelle il a été abrogé, 1975-1980 a d’abord été celle d’un changement majeur
la Ville estimant que ses principaux objectifs avaient été at- de cycle économique, avec l’interruption de la croissance
teints. Ce document a été suivi, la même année, d’un texte des Trente Glorieuses. Elle a marqué le début d’une période
d’orientation, la Charte d’aménagement de Paris, qui a pré- d’incertitudes économiques qui avait trouvé son aboutisse-
cisé la position de la capitale dans le cadre de la préparation ment depuis 1997. L’année 2001 a ouvert une période nou-
du Schéma directeur régional de l’Ile-de-france approuvé en velle. Elle est conséquente à une forte chute de l’emploi
1994 (Sdrif). Aujourd’hui, le développement de Paris s’ins- industriel dans la région et dans Paris, avec ses conséquen-
crit donc dans le seul cadre du Sdrif, devenu directive terri- ces sur le plan du chômage, mais aussi sur le plan social
toriale d’aménagement. Il est donc nécessaire de préciser et sur celui de l’organisation du travail. Cette diminution de
à nouveau les grandes orientations urbaines qui encadre- l’emploi industriel a d’ailleurs fait émerger un déséquilibre
ront à l’avenir le développement de la capitale. accentué de l’emploi entre l’est et l’ouest de l’agglomération
Le POS de Paris de 1977, outil réglementaire, a connu centrale, mais aussi, en raison des aléas économiques,
depuis sa création de nombreux ajustements. Deux révisions des difficultés croissantes dans les quartiers sensibles,
et un ensemble de modifications liées à la création auxquelles la politique « Habitat et vie sociale », celle
de POS fins, ou POS particuliers, en constituent les évolu- du « développement social » des quartiers, puis la « politique
tions principales. La révision générale de 1989 a augmenté de la ville » ont tenté de répondre.
les densités autorisées, en particulier en faveur du logement À l’incertitude sur la croissance future s’ajoutent les
et des activités non tertiaires. Ce faisant, elle a simplifié questions posées par de nouvelles formes d’organisation du

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P A R I S 2 0 2 0 9
temps, notamment dans le cadre de la loi sur la réduction du ans, à l’échelle de la région, les principes d’organisation des Ce numéro de la revue Paris Projet a pour but, dans et de la Construction au ministère de l’Équipement,
temps de travail. D’autres questions se posent aussi, liées déplacements de personnes, du transport des marchandises, cette perspective, de faire la synthèse résumée des éléments des Transports et du Logement. À ce titre, elle a très active-
à l’allongement de la durée de vie et aux choix qui seront de la circulation et du stationnement. de réflexion générale produits par l’Apur à cette fin, issus ment participé à la préparation et à la rédaction de la loi
retenus en matière de retraite. De manière générale, Sur le plan institutionnel, la possibilité donnée aux notamment du recensement de 1999. Il porte un premier relative à la solidarité et au renouvellement urbains qui
la période 1980-2000 a aussi été celle d’une libéralisation de Parisiens d’élire de nouveau un maire en 1977, qui avait été regard sur le chemin parcouru, sur les principales qualités préside à la mise au point des plans locaux d’urbanisme.
l’économie, d’ouverture à la concurrence et de concentration précédée par la création du Conseil régional en 1976 et sui- de Paris, mais aussi sur ses difficultés actuelles. Il évoque Par ailleurs, administratrice de la Ville de Paris, elle tra-
des entreprises, mouvement qui s’est particulièrement vie par la mise en place de la décentralisation en 1982, son évolution possible en matière démographique et écono- vaille depuis plusieurs années sur l’urbanisme parisien.
étendu à partir de 1990, dans le cadre de la mondialisation. a enfin ouvert la voie à de nouvelles manières de gérer la ca- mique, recense les attentes déjà exprimées et rappelle cer- Elle était donc l’une des personnalités les mieux placées
La période qui s’ouvre avec l’émergence de l’Europe voit, pitale et la région. La période actuelle marque une nouvelle taines orientations qui ont été soumises au débat pour y pour dire à la fois comment la loi nouvelle peut s’appliquer
au contraire, s’affirmer des interrogations de plus en plus étape, de même importance, avec le nouveau dispositif mis répondre. Il ne s’agit pas d’une improbable conclusion à la à Paris et ce qu’elle peut apporter à la capitale.
fortes sur les effets de la mondialisation et la nécessité en place en faveur du développement de la coopération phase de concertation, qui s’achève avec le diagnostic, enga- Nous sommes particulièrement heureux de son concours
de préserver les identités régionales et locales. intercommunale et d’une gestion plus cohérente des problè- gée par la mairie et ses services, mais de faire la synthèse à ce Paris Projet et nous l’en remercions chaleureusement.
Sur un plan local, la production de logements est mes d’aménagement. Au débat Paris-province, qui avait do- du contexte dans lequel le PLU s’inscrit. Compte tenu de
restée, au cours des vingt dernières années, un élément es- miné la réflexion sur l’aménagement du territoire, son objectif, qui est essentiellement l’organisation du terri- Nous avons donc souhaité, dans ce numéro, faire ap-
sentiel de la politique d’aménagement de Paris et de se substitue aujourd’hui une réflexion sur l’avenir des gran- toire, ce travail met l’accent sur les questions et les projets pel à des spécialistes reconnus des principales problé-
la région. Les 6 000 logements construits en moyenne par an des métropoles. À celui qui portait sur les rapports entre qui auront une traduction spatiale perceptible. Il ne traite matiques sur les sujets abordés, avec la volonté d’élargir
à Paris, dont 2 000 à 3 000 logements sociaux et intermé- les villes et les campagnes, se substitue parallèlement donc qu’une partie des questions relatives à l’avenir du la perception que l’on peut en avoir lorsqu’on est quotidien-
diaires, ont été mieux insérés en termes architecturaux une interrogation sur la manière de gérer des aires urbaines cadre de vie des Parisiens. nement confronté aux difficiles équations parisiennes.
et urbains. Pour répondre à la montée très vive des préoc- étendues, agglomérations discontinues où vit désormais Dans tous les cas, ce Paris Projet offre sur ces sujets, Peu aisé est l’exercice qui consiste à résumer une ville
cupations d’environnement à partir des années 1970-1975, plus de 80 % de la population. Voilà quelques-unes des ques- au lecteur d’aujourd’hui et de demain, les éléments princi- comme celle-ci à quelques thèmes évidents. C’est notam-
le Schéma directeur et le POS de Paris, de 1977, ont en effet tions que les démarches en cours abordent et qu’il faudra paux qui auront servi de base à la municipalité parisienne ment dans la loi SRU que nous avons retrouvé les énoncés
proposé une nouvelle manière de concevoir et d’aménager traduire sous forme d’orientations dans les nouveaux pour préparer les futurs documents d’urbanisme. fédérateurs susceptibles d’offrir cette relative simplification
l’espace de la ville et la volumétrie des constructions, documents d’urbanisme. Il comprend six chapitres : l’enjeu régional, les déplace- de lecture, et c’est autour des déplacements, de la mixité,
ce modèle a longtemps servi de référence dans la capitale. ments, la mixité, les équipements, le paysage et l’environne- de la vie quotidienne, du patrimoine et de l’environnement
D’échelle plus urbaine et plus régulière, ordonnée UN CADRE Dans le cadre des nouvel- ment. Chaque chapitre est organisé de manière identique : que nous avons réparti la matière abondante de ce numéro,
le long de rues et d’espaces publics mieux protégés, écar- L É G I S L AT I F les dispositions fixées par il y a d’abord une présentation synthétique du diagnostic sans oublier une des spécificités premières de ce territoire,
tant les tours et les barres qui avaient marqué le paysage QUI ÉVOLUE la loi relative à la solida- pour le thème donné, ensuite un énoncé du projet politique celle du rapport que la ville-capitale entretient avec son ag-
des années 1960, cette architecture a d’abord été bien rité et au renouvellement fixé par la municipalité tel qu’il ressort des différents grou- glomération, chantier historique de réflexion et d’action
accueillie. Puis, elle a fait l’objet d’un rejet grandissant urbains, celles du Plan local d’urbanisme (PLU), propre à la pes de travail et instances de concertation mis en place, s’il en est. La matière présentée par l’Apur dans ce numéro
de la part des habitants des quartiers les plus concernés, capitale, dépassent en effet très largement le champ couvert puis, en accompagnement de ces développements, figurent n’avait pas été, a priori, organisée dans cet ordre et pour
en raison de la densification et de l’uniformisation du pay- jusqu’à présent par le Plan d’occupation des sols (POS), puis- les documents et cartes de base qui ont animé le débat. être présentée de cette façon. Elle pourra être considérée
sage auxquelles elle leur paraissait conduire. Aujourd’hui, qu’il comporte, outre un diagnostic et un règlement d’urba- Enfin, pour donner trace à ce débat et en conserver la mé- par certains comme lacunaire sur tel ou tel sujet ou telle ou
si la question de la production de logements reste un sujet nisme, un « projet d’aménagement et de développement moire, la parole sur le sujet est donnée à un spécialiste. telle donnée. Rappelons simplement qu’elle n’a pas préten-
important, elle se pose en des termes nouveaux, liés à la durable » (Padd). Ce projet rassemble les orientations que L’ensemble est précédé d’un article rédigé par Catherine tion à l’exhaustivité – qui pourrait l’avoir lorsqu’il est ques-
préservation de la diversité du paysage de Paris, au ren- la Ville se fixe pour favoriser l’évolution urbaine, dans Barbé, l’actuelle directrice de l’urbanisme de la Ville de tion de ville ? – mais qu’il semblait important de livrer
forcement de la mixité sociale et à une meilleure qualité le respect des principes énoncés par la loi, sur : l’équilibre Paris. Elle a été responsable de la stratégie et de la législa- ces informations en partage à l’heure des débats sur l’avenir
de la vie quotidienne, à une certaine envie d’une architec- entre le renouvellement urbain et la préservation des espa- tion à la direction générale de l’Urbanisme, de l’Habitat d’une ville qui nous concerne tous.
ture renouvelée aussi. ces; la diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale de
Les années 1980-1990 ont vu également s’élargir les l’habitat ; l’utilisation économe et équilibrée des espaces tout Jean-Baptiste Vaquin,
préoccupations d’environnement aux questions de santé, en préservant l’environnement et en proposant une réduction directeur de l’Atelier parisien d’urbanisme
liées aux différentes sources de pollution. Parallèlement des nuisances ainsi qu’une prévention des risques naturels.
aux nuisances de bruit, la pollution de l’air, de l’eau et des Outil de cohérence, le PLU doit tenir compte en parti-
sols a fait l’objet d’investigations et de mesures de protec- culier des dispositions contenues dans les autres documents
tion de plus en plus approfondies. La naissance du réseau qui régissent l’aménagement de la capitale : le Programme
Airparif, en 1979, et la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle local de l’habitat (PLH), le Plan des déplacements urbains
de l’énergie, de décembre 1996, ont notamment permis de la région (PDU) et sa déclinaison locale pour Paris,
de mieux cerner la pollution de l’air et l’impact de la circu- le Plan régional pour la qualité de l’air (PRQA) et le Plan de
lation automobile. Deux documents essentiels d’orientation protection contre les risques d’inondation (Ppri). En un mot,
sont nés de ces analyses, le Plan régional pour la qualité le PLU est un véritable projet d’ensemble pour Paris,
de l’air (PRQA), en 1999, et le Plan des déplacements ur- à la fois stratégique et réglementaire, qui orientera l’avenir 1. Cf : Paris Projet n° 13-14, Atelier Parisien d’urbanisme,
bains de la région (PDU), en 2000, lequel définit pour cinq de la ville pour les dix à vingt ans futurs. Paris 1975.

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Vers l’établissement du PADD de Paris.
renforcer la part du logement social

engager des actions en faveur


de la formation et de l'emploi
rechercher l'équilibre par l'emploi
dans les tissus à dominante résidentielle
maintenir l'armature commerciale
en favorisant le commerce de proximité
contrôler le développement et diversifier
les fonctions des secteurs d'emploi dense
préserver et encourager la diversité
des fonctions dans les secteurs mixtes
secteurs "Politique de la ville" et GPRU

améliorer le confort du parc de


logements privés en favorisant
la réhabilitation
restructurer les territoires marqués
par les grands ensembles
de logements sociaux
réaliser des opérations mixtes
d'aménagement
développer de nouvelles centralités
et des liaisons commerciales
redéfinir le programme
de certains grands équipements
porter attention
aux tissus hétérogènes fragiles
préserver les tissus de petite échelle
reconquérir et requalifier
le site de la Seine et des canaux
redécouvrir la Bièvre
Conforter et valoriser la trame verte de Paris
créer de nouveaux jardins
valoriser les promenades
et jardins existants
planter et ouvrir les espaces libres
sportifs, récréatifs et les cimetières
mettre en place un réseau de liaisons
douces entre les quartiers et réaliser
prioritairement des quartiers verts
dans les secteurs résidentiels
(piétons, vélos, rollers…)
"civiliser" les voies principales
recomposer les places
et les portes de Paris
créer des liaisons nouvelles,
associées à des promenades
réaménager de manière réversible
les emprises non utilisées
Contribution à l’élaboration du PADD, doc. Apur

de la petite ceinture
protéger les riverains et les espaces
publics des nuisances du bd. périphérique
développer des continuités interurbaines
en couvrant des sections du bd. périphérique
créer de nouvelles stations
F
de transport en commun
(métro, RER)
le tramway sur les Maréchaux
rocade des gares
prolonger ou restructurer
des lignes de transport en commun
développer le transport
des voyageurs par voie d'eau
renforcer et mieux concilier les pôles
d'échanges avec la vie locale
Cette carte fait la synthèse des grands thèmes (gares, les Halles …)
abordés dans le cadre de la préparation du PADD. organiser la distribution
de marchandises (plates-formes
Elle est ensuite détaillée par sujet. logistiques et magasins de quartier)

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12 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 13
LA LOI SRU
en effet la dominante des politiques urbaines depuis le dé- L’OBLIGATION DE RÉVISION : UNE ÉVIDENCE POUR PARIS.
but du XXe siècle : le territoire communal étant entièrement Le législateur voulait que les documents d’urbanisme soient
mais parfois mal urbanisé, la ville n’a pu se développer désormais révisés régulièrement, pour éviter l’obsolescence

ET PARIS qu’en recyclant progressivement ses emprises industrielles


et ferroviaires, ses quartiers anciens les plus mal bâtis,
et la disqualification qu’avaient connues les anciens sché-
mas directeurs : plus du tiers d’entre eux avaient été élabo-
ses immeubles insalubres ou obsolètes et, maintenant, rés il y a plus de vingt ans et n’avaient jamais été révisés.
ses grands ensembles mal équipés. L’obligation de réviser le document tous les dix ans au mi-
nimum s’impose désormais aux schémas de cohérence terri-
D ÉVELOPPER LA SOLIDARITÉ INTERCOMMUNALE . Enfin, toriale. Pour les plans locaux d’urbanisme, la contrainte
la loi SRU a imposé d’atteindre en vingt ans un minimum était plus subtile, mais finalement encore plus forte : toute
de 20 % de logements sociaux dans chaque commune ur- révision d’un POS existant devait prendre la forme d’une
C A T H E R I N E B A R B É
baine. Par cette disposition très contestée, le législateur révision générale. Le vote de la loi SRU ayant précédé
Une nouvelle municipalité est élue : Paris engage gation d’y recourir pour pouvoir autoriser le développe- entendait combattre la fragmentation sociale croissante de quelques mois seulement les élections municipales,
la révision de son plan d’urbanisme. C’est bien là ce que ment des communes périphériques et, par conséquent, des territoires : communes pavillonnaires florissantes, les nouvelles équipes ont très légitimement souhaité procé-
souhaitait le législateur en votant, en décembre 2000, la loi la nécessité d’une démarche intercommunale, forcément contre faubourgs et grands ensembles locatifs dévalori- der à des révisions pour traduire dans les règles d’urba-
relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) : solidaire, sont les dispositions les plus novatrices de la loi ; sés. Paris est très concerné par cette mesure qui met en nisme leur programme de mandature. C’est le cas de la mu-
le renouveau rapide de la planification urbaine en France, elles renforcent les autres dispositions législatives adop- lumière non seulement l’insuffisance de logements nicipalité parisienne, qui a officiellement décidé d’engager
particulièrement sur les territoires stratégiques. Et pour- tées peu avant dans ce domaine de l’organisation territo- sociaux, mais, surtout, les disparités entre arrondisse- la révision générale du Plan d’occupation des sols de Paris
tant, cette loi n’a pas été conçue pour Paris, ni même pour riale : la loi relative à l’aménagement du territoire, dite loi ments marquées par un grand déséquilibre entre l’ouest six mois après avoir été élue.
l’Ile-de-France. Voynet, et la loi sur la relance de l’intercommunalité, et l’est de la capitale. Cette contrainte imposée par la loi est particulière-
dite loi Chevènement. Cependant, la notion de solidarité présente dans ment bénéfique pour la modernisation et la clarification des
RELANCE La loi SRU avait un Paris ville centre, ville d’immeubles, ville où le taux le titre de la loi ne visait pas seulement la solidarité en- règles d’urbanisme parisiennes : le Plan d’occupation
DES POLITIQUES grand objectif : relancer de motorisation est largement inférieur à la moyenne natio- tre les communes urbaines en matière de logement des sols de Paris a été élaboré dès le début des années
URBAINES la planification urbaine nale, n’est pas directement concernée par ces mesures. Elle social. Elle visait plus généralement la nécessité de dé- soixante-dix, en application de la toute nouvelle loi d’orien-
pour lutter contre l’éta- l’est en revanche davantage par leur complément naturel : velopper dans tous les champs des politiques urbaines tation foncière du 30 décembre 1967. Ses règles, souvent
lement et favoriser le renouvellement et la solidarité la priorité au renouvellement urbain. – logement, emploi, déplacements, équipements, préser- complexes, ont été un peu simplifiées à l’occasion des deux
dans les villes. vation de l’environnement –, une planification supracom- révisions de 1989 et 1994, mais elles ont été simultanément
FAVORISER LE RENOUVELLEMENT URBAIN. L’étalement munale qui se déclinerait ensuite localement sous forme alourdies par de très nombreuses modifications localisées,
L UTTER CONTRE L’ ÉTALEMENT URBAIN. Nous avons du urbain génère d’autres nuisances que la consommation de plan local d’urbanisme. Le caractère unique de Paris notamment les POS de quartiers. Une révision générale
mal, nous, les urbanistes parisiens, qui travaillons pour d’espaces naturels et l’augmentation des déplacements. rend à ce jour difficilement applicable cet objectif par s’imposait depuis longtemps, ne serait-ce que pour harmo-
une ville centre, une ville historique, une ville dense, Il accroît aussi la dévalorisation des territoires déjà urbani- le biais d’un schéma de cohérence territoriale, document niser les règles applicables et les moderniser. Vu l’ampleur
à nous rappeler que la caractéristique principale du déve- sés mais peu attractifs : friches industrielles, quartiers de planification supracommunale imposé par la loi. de la tâche, il valait mieux que la loi la rende inéluctable.
loppement urbain français, ces trente dernières années, anciens insalubres, centres historiques dépeuplés, grands Paradoxalement, cet objectif sera provisoirement atteint
est l’étalement des agglomérations. Car Paris est une ville ensembles et copropriétés dégradés. Les résultats du der- par la révision générale du PLU, qui prend à Paris PARIS ET LE PROJET D ’ AMÉNAGEMENT ET DE DÉVELOPPE -
très dense, dont la population, après avoir longtemps di- nier recensement ont confirmé que, si les troisièmes une ampleur et une ambition proportionnelles à la taille MENT DURABLE . L’introduction dans les plans locaux d’ur-
minué, s’est stabilisée à plus de 240 habitants à l’hectare. couronnes des villes se sont considérablement développées, de la commune et à sa spécificité. banisme d’une nouvelle composante, le projet d’aménage-
Les agglomérations françaises, qui concentrent doréna- les premières couronnes, les faubourgs des agglomérations, ment et de développement durable, est particulièrement
vant plus de 80 % de la population nationale, sont en re- ont vu leur population diminuer fortement. PLU La relance de la plani- appropriée à la spécificité parisienne. En effet,
vanche de moins en moins denses : de l’ordre de 60 habi- Pour favoriser le recyclage de ces territoires, leur re- ET SPÉCIFICITÉ fication urbaine à le Parlement a souhaité que les plans locaux d’urbanisme
tants à l’hectare en 1954, moins de 40 habitants à nouveau, la loi SRU a privilégié la modernisation des PA R I S I E N N E l’échelle communale, ne se bornent pas à édicter les règles d’urbanisme
l’hectare aujourd’hui. nombreuses règles permettant d’intervenir sur la ville le PLU, prend à Paris un applicables sur le territoire de la commune, mais qu’ils
Cet étalement urbain, cause et conséquence du dé- existante. Il s’agit non seulement des outils relevant du relief tout particulier. Dans la hiérarchie des documents comprennent l’énoncé de la politique d’urbanisme que
veloppement de la maison individuelle, génère un accrois- code de l’urbanisme – planification, aménagement urbain, de planification clarifiés par la loi SRU, le PLU devenait la commune entend conduire. Cette disposition fondamen-
sement de la circulation automobile, des distances par- fiscalité de l’urbanisme, divisions foncières –, mais égale- une déclinaison locale des objectifs de planification tale confère aux plans locaux d’urbanisme un caractère
courues et, pour certains, des temps de transport ment de dispositions juridiques permettant de supprimer à l’échelle de l’agglomération : schéma de cohérence terri- plus politique, qui conduit à décliner des objectifs straté-
contraires au développement durable et à la préservation les logements insalubres, de prévenir l’apparition de toriale, plan de déplacements urbains et programme local giques, thématiques ou localisés, et à les réviser probable-
de l’environnement. Il consomme aussi des espaces natu- copropriétés dégradées ou de simplifier l’intervention des de l’habitat. À Paris, il prend un rôle bien plus important ment plus fréquemment. Or, appliquée à Paris, cette
rels ou agricoles importants. C’est d’abord contre ce phé- organismes HLM. en raison de l’absence de schéma de cohérence territoriale disposition prend une importance toute particulière :
nomène que l’État a souhaité réagir par la loi SRU. Ces dispositions éparpillées tout au long des 209 et de l’absence d’obligation légale d’en élaborer un, excep- la taille de la commune, sa place dans l’agglomération, son
La modernisation et la relance de la planification inter- articles de la loi trouveront naturellement leur terrain tion propre à toute l’Ile-de-France, couverte par le Schéma statut de capitale rendent d’autant plus nécessaire la dé-
communale, les schémas de cohérence territoriale, l’obli- d’application à Paris. Le renouvellement urbain y est directeur régional (Sdrif). finition d’objectifs stratégiques pour ce territoire.

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Pourtant, le Schéma directeur de la région d’Ile-de-France Montparnasse, les Halles, projet abandonné de la porte Un tel défi est une chance pour l’urbanisme pari- futur par des immeubles plus hauts ? Et dans ce nouveau
est taillé à une échelle bien plus vaste et aucun schéma de Maillot et, plus récemment, Paris Rive gauche. sien : il oblige le PLU à quitter le champ du débat de spé- quartier, faut-il rechercher une animation commerciale
cohérence territoriale, par nature intercommunal, n’in- cialistes, COS différenciés ou COS additionnels, SHON ou privilégier la tranquillité ?
clura à court terme le territoire parisien. C’est donc R ÉVISION ET CONCERTATION . Enfin, l’obligation à l’îlot ou SHON globale… pour formuler les questions
par défaut le PLU, et sa partie « projet d’aménagement et de concertation pendant la révision des documents d’ur- de manière concrète, accessible aux citoyens et aux élus. Car tels sont bien les enjeux de l’élaboration du plan
de développement durable », qui va jouer ce rôle. banisme est particulièrement bienvenue à Paris en raison Comment rétablir des continuités piétonnes avec les com- local d’urbanisme d’une ville centre : donner des orienta-
Les dispositions de la loi énumèrent clairement de l’importance de la population et des personnes concer- munes périphériques ? Dans tel arrondissement, faut-il tions concrètes, claires et localisées aux règles et aux poli-
ce sur quoi doit et peut porter le projet d’aménagement et nées par la politique d’urbanisme de la capitale de favoriser la localisation d’emplois, la construction de nou- tiques publiques qui vont façonner le cadre de vie des habi-
de développement durable. Cela permet d’y décliner, avec la France. À cet égard, l’obligation de soumettre à concer- veaux logements ou l’aménagement de davantage tants et des usagers de la ville pour les années à venir.
force juridique, des objectifs qui ne trouvent pas directe- tation l’élaboration des plans locaux d’urbanisme et d’espaces verts ? Le long de telle rue, faut-il garder à tout Même si la loi SRU n’est pas toujours adaptée à Paris, c’est
ment leur place dans le règlement d’urbanisme, mais qui des schémas de cohérence territoriale n’a pas suscité prix, y compris à celui de leur possible dégradation, des bâ- une grande chance de devoir la mettre en œuvre pour
sont la composante même d’une politique d’urbanisme : de réserves particulières lors de l’élaboration de la loi timents bas existants ou autoriser leur remplacement renouveler la réflexion collective sur l’avenir de la capitale.
l’aménagement de l’espace public, la sauvegarde de la di- SRU. Pourtant, il s’agit d’une innovation considérable
versité commerciale, le renouvellement urbain, la lutte dont les modalités et la portée restent encore largement Catherine Barbé,
contre l’insalubrité, l’environnement et les paysages, à préciser au vu des expériences qui seront conduites sur directrice de l’urbanisme de la Ville de Paris,
les quartiers à restructurer… Ainsi, le Padd parisien l’ensemble du territoire national. précédemment chargée au ministère
pourra expliciter, par le texte et par des schémas appro- Depuis 1985, l’obligation de concerter s’imposait pour de l’Équipement, des Transports et du logement,
priés, ces objectifs et, dès lors, offrir un cadre de cohérence les projets d’urbanisme qui, par leur nature, étaient suscep- de coordonner la préparation
aux dispositions réglementaires déclinées plus finement tibles de modifier les conditions de vie des habitants. et la mise en œuvre de la loi SRU.
sur les 75 000 parcelles du territoire parisien. Ce cadre L’habitude s’est progressivement installée, la concertation
de cohérence, ce projet urbain, s’appliquera aussi à l’en- est devenue parfois moins formelle, moins informative et
semble des interventions urbaines de la Ville, qu’elles les décideurs publics ont commencé à se féliciter de l’intérêt
soient réglementaires, telle la révision du plan de publicité qu’il pouvait y avoir à dialoguer en amont, ne serait-ce
par exemple, ou opérationnelles, comme les aménagements que pour désamorcer les conflits. Cette obligation a été éten-
d’espaces publics ou la mise en place d’une politique due, en 1995, à l’élaboration des plans de déplacements
de soutien au commerce de proximité, toutes mesures urbains ; certaines concertations ont été très pédagogiques
concourant, dans les exemples ci-dessus, à l’objectif d’amé- et constructives dans ce domaine éminemment conflictuel ;
lioration de la qualité des espaces publics parisiens. d’autres ont conduit à polariser les débats sur un équipe-
ment emblématique, un tunnel, un périphérique… au détri-
LA DISPARITION DES PROCÉDURES DÉROGATOIRES. En sup- ment des questions stratégiques : quelle place respective
primant les PAZ, la loi SRU a transformé la ZAC en simple pour les transports en commun et les voitures
procédure de réalisation d’un projet urbain, dont la défini- particulières ? L’obligation de concerter lors de l’élaboration
tion et les règles d’urbanisme intègrent le PLU. La dispa- du plan d’urbanisme est une nouveauté qui a même anticipé
rition de ces dispositifs dérogatoires est particulièrement sur une directive européenne de juillet 2001 loin d’être tra-
justifiée à Paris où les politiques d’urbanisme ont large- duite aussi largement dans les autres législation nationales
ment eu recours à de telles procédures pour mettre en œu- européennes.
vre des projets urbains décidés par les empereurs, les rois, Qui associer à l’élaboration du plan d’urbanisme,
les présidents ou les maires. Cette pratique a fini par sus- comment, quand et dans quel but ? Comment dépasser
citer méfiance et critiques, l’aménagement urbain par la le stade de l’information, souvent très, voire trop nourrie,
puissance publique étant trop systématiquement assimilé pour atteindre un vrai dialogue, une réelle implication
à une dérogation aux règles ordinaires pour permettre des « personnes concernées », durable et productive ?
davantage de densité, de hauteur, de bureaux… À supposer qu’on y parvienne parfois, comment harmoni-
Que l’urbanisme opérationnel soit désormais obligé ser les contributions sur l’ensemble du territoire,
de se fondre dans les règles et dans le zonage environnant comment prendre en compte certaines propositions
du PLU est une garantie de meilleure cohérence entre et en rejeter d’autres ? Bref, comment faire en sorte que
les projets ordinaires et les projets extraordinaires mis en de la concertation émanent une réflexion enrichie et un
œuvre par les pouvoirs publics. On évitera à l’avenir projet mieux partagé ? Toutes ces questions se posent
des confrontations difficiles entre un tissu urbain banal et à toutes les communes qui révisent leur PLU. Mais toutes
un projet public « moderne », dont les opérations des décen- n’ont pas, comme Paris, deux millions d’habitants
nies passées ont laissé la trace dans le paysage et la cons- qu’il faut essayer de toucher, même très partiellement,
cience collective parisienne : Italie, front de Seine, gare pour les associer à l’élaboration du projet urbain.

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LES ÉCHELLES
DU POLYCENTRISME
PARISIEN

La forme actuelle de Paris découle du tracé de sa der-


nière enceinte, définie en 1840. Aujourd’hui, cette limite
est à la fois physique (boulevard périphérique, ceinture
verte, boulevards des Maréchaux, chemin de fer de
ceinture) et administrative (communale et départementa-
le). Pourtant, si Paris est une constellation de quartiers
singuliers c’est aussi une entité qui peut être perçue
comme monolithique à travers sa fonction capitale, ou
comme partie d’un tout qui la transcende en tant que cen-
tre géométrique d’une des plus importantes régions métro-
politaines au monde. Quel est le statut de ce centre ?
Quelles sont ses perspectives économiques ?

Photos : Jérôme Saint-Loubert Bié.


LES DIMENSIONS
DE PARIS

X X X X X E

PA R I S , En termes quantitatifs, Au demeurant, l’attrait d’une ville ne se mesure pas


C A P I TA L E la place de Paris, ville qu’en termes comptables et financiers. La qualité de vie pro-
centre d’une région capi- posée, la diversité de son peuplement, son équipement et
tale de 9 millions d’habitants 1, et son « poids » à l’intérieur sa culture sont des aspects tout aussi essentiels. À cet égard,
de l’ensemble régional se mesurent d’abord à sa population et Paris ne manque pas d’atouts. Les vingt dernières années ont
au nombre de ses emplois, qui ont sensiblement évolué aux été marquées par des réalisations majeures et, en premier
cours des vingt dernières années. La population est passée lieu, par une série de grands équipements culturels dont le
de 2175000 à 2126000 habitants et le nombre d’emplois de prestige a accru l’influence de la France à l’étranger. Le déve-
1810000 à 1610000, soit une perte limitée de 50000 habi- loppement des réseaux TGV, dont Paris constitue le cœur,
tants, mais de près de 200000 emplois. Dans le même temps, a fortement amélioré les conditions de déplacement à l’échel-
la région Ile-de-France a vu sa population et ses emplois aug- le de la France et, plus largement, de l’Europe. Paris conser-
menter respectivement de 880000 et 259000 unités, pour ve depuis plus de vingt ans le premier rang en matière d’or-

Photo : © CNES/SPOT IMAGE/EXPLORER - Paris/SPOT VEGETATION 11/10/2002


atteindre 10951000 habitants et 4 959000 emplois. ganisation de congrès internationaux et reste une des princi-
Les objectifs du Schéma directeur d’aménagement et pales destinations touristiques mondiales. Une fréquentation
d’urbanisme de Paris (Sdau) étaient, en 1977, de stopper touristique qui n’a cessé de croître ces dernières années,
la dépopulation qui avait marqué la période précédente, au point qu’aujourd’hui, les difficultés qu’elle engendre
tout en contenant l’emploi tertiaire, concurrent essentiel du posent de nouvelles questions.
logement pour l’occupation des sols. Ils ont donc été par- Sur un autre plan, enfin, Paris conserve toute sa
tiellement tenus. place en tant que ville d’accueil. Au cours des dix derniè-
Il faut encore situer Paris par rapport aux grandes res années, la capitale est apparue tout à la fois comme
métropoles européennes et mondiales. À cet égard, si elle le département de la région Ile-de-France le plus stable en
reste l’une des grandes cités du monde économique déve- termes de population, puisque 70 % des Parisiens y habi-
loppé, Paris, avec la région Ile-de-France, est passée, au taient déjà en 1990, mais aussi comme le plus riche
cours des vingt dernières années, du 11e rang au 22e rang en habitants extérieurs à la région, avec près de 19 %
mondial en termes de population, en raison de la crois- d’habitants nouveaux sur la même période. Paris, depuis
sance des grandes agglomérations comme Bombay, Lagos, longtemps, a accueilli des migrants venus des provinces
Séoul et Le Caire… françaises, des pays européens, des régions d’Afrique,
En termes qualitatifs, un débat récent a écarté Paris d’Asie du Sud-Est et, plus récemment, des migrants venus
des « villes globales » 2, suivant la terminologie retenue par de Chine, du sous-continent indien et des anciens pays de
Saskia Sassen 3, comme Londres, New York et Tokyo, dans l’Est. Près de 200 nationalités y sont ainsi recensées.
la mesure où certaines fonctions financières des grandes La population étrangère représente au dernier recense-
agglomérations mondiales des pays économiquement déve- ment (1999) un peu moins de 15 % de la population pari-
loppés ne s’y retrouveraient pas. Quoi qu’il en soit, en ter- sienne, alors que ce taux est de 5,6 % pour la France entiè-
mes économiques cette fois, l’agglomération de Paris figure re et de 11,9 % pour l’Ile-de-France. Ces caractéristiques L’ «unité urbaine»,
dont la définition répond
toujours parmi les cinq premières au monde, derrière résultent naturellement du fait que Paris est en réalité
à des critères précis
Tokyo, New York-Philadelphie, Osaka-Kobe-Kyoto, le cœur d’une vaste agglomération où la part des emplois de continuité
Los Angeles et, sensiblement, devant Londres. À l’échelon régionaux est élevée, la densité des équipements impor- de l’urbanisation,
national, le PIB de l’Ile-de-France représente 30 % du PIB tante, la proportion de petits logements conséquente. compte environ
français et celui de Paris, 10 %. Paris apparaît donc, pour les nouveaux arrivants, comme 9 millions d’habitants.

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un lieu d’accueil privilégié pour la recherche d’un emploi, de l’effectif des moins de 20 ans qui a baissé de 4,1 % en vingt aussi un certain rejet de la part des habitants, soucieux de PA R I S La vaste mosaïque
ET
d’un logement et en termes de services offerts. ans et ne représente plus que 18,3 % de la population. voir leur environnement quotidien parfois gravement per- SES QUARTIERS urbaine que forme Paris
La taille des ménages se réduit ; elle n’est plus que de 1,87 turbé. La croissance de la mobilité, combinée à des exigen- s’appuie sur des agence-
TENDANCES Quelles sont les tendan- personne par ménage, contre 1,94 il y a vingt ans. ces accrues en matière d’environnement, conduit aussi ments de territoires qui sont changeants. On peut ainsi dis-
ces lourdes dans ce bref Aujourd’hui, 52 % des ménages ne comptent qu’une person- à une sensibilité nouvelle aux pollutions et à un souci tinguer des quartiers historiques, survivants d’une histoire
constat, celles qui conti- ne, contre 48,2 % en 1982. L’impact d’une telle diminution, croissant vis-à-vis des questions de santé. La gestion qua- prestigieuse, destinations touristiques privilégiées, au cœur
nueront de s’affirmer et celles qui appartiennent aujourd’hui apparemment faible au regard des chiffres, a en fait litative des déplacements prendra donc à l’avenir de l’agglomération, des quartiers à dominante économique
au passé ? Quatre sujets peuvent être évoqués à cet égard. des conséquences très importantes. En effet, la baisse de une place prépondérante, par rapport à la simple gestion et commerciale qui recoupent parfois les premiers, enfin,
la population depuis vingt ans (- 50 000 habitants) s’est quantitative des flux, jusqu’alors prédominante. des quartiers plus résidentiels, dont l’animation a tendance
LA FORTE TRANSFORMATION DES EMPLOIS est sans doute accompagnée d’une augmentation sensible du nombre C’est ainsi que trois objectifs majeurs ont été fixés à s’échapper et qui regroupent, pour certains, de nombreu-
l’élément central de l’évolution passée à des activités de ménages (+ 14 300). Ce phénomène explique pour partie par le Plan des déplacements urbains (PDU) : diminuer ses difficultés en matière de logements, de sécurité,
de service. Elle prolonge un mouvement également impor- que le mouvement de construction très significatif qui a mar- le trafic automobile ; augmenter dans le même temps la part de vie quotidienne, voire de paysage urbain.
tant, à l’échelle de la région et du pays tout entier. En outre, qué ces deux dernières décennies (+ 50 000 logements) ne des transports collectifs ; favoriser le recours à la marche En matière de population et de logement, c’est natu-
au cours des vingt dernières années, Paris a perdu 200 000 se soit pas traduit par une augmentation de la population. et au vélo comme modes de transport urbain à part entière. rellement la dépopulation des quartiers du centre qui doit
emplois salariés au bénéfice de la région. Paris reste cepen- Cette diminution de la taille moyenne des ménages De ces différentes observations, une seconde conclu- d’abord être évoquée. Globalement continue (- 0,5 % par an),
dant une ville particulièrement active et performante dans a également eu des incidences sur la population active sion d’ensemble se dégage : si Paris conserve tout son rayon- elle semble s’être très récemment ralentie. Toutefois,
de nombreux domaines de l’économie et de la recherche qui a légèrement augmenté, surtout au bénéfice de l’emploi nement, l’évolution négative de l’emploi et du solde migra- la reprise de la pression des entreprises sur le marché
et doit le rester. La part des emplois publics y est aussi plus féminin qui représente 49,2 % des actifs en 1999, contre toire de la population, l’importance des inégalités, immobilier fait renaître de fortes tensions.
élevée qu’ailleurs, en raison de son rôle de capitale et mal- 47,0 % en 1982. Cette évolution pose question par rapport le manque de logements pour les catégories modestes La répartition inégale des ménages suivant leur
gré les mesures prises en matière de décentralisation. à la diversité du peuplement de Paris et à l’accueil et les exigences nouvelles des habitants en matière taille, de même que celle des jeunes, soulève également
La redistribution de l’emploi ne s’est pas opérée des enfants. Elle intervient aussi dans un contexte où la d’environnement montrent que la capitale connaît des diffi- des questions en matière d’équilibre entre les différents
de façon homogène et, considérée du point de vue de la mixité population diminue, le solde naturel positif ne compensant cultés qu’il convient de résoudre. quartiers. Ces questions renvoient à la prédominance de
de l’occupation du sol, la situation s’est au total plutôt amélio- pas un solde migratoire négatif.
rée. Le taux d’emploi, rapport des emplois sur les actifs,
a en effet diminué dans les arrondissements du centre-ouest, LA PRESSION IMMOBILIÈRE, d’autre part, a été forte. Tremblay-

alors qu’il a augmenté dans ceux de l’Est, où un effort impor- Paris, comme centre d’une agglomération de plus en-France

tant en faveur du développement de l’activité a été mené. de 9 millions d’habitants, est naturellement un territoire pri-
Pierrefitte

Malgré cet effort, la situation reste cependant préoccupante vilégié pour l’investissement en matière d’activités de servi- Epinay-
sur-Seine
Villetaneuse
sur-Seine

Stains
Villepinte

Aulnay-
aujourd’hui, car elle paraît davantage résulter d’une désaffec- ce, mais aussi, et peut-être surtout, en matière de logements.
Dugny
sous-Bois
Le-Blanc-
Mesnil
Villeneuve Sevran

tion, peut-être passagère, des entreprises pour le centre Entre 1990 et 1998, il s’est en effet construit à Paris, en solde Gennevilliers
la-Garenne
L'Ile-St
Denis
St-Denis Le-Bourget
Vaujours
DENSITÉ DE POPULATION
La-Courneuve

de Paris, que d’un véritable transfert vers des sites alternatifs. net, 3 370 000 mètres carrés de logements pour Colombes
Drancy
Livry-Gargan Coubron
1999
Le taux de chômage, après avoir connu un pic en 325 000 mètres carrés de bureaux 5.
Bois-
Colombes
Asnières-
sur-Seine St-Ouen
Aubervilliers

Bobigny Clichy-
Centre de l'agglomération
Les-Pavillons-
La-Garenne

1993, est redescendu à 10 % fin 2000. Resté pendant vingt Les dernières décennies ont été marquées par le pro- Colombes Clichy

Pantin
Bondy
sous-Bois sous-Bois

Montfermeil
parisienne
Nanterre Courbevoie Le-Raincy
Levallois-

ans à deux points au-dessus du taux régional, il est blème lancinant du logement social, qui, aujourd’hui encore,
Perret Noisy-le-Sec

Neuilly-
sur-Seine Le-Pré-
Puteaux St-Gervais Villemomble Gagny

aujourd’hui fortement remonté. De plus, Paris, comme fait l’objet de près de 100 000 demandes dans la capitale. Suresnes
Les-Lilas Romainville Rosny-
sous-Bois Nombre d'habitants à l'hectare
Bagnolet

l’Ile-de-France, connaît une diminution du chômage plus De même, si le parc immobilier, d’activités comme de loge- Rueil-Malmaison Bois-de-
Boulogne
Montreuil
Neuilly-
Plaisance
Neuilly Gournay-
sur-Marne
plus de 400
sur-Marne

lente qu’en province. Accompagnant cette évolution de ments, a été rénové de manière importante, la part vétuste Fontenay- de 200 à 400
sous-Bois
Vincennes Le-Perreux-

l’emploi, la population de la capitale a connu des modifi- et insalubre de ce parc demeure encore élevée et appelle Vaucresson
Garches
St-Cloud
St-Mandé sur-Marne
Bry-sur
Noisy
le-Grand de 100 à 200
Boulogne- Nogent- Marne

cations très sensibles. La part des cadres et professions une action déterminée et constante. En effet, au moins Marnes-la-
Coquette
Billancourt
Bois-de-Vincennes
sur-Marne
de 50 à 100
Villiers
Vanves sur-Marne

intellectuelles supérieures dans la population active est un millier d’immeubles sont aujourd’hui recensés comme Ville-d'Avray
Sèvres Issy-les-
Moulineaux
Montrouge
Charenton
St-Maurice
Joinville-
le-Pont Champigny-sur-Marne
moins de 50
Malakoff Gentilly Ivry-
sur-Seine

passée de 22,1 % à 30,2 % entre 1982 et 1990 ; celle des insalubres ou fortement dégradés.
Maisons
Chaville
Meudon Châtillon
Arcueil
Kremlin-
Bicêtre Alfort
Le-Plessis
aucun habitant
Trévise
Alfortville St-Maur Chennevières

employés et ouvriers de 49,8 % à 40,4 %. Les plus fortes Clamart Bagneux des-Fossés sur-Marne

Fontenay- Cachan Villejuif


aux-Roses Vitry-sur-Seine La-Queue
Ormesson

évolutions ont eu lieu dans les 1er, 2e, 3e, 4e et 9e arrondis- L’ÉVOLUTION DES MODES DE VIE, EN PARTICULIER DE LA
en-Brie
Créteil sur-Marne
Le-Plessis-
Robinson
Bourg-la-
Reine
L'Hay-
les-Roses
contour d'Iris
Sceaux

sements. Une tendance qui semble s’être renforcée MOBILITÉ, a enfin permis d’affirmer l’attrait de Paris dans
Chatenay-Malabry Chevilly
Choisy-le-Roi
Bonneuil
sur-Marne
Noiseau

Sucy-en-Brie Source :
au cours des dix dernières années 4. le domaine des loisirs et du tourisme. Si la situation Fresnes
Larue
Thiais

Villeneuve-
Valenton
recensement de la population en 1999
(Insee)
a connu différents cycles, le développement du tourisme
St-Georges
Antony Rungis Boissy-St-Léger
Orly Limeil-
Brévannes Marolles-
en-Brie 0 2 4 km
LA RÉPARTITION PAR ÂGE DE LA POPULATION ET LA TAILLE de masse et du tourisme d’affaires, la création des grands Villeneuve-le-Roi
Santeny

DES MÉNAGES ont également changé. C’est ainsi que les adul- équipements culturels ainsi que la préservation et la mise Ablon
Villecresnes

tes actifs, notamment les femmes, sont plus nombreux. en valeur du paysage ont progressivement porté Paris Mandres-les-Roses

En revanche, la part des 60 ans et plus diminue puisqu’elle au sommet des destinations touristiques mondiales. Mais,
passe en vingt ans de 22,1 % à 19,6 %. Il en est de même dans le même temps, cette évolution positive a entraîné

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la construction de logements, notamment sociaux, dans quartiers ont fait apparaître également de nouvelles
les arrondissements de l’Est. D’une manière générale, c’est demandes en faveur d’un cadre de vie plus accueillant
d’ailleurs dans ces quartiers que se retrouvent les ménages pour de nouveaux ménages comportant deux actifs.
à plus faibles revenus et les taux de chômage les plus élevés. Cette évolution est particulièrement sensible dans le cen-
En ce qui concerne le parc immobilier, la répartition tre de Paris, mais aussi dans certains quartiers de l’Est.
des immeubles vétustes, insalubres ou sans confort est dif- Elle conduit à des demandes nouvelles sur l’utilisation
fuse, mais elle fait apparaître des secteurs où les difficultés plus large de l’espace public et sur des équipements
sont particulièrement concentrées : le centre-nord et de quartier supplémentaires.
le Nord-Est pour le logement, le centre-ouest pour l’immo- En matière de paysage, la concertation a beaucoup
bilier de services. Les logements vacants semblent par porté, au sud, sur la préservation d’éléments du cadre bâti
ailleurs plus nombreux qu’auparavant (136 000 en 1999), préexistant. Une attention plus forte s’est aussi exprimée,
ce qui pose question compte tenu de la forte demande, notamment par le biais d’associations, sur l’histoire de ces
notamment en matière de logements sociaux. quartiers à l’intérieur de l’évolution de Paris. Au nord,
La localisation et la nature du parc social ont par en revanche, cette question a été nuancée par la forte
ailleurs considérablement évolué avec les constructions dégradation de certains immeubles qui pouvait impliquer
nouvelles réalisées au cours des trente dernières années davantage de démolitions-reconstructions.
et, parallèlement, avec la quasi-disparition des logements De nouvelles manières de découvrir Paris, et des
soumis à la loi de 1948, lesquels étaient auparavant plus quartiers de plus en plus nombreux, ont parallèlement vu
largement répartis sur le territoire de la ville. La désin- le jour. Le goût de la découverte et du changement de nom-
dustrialisation, avec la libération de nombreux terrains, breux Parisiens, mais aussi certaines interventions
et le souhait de répondre aux demandes très fortes publiques d’aménagement ont fait naître de nouveaux cen-
en matière de nouveaux logements sociaux ont ainsi vu tres d’intérêt, qui, répartis dans la capitale, s’ajoutent pro-
naître, dans plusieurs arrondissements de la moitié est gressivement aux itinéraires touristiques et commerciaux
de Paris, des quartiers où se conjuguent aujourd’hui traditionnels. C’est ainsi que plusieurs quartiers
les difficultés, d’autant que certains d’entre eux s’appuient des arrondissements situés hors du centre historique
sur des formes urbaines problématiques, issues des concep- connaissent aujourd’hui un engouement particulier de la
tions des années 1960. La mixité sociale, indispensable à part des Parisiens et, parfois, des touristes. Les abords
l’intérieur du parc de logements mais aussi entre habitat de la Bastille et le faubourg Saint-Antoine en sont les
et activité, n’a pas pu y trouver place, faisant exemples les plus marquants. Ces évolutions concernent
naître un sentiment d’exclusion chez leurs habitants également la partie nord du 11e arrondissement, dans le
et des conflits lourds en matière de sécurité. Au total, quartier Oberkampf, le « village » de la Butte-aux-Cailles
les 13e, 19e et 20e arrondissements, les plus denses en loge- dans le 13e, certains quartiers du 10e arrondissement,
ments sociaux – suivant la terminologie de l’Insee – en essentiellement le long du canal Saint-Martin,
comptent 96 000 (recensement de 1999), soit 47 % du parc ou encore, des microsecteurs du 20e arrondissement
social parisien. Le croissant entier, qui inclut en outre dans des tissus urbains à caractère pittoresque.
les 12e, 14e, 15e et 18e arrondissements, en regroupe 81 %. L’intérêt des Parisiens pour ces quartiers fait naître
Les dix arrondissements du centre, de construction plus de profondes transformations dans la composition de leur
ancienne, ne totalisent que 6,3 % des logements sociaux population et dans leurs activités économiques, et s’ac-
de la capitale, pour 23,3 % du parc total. compagne le plus souvent d’une demande très forte de pro-
TYPOLOGIE DE L'HABITAT - 1999
Paris et petite couronne La sensibilité aux questions d’environnement, de pol- tection patrimoniale et paysagère.
lution et de cadre de vie, s’est, sur ces bases, exprimée Cette évolution complexe de Paris a surtout fait
HABITAT COLLECTIF au moins 80 % d'appartements HABITAT MIXTE
de manière variable suivant les quartiers. L’appartenance renaître, sous une forme ou une autre, un attachement
Dominante privée Entre 50 % et 80 % d'appartements
80 % ou plus d'appartements non HLM de plusieurs grandes voies parisiennes au réseau principal des Parisiens à leur quartier. D’une certaine manière,
Au moins 50 % de logements construits après 1948, HABITAT INDIVIDUEL de circulation et la nécessité de les gérer en tant que telles tout se passe comme si, après avoir goûté au plaisir
ou au moins 20 % de logements de 5 pièces et plus Moins de 50 % d'appartements
a été contestée, principalement dans le centre, le Nord-Est de retrouver ensemble une identité commune, après
Au moins 50 % de logements construits avant 1948,
et au moins 80 % de logements de 4 pièces et moins et le Sud-Est. Des interventions locales se sont exprimées, la réduction de la tutelle de l’État et l’élection d’un maire,
Tissu mixte HLM/privé Plus de 20 % de logements inconfortables
parfois avec force, pour diversifier l’usage de ces espaces, les Parisiens étaient devenus progressivement plus sou-
Entre 50 % et 80 % d'appartements non HLM
Iris spécifique (espaces verts,
comme pour l’avenue Jean-Jaurès, le boulevard de Clichy, cieux d’une gestion attentive de leur environnement
Dominante HLM moins de 40 % de logements) ou les Grands Boulevards. le plus proche. Les inégalités manifestes entre ces quar-
Moins de 50 % d'appartements non HLM
0 2 4 km
L’évolution et les composantes de la population tiers, qui viennent d’être rappelées, prennent dans
Source: recensement de la population en 1999 (Insee)
de certains quartiers, les mouvements entre ces différents ces conditions une dimension toute particulière.

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24 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 25
MUTATIONS URBAINES
Interface Paris - première couronne

Étude
Secteur d'étude ou de réflexion

SAINT-DENIS
SAINT-OUEN AUBERVILLIERS
Aménagements
Zones d'aménagement concerté
12
travaux achevés
12 12
CLICHY projets en cours ou programmés
projets à l'étude
PANTIN
Projets de réhabilitation ou de construction
en cours ou programmés
E
à l'étude
LEVALLOIS
PERRET 18 Renouvellement urbain
GPV,ORU , GPRU (à Paris)
NEUILLY
LE PRE
SUR-SEINE
SAINT
Périmètre de ZUS hors Paris
17 19 GERVAIS ou de "Politique de la ville" à Paris

LES LILAS Opération programmée d'amélioration


de l'habitat (Opah) en cours ou prévue

14 9 10 10 Requalification de logements sociaux


en cours
8 à l'étude
BAGNOLET

2 Transports en commun
20 14 Nouvelles stations (métro, RER)
1
Nouvelle ligne de transport
16 3 3 en commun en site propre
11 MONTREUIL
Espaces publics
7 4 couverture d'infrastructures

Domaine public viaire


6 Création d'espaces publics Requalification
en cours en cours
VINCENNES ou programmé ou programmée
5
12 à l'étude à l'étude
15
Domaine public ferré
SAINT Aménagement réversible
MANDE
des emprises non utilisées de la petite ceinture
Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur

BOULOGNE
BILLANCOURT
Domaine ferroviaire existant
14
13 3 Domaine public fluvial
Mise en valeur du site de la Seine et des canaux
14 14
CHARENTON
LE-PONT
VANVES
Redécouverte de la Bièvre
ISSY
LES-MOULINEAUX
Espaces verts
14 Jardins publics, cimetières, terrains de sport
MALAKOFF IVRY
MONTROUGE SUR-SEINE Création en cours ou à l'étude
GENTILLY Requalification en cours ou à l'étude
LE KREMLIN LIN existants
BICETRE RE

Limite du territoire d'étude

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26 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 27
Commerces et centralités
périphériques

Centralité

mixte locale globale

Équipement

local global

Commerces
sur rue

Hypermarchés, magasins populaires


ou supermarchés.
+ 5 000 m2 2 500 à 1 000 à

2 500 m2
5 000 m2

Galeries commerciales
ou centres commerciaux

+ 35 000 m2
15 000 à
5 000 à

2
35 000 m2 15 000 m

Animations
temporaires
dont marchés

Difficultés de franchissement
des voies
des places
limites infranchissables
axes bruyants
et /ou polluants
espaces publics dégradés
Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur

Lieux fermés
grandes parcelles
commerces
grandes emprises
formant enclaves
secteurs à vocation
particulière

Voir la carte complémentaire


au chapitre Équipements et
vie quotidienne :
Commerces et centralités
à Paris.

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28 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 29
PA R I S ET SON Cette présentation de il s’agit de veiller à la réduction des inégalités en termes BAGNOLET MONTREUIL

Paris laisse cependant de qualité de logements, d’accueil et de services rendus.


I

AGGLOMÉRATION :
ZAC GAL LIEN

QUELLE(S) de côté une question Chacune de ces questions appelle des correctifs, parfois ZAC VAR LIN

AMBITION(S) ? essentielle : la dimension de grande ampleur. À Paris, les priorités seront de mettre ZAC VAR LIN

d’agglomération. Les à niveau le parc de logements anciens (accroissement

laire
dispositions du dernier Sdrif de 1994 vont dans ce sens, ainsi du confort, résorption de l’habitat insalubre), de gérer

Groupe Sco
Centre sportif

Lycée
Maryse Hilsz

que la loi du 12 juillet 1999 sur l’organisation des agglomé- l’espace public (réduction des nuisances et usage plus faci- Centre sportif
Dejerine

rations. Néanmoins, sur le terrain, l’essentiel reste à faire. le pour les non-automobilistes) et de préserver le paysage Square
Dejerine

Il est en effet difficile de considérer les villes comme on de la capitale. Évidemment, ces questions concernent aussi 20e

le faisait il y a encore une dizaine d’années, c’est-à-dire les communes de l’agglomération voisines de Paris.
comme des territoires se développant de proche en proche sur De même, la déclinaison sur le territoire parisien
les espaces alentour. Aujourd’hui, les villes s’organisent sous des orientations du Plan des déplacements urbains (PDU) 1 2
la forme d’aires urbaines plus ou moins discontinues, suivant de la région Ile-de-France, le Plan régional pour la qualité
une structure que certains ont qualifiée d’archipel. Cette évo- de l’air (PRQA), le Plan départemental de traitements SAINT-MANDE

lution est due naturellement aux facilités nouvelles en matiè- des déchets (PDTD), le Plan de protection contre ZAC GAL LIEN
I

re de mobilité, au développement des centres des communes les risques d’inondation (Ppri) et le contrat de ville dans le Square du
Cdt. l'Herminier

riveraines, mais aussi à la diversification des modes de vie. domaine social devront logiquement trouver place dans
Cette nouvelle géographie urbaine appelle un dialogue un partenariat renforcé avec les communes de l’agglomé-
adapté à l’intérieur de l’agglomération, entre les communes ration centrale. D’autres thèmes, comme l’avenir Square
Delaporte

qui la composent, notamment celles qui en forment le centre, des canaux et la coordination de l’action foncière, s’y ajou-
c’est-à-dire Paris et la petite couronne. Avec 6,2 millions teraient naturellement. Cette volonté de coopération Collège

d’habitants sur 760 km2, ce territoire regroupe 56 % de la ne prendra cependant tout son poids que dans l’annonce
Vincent d'Indy

12e
population régionale sur 6 % seulement de son territoire, d’une démarche concertée sur les nouveaux pôles d’équi-
et concentre une part essentielle des enjeux. pements et d’emplois dans l’agglomération.
3 4
C’est à l’intérieur de cet ensemble qu’il convient de pré-
ciser l’équilibre entre le souci d’une diversification de Paris UNE QUESTION La question de l’équilibre
et le souci de son unité. L’ambition de Paris, son rôle comme D’ÉQUILIBRE entre Paris et les autres
grande capitale et comme lieu de vie de deux millions d’habi- communes de l’agglomé-
tants, se pose dans des termes renouvelés puisque les ques- ration doit donc être posée. Elle peut permettre de trouver de
tions d’agglomération sont dorénavant omniprésentes. nouvelles réponses à des situations parfois contradictoires.
Certes, des coopérations ont été amorcées depuis quelques
ÉVOQUER PARIS-CAPITALE, c’est, en effet, s’interroger années et plusieurs institutions existent qui sont d’intérêt
d’abord sur la place que Paris et son agglomération doivent commun : le Syndicat intercommunal de traitement
tenir parmi les grandes métropoles mondiales et les rela- des ordures ménagères de la région parisienne (Syctom) et
tions qu’il faut nouer avec elles. Cette question est impor- le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement
tante de plusieurs points de vue : de celui de l’économie, de l’agglomération parisienne (Siaap), le Syndicat des
de la recherche et de l’enseignement, de celui de la culture, transports d’Ile-de-France (Stif), dans lequel la Région vient
du sport et du tourisme et, naturellement, de celui des com- de faire son entrée, l’AP-HP et le Port autonome, par exem-

Doc. Apur
munications. Des projets ambitieux sont d’ores et déjà envi- ple. Leur existence même prouve la nécessité d’une vision
sagés et permettent d’y répondre en partie : la mise des besoins et des moyens à l’échelle de l’agglomération,
en œuvre du plan « Université du troisième millénaire » pour un nombre croissant de fonctions urbaines collectives. 5 6
(U3M) ; le projet de renouvellement urbain de la couronne Trois thèmes majeurs appellent cependant des for- 1. Porte de Vincennes, état actuel.
de Paris ; le réaménagement des quartiers centraux ; le mes d’action encore plus ambitieuses : le développement 2. Porte de Vincennes, esquisse
développement du secteur Paris Nord-Est proposé économique, la réduction des inégalités et la répartition d’aménagement, 2002.
en partenariat avec les communes de la Plaine de France. du logement, notamment le logement social. C’est dans
3. Porte de Montreuil, état actuel.
cette perspective que l’État et la Région ont d’ores et déjà 4. Porte de Montreuil, esquisse
ÉVOQUER PARIS, ET SES QUARTIERS, c’est réfléchir davan- souhaité, dans le cadre du contrat de plan 2000-2006, déve- d’aménagement, 2002.
tage à Paris au quotidien, en prenant en compte la diversi- lopper une « politique d’aménagement du territoire qui
té des modes d’occupation du sol et des paysages. contribue au redéveloppement des territoires en difficulté 5. Porte d’Aubervilliers, état actuel.
6. Porte d’Aubervilliers, esquisse
C’est aussi prendre toute la mesure des difficultés vécues et à la diffusion du rayonnement des pôles de croissance ». d’aménagement, 2002.
par ses habitants. Pour reprendre les termes de la loi SRU, Dix pôles prioritaires ont ainsi été identifiés, dont trois sont

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30 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 31
très liés à Paris : la Plaine-Saint-Denis au nord, la Seine en août 1992, et la récente Association des collectivités ter- É LÉMENTS À l’échelle européenne et d’aménagement retenues par la
amont à l’est, le Val-de-Seine au sud-ouest. Pour la premiè- ritoriales de l’Est parisien (Actep). Autant de structures POUR UN PLAN
D ’ AMÉNAGEMENT
mondiale, Paris est perçu Ville sont compatibles avec les
re fois, des territoires franciliens ont aussi été, pour 2000- de coordination qui ne concernent pas la capitale et qui sou- ET comme un ensemble à la fois contraintes que connaît le reste
DE DÉVELOPPEMENT
2006, éligibles aux fonds européens au titre de l’objectif 2 lignent la nécessité de faire évoluer progressivement cette DURABLE composite et homogène de de l’agglomération, notamment
relatif à la reconversion économique et sociale. Plusieurs situation en trouvant les moyens d’une confiance retrouvée 9 millions d’habitants, formé en ce qui concerne la question
communes (27) sont ainsi concernées en totalité ou en par- entre Paris et ses voisines. d’une ville-centre de 20 arron- des transports.
L ESÉCHELLES
tie et, parmi elles, 22 sont situées dans des départements Cela paraît d’autant plus justifié que la rareté fon- DU TERRITOIRE
dissements, de 29 communes
de la petite couronne. cière à Paris pose des questions difficiles, si l’on veut PARISIEN limitrophes et de 396 commu- Par ailleurs, au moment
Si Paris a signé un contrat de ville avec l’État et répondre à l’ensemble des besoins formulés par les habi- nes en périphérie. où le franchissement effectif du
la Région, 8 contrats de ville concernent et regroupent tants, mais aussi par ceux qui souhaitent venir y vivre et boulevard périphérique paraît
des communes limitrophes : Clichy, Montreuil, Bagnolet, y travailler. Il est toujours souhaitable que les réponses Vingt et un pour cent inéluctable, une meilleure ges-
Aubervilliers, Saint-Denis, Le Kremlin-Bicêtre, Gentilly apportées à ces attentes soient réparties sur l’ensemble du territoire régional regroupe tion de cette interface et de
et Ivry. L’un de ces contrats, celui du Val-de-Bièvre, est dou- de l’agglomération, en identifiant les complémentarités et ainsi 9 Franciliens sur 10, unis ses fonctions assurerait non
blé d’une opération de renouvellement urbain (ORU) sur en renforçant les atouts existants. par une réelle communauté d’in- seulement une nette améliora-
Arcueil et Gentilly, déclarée d’intérêt communautaire. Il Les communes voisines de Paris ont beaucoup évolué térêts pour de très nombreux su- tion du paysage, mais aussi
concerne en partie des espaces communs avec Paris (porte au cours de la dernière décennie, notamment du fait jets tels que les transports, l’em- une meilleure qualité de vie
de Gentilly, Cité internationale). Enfin, en Ile-de-France, de la législation sur la décentralisation. Des centres urbains ploi, les loisirs, les grands de ses riverains, tout en confir-
17 territoires de grands projets de ville (GPV) ont déjà été se sont développés, riches en emplois et en équipements équipements ou le logement. mant sa fonction essentielle de
choisis. Deux d’entre eux jouxtent Paris : Pantin-Bobigny- attrayants. Dans ce contexte, le dialogue et la coopération voie de circulation. Cependant,
Bondy et Plaine Commune-La Courneuve-Stains. intercommunale devraient connaître, au cours des prochai- Le dynamisme et l’in- il ne s’agirait pas seulement
Dans la petite couronne, 5 groupements à fiscalité nes années, de nouveaux développements, pour assurer fluence de chaque commune pas- de faire de cette interface,
propre ont d’autre part été créés. Trois d’entre eux – Plaine globalement de meilleures conditions de vie et de meilleurs sent par la synergie qu’elle déve- un boulevard urbain entre
Commune, Val-de-Bièvre et Nogent-Le-Perreux – touchent services à l’ensemble des habitants de l’agglomération. loppe avec les communes Paris et les communes limitro-
Paris. Même s’ils n’ont pas de fiscalité propre, on peut y C’est l’objectif fondamental que doit s’efforcer d’atteindre limitrophes et l’espace régional. phes, mais véritablement, de lui
ajouter le syndicat mixte du Val-de-Seine, créé le futur document d’urbanisme dont Paris va se doter. C’est dans cette mise en relation donner une consistance propre,
que chacune trouve souvent les d’en faire un espace urbain
Cet article a été rédigé à partir des études de l’Apur, complémentarités indispensa- à part entière.
notamment « Paris 2001, Analyse économique, sociale bles pour définir, financer et
et urbaine, bilan analytique », Olivier Nicoulaud, Apur, réaliser des projets communs. Les enjeux dépassent les
octobre 2001. seules limites de cette inter-
Les futurs documents face : la réflexion urbaine doit
d’urbanisme de Paris pour- intégrer la dimension régionale
raient ainsi favoriser les com- dans son ensemble. Cette
plémentarités possibles entre double échelle, locale et régio-
Paris et le reste de l’unité nale, celle du polycentrisme
urbaine, en matière d’équipe- parisien, constitue l’ossature
ment, de logement ou encore des futurs documents d’urba-
d’emploi. D’autre part, ces docu- nisme de Paris et devra permet-
ments pourraient montrer tre à la cité de trouver son
comment les orientations complet rayonnement.

1. Il s’agit de la population de l’aire agglomérée.


2. La ville globale, New York, Londres, Tokyo. Saskia Sassen,
édition descartes 1996.
3. Saskia Sassen est professeur de sociologie à l’Université de
Chicago.
4. Un premier sondage au 1/20 000 du recensement de 1999
montre que l’écart s’accroît encore aujourd’hui, les pourcen-
tages passant respectivement à 35,4 % et 35,1 %. Les cadres
et professions intellectuelles supérieures dépasseraient ainsi
pour la première fois le nombre d’employés et d’ouvriers.
5. Source : Direction de l’urbanisme.

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32 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 33
L’EMPLOI
ET L’ÉCONOMIE

X X X X X X X

L’économie parisienne est en perte de vitesse. d’effectifs de 200 000 sur une décennie et un chiffre déjà
L’évolution économique de Paris au cours des dernières très inférieur à celui fixé par le Sdrif à l’horizon 2015.
décennies a fait apparaître une perte significative de sub- L’examen des données fournies par les enquêtes
stance et un affaiblissement du potentiel de la capitale. régionales emploi (ERE) 2, exploitées sur une période plus
Cette évolution ne s’est effectuée que pour partie au béné- longue, permet de nuancer et d’affiner ce constat. De 1981
fice du reste de la région et, dans Paris même, elle a conduit à 2000, l’emploi salarié aurait progressé globalement, au
à maintenir les déséquilibres géographiques entre l’Est et niveau régional, de 13,2 %, et sur cette même période,
l’Ouest et à accroître les phénomènes d’exclusion et de pau- Paris aurait perdu 9 % de ses salariés. L’examen des
vreté. Néanmoins, Paris demeure doté de très nombreux enquêtes successives montre qu’après une forte baisse,
atouts : une population nombreuse, des pôles d’excellence Paris connut, entre 1994 et 1997, une certaine stabilisa-
importants et des secteurs de spécialisation économique tion du nombre de ses salariés, pour enregistrer depuis
particulièrement performants. Les nouveaux instruments une sensible augmentation, tout au moins jusqu’en 2000,
d’urbanisme, issus de la loi relative à la solidarité et au date de la dernière enquête. Il n’en demeure pas moins
renouvellement urbains (SRU), en cours d’élaboration que le poids de Paris dans la région Ile-de-France en ter-
– le Plan local d’urbanisme (PLU) et son « projet d’aména- mes d’emplois a fortement décru. En effet, si Paris comp-
gement et de développement durable (Padd) » –, offrent tait 41 % de l’emploi salarié régional il y a vingt ans, il
aujourd’hui une opportunité privilégiée de redéployer une n’en accueillait plus que 32 % en 2000. Le constat est
politique en faveur de l’économie et de l’emploi. À l’aube des inquiétant. Ainsi, les marchés de l’emploi les plus cen-
années 2000, le constat et les perspectives qui peuvent être traux et les plus facilement accessibles aux actifs de
dressés dans ce domaine pour la capitale sont les suivants. la région sont en régression. Cette évolution oblige
un nombre croissant de Parisiens à se rendre sur un lieu
L’ E M P L O I UNE BAISSE DE L’EMPLOI de travail situé en dehors de Paris et de plus en plus d’ha-
IMPORTANTE, PLUS FORTE bitants de la banlieue à effectuer des trajets fastidieux
QUE LES PRÉVISIONS. Au dernier recensement, en 1999, la de banlieue à banlieue, en utilisant le plus souvent des
région Ile-de-France comptait plus de 5 millions d’emplois 1. moyens de transport individuels.
Le Schéma directeur régional d’Ile-de-France (Sdrif), publié
en 1994, avait prévu une augmentation continue de l’emploi UNE RÉPARTITION ET UNE ÉVOLUTION DE L’EMPLOI TRÈS
régional, qui devait passer de 5 millions à 5,8 millions INÉGALES SUR LE TERRITOIRE. L’essentiel de l’emploi parisien
à l’horizon 2 015. L’évolution constatée entre 1990 et 1999 est concentré sur ses quartiers centraux, qu’il s’agisse des
Photo : Apur.
confirme cette tendance à la hausse, mais en fait, de maniè- activités liées au business (banque, finance, service aux
re beaucoup moins importante que prévu. entreprises), des activités plus classiques (joaillerie,
Pour Paris, en revanche, les prévisions à la baisse du confection, restauration, hôtellerie, tourisme) et, dans une
Sdrif ont été très fortement dépassées. Le Schéma directeur moindre mesure, des activités dites de « matière grise » À l’est, l’opération
Paris rive gauche
prévoyait une diminution modérée, de l’ordre de 2 000 (presse, édition, audiovisuel, informatique, biotechnologies, concrétise
emplois par an en moyenne, soit 50 000 emplois sur vingt- technologies de l’information et de la communication). la contribution parisienne
cinq ans. L’effectif de 1,81 million d’emplois en 1990 devait À l’inverse, de très vastes secteurs de la capitale, en parti- au redéveloppement
régresser à 1,76 million en 2 015. La baisse a été en réalité culier ses parties nord et nord-est, n’accueillent que très du secteur Seine amont.
beaucoup plus conséquente, puisque, au dernier recense- peu d’entreprises et surtout peu d’emplois, notamment
ment, Paris comptait 1,6 million d’emplois, soit une perte d’emplois très qualifiés.

L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N
34 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 35
En termes d’évolution, la répartition est également rie, de la joaillerie, de la couture, de l’imprimerie et de l’é- ÉVOLUTION
très contrastée. Quatre arrondissements ont perdu plus dition. Au total, les secteurs de l’imprimerie et de l’édition, DES EMPLOIS SALARIÉS
1997-2000
d’emplois que la moyenne parisienne au cours des vingt der- de l’habillement et du textile regroupent à eux seuls 51 % Paris et communes limitrophes
nières années. Il s’agit d’arrondissements centraux : le 2e des emplois industriels parisiens.
(- 23 200 emplois ; - 24,4 %), le 3e (- 14 800 emplois ; - 33,8 %), Évolution du nombre d'emplois salariés
entre 1997 et 2000
le 8e (- 25 000 emplois ; - 10,8 %) et le 9e (- 30 000 emplois ; LES EMPLOIS DE SERVICE sont très nombreux, mais supérieur à +20 %

- 19,2 %). Quelques arrondissements ont gagné des emplois répondent insuffisamment aux besoins des habitants. de + 10 à + 20 %
de 0 à + 10 %
durant cette période, mais dans des proportions et à partir En effet, le secteur tertiaire (commerces et services) repré- de 0 à - 10 %

d’effectifs beaucoup moins importants. Il s’agit du 4e (+ 3 400 sente, dans la capitale, 88 % de l’emploi privé (73 % dans le supérieur à - 10 %

Moyenne Paris = + 16,2 %


emplois ; + 9 %), du 14e (+ 3 200 emplois ; + 5 %) et du reste de la région). Dans ce secteur, les services restent de Moyenne Ile-de-France = + 12,0 %

17e arrondissement (+ 9 200 emplois ; + 10,2 %). loin le premier grand poste d’activités, avec près de 741 000
Seuls, en fait, le 12e arrondissement (+ 36 000 emplois. La capitale concentre ainsi 45 % des emplois sala- Évolution du nombre d'emplois salariés
publics et privés entre 1997 et 2000
emplois ; + 44 %) et le 13e (+ 10 300 emplois ; + 13,8 %) ont riés de services privés d’Ile-de-France. Paris occupe égale-
salariés du public
connu une augmentation déterminante. Ces évolutions sont ment une position prédominante pour les emplois adminis- salariés du privé

liées, pour le 12e arrondissement, au développement du pôle tratifs dans les collectivités publiques, l’hôtellerie-restaura- + 50 %

d’activités de la gare de Lyon et de Bercy et, pour le 13e, tion, les activités immobilières et, dans une moindre mesu- + 40

aux bureaux de la place d’Italie et, surtout, à la livraison re, les services aux entreprises et la recherche en dévelop- + 30
4,4 6,7 ,7 3,1
+ 20 +1 +1 +7 +1
des premiers programmes d’immobilier d’entreprise de pement. Toutefois, des manques de plus en plus importants + 10

l’opération Paris Rive gauche. se font sentir dans le domaine des services privés à la per- - 10
0
Moyenne Moyenne
Paris Ile-de-France
Cette évolution participe, dans une certaine mesure, sonne (commerce, artisanat), qui peu à peu portent préjudi- - 20 %

à la réduction du déséquilibre et de la répartition ce à la qualité de vie locale des habitants.


des emplois entre l’est et l’ouest de la capitale. Ce déséqui- Source : 6e et 7e enquête régionale emploi,

libre demeure néanmoins une des questions majeures de LE POIDS DU Paris compte 366 500 1997 et 2000 (Insee)

l’aménagement de Paris et de la région. Ainsi, par exemple, SECTEUR PUBLIC salariés du secteur 0 1 2 km

les 10 premiers arrondissements regroupent à eux seuls public, soit un tiers de


plus de 700 000 emplois (soit 45 % du total parisien) sur un l’emploi public de la région. Ce ratio élevé, du même ordre
territoire qui couvre à peine plus de 25 % de la superficie que pour l’emploi privé, s’explique principalement par l’im-
de la capitale. Par ailleurs, si l’on considère la densité, l’en- portance des effectifs employés par les administrations CATÉGORIES
SOCIOPROFESSIONNELLES
semble formé par les 1er, 2e, 8e et 9e arrondissements se d’État. Les 251 600 salariés concernés représentent 69 % 1999
détache toujours très nettement, avec plus de 400 emplois des emplois publics de Paris. Les emplois publics de la Ville Paris et communes limitrophes
s
salariés à l’hectare, pour une moyenne de 188 sur l’ensem- de Paris et les autres agents publics territoriaux regrou- en
tat
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ris or ne
d'I ég ion
es cat ess
s ionroup les prof
pré it
ble de Paris (hors bois). pent 58 800 salariés. Ce chiffre peut paraître élevé. Su
rre
r t
pa s g lon cio
Ré de se so
0 10 20 30 40 50%

PROFESSIONS LIBÉRALES
CHEFS D'ENTREPRISE
Toutefois, lorsque l’on rapporte l’effectif des collectivités agr./art./comm.
lib./chefs d'entr.
cadres
L’EMPLOI INDUSTRIEL EN RECUL DEPUIS PLUS DE VINGT ANS. territoriales à la population totale recensée en 1999, le interm.
employés
ouvriers

Ce phénomène, même s’il résulte en partie d’une mutation ratio parisien (2,8 %) se situe au niveau de la moyenne agr./art./comm.
lib./chefs d'entr.
cadres

propre à Paris comme centre d’une agglomération de plus régionale (2,9 %). interm.
employés
ouvriers

en plus étendue, s’inscrit dans une évolution générale de la agr./art./comm.

CADRES
lib./chefs d'entr.
cadres
interm.
production des biens et services à l’échelle régionale et DES INÉGALITÉS Le taux de chômage est employés
ouvriers
agr./art./comm.
nationale. En 1978, l’emploi industriel totalisait 23 % de GÉOGRAPHIQUES passé de 7,7 %, fin 1981, lib./chefs d'entr.

INTERMÉDIAIRES
cadres

PROFESSIONS
interm.
l’emploi salarié privé parisien ; il n’en représente plus que CROISSANTES à 12,8 % en 1993, pour employés
ouvriers
agr./art./comm.
7,2 % aujourd’hui. La part de Paris dans l’emploi salarié revenir à 8,8 % en lib./chefs d'entr.
cadres
interm.
employés
industriel de la région a, par ailleurs, fortement régressé, juin 2001. Il n’a cessé de remonter depuis et a atteint 10 % ouvriers
agr./art./comm.
de 27 % en 1978 à 18,5 % en 2000. Toutefois, Paris conser- en juin 2002 3. Cette évolution suit celle de la région Ile-de- lib./chefs d'entr.
cadres
interm.
employés
ve 120 000 salariés employés dans l’industrie, ce qui en fait France, mais le taux de chômage à Paris reste toujours ouvriers
agr./art./comm.

EMPLOYÉS
OUVRIERS
lib./chefs d'entr.
encore le deuxième département industriel de la région supérieur au taux régional, l’écart aujourd’hui étant de cadres
interm.
employés
Ile-de-France après les Hauts-de-Seine. Les secteurs indus- 1,6 point. Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à ouvriers

0 10 20 30 40 50%

triels les plus touchés par ces diminutions d’effectifs ont été l’ANPE de Paris 4 a également fortement augmenté au part des personnels
des services directs
aux particuliers
la production et la distribution d’énergie, ainsi que l’indus- cours des vingt dernières années. Il a crû de 77 000 en 1977 Le fond de plan utilisé fait apparaître en gris les Iris

trie de l’habillement, notamment des fourrures. D’autres à 143 000 en 1994. Redescendu à 96 000 à la fin de l’année de moins de 50 actifs et les emprises des principaux
équipements et espaces verts.
Source : recensement de la population en 1999 (Insee)
secteurs, qui contribuent fortement à l’image économique 2000, ce nombre a récemment réaugmenté, pour atteindre 0 1 2 km

de Paris, ont au contraire bien résisté : il s’agit de l’orfèvre- près de 110 000 inscrits au premier semestre 2002.

