La Caresse de Venus Le Clitoris Mode D'emploi (PDFDrive)

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DU

MÊME AUTEUR, aux éditions Leduc.s

L’homme nouveau expliqué aux femmes, 2012.


Les secrets de la jouissance au féminin, 2011.
Le guide des couples heureux, 2010.
L’art de la fellation, l’art du cunnilingus, 2010.
L’art de bien faire l’amour, 2010.
Comment le faire jouir de plaisir et vice versa, 2010.
Comment la rendre folle (de vous), 2008.
Comment le rendre fou (de vous), 2007.

Gérard Leleu, est médecin, sexologue. Il est l’auteur de plus de vingt


ouvrages sur la sexualité, dont le best-seller, Le Traité des caresses,
qui s’est vendu à plus de 1 000 000 d’exemplaires.
Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute
reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre est
strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la
propriété intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété
intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales.

Illustrations : Delétraz

Design couverture : bernard amiard
Photographie : © stockbyte

© 2012 LEDUC.S Éditions (ISBN : 978-2-84899-925-8) édition numérique de l’édition imprimée © 2009
LEDUC.S Éditions (ISBN : 978-2-84899-279-2).

Rendez-vous en fin d’ouvrage pour en savoir plus sur les éditions Leduc.s
« Pour accéder au plaisir à deux, il faut bien se connaître et savoir trouver son
propre plaisir. C’est ce qu’explique le sexologue Gérard Leleu, auteur de La
Caresse de Vénus, un ouvrage entièrement consacré au clitoris. Stimulant. »Laure
Leter, Elle

« Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sans jamais oser le demander avec
(...) La Caresse de Vénus. »Caroline de Surany et Sarah Connor, Cosmopolitan

« C’est fin et bien écrit, assez éloigné de tout érotisme vulgaire pour le signaler. »
Nouvelles Clés
Avant-propos

En écrivant, en 1983, Le Traité des caresses, j’inaugurais une œuvre qui allait
s’étaler sur 21 ans et comprendre une vingtaine d’ouvrages, traitant tous de la
relation entre la femme et l’homme, tant sur le plan psychologique qu’érotique.
À ces livres s’ajoutèrent d’innombrables articles, émissions médiatiques,
conférences et, depuis un an, des « cours d’amour » ouverts à tous et entièrement
gratuits. Pour couronner cette carrière mise au service du couple, j’ai créé une
grande cérémonie annuelle de réconciliation entre la femme et l’homme1. Elle se
déroule chaque samedi de l’Ascension, à Pornic, en Loire-Atlantique où je vis.

Fort de ces réalisations, je pensais avoir terminé mon œuvre didactique et


pouvoir passer à l’écriture de romans (d’amour bien sûr...), quand Patricia
Delahaie me proposa d’écrire sur le clitoris, ajoutant : « Il n’y a que vous pour
traiter le sujet. » Le thème me séduisait, le compliment acheva d’emporter ma
décision.

Mais je ne pensais pas en apprendre autant. Au fur et à mesure que j’avançais


dans mes réflexions à propos du clitoris, que je me documentais, que j’enquêtais,
que j’écoutais, je m’apercevais que ce sacré bouton ne se contentait pas d’offrir à
la femme des délices et des ivresses, mais que ces délices jouaient un rôle
majeur dans son bien-être et son équilibre. Bien plus, le clitoris se révélait être
l’initiateur de l’éroticité vaginale. En tant que tel, il jouait un rôle essentiel dans
l’épanouissement de la sexualité féminine. Autant d’éléments fondamentaux
qu’il me fallait confirmer aux femmes et faire découvrir aux hommes.

Au moment de mettre un point final à La Caresse de Vénus, je m’aperçois qu’il


s’agit à nouveau d’un livre voulant tresser des passerelles entre la femme et
l’homme. Et d’un livre qui, surtout, tente de faire comprendre la femme à
l’homme. Nul ne peut échapper à son destin, le mien est de louer la femme et de
travailler à réconcilier les deux pôles de l’humanité. Ne me croyez pas
prétentieux ni présomptueux : c’est une question de réparation. Mon enfance de
guerre fut marquée de faits tragiques concernant des femmes ; les plus sanglants
m’ont conduit à devenir anesthésiste-réanimateur pendant les vingt premières
années de mon exercice médical, la manière la plus directe de sauver des vies.
Les plus révoltants m’ont déterminé à devenir psychothérapeute de couple et
écrivain de l’amour durant les vingt années suivantes.

Septembre 1944. J’ai douze ans et je joue dans la rue. Des passants, mêlés à des
voitures à chevaux, animent la voie publique de la rumeur joyeuse d’un peuple
fraîchement libéré. Soudain un lourd silence, venu de loin, fend la foule. Un
cortège de femmes tondues, enchaînées, s’avance. On leur crache au visage
parce qu’elles ont aimé. Plus tard j’ai compris que c’était par « mâle-peur » que
les hommes, depuis des millénaires, s’acharnaient sur la femme et ses attributs -
ses cheveux, son clitoris en particulier. Alors il m’a fallu le crier à ma façon :
l’écrire. Il y a des silences qui interdisent de se taire.

Gérard Leleu

1. Pour connaître l’adresse de l’association, écrire à :


Éditions Leduc.s, 17, rue du Regard, 75006 Paris.
Introduction

Bouton sacré, bouton secret, en tout cas sacré bouton pour celles et ceux qui
savent en tirer la quintessence des délices.

Bouton certes : pour les poètes bouton de fleur - de rose le plus souvent -
bouton-commutateur pour tout un chacun, qu’il suffit de presser lorsqu’on en
connaît l’art pour que la femme en soit tout illuminée, radieuse, heureuse.

Secret ? Oui, car caché derrière les taillis du mont de Vénus, niché au creux de la
fente féminissime et dans cette fente, masqué par sa capuche comme une belle
mystérieuse qui se veut incognito. Tellement secret que les sculpteurs et les
peintres de tous les temps ne l’ont jamais figuré dans leurs œuvres. Il faut dire
que ces hommes, à l’instar de tous les autres, en avaient peur. En vérité, s’il est
secret, le clitoris n’est pas invisible : sur l’adorable corps nu de la femme, on
peut le deviner dans le haut de la fente, juste au-dessous du triangle de soie, dans
la demi-bissectrice qui l’incise. Il renfle la capuche et sous le rebord de celle-ci,
il montre le bout de son nez. Mais, on le sait, il n’est pire aveugle que celui qui
ne veut pas voir.

Sacré ? Ô combien. Il ouvre la femme à la volupté, lui offre des plaisirs


extrêmes, plaisirs qui seront les antidotes de ses chagrins, de ses angoisses et le
plaisir suprême - l’orgasme - qui, plus qu’une explosion est une extase, c’est-à-
dire un état de conscience supérieur. Sacré surtout parce que sa volupté, le
clitoris va la communiquer au vagin, son voisin, qui dès lors se réveille,
s’érotise. Ce rôle de révélateur de l’éroticité vaginale que joue le clitoris est
fondamental : ses plaisirs extrêmes et son plaisir suprême, la femme pourra les
partager avec l’homme. Et si, en plus, l’amour les anime, cette union corps et
âme de la femme et de l’homme prendra une dimension religieuse.
Ainsi, le clitoris est en quelque sorte la clef de la sexualité féminine : clef dans le
parcours initiatique de la femme, car c’est par l’autocaresse clitoridienne qu’elle
découvre au fil du temps sa sexualité, toute sa sexualité, et y progresse peu à
peu. Clef aussi dans sa rencontre avec l’homme, car lorsque celui-ci prend cette
clef en main avec subtilité, les portes de l’intimité féminine - les cuisses en
l’occurrence - ne tardent pas à s’ouvrir. Dès lors, ce sont les portes mêmes du
paradis qui s’ouvrent à deux battants pour les amants.

Ce rôle de « Sésame, ouvre-toi » serait à l’origine du mot « clitoris » qui


viendrait d’un mot grec signifiant la « clef ». Mais d’autres auteurs prétendent
que ce terme grec veut dire plutôt « point exquis », autrement dit point
éminemment chatouilleux, ce qu’il est.

Si on survole l’histoire de l’érotisme, on ne découvre guère de description


dithyrambique du clitoris et de ses ivresses, même en Orient ou au Moyen-
Orient où pourtant la sexualité avait toute sa place, et même une place sacrée, où
les livres érotiques foisonnaient. Je n’ai pas trouvé, dans les textes tantriques,
taoïstes, hindouistes ou arabes, d’apologie du clitoris. Sans doute est-ce, ici
aussi, l’effet de la crainte qu’il inspire aux mâles. Crainte non justifiée, bien sûr.

Sigmund Freud avait tort

Paradoxalement, c’est par son détracteur, Sigmund Freud, que le clitoris est
devenu un sujet d’intérêt en Occident. Freud a prétendu que le clitoris est un
organe vestigial, c’est-à-dire un reste non évolué d’un tissu présent chez
l’embryon, comme c’est le cas du thymus ou de l’appendice. Il a prétendu aussi
que le plaisir qui y naît est inférieur et que les femmes qui le recherchent sont
immatures, voire névrosées. Le seul organe digne d’intérêt, affirmait-il, est le
vagin et le seul plaisir valable celui qu’il dispense. C’est celui-là que doit
rechercher et ressentir une femme digne de ce nom, une vraie femme, une
femme mature et saine. Celle qui jouit de son clitoris doit transférer son plaisir
sur son vagin et prendre goût au coït. « On est finalement autorisé, écrit Freud, à
déclarer que le prototype normal du fétiche, c’est le pénis de l’homme, tout
comme le prototype de l’organe inférieur c’est le petit pénis réel de la femme, le
clitoris.1 »
La thèse de Freud est tissée de contrevérités. Il est faux que le clitoris soit un
organe vestigial. La vérité est que chez l’embryon des deux sexes, il existe bien
un bourgeon sexuel qui engendrera les corps érectiles, ces tissus vasculaires où
se produit la turgescence sanguine déterminant l’érection. Mais le devenir de ce
bourgeon est aussi important chez la femme que chez l’homme. Chez l’homme,
les corps érectiles se développeront à l’extérieur, c’est le pénis ; chez la femme,
ils se développeront à l’intérieur, dans la vulve et autour du vagin, formant un
complexe érectile invisible mais dont le volume total dépasse celui de la verge.
Ainsi, la femme « bande » au creux de son intimité et sa « bandaison » interne
est plus importante que l’érection externe de l’homme. Le clitoris est la
manifestation la plus extériorisée du vaste complexe voluptueux de la femme, la
partie émergée de l’iceberg ou, plus justement, le cratère d’un volcan dont les
profondeurs sont au centre de la Terre. En plus, nous y reviendrons, le clitoris est
bourré de capteurs sensitifs, deux fois plus que ne l’est le pénis pourtant
tellement plus volumineux. Ainsi, loin d’être un organe vestigial, le clitoris est
un chef-d’œuvre érotique typiquement féminin.

Car justement il est également faux de dire, comme l’a fait Freud, que le clitoris
est un organe « viril ». À l’en croire, la femme aurait deux organes sexuels, l’un
masculin le clitoris, et l’autre féminin le vagin. Une « vraie » femme doit
renoncer à ce qui est masculin et se consacrer à ce qui lui est propre. En vérité, le
clitoris est un organe éminemment féminin au service de la sexualité ; il n’est en
rien opposable au vagin qu’il contribuera à révéler, à érotiser. En faisant du
clitoris un reliquat « viriloïde », Freud utilise le même langage que les millions
d’exciseurs qui, depuis la nuit des temps, mutilent les femmes.

Enfin, il est faux d’affirmer que les femmes qui usent de leur clitoris sont
infantiles et névrosées, que leur plaisir est décadent et que seules sont matures et
saines celles qui recourent au plaisir vaginal. En effet, on voit des femmes
profondément névrosées, voire psychotiques, se livrer aux voluptés vaginales. Et
inversement on voit des femmes bien dans leur tête s’adonner aux joies
clitoridiennes. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que les thèses de Freud, reprises
en chœur par ses élèves et ses successeurs, dont la contestée Marie Bonaparte,
ont plongé les femmes dans un grand désarroi et plombé leur sexualité pendant
plus d’un siècle.

À la décharge de Freud, il faut rappeler qu’il a vécu à une époque patriarcale


« pure et dure » où l’homme dominait la femme. Tout était conçu du point de
vue de l’homme et organisé au profit de l’homme. C’est ce phallocentrisme qui
lui fait définir le féminin par référence à l’homme et l’amène à le décrire comme
une atrophie par rapport au masculin, d’où son idée d’un clitoris qui serait un
petit pénis. C’est aussi ce parti pris qui lui fait décréter que le vagin est l’organe
principal : c’est le vagin qu’utilise l’homme, vagin qui est fait pour le plaisir de
l’homme et pour recueillir le sperme en vue de la procréation. Car, dans toutes
les civilisations patriarcales, le seul but légitime de l’acte sexuel est la
reproduction. Les positions de Freud reflètent la pensée masculine d’alors et ses
phobies. À ces influences historiques s’ajoute la problématique personnelle de
Freud vis-à-vis de la femme, problématique qui remonte à ses relations
frustrantes avec sa mère et qui aboutira à l’arrêt de tous rapports sexuels avec sa
femme à l’âge de 40 ans.

Plus tard, Freud avouera : « La grande question qui n’a jamais été éclaircie et à
laquelle j’ai été incapable de répondre malgré trente ans de recherche dans
l’âme féminine, c’est : « Que désire la femme ? » [...] Nous connaissons moins
la vie sexuelle de la petite fille que celle du petit garçon. N’en ayons pas trop
honte : la vie sexuelle de la femme adulte est encore un continent obscur pour la
psychologie.2 » Plus tard encore, Freud confessera : « Voilà tout ce que j’avais à
vous dire touchant la féminité. [...] Si vous voulez apprendre davantage sur la
féminité [...] adressez-vous aux poètes ou bien attendez que la science soit en
état de vous donner des renseignements plus approfondis et plus coordonnés.3 »

La revanche du clitoris

Indignées par le phallocentrisme de Freud, les féministes - en particulier Anne


Kordt du mouvement féministe des États-Unis - récusèrent le vagin « organe de
la soumission » au mâle et lieu de son assouvissement, et dénoncèrent l’orgasme
vaginal comme une véritable « trahison » à la cause féminine. Les femmes,
disent-elles, ont été définies sexuellement en fonction de ce qui fait jouir les
hommes, et de brandir le clitoris, organe de l’autonomie de la femme, comme
l’étendard de la révolte ; et d’affirmer qu’il n’y a pas d’orgasme plus féminin
que le clitoridien. Juste refus du modèle patriarcal centré sur le pénis et
l’orgasme de l’homme et où la femme ne peut s’exprimer pleinement ; juste
affirmation de la pluralité de la sexualité féminine dotée d’au moins deux pôles
érogènes et de son immense puissance érotique, en comparaison desquelles le
va-et-vient stéréotypé du pénis paraît bien simpliste. Enfin, juste réhabilitation
de la capacité orgasmique de la femme : il n’y a pas de femme frigide, il y a des
hommes ignorant la féminité et voulant imposer leur façon de faire.

Un homme, Alfred Kinsey, l’auteur du célèbre rapport4, allait lui aussi, en 1945,
affirmer la supériorité érotique du clitoris par rapport au vagin, étayant les
arguments des féministes. Avec son équipe, il mène une enquête de sensibilité
auprès de 800 femmes : il teste sur le corps de chacune seize points supposés
sensibles en les attouchant ponctuellement avec un bâtonnet. Il en conclut que le
clitoris est hypersensible mais que la paroi du vagin est insensible. Si la première
affirmation est juste, la seconde est scandaleusement erronée : en effet, la
muqueuse vaginale ne répond qu’à des sollicitations assez fortes et répétées, son
plaisir fonctionnant sur un mode cumulatif ; de plus cette muqueuse ne révèle
son optimum de sensibilité qu’une fois la pleine intumescence installée, c’est-à-
dire quand elle est chaude, rouge et gonflée, ce qui demande plusieurs minutes
de stimulation et beaucoup de désir ; enfin le vagin, outre sa sensibilité de
contact, est également sensible à la distension de son calibre par un corps
étranger d’un certain diamètre (pénis ou objet). Or aucune de ces excitations
spécifiques n’a été expérimentée dans les tests de Kinsey. Ajoutons que
l’excitabilité maximale du vagin n’apparaît qu’après une assez longue vie
sexuelle, ce qui n’est pas le cas de toutes les « enquêtées ». L’erreur de Kinsey,
inverse de celle de Freud, a également été fatale aux femmes.

Un troisième homme, William Masters5, en 1966, par d’autres expériences, va


proclamer à son tour le rôle princeps du clitoris. Selon lui, tout orgasme a pour
cause une stimulation du clitoris, même au cours du coït, quand le pénis œuvre
dans le vagin. Nous verrons qu’il n’en est rien (chapitre 14).

De plus, Masters n’avait retenu pour ses expériences que des femmes qui avaient
des orgasmes par stimulation clitoridienne, excluant ainsi celles qui
« fonctionnaient » autrement. En outre, pour les besoins de l’expérience un
spéculum était placé dans le vagin des femmes et pouvait déterminer une
certaine excitation vaginale. Enfin, comment expliquer par le clitoris les
orgasmes issus des mamelons ou provoqués par des fantasmes ?

Une femme, Shere Hite6, dont le rapport publié en 1976 eut aussi une énorme
influence, fait également l’apologie du clitoris aux dépens du vagin, s’appuyant
sur les expériences de Masters et sur une enquête où les femmes vantaient leurs
bonheurs clitoridiens.
Il faut attendre 1982 pour que le mouvement de balancier s’inverse : Alice et
Harold Ladas, développant la découverte par Ernest Grafenberg d’une zone
sensible de la paroi antérieure du vagin, affirment qu’il s’agit d’une zone
érogène authentique qu’ils baptisent « point G »7. Ainsi, se rééquilibrent les rôles
respectifs du clitoris et du vagin.

Comme on le voit, la plupart des recherches sexologiques ont été menées par des
hommes. D’où nombre d’erreurs liées au fait que les hommes ne peuvent
s’empêcher de considérer la sexualité de la femme comme un simple
complément de la sexualité de l’homme, qu’ils méconnaissent du reste
également.

Si l’on avait écouté sans préjugés les femmes, on aurait su qu’elles font depuis
toujours le distinguo entre orgasme clitoridien et orgasme vaginal, qu’elles
possèdent au moins deux foyers érogènes qu’elles apprécient également et qui
peuvent tous deux les mener au plaisir extrême. On aurait su aussi que leur
érotisme est plus que bifocal : multiple, subtil, infini. C’est pourquoi maintenant
que nous nous sommes débarrassés des erreurs du passé, nous allons laisser
parler les femmes, leur clitoris et son voisin le vagin.

1. Freud Sigmund, « Le fétichisme », La vie sexuelle, PUF, 1992.


2. Freud Sigmund, « La féminité », Nouvelles conférences sur la psychanalyse, Gallimard, 1932.
3. « Lettre de Freud à Marie Bonaparte », Correspondance, Gallimard, 1925.
4. Kinsey Alfred, Le comportement sexuel de la femme, Éditeur Amiot Dumont, 1954.
5. Masters et Johnson, Les réactions sexuelles, R. Laffont, 1968.
6. Hite Shere, Le Rapport Hite, R. Laffont, 1976.
7. Kahn Ladas Alice, Le Point G, R. Laffont, 1982.
1
Le sexe de la femme ou le palais des dames

Laissons donc parler le clitoris. J’aime bien mon nom : « clitoris », c’est doux
comme un prénom. Ce mot dans la bouche, c’est déjà une caresse et à l’oreille,
comme une petite musique. Entre deux i ensoleillés et un o tout rond et tout
mouillé, « clitoris » c’est tout un programme.

Un regret toutefois : que mon nom soit du genre masculin, alors que je suis la
pointe de la féminité. Peut-être est-ce une trahison des misogynes. Autrefois,
j’étais sûrement du genre féminin, comme ce pauvre « amour » qui était féminin
jusqu’au jour où, en 1718, une assemblée d’hommes - l’Académie française - a
décrété qu’il serait masculin.

J’habite un splendide palais. Il me faut le décrire car même les femmes en


ignorent les fastes. Il faut dire que ce palais, comme beaucoup de châteaux
légendaires, se cache derrière une colline boisée, au creux d’un vallon où le
regard de la femme ne peut accéder et où ses doigts n’osent aborder
franchement, tant les tabous sont encore pesants. Ce manque de curiosité et ce
manque d’audace sont aussi de l’ingratitude : femmes qui m’hébergez, ces lieux
ne sont-ils pas à l’origine de vos plaisirs les plus intenses et de vos joies les plus
éclatantes ? Et ces plaisirs et ces joies ne sont-ils pas les meilleurs remèdes de
vos tristesses et de vos angoisses, en particulier de cette angoisse de vous savoir
mortelles ? Oui, là est le soleil de vos jours, l’astre de vos vies. Aussi, ne vous
contentez pas de ma description, allez explorer vous-mêmes ces trésors de vos
yeux et de vos doigts. Adoptez une position confortable, allongée sur un lit ou
accroupie. Disposez un miroir sur le lit ou sur le sol, de façon à ce qu’il tienne
tout seul pour vous libérer les mains. Disposez un bon éclairage : un spot ou un
rayon de soleil. Écartez les cuisses, posez une main de part et d’autre de la vulve,
sur les grandes lèvres et tirez vers l’extérieur : l’intérieur de la vulve vous
apparaît. Découvrez-la, admirez-la.

Quant aux hommes qui, trop souvent encore, s’engouffrent dans ce palais tels
des Barbares, la main lourde ou le pénis impatient, qu’ils le visitent avec doigté
et avec un regard d’esthète, la ferveur au cœur. N’est-ce pas aussi, Messieurs, le
lieu de vos plus grands bonheurs ? Vous qui connaissez si bien la géographie de
Mars où vous vous apprêtez à débarquer, apprenez donc à connaître aussi bien la
topographie de la vénusienne avec qui vous partagez vos nuits sur Terre.

Le jardin du palais

La colline boisée à l’aplomb de laquelle se cache le palais, c’est le mont de


Vénus, si bien nommé : un coussinet de graisse posé sur l’os du pubis (pubes
signifie poil) et destiné à amortir les heurts des bassins en folie.

En vérité, le bois est un taillis touffu et soyeux - d’aucuns y voient plutôt une
toison bouclée - il est également destiné à amortir les heurts mais, en plus, il
facilite l’exhalaison des arômes que distille le sexe. Sa forme est celle d’un
triangle pointe en bas. Blason héraldique du corps féminin, ce delta renversé
décore le ventre de la femme. Flèche téméraire, il indique la direction du paradis.

À y regarder de plus près, ce triangle à l’envers est fendu dans le bas d’une
demi-bissectrice ; ce qui n’avait pas échappé à vos ancêtres préhistoriques qui,
dès le paléolithique, dessinaient sur les parois des cavernes des triangles inversés
et fendus. Projection de leur désir (comme l’étaient de leur faim les animaux
tracés), ces dessins étaient aussi des ex-voto à la femme déesse qui leur procurait
tant d’ivresse.

En les traçant, vos lointains aïeux ont inventé à la fois l’art et l’écriture qui sont,
tous deux, les enfants du désir. L’art : après les triangles viendront les courbes et
les silhouettes féminines qui partagent les murs des cavernes avec des profils
d’animaux, preuve que la femme avait un rôle aussi fondamental que le gibier
dont dépendait la survie de ces chasseurs et donc l’espèce humaine. L’écriture :
le triangle pointe en bas, deviendra le symbole de la femme et engendrera
l’alphabet cunéiforme.
Cuneus, le coin, donnera cunnus puis « con » ; à rapprocher du celte cona, du
genre féminin, et de l’occitan choune. On le retrouve dans « cunnilingus ». Un
jour « con » est devenu du genre masculin et s’est transformé en insulte
misogyne. Mais on remarquera que « couilles » a donné « couillon ». La bêtise
n’a pas de limites.

Maintenant, regardez de plus près la bissectrice du triangle. Qu’y voyez-vous ?


Ô surprise, c’est moi, le clitoris, que vous apercevez : en haut est ma tige,
dessous ma capuche, en bas mon gland. Quand la pilosité n’est pas trop fournie
et que je suis particulièrement développé, je saute littéralement aux yeux. Ainsi
moi, aussi sensible que le nerf d’une dent, moi, aussi chatouilleux qu’un
détonateur, moi, toujours prêt à m’ébattre, je suis à portée de main, la main de la
femme qui me porte ou celle de l’homme qui la convoite. Mais, il y a loin de
la coupe aux doigts : bien que d’instinct toujours prêt à bondir, je me retiens car
je ne suis jamais sûr d’atterrir au paradis, les doigts experts ne courent pas les
monts de Vénus. Plutôt rester en place que de rester en rade.

Échauguette au sommet du château, ma vue porte tant sur son extérieur que sur
son intérieur. Son extérieur est tout en courbes, on dirait un fruit : oblongue,
ferme, charnue, c’est une mangue. Ce n’est pas le premier fruit qui contiendrait
un palais, regardez la coupe d’un fruit de la passion. Et la noix ? Qu’y a-t-il à
l’intérieur d’une noix ? Bref, la vulve, comme vous l’appelez, on la verrait bien
sur les étals des marchés de Jaffa.

La vallée des merveilles

Il ne suffit pas de dire « vulve, ouvre-toi ! » pour être exaucé. Même amoureuse
et prête à bâiller de désir, la vulve ne montre son intérieur que si des doigts
agréés, ceux de sa propriétaire ou ceux du mâle élu, la déplissent élégamment.
Ce que découvrent la femme qui s’aime et l’amant qui l’aime est bien différent
de ce que voient les médecins. Ceux-ci voient dans la vulve sa pure anatomie :
de chaque côté les grandes lèvres, épais replis charnus, et les petites lèvres - ou
nymphes -, fines lamelles flottantes étirées sur les grandes lèvres ; en avant est le
clitoris et sa capuche ; au milieu le méat urinaire ; en arrière le vestibule vaginal,
sorte d’entonnoir qui débouche sur le vagin, lequel est clos et son intérieur
invisible par conséquent, plus postérieurement est le centre du périnée.
Bien entendu, les yeux étonnés de la femme qui s’admire et ceux émerveillés de
l’homme qui l’adore découvrent bien autre chose : un spectacle véritablement
fascinant. Les images se bousculent. C’est une vallée ; en son fond s’étire un
filet d’eau, sur ses pentes ruissellent des nappes humides, sur les reliefs l’onde
cascade, dans les fissures elle se glisse. C’est le désir qui fait naître ces flots et
ces résurgences et répand la sève d’amour. Ces jeux d’eau avivent les superbes
couleurs de la faille : c’est un camaïeu de rouges qui se décline du rose à
l’écarlate en passant par le carmin, le garance, le vermillon, le grenat, l’incarnat.
Incarnat : le mot est juste. Il parle de l’appétence quand elle se fait chair. Dieu
quelle palette ! Et chaque partie a une nuance qui lui est propre. Moi, le clitoris,
me caractérise un reflet qui brille sur la pointe de mon nez. Le magicien qui crée
cette féerie de couleurs, c’est encore le désir. C’est lui qui engendre
l’intumescence - la vasodilatation des corps érectiles - et enflamme les
muqueuses qui en deviennent écarlates, brûlantes, gorgées.

La vulve est aussi un paysage sous-marin, comme il y en a dans les profondeurs


de la mer Rouge : les nymphes y flottent comme les voiles des méduses, le
vestibule vaginal bâille comme une bouche de daurade et moi, le clitoris, je suis
telle une anémone de mer sur un banc de corail. « La femme (...) renversée dans
ses enveloppes florales livre à la nuit de mer sa chair froissée de grande labiée »
chantait Saint John Perse1.

Autre image qui surgit quand s’ouvre la vulve : celle d’un coquillage. Les
grandes lèvres s’entrebâillent comme des valves et c’est bien l’intérieur d’une
praire qui apparaît ou d’une pourpre ou d’un violet. Les parois sont nacrées et
irisées et la chair, à l’instar de celle du fruit de mer, est arrondie, festonnée,
ciselée, lamellée.

Toutes ces évocations sont inspirées par le fait que la vulve est un milieu
humide. D’où vient cette humidité ? D’une part de grosses glandes disposées
dans la vulve (les glandes de Bartholin) auxquelles s’associe une multitude de
petites glandes dispersées sur toute la surface vulvaire, toutes glandes qui
sécrètent un mucus fluide. D’autre part du vagin qui, lui, n’a pas de glande mais
exsude un liquide aqueux qu’il soutire des vaisseaux de sa gaine vasculaire.
S’ajoute à tout cela la sécrétion par le col utérin d’une glaire filante. Tous ces
liquides ont pour but de lubrifier la surface des muqueuses sexuelles.
Autre image encore qui pourrait se présenter à vous : celle d’une corbeille de
fruits. Moi - pardon de me citer en premier - je serais une baie, une groseille, une
myrtille, une framboise, de ces fruits que les Romains consacraient à Vénus. Du
reste, j’aime qu’on me grappille. Quant à la face intérieure des grandes lèvres,
rebondies, joufflues, tendues, charnues, gorgées de suc - en vérité de sang - et
mûries par le désir, en un mot « intumescentes », elles pourraient bien être une
orange sanguine ou une prune ou une pêche. Dans la Chine ancienne, la pêche
était le symbole de l’érotisme féminin.

Si vous chérissez les fleurs, peut-être que l’image d’un bouquet s’est imposée à
vous. Il est vrai que la vulve avec ses sépales et ses pétales, ses corolles et ses
boutons, ses couleurs vives ponctuées de rosée, est florifère. Les Chinois avaient
fait de la pivoine et de la fleur du pêcher les symboles du sexe de la femme.

André Breton voyait dans le sexe de son aimée un glaïeul. Pour d’autres, ce sera
un coquelicot, pour d’autres encore la secrète violette. Et toujours c’est le
magique désir qui épanouit les calices et les colore et y dépose des perles de
mouillure. Moi, le clitoris, je suis un bouton de rose - c’est ce que disent les
poètes - et je rougis et je m’engorge quand on me flatte, quand on me hume.

Haute couture

« Impossible nudité de la femme : on ôte de son corps tous les linges et voici que
son sexe est encore linges et voiles qu’on ne finit pas d’écarter. » Bellissime
phrase de Jacqueline Kelen2 qui exprime bien la gracieuse complexité de la
configuration du sexe de la femme. Devant la multitude et la délicatesse de ces
admirables plis et replis, devant ces festons et ces godrons, ces rubans et ces
volants, ces guirlandes et ces guipures, toute cette passementerie érotique,
devant ces tulles, ces gazes, ces mousselines, ces percalines, devant ces soieries,
ces satins, ces velours, déshabiller une femme, trouver le cœur nu de son sexe,
c’est faire à l’envers le travail d’un grand couturier. C’est être « nympholâtre ».

Vous trouvez ma description du palais trop foisonnante ? C’est que la vulve est
d’une telle richesse ! C’est aussi qu’elle est tellement différente d’une femme à
l’autre : il y autant de configurations que de femmes ; comme les empreintes
digitales, elles sont propres à chacune.
Vous me trouvez bien lyrique ? Vous croyez que j’exagère la beauté de mon
palais ? Mais n’avez-vous pas lu Freud ? « Si vous voulez en apprendre
davantage sur la féminité, adressez-vous aux poètes ! » a-t-il écrit. Ce que Marie
Cardinal avait confirmé : « Il n’y a que les poètes à pouvoir s’approcher de la
vraie vie3. »

Arômes et élixirs

Puisque nous parlons des poètes, savez-vous qu’ils se nourrissent d’arômes et


d’élixirs et qu’ils aiment les femmes parce qu’elles en regorgent, leur sexe en
particulier ? La vulve est une mosaïque d’odeurs et une riche palette de saveurs.
Sur le mont de Vénus le nez qui furette la toison s’énerve des sauvages fumets
du pelage, fumets qui appartiennent à ce qui reste d’animalité chez la femme et
qui excitent le fauve instinct du fureteur.

