La Caresse de Venus Le Clitoris Mode D'emploi (PDFDrive)
La Caresse de Venus Le Clitoris Mode D'emploi (PDFDrive)
La Caresse de Venus Le Clitoris Mode D'emploi (PDFDrive)
Illustrations : Delétraz
Design couverture : bernard amiard
Photographie : © stockbyte
© 2012 LEDUC.S Éditions (ISBN : 978-2-84899-925-8) édition numérique de l’édition imprimée © 2009
LEDUC.S Éditions (ISBN : 978-2-84899-279-2).
Rendez-vous en fin d’ouvrage pour en savoir plus sur les éditions Leduc.s
« Pour accéder au plaisir à deux, il faut bien se connaître et savoir trouver son
propre plaisir. C’est ce qu’explique le sexologue Gérard Leleu, auteur de La
Caresse de Vénus, un ouvrage entièrement consacré au clitoris. Stimulant. »Laure
Leter, Elle
« Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sans jamais oser le demander avec
(...) La Caresse de Vénus. »Caroline de Surany et Sarah Connor, Cosmopolitan
« C’est fin et bien écrit, assez éloigné de tout érotisme vulgaire pour le signaler. »
Nouvelles Clés
Avant-propos
En écrivant, en 1983, Le Traité des caresses, j’inaugurais une œuvre qui allait
s’étaler sur 21 ans et comprendre une vingtaine d’ouvrages, traitant tous de la
relation entre la femme et l’homme, tant sur le plan psychologique qu’érotique.
À ces livres s’ajoutèrent d’innombrables articles, émissions médiatiques,
conférences et, depuis un an, des « cours d’amour » ouverts à tous et entièrement
gratuits. Pour couronner cette carrière mise au service du couple, j’ai créé une
grande cérémonie annuelle de réconciliation entre la femme et l’homme1. Elle se
déroule chaque samedi de l’Ascension, à Pornic, en Loire-Atlantique où je vis.
Septembre 1944. J’ai douze ans et je joue dans la rue. Des passants, mêlés à des
voitures à chevaux, animent la voie publique de la rumeur joyeuse d’un peuple
fraîchement libéré. Soudain un lourd silence, venu de loin, fend la foule. Un
cortège de femmes tondues, enchaînées, s’avance. On leur crache au visage
parce qu’elles ont aimé. Plus tard j’ai compris que c’était par « mâle-peur » que
les hommes, depuis des millénaires, s’acharnaient sur la femme et ses attributs -
ses cheveux, son clitoris en particulier. Alors il m’a fallu le crier à ma façon :
l’écrire. Il y a des silences qui interdisent de se taire.
Gérard Leleu
Bouton sacré, bouton secret, en tout cas sacré bouton pour celles et ceux qui
savent en tirer la quintessence des délices.
Bouton certes : pour les poètes bouton de fleur - de rose le plus souvent -
bouton-commutateur pour tout un chacun, qu’il suffit de presser lorsqu’on en
connaît l’art pour que la femme en soit tout illuminée, radieuse, heureuse.
Secret ? Oui, car caché derrière les taillis du mont de Vénus, niché au creux de la
fente féminissime et dans cette fente, masqué par sa capuche comme une belle
mystérieuse qui se veut incognito. Tellement secret que les sculpteurs et les
peintres de tous les temps ne l’ont jamais figuré dans leurs œuvres. Il faut dire
que ces hommes, à l’instar de tous les autres, en avaient peur. En vérité, s’il est
secret, le clitoris n’est pas invisible : sur l’adorable corps nu de la femme, on
peut le deviner dans le haut de la fente, juste au-dessous du triangle de soie, dans
la demi-bissectrice qui l’incise. Il renfle la capuche et sous le rebord de celle-ci,
il montre le bout de son nez. Mais, on le sait, il n’est pire aveugle que celui qui
ne veut pas voir.
Paradoxalement, c’est par son détracteur, Sigmund Freud, que le clitoris est
devenu un sujet d’intérêt en Occident. Freud a prétendu que le clitoris est un
organe vestigial, c’est-à-dire un reste non évolué d’un tissu présent chez
l’embryon, comme c’est le cas du thymus ou de l’appendice. Il a prétendu aussi
que le plaisir qui y naît est inférieur et que les femmes qui le recherchent sont
immatures, voire névrosées. Le seul organe digne d’intérêt, affirmait-il, est le
vagin et le seul plaisir valable celui qu’il dispense. C’est celui-là que doit
rechercher et ressentir une femme digne de ce nom, une vraie femme, une
femme mature et saine. Celle qui jouit de son clitoris doit transférer son plaisir
sur son vagin et prendre goût au coït. « On est finalement autorisé, écrit Freud, à
déclarer que le prototype normal du fétiche, c’est le pénis de l’homme, tout
comme le prototype de l’organe inférieur c’est le petit pénis réel de la femme, le
clitoris.1 »
La thèse de Freud est tissée de contrevérités. Il est faux que le clitoris soit un
organe vestigial. La vérité est que chez l’embryon des deux sexes, il existe bien
un bourgeon sexuel qui engendrera les corps érectiles, ces tissus vasculaires où
se produit la turgescence sanguine déterminant l’érection. Mais le devenir de ce
bourgeon est aussi important chez la femme que chez l’homme. Chez l’homme,
les corps érectiles se développeront à l’extérieur, c’est le pénis ; chez la femme,
ils se développeront à l’intérieur, dans la vulve et autour du vagin, formant un
complexe érectile invisible mais dont le volume total dépasse celui de la verge.
Ainsi, la femme « bande » au creux de son intimité et sa « bandaison » interne
est plus importante que l’érection externe de l’homme. Le clitoris est la
manifestation la plus extériorisée du vaste complexe voluptueux de la femme, la
partie émergée de l’iceberg ou, plus justement, le cratère d’un volcan dont les
profondeurs sont au centre de la Terre. En plus, nous y reviendrons, le clitoris est
bourré de capteurs sensitifs, deux fois plus que ne l’est le pénis pourtant
tellement plus volumineux. Ainsi, loin d’être un organe vestigial, le clitoris est
un chef-d’œuvre érotique typiquement féminin.
Car justement il est également faux de dire, comme l’a fait Freud, que le clitoris
est un organe « viril ». À l’en croire, la femme aurait deux organes sexuels, l’un
masculin le clitoris, et l’autre féminin le vagin. Une « vraie » femme doit
renoncer à ce qui est masculin et se consacrer à ce qui lui est propre. En vérité, le
clitoris est un organe éminemment féminin au service de la sexualité ; il n’est en
rien opposable au vagin qu’il contribuera à révéler, à érotiser. En faisant du
clitoris un reliquat « viriloïde », Freud utilise le même langage que les millions
d’exciseurs qui, depuis la nuit des temps, mutilent les femmes.
Enfin, il est faux d’affirmer que les femmes qui usent de leur clitoris sont
infantiles et névrosées, que leur plaisir est décadent et que seules sont matures et
saines celles qui recourent au plaisir vaginal. En effet, on voit des femmes
profondément névrosées, voire psychotiques, se livrer aux voluptés vaginales. Et
inversement on voit des femmes bien dans leur tête s’adonner aux joies
clitoridiennes. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que les thèses de Freud, reprises
en chœur par ses élèves et ses successeurs, dont la contestée Marie Bonaparte,
ont plongé les femmes dans un grand désarroi et plombé leur sexualité pendant
plus d’un siècle.
Plus tard, Freud avouera : « La grande question qui n’a jamais été éclaircie et à
laquelle j’ai été incapable de répondre malgré trente ans de recherche dans
l’âme féminine, c’est : « Que désire la femme ? » [...] Nous connaissons moins
la vie sexuelle de la petite fille que celle du petit garçon. N’en ayons pas trop
honte : la vie sexuelle de la femme adulte est encore un continent obscur pour la
psychologie.2 » Plus tard encore, Freud confessera : « Voilà tout ce que j’avais à
vous dire touchant la féminité. [...] Si vous voulez apprendre davantage sur la
féminité [...] adressez-vous aux poètes ou bien attendez que la science soit en
état de vous donner des renseignements plus approfondis et plus coordonnés.3 »
La revanche du clitoris
Un homme, Alfred Kinsey, l’auteur du célèbre rapport4, allait lui aussi, en 1945,
affirmer la supériorité érotique du clitoris par rapport au vagin, étayant les
arguments des féministes. Avec son équipe, il mène une enquête de sensibilité
auprès de 800 femmes : il teste sur le corps de chacune seize points supposés
sensibles en les attouchant ponctuellement avec un bâtonnet. Il en conclut que le
clitoris est hypersensible mais que la paroi du vagin est insensible. Si la première
affirmation est juste, la seconde est scandaleusement erronée : en effet, la
muqueuse vaginale ne répond qu’à des sollicitations assez fortes et répétées, son
plaisir fonctionnant sur un mode cumulatif ; de plus cette muqueuse ne révèle
son optimum de sensibilité qu’une fois la pleine intumescence installée, c’est-à-
dire quand elle est chaude, rouge et gonflée, ce qui demande plusieurs minutes
de stimulation et beaucoup de désir ; enfin le vagin, outre sa sensibilité de
contact, est également sensible à la distension de son calibre par un corps
étranger d’un certain diamètre (pénis ou objet). Or aucune de ces excitations
spécifiques n’a été expérimentée dans les tests de Kinsey. Ajoutons que
l’excitabilité maximale du vagin n’apparaît qu’après une assez longue vie
sexuelle, ce qui n’est pas le cas de toutes les « enquêtées ». L’erreur de Kinsey,
inverse de celle de Freud, a également été fatale aux femmes.
De plus, Masters n’avait retenu pour ses expériences que des femmes qui avaient
des orgasmes par stimulation clitoridienne, excluant ainsi celles qui
« fonctionnaient » autrement. En outre, pour les besoins de l’expérience un
spéculum était placé dans le vagin des femmes et pouvait déterminer une
certaine excitation vaginale. Enfin, comment expliquer par le clitoris les
orgasmes issus des mamelons ou provoqués par des fantasmes ?
Une femme, Shere Hite6, dont le rapport publié en 1976 eut aussi une énorme
influence, fait également l’apologie du clitoris aux dépens du vagin, s’appuyant
sur les expériences de Masters et sur une enquête où les femmes vantaient leurs
bonheurs clitoridiens.
Il faut attendre 1982 pour que le mouvement de balancier s’inverse : Alice et
Harold Ladas, développant la découverte par Ernest Grafenberg d’une zone
sensible de la paroi antérieure du vagin, affirment qu’il s’agit d’une zone
érogène authentique qu’ils baptisent « point G »7. Ainsi, se rééquilibrent les rôles
respectifs du clitoris et du vagin.
Comme on le voit, la plupart des recherches sexologiques ont été menées par des
hommes. D’où nombre d’erreurs liées au fait que les hommes ne peuvent
s’empêcher de considérer la sexualité de la femme comme un simple
complément de la sexualité de l’homme, qu’ils méconnaissent du reste
également.
Si l’on avait écouté sans préjugés les femmes, on aurait su qu’elles font depuis
toujours le distinguo entre orgasme clitoridien et orgasme vaginal, qu’elles
possèdent au moins deux foyers érogènes qu’elles apprécient également et qui
peuvent tous deux les mener au plaisir extrême. On aurait su aussi que leur
érotisme est plus que bifocal : multiple, subtil, infini. C’est pourquoi maintenant
que nous nous sommes débarrassés des erreurs du passé, nous allons laisser
parler les femmes, leur clitoris et son voisin le vagin.
Laissons donc parler le clitoris. J’aime bien mon nom : « clitoris », c’est doux
comme un prénom. Ce mot dans la bouche, c’est déjà une caresse et à l’oreille,
comme une petite musique. Entre deux i ensoleillés et un o tout rond et tout
mouillé, « clitoris » c’est tout un programme.
Un regret toutefois : que mon nom soit du genre masculin, alors que je suis la
pointe de la féminité. Peut-être est-ce une trahison des misogynes. Autrefois,
j’étais sûrement du genre féminin, comme ce pauvre « amour » qui était féminin
jusqu’au jour où, en 1718, une assemblée d’hommes - l’Académie française - a
décrété qu’il serait masculin.
Quant aux hommes qui, trop souvent encore, s’engouffrent dans ce palais tels
des Barbares, la main lourde ou le pénis impatient, qu’ils le visitent avec doigté
et avec un regard d’esthète, la ferveur au cœur. N’est-ce pas aussi, Messieurs, le
lieu de vos plus grands bonheurs ? Vous qui connaissez si bien la géographie de
Mars où vous vous apprêtez à débarquer, apprenez donc à connaître aussi bien la
topographie de la vénusienne avec qui vous partagez vos nuits sur Terre.
Le jardin du palais
En vérité, le bois est un taillis touffu et soyeux - d’aucuns y voient plutôt une
toison bouclée - il est également destiné à amortir les heurts mais, en plus, il
facilite l’exhalaison des arômes que distille le sexe. Sa forme est celle d’un
triangle pointe en bas. Blason héraldique du corps féminin, ce delta renversé
décore le ventre de la femme. Flèche téméraire, il indique la direction du paradis.
À y regarder de plus près, ce triangle à l’envers est fendu dans le bas d’une
demi-bissectrice ; ce qui n’avait pas échappé à vos ancêtres préhistoriques qui,
dès le paléolithique, dessinaient sur les parois des cavernes des triangles inversés
et fendus. Projection de leur désir (comme l’étaient de leur faim les animaux
tracés), ces dessins étaient aussi des ex-voto à la femme déesse qui leur procurait
tant d’ivresse.
En les traçant, vos lointains aïeux ont inventé à la fois l’art et l’écriture qui sont,
tous deux, les enfants du désir. L’art : après les triangles viendront les courbes et
les silhouettes féminines qui partagent les murs des cavernes avec des profils
d’animaux, preuve que la femme avait un rôle aussi fondamental que le gibier
dont dépendait la survie de ces chasseurs et donc l’espèce humaine. L’écriture :
le triangle pointe en bas, deviendra le symbole de la femme et engendrera
l’alphabet cunéiforme.
Cuneus, le coin, donnera cunnus puis « con » ; à rapprocher du celte cona, du
genre féminin, et de l’occitan choune. On le retrouve dans « cunnilingus ». Un
jour « con » est devenu du genre masculin et s’est transformé en insulte
misogyne. Mais on remarquera que « couilles » a donné « couillon ». La bêtise
n’a pas de limites.
Échauguette au sommet du château, ma vue porte tant sur son extérieur que sur
son intérieur. Son extérieur est tout en courbes, on dirait un fruit : oblongue,
ferme, charnue, c’est une mangue. Ce n’est pas le premier fruit qui contiendrait
un palais, regardez la coupe d’un fruit de la passion. Et la noix ? Qu’y a-t-il à
l’intérieur d’une noix ? Bref, la vulve, comme vous l’appelez, on la verrait bien
sur les étals des marchés de Jaffa.
Il ne suffit pas de dire « vulve, ouvre-toi ! » pour être exaucé. Même amoureuse
et prête à bâiller de désir, la vulve ne montre son intérieur que si des doigts
agréés, ceux de sa propriétaire ou ceux du mâle élu, la déplissent élégamment.
Ce que découvrent la femme qui s’aime et l’amant qui l’aime est bien différent
de ce que voient les médecins. Ceux-ci voient dans la vulve sa pure anatomie :
de chaque côté les grandes lèvres, épais replis charnus, et les petites lèvres - ou
nymphes -, fines lamelles flottantes étirées sur les grandes lèvres ; en avant est le
clitoris et sa capuche ; au milieu le méat urinaire ; en arrière le vestibule vaginal,
sorte d’entonnoir qui débouche sur le vagin, lequel est clos et son intérieur
invisible par conséquent, plus postérieurement est le centre du périnée.
Bien entendu, les yeux étonnés de la femme qui s’admire et ceux émerveillés de
l’homme qui l’adore découvrent bien autre chose : un spectacle véritablement
fascinant. Les images se bousculent. C’est une vallée ; en son fond s’étire un
filet d’eau, sur ses pentes ruissellent des nappes humides, sur les reliefs l’onde
cascade, dans les fissures elle se glisse. C’est le désir qui fait naître ces flots et
ces résurgences et répand la sève d’amour. Ces jeux d’eau avivent les superbes
couleurs de la faille : c’est un camaïeu de rouges qui se décline du rose à
l’écarlate en passant par le carmin, le garance, le vermillon, le grenat, l’incarnat.
Incarnat : le mot est juste. Il parle de l’appétence quand elle se fait chair. Dieu
quelle palette ! Et chaque partie a une nuance qui lui est propre. Moi, le clitoris,
me caractérise un reflet qui brille sur la pointe de mon nez. Le magicien qui crée
cette féerie de couleurs, c’est encore le désir. C’est lui qui engendre
l’intumescence - la vasodilatation des corps érectiles - et enflamme les
muqueuses qui en deviennent écarlates, brûlantes, gorgées.
Autre image qui surgit quand s’ouvre la vulve : celle d’un coquillage. Les
grandes lèvres s’entrebâillent comme des valves et c’est bien l’intérieur d’une
praire qui apparaît ou d’une pourpre ou d’un violet. Les parois sont nacrées et
irisées et la chair, à l’instar de celle du fruit de mer, est arrondie, festonnée,
ciselée, lamellée.
Toutes ces évocations sont inspirées par le fait que la vulve est un milieu
humide. D’où vient cette humidité ? D’une part de grosses glandes disposées
dans la vulve (les glandes de Bartholin) auxquelles s’associe une multitude de
petites glandes dispersées sur toute la surface vulvaire, toutes glandes qui
sécrètent un mucus fluide. D’autre part du vagin qui, lui, n’a pas de glande mais
exsude un liquide aqueux qu’il soutire des vaisseaux de sa gaine vasculaire.
S’ajoute à tout cela la sécrétion par le col utérin d’une glaire filante. Tous ces
liquides ont pour but de lubrifier la surface des muqueuses sexuelles.
Autre image encore qui pourrait se présenter à vous : celle d’une corbeille de
fruits. Moi - pardon de me citer en premier - je serais une baie, une groseille, une
myrtille, une framboise, de ces fruits que les Romains consacraient à Vénus. Du
reste, j’aime qu’on me grappille. Quant à la face intérieure des grandes lèvres,
rebondies, joufflues, tendues, charnues, gorgées de suc - en vérité de sang - et
mûries par le désir, en un mot « intumescentes », elles pourraient bien être une
orange sanguine ou une prune ou une pêche. Dans la Chine ancienne, la pêche
était le symbole de l’érotisme féminin.
Si vous chérissez les fleurs, peut-être que l’image d’un bouquet s’est imposée à
vous. Il est vrai que la vulve avec ses sépales et ses pétales, ses corolles et ses
boutons, ses couleurs vives ponctuées de rosée, est florifère. Les Chinois avaient
fait de la pivoine et de la fleur du pêcher les symboles du sexe de la femme.
André Breton voyait dans le sexe de son aimée un glaïeul. Pour d’autres, ce sera
un coquelicot, pour d’autres encore la secrète violette. Et toujours c’est le
magique désir qui épanouit les calices et les colore et y dépose des perles de
mouillure. Moi, le clitoris, je suis un bouton de rose - c’est ce que disent les
poètes - et je rougis et je m’engorge quand on me flatte, quand on me hume.
Haute couture
« Impossible nudité de la femme : on ôte de son corps tous les linges et voici que
son sexe est encore linges et voiles qu’on ne finit pas d’écarter. » Bellissime
phrase de Jacqueline Kelen2 qui exprime bien la gracieuse complexité de la
configuration du sexe de la femme. Devant la multitude et la délicatesse de ces
admirables plis et replis, devant ces festons et ces godrons, ces rubans et ces
volants, ces guirlandes et ces guipures, toute cette passementerie érotique,
devant ces tulles, ces gazes, ces mousselines, ces percalines, devant ces soieries,
ces satins, ces velours, déshabiller une femme, trouver le cœur nu de son sexe,
c’est faire à l’envers le travail d’un grand couturier. C’est être « nympholâtre ».
Vous trouvez ma description du palais trop foisonnante ? C’est que la vulve est
d’une telle richesse ! C’est aussi qu’elle est tellement différente d’une femme à
l’autre : il y autant de configurations que de femmes ; comme les empreintes
digitales, elles sont propres à chacune.
Vous me trouvez bien lyrique ? Vous croyez que j’exagère la beauté de mon
palais ? Mais n’avez-vous pas lu Freud ? « Si vous voulez en apprendre
davantage sur la féminité, adressez-vous aux poètes ! » a-t-il écrit. Ce que Marie
Cardinal avait confirmé : « Il n’y a que les poètes à pouvoir s’approcher de la
vraie vie3. »
Arômes et élixirs
Dans la fente vulvaire, à ma hauteur, moi, le clitoris, flottent des effluves marins
qui évoquent une promenade sur une plage à marée descendante ou une criée où
étincellent les rougets tout juste sortis des flancs d’un chalutier. Ici, bien
entendu, la saveur est saline. Qui hume ? Qui goûte ? La femme elle-même qui
au cours de ses autocaresses porte à sa bouche et à ses narines le doigt caresseur.
Et l’homme, en particulier au cours du cunnilingus.
Enfin, derrière la vulve, sur le périnée et aux confins de la zone anale règnent
des relents exotiques, épicés et boisés à la fois : safran, curry, santal, cèdre, etc.
Et vous voilà transportés sur un marché d’Orient.
Une telle description n’est pas exhaustive (vous trouverez d’autres analyses
sensuelles dans Sexualité : la voie sacrée entre autres). Elle n’est pas non plus
invariable ; parfois ce sont les senteurs florales qui l’emportent : muscari,
narcisse, viburnum... Alors surgit une ambiance de serre au printemps ou de
chœur d’église un jour de communion solennelle. D’autres fois, ce sont les notes
épicées. D’autres fois encore, les odeurs marines. En plus, les arômes et leurs
combinaisons varient au fil des cycles menstruels et au fil des âges. Et chaque
femme, chaque vulve a sa fragrance personnelle, sa saveur sui generis, bref son
identité olfactive et gustative, comme elle avait son graphisme esthétique.
Pour moi, clitoris, il était important que je vous décrive les parfums qui
m’imprègnent et m’inspirent. C’est aussi une façon de vous avertir des ivresses
qui vous attendent. Ces molécules odoriférantes - les phéromones - réveilleront
votre désir et le porteront au rouge, c’est leur rôle d’être les messagers de la
pulsion sexuelle. Mais votre bouleversement ne viendra pas seulement de votre
excitation érotique, il y a plus : ces odeurs réveilleront aussi tout un pan de votre
mémoire, là où dorment les bonheurs océaniques enregistrés au cours de votre
enfance, quand vous viviez nimbé par les effluves maternels où dominaient les
notes marines. J’ai dit bonheur « océanique » car le bonheur où vous étiez
plongé était lumineux et il avait une odeur de mer (mère).