L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N
36 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 37
Les demandeurs d’emploi résident, pour 42 % d’entre eux, proposer de grandes surfaces « intelligentes », notamment
dans la partie nord/nord-est de la capitale (11e, 18e, 19e et dans les immeubles haussmanniens du quartier d’affaires
20e arrondissements). L’écart est grand entre le centre de la rive droite. C’est ainsi que près de 1,5 million de
et l’Ouest, d’une part, et le Nord et l’Est, d’autre part. Ainsi, mètres carrés rénovés ont été mis sur le marché entre 1990
en juin 2002, la part de ces demandeurs d’emploi était de et 2000, soit un chiffre équivalent à celui des objectifs du
6,7 % de la population active dans les 5e et 7e arrondisse- Sdrif pour la totalité de la période 1990-2015.
ments et de 13,5 % dans les 18e et 19e arrondissements. Parallèlement, des bureaux vétustes, difficilement transfor-
Les bénéficiaires du RMI sont également très pré- mables pour répondre à la nouvelle demande du fait de sur-
sents dans le nord et le nord-est de Paris. En effet, Paris faces trop petites ou de l’impossibilité de câbler, sont retour-
comptait, en 1990, 16 000 bénéficiaires du revenu minimum nés à l’habitation. C’est ainsi que 285 000 mètres carrés ont
d’insertion, soit 1,5 % des ménages parisiens. En 2001, cet été transformés de bureaux en logements entre 1994
effectif est passé à environ 45 700, soit 4,1 % des ménages. et 1998. Mais ces transformations se raréfient en raison
Ces hausses importantes, comparables en valeur relative à d’une forte augmentation de la demande de surface et de la
celles de la région Ile-de-France, résultent en grande partie faible production de constructions nouvelles.
de la montée en régime du dispositif créé le 1er décembre
1988 et, naturellement, de l’évolution de la courbe du chô- LA TRANSFORMATION DU PARC DE BUREAUX. La géographie
mage. Ainsi, la baisse du chômage en 1999 s’est accompa- du parc parisien intra-muros s’est un peu transformée
gnée parallèlement d’une baisse du nombre de bénéficiaires entre 1982 et 2000. Bien que regroupant encore 41 % du
du RMI. Les 2e, 18e et 19e arrondissements présentent, parc de bureaux parisiens, la part du quartier central des
en 2001, des taux supérieurs à 6 %, contre 4,1 % en moyen- affaires (1er, 2e, 8e et 9e arrondissements) a diminué de 3 %
ne. À eux seuls, les 18e, 19e et 20e arrondissements concen- au profit de nouveaux pôles. Dans le 15e arrondissement,
trent 36,5 % de la population de RMIstes. Sont également le parc est passé de 0,1 million de mètres carrés à

Photo : Apur.
fortement représentés les 10e et 11e arrondissements. 1,3 million ; celui du pôle de Bercy-gare de Lyon est passé
de 0,5 million de mètres carrés à près d’1 million ; quant au
L’ I M M O B I L I E R LA PART DE PARIS EN DIMI- 13e arrondissement, autour de la place d’Italie, il a connu
Les industries ont quitté D’ENTREPRISE NUTION. Le parc d’immo- une augmentation de son parc de 0,4 million de mètres
la couronne, de nouvelles bilier d’entreprise de la carrés à 0,6 million. La croissance des activités tertiaires à
activités, essentiellement région Ile-de-France a connu une forte croissance de 1982 à l’est de la capitale se confirme avec l’émergence du nouveau
tertiaires, s’installent :
2000, passant de 26,8 millions de mètres carrés de surface pôle de bureaux dans l’opération Paris Rive gauche (dont
ici dans le 19 e avec
les magasins généraux utile à plus de 43 millions, soit plus de 16 millions de mètres 450 000 mètres carrés étaient commercialisés en 2001) et
(réhabilités par les architectes carrés supplémentaires. La production nette de surface au nord-est de la capitale où plus de 100 000 mètres carrés
Chaix et Morel) et l’hôtel (excluant les rénovations dans l’existant) a, en revanche, été sont d’ores et déjà en cours ou prévus. Toutefois, en tenant
d’activité Métropole 19 relativement faible à Paris, de l’ordre de 1 million de mètres compte des démolitions, du changement de destination
(réalisés par les architectes
Viguier et Jodry);
carrés depuis 1982, le parc s’établissant aujourd’hui à et de la construction neuve, la progression du parc parisien
dans le 12 e avec l’immeuble 15 millions de mètres carrés environ. En conséquence, la part n’aurait été que de 500 000 mètres carrés au cours de la
de la Caisse des dépôts de Paris dans le parc régional a décru, passant de 53 % en période 1990-2001, soit une valeur assez modeste.
et consignations 1982 à 35 % en 2000. La surface du parc de Paris représente
(architecte C. Hauvette).
la moitié de celui de Manhattan, à New York (33 millions de UN MARCHÉ À NOUVEAU TRÈS TENDU. Entre 1987 et 2000,
mètres carrés), comparable par ailleurs en termes de surface l’immobilier d’entreprise a connu un cycle en quatre phases :
et de population. Toutefois, à l’échelle de Paris et de la petite jusqu’en 1990, le stock de bureaux vacants à un an a été
couronne, le parc de bureaux, avec 32 millions de mètres car- inférieur à la demande placée, se traduisant par un faible
rés en 2000, est le plus important d’Europe devant celui du taux de vacance, une tension du marché et une hausse des
Grand Londres (30 millions), de Berlin (15,6 millions), de valeurs. À partir de 1991, le retournement de la conjonc-
Bruxelles (9,8 millions), de Francfort (9,4 millions) ou de ture a généré une augmentation du taux de vacance, qui a
Milan (8 millions). culminé à 10,4 % en 1995, l’offre devenant très largement
supérieure à la demande (le point d’équilibre pour une
UN PARC DE MEILLEURE QUALITÉ. Au cours de la derniè- bonne fluidité du marché étant de l’ordre de 6 à 7 %). Cette
Photos : Apur.

re décennie, les utilisateurs sont devenus beaucoup plus exi- situation s’est traduite par une crise immobilière de gran-
geants sur la qualité des immeubles de bureaux. de ampleur. Dès 1996, on observe à nouveau une diminu-
D’importants travaux de rénovation et de restructuration tion du stock de bureaux vacants, le seuil de fluidité étant
du parc ont donc été entrepris par les investisseurs afin de atteint en 1998. Depuis 1999, la demande est devenue très

L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N
38 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 39
Contribuer au développement
de la vie économique
et de l'emploi à Paris
Contrôler le développement ,
améliorer les fonctions centrales
contrôler le développement
et moderniser le parc tertiaire
améliorer l'insertion
et le fonctionnement des activités
manufacturières existantes
préserver la multifonctionnalité
et promouvoir une offre
commerciale plus diversifiée

Rééquilibrer la répartition
de l'activité économique
et favoriser l'emploi
favoriser une mixité sélective
entre le logement
et les différents types d'activité

engager des actions en faveur


de la formation et de l'emploi
développer des opérations
d'aménagement mixtes
à dominante économique,
logistique et de services urbains

Préserver et renforcer
le commerce de proximité
concilier les activités
commerciales et touristiques
avec la vie locale

renforcer
l'armature commerciale
de proximité

S'appuyer sur le réseau,


de transports en commun
et de fret, existant et futur
renforcer et aménager
Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur

les pôles des gares

lignes et stations existantes et futures :


de métro, de RER,
de tramway

L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N
40 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 41
supérieure au stock disponible, alors que le taux de vacan- ment et cesse d’effectuer une partie de ses achats dans
ce est très bas (2,1 % au 1er janvier 2002 dans Paris), que Paris ; d’autre part, nombre de consommateurs parisiens Controler le développement ,
améliorer les fonctions centrales
les valeurs augmentent et que le marché redevient tendu, incluent à présent dans leurs pratiques d’achat les gran-
particulièrement pour les grandes surfaces. des surfaces commerciales situées aux portes de la ville. controler le développement
Cette inadéquation entre l’offre et la demande en ter- La rareté des opportunités foncières et la volonté de et moderniser le parc tertiaire
mes de surface et de prix génère des difficultés importantes ne pas implanter de très grandes surfaces alimentaires ont améliorer l'insertion
et le fonctionnement des activités
pour les entreprises, essentiellement pour les PME et les eu pour effet de limiter radicalement les hypermarchés manufacturières existantes
PMI qui recherchent des loyers modérés, inférieurs à 300 dans Paris. Ainsi, seuls trois hypermarchés anciens 5, d’une préserver la multifonctionnalité
euros le mètre carré. surface de vente limitée à 15 000 mètres carrés, sont situés et promouvoir une offre
commerciale plus diversifiée
dans les arrondissements périphériques. En outre, les
LA LOGISTIQUE URBAINE. Il n’existe pas d’estimation moyennes surfaces alimentaires dépassant le seuil des renforcer et aménager
les pôles des gares
précise du parc de locaux d’activité ou de stockage à Paris 2 500 mètres carrés sont en nombre restreint (une dizaine).
ou en Ile-de-France. Il est seulement possible d’évaluer l’é- En revanche, un réseau de moyennes surfaces alimentaires
volution de la construction ou de la démolition de ce type de composé de supermarchés et de magasins populaires s’est
locaux. Entre 1994 et 2000, la diminution des locaux indus- développé dans Paris selon un maillage dense (56 super-
triels dans Paris a été de l’ordre de 230 000 mètres carrés, marchés de plus de 1 000 mètres carrés, 50 magasins popu-
soit une perte annuelle moyenne de 33 000 mètres carrés laires disposant d’un rayon alimentaire et 200 petits super-
traduisant bien la tertiarisation croissante des activités marchés et discounters). Le rôle de ces surfaces apparaît
Rééquilibrer la répartition
dans la capitale. Ces chiffres sont à rapprocher de ceux du de plus en plus déterminant pour la vie locale et l’anima- de l'activité économique
Sdrif, qui, au contraire, prévoyait pour Paris une création tion commerciale de proximité. Ces équipements tendent et favoriser l'emploi
annuelle moyenne de 50 000 mètres carrés de locaux indus- à renforcer et pérenniser la commercialité des quartiers favoriser une mixité sélective
triels ou de stockage sur la période 1990-1997. Concernant dans lesquels ils sont implantés. C’est un parc dynamique entre le logement
et les différents types d'activité
ces derniers, le recul des surfaces dévolues à la distribution en cours de restructuration, avec pour objectif un accroisse-
des marchandises et leur rejet à la périphérie de l’agglomé- ment des services fournis à la clientèle (élargissement engager des actions en faveur
ration ne permettent plus de répondre de façon efficace à des horaires d’ouverture, développement des livraisons de la formation et de l'emploi

une demande croissante de rapidité et de fiabilité des à domicile, diversification et accroissement de la qualité développer des opérations
livraisons, de rotation accélérée des stocks et de diversifi- des produits, renouvellement de l’image des boutiques et d'aménagement mixtes
à dominante économique,
cation des produits. des espaces de vente). logistique et de services urbains
Depuis le début des années 1990, le développement
L’ A R T I S A N AT ET La composante artisana- spectaculaire du commerce intégré à travers les nouvelles
LE COMMERCE le de l’activité écono- chaînes de distribution a entraîné une réduction impor-
mique a toujours été tante du petit commerce indépendant. Pour survivre,
étroitement associée à l’image de la capitale. Aujourd’hui, ces nombre d’entre eux se sont affiliés à des réseaux de fran-
activités sont en recul. Paris ne comptait plus, en 1999, que chisés. Ce phénomène, d’abord observé dans les domaines
34000 artisans (3500 dans le secteur alimentaire, 11500 de l’alimentaire et de l’équipement de la personne, s’étend
Préserver et renforcer
dans les services, 9000 dans le bâtiment et 10000 dans la désormais à l’équipement de la maison, à la beauté, le commerce de proximité
production). Cette régression du nombre d’artisans se traduit la santé, aux loisirs, à la restauration et à tous les servi-

Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur


concilier les activités
par une diminution des possibilités de services offerts aux ces commerciaux. Plus récemment, l’implantation très commerciales et touristiques
habitants, voire aux entreprises. La situation est devenue active d’enseignes étrangères de toute nature sur les avec la vie locale

particulièrement préoccupante dans les quartiers du centre. emplacements commerciaux stratégiques de la capitale renforcer
Le commerce parisien a connu une profonde trans- a amplifié ce phénomène. l'armature commerciale
de proximité
formation au cours des dernières décennies, liée à l’évo- L’évolution des modes de vie, des habitudes alimen-
lution de l’activité économique, aux mutations des modes taires, le développement du travail féminin ont entraîné
de vie et au développement urbain. Depuis une dizaine des modifications des pratiques d’achat. Le rôle des « mar-
d’années, les grandes surfaces alimentaires, les centres chés volants » dans le ravitaillement des habitants s’est
commerciaux et les surfaces spécialisées se sont implan- accru ces dernières années et on assiste à une demande
tés autour du boulevard périphérique, sur le territoire croissante d’ouverture de nouveaux sites et d’adaptation
des communes riveraines, entourant Paris d’équipements des horaires d’ouverture aux besoins de la clientèle.
très concurrentiels pour le commerce parisien. Ces Aujourd’hui, il résulte, de l’ensemble de ces transfor-
implantations ont eu, en effet, un double impact : la clien- mations, une fragilisation importante du petit commerce
tèle de la périphérie s’approvisionne désormais locale- indépendant ou même franchisé face aux stratégies très

L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N
42 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 43
Certains équipements L’autocar et le train sont davantage utilisés que dans le à s’interroger sur l’offre dans ce domaine, notamment sur
publics, tels le Louvre
reste du pays. On estime à environ 3,2 millions le nombre sa qualité et son adéquation à la demande.
et le Stade de France,
transcendent d’étrangers arrivant en Ile-de-France directement en auto- Ce constat montre que Paris conserve tous les atouts
les découpages car. Le développement des transports en commun est confir- d’une grande capitale internationale très attractive.
territoriaux pour offrir mé par l’augmentation du nombre de passagers des trains Toutefois, son rayonnement est confronté à une dégradation
le visage d’une métropole
à grande vitesse et des aéroports internationaux de Paris. de la situation de l’emploi, à un déséquilibre persistant,
dynamique.
Les TGV sont même considérés comme une « attraction » qualitatif et quantitatif, de la répartition de ces emplois
touristique en soi et sont souvent conseillés comme mode de entre l’Est et l’Ouest et à une aggravation du chômage.
déplacement dans les « tours d’Europe » proposés par les Cette évolution s’accompagne de mutations commerciales
tour-opérateurs entre Londres et Paris ou Paris et Genève. et d’un développement de la fréquentation touristique par-
fois préjudiciables à la qualité de vie des habitants.
UNE PROFONDE Cette évolution est liée, Comment cette situation peut-elle évoluer ?
ÉVOLUTION DU naturellement, à celle
PA R C H Ô T E L I E R du tourisme. Le parc CONFORTER Face au constat qui
hôtelier parisien a L’ E M P L O I vient d’être dressé,
connu une évolution significative depuis le milieu des l’accueil de nouveaux
années 1980. En 1984, si l’on exclut les établissements non emplois, dans le respect des équilibres entre les différentes
étoilés, ce parc comptait 64 000 chambres dans près de fonctions urbaines, semble une des priorités. Dans ce
1 300 hôtels. En 2001, il se composait de 1 540 établisse- domaine, plusieurs actions, tant réglementaires qu’opéra-
ments, totalisant 77 000 chambres, soit une progression tionnelles, peuvent être envisagées telles que :
de 20 %. En 1984, la capacité d’accueil des établissements - une adaptation des règles d’urbanisme de façon à permet-
parisiens était concentrée à 44 % dans les 8e, 9e, 10e et 17e tre une plus grande mixité des fonctions et une meilleure
arrondissements. Cette part a aujourd’hui régressé à 39 %. répartition géographique des surfaces pour les activités
En un peu plus de quinze ans, le parc d’hôtels pari- dans la capitale ;
siens a également connu une évolution en structures. - le maintien du COS de fait, qui permet le renouvellement
Répartis en 1984 pour 56 % en classe économique (1 ou du patrimoine et qui a été, depuis sa mise en place,
2 étoiles) et pour 44 % dans le segment haut de gamme, un instrument déterminant de la modernisation du parc
les établissements ont évolué vers cette dernière catégorie. immobilier d’entreprise du centre des affaires ;
Aujourd’hui, les ratios sont pratiquement inversés. Ce mou- - l’adaptation de dispositions relatives à la destination des
vement a eu lieu sous l’effet conjugué de la construction de locaux aux évolutions économiques qui estompent de plus
nouveaux établissements, de la transformation d’hôtels en plus les anciens clivages entre activités industrielles

Photos : Apur.
meublés en hôtels de tourisme et de l’amélioration du parc et artisanales et activités tertiaires, donc entre bureaux et
existant. Cette orientation vers le moyen et le haut locaux d’activité ;
de gamme s’affirme d’autant plus nettement que les dépar- - un développement de nouveaux sites d’accueil pour l’immo-
tements de la petite et de la grande couronne ont un parc bilier d’entreprise, de manière à créer une offre de locaux mix-
offensives des grands groupes commerciaux qui s’appuient de congrès de Paris (OTCP) avançait le chiffre de hôtelier plus volontiers tourné vers l’économique, en parti- tes répondant aux exigences des technologies modernes de
sur leur puissance financière pour conquérir de nouvelles 26 millions de visiteurs, uniquement pour la capitale. culier aux abords du boulevard périphérique. Pour apprécier communication. Ces créations sont déjà engagées à Paris Rive
parts de marché. Cette pression entraîne aussi un accrois- Paris est aussi la deuxième destination mondiale du l’impact de l’hôtellerie en matière de tourisme, il faut en gauche, elles pourraient être poursuivies notamment dans le
sement de la valeur des fonds de commerce et du montant tourisme d’affaires après les États-Unis. Ainsi, depuis vingt effet rappeler que la capacité régionale hors Paris est pas- Nord-Est, en liaison avec les communes riveraines, mais aussi
des baux qui poussent au départ des commerçants en place. et un ans, le centre de l’agglomération est la capitale mon- sée, au cours des quinze dernières années, de 19 000 à 62 500 au niveau de certaines portes et aux abords des gares;
Ce type d’évolution risque de conduire, à terme, à une uni- diale des congrès internationaux. Avec 360 congrès organi- chambres, ce second chiffre se rapprochant de la valeur - la création, à l’initiative de la municipalité, d’immobilier
formisation du tissu commercial, ainsi qu’à une perte de sés en 2000, Paris représente 2,7 % du marché mondial, constatée intra-muros. d’entreprise spécifique (pépinière d’entreprises, hôtels d’ac-
commercialité et d’identité des pôles d’animation. avec des retombées économiques de l’ordre de 3,7 milliards Ce développement considérable de la fréquentation tivité, incubateurs)…
d’euros. Toutefois, depuis une dizaine d’années, la part du touristique génère des retombées économiques majeures
L’ I M P O R TA N C E En 1989, l’Ile-de- « tourisme d’affaires » parmi les motifs de venue en France pour la capitale. Toutefois, cette fréquentation qui se focali- APPUYER L’économie parisienne
DU TOURISME France avait accueilli des étrangers décroît régulièrement : elle est passée de 18 % se sur certains quartiers, peut parfois porter préjudice à la LES SECTEURS s’appuie en effet sur
21 millions de touristes. en 1989 à 10,7 % en 1997. qualité de la vie des habitants. Par ailleurs, la part crois- ÉCONOMIQUES trois grands pôles de
En 2000, l’Observatoire régional du tourisme d’Ile-de- Parmi les modes de déplacement empruntés par les sante des visiteurs empruntant l’autocar pour se rendre PORTEURS spécialisation :
France (Ortif) estimait à plus de 36 millions, le nombre de visiteurs étrangers pour se rendre en Ile-de-France, la part dans la capitale pose la question de la circulation et, sur- - les activités liées à la
visiteurs pour la région (23,7 millions d’étrangers de la voiture tend à diminuer : elle représente un tiers des tout, du stationnement des véhicules. Enfin, le recul de banque, la finance et les services aux entreprises, qui ont eu
et 12,2 millions de Français), et l’Office de tourisme et arrivées, à part quasiment égale avec l’avion (31 %). Paris en ce qui concerne le tourisme d’affaires conduit tendance à se redéployer en banlieue à la fin des années

L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N L E S É C H E L L E S D U P O L Y C E N T R I S M E P A R I S I E N
44 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 45
1980 et au début des années 1990, mais qui demeurent satisfaction des touristes. La limitation de l’utilisation des É LÉMENTS La ségrégation entre les sable d’envisager la création de
néanmoins très présentes dans les arrondissements cen- autocars pour les déplacements et la promotion de l’usage POUR UN PLAN
D ’ AMÉNAGEMENT
quartiers parisiens s’est accen- nouveaux secteurs de dévelop-
traux avec plus de 300 000 actifs ; du fleuve, en bordure duquel se trouvent les principaux ET tuée au cours du XIXe siècle, avec pement sur les terrains encore
DE DÉVELOPPEMENT
- les activités souvent associées à l’image emblématique de sites touristiques majeurs, constituent les deux principaux DURABLE l’industrialisation, puis, à partir disponibles, en particulier sur
Paris – économie touristique, restauration, hôtellerie, haute axes des actions envisageables dans ce domaine. des années 1950, avec l’engage- les anciens terrains ferroviaires
couture, joaillerie –, qui ont très bien surmonté les aléas de Pour le tourisme d’affaires, le renforcement de l’at- C RÉER ment d’un vaste processus de qui ne sont pas aptes à être
DES EMPLOIS ,
la conjoncture des dix dernières années. Ce secteur poursuit tractivité de Paris nécessite, très probablement, de recher- DYNAMISER
rénovation urbaine. Cette action reconvertis en zones de fret,
sa progression et génère de l’emploi dans un large éventail cher les moyens de poursuivre la modernisation des princi- L’ ÉCONOMIE apparaissait alors impérative, aux portes de la capitale ou aux
de métiers, du plus spécialisé au plus faiblement qualifié ; pales structures d’accueil telles que Paris-Expo à la porte puisque plus de 85 % des loge- abords des gares.
- les activités davantage tournées vers l’audiovisuel, de Versailles, par exemple. Cette modernisation devra inté- ments étaient sans confort et de
la presse, l’édition, l’informatique, mais aussi les biotech- grer la réflexion sur les moyens d’améliorer le fonctionne- nombreuses activités devenaient Le libre jeu du marché
nologies et les Nouvelles Technologies de l’Information et ment des contraintes logistiques, la circulation et le sta- obsolètes et non rentables. immobilier ne saura sans doute
de la Communication (NTIC) qui sont celles où la spécifi- tionnement liés à ces grands équipements, pour préserver Cependant, l’emploi et les activi- pas corriger à lui seul ces dés-
cité de la capitale est la plus forte. Tournées vers la créa- la qualité de vie des habitants riverains. tés ont déserté des quartiers équilibres, qui requièrent un
tion et l’innovation, ces activités se sont considérable- entiers et l’habitat insalubre n’a redéploiement de l’emploi
ment développées au cours de la dernière décennie et REDÉPLOYER Les services rendus par pu être totalement résorbé et et des activités sur l’ensemble
la poursuite de ce développement appelle une prise en LE COMMERCE les commerces et les ser- s’est même parfois développé du territoire parisien selon
compte des spécificités de l’immobilier propres aux E T L’ A R T I S A N AT vices de proximité, dans certains secteurs. quelques principes : d’une part,
besoins de ces entreprises (« immeubles intelligents », notamment l’artisanat, regagner des emplois dans les
renforcement du réseau haut débit). jouent un rôle majeur dans la vie des quartiers et dans l’ima- Dans le domaine de l’em- secteurs dont la dynamisation
Ces trois secteurs, porteurs de l’avenir économique ge qu’ils en donnent. Le maintien de ces fonctions et leur ploi, ce mouvement se poursuit est nécessaire pour diversifier
de la capitale, présentent de nombreux points d’appui sur redéploiement dans certains de ces quartiers où elles tendent actuellement, même si Paris de- leur occupation et leur anima-
lesquels il paraît possible de faire levier, notamment dans à disparaître pourraient être encouragés par des dispositions meure une métropole mondiale. tion ; d’autre part, renforcer
le domaine de l’immobilier d’entreprise, au travers de réglementaires spécifiques: La capitale a ainsi perdu 200000 l’attrait de ces secteurs en ter-
dispositions réglementaires et dans les différents territoi- - limiter la transformation des locaux commerciaux en rez- emplois ces vingt dernières mes d’habitat ou d’implantation
res de projets évoqués précédemment. de-chaussée en logements au bénéfice d’activités de servi- années, c’est-à-dire plus que les de commerces de proximité ;
ces, par exemple ; chiffres envisagés par le Schéma enfin, y mener des actions
PRÉSERVER Dans le domaine du tou- - imposer des hauteurs suffisantes au rez-de-chaussée des directeur de l’Ile-de-France déterminées et concertées en
LE TOURISME risme, l’enjeu écono- bâtiments pour permettre le bon fonctionnement de ces (Sdrif). Certes, de nouveaux faveur de l’insertion et de la for-
DE LOISIRS mique du maintien de la activités ; pôles tertiaires se sont dévelop- mation des habitants touchés
E T D ’ A F FA I R E S place de la capitale est - interdire la transformation de surfaces d’activité en pés, mais essentiellement en par le chômage.
d’autant plus important entrepôts, phénomène souvent constaté dans des secteurs banlieue, comme à Ivry ou
que ce secteur recèle un gisement d’emplois considérable, à forte concentration de l’activité textile (Sentier, à Saint-Denis, alors que dans L’objectif est, à terme,
dans un très large éventail de qualifications. Pour le tou- Gravilliers, Sedaine-Popincourt)… Paris même, ils ont été plus ra- d’encourager un mouvement de
risme de loisirs, le renforcement des modes d’accueil, en - faciliter les livraisons, tant dans le domaine privé que res : les principaux terrains ont rééquilibrage entre habitat et
particulier en faveur des jeunes, et surtout la mise en place dans le domaine public, par des dispositions adaptées. été localisés à Paris Rive gauche. emploi sur l’ensemble du terri-
de nouveaux modes de déplacement devraient être recher- En outre, des plans de sauvegarde de la diversité toire parisien, tout en favorisant
chés afin de mieux concilier, dans certains quartiers, essen- commerciale devraient être établis sur des territoires, avec L’offre parisienne s’étant la création de nouveaux emplois
tiellement du centre, la vie quotidienne des habitants et la des thématiques spécifiques. réduite, il est devenu indispen- au sein même de la capitale.

Cet article a été rédigé à partir des études de l’Apur


par Michel Cougouliègne.

1. Source : Insee, RGP 1999, exploitation complémentaire. particulier les demandeurs de temps partiels et de CDD, sta-
2. Sources : Apur, Iaurif, Dreif pour les ERE 1978 à 1994, Insee tistiques non disponibles à l’arrondissement entre les années
pour les ERE 1997 et 2000. de recensement.
3. Source : Insee. 5. Géant Masséna (13e), Carrefour Auteuil (16e), Casino
4. Le nombre des demandeurs d’emploi évoqué ici n’est pas (Commanderie 19e).
celui des chômeurs au sens du recensement. Il n’inclut pas en

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UNITÉ ET PLURALITÉ
PARISIENNES : UN DÉFI À RELEVER

G U Y B U R G E L

Les grandes agglomérations, spécialement les régions c’est une exception européenne, peut-être mondiale. Avec des
urbaines métropolitaines, sont confrontées à une contradic- gradients de densité de population et de construction qui s’a-
tion majeure : le morcellement et la dissociation de leurs baissent assez régulièrement du centre vers la périphérie,
échelles géographiques, face à la solidarité de leur fonction- c’est bien la continuité de l’espace parisien jusqu’aux villes
nement et de leur gestion territoriale. Les extensions spa- nouvelles qui est la marque de la capitale française : quelque
tiales et les dilutions périphériques doivent en général 9 millions d’habitants y vivent et travaillent dans un cercle
coexister avec le maintien d’une trame administrative héri- réduit de 50 kilomètres de diamètre. Il n’est pas jusqu’aux
tée, que la tendance universelle à la décentralisation a enco- dynamismes de peuplement qui ne finissent par se modeler
re renforcée. Dans une large mesure, en développant la ban- sur des comportements identitaires : partout, en Ile-de-
lieue, l’ère industrielle avait consolidé et accru la réalité France, se manifestent une forte croissance naturelle, auto-
d’une ville fermée et continue. En revanche, les décennies risée par la dissymétrie des structures d’âge, et une faible
les plus contemporaines ont à la fois ouvert et fragmenté attractivité migratoire, aggravée par le renchérissement
ce dispositif structurel. Simultanément, les « cités géantes » immobilier dans la capitale et les nouveaux atouts
deviennent en outre le lieu par excellence de l’affrontement, des métropoles provinciales. Cette solidarité fonctionnelle, et
mais aussi de l’association du local et du global : exigences en quelque sorte physique, de l’agglomération doit toujours
de la vie de quartier et recherche d’une compétitivité mon- faire considérer avec un certain recul les distinctions com-
dialisée s’y développent dans des espaces uniques et sou- munément admises entre Paris et la périphérie, ou même
vent dans les mêmes couches de la population. Face à ces les configurations concentriques habituelles (centre, proche
tendances d’éclatement, s’impose pourtant par ailleurs l’im- couronne, grande couronne). Ainsi, le calcul, donc la carto-
périeuse nécessité de réunifier les problématiques et les ter- graphie, des densités démographiques, de la répartition des
ritoires. La compréhension et le traitement de la marginali- emplois ou de la distribution des surfaces de bureaux appa-
sation sont-ils indépendants de la poursuite du développe- raît à l’évidence prisonnier de l’encadrement administratif,
ment économique ? Comment concilier l’aspiration à des mais aussi des usages. Les interprétations, qui en sont faites,
mobilités sans cesse augmentées et accélérées et le désir sont donc faussées. Il n’est guère finalement que pour
de tranquillité et de sauvegarde de l’environnement patri- les valeurs foncières où le boulevard périphérique reste une

Photo : Apur.
monial et naturel ? Le retour souhaité, parfois de façon limite intangible. Mais c’est parce que, ici, le tracé recouvre
incantatoire, à la mixité est-il compatible avec la montée des la représentation et la symbolique de la cité.
exclusions fonctionnelles et sociales ? Autant de questions, Cette singularité du territoire parisien explique l’af-
nécessairement choisies, qui montrent l’« ardente obliga- firmation plus timide qu’ailleurs d’une multicentralité et «Paris plage»
tion » de prendre ensemble ces tensions pour les transfor- le maintien d’une forte polarisation, qui déborde mainte- un évènement
mer en vecteurs d’imagination et d’action politique. Autant nant la ville de Paris. Certes, les villes nouvelles du Schéma de portée métropolitaine.
de thématiques universelles, surtout, dont Paris porte un directeur de 1965, la zone aéroportuaire de Roissy, le centre
témoignage singulier et tout à la fois exemplaire. directionnel de La Défense ou, plus modestement, les autres
préfectures de petite couronne (Créteil, Bobigny) et le tech-
LE DÉCALAGE La ville de Paris apparaît nopôle d’Orsay-Saclay peuvent apparaître comme l’amorce
DES TERRITOIRES en effet au cœur d’une d’un réseau de centralités nucléaires périphériques, et
agglomération dense, confirmer ainsi la seule intention forte du Sdrif de 1994.
plus encore que d’une région urbaine. Pour un territoire Mais, malgré la diminution des emplois dans Paris, ces pola-
urbanisé de cette importance démographique et spatiale, rités discontinues restent sans commune mesure avec la

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condensation massive des activités dans les arrondisse- nisation des processus dans la totalité du système urbain tion des fonctions économiques, notamment tertiaires, les lisées, notamment dans les petits appartements souvent
ments parisiens et, surtout, la diversité de leurs fonctions français (croissance des petites villes plus que des grandes transformations de l’immobilier de bureaux et les boulever- inconfortables du Nord-Est parisien ; une forte demande
économiques, sociales, culturelles et politiques. Mieux enco- agglomérations et même que de la capitale, décentralisa- sements des rythmes de la vie professionnelle. Le « triangle insatisfaite d’habiter dans la capitale, venue aussi bien de
re, l’accélération et la multiplicité des accessibilités et des tion des activités, montée des couches moyennes qui se d’or » du 8e arrondissement a certainement décliné quand couches populaires en quête improbable de logements
transports rapprochent les nœuds de la centralité dans la dispersent dans l’ensemble de la zone urbanisée), autant des montées en puissance se sont produites dans le 15e sociaux, que de catégories moyennes rebutées par le coût
capitale. La Défense, dont la silhouette du Cnit marquait, les deux dernières décennies du XXe siècle amènent une arrondissement, autour de Bercy et de Paris Rive gauche et, des locations et des acquisitions foncières dans les arron-
il y a quatre décennies, un bastion avancé de la conquête de reconcentration manifeste des configurations : dynamisme surtout, en petite couronne, à La Défense particulièrement, dissements parisiens. Ce grand désir de centralité – quand
l’Ouest, apparaît aujourd’hui soudée au quartier des affai- démographique de l’Ile-de-France, puis des métropoles mais pas seulement (Issy-les-Moulineaux, Pantin, Paris continue à perdre des habitants – ne s’explique pas
res du 8e arrondissement par la prolongation du métro, l’ou- régionales et de leurs communes centrales ; développement Bagnolet). Le résultat est qu’il faut désormais mesurer la seulement par le prestige de l’adresse, mais par les avan-
verture du RER, la mise en autoroute intra-urbaine de des services supérieurs et accroissement des inégalités de puissance économique de la capitale française à l’aune de tages de l’accessibilité qu’accorde la présence incomparable
l’avenue du Général-de-Gaulle, à Neuilly. Incessant desser- revenus et de modes de vie. À cause de sa taille et de sa Paris et des communes immédiatement limitrophes : à cette d’un réseau de transports maillé, de la proximité des lieux
rement et glissement lent de la centralité parisienne se place nationale et internationale, l’agglomération parisien- dimension, on compte autant de surfaces de bureaux qu’à d’emploi et de culture, de la réunion optimale de la vie et de
conjuguent ainsi avec un métamorphisme constant du tissu ne exacerbe ces logiques d’accumulation-exclusion d’autant Manhattan, plus qu’à Londres, deux fois plus qu’à Berlin, la ville. Il est évident que compréhension et action, dans ce
de la ville, qui semble la vouer à une fidélité génétique plus redoutables à saisir qu’elles sont affectées d’autono- trois fois plus qu’à Bruxelles, Francfort ou Milan. Dans qui fait la trame même de la cité dans ses rapports entre
renouvelée à une agglomération mononucléaire. mies croissantes dans leurs modalités : stagnation démo- le même temps, la « tour intelligente », l’immeuble intégré population résidente et formes bâties, passent par la mise
Paradoxalement, le morcellement politique extrême graphique et performance économique, redémarrage d’un sont devenus, plus que les étages haussmanniens, le siège en commun des analyses sur le patrimoine foncier et
de la métropole parisienne est plus exagéré qu’ailleurs. territoire et maintien de la marginalisation des populations matériel et voyant des fusions de sociétés et des réunions les comportements sociaux, mais aussi sur l’importante
Capitale d’un État aux traditions centralisatrices, siège résidantes (cf. Plaine-Saint-Denis). Comme l’ont fort bien d’équipes directionnelles. Simultanément, les rythmes vacance structurelle du parc de logements (un dixième du
d’une Région qui veut s’affirmer, découpé en huit départe- compris les autorités de Bruxelles, de régionales, les inéga- de l’activité se sont modifiés, ce dont rendent bien compte total) et l’offre potentielle en banlieue, y compris avec une
ments, dont la personnalité achève de l’emporter sur l’arti- lités sociales et spatiales les plus criantes se déplacent à les enquêtes-transports : chute relative de la mobilité rési- amélioration sensible des accessibilités. Le système urbain
ficialité, divisé en 400 communes dans l’agglomération l’intérieur des aires métropolisées. dence-emploi, organisée dans le déroulement quotidien et s’apparente plus à un mobile qu’à un puzzle : solidarité
dense, confortées par les lois de décentralisation, le territoi- Mais, là encore, la géographie n’en est ni simple ni les secteurs de la ville ; augmentation de trajets profes- des parties et mobilité de l’ensemble y sont inséparables.
re parisien ressemble souvent à un bateau ivre, qui échap- cohérente avec les découpages politiques ou les héritages sionnels exceptionnels, plus difficilement prévisibles dans Enfin, l’aspiration ubiquiste et interclassique à une
perait aux bonnes intentions de ses capitaines multiples, historiques. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les les horaires et les itinéraires, à côté de la multiplication des vie de quartier calme et riche de ses mélanges peut appa-
pour se livrer au gré des éléments spontanés ou de sauve- distributions des revenus moyens des contribuables ou des déplacements personnels. Complexité des espaces, enrichis- raître naïve dans une métropole trépidante, aux activités
teurs-techniciens appelés à la rescousse. Le Schéma direc- diplômés de l’enseignement supérieur. Ni la distinction sement des formes architecturales, enchevêtrement incessantes et aux rythmes accélérés. Les métaphores à la
teur de 1994 est le résultat atone de ces hésitations de la Paris-banlieue, ni une organisation centre-périphérie n’ap- des temps composent la nouvelle géographie de l’activité. « société d’archipel », au « village planétaire » ou « dans la
géographie et de l’histoire. Décalages et incohérences des paraissent rendre compte des dynamismes à l’œuvre. De façon similaire, la performance économique voisine ville », ne touchent pas à cette contradiction fondamentale
espaces réels et des territoires de gestion s’additionnent Le système des couches économiquement et culturellement avec l’exclusion urbaine. La ville de Paris dispute à la Seine- du fonctionnement métropolitain : discontinu dans ses ter-
pour accentuer l’originalité de la capitale française. favorisées est en même temps basculé vers le sud-ouest de Saint-Denis le triste ruban bleu du chômage régional. ritoires et imprévisible dans ses rythmes, il accumule en
Compacité et fractionnement du territoire impliquent une l’agglomération, du 5e arrondissement à Vaucresson, sui- Cadres performants, professions libérales, experts ou créa- même temps, et dans les mêmes lieux, des exigences iden-
lecture où les références d’hier se révèlent aussi dépassées vant en cela la ligne de pente du pouvoir politique et social, teurs, services publics nombreux coexistent avec les petits tiques d’efficacité et d’aménité pour les entreprises et les
que les affirmations de la multipolarité sont aujourd’hui depuis le XVIIe siècle, du Louvre à Saint-Germain et métiers, les contrats d’intérim, le travail au noir, bref, tout ce habitants. Malgré les progrès des nouvelles technologies,
illusoires. Ni l’image d’un Paris dominateur de la banlieue Versailles. Et des continuités manifestes se dessinent par- que la grande ville peut sécréter et désirer de services les intentions louables en termes de mobilités douces ou
ne correspond à la réalité économique, sociale et politique delà la coupure du périphérique, du 17e arrondissement à banals, d’intermittences contraintes, finalement de misère. d’aménagement convivial des espaces publics, il est
contemporaine, ni une multipolarité, encore plus technocra- Neuilly, du 19e à Aubervilliers ou Pantin, du 15e vers C’est tout juste si, à Paris – mais on y tend (voir le Forum des à craindre – ou à souhaiter – que le véritable courage poli-
tique qu’effective, ne trouve des échos dans la carte institu- Vanves ou Issy-les-Moulineaux. Mais ni les territoires poli- Halles) –, comme à New York et à San Francisco, le monde tique ne soit de comprendre et d’arbitrer entre des contrai-
tionnelle de l’agglomération. Régularités et lisibilités dans tiques, ni les régularités simples et reconnues de l’organi- de la finance, de l’art et des médias ne côtoie pas sur le même res, entre un réseau Internet à haut débit et une diffusion
le tissu fonctionnel parisien se combinent à un brouillage sation des espaces sociaux ne peuvent contenir désormais trottoir celui de la pauvreté et des « homeless ». Mais tout le fine de la « toile » dans les quartiers. Les deux, sans doute,
croissant des territoires de compétences et d’interventions. la distribution géographique des dynamismes et des fai- problème reste d’apprécier en quoi ces symbioses de nature mais à quelles échéances et dans quelles répartitions ?
Elles obligent à la compréhension et à la créativité. blesses. Les processus l’emportent sur les découpages et identique prennent, dans la capitale française, des formes Les choix sont contraints et libres à la fois.
configurent leurs propres extensions territoriales. différentes de la ville américaine ou même du décrochage Le plus important sans doute dans ces rapports entre
LA SOLIDARITÉ Comme toute métropole, Quelques thématiques illustrent ces autonomies de entre économie et population résidente, actuellement à l’œu- Paris et sa région est de ne pas se tromper d’échelle géo-
DES APPROCHES Paris est à la fois la physiologie métropolitaine et la solidarité des territoires vre autour de l’autoroute A1, entre Saint-Denis et Roissy : graphique d’analyse et d’intervention. Cette dimension,
accumulatif de richesses de l’agglomération parisienne. À l’intérieur de Paris, la perte partout la performance s’accompagne de l’inégalité et de pro- flexible et relative, de l’action dépend de la nature des
et ségrégatif d’espaces et de sociétés. C’est là le fonctionne- d’emplois au cours des vingt dernières années est considé- ximités territoriales difficilement supportables. objets urbains, mais aussi de la dynamique des acteurs.
ment normal, et non pathologique, des grandes villes mon- rable au profit de la région Ile-de-France et, en même temps, Habitat et peuplement constituent aussi une entrée Les logiques emboîtées de la carte administrative et insti-
diales, en cycle d’innovation et de bouleversements des le sentiment et la réalité d’entassement, d’encombrement intéressante. La ville de Paris révèle là encore une réalité tutionnelle – quartier, arrondissement, commune, départe-
encadrements techniques, économiques et culturels de la permanent des activités et de la circulation est aussi pré- contradictoire remarquable : un sous-peuplement moyen ment, région – ne sont pas forcément les mieux adaptées à
civilisation. Autant la période précédente – les Trente gnant. Pour apprécier correctement cette contradiction, des logements, résultat additionné de l’embourgeoisement cette intelligence de la compréhension de la décision. Il est
Glorieuses – avait été marquée par la diffusion et la moyen- il faut mobiliser conjointement les modifications de localisa- et de la faible taille des ménages ; des suroccupations loca- nécessaire de les utiliser pour mobiliser les énergies

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et canaliser les pouvoirs, tout en se défiant de l’artificialité sur le marché du logement. Dans d’autres contextes, certes parce que les centres de cette métropole multipolaire sont ritoires de compétence. Paris dans sa région, c’est avant
et, surtout, de la rigidité de leurs contours spatiaux. Il faut – on pense à Los Angeles –, des métropoles suivent au éloignés entre eux de plusieurs dizaines de kilomètres et tout définir des fronts d’imagination et de créativité.
véritablement inventer le territoire. contraire des processus cumulatifs, qui sont, au moins pour reliés par des autoroutes ? Mais à Paris, à regarder les pro- Leur rôle essentiel est d’aider à dégager des territoi-
la création d’emplois, sinon pour la réussite sociale, de pro- jets périphériques orbitaux, on reste embarrassé par leur res de projet et d’action, ces « bassins de préoccupation »,
L’ I N V E N T I O N Les analyses précéden- nostic favorable : production et commerce, services aux par- discontinuité et leur linéarité. Rien ici de ce qui a fait qui seuls sont capables de générer d’autres formes de
D E S E S PA C E S tes conduisent à éviter ticuliers et activités financières sont associés. À Paris, des le succès du métro, puis du RER : le maillage et l’intercon- coopération entre Paris et les collectivités territoriales
en première instance les tendances récentes méritent d’être encouragées et des cons- nexion. La municipalité parisienne, en raison de son expé- d’Ile-de-France. La formule permettrait de dépasser le
passages obligés classiques (transports, logements, dévelop- tats, d’être soulignés : mélange de bureaux et de locaux de rience et de la configuration déjà soulignée des territoires, débat stérile, voire dangereux, entre deux voies reconnues :
pement économique, fiscalité) ou les espaces contraints production, création de très petites entreprises, perspectives a ici une responsabilité particulière. la modification autoritaire de la trame administrative et
(Paris et ses couronnes). Les premiers entraînent inévita- de récupération d’emprises foncières et d’immeubles pour Enfin, les formes architecturales parisiennes sont institutionnelle, qui n’est pas à l’ordre du jour, et l’abandon
blement une logique d’inventaire des problèmes et d’addi- catégories basses et couches moyennes. Mais, là encore, ces non seulement une matérialité sensible, à la vue, au cœur pur et simple de la négociation et de la gestion urbaines à
tion conséquente des solutions adaptées, où seuls les impé- orientations ne se feront pas dans le seul périmètre pari- et aux atteintes du temps et des agressions économiques ou des accords et des contrats de gouvernance entre acteurs
ratifs de la programmation financière et technique introdui- sien : l’image dépassée d’un Paris où l’on travaillait et d’une techniques, mais c’est aussi un patrimoine commun des de la société civile (entreprises, groupes de pression, asso-
ront des hiérarchies et des limites. Les seconds, rançon de banlieue où l’on résidait, comme le rêve sympathique mais citoyens (au sens étymologique et non constitutionnel) ciations), qui paraît également dangereux pour la démo-
toute planification territoriale, quelles que soient les appel- pour une fois démenti d’Henri Lefebvre d’une ville exclusi- de Paris, des résidents de la région, voire du monde, au-delà cratie. Chacune de ces procédures mérite considération et
lations et les bonnes consciences de leurs transformations vement ludique et de périphéries laborieuses, n’est plus même des chartes internationales. C’est autant un cadre intérêt : la trame politique a le mérite de la légitimité, la
(schémas directeurs et plans d’occupation des sols, schémas à l’ordre du jour. Mixité sociale et mixité fonctionnelle sont de vie ou de séjour pour les individus et les groupes sociaux, gouvernance celui de la flexibilité et de l’innovation. Mais
de cohérence territoriale et plans locaux d’urbanisme), ont les clefs du succès de la métropole, mais aussi de la défini- qu’un outil de développement économique par les retom- ne serait-il pas opportun de dépasser ces alternatives sim-
trop tendance à confondre les moyens et les fins. Sans criti- tion de ses territoires. bées du tourisme et des échanges scientifiques et plistes par l’invention de « territoires institutionnels de
quer personne, les « pôles prioritaires » du contrat État- De façon plus visible, l’amélioration des mobilités, culturels. Tout cela mobilise un jeu d’acteurs et d’auteurs, projet » ? Il s’agirait d’espaces de cohérence, définis d’abord
Région ou le découpage du cœur de l’agglomération pari- essentielle pour la compétitivité de l’agglomération comme de nature et territoires différents : habitants, associations par la nature et l’objectif du projet urbain. De géométrie
sienne en strates concentriques (un grand projet pour le pour la vie quotidienne de ses habitants, conduit à l’évi- et édiles, architectes voyers et concepteurs urbains, intel- variable et de durée limitée, mais toujours dans une défi-
centre, le Paris des faubourgs, la couronne extérieure et les dence à quelques vérités simples, mais pas toujours faciles lectuels, conservateurs de musées et autocaristes ou agen- nition territoriale institutionnelle, leur création et leur
portes, interface entre la capitale et sa banlieue) peuvent à entendre tant les idées sont généreuses et les dogmatis- ces de voyages. Cette « gestion de la complexité », cette fonctionnement seraient librement débattus entre les
apparaître très en deçà de l’ambition politique affirmée : mes affermis. La première veut que, plus encore que dans « réconciliation » entre histoire et modernité, mais aussi acteurs politiques de la région parisienne. Ainsi, progres-
comment traiter conjointement le maintien de la perfor- d’autres domaines, le territoire métropolitain soit un tout ; avec la densité, supposent là encore une prise de conscien- serait-on vers le gouvernement de la métropole d’invention
mance économique et la correction nécessaire de l’exclusion un couloir d’autobus mieux garanti, une vitesse commer- ce et de décision globale, qui n’ignore pas les échelles de la institutionnelle et urbaine. La vocation de Paris est
sociale et du mal-être urbain ? Autant pour des motifs ciale, partant, plus accélérée ici, et c’est ailleurs des diffi- ville, mais ne soit pas contrainte par les frontières des ter- de jouer dans cette révolution un rôle moteur et catalyseur.
éthiques que fonctionnels de compétitivité internationale, la cultés reportées : l’espace de la ville de Paris, c’est aussi le
réponse est essentielle : à l’avenir, la métropole performante lieu de transit essentiel des banlieusards. La seconde Guy Burgel,
sera citoyenne. Elle implique, pour la Ville de Paris, des conviction est que les choix des modes de transport se font professeur à l’Université de Paris X,
choix stratégiques clairs avant même la définition de terri- davantage sous l’effet de la persuasion et de la séduction délégué à la sous-direction
toires d’intervention et de coopération. que de la dissuasion et de la contrainte : l’action sur le prix de la coopération territoriale de la Ville de Paris
La démonstration en sera limitée ici à trois probléma- du parking résidentiel, la raréfaction des places de parking
tiques fondamentales : le logement et l’activité à travers la liées aux activités, l’appel même au civisme seront toujours
mixité urbaine, la mobilité et les transports, les matérialités moins efficaces que l’amélioration du confort et des temps
de la ville et les modes de vie. Une des entrées possibles de parcours. Cela signifie surabondance de l’offre et calcul
pour surmonter les contradictions entre société et économie, économique fondé sur le résultat politique et non d’abord
richesse et pauvreté, logements et locaux d’activité, tous ter- l’équilibre financier de l’entreprise. La dernière évidence
mes liés entre eux, est de passer de mécanismes d’épuration est de ne pas pécher par angélisme : qui serait contre le rol-
à des logiques d’association des fonctions urbaines. Trop ler, le vélo dans la ville, l’extension du tramway ou même
longtemps en France – et la capitale a porté la tendance l’« apaisement » des grands itinéraires « des axes rouges » ?
à l’exagération –, dynamisme et modernité se sont déclinés Mais, là encore, il faut raison garder, ne pas confondre
au rythme des substitutions : toujours moins d’industrie, déplacement de proximité ou de loisir et mobilités métro-
toujours plus de tertiaire, toujours moins de services de pro- politaines professionnelles, ou même familiales ; renouvel-
ximité et plus de quaternaire et de high-tech, toujours plus lement de la perception et du paysage urbain, et transport
de bureaux ou de commerces spécialisés, mais ralentisse- rapide à longue distance d’habitants pressés et stressés.
ment continu du rythme de construction des logements. Les Sait-on, par exemple, que dans la Randstad Holland, ce
risques sont évidents et ont déjà été soulignés : stagnation paradis de la bicyclette urbaine, les trajets moyens quoti-
ou baisse de l’emploi total, exclusion des plus démunis par diens sont plus longs que dans l’agglomération parisienne,
faible employabilité culturelle et professionnelle, tension et se font plus nombreux… en voiture, tout simplement

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52 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 53
L’ÉCONOMIE
DES DÉPLACEMENTS

Au fil des années, l’emprise de l’automobile sur


l’espace public a généré des nuisances bien connues des ha-
bitants : pollution, embouteillages, dégradation du patri-
moine urbain, stress… Rééquilibrer le partage de l’espace
public en faveur des piétons, des transports collectifs et des
circulations douces, tout en développant les déplacements
indispensables à la fonction capitale de Paris répond donc à
un objectif non seulement sanitaire, mais aussi culturel,
majeur, que les futurs documents d’urbanisme doivent trai-
ter sur le fond.

Photos : Jérôme Saint-Loubert Bié.


ESPACES PUBLICS
ET DÉPLACEMENTS

X X X X X X X

En comparaison avec les autres grandes métropoles portante des motifs de déplacement, liée à une évolution des
européennes, Paris présente de nombreuses spécificités. En modes de vie ; ce phénomène s’est trouvé encore accru avec la
effet, la capitale bénéficie d’une densité exceptionnelle, mise en œuvre de la réduction du temps de travail.
unique en Europe (la densité humaine, soit la somme des ha-

Photo : Apur. Synoptique mural du poste central d’exploitation de la circulation (PC Lutèce)
bitants et des emplois, dépasse les 400 personnes à l’hectare) LES LA PLACE DE PARIS DANS
et dispose d’un réseau lourd de transports en commun (mé- DÉPLACEMENTS : L’I LE - DE -F RANCE .
Les en-
tro, RER, trains de banlieue), également unique au monde à UN BILAN quêtes les plus récentes
cette échelle : la quasi-totalité du territoire parisien se trouve CONTRASTÉ évaluent à 36,3 millions
en effet à moins de 400 mètres d’une station de métro ou de le nombre de déplace-
RER. À l’inverse, dès que l’on franchit le boulevard périphé- ments quotidiens effectués par les habitants d’Ile-de-France
rique, la densité est en moyenne divisée par trois, et le réseau à l’intérieur de la région. Vastes chassés-croisés, ces dépla-
lourd de transports en commun devient beaucoup plus clair- cements sont réalisés à pied (34 %) ou plus souvent grâce à

Mairie de paris - Direction de la Voirie et des déplacements.


semé. Or, s’il est vrai que, par sa taille et son nombre d’habi- un moyen de transport (66 %). À l’intérieur de la région,
tants, la ville de Paris peut être comparée à la région de 30 % des déplacements des ménages ont au moins une ex-
Bruxelles capitale, c’est plutôt l’ensemble constitué par Paris trémité à Paris, cela représente chaque jour plus de
et les départements de la petite couronne (voire un peu plus) 11 millions de déplacements. Mais, pour saisir la place ré-
qui est de la même échelle que Londres, Berlin ou Rome. elle de Paris, il faut y ajouter les déplacements des ménages
Une autre spécificité de Paris est liée à son statut de ca- qui transitent seulement par Paris, en transports en com-
pitale, dans un pays fortement centralisé. Cela induit des mun ou en voiture – ils empruntent principalement le corri-
fonctions à fort rayonnement régional, national et internatio- dor périphérique – et l’ensemble des déplacements des visi-
nal, ainsi qu’une forte concentration d’équipements de haut teurs et des touristes qui n’habitent pas en Ile-de-France.
niveau. De ce fait, Paris se distingue également des autres Ces derniers représentent en effet une part importante de
villes françaises: on s’y déplace pour des raisons très variées, l’économie parisienne et posent des problèmes spécifiques
alors qu’en province, la part des déplacements vers le lieu de liés notamment au développement des déplacements en
travail reste plus importante. Paris est aussi une des premiè- autocars de tourisme.
res destinations touristiques mondiales, tout comme la pre-
mière ville du monde pour l’accueil de congrès internationaux. L’ÉVOLUTION ENTRE 1976 ET 1997. Entre 1976 et 1997,
Ces quelques observations doivent néanmoins être re- le nombre des déplacements quotidiens à Paris a très fai-
situées dans un contexte doublement évolutif : dans l’espace blement diminué, alors que parallèlement, leur nature évo- Le PC Lutèce,
dans l’Ile-de-la-Cité :
– la place de Paris dans la région a fortement diminué lors luait. Les déplacements sont en moyenne plus longs : les un suivi en temps réel
des dernières décennies, avec notamment la création des déplacements quotidiens sont moins nombreux à l’inté- de la circulation.
villes nouvelles, et ce phénomène perdure ; dans le temps – les rieur de Paris, les déplacements entre Paris et le reste de
comportements des Parisiens et des Franciliens sont en cons- la région augmentent, principalement avec les départe-
tante évolution et cela parfois de façon divergente. Ainsi, ments de la grande couronne. Le poids des déplacements
alors que l’usage et la possession de véhicules automobiles vers le lieu de travail habituel, concentrés aux heures de
continuent de diminuer à Paris, ils sont en forte progression pointe, a beaucoup diminué. Il est compensé par un ac-
dans le reste de l’Ile-de-France (comme dans la France en- croissement des déplacements pour affaires professionnel-
tière). À l’inverse, on assiste à Paris, comme dans l’ensemble les et pour autres motifs (loisirs, achats, école, visites…)
de l’Ile-de-France, à une diversification de plus en plus im- qui s’effectuent sur des plages horaires beaucoup plus

E S P A C E S P U B L I C S E T D É P L A C E M E N T S E S P A C E S P U B L I C S E T D É P L A C E M E N T S
56 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 57
Amsterdam (commune) Bruxelles (Région Bruxelles capitale) Londres (Région) Rome (Commune)

Barcelone (Aire métropolitaine) Dublin (plus 1 ère couronne) Madrid (Commune) Vienne (Land)

Berlin (Land) Hambourg (Land) Paris (plus 1 ère couronne)

Densité brute de population

Moins de 50 hab/ha Territoires


De 50 à 150 hab/ha
à moins de 400 mètres
d’une station
De 150 à 250 hab/ha
ou d’une gare
Plus de 250 hab/ha
Doc. Apur

0 5 10 15 km

étendues. On enregistre une baisse du nombre des dépla- Dans le contexte régional de croissance du nombre lors qu’une extrémité du déplacement se situe hors Paris internes à Paris, la voiture particulière n’est plus utilisée
cements à pied à l’intérieur de Paris – près de 700 000 dé- des déplacements quotidiens, la place de la capitale s’ame- (56 %). Au même moment, les réseaux routiers sont saturés. que pour 14 % des déplacements. La voiture est, à l’inverse,
placements quotidiens en moins entre 1976 et 1997 –, com- nuise (38 % des déplacements avaient au moins une extré- Parmi les différents modes de transport en commun à Paris, le mode le plus utilisé pour les déplacements pour affaires :
pensée par la hausse des déplacements mécanisés 1 , mité à Paris en 1976, contre 30 % en 1997), parallèlement à c’est le métro qui assure le plus grand nombre de déplace- près de la moitié sont effectués en voiture, 36 % pour les tra-
principalement entre Paris et le reste de la région, cette la baisse de la part de Paris dans l’emploi régional (40 % des ments. En plus de sa capacité aux heures de pointe, il béné- jets internes à Paris et 64 % pour les trajets Paris-banlieue.
hausse étant également partagée entre la voiture particu- emplois régionaux se situaient à Paris en 1975, contre 32 % ficie d’une vitesse commerciale supérieure à celle des modes
lière et les transports en commun. en 1999). La situation est pourtant très différente selon les de surface et d’une meilleure régularité : 25 km/heure en LE LA MOTORISATION DES MÉ-
Dans la région, la croissance du nombre des déplace- modes de transport : la grande majorité des déplacements moyenne et jusqu’à 35 km/heure pour la nouvelle ligne S TAT I O N N E M E N T NAGES FRANCILIENS.
Alors
ments se poursuit hors Paris (+ 21 % entre 1976 et 1997) et effectués en transports en commun en Ile-de-France ont au n° 14, automatique, contre 20 km/heure attendus pour le que les ménages pari-
concerne presque exclusivement la voiture particulière. La moins une extrémité à Paris (63 %), contre seulement 16 % tramway et 12 km/heure en moyenne en autobus. Le métro siens s’interrogent sur l’intérêt d’avoir ou pas de voiture, les
hausse de la mobilité est la première raison de l’accroisse- des déplacements effectués en voiture particulière. Si, glo- présente, en outre, des coûts d’exploitation moindres au re- autres ménages franciliens s’interrogent sur celui d’en avoir
ment des déplacements mécanisés, la seconde étant la balement, la priorité en matière de déplacements dans la ré- gard du service offert. plusieurs. Et au plus faible équipement en voiture des mé-
croissance de la population. Cela signifie que, même si la gion se situe hors Paris, car l’essentiel de la croissance s’y La marche à pied est ensuite la façon la plus commune nages parisiens s’ajoute un usage moins fréquent des voitu-
population de la région demeurait stable à l’avenir, la de- déroule désormais, veiller à ne pas reporter des clients des de se déplacer : 35 % des déplacements concernant Paris sont res, en particulier pour aller travailler. Ainsi, en 1999, 44,6 %
mande en déplacements augmenterait encore fortement transports en commun ou des adeptes de la marche à pied effectués à pied, mais ce pourcentage passe à 58 % lorsque des ménages parisiens disposent d’au moins une voiture,
par les seuls effets de l’évolution des modes de vie. Et ce, sur la voiture particulière constitue un enjeu vital dans le les déplacements restent internes à la capitale. La marche à contre 69,7 % des ménages de la petite couronne et 84,3 % des
dans les espaces qui sont aujourd’hui les moins denses de centre dense de l’agglomération. pied est le principal mode de déplacement pour effectuer des ménages de la grande couronne: le taux d’équipement 2 aug-
la région, mais aussi dans ceux qui gagnent des habitants achats à Paris en semaine (65 %), devant les transports en mente avec l’éloignement de Paris. Mais, si la densité pari-
et des emplois. Ces évolutions, si elles devaient se poursui- LES MODES DE DÉPLACEMENT UTILISÉS. Tous motifs commun (26 %) et la voiture particulière (9 %). sienne permet un plus faible équipement en voiture elle
vre, seraient particulièrement inquiétantes car elles indui- confondus, les déplacements qui concernent Paris sont prin- La voiture particulière est utilisée dans 23 % des dé- contribue également à une densité moyenne de voitures des
sent un accroissement de la circulation automobile et de la cipalement effectués en transports en commun (39 %). Leur placements et principalement sur des trajets entre Paris et ménages au kilomètre carré sans commune mesure avec les
pollution dans la région. usage est largement majoritaire aux heures de pointe, dès le reste de la région (39 %), mais lorsque les trajets restent autres territoires : on compte 5 300 voitures 3 par kilomètre

E S P A C E S P U B L I C S E T D É P L A C E M E N T S E S P A C E S P U B L I C S E T D É P L A C E M E N T S
58 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 59
LE TAUX D'ÉQUIPEMENT EN VOITURE DES MÉNAGES LE NOMBRE DE VOITURES DES MÉNAGES PAR km2 LES DÉPLACEMENTS INTÉRESSANTS PARIS Au vu de ces résultats, disposer d’une possibilité de station-
ner gratuitement sur ou à proximité de son lieu de travail
1 200 000 constitue bien une incitation évidente à utiliser sa voiture
pour un actif travaillant à Paris.
1 000 000 Cela justifie deux éléments majeurs de la politique
du stationnement. Le premier est la généralisation du sta-

nombre de déplacements
800 000
tionnement payant sur voirie et sa répartition en deux ca-
tégories : le stationnement rotatif, limité à deux heures et
600 000
destiné aux visiteurs, et le stationnement mixte, ouvert à la
fois aux résidants munis d’une autorisation (avec la possi-
400 000
bilité d’abonnements hebdomadaires) et aux visiteurs pour
200 000
une durée maximale de deux heures. Le souhait de privilé-
gier le stationnement des résidents sur celui des visiteurs
Part des ménages équipés d'au moins une voiture (en %) Nombre de voitures des ménages rapporté
à la surface en km2 (hors bois) 0 a conduit à fortement baisser le prix du stationnement ré-
inférieur à 40 % de 55 à 59,9 %
de 40 à 49,9 % supérieur ou égal à 60 %
3 6 9 12 15 18 21 heures sidentiel (0,50 euro par jour) à l’occasion du passage à
< 3000 voitures/km2 5000 à 6999 voitures/km2
de 50 à 54,9 % 3000 à 4999 voitures/km2 2
l’euro. Le second est la mise en œuvre de normes très bas-
–> 7000 voitures/km

Doc. Apur

Doc. Apur
Moyenne Paris = 44,6 %
autres à pied 2 Roues ses pour la création de places de parking liées aux immeu-
Mini = 28 % ; Maxi = 59 % Moyenne Paris = 5313 voitures/km2 transport
en commun
voiture particulière bles de bureaux neufs (souvent, le tiers des normes appli-
Source : Recensement de la population 1999 (Insee) Source : Recensement de la population 1999 (Insee)
quées dans les communes riveraines de Paris) et la mise en
place, dans deux secteurs à forte vocation tertiaire – les
abords des Champs-Élysées et l’opération Paris Rive gau-
carré à Paris (bois compris), contre 2 200 en moyenne en pe- région entre 1990 et 1999 : il diminue très légèrement à très loin de leur domicile. Cela est rendu possible par une of- che, dans le Sud-Est parisien – pour la création de places de
tite couronne. Parmi les grandes villes européennes, seule Paris et augmente hors Paris, surtout en grande couronne. fre de stationnement excédentaire dans certains arrondisse- stationnement 6.
Barcelone accueille des densités de voitures comparables. ments. C’est ainsi que dans les 13e et 19e arrondissements, le L’efficacité, quant à la limitation de la circulation
Au cours de la période 1990-1999, si le taux d’équi- L’OFFRE DE STATIONNEMENT À PARIS. La réalité de l’offre nombre de places de parking liées à des logements est glo- automobile de cette politique très restrictive de l’offre de sta-
pement en voiture des ménages franciliens évolue de fa- de stationnement n’est aujourd’hui connue que de façon ap- balement supérieur à celui des véhicules. Mais, même dans tionnement sur le lieu de travail mise en œuvre à Paris –
çon modérée (2,4 % en moyenne), leur taux d’équipement proximative, notamment en ce qui concerne l’offre privée. ces arrondissements, la situation n’est pas homogène d’un contrairement à ce qui se passe dans le reste de la région où
en seconde voiture poursuit quant à lui sa progression à L’offre globale, supérieure à 800 000 places, est répartie quartier à l’autre. En outre, de nombreuses places de par- les normes de réalisation de parkings dans les immeubles
un rythme plus élevé (presque 16 % de croissance en- entre une offre de places privées (garages, parkings en sous- king restent inoccupées par manque de sécurité. neufs de bureaux sont souvent très élevées et où le station-
tre 1990 et 1999). Effet du mode de vie ou dépendance vis- sol) pour un peu plus de la moitié de ces places (au moins nement sur voirie est généralement gratuit –, peut se mesu-
à-vis de la voiture pour se déplacer, les évolutions sont 450 000 places, dont 390 000 liées à des logements), des pla- LE STATIONNEMENT SUR LE LIEU DE TRAVAIL. En 1991 5, rer par un indicateur très révélateur : le nombre moyen et
contrastées dans la région : à Paris, tous les indicateurs ces sur voie publique (de l’ordre de 200 000), environ 70 000 une moyenne de 18 % de l’ensemble des déplacements (y journalier par emploi de kilomètres parcourus en voiture
d’équipement sont à la baisse ou stagnent ; hors Paris, ils places dans des parcs publics concédés et 90 000 à 100 000 compris à pied) à destination de Paris, pour l’ensemble de la pour se rendre sur son lieu de travail. Ce ratio tient compte
sont globalement à la hausse, la voiture étant plus rapide places dans des parcs privés ouverts au public. Ces chiffres journée et pour le motif du travail, est réalisée en voiture à la fois de la longueur des trajets, mais aussi et, surtout, de
en grande couronne. doivent être rapprochés du nombre de véhicules des ména- particulière, par des conducteurs (passagers non compris). l’usage ou pas de la voiture pour se rendre sur son lieu de
À Paris, la situation reste très contrastée suivant ges : un peu moins de 560 000 voitures. C’est donc, en théo- Lorsque les actifs déclarent ne pas disposer d’une place de travail : zéro kilomètre en voiture pour les emplois occupés
l’arrondissement de résidence. L’équipement en voiture est rie, de l’ordre de 170 000 voitures qui ne peuvent pas trou- parking gratuite sur leur lieu de travail, ce pourcentage d’u- par des actifs n’utilisant pas de voiture. Pour se rendre à son
particulièrement faible dans les arrondissements du cen- ver à se garer dans les 390 000 places liées au logement. tilisation de la voiture comme conducteur tombe à 12 %, travail depuis son domicile, on recense en moyenne un kilo-
tre historique de la rive droite, mais aussi dans le 10e et le Mais, si l’on y regarde de plus près, la situation est en alors qu’il atteint 37 % dans le cas contraire, soit au moins mètre parcouru en voiture lorsque l’emploi est situé à Paris.
18e arrondissement. Globalement, les catégories de ména- fait très contrastée selon les arrondissements. Ainsi, par trois fois plus. En outre, des différences importantes appa- Les emplois situés à l’est de la capitale génèrent un peu plus
ges parisiens les plus souvent équipés en voiture – les ca- exemple, les quatre premiers arrondissements de Paris pré- raissent selon que les emplois se situent dans le centre (du de trafic que ceux situés à l’Ouest. À Paris, les effets de la
dres et professions intellectuelles supérieures, artisans, sentent un déficit chronique pour le stationnement des véhi- 1er au 11e arrondissement) ou à la périphérie (du 12e au 20e proximité des emplois et de la bonne desserte en transports
commerçants et chefs d’entreprise, mais aussi les profes- cules des ménages, malgré une motorisation qui est la plus arrondissement) de la capitale pour les actifs ne disposant en commun sont renforcés, au moins dans le centre des af-
sions intermédiaires – ont vu leur taux d’équipement en faible de la capitale (plus de 72 % des ménages du 2e arron- pas de place de parking privée gratuite sur leur lieu de tra- faires, par la rareté de l’offre de stationnement gratuite sur
voiture diminuer entre 1990 et 1999, dans des proportions dissement n’ont pas de voiture) : en additionnant la totalité vail : 18 % de ces actifs travaillant en périphérie utilisent voirie et hors voirie. En petite couronne, c’est en moyenne
parfois importantes : le phénomène de « gentrification » 4 à de l’offre en parcs privés ou publics et l’offre sur voirie, on quand même leur voiture pour se rendre à leur travail, alors trois kilomètres qui sont parcourus en voiture, les résultats
Paris ne s’est pas traduit par une hausse des taux d’équi- couvre moins des trois quarts de la demande de stationne- qu’ils ne sont que 7 % pour les actifs travaillant dans le cen- par département étant très homogènes. Lorsque l’emploi est
pement en voiture. ment des résidents, alors qu’ils doivent partager cette offre tre. Cet écart important s’explique par l’existence d’une of- situé dans un département de la grande couronne, le par-
Le parc de voitures à la disposition des Franciliens avec d’autres usagers (employés, visiteurs, clients des com- fre de stationnement gratuite encore conséquente sur la cours moyen en voiture varie entre 3,8 à 4,5 kilomètres se-
atteint 4,048 millions de voitures en 1999, dont moins de merces)… Une bonne partie des résidents du centre de Paris voie publique en périphérie, alors qu’elle a quasiment lon les départements. Le ratio moyen le plus élevé est obtenu
560 000 à Paris. Il a augmenté de 12 % en moyenne dans la sont ainsi conduits à stationner leur véhicule en périphérie, disparu dans les arrondissements du centre de la capitale. en Seine-et-Marne. Au total, un emploi parisien génère en

E S P A C E S P U B L I C S E T D É P L A C E M E N T S E S P A C E S P U B L I C S E T D É P L A C E M E N T S
60 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 61
moyenne presque trois fois moins de trafic automobile qu’un Paris, c’est la marche à pied qui est le mode de déplacement
emploi situé dans les Hauts-de-Seine et quatre à cinq fois le plus répandu (65 % des cas), devançant les transports en Porte
Porte
Porte
de la

moins de trafic automobile qu’un emploi en Seine-et-Marne. commun (26 %), principalement le métro et secondairement
de Clignancourt Chapelle de la
Villette

Mais il faut savoir que les nouvelles dispositions de la l’autobus. L’utilisation de la voiture particulière est motivée Porte
de Clichy

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loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains soit par l’avantage procuré par ce mode de transport pour l’a-

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d'Asnières

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(SRU), adoptée fin 2000, n’autorisent la mise en œuvre de chat lui-même (colis encombrant, achat réalisé en famille), Porte
de Champerret r
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normes maximales de stationnement que « lorsque le Plan soit parce que ce déplacement s’inscrit dans une chaîne de dé-
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des déplacements urbains a délimité des périmètres à l’in- placements plus complexes dont un maillon requiert ou uti- Buttes-Chaumont

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transports publics réguliers permettent de réduire ou de sation est réduite lorsque l’achat se situe à Paris : elle ne r ue

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supprimer les obligations imposées en matière de réalisa- concerne que 9 % des déplacements pour motif d’achat un la Ré Porte

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tion d’aires de stationnement, notamment lors de la cons- jour de semaine. Dans le tissu urbain parisien, très dense, l’u-

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BOULOGNE

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truction d’immeubles de bureaux »… Le Plan des déplace- sage de la voiture pour effectuer ses achats est donc restreint. Parc
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ments urbains d’Ile-de-France, approuvé trois jours avant la Cette situation positive pour la qualité de vie et l’animation du
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promulgation de la loi SRU, n’a pas classé Paris en périmè- des quartiers est confortée par un soutien du commerce de Porte
avenue Émile - Zola bd du de Vincennes

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tre bien desservi par les transports publics : il faudra donc proximité et l’interdiction d’installer des grandes surfaces

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attendre sa révision pour réintroduire des normes maxima- dans Paris. Hors Paris, il est clair que l’existence de zones

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les dans le nouveau Plan local d’urbanisme de Paris. commerciales organisées en fonction de l’accès automobile ne Porte
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joue guère en faveur des transports en commun ou d’une dé- VINCENNES

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L ES Un jour de semaine, les marche piétonne souvent périlleuse. Pour les achats effectués Peti
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COMPOR TEMENTS ménages en Ile-de- à Paris, le comportement varie selon le type d’achat. Les Porte
d'Orléans

D ’ ACHAT France effectuent achats quotidiens (46 % des déplacements pour achats à Porte
d'Italie

3,1 millions de déplace- Paris, un jour de semaine) sont d’abord des achats de proxi-
ments pour achats dans la région, soit 9 % seulement de leurs mité : 86 % sont réalisés à pied et l’utilisation des transports
PROJET DE SCHÉMA DIRECTEUR VÉLO STRUCTURANT
déplacements quotidiens (1991). Près de 29 % sont effectués en commun est réduite à 12 %, l’emploi de la voiture particu- Réseau cyclable existant Liaison cyclable Aménagements existants Projet de tramway
à Paris. Beaucoup d’idées reçues masquent la réalité des dé- lière étant marginal (2 %). Les achats hebdomadaires ou bi- le long de la Seine à améliorer
Réseau cyclable programmé (état fin 2002) Projet d'espaces civilisés
placements pour achats. Ainsi, pour effectuer des achats à hebdomadaires (18 % des déplacements pour achats à Paris, Points durs à aménager Ligne de bus mobilien
Direction de la Voirie Décembre
un jour de semaine) sont pour 73 % effectués à pied, pour Propositions ATELIER PARISIEN D'URBANISME et des Déplacements 2002

18 % en transports en commun et pour 9 % en voiture parti-


culière. Enfin, les achats exceptionnels (36 % des déplace- clients un mardi et un samedi. La part de la voiture y est LES VÉLOS À PARIS . À
VÉLOS,
CHOIX MODAUX DANS LES DÉPLACEMENTS ments pour achats à Paris, un jour de semaine) sont pour même plus faible que dans les enquêtes globales décrites ci- TA X I S Paris, le vélo est un
MOTOS,
POUR ACHATS EN ILE-DE-FRANCE 47 % réalisés en transports en commun, pour 34 % à pied et dessus. Ainsi, pour faire des achats rue de Rennes, une rue mode de déplacement
(un jour de semaine)
ET AUTOCARS
pour 17 % en voiture particulière, quel que soit le lieu de ré- commerçante qui comporte deux grandes enseignes et une DE TOURISME marginal qui représente
500000 sidence de l’acheteur (Paris ou reste de la région). C’est es- gamme étendue de magasins d’équipement de la personne, moins de 2 % des dépla-
450000 80 % 61 %
15 % sentiellement pour faire des achats exceptionnels que les les clients viennent en transports en commun, principale- cements. Pourtant, malgré quelques dénivelées importantes
400000 86 % 41 %
Franciliens se rendent à Paris. Ces achats sont effectués en ment en métro, et à pied. Ces deux modes sont utilisés par mais localisées, la géographie de la capitale se prête relati-
81 %
majorité dans les arrondissements centraux. 83 % des clients le samedi et 91 % des clients le mardi. vement bien aux déplacements à vélo : c’est une ville dense,
Nombre de déplacements

350000

300000 35 % Le cas particulier du samedi, jour où les déplacements L’utilisation de la voiture est minoritaire (13 % des clients le sa traversée représente 9,5 kilomètres du nord au sud et
pour achats sont supérieurs aux jours de semaine, doit être samedi et 6 % le mardi) et elle est principalement motivée 12 kilomètres d’est en ouest, hors bois. La longueur
250000
50 % approfondi. À la différence de l’enquête la plus récente, par l’habitude. moyenne d’un déplacement en voiture, interne à Paris, est
200000 17 %
28 % 35 % 16 % disponible fin 2003, les enquêtes de 1991 et 1997 ne pren- Et si venir en voiture rue de Rennes devenait plus dif- de 3,1 kilomètres, soit l’équivalent d’un temps de trajet en
150000 73 % 48 % 80 % nent pas en compte les déplacements réalisés à pied le sa- ficile à l’avenir, la majorité des clients automobilistes du sa- vélo de 10 à 15 minutes.
59 %
100000
14 %
medi si bien qu’elles ne permettent pas une connaissance medi se disent prêts à se déplacer autrement ; le mardi, la La politique du vélo est très récente, puisqu’elle ne
50000 2%
12 % 9 %
approfondie des comportements d’achat. On observe cepen- majorité pensent effectuer leurs achats dans une zone moins s’est amorcée qu’en 1996. Il existait, en 2002, environ 197 kil-
18 % 6% 9%
0 13 % 3% 4% 4% dant des volumes de déplacements pour achats nettement contraignante pour l’automobile. Quel que soit le jour, la omètres d’aménagements cyclables (non compris les tronçons
quot hebd excp quot hebd excp quot hebd excp
Achat Achat Achat
supérieurs le samedi, en voiture comme en transports en perte présumée de clients est inférieure à 4 %. Elle est à com- de couloirs de bus isolés et les zones à 30 km/h). Ainsi, près de
à Paris (29 %) en petite en grande commun. parer avec les 59 % de clients prêts à venir plus souvent si 12 % du linéaire des voies parisiennes comprennent un amé-
Doc. Apur

couronne (34 %) couronne (37 %)


Ces chiffres généraux sont confirmés par deux enquê- des aménagements en faveur des piétons étaient réalisés. nagement cyclable. Seules 18 000 places pour le stationne-
Mode de déplacements utilisé
tes locales, réalisées en 2002 et 2003 dans les secteurs de L’ensemble des clients évoquent d’ailleurs la surfréquenta- ment des deux-roues (vélos et motos) ont été aménagées sur
marche à pied voiture particulière transport en commun
Château-Rouge (18e arrondissement) et de la rue de tion de la rue par les piétons et la circulation, et souhaitent la voie publique, ce qui ne représente qu’une place pour 2,1
Rennes (6e). Elles portent sur les comportements d’achat des un rééquilibrage de l’espace public en faveur des piétons. hectares en moyenne. D’après les enquêtes globales des

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transports, le nombre de vélos possédés par les ménages pa- travail à pied (ils ne sont que 5 % à Amsterdam) et que qui comprend également la bicyclette. Les deux-roues moto- de deux-roues motorisés procèdent au remplacement du pot
risiens aurait doublé entre 1991 et 1997. On aurait ainsi 54 % se rendent à leur travail en transports en commun risés sont classés en quatre catégories : les cyclomoteurs (cy- d’échappement d’origine par un pot non homologué et
comptabilisé, en 1997, un vélo pour quatre ménages. Selon les (seulement 18 % à Amsterdam). Finalement, alors qu’à lindrée de moins de 50 centimètres cubes [cc], vitesse limitée bruyant, normalement réservé à la compétition (et dont l’u-
comptages de la Direction de la voirie et des déplacements, le Paris, seulement 19 % des actifs se rendent en voiture à à 45 km/h), les motos légères (MTL : cylindrée entre 50 et sage est prohibé sur la voie publique). Ce phénomène tou-
nombre de cyclistes a augmenté sensiblement de 1995 à leur travail, ils sont 36 % à le faire à Amsterdam, soit près 125 cm3, puissance limitée à 15 ch), les motos moyennes cherait entre un tiers et un quart des deux-roues motorisés
2000, puis la tendance 2000-2002 a été à la stabilité. Une re- du double. On constate ainsi que, s’il y a beaucoup plus (MTT 1 : cylindrée supérieure à 125 cm3, puissance infé- en circulation. Les raisons en sont un prix moins élevé (60 à
prise de l’augmentation est constatée en 2003, sans doute en d’usagers des vélos à Amsterdam, c’est avant tout parce rieure à 34 ch et rapport puissance/poids maximal de 0,22 70 % moins cher), la volonté d’attirer fortement l’attention,
partie liée aux grèves des transports en commun des mois de que cette ville ne dispose pas du réseau de transports en ch/kg) et les autres motos (MTT 2 : puissance maximale avec parfois le prétexte de faire du bruit pour se faire en-
mai et juin. L’un des axes les plus fréquentés est le boulevard commun de Paris, et si les déplacements à pied y sont net- de 100 ch). Ils présentent de nombreux atouts dans une ville tendre des automobilistes. Il faut noter que ces pratiques
Saint-Germain, avec 140 cyclistes aux heures de pointe dans tement moins nombreux qu’à Paris, c’est parce que la den- dense et encombrée comme Paris. Leur encombrement ré- font l’objet, de la part des pouvoirs publics, d’une grande to-
un sens. Concernant les services, il existe 22 sites de location et sité beaucoup moins grande d’Amsterdam les rend beau- duit leur permet de se faufiler dans les embouteillages, leur lérance. Enfin, ils sont source d’une pollution atmosphé-
43 sites de réparation. Des expérimentations sont menées par coup moins performants. Un autre point mérite d’être assurant aux heures de pointe des temps de parcours beau- rique considérable. Les normes européennes (1999) autori-
deux sociétés de parking qui proposent une location gratuite de commenté : il s’agit des capacités de déplacement comparées coup plus courts et plus fiables que l’automobile ; leur coût sent ainsi, pour les deux-roues motorisés, des pollutions de
bicyclette avec le ticket de stationnement d’une voiture. Les entre le vélo et le métro. Une ligne de métro moderne, est plus faible que celui de l’automobile et, surtout – aspect dix à vingt fois supérieures (selon les polluants) aux pollu-
points de conflits du réseau cyclable existant sont en parti- comme la ligne n° 14 à Paris, peut transporter un maximum très important à Paris –, leur stationnement est gratuit et tions autorisées pour les automobiles (normes 2000). Ainsi,
culier la traversée des places et des portes aux entrées de de 80 000 voyageurs à l’heure. Le maximum de fréquenta- très aisé 7 ; les motos jusqu’à 125 cm3 sont aujourd’hui acces- les émissions d’hydrocarbures autorisées pour une moto
Paris. On déplore environ 500 accidents par an, mais leur tion d’un espace réservé aux deux-roues (vélos et motocy- sibles sans permis spécifique, le permis auto étant suffisant. deux-temps sont de 4 grammes par kilomètre (3 grammes
nombre a tendance à légèrement baisser. clettes) qu’il m’ait été donné d’observer – à Hô Chi Minh- Mais l’ensemble de ces atouts s’accompagne d’inconvénients pour une moto quatre-temps), alors qu’elles ne sont que de
Il est intéressant de comparer Paris et une ville où Ville (Saigon) – était de 4 000 vélos et motocyclettes dans un majeurs. Les deux-roues motorisés sont un mode de dépla- 0,2 gramme par kilomètre pour une automobile à essence.
le vélo est très présent, comme Amsterdam. A priori, la espace de trois mètres de large. En prenant un ratio équi- cement très accidentogène : 53 % des accidents à Paris les De même, les émissions de monoxyde de carbone autorisées
mise en parallèle de la part d’usagers utilisant un vélo valent, on voit que la ligne 14 est équivalente à une piste cy- concernent, soit, en 2002, 4 006 blessés légers, 279 blessés sont de 13 grammes par kilomètre pour une moto quatre-
pour se rendre sur leur lieu de travail peut paraître peu clable de 60 mètres de large qui serait totalement saturée ! graves et 30 morts (pour les seuls motards, en 2001 : 64 % temps et de 0,65 gramme par kilomètre pour une automo-
flatteuse pour Paris : ils n’y sont que de l’ordre de 1 % des deux-roues motorisés blessés graves et 80 % de tués). bile Diesel. Il faut également observer que les deux-roues
(chiffre tellement faible qu’il n’est même pas significatif), LES DEUX-ROUES MOTORISÉS. La place exacte des deux- Les deux-roues motorisés ont ainsi représenté, en 2002, à motorisés ne sont pas assujettis à un contrôle technique
alors qu’à Amsterdam, c’est environ 38 % des habitants roues motorisés dans l’ensemble des déplacements n’est pas Paris, 41 % de l’ensemble des tués et 47 % des blessés gra- obligatoire, ni à un contrôle antipollution régulier. Ainsi, sur
qui se rendent à vélo sur leur lieu de travail. Mais c’est ou- toujours facile à cerner : ils sont en effet souvent intégrés ves, pour seulement 7 % des déplacements. Ils amènent des la base d’une pollution moyenne dix fois supérieure pour les
blier qu’à Paris, 23 % des actifs se rendent sur leur lieu de dans une catégorie statistique plus large – les deux-roues – nuisances sonores très importantes. Nombre d’utilisateurs deux-roues motorisés par rapport à l’automobile, le simple

1. Le port
de la Bourdonnais
(Paris 7 e ) : une insertion
à améliorer.

2. Des trottoirs peu


Photos : Apur.
Photo : Apur.

praticables.