Dans la fente vulvaire, à ma hauteur, moi, le clitoris, flottent des effluves marins
qui évoquent une promenade sur une plage à marée descendante ou une criée où
étincellent les rougets tout juste sortis des flancs d’un chalutier. Ici, bien
entendu, la saveur est saline. Qui hume ? Qui goûte ? La femme elle-même qui
au cours de ses autocaresses porte à sa bouche et à ses narines le doigt caresseur.
Et l’homme, en particulier au cours du cunnilingus.

Plus en arrière, au niveau du vestibule vaginal, l’odeur est aigrelette et le goût un


tantinet acidulé, rappelant les yogourts bulgares. C’est que d’utiles bacilles
saprophytes du vagin - les bacilles de Doderlein - produisent de l’acide lactique.
Toutefois, avant les règles, les cellules vaginales produisent du glycogène - une
sorte de sucre - ce qui donne au goût la combinaison acide-sucré des bonbons
anglais.

Enfin, derrière la vulve, sur le périnée et aux confins de la zone anale règnent
des relents exotiques, épicés et boisés à la fois : safran, curry, santal, cèdre, etc.
Et vous voilà transportés sur un marché d’Orient.

Une telle description n’est pas exhaustive (vous trouverez d’autres analyses
sensuelles dans Sexualité : la voie sacrée entre autres). Elle n’est pas non plus
invariable ; parfois ce sont les senteurs florales qui l’emportent : muscari,
narcisse, viburnum... Alors surgit une ambiance de serre au printemps ou de
chœur d’église un jour de communion solennelle. D’autres fois, ce sont les notes
épicées. D’autres fois encore, les odeurs marines. En plus, les arômes et leurs
combinaisons varient au fil des cycles menstruels et au fil des âges. Et chaque
femme, chaque vulve a sa fragrance personnelle, sa saveur sui generis, bref son
identité olfactive et gustative, comme elle avait son graphisme esthétique.

Pour moi, clitoris, il était important que je vous décrive les parfums qui
m’imprègnent et m’inspirent. C’est aussi une façon de vous avertir des ivresses
qui vous attendent. Ces molécules odoriférantes - les phéromones - réveilleront
votre désir et le porteront au rouge, c’est leur rôle d’être les messagers de la
pulsion sexuelle. Mais votre bouleversement ne viendra pas seulement de votre
excitation érotique, il y a plus : ces odeurs réveilleront aussi tout un pan de votre
mémoire, là où dorment les bonheurs océaniques enregistrés au cours de votre
enfance, quand vous viviez nimbé par les effluves maternels où dominaient les
notes marines. J’ai dit bonheur « océanique » car le bonheur où vous étiez
plongé était lumineux et il avait une odeur de mer (mère).

Ce que disent les femmes

Moi, le clitoris, j’ai entendu beaucoup de confidences de femmes, des femmes


qui parlaient de leur vulve ou à leur vulve. Avec la levée des tabous, beaucoup
de femmes commencent à aimer la vue ou les senteurs de leur sexe. Hélas, elles
ne peuvent facilement, comme le font les garçons entre eux, comparer leur
intimité avec celle de leurs sœurs, question d’anatomie et de pudeur. Voici
quelques phrases glanées au fil des jours : « Je trouve belle ma toison et ses
bouclettes et ma vulve pleine de charme. » « Ma toison est mignonne mais ce qui
est dessous me semble encore étrange et mystérieux. » « Ma vulve est suave,
chaude, douce. » « Mon sexe est somptueux : la forme de mes lèvres est belle, les
plis et les replis adorables, les petits trous séduisants. » « C’est ma partie la plus
féminine, c’est moi. » « C’est ma plus belle partie, c’est splendide et quand elle
est excitée, elle est d’une beauté fascinante. »

« J’aime flairer mes doigts quand je me caresse, l’odeur m’excite, elle est très
sensuelle. » « L’odeur est très érotique et très féminine. » « Ça sent vraiment
bon. » « Je goûte mes doigts quand je me masturbe, c’est très agréable. »
1. Saint John Perse, Amers, Gallimard Poésie.
2. Kelen Jacqueline, Un amour infini, Albin Michel.
3. Cardinal Marie, La Sexualité des femmes, Le livre de poche.
2
L’anatomie du clitoris ou le joyau de la déesse

Donnons ici encore la parole au clitoris. Moi, le clitoris, je suis plus que ce petit
bouton rose qui se voit dans le haut de la vulve. En vérité, j’appartiens à un
ensemble aussi complexe qu’admirable : je me compose d’un gland, d’une tige
et de deux branches. On peut me comparer à un petit personnage à l’envers qui
aurait la tête en bas et les jambes en l’air : la tête serait le gland, le corps la tige
et les jambes les racines. L’image est utile pour me représenter et me situer mais,
compte tenu du fait que je suis extrêmement précieux en raison des pouvoirs
considérables que je détiens (et que je détaillerai), ce personnage est fait de
diamant : c’est un joyau, une pièce d’orfèvrerie (voir Annexe 1).

Une pièce d’orfèvrerie

De ma tête - alias le gland - on ne voit que ma frimousse, hémisphérique ou


parfois conique pour peu que mon nez soit plus marqué. Cette tête mesure trois à
six millimètres, c’est le diamètre d’une perle fine ou d’une myrtille. Mais si on la
taquine, elle peut doubler de volume ; et si on l’excite régulièrement elle prendra
à la longue quelques millimètres. Sur mon front, j’ai rabattu ma capuche - alias
le capuchon -, étant exposé, je suis obligé de me cacher quelque peu et surtout,
étant hypersensible, je dois me protéger des contacts intempestifs. On me
compare à cette petite statuette préhistorique, la Vénus de Brassempuy : même
minois, même bonnet ; ça me flatte. Ma capuche coïncide avec la réunion des
petites lèvres (ou nymphes) ; une très fine lamelle de muqueuse relie le dessous
du clitoris au dessous des nymphes ; à gauche et à droite, les freins.
Mon corps, alias la tige, se situe au-dessus de moi, puisque j’ai la tête en bas. Il
est recouvert en partie par le bas de la capuche et pour le reste par la muqueuse
vulvaire. Il saille discrètement sous forme d’un mince cylindre sur lequel aime
rouler la pulpe des doigts. Je mesure vingt-cinq à trente-cinq millimètres de
longueur, trois à cinq millimètres de largeur. Mon corps, quand on le taquine,
gonfle également.

Mes jambes - alias les racines - placées par conséquent au-dessus de mon dos, se
trouvent sous l’os du pubis. Elles sont très longues, genre danseuses du Crazy
Horse ; l’une part à droite, l’autre à gauche ; à partir de leurs genoux elles
s’insèrent sous le rebord inférieur de l’os du bassin. C’est dire qu’elles se situent
dans l’épaisseur et la profondeur des grandes lèvres. On peut à peine les palper
au doigt mais, elles, elles sentent bien les pressions qu’exercent sur elles les
ébats amoureux.

Ainsi, je suis en partie un organe externe : dans le haut de l’incisure de la vulve,


on peut voir et toucher mon gland, ma capuche et ma tige, même à cuisses
fermées. Quand je suis gonflé d’excitation, j’émerge plus nettement encore.

Si vous voulez me découvrir mieux, il faut retrousser ma capuche, comme on


relève une paupière. Mais, cela je ne l’autorise qu’à des mains élues et
particulièrement délicates.

Une mine d’or

Ma tête, mon corps et mes jambes constituent un ensemble érectile ; ils sont faits
de tissus vasculaires dont les vaisseaux se dilatent et se gorgent de sang en cas
d’excitation. Alors, les organes qu’ils habitent gonflent, durcissent, se
réchauffent et rougissent comme chaque fois qu’il y a vasodilatation. Moi, le
clitoris - ma tête, mon corps, mes deux jambes -, je suis fait d’un tissu érectile
qui s’appelle le corps caverneux et je manifeste dans chacune de mes parties,
quand on les excite, tous les signes de la turgescence : gonflement, durcissement,
chaleur, rougeur. Toutefois les neuf dixièmes de mon volume étant situés à
l’intérieur, je ne peux me dresser, c'est-à-dire entrer en érection, comme le fait le
pénis situé à l’extérieur.
Et mon gland ? Certes, il est externe mais la turgescence en le redressant le fait
rentrer sous la capuche... Ce qui désoriente les hommes. Notez que le qualificatif
« érectile » ne convient pas à la chair féminine, « turgescentible » serait plus
juste, mais la tradition étant ce qu’elle est, je garderai « érectile ».

Le complexe érectile que je constitue, moi, le clitoris, est relié par un réseau de
vaisseaux, un « plexus », à tous les autres organes qui contiennent des tissus
érectiles (qui se dilatent également en cas d’excitation), à savoir : les bulbes
vestibulaires, le manchon vasculaire périvaginal et le point G, eux-mêmes reliés
entre eux par une résille de vaisseaux. Nous reviendrons ultérieurement sur le
manchon et le point G. En ce qui concerne les bulbes vestibulaires, sachez qu’ils
sont situés dans les grandes lèvres, de chaque côté du vestibule vaginal. Ils ont la
forme et la grosseur d’une amande, leur tissu turgescentible se nomme « corps
spongieux » ; en gonflant sous l’effet du désir ils font bâiller la vulve (voir
Annexe 1).

L’addition de tous ces corps érectiles constitue de fait un très vaste système
intumescent, beaucoup plus volumineux que celui que constitue le pénis ; d’où la
fameuse phrase d’Ambroise Paré, chirurgien du XVIe siècle : « Ce que l’homme a
à l’extérieur, la femme l’a dedans. » À lui seul mon complexe clitoridien a une
capacité supérieure au pénis ; c’est pourquoi je n’ai jamais fait de complexe
d’infériorité.

Bien entendu, l’intumescence féminine étant interne, elle n’est pas aussi patente
que celle de l’homme, elle se manifeste néanmoins par des signes extérieurs
impressionnants : voyez comment les grandes lèvres, les nymphes et mon gland
(bien que ce soit plus modeste pour lui) gonflent, se carminent et brûlent. Sentez,
en les palpant avec la pulpe de vos doigts, combien sont gorgées et brûlantes les
grandes lèvres et la paroi du vagin. Alors que dire de ce que perçoit la femme de
l’intérieur !

Une sensibilité prodigieuse

À quoi sert la turgescence ? À accroître le plaisir : la sensibilité des organes et de


leur muqueuse est multipliée d’une façon prodigieuse par l’inflammation. Entre
un clitoris non excité et un clitoris attisé, la sensibilité passe de un à dix. Il en est
de même pour le gland du pénis. Quant à la considérable potentialité orgasmique
de la femme - l’intensité fabuleuse de son orgasme et la possibilité de le répéter
à l’infini -, elle est liée à l’immense capacité de turgescence de son sexe car, si
cette turgescence met un certain temps à s’installer (quelques bonnes minutes),
elle se défait très lentement. Tant qu’elle persiste et même si un ou plusieurs
orgasmes ont éclaté, la femme sent bien qu’elle peut plus, que sa tension n’est
pas déchargée. D’autant que chaque orgasme entretient la turgescence et aiguise
les sensations : plus une femme a d’orgasmes, plus ils sont forts.

À cette puissance de turgescence s’ajoute, pour créer la richesse érotique de la


femme, une fastueuse sensibilité de ses muqueuses. En ce qui me concerne, moi,
le clitoris, il faut dire que cette sensibilité est tout à fait extraordinaire. Rendez-
vous compte : alors que le gland du pénis, tellement plus volumineux que le
mien, est doté de trois à quatre mille capteurs sensitifs, moi, ma petite perle en
porte huit à dix mille ! Je suis bourré de récepteurs de toutes sortes : ceux qui
captent les contacts, ceux qui enregistrent les pressions, ceux qui détectent le
chaud et d’autres le froid, ceux qui sentent la douleur et surtout ceux qui
engendrent la volupté, les fameux corpuscules de Kraus (voir Annexe 1). C’est
sur moi et nulle part ailleurs (hormis sur le gland pénien) qu’on trouve ces
corpuscules spécialisés dans le plaisir orgasmique. Au total, je porte la plus
grande concentration de récepteurs de tout le corps ; même la pulpe des doigts
ou les lèvres ou la langue, pourtant si sensibles, n’en ont pas autant. À vrai dire,
je suis un véritable détonateur pour ne pas dire une bombe sexuelle.

Les femmes connaissent bien ma puissance magique. Rapportés à ma taille, les


effets que je produis en elles, qui vont de la béatitude au séisme orgasmique où
leur tête se perd, où elles quittent la Terre, tiennent de la magie. C’est pourquoi
jour et nuit j’entends le chœur universel des femmes chanter mes louanges. Les
hommes pourraient être jaloux ; certains le furent mais ceux qui aiment vraiment
la femme me bénissent : c’est un tel bonheur pour eux de jouer avec moi et par
moi d’allumer chez leur aimée de si heureux embrasements qui les enflamment à
leur tour. Aussi, j’entends des chœurs d’hommes s’associer aux chorales
féminines pour m’offrir des actions de grâce.

La même galaxie

Si mon gland est le point gâchette de la vulve, n’en oubliez pas pour autant les
autres points érogènes de la galaxie vulvaire (non plus du reste que le cosmos
vaginal dont nous parlerons plus tard). Sont extrasensibles : ma capuche, ma
tige. Sont sensibles : la face interne des grandes lèvres, les nymphes (surtout au
voisinage du vagin), le vestibule vaginal (surtout près de l’entrée où bombent les
bulbes vestibulaires gonflés), la « fourchette » à la commissure postérieure de la
vulve. Plus en arrière, sont érogènes le noyau fibreux du périnée (le chakra de
base) et, très érogène, la marge de l’anus. Sous ce puzzle érotique de surface se
trouvent les tissus érectiles féminins que nous avons décrits ; ils sous-tendent le
plaisir des muqueuses et sont, eux, sensibles à la pression.

Ainsi, du pubis au coccyx ou mieux, du mont de Vénus compris au sillon


interfessier, la femme est pourvue d’une vaste zone érogène. Que l’homme la
saisisse d’une pleine main, voire de deux, qu’il le fasse avec ferveur et dévotion,
car dans ses paumes il a recueilli tous les fabuleux trésors érotiques de la
féminité ! Ce geste procure à la femme une sensation plus qu’agréable, une
impression de plénitude et de reconnaissance ; sentir tout son moi sexuel
rassemblé ainsi, l’unifie.

Paroles de femmes

Les plus grandes bibliothèques du monde ne suffiraient pas à contenir toutes les
paroles que les femmes m’ont adressées dans l’enthousiasme des plaisirs que je
leur offrais. Je ne vous confierai que celles qui m’ont le plus marqué ces derniers
jours : « Comment fais-tu petit bouton, point minuscule dans l’immensité du
corps, fait d’une pincée de cellules et d’une goutte de sang pour m’amener à
l’extase, à l’infini. Tu es divin, petit bouton. Tu es parcelle de dieu. » « Ô bouton
magique, apaisement des enfants sans sommeil, initiateur des pucelles, recours
des esseulées, secours des frustrées, consolateur des veuves, merci de nous
sauver de la tristesse, de l’amertume, de l’angoisse. »

J’entends aussi des hommes me complimenter tout en me flattant dans l’espoir


que j’inviterai leur aimée - ma châtelaine - à ouvrir tout grand ses belles jambes.
Ils m’appellent « petit bouton sacré », « trésor adoré », « petit minois fripon »,
« clef de l’amour », « éperon ou aiguillon d’amour ». Ils m’ont aussi appelé
« coccinelle » ou « escargot » (sans doute, un homme qui avait constaté que je
rentrais sous ma capuche au moment de l’orgasme comme le gastéropode se
retire sous sa coquille au moment de l’orage...).
3
Les fabuleuses réponses sexuelles de la femme

Ici encore, c’est au clitoris de s’exprimer. Dès qu’on me stimule, moi, le clitoris,
par exemple avec la pulpe d’un doigt, une cascade de réactions se produit dans le
corps de la femme et particulièrement dans son sexe : réactions vasculaires,
lubrification, contractions musculaires et irruption du plaisir.

Rouge est la sève

La réaction vasculaire, déjà abordée dans le chapitre précédent, consiste à créer


l’intumescence des tissus érectiles, qui sont de véritables éponges toujours prêtes
à se remplir de sang. Les artères qui y mènent se dilatent, ce qui accroît le débit
du sang qui y entre, les veines qui en émergent se contractent, ce qui réduit le
flux du sang qui en ressort, ainsi le sang est piégé dans les lacunes de l’éponge.
Au total, le tissu s’engorge et se met à gonfler. Cette vasodilatation est un
phénomène réflexe qui échappe à la volonté. Elle apparaît très vite dans les
secondes qui suivent l’image excitante, avant même que la femme ait conscience
de son désir. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’elle est ressentie et vécue comme
un plaisir.

Entrent en intumescence toutes les zones qui contiennent des tissus érectiles :
moi, le système clitoridien (mon gland, ma tige, mes deux branches), les bulbes
vestibulaires et le manchon vasculaire entourant le vagin. Se dilatent et se
remplissent de sang également tous les réseaux qui relient ces zones érectiles.
Au total, le clitoris, les grandes lèvres, les nymphes, la paroi du canal vaginal, le
col de l’utérus sont gorgés de sang. J’ajouterai que tous les organes du bassin
s’enflamment à leur tour : l’utérus, les ovaires, la vessie, le rectum.
L’intumescence qui m’atteint, moi, le clitoris, me fait gonfler jusqu’à me faire
doubler de volume et mesurer huit à dix millimètres, ce qui permet de mieux me
repérer. Toutefois, comme je l’ai dit précédemment, les hommes doivent savoir,
sous peine d’être désorientés, que quelques instants avant que n’éclate
l’orgasme, je me rétracte sous ma capuche, échappant ainsi au doigt ou à la
langue qui me stimule. Ce n’est pas que je débande, au contraire, c’est ma
turgescence qui, à son maximum, redresse l’angle que fait ma tête avec mon
corps. La rétraction de ma tête n’est qu’apparence, en réalité elle ascensionne,
mais sous ma capuche. Par conséquent, messieurs, pas de panique, ne suspendez
pas vos caresses, ne serait-ce que d’un dixième de seconde, continuez
imperturbablement, au jugé, car bien qu’ayant bougé quelque peu, je suis
toujours là.

L’intumescence atteint également le manchon vasculaire qui entoure le vagin,


alors même que celui-ci n’a pas été directement stimulé. Le gonflement est
particulièrement notable à son entrée qui, du coup, se resserre un peu. Les doigts
qui s’y introduisent sentent bien cet anneau.

La rosée du bonheur

Voyons maintenant la réaction de lubrification. Souvent la femme « mouille »


avant même que ne commence la stimulation clitoridienne. La vue de l’aimé ou
une simple pensée érotique en déclenchant le désir suffit à provoquer la
« mouillure » qui apparaît en trente secondes. Les caresses prodiguées à tout le
corps en préliminaires à la caresse clitoridienne peuvent aussi provoquer une
lubrification. Il est donc rare qu’on me trouve sec, le plus souvent, je baigne
dans l’eau du désir. En supposant qu’aucune pensée, aucun préliminaire n’ait
créé d’humidité, je puis vous assurer que dans les secondes qui suivent le début
de ma stimulation, une ondée de lubrification se produira.

D’où vient l’eau de l’excitation ? Du vagin d’abord, de la vulve ensuite. Le


vagin ne comportant pas de glandes, sa lubrification se fait par transsudation :
l’eau qui compose le sang sort des vaisseaux, traverse la paroi vaginale, perle à
sa surface, s’étale en nappe, coule généreusement et jaillit dans le vestibule,
inondant toute la vulve. Celle-ci, par contre, est dotée de glandes, en particulier
les grosses glandes de Bartholin, qui sécrètent un liquide lubrifiant. La
transsudation vaginale apparaît en quelques secondes puis se tarit ; le relais est
pris par les sécrétions vulvaires. Le lubrifiant vaginal est aqueux, le vulvaire est
plus muqueux.

Les muscles en liesse

Voyons maintenant les réactions musculaires. Elles concernent une multitude de


muscles répartis dans tout le corps. Celles qui nous intéressent au premier chef
ce sont les réactions des fibres musculaires de la région sexuelle. Les fibres
musculaires lisses comprises dans la gaine musculaire vaginale vont réagir en se
contractant ou au contraire en se relâchant. Les contractions se produisent au
niveau de l’entrée du vagin qui alors se resserre, resserrement qui double le
rétrécissement dû à l’intumescence de la gaine vasculaire maximum à cet
endroit. Les relâchements se produisent dans le haut du vagin qui alors se dilate :
c’est la ballonisation en montgolfière des culs-de-sac vaginaux.

Ainsi, averti par la stimulation de votre serviteur, le vagin se prépare à recevoir


le pénis. À l’entrée, il se resserre pour retenir et masser le fût pénien lors de ses
va-et-vient ; au fond, il se dilate pour donner de l’espace au gland pénien et lui
permettre d’aller heurter les divers plots érogènes du col utérin et des culs-de-
sac. L’homme qui introduit ses doigts sent très bien l’anneau à l’entrée et le
ballon en haut. Son émotion est vive de constater l’étonnante vie intérieure du
sexe de la femme.

Remarquables sont aussi les réactions des muscles du périnée : au cours de


l’orgasme ils effectuent des contractions cadencées très typiques qui seront
décrites dans un chapitre ultérieur.

Bien d’autres muscles réagissent en se contractant : les muscles des cuisses, les
abdominaux, les dorsaux (le plaisir fait s’arc-bouter la femme), les muscles
respiratoires (le plaisir chez la femme s’accompagne de halètements ou
d’apnée).

Le jaillissement du plaisir

La plus époustouflante réaction que provoque la stimulation du clitoris se


nomme plaisir. Dans un premier temps, c’est un plaisir doux qui s’accroît
progressivement sur un temps plus ou moins long ; à terme, c’est un plaisir
explosif, l’orgasme. Procurer du plaisir est ma fonction, mon unique fonction. Le
pénis, lui, en plus de procurer la volupté, participe à la fonction de reproduction
en conduisant le sperme et à la fonction d’élimination en conduisant l’urine.
Moi, je suis tout entier au service du plaisir féminin. Mon seul but est d’offrir à
la femme une légitime volupté. Grande et belle mission.

Après le plaisir culminant vient une phase d’apaisement : le corps se calme,


l’esprit s’apaise. C’est la détente, la félicité, la béatitude.

Ces multiples réactions mettent en jeu des circuits neurologiques d’une énorme
complexité, comprenant des millions de neurones et de connections, des milliers
de capteurs, des nerfs, des plexus, le tout chapeauté par des centres situés dans la
moelle et dans le cerveau, eux-mêmes d’une très grande complexité. Ainsi la
nature a voulu qu’à partir du petit bouton que je suis, s’enchaîne une gigantesque
succession de réactions afin qu’éclate le plus extraordinaire des plaisirs.
4
L’art de l’autocaresse clitoridienne

La parole est toujours au clitoris. Moi, le clitoris, je n’aime pas utiliser le mot
« masturbation » qui vient du latin manus, la main, et stupro, souillure. Quant au
terme « onanisme », il est ici impropre : ce que pratiquait Onan pour éviter de
rendre enceinte sa belle-sœur, c’était le coït interrompu ; la Bible ne dit rien de
plus.

70 % des femmes me font l’honneur de me caresser, chiffre qui est une moyenne
entre différentes enquêtes. En vérité, la pratique de cette caresse varie au cours
de la vie des femmes. Elle dépend de l’âge - certaines commencent très
précocement vers 3 ans, d’autres plus ou moins tardivement à 30 ans, voire à
60 ans -, elle dépend de la présence ou de l’absence d’un partenaire et de la
qualité de celui-ci -, certaines femmes continuent à se caresser en prenant un
conjoint, d’autres arrêtent.

Aux femmes qui ne se sont pas encore autocaressées et qui ne connaissent pas
les joies que je dispense, je conseille d’apprendre précisément la configuration
de leur sexe. Commencez par consulter des illustrations (voir Annexe 1) puis
passez à votre propre exploration selon les indications que je vous ai données
précédemment. Prenez votre temps, c’est important : il s’agit du cœur de votre
vie de femme. De vos yeux, qu’accompagne un doigt qui touche, identifiez
chaque partie : les grandes lèvres, les nymphes, moi, le clitoris et mon capuchon,
le méat urinaire, le vestibule vaginal, l’orifice clos du vagin. Le doigt, en même
temps qu’il découvre, teste la sensibilité de chaque zone. Vous pouvez aussi
vous servir de l’extrémité mousse d’un objet - votre brosse à dent, par exemple.
Bien entendu, c’est moi, le clitoris, que vous aurez le plus remarqué. Je suis cette
perle à demi coiffée d’une capuche. Tirez ma capuche vers le haut et me voilà
tout entier : une petite boule lisse, brillante. Cette boule, c’est ma frimousse - le
gland en terme d’anatomie. Vous avez noté à quel point je suis sensible : à peine
effleuré je vous envoie un frisson de volupté, aussi, vous seriez tentée de
poursuivre la caresse. Mais continuez votre exploration afin de bien me
connaître, exploration fort agréable du reste. Au-dessus de ma capuche (je vous
rappelle que je suis un petit personnage à l’envers) est mon corps - ma tige en
terme d’anatomie. C’est un cylindre que vos yeux devinent, que votre doigt
perçoit ; faites-le rouler sous votre pulpe, c’est très jouissif. Plus au-dessus
encore sont mes jambes - les racines disent les anatomistes. Elles sont plus
difficiles à percevoir car logées dans la profondeur des grandes lèvres, sous le
rebord du pubis, l’une à droite, l’autre à gauche ; mais comme ce sont des corps
érectiles que le désir fait gonfler, vos doigts experts peuvent tenter de les palper
ce qui d’ailleurs, vous vaudra une bouffée de doux plaisirs.

Si vous n’osez pas encore vous contempler dans une glace, contentez-vous pour
l’instant d’une exploration digitale. À tâtons, repérez chaque partie de la fente et
notez les points les plus sensibles. En avant, vous découvrez un point
particulièrement exquis qui, si vous continuez à le flatter, ne tardera pas à vous
donner de vives et chaudes sensations : c’est moi, le clitoris.

Préliminaires

Vous pouvez me caresser de façon impromptue et soudaine sur un coup de sang


ou un coup de cafard. Mais j’aime, quand on a le temps, qu’on suive une sorte de
rituel, non par narcissisme mais pour honorer la femme et sa volupté. Et aussi
parce que l’érotisation de son corps est une préparation à ses noces sublimes
avec le corps de l’homme. Si vous vous caressez de façon impromptue, il se peut
que vous ne me trouviez pas assez humide, or, je suis si sensible qu’une caresse
à sec me serait désagréable, voire douloureuse. Humectez donc votre doigt, soit
en le trempant dans l’orifice vaginal toujours mouillé, soit en le portant à votre
bouche pour l’enduire de salive. Vous pourriez aussi utiliser une huile naturelle
(huile d’amande douce par exemple) ou une crème de beauté. Pour la suite pas
de problème : la nature étant bien faite et moi, le clitoris, un magicien, à peine
m’aurez-vous caressé que le vagin se mettra à verser des larmes de joies qui se
déverseront dans la vulve, la lubrifiant ainsi naturellement.
Si vous avez opté pour un rituel, commencez par prendre un bain chaud pour
vous relaxer. Avec un savon aux essences naturelles, massez doucement et
caressez voluptueusement toute la surface de votre corps. Puis choisissez un
endroit calme, agréable, bien chauffé. Créez-y une ambiance intime et chaude :
des tissus douillets, une douce lumière au ton jaune ou orange, une musique
inspirée, de l’encens, des bougies. Préparez aussi une théière ou une carafe de
fruit de la passion. Prévoyez un temps suffisant car il se peut que la première
fois, il vous faille de quarante-cinq minutes à une heure pour atteindre le plaisir
suprême. Mais vous méritez bien de vous consacrer ce temps.

Ne dirigez pas d’emblée votre main sur moi, caressez d’abord tout votre corps.
Faites surtout une étape sur vos seins, dont vous caresserez spécialement les
mamelons car ils sont directement en relation avec moi : par titillations ou autres
taquineries vous y déclencherez des messages à mon égard qui me mettront dans
le plus vif émoi. Descendez alors sur votre ventre ; sa rondeur, le satiné de sa
peau réjouiront votre paume et celle-ci apaisera ses tensions. Gagnez maintenant
le mont de Vénus, lissez vos boucles, glissez vos doigts entre elles et, dessous,
tâtez et grattez le tendre coussinet. Humez vos doigts déjà imprégnés d’une
fauve odeur. Alors, caressez vos cuisses et particulièrement leur face interne
dont la peau est, avec celle des seins, la plus fine et la plus sensible qui soit.
Insinuez vos doigts dans le sillon entre cuisse et vulve ; l’endroit est moite et
chaud, c’est déjà « sexuel », c’est aux confins de l’intime, ça promet.

Rapprochez-vous de cette intimité, abordez la face externe de la vulve, prenez à


pleine main les grandes lèvres, pressez-les longuement ou à petits coups, tirez-
les, faites-les glisser l’une sur l’autre. Puis ciblez pressions et tiraillements sur
les points qui se révèlent les plus sensibles car ils correspondent à des formations
érogènes : moi, le clitoris (mon gland, ma tige, mes racines) en avant, les bulbes
vestibulaires en arrière, etc.

C’est le moment d’aller effleurer d’un doigt l’incisure de votre vulve, sans y
pénétrer toutefois. Lissez les rebords entre les deux lèvres, là où les soies font
place à la muqueuse nue. Mais n’entrez toujours pas ! Faites encore un tour de
caresses sur le dessous de vos cuisses, dans le sillon entre cuisse et fesse, autour
de l’anus. Ces zones ont le bonheur à fleur de peau ; elles vous délivreront des
volées de frissons, tout en envoyant au cœur de votre sexe des invites des plus
chaleureuses. Car le but de ces préliminaires est d’entamer l’intumescence
profonde et d’y déclencher une généreuse lubrification.
Un peu de suspense

Revenez enfin à votre vulve. Prenez-la à nouveau à pleine main. Elle est gorgée
et chaude comme un abricot mûr sur la branche qui la tend au soleil. Elle vous
brûle la main. Votre désir croissant rend vos doigts impatients. Retenez-les
encore, dégustez votre désir, car le désir est aussi un plaisir, peut-être même le
meilleur du plaisir.

Enfin, préparez-vous à entrer : d’un doigt subtil, parcourez lentement l’incisure,


plus chaude, plus moite que jamais et qui déjà commence à bailler. Refaites ce
geste un degré plus profond, c’est encore plus chaud et plus humide. Puis, un
autre et encore un autre, toujours un degré plus profond. Vous voilà entre les
valves de la vulve ; c’est carrément aqueux et tropical. Alors, laissez vos doigts,
qui n’en peuvent plus, plonger dans la lagune.

Mais ne fondez pas encore sur moi. Écartez bien vos grandes lèvres, exposez
pleinement votre vulve à vos caresses. Passez une main douce sur toutes les
surfaces, tous les reliefs, tous les creux, sans vous arrêter sur aucun. Puis,
précisez, ciselez vos caresses avec la pulpe d’un ou deux doigts, mais sans
insister, juste pour les reconnaître, vous annoncer, les inviter à la fête. La face
interne des grandes lèvres bombée, lisse, glissante et brûlante, frémit sous vos
doigts ; les nymphes, gonflées comme des barbillons de coq, vibrent sous la
pulpe qui longe leur dentelle. En avant, le doigt aimant glisse sur moi, le clitoris,
mais simplement pour me repérer, me convier, me faire patienter. Au milieu, la
papille du méat urinaire n’est pas indifférente au doigt qui passe. En arrière, le
vestibule vaginal, qui bouillonne comme une source chaude, est pris de frissons
voluptueux qui aussitôt nés, débordent sur tout le corps.