« J’aime flairer mes doigts quand je me caresse, l’odeur m’excite, elle est très
sensuelle. » « L’odeur est très érotique et très féminine. » « Ça sent vraiment
bon. » « Je goûte mes doigts quand je me masturbe, c’est très agréable. »
1. Saint John Perse, Amers, Gallimard Poésie.
2. Kelen Jacqueline, Un amour infini, Albin Michel.
3. Cardinal Marie, La Sexualité des femmes, Le livre de poche.
2
L’anatomie du clitoris ou le joyau de la déesse
Donnons ici encore la parole au clitoris. Moi, le clitoris, je suis plus que ce petit
bouton rose qui se voit dans le haut de la vulve. En vérité, j’appartiens à un
ensemble aussi complexe qu’admirable : je me compose d’un gland, d’une tige
et de deux branches. On peut me comparer à un petit personnage à l’envers qui
aurait la tête en bas et les jambes en l’air : la tête serait le gland, le corps la tige
et les jambes les racines. L’image est utile pour me représenter et me situer mais,
compte tenu du fait que je suis extrêmement précieux en raison des pouvoirs
considérables que je détiens (et que je détaillerai), ce personnage est fait de
diamant : c’est un joyau, une pièce d’orfèvrerie (voir Annexe 1).
Mes jambes - alias les racines - placées par conséquent au-dessus de mon dos, se
trouvent sous l’os du pubis. Elles sont très longues, genre danseuses du Crazy
Horse ; l’une part à droite, l’autre à gauche ; à partir de leurs genoux elles
s’insèrent sous le rebord inférieur de l’os du bassin. C’est dire qu’elles se situent
dans l’épaisseur et la profondeur des grandes lèvres. On peut à peine les palper
au doigt mais, elles, elles sentent bien les pressions qu’exercent sur elles les
ébats amoureux.
Ma tête, mon corps et mes jambes constituent un ensemble érectile ; ils sont faits
de tissus vasculaires dont les vaisseaux se dilatent et se gorgent de sang en cas
d’excitation. Alors, les organes qu’ils habitent gonflent, durcissent, se
réchauffent et rougissent comme chaque fois qu’il y a vasodilatation. Moi, le
clitoris - ma tête, mon corps, mes deux jambes -, je suis fait d’un tissu érectile
qui s’appelle le corps caverneux et je manifeste dans chacune de mes parties,
quand on les excite, tous les signes de la turgescence : gonflement, durcissement,
chaleur, rougeur. Toutefois les neuf dixièmes de mon volume étant situés à
l’intérieur, je ne peux me dresser, c'est-à-dire entrer en érection, comme le fait le
pénis situé à l’extérieur.
Et mon gland ? Certes, il est externe mais la turgescence en le redressant le fait
rentrer sous la capuche... Ce qui désoriente les hommes. Notez que le qualificatif
« érectile » ne convient pas à la chair féminine, « turgescentible » serait plus
juste, mais la tradition étant ce qu’elle est, je garderai « érectile ».
Le complexe érectile que je constitue, moi, le clitoris, est relié par un réseau de
vaisseaux, un « plexus », à tous les autres organes qui contiennent des tissus
érectiles (qui se dilatent également en cas d’excitation), à savoir : les bulbes
vestibulaires, le manchon vasculaire périvaginal et le point G, eux-mêmes reliés
entre eux par une résille de vaisseaux. Nous reviendrons ultérieurement sur le
manchon et le point G. En ce qui concerne les bulbes vestibulaires, sachez qu’ils
sont situés dans les grandes lèvres, de chaque côté du vestibule vaginal. Ils ont la
forme et la grosseur d’une amande, leur tissu turgescentible se nomme « corps
spongieux » ; en gonflant sous l’effet du désir ils font bâiller la vulve (voir
Annexe 1).
L’addition de tous ces corps érectiles constitue de fait un très vaste système
intumescent, beaucoup plus volumineux que celui que constitue le pénis ; d’où la
fameuse phrase d’Ambroise Paré, chirurgien du XVIe siècle : « Ce que l’homme a
à l’extérieur, la femme l’a dedans. » À lui seul mon complexe clitoridien a une
capacité supérieure au pénis ; c’est pourquoi je n’ai jamais fait de complexe
d’infériorité.
Bien entendu, l’intumescence féminine étant interne, elle n’est pas aussi patente
que celle de l’homme, elle se manifeste néanmoins par des signes extérieurs
impressionnants : voyez comment les grandes lèvres, les nymphes et mon gland
(bien que ce soit plus modeste pour lui) gonflent, se carminent et brûlent. Sentez,
en les palpant avec la pulpe de vos doigts, combien sont gorgées et brûlantes les
grandes lèvres et la paroi du vagin. Alors que dire de ce que perçoit la femme de
l’intérieur !
La même galaxie
Si mon gland est le point gâchette de la vulve, n’en oubliez pas pour autant les
autres points érogènes de la galaxie vulvaire (non plus du reste que le cosmos
vaginal dont nous parlerons plus tard). Sont extrasensibles : ma capuche, ma
tige. Sont sensibles : la face interne des grandes lèvres, les nymphes (surtout au
voisinage du vagin), le vestibule vaginal (surtout près de l’entrée où bombent les
bulbes vestibulaires gonflés), la « fourchette » à la commissure postérieure de la
vulve. Plus en arrière, sont érogènes le noyau fibreux du périnée (le chakra de
base) et, très érogène, la marge de l’anus. Sous ce puzzle érotique de surface se
trouvent les tissus érectiles féminins que nous avons décrits ; ils sous-tendent le
plaisir des muqueuses et sont, eux, sensibles à la pression.
Paroles de femmes
Les plus grandes bibliothèques du monde ne suffiraient pas à contenir toutes les
paroles que les femmes m’ont adressées dans l’enthousiasme des plaisirs que je
leur offrais. Je ne vous confierai que celles qui m’ont le plus marqué ces derniers
jours : « Comment fais-tu petit bouton, point minuscule dans l’immensité du
corps, fait d’une pincée de cellules et d’une goutte de sang pour m’amener à
l’extase, à l’infini. Tu es divin, petit bouton. Tu es parcelle de dieu. » « Ô bouton
magique, apaisement des enfants sans sommeil, initiateur des pucelles, recours
des esseulées, secours des frustrées, consolateur des veuves, merci de nous
sauver de la tristesse, de l’amertume, de l’angoisse. »
Ici encore, c’est au clitoris de s’exprimer. Dès qu’on me stimule, moi, le clitoris,
par exemple avec la pulpe d’un doigt, une cascade de réactions se produit dans le
corps de la femme et particulièrement dans son sexe : réactions vasculaires,
lubrification, contractions musculaires et irruption du plaisir.
Entrent en intumescence toutes les zones qui contiennent des tissus érectiles :
moi, le système clitoridien (mon gland, ma tige, mes deux branches), les bulbes
vestibulaires et le manchon vasculaire entourant le vagin. Se dilatent et se
remplissent de sang également tous les réseaux qui relient ces zones érectiles.
Au total, le clitoris, les grandes lèvres, les nymphes, la paroi du canal vaginal, le
col de l’utérus sont gorgés de sang. J’ajouterai que tous les organes du bassin
s’enflamment à leur tour : l’utérus, les ovaires, la vessie, le rectum.
L’intumescence qui m’atteint, moi, le clitoris, me fait gonfler jusqu’à me faire
doubler de volume et mesurer huit à dix millimètres, ce qui permet de mieux me
repérer. Toutefois, comme je l’ai dit précédemment, les hommes doivent savoir,
sous peine d’être désorientés, que quelques instants avant que n’éclate
l’orgasme, je me rétracte sous ma capuche, échappant ainsi au doigt ou à la
langue qui me stimule. Ce n’est pas que je débande, au contraire, c’est ma
turgescence qui, à son maximum, redresse l’angle que fait ma tête avec mon
corps. La rétraction de ma tête n’est qu’apparence, en réalité elle ascensionne,
mais sous ma capuche. Par conséquent, messieurs, pas de panique, ne suspendez
pas vos caresses, ne serait-ce que d’un dixième de seconde, continuez
imperturbablement, au jugé, car bien qu’ayant bougé quelque peu, je suis
toujours là.
La rosée du bonheur
Bien d’autres muscles réagissent en se contractant : les muscles des cuisses, les
abdominaux, les dorsaux (le plaisir fait s’arc-bouter la femme), les muscles
respiratoires (le plaisir chez la femme s’accompagne de halètements ou
d’apnée).
Le jaillissement du plaisir
Ces multiples réactions mettent en jeu des circuits neurologiques d’une énorme
complexité, comprenant des millions de neurones et de connections, des milliers
de capteurs, des nerfs, des plexus, le tout chapeauté par des centres situés dans la
moelle et dans le cerveau, eux-mêmes d’une très grande complexité. Ainsi la
nature a voulu qu’à partir du petit bouton que je suis, s’enchaîne une gigantesque
succession de réactions afin qu’éclate le plus extraordinaire des plaisirs.
4
L’art de l’autocaresse clitoridienne
La parole est toujours au clitoris. Moi, le clitoris, je n’aime pas utiliser le mot
« masturbation » qui vient du latin manus, la main, et stupro, souillure. Quant au
terme « onanisme », il est ici impropre : ce que pratiquait Onan pour éviter de
rendre enceinte sa belle-sœur, c’était le coït interrompu ; la Bible ne dit rien de
plus.
70 % des femmes me font l’honneur de me caresser, chiffre qui est une moyenne
entre différentes enquêtes. En vérité, la pratique de cette caresse varie au cours
de la vie des femmes. Elle dépend de l’âge - certaines commencent très
précocement vers 3 ans, d’autres plus ou moins tardivement à 30 ans, voire à
60 ans -, elle dépend de la présence ou de l’absence d’un partenaire et de la
qualité de celui-ci -, certaines femmes continuent à se caresser en prenant un
conjoint, d’autres arrêtent.
Aux femmes qui ne se sont pas encore autocaressées et qui ne connaissent pas
les joies que je dispense, je conseille d’apprendre précisément la configuration
de leur sexe. Commencez par consulter des illustrations (voir Annexe 1) puis
passez à votre propre exploration selon les indications que je vous ai données
précédemment. Prenez votre temps, c’est important : il s’agit du cœur de votre
vie de femme. De vos yeux, qu’accompagne un doigt qui touche, identifiez
chaque partie : les grandes lèvres, les nymphes, moi, le clitoris et mon capuchon,
le méat urinaire, le vestibule vaginal, l’orifice clos du vagin. Le doigt, en même
temps qu’il découvre, teste la sensibilité de chaque zone. Vous pouvez aussi
vous servir de l’extrémité mousse d’un objet - votre brosse à dent, par exemple.
Bien entendu, c’est moi, le clitoris, que vous aurez le plus remarqué. Je suis cette
perle à demi coiffée d’une capuche. Tirez ma capuche vers le haut et me voilà
tout entier : une petite boule lisse, brillante. Cette boule, c’est ma frimousse - le
gland en terme d’anatomie. Vous avez noté à quel point je suis sensible : à peine
effleuré je vous envoie un frisson de volupté, aussi, vous seriez tentée de
poursuivre la caresse. Mais continuez votre exploration afin de bien me
connaître, exploration fort agréable du reste. Au-dessus de ma capuche (je vous
rappelle que je suis un petit personnage à l’envers) est mon corps - ma tige en
terme d’anatomie. C’est un cylindre que vos yeux devinent, que votre doigt
perçoit ; faites-le rouler sous votre pulpe, c’est très jouissif. Plus au-dessus
encore sont mes jambes - les racines disent les anatomistes. Elles sont plus
difficiles à percevoir car logées dans la profondeur des grandes lèvres, sous le
rebord du pubis, l’une à droite, l’autre à gauche ; mais comme ce sont des corps
érectiles que le désir fait gonfler, vos doigts experts peuvent tenter de les palper
ce qui d’ailleurs, vous vaudra une bouffée de doux plaisirs.
Si vous n’osez pas encore vous contempler dans une glace, contentez-vous pour
l’instant d’une exploration digitale. À tâtons, repérez chaque partie de la fente et
notez les points les plus sensibles. En avant, vous découvrez un point
particulièrement exquis qui, si vous continuez à le flatter, ne tardera pas à vous
donner de vives et chaudes sensations : c’est moi, le clitoris.
Préliminaires
Ne dirigez pas d’emblée votre main sur moi, caressez d’abord tout votre corps.
Faites surtout une étape sur vos seins, dont vous caresserez spécialement les
mamelons car ils sont directement en relation avec moi : par titillations ou autres
taquineries vous y déclencherez des messages à mon égard qui me mettront dans
le plus vif émoi. Descendez alors sur votre ventre ; sa rondeur, le satiné de sa
peau réjouiront votre paume et celle-ci apaisera ses tensions. Gagnez maintenant
le mont de Vénus, lissez vos boucles, glissez vos doigts entre elles et, dessous,
tâtez et grattez le tendre coussinet. Humez vos doigts déjà imprégnés d’une
fauve odeur. Alors, caressez vos cuisses et particulièrement leur face interne
dont la peau est, avec celle des seins, la plus fine et la plus sensible qui soit.
Insinuez vos doigts dans le sillon entre cuisse et vulve ; l’endroit est moite et
chaud, c’est déjà « sexuel », c’est aux confins de l’intime, ça promet.
C’est le moment d’aller effleurer d’un doigt l’incisure de votre vulve, sans y
pénétrer toutefois. Lissez les rebords entre les deux lèvres, là où les soies font
place à la muqueuse nue. Mais n’entrez toujours pas ! Faites encore un tour de
caresses sur le dessous de vos cuisses, dans le sillon entre cuisse et fesse, autour
de l’anus. Ces zones ont le bonheur à fleur de peau ; elles vous délivreront des
volées de frissons, tout en envoyant au cœur de votre sexe des invites des plus
chaleureuses. Car le but de ces préliminaires est d’entamer l’intumescence
profonde et d’y déclencher une généreuse lubrification.
Un peu de suspense
Revenez enfin à votre vulve. Prenez-la à nouveau à pleine main. Elle est gorgée
et chaude comme un abricot mûr sur la branche qui la tend au soleil. Elle vous
brûle la main. Votre désir croissant rend vos doigts impatients. Retenez-les
encore, dégustez votre désir, car le désir est aussi un plaisir, peut-être même le
meilleur du plaisir.
Mais ne fondez pas encore sur moi. Écartez bien vos grandes lèvres, exposez
pleinement votre vulve à vos caresses. Passez une main douce sur toutes les
surfaces, tous les reliefs, tous les creux, sans vous arrêter sur aucun. Puis,
précisez, ciselez vos caresses avec la pulpe d’un ou deux doigts, mais sans
insister, juste pour les reconnaître, vous annoncer, les inviter à la fête. La face
interne des grandes lèvres bombée, lisse, glissante et brûlante, frémit sous vos
doigts ; les nymphes, gonflées comme des barbillons de coq, vibrent sous la
pulpe qui longe leur dentelle. En avant, le doigt aimant glisse sur moi, le clitoris,
mais simplement pour me repérer, me convier, me faire patienter. Au milieu, la
papille du méat urinaire n’est pas indifférente au doigt qui passe. En arrière, le
vestibule vaginal, qui bouillonne comme une source chaude, est pris de frissons
voluptueux qui aussitôt nés, débordent sur tout le corps.
L’irrésistible caresse
Le moment est venu de vous concentrer sur moi. Il faut me caresser pour obtenir
le plaisir explosif de l’orgasme, mais aussi pour savourer l’infini plaisir croissant
que je procure le long de la chatouille. Si vous êtes novice, sachez que le
summum ne surviendra pas automatiquement et rapidement le jour où vous
aurez décidé de me stimuler. Il vous faudra un certain temps « d’entraînement ».
Si au cours d’une stimulation le plaisir n’explose pas comme vous l’espériez, ne
vous découragez pas, restez confiante, insistez, mais sans vous acharner, vous
crisper. Un certain abandon favorise l’éclosion du plaisir. Et puis, rien que de me
caresser, vous éprouvez de bien belles joies. En tout cas, n’hésitez pas à faire des
pauses pendant lesquelles vous humerez et goûterez vos doigts : vos arômes et
vos élixirs naturels, très agréables, nourriront votre excitation. Et quand vous
reprendrez vos caresses, moi, le clitoris, déjà excité, je serai encore plus sensible
et vous offrirai une octave de plaisir de plus. De toute façon, dites-vous bien que
si l’orgasme n’est pas survenu aujourd’hui, il arrivera demain ou après-demain.
Chaque jour de caresses me rend plus excitable et plus apte à déclencher la
déflagration.
Quand c’est la femme elle-même qui me touche, je ne crains pas d’être malmené
car elle sent bien ce qu’elle me fait et en plus je suis assuré d’avoir les meilleures
caresses. Toutefois, je vais dire aux novices ce que j’aime et ce que je n’aime
pas : j’ai horreur qu’on aborde directement mon gland, qu’on m’écrase la
frimousse, ça m’est désagréable, ça m’énerve et même ça me fait mal. Caressez-
moi à travers ma capuche au-dessus ou sur le côté - dans le sillon entre ma
capuche ou les nymphes qui le prolongent et la joue de la grande lèvre. Ou bien,
caressez ma tige - autrement dit mon corps. Les huit mille fibres sensitives qui y
passent en direction de mon gland vous en seront infiniment reconnaissantes ;
n’hésitez pas à remonter vers les racines à l’aplomb de la toison pubienne.
Toutefois, sachez qu’il existe des clitoris qui acceptent d’emblée, ou après un
délai, des caresses en plein gland et qui apprécient que la femme tire leur
capuche vers le haut afin de dégager la totalité de leur gland.
Vous pouvez me stimuler avec un seul doigt - le médius étant le plus commode -
ou avec deux doigts, par exemple l’index dans un sillon, le médius dans l’autre.
Pour commencer, caressez-moi légèrement, doucement, puis augmentez
progressivement votre pression, jusqu’à appuyer assez fortement ; il y a même
des clitoris qui aiment que leur propriétaire y aille gaillardement. En ce qui
concerne le tempo, débutez lentement puis accélérez progressivement jusqu’à
atteindre, parfois, une certaine frénésie. Quant aux mouvements de vos doigts,
vous avez le choix, ou bien vous les faites aller et venir dans le sens de la fente,
c'est-à-dire de bas en haut et réciproquement, ou bien vous les faites tourner en
rond autour de moi, suivant des petits cercles. Mais, vous pouvez aussi alterner
les mouvements verticaux et les mouvements circulaires. La bonne amplitude est
de l’ordre de deux millimètres. « Jouer de la mandoline », c’est ainsi qu’on
appelle cette autocaresse en Italie, peut-être cela vous inspirera-t-il.
La bonne position
Bien que ne figurant pas dans l’enquête citée, les positions accroupie ou debout
sont parfois adoptées, en particulier par les femmes qui veulent se regarder dans
un miroir en train de jouir. La contemplation de l’image de la main exécutant un
andante sur le clitoris est particulièrement excitante et en plus elle permet à la
femme d’assumer son geste érotique en pleine conscience. Certaines aiment se
tenir debout devant une psyché et danser nue en se caressant. D’autres
s’accroupissent au-dessus d’une glace posée sur le sol et admirent leur main
butinant la fleur de leur sexe.
5
Variations autour de l’autocaresse clitoridienne
Il arrive aux femmes d’utiliser des objets pour me stimuler. L’objet que
beaucoup adorent et qui est souvent à l’origine de leur éveil érotique, c’est un jet
d’eau frappant l’intérieur de la vulve écartée et atteignant à la fois le clitoris et
tout l’intime y compris le vestibule vaginal. Elles utilisent soit le jet de la douche
qu’elles peuvent facilement diriger, soit le jet du robinet - tourné à fond - de la
baignoire sous lequel elles se placent couchées sur le dos, jambes ouvertes. Le
bain, du reste, est un excellent révélateur de l’éroticité féminine : l’eau chaude
inondant la vulve, fait flotter les nymphes et baigne la béance du vestibule
vaginal ; alors, le sexe de la femme s’épanouit comme une fleur aquatique et
palpite de vie.
Les femmes utilisent aussi des objets durs mais elles prennent garde que leur
extrémité soit ronde et lisse : manche de brosse à dents ou à cheveux, bout
mousse d’un crayon, pommeau d’une douche, etc. Et comme on n’arrête pas le
progrès, elles utilisent maintenant le vibromasseur. C’est une stimulation
extrêmement efficace : mon plaisir est beaucoup plus intense, beaucoup plus
rapide de survenue et assuré à tous les coups, bref, il est quasi automatique. Les
femmes qui connaissent déjà l’orgasme peuvent avec l’appareil l’obtenir en une
minute. Les novices, celles qui n’ont pas encore accédé à l’orgasme, le
découvrent soudain. Faut-il pour autant utiliser systématiquement le
vibromasseur ? Son usage a-t-il des inconvénients ?
Le risque est grand de devenir « accro ». Toute source de plaisir peut créer une
dépendance - a fortiori s’il produit un état euphorique de conscience comme la
volupté érotique - c’est le cas du chocolat, du sport, de l’alcool, de la drogue, etc.
Le plaisir obtenu s’accompagne de la sécrétion de neurohormones,
d’endomorphines en particulier, par le cerveau. En l’absence de ce plaisir, le
taux des endomorphines diminue dans le corps et naît alors le besoin de s’en
procurer : c’est l’état de manque. Pour remonter ce taux et faire cesser cet état, le
sujet va recourir à nouveau à ce plaisir. C.Q.F.D. Ainsi cette addiction fera de
vous l’otage de l’appareil.
Par ailleurs le vibro habitue votre corps à un mouvement qui vient de l’extérieur
et à une quasi-passivité ; vous n’avez plus aucun effort à faire, l’appareil faisant
tout le travail. En outre, et surtout, l’usage du vibro risque de me rendre, moi, le
clitoris, moins sensible aux caresses de vos doigts qui sont plus doux, plus
« mous », plus lents : vous ne saurez plus les apprécier et ils ne pourront plus
vous conduire à l’extase. De même, je serai moins sensible aux doigts et à la
langue de votre aimé, qui eux aussi ne pourront plus guère vous procurer
l’orgasme.
Enfin, l’excès de stimulation mécanique peut entraîner des irritations, voire des
inflammations (vulvite, cystite, vaginite) pour peu que s’y associe une mauvaise
hygiène.
Dans la célèbre enquête de Shere Hite, parue en 1976, on notait que parmi les
femmes qui pratiquaient la masturbation, 78,5 % d’entre elles exerçaient
l’excitation clitoridienne par l’intermédiaire de leurs mains, 4 % excitaient leur
clitoris en serrant un objet, 3 % en serrant tout simplement leurs cuisses. Les
stimulations indirectes du clitoris sont de deux sortes, comme l’enquête le faisait
prévoir : le frottement et le « sciage ».
Le frottement consiste pour la femme à me frotter, moi, le clitoris et la vulve qui
m’entoure, sur un objet extérieur : un ours en peluche quand on est enfant, un
oreiller plus tard (dans les deux cas la personne est couchée sur le ventre), un
accoudoir de fauteuil, un rebord de baignoire, etc.