3. Une présence
parfois trop importante
des autocars de tourisme. 1 2 3

E S P A C E S P U B L I C S E T D É P L A C E M E N T S E S P A C E S P U B L I C S E T D É P L A C E M E N T S
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transfert vers les deux-roues motorisés de 10 % des auto- (1,4 million de tonnes). Ils se répartissent en 14 millions de ton- LES E S PA C E S À Paris plus encore lisé non pour les déplacements des piétons, mais pour la vie
mobilistes roulant dans Paris entraînerait un quasi-double- nes de flux régionaux (transportés à 94 % par la route et 6 % PUBLICS : qu’ailleurs, les espaces locale sous toutes ses formes : terrasses, étalages, kiosques,
ment de la pollution émise dans la capitale. par les voies navigables), 7 millions de tonnes d’échanges avec DES LIEUX publics ont des fonctions cabines téléphoniques, mobiliers divers, mais aussi arbres
le reste de la France (68 % par la route, 8 % par le rail et 24 % FORTEMENT très diverses, qu’ils ne d’alignement…, ce qui correspond sensiblement à la ré-
LES TAXIS ET LES AUTOCARS DE TOURISME. Le nombre de par les voies navigables), 1,3 million de tonnes d’échanges avec CONVOITÉS peuvent pas pleinement alité). Il faut aussi rappeler qu’à Paris, plus d’un tiers des
taxis à Paris (nombre de licences) est, depuis 1990, de 14 930 l’Union européenne (68 % par la route, 17 % par le rail et 15 % assumer : ils sont déplacements s’effectuent en sous-sol (dans le métro ou le
(17 660 chauffeurs). Ils représentent 6 % de la circulation et par d’autres modes – mer, air, installations fixes…) et condamnés à rester en toute hypothèse des espaces de com- RER) et ne concernent donc qu’à la marge les espaces pu-
2 % des déplacements ; 467 stations de taxis existent dans la 3,7 millions de tonnes d’échanges internationaux autres (7 % promis. Historiquement, la première fonction des espaces blics. Il ressort de cette comparaison un très net déséquili-
capitale ; 135 stations sont équipées de bornes d’appel (BAT). par la route, 5 % par le rail et 88 % par d’autres modes). Les publics était de répondre aux besoins de la vie locale, no- bre à l’avantage de l’automobile – près de 64 % de l’espace
La part des taxis dans la circulation parisienne s’élève à 6 %. pays avec lesquels les échanges sont les plus importants au tamment comme lieux de rencontres et de pratique de l’ac- pour 20 % des déplacements –, au détriment essentielle-
Les usagers se plaignent régulièrement de la difficulté à sein de l’Europe sont l’Espagne (21 %), suivie de l’Italie (19 %), tivité économique et sociale. Mais c’est la deuxième fonction ment des piétons – à peine plus de 30 % de l’espace, pour
trouver un taxi, ce qui est notamment le cas aux heures de la Belgique et le Luxembourg (15 %), et l’Allemagne (13 %). de ces espaces – celle de support de déplacements, en parti- près de 70 % des déplacements de surface.
pointe dans le centre de Paris. La raison souvent évoquée par Globalement, les 26 millions de tonnes de marchandises culier des déplacements automobiles – qui a pris très large- Mais ce bilan doit être modulé selon les arrondisse-
les chauffeurs de taxi est la difficulté à rouler dans la capi- concernant Paris (hors transit) sont transportées à 73,3 % par ment la primauté sur la fonction précédente dans les années ments : l’écart est ainsi considérable entre certains territoi-
tale à ces heures. Une autre raison est peut-être à rechercher la route, 9,7 % par les voies navigables (la Seine et les canaux), 1960, à l’époque de l’automobile reine 8. La situation de res du centre de Paris, comme le Marais, aux espaces publics
dans la tarification, qui rend plus intéressant d’attendre les 3,7 % par le rail et 13,3 % par d’autres modes. l’espace public est aujourd’hui la suivante : un réseau de très exigus et aux trottoirs parfois quasi inexistants, mais
clients à un aéroport ou dans une gare parisienne. C’est en L’acheminement de ces marchandises dans Paris in- voies publiques ou privées long de 1 600 kilomètres, cou- où la pression de la vie locale s’additionne à celles de l’at-
toute hypothèse pour répondre aux attentes des usagers que tra-muros suppose l’existence de plates-formes de fret re- vrant une superficie d’environ 2 600 hectares, soit environ tractivité touristique et commerciale, et d’autres comme la
le nombre de taxis devrait augmenter progressivement, pour liées pour la plupart aux faisceaux ferroviaires, ou de zones 25 % de la superficie totale de la capitale. Cet espace est ré- plaine Monceau, où les espaces publics sont largement di-
atteindre 1 500 licences supplémentaires. portuaires bordant la Seine ou les canaux. Ces sites d’appro- parti entre des trottoirs représentant à peu près 1 000 hec- mensionnés et où les pressions extérieures sont nettement
Le nombre d’autocars de tourisme circulant quotidien- visionnement et de négoce de marchandises, situés à la péri- tares et des chaussées (ou des voies rapides comme le bou- plus réduites. D’autres espaces comme d’anciennes voies de
nement pendant la période touristique oscille entre 1 300 phérie du Paris du début du XIXe siècle, ont souvent fourni levard périphérique ou la voie Georges-Pompidou) couvrant faubourgs – rues de Belleville, de Ménilmontant, rue
et 1 500, selon les années et l’importance des manifestations l’essentiel des territoires des projets urbains de la ville : en- 1 600 hectares. Le tableau, ci-contre, permet de mettre en Lecourbe ou de Vaugirard – ont vu s’ajouter à leur fonction
qui sont organisées dans la capitale. Ils disposent de 574 pla- trepôts de vin de Bercy, abattoirs de la Villette et, aujourd’- parallèle la répartition de ces espaces selon leur affectation, traditionnelle de centralité commerciale, un usage d’itiné-
ces publiques payantes – dont 361 dans des parcs –, ainsi hui, de plus en plus de gares ferroviaires désaffectées et leur usage réel suivant le mode de déplacement utilisé (il raire de transit automobile peu adapté aux caractéristiques
que de 63 places à accès réservé (sur les quais de la Seine), (comme pour Paris Rive gauche). Les dernières emprises lo- est supposé que 40 % de l’espace actuel des trottoirs est uti- de ces voies, qui ont gardé une dimension limitée.
portant l’offre globale à 637 places, 46 places étant réservées gistiques existantes en prennent d’autant plus d’importance.
à la dépose ou à la reprise des voyageurs. Parmi les 9 sites Enfin, en ce qui concerne les livraisons finales vers les
sur lesquels plus de 100 autocars différents ont stationné, 7 commerces, les artisans et les particuliers, le nombre d’em-
sont situés le long de la Seine, là où sont localisés les princi- placements réservés s’élève à 9 000 sur voirie. Ces emplace-
paux pôles touristiques. Depuis 2003, le stationnement ments réservés sont peu respectés, mais il n’est pas rare que
payant est généralisé à l’ensemble des places de stationne- ce soient les commerçants riverains qui y stationnement
ment, parallèlement à la mise en place d’un titre forfaitaire quasi systématiquement. On estime que les 55 000 points de
unique de stationnement. Depuis cette date, les îles Saint- vente recensés dans Paris génèrent chaque semaine plus de
Louis et de la Cité sont totalement interdites aux autocars 1 600 000 mouvements de marchandises (livraisons ou enlè-
et, en substitution, un système de navettes fluviales a été vements). On sait par ailleurs que chaque établissement est
mis en place. Ce transport de voyageurs par voie fluviale est livré en moyenne une fois par semaine et par personne em-
loin d’être négligeable. En 2001, 436 000 touristes ont utilisé ployée, soit 200 000 livraisons par jour. Les mouvements de
ce mode de déplacement et 62 322 personnes ont visité Paris véhicules utilitaires légers représentent au total 9 % de la
en empruntant les canaux. circulation dans Paris intra-muros, et les poids lourds, 3 %.

LE TRANSPORT Les flux de marchandises Mode % de l’espace Choix modal


DES depuis ou vers Paris (hors public affecté
MARCHANDISES transit) représentaient,
en 2000, 26 millions de Piétons 31,3 % 68,5 %
ET LES
LIVRAISONS tonnes, soit 9 % des flux Bus et taxis 3,6 % 9,8 %

totaux hors transit de Vélos 1,2 % 1 %


l’Ile-de-France. Ces flux sont constitués essentiellement de pro-
Photo : Apur.

Voitures + Circulation 50,6 %


duits manufacturés et de messagerie (9,3 millions de tonnes),
de matériaux de construction (9 millions de tonnes) et de pro-
duits alimentaires (3,2 millions de tonnes) ou agricoles
Motos
Véhicules+
utilitaires
+
}
Stationnement 12,1 %
Livraisons 1,2 % } 63,9 %
} 20,7 % L’escale Batobus
du port
des Champs-Elysées.

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66 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 67
Aménager et mieux partager
l'espace public
Favoriser la vie locale dans
les principaux espaces publics
Civiliser les voies principales
Recomposer les places
Créer des liaisons nouvelles
associées à des promenades
Reconquérir et requalifier
le site de la Seine et des canaux
Réaménager de manière réversible
les emprises non utilisées de la petite ceinture
Limiter les nuisances des autocars
aux abordsdes principaux
sites touristiques
Alléger la circulation dans le centre de Paris
Redécouvrir la Bièvre

Privilégier la qualité des déplacements


locaux dans les quartiers
Réaliser des quartiers verts
Mettre en place un réseau de liaisons
douces entre les quartiers
(piétons, vélos, rollers…)

Mieux réguler le stationnement


en privilégiant
le stationnement résidentiel
(réflexion en cours)
Généraliser le stationnement payant

Plafonner l'offre globale de


stationnement à son niveau actuel

Compléter, améliorer le réseau


et la qualité des transports
de voyageurs et de marchandises
Desservir les zones de carence
en métro et en RER (lignes de quartier)

F
Créer de nouvelles stations en transport
en commun (métro, RER)
Améliorer le fonctionnement des pôles
d'échanges et les concilier avec la vie locale
Créer des lignes de tramway de rocade
sur les Maréchaux et entre les gares
Prolonger les lignes de transport
en commun hors de Paris
Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur

Prolonger la ligne 14 sur la branche


Asnières-Gennevilliers de la ligne 13
Relier la ligne 3 bis et la ligne 7 bis
Renforcer la qualité de service
des autobus (réseau mobilien)
Développer le transport des voyageurs
par voie d'eau
Organiser la distribution des marchandises
à partir de plateformes logistiques
Réaliser un maillage de magasins
de quartier pour la distribution locale
Requalifier les portes
et réduire les nuisances
du boulevard périphérique
Développer des continuités interurbaines
grâce à des sections couvertes
Transformer les portes de Paris
en lieux de vie

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68 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 69
COMMENT AGIR Par sa densité et la qua- LIMITER Le rééquilibrage entre à son travail. Pour cela, il est proposé d’agir sur la politique ticipent : normes de pollution proches de celles des voitures
POUR DEMAIN? lité de sa desserte en LES NUISANCES, les différents modes de du stationnement, à la fois dans Paris en réservant sur voi- et, surtout, respect de la réglementation tant pour la pollu-
transports en commun, RÉÉQUILIBRER déplacement avec pour rie certaines places aux résidents munis d’une autorisation tion de l’air que pour la pollution sonore.
Paris dispose de tous les atouts pour être un modèle d’éco- LES MODES DE objectif de limiter l’u- et en restreignant le stationnement purement rotatif, et en
logie. En effet, qu’il s’agisse de se rendre sur son lieu de DÉPLACEMENT sage des modes les plus dehors de Paris ou à ses portes, en accroissant l’offre de sta- AMÉLIORER L’OFFRE EN TRANSPORTS EN COMMUN. Dans les
travail ou de gérer sa vie quotidienne (par exemple, en fai- polluants ne peut se tionnement dans les parkings de dissuasion. Il conviendra réflexions sur l’amélioration des transports en commun à
sant des courses), à Paris, on privilégie la marche à pied ou faire de façon brutale. également, dès que possible, de réintroduire dans les nor- Paris, la place du métro est parfois curieusement sous-éva-
le métro, en délaissant très largement l’automobile. Il en Plutôt que de recourir à des mesures extrêmes 9 qui feraient mes de stationnement du PLU de Paris, des normes maxi- luée : peut-être par phénomène de mode, l’accent est plutôt
résulte qu’un habitant ou un usager de Paris génèrent, par l’objet d’un rejet catégorique des franges de la population males très restrictives pour la réalisation de places de sta- mis sur la réintroduction du tramway, ou l’amélioration du
leurs déplacements, en moyenne trois à cinq fois moins de concernées, il paraît plus pertinent de proposer un ensemble tionnement liées aux opérations neuves de bureaux. Mais réseau de bus parisien et francilien par le projet Mobilien.
pollution atmosphérique qu’un autre habitant de l’Ile-de- cohérent de mesures ciblées visant à déplacer le point d’équi- dissuader l’usage de l’automobile dans Paris, c’est aussi ré- Or, en toute hypothèse, le métro, combiné au RER, restera
France, contribuant ainsi à limiter le réchauffement de la libre (c’est-à-dire le moment où un mode de déplacement non duire physiquement l’espace réservé à sa circulation, et le toujours, et de très loin, le principal mode mécanisé de dé-
planète. Mais si, à une échelle globale, la densité ne pré- ou peu polluant devient plus performant globalement qu’un réaffecter à d’autres modes ou à la vie locale. placement des Parisiens et des autres usagers réguliers ou
sente que des avantages, il n’en est pas de même à une mode polluant). Il s’agit là aussi bien de rapprocher le coût occasionnels de la capitale. Mais ce réseau est aujourd’hui
échelle plus locale. De fait, si la quantité de pollution d’usage de l’automobile de son vrai coût social (par exemple, MIEUX ENCADRER L’USAGE DES DEUX-ROUES MOTORISÉS. bien vieillissant et appellerait de nombreuses améliorations.
émise par personne est très faible à Paris, elle est plus que par la gestion et la tarification du stationnement), que d’amé- Diminuer la pollution à Paris suppose enfin une action éner- Capacité insuffisante en heures de pointe, fréquence en heu-
largement compensée par la densité en habitants, em- liorer l’offre et les performances des transports en commun ou gique pour y limiter l’impact très négatif des deux-roues res creuses, propreté, sécurité, aspect peu convivial des
ployés ou visiteurs : Paris concentre ainsi, dans un espace de développer des modes alternatifs. motorisés, et inverser une tendance qui, si elle devait se lieux… les griefs, plus ou moins justifiés, sont nombreux, et
réduit, des pollutions tant atmosphériques que sonores, poursuivre, aurait des conséquences catastrophiques. Cet il suffit de prendre successivement la ligne n° 13 puis la li-
qui, en grande couronne, se trouvent diluées dans un très DISSUADER L’USAGE DE L’AUTOMOBILE. Maintenir dans objectif est rendu difficile à mettre en œuvre du fait de l’i- gne n° 14 (la correspondance directe sera bientôt possible à
vaste territoire. D’une certaine façon, Paris est donc à la Paris une population diversifiée, notamment une part signi- mage culturellement très positive qui est liée à l’usage de ce Saint-Lazare) pour mesurer tout l’écart qui sépare le métro
fois riche et victime de sa densité. Améliorer la qualité de ficative de familles avec enfants, implique de préserver pour type de véhicules. Il est aujourd’hui un peu tabou de dire du XIXe siècle de celui du XXIe. Le réseau de métros parisiens,
vie à Paris suppose ainsi de mieux vivre cette densité, en ces familles un minimum de facilités pour garer leur véhi- que les motos polluent et sont bruyantes, comme il l’était de un des plus étendus au monde, mériterait donc une action
limitant encore plus les sources de nuisance, en favorisant cule dans des conditions acceptables à proximité de leur do- dire, dans les années 1940, que la cigarette pouvait provo- ambitieuse (obligatoirement étalée dans le temps) de remise
des usages plus variés des espaces publics, en s’interro- micile. C’est d’autant moins gênant que ces familles pari- quer le cancer ou, dans les années 1960, que les voitures pol- à niveau qui aille au-delà d’un simple « relookage » des sta-
geant sur la possibilité de mieux répartir les activités au siennes n’ont souvent pas un usage quotidien de leur luaient. Les faits sont pourtant là, incontournables, et l’ob- tions. Notamment la ligne n° 14 a fait la preuve de tout l’in-
sein de la capitale, et en tirant un meilleur parti de la ges- véhicule. À l’inverse, il paraît possible et souhaitable de ré- jectif global de retour à une meilleure qualité de vie à Paris térêt qu’il y aurait à généraliser l’automatisation sur l’en-
tion du temps dans la ville. duire encore davantage l’usage de la voiture pour se rendre ne pourra se faire sans que les deux-roues motorisés y par- semble des lignes de métro : avec l’introduction des portes

1 2

Photos : © RATP. Mauboussin Jean-François - 2002

1. Le tramway
© DVD. Grumbach

des maréchaux sud :


un exemple
d’insertion urbaine.

2. Le métro de demain :
la ligne n°14.

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palières, plus d’intrusion sur les voies, principale source lignes plus complémentaires, et sur proposition de la Ville Le réseau d’autobus est un complément indispen- lier la Seine, sont loin d’être saturées et pourraient ac-
d’interruption du trafic aujourd’hui, mais surtout, capacité de Paris, le tramway T2 n’empruntera pas, comme prévu in- sable des modes de transport lourds que sont le RER, le cueillir un important trafic supplémentaire, qu’il s’agisse de
plus grande en heures de pointe, possibilité d’élargir à itialement, l’emprise ferroviaire de la petite ceinture (trop métro et le tramway. En plus d’apporter une desserte là voyageurs ou de fret. L’interdiction des autocars dans les
moindre coût la plage horaire de fonctionnement et fré- proche des boulevards des Maréchaux), mais restera au sud où les réseaux lourds présentent des lacunes, il offre un îles Saint-Louis et de la Cité, mise en œuvre en 2003, de-
quence (en conséquence confort) plus importante en heures du boulevard périphérique, desservant ainsi la porte de service complémentaire pour les usagers qui ne veulent vrait être progressivement étendue à l’ensemble de Paris.
creuses (journée, soirée, week-end). Sèvres, l’Aquaboulevard et le nord d’Issy-les-Moulineaux. ou ne peuvent pas emprunter les réseaux souterrains. Le L’essentiel des touristes concernés pourrait être transféré
Des améliorations devraient également être appor- Quant au tramway en rocade sud de Paris, il a été décidé, projet de réseau d’autobus Mobilien vise à améliorer les sur la Seine, qui dessert les principaux sites touristiques
tées au Réseau express régional (RER). Au-delà de la réali- après de longs débats, de l’implanter sur les boulevards des caractéristiques de certaines lignes de bus. Dans le cadre parisiens à l’exception de Montmartre. Concernant le
sation d’une sixième ligne – la ligne F, reliant la gare Maréchaux plutôt que sur la petite ceinture ; cela découle de du Plan des déplacements urbains de la région Ile-de- transport de marchandises, la possibilité de maintenir ou de
Montparnasse à la gare Saint-Lazare, réservée au Schéma la volonté d’en faire un outil de développement urbain, inté- France, une hiérarchisation du réseau actuel d’autobus a créer des plates-formes logistiques sur les berges du centre
directeur d’Ile-de-France, mais qui a peu de chances de trou- gré au mieux dans la ville, directement visible et accessible été adoptée, définissant des lignes prioritaires. Environ de la capitale – contrairement à la réglementation actuelle
ver un financement avant de nombreuses décennies –, il depuis l’espace majeur de la couronne de Paris que sont les 150 lignes en Ile-de-France figurent parmi ces lignes, qui prévoit leur report en périphérie de Paris – devrait être
reste à achever la ligne E en la prolongeant vers l’ouest et boulevards des Maréchaux. Cette ligne est appelée à se pro- dont une soixantaine appartiennent au réseau RATP. examinée de façon attentive et positive. Mais une telle
en créant deux nouvelles stations desservant les sites de longer dans un premier temps et à court terme jusqu’à la Parmi elles, 34 lignes sont situées à Paris ou l’attei- orientation ne sera acceptée que si elle n’entre pas en conflit
développement urbain du Nord-Est et des Batignolles. Dans porte de Charenton, desservant ainsi Paris Rive gauche et gnent : 17 sont des lignes parisiennes d’autobus et 17 avec d’autres pratiques des berges, comme la promenade.
le cadre de la valorisation de la couronne parisienne, il est des développements possibles du quartier de Bercy, à proxi- sont des lignes du réseau d’autobus de banlieue arrivant La nécessité d’avoir une vision globale et cohérente
également important de réserver la possibilité de créer des mité du boulevard Poniatowski. Mais, à terme, c’est bien à une porte de Paris. Ces lignes d’autobus auront des per- de la problématique des marchandises dans la capitale a
nouvelles stations qui assureront à la fois un complément une ligne (ou un ensemble de lignes) assurant un bouclage formances renforcées (régularité, vitesse commerciale) conduit la Ville de Paris à programmer la réalisation d’un
de desserte locale et une correspondance avec le futur tram- de Paris sur les boulevards des Maréchaux qu’il s’agit de grâce notamment à des aménagements de voirie et à une schéma directeur des aires de livraison dans lequel sera
way en rocade de Paris (cf. ci-après) : porte de la Chapelle, mettre en œuvre. Enfin, il paraît nécessaire de réserver la qualité de service améliorée (accessibilité aux personnes à essentiellement examinée la mise en place d’espaces lo-
sur les RER B et D, et porte de Charenton, sur le RER D. réalisation, à moyen ou long terme, d’une ligne de tramway mobilité réduite, information aux voyageurs, fréquence de gistiques urbains, par priorité positionnés sur des ter-
L’année 2006 verra la réapparition dans Paris d’un assurant une liaison en rocade de l’ensemble des six gares passage, amplitude des horaires, service assuré les diman- rains embranchés aux réseaux ferroviaire et fluvial.
mode de déplacement qui avait disparu depuis des décen- parisiennes. Son tracé précis doit faire l’objet d’études com- ches et jours de fête, véhicules non ou peu polluants). Quatre hôtels plates-formes logistiques doivent égale-
nies : le tramway. Deux projets sont d’ores et déjà program- plémentaires, mais il apparaît d’ores et déjà que la partie ment être proposés en périphérie de Paris, relayés par des
més : le prolongement jusqu’à la porte de Versailles du tram- sud de son tracé, entre la gare Montparnasse et la gare de MIEUX VALORISER DES OFFRES ALTERNATIVES. La présence points de diffusion à l’intérieur du territoire. Le maintien
way T2 reliant la Défense à Issy-les-Moulineaux, et une Lyon, pourrait constituer une première phase de réalisa- dans Paris de voies d’eau – la Seine et les canaux Saint- d’une activité de fret ferroviaire sur les sites des
ligne nouvelle sur les boulevards des Maréchaux, entre le tion, compte tenu de l’attractivité qu’offre déjà aujourd’hui Martin, Saint-Denis et de l’Ourcq – est un atout qui mérite- Batignolles, du Nord-Est et de Bercy paraît en toute hypo-
pont du Garigliano et la porte d’Ivry. Afin de rendre ces deux la ligne de bus n° 91. rait d’être mieux exploité. Ces infrastructures, en particu- thèse indispensable. Mais ce n’est pas incompatible avec

Le parc de stationnement
pour autocars de Bercy
offre une capacité
de 80 places à proximité
Photo : Apur.

Photo : Apur.

du POPB mais aussi du


centre historique de Paris
(Notre-Dame) grâce aux Un nouvel espace civilisé :
navettes fluviales. le boulevard de Clichy

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72 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 73
une évolution d’une partie de ces emprises vers des fonc- fois le stationnement sur voirie (accroissement de l’offre) et trois concepts se complètent : les espaces civilisés concer- viaire » visant à encadrer et à accélérer les actions de la
tions urbaines plus diversifiées. le stationnement dans les parcs publics (y réserver des pla- nent en premier lieu l’aménagement des grands axes struc- Ville de Paris dans ce domaine. Mais, au-delà de toutes les
ces) ou privés (mise en œuvre de normes minimales pour les turants, principalement ceux où les conflits sont impor- actions concrètes, longues et coûteuses à entreprendre,
CONFORTER L’USAGE DU VÉLO. Développer l’usage du vélo constructions neuves, aide à la création de places dans les tants ; l’aménagement des quartiers verts en est un c’est bien un nouvel état d’esprit qu’il convient d’insuffler
à Paris suppose d’accepter de prendre en compte la diversité bâtis anciens). complément sur des voies plus locales ; la mise en place dans l’ensemble des services en charge de l’aménagement
des utilisateurs actuels et futurs de ce mode de déplacement. d’un réseau vert pourrait permettre de relier entre eux les de l’espace public, pour que les problèmes à traiter soient
En effet, certains – les purs et durs qui ont continué à faire FA V O R I S E R Tout espace public com- quartiers verts et d’offrir des itinéraires de déplacement à abordés très en amont dès la conception des projets.
du vélo même à l’époque de l’automobile toute puissante – UN USAGE PLUS bine des caractéris- l’échelle de la capitale, à l’écart des axes très empruntés
préconisent des aménagements privilégiant l’efficacité pour DIVERSIFIÉ DES tiques locales liées aux par la circulation automobile. Des premières réalisations T RANSFORMER LES PRINCIPAUX AXES DE VOIRIE EN ESPA -
des déplacements utilitaires rapides : couloirs pour autobus E S PA C E S P U B L I C S activités présentes dans sont en cours. L’ensemble de ces mesures fait l’objet d’une CES CIVILISÉS . Le concept d’espace civilisé a été élaboré
élargis, pistes ou bandes cyclables sur des grands axes. les bâtiments qui le bor- large concertation locale qui permet aux projets d’évoluer. par la Ville de Paris en 2001. Cette notion couvrira à
D’autres se sentent moins à l’aise dans des espaces partagés dent ou aux spécificités du quartier, et des caractéristiques Car, si ces concepts s’appuient sur des principes généraux terme l’ensemble de l’espace public parisien, mais le
avec des véhicules plus agressifs ou plus polluants (bus, relevant d’une plus grande échelle, qui traduisent son ap- d’organisation de la rue, leur mise en œuvre nécessite parti choisi est d’aménager d’abord les grands axes
taxis, motos), ou lient la pratique du vélo à un agrément que partenance au réseau des voies de la capitale et son rôle presque toujours des compromis pour arriver à un aména- structurants qui sont aujourd’hui des lieux de conflits.
l’on ne peut pas trouver sur les grands axes. Plus qu’un dans ce réseau hiérarchisé. Chaque projet concernant une gement contextuel le plus largement partagé. Un espace civilisé est une voie ou une place publique où
moyen de prendre le temps de mieux se déplacer dans la voie publique doit situer à leur juste place ces deux aspects cohabitent en bonne harmonie et dans les meilleures
ville, le vélo devient alors un moyen de mieux la vivre. Loin que sont l’unité du réseau et la prise en compte des données MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES PERSONNES À MOBILITÉ conditions de confort et de sécurité, les différents modes
d’être contradictoires, ces deux approches du vélo doivent être locales. Dans cette recherche d’équilibre, la largeur des RÉDUITE DANS TOUS LES ESPACES PUBLIC. Les usagers des espa- de déplacement : piétons, personnes à mobilité réduite,
perçues comme complémentaires et susceptibles d’amener à voies est certainement un facteur prédominant. Les espa- ces publics qui ont des difficultés à se déplacer 10 ne se li- rollers, cyclistes, autobus, taxis, automobilistes, véhicu-
cette pratique le plus grand nombre d’usagers. ces civilisés, les quartiers et réseaux verts s’inscrivent tous mitent pas, comme on a trop souvent tendance à le croire, les de livraisons et deux-roues motorisés. Une charte d’a-
Au moins autant que les aménagements visant à cir- trois dans les objectifs de la loi sur l’air et l’utilisation ra- aux personnes en fauteuil roulant ou aux malvoyants. À ménagement des espaces civilisés a été élaborée par
culer plus rapidement, sûrement ou agréablement, les ac- tionnelle de l’énergie et le Plan des déplacements urbains : toutes les personnes présentant des déficiences motrices, l’Apur et les différents services de la Ville de Paris, elle
tions à mener pour améliorer les conditions de stationne- réduction de la circulation automobile, développement des sensorielles ou mentales, s’ajoutent celles qui se trouvent se présente comme un guide méthodologique et elle est
ment des vélos seront un facteur déterminant pour le modes alternatifs à l’automobile — moins polluants—, par- de façon temporaire dans une situation de handicap parce notamment destinée aux services gestionnaires de
développement de la bicyclette. Elles devront concerner à la tage de la rue plus équitable entre tous ses usagers. Ces qu’elles se sont foulé la cheville, ou qu’elles accompagnent l’espace public parisien. Ce document évolutif propose
un petit enfant en poussette, ou plus simplement parce une approche globale de l’espace public traitant à la fois
Une rue du Réseau vert : qu’elles se déplacent avec des bagages. C’est ainsi plus de de l’aménagement de la voirie, de l’occupation des rez-de-
la rue des Filles
du Calvaire (Paris 3 e )
10 % de la population qui se trouve exposée à ces difficul- chaussée des immeubles et de l’évolution du bâti. Les
tés temporaires ou définitives de déplacement. La prise en principaux objectifs des espaces civilisés sont d’offrir un
compte des attentes de ces usagers reste très imparfaite à nouveau partage de l’espace public (en limitant la circu-
Paris. Au-delà des normes existantes, qui concernent par lation automobile et ses effets et en améliorant le confort
exemple les trottoirs et chaussées – largeur des chemine- et la sécurité des autres modes de déplacement et des li-
ments, abaissement des bordures, pentes –, ou des disposi- vraisons), de renforcer la présence du végétal, de réduire
tifs d’éveil de vigilance dits bandes podotactiles, la Ville de les différentes formes de pollution de proximité, de faci-
Paris a approuvé, en juillet 2002, un document cadre inti- liter la vie locale en soutenant l’activité économique et de
tulé « schéma directeur d’accessibilité au domaine public préserver et mettre en valeur la qualité du paysage et du
patrimoine architectural et urbain.
LES MOTIFS DE CIRCULATION EN VOITURE Les premiers espaces civilisés étudiés sont pour cer-
DANS LE CENTRE DE PARIS
tains d’anciens axes rouges 11 : l’avenue Jean-Jaurès, le bou-
levard de Magenta, l’avenue du Général-Leclerc, le boule-
10 000
vard Barbès. S’y ajoutent les boulevards de Clichy et de
Rochechouart qui figurent dans le réseau principal de voirie
nombre de voitures
8 000

du Plan des déplacement urbains, la rue de Rennes, qui


6 000
n’est ni un axe rouge ni dans le réseau principal de voirie
4 000 mais accueille plusieurs lignes d’autobus du réseau
2 000
Mobilien, et l’avenue de France.

0 CRÉER DES QUARTIERS VERTS. Le concept de quartiers


Doc. Apur.

Doc. Apur.

3 6 9 12 15 18 21 heures
verts prolonge celui de quartiers tranquilles, mais il s’ap-
restaurants personnel non loisir lieu de travail
tous loisirs école et service passager retour domicile plique désormais aussi à des voies qui supportent du trafic
achats affaires professionnelles automobile de transit. Les objectifs sont de réduire les nui-

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74 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 75
sances automobiles et de favoriser les autres modes de dé- MIEUX VIVRE À Paris, la notion de cen- outre la baisse attendue de la circulation, les répercutions tués les derniers grands terrains évolutifs de Paris (Nord-
placement et leur sécurité : la marche à pied, le vélo. Il s’a- L’ H Y P E R C E N T R E tralité est complexe. sur l’activité économique et sur l’ensemble de Paris. Est, Sud-Est, Batignolles, Lilas…) ; c’est enfin le lieu de ren-
git également de revaloriser le patrimoine urbain, de ren- D E PA R I S D’une certaine façon, Ces réflexions sur la circulation dans le centre de- contre entre Paris et l’Ile-de-France. Territoire aux fortes
forcer la présence du végétal et de promouvoir la c’est tout l’ensemble de vront, bien entendu, également porter sur le devenir de la potentialités, sa profonde mutation est à la fois une néces-
convivialité et la qualité de vie. L’aménagement du secteur Paris qui est un centre. À une autre échelle, il existe de nom- voie Georges-Pompidou. Mais il faut noter que sa ferme- sité pour les populations défavorisées qui y habitent et une
Sarrette/Tombe-Issoire, dans le 14e arrondissement, en breuses centralités secondaires au cœur des arrondisse- ture à court terme, sans mesures complémentaires d’ac- chance pour donner un nouveau souffle à la capitale.
2002, correspond à l’implantation du premier quartier vert ments. Mais il paraît quand même possible de déterminer compagnement, aurait des effets très négatifs sur la qua- Une première action à mener est structurelle : il s’agit
de la capitale, intégrant en particulier une rupture du trafic une zone d’hypercentralité à l’échelle de Paris et même de lité de la vie locale, en reportant sur les autres voies du de faire de la couronne, le lieu du desserrement et de la re-
de transit dans la rue de la Tombe-Issoire, des travaux d’em- l’agglomération. Son étendue est variable selon les critères centre, notamment les quais hauts, une partie de la circu- dynamisation de l’emploi parisien. L’objectif est double : pour
bellissement des voies et la mise en place de zones 30 12. pris en compte : elle inclut au minimum les quatre premiers lation ainsi supprimée. la couronne, amener plus de mixité, et par là, favoriser la vie
D’autres quartiers devraient être réalisés : Marais (4e ar- arrondissements, peut s’étendre rive gauche jusqu’au boule- locale ; pour l’ensemble de Paris, redistribuer autrement
rondissement), Faubourg-Montmartre (9e), Saint-Denis vard Saint-Germain, et on peut également lui annexer le DONNER UN La couronne de Paris est l’emploi. C’est là, indirectement, la question des déplace-
(10e), Bel-Air (12e) et porte de Ménilmontant (20e). secteur Haussmann et les abords des Grands Magasins. NOUVEAU RÔLE sans doute le territoire ments que l’on traite : le report vers la périphérie d’une par-
Plus encore que le reste de Paris, ce territoire concentre une À LA COURONNE où les enjeux pour le de- tie des emplois aujourd’hui concentrés dans l’hypercentre
AMORCER LA RÉALISATION D’UN RÉSEAU VERT. Les princi- grande densité et des fonctions très diverses (habitat, em- venir de la capitale sont est une condition indispensable pour y réduire de façon si-
pes relatifs à la mise en place d’un réseau vert sont actuel- plois, équipements, commerces, tourisme…), avec toutes les les plus importants : c’est là que se rencontrent beaucoup de gnificative la circulation automobile et les nuisances qu’elle
lement en phase de validation, et la réalisation d’un tron- contraintes que cela implique. La pression sur les espaces problèmes sociaux, dans un environnement en général dé- induit. Cette stratégie de reconquête de la couronne doit
çon expérimental pourrait être envisagée entre l’île de la publics est exacerbée. La question d’une réduction plus gradé, concentrant les nuisances et les zones de services. s’appuyer fortement sur la problématique des espaces pu-
Cité et le parc de la Villette. À ce stade préliminaire, le drastique encore des nuisances, en particulier automobiles, Aujourd’hui, ce n’est trop souvent qu’un lieu de passage où blics et des déplacements, avec au cœur de ce dispositif le
concept de « réseau vert » peut être synthétisé par quatre se pose donc avec la plus grande acuité, d’autant qu’on l’on n’a pas envie de s’arrêter. Mais c’est aussi là que sont si- nouveau tramway en rocade de Paris – et son double rôle de
points. Le réseau vert est un ensemble de rues réservées trouve au cœur de ce secteur l’un des principaux pôles de
prioritairement aux piétons, aux cyclistes et aux rollers ; il transports en commun au monde : Châtelet-Les Halles.
La porte de Montreuil :
relie entre eux les quartiers verts et offre des itinéraires de Au-delà d’un meilleur contrôle de l’activité touris- un espace majeur
déplacement à l’échelle de la capitale, à l’écart des axes très tique, c’est la question du devenir de la circulation automo- à requalifier.
empruntés par la circulation automobile et à l’intérieur des bile au cœur de Paris qui se pose. Du statu quo à l’interdic-
quartiers (cependant, pour ne pas bloquer les activités né- tion totale, sauf pour les véhicules bénéficiant d’une
cessaires au développement économique et commercial, les autorisation spécifique (comme à Rome), l’éventail des pos-
livraisons pourraient s’effectuer dans les rues du réseau sibilités est grand. Une analyse des flux automobiles dans
vert et les riverains pourraient accéder à leur parking en les quatre premiers arrondissements de Paris montre qu’en
voiture ou en deux-roues motorisés, mais en roulant au moyenne, sur la journée, un véhicule sur deux y roulant est
pas). Le réseau est continu et efficace, il doit permettre de en transit, c’est-à-dire qu’il ne s’y arrête pas, mais qu’il les
parcourir des distances significatives sans être trop si- traverse sur un trajet entre deux arrondissements périphé-
nueux. Il dessert les centres de vie locale ou des équipe- riques. Ce pourcentage reste important aux heures de
ments et constitue en lui-même un nouveau lieu de centra- pointe le matin : 30 %. Sachant qu’avec 10 % de circulation
lité locale. Enfin, le réseau est une promenade plantée en moins, la fluidité est totale, et qu’avec 20 %, les espaces
linéaire. Les rues seront végétalisées dans la mesure du publics paraissent déserts (c’est Paris, le 15 Août), on voit
possible et permettront également d’accéder aux espaces que la suppression totale du transit – on pourrait, par exem-
verts et aux bois de Paris. ple, l’obtenir en rendant piétonnier la place du Châtelet et
L’aménagement pourrait s’appuyer sur quelques caractéris- ses abords – résoudrait à elle seule les problèmes de conges-
tiques afin de proposer une image forte, immédiatement tion du centre. Mais c’est alors l’impact sur les arrondisse-
identifiable : la suppression de la différenciation chaussée- ments riverains qu’il faudrait soigneusement étudier.
trottoir, un verdissement maximal de l’espace, un mobilier Il peut y avoir d’autres façons de réduire la circula- Photo : © Documentation française

urbain spécifique, contemporain, une gestion adaptée, limi- tion. Le graphique les Motifs de circulation montre l’évolu-
tant l’accès des véhicules motorisés et la suppression de tion au cours de la journée du motif pour lequel les automo-
tout stationnement automobile. bilistes se rendent dans le centre de Paris. On voit, par
La mise en place d’un réseau vert à Paris est un tra- exemple, qu’à la pointe du matin, 50 % des automobilistes
vail de longue haleine qui ne pourra être réalisé que pro- (hors transit) se rendent à leur lieu de travail : une limita-
gressivement avec une large concertation très en amont tion plus drastique des possibilités de stationner pour ce
portant aussi bien sur les itinéraires que sur les aménage- motif serait un autre moyen de limiter de façon importante
ments. Les conséquences en termes de suppression de pla- la circulation. Différents scénarii doivent être élaborés et
ces de stationnement devront notamment être maîtrisées. comparés, en prenant soin de mesurer pour chacun d’eux,

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76 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 77
desserte et de requalification des boulevards des Maréchaux GÉRER L’espace public parisien « Paris étouffe sous en sites propres. Le développe-
É LÉMENTS
– et, en complément, des nouvelles stations de RER, in- LES TEMPS est une denrée rare. En POUR UN PLAN la pression automobile. » Les ment des transports en com-
D ’ AMÉNAGEMENT
dispensables pour implanter des pôles d’emplois importants DE LA VILLE plus d’être plus équita- ET
Franciliens perdent chaque mun doit aussi passer par l’a-
sur les terrains du Nord-Est, des Batignolles ou de Bercy. blement partagé, il de- DE DÉVELOPPEMENT jour de précieuses heures dans mélioration de leur confort et de
DURABLE
Mais, à cette échelle globale d’intervention, doivent s’ajouter vrait aussi être plus intensément et plus diversement uti- les embouteillages. Les encom- leur offre, de jour comme
des actions ciblées en faveur des populations locales. Outre lisé. Ainsi, quand on a épuisé toutes les possibilités de brements bloquent ou ralentis- de nuit. Il convient également
les requalifications d’espaces publics programmées dans les partager dans l’espace ces territoires tant convoités, il PARIS sent la vie économique, et la d’offrir de nouveaux moyens de
VEUT RESPIRER
secteurs de GPRU (Grand Projet de renouvellement urbain), reste à envisager leur partage dans le temps. Des pra- pollution atmosphérique est de- transport collectif. La Ville
elles pourraient concerner l’ensemble des logements sociaux tiques temporaires localisées ont toujours existé : cirques, venue une question de santé a ainsi engagé la réalisation
(HBM ou autres) bordant les boulevards des Maréchaux. marchés, brocantes…, parfois en changeant l’usage de publique. La tendance pourrait d’un tramway sur la couronne,
Ainsi, toutes les voies secondaires pourraient systématique- tronçons de voies (fermeture temporaire à la circulation, s’inverser, en agissant simulta- lequelpourrait, demain, être
ment être plantées, redonnant ainsi une ambiance de cité- par exemple). Ces démarches ont pris récemment une nou- nément sur tous les leviers de complété par un programme de
jardin à cette partie de la ceinture verte. velle ampleur, d’abord avec les opérations « Paris Piétons » la politique urbaine : partage transports en commun pour as-
Enfin, le dernier point concerne la recherche d’un nou- du dimanche (fermeture temporaire et partielle des voies de l’espace public, stationne- surer les liaisons entre les
veau lien entre Paris et les villes riveraines. Les portes de sur berges, de certains abords du canal Saint-Martin ou de ment, développement de circu- gares parisiennes. Des actions
Paris doivent devenir des lieux de vie, où tous les prétextes voies dans les bois), puis avec des opérations plus ambi- lations douces – comme la bicy- sont aussi lancées pour favori-
sont bons pour réinventer une vie commune, tant par des ac- tieuses l’été : « Paris Plage » depuis 2002, avec des ferme- clette –, gestion des marchan- ser la desserte des sites touris-
tions permanentes que par des interventions plus événemen- tures complémentaires dans les bois en 2003. Le succès – dises. Paris dispose à cet égard tiques depuis la Seine.
tielles. La question des liaisons de proximité est tout à fait au-delà des attentes – de ces manifestations (plus de de nombreux atouts, en particu-
cruciale, notamment celle des cheminements piétons entre 600 000 usagers de « Paris Plage » en 2002) incite à les lier d’un réseau de transports D’autre part, il convien-
Paris et la banlieue, qui se font aujourd’hui trop souvent dans étendre et à les diversifier, par exemple en menant des ac- en commun exceptionnel et drait d’engager un ensemble
un no man’s land inquiétant. Elle renvoie en certains lieux à tions davantage en périphérie de Paris, éventuellement en d’un des taux de motorisation d’actions volontaristes pour
une stratégie à adopter pour le traitement des couvertures du liaison avec certaines communes riveraines. Il serait éga- les plus bas de France. l’acheminement et la livraison
boulevard périphérique. Une attitude différenciée est sans lement intéressant de renforcer, au sein des quartiers, tou- Cependant, la capitale devra des marchandises, par exemple
doute souhaitable, privilégiant les espaces libres et plantés et tes les animations (comme les repas de quartiers) qui sont toujours accueillir les habitants par voie d’eau et par rail, et
des petits équipements aux portes à vocation essentiellement pour les habitants à la fois l’opportunité de créer entre eux de la périphérie, qui viennent de réorganiser la distribution à
locale (comme la porte de Vanves) et, à l’inverse, des conti- des nouveaux liens et l’occasion de regarder et de vivre dif- nombreux y travailler et qui ne l’intérieur même des quartiers.
nuités bâties plus denses ou des grands équipements d’inté- féremment leurs espaces publics. Il serait enfin utile de ré- disposent pas toujours de facili-
rêt global aux portes majeures (comme, par exemple, les por- pertorier les actions de cette nature qui sont menées dans tés identiques pour utiliser les Il reste enfin nécessaire
tes de Vincennes, de Montreuil ou d’Aubervilliers). des grandes métropoles et de s’en inspirer pour Paris. transports collectifs. d’inciter les automobilistes pari-
siens et franciliens à moins utili-
Cet article a été rédigé à partir des études de l’Apur, Pour développer les ser leur voiture dans Paris, en
par André-Marie Bourlon et Anne-Marie Villot. transports en commun dans développant le stationnement
le centre de l’agglomération, résidentiel dans la capitale et les
il est nécessaire d’améliorer parkings relais à ses portes ou,
leurs conditions de circulation. mieux encore, aux principales
1. Les déplacements sont alors dits mécanisés et motorisés c’était auparavant l’inverse.
Il existe un très net déséquili- gares de la périphérie.
lorsque le moyen de transport est doté d’un moteur. 8. « Tout ce qui restreint l’image de l’automobile est une attein- bre à l’avantage de l’automo-
2. Le taux d’équipement est le nombre moyen de voitures par te à la liberté. Il faut adapter la ville à l’automobile. » Georges bile : près de 64 % de l’espace Ces changements sont
ménage. Pompidou.
3. On ne considère ici que les voitures des ménages. 9. Telles que la mise en œuvre d’un péage urbain dans Paris
pour 20 % seulement des dépla- importants. Ils impliquent
4. C’est-à-dire le renforcement de la part des ménages des ou son centre, ou l’interdiction de certains véhicules trop pol- cements, au détriment des bus, le concours de tous les acteurs
catégories socioprofessionnelles les plus favorisées dans la luants comme certains deux-roues motorisés. taxis, vélos et surtout des pié- du centre de l’agglomération,
structure des ménages. 10. Autrement appelées personnes à mobilité réduite, ou PMR. tons. On peut donc envisager en particulier du Syndicat des
5. 1991 est la date de la dernière enquête détaillée disponible 11. La politique de la circulation et du stationnement définie
sur les transports en Ile-de-France. en 1989 par la Ville de Paris préconisait une gestion hiérar- une répartition plus efficace transports en Ile-de-France
6. Ainsi, dans Paris Rive gauche, les surfaces de stationne- chisée du réseau de voirie. Sur le réseau principal, la circula- de l’espace de circulation, grâce (Stif), dont les travaux sont pré-
ment à créer pour les employés sont fixées à un niveau très tion devait être fluidifiée pour assurer la majeure partie, voire à des couloirs de bus protégés, sidés par l’État.
faible défini par un pourcentage de la surface de bureaux : la totalité du trafic de transit évacué des quartiers. Dans ce
10 % au minimum et 15 % au maximum, ce qui correspond à but, 27 kilomètres d’axes rouges, voies sans stationnement où
une possibilité d’usage de l’automobile pour seulement 12 % à la priorité a été donnée à la circulation, ont été réalisés sur
18 % des employés. une centaine prévus. Mais cela a conduit à affirmer le carac-
7. Même si la réglementation du stationnement des deux- tère routier de ces voies.
roues sur les trottoirs vient de changer, il est aujourd’hui 12. Une zone 30 est une zone dans laquelle la vitesse maxi-
interdit, sauf à faire la preuve qu’il n’est pas gênant, alors que male des véhicules est fixée à 30 km/heure.

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78 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 79
MOBILITÉ
ET ÉQUILIBRES URBAINS

M A R C W I E L

Les réflexions prospectives ci-dessous sont davan- chose strictement matérielle, soit un système bâti où se ré-
tage suggérées par les analyses de l’Apur, qui décrivent partissent des fonctions.
l’évolution des activités et du peuplement, que par les La mobilité, quand elle ne contient pas sa propre fi-
propositions émises pour gérer la mobilité à l’avenir, nalité, c’est-à-dire quand elle n’est pas « promenade »,
même si elles se rejoignent ou, en tout cas, ne se contre- consiste à se déplacer pour passer d’un lieu de la copré-
disent pas. Corriger les effets négatifs de la mobilité sence à un autre. La ville, agencement des lieux de la co-
peut aussi s’opérer en contrôlant mieux les équilibres présence, se construit et se transforme insensiblement
ou déséquilibres urbains qui modulent la demande de dans le temps, pour intégrer les aspirations et les contrain-
mobilité. La loi SRU nous le rappelle dans son préam- tes de ceux qui sont en perpétuelle interaction. Si ces aspi-
bule, sans fournir pour autant de solutions aux consé- rations et ces contraintes se neutralisent, on peut atteindre
quences accumulées par l’oubli fréquent de cette piste un certain équilibre, mais toujours instable compte tenu de
de régulation. l’instabilité même du contexte économique, des modes de
Pour aborder cette question, je rappellerai rapide- vie et de la démographie.
ment ma vision générale des processus urbains en cours. Dans une société donnée, certaines interactions se
J’examinerai ensuite ce qui singularise Paris des autres répètent plus régulièrement que d’autres. Dans la nôtre,
villes par rapport à l’avancement de ce processus, avant celles induites par le travail ou la formation sont les plus
de formuler des questions pour lesquelles le projet urbain fréquentes. Le commun souci d’optimiser l’usage du
devant inspirer le futur Plan local d’urbanisme (PLU) pa- temps disponible amène ménages et entreprises à re-
risien se devra, selon moi, de prendre position. chercher des localisations du domicile ou de l’entreprise
(qui, au besoin, se fragmentent) permettant de réaliser
AUTOMOBILE La vitesse des déplace- les interactions sociales de leur choix pour un coût de
E T M U TAT I O N ments joue un rôle capi- mobilité (financier, temporel ou en efforts physiques)
URBAINE tal dans les équilibres proportionné à l’intérêt de ces interactions. Cela fonde
urbains. La modification l’existence des divers marchés urbains (foncier, immobi-
de cette vitesse n’est certes pas la seule raison de la trans- lier, de l’emploi, des services), qui traduisent et arbitrent

Photo : Apur.
formation de ces équilibres, mais depuis quelques décen- une compétition pour l’espace qui s’accentue avec le nom-
nies, et pour encore quelques-unes, c’est assurément la bre d’acteurs en lice. Ceux-ci n’ont ni les mêmes ressour-
principale. Rappelons pourquoi. ces ni tout à fait les mêmes attentes, de sorte que la com-
Les agglomérations rassemblent de multiples ac- pétition pour les places les plus convoitées provoque Un couloir bus,
teurs de la vie urbaine qui, quotidiennement, opèrent en- l’éviction très progressive de ceux qui ont des ressources boulevard Saint-Germain.
tre eux une multitude d’interactions sociales fort différen- inférieures, au profit de ceux qui en ont de supérieures
tes les unes des autres. Une grande partie d’entre elles (ou des raisons supérieures).
exige la coprésence, c’est-à-dire le face-à-face en un même À l’époque de la mobilité pédestre, la densité était
lieu, les autres pas. Les types de lieux où cette coprésence la principale réponse à la pression engendrée par cette
est possible sont peu nombreux. Ce sont le domicile, l’en- compétition. Les villes se densifiaient plus qu’elles ne s’é-
treprise, l’équipement collectif et l’espace public. Leur re- tendaient. L’espace des interactions sociales caractéris-
groupement constitue l’objet « ville », simple concrétisation tiques de la vie urbaine devenait progressivement, en
de ce qui rend possibles les interactions, qui, par consé- grossissant, exclusif de l’activité agricole. Les transports
quent, sont premières à la notion de ville prise comme une collectifs, puis surtout l’automobile ont modifié cet état

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de chose, déstabilisant les équilibres urbains lentement ciales permises par cette mobilité (et aussi en fonction de S I T U AT I O N Ces quelques rappels Quand le parc d’habitats est obsolète, et/ou l’envi-
élaborés antérieurement. Les formes urbaines anciennes leur répétition fréquente dans le temps). D E PA R I S D A N S forment la toile de fond ronnement résidentiel peu attrayant (souvent en raison
sont l’héritage de cette période à mobilité contrainte. Une Ainsi, le gain de temps rendu possible en payant CE PROCESSUS commune aux évolu- d’une exploitation maximale des sols à l’époque où la ra-
forme urbaine n’existe et ne reste pertinente que si elle pour aller plus vite fut, pour l’essentiel, absorbé par des tions urbaines contem- reté foncière se conjuguait avec le coût élevé de la mobi-
est suffisamment conforme aux arbitrages des acteurs gains d’espace ou de productivité. Les équilibres urbains poraines. Pourtant, chaque ville présente toujours des sin- lité), il se paupérise d’autant plus que son accessibilité
urbains en matière de localisation, lesquels tiennent tou- ne se construisent pas dans le marché des déplacements, gularités dans la façon dont le phénomène général globale ne suffit pas à compenser ou à susciter l’intérêt de
jours compte des conditions de la mobilité du moment. La mais dans les autres marchés urbains de l’immobilier, du l’affecte. Comprendre ces singularités et en évaluer la pé- contrarier cette obsolescence. Ce phénomène est freiné à
mobilité résulte de l’agencement urbain, comme les condi- foncier, de l’emploi et des services, sachant que ces der- rennité est le préalable à toute réflexion prospective sur Paris, car son histoire urbaine est à l’origine d’une très
tions de la mobilité modèlent l’agencement urbain. Les niers sont dépendants des conditions de la mobilité. La un territoire. haute valeur patrimoniale de certains quartiers et du fait
deux sont donc si étroitement liées qu’elles en deviennent ville n’est pas une réalité figée, préexistant à nos besoins La valeur d’un bien sur le marché immobilier dé- du déséquilibre exceptionnel entre actifs et emplois qui
indissociables. La ville a toujours la forme qui maintient d’échanges, mais, au contraire, lentement elle se renou- pend de nombreux paramètres, qu’il est possible de re- contribue à maintenir la demande d’habitat au niveau
à un niveau raisonnable les coûts de la mobilité néces- velle pour s’adapter à eux. grouper autour de trois catégories. Les qualités propres très élevé que les prix immobiliers reflètent. Au total, les
saire aux échanges que son existence à la fois exige et La ville modelée par l’automobile (la ville périur- aux caractéristiques immobilières du logement ou de l’en- concurrences entre les trois villes (le centre, la banlieue, le
rend possible. baine) enveloppe physiquement la ville des transports col- treprise, les caractéristiques de l’environnement immé- périurbain) correspondant aux trois types de mobilité (pé-
Dépenser plus d’argent pour aller plus vite consiste lectifs (la banlieue), qui elle-même ceinture la ville issue diat (les services autant que le peuplement ou l’agrément) destre, transport collectif, automobile) ont pour l’instant
donc à accepter qu’un des facteurs du coût de la mobilité, de la période où le mode pédestre était dominant (le cen- et, enfin, l’accessibilité à ce qui n’est pas immédiat. Les pour effet de concentrer la précarité principalement dans
le facteur financier, augmente légèrement, pour alléger tre). Mais ces trois villes ne se contentent pas de s’ajouter conditions de la mobilité pèseront d’autant plus sur les certaines parties de la première couronne.
fortement l’autre facteur qu’est la contrainte de temps. les unes aux autres, de se côtoyer, elles se concurrencent, équilibres urbains qu’elles améliorent ou dégradent soit La taille de l’agglomération (qui signifie ici l’impos-
Pour autant, cela n’a pas réduit le temps global consacré car les acteurs peuvent toujours, selon leurs intérêts, op- l’environnement du bien soit l’accessibilité du bien à ce sibilité d’avoir un marché de l’emploi vraiment unifié) et
en moyenne aux déplacements. Ce paradoxe s’explique ter pour l’une ou l’autre comme lieu où s’effectue l’inte- qui n’est pas immédiat. la lenteur relative de la plupart des déplacements dans sa
par plusieurs raisons, que nous ne détaillerons pas ici. raction visée. Les centres-villes voient habituellement leur posi- partie centrale l’ont protégée des forces de décomposition
Elles ont en commun que les déplacements ne sont pas Cette concurrence avantagera celle qui, globalement, tion privilégiée remise en cause par la généralisation de qui ont toute leur virulence quand la ville est tout entière
isolables de ce à quoi ils servent. Les arbitrages de loca- permettra aux ménages et entreprises d’optimiser les arbi- l’usage de l’automobile parce que les franges de la partie contenue dans un seul et même marché de l’emploi (ap-
lisation ou de déplacement dépendent des interactions trages de localisation ou de déplacement en fonction de la agglomérée ont un potentiel de desserte ou de chalandise proximativement moins d’une demi-heure du centre en
sociales qui en sont la finalité. C’est ainsi que nous pou- satisfaction des interactions recherchées. Mais cela ne peut qui se rapproche de celui du centre-ville, avec des dispo- province), avec des vitesses de déplacement moins
vons observer que le temps passé hors du domicile est, pas uniquement s’apprécier au niveau individuel car, en nibilités foncières moins chères et plus abondantes. Ce contrastées que celles observées entre centre et périphérie
globalement, resté stable en moyenne. La stabilité fonction de la façon dont la puissance publique répartira les processus a affecté Paris et explique une grande partie du (surtout périurbaine) à Paris. Le prix de cet état de chose
moyenne de cette durée du temps hors domicile est elle- moyens de se déplacer ou de se localiser, la concurrence en- desserrement des emplois. Important en valeur absolue, est que, en moyenne, les Franciliens, mais encore plus les
même le résultat d’un équilibre instable dans lequel les tre les diverses parties du territoire urbain s’en trouvera il n’a pas fondamentalement modifié la proportion des Parisiens, mettent presque deux fois plus de temps que les
conditions de déplacement jouent un rôle, certes, mais modifiée. En cela, la notion de « besoin de déplacement » n’a emplois en supplément par rapport à la population active provinciaux pour se rendre à leur travail. Mais la solution
pas le rôle principal. Suivant les personnes, les activités pas de pertinence et n’aurait jamais dû, dans le passé, aussi vivant à Paris. n’est pas pour autant d’améliorer la vitesse là où elle se-
à domicile peuvent se substituer à celles hors domicile et exclusivement influencer la politique de la puissance pu- Cela s’explique de deux façons. La densité préexis- rait améliorable. Bien que nous n’en soyons conscients
la ville s’agence globalement pour ne pas consommer trop blique en matière de mobilité. Maintenant, nous n’avons tante et la lenteur des flux n’étaient pas favorables à la que depuis peu, cette voie, qui a été privilégiée depuis un
de temps disponible. Au final, on observe que les trajets plus l’excuse de l’ignorer. sortie de la commune (comme cela fut observé ailleurs) des siècle, est depuis longtemps devenue contre-productive
effectués se sont modifiés. Ils se sont allongés, parce que Quoi qu’il en soit, par la mutation induite par l’auto- emplois attachés aux besoins de la population résidante. tant d’un point de vue environnemental que d’un point de
l’agencement urbain des composants de la ville (les lieux mobile, la densité n’est plus, comme auparavant, une En revanche, les performances du système régional de mo- vue social. Elle a protégé la concentration des emplois de
de la coprésence) s’est radicalement transformé. Cet al- contrainte liée à la taille de l’agglomération. Les secteurs bilité ont sauvegardé la concentration de la plus grande l’hypercentre, mais au prix d’une spécialisation sociale ac-
longement des flux suffit à expliquer l’essentiel de la les plus denses doivent disposer de suffisamment d’atouts partie des emplois à rayonnement métropolitain (un em- crue à l’échelle de toute la région. La vraie raison de cette
hausse des trafics observés. Plutôt que de stocker le pour ne pas subir de déclassement au sein de la hiérarchie ploi sur deux à Paris), dont beaucoup sont en contact avec différence des temps d’accès au travail entre Paris et
temps gagné pour faire autre chose, les ménages ont ar- particulière à chaque marché urbain. Pour la première des visiteurs extérieurs à l’Ile-de-France. Pour que ces em- Province est fort probablement que la tendance à la spé-
bitré en donnant la préférence au gain d’espace – à l’éta- fois, l’abondance foncière périphérique rend pensable de plois demeurent au centre, compte tenu des prix immobi- cialisation sociale des parcs d’habitats, encouragée par la
lement – et les entreprises, en proportionnant de nou- laisser « hors marché » les territoires les moins convoités. liers, ils doivent avoir de bonnes raisons. Les grandes ga- taille de l’agglomération et les grands travaux d’infras-
veau leur taille au peuplement de leur aire de desserte Friches sociales et friches d’activités sont le propre de la res bordent un centre qui tend à se déplacer au fil des tructures (la recherche de la vitesse), n’a pas été contra-
ou de chalandise. Le contraire n’était pas pensable, car ville automobile. Pour les recycler, de l’argent public est siècles, à se diriger de lui-même vers les lieux de la riée, mais au contraire accompagnée, voire stimulée par
au niveau de chaque personne ou de chaque entreprise, devenu indispensable afin de suppléer au marché. Cette concentration résidentielle des plus riches, c’est-à-dire l’action publique. La loi SRU invite à repenser les deux po-
l’objectif principal n’est pas de gagner du temps (cela entrée devient première et s’impose à toutes les politiques vers l’ouest. Sa résistance à l’éclatement traduit l’impor- litiques d’habitat et de déplacement simultanément afin
supposerait d’être dans un contexte où les destinations urbaines, car la ville flotte en quelque sorte dans un man- tance des diverses facettes de son rôle de capitale (poli- d’intégrer leurs effets réciproques. Cela nécessite toute-
possibles sont figées et ne sont pas en concurrence), mais teau devenu trop large et, de ce fait, chaque partie du ter- tique, économique, administratif, financier, artistique, cul- fois de s’inscrire dans des stratégies longues à mettre en
bien de maintenir dans une proportion jugée raisonnable ritoire est susceptible de connaître un processus de déva- turel, ludique, touristique, etc.) – et l’importance des œuvre, alors que des résultats visibles ou même compati-
le coût de la mobilité (globalement, car il a trois dimen- lorisation symétrique de la valorisation qui, ailleurs, synergies que leur proximité, voire leur imbrication spa- bles avec la satisfaction des besoins jugés les plus immé-
sions) en fonction de l’intérêt 1 retiré des interactions so- motive les investisseurs. tiale leur confèrent. diats sont généralement attendus. Plus encore, cela sup-

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pose des coordinations entre les différentes politiques ur- sur les autres en cas de déplacement de l’une d’entre elles. se transforment. En effet, la valeur des biens est peut-être bâti, si le contexte global de la compétition pour l’espace ne
baines d’un grand nombre d’institutions et ce n’est pas la Elles peuvent, en conséquence, perdre peu ou beaucoup à mieux préservée que la satisfaction des résidants, les deux rendait ce dernier suffisamment rentable.
moindre des difficultés. leur éloignement respectif. Dans le même ordre d’idées, le ne s’identifiant pas obligatoirement l’une à l’autre. La qua- La crise de la résidentialité actuellement contenue
En conclusion de ces réflexions préalables, il nous pa- rôle de capitale politique, en particulier la concentration lité résidentielle parisienne restera-t-elle concordante avec pourrait être alimentée par une évasion – voulue ou subie,
raît important d’évaluer les deux risques ou finalités précé- des ministères, a une économie spatiale originale qui se l’évolution des standards en matière de mode de vie ? Les in- mais dont les conséquences ne seraient pas anticipées – des
demment évoqués. À quelle échelle organiser les diverses fa- nourrit du système de dessertes et de déplacements ur- vestigations en cours sur la vacance immobilière apporte- emplois aujourd’hui excédentaires par rapport aux actifs
cettes du rôle de capitale joué par Paris et quelle solution bains (et l’alimente de façon spécifique). Les ministères de ront peut-être des éclairages qui manquent à ce sujet. Il s’a- parisiens. Elle peut tout aussi bien être évitée en pesant sur
apporter à une virtuelle crise de la fonction résidentielle – l’Équipement et des Finances, par exemple, correspondent vère qu’elle procède souvent de la difficulté qu’éprouve le les divers paramètres de la valorisation, en distinguant
et qu’elle en est la probabilité ? Ce sont, pensons-nous, les à des situations suffisamment contrastées pour que leur propriétaire à modifier son projet originel – quant au statut mieux la dimension marchande de celle correspondant aux
deux réflexions prospectives, premières à toutes les autres, évaluation soit riche d’enseignements. d’occupation ou à l’usage des locaux (passage à la vente ou usages. En ce sens, accroître la place du parc public peut ac-
qu’il serait pertinent de retenir. Examiner les avantages et les inconvénients asso- à l’accession, transformation d’activité en logement ou l’in- croître la diversité sociale, et ce plus facilement dans un
ciés aux diverses composantes du supplément d’emplois verse, nécessité de réhabiliter, etc.) –, faute d’arriver à re- contexte de moindre excédent d’emploi. Dès lors, cette di-
DES FONCTIONS Pour une municipalité, qui accompagne « les » centralités parisiennes ouvre une noncer aux espérances financières initiales, tant les rentes versité ne serait plus, d’abord, la conséquence, d’autant plus
D E C A P I TA L E une telle question ren- autre réflexion. Les diverses infrastructures de de situations acquises paraissent parfois éternelles… Le momentanée que cet excédent réduirait, d’une dévalorisa-
À QUELLE ÉCHELLE ? voie à un virtuel redé- transport sont calibrées en fonction de la gestion des faible degré actuel de mixité sociale dans Paris serait pro- tion par vieillissement d’un bâti dont la rentabilité se satis-
ploiement des emplois pointes des flux majeurs. Sont-elles pour autant la bablement plus faible encore, du fait de l’obsolescence du fait d’une absence de rénovation.
dont l’hypothèse même est souvent difficilement imagina- meilleure réponse (pour les individus, les entreprises, la
ble, faute de pouvoir peser sur les choix individuels ou en- collectivité) aux déplacements liés à ces divers sous-
Quai du Louvre,
core en raison de ses conséquences en matière de recettes systèmes ? Les déplacements les plus stratégiques pour la différence de vitesse
fiscales et d’équilibres financiers de la commune. Dans ce l’économie du centre parisien peuvent être porteurs dans le couloir réservé
domaine comme dans d’autres, une prudence élémentaire d’exigences particulières (rapidité, fiabilité, etc.) dont la et la chaussée voisine
s’impose mais ne saurait justifier que l’on ne tente pas de satisfaction peut appeler des réponses originales. Par est très marquée
aux heures chargées.
répondre à la question. exemple, quelle est l’incidence de la qualité de l’accessi-
Le supplément d’emplois parisiens par rapport à la bilité aux aéroports sur les diverses composantes du cen-
population active, résidante, a des avantages et des in- tre ? À une stratégie de massification systématique des
convénients collectifs ou individuels mal connus et proba- flux peut s’opposer celle d’un principe de priorité, ou de
blement difficiles à apprécier. Il conviendrait toutefois de gestion tarifaire diversifiée.
mieux savoir ce qui retient les emplois métropolitains Si l’architecture générale de la répartition des em-
dans la commune centre et de quelle façon ils sont inter- plois métropolitains est une question récurrente, qui est
dépendants. Les matériaux d’analyse rassemblés par surtout pertinente à l’échelle régionale, cela n’exclut en
l’Apur introduisent la question plus qu’ils n’y répondent. rien que la commune centre forge, pour en débattre, sa pro-
La densité de l’hypercentre parisien (le 8 e arrondisse- pre doctrine. Implicitement ou explicitement, les choix du
ment) est l’effet d’une valorisation réciproque des activi- PLU interféreront avec l’amplification ou la réduction du
tés qui la constituent, liée à l’accessibilité souvent pédes- supplément d’emplois parisiens par rapport à la popula-
tre d’une clientèle commune (socialement ou dans ses tion active, résidante.
pratiques), et cela, bien que ces activités se renouvellent
dans le temps et se modifient marginalement selon la par- CRISE DE Les formes de crise pos-
tie du centre concernée. De plus, le centre historique (et LA FONCTION sible de la fonction rési-
géographique) et l’hypercentre décalé vers l’ouest étaient, RÉSIDENTIELLE ? dentielle dépendent elles
avant l’essor des transports aériens, les parties de la capi- aussi du rapport entre
tale les plus proches en temps d’accès des visiteurs les emplois et actifs. Nous manquons toutefois d’éléments d’ap-
plus lointains. Cet avantage était conforté par la diversité préciation (qui existent peut-être) pour esquisser la pro-
et la richesse des ressources patrimoniales léguées par l’- spective de cette fonction dans la capitale. Aussi en reste-
histoire. Nous sommes donc en présence d’un ensemble de rons-nous aux supputations.
systèmes d’activité (la mode, la culture, le tourisme, etc.) Paris résiste mieux que certaines communes centres
qui ont leur cohérence propre et qui au surplus font sys- de province à une crise de la résidentialité grâce à son excé-
tème entre eux. La structure de ce système donne son ori- dent d’emplois, à la structure de son parc d’habitats, à son
ginalité (et même sa spécificité) à Paris par rapport aux niveau d’équipement, à son capital patrimonial, etc. Mais ce
Photo : Apur.

autres capitales. Ces interdépendances sont plus ou moins mieux relatif peut incliner la gestion municipale à cultiver
fortes, supportent ou non de se déployer spatialement, et des atouts immédiats qui pourraient s’avérer fragiles à
peuvent avoir ou non des effets d’entraînement les unes terme ou masquer une réponse imparfaite à des attentes qui

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Ces considérations insistent sur le lien entre les dité sur ces voies à un niveau de service à préciser (au- un autre type de sélectivité est nécessaire pour les flux. (les déplacements correspondants en province, à l’usage
choses mais n’aident pas à dégager la tendance probable. tour de 70 km/h). Cela permettrait de prolonger les cou- Ici, il s’agit de définir des priorités ou des exigences fi- des infrastructures interurbaines) qui pourraient préten-
En revanche, elles introduisent l’idée centrale sur laquelle loirs prioritaires existants. Ce contrôle d’accès pour rent- nancières, en pensant aux impacts sur les équilibres ur- dre être d’autant plus rapides qu’ils seraient chers. Pour
nous voudrions insister. Une des clefs de la maîtrise si- rer ou sortir de la capitale serait assorti de priorités aux bains. Une des clefs principales de la résolution de cette les raisons évoquées précédemment et aussi plus généra-
multanée de ces deux processus (diversité sociale élargie transports collectifs, à certains professionnels ou aux vé- question, à Paris comme ailleurs, est de satisfaire diffé- lement pour les équilibres environnementaux globaux,
et modération sélective du supplément d’emplois) est jus- hicules dont le taux d’occupation serait estimé suffisant remment les déplacements fréquents et courts qui ont vo- tels que l’effet de serre, il est très probable que la pour-
tement dans la gestion aux diverses échéances des condi- (et même un jour à ceux qui sont prêts à payer l’avantage cation à rester lents, et les flux plus rares et plus longs suite du développement durable l’imposera.
tions de la mobilité. Il ne s’agit plus d’accroître les perfor- de la rapidité garantie). Il pourrait être mis en place jus-
mances de l’accessibilité automobile, comme la plupart qu’à l’A 86. Cette mesure supposerait, parallèlement, un Marc Wiel, ancien directeur de l'Agence d'urbanisme
des villes centres y ont prétendu dans le passé (voulant renforcement ponctuel du maillage viaire non rapide (en du pays de Brest.
défendre en même temps concentration des emplois et deçà de 70 km/h), actuellement insuffisant dans la ban-
spécialisation sociale), mais au contraire de tenter de li- lieue limitrophe de Paris, laquelle ne s’est pas développée
miter les nuisances et de maîtriser la vitesse de l’automo- de ce point de vue comme la ville centre. Un tel renforce-
bile par rapport à celle des autres modes de déplacement. ment ne peut qu’être long, progressif et coûteux. Il
Diversité sociale, qualité résidentielle, mixité fonction- convient de le contrôler sur le plan urbanistique, car il
nelle et réduction de l’excédent d’emplois (sous réserve de pourrait très bien induire une perte de la diversité sociale
la conduire en respectant l’originalité des synergies inter- et fonctionnelle de cette banlieue. L’expérience historique
nes aux activités métropolitaines parisiennes) seraient de la densification du tissu parisien a bien montré, dans
alors plus faciles à rendre compatibles entre elles. Ne re- le passé, qu’une des clefs de cette diversité sociale et fonc-
venir sur les conditions de la mobilité que pour les raisons tionnelle est la diversité des situations (en façade, en ar-
classiquement affichées (bruit, pollution, etc.) risque de rière, en intérieur d’îlots, etc.). La diffusion de l’ascenseur
masquer le fait que la sacralisation de la vitesse est aussi et une extrême finesse de la trame viaire de la capitale
le carcan qui rend impossible l’articulation entre elles des ont conjugué depuis presque deux siècles leurs effets pour
politiques d’habitat et d’activité. accroître très sensiblement l’homogénéité sociale des
quartiers.
CONSÉQUENCES La maîtrise de la vi-
SUR LA GESTION tesse se conçoit aux dif- Les quartiers périphériques de Paris et les commu-
DE LA MOBILITÉ férentes échelles terri- nes limitrophes pourraient donc coordonner leurs initiati-
toriales : celle des ves en matière de renouvellement urbain, en cumulant et
quartiers résidentiels comme celle de la métropole dans coordonnant plusieurs stratégies : la déconcentration sélec-
son ensemble. Actuellement, le différentiel de vitesse des tive de l’emploi, la diversité sociale, l’équilibre entre les mo-
automobiles par rapport aux autres modes explique, en des de déplacement et le renforcement du maillage du sys-
particulier à l’extérieur de Paris, les déséquilibres locaux, tème viaire de desserte locale. Ce n’est plus le projet d’un
tant quantitatifs que qualitatifs, des structures du parc ou deux mandats, mais celui de quelques décennies. Cela
d’habitats et des activités économiques. Le RER a ratifié plaiderait pour des PLU établis en concertation de part et
l’expatriation des logements sociaux, comme les voies ra- d’autre du périphérique. Ces réflexions ont d’autant plus
pides urbaines gratuites ont facilité, en plus de la décon- d’actualité que, pour exploiter la rente due à la situation du
centration de l’emploi, une périurbanisation éparpillée bâti et pour compenser le déficit fiscal résultant de la dés-
des classes moyennes et moyennes supérieures, compro- industrialisation, le desserrement actuellement en cours
mettant les espérances de développement et d’équilibre de des emplois en première couronne se réalise de façon si in-
certaines des villes nouvelles sans rien apporter à la ban- tempestive qu’il exige, mais a posteriori alors que cela
lieue défavorisée. Une métropole peut jouer de la spécia- pourrait se faire a priori, la mise à niveau de l’accessibilité
lité fonctionnelle en ne restant pas passive vis-à-vis de ses par les différents modes de déplacement, à concurrence de
conséquences spatiales dans le domaine social. Paris a sa la densification opérée.
part dans cet objectif, mais celui-ci concerne la métropole
dans son ensemble selon des modalités nécessairement Cette maîtrise de la vitesse ne serait plus une pure
spécifiques à chacune de ses parties. égalisation par le bas, comme elle peut être parfois res-
Le contrôle d’accès, aux heures chargées, aux voies sentie, mais l’introduction d’une sélectivité des conditions
les plus rapides (celles qui, par exemple, permettent ac- de mobilité pour sortir de la confusion actuelle dans la fa-
1. Temps de plaisir ou de corvée, rémunérateur ou de consom-
tuellement de rouler sans difficulté et de façon continue çon de satisfaire l’ensemble de la demande en déplace- mation, etc. dont l’appréciation varie avec les individus et
aux heures creuses à plus de 70 km/h) garantirait la flui- ments. Cette sélectivité existe déjà pour le stationnement ; même n’est pas constante chez le même individu.