L’irrésistible caresse

Le moment est venu de vous concentrer sur moi. Il faut me caresser pour obtenir
le plaisir explosif de l’orgasme, mais aussi pour savourer l’infini plaisir croissant
que je procure le long de la chatouille. Si vous êtes novice, sachez que le
summum ne surviendra pas automatiquement et rapidement le jour où vous
aurez décidé de me stimuler. Il vous faudra un certain temps « d’entraînement ».
Si au cours d’une stimulation le plaisir n’explose pas comme vous l’espériez, ne
vous découragez pas, restez confiante, insistez, mais sans vous acharner, vous
crisper. Un certain abandon favorise l’éclosion du plaisir. Et puis, rien que de me
caresser, vous éprouvez de bien belles joies. En tout cas, n’hésitez pas à faire des
pauses pendant lesquelles vous humerez et goûterez vos doigts : vos arômes et
vos élixirs naturels, très agréables, nourriront votre excitation. Et quand vous
reprendrez vos caresses, moi, le clitoris, déjà excité, je serai encore plus sensible
et vous offrirai une octave de plaisir de plus. De toute façon, dites-vous bien que
si l’orgasme n’est pas survenu aujourd’hui, il arrivera demain ou après-demain.
Chaque jour de caresses me rend plus excitable et plus apte à déclencher la
déflagration.

Quand c’est la femme elle-même qui me touche, je ne crains pas d’être malmené
car elle sent bien ce qu’elle me fait et en plus je suis assuré d’avoir les meilleures
caresses. Toutefois, je vais dire aux novices ce que j’aime et ce que je n’aime
pas : j’ai horreur qu’on aborde directement mon gland, qu’on m’écrase la
frimousse, ça m’est désagréable, ça m’énerve et même ça me fait mal. Caressez-
moi à travers ma capuche au-dessus ou sur le côté - dans le sillon entre ma
capuche ou les nymphes qui le prolongent et la joue de la grande lèvre. Ou bien,
caressez ma tige - autrement dit mon corps. Les huit mille fibres sensitives qui y
passent en direction de mon gland vous en seront infiniment reconnaissantes ;
n’hésitez pas à remonter vers les racines à l’aplomb de la toison pubienne.
Toutefois, sachez qu’il existe des clitoris qui acceptent d’emblée, ou après un
délai, des caresses en plein gland et qui apprécient que la femme tire leur
capuche vers le haut afin de dégager la totalité de leur gland.

Vous pouvez me stimuler avec un seul doigt - le médius étant le plus commode -
ou avec deux doigts, par exemple l’index dans un sillon, le médius dans l’autre.
Pour commencer, caressez-moi légèrement, doucement, puis augmentez
progressivement votre pression, jusqu’à appuyer assez fortement ; il y a même
des clitoris qui aiment que leur propriétaire y aille gaillardement. En ce qui
concerne le tempo, débutez lentement puis accélérez progressivement jusqu’à
atteindre, parfois, une certaine frénésie. Quant aux mouvements de vos doigts,
vous avez le choix, ou bien vous les faites aller et venir dans le sens de la fente,
c'est-à-dire de bas en haut et réciproquement, ou bien vous les faites tourner en
rond autour de moi, suivant des petits cercles. Mais, vous pouvez aussi alterner
les mouvements verticaux et les mouvements circulaires. La bonne amplitude est
de l’ordre de deux millimètres. « Jouer de la mandoline », c’est ainsi qu’on
appelle cette autocaresse en Italie, peut-être cela vous inspirera-t-il.

Outre les caresses classiques, il existe une variété innombrable de caresses


manuelles. Vous pouvez vous servir de votre pouce, de la paume de votre main,
de son plat, de sa tranche, de votre poing fermé, des doigts réunis de vos deux
mains. Vous pouvez aussi étendre le mouvement de vos mains à toute la vulve.
Vous pouvez encore mettre vos doigts à l’extérieur des grandes lèvres, le pouce
d’un côté, les quatre autres doigts de l’autre et me rouler entre eux, moi, le
clitoris.

La bonne position

La position de votre corps au cours de l’autocaresse a beaucoup d’importance.


Le plus souvent, elle se pratique couchée sur le dos (94,5 % dans l’enquête de
Shere Hite) et les jambes serrées ; c’est le cas en particulier des enfants et des
adolescentes. Cependant, quand vous vous ébattrez avec l’homme, il vous faudra
jouir jambes écartées, ce qui pourrait vous désorienter. Aussi, je vous conseille
de vous habituer à vous caresser jambes écartées. Une petite proportion de
femmes se stimulent couchées sur le ventre (5,5 % de cette même enquête),
position qui rend plus commode l’introduction éventuelle d’un doigt dans le
vagin, mais qui ne peut être maintenue dans l’union avec l’homme. C’est
pourquoi, ici aussi, je vous conseille de changer d’habitude et d’apprendre à
jouir sur le dos ou assise, jambes ouvertes.

Bien que ne figurant pas dans l’enquête citée, les positions accroupie ou debout
sont parfois adoptées, en particulier par les femmes qui veulent se regarder dans
un miroir en train de jouir. La contemplation de l’image de la main exécutant un
andante sur le clitoris est particulièrement excitante et en plus elle permet à la
femme d’assumer son geste érotique en pleine conscience. Certaines aiment se
tenir debout devant une psyché et danser nue en se caressant. D’autres
s’accroupissent au-dessus d’une glace posée sur le sol et admirent leur main
butinant la fleur de leur sexe.
5
Variations autour de l’autocaresse clitoridienne

Il arrive aux femmes d’utiliser des objets pour me stimuler. L’objet que
beaucoup adorent et qui est souvent à l’origine de leur éveil érotique, c’est un jet
d’eau frappant l’intérieur de la vulve écartée et atteignant à la fois le clitoris et
tout l’intime y compris le vestibule vaginal. Elles utilisent soit le jet de la douche
qu’elles peuvent facilement diriger, soit le jet du robinet - tourné à fond - de la
baignoire sous lequel elles se placent couchées sur le dos, jambes ouvertes. Le
bain, du reste, est un excellent révélateur de l’éroticité féminine : l’eau chaude
inondant la vulve, fait flotter les nymphes et baigne la béance du vestibule
vaginal ; alors, le sexe de la femme s’épanouit comme une fleur aquatique et
palpite de vie.

Les objets du plaisir

Les femmes utilisent aussi des objets durs mais elles prennent garde que leur
extrémité soit ronde et lisse : manche de brosse à dents ou à cheveux, bout
mousse d’un crayon, pommeau d’une douche, etc. Et comme on n’arrête pas le
progrès, elles utilisent maintenant le vibromasseur. C’est une stimulation
extrêmement efficace : mon plaisir est beaucoup plus intense, beaucoup plus
rapide de survenue et assuré à tous les coups, bref, il est quasi automatique. Les
femmes qui connaissent déjà l’orgasme peuvent avec l’appareil l’obtenir en une
minute. Les novices, celles qui n’ont pas encore accédé à l’orgasme, le
découvrent soudain. Faut-il pour autant utiliser systématiquement le
vibromasseur ? Son usage a-t-il des inconvénients ?
Le risque est grand de devenir « accro ». Toute source de plaisir peut créer une
dépendance - a fortiori s’il produit un état euphorique de conscience comme la
volupté érotique - c’est le cas du chocolat, du sport, de l’alcool, de la drogue, etc.
Le plaisir obtenu s’accompagne de la sécrétion de neurohormones,
d’endomorphines en particulier, par le cerveau. En l’absence de ce plaisir, le
taux des endomorphines diminue dans le corps et naît alors le besoin de s’en
procurer : c’est l’état de manque. Pour remonter ce taux et faire cesser cet état, le
sujet va recourir à nouveau à ce plaisir. C.Q.F.D. Ainsi cette addiction fera de
vous l’otage de l’appareil.

Par ailleurs le vibro habitue votre corps à un mouvement qui vient de l’extérieur
et à une quasi-passivité ; vous n’avez plus aucun effort à faire, l’appareil faisant
tout le travail. En outre, et surtout, l’usage du vibro risque de me rendre, moi, le
clitoris, moins sensible aux caresses de vos doigts qui sont plus doux, plus
« mous », plus lents : vous ne saurez plus les apprécier et ils ne pourront plus
vous conduire à l’extase. De même, je serai moins sensible aux doigts et à la
langue de votre aimé, qui eux aussi ne pourront plus guère vous procurer
l’orgasme.

Enfin, l’excès de stimulation mécanique peut entraîner des irritations, voire des
inflammations (vulvite, cystite, vaginite) pour peu que s’y associe une mauvaise
hygiène.

Je déconseille donc l’usage systématique de l’appareil. Restez naturelle, artisane


et artiste. Si vous êtes une novice qui s’est appliquée en vain, vous pourriez
utiliser le vibro le temps de débloquer votre capacité orgasmique.

Les stimulations indirectes

Dans la célèbre enquête de Shere Hite, parue en 1976, on notait que parmi les
femmes qui pratiquaient la masturbation, 78,5 % d’entre elles exerçaient
l’excitation clitoridienne par l’intermédiaire de leurs mains, 4 % excitaient leur
clitoris en serrant un objet, 3 % en serrant tout simplement leurs cuisses. Les
stimulations indirectes du clitoris sont de deux sortes, comme l’enquête le faisait
prévoir : le frottement et le « sciage ».
Le frottement consiste pour la femme à me frotter, moi, le clitoris et la vulve qui
m’entoure, sur un objet extérieur : un ours en peluche quand on est enfant, un
oreiller plus tard (dans les deux cas la personne est couchée sur le ventre), un
accoudoir de fauteuil, un rebord de baignoire, etc.

Le sciage consiste à serrer les cuisses dans le but de me comprimer ainsi que la
vulve. L’expression « sciage » est laide et mécaniste ; par contre, le geste est
classique et beau, appelons-le « la torsade ». Pour la réaliser, la fillette ou la
femme entrecroise et entrelace la cuisse, la jambe et la cheville d’un côté avec
leur homologue de l’autre côté et les serre les unes contre les autres. C’est dire
que toute la belle chair de l’entrecuisse, si richement vascularisée et innervée, se
trouve pressée tel un citron. Plus précisément, sont pressés : le système
clitoridien - gland, tige, racines -, les bulbes vestibulaires, les réseaux qui les
relient, bref, la plupart des corps érectiles ; pressés aussi les capteurs et les fibres
nerveuses, les muscles du périnée, l’anus, autant de formations qui sont parties
prenantes de la volupté. Analysé de plus près encore, le geste de la torsade
consiste essentiellement à contracter volontairement et en cadence les muscles
adducteurs des cuisses (ceux qui les rapprochent l’une de l’autre et que les
Anciens appelaient custodiam virginitatis, les gardiens de la virginité) et les
muscles du périnée. Résultat : la circulation dans la vulve est bloquée, les corps
érectiles deviennent turgescents, ce qui rend plus excitable encore le contenu de
l’entrecuisse, lequel contenu est stimulé par les pressions rythmiques. De ce
cercle vertueux l’orgasme jaillira en trois minutes.

Pour réaliser cette stimulation, la femme peut être couchée ou assise. Cette
dernière possibilité donne à la femme un moyen magique utilisable en tous lieux,
à l’insu de l’entourage, non pas tellement de se donner du plaisir, mais d’apaiser
ses angoisses et ses stress en toutes circonstances.

Les caresses associées

Spontanément, les femmes associent à ma stimulation des caresses d’autres


zones érogènes. Le plus souvent ce sont les seins qui sont élus. Le globe tout
entier est flatté, massé, pressé voire trituré. Le mamelon est effleuré, titillé,
pincé, tiré. C’est un site particulièrement érogène au point que sa stimulation
peut déclencher des orgasmes. En plus, comme nous l’avons déjà évoqué, les
pétillements mamelonnaires produisent en moi une vive effervescence et une
nette turgescence. Il y a là une synergie étonnante. Certaines femmes me disent
sentir un influx les parcourir du mamelon au clitoris. C’est pourquoi les anciens
médecins, dont Hippocrate, imaginaient qu’il existait un nerf qui reliait
directement le tétin au bouton. Léonard de Vinci l’aurait fait figurer sur une de
ses planches d’anatomie. En vérité, c’est un arc réflexe privilégié qui unit
mamelon et clitoris, via la moelle. Pour plus d’informations sur la caresse du
sein et toutes les autres, voyez Le Traité des caresses.

Une autre caresse souvent associée à celle que je reçois concerne le vagin. Les
femmes y introduisent soit leurs doigts, soit un objet. Ce sont les doigts de leur
autre main - un ou plusieurs - qu’elles enfoncent en elles. Toutefois, ce geste
obligeant à plier fortement le poignet, est incommode, voire douloureux, c’est
pourquoi elles préfèrent utiliser des objets choisis pour leur surface mousse et
leur forme allongée. Elles usent donc d’accessoires conçus pour cela de toute
éternité mais modernisés - godemichés et vibromasseurs. Elles utilisent aussi ce
que la nature ou leur environnement immédiat leur offre - courgette, carotte,
bougie, manche de brosse à cheveux, etc. C’est un inventaire à la Prévert qu’il
faudrait dresser. Quand la femme me stimule en présence de son partenaire, c’est
ce dernier qui prodigue parallèlement, s’il le veut, la stimulation vaginale.

Une autre caresse accompagne assez fréquemment celle que je reçois : celle de la
zone anale. Simple effleurement de la marge de l’anus ou bien introduction d’un
ou deux doigts ou même d’un petit « vibro ».

Hormis les caresses associées portant sur ces sites spécialement érogènes, les
femmes aiment caresser toutes les autres parties de leur corps tandis qu’elles me
stimulent : leurs épaules, leur ventre, leur mont de Vénus et ses boucles,
l’intérieur de leurs cuisses, etc. Elles le font avec leurs mains mais aussi avec des
choses douces : une fourrure, un foulard de soie, une plume. Certaines
embrassent leurs épaules. Et beaucoup s’enivrent de humer ou de goûter leurs
doigts imprégnés des délicieux et si troublants élixirs de la vulve.

Cependant, la plus subtile des stimulations associées à la caresse du clitoris, est


celle que produit le cerveau. Tandis que les doigts de la femme pianotent sur
moi, son encéphale est en pleine production cinématographique. Souvent même,
les fantasmes précédent l’activité manuelle. Il s’agit de se mettre en scène dans
des situations excitantes : souvenir de faits réels ou créations imaginaires. On
sait bien que l’organe le plus érogène c’est le cerveau. C’est à ce point vrai qu’il
arrive dans la vie de toute femme qu’un orgasme survienne un beau jour sans
aucune excitation physique. Sous le coup d’une grande émotion, par exemple.

De quelques chiffres remarquables

En me caressant elles-mêmes, 95 % des femmes atteignent l’orgasme en


quelques minutes. Toutes les enquêtes aboutissent à ce chiffre. La femme n’a
donc pas de problème fondamental avec l’orgasme : elle a l’orgasme facile et
rapide, tout au moins en ce qui concerne l’autostimulation du clitoris. Les
problèmes, c’est avec l’homme et particulièrement dans le coït qu’ils
apparaissent. Nous verrons ultérieurement comment les résoudre.

Le délai de survenue de l’apothéose clitoridienne varie selon les femmes et selon


les jours : il va de cinq minutes à trente minutes, mais avec une pratique
régulière, ce temps peut se réduire à trois minutes. C’est dire que la femme jouit
aussi rapidement que l’homme.

La chance d’obtenir l’orgasme est de 100 % chez les femmes « entraînées ».


« Ça marche à tous les coups », disent-elles. Avec le vibro, l’obtention est
immédiate et automatique : il suffit d’une à deux minutes à la femme qui en a
l’habitude. Cependant, les femmes ne se précipitent pas toujours sur le premier
orgasme venu, elles font durer le plaisir, se délectent de sa montée, font des
pauses et reprennent crescendo. Il arrive aussi qu’elles s’accordent rapidement
un orgasme de décompression puis qu’elles reprennent à loisir, sans se presser,
la stimulation, l’émaillant de rebonds orgasmiques et de suspensions. Une belle
séance clitoridienne peut durer une heure, voire deux.

Quelle est la fréquence de l’activité d’autostimulation clitoridienne ? Elle fluctue


selon les femmes, leur âge, les périodes de leur vie, l’existence d’un aimé, etc. À
l’extrême, on trouve des femmes qui déclarent se caresser six fois par jour, ou
tous les soirs avant de s’endormir, ou tous les matins en se réveillant, ou toutes
les nuits. À l’autre extrême, il y a les femmes qui ne se caressent jamais (ou en
tout cas jamais pendant une époque donnée). Plus couramment, on trouve des
femmes qui se stimulent deux fois par semaine ou deux fois par mois. Faire une
moyenne n’aurait pas de sens. Bien entendu, les plus grandes fréquences
appartiennent aux femmes seules (mais on peut être « seule » avec un conjoint).
À quel âge commence-t-on à me caresser ? Beaucoup de femmes ont découvert
leur clitoris quand elles avaient 3 ans, mais il n’est pas rare qu’elles « s’y
mettent » à 30 ans. Et pas exceptionnel à 65 ans. Il n’est jamais trop tard pour
s’ouvrir au bien-être et à la volupté. Chez une femme adulte, la découverte de
l’orgasme, surtout s’il survient en salves, est un événement bouleversant : un
nouveau monde s’ouvre à elle.
6
Les bienfaits de l’autocaresse clitoridienne

La parole est toujours au clitoris. Me caresser vous apportera nombre


d’avantages et moult bienfaits. Car me caresser est une source inépuisable de
plaisir, un plaisir qui, de tous ceux que votre corps vous procure, est le plus
intense, le plus étendu (il déborde sur tout le corps), le plus riche (il prend toutes
sortes de formes) et le plus simple à obtenir. Le plaisir vaginal, bien que
supérieur sous certains aspects, est moins fort et plus difficile à obtenir, tout au
moins à ses débuts. Et il nécessite, pour s’accomplir pleinement, un partenaire.
Quant aux autres plaisirs, aucun n’atteint une telle densité et une telle intensité,
ni ceux du palais, ni ceux des yeux, ni ceux des oreilles, quelles qu’en soient par
ailleurs les qualités propres.

S’accorder du plaisir

Procurer du plaisir suffirait en soi et justifierait la gratitude des femmes envers


moi et leurs louanges. Mais en plus, le plaisir que j’offre a bien d’autres effets
bénéfiques. Il soulage les douleurs. Beaucoup de femmes calment leurs douleurs
menstruelles en me caressant. Des expériences conduites en laboratoire montrent
que des douleurs infligées - en l’occurrence des pincements progressifs de la
peau - ne sont pas perçues quand la femme se donne du plaisir en me stimulant.
Il console les chagrins. Les femmes le savent bien qui recourent à ma caresse
quand un coup de cafard les atteint. Il apaise les tensions, l’énervement et le
stress. C’est un excellent sédatif et un excellent somnifère. Il confère la bonne
humeur. C’est le meilleur des antidépresseurs. Il stimule l’énergie vitale et la
créativité.
Les effets favorables sont à mettre au bénéfice des neurohormones, en particulier
des endomorphines, qu’élaborent les centres cérébraux du plaisir -
l’hypothalamus et le système limbique - dans toutes les circonstances qui
s’accompagnent de plaisir : manger du chocolat (ce que fait aussi la femme en
cas de cafard), écouter de la « belle » musique, s’éclater dans un art ou dans un
sport, prier avec transport et... faire l’amour (ou se caresser). Dans tous ces actes,
la quantité d’endomorphines du sang augmente. Dans le plaisir sexuel, non
seulement elle croît mais, au moment de l’orgasme, elle atteint des pics inégalés
par aucun autre plaisir. Quand je vous aurai rappelé les vertus des
endomorphines - véritable panacée -, vous aurez compris pourquoi ma
stimulation vous fait tant de bien : ces substances sont antidouleur, antitristesse,
anti-angoisse, antistress, euphorisantes et psychostimulantes. C.Q.F.D. : ces
effets recoupent bien les bienfaits énoncés précédemment.

D’une façon générale, le plaisir a un rôle « métaphysique », « existentiel » :


l’existence est souvent cruelle pour l’être humain, elle lui réserve bien des
souffrances, des peines, des peurs, des stress et des angoisses, sans omettre cette
angoisse extrême de se savoir mortel. Ce qui rend la vie supportable, ce sont les
plaisirs qu’on y glane. C’est le plaisir d’aujourd’hui ou la perspective d’un
plaisir à venir qui donne envie de vivre. Sans eux, la vie ressemblerait à un long
calvaire.

S’aimer soi-même

S’offrir du plaisir, c’est se manifester de l’estime et de l’amour. Or, pour vivre


heureux et s’épanouir, il faut s’estimer et s’aimer, c’est aussi la condition pour
aimer les autres et les rendre heureux. « Charité bien ordonnée commence par
soi-même » prétend le dicton. « Aime ton prochain comme toi-même », a dit
Jésus.

Donner de l’attention à son clitoris, c’est apprécier son corps de femme. Se


donner un orgasme clitoridien, c’est révéler sa propre capacité orgasmique et
ainsi célébrer sa féminité. N’hésitez pas à adresser à votre sexe, à votre vulve, à
moi-même le clitoris, des mots tendres, des compliments, des mots d’admiration,
des encouragements.
Vous ne risquez pas, ce faisant, d’être trop narcissique : ces lieux ont été
tellement dévalorisés et votre propre inconscient, comme votre inconscient
collectif de femme, est tellement chargé à leur sujet de pensées négatives, que
vos compliments ne seront jamais de trop.

S’affirmer c’est assumer son identité féminine et son autonomie érotique. Cela
ne veut pas dire que la femme peut se passer de l’homme mais que sa révélation
sensuelle et l’obtention de l’orgasme ne passent pas d’emblée et exclusivement
par l’homme, ne dépendent pas que de l’homme, de sa main si gauche et de son
pénis si impatient. Cela veut dire que la femme ne saurait être un réceptacle
passif, mais qu’elle doit se tenir responsable de son épanouissement sexuel, et en
particulier, s’initier elle-même.

Une fois l’indépendance sexuelle acquise, la femme se sent libérée de ses peurs
vis-à-vis de la sexualité, vis-à-vis de l’homme. La prise de conscience de sa
puissante capacité érotique aura un grand retentissement dans sa relation
intersexuelle : un rapport harmonieux ne peut s’établir entre des êtres décalés
dont l’un attend tout de l’autre. Plus nous existons, plus la relation est saine et
bonne.

Se connaître pour s’initier

Le précepte de Socrate « connais-toi toi-même » est également valable pour le


corps et particulièrement pour la sexualité. Aucune zone du corps ne doit être
méconnue et sa sensibilité laissée en jachère. Il est aussi légitime de connaître
votre sexe et d’en développer la sensualité que de connaître et de développer la
sensualité de votre vue, de votre ouïe ou de votre palais.

La caresse de votre sexe vous apprendra non seulement sa configuration mais


aussi l’éroticité de chacun de ses points et les meilleurs gestes pour les faire
chanter. Vous caresser, c’est découvrir, comprendre et réveiller votre corps
intime.

En plus, apprendre à vous donner des orgasmes par vous-même, c’est faire un
pas vers l’orgasme à deux. L’autoérotisme est une passerelle entre la capacité
virtuelle de jouissance et la jouissance à deux. Une femme qui sait déclencher
son orgasme aura plus de chance de le faire éclater avec un partenaire. Pour vous
entraîner au plaisir ensemble, vous pouvez par exemple vous amuser à vous faire
jouir en vous frottant sur la cuisse ou le pubis de votre aimé. Au total, se caresser
et se connaître est une excellente initiation à la vie érotique.

Se connaître pour apprendre à l’autre

C’est d’abord pour vous affirmer, pour exister sexuellement de façon autonome
qu’il vous faut connaître votre sexualité, mais c’est aussi en vue du partage avec
un partenaire. La connaissance de votre propre sexe vous permettra d’apprendre
à l’autre comment il est fait, ce qui y est le plus sensible, l’action qui y déclenche
le plus de réactions heureuses.

Car l’homme ne connaît rien au corps de la femme, à sa précieuse horlogerie, à


son délicat fonctionnement. Non seulement il est ignorant mais il l’aborde avec
son programme masculin : son désir d’homme qui consiste à le pénétrer le plus
vite possible sans tenir compte de ses fins rouages, tel un éléphant dans un
magasin de bijouterie-horlogerie. C’est donc à la femme de l’éduquer, de
l’initier, contrairement à la croyance habituelle qui prétend que c’est à l’homme
d’être le professeur d’une oie blanche, n’attendant que lui pour s’envoler
derechef au septième ciel. Mais dans la Chine ancienne, c’est la femme qui était
l’initiatrice ; même les empereurs avaient une « préceptrice du sexe ». Or,
pendant ces six mille ans d’érotique taoïste, la femme et l’homme ont vécu dans
une parfaite harmonie sexuelle.

Si vous voulez guider l’homme, il vous faut savoir comment fonctionne votre
sexe. En vous caressant, repérez comment vous faites, ce qui vous excite le plus,
ce qui vous mène le plus facilement à l’orgasme : le site, la pression, le
mouvement, le rythme. Le moment venu, vous pourrez confier à l’homme vos
secrets et même lui demander les caresses que vous aimez.

Chez les jeunes femmes, l’autoérotisme est une expérience fondamentale,


véritablement initiatique pour découvrir leur corps, leur sexe, ce qu’il faut faire
pour obtenir le plaisir optimum et surtout l’érotiser peu à peu, c'est-à-dire le
rendre plus sensible, plus apte à créer les sensations voluptueuses. Faute de cet
apprentissage, la jeune femme arrivera au premier rapport sexuel sans connaître
son corps, ni ses réactions et croyant que l’homme saura les révéler ; mais celui-
ci est jeune et aussi inexpérimenté qu’elle, il ne sait rien de la femme, il ne
connaît que les lancinements de son pénis qui, lui, ne rêve que d’intromission.

Une légitime compensation

Il arrive qu’au cours de la relation sexuelle avec l’homme, la femme soit frustrée
du plaisir qu’elle escomptait et particulièrement du scintillement de l’orgasme.
C’est hélas le risque auquel toute femme s’expose quand elle ne s’est pas
préparée et qu’elle tombe sur un homme ignorant, malhabile, égoïste ou
machiste. Elle n’appartient pas totalement au passé cette scène où l’on voit
l’homme, n’ayant agi que pour son seul plaisir et maintenant assouvi, s’écrouler,
rouler sur le côté, s’endormir et ronfler. Il y a encore en ce vaste monde des
hommes qui ne font que se masturber dans le vagin des femmes. Sans aller
jusqu’à cette attitude caricaturale, il y a encore beaucoup d’hommes qui ne sont
pas assez attentifs à l’attente de leur compagne et ne savent la combler.

La femme laissée en plan alors que, fort excitée, elle était sur le point de jouir,
vit dans sa tête et dans son corps un moment des plus pénibles. Elle est
malheureuse, déçue de n’avoir pas été attendue, entendue, aimée assez ; elle est
irritée, « sur les nerfs », frustrée de la détente que lui aurait apporté l’orgasme.
Une angoisse monte en elle, elle pleure, elle déteste cet homme. Son corps
également proteste, en particulier ses organes sexuels : les corps érectiles gorgés
de sang se préparaient à exploser et voilà que tout s’est bloqué et que leur
joyeuse turgescence se fait congestion douloureuse ; l’énergie érotique
accumulée allait se décharger et voilà que tout s’est suspendu et qu’il ne lui reste
plus qu’à imploser ; les muscles en branle-bas de combat se préparaient à battre
en cadence et voilà que tout s’arrête et que leurs contractions se font crampes.

Une fois ça va, plusieurs fois bonjour les dégâts. À la longue, la tristesse se fait
dépression chronique, l’irritation agressivité permanente, la congestion
passagère des organes, congestion maladive qui se traduit par des douleurs et des
lourdeurs dans le bassin.

Bien entendu, le couple miné par les incompréhensions et les ressentiments entre
dans une période de turbulence. Amère et rancunière la femme ne manque pas
une occasion de « punir » son mari : le contredire à tout bout de champ, mettre
insidieusement en cause sa virilité (sans lui dire carrément ce qu’elle voudrait) et
surtout faire la grève du sexe sous prétexte de migraine, cystite et
autres lombalgies. L’homme ne comprend pas cette agressivité. « Les femmes
sont vraiment compliquées », dit-il. Et quand survient la grève, c’est à son tour
d’être frustré puis rancunier. Les conflits se multiplient, les paroles malheureuses
fusent. C’est la guerre.

On ne s’abandonne pas à quelqu’un qui vous hait, on ne se livre pas à quelqu’un


qui a blessé, qui votre virilité, qui votre féminité. Bref, on ne couche pas avec
l’ennemi. Les frustrations et les déceptions s’accumulent. L’un des deux - ou les
deux - prend un amant, et chacun se retire dans son domaine. La femme, se
faisant plus mère qu’épouse, investira toute son affection sur ses enfants,
l’homme s’abîmera dans l’alcool ou se noiera dans le travail et demandera à
l’argent et à la gloire la réparation de ses frustrations et de ses dévalorisations :
business à tout crin, course aux nominations et aux titres, jeux de bourse
compenseront l’échec de ses rêves érotiques. Parfois, son agressivité déchaînée,
il se vengera de ses déboires dans la violence, la guerre, la torture.

La femme, pour ne pas devenir folle, pour compenser ses manques, pour
échapper aux douleurs de toutes ces guerres - les intestines et les extérieures -
décide de s’autocaresser jusqu’à l’orgasme. Instantanément survient la détente,
revient la gaieté. Et de soupirer « un homme c’est zéro pour le clitoris, je préfère
me masturber ».

Il serait trop triste de finir sur cette morale, reprenons l’histoire : cette femme
pourrait se contenter de continuer à s’assouvir seule dans son coin et par ailleurs
de se prêter aux maladresses de son mari, mais elle sait bien que ça ne sauverait
pas le couple pour autant. Aussi décide-t-elle de dire désormais à son homme ce
qu’elle désire et comment il doit s’y prendre pour la satisfaire, autrement dit de
lui apprendre comment « fonctionne » une femme. Dans le cadre de cet
enseignement, elle se permet de s’autocaresser en sa présence qui maintenant se
fait complicité, en particulier les jours d’orgasme raté. Maintenant ils forment le
meilleur duo du monde. « Je remercie la nature de m’avoir donné un clitoris,
écrit une femme. Il m’a permis de connaître l’orgasme depuis l’enfance - comme
l’homme - alors que mon vagin était inaccessible. Le clitoris c’est ma revanche
de ce vagin trop longtemps secret et muet. » « Vous ne pouvez pas vous imaginer
les souffrances et les malaises d’une femme qu’un homme a chauffée et qu’il
laisse tomber après avoir joui. Heureusement qu’il y a le clitoris. »
De divers bienfaits

Dans beaucoup de circonstances, le fait de me caresser moi, le clitoris, rend


d’inestimables services à la femme. Je vous avais déjà dit que j’étais le remède à
votre tristesse car je vous donne de la bonne humeur, à vos stress car je vous
détends, à vos douleurs menstruelles car je les soulage. J’ajoute que je suis bon
aussi pour les bouffées de chaleur car je les diminue. Mais bien entendu, c’est
aux femmes esseulées que j’apporte le plus de bienfaits : les célibataires, les
divorcées, les veuves ou simplement les femmes séparées un certain temps de
leur compagnon, pour raison de travail par exemple ; dans ce dernier cas, j’ai
remarqué que c’est au-delà de deux semaines qu’il leur est indispensable de me
caresser.

Autres circonstances où le fait de me flatter est salvateur : les difficultés dans les
relations sexuelles. C’est le cas lorsque le vagin est « impraticable » : les jours
de règles (bien que beaucoup d’amants ne s’y arrêtent pas) ou au cours de
maladies vaginales. C’est aussi le cas lorsque le pénis est en panne : insuffisance
d’érection transitoire (état de fatigue générale ou débandade consécutive à des
éjaculations répétées chez les hommes ignorant l’art de maîtriser le réflexe
éjaculatoire) ou insuffisance d’érection permanente liée à des maladies locales
ou générales. Dans tous les cas, moi, le clitoris, toujours disponible, toujours
généreux, j’apporte à la femme son lot de juste plaisir.