Le sciage consiste à serrer les cuisses dans le but de me comprimer ainsi que la
vulve. L’expression « sciage » est laide et mécaniste ; par contre, le geste est
classique et beau, appelons-le « la torsade ». Pour la réaliser, la fillette ou la
femme entrecroise et entrelace la cuisse, la jambe et la cheville d’un côté avec
leur homologue de l’autre côté et les serre les unes contre les autres. C’est dire
que toute la belle chair de l’entrecuisse, si richement vascularisée et innervée, se
trouve pressée tel un citron. Plus précisément, sont pressés : le système
clitoridien - gland, tige, racines -, les bulbes vestibulaires, les réseaux qui les
relient, bref, la plupart des corps érectiles ; pressés aussi les capteurs et les fibres
nerveuses, les muscles du périnée, l’anus, autant de formations qui sont parties
prenantes de la volupté. Analysé de plus près encore, le geste de la torsade
consiste essentiellement à contracter volontairement et en cadence les muscles
adducteurs des cuisses (ceux qui les rapprochent l’une de l’autre et que les
Anciens appelaient custodiam virginitatis, les gardiens de la virginité) et les
muscles du périnée. Résultat : la circulation dans la vulve est bloquée, les corps
érectiles deviennent turgescents, ce qui rend plus excitable encore le contenu de
l’entrecuisse, lequel contenu est stimulé par les pressions rythmiques. De ce
cercle vertueux l’orgasme jaillira en trois minutes.
Pour réaliser cette stimulation, la femme peut être couchée ou assise. Cette
dernière possibilité donne à la femme un moyen magique utilisable en tous lieux,
à l’insu de l’entourage, non pas tellement de se donner du plaisir, mais d’apaiser
ses angoisses et ses stress en toutes circonstances.
Une autre caresse souvent associée à celle que je reçois concerne le vagin. Les
femmes y introduisent soit leurs doigts, soit un objet. Ce sont les doigts de leur
autre main - un ou plusieurs - qu’elles enfoncent en elles. Toutefois, ce geste
obligeant à plier fortement le poignet, est incommode, voire douloureux, c’est
pourquoi elles préfèrent utiliser des objets choisis pour leur surface mousse et
leur forme allongée. Elles usent donc d’accessoires conçus pour cela de toute
éternité mais modernisés - godemichés et vibromasseurs. Elles utilisent aussi ce
que la nature ou leur environnement immédiat leur offre - courgette, carotte,
bougie, manche de brosse à cheveux, etc. C’est un inventaire à la Prévert qu’il
faudrait dresser. Quand la femme me stimule en présence de son partenaire, c’est
ce dernier qui prodigue parallèlement, s’il le veut, la stimulation vaginale.
Une autre caresse accompagne assez fréquemment celle que je reçois : celle de la
zone anale. Simple effleurement de la marge de l’anus ou bien introduction d’un
ou deux doigts ou même d’un petit « vibro ».
Hormis les caresses associées portant sur ces sites spécialement érogènes, les
femmes aiment caresser toutes les autres parties de leur corps tandis qu’elles me
stimulent : leurs épaules, leur ventre, leur mont de Vénus et ses boucles,
l’intérieur de leurs cuisses, etc. Elles le font avec leurs mains mais aussi avec des
choses douces : une fourrure, un foulard de soie, une plume. Certaines
embrassent leurs épaules. Et beaucoup s’enivrent de humer ou de goûter leurs
doigts imprégnés des délicieux et si troublants élixirs de la vulve.
S’accorder du plaisir
S’aimer soi-même
S’affirmer c’est assumer son identité féminine et son autonomie érotique. Cela
ne veut pas dire que la femme peut se passer de l’homme mais que sa révélation
sensuelle et l’obtention de l’orgasme ne passent pas d’emblée et exclusivement
par l’homme, ne dépendent pas que de l’homme, de sa main si gauche et de son
pénis si impatient. Cela veut dire que la femme ne saurait être un réceptacle
passif, mais qu’elle doit se tenir responsable de son épanouissement sexuel, et en
particulier, s’initier elle-même.
Une fois l’indépendance sexuelle acquise, la femme se sent libérée de ses peurs
vis-à-vis de la sexualité, vis-à-vis de l’homme. La prise de conscience de sa
puissante capacité érotique aura un grand retentissement dans sa relation
intersexuelle : un rapport harmonieux ne peut s’établir entre des êtres décalés
dont l’un attend tout de l’autre. Plus nous existons, plus la relation est saine et
bonne.
En plus, apprendre à vous donner des orgasmes par vous-même, c’est faire un
pas vers l’orgasme à deux. L’autoérotisme est une passerelle entre la capacité
virtuelle de jouissance et la jouissance à deux. Une femme qui sait déclencher
son orgasme aura plus de chance de le faire éclater avec un partenaire. Pour vous
entraîner au plaisir ensemble, vous pouvez par exemple vous amuser à vous faire
jouir en vous frottant sur la cuisse ou le pubis de votre aimé. Au total, se caresser
et se connaître est une excellente initiation à la vie érotique.
C’est d’abord pour vous affirmer, pour exister sexuellement de façon autonome
qu’il vous faut connaître votre sexualité, mais c’est aussi en vue du partage avec
un partenaire. La connaissance de votre propre sexe vous permettra d’apprendre
à l’autre comment il est fait, ce qui y est le plus sensible, l’action qui y déclenche
le plus de réactions heureuses.
Si vous voulez guider l’homme, il vous faut savoir comment fonctionne votre
sexe. En vous caressant, repérez comment vous faites, ce qui vous excite le plus,
ce qui vous mène le plus facilement à l’orgasme : le site, la pression, le
mouvement, le rythme. Le moment venu, vous pourrez confier à l’homme vos
secrets et même lui demander les caresses que vous aimez.
Il arrive qu’au cours de la relation sexuelle avec l’homme, la femme soit frustrée
du plaisir qu’elle escomptait et particulièrement du scintillement de l’orgasme.
C’est hélas le risque auquel toute femme s’expose quand elle ne s’est pas
préparée et qu’elle tombe sur un homme ignorant, malhabile, égoïste ou
machiste. Elle n’appartient pas totalement au passé cette scène où l’on voit
l’homme, n’ayant agi que pour son seul plaisir et maintenant assouvi, s’écrouler,
rouler sur le côté, s’endormir et ronfler. Il y a encore en ce vaste monde des
hommes qui ne font que se masturber dans le vagin des femmes. Sans aller
jusqu’à cette attitude caricaturale, il y a encore beaucoup d’hommes qui ne sont
pas assez attentifs à l’attente de leur compagne et ne savent la combler.
La femme laissée en plan alors que, fort excitée, elle était sur le point de jouir,
vit dans sa tête et dans son corps un moment des plus pénibles. Elle est
malheureuse, déçue de n’avoir pas été attendue, entendue, aimée assez ; elle est
irritée, « sur les nerfs », frustrée de la détente que lui aurait apporté l’orgasme.
Une angoisse monte en elle, elle pleure, elle déteste cet homme. Son corps
également proteste, en particulier ses organes sexuels : les corps érectiles gorgés
de sang se préparaient à exploser et voilà que tout s’est bloqué et que leur
joyeuse turgescence se fait congestion douloureuse ; l’énergie érotique
accumulée allait se décharger et voilà que tout s’est suspendu et qu’il ne lui reste
plus qu’à imploser ; les muscles en branle-bas de combat se préparaient à battre
en cadence et voilà que tout s’arrête et que leurs contractions se font crampes.
Une fois ça va, plusieurs fois bonjour les dégâts. À la longue, la tristesse se fait
dépression chronique, l’irritation agressivité permanente, la congestion
passagère des organes, congestion maladive qui se traduit par des douleurs et des
lourdeurs dans le bassin.
Bien entendu, le couple miné par les incompréhensions et les ressentiments entre
dans une période de turbulence. Amère et rancunière la femme ne manque pas
une occasion de « punir » son mari : le contredire à tout bout de champ, mettre
insidieusement en cause sa virilité (sans lui dire carrément ce qu’elle voudrait) et
surtout faire la grève du sexe sous prétexte de migraine, cystite et
autres lombalgies. L’homme ne comprend pas cette agressivité. « Les femmes
sont vraiment compliquées », dit-il. Et quand survient la grève, c’est à son tour
d’être frustré puis rancunier. Les conflits se multiplient, les paroles malheureuses
fusent. C’est la guerre.
La femme, pour ne pas devenir folle, pour compenser ses manques, pour
échapper aux douleurs de toutes ces guerres - les intestines et les extérieures -
décide de s’autocaresser jusqu’à l’orgasme. Instantanément survient la détente,
revient la gaieté. Et de soupirer « un homme c’est zéro pour le clitoris, je préfère
me masturber ».
Il serait trop triste de finir sur cette morale, reprenons l’histoire : cette femme
pourrait se contenter de continuer à s’assouvir seule dans son coin et par ailleurs
de se prêter aux maladresses de son mari, mais elle sait bien que ça ne sauverait
pas le couple pour autant. Aussi décide-t-elle de dire désormais à son homme ce
qu’elle désire et comment il doit s’y prendre pour la satisfaire, autrement dit de
lui apprendre comment « fonctionne » une femme. Dans le cadre de cet
enseignement, elle se permet de s’autocaresser en sa présence qui maintenant se
fait complicité, en particulier les jours d’orgasme raté. Maintenant ils forment le
meilleur duo du monde. « Je remercie la nature de m’avoir donné un clitoris,
écrit une femme. Il m’a permis de connaître l’orgasme depuis l’enfance - comme
l’homme - alors que mon vagin était inaccessible. Le clitoris c’est ma revanche
de ce vagin trop longtemps secret et muet. » « Vous ne pouvez pas vous imaginer
les souffrances et les malaises d’une femme qu’un homme a chauffée et qu’il
laisse tomber après avoir joui. Heureusement qu’il y a le clitoris. »
De divers bienfaits
Autres circonstances où le fait de me flatter est salvateur : les difficultés dans les
relations sexuelles. C’est le cas lorsque le vagin est « impraticable » : les jours
de règles (bien que beaucoup d’amants ne s’y arrêtent pas) ou au cours de
maladies vaginales. C’est aussi le cas lorsque le pénis est en panne : insuffisance
d’érection transitoire (état de fatigue générale ou débandade consécutive à des
éjaculations répétées chez les hommes ignorant l’art de maîtriser le réflexe
éjaculatoire) ou insuffisance d’érection permanente liée à des maladies locales
ou générales. Dans tous les cas, moi, le clitoris, toujours disponible, toujours
généreux, j’apporte à la femme son lot de juste plaisir.
Le poids du péché
De quelques inconvénients
Toutefois, certaines femmes, bien que satisfaites par leur compagnon, continuent
de me caresser, moi, le clitoris, de temps à autre, sur un coup de blues ou pour
s’offrir un « extra », un « must ».
« C’est, disent-ils, une pratique immorale, sale, égoïste. » Ce à quoi les femmes
répondent qu’il a été suffisamment démontré dans les pages précédentes qu’il
n’en était rien.
« En devenant experte en érotisme, s’affolent les hommes, les femmes vont nous
ravir notre pouvoir et nous dominer. » « Voyez les choses autrement, rétorquent
les femmes, et vous vous réjouirez de nos progrès et de notre émancipation :
pendant des siècles vous nous avez refusé le plaisir. Chrétiens, vous nous disiez
qu’une croyante devait se garder du péché, bourgeois du XIXe siècle, vous
affirmiez qu’une femme honnête ne devait pas avoir de plaisir. Quand enfin, au
XXe siècle nous avons acquis le droit à la volupté, vous avez voulu être le maître
de cette volupté, celui qui apprend à la femme à jouir et qui seul peut y parvenir.
Par générosité ? Que non ! Par esprit de domination, pour garder la mainmise
sur la sexualité de la femme qui vous fait si peur depuis l’aube de l’humanité.
Hélas, il s’est avéré que vos façons n’emportaient pas vos compagnes au
septième ciel aussi allègrement que vous le pensiez. Mais, au lieu de vous
interroger sur vos manières de faire, vous nous avez accusées de "frigidité",
maladie infamante s’il en est et vous nous avez adressées aux sexologues et aux
psychologues ».
C’est alors qu’un slogan a éclaté comme une bombe, sans doute lancé par
quelque féministe : « Il n’y a pas de femme frigide, il n’y a que des hommes
malhabiles ! » Frappés en pleine virilité, les mâles ont courageusement relevé le
défi : « Nous allons tout faire pour que nos femmes jouissent jusqu’à l’orgasme :
améliorer nos techniques, multiplier les positions, accomplir des
performances. » « Malheureusement, soupirent les femmes, en vous chargeant
de cette responsabilité, vous vous êtes engagés dans une mission difficile, sinon
impossible, puisque vous ne saviez pas comme nous ce qui est bon pour nous et
comment y arriver. Et vous vous êtes condamnés à des prouesses aussi
inefficaces qu’épuisantes. »
« Nous en venons, ici, à ce qui doit vous réjouir : si nous, de notre côté, nous
prenons la responsabilité de notre éveil sexuel et si, lors des échanges amoureux,
nous participons avec vous à l’éclosion de notre plaisir, vous êtes libérés de cette
obligation de réussite et de performance qui pesait sur vos seules épaules et votre
seule verge. Moins de pression, moins d’efforts et plus de plaisir car votre
volupté s’alimente de notre volupté et des mouvements que nous entreprenons et
des initiatives que nous prenons. Une partenaire éveillée et active, qui s’exprime
totalement, ne peut faire peur qu’à un homme immature, non à un homme
construit, évolué. In fine vous voyez bien que vous pouvez vous réjouir que nous
nous occupions nous-mêmes de réchauffer ce que vous prétendiez "frigidifié" en
nous. »
« Ces fioritures autour du clitoris auxquelles vous nous conviez ou même que
vous nous invitez à exécuter, s’insurgent les hommes, ce n’est pas ça faire
l’amour. Une vraie sexualité, ça consiste à introduire notre pénis dans votre
vagin. En plus, que deviendra notre érection pendant les temps morts au cours
desquels vous souhaitez que nous jouions avec votre bouton ? Elle fichera le
camp. Comment ferons-nous lorsqu’il faudra vous pénétrer ? »
Les femmes d’expliquer : « Pas de panique, vous n’avez aucune raison d’être
anxieux. Premièrement, votre bonheur sensuel sera multiplié par dix, lorsque
vous aurez senti comme nous que la relation sexuelle ne peut se réduire à
l’intromission et qu’elle doit s’agrandir à toutes sortes de jeux érotiques. Ces
jeux, non seulement nous procureront à tous deux une variété fabuleuse de
voluptés, mais en plus, ils créeront entre nous une grande intimité et une grande
complicité. L’intromission n’est qu’une phase et une phase qui ne doit être ni
obligatoire, ni automatique. La stimulation du clitoris fait partie des temps forts
- et non morts - de nos bonheurs communs. »
« Deuxièmement, votre érection n’est pas en danger. Il n’est pas vrai qu’elle
retombe à zéro au cours des caresses car ces jeux excitants entretiennent le plus
souvent votre bandaison. Si toutefois elle s’étiolait quelque peu, comptez sur
nous pour la relancer par quelques flatteries digitales ou buccales. »
Parmi les hommes accueillants, il y a ceux qui laissent leur compagne s’accorder
des plaisirs solitaires sans s’en préoccuper et ceux, la majorité, qui lui
demandent de mettre son autocaresse dans la corbeille érotique commune,
autrement dit, qui lui demandent de s’autocaresser en leur présence, soit par pur
plaisir, soit pour rattraper un orgasme raté. Mieux, la plupart des hommes
souhaitent participer activement à l’auto-volupté féminine.
C’est ainsi que des hommes heureux se mettent à embrasser et à caresser le corps
de leur aimée, tandis qu’elle se stimule : ses lèvres, ses épaules, ses seins, ses
fesses, son anus et tutti quanti. Certains aiment poser une main légère comme
une aile de papillon sur la main active de la femme. D’autres, introduisent un ou
plusieurs doigts, voire un objet dans son vagin ou dans son anus. C’est un jeu
extrêmement excitant pour tous les deux et qui pousse irrésistiblement les feux
de la femme, jusqu’à la faire décoller. C’est ainsi que s’établit une belle
complicité entre les joueurs et que s’approfondit leur intimité. Par ailleurs, ces
jeux constituent pour l’homme une parfaite initiation à la caresse du clitoris : en
voyant faire la femme, il apprend l’art du bouton sacré.
Très tôt, l’être humain présente des manifestations sexuelles. Les échographies
réalisées au cours de la grossesse montrent que le fœtus masculin a des érections
du pénis et des gestes que d’aucuns disent « masturbatoires ». Le fœtus féminin
a sans doute des « érections internes » mais on ne peut les voir.
Il n’est pas étonnant que le bébé garçon présente à son tour des érections ; les
unes sont spontanées, les autres consécutives à des frôlements fortuits de son
pénis par ses mains ou à des contacts entre son pénis et l’extérieur au cours des
soins. La découverte fondamentale que fait alors bébé, c’est que ces
attouchements sont agréables, il prend conscience qu’il y a là une zone
particulière. Toutefois, il n’entreprend pas encore des gestes dans l’intention
d’en tirer du plaisir. Les bébés filles découvrent également que leur vulve délivre
des agréments quand leurs mains, par hasard, la touchent ou quand les soins de
toilette l’effleurent ; cette zone particulière révélée, elles ne cherchent pas non
plus à la stimuler, à cet âge.
Chez l’enfant
Bientôt, vient le temps des explorations plus poussées. La fille, par exemple,
mettra ses doigts dans le « trou », voire un crayon et autres petits objets. C’est
aussi le temps des comparaisons entre enfants ; d’abord fortuites, elles
permettent de constater que les filles et les garçons ce n’est pas pareil ; ensuite
« organisées », elles consistent en des jeux entre frères et sœurs, entre cousins et
cousines, entre petits camarades : jouer « au docteur », jouer à « touche-pipi »,
concours de jets d’urine sont les plus classiques. Les fonds des jardins, les
cabanes, les greniers hébergent ces activités ludiques. Toujours, il s’agit de
montrer seulement et non de faire fonctionner, c'est-à-dire de se donner du
plaisir devant les autres ou d’en donner aux autres.
C’est Freud qui a eu le génie et le courage de dire tout haut l’évidence que
chacun se cachait : dès leur plus jeune âge, les humains sont habités par une
pulsion sexuelle - la libido - qui se traduit par quelques manifestations. Ainsi, la
fonction érotique se met en route bien avant que les possibilités physiques et
psychiques d’accouplement soient arrivées à maturité. La fonction érotique et
orgasmique préexiste à la fonction procréative (remarquons qu’elle lui survivra
aussi). Ce qui prouve que la sexualité ne sert pas qu’à faire des enfants : elle a
aussi pour but de procurer de la volupté.
À cet âge, il faut noter qu’il existe entre les filles et les garçons à la fois une
grande similitude et une grande différence. La similitude : tous deux ont
découvert leur zone érogène, l’une son clitoris, l’autre son pénis, et ils les
stimulent allègrement. La différence : l’accès à son sexe - voir, toucher - est
facile pour les garçons, moins facile pour les filles. Toucher son clitoris ou
l’entrée de son vagin est possible, voir son clitoris, voir son vagin ou visiter
profondément son vagin est impossible : avoir un sexe caché et à demi
inaccessible aura des conséquences considérables pour la fille.
La découverte de son sexe et de ses plaisirs par l’enfant est une étape naturelle et
importante dans le développement de la fonction érotique. C’est le b.a.-ba de
l’apprentissage de la lecture de son corps jouissant. C’est pourquoi il ne faut pas
réprimer l’enfant qui « se touche » et qualifier son geste quasi instinctif de « pas
beau », de « sale ». Il faut simplement lui demander de ne pas le faire en public.
À la puberté
C’est alors que le désir se tourne vers l’extérieur, vers l’autre sexe. L’autocaresse
ne suffit plus, l’envie se fait de plus en plus vive de toucher l’autre, de partager
les plaisirs avec lui, de faire l’amour. Biologiquement, on est quasiment prêt (on
est même prêt à procréer) mais psychologiquement, pas encore : immature, on
cherche son identité, on ne peut affirmer sa personnalité, on n’a pas confiance en
soi, on ne sait pas communiquer, on n’ose pas partir à la conquête. On continue
donc à s’autocaresser, souvent plusieurs fois par jour.
À ce moment des obstacles se dressent devant les activités voluptueuses de la
fille : sa fente vulvaire recule et s’escamote entre les cuisses tandis que la
pilosité nouvellement apparue la lui cache. Son sexe devient un peu moins
accessible à ses doigts et totalement inaccessible à sa vue.
Son trou, selon ce qu’elle constate et entend dire, est en partie fermé par un voile
- l’hymen - qu’il faut absolument préserver ; sa déchirure, par des explorations
intempestives, pourrait être douloureuse et sanglante ; ultérieurement, son
absence pourrait éloigner les candidats au mariage qui exigent des vierges
absolues.
Désormais, la fille se caresse moins, en tout cas beaucoup moins que les garçons.
Certaines enquêtes avancent 45 % des filles contre 95 % des garçons.
À l’adolescence
Quand les filles décident de faire l’amour, c’est par désir ou par amour ou les
deux ensemble. C’est souvent aussi par curiosité ou pour faire « comme tout le
monde ». Qu’elles sachent qu’il est normal de ne pas obtenir d’orgasme la
première fois et à chaque fois, comme on vient de le voir. Qu’elles se réjouissent
des plaisirs merveilleux qu’offrent les baisers, les caresses et les étreintes.
Qu’elles apprécient les sensations agréables sinon éclatantes et l’émotion
profonde que leur procure la présence de l’homme en elle, surtout si elles
l’aiment. Qu’elles choisissent de préférence des garçons pour qui elles éprouvent
quelque chose car, lorsque la relation a un sens, elle est plus voluptueuse.
Qu’elles ne renouvellent pas les relations avec un homme mal aimant et
décevant car elles pourraient être déçues de la sexualité pour longtemps.
Qu’elles n’hésitent pas à demander au garçon ce qu’elles veulent et à le guider.
Et qu’elles pratiquent régulièrement l’autostimulation clitoridienne car c’est la
meilleure préparation à l’union sexuelle.
Les filles se caressent par pur plaisir, mais parfois aussi, dans un but précis :
détendre la pression insupportable de leur pulsion sexuelle, alléger le cafard,
voire le désarroi propre à cet âge, calmer un stress (par exemple en pratiquant la
« torsade » au cours d’un examen écrit), soulager une douleur (par exemple les
douleurs prémenstruelles). La recrudescence de l’autocaresse avant les règles
s’explique par les douleurs et le blues liés à cette époque et par la congestion des
organes sexuels qui ressemble fort à une intumescence érotique.
Mais dans tous les cas, les préludes sont souvent malhabiles et surtout trop
courts, vu que le pénis piaffe. Aussi, je ne puis fournir à la femme la quantité et
l’intensité de plaisir qu’elle attend et qui la mènerait à l’orgasme ; elle y arrive
parfois mais ne peut le renouveler, alors qu’elle se sent prête à de multiples
rebonds. En conséquence, en mon nom et au nom de la femme, je souhaite des
préludes infiniment plus raffinés et plus longs.