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PORTRAIT SOCIAL
ET RÉSIDENTIEL

De la question délicate de la mixité, les débats ré-


cents ont surtout retenu son aspect social, et se sont le plus
souvent attardés à la volonté d’implanter, au sein des quar-
tiers les plus favorisés, de l’habitat plus modeste, accessi-
ble aux faibles revenus. Cette approche partielle d’une pro-
blématique plus complexe laisse dans l’ombre les leçons
tirées de la planification ségrégative des années 1960, qui
non seulement négligeait la mixité sociale à l'intérieur du
parc de logements, mais aussi entre habitat et activité, fai-
sant naître un sentiment d'exclusion chez leurs habitants
qui, aujourd’hui, se traduit parfois par des conflits lourds
en matière de sécurité.

Photos : Jérôme Saint-Loubert Bié.


PROFIL
SOCIO-DÉMOGRAPHIQUE
DES PARISIENS

X X X X X X X

Depuis plus de cent ans les Parisiens sont plus de s’est poursuivie de façon plus atténuée, à peu près selon ce
deux millions, et plus exactement 2,125 millions au dernier même schéma historique. Les baisses les plus fortes se me-
recensement de 1999. D’une surface de 8 700 hectares 1, surent dans le centre (1er, 2e, 6e et 7e) entre – 0,6 % et – 1,1 %
Paris, avec 240 habitants par hectare, reste la ville de par an ; des baisses significatives s’observent aussi dans les
France et l’une des capitales les plus denses du monde. Les 4e, 5e, 8e, 9e, et 16e (ce dernier étant le seul arrondissement
communes limitrophes de la capitale sont très peu à pouvoir périphérique dans un groupe à forte baisse), entre – 0,4 % et
lui être comparées de ce point de vue et encore est-ce sur – 0,6 % par an. Des baisses plus modérées sont relevées
une surface largement plus petite. dans les 3e, 14e, 11e et 18e soit moins de – 0,1 % par an. Une
Le nombre de Parisiens, qui frôla les trois millions en relative stabilité s’observe pour les 10e, 13e, 14e, 17e et 20e :
1921, n’a cessé de décroître depuis. Après le rythme effréné entre + 0,01 % et – 0,01 % par an. Les seules hausses signi-
de la dépopulation des années soixante-soixante-dix (41 000 ficatives ont eu lieu dans les 12e et 19e.
personnes en moins chaque année entre 1968 et 1975), la di- Il faut remarquer que seuls les arrondissements où
minution du nombre de Parisiens a atteint un rythme plus ont été réalisées des constructions de logements de grande
modéré. Il ne s’agit plus que d’une baisse de 3 000 personnes ampleur ont maintenu ou vu progresser leur niveau de po-
par an entre 1982 et 1999, soit un rythme annuel de – 0,1 % pulation. L’effort de création de logements en opérations
et ce dans un contexte de ralentissement de la croissance publiques, de plus en plus exclusivement sur d’anciennes
observée en région. Au total, Paris, qui regroupait un emprises industrielles et moins souvent en opérations de

Photo : Jérôme Saint-Loubert Bié.


Francilien sur trois en 1954, n’en regroupe plus que un sur démolitions-reconstructions, a, en grande partie, empêché
cinq en 1999. une baisse plus forte de la population.
Dans le même temps, Paris reste la capitale d’un Etat
encore très centralisé et d’un ancien empire colonial, cœur NOMBRE La baisse simultanée de
d’une des agglomérations urbaines les plus riches au monde DE LOGEMENTS la taille moyenne des
et pôle universitaire et culturel à la vocation universelle. E T TA I L L E D E S ménages (nombre moyen
L’effet conjugué de cette attractivité et de la structure de MÉNAGES de personnes vivant
son parc de logement va conditionner un profil démogra- dans un logement) et du
phique des parisiens très particulier. Cet article analyse les nombre de ménages (nombre de logements occupés) ex- L’image de la ville
facteurs de la stabilisation de population parisienne, indis- plique la forte dépopulation de la période 1968-1975. Par la se reflète dans la vitrine
sociable du profil social et démographique très spécifique de suite, ces deux paramètres 2 n’évolueront plus dans le même de l’agence immobilière

cette population. sens. Entre 1982 et 1990, la taille des ménages est restée
stable. C’est la baisse – modérée – du nombre de ménages
DES La baisse de population qui explique la baisse globale de la population parisienne 3.
ÉVOLUTIONS parisienne s’est engagée À l’inverse, entre 1975 et 1982, puis surtout en-
GÉOGRAPHIQUES dès la fin du XIXe siècle tre 1990 et 1999, le nombre de ménages vivant dans la capi-
CONTRASTÉES d’abord dans les quatre tale a progressé. C’est donc la baisse de la taille des ména-
arrondissements cen- ges qui explique à elle seule la baisse de ces deux périodes.
traux, puis au lendemain de la Première Guerre mondiale Dans les grandes villes de province, la taille moyenne des
dans ceux de la couronne intermédiaire (5 à 11), et enfin au ménages a partout diminué durant cette dernière période.
lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans les arron- C’est donc uniquement la progression du nombre de ména-
dissements périphériques (12 à 20). Entre 1990 et 1999, elle ges (entre + 5 % et + 20 % dans les huit plus grandes villes

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90 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 91
de province) qui a permis les hausses constatées, essentiel- ment de la population. Le premier a surtout joué dans les économique au détriment de la vocation résidentielle s’est C O R R É L AT I O N La relative stabilisation
lement par l’implantation, entre 1990 et 1999, de program- années soixante et soixante-dix. Les ruptures d’unions, dé- faite non pas par une progression de l’emploi mais par un P O P U L AT I O N de la population obser-
mes de logements importants. finitives ou avant recomposition, le développement de la rythme de baisse de l’emploi moins fort que celui de la popu- LOGEMENT vée depuis près de 20
monoparentalité ainsi que la mise en couple de plus en lation. Pour leur part, les arrondissements périphériques ans pose la question de
BAISSE GÉNÉRALISÉE DE LA TAILLE DES MÉNAGES. La taille plus tardive expliquent le second. Quand au vieillissement (13e, 15e, 19e et 20e) et de la couronne intérieure de l’est (10e sa poursuite dans les vingt prochaines années. Si les ten-
moyenne des ménages parisiens n’a cessé de décroître sauf des familles, il a pour conséquence la progression du nom- et 11e), où ont eu lieu la plupart des opérations publiques, dances démographiques récentes se reproduisent 5, il fau-
entre 1982 et 1990. Elle est passée de 2,24 en 1962 à 1,87 bre de ménages sans enfants et des personnes ayant perdu ont vu ce ratio emplois/habitants diminuer. Seule exception, drait 6 un apport net de 2 500 résidences principales par an
en 1999. Mais ce n’est pas qu’un phénomène parisien. leur conjoint. le 12e, où les différentes opérations autour de la gare de Lyon pour que le niveau de la population parisienne se stabilise.
Depuis le début des années soixante, l’ensemble du terri- puis dans le secteur de Bercy, ont drainé un nombre considé- Ceci correspond à la construction de 6 000 logements neufs
toire national connaît une baisse continue, un peu plus VOCATION RÉSIDENTIELLE VERSUS ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE. Le rable d’emplois (30 600 entre 1968 et 1999). par an en tenant compte du taux d’inoccupation des loge-
forte (– 22 % entre 1962 et 1999) qu’à Paris (– 15 %). En nombre de Parisiens diminue mais, depuis 1975, le nombre de Au total, la capitale a connu une baisse équivalente du ments, des démolitions et disparitions de logements par fu-
moyenne, un logement parisien accueille donc 1,87 person- ménages vivant à Paris reste à peu près constant nombre d’emplois et d’habitants ces trente dernières années sion ou par changement d’affectation.
nes (2,38 pour la région). Ce chiffre n’a d’équivalent que (1,10 millions en 1975, 1,11 en 1999). Ceci pourrait être lu (une perte d’un cinquième) avec un ratio emplois/habitants Un tel rythme serait supérieur à celui enregistré en-
dans quelques grandes villes comme Toulouse, Montpellier, comme un maintien de l’attractivité de la capitale et de la per- qui reste stable, autour de 0,75. Mais on le voit, tre 1990 et 1999. Il suppose des disponibilités foncières suf-
Lyon, ou Bordeaux. La structure des ménages parisiens, pétuation de sa vocation résidentielle. Mais il faut relativiser l’hétérogénéité de ces évolutions au sein des arrondissements fisantes alors que celles-ci sont de moins en moins nom-
composés pour 52 % de personnes vivant seules dans leur cette interprétation par le fait que, on l’a vu précédemment, ce semble indiquer une accentuation de la spécialisation des ter- breuses et, par ailleurs, disputées entre plusieurs usages.
logement, est fortement marquée par la composition du sont les grandes opérations publiques qui ont généré la crois- ritoires parisiens. De même, la croissance très forte de la fré- La croissance du nombre de logements peut aussi cor-
parc de logements de la capitale : 58 % d’entre eux n’ont sance de population qui a compensé les baisses des arrondis- quentation touristique — +20 % entre 1990 et 2000 dans les respondre à la réoccupation de logements vacants ou au re-
qu’une ou deux pièces (34 % en région). sements les plus centraux, et surtout les 1er, 2e et 8e. principaux monuments de la capitale —, concentrée dans les tour à l’habitat d’appartements anciennement transformés
Cette évolution renvoie plus à des considérations Ces mêmes arrondissements sont ceux dont la voca- arrondissements du centre et de l’ouest proches de la Seine, en locaux d’activité ou en bureaux. Dans les deux cas, ces
d’ordre général qu’à une idiosyncrasie parisienne. On peut tion résidentielle s’est le plus affaiblie au profit de l’activité agit localement comme l’accentuation du caractère « festif » de paramètres demandent une intervention des pouvoirs pu-
identifier trois facteurs majeurs 4 : la réduction du nombre économique. Le rapport entre nombre d’emplois et nombre certains secteurs centraux de la ville. Cette ville « festive » se blics. Celle-ci doit apparaître comme une correction de l’é-
d’enfants dans les familles, l’augmentation du nombre de d’habitants était compris entre 2,7 et 3,1 en 1968, il se situe transforme aussi au gré du redéploiement ou du renforcement volution spontanée du marché du logement et de l’économie
personnes vivant seules ou de parents isolés, le vieillisse- à présent entre 3,2 et 4,4. Ce renforcement de la présence du tissu commercial, des loisirs culturels, et des espaces verts. parisienne étant donnée la nature des logements vacants

STRUCTURE PAR ÂGE MÉNAGES


1999 1999
Paris et communes limitrophes Paris et communes limitrophes
es
'âg ies
ion ris s d ion ris or
tat d'I sse tat d'I tég
sen n pes cla sen n pes ca ges
pré itio ou les pré itio ou les na
e art s gr elon e art s gr elon mé
S urr p
Ré de s S urr p
Ré de s de
0 5 10 15 20 25 30 %
0 10 20 30 40 %
PERSONNES ÂGÉES

0-9 ans

PERSONNES VIVANT SEULES


10-19 ans
20-29 ans 1 personne -40 ans
30-39 ans Groupe 1 1 personne 40 - 59 ans
40-49 ans 137 Iris 1 personne + 60 ans
50-59 ans couple sans enfant
60-74 ans couple 1 enfant
75 ans et plus couple 2 enfants et +
famille monoparent.
0-9 ans autre
10-19 ans
20-29 ans
30-39 ans 1 personne - 40 ans
40-49 ans Groupe 2 1 personne 40 - 59 ans
50-59 ans 161 Iris 1 personne + 60 ans
60-74 ans couple sans enfant
75 ans et plus couple 1 enfant
0-9 ans couple 2 enfants et +
10-19 ans famille monoparent.
20-29 ans autre
30-39 ans
40-49 ans 1 personne - 40 ans
50-59 ans Groupe 3 1 personne 40 - 59 ans
60-74 ans 151 Iris 1 personne + 60 ans
75 ans et plus couple sans enfant
JEUNES ADULTES

0-9 ans couple 1 enfant


10-19 ans couple 2 enfants et +
20-29 ans famille monoparent.
30-39 ans autre
40-49 ans
50-59 ans Groupe 4 1 personne - 40 ans
60-74 ans 126 Iris 1 personne 40 - 59 ans
75 ans et plus 1 personne + 60 ans
0-9 ans couple sans enfant
10-19 ans couple 1 enfant
20-29 ans couple 2 enfants et +

FAMILLES AVEC ENFANT(S)


30-39 ans famille monoparent.
40-49 ans autre
50-59 ans Groupe 5
60-74 ans 124 Iris 1 personne - 40 ans
75 ans et plus 1 personne 40 - 59 ans
0-9 ans 1 personne + 60 ans
10-19 ans couple sans enfant
20-29 ans couple 1 enfant
30-39 ans couple 2 enfants et +
40-49 ans famille monoparent.
50-59 ans Groupe 6 autre
60-74 ans 123 Iris
75 ans et plus 1 personne - 40 ans
0-9 ans 1 personne 40 - 59 ans
10-19 ans 1 personne + 60 ans
FAMILLES

20-29 ans couple sans enfant


30-39 ans Groupe 7 couple 1 enfant
40-49 ans 126 Iris couple 2 enfants et +
50-59 ans famille monoparent.
60-74 ans autre
75 ans et plus
0 5 10 15 20 25 30 % 0 10 20 30 40 %

Le fond de plan utilisé fait apparaître en gris les Iris Le fond de plan utilisé fait apparaître en gris les Iris
de moins de 50 personnes et les emprises de moins de 50 ménages et les emprises
des principaux équipements et espaces verts. des principaux équipements et espaces verts.
Source : recensement de la population en 1999 (Insee) Source : recensement de la population en 1999 (Insee)

0 1 2 km 0 1 2 km

P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L
92 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 93
(bien souvent petits et sans confort), et la concurrence locale RENFORCEMENT DE LA PART DES PARISIENS D’ÂGE ACTIFS 8e, 13e, 19e et 20e où les logements sont en moyenne plus parmi les ménages avec enfant(s), les personnes de référence
entre, essentiellement, habitat et activité économique. (25-59 ANS). L’évolution récente de la structure par âge à grands. Dans tous les arrondissements, les isolés sont com- sont plus souvent étrangères : 22 % parmi les couples avec en-
À l’échelle des territoires parisiens, l’exercice de pro- Paris atteste d’une concentration accrue de la population posés d’une majorité d’actifs, souvent âgés entre 20 et 39 fant(s) et de 17 % parmi les familles monoparentales, contre
jection tendancielle illustre ces difficultés. En effet, les pro- parisienne dans les âges actifs : 52 % des Parisiens avaient ans, surtout dans le centre. Ils privilégient un peu plus le une moyenne de 14 % pour l’ensemble des ménages parisiens.
jections réalisées suggèrent que les arrondissements du entre 25 et 59 ans en 1990, 55 % en 1999 soit 36 000 per- parc privé et les chambres d’hôtel et appartements meublés.
centre, de l’ouest et du sud devraient poursuivre leur déclin sonnes de plus. Le poids relatif des adultes de 40-59 ans Néanmoins, des spécificités géographiques apparaissent : COUPLES SANS ENFANT ET MÉNAGES SANS FAMILLE : UN MÉ-
démographique. Le quart nord-est devrait lui aussi entamer s’accroît sous l’effet de l’arrivée des « baby-boomers » dans étudiants dans les 5e et 6e, femmes de soixante ans ou plus NAGE SUR CINQ. À Paris, 18 % seulement des ménages sont
un mouvement de baisse qui ne peut être compensé que par cette classe d’âge. Cette progression est notable du 18e au dans les arrondissements périphériques du sud (12e à 16e) des couples sans enfant 9 contre 22 % en moyenne dans la
un effort de construction supplémentaire. Seul le sud-est de 20e et dans les 13e et 10e où les livraisons de logement ont ou encore hommes actifs de nationalité étrangère dans le région. Ce sont autant des personnes de 60 ans ou plus que
la capitale, eu égard au potentiel foncier disponible pourrait été nombreuses depuis les années soixante-dix. C’est, pour nord-est de la capitale (10e, 18e, 19e). des jeunes adultes de 20 à 39 ans. Ces derniers sont parti-
voir sa population croître ces vingt prochaines années. partie, un effet du vieillissement des générations qui s’y culièrement bien implantés dans les centres nord et est de
sont installées. La part des jeunes de 20 à 39 ans reste sta- UN MÉNAGE SUR QUATRE AVEC ENFANT (S). Seul un logement la capitale (3e, 4e, 9e à 11e) alors que les premiers sont bien
L ES JEUNES Dans le contexte régio- ble dans la capitale alors qu’elle diminue ailleurs en région parisien sur quatre, contre un peu moins d’un sur deux en représentés du 5e au 7e et dans les 16e et 17e. Les ménages
ADULTES , nal, Paris se distingue comme au niveau national. La hausse de cette part dans le banlieue, accueille une famille — couple ou parent isolé— dans lesquels vivent des personnes sans lien de famille en-
« MOTEUR » par une prééminence des centre de Paris (du 1er au 4e, et dans les 8e, 9e et 17e) souli- ayant au moins un enfant. De 1990 à 1999, le poids relatif des tre elles (filiation, conjugalité…) rassemblent un peu plus
DÉMOGRAPHIQUE jeunes adultes et une gne un certain renouvellement de population, par rempla- ménages avec enfant(s) a baissé moins vite à Paris qu’en ré- de 4 % des ménages (moins de 3 % dans la région), pour
sur-représentation des cement des ménages âgés par des ménages plus jeunes. gion. Ces ménages sont composés, pour 32 % d’entre eux, de beaucoup dans le centre. C’est dans ce type de ménages que
personnes âgées. A contrario, les jeunes de moins de vingt ans Comme en région, le poids des jeunes de moins de couples avec un seul enfant, pour 39 %, de couples avec au l’on classe les colocataires. Un peu plus de la moitié de ces
sont relativement peu nombreux. En effet, en 1999, 388 400 vingt ans baisse depuis 1990. Surtout, le mouvement pari- moins deux enfants et, pour 29 %, de familles monoparentales ménages occupe un logement locatif dans le secteur libre.
parisiens ont moins de vingt ans, soit 18 % de la population sien de baisse de la part des personnes âgées de 60 ans ou (20 % seulement dans le reste de la région). La part des mé-
contre 25 % en France et en Île-de-France. À l’opposé, les jeu- plus, entamé dès 1975, se poursuit, à l'inverse des évolu- nages avec enfant(s) est sensiblement plus élevée que la LIEN ENTRE PROFIL FAMILIAL ET STRUCTURE DES LOGE-
nes adultes âgés de 20-39 ans représentent 36 % de la popu- tions nationales et régionales 7, particulièrement dans des moyenne dans l’est (13e, 19e et 20e) et à l’ouest (8e et 16e). Mais MENTS. Si le parc parisien de logements avait la même struc-
lation (765 000 personnes), contre 32 % en Ile-de-France et arrondissements du centre-ouest (2e, 3e, 8e, 9e) à l’exception dans ces deux derniers arrondissements, les familles monopa- ture, en terme de nombre de pièces et de statut d’occupation,
seulement 28 % en France. Les parisiens âgés de 60 ans ou des 6e et 5e où elle est stable et 7e et 13e où elle progresse. rentales sont nettement moins présentes que dans le premier que le parc français, le profil familial dans la capitale serait
plus, au nombre de 417 000, constituent 20 % de la popula- La poursuite de ces tendances lourdes, observées de groupe. Enfin, la part des ménages avec enfants ne dépasse à peu près équivalent à celui de la France métropolitaine.
tion. Cette proportion est habituellement plus élevée que la 1982 à 1999, aboutirait à une pyramide des âges relative- pas 21 % dans les six premiers arrondissements et dans le 11e. Dit autrement, les logements parisiens ne sont pas moins ou
moyenne régionale (17 %) mais aujourd’hui plus faible que la ment semblable à celle observée en 1999 avec, cependant, une Un ménage avec enfant(s) sur quatre vit en HLM plus peuplés que leurs équivalents de province 10. Ce constat
moyenne nationale (21 %). Cette pyramide des âges très par- progression à partir de 2005 des personnes de 60 ans ou plus. contre un sur six en moyenne, d’où la part importante des d’ensemble, qui peut sembler une évidence, signifie en fait
ticulière se relie à une présence majoritaire de personnes vi- Ce mouvement correspond au passage de l’ensemble des gé- familles avec enfant(s) dans l’est parisien. Les familles que Paris doit presque intégralement sa structure familiale
vant seules ou à deux, jeunes adultes et personnes âgées. nérations du baby-boom dans cette classe d’âge, suivant les monoparentales y sont davantage présentes que les couples si particulière à la configuration de son parc de logements.
Paris reste le pôle d'attraction français majeur pour de nom- évolutions nationales mais de façon plus modérée, en raison avec enfant(s), une sur trois contre un sur cinq. La majorité Celle-ci répond bien sûr à l’histoire urbaine de la capitale et
breux étudiants et actifs en début de vie professionnelle avec des départs de Paris au moment de la retraite. Il toucherait des couples avec enfant(s) habite donc dans le parc privé, à la perpétuation de son rôle central. Aussi, sauf à transfor-
un parc de petits logements adaptés à cette population. plus les arrondissements de l’est qui resteraient tout de proches en cela de la moyenne parisienne. mer radicalement le parc de logements ou à envisager une
même ceux ayant la part des moins de vingt ans la plus forte. Les chefs de familles ouvriers et plus encore artisans- densité de son occupation plus importante qu’aujourd’hui, il
JEUNES ADULTES AU CENTRE, ENFANTS EN PÉRIPHÉRIE. La commerçants et chefs d’entreprise sont sur-représentés apparaît difficile globalement de modifier la structure des
part des jeunes de moins de 20 ans, souvent corrélée à celle des LA LA PART DES PERSONNES parmi les ménages avec enfants. Parmi les couples avec en- familles parisiennes. Néanmoins mais à la marge, sur cer-
Parisiens âgés de 40 à 59 ans, génération de leurs parents, est CONSTITUTION SEULES. Les 582 000 pari- fant(s), les employés et professions intermédiaires (où les tains territoires et sur des segments de parc sur lesquels les
supérieure à 20 % dans deux arrondissements de l’est, les 19e DES MÉNAGES siens vivant seuls dans femmes sont très présentes) ne regroupent que 27 % des per- pouvoirs publics peuvent avoir une influence directe, la créa-
et 20e et avoisine 20 % dans les 10e et 13e. Les logements so- leur logement forment sonnes de référence contre 43 % pour l’ensemble des chefs de tion ou la transformation du parc de logements peut favori-
ciaux y sont très présents. Les 8e et 16e accueillent aussi une désormais le modèle majoritaire 8 des ménages de la capi- ménages parisiens et 61 % pour les parents isolés. Enfin, ser une plus grande présence de certains types de familles.
fraction de jeunes parisiens supérieure à la moyenne, mais ici tale : 52 % de ceux-ci ne compte qu’une personne contre 35 %
Taux de chômage, taux de précarité de l'emploi Structure familiale des ménages 1999
en raison d’un parc de logements privés plus grands que la en région. Cette prédominance des personnes seules à Paris et taux de RMIstes à Paris et en Ile-de-France, en 1999
2% 3% 4%
moyenne, adaptés à l’accueil de familles. s’est renforcée entre 1990 et 1999 (52 % des ménages contre %
18 9%
Les jeunes adultes sont fortement représentés dans 50 %), à un rythme cependant moins soutenu qu’en 16 Paris 18 % 18 %
7%
31 % 35 %
les arrondissements du centre (du 1er au 5e) et dans les 10e et moyenne dans la région et en France. Ce mouvement a été 14 15,7 IDF
12 % 11 % 53 %
12 12,8 20 %
11e où leur poids dans la démographie locale avoisine 40 %. marqué dans les arrondissements du nord et de l’est pari- 10
12,0 11,5 29 %
8%
24 % 9%
7%
Les logements de une ou deux pièces constituent au moins sien (4e, 10e, 11e, 18e, 19e et 20e).
doc. Apur

8
6 France Ile-de-France Paris
60 % du parc de ces arrondissements. Les personnes âgées de Plus de 55 % des ménages des six premiers arrondis- 4
4,3 3,8 Couples Couples Personnes
60 ans ou plus sont très présentes dans le sud-ouest parisien sements et du 11e ne comptent qu’une personne. Les petits 2 avec 2 enfants ou + sans enfants vivant seules
0
(les 6e, 7e et 16e en comptent plus de 24 %) ainsi que dans les logements y sont largement majoritaires. À l’opposé, les per- taux de chômage taux de précarité RMIstes Couples
avec 1 enfant
Familles
monoparentales Autres cas
de l'emploi
4e, 12e et 15e. La propriété occupante y est plus fréquente. sonnes seules forment moins de 50 % des ménages dans les

P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L
94 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 95
Assurer
la variété du tissu social
Préserver la mixité
préserver et conforter
la mixité des secteurs denses
accompagner l'évolution
en préservant la mixité
des densités moyennes
réaliser des opérations mixtes
d'aménagement

Diversifier les secteurs résidentiels


rechercher l'équilibre par l'emploi
dans les tissus résidentiels
de densité modérée
diversifier les secteurs d'habitat dense

renforcer la part du logement social


favoriser le développement
des secteurs "politique de la ville"
et GPRU

Diversifier les secteurs d'activité


contrôler le développement
et diversifier
les secteurs d'emploi dense

Taux d'emploi hors Paris


Nombre d'emplois au lieu de travail
par rapport au nombre d'actifs résidants
plus de 3

de 2 à 3

de 1 à 2

de 0,5 à 1

moins de 0,5
Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur

P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L
96 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 97
G E N T R I F I C AT I O N La capitale, où résident ÉVOLUTION 1990-99 DU RAPPORT tégories vivant à Paris. De ce fait, à Paris, entre 60 % et 72 % structure des emplois parisiens et ses évolutions eu égard aux
ENTRE CADRES ET EMPLOYÉS-OUVRIERS
E T PA U V R E T É 4 % des actifs recensés en (évolution de la "gentrification" entre 1990-99)
des emplois d’ouvriers et d’employés 12 sont exercés par des caractéristiques des actifs parisiens. L’emploi salarié précaire
France en 1999, accueille personnes qui n’habitent pas la capitale. Ce chiffre ne dé- est un peu plus important à Paris qu’en région (13,2 % contre
près de 14 % des cadres et chefs d’entreprise. Cette sur-repré- passe pas 45 % pour les artisans, commerçants, chefs d’en- 12,6 %), ce qui implique des périodes de recherche d’emploi
sentation n’a pas d’équivalent dans les grandes villes françaises treprise, professions libérales, cadres de la fonction pu- plus fréquentes mais pas forcément plus longues.
et colle à la structure des emplois proposés par la capitale 11. blique, professions intellectuelles supérieures et artistiques. Mais, surtout, toute une frange de la population active
parisienne a été touchée de plein fouet par la désindustriali-
CADRES VERSUS EMPLOYÉS ET OUVRIERS. Près de deux ac- PLUS D’UN ACTIF PARISIEN SUR DIX AU CHÔMAGE. L’ampleur sation de Paris et de la Petite Couronne. En particulier, on
tifs parisiens sur cinq (37 % soit 405 000 personnes) sont ca- et la vitesse du phénomène de gentrification à Paris ne doit note des taux de chômage particulièrement élevés pour les
dres, chefs d’entreprise ou exercent une profession intellec- pas masquer le fait que l’emploi précaire y atteint le niveau techniciens (11 %), contremaîtres (15 %) et ouvriers qualifiés
tuelle supérieure. Ce taux, maximal du 5e au 7e départemental le plus élevé d’Ile-de-France, et que la capitale parisiens (25 %) en comparaison des moyennes régionales et
arrondissement (plus de 50 %), est fort dans le centre, le sud compte la part de foyers touchant le RMI la plus élevée de la nationales. À cela s’ajoute une durée de chômage plus longue
et l’ouest de Paris. Il atteint un plancher de 25 % dans les région après la Seine-Saint-Denis, tout comme le taux de chô- pour les personnes de plus de 50 ans qui semble la consé-
18e, 19e, et 20e, bien qu’il y demeure supérieur aux taux ré- mage enregistré en 1999 13. Pour cette année, celui-ci se situe quence d’évolutions trop rapides de l’emploi parisien par rap-
gional et national (22 % et 13 %). au-dessus de celui mesuré en région, mais reste inférieur à la port à la qualification et au type d’activité de ces personnes.
Bien représentés dans les mêmes arrondissements que moyenne nationale. Paradoxalement pour la capitale, cœur du Ces difficultés générales trouvent leur transcription géogra-
les cadres, les 56 000 artisans et commerçants rassemblent pôle économique le plus important de France, cette situation phique par une concentration du chômage dans le nord est de
5,1 % des actifs, un peu plus qu’en moyenne régionale. Les pro- s’accompagne d’un nombre d’emplois proposés (1,6 millions) la capitale (10e, 18e, 19e, et 20e), là où se trouvent les catégo-
fessions intermédiaires (260 000 personnes, 23 % des actifs) nettement supérieur au nombre d’actifs qui y résident ries socioprofessionnelles les plus fragilisées par l’évolution
sont répartis de façon un peu plus homogène dans la capitale + 40 % ou plus + 10 % à + 20 % (1,1 millions). Cette contradiction trouve sa source dans la de l’emploi dans le cœur de l’agglomération parisienne.

Doc. Apur
avec une présence toutefois plus marquée dans les arrondisse- + 30 % à + 40 % 0 % à + 10 %
+ 20 % à + 30 % diminution
ments de l’est parisien (11e à 13e, 19e et 20e). Cette moyenne pa-
Source : recensement de la population 1990 et 1999 (Insee)
risienne est proche des niveaux régionaux et nationaux.
Les 275 000 employés parisiens regroupent un quart nelles aisées à Paris. Les quartiers parisiens les plus forte-
des actifs vivant dans la capitale. Ce niveau atteint un mi- ment touchés par ce recul des ouvriers et employés au profit
TAUX DE CHÔMAGE
nimum de 17 % dans les 5e et 6e arrondissements, un maxi- des cadres et chefs d’entreprise sont surtout situés dans le 1999
mum d’environ 30 % (comme la moyenne régionale) dans les centre de la capitale autour du Faubourg Montmartre, des Paris et petite couronne
18e, 19e et 20e. Les 117 000 ouvriers sont particulièrement Portes Saint-Martin et Saint-Denis, dans l’ensemble du 11e,
sous représentés à Paris : 11 % des actifs, 21 % en région et ou, plus en périphérie, autour des Batignolles, du Père
Part des chômeurs
27 % en France avec des contrastes géographiques forts : un Lachaise, à Bercy, ou encore dans la Plaine Clignancourt. dans la population active
taux deux fois plus fort du 18e au 20e et dans le 10e (15 %) plus de 20 %
que du 4e au 7e et dans les 15e et 16e. RÉSIDENCE DES OUVRIERS ET EMPLOYÉS TRAVAILLANT À de 15 à 20 %
Cette répartition des catégories socioprofessionnelles PARIS. La prédominance des catégories socioprofessionnelles de 10 à 15 %
dans Paris est ancienne et tire son origine dans l’implanta- les plus aisées renvoie en grande partie à la structure des em- de 8 à 10 %
tion des industries dans l’est et le sud de la capitale au plois qu’offre la capitale : sept parisiens sur dix qui possèdent moins de 8 %
XIXe siècle alors que le développement urbain dans l’ouest un emploi l’exercent à Paris. Pour autant, la structure des Iris comportant
privilégiait la fonction résidentielle et l’activité tertiaire. 1,13 millions d’emplois recensés à Paris n’épouse pas tout à moins de 20 personnes
ou équipement
Ces contrastes entre arrondissements peuvent s’illustrer fait celles des actifs qui y résident. Si l’on trouve presque au- ou espaces verts
assez bien par le rapport entre les deux extrêmes de la tant d’actifs parisiens cadres que d’emplois de cadres à Paris, contour d'Iris
structure des actifs. Ainsi, en 1999, le nombre de cadres et à l’inverse, de plus grands décalages s’observent pour les em- Source :
recensement de la population en 1999
de chefs d’entreprise est 2,5 fois plus élevé que celui des ou- ployés, ouvriers et professions intermédiaires. Pour ces trois (Insee)
vriers et employés réunis dans le 6e (2,5) alors qu’il est deux catégories, le nombre d’emplois proposés est deux fois supé- 0 2 4 km
fois inférieur dans le 19e (0,5). rieur au nombre de Parisiens ayant ces qualifications. Ceci si-
En moyenne parisienne, on compte autant de cadres et gnifie que n’habite pas à Paris la majorité des employés et ou-
de chefs d’entreprise que d’employés et ouvriers réunis (1,0). vriers qui y travaillent, contrairement aux cadres.
Cet indicateur, qui peut s’assimiler à un niveau de gentrifica- Ce mécanisme sélectif s’est renforcé entre 1990
tion de la structure socioprofessionnelle, est deux fois moins et 1999. Alors que la baisse des emplois les moins qualifiés à
élevé en banlieue (0,5) et dix fois moins en province (0,1) qu’à Paris semble avoir eu une répercussion directe sur le nombre
Paris. Son augmentation est plus rapide dans la capitale, si- d’employés et d’ouvriers résidant dans la capitale, la stagna-
gne d’un processus de gentrification qui se poursuit, malgré tion des emplois de cadres ou de professions intermédiaires
une présence déjà importante des catégories socioprofession- n’a pas empêché une nette augmentation des actifs de ces ca-

P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L
98 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 99
UN FOYER PARISIEN SUR SEPT À BAS REVENUS. Paris est le lieue. Encore ces chiffres ne tiennent pas compte du coût de
département français où le revenu imposable par foyer
(24 000 euros en 1999) est le plus fort. On y compte aussi
la vie (et surtout du logement) beaucoup plus fort à Paris…
LE PARC
une part de foyers imposables parmi les plus élevées, 67 %.
Mais cette moyenne cache des disparités très importantes et
DES ÉTRANGERS EN DIFFICULTÉ SOCIOÉCONOMIQUE. Paris
concentre une grande partie des catégories socioprofession- DE LOGEMENTS PARISIENS
qui semblent s’accroître : les revenus moyens des foyers fis- nelles supérieures recensées sur le territoire national. À ce
caux des 18e, 19e et 20e étaient 3,3 inférieurs aux moyennes titre, pour les Français comme pour les étrangers, la part des
du 7e, 8e et 16e en 1998 et 3,7 en 1999. Cette disparité terri- cadres et professions intellectuelles supérieures dépasse lar-
toriale souligne une situation plus complexe que la gement les moyennes nationales et un peu moins nettement
moyenne globale du revenu imposable ne pourrait le laisser les moyennes régionales. Mais les étrangers, qui regroupent
entendre. Ainsi, au sein même de la région, la capitale un Parisien sur sept, sont particulièrement touchés par le
X X X X X X X
connaît une proportion significative de foyers à bas revenus, chômage et la précarité de l’emploi et financière par rapport
puisque la CAF estime qu’un ménage sur sept est en situa- à l’ensemble des Parisiens. Plus de quatre ouvriers parisiens UN H A B I TAT La quasi-totalité des de 45 %, les plus faibles valeurs étant atteintes à l’Ouest, et dé-
tion de pauvreté monétaire, ce qui place Paris en deuxième et deux employés parisiens sur dix sont étrangers, alors que COLLECTIF 1,323 million de loge- passe souvent 65 % dans les quartiers du centre et du nord de
place en Ile-de-France (un sur dix) après la Seine-Saint- leur part dans l’ensemble des actifs n’est que de 15 %. ANCIEN ET PETIT ments parisiens se trou- la capitale, marqués par un habitat de type faubourien.
Denis (un foyer sur cinq). Eu égard à la structure des mé- On constate par ailleurs, qu’à niveau de diplôme égal, vent en immeubles col- Les logements de trois ou quatre pièces regroupent un
nages parisiens, les deux tiers des foyers à bas revenus vi- les étrangers, et particulièrement ceux issus de pays n’ap- lectifs, au sens du recensement. Ces logements collectifs tiers du parc. Ils sont plus présents (40 % ou plus) dans les
vant dans la capitale sont composés de personnes seules (la partenant pas à l’Union Européenne, accèdent moins souvent sont, pour 70 % d’entre eux, placés sous le régime de copro- quartiers est et sud de la capitale. Les logements de cinq
moitié en petite couronne). Mais ce qui ressort surtout de à des emplois aussi qualifiés que leurs homologues français. priété. Seuls trois logements sur dix ressortent du régime de pièces et plus sont rares à Paris (106 000 unités, soit 8 % du
l’examen approfondi des statistiques de la CAF est la plus Ces conclusions vont dans le même sens en ce qui concerne le propriété unique et six d’entre eux sur dix appartiennent à parc, 19 % en région). Marginaux dans les quartiers du Nord
grande fragilité des familles à Paris : un couple sur treize chômage (25 % pour les étrangers non communautaires, 10 % des collectivité publiques ou à des organismes sociaux. La et de l’Est parisiens, ils représentent au moins un dixième
avec un ou deux enfants, un couple sur sept avec au moins pour les Français de naissance) ou la précarité de l’emploi monopropriété, du fait d’investisseurs institutionnels ou de du parc des 6e, 9e et 17e arrondissements et jusqu’à un cin-
trois enfants et une famille monoparentale sur quatre ont (respectivement 23 % et 15 %). Enfin, une présence plus forte particuliers, est de moins en moins fréquente et baisse au quième du parc des 7e, 8e et 16e arrondissements.
des revenus considérés comme faibles, soit à chaque fois une de familles avec enfants accentue souvent une fragilité fi- profit du développement de la copropriété. Les constructions récentes ont peu contribué à chan-
précarité plus grande que celle mesurée en moyenne en ban- nancière liée à leur situation socioprofessionnelle. Les immeubles collectifs, au nombre de 91 000 en 1999, ger cette situation. Elles représentent, en effet, une part mi-
comprennent en moyenne 14 logements et un peu plus de noritaire du parc et sont constituées pour moitié de loge-
Cet article a été rédigé à partir des études de l’Apur cinq étages. Ces caractéristiques, ajoutées à une continuité ments d’une et deux pièces. Néanmoins, ce chiffre varie
par Marc Esponda. du bâti très répandue sur l’ensemble du territoire parisien, selon le financement, surtout entre 1990 et 1999, avec 38 %
expliquent la densité de population élevée de la capitale. de la production HLM composée de petits logements contre
Héritage de l’histoire de l’urbanisation de la capitale, 54 % dans le non-HLM, la proportion de grands logements
le parc ancien – achevé avant 1949 – regroupe deux tiers des étant à peu près identique.
logements parisiens (63 %) et jusqu’à neuf sur dix dans le
1.10,500 ha avec les bois de Vincennes et de Boulogne et maintien de la baisse tendancielle de la taille moyenne des
centre de Paris (36 % en moyenne régionale). Les logements LA « NON- Le poids relatif des loge-
2. Un troisième paramètre existe, mais compte peu dans l’évo- ménages.
lution totale de la population parisienne : la population hors 6. L’Apur a mené ce travail perspectif en collaboration avec le achevés après 1949 ne représentent qu’un tiers du parc, O C C U PAT I O N » ments non occupés de fa-
ménage qui représente à peine plus de 2 % des parisiens (mais CRIDUP (Centre de Recherche de l’Institut de Démographie particulièrement concentrés dans les 13e, 15e, 16e, 19e et 20e çon permanente 1 est plus
parfois plus à des niveaux très localisés) de Paris-Panthéon Sorbonne) arrondissements (57 % des constructions de l’après-guerre), élevé dans la capitale (un sur six) qu’en banlieue (un sur dix)
3. En marge de ces constats, il faut préciser qu’à chaque pério- 7. Même si, dans le détail, on observe, comme dans la région
de intercensitaire, les effectifs de logements ont augmenté. et en France, une légère progression du nombre de personnes les plus récemment urbanisés. Après un pic entre 1968 et particulièrement fort dans le centre et l’Ouest parisiens.
Paradoxe, le nombre de ménages (i.e. de logements occupés) âgées de 70 à 79 ans ou de 85 ans ou plus. et 1982 (15 500 unités par an), le nombre de logements li- Cette « non-occupation » concerne plus nettement le parc
n’a pas augmenté au même rythme voire a diminué entre 1982 8. Mais il cache des situations disparates (jeunes adultes, vrés a nettement diminué entre 1982 et 1990, 5 100 unités privé que HLM. Cela traduit de plus grandes possibilités d’u-
et 1990. Deux explications : le surplus de logements recensés actifs étrangers, personnes âgées…) et occulte les dimensions
ne correspond pas qu’à un apport net de construction mais familiales autres que recensées dans le logement (personnes
par an, en raison de l’instauration de nouvelles règles d’ur- tilisation alternative des logements dans le privé par rapport
aussi à la croissance du parc non occupé de façon permanente divorcées, couples non cohabitants, étudiants à charge de banisme en 1977 et d’une conjoncture économique défavora- au parc social, beaucoup plus réglementé à ce sujet. Des trois
(logements vacants ou occasionnels, résidences secondaires). leurs parents…). ble. Il est reparti à la hausse entre 1990 et 1999, avec 6 400 composantes de cette « non-occupation permanente » des lo-
Celui-ci a tendance à progresser, ce qui diminue d’autant la 9. Là, aussi sans préjuger des liens familiaux existant hors le
livraisons par an. Ces deux dernières périodes ont vu la gements, la vacance est, de loin, la plus importante.
part des logements occupés. Par ailleurs, il correspond en par- logement.
tie à un meilleur repérage du nombre de logements lors de la 10. Avec toutefois à Paris un peu plus de familles monoparen- montée de la part de la construction sociale, entre 42 % et En 1999, la capitale comptait 136 500 vacants, soit
collecte du recensement. tales et moins de couples sans ou avec un seul enfant, toutes 53 %, alors qu’elle ne dépassait pas 26 % auparavant. 10,3 % du parc de logements à Paris. Ce niveau est fréquent
4. La taille des logements, dont les évolutions peuvent être plus choses égales par ailleurs. dans les grandes villes françaises. C’est une augmentation
spécifiques localement, pourrait aussi jouer sur la taille des 11. 14 % des cadres en France habitent Paris, 17 % y travaillent.
ménages. Mais si elle s’agrandit, à Paris comme ailleurs, c’est au 12. Une exception notable: Les personnels des services directs UNE MAJORITÉ DE PETITS LOGEMENTS. L’ancienneté impor- assez importante par rapport à 1990 (+ 18 000), plus mar-
bénéfice de l’accroissement de l’espace de vie de chacun (aug- aux particuliers (concierges, employés de ménage) dont la natu- tante du parc n’est pas sans conséquence sur sa morphologie. quée dans les arrondissements les moins touchés par ce
mentation du nombre moyen de pièces par personnes) et non re du travail fait que leur lieu de travail est lié à leur lieu de rési- Les petits logements, d’une ou deux pièces, sont prépondé- phénomène en 1990 2.
pour accueillir au sein d’un même logement plus de personnes. dence: 40 % d’entre eux « seulement » n’habitent pas la capitale.
5. stabilité des quotients migratoires et des taux de fécondité, 13. Au sens du recensement, c’est-à-dire la part des personnes
rants. Ils représentent à eux seuls 58 % du parc (34 % en Les studios et les deux-pièces sont plus souvent va-
progression sur le rythme national des quotients de mortalité actives ayant déclaré rechercher un emploi. moyenne régionale). Cette proportion ne tombe jamais en deçà cants que les autres, 12 % contre 8 % pour les logements de

P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L
100 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 101
trois pièces et plus (les petits logements changent plus sou- les logements sont plus récents, plus vastes et souvent sociaux. parc privé. Ce type de logements correspond en fait à une pra- Cependant, l’évolution récente a confirmé la diminu-
vent d’occupants, ce qui implique un nombre de périodes de La vacance est un phénomène diffus : plus de neuf lo- tique alternative du logement et draine une population, certes tion rapide de l’inconfort ; les maxima atteints en 1999 – au-
vacance entre deux locataires plus important). S’ajoute l’ef- gements vacants sur dix se situent dans un immeuble oc- intermittente, évaluable à au moins 75 000 personnes – au- tour de 17 % dans les 2e et 10e arrondissements – sont infé-
fet de l’ancienneté, voire de la vétusté du logement. Ainsi la cupé au moins à moitié. Les raisons de la vacance sont mul- tant que de logements de ce type recensés en 1999. rieurs à la moyenne parisienne de 1990 (18 %). Cette baisse
vacance touche 12 % des logements achevés avant 1915, tiples : inoccupation correspondant à des délais de vente ou continue s’explique, entre autres, par la transformation ou la
contre seulement 6 % de ceux construits après 1975. Le cu- de relocation ; empêchement de l’occupation des logements INCONFORT UN LOGEMENT SUR DIX démolition de petits logements, par l’investissement des pro-
mul de ces deux effets donne, par exemple, un taux de va- en raison de travaux ou de problèmes juridiques ; attente de ET INSALUBRITÉ SANS TOILETTES OU SALLE priétaires, parfois avec l’appui des pouvoirs publics, renforcé
cance de près de 18 % pour les studios les plus anciens. propriétaires pour commodités personnelles et progression DE BAINS . En 1999, dans le cadre des nombreuses Opah 4 qui ont eu cours à Paris
Mais ces taux de vacance par segments de parc ne sont de la copropriété, qui entraîne une gestion peut-être moins 144 000 logements, soit 11 % du parc, sont encore dépourvus depuis la fin des années 1980, et par la disparition rapide
pas plus forts que dans les départements voisins de la capitale. « professionnelle » du parc. L’ensemble de ces caractéris- de WC intérieurs ou de salle de bains. Le niveau élevé de ce des chambres d’hôtel meublées ou des chambres de bonne.
Toutes choses égales par ailleurs, la vacance n’est pas plus tiques rend la vacance difficile à repérer et à régler. chiffre se relie à l’importance du nombre de logements petits Cette évolution favorable ne doit pas faire oublier que
forte à Paris qu’ailleurs, c’est surtout la structure du parc qui Logements occasionnels et résidences secondaires re- et anciens. Leur structure ne permet pas toujours l’installa- plus de 150 000 personnes vivent dans ces logements sans
entraîne un taux global de vacance élevé. De ce fait, la vacance groupent un peu moins de 6 % du parc de logements parisiens. tion simultanée de ces deux éléments de confort. Mais la de- WC intérieurs ou salle de bains. Mais la disparition continue
est particulièrement forte dans le centre de Paris, là où se Définis par des usages différents 3, ils se situent d’abord dans mande locative étant très importante, ces logements trou- de logements non encore aux normes nécessite peut-être de
trouve le parc privé ancien et de petite taille, alors qu’elle est les arrondissements du centre et de l’Ouest, sont plus petits vent preneurs sans trop de difficulté et procurent ainsi un prendre en compte d’autres éléments, comme les moyens de
plus faible dans les arrondissements périphériques de l’Est où que la moyenne parisienne et ressortent exclusivement du revenu sans investissement notable. chauffage – 60 % des logements parisiens ne sont pas

SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS AUBERVILLIERS


CLICHY CLICHY SAINT-OUEN SAINT-DENIS

COURBEVOIE COURBEVOIE
PANTIN
PANTIN
LEVALLOIS-PERRET LEVALLOIS-PERRET

LE PRÉ- LE PRÉ-
NEUILLY-SUR-SEINE SAINT-GERVAIS NEUILLY-SUR-SEINE SAINT-GERVAIS

LES LILAS
LES LILAS

BAGNOLET BAGNOLET

BOIS BOIS
DE DE
BOULOGNE BOULOGNE

MONTREUIL MONTREUIL

VINCENNES VINCENNES

SAINT-MANDÉ SAINT-MANDÉ

BOULOGNE- BOULOGNE-
BILLANCOURT BILLANCOURT
BOIS BOIS
DE DE
VINCENNES VINCENNES

ISSY-LES-MOULINEAUX
ISSY-LES-MOULINEAUX VANVES VANVES
CHARENTON-LE-PONT CHARENTON-LE-PONT

MALAKOFF MALAKOFF

MONTROUGE MONTROUGE
GENTILLY IVRY-SUR-SEINE GENTILLY LE KREMLIN - BICÊTRE IVRY-SUR-SEINE
LE KREMLIN - BICÊTRE

CLAMART LOGEMENTS VACANTS en 1999


ARCUEIL ALFORTVILLE CLAMART POURCENTAGE DE LOGEMENTS SOCIAUX - Niveau Iris*
ARCUEIL ALFORTVILLE
0à3%
Part des logements vacants moins de 5 % Rapport entre le nombre Moyenne Paris : 13,4 %
de 4 à 8 %
dans le total des logements Moyenne Paris : 10,3 % de logements sociaux (SRU)
de 5 à 10 % de 9 à 14 % équipements
de 10 à 20 % Source : recensement de la population en 1999 et le nombre de plus de 50 000 m2
(Insee) de résidences principales (RP 99) de 15 à 20 %
0 0,5 1 km 0 0,5 1 km
20 % et plus plus de 20 %

P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L
102 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 103
Renforcer
le droit d'habiter Paris
et assurer
le renouvellement urbain
Poursuivre l'action dans les périmètres
opérationnels existants
Opah

ZAC, DUP...

Secteurs "politique de la ville" et GPRU

Améliorer la situation
du parc de logements privés
améliorer le confort
par la réhabilitation
présence forte de logements
inconfortables dans le parc
de logements anciens
(de 20 à 25 % des résidences principales)
présence très forte de logements
inconfortables dans le parc
de logements anciens
(plus de 25 % des résidences principales)

reconstruire les logements


dégradés et insalubres,
assurer le desserrement
des logements suroccupés
réaménager
les chambres indépendantes
et les hôtels meublés

Agir en faveur
du parc de logements sociaux
restructurer les territoires
marqués par les grands ensembles
de logements sociaux
renforcer la part du logement social

Assurer le renouvellement urbain


réaliser des opérations
mixtes d'aménagement
rationaliser ou reconvertir certaines
emprises ou certains services publics
Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur

redéfinir le programme
de certains grands équipements

requalifier certaines infrastructures

P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L
104 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 105
connectés à un réseau de chauffage central –, ou encore la ges propriétaires représentent au moins le tiers des ménages contingent n’est plus que de 8 500 unités en 1999, soit à en banlieue). Plus encore, un logement parisien sur cinq a
présence d’ascenseur en immeuble collectif – 38 % des im- dans l’ouest de la capitale (6e, 7e, 9e et 16e arrondissements). peine 1 % de l’ensemble des logements occupés. L’autre cas changé d’occupant entre 1998 et 1999 ; un sur sept seule-
meubles de cinq étages ou plus en sont dépourvus. De même, En revanche, leur poids relatif ne dépasse pas le quart des de figure est constitué des 43 000 logements loués meublés à ment en banlieue. Cette mobilité, inscrite dans un parcours
le gain d’espace de vie par personne progresse nettement ménages dans les 13e, 19e et 20e arrondissements, de par une l’année (4 % du parc total). Il s’agit le plus souvent de petits résidentiel, professionnel et familial, créée des tensions sur
moins vite à Paris qu’en France : quand, en 1962, et dans les forte présence du locatif HLM, ainsi que dans le 1er arrondis- appartements et de chambres de bonne souvent consacrés à le marché parisien du logement. Le taux de vacance par seg-
deux cas, la moyenne était d’environ une pièce par personne, sement, dominé par le locatif privé. l’accueil de jeunes célibataires. Il correspond aussi à un parc ments de parc y est plutôt inférieur à la moyenne régionale
elle atteint, en 1999, 1,36 à Paris et 1,61 en France. moins confortable que la moyenne. Contrairement aux évo- et laisse peu de marge de manœuvre. Le volume de deman-
ACCÉLÉRATION DE LA BAISSE DE LA LOCATION PRIVÉE. La lo- lutions lors des recensements précédents, ce parc s’est accru deurs de logements sociaux (100 000 en 2001) n’est qu’un des
ENCORE PRÈS DE 800 IMMEUBLES INSALUBRES. L’inconfort cation dans le privé reste le statut d’occupation le plus ré- sensiblement (+ 14 000 unités) entre 1990 et 1999. indicateurs qui souligne le poids considérable de la demande
des logements est un phénomène très diffus mais qui se pandu à Paris avec 464000 ménages concernés, soit 42 % de des Parisiens ou de ceux qui veulent s’installer à Paris.
concentre parfois sur des immeubles qui cumulent, outre le l’ensemble (25 % en Ile-de-France). Cette prépondérance UN MARCHÉ DU LOGEMENT EXTRÊMEMENT TENDU ET VALO- Cette tension influe sur la formation des loyers pari-
manque d’éléments sanitaires, des difficultés quant à la vé- trouve sa source dans la structure du parc, dominée par les pe- RISÉ. Quatre ménages parisiens sur dix vivent dans un loge- siens qui, au 1er janvier 2001, se montaient (hors charges) à
tusté, l’insalubrité ou le risque d’intoxication par le plomb. tits logements, plus souvent loués que les autres, et marquée ment locatif privé. La grande mobilité des Parisiens s’ac- 13,60 euros le mètre carré, à comparer à la fourchette de 6 à
Ces immeubles, estimés à 750, sont localisés pour la quasi- par une frange importante du parc constituée d’immeubles en- commode assez bien de la souplesse d’entrée et de sortie 7 euros le mètre carré que l’on peut trouver dans des villes
totalité dans les 10e, 11e, 13e, 18e, 19e et 20e arrondissements. core sous régime de propriété unique (en net déclin), destinés qu’offre ce parc. On note, en 1999, que seuls 43 % des centres comme Lyon, Bordeaux, Toulouse, Rennes,
Cette persistance d’un nombre important d’immeu- à la location. Entre 1990 et 1999, le nombre de ménages loca- Parisiens habitaient le même logement en 1990 (contre 47 % Strasbourg ou Lille. En proche banlieue, cette fourchette se
bles en extrême difficulté, malgré l’action publique par l’in- taires du secteur privé s’est réduit de 50 000, faisant passer
tervention foncière ou l’incitation à la réhabilitation, s’ex- leur poids dans l’ensemble des ménages de 47 % en 1990 à SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS
CLICHY
plique, dans le premier cas, par la lourdeur des procédures 42 % en 1999. Cette évolution prolonge un mouvement percep-
COURBEVOIE
et, dans le second, par le principe même de l’incitation. Ce tible lors des recensements précédents. Elle s’accompagne, en- PANTIN

dernier ne suffit pas à corriger une gestion patrimoniale tre 1990 et 1999, d’une meilleure prise en compte du parc HLM LEVALLOIS-PERRET

parfois spéculative de certains propriétaires, bailleurs ou et d’une augmentation apparente du nombre de logements
marchands de biens, ou à enclencher une action concertée loués meublés. Les traits du parc locatif privé accentuent les
LE PRÉ-
de copropriétaires aux revenus très modestes. caractéristiques du parc immobilier de la capitale avec une do- NEUILLY-SUR-SEINE SAINT-GERVAIS

minante de petits logements, les deux tiers ayant moins de


UN PA R C E N À Paris, 83 % des rési- trois pièces, plus inconfortables qu’en moyenne. Ce parc est do- LES LILAS
MAJORITÉ PRIVÉ dences principales res- minant dans tous les arrondissements du centre de la capitale
E T L O C AT I F sortent du parc privé, le situés en rive droite (entre 44 % et 53 %). BAGNOLET

reste appartenant au
parc HLM. La propriété occupante ne concerne que trois mé- « LOI DE 1948 » ET LOCATION EN MEUBLÉ. Le parc locatif BOIS
DE
nages sur dix, alors que d’autres statuts sont plus implantés régi par la loi de 1948, inclus dans l’ensemble de la location BOULOGNE

dans la capitale qu’ailleurs, comme la location en meublé privée dans les statistiques du recensement, constitue un
(5 %) ou l’occupation du logement à titre gratuit (7 %) 5. segment du parc locatif privé spécifique puisque bénéficiant
de loyers très bas, et hébergeant, de ce fait, une population
MONTREUIL
FAIBLE PROGRESSION DE LA PROPRIÉTÉ OCCUPANTE. Les mé- très souvent modeste. En 1996, le quart des ménages à bas
nages parisiens, propriétaires du logement qu’ils occupent, revenus de la capitale y résidait. À cette même date, le nom- VINCENNES

sont au nombre de 329 000 en 1999, soit trois ménages sur bre de logements de cette catégorie n’atteignait plus que
dix, nettement moins que dans le reste de la région ou qu’en 54 000 unités et avait été divisé par deux depuis 1988, sous
France (cinq sur dix). Pareillement, la progression de la pro- l’effet de sortie du dispositif par départ des locataires en
priété occupante est plus faible à Paris (+ 0,7 % entre 1990 place ou de travaux de mise aux normes. SAINT-MANDÉ

BOULOGNE-
et 1999) qu’ailleurs. Les raisons de cette moindre propension La location en meublé au sens du recensement (4,6 % BILLANCOURT

des ménages parisiens à être propriétaires sont liées au coût à Paris, 2,3 % en région) regroupe deux cas de figure bien dif- BOIS
DE
des logements parisiens 6 et à la composition du parc de loge- férents : la location en chambre d’hôtel meublée à la journée VINCENNES

ments, en majorité de petits logements en général moins sou- ou au mois, mode d’hébergement répandu à Paris (11e, 17e et ISSY-LES-MOULINEAUX VANVES CHARENTON-LE-PONT

vent occupés par leurs propriétaires que les autres. De plus, 18e arrondissements essentiellement) et dans certaines com- MALAKOFF

à taille de logement égale (au-dessus de deux pièces), les mé- munes limitrophes du nord et de l’est de la capitale. Ce parc, MONTROUGE
GENTILLY LE KREMLIN - BICÊTRE IVRY-SUR-SEINE
nages parisiens sont moins souvent propriétaires qu’ailleurs. très inconfortable, se compose surtout de petits logements en ALFORTVILLE
CLAMART
Ceux d’entre eux ayant acquis leur logement disposent situation de suroccupation par des ménages souvent modes- Part des pièces sans confort plus de 15 % PIÈCES SANS CONFORT - 1999
ARCUEIL
par rapport au nombre total
de plus d’espace (à la fois en taille de logement et nombre de tes. Il connaît un déclin inexorable sous l’effet de démolitions de pièces des résidences
de 10 à 15 % Moyenne Paris : 6,69 %
Source : recensement de la population en 1999
de 5 à 10 % (Insee)
pièces par personne) et de confort que les autres Parisiens, ou de changements de destination (en logements ordinaires principales îlots de moins de 10 logements
et grandes emprises publiques 0 0,5 1 km
moins de 5 %
malgré la prépondérance des logements anciens. Ces ména- ou hôtels de tourisme). De 28 000 chambres en 1982, le

P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L
106 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 107
BOBIGNY
rapproche des prix de la capitale avec des prix moyens com- latils que les loyers 7 et les différences sont plus marquées SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS

pris entre 10 et 12 euros le mètre carré. Le prix au mètre entre arrondissements : les prix dans le 7e arrondissement CLICHY

carré des logements dépend de plusieurs facteurs : leur sur- sont plus de deux fois supérieurs à ceux mesurés dans le COURBEVOIE
PANTIN

face (plus un logement est petit, plus son loyer au mètre carré 19e. Le prix de vente au mètre carré atteint une moyenne de LEVALLOIS-PERRET

est élevé), l’ancienneté d’occupation (le loyer pour un nouvel 3 424 euros au troisième trimestre 2002. Il connaît une
occupant est en moyenne 25 % plus élevé que pour quelqu’un hausse continue depuis 1997, même s’il n’atteint pas le som-
LE PRÉ-
en place depuis six ans) et, bien sûr, le confort et la localisa- met de la bulle spéculative de la période 1987-1991. Cette NEUILLY-SUR-SEINE SAINT-GERVAIS

tion de l’appartement. La géographie des prix des loyers rep- croissance des prix se localise d’abord dans le centre de la
LES LILAS
rend des regroupements déjà observés : les plus élevés étant capitale (du 1er au 8e arrondissement), mais concerne aussi
enregistrés dans les 5e, 6e, 7e, 8e et 16e arrondissements, les les 9e, 10e et 11e arrondissements où a pu être perçu un fort
plus faibles dans les 19e et 20e arrondissements. L’écart de mouvement de gentrification. BAGNOLET

loyer varie de 18 % à 36 % selon le type d’appartement. Plus généralement, un tel niveau de prix des loge-
Ces différence spatiales se retrouvent dans la hiérar- ments parisiens pose la question de la rentabilité de l’in- BOIS
DE
chie des prix de vente des logements. Ceux-ci sont plus vo- vestissement locatif dans la capitale. En effet, le seuil de BOULOGNE

loyer « rentable » devenant très élevé, il est envisageable


Répartition des logements qu’une fraction de plus en plus importante des ménages
selon leur date d'achèvement
à Paris et en Ile-de-France, en 1999
aille s’orienter, si elle en a les moyens, vers l’achat de son lo- MONTREUIL

Ile-de-
gement, ce qui, à terme, contribuera à restreindre l’offre lo-
35,7 46,9 17,4
France
cative privée et, par là même, l’accession de ménages plus VINCENNES

Paris 66,6 26,0 7,4


modestes à un logement à Paris.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 %

avant 1948 de 1948 à 1981 de 1982 à 1999


UN MÉNAGE UNE PROGRESSION CONTI -
SAINT-MANDÉ

SUR SIX EN NUE DE LA LOCATION EN BOULOGNE-


BILLANCOURT

Répartition des résidences principales L O C AT I O N HLM HLM. Les ménages lo- BOIS
DE
selon leur date d'achèvement gés dans le secteur VINCENNES
à Paris et en Ile-de-France, en 1999
HLM sont au nombre total de 185 000 en 1999 8, soit près ISSY-LES-MOULINEAUX VANVES CHARENTON-LE-PONT
Ile-de-
France
33,7 48,4 17,9 de 17 % de l’ensemble des ménages parisiens (23 % en ré- MALAKOFF
gion). Le tiers du parc HLM correspond essentiellement MONTROUGE
IVRY-SUR-SEINE
Paris 64,9 27,1 7,9
aux logements de type HBM, construits entre les deux GENTILLY LE KREMLIN - BICÊTRE
ALFORTVILLE
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 % guerres, sur des terrains gagnés sur les anciennes fortifi- CLAMART
ARCUEIL
avant 1948 de 1948 à 1981 de 1982 à 1999
cations ; les deux derniers tiers ont été construits après la
OCCUPATION DOMINANTE HABITAT - EMPLOI
Seconde Guerre mondiale. Dominante habitat Dominante emploi Occupation mixte
Statut d'occupation des logements La croissance progressive de la location en HLM s’ex- très forte, plus de 4 habitants
pour 1 emploi
très forte, plus de 4 emplois
pour 1 habitant
pas de dominante principaux
équipements non bâtis
à Paris et en Ile-de-France, en 1999
plique essentiellement par l’effet de la construction neuve forte, entre 3 et 4 habitants forte, entre 3 et 4 emplois
Occupation faible
Sources : enquête régionale emploi 1998
Ile-de-
France
44,3 25,4 23,4 2,3 4,6 (25 % de la production entre 1949 et 1982, 49 % depuis pour 1 emploi pour 1 habitant (Insee, Apur, Dreif, Iaurif), Sirene, 2001.
0 0,5 1 km

1982) 9. Cependant, la dernière décennie a vu s’installer une


Paris 29,6 41,8 16,7 4,6 7,3 baisse en effectifs du nombre de logements sociaux produits
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 % (2 970 entre 1995 et 2000, contre 4 610 entre 1983 et 1988), eu
propriétaires locataires privés meublés, chambres d'hôtel égard au tarissement des ressources foncières et à la réduc- sienne (1,36). Géographiquement, la part des ménages logés mande. Ce déséquilibre rend un peu plus difficile la gestion
locataires HLM logés gratuitement
tion des préemptions en opération ou dans le diffus. Pour ré- en HLM est forte dans les arrondissements périphériques de de la demande. En effet, 85 % des demandeurs sont parisiens
pondre aux objectifs de la loi SRU, la production annuelle en- l’Est parisien. Ceux-ci ont accueilli la majeure partie de la et 15 % sont déjà locataires dans le parc social de la capitale.
Part des logements Nombre moyen de pièces
visagée de 3 400 logements sociaux par an pourrait s’orienter, construction sociale de par les possibilités foncières qui s’y of- Parmi les Parisiens postulant à l’accession à un logement so-
inconfortables par résidence principale
à Paris et en Ile-de-France, à Paris et en Ile-de-France, outre la programmation classique, vers le conventionnement fraient, tant au niveau des surfaces que des prix. Ainsi, cette cial, on observe de façon croissante la progression de familles
en 1999 en 1999
en Prêt Locatif Social (PLS), le conventionnement d’immeu- part dépasse-t-elle le tiers des ménages dans les 13e, 19e et 20e monoparentales, de personnes seules, mais également de
12 %
3,5
3,29
bles locatifs privés occupés et le logement social étudiant. arrondissements. ménages à bas revenus. La diminution du parc social de fait
10 % 3,0

8%
10,0
2,5
Étant donné l’âge récent du parc HLM, les ménages qui (logements sous régime de la loi de 1948, chambres d’hôtel
2,54
6%
2,0 y vivent bénéficient de logements généralement confortables DES DEMANDEURS DE LOGEMENTS SOCIAUX TRÈS NOMBREUX. meublées et logements sans confort) n’est sans doute pas
4% 5,2
1,5
et un peu plus grands que la moyenne. Mais une occupation En 2001, la Ville de Paris a dénombré 100 000 ménages dési- étrangère à l’accroissement de ce type de demande, au détri-
1,0
2%
0,5
plus familiale des logements HLM entraîne un nombre de piè- reux d’obtenir ou de changer de logement social dans la ca- ment de l’objectif de mixité sociale. En effet, les ménages les
0% 0,0 ces disponibles par personne similaire à celui rencontré dans pitale. Il est frappant de constater que Paris, qui regroupe plus aisés sont ceux qui renouvellent le moins leur demande
Paris Ile-de- Paris Ile-de-
France France le locatif privé (1,25) et inférieur à la moyenne pari- 18 % des logements sociaux de la région, attire 34 % de la de- quand elle n’aboutit pas au bout d’un an.

P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L
108 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 109
H ABITAT Le parc de logements pa- dans un logement locatif privé. Cette proportion n’est ja- É LÉMENTS L’examen des cartes de en activités et en investisse-
ET GÉOGRAPHIE risien possède donc une mais inférieure à 35 %, selon la catégorie socioprofession- POUR UN PLAN
D ’ AMÉNAGEMENT
la répartition de la population ments valorisants.
SOCIO - structure très particu- nelle, et atteint jusqu’à 50 % pour les cadres d’entreprise. Le ET parisienne en fonction des caté-
DE DÉVELOPPEMENT
DÉMOGRAPHIQUE lière, fruit de son urbani- parc social accueille le quart des chefs de ménage ouvriers DURABLE gories socioprofessionnelles, de La Ville a engagé un en-
sation ancienne dont la et employés parisiens. S’ajoute un autre quart vivant dans l’emploi et du logement fait ap- semble d’actions concertées
géographie rend compte du développement concentrique. le parc locatif privé sans confort, les chambres d’hôtels meu- LA LUTTE paraître d’importants contras- pour favoriser une augmenta-
CONTRE
L’implantation des différentes segments de parc 10, définis blées ou encore hébergé à titre gratuit. En revanche, ces LES DISPARITÉS
tes entre les quartiers. Ces tion du nombre de logements
selon l’âge et la taille des logements, leur confort et le statut deux grands segments de parc, dans lesquels vivent donc la SOCIALES disparités se sont développées sociaux et remédier aux dés-
d’occupation, reprend les grands traits des espaces démo- moitié des ouvriers et employés parisiens, n’accueillent notamment à partir de la équilibres. Ces actions ont plu-
graphiques et sociaux de la capitale et l’opposition classique qu’un chef de ménage cadre, artisan, commerçant ou chef seconde moitié du XIXe siècle, sieurs objectifs. Le premier est
centre/périphérie et Nord-Est/Ouest. d’entreprise sur cinq. avec l’industrialisation rapide d’accroître le parc de logements
À segment de parc égal, les logements parisiens abri- À l’inverse, dans un cas sur trois, ces catégories socio- de la ville. La qualité du loge- sociaux dans les arrondisse-
tent des structures familiales très proches de celles que l’on professionnelles les plus aisées sont propriétaires du loge- ment est alors devenue très dé- ments du centre et de l’ouest de
peut rencontrer en banlieue ou au-delà. Néanmoins, chacun ment qu’elles occupent (un cas sur sept pour les employés et pendante des revenus de ses oc- la capitale, au travers de la fu-
de ces segments possède des spécificités quant au profil des ouvriers). De ce point de vue, l’écart s’accroît puisqu’on note cupants. Les disparités se sont ture réglementation urbaine,
ménages qu’on y rencontre, même si le parc locatif privé, une hausse de la propriété occupante pour les chefs de mé- encore accentuées à partir des tout en assurant une meilleure
confortable, accueille au minimum un ménage sur trois, nage cadres, artisans, commerçants ou chefs d’entreprise, années 1950, avec l’engage- répartition de l’offre. Le second
quelle que soit sa configuration familiale. Le parc social hé- tandis que fléchit la part des chefs de ménage employés et ment d’un vaste mouvement de est de lutter activement contre
berge le quart des familles avec enfant(s). Ainsi, une famille ouvriers, propriétaires de leur logement. rénovation urbaine. La résorp- l’insalubrité et l’habitat indi-
monoparentale sur trois et près d’un couple avec enfant(s) De la même façon, le taux de chômage mesuré tion de l’habitat dégradé allait gne, d’améliorer l’habitat
sur quatre bénéficient d’un logement HLM, alors que ce parmi les chefs de ménage vivant en logement locatif de pair avec la désindustriali- inconfortable, de mobiliser
parc n’accueille qu’un ménage parisien sur six. À l’inverse, privé sans confort ou en chambre meublée (autour de sation, cédant la place à des en- les logements durablement
ces ménages familiaux sont plutôt sous-représentés dans le 20 %) est trois fois supérieur à celui mesuré pour les pro- sembles d’habitat social ou vacants, enfin d’augmenter
parc privé le plus inconfortable ou précaire, même si 12 000 priétaires de leur logement (à peu près 7 %). Les locatai- intermédiaire dont les enclaves le nombre de logements adaptés
d’entre eux y résident (sur un total de 275 000). De leur côté, res en HLM se situent à un niveau intermédiaire de 13 %, parfois considérables devaient en direction des populations les
les personnes seules occupent nettement plus souvent que contre 11 % dans le locatif privé avec confort et en marquer de manière durable le plus fragilisées : étudiants, per-
les autres des logements locatifs privés sans confort ou des moyenne parisienne. De plus, cet écart, défavorable à paysage et la vie de certains sonnes à mobilité réduite, han-
chambres en hôtel meublées, en lien direct avec la taille cette population vivant dans les meublés ou les logements secteurs. dicapées et/ou âgées, personnes
souvent restreinte de ces appartements. Les couples sans sans confort, s’est accru lors du mouvement général de malades, travailleurs migrants.
enfant sont les seuls à être surreprésentés parmi les pro- croissance du chômage entre 1990 et 1999. Aujourd’hui, on compte Par ailleurs, les constructeurs
priétaires occupants. Ces spécificités, parfois très marquées, Plus encore que dans le HLM, la population des loge- près d’un millier d’immeubles sont dorénavant incités à se
traduisent des parcours résidentiels et familiaux dépendant ments privés les plus vétustes ou précaires semble donc insalubres, plus de 100 000 de- concerter avec la Ville de Paris
de situations socio-économiques confrontées à la forte ten- souffrir des difficultés socio-économiques qui touchent la ca- mandes de logement et 15 000 pour la mise au point des pro-
sion régnant sur le marché parisien du logement. pitale. Ce constat renvoie à la nette surreprésentation des demandeurs parisiens habitant jets immobiliers dans les quar-
ouvriers (et, par là même, des étrangers non communautai- un logement trop exigu qui, tiers les plus démunis en
LOGEMENT PRIVÉ SANS CONFORT ET POPULATIONS ÉCONOMI- res) dans ces logements pour lesquels le marché parisien de pour des raisons diverses, ne logements sociaux. Ces pro-
QUEMENT FRAGILES .La majeure partie des ménages vivent l’emploi est de moins en moins pourvoyeur. peuvent bénéficier de l’alloca- grammes pourraient en prévoir
tion logement. En outre, les 25 % par opération. À terme,
Cet article a été rédigé à partir des études de l’Apur logements insalubres, les loge- la totalité de ces mesures de-
par Marc Esponda. ments sociaux et les équipe- vrait favoriser une plus grande
ments pour les plus démunis mixité sur l’ensemble du terri-
1. logements vacants et occasionnels, résidences secondaires capital constitué permet un achat à Paris. restent principalement canton- toire parisien et un développe-
2. Elle est en partie la conséquence de la rectification à la 7. Contrairement aux loyers, le prix des logements n’est pas
baisse par l’Insee du nombre de logements occasionnels entre encadré par la loi.
nés dans les mêmes quartiers, ment sensible de la construc-
1990 et 1999 (- 25 000). 8. pour un parc total (logements occupés, vacants et occasion- généralement les plus pauvres tion sociale dans Paris.
3. Les logements occasionnels sont ceux occupés une partie de nels, résidences secondaires) de 210.000 unités. Un décompte
l’année pour des raisons professionnelles. Les résidences différent, celui correspondant à la loi SRU, donne un total de
secondaires sont occupées une partie de l’année pour mes loi- 154.000 logements
sirs, week-end et vacances. 9. Mais aussi de par l’amélioration de la mesure du parc HLM,
4. Opah : Opération programmée de l’habitat. notamment entre 1990 et 1999.
5. mis à disposition par la famille ou l’employeur. 10. Mais il est malaisé d’en suivre l’évolution étant donnée
6. La plupart (64,5 %) des chefs de ménages propriétaires à la hausse difficilement interprétable du nombre de loge-
Paris ont 50 ans ou plus (58,9 % dans le reste de la région, ments sociaux.
63,0 % en moyenne en France métropolitaine), âge où le

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110 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 111
ENTRE-SOI OU
MIXITÉ SOCIALE?