Le poids du péché

Pendant des milliers d’années, votre civilisation judéo-chrétienne vous a fait


croire que le plaisir des sens - tous les sens - est un péché inspiré par Satan ; il
devait être puni sur Terre par des pénitences et dans l’au-delà par l’enfer. Cette
planète, prétendait-elle, est une vallée de larmes et doit le demeurer. Il en reste
en vous une tendance masochiste à refuser le bonheur ou si vous le cherchez, à
vous sentir coupable.

Quant au plaisir sexuel, c’est un péché notoirement honteux, dégradant et donc


fortement répréhensible. Le seul but de la sexualité est la procréation, non la
volupté. Aussi, le plaisir solitaire qu’aucune procréation ne peut justifier, est-il
une activité sale, décadente, condamnable. Et de fait, les Églises ont mené une
guerre impitoyable à ce qu’elles appelaient la « manuellisation » - nous y
reviendrons. On ne peut se défaire facilement de cette répression millénaire. Il
n’est donc pas étonnant que beaucoup de femmes n’osent pas se caresser ou ont
honte de le faire. Heureusement, les femmes se délivrent peu à peu de cette
pression archaïque que rien n’a jamais justifiée et arrivent à me caresser
joyeusement.

Cette civilisation judéo-chrétienne vous a également inculqué le goût du


sacrifice, scotomisant une partie du précepte d’amour, « aime ton prochain
comme toi-même », comme je l’ai déjà fait remarquer. Elle vous a demandé de
vous oublier. Penser à soi, c’est être égoïste. C’est pourquoi beaucoup de
femmes s’interdisent de me caresser en disant : « c’est voler mon mari », « c’est
l’insulter », « c’est lui manquer de respect », ce qui sent le mauvais catéchisme
et ce qui n’est pas fondé pour toutes les raisons déjà développées. Du reste, il
vous suffit de partager l’autocaresse avec votre conjoint pour ne plus vous sentir
égoïste. Heureusement, la plupart des femmes qui cessent de se caresser le font
parce que leur homme les comble de bonheur et non pour d’obscurs motifs.

À la suite des déclarations de Freud dénigrant le plaisir que je procure, beaucoup


de femmes qui me chérissent se croient anormales, voire névrosées. J’ai déjà
expliqué qu’il n’en était rien.

De quelques inconvénients

Nombre de femmes disent qu’en dépit du plaisir et du bien-être que je délivre,


elles ressentent une impression d’incomplétude, il leur manque une présence ou
mieux, un contact étroit, intime avec l’autre, l’homme pour la plupart. Et celles
qui sont esseulées disent que leur solitude est encore plus perceptible. Je
comprends ces sentiments mais je n’ai jamais prétendu que l’autocaresse
solitaire était le summum de l’érotisme, elle est une étape ou un dépannage en
attendant de pouvoir faire la fête à deux.

Autre inconvénient : l’addiction qui, plus fréquente avec le vibromasseur, peut


aussi s’installer dans la stimulation digitale. Je vous avais déjà mises en garde
contre ce risque. Au cas où vous abuseriez du plaisir clitoridien, je vous
demande de réfléchir aux causes qui vous poussent à agir ainsi - angoisses,
insatisfaction conjugale, déboires dans la vie, etc. - et de chercher une réponse
plus juste, adaptée à la cause.
Enfin, chez les femmes qui usent excessivement de ma caresse, spécialement
celles qui utilisent des objets, une irritation locale peut survenir. J’en conviens et
je l’avais déjà signalé, car j’en suis la première victime. Aussi, je demande qu’on
évite l’excès de vibro, qu’on prenne les meilleures précautions d’hygiène (lavage
des mains et des objets, toilette vulvaire avec des savons naturels), qu’on ne
m’asphyxie plus avec des déodorants, particulièrement ceux qui irritent, qu’on
ne m’écrase plus dans des jeans trop serrés.
7
Le point de vue des hommes

Lorsqu’une femme prend un compagnon - un mari, un ami, un amant -, elle


arrête le plus souvent de s’autocaresser. Si leur homme satisfait leur besoin
légitime de plaisir, elles ne se caresseront plus. Mais si l’homme les déçoit et les
laisse régulièrement frustrées, elles recourront à nouveau à l’autocaresse pour
compenser leur frustration et pour en prévenir les conséquences pénibles.

Toutefois, certaines femmes, bien que satisfaites par leur compagnon, continuent
de me caresser, moi, le clitoris, de temps à autre, sur un coup de blues ou pour
s’offrir un « extra », un « must ».

Face à l’autostimulation clitoridienne, les hommes réagissent de deux façons : ou


ils ne l’acceptent pas ou ils l’accueillent et même l’intègrent à la sexualité
commune. Écoutons d’abord les arguments de ceux qui n’acceptent pas.

Les hommes récalcitrants

« C’est, disent-ils, une pratique immorale, sale, égoïste. » Ce à quoi les femmes
répondent qu’il a été suffisamment démontré dans les pages précédentes qu’il
n’en était rien.

« Les femmes n’auront plus besoin de nous », s’inquiètent les hommes.


« Rassurez-vous, répliquent les femmes, votre peur n’est pas fondée : bien que
nous obtenions par l’autocaresse clitoridienne des orgasmes plus faciles et plus
intenses, c’est avec vous que nous préférons faire l’amour, parce que cette union
a toutes sortes de qualités [que nous vous exposerons plus loin]. Et surtout,
sachez que grâce à l’autocaresse, nous accroissons notre aptitude à jouir avec
vous. »

« En devenant experte en érotisme, s’affolent les hommes, les femmes vont nous
ravir notre pouvoir et nous dominer. » « Voyez les choses autrement, rétorquent
les femmes, et vous vous réjouirez de nos progrès et de notre émancipation :
pendant des siècles vous nous avez refusé le plaisir. Chrétiens, vous nous disiez
qu’une croyante devait se garder du péché, bourgeois du XIXe siècle, vous
affirmiez qu’une femme honnête ne devait pas avoir de plaisir. Quand enfin, au
XXe siècle nous avons acquis le droit à la volupté, vous avez voulu être le maître
de cette volupté, celui qui apprend à la femme à jouir et qui seul peut y parvenir.
Par générosité ? Que non ! Par esprit de domination, pour garder la mainmise
sur la sexualité de la femme qui vous fait si peur depuis l’aube de l’humanité.
Hélas, il s’est avéré que vos façons n’emportaient pas vos compagnes au
septième ciel aussi allègrement que vous le pensiez. Mais, au lieu de vous
interroger sur vos manières de faire, vous nous avez accusées de "frigidité",
maladie infamante s’il en est et vous nous avez adressées aux sexologues et aux
psychologues ».

C’est alors qu’un slogan a éclaté comme une bombe, sans doute lancé par
quelque féministe : « Il n’y a pas de femme frigide, il n’y a que des hommes
malhabiles ! » Frappés en pleine virilité, les mâles ont courageusement relevé le
défi : « Nous allons tout faire pour que nos femmes jouissent jusqu’à l’orgasme :
améliorer nos techniques, multiplier les positions, accomplir des
performances. » « Malheureusement, soupirent les femmes, en vous chargeant
de cette responsabilité, vous vous êtes engagés dans une mission difficile, sinon
impossible, puisque vous ne saviez pas comme nous ce qui est bon pour nous et
comment y arriver. Et vous vous êtes condamnés à des prouesses aussi
inefficaces qu’épuisantes. »

« Nous en venons, ici, à ce qui doit vous réjouir : si nous, de notre côté, nous
prenons la responsabilité de notre éveil sexuel et si, lors des échanges amoureux,
nous participons avec vous à l’éclosion de notre plaisir, vous êtes libérés de cette
obligation de réussite et de performance qui pesait sur vos seules épaules et votre
seule verge. Moins de pression, moins d’efforts et plus de plaisir car votre
volupté s’alimente de notre volupté et des mouvements que nous entreprenons et
des initiatives que nous prenons. Une partenaire éveillée et active, qui s’exprime
totalement, ne peut faire peur qu’à un homme immature, non à un homme
construit, évolué. In fine vous voyez bien que vous pouvez vous réjouir que nous
nous occupions nous-mêmes de réchauffer ce que vous prétendiez "frigidifié" en
nous. »

« Ces fioritures autour du clitoris auxquelles vous nous conviez ou même que
vous nous invitez à exécuter, s’insurgent les hommes, ce n’est pas ça faire
l’amour. Une vraie sexualité, ça consiste à introduire notre pénis dans votre
vagin. En plus, que deviendra notre érection pendant les temps morts au cours
desquels vous souhaitez que nous jouions avec votre bouton ? Elle fichera le
camp. Comment ferons-nous lorsqu’il faudra vous pénétrer ? »

Les femmes d’expliquer : « Pas de panique, vous n’avez aucune raison d’être
anxieux. Premièrement, votre bonheur sensuel sera multiplié par dix, lorsque
vous aurez senti comme nous que la relation sexuelle ne peut se réduire à
l’intromission et qu’elle doit s’agrandir à toutes sortes de jeux érotiques. Ces
jeux, non seulement nous procureront à tous deux une variété fabuleuse de
voluptés, mais en plus, ils créeront entre nous une grande intimité et une grande
complicité. L’intromission n’est qu’une phase et une phase qui ne doit être ni
obligatoire, ni automatique. La stimulation du clitoris fait partie des temps forts
- et non morts - de nos bonheurs communs. »

« Deuxièmement, votre érection n’est pas en danger. Il n’est pas vrai qu’elle
retombe à zéro au cours des caresses car ces jeux excitants entretiennent le plus
souvent votre bandaison. Si toutefois elle s’étiolait quelque peu, comptez sur
nous pour la relancer par quelques flatteries digitales ou buccales. »

Les hommes accueillants

Parmi les hommes accueillants, il y a ceux qui laissent leur compagne s’accorder
des plaisirs solitaires sans s’en préoccuper et ceux, la majorité, qui lui
demandent de mettre son autocaresse dans la corbeille érotique commune,
autrement dit, qui lui demandent de s’autocaresser en leur présence, soit par pur
plaisir, soit pour rattraper un orgasme raté. Mieux, la plupart des hommes
souhaitent participer activement à l’auto-volupté féminine.

C’est ainsi que des hommes heureux se mettent à embrasser et à caresser le corps
de leur aimée, tandis qu’elle se stimule : ses lèvres, ses épaules, ses seins, ses
fesses, son anus et tutti quanti. Certains aiment poser une main légère comme
une aile de papillon sur la main active de la femme. D’autres, introduisent un ou
plusieurs doigts, voire un objet dans son vagin ou dans son anus. C’est un jeu
extrêmement excitant pour tous les deux et qui pousse irrésistiblement les feux
de la femme, jusqu’à la faire décoller. C’est ainsi que s’établit une belle
complicité entre les joueurs et que s’approfondit leur intimité. Par ailleurs, ces
jeux constituent pour l’homme une parfaite initiation à la caresse du clitoris : en
voyant faire la femme, il apprend l’art du bouton sacré.

À l’homme, qui l’accompagne dans son autocaresse, la femme offrira un


spectacle bouleversant : son visage. Lorsqu’elle est en extase, la femme est
formidablement belle.
8
L’autocaresse clitoridienne selon l’âge

Très tôt, l’être humain présente des manifestations sexuelles. Les échographies
réalisées au cours de la grossesse montrent que le fœtus masculin a des érections
du pénis et des gestes que d’aucuns disent « masturbatoires ». Le fœtus féminin
a sans doute des « érections internes » mais on ne peut les voir.

Il n’est pas étonnant que le bébé garçon présente à son tour des érections ; les
unes sont spontanées, les autres consécutives à des frôlements fortuits de son
pénis par ses mains ou à des contacts entre son pénis et l’extérieur au cours des
soins. La découverte fondamentale que fait alors bébé, c’est que ces
attouchements sont agréables, il prend conscience qu’il y a là une zone
particulière. Toutefois, il n’entreprend pas encore des gestes dans l’intention
d’en tirer du plaisir. Les bébés filles découvrent également que leur vulve délivre
des agréments quand leurs mains, par hasard, la touchent ou quand les soins de
toilette l’effleurent ; cette zone particulière révélée, elles ne cherchent pas non
plus à la stimuler, à cet âge.

Chez l’enfant

L’enfant, lui, va entreprendre des explorations volontaires et repérer précisément


les endroits qui lui procurent le plaisir le plus vif. Le garçon trouve facilement
son gland qu’il a à portée de mains et qui crève ses yeux, surtout quand il est
érigé. La fille trouve également son clitoris qui, bien qu’invisible, est au moins
accessible, d’autant qu’à cet âge la vulve est située plus en avant sur le pubis.
Ces zones érogènes repérées, l’enfant va y revenir puis y rechercher le plaisir en
les stimulant délibérément. Vers 2 ou 3 ans, l’activité volontaire d’autocaresse
est installée. Les petites filles seraient même capables d’atteindre un niveau
orgasmique - sans doute limité à des petits « spasmes » - dès l’âge de 2 ans.

Les enfants recourent à l’autocaresse particulièrement quand ils s’ennuient ou


s’inquiètent dans leur lit ; ils ont remarqué que ce geste leur procurait non
seulement du plaisir mais un bien-être apaisant qui les aide à s’endormir.

Au fur et à mesure qu’il grandit, la vie sexuelle de l’enfant se développe. Le


garçon voit son pénis et ses érections croître. La fillette sait bien que dans sa
fente il y a un « bouton » et un « trou ». Certains événements renforcent leurs
découvertes : chez l’un et l’autre apparaissent des rêves qui s’accompagnent de
sensations voluptueuses, voire orgasmiques. Chez la fille, c’est la survenue
inopinée de plaisir quand elle serre les cuisses pour se retenir de faire pipi ou
pour monter à la corde. Vous avez reconnu là la « torsade », alias le « sciage »
dont il fut déjà parlé : technique que la femme adulte perpétuera.

Bientôt, vient le temps des explorations plus poussées. La fille, par exemple,
mettra ses doigts dans le « trou », voire un crayon et autres petits objets. C’est
aussi le temps des comparaisons entre enfants ; d’abord fortuites, elles
permettent de constater que les filles et les garçons ce n’est pas pareil ; ensuite
« organisées », elles consistent en des jeux entre frères et sœurs, entre cousins et
cousines, entre petits camarades : jouer « au docteur », jouer à « touche-pipi »,
concours de jets d’urine sont les plus classiques. Les fonds des jardins, les
cabanes, les greniers hébergent ces activités ludiques. Toujours, il s’agit de
montrer seulement et non de faire fonctionner, c'est-à-dire de se donner du
plaisir devant les autres ou d’en donner aux autres.

Alors vient l’âge de raison et ce que Freud a appelé la « période de latence ».


Pendant cinq ans les activités sexuelles de stimulation sont plus ou moins mises
en veilleuse.

C’est Freud qui a eu le génie et le courage de dire tout haut l’évidence que
chacun se cachait : dès leur plus jeune âge, les humains sont habités par une
pulsion sexuelle - la libido - qui se traduit par quelques manifestations. Ainsi, la
fonction érotique se met en route bien avant que les possibilités physiques et
psychiques d’accouplement soient arrivées à maturité. La fonction érotique et
orgasmique préexiste à la fonction procréative (remarquons qu’elle lui survivra
aussi). Ce qui prouve que la sexualité ne sert pas qu’à faire des enfants : elle a
aussi pour but de procurer de la volupté.

À cet âge, il faut noter qu’il existe entre les filles et les garçons à la fois une
grande similitude et une grande différence. La similitude : tous deux ont
découvert leur zone érogène, l’une son clitoris, l’autre son pénis, et ils les
stimulent allègrement. La différence : l’accès à son sexe - voir, toucher - est
facile pour les garçons, moins facile pour les filles. Toucher son clitoris ou
l’entrée de son vagin est possible, voir son clitoris, voir son vagin ou visiter
profondément son vagin est impossible : avoir un sexe caché et à demi
inaccessible aura des conséquences considérables pour la fille.

La découverte de son sexe et de ses plaisirs par l’enfant est une étape naturelle et
importante dans le développement de la fonction érotique. C’est le b.a.-ba de
l’apprentissage de la lecture de son corps jouissant. C’est pourquoi il ne faut pas
réprimer l’enfant qui « se touche » et qualifier son geste quasi instinctif de « pas
beau », de « sale ». Il faut simplement lui demander de ne pas le faire en public.

À la puberté

Avec la puberté, la libido revient en trombe ; les glandes sexuelles - ovaires et


testicules - sécrètent abondamment leurs hormones, les organes sexuels se
développent et le désir, qui est l’appel de ces organes à être stimulés jusqu’à
l’orgasme, s’intensifie. Chez la fille, le désir se traduit par un gonflement de la
vulve et du clitoris et une mouillure importante. Par ailleurs, les corps pubères se
métamorphosent et les signes sexuels secondaires propres à chaque sexe (et qui
sont aussi des signaux sexuels) s’affichent : chez la fille, ce sont les seins et les
fesses qui se développent et les poils pubiens qui apparaissent, entre autres.

C’est alors que le désir se tourne vers l’extérieur, vers l’autre sexe. L’autocaresse
ne suffit plus, l’envie se fait de plus en plus vive de toucher l’autre, de partager
les plaisirs avec lui, de faire l’amour. Biologiquement, on est quasiment prêt (on
est même prêt à procréer) mais psychologiquement, pas encore : immature, on
cherche son identité, on ne peut affirmer sa personnalité, on n’a pas confiance en
soi, on ne sait pas communiquer, on n’ose pas partir à la conquête. On continue
donc à s’autocaresser, souvent plusieurs fois par jour.
À ce moment des obstacles se dressent devant les activités voluptueuses de la
fille : sa fente vulvaire recule et s’escamote entre les cuisses tandis que la
pilosité nouvellement apparue la lui cache. Son sexe devient un peu moins
accessible à ses doigts et totalement inaccessible à sa vue.

Son trou, selon ce qu’elle constate et entend dire, est en partie fermé par un voile
- l’hymen - qu’il faut absolument préserver ; sa déchirure, par des explorations
intempestives, pourrait être douloureuse et sanglante ; ultérieurement, son
absence pourrait éloigner les candidats au mariage qui exigent des vierges
absolues.

Du sang, un beau jour, apparaît à cet endroit jusqu’alors consacré au plaisir ;


même si elle était prévenue, la fille peut en ressentir un certain effroi.
Décidément, son corps est pour elle un mystère complet et ce vagin, d’où est
descendu le sang, reste une partie d’elle méconnue autant que muette car quasi
inexplorée.

Désormais, la fille se caresse moins, en tout cas beaucoup moins que les garçons.
Certaines enquêtes avancent 45 % des filles contre 95 % des garçons.

À l’adolescence

Et c’est l’adolescence. On commence à faire l’amour. Les corps et le psychisme


sont mûrs - croit-on. Mais, la plupart des filles, si elles peuvent en tirer de belles
émotions, n’y trouvent guère de plaisir extrême : leur vagin, faute d’avoir été
régulièrement stimulé - « entraîné » - n’est pas éveillé. Analphabète, il reste
silencieux. D’autant que les garçons, jeunes et ignorants, appliquent leur schéma
masculin : pénétration - éjaculation - point final. Sans doute est-ce un
programme inné, mais c’est aussi la continuation d’une pratique simpliste qu’ils
appliquent depuis dix ou quinze ans et qui est centrée sur leur pénis : branlage -
éjaculation - point final. Rares sont les garçons qui s’intéressent valablement à la
caresse du clitoris et à la caresse en général.

Quand les filles décident de faire l’amour, c’est par désir ou par amour ou les
deux ensemble. C’est souvent aussi par curiosité ou pour faire « comme tout le
monde ». Qu’elles sachent qu’il est normal de ne pas obtenir d’orgasme la
première fois et à chaque fois, comme on vient de le voir. Qu’elles se réjouissent
des plaisirs merveilleux qu’offrent les baisers, les caresses et les étreintes.
Qu’elles apprécient les sensations agréables sinon éclatantes et l’émotion
profonde que leur procure la présence de l’homme en elle, surtout si elles
l’aiment. Qu’elles choisissent de préférence des garçons pour qui elles éprouvent
quelque chose car, lorsque la relation a un sens, elle est plus voluptueuse.
Qu’elles ne renouvellent pas les relations avec un homme mal aimant et
décevant car elles pourraient être déçues de la sexualité pour longtemps.
Qu’elles n’hésitent pas à demander au garçon ce qu’elles veulent et à le guider.
Et qu’elles pratiquent régulièrement l’autostimulation clitoridienne car c’est la
meilleure préparation à l’union sexuelle.

L’autocaresse clitoridienne, justement, elles continuent de la pratiquer,


conditionnées qu’elles sont par dix ou quinze ans d’habitude. Elles le font,
toutefois, moins que les garçons ; on retrouve ici les mêmes chiffres qu’à la
puberté : 45 % de filles contre 95 % de garçons. Pourtant, les filles ont autant de
désir et autant de besoin orgasmique que les garçons, mais les trois obstacles qui
s’étaient dressés devant leurs activités sexuelles à la puberté persistent : le côté
secret de leur sexe, l’hymen et les menstrues. Le mystère demeure : alors que les
garçons accèdent toujours aussi facilement à leur sexe qu’ils ont sous la main et
sous les yeux, les filles, si elles gardent leur clitoris à portée de main, ont leur
vagin plus que jamais distant et discret. Rares sont celles qui osent s’examiner
dans un miroir. En tout cas, toutes affinent leur caresse clitoridienne : elles
utilisent des objets, elles l’accompagnent de caresses tous azimuts, y compris en
direction du vagin ou de l’anus. Beaucoup, aussi, continuent de pratiquer la
« torsade », si simple et réalisable en tous lieux et à tout moment.

Les filles se caressent par pur plaisir, mais parfois aussi, dans un but précis :
détendre la pression insupportable de leur pulsion sexuelle, alléger le cafard,
voire le désarroi propre à cet âge, calmer un stress (par exemple en pratiquant la
« torsade » au cours d’un examen écrit), soulager une douleur (par exemple les
douleurs prémenstruelles). La recrudescence de l’autocaresse avant les règles
s’explique par les douleurs et le blues liés à cette époque et par la congestion des
organes sexuels qui ressemble fort à une intumescence érotique.

Toutefois, le plus grand bénéfice de l’autocaresse clitoridienne - on ne le


répétera jamais assez - n’est pas thérapeutique : c’est de constituer un
apprentissage du plaisir érotique et le moyen de connaître et d’érotiser son corps
en général et ses organes sexuels en particulier, préparant ainsi l’éclosion du
plaisir dans le coït. C’est pourquoi, même si la jeune fille étend son champ
érotique vers son vagin - par caresse ou coït - , il est bon qu’elle continue à
stimuler son clitoris. En « s’entraînant », elle « entraîne » les circuits
neurologiques du plaisir ; régulièrement sollicités, ces circuits deviennent de
plus en plus faciles à mettre en marche. Ce phénomène de « facilitation »
explique qu’une femme adulte puisse obtenir un orgasme clitoridien en trois
minutes au lieu de trente-cinq à quarante-cinq minutes chez une novice ; et
qu’elle pourra accéder à l’orgasme coïtal plus précocement dans sa vie et plus
rapidement au cours d’une séquence.

Chez la femme adulte

La plupart des femmes continuent de pratiquer l’autocaresse clitoridienne une


fois adultes. Les femmes qui sont seules (et les cas de figure sont nombreux)
bien entendu, mais également les femmes qui vivent en couple.

Les femmes qui ont un compagnon s’autostimulent pour diverses raisons. Il y a


celles qui se caressent juste avant le coït ou pendant pour faire monter leur
excitation et atteindre plus facilement l’orgasme vaginal. Il y a celles qui, bien
que satisfaites par le coït, s’offrent un supplément de plaisir en présence ou en
l’absence de leur conjoint. Il y a aussi celles qui se caressent quand elles n’ont
pas « le moral » ou quand elles sont stressées. Mais, c’est à la femme qui a raté
son orgasme dans le coït que l’autocaresse est la plus précieuse ; c’est une
bénédiction pour la femme frustrée. Cette compensation, elle se l’offre soit avec
la complicité de son conjoint, soit à son insu.

De toute façon, l’autostimulation continue de jouer son rôle d’érotisation de la


femme, de révélateur de tout son sexe et de son vagin. Il est donc souhaitable
qu’elle la poursuive dans ce but, jusqu’à épanouissement complet. Du reste, on
l’a dit, plus elle se caresse, plus le plaisir est facile à obtenir et plus il est intense,
prolongé et répété. Et plus le plaisir avec le partenaire sera parfait.

Certaines femmes découvrent la caresse clitoridienne et son orgasme


tardivement, à 30 ans et plus. « J’ai appris comment j’étais faite et comment me
donner du plaisir à 30 ans, confie Nadine. Avant, je croyais que c’était à
l’homme de me donner du plaisir en me pénétrant. »
D’une façon générale, il faut savoir que l’accomplissement sexuel de la femme
demande des années ; il est rare qu’elle atteigne son optimum avant 30 ans, voire
plus. Ce délai est de beaucoup raccourci par l’érotisation de son sexe, y compris
de son vagin, par la caresse clitoridienne. Inversement, l’absence de stimulation
et la croyance en un Prince charmant révélateur de son érotisme risque de
conduire la femme à l’échec. J’y reviendrai.

À la ménopause, aux 3e et 4e âges

Loin d’être le crépuscule de la sexualité, la ménopause peut en être l’aube. Les


enfants ont quitté le nid, le risque de grossesse est définitivement écarté, on
dispose de plus de temps, on a moins de fatigues et en plus il se produit des
changements hormonaux favorables à la sexualité : le taux de testostérone
augmente dans l’organisme, or cette hormone est celle du désir. C’est une
hormone androgénique sécrétée chez la femme par les glandes surrénales ; son
augmentation est relative en ce sens qu’en réalité c’est le taux de folliculine, son
antagoniste, qui diminue. La folliculine est une hormone œstrogénique qui est
sécrétée par les ovaires, lesquels ont pris une semi-retraite. Bref, la testostérone
l’emporte et provoque un accroissement de la libido.

On constate alors que le clitoris peut augmenter de volume et devenir plus


demandeur, plus chatouilleux. De toute façon, ce clitoris est un organe qui ne
vieillit pas. Dans les années 1960, la médecine prescrivait de traiter la
ménopause par l’administration de testostérone. Les femmes voyaient alors leur
clitoris prendre des proportions étonnantes, jusqu’à dépasser de leur vulve et
devenir plus sensible que jamais. Certaines femmes qui n’avaient pas connu le
plaisir clitoridien - ce qui n’était pas rare en ce temps-là - le découvraient. De
nos jours, on constate que des femmes qui avaient délaissé leur clitoris au cours
de leur carrière conjugale le redécouvrent, d’autant que leur conjoint s’est
détourné de la sexualité ou qu’il a disparu.

En ce qui concerne le vagin, la diminution de la folliculine, peut lui faire perdre


de sa souplesse et réduire sa lubrification. C’est alors au partenaire à exceller
dans l’art des préliminaires et dans les manifestations de tendresse, ce qui
magiquement tirera des larmes de joie à la muqueuse vaginale. Si ce n’était pas
le cas, vous pourriez recourir aux bonnes crèmes prévues pour cela. En tout cas,
soyez prudentes avec les « traitements substitutifs » faits d’hormones
œstrogéniques, ils favoriseraient les risques de maladies cardio-vasculaires et de
cancers.

Les besoins de plaisir et d’orgasme ne disparaissent pas forcément avec l’âge et


le grand âge. Les femmes qui ont eu une vie sexuelle épanouie, pour peu
qu’elles-mêmes et leur partenaire soient demeurés désirants et en bonne santé,
continuent d’avoir une activité sexuelle en couple et par autocaresse jusqu’à
80 ans passés.

Si le partenaire est insatisfaisant ou absent, elles se rabattent sur l’autocaresse ;


l’usage du clitoris n’a pas de limite d’âge, même en cas de santé altérée. Le
clitoris est toujours disponible, réceptif, généreux : 50 % des femmes de 75 ans
et plus lui demandent encore des moments de bonheur.
9
L’homme et l’art de la caresse clitoridienne

Quand la femme elle-même me stimule, moi, le clitoris, elle atteint l’orgasme


dans 95 % des cas, voire 100 %. Quand c’est l’homme qui me caresse, l’orgasme
ne survient que dans 44 % des cas. Et encore, il s’agit de femmes qui m’avaient
rendu très sensible en me caressant elles-mêmes souvent. Pourquoi cette
différence ? Pourquoi les caresses de l’homme n’arrivent-elles pas à m’émouvoir
aussi facilement et aussi intensément ?

Les erreurs masculines

La première erreur de l’homme, c’est de me faire des caresses par trop


« utilitaires », c'est-à-dire qui ont pour seul but d’aboutir au coït. Ce sont des
caresses de préludes qui s’inscrivent dans le schéma masculin classique de la
relation sexuelle : préludes - pénétration - orgasme éjaculatoire automatique -
point final. Ces préludes visent à préparer la femme au coït : l’exciter pour la
faire désirer - ou simplement consentir - l’acte et la faire « mouiller ». Cette
attitude est certes un progrès par rapport à celle qui consiste à « prendre » la
femme sans préparation, mais elle reste une tactique égocentrique. Plus généreux
est l’homme qui offre des préludes avec une intention supplémentaire : faire
monter l’excitation de la femme afin qu’elle puisse accéder elle aussi à
l’orgasme.

Mais dans tous les cas, les préludes sont souvent malhabiles et surtout trop
courts, vu que le pénis piaffe. Aussi, je ne puis fournir à la femme la quantité et
l’intensité de plaisir qu’elle attend et qui la mènerait à l’orgasme ; elle y arrive
parfois mais ne peut le renouveler, alors qu’elle se sent prête à de multiples
rebonds. En conséquence, en mon nom et au nom de la femme, je souhaite des
préludes infiniment plus raffinés et plus longs.

Je souhaite aussi, et la femme de même, que la caresse que vous me prodiguez


ne soit pas réservée aux seuls préludes au coït et que vous la pratiquiez en dehors
du schéma coïtal. Autrement dit que vous les hommes, vous vous consacriez, de
temps en temps, exclusivement à la stimulation clitoridienne, sans le projet ou
l’arrière-pensée de pénétrer mon voisin le vagin. Faites-le pour le pur plaisir de
la femme qui a besoin de stimulations et d’orgasmes clitoridiens et qui aime
beaucoup cela. D’ailleurs, vous y trouverez vous-même un énorme plaisir.

La seconde erreur de l’homme, c’est de ne pas très bien me caresser. Il ignore la


configuration du sexe féminin, son fonctionnement, ses attentes. Je souhaite - et
c’est bien sûr aussi le vœu de la femme - que vous, les hommes, vous appreniez
ce sexe : consultez les pages où sont exposées son anatomie et sa physiologie,
contemplez-le quand une femme vous fait l’honneur de vous l’offrir, repérez-en
les points sensibles, écoutez ce que vous dit la femme, demandez-lui des
précisions sur ce qui est bon. Bref, vous les hommes, intéressez-vous plus à moi,
le clitoris, retenez les leçons apprises et mettez du cœur à l’ouvrage. Sachez
aussi que ce qui est vrai pour telle femme pourrait n’être pas juste pour une
autre. Prévenus, vous serez moins désorientés.

Leçons de clitoris

Monsieur, vous qui vous apprêtez à me caresser, de grâce, ne m’abordez pas


sans avoir mouillé votre doigt. Trempez-le dans le vestibule vaginal car si les
caresses préalables que vous avez prodiguées à ma châtelaine ont été parfaites,
cet endroit doit être tel le griffon d’une source. Si ce n’est pas le cas, portez votre
doigt à votre bouche pour l’enduire de salive. À moins que vous n’utilisiez une
bonne crème.

De vos cinq doigts, celui qui me convient le mieux, c’est le médius : il est pour
moi le plus doux, le plus tendre, le plus délié, le plus inspiré, bref, le plus
sensuel. L’index est fort intelligent mais un peu trop autoritaire, pointu -
pointant. Vous pourriez coupler médius et index, l’un apportant sa souplesse
l’autre sa force. L’annulaire à lui seul ne ferait qu’un travail d’amateur : alors,
associez-le avec le médius ou l’index. Mettez l’annulaire dans le sillon qui se
trouve entre moi et la grande lèvre, l’index dans le sillon homologue de l’autre
côté et le médius, doigt central, au-dessus de moi, prêt à jouer sa partition. Cette
position est d’autant plus confortable pour votre main qu’elle pourra se poser sur
le mont de Vénus !