Leçons de clitoris
De vos cinq doigts, celui qui me convient le mieux, c’est le médius : il est pour
moi le plus doux, le plus tendre, le plus délié, le plus inspiré, bref, le plus
sensuel. L’index est fort intelligent mais un peu trop autoritaire, pointu -
pointant. Vous pourriez coupler médius et index, l’un apportant sa souplesse
l’autre sa force. L’annulaire à lui seul ne ferait qu’un travail d’amateur : alors,
associez-le avec le médius ou l’index. Mettez l’annulaire dans le sillon qui se
trouve entre moi et la grande lèvre, l’index dans le sillon homologue de l’autre
côté et le médius, doigt central, au-dessus de moi, prêt à jouer sa partition. Cette
position est d’autant plus confortable pour votre main qu’elle pourra se poser sur
le mont de Vénus !
Et votre pouce ? Bien qu’assez gauche, l’utiliser pour jouer avec mon gland vous
permettrait d’affecter vos autres doigts à des tâches subtiles du côté du vagin ou
de l’anus. Pensez aussi à vous servir de votre main entière : son plat ou son talon
ou son tranchant. C’est moins précis mais ça me procure un plaisir que je partage
avec toute la fente - les grandes lèvres, le vestibule, etc.
L’important est de trouver mes points sensibles. Il vous faudra tâtonner, en vous
fiant aux réactions de votre aimée, voire à ses indications, car il y a belle lurette
qu’elle a repéré mes points les plus excitants. Attention, ça se joue au millimètre
près. Vous finirez bien par détecter mon point le plus exquis, mon gland : c’est
cette petite boule que vous sentez rouler et dont le contact fait à présent
tressaillir votre aimante. Alors, prudence, n’allez pas tout de go me caresser
directement, « à nu » ; je suis hypersensible, ça m’irriterait et même, ça pourrait
m’être douloureux. Commencez par me caresser indirectement : passez sur le
côté, dans le sillon entre ma capuche et la grande lèvre, à droite ou à gauche, de
façon à m’aborder à travers cette capuche. Ou bien, allez sur ma tige et stimulez-
moi à travers la muqueuse qui prolonge ma capuche.
Quand, donc, vous aurez repéré mon point le plus exquis, ne vous en écartez
plus, maintenez le cap. Mais, rien n’est encore gagné pour autant : moult
questions se posant à vous.
Quelle pression ? Commencez, je vous prie, par des pressions légères que vous
accroîtrez progressivement, jusqu’à les faire assez fortes. Mais, n’allez pas
jusqu’à m’écraser sur l’os du pubis (rappelez-vous que c’est sur cet os que vos
caresses me pressent). C’est plus qu’un frôlement, moins qu’un écrasement : un
frottement appuyé et attentif qui exclut toute brutalité. En réalité, chaque clitoris
a sa pression préférée, c’est la femme qui le sait et peut vous le dire, sinon, c’est
à vous de sentir. À partir du moment où vous aurez trouvé la pression optimale,
n’en variez plus.
Ici, il me faut, messieurs, vous rappeler un piège : juste avant que n’éclate
l’orgasme, je me rétracte sous ma capuche, votre doigt perd ses repères et vous
voilà désorienté. Surtout ne suspendez pas votre caresse et ne déplacez pas votre
doigt, poursuivez au jugé, continuez à faire ce que vous faisiez.
Une règle d’or : lorsque votre caresse est arrivée à un régime de croisière, c'est-
à-dire quand elle procure un plaisir optimum et croissant, ne changez plus rien à
la position de votre doigt, ni à ses mouvements, ni à sa pression, ni à son tempo.
Toute modification ou suspension romprait le charme et briserait l’envol ; il
faudrait tout reprendre à zéro. Ce qui pourrait lasser votre partenaire. Constance
et régularité sont les deux secrets des caresses clitoridiennes réussies. « Question
clitoris mon mari n’y entend rien. Quand je commence à monter il change de
tempo et de direction. J’ai envie de le tuer. Finalement, je lui ai interdit de le
toucher. J’aurais pu lui expliquer mais j’ai eu peur de passer pour une excitée
ou une vicieuse. »
Bien entendu, cette description est générale et comme je l’ai plusieurs fois
répété, chaque femme a ses préférences et ses nuances : le point qu’elle chérit, le
mouvement, la force, la vitesse qui lui conviennent. C’est pourquoi, quand le
destin met sur votre chemin une nouvelle partenaire, il vous faut oublier - en
partie - ce qui était bon pour la précédente car la présente ne réagira pas de la
même façon.
En réalité, ce qui est primordial, c’est d’être attentif à l’autre. Trouver le bon
point, le bon mouvement, la bonne pression, le bon rythme, est affaire d’écoute :
tous vos sens doivent « écouter » car au début, quand se cherche le plaisir, tout
est à peine perceptible. La pulpe de votre doigt doit être attentive à
l’accroissement de ma chaleur, à mon mini-gonflement, à mes micro-vibrations
de plaisir ; toute la surface de votre corps doit être sensible au moindre
frémissement, à la moindre tension de votre aimée ; votre ouïe, bien sûr, doit
enregistrer les moindres variations de son souffle, ses moindres murmures, ses
moindres gémissements. Ensuite, quand les réactions de votre partenaire
deviennent manifestes, voire violentes, il ne faut pas pour autant cesser d’être à
l’écoute, afin de vous rendre compte si le cap est bon, si vous ne dépassez pas la
limite du supportable. Sans doute, ce qui est délicat pour vous les hommes, c’est
de discerner si les manifestations de la femme relèvent d’une jouissance ou
d’une plainte ; la nuance est discrète entre un gémissement de bonheur et un
gémissement de désagrément, tant je suis sensible. Aussi, je conseille aux
femmes, quand l’homme est un peu malhabile, de le guider de la voix et de la
main. J’y reviendrai.
Messieurs, vous avez pour la plupart compris qu’il n’est plus possible de
« prendre » une femme, c'est-à-dire de la pénétrer sans l’avoir préparée par des
caresses de tout son corps, en plus des caresses de moi-même, le clitoris. Mais, il
n’y a pas que le vagin qui réclame des préludes, moi aussi je les adore : ça
m’excite, ça me met en turgescence, ça accroît ma capacité de plaisir, bref, ça
me rend pétillant.
Alors, s’il vous plaît, caressez votre amoureuse, caressez-la sur toute la surface
de son corps, de la tête aux pieds et vice-versa et recto verso. Offrez à son
visage, à ses bras, à ses épaules, à son ventre, à ses flancs, à ses fesses, à ses
cuisses, à ses mollets, à ses pieds, à son dos et j’en passe, toutes sortes
d’effleurements avec la pulpe des doigts, de griffures légères avec les ongles, de
pincements gentils, de pressions sympathiques, et autres caresses décrites dans
Le Traité des caresses. Dès qu’un de ces sites frémit et s’horripile de joie, dès
qu’un gémissement de bien-être s’élève de la bouche de votre aimée, revenez
derechef sur ce site, reprenez encore et encore cette caresse : c’est un filon de
bonheur qu’il vous faut exploiter afin que votre partenaire en profite au mieux.
Soyez sûr que c’est son souhait.
Après votre main, c’est au tour de votre bouche de parcourir le corps de votre
aimée, de le parsemer de toutes sortes de baisers et de mini-morsures. Faites-le
longuement, sans vous presser. Et n’oubliez pas les lèvres de celle que la chance
vous a confiée : donnez-lui un long, un très long baiser, un chef-d’œuvre de
baiser où se mêlent les souffles de vie, le nectar des salives et les battements du
sang qui glisse, brûlant, à fleur de muqueuse.
Revenez alors au corps mais cette fois pour vous concentrer sur ses zones les
plus érogènes. Dans ce périple de tonalité nettement plus tropicale, les seins sont
une étape magique : à peine effleurés, ils m’envoient de si pressants e-mails que
je marque quelques signes d’impatience, et ma châtelaine de les traduire par
quelques frottements instinctifs de son pubis sur votre cuisse. Mais, ne vous
précipitez pas sur moi pour autant. Mon attente est supplice mais heureux
supplice. Faites encore, je vous prie, des tours et des détours dans les environs :
sur le ventre de votre dame, sur son mont vénusien, sur ses cuisses.
Enfin, prenez hardiment sa vulve à pleine main. Comme elle est brûlante !
Comme sont mouillées les ourlets de sa fente ! Palpez-la avec ferveur, pressez-la
avec dévotion, conscient des trésors qu’elle recèle. Que d’émotions ! Vous avez
le sentiment de tenir ainsi toute la féminité du monde ; votre aimée, aussi émue,
a l’impression d’être tenue tout entière dans votre main, elle qui est toutes les
femmes du monde. Ne relâchez pas trop vite l’étreinte de votre main, dégustez-la
ensemble, lentement, profondément, majestueusement.
Autre zone forte de même magnitude que moi-même, le vagin mon voisin, sera
sollicité soit par les doigts de la même main (par exemple : tandis que les grands
doigts s’occupent du clitoris, le pouce prend place dans le réceptacle vaginal),
soit par les doigts de la main libre. Quels que soient les doigts introduits, ils
prodigueront au vagin d’appréciables réjouissances. Leur seule présence peut
suffire mais ils peuvent aussi jouer une partition sur les touches sensibles de leur
hôte : l’entrée, le point G, les culs-de-sac, le col ; mais, ils le feront piano, afin
de ne pas ravir la vedette au clitoris. L’addition de deux stimulations puissantes
fait monter le niveau général de la volupté, tout en majorant la volupté de chacun
des sites par un effet interactif : le clitoris s’exalte de la caresse vaginale et le
vagin tressaille de la caresse clitoridienne. D’ailleurs, on y reviendra, c’est par le
truchement de la caresse clitoridienne que le vagin, endormi au fond de sa vallée
pendant la première partie de la vie, s’éveille progressivement et s’érotise.
La marge de l’anus et le canal anal pourraient être également conviés aux ébats
par un doigt de la main qui me caresse, au prix d’un grand écart. Il est plus
commode de confier cette tâche à la main libre. Ici aussi, on assiste alors à la
multiplication miraculeuse des bonheurs. Le doigt en mission pourrait se
contenter d’occuper cette zone sensible. Il pourrait aussi y exercer quelques
flatteries, mais qui seront modérées afin de ne pas détourner l’attention du
bouton.
10
La caresse du clitoris, un acte d’amour
Bien que souvent insatisfaites, les femmes, pour la plupart, n’osent pas
demander à l’homme ce qu’elles souhaitent et lui expliquer comment il pourrait
les exaucer. Alors, elles se résignent et se prêtent passivement à sa façon de faire
pour leur plus grand malheur.
Pourquoi les femmes n’osent-elles pas exprimer leurs besoins et enseigner les
gestes satisfaisants ? Parce qu’elles sont timides ou pudiques, ou parce qu’elles
craignent de passer pour des femmes exigeantes, égoïstes, imbues de leur
personne, voire dominatrices, ou parce qu’elles ne veulent pas importuner leur
partenaire, le vexer, le mettre en infériorité. Dans tous ces cas, ce qu’elles
redoutent, c’est que l’homme se moque d’elles ou les rejette. En réalité, ce
qu’elles n’osent pas c’est s’affirmer.
Mais le pire n’est pas sûr : beaucoup d’hommes n’attendent que ça, que les
femmes s’expriment. « On ne sait pas ce qu’elles ressentent, les femmes, ce qui
est bon pour elles, dit un homme, on ne peut pas tout deviner. » Et un autre de
confier : « C’est tellement reposant d’être avec une femme qui dit ce qu’elle
aime, ce qu’elle veut et vous guide. Je peux me détendre et jouer. » Un troisième
avoue : « Le clitoris, je croyais que c’était le domaine de la femme, que ça ne me
concernait pas. »
Vous avez envie qu’il vous blottisse dans ses bras ? Dites-le-lui ! Plus fort !
Dites-le-lui ! Vous désirez qu’il vous caresse tout le corps ? Demandez-le-lui !
Une région précise ? Demandez-le-lui ! Il s’y prend mal à votre goût ? Guidez-le
de la voix ou même en lui prenant carrément la main. Vous désirez qu’il vous
caresse le clitoris ? Soufflez-le-lui ! Ce n’est pas comme vous voulez et ça fait
trop longtemps que ça dure ? Alors, le jour des grandes décisions est arrivé,
décisions que vous remettiez sans cesse : vous allez lui montrer comment vous
êtes constituée et lui apprendre ce qu’il doit faire pour vous procurer le meilleur
des plaisirs. Prenez pour cela une voix douce et confidentielle et usez de ce
timbre un rien grave auquel il n’avait su résister le soir de votre premier baiser.
Le moment est venu de vous jeter à l’eau : exposez bien votre intérieur, décrivez
tout ce qui le compose, montrez les endroits les plus sensibles et... caressez-vous
consciencieusement jusqu’à l’orgasme, en lui demandant de bien noter le point
que vous stimulez, les mouvements de vos doigts, leur rythme, etc. Voilà que
vous venez de pousser votre ultime gémissement, voire de lancer votre dernier
rugissement de plaisir. Votre homme est à côté, impressionné, interloqué. Entre
deux souffles, vous lui demandez de vous serrer dans ses bras, car lui tout ébahi,
il ne bouge pas. Après ce bon câlin vous voilà reposée et lui s’est apprivoisé.
Alors, vous lui dites combien vous seriez heureuse qu’il vous caresse à son tour.
Comme il ne veut que votre bonheur, il s’y met mais avec quelque appréhension
comme l’élève qui tente de faire aussi bien que son professeur. Vous
l’encouragez : « Oui, c’est bien mon adoré », « Oui, comme ça », « Oui,
j’aime ». Vous le guidez de la voix : « Plus haut, plus bas, plus à droite, plus à
gauche, plus fort, moins fort, plus vite, moins vite. » S’il le faut, vous prenez sa
main et la conduisez. Et si vous avez envie qu’il associe d’autres caresses, par
exemple qu’il empaume votre sein ou qu’il pince votre mamelon, ou qu’il mette
un doigt dans votre vagin ou dans votre anus, dites-le-lui ou mieux, ici aussi,
prenez sa main et portez-la où vous le souhaitez. Et si l’idée vous vient de saisir
vous-même votre mamelon ou d’introduire un de vos doigts dans une de vos
chères cavités en sa présence, comme vous en rêvez depuis quelque temps,
faites-le. Être active, ce n’est pas seulement parler, c’est aussi agir. Ainsi, au cas
où la caresse clitoridienne de votre élève n’aurait pas encore atteint la perfection,
prenez-vous en main, au sens figuré comme au sens propre, jusqu’à votre
complet contentement ; et si un seul orgasme ne vous suffisait pas, offrez-vous
en un autre.
La place du cœur
Après que votre aimée aura connu l’extase, prenez-la dans vos bras, étreignez-la
et tandis qu’elle s’apaise, dites-lui encore votre amour et votre admiration. Et
restez, tous deux, blottis longuement.
11
L’art du baiser clitoridien
Son nom officiel est « cunnilinctus », de cunnus le coin, qui a donné le « con » et
de linctus lécher. Moi, le clitoris, je préfère qu’on dise le « baiser vulvaire » ou
mieux, « le baiser clitoridien ». Ce baiser peut être donné à la femme, soit par un
homme, soit par une femme.
La caresse préférée
C’est aussi une caresse tendre et voluptueuse. La chair qui donne le baiser est
moelleuse et généreuse en sensations comme la chair qui le reçoit. Chacun sait
bien à quel point la bouche possède une extrême sensualité qui n’est égalée que
par le sexe. Ici, la bouche embrasse la vulve, autant que la vulve embrasse la
bouche.
C’est enfin une caresse subtile : la pointe de la langue, par sa finesse, son
habileté, sa précision, sa sensibilité, sa douceur, son humidité, sa chaleur, est
l’agent idéal de la caresse du plus précieux, du plus sensible, du plus délicat et
du plus petit des organes sensuels, j’ai nommé le clitoris, votre obligé. Les lèvres
présentent les mêmes qualités que la langue et bien que charnues elles sont
agiles : quand il s’agira de sucer, elles trouveront d’instinct le délicat
mouvement de préhension jadis destiné au mamelon.
Servi par d’aussi talentueux organes, comment se fait-il que le baiser clitoridien
ne propulse pas 100 % des femmes dans le ciel des lits ? Écoutons ce qu’elles
déplorent : « Les hommes sont trop pressés, ils lèchent cinq minutes et puis ils
s’arrêtent. C’est frustrant. Il me faut du temps pour me mettre à l’aise, pour que
je m’abandonne, que je laisse monter le plaisir. Mais je n’ose pas demander de
continuer plus longtemps. » Une autre : « C’est toujours trop court. Ils le font
avec l’idée de me sauter dans les plus brefs délais. » Ce que souhaitent les
femmes, c’est que les hommes prennent leur temps, que le baiser clitoridien se
poursuive longtemps, « des heures » et qu’il ne soit pas forcément un prélude au
coït. Elles veulent des séances exclusives de baisers vulvaires, jusqu’à
l’orgasme : un, deux, dix orgasmes.
Écoutons encore les femmes : « Le plus souvent les hommes s’y prennent mal, ils
ne trouvent pas les points intéressants, leur langue est trop raide. » Une autre :
« La majorité des hommes sont mauvais, ils ne connaissent pas le corps de la
femme, ne savent pas comment ça marche. » Sans doute, ça irait mieux si la
femme indiquait ce qui lui plaît, et guidait son compagnon.
Allez folâtrer sur l’immense étendue de la peau, visitez-la par monts et par vaux,
semez-y des effleurements, pétrissez-la de tendres pressions, imprimez-y
quelques stries, quelques pincements, tracez-y douces morsures et légères
griffures, piquetez-y moult baisers. Bref, mettez le corps en fête. Puis, par des
échappées vers des sites plus sensibles, mettez-le en effervescence : le sein et
son mamelon, les fesses, leur raie et leur puits anal, la colline de Vénus et son
incisure sont des points de vue remarquables qui vous réservent de fortes
émotions. Que vos doigts agiles, que vos lèvres taquines volètent, effleurent,
titillent, pinçotent, escaladent, se posent, glissent, s’insinuent, levant ici une
volée de plaisir, provoquant là un intense remue-ménage. Alors, lorsque vous
aborderez la vallée des merveilles, vous y serez accueillis avec faste.
Deux autres postures sont possibles : ou bien la femme est debout et l’homme à
genoux le nez dans la vulve, posture très belle d’adoration, mais assez
incommode. Ou bien, la femme est à cheval, jambes écartées sur l’homme
couché, sa vulve ouverte étant à l’aplomb du visage masculin : il lui suffira
d’abaisser son bassin pour lui offrir un des cadeaux les plus somptueux qu’une
femme puisse faire à son aimé.
Vertigineuse plongée
Alors, l’homme avance sa tête vers les cuisses encore à demi fermées : il les
pousse de son front, mais elles ne s’ouvrent que d’un cran. Aussi, pose-t-il
quelques baisers légers sur le haut de la vulve puis, collant sa bouche sur les
soies, il souffle de l’air brûlant. « S’il te plaît », implore-t-il. Les cuisses
s’ouvrent plus largement. L’homme contemple la vulve encore close et le pelage
qui dévale ses crêtes. Il dépose un baiser révérencieux sur l’amorce de l’incisure,
la pilosité chatouille ses lèvres et son visage et un bouquet d’arômes exotiques
affole son odorat. « Comme tu es belle, comme tu es délicieuse ! »
Alors, de ses coudes, il écarte fermement les cuisses féminines et de ses mains
appliquées de chaque côté de la vulve, il tire vers l’extérieur les grandes lèvres.
Un spectacle fabuleux s’offre à son regard émerveillé : sous ses yeux s’étale le
delta d’un grand fleuve tropical qui aurait creusé son lit dans une tendre terre
ocre. Au centre, le fleuve s’achemine majestueusement vers son embouchure ;
sur ses berges, des ruisseaux serpentent avant de le rejoindre, des éminences
qu’il n’a pas encore érodées saillent, des franges d’algues pourpres flottent au
gré du courant. Dans l’eau qui miroite, il croit voir les éclats d’un battement
d’ailes blanches ou les lumières d’une barque. Dans l’air, traînent des relents de
marais et des effluves marins. Enivré par le flux garance et ses fragrances, il
hallucine. La voix de son aimée le ramène à la réalité : « Tu m’aimes ? Est-ce
que tu m’aimes ? » Elle a besoin de cette ultime réassurance avant de le laisser
entrer dans son dédale secret. « Tu es si belle ! », répond l’homme.
Maintenant, il promène un doigt sur la face interne rebondie des grandes lèvres,
impressionné, comme quelqu’un qui a reçu un cadeau et, l’ayant déballé, ose à
peine le toucher. La pulpe glisse plusieurs fois sur la muqueuse brillante de
rosée ; rencontrant la dentelle des nymphes, elle les suit dans un sens puis dans
l’autre, puis les soulève et refait le même trajet sous elles. Voilà cette pulpe qui
descend dans le creux, là où l’eau est profonde et l’explore étonnée et recueillie.
En arrière, elle est quasi aspirée dans le vestibule vaginal où la température est
nettement torride ; en avant, elle rencontre mon éminence, lisse comme une perle
et dont le simple attouchement fait frémir la femme. Les yeux de l’homme n’ont
cessé de contempler avidement la merveilleuse vallée et se sont émerveillés de
ce que les doigts découvraient.
Alors, l’homme courbe plus encore la tête jusqu’à mettre son visage au contact
de la vulve. Les arômes infusés par le désir envahissent à flot ses narines et dans
le même élan tout son être. Ses lèvres se posent au fond de la faille et embrassent
au jugé ce qu’elles rencontrent. C’est une véritable plongée sous-marine que
l’homme effectue, tant l’eau abonde. D’instinct, sa langue sort de la bouche et se
met à lécher ce qu’elle trouve sous elle, qui est onctueux, chaud, salé. Puis, elle
se déplace vers les rebonds charnus des grandes lèvres, qu’elle suit d’abord
d’une pointe légère et chatouillante, puis, de son plat, large et gourmand.
Découvrant les nymphes, elle se remet sur sa pointe et redessine leurs dentelles,
puis, par jeu les soulèvent délicatement. Mais, les hauts fonds où elle avait
plongé d’emblée, l’attirant à nouveau, de toute sa longueur, elle s’enfonce dans
le vestibule vaginal, en sonde les profondeurs et se met à les laper. Elle s’y
abîmerait bien, mais on l’appelle de toutes parts : alors, elle fait une incursion du
côté de la commissure postérieure, en arrière du vagin puis revient en avant,
effleure le méat urinaire, glisse sur moi sans céder à mes implorations et va
taquiner la commissure antérieure à l’aplomb du mont vénusien.
Toutes ces visites rendues, la langue pourrait enfin se consacrer à moi, le joyau
des joyaux. Mais, les lèvres réclament de faire à leur tour le même parcours.
Enfin, mon heure est venue ; il est temps car mon attente joyeuse se fait
supplice.
À la bouche du volcan
La langue, nous l’avons vu, est faite pour moi, le clitoris. Commencez par me
lécher d’une large langue - mais pas trop large : le quart de sa surface antérieure
- avec application et lenteur. Cette caresse flatte tout à la fois mon gland, ma
capuche, ma tige et leurs alentours. Faites-le avec appétit et avec tendresse. Puis,
affinez votre langue en n’utilisant plus que sa pointe, mais, ne la portez pas
d’emblée directement sur mon gland trop sensible, il ne le supporterait pas.