MICHEL PINÇON ET MONIQUE PINÇON-CHARLOT

La mixité dans la ville se décline en fonction des ca- Certes, il y a des cadres supérieurs dans tous les ar-
ractéristiques sociales de la population résidante. Mais rondissements de Paris. Mais on sait que cette catégorie est
aussi selon les activités qui s’y exercent. Pour un espace hétérogène, puisqu’on y trouve des enseignants du secon-
donné, les ménages qui y font leurs courses, les actifs saisis daire et des PDG. Quant aux patrons de l’industrie et du
sur leur lieu de travail, les familles en quête de loisirs, les commerce, ils sont eux aussi divers, même si on ne retient
touristes en visite, les élèves et étudiants, tous participent à que les patrons des entreprises de plus de dix salariés.
la construction d’une conjoncture urbaine. Prenant en compte l’existence des cercles, nous avons cons-
Dès le début de la planification urbaine la mixité est truit des données originales à partir des annuaires de ces in-
apparue comme la solution aux tensions qui naîtraient stitutions. Elles sont sociologiquement remarquables dans
d’une ségrégation sociale jugée néfaste. Mais les praticiens la mesure où le recrutement de ces clubs est géré par une co-
de l’urbanisme et les élus, les mouvements associatifs et la optation rigoureuse, fondée sur des critères exclusivement
presse, tout en ayant tendance à sous-estimer la complexité sociaux. Autant, sinon plus que le niveau de fortune, les ri-
de la configuration des éléments de la vie urbaine (rési- chesses culturelle et surtout sociale sont décisives dans la
dence, mais aussi travail, loisirs, etc.) dans l’analyse des sélection par les pairs. Sont cooptés en fait, dans les cercles
processus ségrégatifs, ont aussi ignoré que la ségrégation les plus sélectifs (Jockey Club, Interallié, Cercle du Bois de
avait son complément, l’agrégation. Les deux processus, sé- Boulogne, Polo de Paris…), les individus qui appartiennent
grégatifs et agrégatifs, sont liés. Chacun cherche son sem- déjà au milieu par leur naissance au sein d’une famille, par-
blable dans son voisinage, ses relations, ses amitiés, du fois noble, le plus souvent bourgeoise, dont le nom est la ga-
moins dès qu’il en a concrètement la possibilité. rantie de l’appartenance à une lignée des plus honorables.
Selon leurs positions sociales, les citadins ne dispo- Or les membres de ces cercles résident dans un espace
sent pas des mêmes ressources, principalement écono- très limité : les 7e et 8e arrondissements, le nord du 16e et le
miques, mais aussi relationnelles (capital social), ou cultu- sud du 17e. Cette aire résidentielle étroite ne s’étend en ban-

Photo : Apur.
relles (capacité acquise à s’orienter dans les dispositions lieue qu’à Neuilly et dans quelques villes très typées de
législatives et réglementaires). Ils sont inégalement armés l’Ouest chic (entre le bois de Boulogne et Saint-Germain-en-
pour intervenir dans le processus au terme duquel ils dispo- Laye, en passant par Le Vésinet). De plus, il en fut toujours
seront d’un logement. ainsi depuis l’existence de ces institutions dont l’origine re- Vue du quai de Valmy,
monte à la deuxième moitié du XIXe siècle, à cette réserve le long du canal
La grande bourgeoisie, près que les quartiers et les villes d’élection ont varié au fil Saint-Martin le jour
LA GRANDE
d’un repas de quartier,
BOURGEOISIE disposant des ressour- du temps, selon une progression constante vers l’ouest. au mois de mai 2002.
À LA RECHERCHE ces les plus élevées, Vivre entre soi, avec ses semblables, à l’abri des pro-
D E L’ E N T R E - S O I . présente une sorte de miscuités, est une règle d’or pour cette haute bourgeoisie.
situation expérimen- Souhait pour lequel elle consent à payer les prix immobi-
tale dans laquelle le facteur économique est en grande liers les plus élevés du marché. Dans ce milieu social, la
partie neutralisé. Au moins par hypothèse, on peut sup- question de la reproduction est essentielle : transmettre aux
poser que les choix résidentiels dans ce milieu social ré- générations suivantes la position dominante et les capitaux
pondent à d’autres contraintes qu’à celles s’exprimant qui la fondent est une exigence incontournable, sauf à dé-
dans les prix du marché. C’est l’une des raisons de notre choir. La recherche de l’entre-soi est un objectif primordial
intérêt pour les classes sociales les plus aisées et les pour éviter les mésalliances en éloignant les jeunes de la
beaux quartiers parisiens. tentation de fréquentations douteuses. Mais, plus profondé-

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112 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 113
ment, ce goût pour son semblable renvoie à la construction tion des opportunités immobilières et foncières, à l’occasion Si bien que leur agrégation est imparfaite. Il importe un environnement stimulant. Mais une telle confrontation
sociale de la personne. Les goûts, les manières, les préféren- de successions par exemple. Ils bénéficient ainsi d’une sorte toutefois, là encore, d’introduire, comme pour la grande est aussi porteuse d’un renforcement de l’intériorisation des
ces de tous ordres sont liés aux apprentissages sociaux, par- de griffe spatiale, créée par les familles de la bourgeoisie et bourgeoisie, des éléments complémentaires. Les exemples chances objectives et donc de renoncements devant l’ampleur
ticulièrement cohérents, explicites et efficaces dans un uni- de la noblesse. Mais cette arrivée de bureaux et d’ateliers de quartiers comme la Goutte-d’Or ou le quartier chinois du des handicaps à franchir. Dans un cas comme dans l’autre, le
vers où l’affirmation de l’identité passe par de nombreux renverse, au profit de catégories moyennes ou même popu- 13e arrondissement mettent en évidence l’importance de la coût psychologique de ce qui constitue un drame quotidien,
codes sociaux incorporés mais clairement perçus et identi- laires, la composition sociale du quartier. Sur les Grands dimension ethnique. Dans les deux cas, la mixité sociale est en l’occurrence l’expérimentation permanente de la position
fiés par les membres du clan. Boulevards ou sur les Champs-Élysées, à la pause de midi, relativement importante : on trouve de nombreux commer- dominée de la famille d’origine, représente un traumatisme
Cet entre-soi est relatif. Les statistiques montrent les trottoirs sont envahis par les employées et les midinettes, ces, et donc des petits patrons. De plus ces zones couvrent social difficile à apprécier, mais réel. Il n’est donc pas simple
que l’homogénéité sociale n’est véritablement réalisée qu’à ce néologisme, apparu vers 1880, ayant été formé par la une aire de chalandise bien plus large que le seul quartier. de cohabiter avec des gens qui ont vécu des expériences très
des échelles très modestes, celles de l’îlot, voire de l’immeu- contraction de midi et de dînette. Suivent des équipements La Goutte-d’Or, comme le quartier chinois, reçoivent la vi- différentes, dans des sociétés ou des milieux sociaux ne par-
ble. Au niveau du quartier ou de l’arrondissement, la mixité commerciaux destinés à ce public (restauration rapide), et site du personnel des ambassades concernées, à la recherche tageant pas les valeurs, les croyances et les idéaux de ceux où
est la règle. Ainsi, dans le 16e, le recensement de 1999 comp- souvent aussi des équipements de loisir (cinémas). Un mem- de produits difficilement trouvables ailleurs. Une popula- l’on a grandi et vécu.
tait 11 % d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise, bre du Traveller’s Club, sis au 25 des Champs-Élysées, dans tion d’origine française est également attirée par l’exotisme Il semble que dans les classes moyennes il en aille au-
44 % de cadres et des professions intellectuelles supérieures l’ancien hôtel particulier de la Païva, l’un des seuls subsis- des lieux et des produits. Il y a donc une hétérogénéité so- trement, du fait de l’ambiguïté de leur position intermé-
et 17 % de professions intermédiaires 1. Les employés et les tants sur l’avenue, se plaint amèrement de cette localisation ciale des foules qui arpentent les trottoirs de ces quartiers. diaire dans la société.
ouvriers, ensemble, représentaient encore plus du quart qui lui fait côtoyer une « faune » qui, en fin de semaine ou Mais, au-delà de cette diversité, l’homogénéité communau-
(28 %) de la population active. La surreprésentation des ca- pendant les périodes touristiques les plus chargées, rend, de taire, même relative, traduit bien cette recherche de l’entre- LA MIXITÉ Les dispositions des
dres moyens et supérieurs n’est pas très forte par rapport à son point de vue, l’avenue « infréquentable ». soi, y compris dans des milieux populaires. Aussi, pour trai- SOCIALE OU LE classes moyennes intel-
la moyenne parisienne qui est de 58,5 % (au lieu de 61 % Ainsi la mixité des fonctions, en induisant un renfor- ter plus efficacement de la mixité, il serait nécessaire de RÉSIDENTIELLEMENT lectuelles (enseignants,
pour le 16e). On est surpris de constater qu’une certaine cement de la mixité sociale du quartier, a fait fuir nombre de disposer de statistiques croisant catégories socioprofession- C O R R E C T. techniciens, travailleurs
mixité se maintient dans le 63e quartier, celui de la Porte familles qui sont allées chercher ailleurs un habitat sociolo- nelles et nationalités. Or celles-ci, constituant une « donnée sociaux) les portent à re-
Dauphine, considéré comme très huppé. Les employés et les giquement moins trouble. Il y a aujourd'hui moins de 40 000 sensible » du recensement, ne seront publiées qu’à des éche- chercher une certaine mixité sociale avec des catégories po-
ouvriers représentent encore 29,5 % des actifs qui y rési- habitants dans le 8e arrondissement pour plus de 200 000 lons géographiques élevés, autant dire sans grand intérêt pulaires. Autant habiter les quartiers chics ne leur vien-
dent, entre l’avenue Henri-Martin et l’avenue Raymond- emplois. pour aborder la mixité. drait pas à l’esprit, autant ces catégories, au moins avant
Poincaré. Une partie de ces travailleurs modestes est au ser- Actuellement la mairie de Paris pousse assez loin le que leurs enfants n’aient atteint l’âge scolaire, cultivent le
vice des familles bourgeoises. E X I S T E - T- I L Retrouver dans son envi- volontarisme dans le souci de promouvoir la mixité sociale. « résidentiellement » correct, comme on dit le politiquement
La grande bourgeoisie ne peut contrôler suffisamment UN ENTRE-SOI ronnement résidentiel Des immeubles ont été préemptés dans les beaux quartiers correct, en recherchant un habitat qui ne soit pas trop
l’espace où elle vit pour être assurée d’un entre-soi rigoureux. POPULAIRE ? ses façons d’être et ses de l’Ouest, et dans le centre même de la capitale. Loger des homogène socialement et où les classes populaires soient
Elle s’est donc doté de cercles pour les adultes et de rallyes préférences est aussi un familles populaires à proximité de l’avenue Victor-Hugo a présentes de façon significative.
pour les adolescents, institutions où elle assure, par la mé- facteur de regroupement dans les catégories populaires. Les des allures de provocation sociale, au moins pour les habi- Les origines des membres de ces classes moyennes
thode de la cooptation, une homogénéité sociale rigoureuse 2. gestionnaires des cités de logement social le savent bien, qui tants de ce quartier. Pour les grands bourgeois du nord du sont souvent modestes et une certaine solidarité avec ces
On trouve dans l’histoire de la localisation des beaux ont depuis longtemps constaté des processus ségrégatifs à 16e arrondissement, dont l’entre-soi serait menacé, mais origines peut ainsi s’exprimer. Il y a une sorte d’injonction
quartiers une autre démonstration de cette volonté de tenir l’intérieur même du parc HLM. Dans une étude sur un grand aussi pour les familles populaires appelées à être relogées morale à refuser la ségrégation sociale, tout ce qui pourrait
à l’écart les autres groupes sociaux. Grâce à l’existence des ensemble de la banlieue de Nantes, le Sillon de Bretagne, on dans cet environnement pour le moins exotique à leurs ressembler à une sorte de racisme de classe qui se fonde sur
annuaires des cercles du Gotha depuis le milieu du XIXe siè- a pu constater en 1982 le regroupement progressif des fa- yeux, cette brutale négation de la distance sociale ne peut des engagements politiques, syndicaux ou associatifs. Si
cle, on constate l’abandon par la grande bourgeoisie de cer- milles immigrées dans la tour centrale de l’immeuble, alors qu’être durement ressentie. Surtout il n’est pas certain bien que les choix personnels se traduisent aussi par des en-
tains quartiers et son installation dans d’autres selon une lo- que les catégories moyennes se retrouvaient ensemble dans qu’un tel déracinement soit profitable pour des familles mo- gagements collectifs : la Goutte-d'Or voit plus de cent asso-
gique de conquête de l’Ouest. En 1869, 10 % des membres du l’une des ailes de l’immense bâtiment de 900 logements 4. destes plongées dans un milieu étranger, confrontées à des ciations intervenir sur son territoire, dont une trentaine ont
cercle du Bois de Boulogne habitent le 9e arrondissement, et D’une étude ancienne du parc HLM dans l’agglomération de équipements commerciaux et scolaires, à une ambiance de leur siège dans le quartier. Et, de plus, ces quartiers popu-
plus de 50 % sont dans le 8e. Il y en aurait eu certainement Paris, il ressortait que les ségrégations sociales constatables la rue qui ne leur correspond pas et qui leur rappellerait laires offrent de belles opportunités immobilières.
beaucoup plus dans le 9e quelques décennies plus tôt, si le dans l’ensemble du parc de logements, au recensement de constamment leur position dominée. Cette dynamique permet de comprendre le processus
cercle avait déjà existé, au moment de la splendeur du quar- 1968, se reproduisaient à l’intérieur même du parc aidé. Il peut toutefois y avoir des effets positifs. On a pu obs- de gentrification 6 à l’œuvre dans de nombreux quartiers de
tier de la Nouvelle Athènes. Mais le 9e arrondissement est Ainsi, les rares logements sociaux des quartiers aisés étaient erver, à Neuilly, le paternalisme des familles grandes bour- Paris, autrefois populaires. Il en est ainsi dans l’ancien
devenu celui des sièges sociaux des compagnies bancaires. habités par des catégories supérieures, alors que les loge- geoises envers les enfants des gardiens d’immeuble et des Faubourg Saint-Antoine. Ce quartier de petites entreprises,
En 1880 presque la moitié des sièges des sociétés cotées en ments des arrondissements périphériques de l’Est parisien personnels de service travaillant et habitant dans le quartier. d’artisans et d’ouvriers se consacrant à la fabrication de
bourse est située dans cet arrondissement. De sorte que les abritaient une population modeste. Tout se passait donc Des trajectoires scolaires atypiques ne sont peut-être pas à meubles ou à celle de machines et d’outillages de précision,
membres du cercle du Bois de Boulogne fuient le 9e pour le comme si les familles tendaient plus à conforter l’homogé- exclure, ces enfants ayant en permanence sous les yeux les a vu s’étioler et presque disparaître le tissu d’ateliers qui y
8e, puis, celui-ci étant à son tour investi par les sociétés, pour néité résidentielle que la mixité 5. Des résultats d’autant modèles de comportement attendus par l’école. Ils bénéficient constituait l’essentiel de l’activité. La libération de ces espa-
le 16e, pour le sud du 17e et enfin pour Neuilly 3. plus troublants que les logements considérés ne sont pas comme leurs condisciples mieux nés des contributions maté- ces a constitué autant d’opportunités immobilières pour de
Attirés par le prestige de quartiers habités et fréquen- choisis, les familles étant placées devant l’alternative de l’ac- rielles (informatique) ou symboliques (conférences des pa- jeunes artistes qui s’y installèrent pour y vivre et pour y tra-
tés par l’élite sociale, les sièges sociaux s’installent en fonc- ceptation ou du refus de la proposition qui leur est faite. rents sur les carrières et les filières) qui pourront constituer vailler. Leur présence est encore sensible aujourd'hui. En

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1999 les journées portes ouvertes organisées par deux asso- rantes : celles donnant la répartition des chefs d’entreprise Toutefois l’exclusion des catégories sociales les plus offrant sous certains rapports de bien meilleures conditions
ciations, Le Génie de la Bastille et Artistes à la Bastille, et cadres et professions libérales, et des employés et ou- modestes, si elle devait se poursuivre, mettrait à mal cette de vie, elles confortent aussi, de manière symbolique, les
donnaient les adresses de 120 ateliers attendant amateurs vriers, se superposent parfaitement à celle de la structure mixité réalisée à l’échelle de la ville. Ce serait une manière processus d’exclusion sociale en les éloignant du cœur de
et collectionneurs. de l’habitat. Les quartiers où dominent les employés et ou- de conforter les rapports de pouvoir et de domination de la l’agglomération. Etre relogé en banlieue, pour qui habitait
Toutefois le succès du quartier, devenu un lieu impor- vriers sont ceux où l’on trouve plus de 50 % de logements société globale. Il serait somme toute sociologiquement Paris, c’est aussi être déclaré inapte à vivre dans l’espace de
tant de la vie nocturne, les effets de la politique de rééquili- HLM 8. Résultat sans doute attendu, mais dont les consé- fondé que les pauvres soient exclus, aussi, des lieux urbains la capitale.
brage de Paris vers l’Est, avec la construction de l’Opéra, ont quences sont claires : le maintien d’une population modeste où se concentrent toutes les formes de richesses. La ville Toute inégalité contribue à la structuration en classes
modifié la composition sociale de la population résidante et à Paris dépend de l’existence d’un parc de logements so- n’est pas seulement un reflet de la société, elle participe à de la société et aux processus de reproduction. Il en va ainsi
celle des activités. Entre 1982 et 1999, alors que la popula- ciaux. Sans lui le marché aurait déjà eu raison des familles l’existence des rapport sociaux et elle contribue, dans ses de la ville qui, à travers la place occupée dans l’espace ur-
tion active du quartier Sainte-Marguerite (entre la rue de ouvrières et d’employés, voire de cadres moyens. Ainsi, dans formes et dans la distribution des groupes en son sein, à fon- bain, participe à l’intériorisation des places occupées dans
Charonne et la rue du Faubourg-Saint-Antoine) augmentait le 63e quartier (16e arrondissement, Porte Dauphine), en- der les inégalités et les dominations. la société. Les rapports de pouvoir se confortent aussi par
de 5 %, celle des cadres supérieurs a plus que doublé tre 1982 et 1999 les catégories supérieures passent de 44 % Certes l’intervention publique sur les conditions de les assignations à résidence auxquels ils conduisent. Seule,
(+111 %) tandis que celle des ouvriers diminuait de moitié à 55 % de la population active. Dans le 75e quartier (19e ar- logement pourrait avoir plus facilement pour cadre les com- à défaut de changer radicalement un système social généra-
( 52 %). Après quelques décennies de gentrification, ce quar- rondissement, Amérique, à l’est des Buttes Chaumont) ces munes limitrophes de Paris, où les terrains nécessaires sont teur d’inégalités, une politique volontariste du logement so-
tier, qui fut l’un des plus populaires de Paris, chanté par mêmes catégories passent de 21 % à 29 %. Dans la même pé- moins rares, et moins chers. À condition, bien entendu, cial pourrait peut-être éviter ce grignotement continu du
Bruant, compte plus de 7 000 cadres supérieurs pour moins riode, les employés et ouvriers passent de 42 % à 29 % dans qu’un accord soit trouvé avec ces communes. Des solutions Paris populaire et sauver la capitale de l’appétit des ron-
de 2 000 ouvriers. Le quartier prolétarien devient branché et le 63e quartier et de 58 % à 45 % dans le 75e. L’érosion po- en ce sens ont déjà été expérimentées. Mais si elles font ac- geurs. Mais est-il possible de s’opposer ainsi, durablement,
Jean-Paul Gaultier peut y installer son siège social et ses pulaire touche aussi l’est, et les quartiers où les logements céder des familles modestes à un habitat plus confortable et aux forces profondes qui travaillent la ville ?
ateliers, Jean-Michel Wilmotte y implanter ses bureaux et sociaux sont nombreux, mais on voit qu’à l’ouest l’embour-
des salons d’exposition. geoisement, cette fois le terme n’est pas excessif, se poursuit Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot,
Dans le 8e arrondissement l’arrivée des bureaux et malgré les taux déjà atteints. Le maintien de familles popu- sociologues,
des industries du luxe a provoqué l’exode des familles bour- laires passe bien par le logement social et donc par l’inter- directeurs de recherche au CNRS
geoises. Dans le faubourg Saint-Antoine le départ des ate- vention publique. (CSU-IRESCO)
liers d’ébénisterie et de petite métallurgie a provoqué
l’exode des ouvriers qui y travaillaient et y logeaient. Des Recherche de l’entre-soi d’une part, exacerbation des
processus semblables, parfois à peine ébauchés, sont à l’œu- tensions sociales par le rapprochement spatial, d’autre part,
vre vers Ménilmontant, à Belleville, et même dans le quar- est-ce à dire que la mixité ne saurait être autre chose qu’une
tier de la Goutte-d'Or : l’arrivée d’activités nouvelles en- vue de l’esprit, propre à donner bonne conscience aux mili-
traîne un renouvellement « par le haut », de la population tants, aux élus et aux hauts fonctionnaires en nourrissant
active au lieu de travail et des familles résidantes. La mixité leurs discours ? L’exemple de Paris souligne l’importance de
sociale semble toujours comporter le risque de conduire à l’échelle à laquelle aborder la question de la mixité sociale :
l’éviction des plus faibles, de ceux dont la modestie des res- est-ce la cage d’escalier, l’immeuble, la rue, le quartier, voire
sources ne leur permet pas d’affronter avec succès les dures la ville elle-même ?
lois du marché immobilier. Paris est une mosaïque de groupe sociaux, d’âges, de
langues, d’origines géographiques et ethniques. Ses quar-
UNE QUESTION La loi de l’offre et de la tiers communautaires permettent aux promeneurs de faire
D’ÉCHELLE. demande du marché im- le tour du monde. Le 13e arrondissement abrite l’Asie,
mobilier conduit aux Barbès évoque le Maghreb, Château-Rouge emmène en
processus d’agrégation et de ségrégation : les riches habi- Afrique Noire. Un patchwork d’activités aussi : la rive droite,
tent à côté des riches et les pauvres à côté des pauvres. Les deux tiers de la superficie totale, symbolise les affaires avec 1. Données du recensement de 1999, Insee, mises en forme et terme impropre d’embourgeoisement, les artistes et les ensei-
logements sociaux modèrent les effets discriminateurs du la présence majestueuse de la bourse, la rive gauche, avec le à notre disposition par l’Apur, de même que les autres résul- gnants qui viennent peupler les anciens quartiers ouvriers
marché et constituent un élément favorable au maintien de tiers restant de l’espace parisien, tient solidement la culture tats des recensements utilisés ci-après. n’étant pas des grands bourgeois.
2. Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Dans les beaux 6. D’après la Direction régionale de l’équipement d’Ile-de-
la diversité sociale dans Paris intra-muros. Mais le poids dans son fief de la Sorbonne. Mais la spécialisation des quar- quartiers, Paris, Seuil, « L’épreuve des faits », 1989. France (Dreif), les logements locatifs sociaux représentaient,
des logements aidés est très variable selon les arrondisse- tiers reste forte et se renouvelle : la joaillerie est toujours 3. Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Quartiers bour- au 1er janvier 1998, 37 % du parc immobilier dans le 20e arron-
ments. La carte de leur répartition dessine un croissant par- place Vendôme tandis que l’informatique conquiert l’avenue geois, quartiers d’affaires, Paris, Payot, « Documents », 1992. dissement et seulement 6,4 % dans le 16e, qui est pourtant
4. Michel Pinçon, Cohabiter. Groupes sociaux et modes de vie aussi un arrondissement périphérique. La moyenne se situait
fait, ouvert vers l’ouest où ils sont absents, et confortable- Daumesnil. Aucun de ces quartiers n’est un ghetto. Paris as- dans une cité HLM, Paris, Plan Construction, « Recherches », à 18,2 % pour l’ensemble de Paris (Enquête parc locatif social
ment rebondi dans les arrondissements de l’est 7. Si on peut sure un réseau de relations intenses entre eux, d’échanges 1982. Sur ce thème, voir aussi : Jean-Claude Chamboredon et [PLS] au 01-01-98, Dreif, Ile-de-France, 1999).
se poser la question du bien-fondé de l’implantation de lo- croisés, incessants. Le métro est l’un des vecteurs principaux Madeleine Lemaire, « Proximité spatiale et distance sociale », 7. Atelier parisien d’urbanisme, Paris 2001. Analyse écono-
Revue française de sociologie, XI (1), janvier-mars 1970. mique, sociale et urbaine. Bilan analytique, Paris, Apur, octob-
gements sociaux dans les quartiers très résidentiels, il reste de cette communication entre les Parisiens. La ville est suf-
5. Michel Pinçon, les HLM : structure sociale de la population re 2001, p. 17 et 22.
que le parc aidé est essentiel au maintien d’une diversité so- fisamment dense pour pouvoir être parcourue à pied, l’abon- logée, Paris, Centre de sociologie urbaine, deux volumes, 1976. 8. Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Paris mosaïque,
ciale dans Paris. Les cartes établies par l’Apur sont éclai- dance des foules sur les trottoirs en témoigne. L’emploi de cet anglicisme n’a pas d’autre but que d’éviter le Paris, Calmann-Lévy, 2001.

P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L P O R T R A I T S O C I A L E T R É S I D E N T I E L
116 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 117
ÉQUIPEMENTS
ET
VIE QUOTIDIENNE

La perception que l’on peut avoir du niveau d’équipe-


ment parisien est paradoxale. Il y a tout d’abord ces grands
équipements qui concernent la fonction capitale de Paris et

Photos : Jérôme Saint-Loubert Bié.


qui ne s’adressent pas tant aux Parisiens qu’à la France ou au
reste du Monde. Mais, devant cet arrière plan, il y a tous ceux
qui ont rapport à la vie quotidienne. Au regard de la popula-
tion parisienne, ils sont nombreux si on les compare à ceux
d’Ile-de-France. En revanche, leur répartition dans Paris n’est
pas toujours satisfaisante. Pour quelle population sont-ils
prévus ? Répondent-ils aux attentes et aux usages ? Sont-ils
en prise avec les besoins des populations les plus nécessiteu-
ses ? Quels critères retenir pour en estimer la nécessité ?
LA VIE QUOTIDIENNE
ET SON ENVIRONNEMENT

X X X X X X X

La presse se fait régulièrement l’écho de certaines LA P E R S I S TA N C E Paris est d’abord touché


difficultés à vivre au quotidien à Paris et pose même par- D E S I T U AT I O N S par la persistance de si-
fois la question de savoir s’il ne faut pas désormais quit- TRÈS PRÉCAIRES tuations très précaires
ter la capitale. En réalité, comme les analyses l’ont mon- chez des catégories telles
tré, Paris reste aujourd’hui une ville attrayante. Les que les jeunes, les femmes seules avec enfant(s), les person-
enquêtes d’opinion conduites à ce sujet mettent en évi- nes âgées, même si ces situations ne sont pas spécifiques à
dence que la vitalité de la capitale, la richesse de ses équi- la capitale et si, dans certains cas, des améliorations se font
pements, la qualité du paysage de très nombreux quar- jour. Environ 3 400 personnes, des femmes pour la très
tiers, la présence de la Seine et d’autres espaces publics grande majorité, font ainsi vivre leur famille avec l’« alloca-
majeurs, la diversité même de sa population en font un tion de parent isolé », revenu minimum attribué par
lieu que les habitants apprécient. Cela dit, les dernières la Caisse d’allocations familiales.
données attestent un changement de comportement très Si les franges les plus vulnérables de la population
sensible, notamment de la part des jeunes actifs et des sont concernées par la pauvreté, les difficultés sont en
personnes âgées. Plusieurs indicateurs tendent aussi à réalité plus profondes. Le chiffre des RMIstes n’a pas
montrer que, si Paris devient de plus en plus une ville connu de reflux significatif ces dernières années ; plus de
agréable à visiter, elle est peut-être, dans certains quar- 20 000 Parisiens, chômeurs de longue durée, sont sortis
tiers, une ville de moins en moins facile à vivre au quoti- du système assurantiel « normal » d’indemnisation du
dien. Les réactions des habitants sont également nom- chômage et sont soutenus directement par l’État, avec un
breuses sur des sujets sensibles comme le bruit, faible espoir de réinsertion sociale. Ces populations sont
la pollution, la densification des constructions, la qualité surtout des hommes de 35 à 50 ans. Cette particularité
de desserte en équipements et la sécurité. est liée à la surreprésentation des populations étrangères
Paris, en effet, n’est pas exempt des difficultés socia- parmi les chômeurs et les allocataires du RMI, de l’ordre
les qui caractérisent aujourd’hui les grandes concentra- de 30 %. De fait, les quartiers qui cumulent les situations
tions urbaines, attirant une population fragile, connais- de pauvreté recouvrent des territoires où la présence de
sant des problèmes d’emploi et de formation, d’accès aux populations étrangères est particulièrement (cf. carte

Photo : Apur.
droits, d’exclusion et de discrimination. Ces phénomènes taux de chômage) l’expression d’une des caractéristiques
ont une ampleur à la dimension de la capitale : près de fortes de Paris, celle de la diversité des cultures – de la
100 000 demandeurs d’emploi et plus de 45 000 RMIstes en porte d’Ivry à la Goutte-d’Or en passant par le Sentier et
juin 2002, et 30 % des établissements scolaires classés en le quartier de Belleville ; les populations étrangères sont Jour de semaine,
« réseau d’éducation prioritaire ». Des questions de santé, aussi parmi celles qui cumulent le plus les difficultés. rue de Rennes,
comme le saturnisme, touchent des populations vivant Paris demeure marqué, enfin, par l’exclusion la plus
dans des immeubles insalubres. Des formes de délin- extrême, celle des personnes qui vivent à la rue. Une en-
quance et des trafics de toute nature se développent dans quête de l’Institut national d’études démographiques
certains quartiers. Au total, le contrat de ville 2000-2006 a (Ined), de 1995, avait estimé que leur effectif était de
évalué la population exclue, marginalisée ou en grande dif- l’ordre de 8 000 personnes. Cette population inclut les per-
ficulté sociale à 200 000 personnes, soit 10 % de la popula- sonnes régulièrement présentes sur le territoire parisien,
tion parisienne, essentiellement concentrées dans les ar- mais aussi des personnes récemment arrivées, restées
rondissements du Nord et de l’Est. Ce constat appelle proches des gares et en quête d’un avenir incertain dans
plusieurs commentaires. la capitale.

É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E
120 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 121
QUARTIERS Afin de recomposer les ville », au-delà de son rôle de soutien face aux problèmes so- de développement économique et de désenclavement. linéaire et continue, et s’appuient sur des itinéraires com-
SENSIBLES ET équilibres sociaux et de ciaux, veut désormais avoir une ambition plus large de ré- Le contrat de ville pour la période 2000-2006 s’intéresse éga- merciaux issus des anciennes voies d’accès à Paris, comme
“POLITIQUE revaloriser les quartiers paration du tissu en favorisant un véritable développement lement à des territoires recensés comme des microquartiers la rue de Vaugirard ou la rue du Faubourg-du-Temple.
DE LA VILLE” de la capitale touchés économique, social et urbain. et à des lieux d’errance qui se trouvent en situation de « dé- Enfin, à l’échelle plus fine, de très nombreux centres de
par la dégradation et la crochage » par rapport à leur environnement immédiat du quartiers, de dimensions modestes, offrent les services les
ségrégation, de multiples domaines d’intervention ont été DES ACTIONS La Ville de Paris et les fait du développement de la délinquance, de la toxicomanie plus quotidiens aux habitants. Issus d’anciens lotissements,
fixés dans la démarche de la « politique de la ville » engagée DÉJÀ ENGAGÉES bailleurs sociaux s’enga- ou de phénomènes de rassemblement de bandes. C’est le cas de centres d’anciens villages ou de la conjonction de plu-
conjointement par l’État et la Ville de Paris pour la période gent aujourd’hui dans notamment de petites cités situées majoritairement au nord sieurs équipements (mairie d’arrondissement, église, crèche
2000-2006 : le développement économique, l’emploi et la for- des actions nouvelles sur la transformation du cadre bâti et et à l’est de la capitale et d’espaces publics comme la place et école, jardin et square…), ces centres sont le plus souvent
mation ; la prévention sociale et la santé ; la prévention de la le désenclavement de ces quartiers, dans le cadre d’une des Abbesses (18e arrondissement), la place des Fêtes (19e) et proches, mais un peu à l’écart, des itinéraires précédents,
délinquance, la justice et la sécurité ; la qualité de la vie meilleure gestion de proximité. les abords des gares du Nord et de l’Est (10e). enrichissant encore les parcours possibles dans la ville.
urbaine et le logement ; l’éducation, la culture, les loisirs et Ce sont essentiellement ces deux dernières catégories
les sports. Les secteurs qui font partie de la géographie DANS LES QUARTIERS ANCIENS. L’éradication de l’habitat LE POIDS La notion de proximité, qui relèvent des centralités locales. Veiller à leur préserva-
prioritaire de la « politique de la ville » présentent tous des insalubre, dans lequel sont logées de façon indigne les po- DES “CENTRES malgré sa simplicité ap- tion et à leur développement sera un exercice à la fois né-
problèmes sociaux et un cadre de vie difficile, mais sont pulations les moins intégrées, doit sans aucun doute être DE PROXIMITÉ” parente, est difficile à cessaire et complexe. Dans l’esprit, il convient donc d’amé-
divers dans leur sociologie et leur urbanisme. une autre priorité. La lutte contre l’insalubrité repose sur cerner par des concepts liorer les équipements de quartier, de soutenir l’activité et la
un partenariat étroit entre les services de l’État et la muni- précis. Elle s’appuie couramment sur l’idée de quartier. Or, diversité commerciales locales, mais aussi de porter une at-
LES QUARTIERS DES FAUBOURGS. Il s’agit essentiellement cipalité. Elle conduit, en cas de défaillance du propriétaire, si le quartier constitue effectivement une définition com- tention particulière aux espaces publics qui les relient.
des quartiers des faubourgs Saint-Denis et Saint-Martin à l’expropriation du bien, au relogement de ses occupants mode pour la gestion administrative ou le langage courant, Et, bien que le recensement des équipements réalisés ces
(10e arrondissement), de la Fontaine-au-Roi (11e), de la dans le parc social et à l’engagement des opérations de voire pour faire vivre l’imaginaire au quotidien, il ne re- dernières années montre que beaucoup a été fait, à l’avenir,
Goutte-d’Or (18e) ou encore de Belleville (20e), qui ont une réhabilitation ou de démolition-reconstruction nécessaires. couvre qu’imparfaitement la réalité vécue par les habi- même dans une hypothèse de stabilisation globale de la
situation géographique privilégiée au cœur de la cité mais Ainsi, à titre d’exemple, les opérations Château-Rouge et tants au jour le jour et, surtout, il paraît peu propice à la population, des besoins resteront importants compte tenu
accueillent, dans un bâti ancien souvent vétuste, des popu- Émile-Duployé ont pour objectif de résorber l’habitat insa- mise en place de procédures d’aménagement concrètes et de manques persistants dans de nombreux domaines, d’exi-
lations qui connaissent des difficultés d’intégration et cu- lubre du quartier de la Goutte-d’Or, dans le 18e arrondisse- cohérentes (voir à ce sujet « Le quartier et ses limites », gences nouvelles des habitants, des évolutions géogra-
mulent les problèmes sociaux. Ces quartiers ont perdu leur ment. Outre ces actions, d’autres s’imposent dans le village in Paris Projet, n° 32-33). phiques et d’un souci de recherche d’une meilleure adéqua-
rôle d’intégrateurs des nouveaux arrivants et apparaissent de La Chapelle (18e arrondissement) ou encore dans le fau- Si l’on reprend l’analyse très sensible de Julien Gracq tion entre l’offre et la demande. Une remise à niveau des
davantage aujourd’hui comme des quartiers de relégation. bourg du Temple (11e). (la Forme d’une ville, Paris, José Corti, 1985), il semble plus services et équipements de proximité municipaux, parfois
opératoire de s’appuyer sur la notion de centralité, comme y anciens, devra aussi être menée. Dans cette perspective,
LES ANCIENS ILOTS INSALUBRES. Recensés au début du DANS LES QUARTIERS HÉRITÉS DES GRANDS ENSEMBLES DES incite la loi SRU. En effet, chaque habitant, chaque usager a une identification des besoins s’impose.
XXe siècle, ces îlots ont fait, dès le début des années 1960, ANNÉES 1930 À 1975. Des projets d’aménagement, de res- sa propre définition des limites du quartier dans lequel il
l’objet d’opérations d’urbanisme radicales qui ont effacé le tructuration et, le cas échéant, de démolition-reconstruction habite, ce qui rend la définition d’un périmètre commun L’ E N FA N C E ACCROITRE ET DIVERSIFIER
tissu ancien et sa mixité pour accueillir de nombreux loge- ont d’ores et déjà été réalisés, comme dans les cités Charles- particulièrement difficile. Par ailleurs, cette notion de quar- L’OFFRE D’ACCUEIL POUR LA
ments sociaux. Du fait de leur caractère monofonctionnel, Hermitte ou Porte-de-Montmartre (18e arrondissement). tier renvoie à des conceptions différentes suivant le type de PETITE ENFANCE. La population parisienne se caractérise par
mais aussi de leur conception, de larges secteurs de Paris, Une autre démarche a consisté à « casser » le caractère préoccupations auxquelles on s’intéresse. En revanche, cha- une sous-représentation des familles. Celles-ci tendent, en
comme la dalle des Olympiades (13e arrondissement) ou une monolithique de ces ensembles, en démolissant certains im- cun est capable de reconnaître et de savoir quel est le centre effet, à quitter la capitale dès que le nombre et l’âge des en-
partie de la ZAC des Amandiers (20e), présentent aujourd’- meubles, et à les ouvrir sur la ville grâce à de nouveaux vers lequel il doit effectuer ses démarches les plus habituel- fants s’accroissent. A contrario, les familles monoparentales
hui des difficultés sociales et urbaines importantes en dépit espaces publics les reliant aux quartiers riverains. Une rue les et dans lequel il a ses repères. sont surreprésentées et connaissent fréquemment des diffi-
de leur bonne localisation dans la ville. a ainsi été créée dans l’ensemble du 140, rue de Cette centralité multiple peut être perçue dans Paris cultés socio-économiques. Le maintien de la diversité de la
Ménilmontant et des reconstructions ont été menées cité à trois échelles. La première est globale, à l’échelle de l’ag- structure de la population et de son dynamisme implique
DES SECTEURS EN PÉRIPHÉRIE. De vastes secteurs iso- Fougères, dans le 20e arrondissement. Ces actions doivent glomération, voire de la région tout entière au niveau de donc la poursuite et le développement de politiques en fa-
lés du reste de la ville, formés des HBM des années 1930 être poursuivies pour requalifier ces territoires et recréer la Paris capitale. La carte jointe montre qu’elle s’organise veur de la programmation et de l’amélioration d’équipe-
jusqu’aux grands ensembles des années 1960, subissent mixité urbaine et les équilibres sociaux indispensables. autour de quelques grands pôles sur la rive gauche et prin- ments pour l’accueil des très jeunes enfants.
souvent les nuisances des grandes infrastructures. De nouvelles interventions sont engagées dans cet esprit cipalement, sur la rive droite, autour de grands linéaires Fin 2001, ces capacités d’accueil pour les enfants de
Comme ils sont parfois mal desservis par les transports en sur l’îlot Villiot-Rapée, près de la gare de Lyon, dans le 12e commerciaux et des principaux monuments. L’action sur ces moins de 3 ans étaient de 20 180 places en crèches, 1 960 en
commun, leur tissu urbain et leurs caractéristiques socia- arrondissement, ou sont sur le point de l’être à grande sites relève des grands projets d’équipements municipaux. haltes-garderies et 120 en jardins maternels. Mais, simulta-
les engendrent des problématiques souvent semblables échelle, cité Michelet, dans le 19e arrondissement. Viennent ensuite les centres à l’échelle de Paris même, qui nément, près de 10 000 enfants restaient en liste d’attente,
aux cités de banlieue. La localisation périphérique d’une grande partie de rayonnent sur plusieurs quartiers, jusqu’à des arrondisse- avec une répartition de la demande très inégale sur le plan
La situation de ces quartiers sensibles, bénéficiant ces ensembles a été l’occasion de les intégrer dans un projet ments entiers. Ces lieux intermédiaires sont plutôt répartis territorial. Cette demande était essentiellement concentrée
pourtant pour certains de plus de dix ans d’actions concer- global plus ambitieux, le Grand Projet de renouvellement sur le territoire de Paris et certains sont inclus dans les cen- dans les arrondissements du nord et de l’est de la capitale
tées dans le cadre de procédures anciennes, ne s’est pas urbain (Gpru) de la couronne, susceptible d’apporter des ré- tralités globales qui viennent d’être évoquées. Ils possèdent, ainsi que dans le 13e. Ces carences sont désormais mesurées
significativement améliorée. La nouvelle « politique de la ponses nouvelles et plus fortes en matière d’équipements, pour la plupart, la caractéristique d’être organisés de façon et mises en évidence par un nouvel indicateur : le taux de ser-

É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E
122 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 123
Commerces et centralités
à Paris et périphérie

Centralité

mixte locale globale

Équipement

local global

Commerces
sur rue
Hypermarchés,
magasins populaires
ou supermarchés.
Galeries commerciales
ou centres commerciaux

Difficultés de franchissement
des voies
des places
limites infranchissables
axes bruyants
et/ou polluants

Lieux fermés
Extrait de l’étude Paris et ses quartiers, documentant le diagnostic du PADD, doc. Apur.

grandes parcelles
commerces
grandes emprises
formant enclaves
secteurs à vocation
particulière

É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E
124 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 125
Renforcer les centralités
et promouvoir la vie locale
Favoriser le maintien
de la vie des quartiers
en agissant
sur les centralités locales
restaurer
la diversité commerciale

réduire le déficit
de l'armature commerciale

conforter et préserver
les centralités d'échelle locale

maintenir ou développer
les centralités
autour des marchés forains

créer ou étendre des centralités

Valoriser ou créer certains pôles


de centralités globales

renforcer et aménager
les pôles des gares

concilier les émetteurs


de centralités "globales"
avec la vie locale

maintenir l'armature commerciale


d'échelle globale

développer des centralités


sur les zones de projet

promouvoir les liaisons commerciales


avec les communes limitrophes

créer ou développer des centralités


sur les boulevards extérieurs
Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur

É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E
126 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 127
vice. Il s’agit du rapport entre l’ensemble de l’offre des diffé- dans plusieurs arrondissements (8e, 9e, 10e, 12e, 16e et 17e)
rents modes d’accueil et le nombre total d’enfants de moins qui ont connu un renouvellement de leur population, et de
de 3 ans. Début 2001, le taux de service moyen, ainsi calculé, sa structure par âge, entraînant une augmentation des en- COLOMBES ASNIERES-SUR-SEINE
BOIS-COLOMBES
DRANCY

était de 66,08 % pour Paris. L’objectif de la municipalité est fants à scolariser. Par ailleurs, une amélioration qualitative A GARENNE
COLOMBES
SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS BOBIGNY ÉQUIPEMENTS SCOLAIRES PUBLICS
de porter ce taux à près de 79 % en 2007, en accroissant des établissements est également souhaitable. Des exten- CLICHY
ÉCOLES MATERNELLES
l’offre de 4 500 places, avec un souci prioritaire, celui de ré- sions, des restructurations ou encore des mises aux normes COURBEVOIE
LEVALLOIS-PERRET
PANTIN
NOISY-LE-SEC
duire les disparités entre les arrondissements. de services de restauration s’avèrent indispensables.
Pour ce faire, diverses actions sont engagées : la ré- De nombreux établissements comptent toujours des bâti- UTEAUX NEUILLY-SUR-SEINE LE PRE-SAINT-GERVAIS
Nombre d'élèves par classe
ROMAINVILLE
servation et l’acquisition de terrains, l’achat de locaux en ments préfabriqués, mis en place pour répondre dans LES LILAS
inférieur ou égal à 25
de 25 à 28
pied d’immeuble, la recherche de possibilités de créer des l’urgence à des besoins souvent difficiles à programmer. La BAGNOLET supérieur ou égal à 28
équipements en appartements ou encore des partenariats suppression de ces constructions s’inscrit dans cet objectif
avec l’AP-HP et des entreprises. Outre ces créations, une d’amélioration qualitative des établissements. MONTREUIL
Nombre d'enfants de 3 à 10 ans issus de familles
adaptation des horaires d’ouverture de certains équipe- Pour le second degré, le constat montre que les éta- en difficulté sociale(*), à l'hectare

ments devrait être examinée afin de répondre à la multipli- blissements comportant des effectifs très importants posent FONTENAY-SOUS-BOIS supérieur à 25
VINCENNES de 10 à 25
cation des contraintes professionnelles des parents. Par souvent des problèmes, en particulier dans les secteurs sen- SAINT-MANDE de 0 à 10

ailleurs, les capacités d’accueil des jeunes enfants handica- sibles. L’objectif consiste à créer plusieurs équipements afin égal à zéro

pés, aujourd’hui très limitées (138 places), devraient être de permettre un accueil de proximité là où les effectifs sont E-BILLANCOURT
(*) ménages dont la personne de référence est au chômage
de longue durée ou a un emploi précaire,

accrues. Pour être complètes, ces actions doivent être conju- en progression, ou pour chercher à limiter le nombre d’élè- ou est non active, de moins de 60 ans,
+ familles monoparentales,
+ familles peu qualifiées (dont la personne de référence
guées avec des mesures en faveur de la protection de l’en- ves à 600 par établissement. Pour satisfaire ces besoins, VANVES CHARENTON-LE-PONT
est un ouvrier ou un employé ou sans diplôme).

ISSY-LES-MOULINEAUX Sources :
fance en danger et de structures de soutien du rôle éducatif la réalisation de six collèges a été estimée nécessaire, dont SAINT-MAURICE Équipements (Ville de Paris, Apur)
Recensement de la population en 1999 à l'Iris (Insee)
MALAKOFF MONTROUGE GENTILLY Fonds de plans (Apur)
des parents (création d’un centre d’accueil d’urgence deux ont déjà été ouverts, respectivement dans le 13e et MEUDON CLAMART IVRY-SUR-SEINE MAISONS-ALFORT
CHATILLON BAGNEUX ARCUEIL LE KREMLIN-BICETRE ALFORTVILLE
de l’Aide sociale à l’enfance, de nouveaux centres sociaux le 18e arrondissement.
dans les quartiers « politique de la ville », de lieux associa-
tifs d’accueil et d’écoute parents-enfants, de nouveaux cent- LES PERSONNES Dans la capitale, au der-
res de protection maternelle et infantile)… Cette politique ÂGÉES nier recensement, en
de création d’équipements doit également être accompagnée 1989, l’Insee dénombrait
d’une réflexion plus globale sur la place de l’enfant et de 420 000 personnes de 60 ans et plus, soit à peu près un
la famille dans la ville. Les aménagements devront intégrer Parisien sur cinq. Au cours des dix dernières années,
la création d’espaces destinés aux jeux des plus petits, les 60-69 ans, qui représentent à présent 170000 personnes,
le souci de faciliter et de sécuriser les déplacements des pa- ont en proportion sensiblement augmenté. Mais ce sont sur- OLOMBES ASNIERES-SUR-SEINE DRANCY
rents avec les landaus et poussettes… tout les plus de 80 ans qui, avec l’accroissement continu GARENNE
BOIS-COLOMBES

de l’espérance de vie, ont connu la plus forte progression au OLOMBES


CLICHY
SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS BOBIGNY ÉQUIPEMENTS SCOLAIRES PUBLICS
L’ÂGE SCOLAIRE : DES BESOINS PERSISTANTS. Même si cours de ces dernières années. Ainsi, actuellement, à Paris, COURBEVOIE
ÉCOLES ÉLÉMENTAIRES
PANTIN
la population de Paris reste stable ou diminue légèrement, cette catégorie d’âge, qui totalise plus de 100000 personnes, LEVALLOIS-PERRET NOISY-LE-SEC

sa structure, l’évolution de sa répartition géographique et est davantage représentée que dans le reste de la France LE PRE-SAINT-GERVAIS
TEAUX NEUILLY-SUR-SEINE
Nombre d'élèves par classe
les exigences nouvelles en matière de pédagogie impliquent et de la région Ile-de-France. Ce phénomène s’accentue LES LILAS
ROMAINVILLE
inférieur ou égal à 25
la création d’équipements. Compte tenu des analyses d’ailleurs au fur et à mesure que l’âge augmente. Enfin, parmi de 25 à 28

actuelles, plusieurs mesures, dont certaines sont d’ores et cette population, les femmes sont largement majoritaires. BAGNOLET supérieur ou égal à 28

déjà annoncées, paraissent s’imposer. Aujourd’hui, l’offre d’hébergement pour les person-
MONTREUIL
Sur le plan scolaire, au niveau de la maternelle et du nes âgées parisiennes est de 12 620 places dans Paris même Nombre d'enfants de 3 à 10 ans issus de familles
en difficulté sociale(*), à l'hectare
cours élémentaire, les besoins concernent tout d’abord une et de 5 500 dans des structures extérieures à la capitale. FONTENAY-SOUS-BOIS supérieur à 25
amélioration des conditions d’accueil qui tienne compte des Pour les personnes devenues dépendantes, l’offre est de VINCENNES de 10 à 25
SAINT-MANDE de 0 à 10
exigences de la pédagogie. Il s’agit de disposer de salles 5 940 places pour les vingt arrondissements et 2 800 places égal à zéro
réservées pour les bibliothèques, les centres de documenta- sont occupées par des Parisiens dans des établissements lo-
(*) ménages dont la personne de référence est au chômage
tion, les activités, mais également d’accroître l’équipement calisés principalement en Ile-de-France. Enfin, les résiden- -BILLANCOURT de longue durée ou a un emploi précaire,
ou est non active, de moins de 60 ans,
+ familles monoparentales,
informatique des établissements et de développer l’accès à ces services du Centre d’action sociale de la ville de Paris VANVES
+ familles peu qualifiées (dont la personne de référence
est un ouvrier ou un employé ou sans diplôme).
CHARENTON-LE-PONT
Internet. Actuellement, autour de ces différentes préoccu- offrent 1 648 places et les résidences appartements, ISSY-LES-MOULINEAUX
SAINT-MAURICE
Sources :
Équipements (Ville de Paris, Apur)

pations, les besoins nouveaux ont été évalués à 250 « locaux- 4 188 places. Les projections pour les années à venir doivent EUDON CLAMART
MALAKOFF MONTROUGE GENTILLY
IVRY-SUR-SEINE MAISONS-ALFORT
Recensement de la population en 1999 à l'Iris (Insee)
Fonds de plans (Apur)

classes ». Des créations d’équipements seront nécessaires prendre en compte et anticiper le phénomène de l’arrivée, CHATILLON BAGNEUX ARCUEIL LE KREMLIN-BICETRE ALFORTVILLE

dans les opérations d’aménagement en cours pour répondre dans la catégorie des seniors, des tranches d’âge issues du
à l’accueil des enfants des nouveaux habitants, mais aussi baby-boom de l’après-guerre. La ville devrait donc être

É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E
128 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 129
LA GARENNE
confrontée à une demande croissante d’hébergement dans C U LT U R E Paris est un centre cul- COLOMBES
CLICHY
SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS BOBIGNY ÉQUIPEMENTS CULTURELS
des structures spécialisées, notamment en court et long sé- E T C R É AT I O N t urel mondialement COURBEVOIE
BIBLIOTHÈQUES MUNICIPALES
PANTIN (hors spécialisées)
jour, mais aussi à l’aspiration de plus en plus forte de la po- connu, dont l’aura doit LEVALLOIS-PERRET NOISY-LE-SEC

pulation âgée au maintien à domicile. être préservée face à la dynamique de nombreuses autres PUTEAUX NEUILLY-SUR-SEINE LE PRE-SAINT-GERVAIS
Nombre d'emprunteurs Rayon de l'aire d'influence
capitales. Les actions dans le secteur culturel doivent, bien LES LILAS
ROMAINVILLE 600 750 m

LES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES. Actuellement, trop évidemment, concourir au maintien de ce rayonnement – 2 500

BAGNOLET
de Parisiens âgés sont encore accueillis dans des centres avec l’ouverture du musée des Arts premiers, quai Branly, 5 000

situés en dehors de Paris, les éloignant ainsi de leur famille la création d’une salle de concerts et d’une médiathèque à MONTREUIL
10 000

et de leur lieu de vie habituel. Cette situation et la forte de- la Villette, la réouverture du Grand Palais –, mais aussi ré- 21 000

mande d’accueil des Parisiens âgés en perte d’autonomie jus- pondre aux demandes de plus en plus nombreuses et variées FONTENAY-SOUS-BOIS
VINCENNES
tifient la recherche de possibilités pour réaliser de nouveaux des Parisiens, tant dans le domaine de la création que dans SAINT-MANDE
Densité d'habitants à l'hectare

supérieure à 650
équipements, en particulier des établissements d’héberge- celui des pratiques traditionnelles. de 300 à 650

ment durable et médicalisé (Ehpad) bien répartis par rap- NE-BILLANCOURT


de 100 à 300
inférieure ou égale à 100
port aux besoins. Un objectif de création de 300 places an- FAVORISER LA CRÉATION CONTEMPORAINE et l’innovation
nuelles, minimum, a été fixé à l’horizon 2007. L’amélioration dans les différents champs culturels et multiplier les initia- VANVES CHARENTON-LE-PONT Sources :
Équipements (Ville de Paris, Apur)
ISSY-LES-MOULINEAUX
des structures d’accueil existantes s’avère un autre objectif, tives en faveur de la diffusion artistique constitue un objec- MALAKOFF GENTILLY
SAINT-MAURICE Recensement de la population en 1999 (Insee)
Fonds de plans (Apur)
DAC (bureau des bibliothèques)
MONTROUGE
avec une généralisation des chambres à un lit dans les rési- tif pour la capitale. Dans ce domaine, plusieurs projets ou MEUDON CLAMART IVRY-SUR-SEINE MAISONS-ALFORT

dences santé du Centre d’action sociale de la ville de Paris, réalisations sont d’ores et déjà engagés. Un grand équipe- COLOMBES
CLICHY
SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS BOBIGNY ÉQUIPEMENTS CULTURELS
ainsi que l’amélioration des conditions de sécurité, l’aména- ment culturel sera créé dans les très beaux bâtiments du COURBEVOIE
CONSERVATOIRES DE MUSIQUE
PANTIN
gement d’unités de vie protégées et la création d’espaces plus 104, rue d’Aubervilliers, dans le 19e arrondissement. Ainsi, LEVALLOIS-PERRET NOISY-LE-SEC

conviviaux et ouverts sur l’activité associative locale. 26 000 mètres carrés seront offerts aux différentes discipli- UTEAUX NEUILLY-SUR-SEINE LE PRE-SAINT-GERVAIS Nombre d'inscrits
645
nes artistiques : théâtre, musique, danse, arts de la rue et du LES LILAS
ROMAINVILLE
800
LE MAINTIEN À DOMICILE. Le désir de rester à son domi- cirque, arts plastiques. En outre, ces locaux accueilleront 900
BAGNOLET
cile, dans son quartier, sur son lieu de vie, est une demande des résidences temporaires d’artistes, pour faciliter l’élabo- 1 000
de plus en plus forte des personnes âgées et les Parisiens ration du travail de création. D’autres structures comme les MONTREUIL
1 200
n’échappent pas à cette aspiration. Actuellement, trop de lo- ateliers de La Forge, dans le quartier de Belleville, récem-
gements demeurent encore inadaptés à la perte d’autono- ment réaménagés, le projet pour la reconversion de la mai- FONTENAY-SOUS-BOIS
Taux d'inscrits(*) à l'arrondissement
VINCENNES
mie (accessibilité difficile, déplacement en fauteuil roulant son des Métallos, au cœur du 11e arrondissement, le carré SAINT-MANDE supérieur à 20 %

inenvisageable, sanitaires inadaptés, manque d’ascen- Beaudoin, La Bélière, mais aussi le centre musical Fleury de 10 % à 20 %
de 0 % à 10 %
seurs). Les programmes de construction devront prendre en Goutte-d’Or s’adressent plus directement aux pratiques E-BILLANCOURT égal à 0 %

compte l’adaptabilité des logements aux situations de dé- amateurs et au développement d’actions décentralisées, (*) rapport entre le nombre d'inscrits aux conservatoires

pendance. Dans les programmes de requalification d’im- ouvertes sur les quartiers et leurs habitants. VANVES CHARENTON-LE-PONT
et la population de 5 à 17 ans.

Sources :
ISSY-LES-MOULINEAUX
meubles, outre une meilleure adaptation des logements, une De multiples actions dans de nombreux domaines MALAKOFF GENTILLY
SAINT-MAURICE Équipements (Ville de Paris, Apur)
Recensement de la population en 1999 (Insee)
Fonds de plans (Apur)
MONTROUGE
mixité intergénérationnelle devrait être recherchée afin de devraient également concourir à la promotion de la création MEUDON CLAMART IVRY-SUR-SEINE MAISONS-ALFORT

favoriser des interactions entre les différents âges de vie. artistique. Ainsi, les nouvelles techniques devraient bénéfi- COLOMBES
CLICHY
SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS BOBIGNY ÉQUIPEMENTS CULTURELS
Un partenariat entre des bailleurs sociaux et le Centre d’ac- cier du réaménagement du théâtre de la Gaîté-Lyrique, qui COURBEVOIE
CINÉMAS
PANTIN
tion sociale de la ville de Paris pourrait favoriser la mise en deviendra un centre dédié aux musiques actuelles et aux LEVALLOIS-PERRET NOISY-LE-SEC
28
dio
place de cette mixité. arts interactifs. Pour le théâtre et la musique, la réouver- UTEAUX NEUILLY-SUR-SEINE
a
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Cin de la
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LE PRE-SAINT-GERVAIS
Exploitants Nombre de salles
Cinéaste
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Par ailleurs, afin de retarder l’entrée des personnes ture du théâtre des Trois-Baudets, pour la promotion des des
cin
Path
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LES LILAS
ROMAINVILLE Gaumont
1 5 12 19
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gravement atteintes dans des institutions spécialisées, jeunes talents de la chanson française, et la création d’un Ma
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la création de centres de jour et d’unités d’hébergement auditorium de 2 500 places, où pourraient se produire s Lin
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Indépendants
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temporaire, d’appartements thérapeutiques et le développe- l’Orchestre de Paris et les grandes formations sympho- ath
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MONTREUIL
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ment de soins palliatifs à domicile seront nécessaires. niques internationales, sont prévues ou à l’étude. Pour les jes
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Nombre d'enfants de 3 à 10 ans issus de familles
en difficulté sociale(*), à l'hectare
Ma apo e St A sp. S Ma Basti
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Enfin, la multiplication et l’extension du champ de compé- arts plastiques, les rénovations du Petit Palais et du musée Cu
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FONTENAY-SOUS-BOIS supérieur à 25
Arl C bo L c o VINCENNES de 10 à 25
. É IMA
tences des centres Paris-Émeraude (Centres locaux d’infor- Cernuschi sont engagées. Mais dans ce domaine de la créa- xem Q n
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mation et de coordination [Clic]), l’amélioration de l’accessi- tion, la réalisation du tramway des Maréchaux Sud donnera nd
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bilité aux transports en commun, la création de jardins de lieu à une démarche particulièrement innovante. En effet, E-BILLANCOURT
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e (*) ménages dont la personne de référence est au chômage
de longue durée ou a un emploi précaire
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proximité, le développement d’équipements culturels et la composante artistique sera intégrée, sous forme tempo- Mis ou est non active, de moins de 60 ans,
+ familles monoparentales,
+ familles peu qualifiées (dont la personne de référence

sportifs et le maintien du commerce local sont autant de raire ou pérenne, dès la conception même du projet. En ou- VANVES CHARENTON-LE-PONT
est un ouvrier ou un employé ou sans diplôme).
Sources :
ISSY-LES-MOULINEAUX
thèmes d’action de nature à améliorer la vie au quotidien tre, les arts de la rue et du cirque en particulier doivent pou- MALAKOFF GENTILLY
SAINT-MAURICE Équipements (Ville de Paris, Apur)
Recensement de la population en 1999 à l'Iris (Insee)
Fonds de plans (Apur)
MONTROUGE
des personnes âgées et à faciliter leur maintien à domicile. voir trouver leur place dans la ville, en aménageant des MEUDON CLAMART IVRY-SUR-SEINE MAISONS-ALFORT

É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E
130 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 131
LA GARENNE
sites permettant leur accueil et celui des artistes. Enfin, de néma. Après vingt-cinq années de crise liée au développe- -COLOMBES
SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS BOBIGNY
CLICHY ÉQUIPEMENTS SPORTIFS
façon plus générale, des ateliers d’artiste seront créés avec ment de la télévision et de la vidéo, la fréquentation repart PISCINES ET BASSINS ÉCOLES
COURBEVOIE
le souci de répondre à la diversité des besoins exprimés à la hausse (28 millions de spectateurs, soit + 10 % ces der- LEVALLOIS-PERRET
PANTIN
NOISY-LE-SEC

(sculpture, peinture, photographie, musique). nières années). L’engouement pour le cinéma se manifeste LE PRE-SAINT-GERVAIS
Piscines
Rayon de l'aire d'influence

PUTEAUX NEUILLY-SUR-SEINE
essentiellement par le succès de diverses manifestations, LES LILAS
ROMAINVILLE
inférieur ou égal à 400 m2 ............................. 500 m
de 400 m2 à 800 m2 .......................................750 m
RENFORCER L’ARMATURE EN ÉQUIPEMENTS POUR LA LEC- comme les projections en plein air organisées l’été sur les supérieur à 800 m2 ........................................1 000 m

TURE ET LA MUSIQUE . Dans des domaines qui s’adressent à pelouses de la Villette. Dans les années 1960, cependant, BAGNOLET
Bassins écoles
inférieur ou égal à 400 m2 ............................. 500 m
tous les Parisiens, tels que la lecture ou la musique, des re- chaque quartier possédait son cinéma. Aujourd’hui, la capi-
MONTREUIL
tards importants se sont accumulés. Pour la lecture, l’ob- tale est structurée en « quartiers de cinémas » : les Champs- Indicateur de population(*) à l'hectare
supérieur à 500
jectif est d’assurer son développement et de faciliter son ac- Élysées, Montparnasse, les Halles, les Grands Boulevards, FONTENAY-SOUS-BOIS de 350 à 500

cès en complément du développement des médias de le Quartier latin, Italie-Gobelins, la place de Clichy. Les ar- SAINT-MANDE
VINCENNES de 200 à 350
inférieur ou égal à 200
l’image, notamment en direction des jeunes. La ville rondissements périphériques en sont souvent dépourvus : (*) population totale à laquelle sont rajoutés,
pour surpondérer la représentation des catégories
dispose aujourd’hui d’un réseau de bibliothèques municipa- un cinéma dans les 16e, 19e et 20e arrondissements et deux de population "cible":
• les adolescents âgés de 12 à 17 ans, issus de familles
NE-BILLANCOURT
les (cf. carte jointe) comportant 64 établissements dont la dans le 17e. Au regard de l’intérêt réel des Parisiens pour ce en difficulté sociale (ménages dont la personne de référence
est au chômage de longue durée ou a un emploi précaire
ou est non active, de moins de 60 ans),

taille varie de 100 à 3 500 mètres carrés. Les plus impor- loisir, il serait souhaitable de favoriser la réimplantation de VANVES CHARENTON-LE-PONT
• la population de 6 à 17 ans.

ISSY-LES-MOULINEAUX Sources :
tantes sont de véritables médiathèques. Mais pour l’ins- salles dans les quartiers qui en sont dépourvus. Un cinéma SAINT-MAURICE Équipements (Ville de Paris, Apur)
Recensement de la population en 1999 à l'Iris (Insee)
MALAKOFF MONTROUGE GENTILLY Fonds de plans (Apur)
tant, le maillage du territoire parisien n’est pas achevé. est un lieu d’animation fort : il attire du public, il est ouvert MEUDON
LA GARENNE
CLAMART IVRY SUR SEINE MAISONS ALFORT
COLOMBES
Plusieurs projets sont déjà prévus pour compléter ce réseau jusqu’à une heure tardive, il exerce un effet d’entraînement CLICHY
SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS BOBIGNY ÉQUIPEMENTS SPORTIFS
COUVERTS
: une médiathèque, rue d’Alleray, et deux équipements dans économique non négligeable – sur la restauration notam- COURBEVOIE PANTIN
LEVALLOIS-PERRET NOISY-LE-SEC
les quartiers de la Goutte-d’Or et de la Réunion. Il reste ment – et il est susceptible de développer des activités pé-
à prévoir de nouveaux équipements (des bibliothèques de dagogiques avec les écoles de quartier. Au-delà des mesures PUTEAUX NEUILLY-SUR-SEINE LE PRE-SAINT-GERVAIS Rayon de l'aire d'influence
gymnases ......................................................... 500 m
ROMAINVILLE
proximité) pour améliorer la desserte de l’Est, mais aussi de protection ou des modernisations indispensables, il LES LILAS salles de sport ...................................................350 m

du centre où plusieurs bibliothèques demeurent à l’étroit conviendrait d’inventer, dans cette perspective, un nouveau BAGNOLET
dans les mairies d’arrondissements ou encore dans certains concept de « cinéma de quartier » accueillant des activités Indicateur de population(*) à l'hectare

quartiers de l’Ouest. Outre la création de nouveaux équipe- plus variées et susceptibles de financer la partie purement MONTREUIL
supérieur à 500
de 350 à 500
ments, la modernisation progressive de l’outil informatique cinématographique : concerts, soirées, conférences-débats de 200 à 350

et la création d’un site Internet donnant accès au catalogue par exemple. FONTENAY-SOUS-BOIS inférieur ou égal à 200
VINCENNES
des bibliothèques seront mises en place pour garantir un SAINT-MANDE

meilleur service aux usagers. ÉQUIPEMENTS Dans le domaine sportif, (*) population totale à laquelle sont rajoutés,
pour surpondérer la représentation des catégories
de population "cible":

Pour la musique, les équipements municipaux comp- SPORTIFS le but est de permettre à NE-BILLANCOURT
• les adolescents âgés de 12 à 17 ans, issus de familles
en difficulté sociale (ménages dont la personne de référence
est au chômage de longue durée ou a un emploi précaire
tent aujourd’hui dix-huit conservatoires (cf. carte jointe), un chacun de pratiquer la ou est non active, de moins de 60 ans),
• la population de 6 à 17 ans.
VANVES CHARENTON-LE-PONT
par arrondissement sauf pour les quatre premiers arrondis- discipline ou l’activité de loisir de son choix, quels que soient ISSY-LES-MOULINEAUX
Sources :
Équipements (Ville de Paris, Apur)
SAINT-MAURICE Recensement de la population en 1999 à l'Iris (Insee)
sements qui sont desservis par une seule structure – le son niveau, son âge et ses revenus, et de participer ainsi à MEUDON CLAMART
MALAKOFF MONTROUGE GENTILLY
IVRY SUR SEINE MAISONS ALFORT
Fonds de plans (Apur)

conservatoire Wolfgang-Amadeus Mozart, situé dans le l’épanouissement des individus et au renforcement du lien LA GARENNE
-COLOMBES ÉQUIPEMENTS SPORTIFS
SAINT-OUEN SAINT-DENIS AUBERVILLIERS BOBIGNY
Forum des Halles. Pour l’année 2000-2001, les inscrits dans social. Pour assurer ces objectifs, un effort majeur est à en- CLICHY
DE PLEIN AIR
ces structures étaient au nombre de 17 560. Rapporté aux treprendre, en premier lieu pour rénover et améliorer le pa- COURBEVOIE
LEVALLOIS-PERRET
PANTIN
NOISY-LE-SEC
tranches d’âge les plus directement concernées, les jeunes de trimoine sportif existant. À cette occasion, la conception de
5 à 18 ans, ce chiffre montrait que seuls un peu plus de 7 % l’accueil aux équipements doit être revue, avec des espaces PUTEAUX NEUILLY-SUR-SEINE LE PRE-SAINT-GERVAIS Rayon de l'aire d'influence
stades .............................................................1000 m
ROMAINVILLE
de la population cible fréquentaient un conservatoire, avec plus vastes, plus chaleureux et mieux éclairés. De même, LES LILAS
terrains d'éducation physique ........................... 500 m

de très grandes disparités selon les arrondissements : 23 % des travaux devront autoriser une utilisation plus impor- BAGNOLET

dans le 6e, 3,3 % dans le 19e. Ces quelques chiffres incitent tante et plus diversifiée. L’adjonction d’activités nouvelles Indicateur de population(*) à l'hectare

tout autant à la création de nouveaux établissements, qu’à comme les murs d’escalade, des structures pour le roller et MONTREUIL supérieur à 500
de 350 à 500
une réflexion sur la sensibilisation et la formation même des la couverture des courts de tennis est également à prévoir. de 200 à 350
FONTENAY-SOUS-BOIS
jeunes à la musique. Pour mieux répondre à la demande des Cela étant, Paris dispose d’une couverture insuffi- VINCENNES
inférieur ou égal à 200

SAINT-MANDE
Parisiens, il convient donc d’améliorer le fonctionnement de sante en piscines, terrains de grands jeux, patinoires et
conservatoires ; en outre, un plan d’agrandissement est gymnases. De vastes territoires de la capitale où la popula- (*) population totale à laquelle sont rajoutés,
pour surpondérer la représentation des catégories
prévu pour le conservatoire du 18e arrondissement et, dans tion, notamment les jeunes de familles au revenu modeste, GNE-BILLANCOURT de population "cible":
• les adolescents âgés de 12 à 17 ans, issus de familles

le 13e, un nouvel équipement devrait être construit. est particulièrement nombreuse, demeurent mal desservis, VANVES
en difficulté sociale (ménages dont la personne de référence
est au chômage de longue durée ou a un emploi précaire
ou est non active, de moins de 60 ans),
CHARENTON-LE-PONT
comme le montrent les différentes cartes ci-jointes. À situa- ISSY-LES-MOULINEAUX
SAINT-MAURICE
• la population de 6 à 17 ans.

Sources :
POUR UNE RENAISSANCE DES CINÉMAS. Paris est, à bien tion démographique générale inchangée, une politique de MEUDON
MALAKOFF MONTROUGE GENTILLY
IVRY-SUR-SEINE MAISONS-ALFORT
Équipements (Ville de Paris, Apur)
Recensement de la population en 1999 à l'Iris (Insee)
CLAMART Fonds de plans (Apur)
des égards, la capitale des cinémas et des spectateurs de ci- construction est donc à engager en prévoyant les réserves CHATILLON BAGNEUX ARCUEIL LE KREMLIN-BICETRE ALFORTVILLE

É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E
132 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 133
Régénérer les espaces plantés
et en ouvrir
pour tous les citadins
Conforter et valoriser
la trame verte de Paris

offrir un jardin de proximité


à 300 m de chaque Parisien

donner la priorité
aux quartiers de Paris
dont le déficit en espaces plantés
est le plus fort
créer de nouveaux jardins
valoriser les promenades
et jardins existants

planter et ouvrir les espaces libres


sportifs, récréatifs et les cimetières
susciter l'ouverture des espaces verts
des institutions
renforcer la protection
des espaces verts privés

créer des promenades


sur les infrastructures existantes
créer des promenades
accompagnant
les nouvelles infrastructures

créer de nouvelles voies plantées


requalifier et planter les places

requalifier les grandes voies plantées


paysager les voies principales
non plantées
Mettre en valeur
le site de la Seine et des canaux
tirer l'influence des voies d'eau
vers les quartiers riverains
créer des promenades
continues en bord de Seine
et des canaux
redécouvrir la Bièvre
favoriser le contact
entre le bois de Boulogne
et le site naturel de la Seine
Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur

Régénérer la ceinture verte de Paris


et les bois
rechercher des connections
d'échelle régionale

Requalifier les portes de Paris


portes liées aux grands
échangeurs routiers
portes principales
portes secondaires
planter et valoriser les voies
de desserte locale
créer des aménagements
paysagers sur les couvertures
du boulevard périphérique
créer de grands espaces
de calme et de silence
au cœur des massifs forestiers

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134 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 135
1 1 foncières nécessaires. D’autre part, pour se conformer à la arrondissement. À ces grandes réalisations se sont ajoutés des
Régénérer
les espaces plantés loi du 6 juillet 2000, des équipements devront accompagner jardins et squares de quartier, notamment dans l’Est et le Sud
et en ouvrir les nouveaux établissements publics locaux d’enseigne- parisiens, créés à l’occasion d’opérations publiques mais aussi
pour tous les citadins
Conforter et valoriser
ment. Des gymnases, centres sportifs ou TEP sont ainsi en- par la mise en œuvre de réserves prévues par le POS, ou lors
la trame verte de Paris visagés dans les 4e, 7e, 11e, 13e, 14e, 16e, 17e, 18e, 19e et 20e d’aménagements très ponctuels. Par ailleurs, dans une large
offrir un jardin de proximité arrondissements, ainsi que deux piscines sur la Seine et une partie du centre, la rareté des disponibilités foncières rendant
à 300 m de chaque Parisien
à Belleville. De même, des centres d’animation sont prévus difficile la création de jardins, une action de mise en valeur de
donner la priorité dans les 6e, 12e, 13e, 14e, 15e, 16e, 18e, 19e et 20e arrondisse- l’espace public existant a été menée. Ainsi ont été créés ou ré-
aux quartiers de Paris ments. De plus, les opérations de couverture du périphé- aménagés le jardin Tino-Rossi, en bord de Seine, et, sur le par-
dont le déficit en espaces
plantés est le plus fort rique vont également offrir des opportunités foncières ren- cours des canaux, le jardin de l’Arsenal, les jardins du boule-
créer de nouveaux jardins dant possibles, d’une part, l’aménagement d’aires de jeux vard Richard-Lenoir et les berges du bassin de la Villette.
valoriser les promenades collectifs liés aux centres sportifs existants et, d’autre part, Malgré toutes ces réalisations, le déficit en espaces
et jardins existants une meilleure réponse aux attentes locales en matière d’ai- verts reste très important. De nouveaux projets de bonne
planter et ouvrir res de jeux en libre accès et de loisirs, en concevant ces acti- dimension doivent être réalisés sur les terrains ferroviaires
les espaces libres
sportifs, récréatifs vités au sein même des espaces verts projetés. Pajol-cour du Maroc (18e arrondissement), gare des
et les cimetières
Enfin, d’autres thèmes peuvent s’ajouter à ceux abor- Batignolles (17e), dans la ZAC Paris Rive gauche, sur les em-
susciter l'ouverture des
espaces verts des institutions dés précédemment, dans le domaine de la culture par exem- prises de la petite ceinture ferroviaire et aussi, dans un re-
renforcer la protection
2 ple (ateliers, gestion des squats d’artiste), de la vie de quar- gistre un peu différent, le long des bords de Seine. En outre,
des espaces verts privés tier (fêtes de quartier, systèmes d’entraide) ou dans la le réaménagement de grands parcs ou jardins est désormais
créer des promenades gestion d’équipements nouveaux de proximité. Ce sont, par devenu nécessaire, comme le parc des Buttes-Chaumont, les
sur les infrastructures
existantes exemple, des souhaits formulés par les habitants de se rap- jardins des Champs-Élysées ou encore le square d’Anvers.
créer des promenades procher de la nature (jardinage) et des éducateurs d’utiliser Les bois de Boulogne et de Vincennes, sinistrés lors des tem-
accompagnant
les nouvelles infrastructures celle-ci pour former les enfants à d’autres domaines (ma- pêtes de la fin de l’année 1999, devront aussi être rénovés en
créer thématiques, civilité, etc.) grâce aux jardins pédagogiques. s’efforçant de restaurer leur vocation naturelle. L’évolution
de nouvelles voies plantées
requalifier
Des lieux de création indépendants permettant aux artistes possible des hippodromes devra être intégrée à cette dé-
et planter les places de vivre et de créer à Paris sont également évoqués : mise marche. Dans le bois de Vincennes, la remise en valeur s’ac-
requalifier
les grandes voies plantées à disposition temporaire d’ateliers, de lieux de répétition, compagnera de l’ouverture au public du jardin d’Agronomie
paysager les voies principales d’exposition et de spectacle. tropicale et, dans le bois de Boulogne, la fermeture le week-
non plantées end de certaines voies, comme l’avenue de l’Hippodrome et
2 Mettre en valeur le site LA N AT U R E Le manque d’espaces de la Reine-Marguerite, pourrait être examinée. La
de la Seine et des canaux DANS LA VILLE verts dans la capitale et réflexion, dans ce domaine, sera naturellement menée
tirer l'influence
des voies d'eau les disparités géogra- de manière coordonnée avec les communes riveraines.
vers les quartiers riverains phiques qui caractérisent l’offre aux habitants dans ce do- Cependant, il est patent que Paris reste toujours
créer des promenades maine demeurent une préoccupation majeure malgré les in- sous-équipé en espaces verts de proximité, d’autant que la
continues en bord de Seine
et des canaux 3 déniables améliorations apportées depuis vingt ans à la répartition des équipements existants demeure très in-
redécouvrir la Bièvre desserte de nombreux quartiers. Au début des années 1980, égale. Aujourd’hui, les zones insuffisamment desservies,
favoriser le contact Paris comptait sur son territoire 285 espaces verts ouverts au c’est-à-dire distantes à vol d’oiseau de plus de 300 mètres
Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur
entre le bois de Boulogne
et le site naturel de la Seine public, pour une superficie de 355 hectares environ, non com- d’un jardin public, soit aux environs de 400 mètres à pied,
3 Régénérer la ceinture verte pris les bois de Boulogne et de Vincennes (près de 1850 hec- concernent le centre rive droite, surtout le 9e arrondisse-
de Paris et les bois
tares), les jardinets décoratifs, les jardins des équipements, ment, mais aussi le 10e et plusieurs secteurs dans des ar-
rechercher des connections
d'échelle régionale les cimetières et les plantations d’alignement. Depuis, le rondissements périphériques tels que les 11e, 13e, 17e et 18e.
requalifier les portes de Paris patrimoine vert de la capitale s’est agrandi de plus de 150 hec- Ce constat montre que l’action dans ce domaine doit être
portes liées aux grands
échangeurs routiers tares accessibles au public, portant la superficie totale des poursuivie. La réalisation de nouveaux grands jardins est
portes principales
portes secondaires
jardins publics à 515 hectares environ. Ces créations ont souhaitable mais les manques se situent également au ni-
planter et valoriser les voies revêtu plusieurs formes: de grands parcs urbains, comme les veau des jardins de voisinage, pour lesquels le déficit à Paris
de desserte locale parcs Georges-Brassens, André-Citroën, Bercy, mais aussi reste encore le plus sérieux. Ces jardins devront être créés
créer des aménagements le parc de la Villette au nord-est de Paris; des projets plus spé- au coup par coup et disséminés dans les quartiers pour par-
paysagers sur les couvertures
du boulevard périphérique cifiques comme le jardin des Halles, dans le centre de ticiper à l’amélioration de la vie locale. Les projets dont la
créer de grands espaces la capitale, le parc de Belleville, le jardin Atlantique de la gare réalisation est déjà envisagée pour les prochaines années
de calme et de silence
au cœur des massifs Montparnasse, ou encore la réalisation, sur une ancienne in- concernent une quinzaine de jardins. Mais il faudra natu-
forestiers
frastructure ferroviaire, de la Promenade plantée, dans le 12e rellement aller au-delà.

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136 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 137
Plus ponctuellement, il convient aussi d’évoquer la De façon plus générale encore, la place du végétal dans Les besoins en équipe- en compte : problèmes sociaux,
É LÉMENTS
multiplication des « espaces verts intérieurs protégés » la ville doit être développée. Les plantations d’alignement POUR UN PLAN ments dans les différents quar- de culture et d’intégration.
D ’ AMÉNAGEMENT
(Evip). À l’issue de la révision partielle du POS de 1994, qui agrémentent le paysage de nombreuses avenues et rues ET
tiers de Paris sont difficiles Toutes les études montrent, en
1 000 espaces verts privés, répartis sur 1 900 parcelles et de la capitale – avec plus de 120 espèces différentes – pour- DE DÉVELOPPEMENT à évaluer. La détermination de effet, que les facteurs de fragi-
DURABLE
couvrant 213 hectares, sans compter ceux des secteurs sau- raient être développées le long de nouvelles voies. Le vert la demande à laquelle ces équi- lité sociale sont plus nombreux
vegardés du Marais et du 7e arrondissement, étaient proté- pourrait investir – dans certains quartiers où la création de pements doivent répondre fait à Paris qu’ailleurs en France et
gés à ce titre. À ce décompte se sont ajoutées, ces dernières jardins paraît peu réaliste en raison de la densité d’occupa- É QUIPEMENTS ET intervenir de nombreux critè- que, souvent, face à une telle
VIE QUOTIDIENNE
années, des mesures de protection spécifiques, introduites tion de l’espace – de nouveaux territoires tels que les murs res, liés à la fois au statut de demande, les équipements sont
dans divers quartiers – Montmartre et Mouffetard, par pignon, les façades, les terrasses, les clôtures. Ces différentes l’équipement et à la situation en nombre insuffisant, voire
exemple. La révision en cours du PLU devrait être l’occasion actions, qui viendront compléter l’armature végétale exis- des différents quartiers. Ainsi, font simplement défaut.
d’identifier et de préserver encore d’autres espaces de ce tante, devraient concourir à développer la continuité des mi- si les écoles, les bibliothèques ou
type qui contribuent à l’équilibre paysager de Paris et à la lieux naturels dans la ville, améliorant ainsi le cadre de vie les piscines doivent être stricte- D’autre part, de nombreu-
qualité de vie de ses habitants. et favorisant la diversité biologique. ment réparties en fonction de ses situations sociales génèrent
la population, l’implantation des besoins encore non satis-
d’une nouvelle crèche, d’un faits : familles et enfants en
Cet article a été rédigé par Michel Cougouliègne à équipement social en général, grande détresse sociale, victi-
partir des études de l’Apur, notamment « Paris 2001, dépendra de très nombreuses mes de violence, handicapés mo-
Analyse économique, sociale et urbaine, bilan analy- autres variables : l’emploi, teurs ou mentaux, migrants
tique », Olivier Nicoulaud, Apur, octobre 2001. les ressources financières, ou âgés, isolés, demandeurs d’asile
encore l’existence dans le voisi- ou jeunes marginalisés. On
nage de structures d’accueil constate, du reste, que les servi-
privées. La question de la pro- ces sociaux destinés à ces popu-
grammation des équipements lations, comme les logements
se complique d’autant plus qu’il sociaux, sont loin d’être implan-
faut intégrer, dans les calculs, tés sur la ville tout entière. Plus
l’évolution de la composition de 70 % des foyers de tra-
sociale des familles. vailleurs migrants de la capi-
tale sont localisés dans trois
En premier lieu, l’évalua- arrondissements.
tion des besoins permet de dé-
passer le concept de niveau Ainsi, les équipements
de desserte, qui n’intègre que sont un facteur essentiel de l’é-
les densités de population, pour quilibre et de la convivialité des
s’approcher de celui de niveau quartiers. Leur réalisation
de service, qui tient compte devra encore passer par la mise
de la sociologie des besoins. en place de réserves foncières,
Les documents d’urba- même si la rareté des disponibi-
nisme pourront s’ouvrir très lités forcera peut-être, dans
largement à l’expression de plusieurs quartiers, à examiner
besoins qui, jusqu’alors, avaient des possibilités d’extension en
été mal ou insuffisamment pris complément de l’offre actuelle.