Et votre pouce ? Bien qu’assez gauche, l’utiliser pour jouer avec mon gland vous
permettrait d’affecter vos autres doigts à des tâches subtiles du côté du vagin ou
de l’anus. Pensez aussi à vous servir de votre main entière : son plat ou son talon
ou son tranchant. C’est moins précis mais ça me procure un plaisir que je partage
avec toute la fente - les grandes lèvres, le vestibule, etc.

Votre main a-t-elle envie de s’ébattre à l’extérieur ? Proposez-lui la caresse


suivante : posez votre pouce sur une face externe de la vulve, posez vos quatre
autres doigts sur l’autre face et pressez ce qui se trouve dans la pince. Vous me
sentirez très bien à travers les grandes lèvres, vous pourrez même me faire rouler
entre vos doigts. Inutile de vous dire que je serai aux anges.

Si vous me trouviez vraiment rebelle, vous pourriez utiliser un objet, voire un


vibromasseur. Mais, vous savez que je ne suis pas pour la mécanisation du
plaisir. Je suis sûr qu’avec beaucoup de patience, d’application, de subtilité,
d’imagination, d’intuition, d’écoute, de compliments et de mots d’amour (mais
c’est beaucoup demander...) vous pouvez me séduire.

L’important est de trouver mes points sensibles. Il vous faudra tâtonner, en vous
fiant aux réactions de votre aimée, voire à ses indications, car il y a belle lurette
qu’elle a repéré mes points les plus excitants. Attention, ça se joue au millimètre
près. Vous finirez bien par détecter mon point le plus exquis, mon gland : c’est
cette petite boule que vous sentez rouler et dont le contact fait à présent
tressaillir votre aimante. Alors, prudence, n’allez pas tout de go me caresser
directement, « à nu » ; je suis hypersensible, ça m’irriterait et même, ça pourrait
m’être douloureux. Commencez par me caresser indirectement : passez sur le
côté, dans le sillon entre ma capuche et la grande lèvre, à droite ou à gauche, de
façon à m’aborder à travers cette capuche. Ou bien, allez sur ma tige et stimulez-
moi à travers la muqueuse qui prolonge ma capuche.

Vous pourrez, peut-être, me caresser directement, à même le gland, après


quelque temps d’apprivoisement à condition d’être particulièrement subtil. Et si
un jour je suis de très bonne grâce, et vous très, très subtil, alors je vous
autoriserai à retrousser ma capuche et à me titiller d’un doigt tellement fin qu’il
serait capable de toucher une bulle de savon sans la faire éclater. Si vous avez
réussi ce test, alors je vous accorderai le suprême privilège de me branler entre
pouce et index, non comme un vulgaire pénis mais comme le plus précieux
diamant vivant qui soit, c'est-à-dire, avec des doigts de prestidigitateur. Le
résultat sera magique pour moi et à voir réagir votre aimée, vous vous
demanderez si vous n’avez pas atterri dans le pays des mille et une nuits.

Quand, donc, vous aurez repéré mon point le plus exquis, ne vous en écartez
plus, maintenez le cap. Mais, rien n’est encore gagné pour autant : moult
questions se posant à vous.

Quel mouvement imprimer à vos doigts ? Le mouvement de mini-branlage que


je vous ai enseigné ci-dessus n’est qu’une friandise à déguster avec modération.
D’abord, vous ferez les grands classiques : mouvements de va-et-vient dans le
sens de la fente vulvaire, c'est-à-dire de haut en bas et de bas en haut.
L’amplitude de ces mouvements verticaux est de l’ordre de quatre millimètres.
Autre classique : des mouvements de rotation autour de mon gland, la pulpe
digitale glissant sur ma tige au passage et la faisant rouler. Amplitude de ces
petits cercles : quelques millimètres. Mais vous pouvez aussi commencer par un
mouvement et poursuivre par l’autre. Et si vous inventez d’autres figures, c’est
bien, à condition que vous sentiez que ça me plaît. Ici aussi, chaque clitoris,
chaque femme a ses préférences. Soyez attentif à ses réactions et à ses
indications.

Quelle pression ? Commencez, je vous prie, par des pressions légères que vous
accroîtrez progressivement, jusqu’à les faire assez fortes. Mais, n’allez pas
jusqu’à m’écraser sur l’os du pubis (rappelez-vous que c’est sur cet os que vos
caresses me pressent). C’est plus qu’un frôlement, moins qu’un écrasement : un
frottement appuyé et attentif qui exclut toute brutalité. En réalité, chaque clitoris
a sa pression préférée, c’est la femme qui le sait et peut vous le dire, sinon, c’est
à vous de sentir. À partir du moment où vous aurez trouvé la pression optimale,
n’en variez plus.

Quelle vitesse ? Ici aussi, allez-y progressivement. Débutez lentement, puis


accélérez graduellement jusqu’à aller assez vite mais pas trop vite, pas
frénétiquement. Chaque clitoris a également ses préférences quant au tempo.
Combien de temps ? Le temps qu’il faut pour déclencher mon orgasme, cinq
minutes, trente minutes ou plus. Et quand survient l’explosion, surtout n’arrêtez
pas, continuez à me stimuler jusqu’à sa fin avec le même mouvement, la même
pression, le même rythme ; une défaillance de votre part à ce moment ferait rater
ou abrègerait mon orgasme. Quand celui-ci est achevé, maintenez votre main sur
moi, mais sans plus bouger. Après un temps de repos qui est délicieux pour vous
deux et où votre aimée s’apaise et flotte dans vos bras, essayez de sentir ce que
votre aimée souhaite : si elle est partante pour d’autres orgasmes, recommencez
comme au début. Et ainsi de suite.

Ici, il me faut, messieurs, vous rappeler un piège : juste avant que n’éclate
l’orgasme, je me rétracte sous ma capuche, votre doigt perd ses repères et vous
voilà désorienté. Surtout ne suspendez pas votre caresse et ne déplacez pas votre
doigt, poursuivez au jugé, continuez à faire ce que vous faisiez.

Une règle d’or : lorsque votre caresse est arrivée à un régime de croisière, c'est-
à-dire quand elle procure un plaisir optimum et croissant, ne changez plus rien à
la position de votre doigt, ni à ses mouvements, ni à sa pression, ni à son tempo.
Toute modification ou suspension romprait le charme et briserait l’envol ; il
faudrait tout reprendre à zéro. Ce qui pourrait lasser votre partenaire. Constance
et régularité sont les deux secrets des caresses clitoridiennes réussies. « Question
clitoris mon mari n’y entend rien. Quand je commence à monter il change de
tempo et de direction. J’ai envie de le tuer. Finalement, je lui ai interdit de le
toucher. J’aurais pu lui expliquer mais j’ai eu peur de passer pour une excitée
ou une vicieuse. »

Bien entendu, cette description est générale et comme je l’ai plusieurs fois
répété, chaque femme a ses préférences et ses nuances : le point qu’elle chérit, le
mouvement, la force, la vitesse qui lui conviennent. C’est pourquoi, quand le
destin met sur votre chemin une nouvelle partenaire, il vous faut oublier - en
partie - ce qui était bon pour la précédente car la présente ne réagira pas de la
même façon.

En réalité, ce qui est primordial, c’est d’être attentif à l’autre. Trouver le bon
point, le bon mouvement, la bonne pression, le bon rythme, est affaire d’écoute :
tous vos sens doivent « écouter » car au début, quand se cherche le plaisir, tout
est à peine perceptible. La pulpe de votre doigt doit être attentive à
l’accroissement de ma chaleur, à mon mini-gonflement, à mes micro-vibrations
de plaisir ; toute la surface de votre corps doit être sensible au moindre
frémissement, à la moindre tension de votre aimée ; votre ouïe, bien sûr, doit
enregistrer les moindres variations de son souffle, ses moindres murmures, ses
moindres gémissements. Ensuite, quand les réactions de votre partenaire
deviennent manifestes, voire violentes, il ne faut pas pour autant cesser d’être à
l’écoute, afin de vous rendre compte si le cap est bon, si vous ne dépassez pas la
limite du supportable. Sans doute, ce qui est délicat pour vous les hommes, c’est
de discerner si les manifestations de la femme relèvent d’une jouissance ou
d’une plainte ; la nuance est discrète entre un gémissement de bonheur et un
gémissement de désagrément, tant je suis sensible. Aussi, je conseille aux
femmes, quand l’homme est un peu malhabile, de le guider de la voix et de la
main. J’y reviendrai.

Préludes au bonheur clitoridien

Messieurs, vous avez pour la plupart compris qu’il n’est plus possible de
« prendre » une femme, c'est-à-dire de la pénétrer sans l’avoir préparée par des
caresses de tout son corps, en plus des caresses de moi-même, le clitoris. Mais, il
n’y a pas que le vagin qui réclame des préludes, moi aussi je les adore : ça
m’excite, ça me met en turgescence, ça accroît ma capacité de plaisir, bref, ça
me rend pétillant.

Alors, s’il vous plaît, caressez votre amoureuse, caressez-la sur toute la surface
de son corps, de la tête aux pieds et vice-versa et recto verso. Offrez à son
visage, à ses bras, à ses épaules, à son ventre, à ses flancs, à ses fesses, à ses
cuisses, à ses mollets, à ses pieds, à son dos et j’en passe, toutes sortes
d’effleurements avec la pulpe des doigts, de griffures légères avec les ongles, de
pincements gentils, de pressions sympathiques, et autres caresses décrites dans
Le Traité des caresses. Dès qu’un de ces sites frémit et s’horripile de joie, dès
qu’un gémissement de bien-être s’élève de la bouche de votre aimée, revenez
derechef sur ce site, reprenez encore et encore cette caresse : c’est un filon de
bonheur qu’il vous faut exploiter afin que votre partenaire en profite au mieux.
Soyez sûr que c’est son souhait.

Après votre main, c’est au tour de votre bouche de parcourir le corps de votre
aimée, de le parsemer de toutes sortes de baisers et de mini-morsures. Faites-le
longuement, sans vous presser. Et n’oubliez pas les lèvres de celle que la chance
vous a confiée : donnez-lui un long, un très long baiser, un chef-d’œuvre de
baiser où se mêlent les souffles de vie, le nectar des salives et les battements du
sang qui glisse, brûlant, à fleur de muqueuse.

Revenez alors au corps mais cette fois pour vous concentrer sur ses zones les
plus érogènes. Dans ce périple de tonalité nettement plus tropicale, les seins sont
une étape magique : à peine effleurés, ils m’envoient de si pressants e-mails que
je marque quelques signes d’impatience, et ma châtelaine de les traduire par
quelques frottements instinctifs de son pubis sur votre cuisse. Mais, ne vous
précipitez pas sur moi pour autant. Mon attente est supplice mais heureux
supplice. Faites encore, je vous prie, des tours et des détours dans les environs :
sur le ventre de votre dame, sur son mont vénusien, sur ses cuisses.

Enfin, prenez hardiment sa vulve à pleine main. Comme elle est brûlante !
Comme sont mouillées les ourlets de sa fente ! Palpez-la avec ferveur, pressez-la
avec dévotion, conscient des trésors qu’elle recèle. Que d’émotions ! Vous avez
le sentiment de tenir ainsi toute la féminité du monde ; votre aimée, aussi émue,
a l’impression d’être tenue tout entière dans votre main, elle qui est toutes les
femmes du monde. Ne relâchez pas trop vite l’étreinte de votre main, dégustez-la
ensemble, lentement, profondément, majestueusement.

Alors, subrepticement, détachez un doigt, le médius étant le plus apte. Qu’il se


fraie habilement un chemin entre les valves de la vulve, qu’il creuse doucement
le sillon féminin. Voici qu’il se brûle, voici qu’il fond tant est chaude et
abondante la source. Il glisse vers l’arrière à hauteur du griffon vaginal puis
revient en avant et tressaille à mon contact, moi, le bouton, tandis que l’aimée
expire un bref gémissement. Il passe et repasse sur le joyau, la femme halète.
C’est alors qu’il vous faut pousser les vantaux des cuisses, afin que s’épanouisse
la vulve et que votre main y évolue comme un poisson dans l’eau. Le moment
est venu de vous rappeler la leçon de clitoris. Mais, pour faire de cette leçon
basique une œuvre d’art, il faudra laisser aussi parler votre intuition, votre
imagination, votre affection.

Les caresses associées

À la virtuosité de votre caresse clitoridienne, il est bon que vous associiez


d’autres caresses qui, cette fois, ont mission d’accompagner ma stimulation.
Tout le corps peut être à nouveau câliné par la main libre ou par la bouche. Mais,
les caresses des zones « fortes » seront les plus efficaces pour « booster » le
plaisir clitoridien. Ici encore, les délicatesses offertes au sein et plus
spécialement à son éminence mamelonnaire feront merveille, via le fameux
circuit court qui connecte les deux bouts : qui allume le téton enflamme le
bouton.

Autre zone forte de même magnitude que moi-même, le vagin mon voisin, sera
sollicité soit par les doigts de la même main (par exemple : tandis que les grands
doigts s’occupent du clitoris, le pouce prend place dans le réceptacle vaginal),
soit par les doigts de la main libre. Quels que soient les doigts introduits, ils
prodigueront au vagin d’appréciables réjouissances. Leur seule présence peut
suffire mais ils peuvent aussi jouer une partition sur les touches sensibles de leur
hôte : l’entrée, le point G, les culs-de-sac, le col ; mais, ils le feront piano, afin
de ne pas ravir la vedette au clitoris. L’addition de deux stimulations puissantes
fait monter le niveau général de la volupté, tout en majorant la volupté de chacun
des sites par un effet interactif : le clitoris s’exalte de la caresse vaginale et le
vagin tressaille de la caresse clitoridienne. D’ailleurs, on y reviendra, c’est par le
truchement de la caresse clitoridienne que le vagin, endormi au fond de sa vallée
pendant la première partie de la vie, s’éveille progressivement et s’érotise.

La marge de l’anus et le canal anal pourraient être également conviés aux ébats
par un doigt de la main qui me caresse, au prix d’un grand écart. Il est plus
commode de confier cette tâche à la main libre. Ici aussi, on assiste alors à la
multiplication miraculeuse des bonheurs. Le doigt en mission pourrait se
contenter d’occuper cette zone sensible. Il pourrait aussi y exercer quelques
flatteries, mais qui seront modérées afin de ne pas détourner l’attention du
bouton.
10
La caresse du clitoris, un acte d’amour

Bien que souvent insatisfaites, les femmes, pour la plupart, n’osent pas
demander à l’homme ce qu’elles souhaitent et lui expliquer comment il pourrait
les exaucer. Alors, elles se résignent et se prêtent passivement à sa façon de faire
pour leur plus grand malheur.

La parole est d’or

Pourquoi les femmes n’osent-elles pas exprimer leurs besoins et enseigner les
gestes satisfaisants ? Parce qu’elles sont timides ou pudiques, ou parce qu’elles
craignent de passer pour des femmes exigeantes, égoïstes, imbues de leur
personne, voire dominatrices, ou parce qu’elles ne veulent pas importuner leur
partenaire, le vexer, le mettre en infériorité. Dans tous ces cas, ce qu’elles
redoutent, c’est que l’homme se moque d’elles ou les rejette. En réalité, ce
qu’elles n’osent pas c’est s’affirmer.

Mais le pire n’est pas sûr : beaucoup d’hommes n’attendent que ça, que les
femmes s’expriment. « On ne sait pas ce qu’elles ressentent, les femmes, ce qui
est bon pour elles, dit un homme, on ne peut pas tout deviner. » Et un autre de
confier : « C’est tellement reposant d’être avec une femme qui dit ce qu’elle
aime, ce qu’elle veut et vous guide. Je peux me détendre et jouer. » Un troisième
avoue : « Le clitoris, je croyais que c’était le domaine de la femme, que ça ne me
concernait pas. »

Donc, Mesdames, courage ! Prenez le risque d’oser demander carrément avec


des mots clairs accompagnés de gestes précis. Si on ne demande pas, on
n’obtient rien. Devenir responsable de votre sexualité, c’est formuler ce qui vous
plaît et apprendre à l’autre comment est fait et comment fonctionne votre corps
de femme. Et puis, vous verrez comme c’est excitant de prononcer les mots du
langage érotique, de confier vos plus intimes secrets et de conduire la main de
l’homme. Et combien ça vous rapproche l’un de l’autre, combien ça approfondit
votre complicité. Votre vie sexuelle va s’enrichir, s’épanouir et couronner votre
bonheur.

Vous avez envie qu’il vous blottisse dans ses bras ? Dites-le-lui ! Plus fort !
Dites-le-lui ! Vous désirez qu’il vous caresse tout le corps ? Demandez-le-lui !
Une région précise ? Demandez-le-lui ! Il s’y prend mal à votre goût ? Guidez-le
de la voix ou même en lui prenant carrément la main. Vous désirez qu’il vous
caresse le clitoris ? Soufflez-le-lui ! Ce n’est pas comme vous voulez et ça fait
trop longtemps que ça dure ? Alors, le jour des grandes décisions est arrivé,
décisions que vous remettiez sans cesse : vous allez lui montrer comment vous
êtes constituée et lui apprendre ce qu’il doit faire pour vous procurer le meilleur
des plaisirs. Prenez pour cela une voix douce et confidentielle et usez de ce
timbre un rien grave auquel il n’avait su résister le soir de votre premier baiser.

Le moment est venu de vous jeter à l’eau : exposez bien votre intérieur, décrivez
tout ce qui le compose, montrez les endroits les plus sensibles et... caressez-vous
consciencieusement jusqu’à l’orgasme, en lui demandant de bien noter le point
que vous stimulez, les mouvements de vos doigts, leur rythme, etc. Voilà que
vous venez de pousser votre ultime gémissement, voire de lancer votre dernier
rugissement de plaisir. Votre homme est à côté, impressionné, interloqué. Entre
deux souffles, vous lui demandez de vous serrer dans ses bras, car lui tout ébahi,
il ne bouge pas. Après ce bon câlin vous voilà reposée et lui s’est apprivoisé.

Alors, vous lui dites combien vous seriez heureuse qu’il vous caresse à son tour.
Comme il ne veut que votre bonheur, il s’y met mais avec quelque appréhension
comme l’élève qui tente de faire aussi bien que son professeur. Vous
l’encouragez : « Oui, c’est bien mon adoré », « Oui, comme ça », « Oui,
j’aime ». Vous le guidez de la voix : « Plus haut, plus bas, plus à droite, plus à
gauche, plus fort, moins fort, plus vite, moins vite. » S’il le faut, vous prenez sa
main et la conduisez. Et si vous avez envie qu’il associe d’autres caresses, par
exemple qu’il empaume votre sein ou qu’il pince votre mamelon, ou qu’il mette
un doigt dans votre vagin ou dans votre anus, dites-le-lui ou mieux, ici aussi,
prenez sa main et portez-la où vous le souhaitez. Et si l’idée vous vient de saisir
vous-même votre mamelon ou d’introduire un de vos doigts dans une de vos
chères cavités en sa présence, comme vous en rêvez depuis quelque temps,
faites-le. Être active, ce n’est pas seulement parler, c’est aussi agir. Ainsi, au cas
où la caresse clitoridienne de votre élève n’aurait pas encore atteint la perfection,
prenez-vous en main, au sens figuré comme au sens propre, jusqu’à votre
complet contentement ; et si un seul orgasme ne vous suffisait pas, offrez-vous
en un autre.

La place du cœur

Aussi parfaite soit-elle sur le plan technique, votre caresse clitoridienne,


Messieurs, ne comblera votre aimante que si elle est inspirée par une profonde
admiration de sa féminité et un amour fervent. Sinon, elle n’est qu’habile frotti-
frotta, susceptible de lui procurer quelque « plaisir d’organe » mais non
d’engendrer l’extase de son être. Moi, clitoris, petit morceau de femme, je sens
bien ce qui anime la main de l’homme et je ne me lâche jamais autant que
lorsque cette main est celle d’un amoureux et d’un adorateur.

L’admiration et l’amour s’expriment d’abord par la caresse de tout le corps de


l’aimée, par les baisers qu’on y sème, par les mots tendres et les compliments
qui accompagnent les caresses et les baisers. Ils s’expriment ensuite au cours de
la caresse clitoridienne par une écoute attentive qui décèle la moindre de ses
attentes, qui perçoit la moindre de ses réactions ; et par les mots doux qu’on
continue de lui susurrer ; et par les caresses qu’on continue de prodiguer à
l’ensemble de son corps. De la sorte, jamais son corps n’est abordé en pièces
détachées, jamais, moi, le clitoris, ne suis séparé du corps et jamais le corps n’est
séparé du cœur. Ainsi, la caresse clitoridienne devient une activité qui unit les
êtres autant que le fait le coït.

Après que votre aimée aura connu l’extase, prenez-la dans vos bras, étreignez-la
et tandis qu’elle s’apaise, dites-lui encore votre amour et votre admiration. Et
restez, tous deux, blottis longuement.
11
L’art du baiser clitoridien

Son nom officiel est « cunnilinctus », de cunnus le coin, qui a donné le « con » et
de linctus lécher. Moi, le clitoris, je préfère qu’on dise le « baiser vulvaire » ou
mieux, « le baiser clitoridien ». Ce baiser peut être donné à la femme, soit par un
homme, soit par une femme.

Quand c’est l’homme qui m’offre ce baiser, 42 % des femmes obtiennent un


orgasme, chiffre qui est proche des 44 % obtenus par la caresse digitale donnée
par l’homme, mais loin des 95 % obtenus lorsque la femme s’autocaresse
digitalement. Quand c’est une femme qui donne ce baiser à une autre femme,
l’orgasme surviendrait dans une proportion voisine de ces 95 % : une femme sait
mieux qu’un homme ce qui est bon pour elle. Par conséquent, si l’homme
améliorait sa connaissance de la femme, la quasi-totalité des femmes jouirait de
l’acmé. C’est pourquoi, moi, le clitoris, je vais confier aux hommes ce qui m’est
le plus agréable.

La caresse préférée

Le baiser clitoridien est la plus excitante et la plus somptueuse caresse qu’on


puisse me faire, celle que les femmes apprécient le plus. C’est une caresse
humide, voire aqueuse. Or c’est très souvent dans un milieu aquatique que la
femme a révélé sa sexualité : c’est sous un jet d’eau, dans sa douche ou sa
baignoire, qu’elle a joui au mieux pour la première fois. Doux, fluide et chaud, à
l’instar de l’eau, le baiser clitoridien ne peut qu’émerveiller la vulve. La
rencontre de la bouche et de la vulve, c’est la rencontre des deux fentes les plus
humides du corps. De ce mélange des eaux naît un milieu marin, or on sait bien
que le sexe de la femme appartient à la flore sous-marine.

C’est aussi une caresse tendre et voluptueuse. La chair qui donne le baiser est
moelleuse et généreuse en sensations comme la chair qui le reçoit. Chacun sait
bien à quel point la bouche possède une extrême sensualité qui n’est égalée que
par le sexe. Ici, la bouche embrasse la vulve, autant que la vulve embrasse la
bouche.

C’est enfin une caresse subtile : la pointe de la langue, par sa finesse, son
habileté, sa précision, sa sensibilité, sa douceur, son humidité, sa chaleur, est
l’agent idéal de la caresse du plus précieux, du plus sensible, du plus délicat et
du plus petit des organes sensuels, j’ai nommé le clitoris, votre obligé. Les lèvres
présentent les mêmes qualités que la langue et bien que charnues elles sont
agiles : quand il s’agira de sucer, elles trouveront d’instinct le délicat
mouvement de préhension jadis destiné au mamelon.

Servi par d’aussi talentueux organes, comment se fait-il que le baiser clitoridien
ne propulse pas 100 % des femmes dans le ciel des lits ? Écoutons ce qu’elles
déplorent : « Les hommes sont trop pressés, ils lèchent cinq minutes et puis ils
s’arrêtent. C’est frustrant. Il me faut du temps pour me mettre à l’aise, pour que
je m’abandonne, que je laisse monter le plaisir. Mais je n’ose pas demander de
continuer plus longtemps. » Une autre : « C’est toujours trop court. Ils le font
avec l’idée de me sauter dans les plus brefs délais. » Ce que souhaitent les
femmes, c’est que les hommes prennent leur temps, que le baiser clitoridien se
poursuive longtemps, « des heures » et qu’il ne soit pas forcément un prélude au
coït. Elles veulent des séances exclusives de baisers vulvaires, jusqu’à
l’orgasme : un, deux, dix orgasmes.

Écoutons encore les femmes : « Le plus souvent les hommes s’y prennent mal, ils
ne trouvent pas les points intéressants, leur langue est trop raide. » Une autre :
« La majorité des hommes sont mauvais, ils ne connaissent pas le corps de la
femme, ne savent pas comment ça marche. » Sans doute, ça irait mieux si la
femme indiquait ce qui lui plaît, et guidait son compagnon.

Préliminaires au baiser clitoridien


Messieurs, je vous demande, moi, le clitoris, de ne pas me sauter dessus
d’emblée. Allez d’abord caresser tout le corps de votre aimée, comme je l’ai déjà
suggéré pour d’autres stimulations me concernant.

Allez folâtrer sur l’immense étendue de la peau, visitez-la par monts et par vaux,
semez-y des effleurements, pétrissez-la de tendres pressions, imprimez-y
quelques stries, quelques pincements, tracez-y douces morsures et légères
griffures, piquetez-y moult baisers. Bref, mettez le corps en fête. Puis, par des
échappées vers des sites plus sensibles, mettez-le en effervescence : le sein et
son mamelon, les fesses, leur raie et leur puits anal, la colline de Vénus et son
incisure sont des points de vue remarquables qui vous réservent de fortes
émotions. Que vos doigts agiles, que vos lèvres taquines volètent, effleurent,
titillent, pinçotent, escaladent, se posent, glissent, s’insinuent, levant ici une
volée de plaisir, provoquant là un intense remue-ménage. Alors, lorsque vous
aborderez la vallée des merveilles, vous y serez accueillis avec faste.

Pour donner le baiser clitoridien, veillez à prendre une position confortable. Le


mieux est que la femme soit couchée sur le dos, cuisses fléchies et que l’homme
soit allongé sur le ventre, parallèlement à la femme (et non
perpendiculairement), tête-bêche, le visage entre les cuisses de son adorée. Ne
combinez pas ici le baiser clitoridien avec la fellation - pratique appelée 69. En
effet, la femme qui s’occupe du sexe de l’homme ne peut se concentrer sur son
plaisir clitoridien et l’homme, distrait par son plaisir pénien, ne peut se consacrer
au baiser clitoridien. Et puis, aujourd’hui c’est la fête de la femme, c’est elle
qu’on célèbre : elle n’a pas l’obligation de rendre parce qu’on lui offre.

Deux autres postures sont possibles : ou bien la femme est debout et l’homme à
genoux le nez dans la vulve, posture très belle d’adoration, mais assez
incommode. Ou bien, la femme est à cheval, jambes écartées sur l’homme
couché, sa vulve ouverte étant à l’aplomb du visage masculin : il lui suffira
d’abaisser son bassin pour lui offrir un des cadeaux les plus somptueux qu’une
femme puisse faire à son aimé.

Vertigineuse plongée

Revenez à la première posture, la plus confortable pour vous deux. Voilà


comment je conçois l’événement : l’homme, reposant sur les coudes placés de
part et d’autre des hanches, a le visage à hauteur du mont de Vénus. Voilà qu’il
penche la tête et pose un long baiser appuyé sur la toison : les crins crissent
doucement sous ses lèvres. Le geste est quasi religieux car il aborde ici le
sanctuaire de la femme. Les narines plongées dans le pelage, il en hume
profondément les senteurs sauvages. Une onde de frissons parcourt son échine.
Le désir le partage à la piété. La femme est silencieuse, immobile. Émue,
confiante, donnée, elle retient son souffle dans un temps suspendu, comme à
l’instant où l’on sait que quelque chose de très important va survenir qu’on
attendait sans le savoir. Une promesse, inscrite inconsciemment dès le premier
regard de la première rencontre, va se réaliser. Et l’homme de prolonger son
long baiser mêlé de murmures de bonheur et d’admiration. La femme sent son
souffle chaud et les vibrations de ses murmures, elle tressaille.

Alors, l’homme avance sa tête vers les cuisses encore à demi fermées : il les
pousse de son front, mais elles ne s’ouvrent que d’un cran. Aussi, pose-t-il
quelques baisers légers sur le haut de la vulve puis, collant sa bouche sur les
soies, il souffle de l’air brûlant. « S’il te plaît », implore-t-il. Les cuisses
s’ouvrent plus largement. L’homme contemple la vulve encore close et le pelage
qui dévale ses crêtes. Il dépose un baiser révérencieux sur l’amorce de l’incisure,
la pilosité chatouille ses lèvres et son visage et un bouquet d’arômes exotiques
affole son odorat. « Comme tu es belle, comme tu es délicieuse ! »

Maintenant, il frôle de plusieurs doigts duveteux la face interne des cuisses, là où


la peau est si douce, si sensible. Son aimée frissonne. Puis, il insinue un doigt
dans le sillon entre la cuisse et la vulve et l’y fait glisser lentement, c’est chaud,
c’est moite, ça préfigure les joies des profondeurs. Il en fait autant dans l’autre
sillon. Bientôt, d’un doigt recueilli mais de désir impatient, il suit les bords
toujours réunis de la fente, plus humides et plus chauds encore. Courbant un peu
plus la tête, il pose ses lèvres en plein milieu de la vulve puis les presse avec
ferveur. Son impatience grandit d’en voir plus et la femme sent qu’il est au bord
de la dévoiler.

Alors, de ses coudes, il écarte fermement les cuisses féminines et de ses mains
appliquées de chaque côté de la vulve, il tire vers l’extérieur les grandes lèvres.
Un spectacle fabuleux s’offre à son regard émerveillé : sous ses yeux s’étale le
delta d’un grand fleuve tropical qui aurait creusé son lit dans une tendre terre
ocre. Au centre, le fleuve s’achemine majestueusement vers son embouchure ;
sur ses berges, des ruisseaux serpentent avant de le rejoindre, des éminences
qu’il n’a pas encore érodées saillent, des franges d’algues pourpres flottent au
gré du courant. Dans l’eau qui miroite, il croit voir les éclats d’un battement
d’ailes blanches ou les lumières d’une barque. Dans l’air, traînent des relents de
marais et des effluves marins. Enivré par le flux garance et ses fragrances, il
hallucine. La voix de son aimée le ramène à la réalité : « Tu m’aimes ? Est-ce
que tu m’aimes ? » Elle a besoin de cette ultime réassurance avant de le laisser
entrer dans son dédale secret. « Tu es si belle ! », répond l’homme.

Maintenant, il promène un doigt sur la face interne rebondie des grandes lèvres,
impressionné, comme quelqu’un qui a reçu un cadeau et, l’ayant déballé, ose à
peine le toucher. La pulpe glisse plusieurs fois sur la muqueuse brillante de
rosée ; rencontrant la dentelle des nymphes, elle les suit dans un sens puis dans
l’autre, puis les soulève et refait le même trajet sous elles. Voilà cette pulpe qui
descend dans le creux, là où l’eau est profonde et l’explore étonnée et recueillie.
En arrière, elle est quasi aspirée dans le vestibule vaginal où la température est
nettement torride ; en avant, elle rencontre mon éminence, lisse comme une perle
et dont le simple attouchement fait frémir la femme. Les yeux de l’homme n’ont
cessé de contempler avidement la merveilleuse vallée et se sont émerveillés de
ce que les doigts découvraient.