Glissez-la plutôt sur le côté, dans le sillon entre ma capuche et les grandes lèvres
et faites-la aller et venir de bas en haut et de haut en bas ; faites de même dans le
sillon du côté opposé. Vous pourriez aussi faire tourner votre pointe de langue
autour de mon gland, elle décrirait de petits cercles passant dans le sillon droit,
puis au-dessus de ma capuche, puis dans le sillon gauche, puis sous mon gland.
Apprivoisé, mon gland peut alors recevoir une caresse directe, à condition que
vous assouplissiez votre langue, qu’elle cesse d’être dure et pointue. Alors, vous
pourrez titiller ma petite sphère, un peu comme vous le feriez d’un mamelon,
mais avec plus de finesse encore : une amplitude moindre, une intensité réduite.
Vous pourriez aussi, de l’extrême pointe de la langue, soulever mon capuchon et
titiller dessous, mais soyez infiniment circonspect, vous manipulez le détonateur
d’une bombe.
Vos lèvres s’impatientent, il leur faut entrer en lice. Déjà, elles happent mon
bouton, l’aspirent, le sucent, le tètent. C’est un mouvement qu’elles savent faire,
un enfant sommeillant en tout homme, mais qu’elles le fassent avec la plus
extrême subtilité. Et si votre aimée le supporte, essayez même de saisir
doucement le clitoris entre langue et palais et de le mâchouiller. Il n’est rien de
plus troublant pour un homme que de jouer aussi finement avec un organe aussi
fin. Quant à votre amoureuse, éberluée, elle n’a jamais éprouvé de plaisirs si
aigus, si exquis. Cependant, n’insistez pas, ne visez pas encore son orgasme.
Continuez d’explorer toutes ses possibilités de volupté. Portez maintenant votre
langue sur ma tige et vous découvrirez que l’endroit le plus sensible est le haut
de cette tige, juste sous le pubis. L’inventaire étant fait, vous pouvez jouer à
passer d’un point à un autre jusqu’au moment où vous sentirez que votre aimée
est au mieux de l’excitation et prête à décoller.
Voilà que votre aimée s’apaise, ses cris cessent, son corps retombe, sa
respiration haletante se ralentit, vous pouvez arrêter votre baiser. Il le faut même
car je suis tellement à vif que je ne supporte plus le moindre contact.
Laissez votre aimée se détendre, vous-même reposez-vous, la tête sur son ventre,
à la limite de la toison, un bras enlaçant son bassin. Votre respiration devient
synchrone de la sienne. Cherchez sa main, justement elle vient à la rencontre de
la vôtre ; serrez-la. Dans un chuchotement, dites-lui « Merci » et « Je t’aime » ou
« Je t’adore ». Et elle, dans un souffle, elle vous répondra qu’elle aussi... Et de
son autre main, elle vous caressera le visage et la tête.
Après quelque temps, placez à nouveau votre visage entre les cuisses chéries. Si
vous sentez que votre aimée souhaite d’autres bonheurs suprêmes ou mieux, si
elle vous le demande, reprenez votre stimulation selon les mêmes modalités qui
ont si bien réussi. Si elle le désire, vous pourrez lui offrir plusieurs séquences
orgasmiques, puisque, vous le savez, la femme détient cette extraordinaire
capacité. Inversement, si vous percevez que la femme ne désire pas d’autres
rebonds ou si elle vous l’exprime, vous lui donnez un grand baiser d’au revoir
pour remercier sa vulve et l’apaiser.
Ici aussi, je vous demande de bien vouloir accompagner le baiser que vous
m’offrez, de caresses envers d’autres sites : elles renforceront le plaisir premier
et elles feront participer tout le corps à la volupté.
Tandis que vous donnez le baiser clitoridien, Messieurs, laissez votre main libre
aller caresser le visage de l’aimée ou flatter ses flancs ou ses fesses ou tenir ses
genoux ou ses pieds ou prendre sa main. Mais, quand l’envie vous prendra
d’atteindre un site plus chaud, ne vous retenez plus et laissez votre paume
prendre un sein et vos phalanges taquiner le mamelon. Excellente association,
vous le savez, en vertu de l’interaction érotique directe entre les deux sites. Mais,
il y a plus : pincer et tirer les tétons entre le pouce et l’index tandis que les lèvres
saisissent et tètent le clitoris, constituent une figure érotique surprenante où
l’inversion des pôles a de quoi faire monter de plusieurs degrés, l’excitation et le
bonheur des amoureux.
Bientôt, le désir vous vient à la main d’un accompagnement plus torride encore,
comme d’introduire un ou deux doigts - deux c’est plus comblant - dans le vagin
de l’aimée. N’y résistez pas ! Ces doigts pourront rester immobiles ce qui suffira
déjà à émouvoir considérablement votre partenaire. Ils pourront aussi être actifs :
caresser la muqueuse vaginale, s’y focaliser sur le point G, taquiner le col
jusqu’à faire bouger l’utérus. Alors, vous verrez votre aimée hissée à un
optimum de volupté, d’où elle ne tardera pas à être propulsée dans le bonheur
suprême.
Un autre jour, votre main pourra préférer visiter l’astre anal de cette femme qui
vous aime tant. Un de vos doigts y procurera quelques réjouissances qui
s’ajouteront au plaisir en cours. Il en résultera aussi une complicité plus grande
entre vous.
Pour le baiser clitoridien comme pour toutes les caresses du clitoris, soyez en
permanence attentif aux réactions et aux indications de votre amoureuse.
Souvenez-vous aussi que chaque femme a ses préférences et que vous ne pouvez
transposer ce que vous avez appris avec une femme, à une autre femme.
Quant à vous, Madame, ne soyez pas plus passive dans cet échange que dans
d’autres. Participez, dites précisément ce qui est bien ou moins bien pour vous,
bougez votre bassin pour aider au confort de votre aimé ou pour amener vos
zones les plus sensibles sur sa bouche ou sa langue. Et n’hésitez pas à vous
caresser le ventre, les seins, etc.
Malgré les délices que leur procure le baiser clitoridien, beaucoup de femmes
gardent des réticences à son égard. Ce qui les retient n’est pas tant une pudeur
morale qu’une gêne liée à des millénaires de dévalorisation de leur sexe.
Les mâles grecs n’avaient que mépris pour cet endroit - comme pour la femme
du reste. Ces fondateurs de la civilisation phallocratique obligeaient les femmes
à s’épiler le mont de Vénus car ses poils « hirsutes et malodorants » (sic) leur
rappelaient les barbares qu’ils combattaient. Quant au vagin, ils fantasmaient
quantités de dangers, comme d’y sombrer sans retour ou d’y blesser leur
précieux phallus (mythe du vagina dentata). Ils ont censuré la vulve dans toute
leur statuaire. Et c’est eux qui ont dénommé « artère honteuse » et « nerf
honteux » l’artère et le nerf qui concernaient les organes sexuels.
Les Pères de l’Église qui se référaient plus aux auteurs grecs qu’à Jésus, ont
relayé le phallocentrisme ambiant et l’ont étayé de pseudo-arguments bibliques,
se conduisant ainsi plus en mâles qu’en chrétiens. Ils ont fait du sexe de la
femme la source du « péché originel » et le siège du péché de chair. Pour eux, le
sexe de la femme était « la porte de Satan » (les mystiques soufis, eux, la
disaient « porte du Divin »). Pour détourner les hommes et les femmes elles-
mêmes de ce lieu de perdition, ils le prétendaient laid et sale. Ainsi fut inculqué
aux femmes la répugnance et la honte d’elles-mêmes. Elles en gardent des
traces : elles ont peur en donnant à voir leur sexe de révéler quelque chose de
« pas beau », de « sentir mauvais », « d’avoir mauvais goût » et, in fine, de
dégoûter les hommes.
Bien entendu, le sexe de la femme n’a aucun de ces travers. Que les femmes se
reportent aux descriptions émerveillées que j’en ai faites dans ces pages et dans
d’autres : la beauté de son graphisme n’a d’égale que la bonté de ses arômes et
de ses saveurs. En réalité, la répulsion de l’homme, ses dévalorisations, ses
condamnations sont à mettre sur le compte de la mâle-peur, de cette peur
fondamentale que l’homme éprouve vis-à-vis de la femme depuis l’aube de
l’humanité (voir Sexualité : la voie sacrée et De la peur à l’amour).
Écoutons ce que disent les femmes actuelles du baiser clitoridien : « C’est pas
avec un mec d’un jour qu’on fait ça, dit une femme, il faut trop s’abandonner. »
« Je ne suis pas à l’aise, confie une autre femme, je me demande s’il ne trouve
pas ça moche et l’odeur désagréable. » « Je n’accepte le cunni, déclare une
autre, que si l’homme dit que mon sexe est beau, que je sens bon, que j’ai bon
goût. » « Il faut qu’il m’aime, ajoute une autre, qu’il y prenne du plaisir, sinon
c’est pas la peine qu’il s’applique. » « Moi, je suis reconnaissante à l’homme
qui me fait ça, dit encore une femme, car cet homme cherche à me donner du
plaisir, il ne pense pas qu’à sa verge. Il me montre que j’ai autant d’importance
que lui. » « C’est une extrême intimité, on est très proches, on ne peut être plus
proches, se réjouit une dernière qui ajoute quelque chose de très important. Pour
moi, c’est la meilleure façon de me rattraper quand je n’ai pas eu d’orgasme en
faisant l’amour. »
Qu’en pensent les hommes, maintenant ? « C’est pas simple, ces plis et ces
replis, même si c’est un chef-d’œuvre », dit l’un d’eux. « Le clitoris ? C’est
compliqué : pas comme ci, plutôt comme ça, etc., confie un autre, mais quand
même ça me touche qu’elle me parle quand je la lèche, qu’il y ait entre nous,
cette complicité. Aussi, j’essaie de suivre ses conseils. » Écoutons encore un
homme : « Les formes de son sexe, son parfum, son goût, c’est super-excitant. Et
c’est fabuleux qu’une femme m’offre tout ça et super fabuleux qu’elle jouisse
dans ma bouche et qu’elle m’inonde le visage. » « Sa vulve, dit un dernier, c’est
délicieux, ça a un goût suave. C’est bouleversant, pendant que je tète sa chair de
l’entendre haleter, de la sentir frémir. »
Le seul inconvénient réel du baiser clitoridien, c’est de donner, parfois, à la
femme l’impression que son homme est loin d’elle, qu’il est hors de portée de
ses mains. Elle parle même d’un sentiment de solitude, ce qui est quand même le
comble puisqu’elle est complètement à lui et lui en elle. « Je le sens loin, dit
l’une d’elles, je ne peux pas le caresser, je me sens un peu seule. » Ne dites pas,
messieurs, que les femmes « c’est compliqué ». Cherchez plutôt ce qui a pu
décevoir votre partenaire : votre corps qui était perpendiculaire au sien, au lieu
d’être tout contre, votre main libre qui n’a pas caressé son visage ou ses seins ou
ses flancs, ou qui n’a pas cherché et pressé sa main, votre bouche qui n’a pas
émis des « hum » et des « miam » de délices en la dégustant, et surtout qui n’a
pas dit des « tu es bonne », « je t’aime » et autre « je t’adore ».
Le vertige qui saisit la femme et l’homme dans le baiser clitoridien est lié aux
odeurs qui enveloppent les amants. Des émotions aussi étranges que fortes les
envahissent, émotions dont les racines remontent au passé, plus ou moins
lointain, des êtres. C’est toute la mémoire individuelle et celle de l’espèce -
l’inconscient collectif - que réveillent ces fragrances ; plus précisément, ce qui se
révèle c’est l’instinct animal et la nostalgie d’une vie antérieure. Je vous rappelle
que le pouvoir émotionnel des odeurs est lié au fait que le centre cérébral de
l’olfaction, le centre de la mémoire olfactive (les amygdales limbiques) et le
centre des émotions (le système limbique) sont mitoyens et en interconnexions
étroites : de plus, tous ces centres sont reliés intimement au centre de la pulsion
sexuelle (l’hypothalamus).
C’est bien l’instinct animal, archaïque et éternel, qui ressurgit lorsque les fauves
odeurs du pelage et de la fente féminine atteignent l’homme, le font se hérisser
de désir, font grincer ses dents d’appétit, font dresser son pénis. La femme, à son
tour, est traversée par cette résurgence de l’instinct : les odeurs, elle les perçoit
montant de son propre sexe et surtout imprégnant l’homme, sa main qui la
caresse, son visage qui l’embrasse ; elle en est très excitée. L’homme tout
imbibé du baume féminin le répand sur toute la surface du corps de son aimée
qui le lui renvoie à son tour. Et tous deux baignent dans ces effluves animaux et
le désir qu’ils engendrent. Un point fort dans cet échange olfactif : quand, après
avoir donné le baiser vulvaire, vous allez embrasser la bouche de votre aimée.
Celle-ci respire et goûte alors sur vos lèvres la quintessence de ses propres
fragrances. Et à leur tour, ses lèvres et son visage vous rendent ce que vous y
avez déposé.
Les émotions olfactives relèvent aussi d’une nostalgie, mais une nostalgie
gigogne faite de souvenirs emboîtés. La plus ancienne nostalgie remonte aux
origines marines de la vie. Celle-ci est née au creux de l’océan et c’est dans
l’océan qu’ont vécu les êtres qui nous ont précédés pendant des centaines de
millions d’années. Selon l’hypothèse très séduisante de Sandor Ferenczi1, tout
vivant actuel porterait une « mémoire thalassale » et le rêve d’un retour dans un
milieu marin. Or, ce que respire l’homme - et la femme indirectement - au cours
du baiser clitoridien, ce sont des effluves marins. Cette satisfaction de son besoin
de retour à la mer participerait de son bonheur.
Pendant des années, l’enfant vivra au creux de cette vague qu’est la mère : ses
bras ronds, son corps rond, sa chaleur de lagune tropicale, sa saveur et son odeur
d’océan. Dès lors, comment voulez-vous que l’homme, lors du baiser vulvaire,
n’éprouve pas une véritable euphorie, celle d’un retour aux sources de son être
et, au-delà, de son espèce ? Comme elle est émouvante sa tentative de retrouver
les mers d’antan. « Régression thalassale » disait Ferenczi : mais aussi pieux
pèlerinage. Il en est de même pour l’aimée.
Pour la femme qui offre sans limite le cœur de son être intime, pour l’homme qui
place son visage en ce lieu, le baiser vulvaire a une profonde valeur symbolique.
Par son offrande, la femme témoigne de sa totale confiance en l’homme élu, à ce
qu’il a dans la tête - ses pensées, ses intentions, ses appréciations. Elle lui donne
la plus haute preuve de l’estime et de l’amour qu’elle a pour lui. Par sa façon
d’être, l’homme montrera à la femme qu’il l’aime totalement, qu’il aime sa
féminité jusqu’à ses profondeurs, qu’il les trouve belles et bonnes. Du coup, la
femme les trouvera également belles et bonnes et achèvera de se réconcilier avec
son sexe.
Pourquoi faut-il que je vous parle du vagin dans un traité qui m’est consacré ?
Parce que nous sommes voisins ? Pas seulement ! Parce que nous inter-
réagissons ? Oui, mais plus précisément parce que moi, le clitoris, je peux jouer
un rôle déterminant dans le plaisir vaginal : son éveil, son éclosion, son
développement, son apothéose. Vous confier ce que j’en sais, c’est rendre à la
femme - et donc à l’homme - le plus grand service qui soit, voire révolutionner
sa vie sexuelle.
L’étiquette « frigide » mise sur le front des femmes qui n’obtiennent pas un
orgasme au cours du coït est aussi infamante qu’injuste. Premièrement : presque
toujours, ces femmes accèdent à l’acmé dans toutes les autres activités sexuelles
- autostimulation du clitoris ou du vagin, stimulation des mêmes par un homme
ou par une femme -, elles ne sont donc pas frigides. Deuxièmement : la non-
réponse orgasmique au coït est une étape non un état ; le vagin finira par
s’éveiller. Troisièmement : la non-réponse peut être relative aux stimulations
inappropriées du partenaire. Bref, l’étiquette est trop vite mise sur la femme qui
ne répond pas au modèle sexuel de l’homme, lequel ne pense qu’à assouvir ses
propres besoins : pénétration (précipitée) - orgasme (instantané). « Comme je ne
jouis pas dans les deux minutes qu’il faut à mon mari pour éjaculer, il dit que je
suis frigide. Quand est-ce que les hommes, au lieu de dire qu’on est trop lentes,
reconnaîtront qu’ils sont trop rapides ? Et quand est-ce que les femmes
cesseront de s’auto-accuser ? », interroge une correspondante.
Alors que la femme n’accède pas toujours facilement à l’orgasme lors du coït,
pourquoi faut-il que les hommes aient réduit l’activité sexuelle à l’introduction
du pénis dans le vagin ? Pourquoi ont-ils glorifié le pénis et décrété que le vagin
était la seule voie valable ? Pourquoi avoir pris pour modèle le programme
simpliste de l’homme : pénétration - éjaculation - point final, au mépris des
innombrables autres jeux érotiques ? Dont moi, le clitoris, j’aurais pu être un
élément, voire la vedette ?
Vous vivez depuis quinze mille ans dans une civilisation patriarcale. L’homme
s’est emparé du pouvoir et en a exclu la femme qu’il a réduite en quasi-
esclavage. Il a organisé la société à son profit, il a inventé des religions
phallocentriques dont le but est de réprimer la femme. Le phallus érigé est
devenu l’emblème de cette civilisation.
Les millénaires se sont succédés jusqu’à ce que se lève l’ère scientifique. Hélas,
cette ère de renouveau allait confirmer par la voix d’un de ses prophètes,
Sigmund Freud, la conception ancestrale et phallocentrique de la sexualité : hors
du vagin, point de salut. Seul le plaisir provoqué par les mouvements du pénis
dans le vagin est sain et digne d’une vraie femme. Le plaisir clitoridien est un
ersatz et les femmes qui s’y adonnent de pauvres demeurées, voire des
névrosées. Qu’elles transfèrent au plus vite leur plaisir sur le vagin ! Fruit du
patriarcat juif, Freud ne pouvait raisonner autrement. Ensuite, un mouvement
inverse s’est produit, encouragé par les féministes, prétendant que le clitoris est
l’organe exclusif de la jouissance et le vagin un organe quasiment insensible. La
vérité est que les deux pôles concourent également au bonheur de la femme.
Dans le corps humain, rien n’est cloisonné et le vagin n’est pas le seul organe
concerné par les mouvements du pénis, tous les alentours le sont aussi, secoués
et émus par le branle-bas. En effet, les mouvements péniens, en particulier
lorsqu’ils heurtent les culs-de-sac vaginaux et le col, se transmettent à tout le
bassin et même à l’abdomen. Sont ainsi ébranlés le corps de l’utérus, les
trompes, les ovaires, la vessie, le rectum, les intestins et, à un degré moindre, les
viscères abdominaux, le diaphragme voire le cœur lui-même. L’utérus est
soumis à des mouvements d’ascension et de descente, et à des mouvements de
bascule d’avant en arrière et réciproquement ; il se met alors à se contracter de
façon rythmique. Les trompes, elles, tiraillées, présentent également des spasmes
ondulatoires.
L’homme, lui, ne fait que jouer avec une excroissance qui lui est extérieure, il
n’est pas impliqué viscéralement. On conçoit que l’orgasme vaginal prenne des
proportions extraordinaires.
Je souhaite que l’homme soit plus attentif à ce qui se passe dans les profondeurs
de son aimée. Que ses doigts, comme sa verge, sentent bien l’anneau qui se
resserre sur eux à l’entrée du vagin, qu’ils perçoivent bien la montgolfière au
fond et le col utérin.
En vérité, si la femme a quelque difficulté à obtenir l’orgasme par coït, c’est que
son vagin, bien que doté d’une grande éroticité, passe par un long sommeil.
La petite fille y met des petits objets mais ce n’est guère que de la curiosité. La
fille pubère serait tentée d’en faire plus mais comme je vous l’ai déjà dit,
l’inaccessible mystère de l’endroit se renforce : la fente vulvaire recule entre les
cuisses, une pilosité apparaît qui la cache, la découverte de l’hymen et la
survenue des règles la rendent tabou. Aussi le vagin reste à cet âge plutôt
méconnu. L’adolescente et la femme adulte entreprennent des explorations plus
poussées, ne serait-ce que pour placer les tampons menstruels. Certaines d’entre
elles pratiquent la « masturbation » vaginale au doigt ou avec des objets divers,
voire des appareils (godemiché, vibromasseur, etc.), mais elles sont peu
nombreuses à le faire (1,5 % dans l’enquête de Hite en 1976).
Au total, le vagin reçoit peu de contacts et est peu stimulé. On peut dire que de
14 à 18 ans, avant le premier rapport sexuel, le vagin est un organe virtuel, muet,
c'est-à-dire n’émettant pas de sensations. Il ne s’y passe rien, à part les règles et
l’apparition de mouillures à partir de 12 ans.
Plus qu’un bon voisin, moi, le clitoris, je peux être le révélateur du vagin et
l’initiateur de ses orgasmes.
Mon opinion : les nymphes, même intumescentes, sont trop élastiques et trop
froncées pour pouvoir transmettre les mouvements du pénis à ma capuche. Du
reste, si ce mécanisme était réalité, le coït déclencherait un orgasme aussi
facilement et automatiquement que la stimulation manuelle de mon gland, or il
n’en est rien.
Pour obtenir un orgasme clitoridien au cours du coït, le plus sûr est d’y mettre la
main. Ce peut être la main de la femme elle-même qui, soit m’excite
directement, moi son bouton, soit tente de m’exciter en appuyant la base de la
verge (introduite dans le vagin) sur moi. Ce peut être aussi la main de l’homme
qui s’en va me titiller. La position du missionnaire n’est pas ici la plus propice,
car il n’est pas commode de glisser une main, celle de la femme comme celle de
l’homme, entre les deux corps superposés. D’autres positions s’y prêtent mieux :
la position de « fleur de Vénus » (femme allongée sur le dos, homme entre ses
cuisses), celle d’Andromaque et celle de la levrette.
Vous avez remarqué le rôle actif de la femme dans ces situations. Elle ne se
contente pas d’attendre que le plaisir lui tombe de l’homme, elle contribue à sa
recherche en poussant son clitoris vers le pénis ou vers le pubis de son partenaire
(ce qui du reste est un geste instinctif qu’elle ose libérer) ou en tendant la main
vers son propre bouton. S’il le faut, elle guide son homme, ou même lui
demande ce dont elle a envie. Enfin, elle qui habituellement est trop préoccupée
du plaisir de l’autre et donc centrée sur l’homme, décide maintenant de se
concentrer sur elle-même, sur son corps, sur son sexe, sur ses sensations
intérieures. Par exemple, elle sera attentive aux frottements du pénis dans son
vagin, elle imaginera son va-et-vient dans son creux.