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138 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 139
DIVISION SOCIALE
ET INÉGALITÉS URBAINES

E D M O N D P R É T E C E I L L E

Le débat sur la ségrégation sociale dans la ville a sur- parce que les besoins seraient satisfaits. En outre, les trans-
tout mis l’accent, ces dernières années, sur le recul de la formations des structures démographiques et des modes de
mixité urbaine et la nécessité de la favoriser. On y trouve vie ont généré de nouveaux besoins et de nouvelles demandes.
affirmés les effets négatifs de la trop grande homogénéité so- Comment expliquer cet effacement relatif de la question?
ciale et les effets positifs du mélange social, sur la base d’un Dans le débat sociologique international, deux facteurs
argumentaire souvent implicite, qui relève plus de la philo- sont mis en avant à cet égard. D’une part, la crise du welfare
sophie politique que de la sociologie des pratiques state (l’état providence) se traduirait par un retrait de l’in-
sociales observées. Question complexe pourtant, à laquelle la tervention publique et une montée des formes marchandes de
sociologie urbaine a apporté, depuis plus de trente ans, des fourniture de services. Dans le cas français, l’évolution a été
réponses nombreuses mais fort contradictoires. Mais il est plus complexe du fait de la décentralisation, qui a accéléré le
une dimension complémentaire de cette question qui a été as- retrait de l’État central dans certains domaines, mais donné
sez largement délaissée, sauf sur certains aspects – comme plus d’importance et de moyens aux collectivités locales, mu-
celui des équipements d’enseignement. C’est celle des inéga- nicipalités et départements en premier lieu.
lités urbaines qui résultent de la ségrégation, du fait que les D’autre part, la transformation des modes de vie se-
groupes sociaux, inégalement répartis dans l’espace de la rait caractérisée par la montée de l’individualisme, entraî-
ville, ont en conséquence un accès inégal aux nombreuses res- nant la recherche de formes de consommation plus indivi-
sources offertes par celle-ci, dont les équipements et services. dualisées, dans leur contenu comme dans leur temporalité.
C’est à cette question qu’on voudrait apporter ici, sur D’où une relative désaffection pour les équipements et ser-
le cas de la ville de Paris, des éléments de réponse, à partir vices standardisés, définis dans la période « fordiste ». Cette
des résultats de recherches menées depuis une dizaine d’an- dernière hypothèse peut être rapprochée de celle de la public
nées et de ce qu’ils peuvent éclairer d’un débat sur l’avenir choice theory, selon laquelle le citadin, électeur-consomma-
de la grande métropole et de sa partie centrale, débat qui teur, arbitrerait en fonction de ses préférences les « offres lo-

Photo : Apur.
est, du reste, largement international. cales », choisissant par exemple entre plus de services et plus
d’impôts ou moins d’impôts et moins de services. On évoque
L’ E F FA C E M E N T Il y a un demi-siècle, souvent le choix de « styles de vie » différents, par exemple
D’UNE alors que la croissance entre une résidence plus centrale, un accès facile aux équi- La résorption de l’habitat
insalubre se fait-elle
QUESTION urbaine de la métropole pements culturels, moins de temps dans les transports, mais
au prix de la disparition
parisienne était forte et un logement plus petit et un environnement marqué par les des classes laborieuses ?
que l’État affichait l’ambition de la maîtriser et de l’organi- encombrements et la pollution, et une résidence périphé-
ser par la planification, la question des équipements était rique avec un grand logement et la proximité de la nature,
beaucoup plus présente du fait de la nécessité, souvent im- mais des transports plus longs et des équipements éloignés.
posée par les mouvements sociaux, de les produire au même Pour que ces différences ne posent pas problème socia-
rythme soutenu que les nouveaux quartiers qui sortaient de lement, encore faudrait-il que les avantages et inconvénients
terre. Ils étaient d’ailleurs explicitement pris en compte par des choix possibles soient équilibrés, et que les ménages aient
les instruments de planification : grilles d’équipements et de vraiment, et tous, le choix. Or l’étude de la structure sociale
normes, réserves foncières, procédures de programmation, des villes et des processus, qui définit la localisation résiden-
subventions spécialisées, etc. tielle des différents groupes sociaux, montre que c’est loin
Certes, la croissance urbaine s’est ralentie, mais pas au d’être le cas. De plus, l’importance des débats sur l’école ou la
point qu’on puisse considérer que la question n’existe plus progression de la demande de services de santé mettent en

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140 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 141
doute l’idée d’une évolution homogène dans le sens d’une troisième type d’espaces supérieurs est lui aussi plutôt spéci- rieures, puisque 73 quartiers sont dans des cas d’embour- taliers, les professions de santé, et les bureaux de poste.
moindre importance des équipements et services urbains. fique à Paris, celui des espaces tertiaires intellectuels supé- geoisement maximum ou d’embourgeoisement fort, et par des Pour cinq de ces six secteurs – l’exception concernant
Pour Paris et la métropole francilienne, deux caracté- rieurs, qui compte 24 quartiers parisiens sur ses 30 unités. contrastes limités mais plus marqués, puisque les les équipements sportifs –, les analyses que nous avons ef-
ristiques viennent donner une tonalité particulière au dé- Entre les trois types d’espaces supérieurs principalement pari- sept autres quartiers sont dans des cas de tertiarisation fectuées sur des données datant du début des années 1990 2
bat. D’une part, l’intensité des contrastes sociaux, entre les siens, qui regroupent 59 quartiers de Paris sur 80, il y a surtout moyennement qualifiée, type d’évolution légèrement plus montrent un lien fort entre le niveau d’équipement et la
beaux quartiers et les quartiers populaires, laisse à penser des nuances qui tiennent au poids plus ou moins fort de l’en- proche de la moyenne que les cas de prolétarisation relative, centralité urbaine et l’ancienneté de l’urbanisation. Dans
que les inégalités sociales et urbaines risquent de se cumu- semble des catégories supérieures et à la modulation qu’ap- avec un accent du côté de la prolétarisation tertiaire. Cette chacun des cinq secteurs, la construction de typologies par
ler fortement. D’autre part, les considérables disparités de porte le poids particulièrement fort des patrons et professions distribution très dichotomique des évolutions accentue niveau d’équipement fait ressortir un ou des types supé-
taille et de ressources des municipalités, conjuguées et sou- libérales, des professions plus intellectuelles, des professions de considérablement les contrastes socioprofessionnels entre rieurement équipés, qui sont essentiellement des quartiers
vent cumulées avec l’ancienneté de l’urbanisation et la va- l’information, des arts et du spectacle, respectivement. Il y a les quartiers, puisque la totalité des 51 quartiers des types parisiens, et des types bien équipés 3, qui sont d’autres quar-
lorisation des espaces centraux qui y ont accumulé les équi- aussi des différences qui tiennent à la présence des autres ca- supérieurs évoluent dans le sens de l’embourgeoisement, tiers parisiens, des communes de proche banlieue et des
pements, rendent inadéquat le modèle évoqué et génèrent tégories : nettement sous-représentées dans le premier – alors que les trois quartiers populaires sont dans des cas de grosses communes centre de la deuxième couronne. Dans le
des inégalités locales qui ne résultent pas de choix poli- espaces de l’élite dirigeante I –, les professions intermédiaires le tertiarisation moyennement qualifiée. Contrairement au mo- domaine culturel, par exemple, un groupe de types, celui des
tiques instantanés. C’est en suivant ces deux fils de ques- sont moins systématiquement dans le deuxième – espaces de dèle de la « gentrification » souvent mobilisé dans la littéra- espaces privilégiés des spectacles, présente un niveau excep-
tionnement que nous allons explorer les éléments de ré- l’élite dirigeante II –, et sont plutôt surreprésentées dans le troi- ture sociologique anglo-saxonne, la croissance des effectifs tionnel pour les différents spectacles, le cinéma, les
ponse fournis par nos recherches récentes. sième – espaces tertiaires intellectuels supérieurs. Les employés des catégories supérieures, à Paris, se produit essentielle- concerts, au-dessus de la moyenne pour les bibliothèques
et les ouvriers sont sous-représentés dans les trois, mais dans ment dans les quartiers qui étaient déjà de type socialement publiques, les écoles de musique et les ateliers d’art plas-
ÉVOLUTION Les processus de division des proportions croissantes dans cet ordre. supérieur, secondairement dans les quartiers de type moyen tique et au-dessous pour les MJC seulement. Ce groupe
DES CONTRASTES sociale de l’espace, qui Un quatrième type socioprofessionnel est spécifique- (pour 23 quartiers sur 24 des espaces tertiaires intellectuels comporte 61 unités, dont 47 sont des quartiers parisiens.
SOCIAUX produisent les spécialisa- ment parisien et regroupe 18 quartiers : il s’agit des espaces moyens, le type d’évolution est également l’embourgeoise- Autre exemple, celui des crèches : les deux types supérieu-
tions sociales plus ou tertiaires intellectuels moyens, qui se caractérisent par un ment), et assez peu dans les quartiers populaires. rement équipés comptent 66 unités, dont 45 quartiers pari-
moins marquées des différents quartiers et communes, s’ins- mélange où sont surreprésentées trois catégories supérieu- Si cette accentuation des contrastes est générale pour siens. Dernier exemple, les bureaux de poste : la typologie
crivent dans un fonctionnement d’ensemble de la ville – enten- res – celles qui ont sans doute les revenus moyens les plus l’ensemble de l’Ile-de-France, elle n’a pas été aussi systéma- sépare l’ensemble des quartiers de Paris du reste de la mé-
due ici dans son sens socio-économique, agglomération ou faibles –, les professions de l’information, des arts et du tique qu’à Paris. En effet, en banlieue, l’évolution des types tropole, et les trois types supérieurs regroupent les arron-
espace métropolitain –, comme système : les catégories spectacle, les professeurs et les femmes cadres de la fonction de communes a été plus dispersée : si les communes bour- dissements du centre-ouest et du Sud.
sociales privilégiées par le patrimoine, le revenu, etc. se concen- publique, trois catégories d’employés sur cinq et la moitié geoises très proches de Paris ont évolué comme les beaux En banlieue, la majorité des communes de la première
trent volontairement sur les espaces de meilleure qualité, dont des catégories d’ouvriers, particulièrement les hommes ou- quartiers parisiens, les autres, particulièrement les espaces couronne et des grosses communes centres de la deuxième cons-
l’accès est dès lors plus difficile pour les autres, classes moyen- vriers non qualifiés, alors que les professions intermédiaires des cadres d’entreprise, qui sont moins regroupés dans la tituent des types assez bien équipés, qui suivent, à distance
nes et populaires, qui exerceront ailleurs leurs choix plus res- sont un peu moins présentes. partie centrale de la métropole, ont connu des évolutions va- marquée, les types parisiens. Ces types ne sont supérieurs aux
treints. Le profil sociologique des quartiers Les trois quartiers restants appartiennent aux deux riables, réparties dans tous les types d’évolution, ce qui est quartiers parisiens que pour certains équipements en nombre
parisiens ne peut donc être vraiment compris que dans leur re- groupes d’espaces les plus populaires, l’un au groupe des vrai aussi des communes de banlieue des types moyens et limité, comme les bibliothèques publiques, les MJC, les salles de
lation de spécialisation réciproque et d’échange avec les autres espaces des classes moyennes et populaires, les deux autres des communes de banlieue des types populaires. Ces der- sport. Les communes les moins bien équipées sont essentielle-
communes de la métropole francilienne. C’est le point de vue à celui des espaces populaires et ouvriers, espaces qui re- nières ont très majoritairement connu (171 communes sur ment des communes plus petites et plus périphériques.
qui a servi de guide pour l’élaboration d’une typologie sociopro- groupent surtout des communes de banlieue. 215) une évolution marquée par une croissance inférieure à Si l’on considère l’ensemble de la métropole, on trouve
fessionnelle des quartiers et communes de cette métropole et On constate ainsi que, si certains quartiers de Paris la moyenne des catégories supérieures, mais on en trouve un lien assez marqué entre le profil socioprofessionnel des
pour l’analyse des transformations des profils de ces espaces 1. sont plus populaires que d’autres, les espaces vraiment po- cependant 44 où elle a été supérieure à la moyenne, dont 28 communes ou quartiers et le niveau d’équipement, dans le
Si, dans son ensemble, la ville de Paris apparaît comme pulaires du point de vue de la structure sociale d’ensemble dans le cas d’embourgeoisement. sens d’un cumul du niveau socioprofessionnel supérieur et
un lieu de concentration des catégories privilégiées, elle pré- de la métropole y sont très peu nombreux. Quant à l’évolu- du bon ou très bon niveau d’équipement. Mais ce cumul est,
sente cependant des spécificités, même par rapport aux tion des caractéristiques sociales des espaces entre 1982 INÉGALITÉS Il est difficile de donner en fait, principalement lié au poids prédominant des types
communes bourgeoises de banlieue, et il y subsiste des contras- et 1990, elle s’est, pour l’ensemble de la métropole, organisée D’OFFRES une image d’ensemble de socioprofessionnels supérieurs dans Paris. Hors de Paris, la
tes internes importants. Ainsi, les deux types socioprofession- pour l’essentiel selon un continuum qui va de l’embourgeoi- ET INÉGALITÉS la distribution des équi- relation de cumul n’est plus du tout systématique, elle est
nels où les catégories supérieures étaient les plus surreprésen- sement maximum – forte progression du poids des catégories SOCIALES pements et services se- même partiellement inversée dans certains cas. Par exem-
tées en 1982, que nous avons nommés espaces de l’élite supérieures et baisse du poids des autres – à la prolétarisa- lon les zones géogra- ple, pour les équipements culturels, les communes des espa-
dirigeante I et II, sont surtout constitués de quartiers parisiens : tion relative – augmentation légère mais très inférieure à la phiques et les types d’espaces résidentiels, du fait de la ces populaires et ouvriers sont surreprésentées dans les ty-
21 sur 23 pour le premier, 14 sur 20 pour le second. Alors que moyenne du poids des catégories supérieures, augmentation diversité des secteurs d’équipements et de la variété des pes de banlieue bien équipés, alors que celles des espaces des
les suivants dans la hiérarchie socioprofessionnelle, les espaces plus sensible mais inférieure à la moyenne également du équipements et services dans chacun, sans compter les dif- cadres d’entreprise y sont sous-représentées. C’est donc la
des cadres d’entreprise, ne comptent que des communes de ban- poids des professions intermédiaires, léger recul du poids ficultés méthodologiques relatives tant aux sources disponi- tendance marquée des catégories supérieures à se concent-
lieue, avec un poids un peu plus faible des catégories supérieu- des employés et des ouvriers, en passant par des évolutions bles qu’aux indicateurs pertinents pour faire des comparai- rer relativement dans Paris, qui leur réserve ainsi, dans une
res mais surtout des chefs d’entreprise, des professions libéra- intermédiaires modulant l’évolution moyenne. sons systématiques. Nous donnerons ici quelques résultats bonne mesure, l’usage des espaces les mieux dotés du point
les, des professions de l’information, des arts et du spectacle, et La ville de Paris a connu, quant à elle, une évolution à relatifs à six d’entre eux : les équipements culturels, les de vue des équipements.
un poids plus fort des cadres d’entreprise et des ingénieurs. Le la fois dominée par la forte progression des catégories supé- équipements sportifs, les crèches, les équipements hospi- Cette situation privilégiée de Paris pour la plupart des

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142 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 143
secteurs d’équipement ne bénéficie cependant pas également à nette. Au début des années 1970, les grosses communes de et sociales. Et dans la capitale même, les disparités ne sont être suffisante. Même soutenu, un effort de construction de
tous les quartiers parisiens, même si ces inégalités internes proche banlieue étaient les mieux équipées, la crèche pu- pas négligeables et se font également plutôt en défaveur des logements sociaux dans ces zones ne pourrait que modifier à
sont de second ordre par rapport à l’écart avec les banlieues blique étant un équipement typique du « socialisme munici- quartiers plus populaires du Nord-Est. Ces deux aspects la marge la structure de la population résidante, compte
moyennement ou mal équipées. Dans les différents domaines pal ». Paris était sensiblement moins équipé et la banlieue sont sans doute liés, constituant deux facettes d’une même tenu des densités urbaines déjà atteintes. Il faut en consé-
étudiés, ce sont en général les quartiers centraux, au centre- périphérique, très peu. L’équipement en crèches publiques a dynamique inégalitaire. quence aussi chercher à réduire les inégalités par une amé-
sud et centre-ouest, qui sont supérieurement équipés, alors que progressé presque partout, mais c’est à Paris, dans des ar- Les politiques publiques ont, depuis une dizaine lioration de l’équipement des quartiers populaires existants.
les quartiers du Nord-Est le sont souvent nettement moins. rondissements comme le 5e, qu’il a progressé le plus, le ni- d’années, de la loi d’orientation sur la ville à la loi relative Dans le cas de Paris, les cumuls d’inégalités internes
Dans certains cas, cela correspond à la superposition des fonc- veau moyen d’équipement y étant devenu supérieur à celui à la solidarité et au renouvellement urbains, cherché à ré- à la ville pourraient être traités, dans une certaine mesure,
tions urbaines, fonction de centre d’affaires ou fonction de cen- de la proche banlieue. La progression la plus faible s’observe pondre à cette dynamique inégalitaire par des mesures de par une politique propre à la municipalité parisienne de mo-
tre de services à rayonnement national, voire international, qui dans les zones qui étaient les plus démunies, si bien que les lutte contre la ségrégation passant principalement par une dification de la distribution de ses ressources entre les quar-
s’ajoutent à la fonction résidentielle – cas des équipements cul- disparités ont progressé fortement. Cette évolution est d’au- politique de localisation mieux répartie des logements tiers. Mais les inégalités les plus fortes sont plutôt entre les
turels ou des bureaux de poste, par exemple. Mais, dans d’aut- tant plus frappante que la croissance des places de crèche sociaux. Du point de vue considéré ici, cette orientation est zones centrales ou les grosses communes centres de péri-
res cas, les inégalités sont fortes, bien que la fonction résiden- s’est faite presque en raison inverse de celle du nombre d’en- certainement nécessaire, car, à structure spatiale donnée phérie, et les communes des banlieues les plus mal équi-
tielle soit seule concernée. C’est le cas, par exemple, des crèches fants en âge de les fréquenter, dont le nombre a fortement du stock d’équipements, les logements sociaux sont les pées. La réduction de ces inégalités-là suppose sans doute
où les arrondissements les mieux équipés sont, dans l’ordre dé- diminué à Paris, un peu dans les Hauts-de-Seine et le Val- seuls qui peuvent garantir le maintien des catégories des redistributions de ressources publiques plus difficiles à
croissant, le 5e, le 4e et le 9e, le 1er, le 13e, avec un nombre de pla- de-Marne, mais fortement progressé en deuxième couronne. populaires dans les zones centrales bien équipées de la réaliser, car il faudrait qu’elles s’effectuent à l’échelle de la
ces pour 1000 enfants qui va de 547 pour le 5e à 311 pour le 13e, Et même à Paris, on l’a vu, ce ne sont pas les arrondisse- métropole parisienne. métropole, alors que les regroupements intercommunaux en
alors que dans les arrondissements moins bien équipés, le 10e ments où il y a le plus d’enfants qui ont le plus progressé. On a pu contester cette orientation et son application cours se font à une échelle plus locale.
et le 18e, le nombre de places est de 152 et 103 pour 1000 en- On observe le même type d’accentuation, avec la sous forme de projets de nouveaux logements sociaux dans les Certains envisagent aujourd’hui la solution miracle
fants respectivement, ce qui est du niveau des communes bien même logique d’amélioration nette de la situation dans les beaux quartiers comme le 16e arrondissement, aux motifs que de la mobilité qui viendrait remplacer les difficiles et co-
équipées de banlieue, mais fortement inférieur aux précédents. espaces les plus centraux, pour l’équipement hospitalier. les ménages modestes bénéficiaires, très minoritaires dans ûteuses politiques que nous venons d’évoquer – il suffirait
Dans les grandes lignes, on retrouve dans ces disparités inter- Ces indications sont incomplètes du fait de la diffi- ces quartiers, y seraient mal à l’aise et que le coût de ces ré- que tous les urbains deviennent hypermobiles, pour que
nes à la ville de Paris, le cumul entre inégalités sociales et in- culté à comparer les données, recueillies à vingt ans d’écart. alisations permettrait de faire bien plus de logements s’estompent les effets cumulatifs des différences de qualité
égalités urbaines, signalé précédemment. Mais elles semblent bien indiquer, dans l’ensemble, l’amé- ailleurs. Si l’interrogation sur les effets bénéfiques du mé- entre espaces. C’est oublier qu’en matière de mobilité aussi,
De quelles dynamiques ces inégalités sont-elles le ré- lioration sensible ou le maintien du niveau d’équipement lange, en termes de liens sociaux, est légitime, on ne saurait les inégalités sociales sont cumulatives. C’est oublier que
sultat ? On a évoqué, en introduction, les interrogations sur des espaces les plus centraux de la région urbaine, et une oublier l’apport notable à la réduction des inégalités urbaines. l’accès au quartier ne garantit pas l’accès aux équipements
l’évolution des politiques publiques. Pour la plupart des amélioration nettement plus faible pour les espaces les plus La mixité sociale résidentielle n’a certes pas les mérites – les jeunes des banlieues mal équipées peuvent prendre le
secteurs d’équipement étudiés, la comparaison, lorsqu’elle sous-équipés, qui sont aussi les plus périphériques. automatiques qu’on lui attribue, mais la séparation sociale ou RER pour venir au Quartier latin, mais cela ne leur permet
est possible, avec les résultats d’une recherche antérieure Cette évolution pose problème à double titre. D’une ethnique soulève bien d’autres difficultés, que ne sauraient pas d’entrer à Louis-le-Grand. C’est oublier enfin que le
analysant la situation au début des années 1970 4, montre part, elle contraste avec l’évolution démographique, qui a vu estomper les vertus tout aussi discutables du « regroupement temps de déplacement peut être prohibitif – le bon niveau
une progression générale des niveaux d’équipement 5. la décroissance de la population dans la partie centrale, Paris communautaire ». Et il n’est pas sans importance que les lieux d’équipement en crèches du 5e arrondissement ne résoudra
L’hypothèse du « démantèlement du welfare state » est donc et la première couronne, et sa croissance dans la deuxième de concentration des catégories populaires soient, en règle jamais l’absence de crèches dans les communes populaires
invalidée, au moins dans ce domaine. En revanche, l’étude couronne. Le fort potentiel d’équipement des espaces centraux générale, les moins bien dotés en équipements et services. de Seine-et-Marne.
de la distribution sociospatiale des évolutions montre des profite en conséquence à une population plus réduite, alors Si le renforcement de l’accès des catégories populaires
évolutions assez diverses, mais qui ne remettent guère en que la croissance de population se fait dans des zones peu à des localisations résidentielles privilégiées, dont elles ont Edmond Préteceille
cause les disparités préexistantes. équipées, où le niveau d’équipement progresse plutôt moins. été de plus en plus écartées, est sans doute une approche né- Directeur de recherche au CNRS,
Pour les équipements culturels, par exemple, le D’autre part, les choix résidentiels des catégories su- cessaire de la réduction des inégalités, celle-ci ne saurait observatoire sociologique du changement (FNSP-CNRS).
groupe des espaces supérieurement équipés a un peu pro- périeures et la logique du marché foncier et immobilier ten-
1. Cf. Préteceille, E. 2000. Division sociale et services urbains. par l’accumulation des difficultés rencontrées dans ce travail :
gressé pour certains équipements et un peu régressé pour dent à leur réserver une part croissante de ce fort potentiel Volume I : Inégalités et contrastes sociaux en Ile-de-France. difficulté d’identification des sources, d’accès aux données,
d’autres. Le groupe des communes de banlieue bien équi- des espaces centraux, alors que les catégories populaires Paris : CSU. La typologie présentée a été construite à partir mauvaise qualité ou lacunes et nécessité de corrections et
pées a progressé pour les bibliothèques, les écoles de mu- sont elles-mêmes de plus en plus périphériques. La progres- des résultats du recensement de 1982, et l’évolution analysée d’enquêtes complémentaires, sans compter le travail statis-
sique et les salles de spectacle, et c’est le seul où le nombre sion générale du niveau d’équipement se fait dès lors selon sur la période 1982-1990. Les résultats de 1982 restent vala- tique et d’analyse et interprétation des résultats…
bles dans leurs grandes lignes pour 1990, la structure de la 3. L’emploi des expressions telles que « bien équipé » doit s’en-
d’écrans de cinéma a augmenté. Le groupe des communes à une logique spatiale défavorable à la logique de redistribu- division sociale étant assez stable et évoluant plutôt par tendre ici en termes relatifs, et ne préjuge pas du niveau abso-
équipement municipal réduit a le plus progressé pour les tion sociale théoriquement attribuée aux équipements et accentuation des contrastes existants. La construction d’une lu comparé à une norme souhaitable. Ajoutons que nos indica-
bibliothèques et les salles de spectacle, mais a reculé pour services publics en particulier. typologie pour 1999 est en cours et sera suivie de l’étude de teurs comportent une partie de ratios normés par la taille de
l’évolution 1990-1999. Les intitulés en italique sont ceux des la population desservie, ce qui neutralise a priori dans une
les cinémas. Enfin, le groupe des communes sous-équipées La ville de Paris est doublement concernée par cette types définis dans ce travail, auquel on se reportera pour une large mesure l’effet mécanique de la taille sur le niveau d’é-
est celui qui a le moins progressé. Donc, l’écart s’est légère- évolution : son bon niveau général d’équipement profite de description précise de leurs caractéristiques et des méthodes quipement.
ment resserré entre les communes très bien équipées et cel- moins en moins aux classes populaires et de plus en plus de construction. 4. Cf. Pinçon, Monique, Préteceille, Edmond, Rendu, Paul.
2. Cf. Préteceille, E. 2002. Division sociale et services urbains. 1986. Ségrégation urbaine. Classes sociales et équipements col-
les qui le sont assez bien ou médiocrement, mais il s’est ac- aux classes supérieures. On a vu que Paris, du fait de cette Vol. II. Équipements et services urbains en Ile-de-France. lectifs en région parisienne. Paris : Anthropos.
cru avec celles qui sont le plus sous-équipées. évolution du profil social de sa population, joue un rôle stra- Paris : CSU. Le décalage hélas important entre la période 5. Le seul secteur où nous avons observé certains reculs est
Pour les crèches, l’accentuation des inégalités est plus tégique dans la tendance au cumul des inégalités urbaines mesurée par les données et la date de publication s’explique celui des praticiens de santé d’exercice libéral.

É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E É Q U I P E M E N T S E T V I E Q U O T I D I E N N E
144 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 145
PATRIMOINE
ET TRANSFORMATION
DES PAYSAGES

Depuis quelques années, le mitage progressif du Plan


d’occupation des sols parisien témoigne de son essoufflement
et de sa difficulté à répondre aux attentes des divers acteurs
de la transformation de la ville. Les perceptions de la ville
changent ; les modes de fabrication changent également. La
maîtrise de ceux-ci et leur adéquation à ceux-là nécessitent
une mise à plat des outils, mais aussi des concepts et des
idéologies qui les sous-tendent.

Photos : Jérôme Saint-Loubert Bié.


LE PAYSAGE
ET L’OCCUPATION DES SOLS

X X X X X X X

Dans le domaine du paysage et de l’occupation du sol, vard Richard-Lenoir ou sur les Grands Boulevards. Mais
et de manière probablement plus visible et plus sensible beaucoup reste à faire, comme par exemple avenue de La
qu’en d’autres, les opinions ont beaucoup évolué au cours Chapelle, sur les boulevards des fermiers généraux, des
des vingt dernières années. Aussi les principales tendances Maréchaux, place de Clichy, place Denfert-Rochereau, aux
constatées méritent-elles d’être rappelées, dans la mesure portes de Paris et dans bien d’autres sites encore.
où elles serviront de point de départ aux choix futurs. La mise en réseau des parcs, anciens ou créés, des
squares et des bois, grâce aux « promenades » d’Alphand,
LE RÔLE DE La fin des années 1970 a est un autre héritage majeur de l’histoire. Les parcs de la
L’ E S PA C E PUBLIC marqué une rupture Villette et Georges-Brassens, puis ceux de Citroën et de
avec l’urbanisme d’ob- Bercy ont répondu à cet objectif, ainsi qu’à une échelle
jets architecturaux et de voies spécialisées qui avait préva- plus locale, les très nombreux jardins de quartiers réali-
lu dans les années 1960. Deux exemples peuvent l’illustrer : sés notamment dans le cadre des opérations publiques
l’arrêt de l’opération de rénovation du front de Seine au d’aménagement.
pont Mirabeau et sa poursuite par le projet Citroën, qui
prolonge la ville existante et qui l’ouvre comme autrefois LE RÔLE Le POS de 1977 a tenté,
sur les rives du fleuve ; le sauvetage du canal Saint-Martin, R É G U L AT E U R D U dans ce contexte, de
menacé, à la même époque, par le projet autoroutier de l’axe P R E M I E R POS concrétiser le retour
nord-sud. À l’occasion de l’élaboration du Schéma directeur aux valeurs tradition-
d’aménagement et d’urbanisme de Paris (Sdau), de 1977, nelles de Paris, de la mixité et de l’urbanité. Ses innova-
le réseau continu des espaces publics parisiens a conquis de tions principales portaient d’une part sur la reconstitu-
nouveau la première place. Installé sur le site et la topo- tion du paysage continu des rues, à travers l’obligation
graphie de la vallée de la Seine, il est apparu rapidement de construire à l’alignement et sensiblement à la même
– ce qu’il demeure – comme la clef de l’organisation du pay- hauteur que le tissu traditionnel. D’autre part, la mixité

Photo : Apur.
sage naturel et construit de la ville. des activités existantes avec l’habitat était encouragée
Ainsi, la mise en valeur des grands lieux de Paris, par le système des coefficients d’occupation des sols
capitale, a d’abord été celle des grands sites, qui rattachent (COS) pondérés. Enfin, l’animation, notamment commer-
la ville à sa région et à sa géographie. La Seine et les ciale, a été facilitée à partir de la révision de 1989, par Avenue de Flandre,
canaux ont ainsi constamment figuré comme des espaces à l’introduction de règles favorables à ce type d’occupation le retrait d’alignement
de la rive nord, réalisé
mettre en valeur, depuis le Sdau de 1977 jusqu’aux actions en rez-de-chaussée.
sur plusieurs décénnies,
les plus récentes. À travers son premier POS, le paysage de Paris a expose les états successifs
Elle a aussi été celle des grands tracés du XIXe siècle, donc globalement retrouvé la voie d’une certaine cohérence des règles d’urbanisme
surimposés à la trame du Paris populaire. La grande toile structurelle, même si la définition de hauteurs en cœurs parisienne.
jetée sur la capitale, avec son système d’avenues classiques, d’îlots n’offrait pas la même rigueur que les dispositions
ses boulevards et ses nombreux ronds-points, relais proposées en bords de rues. Il reste qu’à l’issue de la révi-
baroques de tous les grands tracés, constitue véritablement sion de 1989, et s’agissant des volumes bâtis, le POS a subi
l’image unitaire de Paris et assure son fonctionnement deux évolutions préoccupantes : tout d’abord, une certaine
comme organisme cohérent. Pendant vingt ans, des actions uniformisation des règles volumétriques, qui peut apparaî-
ont été promues sur les grandes voies de Paris. Cela a été le tre aujourd’hui comme un appauvrissement que la Ville
cas récemment avenue d’Italie, avenue de Flandre, boule- s’est d’ailleurs efforcée de pallier localement, au cours des

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148 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 149
années 1990, dans les différents POS particuliers mis en DES EXIGENCES Ces exigences se sont
place ; ensuite, des possibilités de densification introduites ACCRUES DE exprimées tout d’abord
qui ont été diversement appréciées. PROTECTION dans le cadre réglemen-
Aujourd’hui, les dispositifs protégeant le grand taire du POS. La Butte-
paysage de Paris doivent, en particulier, être réexaminés. aux-Cailles, la rue Montorgueil et les Champs-Élysées ont
La plus grande partie des arrondissements parisiens est vu s’amorcer, dès 1991, le développement de POS distinc-
en « site inscrit ». Cette protection pourrait être étendue tifs qui se sont étendus progressivement là où il apparais-
à la totalité du territoire, mais ses effets, qui intervien- sait urgent de préserver l’identité des quartiers, anciens
nent au niveau des permis de démolir et de construire, ne villages ou tissus de faubourgs, particulièrement
permettent, le plus souvent, que de contrôler l’impact à Montmartre, dans le quartier Mouffetard et dans le fau-
local des projets. De manière plus large, le POS de 1977 bourg Saint-Antoine. Parallèlement, une démarche répara-
a mis en application, pour limiter la hauteur des cons- trice a été engagée pour essayer de réorganiser les multi-
tructions, des hauteurs plafonds qui, globalement, s’élè- ples opérations publiques qui s’étaient développées aupara-
vent en gradins du centre à la périphérie. Ce dispositif vant sous forme de zones d’aménagement concerté (ZAC)
simplificateur n’a pas pris en compte certains schémas ou, le plus souvent, à partir de déclarations d’utilité
antérieurs plus élaborés qui préconisaient, par exemple, publique (DUP) sur des espaces de taille généralement plus
le respect de hauteurs modérées sur les parties basses, limitée répartis dans la ville.
plus importantes sur les reliefs, et la végétalisation des Une partie de ces opérations progressait avec diffi-
pentes. L’examen de la problématique des hauteurs pla- culté, souvent parce qu’elles posaient des problèmes aigus
fonds devra tenir compte à la fois des transformations de relogement. Leur emprise en mutation, avec des immeu-
lourdes imprimées à la silhouette de Paris et de ses bles murés et des terrains en friche, créait des inconvé-
abords immédiats, notamment dans les années 1960 à nients, certes temporaires, à l’échelle de l’aménagement
1970, et des potentialités de développement des territoi- d’une ville, mais très lourds pour la vie et le paysage des
res susceptibles d’évoluer. Le dispositif des fuseaux de quartiers où elles se situaient. Ces situations engendraient
protection qui sauvegarde les principaux points de vue, également des critiques à l’encontre des projets. La redéfi-
perspectives et échappées, pourrait, à cet égard, être nition des approches pour ces territoires a amorcé de nou-
étendu afin de préserver, en particulier, les vues issues velles formes de concertation avec les habitants, notam-
des grandes infrastructures routières et ferrées. ment par l’intermédiaire d’associations locales très actives,
en s’appuyant sur le travail d’architectes coordinateurs
LE POIDS L’échelle du Paris « glo- pour définir les nouveaux choix d’aménagement.
DES GRANDS bal » est aussi celle des Aujourd’hui, pour importantes qu’aient été ces inter-
ÉQUIPEMENTS grands équipements, ventions, le travail à accomplir reste considérable puisqu’il
dont l’intense dévelop- intéressera toutes les emprises mutables, mais aussi les

Paris et ses quartiers,doc. Apur


pement a été rappelé. Les années 1980 ont complété nombreux quartiers « composites » pour lesquels les ques-
le recentrement de la capitale déjà engagé autour des tions concernant le paysage sont importantes. La carte join-
Halles et de Beaubourg, ainsi que les projets présidentiels te met en évidence la diversité réelle du paysage de cer-
de l’IMA, de l’Opéra de la Bastille, d’Orsay et du Grand tains quartiers de Paris et la traduction qu’en donne doré-
Louvre. L’aménagement des Tuileries, de la passerelle navant le POS, devenu PLU. La comparaison des docu-
Solferino et des quais a peu à peu apporté un nouveau per- ments montre l’ampleur des moyens à mettre en œuvre
fectionnement à ce « patrimoine de l’humanité ». dans le cadre de la révision du PLU.
Une seconde série d’actions, particulièrement structu-
rantes pour le rééquilibrage des fonctions et la valorisation U N D É B AT S U R Le début des années
de l’image des quartiers est de la capitale, a été lancée avec L’ A R C H I T E C T U R E 1980 a coïncidé avec la
Le paysage urbain
le Palais omnisports et le ministère des Finances naissance d’un débat
Formes structurantes Composants du paysage et de son décor
compositions grands et petits édifices terrains de sport à Bercy, puis la Bibliothèque nationale François-Mitterrand entre les tenants d’une démarche historisante et ceux de la
et tracés monumentaux monumentaux au cœur de Paris Rive gauche. Au nord-est également, la poursuite d’une « modernité » ou d’une « néomodernité ».
espaces singuliers sculptures et fontaines espaces et talus paysagers
non accessibles poursuite de l’aménagement du site des anciens abattoirs de En matière d’aménagement urbain, cela s’est traduit par
perspectives et échappées plantations d'alignements
la Villette par l’État, autour de programmes d’équipements une recherche de rigueur urbaine dans les raccordements
bâtiments de 13 étages et plus jardins publics jardins privés
exceptionnels, est entrée en synergie avec la politique entre œuvres architecturales, comme dans les opérations de
Seine, canaux et plans d'eau cimetières menée par la Ville sur les quais des canaux, du bassin Bercy ou de Reuilly, à laquelle a répondu la volonté d’auto-
de la Villette et place de la Bataille de Stalingrad. nomie et d’originalité de certains architectes qui se sont dif-

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150 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 151
ficilement pliés à l’idée d’œuvres collectives liées à un pro- sur les territoires de ZAC, ce qui est nouveau. Il peut trai-
jet urbain. Ces attitudes ont trouvé à s’illustrer dans des ter, comme les POS particuliers, des questions de patrimoi-
réalisations de qualité, que ce soit à l’occasion des grands ne et de conservation des immeubles et des espaces libres
projets de l’État ou dans des opérations d’aménagement jugés intéressants. Enfin, son élaboration s’inscrit dans un
comme celle des Amandiers. Le résultat en est une sorte de processus de concertation très largement ouvert. Il doit
grand éclectisme de fait. aussi prendre en compte les évolutions du monde écono-
Pour ce qui est de l’architecture courante, au fil des mique, telles que la distinction de plus en plus incertaine
rues, le bilan est plus mitigé. Aux réalisations subtiles, entre immeubles d’activités et immeubles de bureaux, et la
mais trop rares, correspondant notamment à certains pro- conception nouvelle de ces immeubles nécessitant par
grammes sociaux, a répondu une production privée qui s’est exemple de plus grandes hauteurs sous plafond.
trop souvent appuyée sur un modèle « parisien » imaginai- Ces préoccupations peuvent apparaître ponctuelles,
re, revêtu d’enduits ou de pierres agrafées dont l’aspect et mais elles conditionnent en fait toutes les questions de
l’entretien ne vont pas dans le sens d’une harmonisation construction à Paris. Le PLU est, en définitive, une occasion
avec le « déjà-là ». de faire se rejoindre le Paris dont traitent les règlements
avec celui que les Parisiens souhaitent. Les interrogations
GÉRER La vision de Paris est sur les modalités de mise en œuvre d’un tel document
LA COMPLEXITÉ donc à présent devenue réglementaire restent cependant entières. Deux sujets
singulièrement plus méritent à cet égard un examen particulier : le patrimoine
complexe. Le Paris « représentatif » jouit d’une image cohé- et l’architecture.
rente et forte, construite en peu de temps. Sa forme, issue
pour beaucoup du XIXe siècle, est celle d’un réseau d’espaces DÉFINIR Au cours de l’histoire, la
et de bâtiments publics organisés « comme si les rues se LE SOCLE notion de patrimoine a
prolongeaient à travers la ville entière où les maisons ne PAT R I M O N I A L beaucoup évolué.
semblent pas là pour qu’on les habite mais comme des cou- Centrée sur les princi-
lisses entre lesquelles on passe » (W. Benjamin). paux monuments, elle s’est ouverte progressivement à des
Le Paris des quartiers est celui de la vie locale, de quartiers jugés historiquement remarquables, puis s’est
l’enfance et de l’éducation. La réforme de son plan, au étendue aux ouvrages d’art. Mais ce patrimoine, déterminé
XIXe siècle, n’a pas radicalement gommé les aspects tenaces par les textes, est aujourd’hui jugé par trop limité. La
de l’identité de ces quartiers : paysage, ambiance, vie col- demande porte désormais sur un patrimoine négocié, qui
lective, etc. Elle a tout au plus contribué à accélérer leur s’attache aux composantes les plus modestes du paysage de
différenciation sociale. Le Paris « local » trahit en fait ses la ville, voire aux souvenirs attachés à un lieu. Prendre en
origines composites et évolue lentement, par à-coups, de compte cette exigence dans les futurs documents d’urbanis-
manière très imbriquée dans le Paris « global ». Ces mou- me apparaît donc comme un impératif.

Paris et ses quartiers,doc. Apur


vements aboutissent au final à une géographie subtile de Ainsi, il faut que la préservation et la conservation
l’espace, qu’il devient difficile de gérer en termes régle- du patrimoine soient une préoccupation constante, sans
mentaires plutôt que sous la forme de projets de quartiers. pour autant tomber dans une vision immobiliste de la ville.
La structure du Plan d’occupation des sols (POS) de On note souvent que le mode d’engendrement progressif
Paris a, de ce point de vue, beaucoup vieilli. Adopté en 1977, d’un tissu composite appelle la protection en tant que pro-
révisé en 1989, puis en 1994, il a été, au cours de la derniè- cessus et non pour tel ou tel de ses constituants historique-
re décennie, amendé par les nombreux POS particuliers. Ces ment « intégrés ». L’idée d’un plan de préservation ou « d’é-
évolutions ont conduit à une grande opacité et à une diffi- volution accompagnée » a été avancée, lequel serait mis en
culté dans la manière de gérer les permis de construire, œuvre en concertation avec les riverains des différents
puisque, dans de nombreux quartiers, la distance est sou- quartiers, dans le cadre de zones de protection particulière,
vent grande maintenant entre les souhaits de la Ville, ceux combinant contraintes juridiques et avantages fiscaux Le tissu urbain
des habitants et ce que permettent les documents régle- éventuels. Cette politique sauvegarderait ce qui mérite de Tissus continus Tissus discontinus
mentaires. En un mot, le règlement qui fixe l’occupation du l’être dans l’héritage et le visage traditionnels de Paris, tout réguliers compositions centrées et axées grands et petits édifices
monumentaux
sol de Paris doit être revu. La révision du PLU, avec toutes en favorisant la cohabitation de formes architecturales
composites compositions libres jardins privés
ses incertitudes, offre à cet égard de nouvelles perspectives. anciennes et contemporaines.
Comme le POS, le PLU va peser sur la volumétrie et La diversité des points de vue actuels en matière de en partie libres Tissus de petite échelle
l’aspect des constructions, ainsi que sur les densités d’occu- patrimoine, qu’il s’agisse de ceux des habitants ou des
pation autorisées. Mais cette compétence s’étend désormais experts, indépendamment de la spécificité des quartiers,

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152 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 153
Mettre en valeur le paysage
et le patrimoine
S'appuyer sur la géographie
mettre en valeur les sites
de la Seine et des canaux
prendre en compte les effets
du relief
préserver les vues, perspectives
et panoramas

Préserver la diversité
des paysages urbains
exprimer les grands tracés
préserver les rives homogènes
mettre en valeur
les rues irrégulières
porter attention aux tissus
hétérogènes fragiles
traiter les rives
des opérations modernes

Exploiter et enrichir
le patrimoine naturel et bâti
valoriser les éléments
inscrits ou classés
respecter le rôle
des édifices repères
préserver les tissus
de petite échelle
sauvegarder des témoignages
de la mémoire locale

Redéfinir les paysages


en transformation
dans les lieux de projets
pour les opérations d'urbanisme
sur les infrastructures
(periphérique, SNCF
et petite ceinture)
par la mise en relation
des HBM et de la ceinture verte
Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur

Renforcer les continuités


en limite de Paris

au droit des seuils et des portes

En renforçant
les grands tracés et les jonctions

Première couronne, le cadre urbain


tissus continus
tissus discontinus
grandes emprises d'activités
tissus à dominante
d'habitat individuel

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154 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 155
1 S'appuyer sur la géographie 1 3 Admettre que l’architecture des bâtiments consti-
mettre en valeur les sites
de la Seine et des canaux tuant les parois de l’espace public soit totalement régie par
prendre en compte les effets des codes ou des conventions, a priori supposés être parta-
du relief
gés par le public, c’est refuser pour beaucoup le caractère
préserver les vues, perspectives
et panoramas irréfragable de l’œuvre architecturale. Encore faut-il, pour
alimenter le débat, que les termes naguère consensuels de
2 Exploiter et enrichir
le patrimoine naturel et bâti « caractère », de « convenance » trouvent leurs équivalents
valoriser les éléments
inscrits ou classés
contemporains.
respecter le rôle Fondée au départ sur des entretiens publics où pour-
des édifices repères
rait être également évoquée la question réciproque du
préserver les tissus
de petite échelle patrimoine et l’exposition d’exemples réussis (car il en
sauvegarder des témoignages existe), cette démarche pourrait se prolonger par des
de la mémoire locale
concours spécifiques à l’occasion de projets municipaux, ou
même, pourquoi pas, de l’État, comme on a pu le voir pour
3 Préserver la diversité
des paysages urbains les projets universitaires de Paris Rive gauche. Sous certai-
exprimer les grands tracés
nes conditions, les innovations d’aujourd’hui doivent figu-
préserver les rives homogènes
mettre en valeur
rer au patrimoine de demain. Il suffit de rappeler la violen-
les rues irrégulières
2 4 te polémique qui avait accueilli la présentation par la
porter attention aux tissus
hétérogènes fragiles
presse de la pyramide du Louvre, jugée par certains indigne
de son environnement architectural, alors que non seule-

Contribution à l’élaboration du PADD,doc. Apur


traiter les rives
des opérations modernes ment chacun s’y est habitué, mais que les avantages et
Redéfinir les paysages
la qualité du dispositif architectural sont admis par tous.
4 en transformation
dans les lieux de projets

pour les opérations d'urbanisme


sur les infrastructures
METTRE Toutes ces perspectives
(periphérique, SNCF
et petite ceinture)
EN PLACE appellent de nouveaux
par la mise en relation DE NOUVELLES outils. À partir de l’évo-
des HBM et de la ceinture verte
RÈGLES lution passée du POS,
les réflexions doivent
Première couronne, le cadre urbain
tissus continus s’organiser sur un dispositif réglementaire général, mais
tissus discontinus aussi sur certaines dispositions spécifiques, comme les
grandes emprises d'activité emplacements réservés pour équipements et pour aligne-
tissus à dominante ments. Ces dispositifs doivent-ils encore être utilisés et
d'habitat individuel
dans quelle mesure ? D’autres questions devront être abor-
dées pendant l’élaboration du règlement du PLU, comme
laisse prévoir que cette question sera difficile à gérer. Il équipements, bureaux et logements –, la profession a On peut cependant s’interroger sur les conséquences les servitudes en faveur du logement social. Il est utile de
faudrait, pour le moins, s’assurer des objectifs et de la conquis une stature internationale, dont les effets se font qui ont été souvent tirées de cette situation dans les projets les rappeler pour montrer la nature et la diversité des
méthode d’évaluation sur des bases stables et clairement encore sentir. Cette image est positive pour l’influence éco- les plus actuels, qui voient fleurir une architecture de pasti- mesures qui devront traduire, sur le plan réglementaire, les
établies, complétées par quelques critères spécifiques nomique et culturelle de la France. À l’inverse, les che et peu imaginative. Peu de gens prennent de risques orientations du Projet d’aménagement et de développement
variables selon les particularités des secteurs étudiés. Parisiens, s’ils apprécient certains grands projets, sont aujourd’hui, surtout quand pèse la menace d’un contentieux durable (Padd).
d’une façon générale assez réservés sur l’architecture au moment du permis de construire. Si l’objectif est que Paris
LES PA R I S I E N S La création de quartiers récente produite dans la capitale. Il est vrai que plusieurs reste une capitale vivante et créative, la question d’une recon- LA DENSITÉ. La question de la densité est au cœur de
ET nouveaux a également constructions, de grandes dimensions ou au cœur de quar- version, voire d’une renaissance de l’architecture contempo- la loi SRU. Sa gestion fait cependant débat, sur le fond
L’ A R C H I T E C T U R E donné lieu, au cours des tiers anciens, laissent perplexe et pèseront de façon dura- raine, pourrait être reposée. La sensibilité nouvelle des habi- comme sur la forme.
CONTEMPORAINE années passées, à des ble sur le paysage des quartiers qui les ont reçues. Il faut tants, favorables à l’irrégularité, à l’inachèvement, pourrait Sur le fond, la question du niveau satisfaisant de
débats souvent très vifs encore sensibiliser et former davantage les maîtres d’ou- rencontrer la pratique artistique revendiquée par certains densité n’est pas facile à régler. L’objectif pourrait être de
sur les questions d’architecture. Ces débats ont pris un vrage, notamment privés, et la profession dans son ensem- architectes qui prônent la fragmentation, la dissymétrie, les maîtriser l’évolution de l’espace urbain en contrôlant mieux
tour nouveau avec le développement des grands projets de ble à ces questions d’insertion urbaine d’une architecture failles, la variété volumétrique, la diversité des matériaux… les reconstructions en cas de démolition et reconstruction ;
la Ville et de l’État, de sorte qu’au total, la situation appa- contemporaine de qualité. Une comparaison avec les Peut-on rêver d’une valeur plus faible du foncier et de densi- en aménageant partiellement les friches en jardins, équipe-
raît aujourd’hui paradoxale. Vis-à-vis de l’extérieur, grâce méthodes et les résultats obtenus dans des capitales com- tés mieux contrôlées qui autoriseraient aussi des espaces ments sportifs ou de proximité, lorsque les besoins sont
principalement à ses réalisations parisiennes – grands parables pourrait éclairer cette question. d’expérimentation architecturale, voire urbanistique? manifestes. Les modalités d’application de ces règles sont à

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156 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 157
1 2 3 8 9 10

Promotionnel populaire (1, 2) et


moderne (3)
1. Rue Leibniz, ZAC Moskowa
2. rue de Charonne
3. rue de Charonne

Conventionnel urbain
4. Odile Seyler, 1998.
5. Patrick Berger, 1999.
6. agence FFL, 2000.
7. Galiano, Simon, Ténot, 2000.

Néo-moderne «puriste»
8. Brenac et Gonzales, 1993.
9. Mas et Roux, 1999.
10. Michel W. Kagan 1998.

Expressionniste «plastic» 11 12 13
11. Phillippe Borel, 1999.
12. Vittorio Mazzucconi, 1976.
13. Michel Bourdeau 1994.

Conventionnel «brutaliste»
14. Herzog et de Meuron, 2002.
15. Philippe Gazeau, 1993. 4 5

Photos : Apur.

6 7 14 15

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158 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 159
affiner, par exemple en utilisant différemment le « COS de haitable, mais cela doit être encore débattu. Il faudra préci-
fait ». Ce dispositif permet actuellement, dans certains cas ser s’il convient de prévoir une règle pour chaque site ou une
et sous certaines conditions, de reconstruire un immeuble règle générale. Le cas particulier de la zone ND sera à exa-
dans le même volume, même si ce volume offre une densité miner avec soin, site par site, pour en faire évoluer les moda-
généralement supérieure à celle autorisée dans la zone. lités d’application le cas échéant. Toutes ces questions méri-
À l’inverse, le maintien d’une densité inférieure à celle tent donc un examen approfondi sur la base des orientations
autorisée pourrait être exigé, afin de préserver certaines prises à l’issue de la première étape d’élaboration du PLU.
parcelles de la densification ou de l’homogénéisation.
Sur la forme, pour gérer cette densité, le choix reste MIXITÉ, DIVERSITÉ ET ZONAGE. La question du zonage
ouvert entre le maintien d’un COS, ou la simple expression pourrait se poser, d’un point de vue général, dans un esprit
de règles de constructibilité définissant un volume et un relativement proche, pour Paris, de celui des anciens POS.
gabarit, par le jeu combiné de règles de hauteur, de pro- Mais, même dans cette hypothèse, d’autres questions reste-
spects, de distances d’implantation par rapport aux voies raient à approfondir.
publiques ou aux limites séparatives, et de coefficients Le choix des échelles retenues pour assurer la mixité
d’emprise au sol. Pour Paris, il a jusqu’à présent été jugé et la diversité doit tout d’abord être précisé. Sur certains
intéressant de pouvoir appliquer des COS différenciés par thèmes, elles pourraient être assurées à l’échelle du quar-
fonction, pour orienter la destination des bâtiments, ainsi tier, mais parfois, il pourrait être jugé souhaitable de des-
que des COS alternatifs adaptés à la superficie des terrains cendre à celle de l’îlot, voire à celle du bâtiment. Le réalis-
et à la structure foncière de la zone. Des choix seront à faire me de telles orientations devra être apprécié. Une densité
dans ce domaine. La loi SRU invite par ailleurs à utiliser définie à l’échelle de l’îlot pourrait, par exemple, servir de
aussi le COS comme un outil possible de transfert de den- mesure et de plafond à des actions à la parcelle, par exem-
sité pour des motifs de protection, ouvrant, dans le cas des ple en acceptant des bureaux en rez-de-chaussée si le taux
logements, la possibilité de vendre les droits à construire d’emploi dans l’îlot est très bas.
d’une parcelle sensible qui serait conservée en l’état. En matière de paysage, indépendamment des règles
L’intérêt de cette possibilité pour Paris sera à apprécier. fixées pour la densité, une attention beaucoup plus fine
Le niveau des COS, si cet outil est maintenu, devra devra être portée aux différenciations morphologiques,
être défini dans chaque zone et chaque secteur. Au-delà, il quartier par quartier. Une précision suffisante devra être
faudra cependant préciser comment et où des dispositions apportée à la description du caractère de chaque secteur.
particulières devront être prises. Ces ajustements pour- À l’intérieur de ces territoires, les conditions de préserva-
raient concerner des secteurs géographiques (quartiers sen- tion de certains immeubles, ou de groupes d’immeubles,
sibles en termes de paysage) ou certaines parcelles en fonc- nécessiteront des analyses fines.
tion de leur taille. On peut encore imaginer d’inverser le
dispositif en ayant en général un COS relativement bas et LES OUTILS Plusieurs règles de défi-
des bonus pour certaines fonctions ou dispositions. Dans nition des formes urbai-
certains secteurs, la mixité des fonctions qui caractérise nes doivent encore être précisées dans le cadre des nouveaux
le tissu, ou encore la mixité des programmes de logements, documents d’urbanisme.
voire le logement social, pourraient par exemple bénéficier
d’un tel bonus. LES ALIGNEMENTS. Un nouvel examen des alignements
Les terrains sous-utilisés, notamment les grands ter- de voirie qui subsistent, après les mesures successives de
Doc. Apur

rains, poseront des questions particulières. La loi SRU auto- réduction prises au cours des dix dernières années, paraît
rise, il est vrai, par le biais de l’article L. 123-2, le sursis à souhaitable. S’ils demeurent peu nombreux, les sites en
statuer sur cinq ans pour l’aménagement de certains ter- question impliquent aujourd’hui des choix difficiles.
rains. Mais ce délai reste bien court, comparé à celui néces- L’implantation des constructions à l’alignement, qui était
Densités bâties
saire à la réflexion pour concevoir l’avenir de tels terrains. Il jusqu’à présent une règle centrale du POS, pourrait être
Densité à la parcelle (rapport entre la surface totale de plancher bâtie faudra peut-être imaginer d’autres dispositifs pour les gérer. mieux modulée en fonction du contexte bâti, en ordre conti-
et la surface de la parcelle)
de 0,21 à 1,00 D’autres pistes sont également à explorer, comme la création nu ou discontinu.
principaux équipements bâtis
de 1,01 à 1,50
et non bâtis d’emplacements réservés permettant, notamment, de L’obligation, sauf présence du filet de couleur, impo-
de 1,51 à 3,00 concourir à l’objectif d’atteindre les 20 % de logements sant d’implanter les constructions à six mètres de l’axe
de 3,01 à 5,00 sociaux, ou la mise en œuvre de projets d’intérêt général. Le d’une voie pose également question. Supprimer cette règle,
Sources : données Dauc, STDF, 1999,
5,01 et plus fichier des propriétés bâties – FPB 1999 maintien, dans leur principe, de zones générales comme les sauf adaptation sur certains sites particuliers, permettrait
zones ND, UP, UI et UN paraît en première approche sou- de généraliser l’implantation à l’alignement de fait, plus

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160 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 161
respectueux du paysage. Par ailleurs, la question de « l’îlot D’autres questions, nombreuses, concernent égale- É LÉMENTS Paris, « ville ouverte et les boulevards des Maréchaux,
ouvert » conduit à revenir sur la nécessité d’une application ment : POUR UN PLAN
D ’ AMÉNAGEMENT
solidaire », c’est d’abord, une d’une liaison de transports
systématique de l’ordre continu. Dans certains secteurs, ou - les distances entre bâtiments en fonction des hauteurs, ET mise en valeur du paysage et du en commun plus fluide entre les
DE DÉVELOPPEMENT
sur certains terrains de grandes dimensions, la disconti- ainsi qu’entre bâtiments et limites séparatives en fonction DURABLE patrimoine parisiens, avec l’em- gares, de nouvelles stations de
nuité, ou l’exigence de transparence, pourrait par exemple du nivellement. Des dispositions nouvelles, plus respec- bellissement des grandes artè- métro et de RER dans les zones
être la règle suivant des modalités qui restent à définir. tueuses du paysage préexistant, sont à imaginer notam- res, la défense des ensembles les moins biens desservies.
UN URBANISME
Elle pourrait être cohérente avec des COS modérés. ment vis-à-vis de l’ensoleillement ; OUVERT
bâtis hétérogènes (faubourgs, C’est également favoriser le dé-
- les gabarits enveloppes sur rues et les toitures. Une défi- ET SOLIDAIRE quartiers pittoresques), ceux de veloppement des transports par
LES EMPRISES CONSTRUCTIBLES. L’expérience acquise nition plus nuancée des gabarits, selon les tissus et la lar- faible densité et ceux qui sont voie d’eau, ainsi que l’organisa-
montre que l’épaisseur de la bande constructible en rive geur des voies, s’impose à de nombreux points de vue ; inscrits ou classés. Mais c’est tion de la distribution des mar-
d’espaces publics, dite bande E, doit, dans certains cas, être - les saillies, retraits et percements sur rues. Il est souhai- aussi accueillir l’architecture chandises à partir d’hôtels
adaptée en fonction de la nature des formes urbaines d’un table de prendre en compte le relief et la pente des voies en moderne et lui donner toutes logistiques et d’un maillage de
quartier et des fonctions à accueillir ou existantes. Les instaurant, en fonction de cette pente, des longueurs maxi- les possibilités de s’exprimer. points relais pour la distribu-
règles de construction dans la profondeur des parcelles doi- males de bâtiments et en obligeant à fractionner les volu- tion locale.
vent aussi être revues afin de permettre notamment une mes des grands linéaires de façade ; C’est, en outre, une ville
utilisation plus généreuse en limite séparative. - le traitement des rez-de-chaussée et des transparences plus verte, avec des options for- La « ville solidaire », c’est
qui concerne les commerces, mais aussi la possibilité d’ac- tes : créer de nouveaux jardins une nouvelle politique de l’habi-
LES HAUTEURS. La hauteur des constructions, leur cepter les bureaux en quantité mesurée ; en donnant la priorité aux tat impliquant, d’une part, un
régularité ou, au contraire, leurs singularités, fondent un - le stationnement, dont les règles doivent s’appuyer sur les quartiers qui en sont le plus rééquilibrage entre les diffé-
des aspects majeurs du paysage de Paris. Davantage même, dispositions conjointes du Plan des déplacements urbains dépourvus, mais également, rents quartiers, afin de désen-
il s’agit d’un véritable discriminant entre le Paris global et (PDU) et de la loi SRU. La possibilité de définir des péri- dans la mesure du possible, claver et de revitaliser les terri-
le Paris local. L’un est saturé ou saturable ; l’autre, et c’est mètres spécifiques est l’une des premières réflexions à offrir des jardins ou des espaces toires marqués par les grands
sa qualité essentielle, paraît inachevé, par conséquent évo- mener dans ce domaine. Il s’agit d’une question très impor- végétalisés à proximité du do- ensembles sociaux et, d’autre
lutif. Outre les questions de fond sur l’intérêt et la diversi- tante, qui a déjà été développée dans l’examen des ques- micile de chaque Parisien, met- part, de rendre prioritaires la
té du paysage de Paris, déjà évoquées, ce thème soulève des tions de déplacement et de gestion de l’espace public ; tre en valeur le site de la Seine lutte contre l’habitat dégradé
interrogations ponctuelles sensibles sur les raccordements - les locaux annexes, dont les caractéristiques devraient et celui des canaux, ou encore et la réduction des inégalités
entre immeubles, les verticales de façade et la gestion des être adaptées au développement du vélo, mais aussi au tri requalifier les grandes voies dans les quartiers « politique de
pignons, mais aussi sur la profondeur des parcelles, notam- sélectif des ordures ménagères ; plantées et favoriser l’ouver- la ville » et sur le territoire de la
ment dans les sites dont le relief est important. L’hypothèse - enfin, la remise en ordre et, sans doute, un contrôle accru ture d’espaces libres. couronne. Cet urbanisme s’atta-
d’une hauteur plafond par secteur pourrait être examinée. des règles de publicité et des dispositions de ravalement. che à favoriser la vie de quar-
Faire de Paris une « ville tier en préservant et favorisant
Cet article a été rédigé à partir des études de l’Apur, ouverte », c’est encore réconci- la diversité sociale, économique
notamment « Paris 2001, Analyse économique, sociale et lier les principaux espaces et commerciale, essentielle au
urbaine, bilan analytique », Olivier Nicoulaud, Apur, publics et la vie locale avec maintien de la substance et de
octobre 2001. la mise en place d’un réseau de l’animation des quartiers.
liaisons douces entre les quar-
tiers, « civiliser » les voies prin- Enfin, la « ville soli-
cipales, alléger la circulation daire », c’est chercher à ouvrir
dans le centre, protéger les rive- de nouveaux secteurs de déve-
rains et les espaces publics des loppement aux limites de Paris,
nuisances automobiles et limi- en synergie avec les communes
ter celles des autocars aux riveraines qui ont engagé des
abords des principaux sites tou- projets de développement sur
ristiques. C’est aussi promou- de nouveaux pôles d’activités,
voir une « écomobilité », avec un comme au Nord-Est, au sud de
nouveau plan de circulation, la Plaine de France ou sur les
la création d’un tramway sur rives de la Seine.

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162 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 163
LE PATRIMOINE
ÉVOLUTION ET ENJEUX

F R A N Ç O I S L O Y E R

La notion de patrimoine, qui nous est aujourd’hui intégrale et défenseurs de la liberté d’entreprendre. L’échec,
familière, n’existait pas encore il y a vingt-cinq ans. Aussi en Conseil d’État, des tentatives de classement, au titre des
ne faut-il pas s’étonner qu’elle soit entièrement ignorée du Monuments historiques, de l’ancien édifice (un hôtel parti-
POS de Paris, élaboré dès 1974. S’il existait, à cette époque, culier du XVIIIe siècle) aboutira à l’usage quelque peu sur-
un intérêt aux questions de conservation du bâti, il concer- prenant d’une protection limitée aux « façades et toitures ».
nait davantage la sauvegarde d’un paysage urbain mis à Le façadisme (mot récent pour une pratique ancienne) en a
mal par les règlements en vigueur, que l’orientation volon- été la conséquence immédiate, illustrée dès la première
tiers nostalgique de la sensibilité actuelle, tournée vers une décennie du XXe siècle par des exemples prestigieux 6. Le
préservation extensive des témoignages du passé. glissement qui s’opère alors entre édifice isolé et ensemble
Le contexte n’était d’ailleurs pas le même. Dans une pério- bâti inverse la procédure de conservation instituée au siècle
de dévouée à la contestation du mouvement moderne (et de précédent. Ce n’est plus le monument qui est protégé en
ses effets sur la forme urbaine), la prise de conscience de tant que tel, mais l’enveloppe d’un vide urbain, considérée
l’intérêt du paysage bâti était en pleine renaissance – la comme bien collectif inaliénable. D’autres combats, contre le
notion même de « tissus constitués » 1 en est la preuve. mobilier urbain (abandon du projet d’entrée de métro
La génération du dernier quart du XXe siècle, qui a été « Guimard », place de l’Opéra, 1904), contre les affiches
la nôtre, redécouvrait une conception de l’aménagement lumineuses (Saint-Lazare, Opéra, grands boulevards, 1905-
urbain depuis longtemps considérée comme désuète, honnie 1908), consolideront un nouveau partage entre domaine
au nom de la théorie moderniste de l’intégrité de l’architec- public et domaine privé. L’espace public intégrera désormais
ture (et de ses postulats sur le privilège de l’intérieur par la conservation des ordonnances, au moins dans leur appa-
rapport à l’extérieur, l’autonomie des volumes par rapport rence, l’espace privé autorisant, à l’inverse, le renouvelle-
à la régularité des ordonnances). Elle ne pouvait que la ment sans contrainte du bâti existant.
mettre aussitôt en application, par contraste.
UNE RÉNOVATION MASQUÉE. Nonobstant ce partage de
LA TRADITION Paris, il est vrai, était un territoire, le conflit entre conservation et rénovation n’a fait
PA R I S I E N N E bien bel exemple de sen- que s’aggraver par la suite. Dès les années 1930, la pression
sibilité au paysage bâti, des associations retarde des opérations « table rase » dans

Photo : Apur.
un exemple facile à mettre en évidence. Née de la découverte les îlots insalubres des quartiers anciens de la capitale.
de la scénographie urbaine par l’urbaniste autrichien Camillo Menacés d’éradication, la Montagne Sainte-Geneviève ou le
Sitte 2, la notion de paysage avait imprégné le règlement Marais mobilisent l’action des défenseurs du « Vieux-
parisien durant plus d’un demi-siècle, de 1902 à 1961 3. Paris ». On aboutira, sur le quai des Célestins, à un com- Le centre
promis peu satisfaisant entre remontage de façades ancien- Georges Pompidou
FAÇADES ET TOITURES. Depuis les grands combats cont- nes (éventuellement, déplacées) et rénovation intégrale de fait désormais
partie intégrante
re l’altération des ordonnances monumentales de la capita- la structure urbaine. Dans les années 1940, triomphe le
du paysage quotidien.
le, menés au tournant du siècle par les associations, une principe du « curetage » associant conservation et assainis-
véritable tradition s’était instaurée dans ce domaine. sement du bâti (dédensification, consolidation, mise aux
Comme toujours, elle avait été le résultat d’une longue normes de confort et d’habitabilité), tel qu’Albert Laprade a
bataille d’intérêts 4. Le projet de reconstruction de l’hôtel pu l’appliquer pour l’îlot des Prêtres Saint-Gervais
Ritz, place Vendôme 5, avait été l’occasion, en 1893, d’un des entre 1941 et 1946. Mais ces interventions coûteuses sont
premiers affrontements entre tenants de la conservation rarement la norme. Le plus souvent, on se contente de

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164 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 165
conserver partiellement l’enveloppe ou même de l’imiter, typologie de l’immeuble et sa traduction en termes de divi- pervers), mais dans la recherche d’une originalité plus fine, HOMOGÉNÉITÉ OU PITTORESQUE ? Rétablir un ordonnan-
parfois assez grossièrement comme cela a pu être le cas sion parcellaire n’ont pas longtemps résisté. L’élargissement au niveau de l’écriture du détail – matière, graphisme, cou- cement urbain a été l’ambition majeure du règlement de
dans le Marais durant les années 1970. Aux effets plutôt de la propriété foncière à l’échelle de l’îlot en a été l’instru- leur dont les variations parfois infimes génèrent autant et 1977. On peut, certes, déplorer que le détail de l’ordonnan-
positifs pour la forme urbaine qu’entraîne le maintien des ment. Il n’y a rien de surprenant à ce qu’il se traduise, hier plus de poésie que les contrastes violents, chers à certains cement n’ait pas été plus fin – qu’il n’ait pas été modulé en
apparences, s’oppose l’incohérence du bâti qu’une telle pra- comme aujourd’hui, par une restructuration radicale qui modernes et à leurs imitateurs. fonction d’un contexte éminemment changeant d’un quar-
tique engendre. Derrière les façades préservées naît une efface toute trace du bâti antérieur, sauf son enveloppe. tier à l’autre, sinon d’une rue à l’autre. Peut-être faut-il plu-
architecture de compromis – les contraintes de l’enveloppe AMBITIONS ET LIMITES. Le règlement de 1977 reste tôt s’en satisfaire ? Comme les règlements antérieurs, il
ne pouvant qu’aboutir à des solutions irrationnelles, quand U N POS Néanmoins, le POS de d’une grande modestie sur le plan morphologique. Comme détermine une typologie du bâti dont la forte personnalité
elles ne sont pas mensongères. L’hybride du vieux-neuf ou PAY S A G E R 1977 aura eu un effet ses prédécesseurs, il ne définit qu’un gabarit-enveloppe et s’impose dans son site. Partout où il a pu être appliqué à la
celui du faux-vieux traversent un demi-siècle d’histoire de majeur en matière de quelques lignes de repère. On aurait pu aller plus loin, réalisation d’ensembles, il génère des paysages homogènes,
la conservation des villes. paysage urbain : il aura réintroduit l’exigence de l’homo- inscrire dans le texte des pratiques architecturales qui ont cohérents. Il en est autrement lorsqu’on agit en secteur dif-
généité du bâti, inscrite dans les règlements anciens. fait l’unité du paysage parisien – le principe de soubasse- fus, au coup par coup. Car la coexistence sera parfois diffi-
RENAISSANCE DU FAÇADISME. Dans d’autres quartiers où Déterminant du droit à construire, il n’avait pas pour ment, la règle du « tant plein que vide » (qui cherche à équi- cile avec d’autres types de construction. Reste que vouloir
la pression du tertiaire est forte, l’opposition entre une typo- vocation d’intégrer des servitudes de conservation du librer les trumeaux et les baies), la proportion des perce- imposer une architecture d’imitation, en harmonie avec le
logie du bâti adaptée au logement et la demande de pla- bâti existant – même si on en a fait, de nos jours, un ments (dont la largeur reste à peu près constante, autour de contexte, est une prétention risquée. L’homogénéité, qu’on
teaux de bureaux d’un seul tenant devait donner à la pra- usage patrimonial au prix d’un détournement de ses 1,15 m) 10, le positionnement des corps de moulure (leur reproche tant à ce règlement (comme à tous ceux qui l’ont
tique du façadisme, une actualité nouvelle. Elle sera encou- règles (Montmartre, faubourg Saint-Antoine). En revan- codification est si évidente que tout manquement apparaît précédé jusqu’en 1967), est-elle moins dangereuse, en défi-
ragée par la dynamique réglementaire du « COS de fait » che, il était dans sa logique de déterminer la forme urbai- comme une gêne), jusqu’au matériau de façade (la pierre de nitive, que cette fascination du pittoresque dont nous som-
(intégrée au POS de Paris lors de la révision de 1989). Nous ne, avec les potentialités constructives qu’elle induit. taille, pourtant si chère aux associations de défense). On a mes à nouveau prisonniers ? Si le recours à une architectu-
héritons aujourd’hui d’une décennie de pressions foncières Pour cela, il est apparu fondamental d’imposer des règles évité cet excès de détermination qui aurait fait de la faça- re d’accompagnement paraît sans risque lorsque l’aligne-
dans les quartiers du centre-ouest de la capitale. Si la « Cité d’ordonnancement des façades en s’inspirant de l’ordon- de, un rideau uniforme d’une pesante banalité. En revan- ment est suffisamment déterminé (il ne s’agit alors que de
financière » (1973), voulue par le président Pompidou, ne nance hasardeuse des « tissus constitués » (produit d’une che, on n’est pas parvenu à imposer une cadence parcellai- se raccorder aux voisins), il devient profondément contesta-
s’est pas faite, la logique de la restructuration des surfaces stratification du bâti sur la durée de plusieurs règle- re : l’approche purement formelle de cette question (par ble dans des situations plus complexes où cohabitent des
de bureaux ne s’y est pas appliquée avec moins de force, ments urbains successifs). crainte des effets de « barre ») a ignoré la logique du décou- bâtis d’âge, de volumétrie et d’écriture différents – par
entraînant tout à la fois la tertiarisation presque totale du page des unités fonctionnelles (en relation avec les systè- exemple, les faubourgs. Car l’assemblage désordonné de
secteur et la dénaturation de la cohérence du bâti 7. Quand RETOUR AU GABARIT. L’obligation d’alignement, la hau- mes de desserte des logements par cages d’escalier), comme constructions hétérogènes, aboutissant à des situations pit-
le règlement a introduit cette disposition nouvelle, c’est un teur de corniche et le gabarit de toiture ont été rétablis elle a ignoré les problèmes d’échelle de propriété pour la toresques, souffrira autant de l’intrusion d’éléments nou-
véritable encouragement à la mutation qu’il a institué, avec dans l’intention d’harmoniser les constructions neuves avec gestion quotidienne (gardiennage, syndic…) 11. Ce point de veaux appartenant à une autre logique, que de la constitu-
tous les effets que l’on peut mesurer chaque jour, de la les anciennes, indépendamment de toute question de style vue aurait pourtant eu son sens, tout comme la lutte cont- tion de « chevilles » qui sont autant de temps faibles, de
Madeleine jusqu’à la Bourse. Soumises à cette exigence, la (laissée à l’appréciation des constructeurs). Il n’était nulle- re la spécialisation du bâti – qui tend à en afficher la desti- phrases creuses dans le discours urbain. À la longue, leur
ment question de revenir à un néo-haussmannisme dont les nation dès l’origine, de manière irréversible. La tradition
corniches et moulures s’essaieraient à plagier l’art du parisienne avait toujours évité, en effet, que l’apparence
XIXe siècle, mais bien plutôt d’inventer, comme cela a été fait traduise la fonction (sauf pour le monument, qui est le lieu
en quelques endroits 8, une forme d’ordonnancement qui de l’exception). Derrière des façades bourgeoises, a priori
transpose, dans les matériaux et l’écriture de notre temps, destinées au logement, l’usage installait des hôtels, des
cet esprit d’unité et de cohésion dont manquent totalement commerces ou des bureaux sans en affecter le rythme. La
les expressions par trop individualistes de l’architecture réversibilité était donc possible. Plus subtilement, le prin-
moderne des Trente Glorieuses 9. Le principe de cette régle- cipe de soubassement permettait d’introduire, en rez-de-
mentation, encore valable à notre avis, est d’introduire une chaussée, le plain-pied et les fortes hauteurs sous plafond
forme de solidarité entre les éléments composant la forme nécessaires au commerce ou à l’activité, sans perturber l’or-
urbaine, quels qu’en soient l’âge, le matériau et le style. Le donnance générale. Enfin, la présence d’un entresol avait
respect d’une langue commune est le seul moyen de parve- favorisé de longue date l’inscription des activités tertiaires.
nir au dialogue, fût-il modestement architectural. Ce n’est Sous cette forme codifiée, l’immeuble parisien était une
pas réduire le droit à l’invention, encore moins à l’imagi- construction mixte, susceptible d’abriter d’autres fonctions
naire, que de proscrire cette forme d’autisme qui a conduit que le logement sans pour autant en souffrir 12. On ne peut
à l’anarchie des paysages et à la concurrence de leurs cons- pas dire la même chose des plateaux de bureaux aux faça-
tituants par l’affirmation excessive des individualités et des de verre construits depuis trente ans. Le règlement a
l’absence d’une règle commune. Il n’était pas absurde de peut-être eu tort d’être muet sur des points susceptibles
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considérer, comme on l’a fait jusqu’au milieu du XXe siècle, d’affecter non seulement l’architecture, mais l’usage qui en
que l’invention architecturale ne résidait pas dans une ges- est fait. Contre les rigidités du zonage fonctionnel, les pra-
ticulation volumétrique (dont on peut mesurer les effets tiques anciennes apportaient une solution intelligente.