Alors, l’homme courbe plus encore la tête jusqu’à mettre son visage au contact
de la vulve. Les arômes infusés par le désir envahissent à flot ses narines et dans
le même élan tout son être. Ses lèvres se posent au fond de la faille et embrassent
au jugé ce qu’elles rencontrent. C’est une véritable plongée sous-marine que
l’homme effectue, tant l’eau abonde. D’instinct, sa langue sort de la bouche et se
met à lécher ce qu’elle trouve sous elle, qui est onctueux, chaud, salé. Puis, elle
se déplace vers les rebonds charnus des grandes lèvres, qu’elle suit d’abord
d’une pointe légère et chatouillante, puis, de son plat, large et gourmand.
Découvrant les nymphes, elle se remet sur sa pointe et redessine leurs dentelles,
puis, par jeu les soulèvent délicatement. Mais, les hauts fonds où elle avait
plongé d’emblée, l’attirant à nouveau, de toute sa longueur, elle s’enfonce dans
le vestibule vaginal, en sonde les profondeurs et se met à les laper. Elle s’y
abîmerait bien, mais on l’appelle de toutes parts : alors, elle fait une incursion du
côté de la commissure postérieure, en arrière du vagin puis revient en avant,
effleure le méat urinaire, glisse sur moi sans céder à mes implorations et va
taquiner la commissure antérieure à l’aplomb du mont vénusien.

Toutes ces visites rendues, la langue pourrait enfin se consacrer à moi, le joyau
des joyaux. Mais, les lèvres réclament de faire à leur tour le même parcours.

C’est le droit de goûter aux succulentes « entrées » qui précèdent le festin


clitoridien que revendiquent les lèvres. Alors, où la langue est passée, la bouche
va repasser avec un appétit exacerbé. Les lèvres s’appliquent sur la rondeur
gorgée de suc des grandes lèvres, y appuyant un baiser suivi d’une salve de
petits bécots. Les dents s’agacent, elles croqueraient bien cette belle chair. Mais,
c’est la bouche tout entière qui, avide, s’empare du fruit ; en un instant, la grande
lèvre est aspirée entre langue et palais, sucée, pressée, tâtée et même mâchouillée
par des dents aussi précautionneuses que l’araignée d’eau l’est avec sa bulle
d’air. « Dévoration. » Dévotion. La femme frémit, elle a confiance mais sait-on
jamais, l’homme paraît si gourmand. Elle frémit aussi de plaisir et de joie : voilà
qu’est reconnue l’irrésistible saveur de son sexe.

Tout au long de leurs pérégrinations, langue et lèvres ont pu goûter et déguster


de-ci de-là toute la palette des saveurs du sexe féminin. Quant aux narines, elles
n’ont rien perdu de la multitude des arômes qui s’exhalaient.

Enfin, mon heure est venue ; il est temps car mon attente joyeuse se fait
supplice.

À la bouche du volcan

La langue, nous l’avons vu, est faite pour moi, le clitoris. Commencez par me
lécher d’une large langue - mais pas trop large : le quart de sa surface antérieure
- avec application et lenteur. Cette caresse flatte tout à la fois mon gland, ma
capuche, ma tige et leurs alentours. Faites-le avec appétit et avec tendresse. Puis,
affinez votre langue en n’utilisant plus que sa pointe, mais, ne la portez pas
d’emblée directement sur mon gland trop sensible, il ne le supporterait pas.
Glissez-la plutôt sur le côté, dans le sillon entre ma capuche et les grandes lèvres
et faites-la aller et venir de bas en haut et de haut en bas ; faites de même dans le
sillon du côté opposé. Vous pourriez aussi faire tourner votre pointe de langue
autour de mon gland, elle décrirait de petits cercles passant dans le sillon droit,
puis au-dessus de ma capuche, puis dans le sillon gauche, puis sous mon gland.

Apprivoisé, mon gland peut alors recevoir une caresse directe, à condition que
vous assouplissiez votre langue, qu’elle cesse d’être dure et pointue. Alors, vous
pourrez titiller ma petite sphère, un peu comme vous le feriez d’un mamelon,
mais avec plus de finesse encore : une amplitude moindre, une intensité réduite.
Vous pourriez aussi, de l’extrême pointe de la langue, soulever mon capuchon et
titiller dessous, mais soyez infiniment circonspect, vous manipulez le détonateur
d’une bombe.

Vos lèvres s’impatientent, il leur faut entrer en lice. Déjà, elles happent mon
bouton, l’aspirent, le sucent, le tètent. C’est un mouvement qu’elles savent faire,
un enfant sommeillant en tout homme, mais qu’elles le fassent avec la plus
extrême subtilité. Et si votre aimée le supporte, essayez même de saisir
doucement le clitoris entre langue et palais et de le mâchouiller. Il n’est rien de
plus troublant pour un homme que de jouer aussi finement avec un organe aussi
fin. Quant à votre amoureuse, éberluée, elle n’a jamais éprouvé de plaisirs si
aigus, si exquis. Cependant, n’insistez pas, ne visez pas encore son orgasme.
Continuez d’explorer toutes ses possibilités de volupté. Portez maintenant votre
langue sur ma tige et vous découvrirez que l’endroit le plus sensible est le haut
de cette tige, juste sous le pubis. L’inventaire étant fait, vous pouvez jouer à
passer d’un point à un autre jusqu’au moment où vous sentirez que votre aimée
est au mieux de l’excitation et prête à décoller.

Alors, choisissez l’endroit qui s’est révélé le plus sensible - et supportable - et


entreprenez une stimulation qu’il vous faudra conduire jusqu’à l’orgasme. Le
délai peut être court ou très long. Dans ce dernier cas, il vous faut poursuivre
sans défaillance votre baiser. Qu’importe l’irritation de la pointe de votre langue,
les crampes de votre gorge, la tension de votre cou (la prochaine fois vous vous
placerez mieux). Tenez cinq, dix, vingt minutes ou plus. Et observez la très
impérative règle de la constance exposée dans la caresse digitale : une fois
trouvé le bon point qui, ici, est d’une précision millimétrique, la bonne pression,
le bon mouvement, le bon rythme, ne changez plus rien, n’arrêtez sous aucun
prétexte, ne serait-ce qu’une fraction de seconde. Toute rupture d’un des
paramètres risquerait de faire retomber l’excitation de votre aimée et il faudrait
reprendre la partition à son début. Par contre, quand vous sentirez monter
crescendo son plaisir - ses gémissements et ses mouvements croissent, sa
respiration s’accélère - vous pourrez augmenter parallèlement la vitesse de votre
stimulation et en renforcer la pression.

Soudain, son corps s’immobilise, sa respiration se suspend, ses chants sont


retenus et aussitôt un cri fuse de sa gorge, tandis que son corps se tend ou même
s’arc-boute. D’autres cris s’enchaînent accompagnés de secousses corporelles,
au rythme des battements du plaisir. Ne vous laissez pas surprendre par
l’explosion, ne cessez pas, pas un instant, votre baiser. Maintenez à tout prix le
contact entre votre langue et moi, continuez ce que vous faisiez tel que vous le
faisiez. Quelle que soient les gesticulations de votre aimée, gardez votre visage
entre ses cuisses et votre bouche collée à sa vulve. Le mieux est d’étreindre son
bassin de vos bras ; ainsi solidarisée à elle, votre tête peut suivre ses
mouvements sans risquer de se détacher de moi. Pour votre aimée, c’est l’heure
de l’extase. Pour vous, c’est l’heure de gloire et d’un très grand bonheur : à votre
bouche, par la magie de la pointe de votre langue jouant sur cette minuscule et
mirifique perle que je suis, la femme a joui à en perdre la tête, la femme a jailli
dans les étoiles. Si elle est femme-fontaine elle vous a inondé de son eau chaude.
Alors, son amour pour vous est décuplé, sa gratitude infinie et votre complicité
plus grande encore.

Voilà que votre aimée s’apaise, ses cris cessent, son corps retombe, sa
respiration haletante se ralentit, vous pouvez arrêter votre baiser. Il le faut même
car je suis tellement à vif que je ne supporte plus le moindre contact.

Laissez votre aimée se détendre, vous-même reposez-vous, la tête sur son ventre,
à la limite de la toison, un bras enlaçant son bassin. Votre respiration devient
synchrone de la sienne. Cherchez sa main, justement elle vient à la rencontre de
la vôtre ; serrez-la. Dans un chuchotement, dites-lui « Merci » et « Je t’aime » ou
« Je t’adore ». Et elle, dans un souffle, elle vous répondra qu’elle aussi... Et de
son autre main, elle vous caressera le visage et la tête.

Après quelque temps, placez à nouveau votre visage entre les cuisses chéries. Si
vous sentez que votre aimée souhaite d’autres bonheurs suprêmes ou mieux, si
elle vous le demande, reprenez votre stimulation selon les mêmes modalités qui
ont si bien réussi. Si elle le désire, vous pourrez lui offrir plusieurs séquences
orgasmiques, puisque, vous le savez, la femme détient cette extraordinaire
capacité. Inversement, si vous percevez que la femme ne désire pas d’autres
rebonds ou si elle vous l’exprime, vous lui donnez un grand baiser d’au revoir
pour remercier sa vulve et l’apaiser.

Voici en quoi consiste le grand baiser : plongez l’ensemble de votre visage -


menton, bouche, nez, yeux, front - dans la vallée féminine, puis promenez-le de
bas en haut et réciproquement. Appuyez votre menton en haut, poussez votre
front en bas, au milieu, frottez votre nez et faites barboter votre bouche avec des
chuintements mouillés et des mots d’admiration et de régal. Terminez cet
hommage par de larges lapements étendus du pubis à l’entrée du vagin.
Refermez la vulve puis les cuisses, posez un baiser sur la toison. Et allez
étreindre votre aimée et embrasser sa bouche...
12
Réticences et envoûtements du baiser clitoridien

Ici aussi, je vous demande de bien vouloir accompagner le baiser que vous
m’offrez, de caresses envers d’autres sites : elles renforceront le plaisir premier
et elles feront participer tout le corps à la volupté.

Les caresses d’accompagnement

Tandis que vous donnez le baiser clitoridien, Messieurs, laissez votre main libre
aller caresser le visage de l’aimée ou flatter ses flancs ou ses fesses ou tenir ses
genoux ou ses pieds ou prendre sa main. Mais, quand l’envie vous prendra
d’atteindre un site plus chaud, ne vous retenez plus et laissez votre paume
prendre un sein et vos phalanges taquiner le mamelon. Excellente association,
vous le savez, en vertu de l’interaction érotique directe entre les deux sites. Mais,
il y a plus : pincer et tirer les tétons entre le pouce et l’index tandis que les lèvres
saisissent et tètent le clitoris, constituent une figure érotique surprenante où
l’inversion des pôles a de quoi faire monter de plusieurs degrés, l’excitation et le
bonheur des amoureux.

Bientôt, le désir vous vient à la main d’un accompagnement plus torride encore,
comme d’introduire un ou deux doigts - deux c’est plus comblant - dans le vagin
de l’aimée. N’y résistez pas ! Ces doigts pourront rester immobiles ce qui suffira
déjà à émouvoir considérablement votre partenaire. Ils pourront aussi être actifs :
caresser la muqueuse vaginale, s’y focaliser sur le point G, taquiner le col
jusqu’à faire bouger l’utérus. Alors, vous verrez votre aimée hissée à un
optimum de volupté, d’où elle ne tardera pas à être propulsée dans le bonheur
suprême.
Un autre jour, votre main pourra préférer visiter l’astre anal de cette femme qui
vous aime tant. Un de vos doigts y procurera quelques réjouissances qui
s’ajouteront au plaisir en cours. Il en résultera aussi une complicité plus grande
entre vous.

Pour le baiser clitoridien comme pour toutes les caresses du clitoris, soyez en
permanence attentif aux réactions et aux indications de votre amoureuse.
Souvenez-vous aussi que chaque femme a ses préférences et que vous ne pouvez
transposer ce que vous avez appris avec une femme, à une autre femme.

Quant à vous, Madame, ne soyez pas plus passive dans cet échange que dans
d’autres. Participez, dites précisément ce qui est bien ou moins bien pour vous,
bougez votre bassin pour aider au confort de votre aimé ou pour amener vos
zones les plus sensibles sur sa bouche ou sa langue. Et n’hésitez pas à vous
caresser le ventre, les seins, etc.

Des réticences des femmes et comment y remédier

Malgré les délices que leur procure le baiser clitoridien, beaucoup de femmes
gardent des réticences à son égard. Ce qui les retient n’est pas tant une pudeur
morale qu’une gêne liée à des millénaires de dévalorisation de leur sexe.

Les mâles grecs n’avaient que mépris pour cet endroit - comme pour la femme
du reste. Ces fondateurs de la civilisation phallocratique obligeaient les femmes
à s’épiler le mont de Vénus car ses poils « hirsutes et malodorants » (sic) leur
rappelaient les barbares qu’ils combattaient. Quant au vagin, ils fantasmaient
quantités de dangers, comme d’y sombrer sans retour ou d’y blesser leur
précieux phallus (mythe du vagina dentata). Ils ont censuré la vulve dans toute
leur statuaire. Et c’est eux qui ont dénommé « artère honteuse » et « nerf
honteux » l’artère et le nerf qui concernaient les organes sexuels.

Les Pères de l’Église qui se référaient plus aux auteurs grecs qu’à Jésus, ont
relayé le phallocentrisme ambiant et l’ont étayé de pseudo-arguments bibliques,
se conduisant ainsi plus en mâles qu’en chrétiens. Ils ont fait du sexe de la
femme la source du « péché originel » et le siège du péché de chair. Pour eux, le
sexe de la femme était « la porte de Satan » (les mystiques soufis, eux, la
disaient « porte du Divin »). Pour détourner les hommes et les femmes elles-
mêmes de ce lieu de perdition, ils le prétendaient laid et sale. Ainsi fut inculqué
aux femmes la répugnance et la honte d’elles-mêmes. Elles en gardent des
traces : elles ont peur en donnant à voir leur sexe de révéler quelque chose de
« pas beau », de « sentir mauvais », « d’avoir mauvais goût » et, in fine, de
dégoûter les hommes.

Bien entendu, le sexe de la femme n’a aucun de ces travers. Que les femmes se
reportent aux descriptions émerveillées que j’en ai faites dans ces pages et dans
d’autres : la beauté de son graphisme n’a d’égale que la bonté de ses arômes et
de ses saveurs. En réalité, la répulsion de l’homme, ses dévalorisations, ses
condamnations sont à mettre sur le compte de la mâle-peur, de cette peur
fondamentale que l’homme éprouve vis-à-vis de la femme depuis l’aube de
l’humanité (voir Sexualité : la voie sacrée et De la peur à l’amour).

Écoutons ce que disent les femmes actuelles du baiser clitoridien : « C’est pas
avec un mec d’un jour qu’on fait ça, dit une femme, il faut trop s’abandonner. »
« Je ne suis pas à l’aise, confie une autre femme, je me demande s’il ne trouve
pas ça moche et l’odeur désagréable. » « Je n’accepte le cunni, déclare une
autre, que si l’homme dit que mon sexe est beau, que je sens bon, que j’ai bon
goût. » « Il faut qu’il m’aime, ajoute une autre, qu’il y prenne du plaisir, sinon
c’est pas la peine qu’il s’applique. » « Moi, je suis reconnaissante à l’homme
qui me fait ça, dit encore une femme, car cet homme cherche à me donner du
plaisir, il ne pense pas qu’à sa verge. Il me montre que j’ai autant d’importance
que lui. » « C’est une extrême intimité, on est très proches, on ne peut être plus
proches, se réjouit une dernière qui ajoute quelque chose de très important. Pour
moi, c’est la meilleure façon de me rattraper quand je n’ai pas eu d’orgasme en
faisant l’amour. »

Qu’en pensent les hommes, maintenant ? « C’est pas simple, ces plis et ces
replis, même si c’est un chef-d’œuvre », dit l’un d’eux. « Le clitoris ? C’est
compliqué : pas comme ci, plutôt comme ça, etc., confie un autre, mais quand
même ça me touche qu’elle me parle quand je la lèche, qu’il y ait entre nous,
cette complicité. Aussi, j’essaie de suivre ses conseils. » Écoutons encore un
homme : « Les formes de son sexe, son parfum, son goût, c’est super-excitant. Et
c’est fabuleux qu’une femme m’offre tout ça et super fabuleux qu’elle jouisse
dans ma bouche et qu’elle m’inonde le visage. » « Sa vulve, dit un dernier, c’est
délicieux, ça a un goût suave. C’est bouleversant, pendant que je tète sa chair de
l’entendre haleter, de la sentir frémir. »
Le seul inconvénient réel du baiser clitoridien, c’est de donner, parfois, à la
femme l’impression que son homme est loin d’elle, qu’il est hors de portée de
ses mains. Elle parle même d’un sentiment de solitude, ce qui est quand même le
comble puisqu’elle est complètement à lui et lui en elle. « Je le sens loin, dit
l’une d’elles, je ne peux pas le caresser, je me sens un peu seule. » Ne dites pas,
messieurs, que les femmes « c’est compliqué ». Cherchez plutôt ce qui a pu
décevoir votre partenaire : votre corps qui était perpendiculaire au sien, au lieu
d’être tout contre, votre main libre qui n’a pas caressé son visage ou ses seins ou
ses flancs, ou qui n’a pas cherché et pressé sa main, votre bouche qui n’a pas
émis des « hum » et des « miam » de délices en la dégustant, et surtout qui n’a
pas dit des « tu es bonne », « je t’aime » et autre « je t’adore ».

Les racines de l’envoûtement

Le vertige qui saisit la femme et l’homme dans le baiser clitoridien est lié aux
odeurs qui enveloppent les amants. Des émotions aussi étranges que fortes les
envahissent, émotions dont les racines remontent au passé, plus ou moins
lointain, des êtres. C’est toute la mémoire individuelle et celle de l’espèce -
l’inconscient collectif - que réveillent ces fragrances ; plus précisément, ce qui se
révèle c’est l’instinct animal et la nostalgie d’une vie antérieure. Je vous rappelle
que le pouvoir émotionnel des odeurs est lié au fait que le centre cérébral de
l’olfaction, le centre de la mémoire olfactive (les amygdales limbiques) et le
centre des émotions (le système limbique) sont mitoyens et en interconnexions
étroites : de plus, tous ces centres sont reliés intimement au centre de la pulsion
sexuelle (l’hypothalamus).

C’est bien l’instinct animal, archaïque et éternel, qui ressurgit lorsque les fauves
odeurs du pelage et de la fente féminine atteignent l’homme, le font se hérisser
de désir, font grincer ses dents d’appétit, font dresser son pénis. La femme, à son
tour, est traversée par cette résurgence de l’instinct : les odeurs, elle les perçoit
montant de son propre sexe et surtout imprégnant l’homme, sa main qui la
caresse, son visage qui l’embrasse ; elle en est très excitée. L’homme tout
imbibé du baume féminin le répand sur toute la surface du corps de son aimée
qui le lui renvoie à son tour. Et tous deux baignent dans ces effluves animaux et
le désir qu’ils engendrent. Un point fort dans cet échange olfactif : quand, après
avoir donné le baiser vulvaire, vous allez embrasser la bouche de votre aimée.
Celle-ci respire et goûte alors sur vos lèvres la quintessence de ses propres
fragrances. Et à leur tour, ses lèvres et son visage vous rendent ce que vous y
avez déposé.

Les émotions olfactives relèvent aussi d’une nostalgie, mais une nostalgie
gigogne faite de souvenirs emboîtés. La plus ancienne nostalgie remonte aux
origines marines de la vie. Celle-ci est née au creux de l’océan et c’est dans
l’océan qu’ont vécu les êtres qui nous ont précédés pendant des centaines de
millions d’années. Selon l’hypothèse très séduisante de Sandor Ferenczi1, tout
vivant actuel porterait une « mémoire thalassale » et le rêve d’un retour dans un
milieu marin. Or, ce que respire l’homme - et la femme indirectement - au cours
du baiser clitoridien, ce sont des effluves marins. Cette satisfaction de son besoin
de retour à la mer participerait de son bonheur.

La seconde nostalgie remonte à la vie intra-utérine, à cette époque où il vivait


dans la petite mer intérieure de sa mère, fœtus heureux comme un poisson dans
l’eau. Eau faite ici d’un liquide amniotique qui a la même composition que l’eau
de mer, donc le même goût, et qu’il dégustait comme le montrent les
échographies. Eau qui le faisait vivre dans une béatitude composée de douce
chaleur, d’apesanteur, de balancement, de silence, d’obscurité. Lors du baiser
clitoridien, l’homme, plongé dans la vulve, retrouve la même humidité, les
mêmes odeurs, les mêmes saveurs, la même chaleur, la même obscurité (il ferme
les yeux), le même silence (ses oreilles sont quelque peu comprimées par les
cuisses de son aimée). Et il satisfait ainsi son besoin de retour à la mer et à la
mère. La femme, en percevant les arômes et les saveurs sur la peau de son
adorant, connaît le même bonheur.

La troisième nostalgie remonte à l’enfance. La naissance qui se déroule dans un


flot de liquide amniotique lui offre ses premières odeurs qui sont marines aussi :
celles du sexe de sa mère. Et puis, il est précipité dans un monde froid, dur,
aveuglant, assourdissant, rapide. Un monde où il est séparé. Un monde où, de
surplus, surgit au centre de son être une sensation désagréable : la faim. Alors, le
petit humain découvre l’angoisse, la pénible condition de l’homme. Mais
soudain, il se sent soulevé et porté à nouveau dans cette mer dont il rêvait : dans
les bras de la mère le petit retrouve l’union, l’enveloppement, la chaleur, la
douceur, le moelleux, l’apesanteur, le bercement. Et dans sa bouche, coule un
liquide chaud qui va éteindre l’angoisse qui le rongeait. C’est le paradis retrouvé.
Lors du baiser clitoridien, l’homme retrouve cette béatitude paradisiaque car il
retrouve l’odeur et le goût de mer et de mère, la chaleur, l’humidité (le
transsudat vaginal qui inonde la vulve a la même composition que le liquide
amniotique et que l’eau de mer). Sont satisfaites à la fois sa nostalgie thalassale
et sa nostalgie utérine. Il en est de même pour la femme qui respire les odeurs
marines et maternelles sur la peau de son homme.

Pendant des années, l’enfant vivra au creux de cette vague qu’est la mère : ses
bras ronds, son corps rond, sa chaleur de lagune tropicale, sa saveur et son odeur
d’océan. Dès lors, comment voulez-vous que l’homme, lors du baiser vulvaire,
n’éprouve pas une véritable euphorie, celle d’un retour aux sources de son être
et, au-delà, de son espèce ? Comme elle est émouvante sa tentative de retrouver
les mers d’antan. « Régression thalassale » disait Ferenczi : mais aussi pieux
pèlerinage. Il en est de même pour l’aimée.

Pour la femme qui offre sans limite le cœur de son être intime, pour l’homme qui
place son visage en ce lieu, le baiser vulvaire a une profonde valeur symbolique.
Par son offrande, la femme témoigne de sa totale confiance en l’homme élu, à ce
qu’il a dans la tête - ses pensées, ses intentions, ses appréciations. Elle lui donne
la plus haute preuve de l’estime et de l’amour qu’elle a pour lui. Par sa façon
d’être, l’homme montrera à la femme qu’il l’aime totalement, qu’il aime sa
féminité jusqu’à ses profondeurs, qu’il les trouve belles et bonnes. Du coup, la
femme les trouvera également belles et bonnes et achèvera de se réconcilier avec
son sexe.

1. Ferenczi Sandor, Thalassa, Éditions Payot.


13
Mon voisin, le vagin

Pourquoi faut-il que je vous parle du vagin dans un traité qui m’est consacré ?
Parce que nous sommes voisins ? Pas seulement ! Parce que nous inter-
réagissons ? Oui, mais plus précisément parce que moi, le clitoris, je peux jouer
un rôle déterminant dans le plaisir vaginal : son éveil, son éclosion, son
développement, son apothéose. Vous confier ce que j’en sais, c’est rendre à la
femme - et donc à l’homme - le plus grand service qui soit, voire révolutionner
sa vie sexuelle.

Le coït : une voie difficile

30 % des femmes obtiennent l’orgasme au cours du coït, c'est-à-dire par


pénétration du pénis dans le vagin. C’est dire que 70 % n’y arrivent pas. Celles
qui l’obtiennent mettent pour cela huit à vingt minutes, selon leur
« entraînement » et la valeur érotique de leur partenaire. Revenons à ce chiffre
de 30 % : c’est une moyenne établie à partir de différentes enquêtes globales ;
sans doute faudrait-il l’affiner et le nuancer, en tenant compte de l’âge de la
femme, de son ancienneté dans la vie érotique, du nombre de partenaires qu’elle
a eus, etc. On peut penser que si le pourcentage des femmes qui connaissent le
grand frisson est restreint en début de carrière sexuelle, il s’élève
progressivement et, passé 35 ans, comprend la majorité des femmes.
Qu’importent les chiffres exacts, ce qu’il faut retenir c’est que l’orgasme par coït
n’est pas automatique, ni accessible d’emblée par 100 % des femmes. En
comparaison, l’homme, lui, accède à l’orgasme coïtal dans 100 % des cas, et
cela en une à deux minutes.
Par contre la jouissance de la femme par autocaresse est facile. Rappelez-vous
que par autocaresse clitoridienne 95 % des femmes obtiennent l’orgasme ; une
proportion semblable - 93 % - connaît l’acmé par autostimulation vaginale. Dans
les deux cas, la jouissance survient en trois à quatre minutes (si la femme est
« entraînée »). Ces chiffres sont proches de ceux de l’homme : par autocaresse
100 % des hommes jouissent en trois à quatre minutes.

De ces faits, il ressort trois remarques importantes.

La première : la femme a une capacité orgasmique égale à celle de l’homme. Par


autostimulation la proportion de celles qui accèdent à l’orgasme est voisine de
celle des hommes qui se masturbent. Et le délai pour y arriver est voisin dans les
deux sexes. La femme est capable « d’orgasmer » autant et aussi vite que
l’homme.

La deuxième : par autostimulation, la femme accède facilement à l’orgasme,


toutefois, sa capacité orgasmique ne se révélera, dans sa plénitude, qu’après un
certain temps d’apprentissage pouvant se compter en années. L’homme, lui,
connaît très tôt l’orgasme par autocaresse, mais cet orgasme est tout de suite
maximum et ne croîtra que peu ou prou.

La troisième : par coït, la femme accède plus difficilement à l’orgasme. Sa


capacité orgasmique demandera un très long apprentissage pour s’exprimer
pleinement : cinq, dix, quinze ans ou plus. Par coït, l’homme atteint l’orgasme
dès la première fois et à chaque fois.

Question fondamentale : la difficulté pour la femme d’obtenir l’orgasme par coït


est-elle due au vagin ou au pénis ? Est-ce que le clitoris peut venir au secours du
vagin ? Des réponses à ces questions vont dépendre le bonheur érotique de la
femme et son bonheur tout court.

Les méfaits de l’absence d’orgasme par coït

J’ai déjà parlé des méfaits du « ratage » de l’orgasme au cours de ma


stimulation. En ce qui concerne l’absence d’orgasme dans le coït, les effets
physiques et psychiques sont les mêmes, mais s’y ajoute pour la femme une
impression de honte, de dévalorisation. Elle se sent imparfaitement femme, voire
anormale. « Je me sens en dessous de tout, déclare une femme. Je me déteste. »
Ne répète-t-on pas, depuis Sigmund Freud, que l’orgasme clitoridien est le fait
de femmes immatures mais que l’acmé vaginale est la récompense des femmes
accomplies. « Dites-moi ce qu’il faut faire », supplie une femme. « Ne pourrait-
on pas greffer mon clitoris dans mon vagin ? » Remarque pertinente qui rejoint
ma méthode d’érotisation du vagin exposée plus loin.

Je rappelle les méfaits de la frustration : la femme a l’impression d’être


abandonnée, d’avoir été exploitée et volée. Elle est déçue et humiliée. Elle est
triste, nerveuse, irritée, voire furibonde. Elle ressent des sensations pénibles de
congestion dans ses organes sexuels et dans son bassin, des contractures dans ses
cuisses, ses lombes et son estomac. Certains de ces symptômes peuvent se
pérenniser : état dépressif, congestion des ovaires, crampes gastriques, etc., sont
des conséquences de ses frustrations.

L’étiquette « frigide » mise sur le front des femmes qui n’obtiennent pas un
orgasme au cours du coït est aussi infamante qu’injuste. Premièrement : presque
toujours, ces femmes accèdent à l’acmé dans toutes les autres activités sexuelles
- autostimulation du clitoris ou du vagin, stimulation des mêmes par un homme
ou par une femme -, elles ne sont donc pas frigides. Deuxièmement : la non-
réponse orgasmique au coït est une étape non un état ; le vagin finira par
s’éveiller. Troisièmement : la non-réponse peut être relative aux stimulations
inappropriées du partenaire. Bref, l’étiquette est trop vite mise sur la femme qui
ne répond pas au modèle sexuel de l’homme, lequel ne pense qu’à assouvir ses
propres besoins : pénétration (précipitée) - orgasme (instantané). « Comme je ne
jouis pas dans les deux minutes qu’il faut à mon mari pour éjaculer, il dit que je
suis frigide. Quand est-ce que les hommes, au lieu de dire qu’on est trop lentes,
reconnaîtront qu’ils sont trop rapides ? Et quand est-ce que les femmes
cesseront de s’auto-accuser ? », interroge une correspondante.

Hors du coït point de salut

Alors que la femme n’accède pas toujours facilement à l’orgasme lors du coït,
pourquoi faut-il que les hommes aient réduit l’activité sexuelle à l’introduction
du pénis dans le vagin ? Pourquoi ont-ils glorifié le pénis et décrété que le vagin
était la seule voie valable ? Pourquoi avoir pris pour modèle le programme
simpliste de l’homme : pénétration - éjaculation - point final, au mépris des
innombrables autres jeux érotiques ? Dont moi, le clitoris, j’aurais pu être un
élément, voire la vedette ?

Vous vivez depuis quinze mille ans dans une civilisation patriarcale. L’homme
s’est emparé du pouvoir et en a exclu la femme qu’il a réduite en quasi-
esclavage. Il a organisé la société à son profit, il a inventé des religions
phallocentriques dont le but est de réprimer la femme. Le phallus érigé est
devenu l’emblème de cette civilisation.

L’histoire du peuple hébreu est un modèle d’instauration d’une civilisation


patriarcale où prime la sexualité de l’homme. Ici, la primauté est donnée au coït,
toute autre forme d’activité sexuelle est écartée, voire bannie. Pourquoi ? Tout
d’abord, le coït, c’est ce qui assure la reproduction, c'est-à-dire la survie du
groupe et mieux sa multiplication ; or l’accroissement de la population confère
puissance et richesse et permet de défendre son territoire et même de l’agrandir.
Les États comme les religions ont besoin d’enfants. Dans cette optique tous les
jeux sexuels stériles sont sans intérêt. Par ailleurs, le coït est une activité qui
légitime l’orgasme de l’homme, puisque cet orgasme s’accompagne de
l’éjaculation reproductrice ; qu’importe si l’orgasme de la femme n’y est pas
toujours facile, il n’est pas utile pour la reproduction. En plus, les mâles ont une
telle peur du plaisir féminin que c’est bien ainsi. Enfin, le peuple hébreu, en
privilégiant le coït, cherchait à se démarquer des peuples environnants, d’essence
matriarcale, qui pratiquaient toute la gamme des jeux érotiques sous les auspices
de la Déesse Mère, la grande concurrente de Dieu le Père, et, qu’il fallait
éliminer.

Pendant des millénaires de patriarcat, soumise, persuadée de son infériorité,


n’existant qu’en référence à l’homme, la femme a fait sien le modèle masculin
de la sexualité : le vagin, pendant logique du pénis, était bien la seule voie à
considérer.