Si le vagin est bien la Belle au bois dormant, les femmes ne doivent pas attendre
pour autant qu’un Prince charmant le réveille. Aussi amoureux et intrépide soit-
il, le Prince charmant ne connaît rien à la sexualité féminine. Il ne connaît que sa
propre sexualité : son pénis, voilà quinze ans ou plus qu’il le fourbit ; aussi, son
organe est-il super-éveillé et entraîné. Entraîné à quoi ? À être frotté dans un
mouvement de coulisse par ses mains. Et c’est ce même coulissement qu’il veut
répéter dans le vagin de la Belle, un vagin qui n’a jamais été visité par qui que ce
soit ou quoi que ce soit hormis quelques doigts ou objets. Et vous voudriez, la
Belle, livrer votre intimité non éveillée à un organe plus qu’éveillé : déchaîné ?
Attendre, Madame, pour révéler votre vagin qu’un homme plus ou moins adroit
l’utilise est une erreur. Un, vous vous mettez en position de dépendance. Deux,
vous vous exposez à bien des déconvenues. Trois, vous risquez d’attendre très
longtemps : des mois dans le meilleur des cas (des cas miraculeux), mais plus
sûrement des années. La plupart des femmes n’accèdent à l’orgasme coïtal
qu’après six ans de « pratique » en moyenne (mais ça peut être dix, vingt...) et
une succession de déboires et de partenaires décevants.
Devenez responsable de votre vie sexuelle, pour ne pas soupirer comme cette
femme : « Je ne connaissais rien à la sexualité, j’attendais tout de mon mari.
Résultat : je ne sens rien ! » C’était demander à un ignorant de lui apprendre ce
qu’elle ignorait elle-même.
L’érotisation de votre sexe doit se faire en amont de la création du couple. Et
seule vous-même pouvez effectuer ce travail de découverte, de lecture et
d’apprentissage de votre corps. Une femme ne peut arriver au couple les mains
vides, sinon il faudra au duo des années de tâtonnements, de « rattrapage » pour
chanter à l’unisson. À 30 ans, il y a encore plus de 50 % de femmes qui ne
connaissent pas l’orgasme coïtal. Le plus souvent, la maturité sexuelle de la
femme s’accomplit entre 30 et 40 ans. Vous pouvez accélérer cette maturité.
Nous reviendrons sur la responsabilité de la femme au chapitre 23.
15
Pratique de l’érotisation du vagin
L’érotisation du vagin sera réalisée tantôt par la femme seule, par autocaresse,
tantôt en coopération avec son homme qu’elle guidera.
Au total, il n’est pas excessif de dire que le clitoris est l’éveilleur, le révélateur
de la sensibilité sexuelle de la femme, y compris de celle de son vagin.
Tandis que la femme sollicite son clitoris - par ses doigts ou un objet -, elle
introduit dans son vagin quelque chose - doigts ou objet aussi - qu’elle laissera
immobile ou qu’elle agitera. Le but est d’obtenir un orgasme clitoridien alors
que le vagin est occupé ou mieux, stimulé : ainsi se crée un conditionnement
entre plaisir orgasmique et vagin. C’est tenter de « greffer » l’orgasme sur le
vagin. Pour que prenne cette greffe, je conseille à la femme d’imaginer que c’est
le pénis qui est en elle.
N’hésitez pas à explorer votre intimité : que vos doigts reconnaissent l’entrée,
qu’ils s’enfoncent dans le canal, qu’ils en sentent bien les plis, qu’ils contactent
au fond le col de l’utérus - un petit cylindre de 20 mm de haut - et tout le tour,
les culs-de-sac. Il n’est pas toujours possible pour la femme d’atteindre le fond
de son vagin, même en se tordant le poignet. Qu’elle fasse ce qu’elle peut !
Quel que soit « l’exercice », il doit être précédé de caresses de toute la peau et de
moi-même, afin d’émoustiller le vagin et d’y créer la fameuse faim vaginale.
La femme se fera l’initiatrice de l’homme. Elle lui apprendra comment elle est
faite et comment elle fonctionne, autrement dit, elle lui apprendra sa
morphologie et sa physiologie érotique. Elle est donc amenée à lui confier ses
secrets, ses goûts, ses besoins, ses façons de faire.
Une grande confiance est nécessaire. La femme doit avoir pleine confiance en
l’homme, l’homme doit être attentif, curieux, patient. Une belle complicité
s’établira alors entre eux.
C’est d’abord une véritable « leçon de clitoris » qu’elle lui donnera. Je suis petit,
aussi n’est-il pas facile de me découvrir, et délicat : je ne suis pas simple à
exciter. L’homme, habitué à frotter sans ménagement sa verge, aura tendance à
m’appliquer le même maniement. C’est pourquoi la femme n’hésitera pas à lui
montrer comment on me caresse : le point précis, le mouvement, la pression, la
vitesse. Il lui faut du courage, car c’est avouer qu’elle s’est autocaressée et c’est
se laisser voir jouissante. Mais son audace sera récompensée car l’homme sera
très ému par cette offrande et aussi très excité.
C’est ensuite une véritable « leçon de vagin » que la femme donnera à l’homme.
Elle peut le faire car elle-même s’est découverte et se connaît. Elle invitera
l’homme à explorer doucement et tendrement son intérieur avec un doigt, le
guidant ici aussi de la parole et de la main : « Ce que tu sens à l’entrée, ce
resserrement, cet anneau correspond aux muscles du périnée qui entourent
l’orifice vaginal, doublés des fibres musculaires du vagin qui, à ce niveau, se
contractent et doublés encore par le réseau érectile périvaginal qui, à cet
endroit, est particulièrement gorgé. Tout cela est preuve d’une belle excitation.
Ce que tu sens maintenant, sur la surface du "conduit", ce sont des plis sur
lesquels va cascader la couronne de ton gland, pour notre plus grand bonheur à
tous deux. Sur la face antérieure, à trois centimètres, tu peux percevoir des plis
plus épais, c’est la zone G. Au fond, à six centimètres de l’entrée, le cylindre dur
que tu découvres, c’est le col de l’utérus. Autour du col, à huit centimètres, ce
sillon circulaire, ce sont les culs-de-sac vaginaux. Maintenant, laisse tes doigts
suivre l’axe du vagin de l’entrée jusqu’au fond, tu vois cet axe est oblique
d’avant en arrière, tes doigts arrivent automatiquement dans le cul-de-sac
postérieur ce que fait la verge qui, du coup, tape en plein point A. »
La femme signalera ainsi les points qui lui sont les plus sensibles : l’entrée, le
point G, le col, le cul-de-sac postérieur, etc. Ces leçons, dites-vous, manquent de
sensualité et de poésie ? En réalité, elles s’échelonnent sur un long temps,
chaque découverte est voluptueuse et vous inventerez des mots jolis que vous
chuchoterez et susurrerez sur un ton des plus tendres, des plus confidentiels, des
plus lascifs.
Votre aimée peut rester à flotter dans la meilleure des béatitudes. Mais elle peut
aussi « exploser ». Vous sentiez bien que quelque chose se tendait en elle, que
des forces colossales se rassemblaient au fond d’elle quand soudain elle pousse
un hurlement suivi de plusieurs autres, et si vous n’étiez pas là à la caresser,
vous croiriez à un cri de douleur. « Les femmes, dit la chanson, ça aime si fort
que ça donne des remords. » Remords de ne pas pouvoir les aimer autant
qu’elles le rêvent.
Quelle que soit la figure, les doigts caresseront globalement l’intérieur, ou bien
ils se focaliseront sur un point érogène précis : le point G en avant, le point P en
arrière, le point A au fond, etc. Le plaisir qui en résultera pourra jaillir jusqu’à
l’orgasme. La langue ne peut offrir au vagin que quelques zestes de bonheur :
des « léchouillages » sur son orifice, de très modestes incursions dans le canal.
Délicieux, mais pas de quoi perdre la tête. Encore que de mettre la tête là, ça fait
tourner la tête à tous les deux.
Vous voulez qu’après les doigts on parle des objets ? Oui, ils sont plus efficaces
encore. Vous avez le choix entre ceux que la femme utilise elle-même et les
objets « spécialisés » (voir ci-dessus). Mais vous savez que je préfère le « cousu
main », c’est plus humain.
Comme avant toute caresse vaginale, commencez par vous caresser le corps puis
moi-même, le clitoris. C’est moi qui ouvre l’appétit de votre profondeur, moi qui
la fais bander, moi qui la fais mouiller. « Je me donne d’abord des orgasmes
clitoridiens, dit une femme. Et quand je me sens prête, quand je n’en peux plus
d’aspirer le pénis en moi, je demande à mon homme de joindre son sexe au
mien. Alors, je le sens mieux que jamais. Et je deviens toute tendre. »
Même quand vous serez devenue une reine de l’orgasme vaginal, même quand
vous serez capable, certains soirs de printemps, de faire l’amour à la hussarde, ne
m’oubliez pas. Passez chez moi avant ou après. J’aimerai toujours qu’on
s’occupe de moi. Ce n’est pas parce que le vagin a accédé au zénith que je suis
éteint. Nous appartenons à la même galaxie, celle qui brille dans le ciel des lits.
Et nous aimons nous allumer à tour de rôle.
Deux, la stimulation clitoridienne est exercée par l’homme - par la grâce de ses
doigts ou d’un objet - , la femme, elle, investit elle-même son vagin de la façon
qu’elle veut.
Trois, le clitoris est toujours stimulé par l’homme, qui prend également en
charge le vagin par doigts ou objets interposés.
Quatre, le clitoris est stimulé par un baiser clitoridien offert par l’homme, quant
au vagin c’est l’homme ou la femme qui s’en occupe par le truchement de leurs
doigts ou d’un objet.
Bien entendu, c’est la figure qui associe clitoris et pénis qui est la meilleure
initiation à l’orgasme vaginal.
La position qui assure le plus parfait conditionnement est la position
d’Andromaque. La femme à cheval, jambes écartées, le pénis en elle, l’homme
couché sur le dos ; ici, la femme peut aisément caresser son clitoris et bouger
librement, afin de diriger elle-même ses mouvements, leur amplitude, leur
direction, leur tempo, et leurs suspensions éventuelles. Elle s’applique à bien
sentir la verge, elle vise à la placer aux bons endroits plus ou moins
profondément, plus ou moins antérieurement ou postérieurement pour toucher
toutes les facettes du fourreau.
La position de la levrette : elle permet aussi une caresse aisée du clitoris par la
femme et un peu moins aisée pour l’homme, tandis que le pénis impacte des
« plots » particulièrement érogènes, tels le point G, en avant, et le point A dans
le cul-de-sac postérieur.
La conscience du vagin
Le désir vaginal est ressenti comme une impression de creux, de vide - « un puits
d’amour » - au fond du vagin (impression qui correspond sans doute à la
dilatation en montgolfière des culs-de-sac vaginaux provoquée par l’excitation).
Parallèlement s’installe un besoin d’être pénétrée et comblée. L’appétence
vaginale peut aussi se signaler comme une sensation de gonflement, de tension,
de congestion, de chaleur au niveau de la vulve et du « bas-ventre » (ce qui
correspond à la turgescence des divers corps érectiles). Parfois, des signes plus
ponctuels clignotent : érection du clitoris, palpitations à l’entrée du vagin, prurit
vulvaire, etc. Ces diverses sensations sont agréables, mais si le désir n’est pas
satisfait elles peuvent devenir impérieuses - besoin d’incorporer le pénis, d’en
être pénétrée « jusqu’au cœur » - ou excessivement pénibles - « une torture ».
Bientôt, elle pourra répéter l’orgasme deux, quatre, six fois, etc. - si son
partenaire sait prolonger le coït par le contrôle de son éjaculation. Elle
s’apercevra que, plus elle a d’orgasmes, plus ils sont forts (contrairement à
l’homme). Enfin, la femme complètement éveillée, jouira de son vagin avec la
même aisance et la même rapidité que l’homme de sa verge. Elle accède alors à
la maturité sexuelle. C’est le fruit de sa constance et de sa persévérance.
16
Ces chers orgasmes
Parmi les plaisirs qui réchauffent et égaient le destin des humains, l’orgasme a
une place particulière par son intensité, sa variété et les modifications de la
conscience qu’il produit. Or la femme, privilège étonnant, a au moins deux
sources d’orgasme.
Le plaisir érotique ne fonctionne pas comme les autres plaisirs. Son mode, qui
est unique, associe trois phénomènes particuliers : la culmination, l’explosion et
la répétition.
Accumuler vient du latin cumus qui signifie comble et qui a donné cumulare,
entasser jusqu’aux combles et culminare, atteindre le point le plus haut.
Culminer pour un astre c’est atteindre le point le plus élevé au-dessus de
l’horizon : le zénith ou apogée. En matière d’érotisme, le point culminant c’est
l’orgasme. Pour y parvenir, il faut emmagasiner les excitations sur un temps plus
ou moins long avec beaucoup de persévérance.
L’explosion : c’est l’orgasme, un plaisir majeur qui éclate par suite de l’addition
de plaisirs élémentaires se succédant. Son intensité dépasse la somme des
plaisirs accumulés, sa durée est plus ou moins brève, en tout cas plus brève que
la durée des stimulations et son étendue dépasse largement la zone stimulée,
jusqu’à concerner la région voisine (l’ensemble des organes sexuels, voire le
bassin) ou même la totalité du corps. La conscience elle-même est profondément
impliquée, comme nous le verrons.
Un ou plusieurs orgasmes ?
C’est pourquoi il faut prolonger les caresses d’excitation. « Je veux être caressée
tout mon saoul, dit une femme. J’ai horreur quand l’homme impatient de me
pénétrer et de jouir abrège mes délices. » « J’aimerais, déclare une autre, que
l’homme m’excite longtemps, jusqu’à ce que mon vagin l’appelle et que je crie
de désir. »
Ce qui est aussi significatif c’est, peu avant l’orgasme, une accélération du
rythme respiratoire accompagnée d’un accroissement des manifestations vocales
et gestuelles, et juste avant l’orgasme une suspension de la respiration - une
apnée - de quelques secondes accompagnée de silence et d’immobilité. Dès que
l’orgasme éclate l’apnée cède, un cri fuse et le corps se tend. Et à nouveau les
manifestations vocales et gestuelles reprennent mais cette fois sur un mode
majeur, déchaîné, frénétique. Jusqu’au moment où la détente s’installe : c’est un
relâchement complet du corps, une grande paix du mental et un sentiment de
satisfaction. Ce sentiment est également caractéristique de l’orgasme.
Les touches du plaisir
Le corps de la femme est constellé de points et de zones conçus pour lui procurer
d’innombrables plaisirs. C’est un immense clavier érogène qui, à l’instar d’un
orgue, comporte plusieurs consoles superposées - ici au nombre de trois - qui
correspondent aux trois « cercles » décrits dans Le Traité des caresses. La
console du bas (mais qui n’est en rien inférieure) est pourvue d’une érogénéité
basique ; elle correspond à toute la surface de la peau, des pieds à la tête. La
console du milieu, d’« érogénéité » plus aiguë, correspond aux seins et à la vulve
- sa face externe et ses alentours (le mont de Vénus, la face interne des cuisses,
le périnée, la région anale). La console supérieure porte les zones érogènes
princeps : la face interne de la vulve, le clitoris et ses trois touches (le gland, la
tige, les racines), le vagin et ses six touches (l’entrée, le point G, le col, les culs-
de-sac et leur point A, le point P).
Nonobstant leurs qualités, les orgasmes diffèrent aussi par leur intensité. On
pourrait les évaluer sur une échelle de un à dix. Au niveau un, l’orgasme est
doux, il apporte ce qu’apporte la sensation de la présence du pénis aimé dans le
vagin, quelque chose d’agréable en soi et qui est signe de communion entre les
amants. Au niveau dix, c’est le séisme et l’extase. Si on ne l’obtient pas à chaque
fois, c’est bien ainsi, car on ne peut chanter un « magnificat » tous les jours. Et si
on ne l’a pas encore connu, on le connaîtra un jour, surtout si on a lu ce traité.
Entre ces deux chiffres, tout orgasme est bon à accueillir. À noter ici encore que
l’intensité du plaisir et de l’orgasme - en particulier en ce qui concerne le coït -
est liée aux préliminaires (caresses sur l’ensemble du corps et sur le clitoris), aux
bonnes relations entre les partenaires et au climat émotionnel (l’amour donne
toujours plus d’intensité). Mais ce serait une erreur de quantifier le plaisir ; il se
présente avec toutes sortes de qualités, ce sont elles qui lui donnent sa vraie
valeur aux yeux de la femme. Bref, ce n’est pas le nombre de touches mises en
jeu qui compte, c’est leur tonalité et l’inspiration du musicien.
Aux touches du clavier correspondent des cordes. Ici, les cordes sont les
faisceaux musculaires qui, dans les organes sexuels, dans le bassin et dans tout le
corps, vibrent à l’unisson du plaisir, c'est-à-dire se contractent et se relâchent en
réponse aux stimulations des touches.
Les plus remarquables de ces faisceaux musculaires vibrants sont situés dans les
muscles du périnée. Le périnée est le fond du bassin, cette vasque bien nommée
qui contient outre le vagin et l’utérus, la vessie et le rectum. Ce fond est
constitué pour l’essentiel d’un hamac de muscles, qui vont de l’os pubien en
avant au coccyx en arrière, d’où leur nom général de muscles pubo-coccygiens.
Ce hamac est percé de trois orifices, un pour l’urètre, un pour le vagin et un pour
l’anus. Autour de l’orifice vaginal un muscle forme un anneau, c’est le muscle
« papillon », de son vrai nom « muscle releveur de l’anus » : c’est lui qui va
spécialement vibrer au cours de l’orgasme, pour le plus grand bonheur du pénis
qui a passé cet anneau à son cou.
En 1940, Arnold Kegel qui travaillait sur l’incontinence d’urines, avait constaté
que les femmes dont le périnée était flasque avaient une capacité orgasmique
moindre, mais que si elles augmentaient la tonicité de leurs muscles périnéaux
par des exercices, elles accroissaient leurs possibilités de jouissance. Dans les
années 1970, Masters et sa femme Johnson ont scientifiquement étudié le rôle
des muscles du périnée au cours de l’orgasme et ils ont découvert qu’ils se
contractaient alors de façon rythmique. Plus précisément, ils sont animés d’une
série de trois à douze contractions séparées par un intervalle de 0,8 seconde. Au
total le train d’ondes dure cinq à dix secondes.
Finalement, tous les muscles du corps entrent dans le concert. Chez les femmes
spécialement réactives les contractions musculaires provoquent des
manifestations plus ou moins impressionnantes : raidissement soudain de tout le
corps, arc-boutement, soulèvement du bassin, soubresauts, mouvements
convulsifs. Les bras et les mains ne sont pas en reste : les premiers étreignent
puissamment l’aimé, tandis que les secondes empoignent hardiment son dos ou
ses fesses et les griffent. Quant à la respiration, nous savons qu’elle participe
activement à l’orgasme : rapide avant, suspendue en début, haletante ensuite.
Les femmes, dans leur vécu et dans leur description, font bien la différence entre
orgasme clitoridien et orgasme vaginal. Les termes clitoridien et vaginal
qualifient ce que ressent la femme et indiquent aussi le point de départ. Mais ils
ne prétendent pas désigner des processus biologiques qui seraient radicalement
différents.
Le concerto clitoridien
Plus superficiel, c'est-à-dire plus en surface. Plus ponctuel, elles disent aussi :
« localisé », « précis », « concentré », « dense », il ne concerne que moi le
clitoris et la vulve. Mais, il peut aussi irradier dans le vagin, le périnée, l’anus, le
bassin même. Elles le ressentent comme une onde de chaleur ou une onde de
pulsations voluptueuses ou une onde de spasmes. Cette irradiation dans le vagin
confirme le phénomène d’érotisation du vagin par moi-même. « À l’entrée,
disent-elles, c’est une impression de chaleur, de feu. Tout le long du conduit,
c’est une impression de vagues de spasmes ou de salves de palpitations qui,
l’une et l’autre, gagnent l’utérus. Au fond, c’est une sensation de dilatation, de
ballon qui se gonfle. » (C’est la « montgolfière » des culs-de-sac vaginaux.)
Toutes ces sensations peuvent être violentes. Enfin, survient un besoin d’être
pénétrée. Il n’est pas rare que l’irradiation atteigne l’intérieur des cuisses d’où
elle fuse dans les jambes. Et pas rare qu’elle diffuse dans l’ensemble du corps où
elle est ressentie comme un tremblement, plus ou moins fort, qui le parcourt des
pieds à la tête ou bien comme une lame de fond de spasmes qui le submerge.
C’est alors qu’un bien-être s’installe.
Plus intense, voire violent, ce qui ne me surprend pas : ne suis-je pas bourré de
récepteurs sensitifs de toutes sortes, y compris de capteurs de volupté ? En plus,
je suis « prêt à l’emploi » dès la naissance et « entraîné » depuis l’enfance, c'est-
à-dire depuis de longues années. Toutefois, bien que mon orgasme soit plus fort,
les femmes préfèrent l’orgasme vaginal (quand elles l’obtiennent). Je n’en suis
pas jaloux puisque je contribue à son éveil et à son éclosion. Et puis, je
comprends les raisons de leur préférence : les femmes sont des êtres de relation
et l’orgasme par coït est la plus étroite des relations.
La symphonie vaginale
Plus total : il irradie dans tout le corps. C’est dans le même élan que les
sensations apparues dans le vagin envahissent l’organisme tout entier : les
sensations de contractions voluptueuses passent du vagin à l’utérus, puis
montent dans le ventre, le dos, la tête d’une part et gagnent les jambes d’autre
part. « C’est une crampe musculaire très agréable qui se déplace par vagues de
mon ventre à ma tête. » « C’est une onde de spasmes voluptueux qui part de mon
sexe, monte dans mon ventre et éclate dans ma tête. » Autre sensation décrite :
une impression de chaleur qui passe du sexe au bassin, puis à tout l’intérieur du
corps. « C’est une incandescence qui monte de mon bas-ventre, embrase mon
corps et enflamme ma tête. » « C’est une chaleur interne qui brûle mon ventre,
ma poitrine, mon visage. » Des femmes parlent de sensations lumineuses,
colorées ou non. « C’est un flux d’étincelles qui explose dans ma tête comme un
feu d’artifice. » « C’est un plaisir aveuglant fait d’étoiles de toutes les
couleurs. » D’autres femmes parlent de tremblement de terre, de manèges qui
tournent.
Plus doux, en ce sens qu’il est moins « aigu », moins dense, moins intense. Mais,
il peut être aussi violent, « surtout, disent-elles, si on a excité longtemps le
clitoris auparavant ; alors, l’orgasme peut être démentiel. » « Le top, dit une
autre, c’est le clitoris d’abord et longtemps puis, quand je me sens bien mouillée
et gonflée, la pénétration. C’est l’apothéose. »
Plus haut en qualité. C’est la qualité du plaisir qui distingue l’orgasme vaginal :
il est plus « plein », plus complet (« tout mon corps est rempli de plaisir, ma tête
déborde de joie, il ne manque plus rien »), plus satisfaisant (« le besoin
impérieux de mon vagin d’être comblé est satisfait »), plus agréable (« il est
divin », « il est enveloppant »), plus riche en sensations multiples (« c’est une
grêle de sensations qui s’abat sur moi »), plus apaisant (« Je sens mes nerfs se
relâcher complètement et tout mon être s’engourdir »).