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166 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 167
répétition constitue un ensemble insipide, une sorte de non- ici que la question patrimoniale est réapparue, en annexe dans le POS, dont la logique n’a pas changé (il était quences. Le moins que l’on puisse dire est que l’attitude de
architecture tout aussi ennuyeuse qu’elle est trompeuse. au nouveau règlement urbain. Que fallait-il protéger et d’ailleurs approuvé depuis 1977, deux ans avant la fin de l’opinion est ambiguë par rapport à la création contempo-
pour quelles raisons ? La culture anglo-saxonne avait l’étude), mais dans plusieurs opérations de rénovation raine – sa revendication patrimoniale ne l’est pas moins !
L’ I R R U P T I O N Le règlement du POS a depuis longtemps réhabilité l’ère victorienne, quand la devenues beaucoup moins destructives qu’auparavant. Il Pour bien comprendre les enjeux culturels de notre époque,
D U PAT R I M O I N E rompu avec une poli- France continuait toujours d’en proscrire la mémoire. Il a suffit de visiter la ZAC Guilleminot pour s’en convaincre. un détour par l’histoire est nécessaire.
D A N S PA R I S tique de rénovation à fallu des débats publics autour d’opérations contestables, Des immeubles que l’étude n’avait pas retenus ont été réha-
grande échelle fondée comme celle des Halles, pour que les mentalités changent. bilités, alors même que leurs qualités architecturales LE « MONUMENT HISTORIQUE ». À l’origine, le « monu-
sur la notion de plan libre – politique qui avait abouti, en La destruction des pavillons de Baltard, durant l’été 1971, étaient jugées médiocres. Mais ils avaient le mérite d’ap- ment historique » était œuvre d’exception. Comme son
moins d’une décennie, à la déstructuration de quartiers a été le déclic à partir duquel la réhabilitation du XIXe siè- partenir au quartier, de s’intégrer à son contexte et d’en nom l’indique, il portait témoignage d’un passé révolu,
entiers dans les arrondissements extérieurs. Cette concep- cle s’est enfin engagée. Elle aboutira, en 1974, sous le sep- exprimer parfaitement l’ambiance. La problématique de la constitutif de l’identité nationale. Rapidement, les préoc-
tion de la rénovation, qui nous paraît aujourd’hui si bruta- tennat de Valéry Giscard d’Estaing, à la définition d’une conservation d’ensemble l’emportait dorénavant sur celle cupations ont glissé du plan de l’histoire nationale à celui
le, ne laissait pas vraiment de côté la question de la pré- nouvelle politique de protection du patrimoine au sein du de l’évaluation artistique. Le changement mérite d’être d’une histoire de l’art national : les choix porteront sur la
servation, elle répondait à une autre logique – celle de la ministère de la Culture. Le XIXe siècle, pris dans son sens noté. Même si le POS de Paris n’inclut aucune règle de qualité artistique bien plus que sur la signification
ville sur la ville, du renouvellement dans la continuité large (de la Révolution à 1914, voire jusqu’en 1940…), conservation, l’étude « Paris XIXe siècle » avait changé la mémorielle – sauf circonstances particulières, comme en
inscrit comme une dimension fondamentale de l’urbanité –, entrait dans le champ des Monuments historiques, dont il donne en révélant la dimension patrimoniale tout à fait témoignent ces tranchées et ces trous d’obus classés au
mais elle en ignorait la dimension morphologique, dont elle avait été si longtemps proscrit. exceptionnelle de la capitale. titre des Monuments historiques dès le lendemain de la
contestait le bien-fondé. Elle lui préférait la création de Première Guerre mondiale. Ainsi, le monument histo-
« nouveaux paysages » 13 sans rapport avec les anciennes L’ÉTUDE « PARIS XIXe SIÈCLE ». L’Atelier parisien d’urba- rique avait-il naturellement tendance à se confondre avec
ordonnances : isolement des constructions, refus de l’aligne- nisme, lui, n’avait pas attendu l’alternance politique pour le monument au sens architectural du terme.
ment, orthogonalité des formes, suppression du plafond de lancer une étude sur le patrimoine du XIXe siècle à Paris. Dès D’historique, il était devenu artistique – rejoignant l’œu-
hauteur. L’approche esthétique de l’espace moderne entrait le printemps 1973, une étude expérimentale était menée sur vre de musée dans le culte de l’art dans lequel s’est com-
en concurrence avec une culture de l’urbain vieille de plu- le quartier de l’Europe, afin de définir les outils de l’évalua- plue l’époque contemporaine. Mais la France est un pays
sieurs siècles 14. Cela n’aura pas empêché la question de la tion du bâti des XIXe et XXe siècles dans Paris. Elle aboutis- d’administration centrale et le concept même de « monu-
conservation de se poser en termes particulièrement aigus sait rapidement à la nécessité de passer de la description ment historique » en garde la trace. N’ont été vraiment
durant toute cette période. Plus la rénovation progressait, analytique, sous forme de fiches, à une présentation synthé- protégés à ce titre que les édifices appartenant aux col-
dans des îlots insalubres promis à la disparition, plus la tique, par le biais de la cartographie. Il faudra à un enquê- lectivités publiques (État, départements et communes).
diversité des patrimoines architecturaux et urbains s’affir- teur unique 16 près de cinq ans pour parcourir Paris dans Le reste semblait appartenir au domaine privé, à tel point
mait – même dans des quartiers d’apparence modeste son entier et évaluer la masse du patrimoine existant. qu’une interprétation restrictive de la notion de classe-
comme Ménilmontant ou la Butte-aux-Cailles. Menée de l’extérieur vers l’intérieur de la ville, l’étude avait ment entraînera bientôt la suppression, sur la liste de
pour but de sensibiliser les responsables à l’existence d’un protection, d’un certain nombre de grands châteaux en
REDÉCOUVERTE DU XIXe SIÈCLE. Encore fallait-il, pour patrimoine méconnu, mais aussi d’en faire apparaître quan- mains privées pour les rendre au bon vouloir de leurs pro-
comprendre Paris, se dégager de certains préjugés cultu- titativement l’importance et la cohérence. La difficulté à priétaires. De fait, la confusion qui existait dès l’origine
rels, les lieux communs d’une forme de « bon goût » hérité établir des critères de sélection est immédiatement appa- entre le ministère des Cultes et le Service des monuments

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des élites de la IIIe République. L’approche qui était celle rue. Il ne s’agissait pas de sélectionner des monuments his- historiques – c’est-à-dire entre « diocésains » et architec-
des défenseurs du patrimoine depuis près d’un siècle igno- toriques dont le caractère exceptionnel justifierait la protec- tes des Monuments historiques (les uns et les autres
rait tout, en effet, de la production postérieure à la tion, mais bien de faire émerger des ensembles dont l’homo- appartenant à la sphère néogothique et rationaliste des
Révolution française, c’est-à-dire de près des trois quarts de généité était l’intérêt majeur. Dès lors, comment établir une contestataires de l’enseignement officiel des Beaux-Arts)
la construction existant à Paris. Le « polygone sacré », défi- hiérarchie entre des immeubles de qualité comparable, sauf – allait entraîner un type de protection presque unique-
ni comme intouchable, de la ville ancienne, s’enfermait à valoriser plus ou moins artificiellement la notoriété dont ment dévoué aux églises et cathédrales 17. Seule excep-
dans les limites de l’enceinte des fermiers généraux 15. avaient bénéficié leurs auteurs ? La question s’est ainsi L’ É V O L U T I O N Cette révélation allait tion à cette règle, un certain nombre de châteaux forts,
Schématisation commode, il ignorait tout à la fois l’incom- posée à propos de deux immeubles d’Anatole de Baudot, rue DE LA NOTION de pair, on l’a vu, avec difficilement exploitables à d’autres fins que carcérales,
plétude du remplissage antérieur à la Révolution dans l’en- de Saint-Pétersbourg : il fallait l’œil de l’historien pour iden- une profonde transfor- accéderont au privilège du classement. Il n’en sera de
ceinte fiscale approuvée sous Louis XVI et les transforma- tifier, sous l’apparence ordinaire des édifices, une signature mation de la notion même de patrimoine. En un peu moins même ni du château de plaisance ni de l’hôtel particulier,
tions profondes apportées au sein de ce même périmètre célèbre et quelques détails appréciés des spécialistes de deux siècles, son contenu a si profondément changé, qu’il encore moins de la maison bourgeoise ou de l’immeuble…
par les opérations haussmanniennes de transformation (comme les volets roulants ou les balcons à enroulement de ne correspond plus du tout aujourd’hui à ses ambitions
urbaine. Quant à l’espace résiduel entre l’enceinte des fer- fer forgé). Pour les autres, c’était un immeuble comme il y en initiales. D’élargissement en élargissement, il a fini par DU MONUMENT AU SITE. De cette vision essentiellement
miers généraux et celle de Thiers, il était considéré comme a des milliers dans Paris. Le point de vue de l’expert ne couvrir la totalité du champ de la culture – allant jusqu’à monumentale, on passe à une autre approche dès les pre-
sans importance, qu’il s’agisse des villages et faubourgs de recoupait pas celui du public. contester la légitimité même d’une production contempo- mières années du XXe siècle. L’effet conjugué des lois de
Paris ou des gigantesques opérations de lotissement Plus les arrondissements se sont trouvés couverts, raine ressentie comme totalement marginale par rapport à séparation et du développement du tourisme automobile
menées depuis le second Empire, jusqu’à la fin de la plus l’abondance de ce patrimoine ainsi que sa cohérence la demande sociale. De ce divorce déjà ancien entre patri- fait entrer dans l’escarcelle du Service des monuments his-
IIIe République, dans les arrondissements extérieurs. C’est ont été confirmées. Les effets de ce constat ne se lisent pas moine et modernité, nous vivons chaque jour les consé- toriques, quantité de petits édifices retenus pour leur

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caractère pittoresque, ainsi que leur profonde adaptation de maître sont dorénavant appelés à la conservation. tualité architecturale, il voyait bien le fossé qui sépare la les traces du passé – et pour instituer un culte de la mémoi-
au site. Magnifiée par la complainte de Maurice Barrès sur Symétriquement, la concentration des activités agricoles production architecturale de sa reconnaissance patrimonia- re si extensif qu’il met en danger le droit même à l’existen-
la Grande Pitié des églises de France (1914), la chapelle bre- fait du patrimoine rural un sujet d’étude, sinon de protec- le. Plus tard, André Malraux suggérera à ses services d’en- ce et au renouvellement.
tonne en sera bientôt l’archétype. Le manoir ou la ferme tion (tant l’ampleur de l’héritage est considérable). gager la protection des œuvres marquantes de l’architectu- Ce n’est pas la première fois qu’un tel phénomène se
seront eux aussi, dorénavant, jugés dignes d’intérêt. Enfin, C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la redé- re moderne (moderne, au sens où l’entendait Siegfried produit. Dans le cadre parisien, la chute d’Haussmann
et non sans proximité avec le regard de Camillo Sitte, l’ap- couverte du XIXe siècle et de son architecture urbaine faite Giedion 24, c’est-à-dire de la bibliothèque Sainte-Geneviève, avait entraîné un processus de contestation des change-
proche pittoresque de la notion de paysage urbain va se d’immeubles bourgeois jusqu’alors méprisés. Des ensem- de Labrouste, jusqu’à la villa Savoye, de Le Corbusier). Le ments urbains – processus si profond qu’il devait aboutir à
trouver subitement popularisée par la traduction, sous la bles, qui n’avaient tenté aucun historien d’art (tant ils « patrimoine du XXe siècle » était né, avant qu’il devienne la négation de ce changement : l’image du « préfet démolis-
plume de Marcel Proust, de deux ouvrages majeurs de John manifestaient la médiocrité labichienne d’un goût « classes l’objet d’une politique officielle de la Direction de l’architec- seur » rejoignait ainsi celle des vandales, révolutionnaires
Ruskin 18. Pour la première fois, la tradition britannique de moyennes » sans rapport avec le grand goût des élites), ture et du patrimoine, au tournant du siècle suivant 25. ou germaniques, qui avaient mis à mal le patrimoine de la
l’anti-industrialisme trouve un large écho en France. À la apparaissent tout à coup comme un témoignage irrempla- C’est ainsi que l’actualité elle-même a fini par entrer dans France 30. La défense du « Vieux-Paris » était un moyen de
croyance officielle dans l’avenir et le progrès, répondent les çable de l’art des XIXe et XXe siècles. Aux diatribes de Le le champ patrimonial – la tentation est forte, dorénavant, lutter contre ce « nouveau Paris », dont le second Empire
accents prophétiques d’une dénonciation virulente de la Corbusier sur l’ineffable Le Maresquier 21, succèdent les de protéger les réalisations y compris les plus récentes avait été si fier et que la IIIe République avait amplifié.
destruction des valeurs de la morale et de la culture par le premières études typologiques sur l’immeuble parisien. (voire celles qui n’ont pas encore vu le jour…) 26. Dans le second tiers du XXe siècle, idéalisation du passé et
capitalisme industriel. C’est autour de ces thèmes 19 que se diabolisation du présent constitueront l’argumentaire de la
concentrera l’action des associations de sauvegarde, abou- LA MÉMOIRE EN QUESTION ? En se rapprochant de l’his- plupart des ouvrages consacrés au patrimoine parisien 31.
tissant à nombre de protections nouvelles durant l’entre- toire contemporaine, jusqu’à se confondre avec elle, l’idée de Une telle attitude n’était certes pas sans raison, dans un
deux-guerres. La saturation de la demande de protection patrimoine prenait un tour bien différent de ce qu’elle avait contexte où l’indifférence au passé devenait chaque jour un
est bientôt telle qu’on est obligé de recourir, dès 1927, à représenté jusqu’à présent. Non seulement le critère d’ob- peu plus évidente et où les destructions brutales se multi-
l’inscription sur la liste supplémentaire des Monuments solescence économique, politique, culturelle ou sociale ne pliaient 32. Mais la nostalgie et la sacralisation d’un cadre
historiques – mesure plus légère, à caractère indicatif, et venait plus établir la frontière entre passé et présent 27, pittoresque étaient-elles la solution ? L’expérience des
n’impliquant pas, a priori, l’aide de l’État. Pourtant, l’évo- mais tout désormais était appelé à devenir objet de patri- années 1930-1960 tend à prouver le contraire. L’indignation
lution en cours est encore loin d’être achevée. De la notion moine dès lors qu’une signification quelconque s’y ratta- des fonctionnaires des « Beaux-Arts » 33 contre l’attitude
de monument, on passe insensiblement à celle de site – chait – de l’événement en cours jusqu’à la mémoire de son des modernes philistins vis-à-vis des « vieilles pierres » n’a
matérialisée par la loi de 1930. Par ce biais, l’œuvre d’art histoire. Cette orientation n’est pas sans danger. Elle éta- pas pu grand-chose contre les démolitions en cours. Peut-
cesse d’être l’unique objet de la protection : elle entraînera blit une ambiguïté (pour ne pas dire une confusion) entre ce être même les a-t-elles encouragées, tant le propos parais-
bientôt avec elle la conservation des abords (loi de 1943 sur qui est de l’ordre du mémoriel et ce qui est de l’ordre du cul- sait décalé. À vouloir trop occuper le devant de la scène, on
le périmètre de protection de 500 mètres aux abords des turel. Le patrimoine immatériel, reflet d’une culture, d’un risque de ne pas être à la hauteur de la tâche et de se trou-
monuments historiques). La dernière étape de cette évolu- savoir-faire ou d’une manière de vivre, nous est aujourd’hui ver ainsi marginalisé. C’est cette expérience qu’ont vécue
tion sera la prise en compte des quartiers anciens, que la loi familier. Du champ spatial ou chronologique, la notion s’est les défenseurs du patrimoine au cours du second XXe siècle
de 1962 entend protéger par le biais de « plans de sauve- donc déplacée vers celui de concept 28. À la croisée de l’art – avant que la situation se retourne brusquement au len-
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garde et de mise en valeur », pris en charge par l’État. et de l’ethnologie, elle inscrit l’homme dans le patrimoine. demain de 1968, dans le cadre des « luttes urbaines » qui
Si nous n’avons pas imaginé, comme les Japonais, de trans- ont remis le patrimoine à l’avant-plan 34. En d’autres ter-
LE « PATRIMOINE CONTEMPORAIN ». L’extension géogra- former nos artisans d’art en trésors vivants, nous avons mes, la prise en compte très favorable des questions de
phique de la notion de protection, qui en a transformé la commencé à regarder la ville, l’architecture ou l’objet non patrimoine, qui est actuellement la donne, constitue pour
portée, n’était qu’un aspect de la mutation profonde des plus pour eux-mêmes, mais pour la culture et la manière de l’avenir un véritable danger. Si l’équilibre n’est pas trouvé
revendications de notre société en termes de patrimoine. Le L’expérience italienne de Saverio Muratori et de l’école de penser ou de vivre auxquelles ils renvoient. Sur le plan du une nouvelle fois entre conservation et renouvellement, la
dernier tiers du XXe siècle voit le champ typologique et chro- Venise 22 n’est pas étrangère à cette découverte. On remar- débat scientifique propre à l’histoire, cela n’est pas contes- situation se retournera. Le patrimoine risque d’en payer
nologique de la protection des édifices s’élargir à l’infini. quera au passage que la frontière du XIXe siècle se révèle table : un objet n’a de sens que par rapport au monde qui l’a chèrement les conséquences.
Expression d’un pouvoir plus ou moins révolu, l’église ou le bien floue : l’extension de la notion de patrimoine est deve- produit. Et l’approche ethnologique est l’une des plus riches
château entraient aisément dans la catégorie du patrimo- nue telle qu’on ne recule plus devant aucune limite d’âge. de contenu, seule capable d’en révéler la signification. L E PAT R I M O I N E Comme toutes les
nial national. Les changements techniques, économiques et Dès 1935, Emmanuel de Thubert, se faisant le porte-parole S’imagine-t-on décrire une église en ignorant la religion et N ’ E S T PA S valeurs culturelles, le
sociaux accélèrent le processus d’intégration de la mémoire, de la Société des architectes modernes 23, déplorait les ses rites, regarder un immeuble sans connaître pour quel L’ H I S T O I R E patrimoine ne s’énonce
même la plus récente. Avec la troisième révolution indus- contraintes apportées au champ chronologique de la protec- milieu social il a été produit ? Reste qu’il y a quelque dan- pas en termes objectifs.
trielle (marquée symboliquement par la crise du pétrole, en tion (la loi du 30 mars 1887 proscrivait les édifices posté- ger à utiliser cette approche méthodologique, tendant à Chaque œuvre véhicule, plus ou moins implicitement, une
1974), ce sont les usines ou les machines qui entrent dans rieurs à 1808). Et il plaidait pour que les œuvres majeures expliquer la signification des produits de l’activité humai- vision du monde – vision qui ne manquera pas d’évoluer avec
cette catégorie au moment où elles perdent de leur utilité. des architectes de sa génération soient menées au classe- ne, comme argument de conservation. Tout objet, quel qu’il le temps. Ce n’est pas un hasard si les Britanniques ont insti-
L’industrial archeology, invention anglo-saxonne des ment – égratignant au passage le concours pour le camou- soit, porte la mémoire de quelque chose. Ce n’est pas pour tué la « règle des trente ans » pour définir les objets patrimo-
années 1960, devient le patrimoine industriel 20 – généra- flage du palais du Trocadéro, « qu’on a d’abord regardé autant qu’il mérite d’être conservé. On a abusivement niaux. Trente ans, c’est le moment où les transformations les
teur d’une nouvelle vague de protections. Cela ne suffit pas : comme la plus belle œuvre du monde et que l’on vient tout détourné la notion de lieux de mémoire, instituée par Pierre plus graves peuvent les affecter, la sensibilité artistique et l’i-
autour de l’usine, le logement ouvrier ou même la maison de même de jeter par terre »… Journaliste, acteur de l’ac- Nora 29, pour l’appliquer de manière nostalgique à toutes déologie auxquelles ils renvoient étant totalement dépassées.

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Même les productions les plus respectées subissent une Duc. Cela n’aura nullement empêché, par la suite, les ses références historiques. Forme d’art savant réservé à LES L’instrumentalisation du
période de désaffection qui en menacera nécessairement la attaques contre ce qui est apparu comme l’expression d’un l’usage des classes dominantes, la modernité exclut d’aut- CONTRADICTIONS patrimoine est en mar-
survie. Un édifice ou un ensemble ne prennent de véritable parfait mauvais goût. Le rejet a pu être tel qu’on est allé, res formes d’expression culturelle. Ce n’est pas faire preu- D U PAT R I M O I N E che, dans la lutte contre
valeur que quand ils ont passé cette épreuve. dans certains cas, jusqu’à la démolition, comme en témoi- ve d’un grand sens critique que de le constater : d’une cer- les changements en
gne la perte de tant de décors hérités du XIXe siècle (par taine manière, l’art reste un privilège dans notre société. cours. Elle conduit à une approche essentiellement nostal-
LES ALÉAS DE LA CONSERVATION. Reconnaissons-le, il y exemple, celui, orientaliste, dont l’architecte Stephen D’autres groupes sociaux, plus éloignés des leviers du pou- gique des témoignages du passé parisien, ainsi qu’à la tenta-
a quelque chose de totalement aléatoire dans la conserva- Sauvestre avait revêtu la tour Eiffel, en parfait accord voir, n’en produisent pas moins des formes d’art dignes tion du maquillage des traces de ce passé. Ce n’est pas hier
tion des témoignages du passé. De multiples événements avec son concepteur) 36. L’idée que nous nous faisons de d’un certain intérêt. Encore faut-il les identifier à coup qu’on a inventé l’image touristique de Montmartre, mais au
surviennent qui en changent le destin. Ce peut être la notre histoire ne sera pas nécessairement partagée par sûr, ce qui n’est pas évident. Bien souvent, le patrimoine début du siècle – quand elle perdait de sa réalité artistique.
destruction – accidentelle ou volontaire (ouragans, inon- nos descendants. La première raison en est qu’il s’agit s’en chargera : plus que toute autre chose, il est le lieu du Et ce n’est pas hier non plus qu’on a inscrit dans l’univers du
dations, tremblements de terre, bombardements, pillages, d’une chronique dont les auteurs sont aussi les acteurs, discours des groupes culturellement opprimés. L’intérêt cinéma la nostalgie de l’Hôtel du Nord, au moment où com-
incendies…), quand elle n’est pas tout simplement natu- totalement impliqués dans la production de leur époque. que manifestent aujourd’hui les classes moyennes pour la mençait la mutation de l’Est parisien. L’idéalisation d’un
relle (vieillissement, mauvais entretien). S’y ajoute la Journalistes, critiques d’art, ils prennent parti dans le tradition de l’architecture bourgeoise du XIXe siècle (ou passé faubourien va de pair avec la transformation radicale
dénaturation, le cas le plus fréquent. Des modifications débat en s’efforçant de faire triompher leurs positions sur celle, pavillonnaire, du XXe siècle) n’est pas dépourvu de de son statut urbain, sous la pression d’une « gentryfication »
irréversibles peuvent être apportées à la construction en d’autres attitudes qu’ils réprouvent. Leur travail n’est pas signification. Il ne s’agit pas d’un constat, mais bien d’une qui en modifie totalement l’usage 41.
fonction d’un changement d’affectation, d’une évolution celui d’historiens, mais bien plutôt de militants de la revendication. Faute de trouver à s’exprimer dans le lan-
des usages ou des goûts… Plus sournoisement, l’entretien cause artistique. Deux exemples le montreront : à trente IMAGE CONTRE IMAGE. Derrière le relookage patrimonial
lui-même transforme par petites touches l’objet concerné ans de distance, les ouvrages de Maurice Besset, puis de des quartiers en devenir, transparaissent les stratégies de
– de la réfection des châssis d’ouverture au recloisonne- Jacques Lucan, sur l’architecture française 37, adoptent leurs acteurs. Il y a trente ans, la défense du XIXe siècle a pu
ment, en passant par de multiples interventions mineu- les mêmes partis pris, gardent les mêmes silences sur ce permettre, dans les secteurs résidentiels du Nord-Ouest,
res sur les sols, murs et plafonds ou sur les équipements qu’ils ne veulent pas voir et encensent les mêmes acteurs une lutte efficace contre la pression du bureau 42. La réfé-
techniques. Pour prendre un exemple récent 35, qu’en est- – ceux de la fraction à laquelle ils appartiennent. Si l’un et rence à une image « Grand Siècle » aura joué le même rôle
il de l’authenticité du Centre Georges-Pompidou, moins l’autre de ces ouvrages élaborés avec grand soin méritent dans le Marais, mais il s’agissait cette fois de conquérir du
de trente ans après sa construction ? Non seulement le le respect, c’est en tant que sources et non que travaux logement sur de l’activité. Autre image, même motivation : le
partage institutionnel de territoires entre utilisateurs a historiques. Derrière le chroniqueur, transparaît son mythe d’un artisanat populaire facilite la transition de l’ac-
figé l’espace des cloisons mobiles imaginées à l’origine, réseau – qu’il soit d’artistes, d’entrepreneurs, d’investis- tivité du meuble à celle des start-up dans le faubourg Saint-
mais les exigences de la présentation muséographique se seurs, d’industriels ou même de politiciens. Lorsque le Antoine. Chaque quartier se construit ainsi une image de
sont chargées d’éliminer le décor intérieur (et son apparat temps a fait son œuvre, l’implication de chacun apparaît référence, une carte postale plus ou moins séduisante dont
technique quelque peu envahissant). Enfin, l’intervention manifeste ; ses engagements aussi – et ils font toute sa la force de conviction contribuera à accélérer la mutation en
de l’architecte lui-même est venue transformer l’accès et dignité. Ce n’est pas pour autant qu’ils lui donnent le droit cours – du moins, on l’espère. Paris foisonne de stéréotypes
bien des détails d’écriture pour adapter l’édifice à la à prononcer l’oracle, à sélectionner parmi la masse des chers aux agences immobilières : ici, le Paris médiéval ; là,
demande, en moderniser l’écriture – le temps du high-tech réalisations, celles qui accéderont au privilège de la patri- celui de l’aristocratie du XVIIe siècle (île Saint-Louis) ou du
n’est plus, il fallait mettre l’édifice au goût du jour. On monialisation. Car le discours de l’expert n’est qu’un avis, XVIII e (faubourg Saint-Germain) ; ailleurs, le Paris

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pourrait dire la même chose du Louvre de Napoléon III ou le reflet d’un groupe professionnel qui identifie sa propre d’Haussmann ou celui, ouvrier, des villages de couronne – à
du Versailles de Louis XIV, si profondément transformés culture et en porte témoignage. moins que ce ne soit le « Paris moderne » des années 1930,
par rapport à leur état initial. En d’autres termes, la ou encore celui des années 1970, auréolé du souvenir de
conservation des édifices tient davantage du hasard que UNE CONTRE-CULTURE. L’opinion publique est d’une Paul Delouvrier 43… Il n’est jusqu’au Paris des années 1990
de la stratégie concertée, nonobstant la bonne volonté des nature toute différente. D’abord, elle est collective, ensuite qui ne cherche à s’identifier peu ou prou à l’image des
responsables. elle arbitre – ou plutôt, choisit – entre des propositions sou- gage de la contemporanéité, elle fabrique son propre sys- Grands Travaux, et à en faire son blason.
vent contradictoires, au fil de son propre projet 38. La publi- tème de références. Et elle s’efforce même – bien mal- L’accumulation des stéréotypes porteurs d’ambiances
LA CRITIQUE OU L’HISTOIRE. D’une génération à l’autre, cation constitue, de ce fait, un critère insuffisant. Il faut adroitement, il faut le reconnaître – de le transposer dans urbaines n’aurait pas grand inconvénient, si elle n’encoura-
le jugement lui-même change – au gré de la mutation des établir d’autres normes, chercher la raison de certains le projet. Les mobiliers urbains nostalgiques qui nous geait dans les faits le maquillage de l’existant. Lorsque,
valeurs auxquelles il renvoie. Dans l’histoire des silences, interpréter certaines résurgences avec retenue. entourent sont là pour le prouver 40. On comprend le jeu dans les années 1950, l’architecte Claude Charpentier s’ef-
Monuments historiques, les exemples de classement Ce qui apparaît comme une évidence est le poids de de contre-pouvoir qui est celui de la revendication patri- forçait de transformer Montmartre en un bourg rural d’Ile-
instantané abondent. Sait-on que la chapelle du palais du la norme sociale dans l’évaluation de la qualité architec- moniale (il n’y a pas d’autre terme pour la désigner) dans de-France (quitte à envelopper un immeuble de sept étages,
Luxembourg, la « salle de Brosse », aujourd’hui démontée turale. Aujourd’hui encore, il ne saurait être question de notre société. Derrière l’envahissement mémoriel qui nous avec façades enduites et toits-terrasses, dans l’apparence
pour installer des bureaux à son emplacement, avait fait valoriser le néorégionalisme pavillonnaire 39 – pire encore, menace, c’est une profonde contestation qui transparaît, d’une fausse toiture en tuiles…), il n’agissait pas autrement
l’objet d’une protection dès son achèvement, sous la le néo-haussmannisme mouluré des banlieues bourgeoises une demande déviante et contestatrice, même si elle se que nombre de nos contemporains attachés à valoriser le
monarchie de Juillet ? Le château de Pierrefonds a connu –, sans paraître manifester le plus parfait mauvais goût. donne l’air et l’apparat d’une certaine forme de respecta- « caractère » des édifices et des quartiers sur lesquels ils
le même sort, par extension implicite de la protection aux La convention, dans les milieux intellectuels, suppose une bilité. Loin d’être un sujet consensuel, le patrimoine est interviennent. Ce travail de maquillage des ambiances
parties modernes reconstruites sur les plans de Viollet-Le- adhésion sans condition à l’idéologie de la modernité et à aujourd’hui le lieu de tous les affrontements. contribue à déterminer des zones qui sortent du droit com-

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mun, des ensembles qui se veulent autonomes et qui contre- tutions à vocation nationale ou internationale. Récemment règlement de 1962, soit par des interventions ciblées sur des nombre de choix. On prendra, à titre d’exemple, le manque
disent les secteurs qui les entourent. En pareil cas, la limi- encore, les grands programmes de François Mitterrand ont zones d’action concertée, comme on l’a vu après 1977), il d’espaces verts dans les quartiers centraux. Si coûteuse que
te devient difficile : où s’arrête le territoire de la réécriture répondu à cette logique qui se perpétue depuis le Moyen n’existe pratiquement plus, aujourd’hui, de territoires soit une politique d’aération du tissu urbain et de création
en costumes et où commence celui de son voisin ? La balka- Âge. À un degré immédiatement inférieur, d’importance urbains à reconquérir. La ville est dense, elle est construite. de terrains de loisirs et de sport, elle aurait sa légitimité.
nisation du paysage paraît tout aussi risquée que son symbolique, se trouvent les monuments de proximité : mai- Ne resteront que les multiples « dents creuses » et suréléva- Dans des périodes plus anciennes, on n’a pas hésité à pra-
homogénéisation. Le problème est particulièrement aigu ries, églises paroissiales, hôpitaux et dispensaires, piscines, tions à partir desquelles peut se renforcer l’unité du front tiquer la dédensification qu’impose la création d’espaces
dans les quartiers composites, où s’associent des typologies gymnases, postes, écoles… À cette avalanche d’édifices bâti, mais leur intégration nécessite le respect scrupuleux publics et la densification qu’autorisent alentour les cons-
hétérogènes. On en prendra deux exemples : d’une part, les publics s’ajoutent quelques centaines d’hôtels particuliers – des données contextuelles – certains cas récents prouvent tructions neuves. Il y aurait grand danger à ce qu’une telle
quartiers par stratification, comme celui du faubourg certains d’une valeur exceptionnelle –, mais aussi plusieurs d’ailleurs qu’on peut y parvenir 45. Dans d’autres secteurs, politique ne se donne pas les moyens de la connaissance : le
Saint-Germain (où l’ordonnancement haussmannien, le dizaines de milliers d’immeubles. Si l’on appliquait à la où des interventions à plus large échelle sont encore possi- recensement et l’évaluation du bâti patrimonial sont des
long des voies publiques, est venu masquer les hôtels parti- capitale les mêmes critères qu’au reste de la France, ce sont bles, il est prudent de ne pas saturer les rares terrains conditions impératives à toute action de renouvellement
culiers prestigieux du siècle précédent) ; d’autre part, les par milliers que ces édifices franchiraient l’étape du classe- disponibles et plus prudent encore de ne pas jouer sur l’effet urbain. Mais elles doivent permettre d’effectuer des choix
quartiers populaires de l’Est, dans lesquels l’accumulation ment, tant l’investissement architectural (et financier) a mosaïque de la juxtaposition incohérente de règles urbaines en connaissance de cause – et non au hasard des pressions
s’est faite de façon désordonnée, créant un paysage compo- été grand à leur égard, toutes époques confondues. Si l’on y distinctes. Revenir à l’impératif du règlement comme prin- qu’exercent tel ou tel comité intéressé à la préservation de
site, une ligne de crête hirsute qui en fait aujourd’hui tout ajoute que Paris est le point d’ancrage de la modernité cipe collectif est le seul moyen d’éviter un émiettement com- son environnement familier. Il est temps de rappeler que
le charme – mais qu’on aurait bien du mal à promouvoir depuis ses origines, par un effet de concentration qui a mar- parable à celui dont témoignent les paysages déstructurés tout n’a pas vocation à devenir patrimoine.
par la voie réglementaire, si l’on s’y essayait d’aventure… qué le XXe siècle dans son entier, on touche à la saturation du 16e arrondissement (là où s’est appliqué le plus le plan
patrimoniale. À l’instar de Londres, Rome ou New York, la Lopez). Les besoins à venir seront-ils nécessairement du LES DEGRÉS Car tout n’atteint pas le
Ville lumière accumule en son sein les trésors artistiques – bâti résidentiel, d’activités ou de bureaux ? On peut en dou- DE LA même niveau d’intérêt et
dans les musées comme dans les rues –, jusqu’à signifier l’i- ter quand on voit les manques dont souffre la capitale dans P R É S E R VAT I O N d’exigence en matière de
mage même de la culture. Intervenir en pareil contexte d’autres domaines. Plutôt que d’imaginer une nouvelle préservation. Il y a une
frise bien souvent l’impossible, tant il faudrait parvenir à architecture pour de nouveaux quartiers, d’autres nécessi- raison fondamentale à un tel postulat : contrairement aux
l’excellence pour s’imposer. On dirait que les promoteurs tés sont à mettre en évidence. Elles changeront certaine- autres arts plastiques, susceptibles d’être dégagés de leur
d’immeubles l’ont accepté tacitement : la production ordi- ment la nature de la réponse. Même s’il peut paraître exces- fonction initiale pour être appréciés sous un angle purement
naire est une sorte de plagiat sans risque des situations sif de dire que l’avenir de Paris n’est plus dans la construc- esthétique, en tant qu’œuvres de musée, l’architecture et la
contextuelles. Faute de parvenir au talent, elle se résigne à tion de logements, il reste que la réserve s’amenuise et que ville perdent difficilement de leur utilité première. Les
la médiocrité – qui exaspère tant les architectes ! Mais il d’autres besoins urgents entrent en concurrence. Le poids de monuments les plus illustres servent encore à quelque
faut bien reconnaître que ceux qui tentent de s’affranchir l’héritage patrimonial ne permet pas d’envisager une autre chose : les cathédrales continuent de nos jours à être des
du poids du contexte prennent des risques sans rapport réponse pour les décennies qui viennent. lieux de culte, les hôtels particuliers sont devenus des bâti-
avec l’avantage qu’ils peuvent en tirer. En d’autres termes, ments publics et les châteaux se transforment en hôtels.
il y a bien peu d’endroits dans Paris où la situation patri- UNE NÉCESSAIRE PONDÉRATION. Reste à inverser la Leur coût d’entretien est tel qu’il ne saurait être question de
moniale ne soit si manifeste qu’elle n’impose de s’y soumet- question. Si le patrimoine est à ce point présent qu’il ne les conserver sans les affecter à un nouvel usage. Que dire
tre sans discussion. Voilà qui ne favorise guère cette expres- laisse plus aucune latitude, pourquoi ne pas se poser la de la ville elle-même ? Sinon que la disparition de l’usage
sion contemporaine, que tous les textes officiels appellent question de la légitimité patrimoniale de certains ensem- correspond à la mort immédiate, par abandon. Autre constat
de leurs vœux. bles existants ? Question blasphématoire, sans doute, mais de cette particularité de l’architecture et de la ville : le main-
Photo : Apur.

nécessaire. Nombre d’ensembles d’une grande médiocrité tien de l’usage entraîne nécessairement l’usure. Le pas des
LES ENJEUX Peut-être faut-il se rési- ne valent que par leur respect de la règle commune. Si tout, passants, les besoins quotidiens des utilisateurs fatiguent la
PAT R I M O N I A U X gner à admettre que l’in- ou partie, de ces constructions était renouvelé, la ville ne construction, imposant le renouvellement des matériaux qui
D U PLU vention architecturale s’en porterait pas plus mal – et le patrimoine non plus. la constituent. Même si la réparation se fait à l’identique,
ne peut se faire que dans Encore faut-il, pour parvenir à de tels choix, bien connaître l’œuvre perd peu à peu de sa substance, comme si sa dispa-
LA SATURATION PATRIMONIALE. Enfin, Paris hérite d’une le mode mineur, en continuité et dans le respect de l’exis- cette réalité patrimoniale, que l’on met en permanence sur rition (ou plutôt sa reproduction) était à terme inéluctable.
situation tout à fait exceptionnelle au plan artistique. C’est tant plutôt que dans sa dénégation – comme on a tenté de le devant de la scène mais que l’on connaît si peu dans la Dans cette figure du Phénix renaissant de ses cendres, les
la ville de tous les patrimoines, accumulés avec une densi- le faire pendant une génération. Les territoires d’extension pratique. Instituer une forme de barème, créer des hiérar- conservateurs de musées ne retrouveraient pas leurs
té surprenante sur un espace aussi compact. Quand on manquent au sein de la ville constituée, les opportunités de chies de volonté de préservation est un débat difficile. On y marques. Les conservateurs de villes et de monuments n’ont
trace, sur une carte du territoire urbain, les zones de pro- renouvellement sont des occasions rares à ne pas manquer. retrouvera toutes les contradictions inhérentes à la ques- d’autre choix que de l’admettre – et plus encore, ceux qui ont
tection engendrées par le principe des abords, les cercles se L’enjeu est donc considérable en termes de projets urbains, tion patrimoniale, mais c’est la seule solution pour répond- en charge les paysages, dont la reproduction saisonnière est
recouvrent de manière presque systématique – provoquant même si c’est à une échelle réduite. re aux exigences du renouvellement urbain – sauf à consi- la condition d’existence.
à certains endroits des doubles ou triples protections… dérer Paris comme une ville embaumée. L’abandon d’édifi- Les conséquences sont considérables sur la préserva-
Capitale de la France, cette ville est celle de tous les monu- L’ABSENCE DE RÉSERVES. Alors que les plans antérieurs ces ou d’ensembles dont la médiocrité est manifeste n’est tion du patrimoine. Cette dernière ne s’envisage pas sans des
ments du pouvoir : palais, basiliques et cathédrales, mais reposaient sur une extension appréciable 44 de la surface pas un crime : il reflète la conscience de priorités associant investissements importants, régulièrement répétés. Sous
aussi théâtres, musées ou ministères et tant d’autres insti- bâtie (soit par le biais de la rénovation, que prônait le conservation et développement sans s’interdire un certain l’effet des intempéries comme de l’usage, tout se dégrade. Il

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faut d’abord refaire les peintures, puis les enduits et les cou- l’œuvre (du moins, dans l’état où elle était parvenue jusqu’à par les services doit être en permanence soumise à l’évalua- Commençons par ce dernier point. Dans des quar-
vertures, réparer les portes et fenêtres, les plafonds et les nous) : destruction d’adjonctions parasites ou réfection d’é- tion de professionnels de la conservation – pour qu’adapta- tiers anciens tels que le 2e arrondissement ou une partie
planchers… De génération en génération, la tâche s’alourdit léments disparus, dont la présence est indispensable à une tion des usages et changement d’équipements ou de maté- du 10e, il existe un bâti accumulé par stratification depuis
jusqu’à imposer de considérables reprises de structure, bonne lecture de l’ensemble. Derrière la réfection de l’édifi- riaux n’entraînent pas, là aussi, des transformations irré- des temps immémoriaux. Ces quartiers très denses, issus
quand le bâtiment vieux de plusieurs siècles commence à ce, transparaissent les exigences du programme qui, en versibles. La Ville a un peu plus d’expérience dans ce domai- de la ville médiévale et de ses faubourgs, n’ont pas été tou-
manifester des signes de faiblesse. À chaque changement de modifiant le contenu, vont agir sur la forme. Le résultat, ne. Elle doit s’attacher, cependant, à renforcer un contrôle de chés par la vague de spéculation qui, dans les années 1960,
fonction, l’adaptation de l’existant à son nouvel usage objet de vives discussions entre spécialistes, ne peut être la qualité esthétique qui soit aussi un contrôle de l’intérêt a changé le destin d’une partie de la rive gauche ou du
implique des investissements parfois coûteux. Conserver que le produit d’une volonté forte. Ce résultat a un prix : les patrimonial des espaces publics. L’expérience prouve que Marais jusqu’à en faire les symboles du Paris résidentiel.
l’architecture et la ville n’est donc pas une décision neutre : techniques utilisées, ainsi que la nature des travaux en per- cette dimension est rarement prise en compte dans la Ils sont donc restés en l’état, occupés par une activité
cela impose à la collectivité des sacrifices financiers. Aussi ne manence ajustés aux découvertes du chantier et aux hypo- réflexion sur les aménagements urbains. industrielle comme le textile, et leurs logements ont
peut-on pas mettre tous les édifices au même niveau, consen- thèses successives d’interprétation diffèrent radicalement accueilli une population issue de l’émigration récente
tir pour tous les mêmes efforts. La nature de la restauration des chantiers ordinaires. d’Anatolie, de Chine ou d’Afrique. La réhabilitation du bâti
s’en ressentira : la conservation à l’identique constitue l’ex- À ce degré majeur de la préservation qu’est la restau- ancien de ces secteurs est un impératif pour des conditions
ception, tandis que l’adaptation est la règle. Trois niveaux de ration architecturale ou urbaine, se rattache une autre d’hygiène et de sécurité évidentes. Mais elle ne peut se
restauration doivent être distingués entre conservation, forme plus courante de la conservation : l’entretien dans le faire sans de profondes transformations. La conservation
réhabilitation et rénovation. Ils correspondent à des niveaux respect des matériaux et techniques en usage à l’époque de s’y conjugue avec une forme de curetage (au sens où on
d’exigences différents, en rapport avec des fonctionnalités à la construction. Il s’agit là d’interventions au jour le jour, où l’entendait il y a un demi-siècle), curetage qui améliore les
chaque fois plus contraignantes. la réparation s’effectue à l’identique. Il faut, pour y parvenir, conditions sanitaires du logement (éclairage, ventilation,
de réelles compétences professionnelles de la part des arti- accessibilité…), pour le rendre globalement moins dange-
sans concernés. Mais il faut, surtout, que maîtres d’ouvrage reux à ses occupants. Reste que l’architecture, souvent fort
et maîtres d’œuvre soient véritablement conscients des élaborée, demande à être attentivement préservée, ainsi
enjeux que soulève leur action. Comme le rappelait en son qu’un espace public dont la valeur est à l’évidence irrem-
temps Yves-Marie Froidevaux 46 plus un édifice est d’appa- plaçable – par exemple, rue du Faubourg-Saint-Denis, l’en-
rence ordinaire, plus sa restauration doit être exigeante. semble du tissu urbain constitué de parcelles « laniérées »,
Pour des milliers d’immeubles parisiens, l’implication dans que traversent de multiples passages… L’amélioration de
le conseil aux maîtres d’ouvrage (syndics de copropriété, ce type d’habitat nécessite des interventions délicates,
habitants), comme dans la préparation et la surveillance du adaptées au contexte et le moins destructrices possible. On
chantier, constitue un enjeu majeur. Il n’y a que la puissan- pourrait faire les mêmes observations à propos de multi-

Photo : Apur.
ce publique (l’État ou les collectivités) qui puisse s’en char- ples constructions disposées dans les quartiers anciens de
ger. Un siècle de pratique montre que l’État, débordé par ses Paris, y compris les plus privilégiés, car la spéculation n’a
propres charges, n’est pas en mesure d’assurer efficacement pas tout effacé du tissu populaire des arrondissements cen-
le suivi d’une action diffuse, concernant une si grande quan- traux. Pour éviter que ce bâti n’entre dans la spirale d’une
tité d’édifices. La Ville se doit de le suppléer, en assurant dégradation irréversible, on ne peut faire confiance au
elle-même une surveillance de nature à préserver la qualité LA RÉHABILITATION. Le second degré de la préservation marché spéculatif de l’immobilier de logement. Il faut un
du cadre de vie de ses habitants. Qu’on ne croie pas qu’il s’a- du patrimoine est la réhabilitation des ensembles devenus investissement considérable de la collectivité pour que les
gisse là d’une responsabilité secondaire en termes de obsolètes. Cette forme d’action implique d’importants chan- tendances spontanées à la marginalisation soient efficace-
Photo : Apur.

conservation : pour la mettre en application, des moyens gements, susceptibles de remettre à niveau la construction, ment combattues.
importants doivent être consacrés. D’abord en personnel : de l’adapter aux standards d’un usage qui a évolué à tra- D’autres cas sont moins dramatiques – ce qui n’empê-
des agents compétents, spécialisés dans la conservation du vers le temps (aussi bien dans le domaine du logement que che pas la nécessité de les prendre en compte de manière
patrimoine, doivent aider à la mise en forme des dossiers et dans celui de l’espace public). Il y a, là aussi, deux niveaux dynamique. Il existe presque partout, dans Paris, un bâti
à leur suivi. Reste que l’implication de la Ville dans cette d’intervention, entre la simple amélioration du bâti et sa moyen, sans qualités particulières, dont l’apparence est
conservation active n’aboutira que si l’opinion en voit le transformation en profondeur. L’un et l’autre sont générale- bonne, mais dont l’état global d’entretien laisse largement à
LA CONSERVATION INTÉGRALE. Le premier niveau de la bénéfice. Des mesures financières d’encouragement à la ment confondus, alors qu’il s’agit de deux modes d’action désirer : ravalements sommaires, couvertures fatiguées,
conservation, celui auquel s’identifie le plus facilement l’o- qualité de l’entretien patrimonial sont également indispen- distincts, dont les conséquences n’ont rien de comparable assainissement déficient, médiocrité d’apparence des par-
pinion, est la restauration (au sens « Monuments histo- sables. En retour, ce travail au quotidien est de nature à en termes de préservation. Sur un point qui touche très lar- ties communes comme des logements. Rien n’est irrépara-
riques » du terme). Elle suppose, dans toute la mesure du changer profondément l’image urbaine de la capitale. La gement la politique de la ville, à travers ses organismes ble, tout est un peu à l’abandon dans des copropriétés sans
possible, la préservation de l’intégrité de l’œuvre – y com- politique menée depuis trente ans en matière de ravalement spécialisés dans le logement social, on ne peut se contenter grands moyens. Plus les années passent, plus l’insuffisance
pris par des traitements réparateurs aussi sophistiqués l’a bien montré. Il faut aujourd’hui aller plus loin, parvenir d’une appréciation grossière des types d’intervention – d’entretien provoquera des dégradations. Il s’agit donc
que la consolidation cachée des structures ou la fixation des à un niveau d’exigence en rapport avec la qualité du bâti. comme s’il n’existait aucune différence entre une simple moins de réhabilitation que d’amélioration. Certains points
épidermes fragiles. La restauration nécessite pourtant des Dernier point, lorsqu’on quitte l’architecture pour l’espace remise en état et des opérations lourdes de réhabilitation, pourraient être l’objet d’interventions ponctuelles d’une uti-
interventions qui touchent, bien souvent, à l’intégrité de public, la cascade de décisions techniques liées à la gestion au sens classique du terme. lité incontestable. Les équipements communs sont faibles :

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la loge de gardien est insuffisante ou absente ; il n’existe pas architecturale s’inspirera du bâti existant en termes de Première Guerre mondiale. Rebâties de fond en comble, tère objectif d’une mutation que d’aucuns ont considérée
de locaux collectifs pour les poubelles ou pour le rangement gabarit et d’organisation. Certains éléments en bon état elles ont pourtant conservé leur atmosphère. Cette forme de comme criminelle. Si l’on applique ce raisonnement à d’au-
des vélos, poussettes d’enfants, caddies… les caves sont sanitaire pourront être réhabilités, d’autres rebâtis dans rénovation radicale n’a donc pas atteint ce qui était l’essen- tres secteurs, on voit qu’il n’est pas d’interdits, en termes de
négligées ; les chambres de service posent problème ; il n’y a une forme assez proche de ce qu’elle était au préalable. ce même de la ville : son ambiance architecturale et urbai- patrimoine, qui empêche le renouvellement de la ville. Les
pas d’ascenseur… À terme, toutes ces insuffisances cumu- L’ambition d’un tel projet est de valoriser les qualités d’un ne. Plus près de nous, la reconstruction de Saint-Malo besoins nouveaux, pourvu qu’ils soient clairement identi-
lées ne peuvent que dégrader le statut de l’édifice. Il en est quartier à partir du constat de sa spécificité morpholo- apparaît comme une réussite, alors que rien, ou à peu près, fiés, ont une légitimité au moins égale à l’exigence de
de même des espaces libres : cours trop petites et mal gique, sans s’imposer une conservation trop scrupuleuse n’a été conservé de son état antérieur. Élargissement des conservation. Trente ans après la fin des grandes opéra-
tenues, rues vouées à la circulation et au stationnement, au d’un bâti manifestement obsolète. On voit combien cette rues, remembrement parcellaire, généralisation des îlots tions de rénovation qui avaient soulevé l’indignation de l’o-
détriment d’autres activités. L’effort d’adaptation a été appréciation est délicate à établir, comment elle peut être ouverts ainsi que de la typologie des immeubles collectifs, pinion, il est urgent de rappeler cette vérité, pour ne pas
manifestement insuffisant par rapport au degré d’exigence, déclinée à des degrés divers, de la réfection quasi totale à la suppression de la hiérarchie fonctionnelle et sociale du sombrer dans « l’urbainement correct » que serait la conser-
de plus en plus élevé, qui est celui de la population. Mais ces simple amélioration. L’élément moteur, en la circonstance, bâti, tout a été conçu pour faire oublier la ville ancienne – vation à tout prix de la ville existante. Après avoir plaidé
améliorations restent difficiles à obtenir au cas par cas : il sera l’identification des ambiances urbaines, ce lien indé- hormis quelques façades plaquées sur des immeubles pour la conservation, il faut peut-être plaider pour en tem-
faut un plan d’ensemble, une réflexion globale qui mettent fectible qui s’établit entre morphologie et typologie dans un neufs 47. Pourtant, les touristes continuent à se promener pérer les excès…
en jeu services municipaux, syndics de copropriété et habi- secteur déterminé. Souvent, on constate la solidarité de tis- dans ce qu’ils considèrent comme l’un des exemples les plus
tants, dans le cadre d’une négociation dépassant l’accumu- sus et de bâtis morphologiquement hétérogènes, dont la évocateurs de notre culture. La préservation d’un système
lation des intérêts particuliers. La réhabilitation peut deve- complémentarité a fini par s’imposer comme une qualité de limites (les remparts), celle d’un paysage et d’une topo-
nir plus légère qu’ailleurs, entraîner des démolitions ponc- urbaine (notamment dans le rapport si subtil qui existe graphie ainsi que d’une ordonnance (même réinventée) ont
tuelles et des transformations peu visibles (notamment en entre les ensembles de maisons individuelles et leur envi- été suffisamment convaincantes pour que l’on puisse enco-
ce qui concerne l’affectation des rez-de-chaussée ou celle des ronnement d’immeubles collectifs). La densité s’apprécie, re parler de « conservation » – alors qu’il s’agit d’une opé-
étages de couronnement), elle n’en aura pas moins une inci- en pareil cas, à une autre échelle que celle de la parcelle. ration « table rase » tout aussi radicale que dans tant d’au-
dence considérable sur le mode de vie des habitants et sur tres centres-villes détruits par la guerre.
l’agrément au quotidien de logements qui sont largement
susceptibles d’être perfectionnés. À ce niveau, la conserva- LA DESTRUCTION. Dernier degré de la rénovation, la
tion constitue la règle, par ajustement à des besoins insuffi- destruction est une arme radicale, qu’on ne peut passer
samment pris en compte jusqu’alors. sous silence. On n’ose plus, de nos jours, la recommander
comme outil de renouvellement urbain. Elle a pourtant sa
LA RÉNOVATION. Le dernier degré de la préservation logique et a été amplement pratiquée à travers l’histoire, ne
est la rénovation, pouvant inclure la destruction partielle serait-ce qu’au XIXe siècle où elle a inspiré la transformation
ou complète des ouvrages existants et leur remplacement de Paris sous l’autorité du baron Haussmann. Sans parler
par des constructions neuves, respectueuses du contexte de l’île de la Cité, qui fut victime d’une mutation adminis-

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spatial ou culturel auquel elles font référence. Car la réno- trative sans pitié, on peut évoquer le souvenir des villages
vation n’est pas nécessairement la table rase, comme on le des Ternes ou de Chaillot, effacés de la carte par la cons-
croyait il y a trente ans. De nos jours, elle apparaît plutôt truction des quartiers résidentiels de l’Ouest. Ailleurs, l’en-
comme une sorte de compromis entre la disparition de l’é- semble du palais du Louvre ou celui de l’avenue de l’Opéra,
tat existant et le maintien d’une partie des qualités qui en ainsi que Le Châtelet ou l’Hôtel de Ville ont effacé toute
faisaient l’intérêt. Là encore, il faut distinguer deux types trace de la cité antérieure. On peut le déplorer dans la Nombre de quartiers populaires des arrondissements
de rénovation : l’une conserve une part des structures anté- mesure où cette cité manifestait de réelles qualités patri- extérieurs de l’ancienne banlieue, annexée en 1860, héri-
Photo : Apur.

rieures ; l’autre se donne pour mission leur transformation. moniales (ce n’était pas l’avis des contemporains), mais on tent ainsi d’un bâti sommaire, réalisé dans des conditions
Tout est une question de circonstances. Dans le premier ne peut ignorer néanmoins que l’héritage du XIXe siècle a médiocres, pour une population dépourvue de moyens. Le
cas, les données urbaines sont assez convaincantes pour ses propres qualités. Plus récemment, la rénovation enga- mauvais entretien, cumulé à la suroccupation des lieux, a
pouvoir être prises en considération ; dans l’autre, elles ne gée du temps de Bernard Lafay n’est pas toujours appréciée entraîné une dégradation à peu près irréversible : com-
s’imposent pas de prime abord. La réflexion menée durant en termes si négatifs qu’il faille en proscrire le souvenir. Un plexité de la distribution, délabrement des constructions,
plus de vingt ans dans ce domaine (de la ZAC Guilleminot On remarquera aussi combien cette forme d’interven- paysage peut en remplacer un autre, quand la mémoire de faible niveau d’équipement, dangerosité aux plans de l’hy-
à celle des Amandiers) permet de disposer de toute une tion, qu’est la rénovation, quitte le champ de l’architecture ce dernier ne s’impose pas avec assez de force. Une nouvel- giène comme de la sécurité. Si les îlots insalubres, détermi-
gamme de solutions adaptées à la diversité des contextes pour entrer dans celui de la ville. Ce n’est pas pour autant le fois, il s’agit d’une appréciation qualitative, d’un juge- nés au début du XXe siècle, ont en grande partie disparu au
historiques, topographiques, architecturaux et urbains… que s’efface la valeur patrimoniale d’un ensemble lorsqu’il ment historique et artistique auquel il est bien difficile de terme d’un demi-siècle de politique de rénovation qui a
La première forme de rénovation est donc celle qui a été reconstruit : les qualités de la forme urbaine peuvent donner des critères neutres, incontestables. Entre le souve- transformé l’image du Paris populaire, la pauvreté et l’in-
conserve, autant que faire se peut, la structure urbaine du se maintenir, nonobstant le changement du bâti. Louvain, nir des chais de Bercy, pour lesquels on s’est battu il y a salubrité, elles, n’ont pas disparu pour autant. Ce sont d’au-
quartier rénové. Dans cette forme de rénovation douce Ypres, Noyon ou Arras en sont de bons exemples. Rares vingt ans, et le quartier qui lui a succédé, on ne sait ce qu’on tres quartiers qui nécessitent désormais des interventions
(pour parler comme il y a trente ans), le parcellaire sera sont les visiteurs qui s’imaginent quels amas de ruines doit préférer – sauf que le nouveau quartier a pris, sans lourdes. Une nouvelle fois, la contradiction éclate entre l’ap-
maintenu – rétabli quand il est trop altéré ; la typologie étaient devenues ces agglomérations au lendemain de la trop de peine, la place de l’ancien. Et c’est bien là le seul cri- proche esthétique d’ensembles urbains que le temps

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à façonnés (jusqu’à leur donner une ambiance éminemment d’un passé disparu. La religion du parcellaire, notamment, effet, de ce que l’on entend par ce terme. Chez les profes- sation ou de la destruction de l’existant. Pour ce faire, les
pittoresque) et la réalité sociale de quartiers en instance de doit être tempérée. Principe de découpage territorial, le sionnels du patrimoine, il y a trois positions distinctes, dont historiens d’art utilisent les outils des archivistes et ceux
marginalisation. Il s’agit rarement, aujourd’hui, de quar- parcellaire s’associe étroitement à la typologie du bâti. les résultats sont si divergents qu’il ne s’agit vraiment pas des architectes, mais ils le font dans un tout autre but.
tiers anciens. Ce ne sont plus le Marais ou l’île Saint-Louis, Quand cette dernière change, le parcellaire évolue – du du même objet. La première est celle des archivistes, pour C’est évidemment pour cette troisième approche que
mais d’anciennes friches industrielles du premier XIXe siè- moins, autant que la situation le permet. Dans la ville qui l’étude du bâti est avant tout celle des documents nous plaiderons, et non pour la première ni la seconde. Il se
cle, reconquises par l’habitat sous la forme d’une autocons- ancienne, on voit des typologies nouvelles s’implanter sur conservés à son propos. Il s’agit là d’un travail de compila- trouve qu’elle est beaucoup plus difficile à conduire.
truction particulièrement misérable dans des secteurs des parcellaires préexistants, mais le résultat n’est pas tion documentaire, à partir de sources brutes (archives, L’évaluation suppose une connaissance fine de l’histoire et
comme le 19e ou le 20e arrondissement. nécessairement satisfaisant, bien au contraire. publications d’époque) ou de dépouillements déjà faits de la culture : l’acquisition de cette culture du diagnostic
On peut souligner à bon droit l’inventivité architec- Transformer en règle cette non-concordance, c’est se pré- (fichiers, listes, dictionnaires…). La connaissance de l’œuv- artistique qui fait apprécier au premier coup d’œil l’intérêt
turale d’une tradition populaire qui est parvenue, dans des parer à construire une forme urbaine inadaptée, à tout le re y gagne sous l’angle de son état civil : on sait qui, quand d’une réalisation et permet de la situer en rapport avec
conditions d’extrême pauvreté, à créer des espaces de gran- moins, difficile à gérer. Il faut donc d’impérieuses raisons et parfois pourquoi un objet existe. On peut même parvenir d’autres, au sein d’ensembles plus vastes. L’appréciation de
de qualité – à condition, toutefois, de ne s’intéresser qu’au pour le faire. Seules l’existence d’un bâti contextuel en à savoir comment (à travers quels aléas de production) et la qualité demande une véritable éducation du regard, asso-
jeu des volumétries et à la disposition des espaces, sans grande partie conservé ou bien l’adjonction à un ensemble pour combien (encore que cette question n’ait plus beau- ciée à une grande érudition ; toutes choses difficiles à acqué-
regarder les logements de trop près. On peut aussi trouver qu’on désire maintenu dans son unité justifient des inves- coup de sens dès qu’on s’éloigne dans le temps). La seconde rir. Il ne convient pas seulement de repérer l’originalité
une authenticité à ces ensembles habités par des popula- tissements qui sont coûteux, mais aussi, pour une part, est celle des architectes, dont la formation permet de décri- d’une œuvre, sa rareté ou son charme, il s’agit d’inscrire
tions qui se les sont appropriés. Peut-on, pour autant, irrationnels. Le maintien de la mémoire justifie-t-il cette re avec efficacité une morphologie donnée. Ils peuvent cer- cette appréciation dans une trame historique qui objective-
transmettre ces qualités dans un bâti nouveau, destiné à forme d’intervention à contresens ? On peut en douter. ner la matérialité de l’objet d’étude, en décrire la géométrie ra le regard en la situant de manière contextuelle par rap-
résorber les défauts de l’ancien ? L’architecture et la ville et, avec un peu plus d’expérience, déduire de cet ensemble port à la société qui l’a produite. En d’autres termes, il faut
ne sont que l’enveloppe matérielle de la vie sociale. Même L’ I N V E N TA I R E De la restauration scru- de formes, un usage spécifique : c’est la typologie, qui croise avoir l’œil de l’amateur en même temps que la distance de
si celle-ci les détermine, il n’est pas dit que le maintien du COMME puleuse jusqu’à la des- l’usage et la forme pour en déduire des connaissances aux l’historien. Ensuite, dans un deuxième temps, il faudra être
cadre aboutira à celui des résidants. On a plutôt la preuve PRÉALABLE truction, l’éventail des plans économique, social et technique. Cette description du capable de passer du cas par cas à une vision globale. Sur ce
du contraire. Que reste-t-il de l’ambiance de la rue Saint- politiques de conserva- réel est d’une grande utilité dès lors qu’elle sert à préparer dernier point, nous sommes attendus : l’opinion publique
Antoine, quand le Marais était encore un quartier populai- tion est suffisamment large pour correspondre à des des documents d’urbanisme où les opérations projetées demande des protections patrimoniales, exige les moyens
re, il y a quarante ans ? Le site n’a guère changé, mais l’at- besoins diversifiés. La qualité artistique, en revanche, est entendent respecter les données de l’existant. Mais elle ne nécessaires à leur conservation, mais ne sait comment effec-
mosphère n’a plus rien à voir – ne serait-ce que parce que moins facile à apprécier, alors que c’est le seul moyen de va pas plus loin que le constat d’une réalité. La troisième tuer ses choix. L’avenir dépend de notre capacité à relever le
les boutiques de prêt-à-porter ont remplacé les marchands déterminer le degré d’intervention à prévoir. Il faut donc se est celle des historiens d’art, qui s’attachent à l’évaluation défi. Car l’élaboration d’un inventaire dépassera amplement
de quatre saisons… Pour bien comprendre l’idée, prenons donner les outils de la connaissance, élaborer cet inventai- de la qualité artistique des œuvres. Pour cette catégorie, à les limites assignées à la préparation du PLU. Restera à
un exemple très différent : celui de Passy ou d’Auteuil qui re qui apparaît comme préalable à toute action. On le sait laquelle appartient l’auteur de ce texte, un « inventaire » dépasser cette contradiction 49, en introduisant dans le pro-
furent, au début du XXe siècle, des quartiers relativement depuis cent ans, depuis que le premier inventaire des est un travail d’évaluation quantitative de la valeur esthé- jet urbain des éléments suffisants pour lui donner l’orienta-
modestes, destinés à une clientèle d’employés ou de petits richesses d’art a permis de recenser, au lendemain des lois tique d’un objet. Il s’agit de répondre au problème patrimo- tion adéquate. Et il vaudra mieux ne pas se tromper 50 sur
rentiers. Dans des immeubles de construction économique de séparation, l’héritage artistique de l’art religieux dans nial, en appréciant l’intérêt de la conservation, de la valori- des priorités dont les conséquences sont irréversibles.
(planchers en fer, mal isolés, façades en briques), sont les églises parisiennes et d’en éviter la destruction. Par la
regroupés de petits logements dont la surface est inférieu- suite, on a pris toute la mesure de la tâche : à l’inventaire François Loyer,
re aux standards de notre époque. Cela n’a pas empêché des œuvres d’art publiques (sur le modèle des catalogues de directeur de recherche au CNRS
ces constructions d’atteindre des prix très élevés et d’ac- musées), est venue se superposer l’exigence d’un inventaire
cueillir désormais une population privilégiée 48. Le danger urbain prenant en compte la totalité du bâti. Mais celui-ci
de l’amalgame et de la nostalgie guette une fois de plus était si complexe que, trop coûteux, il n’a jamais vu le début
celui qui établirait un lien de causalité entre le cadre d’une réalisation. Même l’Inventaire général, engagé il y a
urbain et ses habitants. quarante ans sous Malraux, n’a pas été en mesure d’atta-
La reconstruction de secteurs très profondément quer Paris avec les moyens dont il disposait. Aujourd’hui
dégradés n’est pas obligée d’en reproduire les caractéris- comme hier, l’inventaire de la capitale reste à faire, comme
tiques accidentelles, comme la substitution de l’habitat à celui de tant de villes françaises. Dans le contexte actuel de
l’activité agricole ou industrielle, dès lors que ces derniè- la décentralisation, l’État en confie volontiers la responsa- 1. Elle a été élaborée au sein de l’Atelier parisien d’urbanisme, parisien, sous l’autorité de Louis Bonnier.
res rendent totalement irrationnelle l’organisation du bilité aux collectivités locales – plus près du terrain et sans par Marc Leroy et Jean-Louis Subileau, et publiée dans la 3. Le Plan d’urbanisme directeur de Paris (Préfecture de la
nouveau bâti et qu’elles ne sont là que pour évoquer une doute plus riches en moyens humains pour le réaliser (à revue de l’agence, en 1974, Paris Projet, n° 13-14, Paris, Seine, Plan d’urbanisme directeur de Paris, Paris, Imprimerie
Atelier parisien d’urbanisme, 1975, p. 48 à 65). municipale, 1960) avait été élaboré dès 1959, sous les auspices
ville disparue. Plutôt que l’investissement dans une moins qu’il ne s’agisse tout simplement de déléguer au 2. L’ouvrage fondamental de Camillo Sitte (1843-1903), Der de Bernard Lafay, le président du conseil municipal. Appliqué
mémoire aujourd’hui indifférente à ceux qui en sont les niveau territorial des responsabilités que l’opinion réclame Städtebau nach seinen künsterichen Grundsätzen, Vienne, par anticipation dès 1961 et approuvé par cette assemblée
récipiendaires, il paraîtrait plus satisfaisant d’organiser à grands cris et auxquelles les villes ne pourront plus long- Karl Graeser, 1889, a été presque aussitôt traduit en français l’année suivante, il ne sera adopté par le gouvernement qu’en
par l’urbaniste suisse Camille Martin, sous le titre l’Art de 1967 et bientôt mis en révision.
une forme urbaine cohérente, généreuse en espaces et en temps se soustraire). Quoi qu’il en soit, l’heure est à la
bâtir les villes (Genève, Atar, et Paris, Henri Laurens, 1902). 4. En particulier à Bruxelles, dont le bourgmestre, Charles
qualités. Refaire la ville sur la ville n’impose pas, dans nécessité, reconnue par tous, d’un véritable inventaire. Devenu la bible des urbanistes du tournant du siècle, cet Buls, sera l’un des promoteurs de la défense du paysagisme
toutes les circonstances, de garder la trace systématique Mais de quel inventaire s’agit-il ? Tout dépend, en ouvrage inspire, la même année, la rédaction du règlement urbain. Il sera l’artisan de la protection des façades de la

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Grand-Place (1883), moyennant une restructuration souvent 13. Ce terme a été employé à propos de la tour Montparnasse, fondations, est un des derniers projets de Le Corbusier. res de la nomenklatura architecturale s’étaient efforcées de
radicale du bâti conservé derrière les anciennes façades réno- du secteur Italie et du front de Seine, le ministère des Affaires 27. « Entre mémoire et projet », pour reprendre l’expression détruire l’image naïve de la maison pavillonnaire illustrée par
vées (sous la direction Vincent Heymans, les Maisons de la culturelles, sous André Malraux, plaidant pour l’irruption de qui a soutenu l’action du ministère de la Culture sur le patri- un jouet d’enfant (la maisonnette de Playmobil), pour y inscri-
Grand-Place de Bruxelles, Bruxelles, CFC, éditions, 2001). ces « nouveaux paysages » dans la ligne de ciel. moine contemporain du temps de François Barré (publica- re les valeurs de la modernité. Une telle approche est rigou-
5. Cette reconstruction a été l’œuvre, en 1898, de l’architecte 14. Sur ce point, le débat n’a guère évolué depuis trente ans tion des actes du colloque Mémoire et projet, de la Direction reusement incompréhensible pour la plus large part de l’opi-
Charles Méwès, spécialiste incontesté du luxe mondain dans entre des architectes dévoués à une approche esthétique du de l’architecture, ministère de la Culture et de la nion. Fort heureusement, cette dernière n’a pas le droit à la
ce Louis XV « Grand Hôtel » cher à la Belle Époque. modernisme du XXe siècle, dont ils sont les héritiers, et des his- Communication, à Ivry en 1998, dans Urbanisme, n° 303, parole médiatique, ce qui évite de se poser une question si
6. Notamment la Société Générale, dont le siège, boulevard toriens sensibles à la longue durée de la morphologie de la Paris, nov.-déc. 1998, p. 60 à 64). gênante.
Haussmann, a été entièrement évidé puis reconstruit en ville, nonobstant la diversité des traitements formels qu’elle 28. Non sans proximité, d’ailleurs, avec les mouvements qui 40. Le recours au style semble jouer, dans la société contem-
structure métallique, derrière les façades conservées, par l’ar- reçoit à chaque époque. caractérisent la production artistique dans son ensemble. poraine, un rôle identique à celui qu’il occupait au XIXe siècle –
chitecte Jacques Hermant, en 1905. 15. Claude Charpentier, « Le polygone sacré », Urbanisme, 29. Pierre Nora, les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1984- même s’il s’applique aujourd’hui plutôt aux ambiances urbai-
7. Cette pratique a été illustrée à l’occasion de la reconstruc- n° 84, Paris, 1964. 1992 (réédition en trois volumes, 1997). nes, qu’à l’architecture proprement dite.
tion de l’immeuble de la « Maison dorée » et de son voisin de 16. En la circonstance, il s’agissait de l’auteur de ces lignes 30. Voir, à ce sujet, les diatribes de Louis Réau dans les 41. À condition que le quartier ait quelque avenir. Si les pro-
la cité des Italiens, à l’angle des rues Laffitte et Taitbout avec (avec l’assistance d’Odile Decq, alors étudiante en architectu- Monuments détruits de l’art français, Paris, Hachette, 1959, blèmes économiques et sociaux se cumulent (chômage, immi-
le boulevard des Italiens, par Pierre Dufau, en 1976. Le nou- re, pour la première partie de l’enquête – sur le quartier de deux volumes. Il est inquiétant que cet ouvrage dépourvu de gration), le plus somptueux des quartiers anciens n’a aucun
vel immeuble de bureaux, à façade de verre réfléchissant, s’est l’Europe). retenue ait pu être récemment republié, sous les auspices de avenir, comme le prouvent nombre de PSMV, en dehors des
trouvé doté, sur le boulevard, d’une ordonnance Louis- 17. Conséquence de la séparation de l’Église et de l’État, ces la commission du Vieux-Paris, et qu’on puisse encore lui attri- quartiers privilégiés des centres-villes les plus prospères.
Philippe. Consulté sous la pression des associations, le minis- dernières seront toutes classées pour des raisons de gestion. buer une quelconque valeur de référence. 42. Moins efficace, sans doute, que la généralisation de la
tre de la Culture, Maurice Druon, avait prononcé un jugement 18. La Bible d’Amiens, écrite en 1885, est publiée dans sa tra- 31. Georges Pillement, Destruction de Paris, 1943, et Paris copropriété dans l’habitat ! Bien des quartiers résidentiels doi-
de Salomon : il autorisait la destruction des deux immeubles, duction française en 1904 ; Sésame et les lys, de 1868, deux ans disparu, 1966 ; Élie Debidour, la Conservation du Vieux-Paris vent leur survie à l’inertie que provoque cette dernière. La
à condition que leurs façades soient conservées et que celle de plus tard. et l’urbanisme, 1945 ; Yvan Christ, les Métamorphoses de simple lecture d’une carte des propriétaires institutionnels
la « Maison dorée » soit prolongée en retour sur la rue 19. La transposition politique de ce discours ne tardera pas à Paris, 1967 ; Pierre de Lagarde, Chefs-d’œuvre en péril, 1967. dans les 8e et 9e arrondissements suffit à le prouver.
Taitbout. Il s’agit là du premier cas de façadisme contempo- se faire, à droite comme à gauche. Au nom de l’humanisme, 32. On en prendra pour exemple l’immeuble de bureaux cons- 43. Paul Delouvrier, Haut fonctionnaire, est chargé en 1965 de
rain dans le centre de Paris, un cas d’autant plus intéressant elle inspire les combats de l’Action française, tandis que le truit en 1926 par André Sauvage, rue Saint-Marc, au dos du la mise en œuvre du premier Schéma Directeur Régional d’Ile-
qu’il incluait la copie partielle de l’existant. L’exemple de la socialisme est amené à préférer les valeurs de la Liberté et du passage des Panoramas qu’il dénature complètement. de-France. Il est à l’origine de la création des « villes nouvelles ».
« Maison dorée » avait été précédé dès 1969 par l’extension de Progrès. L’histoire du patrimoine devient dès lors éminem- L’architecte est pourtant l’un des plus brillants de sa généra- 44. Paradoxalement, cette rénovation du territoire urbain ne
l’immeuble « Jours de France », au rond-point des Champs- ment conflictuelle. tion et le projet a été l’occasion d’expérimenter un procédé de s’est pas accompagnée d’une augmentation du nombre d’habi-
Élysées (ancien hôtel Lehon, dû à Louis Moreau en 1846). 20. La référence en la matière est l’ouvrage de K. Hudson, préfabrication novateur. André Sauvage récidivera peu après, tants, mais de sa diminution (la ville a perdu près du tiers de
8. Les immeubles en terrasses du parc de Bercy (réalisés en Industrial Archeology. A New Introduction, Londres, John place Dauphine. sa population au cours du dernier demi-siècle).
1994 sous le contrôle de Jean-Pierre Buffi par les architectes Baker, 1963-1976 (suivi de Industrial Archeology in Britain, 33. Il s’agissait des architectes ordinaires des Monuments 45. Aldo Rossi à La Villette, Diener & Diener au Père-
Franck Hammoutène, Yves Lion, Pierre Chaix & Jean-Paul de R.-A. Buchanan, Londres, 1972, puis de Industrial historiques travaillant pour le secrétariat d’État aux Beaux- Lachaise…
Morel, Christian de Portzamparc ou Henri Ciriani) ont prouvé Archeology, a New Look at the American Heritage, de T.-A. Arts. La loi de 1943 les transformera en architectes des 46. Restaurateur des monuments de la Manche (Lessay, Saint-
qu’un ordonnancement général était non seulement possible, Sande, New York, Penguin Book, 1976, et de l’Archéologie Bâtiments de France, avant qu’ils deviennent architectes et Lô, Valognes), au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
mais souhaitable. Dans des matériaux et un langage qui n’ont industrielle en France, de Maurice Daumas, Paris, Robert urbanistes de l’État… Yves-Marie Froidevaux (1907-1983) a été directeur des étu-
rien de nostalgique (sauf pour l’historien de l’architecture du Laffont, 1980). Dès 1983, l’éditorial du n° 62 de la Revue de 34. Notamment grâce à l’Américaine Jane Jacobs (The Death des, à partir de 1969, au Centre d’études supérieures d’histoi-
XXe siècle, apte à repérer emprunts et citations…), ils donnent, l’art (Paris, CNRS) consacre « le patrimoine industriel » en and Life of Great American Cities, New York, Vintage Books, re et de conservation des monuments anciens. C’est à son
du règlement de 1977, une interprétation aussitôt saluée par lieu et place de l’archéologie. 1963). action que cet établissement a dû sa renaissance, lors du retour
la critique et adoptée par l’opinion. 21. Le Maresquier, architecte (1870-1972). Sa réalisation en 35. L’exemple le plus classique en la matière est la villa à Chaillot qui avait suivi les événements de mai. Il a publié
9. On comprendra, de ce point de vue, la réticence avec laquel- 1927 pour le Cercle militaire lui attire les quolibets de Le Savoye, dont André Malraux avait souhaité confier la restau- Techniques de l’architecture ancienne. Construction et restau-
le peuvent être accueillies, dans des réalisations récentes, Corbusier. ration à Le Corbusier. Mais les premières esquisses remises ration, Liège, Mardaga, 1986.
certaines expressions virtuoses de l’individualisme artistique 22. Les deux ouvrages de Saverio Muratori, Studi per una ope- par ce dernier manifestaient une telle indifférence à la notion 47. On notera que le parti pris est le même que rue des
dont l’esthétisme raffiné évoque la tradition des Beaux-Arts rante Storia urbana di Venezia, Roma, Istituto poligrafico même de conservation qu’il fallut faire appel à un architecte Nonnains-d’Hyères, dans le Marais. Mais le résultat est plus
et son académisme formel (Frédéric Borel, 113, rue dello Stato, 1960, et Studi per una operante Storia urbana di plus respectueux de l’authenticité de l’œuvre… convaincant, en matière d’architecture comme d’aménage-
Oberkampf, 1994). Roma, Roma, Consiglio nazionale delle Richerche, 1960, inspi- 36. Œuvre d’André Granet, le décor actuel a été conçu pour ment urbain.
10. Entre deux tableaux, la largeur courante est de trois pieds, rent, dès la fin de la décennie, les travaux d’André Chastel, l’Exposition universelle de 1937. 48. L’exemple le plus significatif auquel on puisse se référer
six pouces (soit 113,4 cm actuels). (parus en 1977 seulement), du Centre de recherche sur l’his- 37. Maurice Besset, Nouvelle Architecture française, Stuttgart, est celui du castel Béranger, d’Hector Guimard, rue La
11. On ne parle pas, ici, de la question, non moins importante, toire de l’architecture moderne, sur le quartier des Halles, à Gert Hadje, 1967 ; Jacques Lucan, Architecture en France (1940- Fontaine : sa transformation récente en résidence de luxe pour
des cours intérieures. Le POS de 1977 évitait d’intervenir sur Paris. Les ouvrages d’Aldo Rossi, l’Architettura della città, 2000). Histoire et théories, Paris, éditions du Moniteur, 2001. une clientèle internationale a posé de considérables problèmes
ce point difficile. Ses adaptations postérieures se sont effor- Padova, Marsilio, 1966 (traduction française, l’Architecture de 38. Par rapport à l’importance du logement social industriali- à l’architecte chargé de la restauration de cet édifice classé
cées d’inciter à la création de cours en milieu de parcelle, évi- la ville, Paris, l’Équerre, 1981), et de Carlo Aymonimo, sé en France, on peut s’étonner que la protection au titre des Monument historique !
tant l’habituel plan en T, générateur de vis-à-vis médiocres M. Brusati, G. Fabbri, M. Lens, P. Lovero, S. Lucianetti et Monuments historiques, ou du PSMV, ne touche aucun des 49. Il s’agit là d’une appréciation stratégique. Il est possible de
avec les constructions voisines. Peu à peu, les urbanistes pari- A. Rossi, la Città di Padova, Roma, Officina Edizioni, 1970, ensembles majeurs du XXe siècle. Les tours de La Muette, à mesurer les opportunités de mutation de certains secteurs en
siens redécouvraient la profondeur de la parcelle et s’effor- sont connus des membres de l’Atelier parisien d’urbanisme Drancy, ou de La Grande Mare, à Rouen, ont été démolies ; Les fonction des données économiques, sociales et foncières. Donc
çaient d’en exploiter les potentialités… dès leur parution et inspirent l’ouvrage de Jean Castex, Jean- Courtillières, à Pantin, défigurées… Nonobstant le problème d’y répondre en priorité et d’utiliser cette expérience pour
12. L’invention de l’immeuble de bureaux, faisant référence à Charles Depaule et Philippe Panerai, Formes urbaines : de l’î- social insoluble que constituent ces opérations, devenues des construire la suite de l’évaluation patrimoniale sur des bases
l’architecture anglo-saxonne, date de 1871, dans un projet uto- lot à la barre, Paris, Dunod, 1977. ghettos, l’ampleur de l’investissement et son peu de chance de plus solides.
pique de l’architecte Hector Horeau pour un « immeuble d’of- 23. Dans les colonnes de la Construction moderne, 29 décem- succès découragent toute action. Mais la raison fondamentale 50. Non seulement les implications sont considérables sur le
fices », à structure métallique, disposé autour d’une grande bre 1935, « De la protection de l’œuvre moderne (à propos de n’est-elle pas l’indifférence dont on témoigne, sur le plan cul- plan économique (coût de la conservation, de la restauration
cour en forme de serre. Le percement de la rue d’Uzès (3-5, rue l’hôtel Ducharne), P. Patout architecte », p. 266 à 273. turel, vis-à-vis de ces réalisations qui n’appartiennent pas à et de la mise en valeur), mais on se trouve en rivalité avec
d’Uzès, par Edmond Guillaume, en 1878), puis l’achèvement 24. S. Giedion, historien de l’architecture et théoricien du mou- notre imaginaire ? On s’intéresse plus volontiers, aujourd’hui, d’autres objectifs potentiels, que ceux, uniquement culturels,
de la rue Réaumur, à partir de 1895, installeront à Paris les vement moderne, publie en 1940 Espaces, temps, architecture. à une cité balnéaire qu’à un grand ensemble. Une nouvelle auxquels les historiens d’art s’intéressent.
premiers immeubles d’activité à charpente métallique et faça- 25. Sous la direction de Bernard Toulier, le Régionalisme, fois, la patrimonialisation apparaît davantage comme un
de de verre, mais dans un répertoire respectueux de la tradi- architecture et identité, Paris, éditions du Patrimoine, 2001. choix culturel, que comme le constat objectif d’une réalité.
tion d’ordonnancement des immeubles parisiens. Seuls des 26. Significatif, de ce point de vue, est le classement récent de 39. L’exposition manifeste des « Maisons du Bonheur », orga-
spécialistes voient la différence entre ces immeubles d’activi- l’église de Firminy par la commission supérieure des nisée par l’Institut français d’architecture au palais de
té ou de bureaux et ceux qui sont destinés au logement. Monuments historiques : cet édifice, dont seules existent les Chaillot, à l’automne 2001, l’a bien montré : quelque 200 figu-

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VILLE
ET
ENVIRONNEMENT

S’il est une production humaine qui s’inscrit dans


la durée, c’est sans doute la ville européenne. Peut-être le
XXe siècle en a-t-il perdu la conscience, dans le même temps
que le rapport qu’elle entretient avec le territoire s’est com-
plexifié. En effet, l’empreinte écologique de Paris ne se limite
pas à l’emprise de la ville ; elle la déborde largement, vers les
sources d’eau potable ou vers les usines de traitement des
eaux usées, pour se limiter à la question de l’eau. Une prise
de conscience de ce phénomène est d’abord nécessaire afin
de penser l’avenir de Paris dans l’agglomération.