Les millénaires se sont succédés jusqu’à ce que se lève l’ère scientifique. Hélas,
cette ère de renouveau allait confirmer par la voix d’un de ses prophètes,
Sigmund Freud, la conception ancestrale et phallocentrique de la sexualité : hors
du vagin, point de salut. Seul le plaisir provoqué par les mouvements du pénis
dans le vagin est sain et digne d’une vraie femme. Le plaisir clitoridien est un
ersatz et les femmes qui s’y adonnent de pauvres demeurées, voire des
névrosées. Qu’elles transfèrent au plus vite leur plaisir sur le vagin ! Fruit du
patriarcat juif, Freud ne pouvait raisonner autrement. Ensuite, un mouvement
inverse s’est produit, encouragé par les féministes, prétendant que le clitoris est
l’organe exclusif de la jouissance et le vagin un organe quasiment insensible. La
vérité est que les deux pôles concourent également au bonheur de la femme.

Multiples sensibilités vaginales

La difficulté de la femme à accéder à l’orgasme par le coït est-elle due au


vagin ? Mon voisin le vagin est-il aussi bien loti que moi en capacité érotique ?
Eh bien oui, ses possibilités érotiques sont étonnantes.

La sensibilité vaginale est remarquable : le canal vaginal est doté de plusieurs


modes de sensibilité capables de produire une diversité de sensations dont
l’addition engendre des voluptés sans pareilles pouvant conduire à l’envol.

Première source de sensibilité, la sensibilité tactile « extéroceptive » de la


surface de la muqueuse vaginale. Elle perçoit les contacts (le frottement, par
exemple), la pression, le chaud, le froid, la douleur. Les capteurs sensoriels ont
la forme de corpuscules dans le tissu conjonctif ou de fibrilles à l’intérieur des
cellules épithéliales. Toutefois, il n’existe pas ici de capteurs spécialisés dans la
volupté (les fameux corpuscules de Kraus qu’on ne trouve que sur mon gland et
sur le gland du pénis). Au total, la muqueuse vaginale est fort sensible, et
affirmer, comme on l’a fait depuis longtemps, qu’elle est insensible est une
erreur scientifique et une injustice préjudiciable à la femme. Ce qui est vrai, c’est
que les capteurs tactiles sont peu nombreux le long du canal, et donc sa tactilité
moindre. En revanche, ils sont innombrables à l’entrée du vagin et dans les culs-
de-sac et donc leur tactilité importante.

Deuxième source de sensibilité, la sensibilité profonde « intéroceptive » venant


de l’épaisseur du fourreau vaginal. Elle perçoit la distension (et donc le
« comblement »), les tiraillements, et aussi le relâchement. Les capteurs sont des
fibrilles qui se trouvent dans les trois manchons entourant le canal vaginal : le
manchon conjonctif fait de fibres élastiques, le manchon musculeux fait de fibres
musculaires lisses et le manchon vasculaire fait d’une résille de vaisseaux.
Quand, dans un de ces manchons, se produit une transformation (une dilatation
ou un relâchement), celle-ci stimule les capteurs d’où naît la sensation de plaisir.
Voici, par exemple, ce qui se produit dans le manchon musculeux en cas
d’excitation : les fibres musculaires lisses qui sont situées à l’entrée du vagin se
contractent et forment un anneau autour de la base du pénis introduit ; les fibres
qui sont situées en haut du vagin, dans les culs-de-sac, se relâchent et forment
une sorte de ballon - une montgolfière - autour du gland pénien qui pourra alors
s’ébattre à son aise.

Les zones exquises du vagin

Le tissu érectile périvaginal est développé, c’est le manchon vasculaire dont je


viens de parler : turgescent, il constitue une enveloppe qui, à elle seule, est deux
fois plus volumineuse que les corps érectiles péniens. De ce volume, découlent
trois faits d’une importance majeure pour la vie sexuelle de la femme et déjà
évoqués à propos de la turgescence du système clitoridien : le temps de
remplissage de ces tissus érectiles est relativement long et donc la montée en
puissance du plaisir lent ; l’importance de la turgescence installée confère à ce
plaisir une grande intensité ; le temps de désemplissage, autrement dit de
déturgescence, est également long et permet de faire rebondir ce plaisir.

Les zones exquises du vagin sont nombreuses. Ces « points gâchettes » se


trouvent à l’entrée du vagin, sur sa paroi antérieure (le point G), sur sa paroi
postérieure (le point P), et en son fond (le point A). L’entrée du vagin est
particulièrement sensible parce qu’elle est riche en récepteurs tactiles (sensibilité
à la friction) et aussi parce que l’intumescence de la gaine érectile y est
maximale (sensibilité à la distension) et, enfin, parce qu’elle est entourée -
cravatée - par les muscles du périnée (les fameux pubo-coccygiens) dont
l’écartement est source de sensations (sensibilité musculaire à la traction dite
sensibilité « proprioceptive »). Le fond du vagin comporte, lui, plusieurs zones
sensibles : les culs-de-sac, surtout le cul-de-sac postérieur support du point A
sensible aux heurts du pénis en action (sensibilité de contact et de distension), et
la saillie en pendentif du col utérin (sensibilité de contact). Enfin, la face
postérieure du vagin porte le point P rendu plus sensible par sa contiguïté avec la
muqueuse rectale, quelques millimètres les séparant. Quant au point G, je vous
en reparlerai. Dans toutes ces zones la turgescence multiplie la sensibilité.

Dans le corps humain, rien n’est cloisonné et le vagin n’est pas le seul organe
concerné par les mouvements du pénis, tous les alentours le sont aussi, secoués
et émus par le branle-bas. En effet, les mouvements péniens, en particulier
lorsqu’ils heurtent les culs-de-sac vaginaux et le col, se transmettent à tout le
bassin et même à l’abdomen. Sont ainsi ébranlés le corps de l’utérus, les
trompes, les ovaires, la vessie, le rectum, les intestins et, à un degré moindre, les
viscères abdominaux, le diaphragme voire le cœur lui-même. L’utérus est
soumis à des mouvements d’ascension et de descente, et à des mouvements de
bascule d’avant en arrière et réciproquement ; il se met alors à se contracter de
façon rythmique. Les trompes, elles, tiraillées, présentent également des spasmes
ondulatoires.

On le voit, le retentissement du coït est considérable chez la femme. C’est dans


ses profondeurs, en son centre, dans l’axe même de son corps, que la femme est
impliquée. Elle fait l’amour avec ses tripes, avec tout l’intérieur de son corps.

L’homme, lui, ne fait que jouer avec une excroissance qui lui est extérieure, il
n’est pas impliqué viscéralement. On conçoit que l’orgasme vaginal prenne des
proportions extraordinaires.

Je souhaite que l’homme soit plus attentif à ce qui se passe dans les profondeurs
de son aimée. Que ses doigts, comme sa verge, sentent bien l’anneau qui se
resserre sur eux à l’entrée du vagin, qu’ils perçoivent bien la montgolfière au
fond et le col utérin.

Globalement, la femme possède une capacité de jouissance fabuleuse. Tout


d’abord, sa sensualité générale est très riche et très étendue. Toute la surface de
sa peau est d’une extrême sensibilité ; la femme peut connaître de grandes
voluptés ne serait-ce que par la caresse de son dos ou le mordillement du lobe de
son oreille. En certaines zones, les seins par exemple, cette peau acquiert une
sensualité remarquable.

Quant à son éroticité sexuelle, on a vu à quel point la femme était riche, ne


serait-ce que parce qu’elle possède deux pôles orgasmiques principaux - le
clitoris et le vagin.

En vérité, si la femme a quelque difficulté à obtenir l’orgasme par coït, c’est que
son vagin, bien que doté d’une grande éroticité, passe par un long sommeil.

Quand le vagin s’éveillera...


Le vagin, c’est la Belle au bois dormant. Il est (et ce, dès le début de la vie), la
partie du corps la plus secrète. Son orifice d’entrée est placé au centre de
l’entrecuisse, son canal s’enfonce profondément au centre du corps (le col est à
6 cm de l’entrée, les culs-de-sac vaginaux à 8 cm), son axe est oblique en arrière
ce qui rend malaisée son exploration. Le vagin est donc inaccessible au regard et
inconfortablement accessible au doigt, donc souvent peu exploré.

La petite fille y met des petits objets mais ce n’est guère que de la curiosité. La
fille pubère serait tentée d’en faire plus mais comme je vous l’ai déjà dit,
l’inaccessible mystère de l’endroit se renforce : la fente vulvaire recule entre les
cuisses, une pilosité apparaît qui la cache, la découverte de l’hymen et la
survenue des règles la rendent tabou. Aussi le vagin reste à cet âge plutôt
méconnu. L’adolescente et la femme adulte entreprennent des explorations plus
poussées, ne serait-ce que pour placer les tampons menstruels. Certaines d’entre
elles pratiquent la « masturbation » vaginale au doigt ou avec des objets divers,
voire des appareils (godemiché, vibromasseur, etc.), mais elles sont peu
nombreuses à le faire (1,5 % dans l’enquête de Hite en 1976).

Au total, le vagin reçoit peu de contacts et est peu stimulé. On peut dire que de
14 à 18 ans, avant le premier rapport sexuel, le vagin est un organe virtuel, muet,
c'est-à-dire n’émettant pas de sensations. Il ne s’y passe rien, à part les règles et
l’apparition de mouillures à partir de 12 ans.

Aussi, la femme, dans la première partie de sa vie n’a-t-elle pas conscience de


son vagin, comme on peut avoir conscience de sa vessie ou de son estomac. « Le
creux de la femme, écrit Gérard Zwang1, est aveugle, sourd et muet : il passe
quinze ans dans la clandestinité. » Et après ça, on voudrait qu’il jouisse dès le
premier rapport ! En comparaison, l’homme a depuis sa naissance, un contact
permanent avec son pénis qu’il voit, touche et stimule à volonté. Pas étonnant
que, lui, jouisse au premier rapport.

Heureusement, moi, le clitoris, je vais pouvoir intervenir dans l’éveil du vagin et


son accession à l’orgasme.

1. Zwang Gérard, La fonction érotique, R. Laffont.


14
Le clitoris, initiateur du vagin

Plus qu’un bon voisin, moi, le clitoris, je peux être le révélateur du vagin et
l’initiateur de ses orgasmes.

Rôle du clitoris dans les joies du coït

Je joue incontestablement un grand rôle dans les plaisirs ressentis au cours de


l’union sexuelle, c'est-à-dire de l’intromission du pénis dans le vagin. Mais, suis-
je l’unique déclencheur de l’orgasme qui survient ? Ou bien, ce bonheur, le
vagin ne le doit-il qu’à lui-même ?

Les stimulations du clitoris par le pénis : rêve ou réalité ?


Première hypothèse : le pénis stimule directement le clitoris. Au cours de ses va-
et-vient, le pénis me frotte et me presse (sans doute plus ma tige que mon gland)
et provoque l’orgasme. Ce frottement, la femme peut le favoriser en déplaçant
son bassin de façon à me mettre, moi, son cher bouton, en contact avec le dos (la
face postérieure) du pénis. C’est pour elle une façon de participer activement à
l’éclosion de son propre plaisir. La position du missionnaire - femme allongée
sous l’homme - pourrait permettre ce frottement du pénis sur moi. Mais, la
position la plus favorable est celle d’Andromaque - femme assise à cheval sur
l’homme - car, en se penchant et en collant son ventre sur celui de son mâle, la
femme applique son clitoris sur le dos du pénis.

Mon opinion : le frottement de la verge et a fortiori sa pression sur moi ne


peuvent qu’être discrets, voire inexistants, en raison de l’angle selon lequel le
membre masculin aborde le vagin. Cette incidence fait passer le pénis à distance
de moi. L’excitation est trop discrète pour déclencher un orgasme. C’est sans
doute pourquoi les anciens Chinois avaient inventé un anneau en ivoire qu’ils se
plaçaient à la base de la verge. Cet anneau était orné de dragons en relief dont les
saillies prononcées avaient mission de me caresser, il comportait deux trous dans
lesquels était passée une bandelette de soie qui ceinturait la taille et se nouait
dans le dos afin de maintenir la bague en place.

Toutefois, il doit exister des configurations anatomiques qui se prêtent plus


particulièrement aux contacts entre pénis et clitoris : une certaine forme de pubis
masculin ou une conformation vulvaire où le clitoris est plus proche du vagin.
Heureux mortels dont les corps s’adaptent si bien qu’ils sont faits pour
s’entendre, mais même dans ces cas la volupté ne survient qu’après une
stimulation prolongée selon un rythme régulier et soutenu.

Deuxième hypothèse : c’est le pubis masculin associé au pénis qui stimule la


vulve dans son ensemble. Le frottement et la pression sont exercés autant par le
pubis que par le pénis sur toute la zone vulvaire, qui, vous le savez, est bourrée
de tissus érectiles (le système clitoridien et ses trois parties - tige, gland, racines -
les bulbes vestibulaires et les réseaux les reliant), ce qui déclenche mon orgasme.
En bougeant, la femme arrive à assurer le meilleur contact entre sa vulve et le
pubis de son amant. Ici, les bonnes positions sont, d’une part, la position « fleur
de Vénus » : la femme est couchée sur le dos, cuisses écartées, l’homme est à
genoux entre celles-ci ; la femme lève les jambes et les placent autour des reins
de l’homme ou même sur ses épaules, ce qui expose et fait ressortir sa vulve ;
reste à faire un petit mouvement de l’un vers l’autre et la vulve et le pubis
masculin s’ajusteront au plus près. D’autre part, la position d’Andromaque : elle
permet à la femme de bouger facilement et de mettre sa vulve en parfaite osmose
avec le pubis mâle.

Mon opinion : même constatation que précédemment, hormis des configurations


anatomiques propices, cette excitation reste trop légère pour engendrer
l’orgasme.

Troisième hypothèse, celle de Masters : le pénis stimule indirectement le clitoris


par l’intermédiaire des nymphes qui, vous le savez, s’étirent du vestibule vaginal
à ma capuche. Les mouvements du pénis me sont transmis par nymphes
interposées. Chaque poussée du pénis, pour entrer dans l’orifice vaginal, exerce
une traction sur les nymphes (ou petites lèvres) qui, à leur tour, tirent sur ma
capuche laquelle frotte alors mon gland et l’excite. Inversement, en se retirant
partiellement du canal vaginal, la verge relâche les nymphes qui relâchent ma
capuche. Ainsi, ce va-et-vient du pénis exerce une sollicitation rythmée de mon
gland, d’où l’orgasme.

Mon opinion : les nymphes, même intumescentes, sont trop élastiques et trop
froncées pour pouvoir transmettre les mouvements du pénis à ma capuche. Du
reste, si ce mécanisme était réalité, le coït déclencherait un orgasme aussi
facilement et automatiquement que la stimulation manuelle de mon gland, or il
n’en est rien.

Le plus sûr est d’y mettre la main

Pour obtenir un orgasme clitoridien au cours du coït, le plus sûr est d’y mettre la
main. Ce peut être la main de la femme elle-même qui, soit m’excite
directement, moi son bouton, soit tente de m’exciter en appuyant la base de la
verge (introduite dans le vagin) sur moi. Ce peut être aussi la main de l’homme
qui s’en va me titiller. La position du missionnaire n’est pas ici la plus propice,
car il n’est pas commode de glisser une main, celle de la femme comme celle de
l’homme, entre les deux corps superposés. D’autres positions s’y prêtent mieux :
la position de « fleur de Vénus » (femme allongée sur le dos, homme entre ses
cuisses), celle d’Andromaque et celle de la levrette.

Même si je ne déclenche pas directement l’orgasme au cours du coït, j’y joue


néanmoins un rôle majeur en préparant le vagin à jouir. Ma stimulation, quel
qu’en soit le mode, a fortiori quand elle a procuré un ou plusieurs orgasmes
clitoridiens, crée et accroît la faim du vagin, c'est-à-dire le désir qu’il a d’être
pénétré, sa lubrification et son intumescence. Celle-ci va augmenter
considérablement la sensibilité du fourreau vaginal et la porter au point critique.
Je suis le tison du vagin, je le porte au rouge et le chauffe à blanc.

Vous avez remarqué le rôle actif de la femme dans ces situations. Elle ne se
contente pas d’attendre que le plaisir lui tombe de l’homme, elle contribue à sa
recherche en poussant son clitoris vers le pénis ou vers le pubis de son partenaire
(ce qui du reste est un geste instinctif qu’elle ose libérer) ou en tendant la main
vers son propre bouton. S’il le faut, elle guide son homme, ou même lui
demande ce dont elle a envie. Enfin, elle qui habituellement est trop préoccupée
du plaisir de l’autre et donc centrée sur l’homme, décide maintenant de se
concentrer sur elle-même, sur son corps, sur son sexe, sur ses sensations
intérieures. Par exemple, elle sera attentive aux frottements du pénis dans son
vagin, elle imaginera son va-et-vient dans son creux.

Rôle du clitoris dans l’érotisation du vagin

Si le vagin est bien la Belle au bois dormant, les femmes ne doivent pas attendre
pour autant qu’un Prince charmant le réveille. Aussi amoureux et intrépide soit-
il, le Prince charmant ne connaît rien à la sexualité féminine. Il ne connaît que sa
propre sexualité : son pénis, voilà quinze ans ou plus qu’il le fourbit ; aussi, son
organe est-il super-éveillé et entraîné. Entraîné à quoi ? À être frotté dans un
mouvement de coulisse par ses mains. Et c’est ce même coulissement qu’il veut
répéter dans le vagin de la Belle, un vagin qui n’a jamais été visité par qui que ce
soit ou quoi que ce soit hormis quelques doigts ou objets. Et vous voudriez, la
Belle, livrer votre intimité non éveillée à un organe plus qu’éveillé : déchaîné ?

Attendre, Madame, pour révéler votre vagin qu’un homme plus ou moins adroit
l’utilise est une erreur. Un, vous vous mettez en position de dépendance. Deux,
vous vous exposez à bien des déconvenues. Trois, vous risquez d’attendre très
longtemps : des mois dans le meilleur des cas (des cas miraculeux), mais plus
sûrement des années. La plupart des femmes n’accèdent à l’orgasme coïtal
qu’après six ans de « pratique » en moyenne (mais ça peut être dix, vingt...) et
une succession de déboires et de partenaires décevants.

La meilleure façon d’épanouir votre sexualité, Madame, est de vous charger


vous-même de l’éveil et de l’érotisation de votre vagin, bien avant le premier
coït, et de continuer son « entraînement », même si vous avez un partenaire,
jusqu’à sa complète révélation : la survenue d’un orgasme au cours de l’union
sexuelle. Autrement dit, n’attendez pas passivement un homme magique, ni un
cadeau tombé du ciel, préparez-vous à la rencontre en faisant sur vous-même des
recherches érotiques.

Devenez responsable de votre vie sexuelle, pour ne pas soupirer comme cette
femme : « Je ne connaissais rien à la sexualité, j’attendais tout de mon mari.
Résultat : je ne sens rien ! » C’était demander à un ignorant de lui apprendre ce
qu’elle ignorait elle-même.
L’érotisation de votre sexe doit se faire en amont de la création du couple. Et
seule vous-même pouvez effectuer ce travail de découverte, de lecture et
d’apprentissage de votre corps. Une femme ne peut arriver au couple les mains
vides, sinon il faudra au duo des années de tâtonnements, de « rattrapage » pour
chanter à l’unisson. À 30 ans, il y a encore plus de 50 % de femmes qui ne
connaissent pas l’orgasme coïtal. Le plus souvent, la maturité sexuelle de la
femme s’accomplit entre 30 et 40 ans. Vous pouvez accélérer cette maturité.
Nous reviendrons sur la responsabilité de la femme au chapitre 23.
15
Pratique de l’érotisation du vagin

L’érotisation du vagin sera réalisée tantôt par la femme seule, par autocaresse,
tantôt en coopération avec son homme qu’elle guidera.

L’érotisation du vagin par la femme elle-même

C’est par autostimulation du clitoris, ou même du vagin lui-même, que la femme


éveille sa sexualité. Kinsey avait montré que les femmes qui accédaient le plus
facilement à l’orgasme dans le mariage, étaient celles qui s’étaient masturbées
adolescentes. Masters et Johnson ont précisé : « 94 % des femmes qui ne se
masturbent pas, n’ont pas d’orgasmes vaginaux. » Shere Hite confirmait : « Le
pourcentage de femmes qui n’ont jamais eu d’orgasme est cinq fois plus élevé
chez celles qui ne se sont jamais masturbées que chez les autres. »
Par stimulation clitoridienne
Toute stimulation clitoridienne provoque des réactions dans le vagin : une
lubrification de la muqueuse vaginale, une turgescence des tissus érectiles péri-
vaginaux, un aiguisement de la sensibilité. Elle y éveille aussi diverses
sensations : chaleur, pulsations, palpitations, ondes contractiles, impression
d’appel, etc. Quand survient l’orgasme clitoridien, des sensations plus intenses
envahissent et occupent le vagin. À la longue va s’instaurer une conscience du
vagin : la femme va avoir la révélation de l’existence subjective de son creux, va
sentir son vagin. Cette conscience sera particulièrement nette quand va
apparaître le désir vaginal qu’elle ressentira comme un besoin d’être comblée.
La stimulation clitoridienne couronnée par l’orgasme clitoridien va donner à la
femme l’expérience de l’orgasme et donc une référence pour ses autres
recherches, va aussi lui révéler sa capacité orgasmique, et va enfin lui apprendre
ce qu’il faut faire et toucher pour jouir au maximum.

Au total, il n’est pas excessif de dire que le clitoris est l’éveilleur, le révélateur
de la sensibilité sexuelle de la femme, y compris de celle de son vagin.

L’apprentissage de la sensibilité sexuelle, dans le but de la développer jusqu’à


son optimum, est aussi légitime que l’apprentissage de tout autre forme de
sensibilité. L’oreille, le palais, l’odorat se travaillent : on ne devient pas
musicien, taste-vin ou nez sans une longue éducation des sens. En matière
d’érotisme, les exercices commencent dès l’enfance et se poursuivent à
l’adolescence. Il n’y a pas à réprimer ni à condamner. L’autocaresse est une
étape essentielle dans la découverte et l’épanouissement du plaisir. C’est une
initiation indispensable.

Par stimulation clitoridienne associée à une stimulation vaginale

Tandis que la femme sollicite son clitoris - par ses doigts ou un objet -, elle
introduit dans son vagin quelque chose - doigts ou objet aussi - qu’elle laissera
immobile ou qu’elle agitera. Le but est d’obtenir un orgasme clitoridien alors
que le vagin est occupé ou mieux, stimulé : ainsi se crée un conditionnement
entre plaisir orgasmique et vagin. C’est tenter de « greffer » l’orgasme sur le
vagin. Pour que prenne cette greffe, je conseille à la femme d’imaginer que c’est
le pénis qui est en elle.

Par stimulation directe du vagin


Elle consiste pour la femme à solliciter le canal vaginal par l’introduction de ses
doigts ou d’objets divers. L’adolescente s’adonne peu à cette pratique, la femme
adulte guère plus également si l’on croit l’enquête de Shere Hite (1,5 % des
femmes qui se masturbaient). Ce serait le lot des femmes déçues ou esseulées.
Sans doute, la proportion a crû depuis la généralisation des « jouets érotiques ».
En tout cas, l’autocaresse vaginale est la meilleure façon de découvrir la
configuration de son sexe et de ses zones sensibles et d’aiguiser cette sensibilité.

N’hésitez pas à explorer votre intimité : que vos doigts reconnaissent l’entrée,
qu’ils s’enfoncent dans le canal, qu’ils en sentent bien les plis, qu’ils contactent
au fond le col de l’utérus - un petit cylindre de 20 mm de haut - et tout le tour,
les culs-de-sac. Il n’est pas toujours possible pour la femme d’atteindre le fond
de son vagin, même en se tordant le poignet. Qu’elle fasse ce qu’elle peut !

Maintenant que vous connaissez votre « intérieur », c’est le moment d’éveiller sa


volupté. Deux sortes de stimulations y parviendront : celles qui s’adressent à la
sensibilité au contact et celles qui concernent la sensibilité à la distension.

Stimuler la sensibilité au contact se réalise avec un ou deux doigts ou avec un


objet. Chaque femme trouvera la meilleure façon de faire. Stimuler la sensibilité
à la distension se réalise avec plusieurs doigts ou de préférence avec un objet,
celui-ci étant plus apte à créer une dilatation. Les objets utilisés doivent avoir
une forme et une dimension ajustable au canal vaginal. Il peut s’agir de fruits (la
banane), de légumes (carotte, concombre, courgette, etc.), d’une bougie, d’un
manche de brosse. Ou, de plus en plus souvent, d’objets spécialisés (olibos,
vibromasseur, godemiché - du latin gaude mihi signifiant « réjouis-moi »). Cette
sensibilité à la réplétion (être à la fois distendu et comblé) ne se révèle qu’après
une longue pratique vaginale ; raison de plus pour ne pas attendre...

Quel que soit « l’exercice », il doit être précédé de caresses de toute la peau et de
moi-même, afin d’émoustiller le vagin et d’y créer la fameuse faim vaginale.

Érotisation du vagin en duo

La femme se fera l’initiatrice de l’homme. Elle lui apprendra comment elle est
faite et comment elle fonctionne, autrement dit, elle lui apprendra sa
morphologie et sa physiologie érotique. Elle est donc amenée à lui confier ses
secrets, ses goûts, ses besoins, ses façons de faire.

L’homme éduqué par la femme

C’est en quelque sorte « la femme » qu’elle apprend à l’homme. Ce dernier


pourra en retour lui dire ses souhaits masculins. Ainsi, s’harmoniseront deux
érotiques si différentes. Différentes par la dissymétrie des programmes sexuels.
J’y reviendrai. Différentes aussi parce que chaque individu est particulier (son
tempérament, ses goûts, ses habitudes, etc.).

Une grande confiance est nécessaire. La femme doit avoir pleine confiance en
l’homme, l’homme doit être attentif, curieux, patient. Une belle complicité
s’établira alors entre eux.

Concrètement, la femme donnera à contempler sa vulve à l’homme qui la


regardera avec admiration. Elle lui en indiquera de la voix et du doigt les
éléments, elle lui montrera les zones sensibles et comment les stimuler pour
procurer du plaisir. Elle l’invitera à voir, toucher, explorer, humer, goûter,
caresser.

C’est d’abord une véritable « leçon de clitoris » qu’elle lui donnera. Je suis petit,
aussi n’est-il pas facile de me découvrir, et délicat : je ne suis pas simple à
exciter. L’homme, habitué à frotter sans ménagement sa verge, aura tendance à
m’appliquer le même maniement. C’est pourquoi la femme n’hésitera pas à lui
montrer comment on me caresse : le point précis, le mouvement, la pression, la
vitesse. Il lui faut du courage, car c’est avouer qu’elle s’est autocaressée et c’est
se laisser voir jouissante. Mais son audace sera récompensée car l’homme sera
très ému par cette offrande et aussi très excité.

C’est ensuite une véritable « leçon de vagin » que la femme donnera à l’homme.
Elle peut le faire car elle-même s’est découverte et se connaît. Elle invitera
l’homme à explorer doucement et tendrement son intérieur avec un doigt, le
guidant ici aussi de la parole et de la main : « Ce que tu sens à l’entrée, ce
resserrement, cet anneau correspond aux muscles du périnée qui entourent
l’orifice vaginal, doublés des fibres musculaires du vagin qui, à ce niveau, se
contractent et doublés encore par le réseau érectile périvaginal qui, à cet
endroit, est particulièrement gorgé. Tout cela est preuve d’une belle excitation.
Ce que tu sens maintenant, sur la surface du "conduit", ce sont des plis sur
lesquels va cascader la couronne de ton gland, pour notre plus grand bonheur à
tous deux. Sur la face antérieure, à trois centimètres, tu peux percevoir des plis
plus épais, c’est la zone G. Au fond, à six centimètres de l’entrée, le cylindre dur
que tu découvres, c’est le col de l’utérus. Autour du col, à huit centimètres, ce
sillon circulaire, ce sont les culs-de-sac vaginaux. Maintenant, laisse tes doigts
suivre l’axe du vagin de l’entrée jusqu’au fond, tu vois cet axe est oblique
d’avant en arrière, tes doigts arrivent automatiquement dans le cul-de-sac
postérieur ce que fait la verge qui, du coup, tape en plein point A. »

La femme signalera ainsi les points qui lui sont les plus sensibles : l’entrée, le
point G, le col, le cul-de-sac postérieur, etc. Ces leçons, dites-vous, manquent de
sensualité et de poésie ? En réalité, elles s’échelonnent sur un long temps,
chaque découverte est voluptueuse et vous inventerez des mots jolis que vous
chuchoterez et susurrerez sur un ton des plus tendres, des plus confidentiels, des
plus lascifs.

La femme montrera ensuite comment elle stimule ses profondeurs, en leurs


différents points ou globalement, par l’intermédiaire de ses doigts ou d’un objet.
Après quoi, elle proposera à l’homme de la stimuler avec ses doigts ou un objet.
Par la suite, l’homme continuera ces jeux d’érotisation du vagin. Pendant que
l’homme officie, la femme visualisera dans sa tête ce qui se passe dans son
vagin : le doigt en mouvement, les parois de son conduit. Elle pourra même
fantasmer que c’est le pénis qui est en elle. Elle associera à cette visualisation
une respiration profonde qui l’aidera à intégrer ce qu’elle ressent.

Le cousu main, c’est plus humain

Voici précisément quelques éléments d’érotique vaginale à l’usage de l’homme.


Vous devez, Monsieur, viser à satisfaire et la sensibilité de contact du vagin et sa
sensibilité de distension. Pour la sensibilité de contact, vous pouvez vous servir
de votre main, de votre langue ou bien d’un objet. De votre main, le doigt le plus
apte est le médius ; vous pourriez y associer l’index ou, mieux, l’annulaire.
Demandez-leur de pratiquer avec tendresse une friction en va-et-vient, de bas en
haut et réciproquement. Ou bien d’effectuer affectueusement des mouvements
circulaires suivant l’arrondi des parois. Dans les deux cas, les doigts restent
allongés. Ils pourraient également offrir des pressions ponctuelles du bout de la
pulpe. Pour ce faire, la troisième phalange doit être repliée.

Maintenant, Monsieur, mission plus délicate, demandez à vos doigts de rendre


visite au fond du vagin, c’est-à-dire, au col et aux culs-de-sac vaginaux qui
l’entourent et alors d’offrir à votre aimée la plus merveilleuse caresse qui soit :
masser doucement mais fermement les culs-de-sac et le col en tournant dans le
sillon qui entoure le col, ce qui ébranlera aussi quelque peu le corps utérin. Il
émanera de votre aimée, de sa bouche qui chante, soupire et expire, de tout son
corps qui s’abandonne, fond, ondoie, trémule, une telle impression de jouissance
profonde que vous en serez extrêmement bouleversé.

Votre aimée peut rester à flotter dans la meilleure des béatitudes. Mais elle peut
aussi « exploser ». Vous sentiez bien que quelque chose se tendait en elle, que
des forces colossales se rassemblaient au fond d’elle quand soudain elle pousse
un hurlement suivi de plusieurs autres, et si vous n’étiez pas là à la caresser,
vous croiriez à un cri de douleur. « Les femmes, dit la chanson, ça aime si fort
que ça donne des remords. » Remords de ne pas pouvoir les aimer autant
qu’elles le rêvent.

Revenons sur Terre : le pouce peut également se charger de stimuler le vagin. La


femme étant allongée sur le dos, le pouce, pulpe en arrière, caresse la face
postérieure du vagin, les grands doigts taquinant l’anus. Cette caresse peut être
couplée avec un baiser clitoridien. Ou bien, la femme étant couchée sur le
ventre, le pouce, pulpe en avant, caresse la face antérieure du vagin, les grands
doigts taquinant cette fois... mais qui donc ? Moi, le clitoris.

Quelle que soit la figure, les doigts caresseront globalement l’intérieur, ou bien
ils se focaliseront sur un point érogène précis : le point G en avant, le point P en
arrière, le point A au fond, etc. Le plaisir qui en résultera pourra jaillir jusqu’à
l’orgasme. La langue ne peut offrir au vagin que quelques zestes de bonheur :
des « léchouillages » sur son orifice, de très modestes incursions dans le canal.
Délicieux, mais pas de quoi perdre la tête. Encore que de mettre la tête là, ça fait
tourner la tête à tous les deux.