Il est des orgasmes qui, sans être explosifs, sont appréciables : il en est ainsi de
ces orgasmes subtils, tout juste perceptibles, qui sont de doux passages dans le
plaisir. Dans l’érotique tantrique qui est l’art érotique porté à la perfection, le
plaisir ne se manifeste pas de façon séismique, comme je l’ai déjà fait
remarquer : c’est un bonheur intense mais intériorisé, profond, prolongé très
longtemps.
D’accepter la douceur de vos orgasmes vous permettra d’en profiter mieux. De
toute façon, c’est une étape ; en progressant en âge, en multipliant les
apprentissages, votre capacité érotique se développera de plus en plus.
18
À quoi sert l’orgasme ?
L’orgasme a bien des vertus, il peut même conduire à l’extase. Mais avant d’y
parvenir, nombreux sont les obstacles à franchir.
C’est bien souvent la peur qui est à l’origine des difficultés d’envol. L’hideuse
peur aux cinq visages : la peur du péché, conséquence de la répression religieuse
dont les tabous survivent encore chez les femmes victimes d’une éducation
archaïque. La peur de perdre le contrôle de soi, de s’abandonner à un état
inconnu, sans savoir comment on en reviendra ; peur liée souvent à
l’impossibilité de se relaxer, de se laisser aller. La peur d’être blessée à
l’intérieur par la pénétration du pénis, peur qui est fantasmique ou liée à un
souvenir de violences sexuelles. La peur de s’affirmer par manque d’estime de
soi et autres complexes d’infériorité qui vous fait croire que vous n’êtes pas
digne d’atteindre l’orgasme. Ou, par manque de connaissance de vous-même, du
fonctionnement de votre corps qui empêche les gestes et les attitudes propices.
La peur de demander à votre partenaire ce que vous aimez et ce qui vous donne
du plaisir ; peur elle-même inspirée par la pudeur ou par la crainte de passer pour
une gourgandine ou au contraire pour une incapable ou enfin par la crainte de
vexer l’homme.
Pour vous libérer de vos peurs, il vous faut faire un travail sur vous-même, seule
ou plus sûrement avec l’aide d’un psychothérapeute. Alors, vous oserez vous
affirmer, demander ce que vous voulez. Ce plaisir est légitime et à votre portée,
mais il faut vous y préparer activement comme je ne cesse de vous le répéter.
Aidez-vous, la vie vous comblera.
La malchance peut aussi barrer les chemins de la cime érotique. C’est le cas de
femmes alliées à un homme incapable de sentir, d’écouter, de comprendre la
féminité, ignorant la tendresse et de surcroît malhabile. Car même si la femme
doit être active, l’homme a toujours sa partition à jouer. Faites-vous, Madame, la
préceptrice de cet homme-là, tentez de le convaincre, de le convertir. Rares sont
les cas désespérés.
Enfin, la haine peut bloquer l’envol suprême. C’est le cas de certaines féministes
excessives qui considèrent déjà que le coït est un acte de soumission, alors s’il
faut en plus s’abandonner à en perdre la tête ça deviendrait de l’humiliation. Il
fallait bien, Madame, vous révolter, mais le temps de la réconciliation n’est-il
pas venu ? Vous voyez bien que les hommes sont en train de changer.
L’obligation d’orgasme
Cette obligation est maintenant inscrite dans les mentalités et peut constituer un
obstacle à l’expression spontanée du plaisir de la femme.
Au célèbre aphorisme du XIXe siècle, « Une femme honnête n’a pas de plaisir »,
a succédé une heureuse déclaration : « La femme a droit au plaisir », très vite
remplacée par un nouveau commandement : « Toute femme normale, toute vraie
femme doit avoir des orgasmes », sous-entendu à tous les coups, rapidement et à
répétition (mais pas trop quand même, ajoutent en eux-mêmes les hommes
qu’habite la mâle-peur).
C’est une obligation que la femme se donne d’abord pour elle-même, pour son
propre épanouissement sexuel. Mais aussi pour être une femme normale, une
vraie femme à ses propres yeux et vis-à-vis des autres, en particulier vis-à-vis de
son partenaire. L’absence d’orgasme l’enfermerait dans la catégorie des frigides,
situation dévalorisante et qui comporte le risque d’être abandonnée par l’homme.
C’est aussi une obligation imposée par l’homme. Dans sa volonté de faire jouir
sa partenaire, il y a certes une intention généreuse, mais il y a aussi des
motivations égoïstes : l’homme veut l’orgasme de la femme comme
confirmation de sa virilité et de son talent érotique. Il est un « vrai » homme s’il
a une « vraie » femme. La « frigidité » de sa partenaire remettrait en cause ses
capacités viriles et son savoir-faire. Précisons que, pour l’homme, est « frigide »
la femme qui ne jouit pas par la grâce du pénis au cours du coït, même si elle
obtient des orgasmes par autocaresses ou caresses du partenaire. Lui-même ne se
sent viril que si c’est son pénis qui déclenche l’acmé, mais pas si ce sont ses
doigts. Seul l’orgasme féminin par coït le valorise et promeut la femme.
Cela étant dit, il est vrai que l’homme doit tout faire pour permettre à sa
partenaire d’éprouver un optimum de plaisir, jusqu’à atteindre l’orgasme quand
elle le souhaite. Mais il doit agir pour elle, par générosité et pas pour lui, par
vanité. Il ne doit pas exiger. Tout faire, c’est pratiquer dans l’excellence les
caresses, les gestes et les mouvements susceptibles de procurer du plaisir à son
aimée, en étant très attentif à son ressenti.
Quant à la femme, elle doit de son côté tout faire pour connaître l’ivresse
suprême. Tout faire c’est, en amont, apprendre son corps et le préparer et, sur le
moment, participer activement à l’union, comme je l’ai assez dit.
En tout cas la femme ne doit jamais simuler, même si elle a peur de passer pour
une femme tiède, ou peur de vexer l’homme ou peur d’être quittée. En simulant
vous cédez au terrorisme de l’orgasme et vous entrez dans une manipulation qui
rendra infernale votre vie sexuelle. Et surtout vous perdez toute chance de vous
améliorer et donc d’accéder un jour au plaisir extrême. Car le plaisir est le fruit
d’un apprentissage conscient, progressif et réciproque, d’un ajustement subtil et
d’un patient éveil, où chacun dit ce qu’il aime et comment faire pour le combler.
Prenez confiance en vous, en la vie. Rappelez-vous qu’avec l’âge, l’expérience
aidant, les chances d’envol augmentent, toutes les enquêtes le montrent.
Expliquez tout cela à votre homme. S’il n’est pas apte à l’entendre, la question
se pose de savoir s’il vaut la peine.
Messieurs, moi qui suis le témoin privilégié - ô combien - de vos exigences qui
n’ont souvent d’égales que vos maladresses, je vous en supplie, cessez vos
pressions plus ou moins implicites. Caressez vos femmes « par plaisir » et « pour
le plaisir », non pour l’orgasme : il viendra de surcroît. Par contre, soyez certains
que si vous maintenez votre pression, vous aurez entre vos bras une femme
malheureuse ou pire une simulatrice, c'est-à-dire personne.
À votre décharge, je dois dire qu’il n’est pas facile à l’homme de comprendre et
de satisfaire la sexualité féminine par ailleurs si différente, si riche, si complexe
et tellement reliée à ce que la femme a dans le cœur, dans la tête, dans l’âme.
C’est un trésor aussi fabuleux que mystérieux dont la clef n’est pas donnée. Ce
n’est pas une raison pour utiliser de fausses clefs. La simulation est une fausse
clef, l’utilisation d’appareils tant par la femme elle-même que par l’homme, en
est une aussi. L’existence de ces outils est le témoignage de la richesse et du
mystère de la sexualité féminine et l’aveu de la difficulté de l’homme de
contribuer à son épanouissement.
Je vous avais déjà décrit les bienfaits du plaisir pour votre équilibre psychique et
parlé de son rôle « existentiel » permettant de supporter la dure condition
humaine. L’orgasme qui est un plaisir majeur vous offre les mêmes bienfaits
majorés. Mieux : il possède de réelles vertus thérapeutiques.
L’orgasme possède un effet anxiolytique, autrement dit tranquillisant : il apaise
l’anxiété et soulage l’angoisse. Il a aussi un effet thymoanaleptique, c'est-à-dire
anti-dépression : il chasse le cafard et donne bonne humeur. Il constitue aussi
une réparation - fût-elle provisoire - des blessures d’amour. Vous, les humains,
votre vie est jalonnée de séparations et donc de déchirures : arrachement du
ventre de votre mère à la naissance, arrachement de ses bras au sevrage, ruptures
affectives diverses, etc. Cette réparation se fait, entre autres, par un phénomène
psychique : l’abréaction.
L’abréaction est une réaction de votre psychisme déclenchée par une forte
émotion et qui vous sort des traces inscrites en vous d’un traumatisme ancien,
voire de plusieurs traumas répétés, remontant le plus souvent à l’enfance. La
virulence de la blessure mémorisée s’évacue dans le paroxysme émotionnel :
mots, cris, pleurs, rires, halètements respiratoires, etc. « L’orgasme, écrit
Frédérique Gruyer1, permet la liquidation partielle, l’usure progressive de la
puissance anxiogène des traumatismes. » Ce que confirme une femme : « La
première fois que j’ai eu une série d’orgasmes, des émotions intenses et même
violentes sont remontées du plus profond de moi, d’une profondeur que je ne
soupçonnais même pas. C’était une alternance de joies extrêmes et de chagrins
abyssaux. Je n’ai pu retenir mes cris et mes larmes. Je criais "je t’aime", mais
au-delà de mon aimé je savais que je le criais à plein de gens et sans doute à
moi-même. J’avais en moi plein d’amour et plein de colère ».
Voilà qui justifierait déjà le plaisir érotique. Hélas, trop longtemps les religions
patriarcales ont dénié à l’acte sexuel tout autre but que la procréation. Le plaisir
y était proscrit, puisque inutile à la procréation. Inutile en tout cas pour les
femmes qui peuvent procréer sans jouir ; inévitable, hélas, pour l’homme qui
doit déposer sa semence. Privés des vertus du plaisir, il ne restait aux pauvres
humains qu’à s’offrir aux affres de cette vie en espérant trouver dans l’au-delà
les extases qu’ils n’avaient pas connues sur terre. Pour les religieux, la femme
est la plus grande concurrente de Dieu, puisqu’elle offre aux humains le paradis
ici bas.
Vers l’extase
C’est ce sentiment d’être relié profondément à l’autre, aux autres, à tous les
vivants et à tout l’univers. C’est l’extension de l’être au-delà de lui-même. C’est
aussi la fin de l’insoutenable solitude de l’humain. « Je cesse de me sentir seule.
Non seulement je suis avec mon ami, mais j’ai l’impression d’être partout, d’être
tout. Je me sens le pommier en fleurs, le chant du loriot, le ciel étoilé. C’est
fou. »
C’est enfin un retour à l’océan, l’océan primitif où la vie est née, l’océan
paradisiaque du ventre maternel où tout n’était que flottaison et béatitude et
l’océan retrouvé des bras maternels qui reconstituaient les bonheurs d’antan. « Je
flotte entre deux eaux. Tout est mouvant et silencieux. De longues algues me
caressent la peau, tout est suspendu. »
L’amour en plus
L’amour multiplicateur
Alors, l’amour rend au centuple ce que l’on fait en son nom. Le plaisir est accru :
l’érotisme a tout à gagner de l’amour, de la tendresse, de la considération. D’une
part, celui qui aime va raffiner son art érotique : il aura plus de patience, il sera
plus à l’écoute, il sera dans l’excellence, il fera passer l’autre avant son propre
assouvissement. D’autre part, l’amour a un effet magique : le désir et le plaisir
sont multipliés quand les êtres se portent un respect réciproque, quand la
générosité les anime, quand leurs émotions les font vibrer. L’orgasme survient
plus facilement, son intensité est plus forte et il se mue plus aisément en extase.
Du reste, s’il ne se produit pas, l’euphorie d’être ensemble et si proches vaut
bien tous les orgasmes. À l’extrême, la jouissance pourrait ne plus passer
forcément par le rapport sexuel.
La jalousie que manifestait mon interlocuteur est une des raisons de mes
malheurs. Voilà quinze mille ans - c’était les débuts du patriarcat - que les
hommes me font la guerre, m’accusant de tous les maux et m’infligeant les pires
supplices. Tous ne me coupaient pas mais tous m’assassinaient.
Il était une fois un pays qui avait nom la Terre, où vivait une espèce bizarre qui
ne portait pas de poils et dont la progéniture naissait plus nue que des vers et
incapable de se mouvoir, ne serait-ce que pour approcher leur mère et accéder à
ses mamelles (qui déjà auraient pu s’appeler des seins). Rien dans le cerveau de
ce nouveau-né n’était opérationnel : ses centres de locomotion, ceux de
l’équilibre, ceux de la vision, ceux de la thermorégulation, etc. Bref, son cerveau
était immature. Il faut savoir que dans cette espèce en devenir d’humanité,
l’intelligence croissante n’avait cessé d’augmenter le volume du cerveau qui,
parti de 370 cm3, allait atteindre plus tard 1 500 cm3 (c’est nous !). Mais arrivé à
700 cm3 un problème s’était posé : la tête du petit ne passait plus à travers le
bassin de la mère dont le diamètre était inférieur.
Une seule solution : que le petit soit expulsé à ce stade, c'est-à-dire immature.
Hélas, dans cet état, le fœtus n’avait pas plus de chance de vivre qu’une larve
jetée sur le sable du désert : il était le plus démuni des vivants. Pourtant, il allait
survivre et devenir le roi du monde grâce à une femme : sa mère, qui allait
achever, dans ses bras, la création qu’elle avait commencée dans son ventre. Elle
allait porter le bébé, le réchauffer, le protéger et surtout le nourrir de sa propre
chair.
En plus des pouvoirs que lui conférait la maternité, un autre pouvoir allait rendre
la femme plus magique encore : son pouvoir érotique. Elle est capable de faire
naître chez l’homme une force - le désir - qui le pousse irrésistiblement vers elle.
Arrivé entre ses bras, il connaît le plaisir le plus extraordinaire qu’il puisse
éprouver. Dès lors, il ne pense plus qu’à retourner près d’elle pour retrouver la
même ivresse. Ainsi il s’attache, devient dépendant d’elle et perd la maîtrise de
son destin. La femme elle-même manifeste un désir et un plaisir qui paraissent
encore plus violents que ceux de l’homme. Son déchaînement est
impressionnant, fascinant et... inquiétant. La femme ensorcelante, sûrement.
Sorcière ?
Pouvoir de donner la vie, pouvoir d’enivrer l’homme, la femme est décidément
un être extraordinaire. Aussi l’être surnaturel qui a créé le monde et les humains
ne peut être qu’une femme : c’est la Déesse Mère.
Maître de la femme, l’homme fut-il pour autant plus heureux ? Non point, il
vécut dans une peur obsessionnelle que la femme ne lui dispute l’autorité, les
énormes privilèges et les droits léonins qu’il s’était accordés. Et si la femme,
comme tout esclave, se révoltait ? Ne détient-elle pas toujours les pouvoirs
magiques qui d’antan l’avaient faite reine : la maternité et la sexualité ? La
puissance sexuelle de la femme était bien ce qui menaçait le plus l’organisation
patriarcale.
Que pouvait bien redouter l’homme de la richesse érotique féminine qui pourtant
l’avait subjugué ? Il avait peur d’être épuisé et attendri et de ne pouvoir remplir
ses rôles sociaux (de chef, de chasseur, de guerrier), il craignait d’être attaché et
aliéné et de n’être plus le maître de son destin, enfin il s’inquiétait des désordres
publics liés aux passions sexuelles que provoquerait la femme : désir, jalousie,
rivalité entraînant des conflits entre les individus, voire entre les tribus, et des
ruptures de mariage. Il inventa alors un arsenal aussi multiple que cruel pour
réprimer la sexualité féminine : faire du plaisir sexuel quelque chose de honteux
voire un « péché », culpabiliser la femme en la chargeant d’une faute originelle
de nature sexuelle, la séquestrer dans des lieux clos, l’enfermer dans le mariage
avec obligation de fidélité (sous peine de mort) et summum du passage à l’acte,
la mutiler : s’en prendre à ses organes sexuels et plus spécialement à moi, le
clitoris, jusqu’à me couper.
Les mâles chrétiens, théologiens en tête, reprendront à leur compte ces peurs et
cette répression. Leur lutte contre la sexualité féminine, qui va devenir
obsessionnelle, prendra l’allure d’une guerre psychologique à base d’interdits, de
culpabilisation, de contrôle par la confession et de punition par les pénitences.
On ne se rend plus compte à quel point la pression fut forte sur nos aïeux. À titre
d’exemple, je vous citerai un extrait d’un manuel de confession du XIXe siècle.
« Moechialogie (moeschia = luxure) du père P. Debreyne, trappiste. De la
masturbation considérée dans le sexe féminin. Nous distinguons dans les femmes
trois espèces ou plutôt trois formes de masturbation : 1) la masturbation du
clitoris ; 2) la masturbation vaginale ; 3) la masturbation utérine.
1) La première forme ou le clitorisme, comme on dit, est le mode ordinaire.
Cette masturbation se fait surtout à l’aide du petit organe qui s’appelle le
clitoris, et qui, selon les médecins, est le siège ou le principal organe de la
jouissance vénérienne ou de la volupté charnelle. Il est situé à la partie
supérieure et au milieu de la vulve, c'est-à-dire du pudendum. Ce petit organe,
par suite d’un éréthisme fréquent et presque continuel venant de l’écoulement ou
d’une disposition native, peut croître en de telles proportions, qu’il simule
quelquefois le membre viril. C’est de là qu’aux temps d’ignorance est née la
fausse croyance aux hermaphrodites. C’est ainsi que des femmes perdues et de
mœurs corrompues s’efforcent d’usurper quelquefois ou plutôt d’imiter le rôle
exclusivement réservé à l’homme...
3) La troisième et dernière espèce ou l’utérine, beaucoup plus rare que les autres,
mais très grave, très nuisible à la santé, est surtout désordonnée et par
conséquent la plus coupable et peccamineuse, en raison du degré de malice des
circonstances plus ou moins aggravantes. Voici comment elle procède : un
chatouillement ou irritation prolongée est produit au col de l’utérus (c'est-à-dire
à la partie inférieure de la matrice qui se trouve à l’extrémité supérieure du
vagin) à l’aide des doigts ou de certains autres instruments. [...]
Cependant cette pression psychologique ne suffira pas aux mâles religieux, ils
vont aussi s’attaquer directement au corps et à la vie des femmes. Pendant sept
siècles l’Inquisition va poursuivre des millions de femmes sous l’accusation de
sorcellerie (en réalité leur seul crime était d’être femmes) ; elle les soumettra à la
« question », des tortures raffinées dont les seins et les organes sexuels - en
particulier, moi, le clitoris - seront les cibles. Beaucoup de ces malheureuses, des
centaines de milliers, seront brûlées sur les bûchers. Ainsi, l’Église a voulu non
seulement attenter au sexe de la femme, mais prenant le tout pour la partie, a
tenté de détruire la gent féminine, réalisant ainsi une véritable tentative de
« sexocide ».
Le clitoris assassiné
Tous les médecins d’Europe, en ce XIXe siècle, les plus hautes autorités
médicales en tête, conseillent et pratiquent la clitoridectomie par bistouri ou
ciseaux ou galvanocautère. Je citerai quelques-uns de ces furieux. En 1825, le
docteur Rozier, par exemple, décrit les complications de la masturbation : « Les
femmes livrées à des habitudes pernicieuses présentent [...] des symptômes de
consomption dorsale [...] leur corps maigrit et se consume [...]. Il survient des
maladies du cerveau et des nerfs, de la stupidité et de l’imbécillité [...]. Celles
qui sont jeunes prennent l’air et les infirmités de la vieillesse, leurs yeux se
cavent, leur corps se courbe, leurs jambes ne peuvent plus les porter. Elles ont
un dégoût général... Plusieurs tombent paralysées. »
En 1827, le docteur Pavet de Courteille, médecin du collège royal Saint-Louis,
propose pour les pensionnaires « des chemises qui descendraient au-dessous des
pieds... munies d’une coulisse que l’on devrait serrer ». Pour les latrines, il
conseille de couper le haut et le bas des portes afin de surveiller les élèves. De
toute façon, tout élève surprise à se masturber est immédiatement exclue.
En 1868, le docteur Bergeret, dans un ouvrage réimprimé huit fois, montre que
le cancer de l’utérus et les maladies de cœur sont le lot de celles qu’attaquent
« les spasmes cyniques »1. En 1894, le docteur Pouillet répand, dans un manuel,
la technique de cautérisation de la vulve au nitrate d’argent. Il s’agit de passer le
produit sur toute la surface de la vulve, il s’ensuit que toute tentative
d’attouchement provoque des douleurs cuisantes qui rendent impossible la
« manuellisation ». Ce docteur est par ailleurs partisan de la camisole de force ;
il est aussi l’inventeur d’une ceinture contentive « qui boucherait
hermétiquement l’orifice vulvaire » ce qui « rendrait un signalé service aux
masturbatrices » (sic).
L’apparition des idées de Freud, libérant les tabous sexuels, mit un terme à
l’acharnement des médecins contre la masturbation. Toutefois, on vendra encore
des « bandages médicaux contre l’onanisme » jusqu’en 1914. Et en 1927, un
médecin conseille des gants anti-masturbation à faire porter aux enfants la nuit :
« chaste est la main gantée », écrit-il. Tous ces siècles de campagne anti-
onanisme empoisonneront la vie sexuelle des humaines jusqu’à nos jours.
Au XXe siècle, l’Église continue, seule, son combat. En 1967, un abbé connu
écrit : « La masturbation est un dangereux raté de la maturation sexuelle contre
lequel il faut lutter sans découragement, en faisant appel à toutes les ressources
du psychobiologique, comme du spirituel. »
Dans le chapitre précédent, j’ai exposé à travers les siècles les pratiques
mutilatrices de l’Occident. Reste à voir celles qui ont cours en Afrique et au
Moyen-Orient.
Cent trente millions de femmes sont excisées. Deux millions de fillettes sont
mutilées chaque année. Parmi les vingt-huit pays qui pratiquent cette abominable
mutilation quelques pays d’Extrême-Orient et du Proche-Orient et de nombreux
pays d’Afrique. Dans les pays de religion musulmane, l’excision suit une
tradition préexistante. Le Coran ne parle ni de l’excision ni, du reste, de la
circoncision. Mais dans les Hadiths - les faits et gestes du Prophète - Mahomet
demande charitablement qu’on n’ampute plus la totalité du clitoris mais une
partie seulement. En Égypte, par exemple, l’excision remontait à l’Antiquité ; les
Égyptiennes devaient sacrifier leur clitoris si elles voulaient accéder aux
fonctions publiques (prêtresses, a fortiori reines). Moïse ramènera d’Égypte la
circoncision mais, heureusement, pas l’excision.