Photos : Jérôme Saint-Loubert Bié.


VILLE
ET ENVIRONNEMENT

X X X X X X X

En matière d’environnement, les responsabilités de cours d’eau). Des projets sont à l’étude sur la Marne,
la Ville de Paris s’exercent dans six domaines principaux : la Seine et l’Yonne, pour atténuer notamment l’impact des
la gestion de l’eau, l’assainissement, la gestion des dé- crues de ces deux dernières.
chets, l’air, l’environnement sonore et la gestion des Les prélèvements opérés en période de crue se tradui-
risques naturels. sent par une certaine réduction des hauteurs d’eau à l’aval
immédiat des ouvrages et tout au long des rivières régulées.
L’ E A U À PA R I S La structure actuelle du Pour une crue centennale du type de celle de 1910, le niveau
réseau d’alimentation en de la Seine serait abaissé d’environ 60 centimètres grâce à
eau de Paris est l’héri- ces ouvrages. En période d’étiage, les lâchures moyennes cu-
tière des grandes orientations définies à la fin du XIXe siècle mulées des Grands Lacs de Seine atteignent 70 m3/s, per-
par Eugène Belgrand, notamment en ce qui concerne l’im- mettant de quadrupler le débit naturel de la Seine à Paris
portance donnée aux eaux potables d’origine souterraine en cas de grande sécheresse. En 2001, le maximum de rem-
(sources) qui représentent approximativement 50 % de l’ali- plissage des lacs a été atteint en juin, avec un volume de
mentation en eau de Paris et que l’on va chercher jusqu’à 744 millions de mètres cubes d’eau.
173 kilomètres de la capitale. L’autre origine de l’approvi-
sionnement en eau potable, à hauteur égale de 50 %, pro- LA DISTRIBUTION DE L’EAU. L’eau produite par la Sagep
vient des sources de la Seine et de la Marne. est admise directement en distribution ou stockée dans les
Sous le contrôle de la section de la politique de l’eau sept réservoirs représentant une réserve de 1,2 million de
et de l’assainissement, la Société anonyme de gestion des mètres cubes, soit près de deux jours de consommation
eaux de Paris (Sagep) est chargée, d’une part, de capter moyenne à Paris. Cette capacité de stockage, à laquelle
l’eau des sources et de la transporter par des aqueducs jus- s’ajoutent les possibilités d’interconnexions et de mailla-
qu’à Paris et, d’autre part, de traiter l’eau prélevée en ri- ges des réseaux, est un important facteur apportant une
vière dans les trois usines de Joinville, Orly et Ivry. Enfin, certaine sécurité à l’alimentation en eau de la capitale.
elle doit acheminer les eaux dans les sept réservoirs pari- Le réseau de distribution, à partir des réservoirs,
siens. Les sociétés Eau et Force parisienne des Eaux, pour comporte 1 800 kilomètres de canalisations, principalement
la rive gauche, et Compagnie des eaux de Paris, pour la établies en égouts. Le service de distribution publique de
rive droite, distribuent ensuite cette eau potable jusqu’aux l’eau potable dessert quotidiennement, non seulement les
compteurs des usagers. Au total, ce sont environ 2,1 millions de Parisiens, mais également 1,4 million d’uti-

Photo : Apur.
250 millions de mètres cubes d’eau potable qui sont distri- lisateurs non résidants, soit au total 3,5 millions d’usagers.
bués par an à Paris, soit une consommation journalière En 2000, il y avait 91 000 abonnés au service public : 63 000
moyenne voisine de 680 millions de litres. pour la rive droite, 28 000 pour la rive gauche.
La qualité de l’eau est contrôlée par le ministère du Quai du Louvre,
On notera que l’Institution interdépartementale des Travail et des Affaires sociales, par délégation au Centre de le moineau familier
dont l’espèce est
barrages réservoirs du bassin de la Seine (IIBRBS, ou recherche, d’expertise et de contrôle des eaux de Paris
en forte diminution
Grands Lacs de Seine) gère quatre lacs réservoirs d’une (Crecep) : 65 paramètres physiques, chimiques et bactério- à Paris.
capacité de plus 800 millions de mètres cubes. Ils sont des- logiques sont analysés, conformément au décret 89-3 du
tinés, pour Paris et sa région, à diminuer les dommages liés 3 janvier 1989 modifié, relatif aux eaux destinées à la
aux inondations et à renforcer les débits d’étiage en période consommation humaine. Selon les dispositions de l’arrêté
de sécheresse (donc, d’améliorer la qualité de l’eau des ministériel du 10 juillet 1996, les principaux éléments de la

V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T
186 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 187
Volumes MES DBO5 DCO LES TRAVAUX. Au titre du Schéma directeur d’assainis-
(millions (milliers (milliers (milliers
de m )3 de tonnes) de tonnes) de tonnes) sement de l’agglomération parisienne, élaboré en 1992,
1999 2000 1999 2000 1999 2000 1999 2000
avait été proposée la construction d’une liaison entre l’é-
1.Eaux collectées à Paris
eaux usées 341,3 341,4 81,9 81,9 54,6 54,6 126,3 126,3 missaire sud, première branche (rive gauche-pont Mirabeau
eaux pluviales 36,1 42,5 7,2 8,5 1,1 1,3 5,4 6,4
total 1 377,4 383,9 89,1 90,4 55,7 55,9 131,7 132,7 Paris, 15e), et l’émissaire Sèvres-Achères, branche de
2.Eaux provenant Nanterre. Cette interconnexion, un ouvrage circulaire de
de la banlieue
temps sec + temps de pluie 120,8 117,7 28,5 27,7 17,8 17,1 42,1 40,7 3 mètres de diamètre et d’environ 5 kilomètres de longueur,
Eaux entrant
dans le réseau parisien
a été réalisée par le Syndicat interdépartemental pour l’as-
total 1 + 2 498,2 501,6 117,6 118,1 73,5 73,0 173,8 173,4 sainissement de l’agglomération parisienne (Siaap). Il porte
Eaux sortant du réseau parisien 478,7 489,0 105,0 104,8 72,6 71,9 170,9 169,8
le nom de Liaison Auteuil-St-Cloud (LAS). Il va assurer trois
Eaux déversées 19,5 12,6 2,6 3,3 0,8 1,0 2,8 3,5
Pollution accumulée en réseau 10,0 10,0 0,1 0,1 0,1 0,1
raccordements : le raccordement avec l’émissaire sud (LAS
15 Siaap) et le raccordement avec les collecteurs du bassin
versant du 15e arrondissement, sur la rive gauche ; et, sur la
rive droite, le raccordement avec les ouvrages principaux du
d’eaux usées en Seine du secteur de la rue Watt, et 16e arrondissement. Par ailleurs, une nouvelle station de
1 2 3 Austerlitz, qui remplacera à terme l’usine Sauvage. pompage et de crue « Tolbiac-Masséna », a été mise en ser-
Le réseau parisien est presque entièrement constitué vice en juin 2001. Enfin, la Ville de Paris poursuit le projet
d’ouvrages visitables, d’une longueur totale de 2 370 kilo- Gaaspar. Ce projet est destiné à l’automatisation du fonc-
mètres, dont 180 kilomètres d’émissaires et de grands col- tionnement du réseau parisien avec une optimisation de sa
lecteurs et 660 kilomètres d’ouvrages annexes (branche- capacité en période de pluie, tout en limitant les déverse-
ments particuliers, avaloirs, branchements de regards). Les ments polluants. Dans le cadre de ce projet, de nombreuses
dimensions des ouvrages et l’existence de 45 déversoirs d’o- stations de gestion locale, télécommandables, ont été mises
rage rejetant directement en Seine les eaux excédentaires en place ou modernisées depuis 1993 : stations de mesures,
permettent d’éviter les mises en charge et inondations lors vannes de régulation (22 déversoirs d’orage équipés de van-
de fortes pluies. nes motorisées en février 2001), stations de pompage. Le
système assure le raccordement d’environ 130 stations de
L ES INDICATEURS TECHNIQUES. Le tableau ci-après gestion locale.
dresse le bilan pour l’ensemble de l’année 2 000 des volu-
mes et flux de pollution collectés par le réseau. On distin- LA En 2001, la collecte des

Photos : Apur.
GESTION
gue, pour les eaux collectées à Paris, les eaux usées 1, des DES DÉCHETS déchets parisiens, tous
eaux provenant du ruissellement pluvial. Cette distinc- producteurs confondus,
4 5 6 tion ne peut pas être faite pour les eaux provenant des représente 1 220 968 tonnes, soit 574,5 kilos par habitant
1. Fontaine quai des Grands Augustins 4. Fontaine Place Saint-Michel, radi designer. bassins versants de banlieue et transportées par le réseau ou 1,57 kilo par jour et par habitant (cf. tableau). À partir
2. Fontaine square Lamartine, emplacement 5. Fontaine bois de Boulogne parisien. Les débits unitaires sont en effet mesurés par de 1999, une première phase de traitement sélectif a été
de l’ancien puit artésien de Passy. 6. Bouche de lavage, Ile Saint-Louis.
des stations situées aux entrées de Paris et il n’est pas engagée sur cinq arrondissements, les 1er, 5e, 7e, 11e et 13e,
3. Fontaine rue du faubourg Saint-Antoine.
possible de faire la part entre les eaux usées et les eaux de en mode triflux. Devant le faible rendement de la collecte
ruissellement. (30 % de refus de tri), en particulier des emballages légers,
Trois paramètres principaux sont pris en compte : la Ville de Paris a décidé, en 2002, d’étendre le tri sélectif
synthèse des analyses sont communiqués aux abonnés lors Le fonctionnement du réseau est largement gravi- - les matières en suspension (MES) : il s’agit de particules à l’ensemble de Paris, tout en le simplifiant, en passant au
de la facturation du quatrième trimestre. taire. Il transporte quotidiennement, par temps sec, environ de toutes tailles, de nature minérale ou organique, en biflux. L’extension de la collecte sélective devrait s’accom-
1 million de mètres cubes d’eaux usées. Il s’agit d’un réseau suspension dans les effluents ; pagner de la construction dans Paris intra-muros de qua-
L’ ASSAINISSEMENT Le réseau d’assainisse- en quasi-totalité de type « unitaire » (à l’exception des nou- - la demande biochimique en oxygène (DBO) ou la quantité tre centres de tri. L’ensemble de ces centres devrait avoir
ment parisien existant veaux quartiers de Paris Rive gauche), c’est-à-dire qu’il col- d’oxygène nécessaire pour oxyder les matières organiques une capacité de traitement de 250 000 tonnes par an. Les
aujourd’hui, comme le lecte dans les mêmes ouvrages les eaux usées et les eaux contenues dans l’eau, par l’intermédiaire des bactéries : emplacements pressentis se situent dans le 12e arrondis-
réseau de l’eau, a été conçu et en grande partie réalisé dans pluviales. Les eaux s’écoulent grâce aux pentes données aux c’est la quantité d’oxygène qui sera prélevée en milieu na- sement (près du quai de Bercy), le 15e (près de l’héliport),
la seconde moitié du XIXe siècle sous l’impulsion d’Eugène ouvrages. Cinq stations de pompage relèvent en perma- turel, en cas de déversement. On évalue usuellement la le 17e (boulevard de Douaumont) et le 18 e (site « Évan-
Belgrand, alors directeur des Eaux et des égouts de Paris. Il nence les eaux des quartiers bas des 12e, 13e et 16e arron- quantité consommée sur cinq jours (DB05) ; gile », sur le boulevard Ney).
draine une surface totale d’environ 8 500 hectares et dessert dissements (Mazas, Chamonard, Tolbiac-Masséna, Sauvage - la demande chimique en oxygène (DCO) : c’est la quantité Le traitement des déchets de la ville de Paris est ef-
les 2 millions d’habitants de la capitale, auxquels s’ajoute et Auteuil). Deux nouvelles usines de pompage ont été ré- d’oxygène nécessaire pour dégrader l’ensemble des matières fectué dans le cadre d’un syndicat intercommunal : le
une population occasionnelle d’environ 1,4 million de per- cemment mises en service dans le nouveau quartier Paris oxydables contenues dans l’effluent, qu’elles soient biodé- Syndicat intercommunal de traitement des ordures ména-
sonnes non résidantes chaque jour. Rive gauche : Watt, qui permettra de supprimer les rejets gradables ou non. gères de la région parisienne (Syctom). Il se voit confier l’en-

V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T
188 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 189
Bacs pour verre usagé, déchets recyclables, déchets tion comptait pour 75 % de déchets incinérés, pour 6 % de dé- LES JOURNAUX ET MAGAZINES. La collecte en porte-à-
Tonnages collectés en 2001 à Paris
non recyclables
Type de déchets Tonnage 2001 Kg/hab./an chets valorisés par tri et pour 19 % en décharge. porte des journaux et magazines, à Paris, a permis d’en
Ordures ménagères 1 050 864 494,18 collecter plus de 23 500 tonnes en 2000. Outre l’économie
Corbeilles 20 454 9,62 L’ÉNERGIE. Les usines de traitement et de valorisation de matières premières (bois et eau), elle a évité ainsi la
Marchés 19 055 8,97 des déchets gérés par le Syctom disposent d’installations de consommation d’environ 8 400 TEP dans la fabrication de
Objets encombrants 58 777 27,66 récupération d’énergie. L’énergie ainsi récupérée est cédée papier journal.
Journaux, magazines 14 271 8,54
au réseau de chauffage urbain qui se développe sur 423 kil- En conséquence, globalement, grâce aux installations
Verre
(apport volontaire +GPV) 23 290 10,96 omètres, à Paris et en banlieue. Ce réseau fournit globale- du Syctom, 80 %, environ, des déchets produits par la ville
Collecte Verre 5 904 13,02 ment le quart de l’énergie de chauffage consommée dans la de Paris en 2000 sont valorisés, ce qui situe la capitale
sélective Journaux capitale (chauffage et eau chaude). Il dessert principale- parmi les grandes villes les plus performantes du monde (cf.
(1er, 5e, 6 546 14,44
7e, 11e, magazines ment les immeubles d’habitations, mais également de gros tableau)
13e arr.) e.m. 1 631 3,60
consommateurs d’énergie (bureaux, hôpitaux, écoles). Le
Déchetterie 20 078 9,45
reste de l’énergie nécessaire au réseau de la Compagnie pa- L’ A I R La surveillance de la
DTQD 98 0,05
Total 1 220 968 574,51
risienne de chauffage urbain (Cpcu) est fourni par sept qualité de l’air en Ile-de-
1. Benne à ordures ménagères fonctionnant au gaz Source : DPE, analyses et données 2001. chaufferies gérées par la Cpcu, fonctionnant au gaz naturel, France est assurée par
naturel véhicule(GNV).
au fuel lourd et au charbon. Airparif depuis 1979. Conformément à la loi sur l’air de
2. Benne à ordures ménagères électrique. Valorisation Quantités Équivalent Équivalent
Progressivement abandionnée au profit des bennes valorisées énergie énergie De façon complémentaire, les chaudières des usines 1996, les quatre missions d’Airparif sont :
(tonnes) SYCTOM (TEP) Paris (TEP)
GNV. Ordures
d’incinération font tourner des turbines produisant de l’élec- - surveiller la qualité de l’air ;
1 920 000 320 000 160 000
3. Bennes à ordures ménagères classique. ménagères tricité servant principalement aux besoins propres de la com- - prévoir les épisodes de pollution afin que des mesures de
Acier 57 700 22 400 11 200
Verre 28 600 Np 2 200
pagnie. Le surplus est revendu au réseau électrique d’EDF. réduction des émissions et de limitation de l’exposition des
Journaux
23 500 Np 8 400
Chaque année, l’incinération des déchets ménagers permet personnes les plus sensibles puissent être prises à temps ;
et magazines
Aluminium 2 073 8 300 4 150
ainsi d’éviter l’utilisation d’environ 320 000 TEP (tonnes - évaluer l’impact des mesures de réduction des émissions et
équivalent pétrole). L’incinération des seuls déchets collectés développer des outils de modélisation pour permettre d’esti-
Ce tableau résume les diverses valorisations concernant par la Ville de Paris représente environ la moitié de cette mer objectivement l’efficacité d’une action envisagée vis-à-
l’élimination des déchets à Paris et leur équivalent en quantité d’énergie économisée, soit quelque 160 000 TEP. vis de la qualité de l’air ;
énergie (TEP) économisé par la récupération des - informer les autorités et les citoyens (au quotidien, lors d’un
matières premières. LES MÉTAUX. Les usines d’incinération et le centre de tri épisode de pollution) en permettant l’accès à ses données.
de Romainville sont équipés d’installations de tri magnétique L’air est composé d’azote (78 %) et d’oxygène (21 %), mais
tière responsabilité de l’organisation du traitement des dé- qui permettent la récupération des ferrailles. En 2000, envi- aussi d’une multitude de substances très diverses : gaz car-
1 chets (mais pas la collecte) des communes qui y adhèrent. Il ron 57 700 tonnes d’acier ont été récupérées, la plus grosse bonique, gaz rares, composés organiques, etc. Parmi celles-
s’agit, au total, pour le syndicat, d’éliminer ainsi les déchets partie (42 000 tonnes) après incinération. Une unité de pré- ci, certaines se distinguent par leurs effets nocifs sur l’envi-
de près de 5,5 millions de personnes, soit environ paration des ferrailles ainsi récupérées après incinération ronnement ou la santé humaine. Les polluants
Photos : Mairie de Paris. Direction de la protection de l’environnement.

2,9 millions de tonnes chaque année. Les déchets collectés fonctionne depuis 1993 à Bonneuil-sur-Marne (94). Une part atmosphériques sont d’origine variée : les uns sont émis na-
par la Ville de Paris représentent environ la moitié des dé- significative des déchets ferreux est récupérée depuis 1996 turellement par la végétation ou les océans ; beaucoup d’au-
chets traités. dans les centres de préparation des mâchefers issus des usi- tres sont le fait des activités humaines : industrie, agricul-
Le Syctom assure par ailleurs la maîtrise d’ouvrage nes d’incinération. Ces centres ont ouvert à Saint-Ouen- ture, transport, habitations, etc.
des travaux de construction des nouveaux centres de traite- l’Aumône (95), Lagny-sur-Marne et Isles-les-Meldeuses (77). Parmi les substances directement produites par les ac-
ment ou des travaux de modernisation des installations Par ailleurs, un système de récupération de l’aluminium par tivités humaines, certaines sont nocives pour l’homme, ce sont
existantes. La construction de deux nouveaux centres de tri « courants de Foucault » a permis de récupérer, en 2000, 2073 les polluants primaires: oxydes de carbone, oxydes de soufre,
2 a été engagée en 2000, l’un à Issy-les-Moulineaux, d’une ca- tonnes d’aluminium dans les centres de traitement des mâche- hydrocarbures légers, composés organiques volatiles, etc.
pacité de 55 000 t/an, et l’autre à Nanterre, d’une capacité de fers (Lagny-sur-Marne, 168 tonnes ; Saint-Ouen l’Aumône, 854 D’autres substances réagissent entre elles sous l’effet
40 000 t/an. D’autres centres de tri sont d’ores et déjà à l’é- tonnes ; Isles-les-Meldeuses, 1 051 tonnes). La récupération de des conditions atmosphériques et produisent de nouvelles
tude, notamment à Paris (cf. supra). l’acier a globalement permis en 2000, pour la quote-part de la substances qui ne sont pas directement émises par l’activité
Le traitement et la valorisation des déchets au sein du Ville de Paris, une économie d’énergie d’environ 11200 TEP et humaine ou naturelle : ce sont les polluants secondaires.
Syctom s’appuie sur trois types d’installation utilisant des celle de l’aluminium, 4150 TEP. C’est en particulier le cas de l’ozone. Cette production n’est
méthodes différentes mais complémentaires : des usines de pas instantanée, elle peut demander plusieurs heures, au
valorisation énergétique, à partir de l’incinération des dé- LE VERRE. À Paris, la collecte du verre par apport vo- sein des masses d’air qui se déplacent au-dessus du terri-
chets (Issy-les-Moulineaux, Ivry/Paris XIII et Saint-Ouen) ; lontaire et auprès des gros producteurs de verre a permis de toire, et nécessite des conditions d’ensoleillement et de tem-
des centres de tri (Romainville et Ivry/Paris XIII) ; des cent- récupérer en 2000 près de 28 600 tonnes, soit une économie pérature particulières.
res de transfert avant mise en décharge (Romainville et d’énergie d’environ 2 200 TEP dans la fabrication de bou- Ainsi, l’étude de la qualité de l’air doit être menée se-
3 teilles neuves en verre. lon diverses échelles. S’il est nécessaire de prendre en
Saint-Denis). En 2000, la répartition des procédés d’élimina-

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190 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 191
compte la métropole parisienne dans sa globalité, un phé- l’influence de vents dominants (de secteur Sud-Ouest). Ce Ces zones traduisent vraisemblablement l’influence spora- pens des autres fréquences (c’est la sensibilité de l’oreille).
nomène comme celui de l’ozone, qui se manifeste régulière- paramètre météorologique permet d’expliquer en partie dique de sources d’émissions locales sur les niveaux de Pour tenir compte de ces caractéristiques qui condi-
ment au-delà de l’agglomération, sur les zones rurales de la que les niveaux moyens de dioxyde d’azote relevés dans la fond. Le croisement des données de pollution et la réparti- tionnent nos facultés de perception, l’intensité sonore est
région comme sur le bassin parisien, montre la nécessité de proche banlieue au sud-ouest et à l’ouest de Paris soient, tion de la population montrent que 740 000 Franciliens ha- mesurée en décibels acoustiques, « dB (A) ».
travailler à une échelle plus vaste, c’est-à-dire ne se limitant eux, en deçà de l’objectif de qualité. Un croisement entre bitant dans les zones les plus touchées par le benzène se- L’échelle de perception du bruit va de 0 dB (A) [seuil
pas aux abords mêmes des sources de pollution. La situation ces données et la répartition de la population (Insee, 1999) raient vraisemblablement exposés à un niveau de pollution d’audibilité] à 120 dB (A) [seuil de la douleur]. Cette échelle
de la qualité de l’air est aujourd’hui préoccupante en Ile-de- a permis d’identifier que 3,9 millions de Franciliens rési- en benzène qui, en moyenne sur l’année, dépasse l’objectif est logarithmique : le volume sonore double tous les 3 dB (A).
France puisque les objectifs de santé publique ne sont pas at- dant dans ces zones sont potentiellement exposés à des ni- de qualité qui est de 2 µg/m3. La directive européenne du 25 juin 2002, qui devra
teints pour le benzène et le dioxyde d’azote. veaux supérieurs à l’objectif de qualité réglementaire de être transposée en droit français avant le 18 juillet 2004,
Ces deux polluants sont des indicateurs caractéris- 40 µg/m3 pour le dioxyde d’azote (moyenne annuelle). À ces L’ ENVIRONNEMENT D’après une enquête ré- impose de nouvelles règles en matière d’évaluation et de
tiques de la pollution chronique des grandes métropoles, 3,9 millions de Franciliens, il faut ajouter 650 000 person- SONORE alisée par l’Insee en gestion du bruit dans l’environnement dû aux principales
intervenant également dans la production de polluants nes qui habitent dans des zones avoisinant ou dépassant 2001, les ménages ur- infrastructures de transport et aux activités industrielles.
photo- oxydants comme l’ozone. En Ile-de-France, leurs de temps à autre ce seuil réglementaire (en particulier au bains (ménages habitant dans les unités urbaines de 50 000 Cette directive impose la publication de cartes de bruit di-
émissions sont majoritairement liées au transport (véhicu- nord du département de l’Essonne, à proximité du nœud habitants ou plus) considèrent le bruit et le manque de sécu- tes « stratégiques », qui visent à informer le public sur les
les particuliers, bus, poids lourds, deux-roues motorisés, autoroutier de l’échangeur A 6-A 10). Au total, plus de 60 % rité comme leurs préoccupations premières dans leur quar- niveaux de bruit et leurs effets ainsi qu’à fonder l’adoption
avions, etc.). des habitants de l’agglomération parisienne sont ainsi sus- tier ou leur commune. L’enquête précise que c’est à Paris que de plans de prévention et de réduction du bruit.
Les conclusions du dernier diagnostic d’Airparif pour ceptibles d’être exposés à un air de qualité insatisfaisante. l’intensité des nuisances sonores est la plus grande : le bruit Précisons que ces cartes doivent suivre les modalités sui-
la campagne européenne de mesures Life « Resolution » La cartographie du benzène reflète, quant à elle, l’é- y est souvent une gêne pour 32 % des ménages. vantes :
(en 2000 et 2001) montrent que, pour le dioxyde d’azote, volution favorable des niveaux de fond observés sur le ré- Le bruit est un phénomène acoustique lié à des varia- - utilisation d’indicateurs (ou descripteurs) de bruit com-
malgré une érosion des concentrations constatée depuis seau Airparif depuis quelques années, résultant principale- tions de pression de l’air. Le bruit peut être principalement muns à l’ensemble des États de l’Union – le Lden, qui décrit
quelques années, une vaste zone de l’agglomération com- ment de la diminution des concentrations en benzène dans caractérisé par sa fréquence (grave, médium, aiguë) et son in- la dose journalière moyenne de bruit et qui intègre les doses
prenant l’ensemble de Paris et l’essentiel de sa proche ban- les carburants. Ainsi ne reste-t-il que quelques zones géo- tensité (mesurée en décibels, notés « dB »). La perception que perçues en périodes de jour, de soirée et de nuit, en donnant
lieue (les secteurs du Sud au Nord-Ouest en passant par graphiquement très limitées (dans Paris intra-muros ainsi nous avons des événements sonores dépend des caractéris- à ces deux dernières des pondérations plus importantes par
l’Est) est concernée par le dépassement de l’objectif de qua- que dans sa banlieue proche, au Nord et au Nord-Est) qui tiques intrinsèques de l’oreille humaine, qui ne peut perce- rapport à la période de jour, ainsi que le Lnight, qui décrit
lité annuel. Cette zone reflète à la fois la répartition des seraient concernées par un risque significatif de dépasse- voir que des sons allant de 20 Hz (bas) à 20 000 Hz (aigus) et la dose moyenne de bruit en période de nuit – lesquels de-
émissions d’oxydes d’azote, plus denses dans cette zone, et ment de l’objectif de qualité annuel en situation de fond. qui nous fait entendre majoritairement les médiums aux dé- vront être employés pour cartographier le bruit dans l’envi-

Diffusion du benzène Diffusion du dioxyde d’azote

Source :document Observatoire du bruit.


BRUIT ROUTIER MOYEN DE JOUR
Source :document Airparif.

code couleur

Intense
à très intense 79 dB (A)
76 dB (A)
Élevé
73 dB (A)
à intense
70 dB (A)
Modéré 67 dB (A)
à élevé 64 dB (A)
61 dB (A)
Faible 55 dB (A)
à modéré 45 dB (A)

V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T
192 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 193
tudes particulières : Klaxon, bruits de chantiers, deux- roues ces de la Ville, à la RATP, à l’Assistance publique… pour un
motorisés, établissements de nuit, etc. passage au Conseil de Paris fin 2001 et une enquête pu-
Enfin, il convient de préciser que la gêne que nous im- blique courant 2002. Il reste que les questions pratiques
putons aux bruits de notre environnement n’est pas un co- soulevées par ce document ne sont pas résolues, compte
rollaire direct du volume sonore. Il s’agit d’une notion plus tenu des contraintes draconiennes imposées à l’occupation
fine, qui est liée à la nature même de la source de bruit (ré- des sous-sols et des rez-de-chaussée.
pétitivité, durée, période d’émission, niveau maximum émis, Les contraintes du sous-sol sont importantes à Paris,
etc.), à l’environnement (émergence par rapport au bruit comme l’illustre la carte jointe. Les contentieux sont nomb-
ambiant, conditions climatiques, relief, etc.) et aux indivi- reux avec les propriétaires qui estiment, à tort, que la Ville
dus exposés au bruit (état physiologique, type d’activité pra- est comptable de l’ensemble du sous-sol parisien. Les études
tiquée, situation sociale, etc.). La perception de la gêne est de POS particuliers, comme à Montmartre ou à
donc très variable dans le temps et selon les individus. Bagnolet/Père-Lachaise, mais aussi dans d’autres secteurs,
comme le quartier des Amériques, ont montré la difficulté
LA GESTION Dans ce domaine, deux de gérer cette question, qui appellera des dispositions sans
DES RISQUES questions seront impor- doute plus précises que ne l’offre le POS actuel.
N AT U R E L S tantes pour garantir la
qualité des constructions LA BIODIVERSITÉ Paris, ville dense et for-
futures et devront, à ce titre, figurer en marge du futur PLU : À PA R I S tement minéralisée, re-
les risques d’inondation et la qualité du sous-sol parisien. cèle néanmoins une
En application de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 faune et une flore très riches, au point que l’on pourrait
relative au renforcement de la protection de l’environne- presque décréter la capitale, « réservoir de biodiversité ».
ment et du décret n° 95-1089, le Plan de prévention des Les causes de cet apparent paradoxe sont multiples : di-
risques d’inondation (Ppri) est en cours d’élaboration à minution de la pollution soufrée dans les dernières décen-
Paris sous l’égide de la préfecture de Paris. Ce document nies, rareté des traitements chimiques (pesticides, herbi-

Doc. Apur.
devra être annexé au PLU. L’objectif du Ppri est de délimi- cides, fongicides) dans les parcs et jardins publics et
ter les zones à risque en matière d’inondation et d’y définir privés, grande diversité des micromilieux, climat local
les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde plus chaud notamment en hiver, présence de nourriture
PLAN DE L'ALÉA LIÉ À UNE CRUE DE TYPE 1910 qui doivent être prises par les collectivités publiques et les variée et abondante pour un grand nombre d’espèces ani-
Îlots affectés au risque d'inondation particuliers, ainsi que les mesures relatives à l’aménage- males, amélioration de la qualité des eaux de la Seine,
risque d'inondation risque d'inondation zone d'écoulement
supérieur à 1 mètre inférieur à 1 mètre du fleuve pendant la crue
ment et l’utilisation ou l’exploitation des constructions, des
reste de parcelle touchée reste de l'îlot touché zone d'expansion du fleuve Source : IGN BD Topo 1998 ouvrages et des espaces plantés existant à la date d’appro- Nombre d'espèces animales recensées à Paris
par les risques d'inondation par les risques d'inondation pendant la crue Apur 11/2002
bation du plan. Le Ppri se compose d’un rapport de présen- Nombre
Embranchement Classe d'espèces
ronnement dû aux principales sources (routes, voies ferrées, L’intérêt de cet outil est son interactivité (« cartogra- tation, de documents graphiques qui doivent délimiter les actuelles
zones où s’appliqueront les prescriptions réglementaires et Protozoaires
aéroports, industries) ; phie dynamique »), puisqu’il permet de simuler les futurs (groupe à explorer) 2
- publication avant le 30 juin 2007 des cartes pour les ag- aménagements de l’espace public (mur anti-bruit, sens d’un règlement. Spongiaires 1
glomérations de plus de 250 000 habitants et les territoires uniques, couloir de bus, pistes cyclables, etc.) et d’en mesu- À Paris, la zone d’aléa globale (illustrée ci-joint) cor- Cnidaires 2
impactés par les routes (quel que soit leur statut) de plus de rer les conséquences acoustiques. respond à une crue centennale de type crue de 1910. Plathelminthes
= Vers plats 1
6 millions de véhicules par an, les voies ferrées de plus de La carte devra inclure prochainement les bruits des Quatre types de zone sont définis : la zone d’aléa très fort Annélides 5
60 000 passages de train par an, les aéroports de plus de transports ferroviaires et des transports aériens. Ces der- (submersion de plus d’un mètre), la zone d’aléa fort (sub- Bryozoaires 1
50 000 mouvements par an. niers ne sont d’ailleurs pas marginaux à Paris étant donné mersion de moins d’un mètre), la zone de grand écoulement Mollusques 37
En attendant que la législation française se prononce le nombre de plaintes enregistrées. Le survol de Paris, (qui comprend principalement le lit mineur de la Seine) et Arthropodes Insectes 755
Arachnides 32
sur la directive, la Ville de Paris a déjà engagé un premier interdit en dessous de 2 000 mètres, est de plus en plus fré- la zone d’expansion des crues. Un recensement exhaustif Crustacés 13
travail de cartographie du bruit routier sur le territoire pa- quent (alors qu’il n’est théoriquement possible que dans des équipements publics exposés aux risques, ainsi que des Myriapodes 7
risien. La Ville a, pour cela, chargé une société privée de ré- des cas exceptionnels : fort encombrement du trafic ou mé- activités connexes dont l’interruption serait susceptible de Vertébrés Poissons 28
Amphibiens 8
aliser un progiciel pour la modélisation en trois dimensions téo défavorable) ; de plus, ce palier (qui fut fixé en 1948) compromettre le fonctionnement des services publics a été
Reptiles 2
des niveaux de bruit dus au trafic routier à Paris. Les don- n’est vraisemblablement pas une garantie suffisante réalisé. Il doit permettre d’identifier les enjeux et de défi- Oiseaux
nées de trafic proviennent de comptages effectués par la contre le bruit des avions. nir des mesures. (dont 17 espèces visiteuses
occasionnelles, non
Direction de la voirie et des déplacements de la Ville pour Les sources de bruit à Paris sont multiples. S’il est La mise au point du règlement est en cours. Elle a nicheuses à Paris et 49 164
les années 1999 et 2000. Les cartes ainsi produites permet- vrai que la cartographie dynamique est un bon outil pour donné lieu à plusieurs réunions entre la préfecture et les espèces nicheuses à Paris)
tent de rendre compte du bruit routier tel qu’on peut le per- rendre compte du bruit ambiant, elle ne permet pas d’ap- services de la Ville de Paris. Un nouveau projet, élaboré par Mammifères 28
Total 1086
cevoir sur l’espace public. précier les émergences sonores qui doivent faire l’objet d’é- la préfecture, devrait faire l’objet d’une diffusion aux servi-

V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T
194 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 195
etc., et très grande diversité végétale, introduite, horticole - le développement de la végétalisation verticale (sur les La gestion des ressources, et des circulations douces, d’au-
É LÉMENTS
ou subspontanée. Dans le même temps, l’agriculture murs) et horizontale (toits et terrasses) permettant de pal- POUR UN PLAN la lutte contre les pollutions, tant plus que le « vivant », c’est-
D ’ AMÉNAGEMENT
intensive (disparition des haies, drainage des zones humi- lier la rareté des espaces verts à Paris dans leur fonction de ET
la défense de la faune et de la à-dire les habitants aussi bien
des, utilisation de pesticides, monoculture, élevage en corridors écologiques ; DE DÉVELOPPEMENT flore, le traitement des déchets que la faune et la flore, doit
DURABLE
batteries…) et les effets de coupure dus aux grandes - le maintien et la création de zones humides, en particulier passent en premier lieu par l’in- trouver sa place légitime et sta-
infrastructures de transport compromettaient la biodiver- dans les bois ; formation, la formation, la pré- ble dans le monde urbain. Dans
sité du bassin parisien, faisant de Paris, et plus générale- - le maintien et, si possible, l’extension des réserves orni- LA VILLE ET SON vention et une gestion durable le même ordre d’idées, en l’ab-
ENVIRONNEMENT
ment de l’Ile-de-France, une sorte de refuge pour de nom- thologiques des bois de Boulogne et de Vincennes ; de l’environnement urbain. sence d’un véritable continuum
breuses espèces végétales et animales. - l’information de la population sur les pratiques indivi- végétal qui améliore la diver-
L’action de la Ville de Paris, en partenariat étroit avec duelles favorisant la biodiversité (verdissement des balcons Ainsi, améliorer l’infor- sité biologique et le cadre de
les collectivités territoriales voisines, et bien sûr avec la et terrasses, nourrissage hivernal des oiseaux, nichoirs, pro- mation des habitants sur l’utili- vie, les espaces verts s’appau-
Région Ile-de-France à qui échoit la coordination des actions tection des insectes…) ; sation des ressources énergé- vrissent. Le processus peut être
dans ce domaine, doit s’orienter vers le maintien et l’ac- - l’adoption systématique de pratiques d’entretien des espa- tiques et l’impact des émissions enrayé durablement, en inscri-
croissement de cette biodiversité, ce qui passe par plusieurs ces favorisant la biodiversité (fauche tardive, élagage doux, à effet de serre, c’est se donner vant ces lieux dans le paysage
types de mesure : maintien de certains arbres morts dans les bois, etc.) ; les moyens d’agir sur leurs pra- parisien, en les développant,
- le maintien et le développement des « corridors écologiques » - la remise en cause du désherbage systématique de toutes tiques. De même, de nouveaux en favorisant leur épanouisse-
que constituent, notamment, certaines infrastructures ferro- les voies de circulation et cheminement, les pieds d’arbres : modes de conception architectu- ment et en les mettant en
viaires (petite ceinture), les berges de la Seine, les friches, les laissons vivre les mousses et les petits brins d’herbe entre rale et urbaine, de nouvelles réseaux.
bois et parcs, les espaces verts intérieurs protégés, etc.; les pavés ! méthodes de rénovation des
bâtiments anciens et une for- Dans les autres domai-
Cet article a été rédigé, à partir des études de l’Apur mation accrue des profession- nes de l’environnement, l’infor-
et de Paris Nature, par Julien Bigorgne, Thomas Lesay et nels peuvent favoriser l’élabo- mation, la formation, la préven-
Jean-Baptiste Vaquin. ration de logements et tion et la maîtrise apparaissent
d’équipements moins « gour- également comme des réponses
mands » et moins pollueurs. adaptées, notamment en ma-
Nombre d’espèces de plantes tière de propreté où la garantie
observées dans…
Par ailleurs, un meilleur du traitement écologique des
Paris intra-muros 445 partage de la voirie entre déchets est inséparable de

Photos : D. Gancler-Gosse, J.P. Cantournet, Mairie de Paris, DPEJV.


Bois de Boulogne 373 les différents modes de circula- la maîtrise de leur production à
Bois de Vincennes 366 tion favorisera des économies la source. De même, pour l’eau,
d’espace et d’énergie, dans le une meilleure connaissance des
Berges du bois de Boulogne 101
cadre d’une gestion durable risques sanitaires et une plus
Jardin Naturel de la Réunion (20e) 75 de l’environnement. De la large information sur la
Jardin sauvage Saint-Vincent (18e) 97 même façon, la maîtrise consommation s’accompagne-
Parc du Millénaire (19e) 138 de l’espace public et l’améliora- ront d’une maîtrise de son éco-
tion des transports en commun nomie, en particulier en répar-
Nombre d'espèces végétales recensées à Paris s’intègrent dans la réduction de tissant mieux l’usage des eaux
Embranchement Nombre d'espèces actuelles la pollution, comme le dévelop- potables et non potables, et
Algues terrestres 1 pement des quartiers et des en stockant plus efficacement
Algues aquatiques environ 200 réseaux verts, des axes civilisés l’eau de pluie.
Mousses et Hépatiques ?
Lichens 31
Champignons supérieur à 400
Fougères 10
Plantes à fleurs environ 700
(indigènes, naturalisées (dont 80 espèces d'arbres,
ou subspontanées) et plus de 300 variétés)
Total supérieur à 1340
1. Toutes les voies parisiennes sont équipées d’au moins un
égout et les immeubles riverains sont tenus de s’y raccorder
dès leur construction. Le taux de collecte des eaux usées pour
Paris est donc de 100%.

V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T
196 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 197
BÂTIR
LA VILLE

S A B I N E B A R L E S . A N D R É G U I L L E R M E

À l’opposé des constructions privées, en incessant re- toirs. L’eau potable vit ses heurts au XIXe siècle. Le métropo-
nouveau, l’espace public assure la pérennité de la structure litain, dernier-né du siècle, a dégorgé la surface et structuré
urbaine. Depuis deux siècles, la capitale n’a cessé de se dé- par sa puissance l’espace parisien déjà sérieusement rema-
ployer grâce à ses différentes infrastructures – eau, assai- nié par la volonté d’Haussmann. Les infrastructures fines,
nissement, gaz, électricité, téléphone, chauffage, air com- l’électricité, le téléphone, l’air comprimé, le chauffage ur-
primé, pneumatique, câble, froid –, encaissées dans le bain, s’articulent à partir de ces galeries creusées ou tran-
domaine public – la chaussée et les trottoirs, les galeries du chées. Paris du premier XXe siècle, tout entier au service de
métro. Ces réseaux sont fondateurs de la ville moderne et l’automobile, modifie les tracés viaires, rabote les façades
assurent sa dynamique. Ils la rendent intelligente. par des pans coupés, sème des squares, élimine les encom-
Si le développement durable consiste à léguer aux fu- brants – marchands des quatre saisons, charrettes. On
tures générations un patrimoine étroitement imbriqué dans creuse encore pour empoter des parkings et l’on imperméa-
son environnement, l’utilité publique, mode de gestion so- bilise pour éliminer la poussière 1.
cial, économique et politique de la gouvernance, apparaît De cet héritage, résultent un certain nombre de
comme le meilleur garant de ce patrimoine urbain dont les contraintes mais aussi d’atouts. Le vieillissement des in-
infrastructures forment le support. frastructures, très débattu dans les années 1970-1980, ne
fait pas de doute : les tuyaux sont anciens, parfois centenai-
D ES Les infrastructures pari- res, alors que leur durée de vie moyenne est estimée à
INFRASTRUCTURES siennes datent. Pour l’es- trente-cinq ans. Il a d’abord mobilisé les prospecteurs d’eau :
BISÉCULAIRES sentiel, la réticulation 50 % de fuites à New York, au Caire ; bientôt 40 % à Paris et
urbaine est opérée au à Londres. Aujourd’hui, le rendement du réseau parisien at-
XIXe siècle et aboutit durant l’entre-deux-guerres ; Paris vit, teindrait 90 % 2, chiffre acceptable si l’on considère le rap-
ainsi, des richesses techniques qu’il a accumulées, en parti- port entre l’eau facturée et l’eau produite, mais qui néglige
culier depuis deux siècles. Un service volontaire et régula- les fuites postérieures aux compteurs d’eau 3, qui inquiètent
teur a confié à des architectes voyers et des ingénieurs civils déjà les services techniques dans les années 1950 : « Le fai-
l’intérêt public et la gestion de l’utilité publique. Ils ont su ble prix de vente de l’eau, rapporté au coût élevé des répara-

Photo : Apur.
d’emblée tirer parti des matériaux et des fluides locaux – les tions, n’incite pas les propriétaires à remédier à cette fâ-
eaux de l’Ourcq, les carrières de pierre calcaire – pour faire cheuse situation. » 4 L’effet en est double : la fuite se traduit
de la capitale, un monument de la durabilité. Dès l’Empire, par une inutile pression sur la ressource – cette eau perdue
les moulins sont démolis, les berges sont fixées et la Seine a dû être produite à grands frais. Mais le fléau de la fuite Enfin, pendant des
se cale dans son écrin minéral. À la Restauration, l’éclairage touche aussi le réseau d’assainissement : dans les années décennies, Paris,
la capitale, a relégué ses
au gaz enjolive les boulevards nouveaux, avant de pousser 1980, on a estimé à 10 % le linéaire d’égout très dégradé ; à installations de services
cette technique aux autres voies principales et d’en habiller 40 %, le défectueux après cent à cent cinquante ans de dé- municipales lourdes hors
les appartements bourgeois ; l’asphalte revêt les plus beaux faut d’entretien ; 230 millions d’euros ont été investis dans de ses frontières. Dans les
trottoirs, à la pointe de l’Europe. Avec la monarchie de la réhabilitation entre 1989 et 2000 ; 460 devront l’être d’ici futurs documents
d’urbanisme, ces
Juillet, le trottoir devient obligatoire en France et donne un à 2010-2020 afin que le réseau retrouve ses performances équipements, lorsqu’ils ne
espace sécurisant au piéton. Les égouts, préoccupants pour initiales 5. Pendant ce temps, les fuites réalimentent les concernent que les
le préfet Rambuteau, deviennent un service technique utili- nappes parisiennes et contribuent à leur pollution durable. habitants parisiens, vont
taire avec Belgrand : les plus grands, visitables, empruntent Cet héritage est aussi celui du chaos. Bien que dès les devoir trouver leur place
dans Paris.
d’anciens thalwegs ; les plus étroits sont placés sous les trot- années 1830, l’ingénieur des Ponts et Chaussées Henry-

V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T
198 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 199
Le réseau actuel L’ E X C E P T I O N Paris a une chance Au XVIIIe siècle, la capitale ne produit pas de déchets
d’adduction en eau de Seine
Château-Thierry PA R I S I E N N E inouïe, il dispose de deux et le terme n’est d’ailleurs pas employé 10. Les plâtras de dé-
Paris : des infrastructures
séculaires (schéma adapté Aqueduc Meaux Aqueduc eaux : le service de l’eau molition et les cendres lessivées font le salpêtre et la poudre
de l'Avre Paris Marne de la Dhuys
d’après SAGEP et sources claire – les bouches d’eau sous trottoir, l’arrosage – et celui de guerre ; les boyaux font les peaux de saucissons ; les
1893 1865
diverses pour les dates de Usine de Joinville 1864 de l’eau potable, confié à la Société anonyme de gestion des graisse du suif, les chandelles, les peaux du cuir, les vidan-
mise en service). Usine d'Ivry 1900
Dreux Versailles eaux de Paris (Sagep). Une eau pour la fête et l’hygiène pu- ges, la poudrette (engrais), les boues de rue engraissent les
Usine d'Orly 1969
blique ; une eau pour boire et l’hygiène domestique. Chance terres du département de la Seine. La première industriali-
Aqueduc inouïe parce que toutes les autres villes n’ont qu’un seul sation – très parisienne – s’est d’abord nourrie des résidus
de la Vanne Provins
et du Loing Seine Aqueduc réseau de distribution d’une eau qu’elles consomment tout à urbains et la ville lui a fourni une bonne partie de ses ma-
Fontainebleau de la Voulzie la fois pour laver les rues, chasser les excreta et boire. L’eau tières premières : la mécanisation de la papeterie a, certes,
1926
claire de Paris a été payée il y a deux siècles, en partie grâce permis l’augmentation de la production et la réponse à une
Seine aux taxes sur la consommation – l’octroi. Aujourd’hui, qua- demande croissante, mais la machine se nourrit de chiffons
Aqueduc
siment gratuite, elle débite 400 000 m3/j (environ un tiers de (végétaux) ; la production de sucre est, certes, dépendante

Doc. Barles et Guillerme


Zone de captage du Loing
d'eau de source 1900 Aqueduc la consommation totale). Un mètre cube d’eau rendue pota- des importations de sucre brut et de la culture de bettera-
Usine de production Aqueduc Sens de la Vanne ble coûte un peu plus de deux euros au Parisien ; il revien- ves, mais sa clarification en grand n’est rendue possible,
Nemours du Lunain 1875
d'eau potable
1900 drait à plus de trois euros si on l’utilisait aussi pour l’arro- dans un premier temps, que par la mise au point du noir
Bassin de la Villette Loing sage des voies. En somme, à Paris, l’eau n’est pas rare parce animal, fabriqué avec des os que l’on ne se procure en quan-
(eau brute) 1825 Yonne
qu’elle est gérée avec une certaine parcimonie. Nos édiles tité suffisante que dans les abattoirs et les boucheries des
ont su, depuis Napoléon I er, la rendre abondante : 10 lit- grands centres urbains ; la transformation des urines
res/hab/jour en 1800 ; 26 en 1820 ; 60 en 1860 ; 240 en 1900 ; humaines et l’industrie du gaz fournissent à celle de l’alun,
Charles Emmery de Sept-Fontaines, alors responsable du municipal à un réseau départemental, puis interdéparte- 635 en 1990 – une progression qui semble stabilisée depuis puis à l’agriculture, le sulfate d’ammoniaque, engrais à la
service des eaux, ait tenté d’instaurer une coordination des mental ; d’un exutoire relativement voisin de Paris à un exu- (le développement de la consommation n’est pas durable). fois industriel et urbain 11. Ville, agriculture et industrie
implantations en sous-sol alors en plein essor ; que, dès les toire plus lointain). Si le procédé de traitement des eaux Heureusement. marchent de pair dans une forme de mutualisme qui exclut
années 1930, le Groupement d’études du centre urbain sou- usées a connu une transformation radicale dans l’entre- L’eau a d’abord été tirée de l’Ourcq, pour ébouer les le déchet. Le divorce n’aura lieu que plus tard, et semblera
terrain (Gecus) ait milité pour un urbanisme souterrain vi- deux-guerres (passage progressif des champs d’épandage à rues pavées, embellir les places, pour le bien public et, très consommé dans l’entre-deux-guerres. Jusque-là, les services
sant, notamment, à planifier et coordonner les implanta- une station d’épuration d’abord unique), la station d’épura- secondairement, pour les usages ménagers. Puis, dans le se- urbains résistent au déchet, et l’idée communément parta-
tions souterraines, et malgré le récent projet de loi proposé tion d’Achères a précisément été installée à l’emplacement cond XIXe siècle, Belgrand laisse ce réseau à l’arrosage et en gée est que la ville doit rendre à la campagne ce qu’elle lui
par l’association Espace souterrain, le sous-sol a toujours des champs d’épandage et, pour critiquée qu’elle soit en ter- pose un nouveau, potable, aux normes de Pasteur, pour lui a pris pour alimenter sa nombreuse population, sous peine
échappé à l’urbanisme – sans pour autant échapper à l’ur- mes d’efficacité, est inscrite durablement dans le paysage faire monter les étages, comme le gaz puis l’électricité et le d’appauvrir la nation tout entière 12. De là, les champs
banisation 6. Les conséquences en sont multiples, parmi les- francilien. En d’autres termes, et trivialement, il faut faire téléphone, toujours plus puissant, toujours service public, d’épandage, expérimentés à la fin des années 1860, pour re-
quelles le renchérissement des valeurs tréfoncières 7 et avec le monstre d’Achères. Le programme d’assainissement mais service payant, service hygiène, sécurité, water-closet. cevoir les eaux usées de Paris et permettre non seulement
dans, certains secteurs, la pénurie d’espace souterrain qui en cours de réalisation traduit bien cette dépendance, Toujours plus loin. Des milliers de techniciens y ont tra- leur purification, mais aussi la fertilisation et la production
conduit à réaliser des infrastructures toujours plus profon- puisque, partant du constat des limites de l’infrastructure vaillé, de la conception à l’entretien. Ils ont inventé, dans les agricoles. De là, les longs débats relatifs à l’incinération des
des, donc toujours plus coûteuses et délicates. La maîtrise géante – sept millions d’équivalents-habitants signifient, années 1820, le mode de fonctionnement en réseaux, innové ordures ménagères au tournant des XIXe et XXe siècles, dé-
du sous-sol parisien constitue ainsi un enjeu du XXIe siècle. même avec un hypothétique rendement de 90 %, un rejet par des travaux souterrains urbains dans les années 1860, bats opposant agronomes – qui y voient une perte pour
Enfin, l’héritage se traduit aussi par une certaine ponctuel équivalant à 700 000 habitants –, il ne peut se per- par le comptage débitmétrique dans les années 1880, par la l’agriculture, les cendres d’incinération étant, certes, riches
path dependence 8 – une forme d’inertie conceptuelle : mettre qu’une réduction de capacité de la station de 30 %. gestion administrative des eaux dans les années 1900, par
la marge de manœuvre est relativement faible pour qui veut La pérennité de ces infrastructures tient tant à leur la lutte contre les inondations dans les années 1920… Bref, Évolution de la consommation d’eau
réformer ou adapter les infrastructures à de nouveaux ob- nature d’équipements lourds (par conséquent coûteux et, Paris a engendré un génie urbain, une culture technique qui à Paris (eau brute et eau potable) 1807-1990
jectifs tels que ceux du développement durable. Le système dans une certaine mesure, indestructibles à court terme, en a servi de modèle à d’autres grandes villes – Tokyo, la der-
700
d’égouts, médiéval, paraît au premier abord anecdotique, particulier dans leur composante souterraine), qu’aux insti- nière, cherchant à reproduire son double réseau de distri- millions de m3 par an
si on le compare au développement pris par le réseau à par- tutions qui les ont portées. Toujours dans le cas de l’assai- bution. La culture technique est, en somme, ce qui constitue, 600 litres par habitants par jour
tir du XIXe siècle. Il est pourtant structuré, rive droite, par le nissement parisien, celles-ci sont, pour l’essentiel, mises en pour un service donné, le développement durable.
500
Grand-Égout, qui joue encore un rôle primordial au XIXe siè- place au XIXe siècle, avec la constitution et la structuration
cle. Par la suite, les choix techniques n’ont pas remis en progressives des services techniques 9. Les transformations DES Loi sur l’eau, loi sur les 400

Doc. Barles et Guillerme


TENDANCES
cause l’existence des infrastructures héritées, et le réseau a ultérieures n’ont consisté qu’à procéder, comme dans le cas LOURDES déchets, loi sur l’air et 300
été constitué par greffes successives sur celui existant. du réseau lui-même, à un changement d’échelle (Schéma gé- l’utilisation rationnelle
200
Outre cet héritage en termes de linéaire de canalisation, sa néral d’assainissement de la Seine, 1929 ; Syndicat interdé- de l’énergie, la législation récente va dans le sens d’une di-
structure actuelle dépend largement des options prises au partemental d’assainissement de l’agglomération pari- minution de la pression sur les ressources et sur les milieux. 100
second Empire (réseau arborescent, exutoire unique) et n’a sienne, 1971), sans véritable remise en cause des principes Pourtant, force est de constater que des tendances lourdes 0
été marquée que par un changement d’échelle (d’un réseau ni des acteurs. existent, qu’il sera difficile de renverser. 1800 1850 1900 1950 2000

V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T
200 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 201
en matières minérales, mais pauvres en matières orga- successives, chaque augmentation de la capacité de traite- L’ E M P R E I N T E La ville de Paris a dû sa tions de la Dhuys, de la Vanne, du Loing, du Lunain et de
niques – et hygiénistes – qui arguent de l’insalubrité des dé- ment est immédiatement dépassée par les volumes à traiter, ÉCOLOGIQUE richesse et son essor à la Voulzie. L’eau potable fait Paris tentaculaire, comme son
pôts de gadoue 13. Cette analyse n’a pourtant pas résisté à qu’elle ne rattrape qu’à la fin des années 1980. De ce fait, les D E L A C A P I TA L E l’industrialisation, dont réseau d’assainissement. Les limites géographiques sont
la deuxième révolution industrielle. En 1938, sont mises en rejets directs demeurent très longtemps supérieurs aux elle a été la première fi- atteintes ; il faut alors pomper les nappes, jusqu’à la plus pa-
service les premières décharges d’ordures ménagères pari- rejets d’eau traitée (23 % en 1946, 43 % en 1971), avec des gure dès la fin du XVIIIe siècle. La mécanique s’est implantée trimoniale, l’albienne, en 1960.
siennes, tandis que la première station d’épuration de Paris conséquences non négligeables pour la qualité des eaux du dans les faubourgs Saint-Denis et Saint-Martin et à Mais il y a plus et, aujourd’hui, le régime de la Seine
sera inaugurée deux ans plus tard : la coïncidence des dates fleuve, d’autant que traiter ne signifie pas forcément traiter Chaillot ; les produits chimiques, quai de Javel et aux est presque entièrement subordonné à la priorité pari-
n’est pas fortuite. Au milieu du XIXe siècle, l’artisan – le chif- correctement 14. L’enjeu contemporain n’est peut-être plus Ternes ; les fabriques de céruse et de plomb, à Clichy et sienne. Au début du XXe siècle, deux graves problèmes se
fonnier, le suifeur, le vidangeur, le charcutier – donnait de dans le raccordement à l’égout, que l’on peut estimer réalisé, Vaugirard… Pour se développer, l’industrie a géré vite fait font jour lorsque la consommation d’eau n’est plus le seul
la valeur aux restes. Une technique des déchets ayant tré- mais dans la qualité du traitement. ses déchets en les laissant sur place. Les métaux lourds se apanage de la capitale (d’autant que sa population stagne à
passé, une autre, plus contemporaine, technologique et col- Le cas de la collecte des déchets est différent. Le déve- sont accumulés dans le sol. Le zinc des toitures s’est dilué partir des années 1920 et diminue à partir des années 1950)
lective, citoyenne, doit y suppléer. loppement de l’incinération, qui n’est d’ailleurs pas sans consé- avec l’acidité des pluies ; le plomb des tuyaux laissés en et prend rapidement une dimension départementale puis
Si la satisfaction de la demande urbaine a générale- quence pour l’environnement (pollution atmosphérique), a en place a fait de Paris la première mine française ; le chrome régionale, alors qu’à la demande urbaine s’ajoute la consom-
ment été prioritaire, force est de constater qu’en ce qui effet permis la valorisation énergétique d’une bonne partie des des pare-chocs a rejoint celui des tanneries modernes de la mation industrielle. D’une part, celui de l’épuisement de la
concerne les excreta, les équipements ont accusé un cons- ordures parisiennes, tandis que dans la durée, la mise en dé- Bièvre ; les huiles lourdes mêlées aux particules de combus- ressource, notamment de la Seine, question sensible à par-
tant retard. Dans le cas de l’assainissement, les champs d’é- charge est restée secondaire, n’absorbant que des excédents – tion des automobiles ont saturé la terre urbaine déposée tir de la sécheresse de 1911 et qui touche aussi la naviga-
pandage montrent leurs limites dès l’entre-deux-guerres – ce qui n’est pas le cas dans de nombreuses autres aggloméra- depuis deux millénaires… La ville, autrefois lieu de produc- tion. Dans l’entre-deux-guerres et avant la construction des
les surfaces sont insuffisantes, les perspectives d’extension tions françaises où la mise en décharge a longtemps constitué tion de matières premières par ses excreta, apparaît désor- barrages-réservoirs, les prélèvements s’élèvent à 28 m3/s
limitées du fait de l’urbanisation et des enjeux fonciers ; s’ils le seul exutoire des déchets urbains. Cependant, se pose la mais comme un lieu de stockage de contaminants divers, (encore faudrait-il y ajouter les centrales thermiques),
reçoivent près de 90 % des eaux en 1902, ce chiffre tombe question du cumul, qui renvoie d’ailleurs à une autre forme d’- que le XXIe siècle devra bien apprendre à gérer. À ce titre, quand le débit d’étiage du fleuve atteint à peine 35 m3/s,
à 18 % en 1940. Malgré la mise en service de la station héritage, celle des stocks de matières diverses qui se sont pro- il est remarquable de constater que la ville de Paris échappe si bien que l’État est amené à refuser à la ville de Paris
d’épuration d’Achères cette année-là, puis ses extensions gressivement constitués dans les villes. au recensement des sites et sols potentiellement pollués, en- l’augmentation de ses prélèvements. D’autre part, la qualité
gagé depuis plusieurs années à l’échelle nationale. des eaux se dégrade : qui dit augmentation de la consomma-
L’empreinte écologique de Paris ne se résume pas à la tion dit augmentation des rejets, tant urbains qu’indus-
L’empreinte de Paris : pollution de son sol, ni à la tache urbaine de 80 kilomètres triels, rejets dont le faible débit du fleuve, dû à cette même
collecteurs parisiens carrés qu’elle représente tant le développement des infras- augmentation, ne permet plus la dilution, tandis que ceux
et champs d’épandage, tructures montre que cette empreinte est beaucoup plus des centrales thermiques entraînent une augmentation pré-
(Vincey, 1910).
large : développer durablement la capitale signifiera aussi occupante de la température 16. Le système parisien montre
en prendre la mesure. La priorité qui lui a été accordée de- ainsi ses limites.
puis plusieurs siècles fait que des territoires parfois très Les premiers projets de l’administration parisienne
lointains en sont profondément affectés 15. En ce qui traduisent la continuité du point de vue de ses ingénieurs,
concerne les milieux naturels et les services urbains, il s’a- pour lesquels la ressource est conçue comme illimitée et
git d’abord de la canalisation de l’Ourcq, dont nous avons vu la capitale jugée prioritaire. Puisque les sources ne sont
qu’elle avait permis l’approvisionnement du premier réseau plus mobilisables – la dernière dérivation est réalisée en
de distribution d’eau. Mais celui-ci s’est rapidement avéré 1926 –, il suffit d’aller chercher de l’eau ailleurs, dans un
insuffisant et le développement de l’offre touche à la déme- autre bassin, d’où les projets des années 1920 et 1930 d’u-
sure avec le recours à des sources lointaines : entre 1865 tilisation des eaux du lac Léman et des vals de Loire 17.
et 1926, sont successivement mises en service les dériva- Cependant, une ancienne crainte resurgit : la crue de 1910
Débit des collecteurs (capacité de traitement
Production de déchets, 1921-1999. des eaux traitées) entre 1880 et 1988 103 m 3 /j.
1,6 en millions de m3 par jour Valenton 1A
millions de tonne par an 2500
débits des égouts Achères IV - Noisy-le-Grand
kilogramme par habitants et par jour
1,4 capacité de traitement
2000 eau traitée
Achères III
1,2
Doc. Barles et Guillerme

Doc. Barles et Guillerme


1500
1
Achères II
1000 Achères I
0,8 Méry-P
Carrières - T
0,6 500
Achères
0,4 0
1920 1940 1960 1980 2000 1880 1900 1920 1940 1960 1980 1988

V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T
202 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 203
a montré la vulnérabilité de la capitale. La construction de celle de 1910 seraient catastrophiques et bien plus qu’il y a
barrages-réservoirs à l’amont, déjà envisagée cinquante cent ans. Se pose alors la question de vulnérabilité de la ca-
ans plus tôt, apparaît comme la solution pour préserver la pitale, et de la limite d’une gestion hydraulique de la res-
ville (et éviter la dérivation de la Marne). Mais la capacité source et du risque.
requise conduirait à d’énormes investissements ; le projet
est ainsi réorienté et les premiers barrages, en service dans QUELLE Le patrimoine technique
les années 1930, sont principalement destinés à soutenir le DURABILITÉ ? parisien est considérable,
débit d’étiage afin d’autoriser tant la navigation, que les qu’il s’agisse des infras-
prélèvements estivaux (le soutien d’étiage nécessite une ca- tructures, des savoir-faire ou des institutions – qui ont long-
pacité de stockage moindre que l’écrêtage des crues) 18. temps servi de modèles –, et explique en grande partie les
À partir des années 1960, la deuxième génération de bar- atouts de la capitale en termes de services urbains et d’espace
rages-réservoirs – destinés, eux, tant au soutien de l’étiage public, mais aussi les freins à l’intégration des principes du
qu’à l’écrêtage des crues – est marquée par un changement développement durable, qu’on le considère dans ses objectifs
d’échelle, les capacités de stockage passant de quelques di- environnementaux ou gestionnaires – gouvernance. La capi-
zaines de millions de mètres cubes à plus de 100 millions et tale est, en outre, intrinsèquement liée à la région, non seule-
jusqu’à 350 106 mètres cubes. Les lacs de la forêt d’Orient ment parce qu’elle constitue une agglomération humaine,
(aux marges du Bassin parisien et au sud de la mais aussi parce que les infrastructures qui la font vivre
Champagne) constituent aujourd’hui tant des écosystèmes débordent largement du boulevard périphérique – et parfois
à part entière 19 qu’une extension de la capitale. Plus même de la région. Dans la perspective du développement
récemment, les études menées par l’agence de l’eau, Seine- durable, c’est ainsi toute la question du rapport qu’entretient
Normandie, montrent que les impacts d’une crue telle que Paris avec ses territoires environnants qui est posée.

André Guillerme, CNAM, chaire histoire des tech-


niques et Sabine Barles, Laboratoire théorique des muta-
tions urbaines. Université Paris VIII, IFU.
1. A. Guillerme, Bâtir la ville : révolutions industrielles dans paux », in J. des Cars, P. Pinon, Paris-Haussmann, Paris,
les matériaux de construction, France, Grande-Bretagne, 1760- Picard, 1991, p. 257-266.
1840, Seyssel, Champ Vallon, 1995 ; A. Guillerme, S. Barles, 10. Boues, immondices, gadoues désignaient les désormais
« Paris sens dessus dessous », in B. Lemoine, M. Mimram (eds.), déchets urbains.
Paris d’ingénieurs, Paris, Picard/pavillon de l’Arsenal, 1995, 11. Voir, par exemple, A. Payen, Précis de chimie industrielle,
p. 115-129 ; A. Guillerme, S. Barles, « Gestion des congestions : 4e éd., Paris, 1849, 6e éd., Paris, 1877-1878.
seculum miserabile », Annales des ponts et chaussées (94), avr.- 12. Idée partagée par les ingénieurs, les agronomes, bon nom-
juin 2000, p. 4-12. bre de politiques et d’intellectuels tout au long du XIXe siècle,
2. « L’eau, la ville et l’urbanisme », Cahiers de l’Iaurif (116), avr. voire au-delà. Voir, par exemple, V. Hugo, les Misérables, Ve
1997, p. 107. partie, livre deuxième, § I « La terre appauvrie par la mer ».
3. Dans la plupart des immeubles collectifs, le linéaire de 13. P. Vincey, les Gadoues de Paris et l’agriculture du départe-
canalisation postcompteur est relativement important. ment de la Seine, Paris, 1896.
4. P. Koch, « La direction technique de l’eau et de l’assainisse- 14. S. Barles, (éd.) « Analyse rétrospective du système Seine »,
ment », Travaux, hors-série (direction générale des services rapport de synthèse dans le cadre du programme Piren-Seine
techniques de la Ville de Paris), 1958, p. 145. 1998-2001, Paris, UMR CNRS 7619 Sisyphe, févr. 2002.
5. A. Racher, « Maintenance des égouts de Paris », communica- 15. Nous évoquerons essentiellement ici l’empreinte sur le
tion aux 6es journées du GIS Sol urbain, ENPC, Champs-sur- réseau hydrographique et le milieu aquatique. D’autres sont
Marne, déc. 2000. probablement tout aussi déterminantes.
6. S. Barles, « Un plan d’urbanisme pour le sous-sol », Études 16. F. Sentenac, « Service technique des eaux et de l’assainisse-
foncières (90), mars-avr. 2001, p. 26-28. Voir aussi le site ment », Science et industrie, hors-série (Services de la direction
d’Espace souterrain, www.subsurface.org. générale des travaux de Paris), 1928, p. 47-82 ; H. Gilbert,
7. S. Barles, « La valeur du tréfonds », Études foncières (85), « La direction technique du port de Paris », Travaux, hors-série
hiver 1999-2000, p. 28-32. (direction générale des services techniques de la Ville de
8. M. V. Melosi, The Sanitary City : Urban Infrastructure in Paris), 1958, p. 219-256.
America from Colonial Times to the Present, 17. F. Sentenac, op. cit., Koch, « Direction technique des eaux
Baltimore/Londres, The Johns Hopkins University Press, et de l’assainissement », Travaux, hors-série (direction généra-
2000, p. 8 sq. le des services techniques de la Ville de Paris), 1949, p. 79-156.
9. Dont la forme aboutie est due au baron Haussmann, mais 18. Gilbert, op. cit.
celui-ci a déjà bénéficié des rapprochements entrepris au 19. J. Garnier, G. Billen, A. Levassor, « Réservoirs : fonctionne-
cours du premier XIXe siècle. B. Landau, « La fabrication des ment et impacts écologiques », in M. Meybeck, G. de Marsily,
rues de Paris au XIXe siècle (…) », Annales de la recherche urbai- É. Fustec (eds.), La Seine en son bassin : fonctionnement écolo-
ne (57-58), 1993, pp. 24-45 ; A. M. Châtelet, « La conception gique d’un système fluvial anthropisé, Paris, Elsevier, 1998,
haussmannienne du rôle des ingénieurs et architectes munici- p. 263-302.

V I L L E E T E N V I R O N N E M E N T
204 P A R I S 2 0 2 0
N° 4 N° 8 N° 13-14

SOMMAIRE
ÉPUISÉ ÉPUISÉ ÉPUISÉ
PAGES

PAGES PAGES LE RÈGLEMENT DU POS


LES ESPACES VERTS LE FORUM DES HALLES..............8 ET LE PAYSAGE DE PARIS...........4

DES NUMÉROS DANS PARIS ...................................8


POUR UNE RENAISSANCE
DU PALAIS-ROYAL .......................42
DÉBAT ................................................52
POUR LES AUTOBUS DANS PARIS ...........60
LA FORMATION
L'AMÉLIORATION
DES DÉPLACEMENTS, AUX ABORDS
DE LA GARE SAINT- LAZARE .................90

PRÉCÉDENTS MAINE- MONTPARNASSE


AVANT LA TOUR ....................................70
DES GRANDS MAGASINS DE PARIS ..........80 UNE ZONE POUR
LES PIÉTONS A L'OPÉRA .....................126
PAYSAGE URBAIN
ET PERSPECTIVES AUTOMATIQUES ........138

88 pages 104 pages 152 pages

N° 1 ÉPUISÉ N° 5 ÉPUISÉ N° 9 40 F N° 15-16 40 F

PAGES PAGES PAGES PAGES

LES HALLES ...................................2 PARIS 71-75 : LA VOIE EXPRESS LA VILLETTE :


LES BANQUES ET ASSURANCES LE VIe PLAN ...................................6 RIVE GAUCHE.................................6 AMÉNAGEMENT DES ANCIENS
DANS PARIS ........................................40 GARES DU NORD JAPON : LES VOIES ABATTOIRS ET DES ABORDS
LA CIRCULATION EN 1990 ...................46 ET DE L'EST...................................40 RAPIDES À TOKYO ................................64 DU BASSIN.......................................4
BIBLIOGRAPHIE ..................................54 L'AMÉNAGEMENT DE FRANCFORT ........50 LA SEINE POUR UN TRANSPORT LES PASSAGES COUVERTS
LE MARCHÉ AUX PUCES .......................62 EN COMMUN ?......................................75 DANS PARIS .......................................111
MOUFFETARD ......................................78

56 pages 92 pages 104 pages 158 pages

N° 2 ÉPUISÉ N° 6 ÉPUISÉ N° 10-11 ÉPUISÉ N° 17 40 F

PAGES PAGES PAGES PAGES

PARIS, LE 7e ARRONDISSEMENT ............2 L'AVENIR DE PARIS L'AMÉNAGEMENT


VILLE DE BUREAUX ?..................4 FLORENCE, URBIN, BOLOGNE .............38 DIAGNOSTIC ........................................10 DU CANAL SAINT-MARTIN..........4
LE PLAN DE SAUVEGARDE LE MUR DANS LA VILLE ......................56 LE SCHÉMA DIRECTEUR DE PARIS L'AMÉNAGEMENT
DU MARAIS ....................................42 LE TOURISME À PARIS ..............64 LES CHOIX ...........................................64 DES TERRAINS CITROËN...........64
L'ORDINATEUR AU SERVICE L'AMÉNAGEMENT DE PARIS LA VOCATION INTERNATIONALE Á PROPOS DES PASSAGES ....................108
DE L'AMÉNAGEUR .................................75 SOUS NAPOLÉON ..................................82 DE PARIS ...........................................120
DIX ANS D'EFFORT D'ÉQUIPEMENT
DE LA VILLE DE PARIS .........................79

88 pages 112 pages 128 pages 126 pages

N° 3 ÉPUISÉ N° 7 ÉPUISÉ N° 12 40 F N° 18 40 F
LA REMISE EN VALEUR PAGES

PAGES PAGES PAGES DES BOIS DE BOULOGNE


LE SOUS-SOL DE PARIS LE CENTRE BEAUBOURG ............6 LE SCHÉMA DE SECTEUR ET VINCENNES ..................................4
ET L'URBANISME ...........................9 PARIS : DES HABITANTS SEINE SUD-EST ..............................8 LES ÉTAPES D'UNE ÉVOLUTION
LA VILLE DE PARIS EN TRANSIT ?.......................................62 LES DOCKS DE LONDRES ......................86 • BOIS DE BOULOGNE .............................12
DEVANT LE VIe PLAN :...........................68 JAPON : LES CENTRES COMMERCIAUX • BOIS DE VINCENNES.............................24
COUP D'ŒIL SUR LE MOBILIER DES GRANDES GARES ............................68 LES PROJETS DE RÉHABILITATION
URBAIN DE LA CAPITALE .......................79 LES HALLES : UNE EXPOSITION ............90 • BOIS DE BOULOGNE .............................34
LES CHAMPS-ELYSÉES .........................86 • BOIS DE VINCENNES.............................66
L'AMÉNAGEMENT DES ANCIENS
ABATTOIRS DE VAUGIRARD ..................106
96 pages 104 pages 96 pages 148 pages

206 P A R I S 2 0 2 0 P A R I S 2 0 2 0 207
N° 19-20 40 F N° 27-28 120 F
PAGES

LE SCHÉMA DIRECTEUR D'AMÉ- L'AMÉNAGEMENT


NAGEMENT ET D'URBANISME DE L'EST DE PARIS PAGES

DE LA VILLE DE PARIS LE PLAN PROGRAMME


LE DIAGNOSTIC ......................................9 DE L'EST DE PARIS .................................8
LES OBJECTIFS ....................................67 LES PERSPECTIVES D'AMÉNAGEMENT
LES DIRECTIVES D'AMÉNAGEMENT SECTEUR PAR SECTEUR .........................47
ET D'URBANISME ..................................99 LES PRINCIPALES ZONES
LA PREMIÈRE PHASE DE MISE EN ŒUVRE OPÉRATIONNELLES .............................151
DU PARTI D'AMÉNAGEMENT .................175
304 pages
200 pages

N° 21-22 60F N° 29 150 F


PAGES PAGES

POLITIQUE NOUVELLE DE L'AMÉNAGEMENT DU SECTEUR


LA RÉNOVATION URBAINE.........7 SEINE RIVE GAUCHE..................16
L'ÉTAT DES OPÉRATIONS RÉVISÉES ÉTAT DES LIEUX
OU ENGAGÉES ......................................11 TOLBIAC, BERCY,
LE BILAN DES DÉCISIONS .....................13 TERRITOIRES ET PROJETS ......................36
LES PERSPECTIVES D'AVENIR ................26 AUSTERLITZ, TOLBIAC, MASSÉNA,
LA RÉVISION ET LA RELANCE DES TRACÉS ET TECHNIQUES .......................64
ZONES D'AMÉNAGEMENT CONCERTÉ .......35 SEINE RIVE GAUCHE,
IMAGE ET PAYSAGE ............................102
LE PROJET ........................................142
208 pages 200 pages

N° 23-24 100 F N° 30-31 180F


PAGES
PAGES
PARIS ROME
PROTECTION ET MISE EN VALEUR ESPACES PUBLICS .......................7
DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL
RÉFLEXION SUR L’ESPACE PUBLIC
DE PARIS .............................................12
ET URBAIN
ROME .................................................23 RÉHABILITER L’HÉRITAGE .....................44
PARIS ...............................................171 DEUX NOUVEAUX PARCS À PARIS ..........88
CONCEVOIR, RÉALISER, GÉRER L’ESPACE
PUBLIC ..............................................156
ÉTUDES ET RÉALISATIONS .................192
Numéro entièrement bilingue
français – italien – 352 pages 266 pages

N° 25-26 100 F N° 32-33 160F

PAGES PAGES

LES HALLES QUARTIERS ANCIENS


L'ACHÈVEMENT APPROCHES NOUVELLES ........12
D'UN PROJET ..................................4 TRANSFORMATIONS ET APPROCHES
RECHERCHE ET AMBITION URBAINES ............................................18
D'UN PROJET D'URBANISME ...................13 LE QUARTIER MOUFFETARD .................54
LES AMÉNAGEMENTS RÉALISÉS .............76 LE FAUBOURG SAINT-ANTOINE ..............90
L'ACHÈVEMENT DU PROJET.................168 ETUDES ET PROJETS ..........................130

216 pages 192 pages

208 P A R I S 2 0 2 0

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