À vrai dire, l’excision n’a guère de fondement religieux, c’est plus une pratique
traditionnelle. Quelles sont les bases de cette tradition ? Officiellement, le but est
de rendre la femme plus femme, de lui donner une apparence plus féminine : le
clitoris qui est comme un petit pénis et les grandes lèvres qui sont comme des
bourses, enlaidissent la femme. La femme doit être lisse, sans rien de
surnuméraire - appendice ou renflement. Question d’esthétique. Il faut entendre :
la femme doit n’être qu’un trou.
La fille non encore excisée se compare avec les excisées : « Oui, c’est pas beau
comme je suis, c’est sale. Vivement que je sois excisée. » Cependant, elle a
entendu les grandes filles parler à mots couverts des douleurs de l’opération et
pose des questions à sa mère : « Tu vas avoir un petit bobo, répond celle-ci, mais
on fera une grande fête et tu auras des cadeaux et des bonbons. De toute façon,
tu dois obéir à Maman. »
À 8 ans, le grand jour arrive. La fillette est solidement maintenue : une femme
tient sa tête, une un de ses bras, une autre son autre bras, une son corps, une ou
deux une cuisse, une ou deux l’autre cuisse - ces dernières écartant les cuisses au
maximum -, enfin, placée entre les jambes, une dernière femme écarte les
grandes lèvres. Alors l’exciseuse, une vieille femme aux yeux trop fatigués pour
me repérer moi, le petit bouton, armée d’une pince et d’un couteau, tranche dans
le vif. Les tissus les plus sensibles de la femme (là où passent des milliers de
nerfs, là où sont des milliers de capteurs, là où sont les éponges de sang) sont
martyrisés. La douleur est atroce et son souvenir hantera toute la vie de la
femme.
Malheur à celle qui refuse l’initiation, elle est rejetée de la société, regardée de
travers, culpabilisée de ne s’être pas conformée à la tradition. Elle est comme ces
femmes blanches dont le sexe est si sale.
Si ce sont les femmes qui conduisent l’excision (les mères, les femmes du
village, l’exciseuse) en réalité, elles ne font que transmettre une tradition
patriarcale : les femmes ne font qu’obéir à leur mari auquel elles sont
complètement soumises. L’enfant appartient à la famille paternelle, c’est elle qui
prend la décision, la mère ne peut s’y opposer.
Toutefois, des femmes courageuses ont parfois tenté de se révolter. Ce fut le cas
en Tanzanie en 1906 où eut lieu un soulèvement de femmes, des dizaines d’entre
elles furent emprisonnées puis exécutées. On n’admet pas qu’une femme renie la
tradition, on accuse les rebelles d’être manipulées par les colonisateurs
européens. Actuellement, de nombreuses associations, liées à des ONG,
soutiennent les femmes qui refusent l’excision1.
De multiples complications
Vous qui avez subi une excision, je vous dirai bientôt comment épanouir quand
même votre bonheur sexuel.
À partir de ces préjugés qu’ils ont adoptés, parents et éducateurs exercent une
sévère répression. Pour ce qui concerne la fille, c’est la mère qui s’en charge. Le
jour où elle découvre sa fille se masturbant, c’est un choc pour elle ; parfois elle
se tient, d’autres fois elle se met en colère. « Ma mère m’a surprise, elle s’est
mise à crier, elle m’a donné deux gifles. Elle m’a dit qu’elle avait honte d’avoir
une fille qui faisait ça, que c’était un vice à soigner et elle m’a emmenée chez
son vieux médecin. Lui, il ne m’a pas attrapée mais il a dit que je ne pourrais
pas avoir d’enfant si je continuais, que j’allais devenir idiote. J’ai arrêté
aussitôt de me caresser. Je me dégoûtais, je me sentais bizarre, anormale.
Comme j’avais encore des envies, je ne me supportais plus, je me sentais
coupable, j’angoissais. Beaucoup plus tard, j’ai essayé de me caresser mais je
n’éprouvais plus de plaisir », raconte une femme d’un certain âge.
Quelles soient violentes ou posées les attitudes relèvent des mêmes registres. La
dévalorisation : « se toucher c’est honteux, c’est sale, c’est dégradant ». La
culpabilisation : « ce sont de vilaines manières, des manières de vicieuses ». La
menace : « tu vas tomber malade, ton clitoris va grandir, on ne saura plus si tu
es une fille ou un garçon, tu ne pourras pas te marier, tu ne pourras pas avoir
d’enfant ». La punition : « tu seras privée de télévision, de cinéma, de
sortie, etc. » ou « tiens voilà une gifle ! ». L’inquisition : écouter aux portes,
inspecter le linge, renifler les doigts, etc.
Les explications officielles qu’avancent les exciseurs pour justifier leurs méfaits
ne sont qu’alibis. Que disentils ? Que le clitoris est un appendice d’apparence
masculine qui dépare la femme et renforce ses tendances viriles. Argument des
exciseuses manipulées par les hommes. Que l’usage du clitoris est dangereux
pour la santé et rend impossible le plaisir vaginal. Argument des médecins. Que
le clitoris est un ersatz, etc. Argument de Freud. Sans oublier les explications
folkloriques qui prétendent que le clitoris est un objet pointu susceptible de
blesser le pénis : un dard venimeux pour les Bambaras d’Afrique noire, une
micro-flèche pour les Nadis d’Afrique, une épine qui se détache la nuit pour aller
piquer les hommes pour les Indiens du Guatémala. Et qui sait si les ronces qui
griffent le Prince charmant ne renvoient pas à ces fantasmes ?
- C’est la tradition et puis c’est sans importance : c’est juste un petit bout de
peau. Comme pour nous la circoncision.
- Ce qui les fait jouir, c’est le trou. Toutes nos femmes jouissent sans
problème ! »
Les véritables raisons de l’excision sont tout autres. Moi, le clitoris, j’offre à la
femme des plaisirs qui la rendent autonome. Grâce à moi la femme peut jouir
jusqu’à l’orgasme, sans passer par l’homme et sans rien lui donner, c'est-à-dire
très égoïstement. Il est un pays, je ne sais plus lequel, où l’on m’appelle « le
mépris de l’homme ». Se suffisant à elle-même, la femme échappe à l’homme.
En supprimant le clitoris, le mâle espère que la femme - réduite à son « trou » -,
fera appel au pénis et deviendra ainsi dépendante de lui pour jouir. Alors, il
pourra mieux la dominer. Le clitoris donnait à la femme un rôle actif, le vagin la
contraint, pense-t-il, à un rôle passif de réceptacle du pénis.
1. Groupe de femme pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS). Sont concernés tant l’excision que
la circoncision.
66, rue des Grands-Champs 75020 - Paris
Tél. : 01 43 48 10 87
Site Internet : www.federationgams.org
22
Trouver et retrouver l’extase
Aux femmes qui ont subi une excision et le vivent très mal, je conseille
d’entreprendre une psychothérapie avec un thérapeute qui connaît bien leur
problématique. Il existe des associations qui pourront vous conseiller (voir note
de bas de page). En ce qui concerne la chirurgie réparatrice, elle peut améliorer
les cicatrices et reconstituer des néoclitoris. Mais, recréer un clitoris, pourvu de
ses 8 000 capteurs et de ses 8 000 fibres, est irréalisable.
Le point G
J’ai mieux à vous proposer. Souvenez-vous quand j’ai parlé de mon voisin le
vagin, j’ai évoqué un de ses points érogènes : le point G (G comme Grafenberg
son découvreur). Eh bien, le point G est plus qu’un ami intime comme on le croit
communément : c’est mon jumeau. Nous ne sommes nullement jaloux l’un de
l’autre, aussi les femmes qui m’ont perdu peuvent-elles s’adresser à lui, il mettra
un point d’honneur à leur offrir des délices égaux, voire supérieurs aux miens.
Écoutez ce qu’en disent les femmes (ici non excisées) : « J’ai découvert ce
fameux point G. Il est aussi fort qu’un clitoris, déclare une femme, il prend tout
mon corps, il me fait perdre la tête, je ne sais plus où je suis. » Une autre :
« Quand j’ai découvert mon point G, c’était si sensible que j’ai cru que j’avais
un second clitoris. » Celle-ci ne croyait pas si bien dire. Dans les tribus Tangra
de Bolivie, on croit que la femme a deux clitoris. À Panama on appelle le
point G « la belle folle », comme moi on m’appelle « l’aiguillon fou ».
Vous avez toutes, Mesdames, un point G. Pour le découvrir mettez vous
accroupie (plus tard quand vous le connaîtrez bien, vous pourrez vous asseoir ou
vous allonger sur le dos ou sur le ventre). Introduisez dans votre vagin votre
médius couplé avec votre index, tous deux recourbés, pulpe en avant. Le point G
se trouve sur la face antérieure du vagin, à quatre ou cinq centimètres, c'est-à-
dire à bout de doigts. Autrement dit, il se trouve à mi-distance entre votre os du
pubis et votre col utérin. Plus qu’un point c’est une zone, large de dix à trente
millimètres.
Comment le repérer ? Un, les plis de votre vagin sont un peu plus épais à cet
endroit. Deux, sa pression provoque une envie d’uriner car il est contigu à
l’urètre devant lui (ne vous arrêtez pas, vous n’urinerez pas mais si vous êtes
trop inquiète prenez la précaution d’uriner avant). Trois, au bout d’un certain
temps de frottement les plis gonflent et forment sous vos doigts une boule
comme un noyau de cerise, voire plus. Quatre, tandis que la zone enfle, des
sensations voluptueuses apparaissent qui peuvent vous mener à l’orgasme.
Caressez la zone G comme vous le faisiez pour moi : par des mouvements
réguliers et ininterrompus soit de va-et-vient soit circulaires. Toutefois, pressez
le point plus vigoureusement et plus longuement que pour moi. Peut-être au
début ne sentirez-vous pas grand-chose, c’est comme pour l’oreille ou le palais,
on les a plus ou moins sensibles mais on peut les développer. Renouvelez vos
caresses, insistez, mon jumeau finira par s’éveiller. N’oubliez pas que le point G
est un joyau que porte la Belle au bois dormant, c'est-à-dire longtemps caché.
Le point G est mon jumeau par plus d’un point - si j’ose dire - il se stimule de
manière analogue. Il est fait de tissus érectiles, dits aussi turgescents, c'est-à-dire
de tissus vasculaires qui se gorgent de sang en cas d’excitation. C’est
l’équivalent du corps spongieux. Sur les films endoscopiques, on voit très bien la
zone G se gonfler. Il contient des capteurs sensibles, peut-être même des
corpuscules de la volupté de Kraus (ce qu’on ne sait pas encore car l’homme
s’est plus intéressé à ce qui se passe à des années-lumière de lui qu’à ce qui se
trouve à dix centimètres du mont de Vénus). Il procure un orgasme qui peut être
plus fort que le mien.
Ce qui différencie le point G de moi, c’est que son éveil demande un long
entraînement ; que sous son excitation, le haut du vagin se rétrécit en A au lieu
de se dilater en montgolfière ; et que son orgasme s’accompagne parfois de
l’émission d’un flot aqueux. C’est « l’éjaculation féminine », appellation
inappropriée et machiste de ce qui est la « fontaine de Vénus » ; du reste les
femmes dont le flot est important ne sont-elles pas appelées des « femmes-
fontaines ». Le liquide, très prosaïquement, provient des glandes de Skene
inclues dans la zone G et jaillit par l’urètre.
L’homme virtuose
Monsieur, si vous voulez offrir à votre aimée les délices du point G, agissez en
vous inspirant de ce que je lui ai enseigné. La voilà qui est allongée sur le dos,
entourez-la de toute la tendresse possible, adorez son corps, posez sur lui des
baisers brûlants et des mots fervents. Quand vous ne ferez plus qu’un,
introduisez le médius et l’index recourbés d’une main, pulpe en avant, montez-
les jusque quatre ou cinq centimètres, vous sentez les plis vaginaux un peu plus
épais, alors vous les caressez en les frottant doucement d’abord puis assez
fermement.
Si vous sentez la muqueuse enfler et faire une boule, c’est bon signe, si votre
aimée ressent une envie d’uriner, c’est un autre bon signe, si elle entonne un
murmure de volupté c’est parfait. Si l’extase ne vient pas aujourd’hui, elle
viendra dans... six mois. Mais le jour où, sous vos doigts devenus virtuoses et
son point G devenu vibrant, votre aimée décollera pour l’étoile du berger, alias
Vénus, ce sera un grand jour pour vous deux.
Et si vous, l’amant raffiné, vous remplaciez, pour caresser le point G, votre doigt
par votre pénis ? En faisant l’amour vous pouvez parfaitement et précisément
exciter mon jumeau. Il faut pour cela opter pour des positions propices. La
position du missionnaire n’est pas la meilleure, l’axe que suit alors le pénis passe
trop en dessous du point G. La position de Vénus, homme à genoux entre les
cuisses de madame, couchée sur le dos, est bonne à condition que celle-ci pose
ses talons sur vos épaules et son bassin tout contre le vôtre. La position
d’Andromaque est excellente, c’est à madame de bouger pour amener sa zone G
sur le gland, ce qu’elle fait spontanément si elle écoute son instinct. Autre
avantage de cette posture : un pénis en demi érection suffit à faire jouir le
point G. La position en levrette est la plus parfaite : l’axe de pénétration du pénis
est tel que le gland aboutit automatiquement sur le point G, ce qui n’est pas
étonnant : la merveilleuse nature avait pourvu la femme d’un point de jouissance
accessible du temps où elle était quadrupède. Elle nous l’a laissé, merci à elle.
La perle de Vénus
« C’est un endroit, sur l’avant de mon vagin, dit une femme, qui me donne un
plaisir supérieur au clitoris. Je le sens au doigt mais je le sens aussi quand mon
mari me prend par derrière avec des grands coups de pénis. » « C’est mon point
magique. Je trouve le plaisir plus fort, plus long, plus profond. Mais il faut
presser assez fermement », dit une autre femme. « L’orgasme du point G ça
dépasse tout, s’exclame une autre encore. Il n’y a que comme ça que je ruisselle.
Mon homme me fait ça mieux que moi. Quand j’ai envie d’une grande
jouissance et d’une grande détente, je lui demande. Il excelle, je raffole. »
Un dernier mot : j’aimerais qu’on cesse de donner à une zone aussi féminine le
nom d’un homme - Monsieur Grafengerg. Nommons-la désormais « perle de
Vénus », c’est aussi poétique que « clitoris ».
23
Rêves de femmes
Quand je constate qu’une femme sur deux (deux sur trois selon d’autres
statistiques) attend l’âge de 30 ans pour connaître l’orgasme par coït, j’y vois la
preuve qu’un certain temps d’apprentissage est nécessaire à la femme - et au
couple - pour parfaire leur bonheur érotique. Mais je trouve que ce délai est trop
long, que c’est beaucoup de temps perdu et que ce serait bien de réduire ce délai.
Comment faire ? D’abord, responsabiliser la femme et responsabiliser l’homme.
Puis entendre les rêves des femmes.
La part des femmes
La femme, comme nous l’avons déjà dit, ne doit pas tout attendre de l’homme,
se conduire comme un réceptacle passif. Il importe qu’elle prenne en charge sa
sexualité et y mette le prix. Elle sera active non seulement pendant l’acte, mais
aussi avant.
Pendant l’acte sexuel, la femme sera plus que jamais active. D’abord, il lui faut
se débarrasser de l’idée imposée par l’homme d’une totale docilité limitant son
rôle à l’écartement de ses cuisses. Puis, passer à l’action : prendre l’initiative de
l’acte d’amour, des gestes, des mouvements, des positions qui lui donnent
l’optimum de plaisir. Si elle veut jouir, il lui faudra parfois se faire quelque peu
égoïste, c'est-à-dire s’occuper en priorité de la satisfaction de ses propres
besoins, spécialement quand elle désire l’orgasme. Habituellement trop attentive
aux besoins de l’autre, elle se décentre d’elle-même et ne rassemble pas assez
d’énergie hédonique sur elle pour qu’éclate l’orgasme.
Enfin une dernière façon pour la femme d’être active, est d’apprendre à
demander à l’homme ce qu’elle aime et comment il peut le lui offrir.
La part des hommes
Vous dites, homme de bonne volonté, que vous voudriez connaître ces rêves,
savoir ce qu’il vous faudrait changer dans vos comportements ? Alors écoutez ce
qu’elles m’ont dit.
L’accord psychique
Elles aimeraient qu’un lien affectif relie leur partenaire à elles. Faute d’amour,
elles souhaitent au moins de la tendresse, des chérissements, de la délicatesse, du
romantisme. Elles voudraient que la « relation sexuelle » soit une « relation »,
c’est-à-dire une façon de communiquer, de mettre en commun : parler, se dire, se
confier, demander, écouter, entendre, se comprendre, se soutenir, se rassurer
réciproquement. « S’il ne dit rien, écrit une femme, j’ai l’impression de n’être
qu’un moyen de plaisir. J’aime qu’il s’intéresse à moi, qu’il soit attentif à mes
désirs, qu’il ne se vexe pas de mes demandes. »
Les femmes rêvent que l’homme adore leur féminité, qu’il la savoure, mais aussi
qu’il s’efforce de la comprendre et de la combler. À l’homme uniquement
préoccupé des trente-six positions et des performances de sa verge, les femmes
préfèrent l’homme attentif à ce qu’elles sont, à ce qu’elles sentent, à ce qu’elles
attendent.
Un océan de volupté
Les femmes voudraient qu’on accorde une grande place à la sensualité. Elles
souhaitent qu’au-delà des quelques centimètres carrés des muqueuses sexuelles,
l’activité érotique - les caresses, les baisers et tutti quanti - s’étende à tout le
corps, à toute la surface de la peau, à tous les organes des sens - l’odorat, le goût,
l’ouïe, la vue. Elles souhaitent que ces raffinements se donnent, non seulement
en prélude à la pénétration, mais aussi en « postlude ». Elles souhaitent même
qu’ils se donnent en dehors de tout objectif de pénétration et que, parfois, la
caresse soit « gratuite ».
Les préludes, la plupart les veulent prolongés, très prolongés - minimum vital :
vingt minutes - lents, variés, raffinés, inspirés par une belle imagination et
beaucoup de tendresse. Elles veulent cela non seulement dans un but utilitaire -
provoquer l’intumescence des corps érectiles et la lubrification - mais aussi par
pur plaisir, parce que c’est bon, parce que, elles, les femmes valent bien ça, cette
adulation en hommage à leur féminité. « L’amant idéal, dit une femme, c’est un
homme qui me donne beaucoup de temps, qui joue sans se presser, qui explore
plutôt que de chercher à me chauffer à blanc. C’est un homme qui ne me donne
pas l’impression de vouloir me pénétrer au plus vite. Oui c’est un homme qui me
caresserait des heures, indéfiniment, une éternité. »
La caresse gratuite, les femmes en raffolent. Ce sont les caresses que les aimants
se donnent sans intention de coïter, pour le plaisir de la peau et des sens. Un
corps humain ne se résume pas aux quelques centimètres carrés des sexes, il
s’étend sur 18 000 cm2 où 1 500 000 récepteurs sensitifs sont en attente de
caresses, de baisers. Le visage - ciel le visage ! - le cuir chevelu, la nuque, le dos,
les mains, les jambes, les pieds - ô les pieds ! - ont faim de caresses. Pourquoi
pratiquer automatiquement et obligatoirement un coït lors de chaque
rapprochement ? Ce n’est jamais qu’une option parmi d’autres.
Prenez les baisers par exemple : les femmes rêvent qu’on les embrasse « pendant
des heures », rien que les embrasser. Elles déplorent qu’on ne s’embrasse plus
assez quand on est mariés. Dans l’érotique taoïste, le baiser vient juste après le
coït, quant à la volupté, à l’échange des « essences » (les salives) et à l’échange
des énergies, yin et yang. Sans oublier tous les symboles qui habitent le baiser,
lui donnant un sens et renforçant sa volupté. Un, c’est une réplique parfaite de
l’acte sexuel : mêmes muqueuses gorgées de sang et bourrées de capteurs
sensibles, même configuration et mêmes mouvements, la cavité buccale
accueillant la langue comme le vagin le pénis. Deux, c’est un échange du souffle
de vie. Dans ce bouche-à-bouche-là, on ranime aussi la flamme de la vie. En
plus, un baiser prolongé où chacun inspire l’expiration de l’autre, entraîne un
état d’ivresse.
C’est alors que survint un cataclysme qui va bouleverser l’avenir de nos singes
pré-ancêtres : la plaque tectonique qui supportait l’Asie et celle qui portait
l’Afrique se télescopèrent. Il s’ensuivit une faille colossale qui fendit l’Afrique
du nord au sud (la Rift Valley) ; la partie qui se trouvait à l’ouest se releva,
arrêtant les pluies venues de l’Atlantique, la partie qui se trouvait à l’est, faute de
pluie, se dessécha et nos singes virent leurs forêts se transformer en savanes
arides. Pour survivre il leur fallait devenir plus intelligents - c'est-à-dire faire
grossir leur cerveau - et plus habiles - c'est-à-dire se « faire pousser des mains ».
C’est ce qu’ils firent durant dix millions d’années et c’est ainsi qu’ils devinrent
des humains : c’est nous.
C’est dire - et c’est là l’intérêt de l’histoire - que les hommes sont programmés à
éjaculer comme les singes préhistoriques, en quinze à vingt secondes, à raison de
deux va-et-vient du pénis dans le vagin par seconde, au total, en une
cinquantaine de mouvements ! L’éjaculation est un phénomène réflexe
automatique génétiquement imposé.
Bien entendu, une telle brièveté de contact sexuel ne peut apporter à l’homme
qu’un pic de plaisir et rien à la femme, ou si peu. Alors, toute l’humanisation de
la sexualité va consister pour l’homme à maîtriser son réflexe éjaculatoire, afin
de donner à la femme le temps de monter au zénith. Il s’agit de passer de vingt
secondes à cinq, dix, vingt, trente minutes. En attendant que son homme
acquière un bon contrôle de son éjaculation et qu’elle-même érotise son vagin, la
femme pourra patienter en me caressant, moi, le clitoris. Elle sait bien que j’offre
de merveilleux orgasmes en un temps plutôt court et cela dès l’aube de sa vie.
Cette maîtrise de l’éjaculation est d’autant plus nécessaire que la femme peut
renouveler allègrement ses envols alors que l’homme fatigue à renouveler les
siens. Il est donc judicieux pour l’homme de retenir son réflexe éjaculatoire
jusqu’au moment où la femme a obtenu le nombre d’orgasmes qu’elle souhaite.
Fente vulvaire vue de face
Les capteurs de volupté du clitoris et leurs fibres sensibles
Annexe 2
Conseils pratiques pour la maîtrise de l’éjaculation
Suspendez vos mouvements dès que vous percevez les sensations d’imminence
de l’éjaculation dans votre verge (votre amante cessera également ses
mouvements).
Autres petites astuces : serrer les paupières, grincer des dents, presser la langue
sur le palais.
Bien sûr, détournez votre attention de l’image excitante de votre aimée. Pensez à
la surface lisse d’un lac tranquille.