Vous voulez qu’après les doigts on parle des objets ? Oui, ils sont plus efficaces
encore. Vous avez le choix entre ceux que la femme utilise elle-même et les
objets « spécialisés » (voir ci-dessus). Mais vous savez que je préfère le « cousu
main », c’est plus humain.

Parlons maintenant de la sensibilité de réplétion : vous pouvez la satisfaire avec


vos doigts mais les objets sont plus aptes, j’en conviens, à procurer la sensation
d’être comblée.

Érotisation par le pénis lui-même

Et si on confiait l’érotisation du vagin au pénis de l’homme ? C’est ce que l’on


fait couramment, me dites-vous, et l’apprentissage est long. Mais, moi, je vous
parle d’une façon intelligente de faire l’amour, qui assure une érotisation
parfaite, plus rapide et des plus agréables.

Premièrement, il faut que le coït dure longtemps, vingt minutes au minimum,


jusqu’à une heure et plus. Il est donc nécessaire que l’homme possède bien l’art
de la maîtrise de l’éjaculation (voir Annexe 2).
Deuxièmement, il faut que le coït soit réalisé comme une « caresse intérieure »,
c'est-à-dire comme un jeu raffiné où le vagin et la verge se joignent
majestueusement et se caressent réciproquement. Nous y reviendrons au
chapitre 23.

Troisièmement, il faut choisir des positions où la femme pourra le mieux prendre


conscience d’être habitée par le pénis : la position d’Andromaque et la position
en levrette sont les plus favorables. Vous avez choisi, Madame, la position
d’Andromaque, savourez-la : asseyez-vous sur votre aimé. Placez vous-même
son pénis en vous. Palpez avec vos doigts votre entrée qui a happé le pénis.
Sentez bien avec votre vagin, la présence du pénis en vous. Bougez un peu pour
le faire coulisser dans votre fourreau. Contractez par petits coups votre périnée,
en particulier votre muscle papillon sur le membre mâle. Quand vous le voudrez
mettez-moi, moi le clitoris, dans le coup, soit en me caressant avec vos doigts,
soit en vous penchant pour me frotter sur le pubis viril. Faites tout cela
lentement, lascivement.

Quatrièmement, essayez de cibler vos points érogènes, c'est-à-dire de les faire


heurter par le pénis en adoptant les postures ad hoc, en plaçant votre bassin au
mieux, en effectuant des mouvements propices (du bassin, des reins, etc.). Par
exemple, dans la positon d’Andromaque, vous pouvez amenez le cul-de-sac
vaginal postérieur, où se situe le point A, sur le gland. Dans la position en
levrette, c’est le point G que vous pourrez mettre en contact avec le gland. C’est
compliqué ? Pas du tout : laissez faire votre instinct de « femelle ». J’emploie ce
mot à dessein et avec beaucoup d’admiration.

Si vous obtenez l’orgasme, reposez-vous ensuite le temps que vous voudrez.


Puis repartez, si le cœur vous en dit, pour un autre bonheur. Votre amoureux,
passé maître en contrôle de l’éjaculation, permet ces prolongements.

Comme avant toute caresse vaginale, commencez par vous caresser le corps puis
moi-même, le clitoris. C’est moi qui ouvre l’appétit de votre profondeur, moi qui
la fais bander, moi qui la fais mouiller. « Je me donne d’abord des orgasmes
clitoridiens, dit une femme. Et quand je me sens prête, quand je n’en peux plus
d’aspirer le pénis en moi, je demande à mon homme de joindre son sexe au
mien. Alors, je le sens mieux que jamais. Et je deviens toute tendre. »
Même quand vous serez devenue une reine de l’orgasme vaginal, même quand
vous serez capable, certains soirs de printemps, de faire l’amour à la hussarde, ne
m’oubliez pas. Passez chez moi avant ou après. J’aimerai toujours qu’on
s’occupe de moi. Ce n’est pas parce que le vagin a accédé au zénith que je suis
éteint. Nous appartenons à la même galaxie, celle qui brille dans le ciel des lits.
Et nous aimons nous allumer à tour de rôle.

De même que l’orgasme clitoridien ne réduit pas le besoin d’orgasme vaginal -


au contraire - l’orgasme vaginal ne m’enlève pas ma fringale d’orgasme. Vous
avez la chance, Madame, d’avoir un érotisme bifocal. Pourquoi ne pas user des
deux pôles ?

Initiation à l’orgasme vaginal (par stimulation clitoridienne en


couple)

Il s’agit d’associer stimulation clitoridienne et stimulation vaginale pour créer un


conditionnement. Ce que j’avais conseillé à la femme autocaressante peut se
réaliser en couple. Les combinaisons possibles sont nombreuses.

Un, la stimulation clitoridienne est effectuée par la femme elle-même, de la


façon qu’elle souhaite, tandis que son compagnon prend en charge le vagin, soit
en y plaçant un, voire plusieurs doigts, ou un objet qu’il laissera immobile ou
qu’il agitera, soit en introduisant son pénis qu’il laissera statique ou qu’il fera
mouvoir.

Deux, la stimulation clitoridienne est exercée par l’homme - par la grâce de ses
doigts ou d’un objet - , la femme, elle, investit elle-même son vagin de la façon
qu’elle veut.

Trois, le clitoris est toujours stimulé par l’homme, qui prend également en
charge le vagin par doigts ou objets interposés.

Quatre, le clitoris est stimulé par un baiser clitoridien offert par l’homme, quant
au vagin c’est l’homme ou la femme qui s’en occupe par le truchement de leurs
doigts ou d’un objet.

Bien entendu, c’est la figure qui associe clitoris et pénis qui est la meilleure
initiation à l’orgasme vaginal.
La position qui assure le plus parfait conditionnement est la position
d’Andromaque. La femme à cheval, jambes écartées, le pénis en elle, l’homme
couché sur le dos ; ici, la femme peut aisément caresser son clitoris et bouger
librement, afin de diriger elle-même ses mouvements, leur amplitude, leur
direction, leur tempo, et leurs suspensions éventuelles. Elle s’applique à bien
sentir la verge, elle vise à la placer aux bons endroits plus ou moins
profondément, plus ou moins antérieurement ou postérieurement pour toucher
toutes les facettes du fourreau.

Bref, elle cherche à obtenir le maximum de plaisir. L’homme peut également se


charger du clitoris, mais moins aisément. Bien entendu, cette chorégraphie
suppose que l’homme contrôle parfaitement son réflexe éjaculatoire, puisque
c’est la femme qui conduit le bal.

La position de la levrette : elle permet aussi une caresse aisée du clitoris par la
femme et un peu moins aisée pour l’homme, tandis que le pénis impacte des
« plots » particulièrement érogènes, tels le point G, en avant, et le point A dans
le cul-de-sac postérieur.

La conscience du vagin

Un peu à la fois, le vagin s’éveillera et la femme acquerra une conscience nette


de son intérieur, conscience qui se fera aiguë dans deux circonstances : le désir
et le plaisir.
Le désir vaginal

Le désir vaginal est ressenti comme une impression de creux, de vide - « un puits
d’amour » - au fond du vagin (impression qui correspond sans doute à la
dilatation en montgolfière des culs-de-sac vaginaux provoquée par l’excitation).
Parallèlement s’installe un besoin d’être pénétrée et comblée. L’appétence
vaginale peut aussi se signaler comme une sensation de gonflement, de tension,
de congestion, de chaleur au niveau de la vulve et du « bas-ventre » (ce qui
correspond à la turgescence des divers corps érectiles). Parfois, des signes plus
ponctuels clignotent : érection du clitoris, palpitations à l’entrée du vagin, prurit
vulvaire, etc. Ces diverses sensations sont agréables, mais si le désir n’est pas
satisfait elles peuvent devenir impérieuses - besoin d’incorporer le pénis, d’en
être pénétrée « jusqu’au cœur » - ou excessivement pénibles - « une torture ».

Le corps tout entier participe au désir : il se creuse et aspire à être comblé,


emboîté, enveloppé. Les bras, les cuisses, les jambes s’arrondissent, la face
antérieure, c'est-à-dire le thorax et le ventre se font concaves, les seins se
tendent, le dos attend d’être enlacé.

L’éveil du plaisir vaginal


À la suite des caresses clitoridiennes et vaginales, la femme prend
progressivement conscience de son vagin, de son intériorité, de sa sensibilité, de
son habitabilité. Les agréments qu’il procure vont croissants ; des orgasmes
balbutiants apparaissent - des pointes de plaisir suivies d’une bonne détente - et
un beau jour, un jour vraiment beau, au cours d’un coït, le grand orgasme la
surprend suivi d’une formidable béatitude. Bouleversement, cris et
émerveillement. C’est plus qu’une révélation, c’est une révolution. C’est
l’événement le plus important de la carrière érotique d’une femme, celui qui la
fait accéder à la majorité sexuelle, à la pleine féminité érotique.

Bientôt, elle pourra répéter l’orgasme deux, quatre, six fois, etc. - si son
partenaire sait prolonger le coït par le contrôle de son éjaculation. Elle
s’apercevra que, plus elle a d’orgasmes, plus ils sont forts (contrairement à
l’homme). Enfin, la femme complètement éveillée, jouira de son vagin avec la
même aisance et la même rapidité que l’homme de sa verge. Elle accède alors à
la maturité sexuelle. C’est le fruit de sa constance et de sa persévérance.
16
Ces chers orgasmes

Parmi les plaisirs qui réchauffent et égaient le destin des humains, l’orgasme a
une place particulière par son intensité, sa variété et les modifications de la
conscience qu’il produit. Or la femme, privilège étonnant, a au moins deux
sources d’orgasme.

Un plaisir pas ordinaire

Le plaisir érotique ne fonctionne pas comme les autres plaisirs. Son mode, qui
est unique, associe trois phénomènes particuliers : la culmination, l’explosion et
la répétition.

La culmination : dans une succession de stimulations d’un point érogène, chaque


stimulation élémentaire provoque un plaisir légèrement supérieur au précédent,
autrement dit l’enchaînement des stimulations provoquent des sensations
voluptueuses d’intensité croissante. Et soudain, à un certain niveau éclate un
plaisir plus fort que tous les petits plaisirs préalables additionnés. Sur une
représentation graphique on verrait l’intensité du plaisir croître selon une ligne
ascendante oblique puis, d’un coup, fuser à la verticale vers le zénith avant de se
retourner et de redescendre obliquement. C’est un phénomène analogue à celui
d’un condensateur électrique : en charge, il accumule de l’énergie ; mis en
service, il libère soudain la totalité de l’énergie accumulée.

Accumuler vient du latin cumus qui signifie comble et qui a donné cumulare,
entasser jusqu’aux combles et culminare, atteindre le point le plus haut.
Culminer pour un astre c’est atteindre le point le plus élevé au-dessus de
l’horizon : le zénith ou apogée. En matière d’érotisme, le point culminant c’est
l’orgasme. Pour y parvenir, il faut emmagasiner les excitations sur un temps plus
ou moins long avec beaucoup de persévérance.

Ajoutons qu’au phénomène de cumulation des stimulations du point principal -


le clitoris par exemple - s’associe un phénomène de sommation : aux
stimulations centrales s’ajoutent les stimulations de zones périphériques - les
mamelons par exemple - pour précipiter l’orgasme.

L’explosion : c’est l’orgasme, un plaisir majeur qui éclate par suite de l’addition
de plaisirs élémentaires se succédant. Son intensité dépasse la somme des
plaisirs accumulés, sa durée est plus ou moins brève, en tout cas plus brève que
la durée des stimulations et son étendue dépasse largement la zone stimulée,
jusqu’à concerner la région voisine (l’ensemble des organes sexuels, voire le
bassin) ou même la totalité du corps. La conscience elle-même est profondément
impliquée, comme nous le verrons.

La répétition : l’orgasme, chez la femme, peut se renouveler sans difficulté,


contrairement à ce qui se passe chez l’homme dont l’éjaculation est suivie d’une
phase réfractaire où son désir et son érection diminuent, tandis qu’une certaine
lassitude l’atteint. Car s’il renouvelle son éjaculation, son désir va encore se
réduire et sa fatigue s’accroître. La femme, elle, est polyorgasmique, elle peut
obtenir deux, trois, dix orgasmes. Par autocaresse manuelle, ou a fortiori avec un
vibromasseur, elle peut obtenir des dizaines de paroxysmes. Avec un aimé, par
coït, elle peut aussi approcher ces chiffres dans certaines circonstances
exaltantes à condition que cet aimé possède la maîtrise de l’éjaculation. Disons
que la capacité orgasmique virtuelle de la femme est infinie.

Un ou plusieurs orgasmes ?

Cette capacité correspond-elle à une nécessité ? Les femmes ont-elles besoin de


plusieurs orgasmes ? Oui, disent les femmes érotiquement éveillées. « Le
premier orgasme, écrit une femme, n’est qu’un début, une mise en route. Les
sensations sont de plus en plus agréables, intenses et les orgasmes de plus en
plus forts. » « Plus j’ai d’orgasmes, déclare une autre, et plus mon clitoris est
sensible. » Une autre dit de même à propos de son vagin : « Le premier
commence tout juste à m’exciter. Je sens que je pourrais avoir plus, que je
désire plus : une série... » En général, les femmes qui aiment répéter leur
suprême plaisir s’arrêtent à cinq ou six, ce qui montre que si la femme est
insaturable, elle n’est pas insatiable.

Du reste, beaucoup de femmes sont d’emblée satisfaites avec un seul orgasme


pourvu qu’il soit de qualité. « J’atteins l’optimum dès le premier. Il faut dire que
je m’y prépare longuement, dit une femme. Je me caresse partout longtemps.
Mon clitoris, je ne le pousse pas d’un coup au zénith, je le taquine, j’arrête, je
reprends. Et quand ça éclate, c’est terrible. Alors, j’ai mon compte. » Une autre
déclare : « J’atteins un tel niveau d’extase avec mon homme qu’il me semble
impossible de le dépasser. » Cela arrive dans les relations sexuelles où la
participation émotionnelle est intense, par exemple lorsque la femme est
amoureuse et aimée (et son vagin bien initié).

La capacité multi-orgasmique de la femme constitue une possibilité, mais elle


n’implique pas une obligation absolue et automatique d’enchaîner les orgasmes.
C’est à la femme à déterminer le nombre qu’elle souhaite, nombre qui peut être à
chaque fois différent. En tout cas, ce n’est pas à l’homme de le décréter.

Longtemps la femme s’est contentée d’un unique orgasme. Pourquoi ? Beaucoup


de femmes ignoraient leur capacité plurielle, le poids de la répression interdisant
toute expérimentation poussée de leur sexualité. Celles qui la connaissaient
n’osaient réclamer plus de plaisir, de peur de passer pour une anormale ou une
nymphomane. Et puis l’activité sexuelle de la femme ne pouvait que suivre celle
de l’homme, lequel se contente de « tirer son coup », c'est-à-dire de se donner un
seul orgasme de soulagement, si bien que la femme croyait qu’il était normal
pour tout le monde d’en avoir seulement un. De toute façon, aurait-elle désiré
plus qu’elle n’aurait pu satisfaire son envie : l’homme ne renouvelle pas
facilement son orgasme, nous l’avons dit, assouvi qu’il est et épuisé, voire
effondré, jusqu’à sombrer dans un profond sommeil. Ainsi va la terrible
dissymétrie entre les sexes : l’homme est sorti du jeu quand la femme commence
seulement à y entrer. Heureusement la solution existe : la maîtrise de son
éjaculation par l’homme (voir chapitre 23).

Rappelons que ce don propre à la femme de pouvoir renouveler ses plaisirs


suprêmes, tient à l’importance de ses tissus érectiles : si leur intumescence est
relativement lente à s’établir, en revanche, une fois installée elle est durable,
mieux : elle s’accroît à chaque orgasme. Quant à la détumescence, elle est
également lente si bien que le désir de la femme et son aptitude à rebondir vers
d’autres orgasmes, persistent longtemps. Et la spirale vertueuse s’élève : chaque
orgasme est plus fort et renforce la turgescence. Et les vaisseaux de plus en plus
gorgés de sang implorent la femme. C’est ainsi que se crée le besoin pluriel.

Les trois phases

Excitation, explosion, détente, ainsi se déroule une séquence érotique. La phase


d’excitation correspond à la stimulation d’une zone érogène - clitoris, vagin en
ses différents points, etc. - soit par autocaresse, soit par l’intervention d’un
partenaire (par caresses ou par coït). Cette stimulation procure un plaisir
croissant qui, sans atteindre l’intensité de l’orgasme, en a certaines qualités : il
est délicieux, grisant, euphorisant ; il emplit de bonheur, il suspend le temps, il
exalte la vie, il « expanse » la conscience et nous fait déborder d’amour.

C’est pourquoi il faut prolonger les caresses d’excitation. « Je veux être caressée
tout mon saoul, dit une femme. J’ai horreur quand l’homme impatient de me
pénétrer et de jouir abrège mes délices. » « J’aimerais, déclare une autre, que
l’homme m’excite longtemps, jusqu’à ce que mon vagin l’appelle et que je crie
de désir. »

Au cours de la phase d’excitation, la tension érotique monte. L’orgasme explose


au pic de cette tension. Alors, cette tension cède d’un coup et le corps et le
psychisme basculent soudain dans la détente, qui est bien-être absolu, bonheur
paradisiaque et sentiment de plénitude. Ce qui caractérise l’orgasme, ce qui en
est le critère, c’est ce soudain basculement de la tension à la détente. « Soudain
tout se relâche, tout s’apaise. Je suis hyper détendue, je suis comme dans du
coton. Et en même temps je suis euphorique, je vois la vie en rose. »

Ce qui est aussi significatif c’est, peu avant l’orgasme, une accélération du
rythme respiratoire accompagnée d’un accroissement des manifestations vocales
et gestuelles, et juste avant l’orgasme une suspension de la respiration - une
apnée - de quelques secondes accompagnée de silence et d’immobilité. Dès que
l’orgasme éclate l’apnée cède, un cri fuse et le corps se tend. Et à nouveau les
manifestations vocales et gestuelles reprennent mais cette fois sur un mode
majeur, déchaîné, frénétique. Jusqu’au moment où la détente s’installe : c’est un
relâchement complet du corps, une grande paix du mental et un sentiment de
satisfaction. Ce sentiment est également caractéristique de l’orgasme.
Les touches du plaisir

Le corps de la femme est constellé de points et de zones conçus pour lui procurer
d’innombrables plaisirs. C’est un immense clavier érogène qui, à l’instar d’un
orgue, comporte plusieurs consoles superposées - ici au nombre de trois - qui
correspondent aux trois « cercles » décrits dans Le Traité des caresses. La
console du bas (mais qui n’est en rien inférieure) est pourvue d’une érogénéité
basique ; elle correspond à toute la surface de la peau, des pieds à la tête. La
console du milieu, d’« érogénéité » plus aiguë, correspond aux seins et à la vulve
- sa face externe et ses alentours (le mont de Vénus, la face interne des cuisses,
le périnée, la région anale). La console supérieure porte les zones érogènes
princeps : la face interne de la vulve, le clitoris et ses trois touches (le gland, la
tige, les racines), le vagin et ses six touches (l’entrée, le point G, le col, les culs-
de-sac et leur point A, le point P).

Ces dernières zones sont biologiquement « équipées » pour procurer l’orgasme.


Mais la sensibilité de la femme est ainsi faite qu’un orgasme peut naître de la
seconde console (du mamelon par exemple) ou même de la première (le lobe de
l’oreille entre autres). Mieux : des orgasmes peuvent être déclenchés par une
forte émotion, voire par un fantasme. Ce qui agrandit à l’infini le registre du
clavier.

Ce que l’on peut tirer de ce clavier va d’un minimum à un maximum, en passant


par une très grande variété de compositions. Au minimum, on peut - la femme
elle-même ou son homme - utiliser une seule touche et obtenir un plaisir
basique : par exemple une stimulation précisément ciblée sur mon gland donnera
un orgasme clitoridien « élémentaire », une seule note. (Ceci dit pour la
démonstration, en réalité il est impossible d’appuyer sur une seule touche et le
plus simple des orgasmes est plus qu’une note : une sonatine). Au maximum, on
pourra jouer sur l’ensemble des touches et obtenir un orgasme d’une extrême
complexité : par exemple, le coït associé à une stimulation clitoridienne met en
jeu les trois consoles, à savoir le vagin et ses six touches, le clitoris et ses trois
touches, plus l’odeur de l’aimant, plus ses caresses sur tout le corps y compris
sur les seins, plus ses mots d’amour. Pas étonnant que l’orgasme obtenu soit
majeur, voire extatique en un mot : « symphonique ». Entre ces deux extrêmes
toutes les compositions sont possibles en fonction du nombre de touches
concernées, de leur timbre, du tempo, de l’intensité, etc. Et l’orgasme pourra être
sonate, concerto, fugue...
Une même femme peut obtenir une très grande variété de musiques, je veux dire
de plaisirs, non seulement en fonction du nombre de touches jouées, mais aussi
de la qualité de ces touches. Qualité qui varie selon l’état physique et psychique
de la femme, les circonstances ambiantes, le cycle menstruel, la période de sa
vie, etc. Au cours d’une même séquence pluri-orgasmique, chaque orgasme peut
être différent, ne serait-ce qu’en intensité. D’une femme à l’autre, les variations
sont encore plus grandes : s’il y a trois milliards de femmes il y aura trois
milliards de types d’orgasmes, chiffre à multiplier par les cent ou mille variétés
de chaque femme. C’est dire qu’on ne peut uniformiser le plaisir orgasmique et
encore moins définir une norme. À cette très grande richesse de la sensualité
féminine correspondent des circuits neurologiques d’une immense complexité.

Nonobstant leurs qualités, les orgasmes diffèrent aussi par leur intensité. On
pourrait les évaluer sur une échelle de un à dix. Au niveau un, l’orgasme est
doux, il apporte ce qu’apporte la sensation de la présence du pénis aimé dans le
vagin, quelque chose d’agréable en soi et qui est signe de communion entre les
amants. Au niveau dix, c’est le séisme et l’extase. Si on ne l’obtient pas à chaque
fois, c’est bien ainsi, car on ne peut chanter un « magnificat » tous les jours. Et si
on ne l’a pas encore connu, on le connaîtra un jour, surtout si on a lu ce traité.
Entre ces deux chiffres, tout orgasme est bon à accueillir. À noter ici encore que
l’intensité du plaisir et de l’orgasme - en particulier en ce qui concerne le coït -
est liée aux préliminaires (caresses sur l’ensemble du corps et sur le clitoris), aux
bonnes relations entre les partenaires et au climat émotionnel (l’amour donne
toujours plus d’intensité). Mais ce serait une erreur de quantifier le plaisir ; il se
présente avec toutes sortes de qualités, ce sont elles qui lui donnent sa vraie
valeur aux yeux de la femme. Bref, ce n’est pas le nombre de touches mises en
jeu qui compte, c’est leur tonalité et l’inspiration du musicien.

Les cordes du plaisir

Aux touches du clavier correspondent des cordes. Ici, les cordes sont les
faisceaux musculaires qui, dans les organes sexuels, dans le bassin et dans tout le
corps, vibrent à l’unisson du plaisir, c'est-à-dire se contractent et se relâchent en
réponse aux stimulations des touches.
Les plus remarquables de ces faisceaux musculaires vibrants sont situés dans les
muscles du périnée. Le périnée est le fond du bassin, cette vasque bien nommée
qui contient outre le vagin et l’utérus, la vessie et le rectum. Ce fond est
constitué pour l’essentiel d’un hamac de muscles, qui vont de l’os pubien en
avant au coccyx en arrière, d’où leur nom général de muscles pubo-coccygiens.
Ce hamac est percé de trois orifices, un pour l’urètre, un pour le vagin et un pour
l’anus. Autour de l’orifice vaginal un muscle forme un anneau, c’est le muscle
« papillon », de son vrai nom « muscle releveur de l’anus » : c’est lui qui va
spécialement vibrer au cours de l’orgasme, pour le plus grand bonheur du pénis
qui a passé cet anneau à son cou.

En 1940, Arnold Kegel qui travaillait sur l’incontinence d’urines, avait constaté
que les femmes dont le périnée était flasque avaient une capacité orgasmique
moindre, mais que si elles augmentaient la tonicité de leurs muscles périnéaux
par des exercices, elles accroissaient leurs possibilités de jouissance. Dans les
années 1970, Masters et sa femme Johnson ont scientifiquement étudié le rôle
des muscles du périnée au cours de l’orgasme et ils ont découvert qu’ils se
contractaient alors de façon rythmique. Plus précisément, ils sont animés d’une
série de trois à douze contractions séparées par un intervalle de 0,8 seconde. Au
total le train d’ondes dure cinq à dix secondes.

Cette danse cadencée du périnée suit de près le début de la sensation de plaisir


orgasmique. Si les orgasmes se répètent - deux, quatre, six fois - à la faveur
d’autocaresses ou de coïts prolongés, la danse musculaire se reproduit à chaque
fois. Parfois, il n’existe plus d’intervalle entre les danses et les contractions
rythmées s’enchaînent jusqu’à durer trente à soixante secondes : c’est la
« transe » orgasmique qui provoque chez la femme un très grand
bouleversement.

Les muscles du périnée sont des muscles striés, c'est-à-dire obéissant à la


volonté. Ils battent automatiquement dans l’orgasme, mais la femme peut aussi
les commander. Elle pourrait par exemple demander à son « muscle papillon »
celui qui entoure le vagin et donc la verge qui s’y prélasse, d’exécuter quelques
petites contractions. Je vous laisse à penser la surprise et les transports de la dite
verge. À bonnes entendeuses, salut ! Réalisation pratique : il suffit de serrer les
fesses plusieurs fois de suite.

Bien d’autres cordes se mettent à vibrer à travers l’organisme tout entier.


Les faisceaux musculaires de la gaine musculeuse enveloppant le vagin se
contractent également de façon rythmique, particulièrement ceux qui entourent
l’entrée. Ils se resserrent donc sur le pénis qui s’y est introduit et qui s’en trouve
fort aise. Ces muscles sont faits de fibres lisses sur lesquelles la volonté ne peut
agir.

Les muscles de l’utérus et des trompes se contractent eux aussi et toujours de


façon rythmique. La participation de l’utérus et des trompes donnerait les
orgasmes les plus intenses et les plus étendus, bref les plus fous. Une remarque
émouvante : le muscle utérin peut se contracter par amour pur en dehors de toute
activité sexuelle ; certaines femmes, à la vue de leur aimé, ressentent une
sensation de contraction au niveau de leur « matrice ».

Certains muscles des organes du bassin se contractent : c’est le cas du sphincter


vésical et du sphincter anal.

Les muscles de l’intérieur des cuisses, les « adducteurs », qui servent à


rapprocher les cuisses se contractent. Dans les ébats en duo, ce n’est pas ce
qu’ils ont de mieux à faire ; heureusement ce sont des muscles striés, c'est-à-dire
qui obéissent à la volonté. La femme peut les prier de renoncer à leur conduite
instinctive. Par contre, nous le savons, leur contraction volontaire est bienvenue
dans la pratique d’auto-érotisme dite « la torsade ». Les muscles abdominaux et
dorsaux se contractent eux aussi.

Finalement, tous les muscles du corps entrent dans le concert. Chez les femmes
spécialement réactives les contractions musculaires provoquent des
manifestations plus ou moins impressionnantes : raidissement soudain de tout le
corps, arc-boutement, soulèvement du bassin, soubresauts, mouvements
convulsifs. Les bras et les mains ne sont pas en reste : les premiers étreignent
puissamment l’aimé, tandis que les secondes empoignent hardiment son dos ou
ses fesses et les griffent. Quant à la respiration, nous savons qu’elle participe
activement à l’orgasme : rapide avant, suspendue en début, haletante ensuite.

Toutefois, beaucoup de femmes moins démonstratives de caractère ou trop


pudiques demeurent immobiles et silencieuses sans pour autant que leur orgasme
soit de qualité inférieure : leur jouissance est intériorisée. Du reste, dans la
pratique du tantrisme qui procure un optimum de volupté, les partenaires sont
immobiles et silencieux, l’extase se vivant plus dans la conscience.
Ces multiples cordes qui vibrent en réponse aux stimulations des multiples
touches sensuelles émettent des notes qui, en se combinant, réalisent une variété
immense de compositions. Ces musiques vont des plus simples : de la sonatine,
comme je l’ai dit, voire de l’ariette au plus ébouriffé des opéras. Je vais
maintenant vous décrire les compositions les plus classiques : le concerto
clitoridien et la symphonie vaginale.
17
Des deux orgasmes : clitoridien et vaginal

Les femmes, dans leur vécu et dans leur description, font bien la différence entre
orgasme clitoridien et orgasme vaginal. Les termes clitoridien et vaginal
qualifient ce que ressent la femme et indiquent aussi le point de départ. Mais ils
ne prétendent pas désigner des processus biologiques qui seraient radicalement
différents.

Le concerto clitoridien

Je vais vous décrire comment les femmes entendent ma musique à moi,


autrement dit comment elles ressentent l’orgasme clitoridien. Je prendrai comme
exemple celui qu’elles se donnent par autocaresse, parce que c’est sans doute le
plus fort, bien qu’un amant doué peut bien faire aussi. C’est par comparaison
avec l’orgasme vaginal que les femmes s’expriment. Classiquement, disent-elles,
l’orgasme clitoridien est plus rapide à venir, tellement rapide qu’il peut être
« foudroyant », « fulgurant ». Plus court de durée. Plus aigu, elles disent :
« piquant », « incisif », « affiné », « exacerbé », « énervant », « agaçant »,
« électrique ». Mais, elles peuvent également le ressentir comme une pulsation
dans le clitoris (« mon cœur bat dans mon clitoris ») ou un gonflement, une
« érection » de celui-ci.

Plus superficiel, c'est-à-dire plus en surface. Plus ponctuel, elles disent aussi :
« localisé », « précis », « concentré », « dense », il ne concerne que moi le
clitoris et la vulve. Mais, il peut aussi irradier dans le vagin, le périnée, l’anus, le
bassin même. Elles le ressentent comme une onde de chaleur ou une onde de
pulsations voluptueuses ou une onde de spasmes. Cette irradiation dans le vagin
confirme le phénomène d’érotisation du vagin par moi-même. « À l’entrée,
disent-elles, c’est une impression de chaleur, de feu. Tout le long du conduit,
c’est une impression de vagues de spasmes ou de salves de palpitations qui,
l’une et l’autre, gagnent l’utérus. Au fond, c’est une sensation de dilatation, de
ballon qui se gonfle. » (C’est la « montgolfière » des culs-de-sac vaginaux.)
Toutes ces sensations peuvent être violentes. Enfin, survient un besoin d’être
pénétrée. Il n’est pas rare que l’irradiation atteigne l’intérieur des cuisses d’où
elle fuse dans les jambes. Et pas rare qu’elle diffuse dans l’ensemble du corps où
elle est ressentie comme un tremblement, plus ou moins fort, qui le parcourt des
pieds à la tête ou bien comme une lame de fond de spasmes qui le submerge.
C’est alors qu’un bien-être s’installe.

Plus intense, voire violent, ce qui ne me surprend pas : ne suis-je pas bourré de
récepteurs sensitifs de toutes sortes, y compris de capteurs de volupté ? En plus,
je suis « prêt à l’emploi » dès la naissance et « entraîné » depuis l’enfance, c'est-
à-dire depuis de longues années. Toutefois, bien que mon orgasme soit plus fort,
les femmes préfèrent l’orgasme vaginal (quand elles l’obtiennent). Je n’en suis
pas jaloux puisque je contribue à son éveil et à son éclosion. Et puis, je
comprends les raisons de leur préférence : les femmes sont des êtres de relation
et l’orgasme par coït est la plus étroite des relations.

La symphonie vaginale

Si je peux vous décrire ce que les femmes entendent de la musique vaginale,


c’est que mon voisin le vagin n’a pas de secret pour moi, les femmes non plus,
du reste. Ce que j’en dirai concerne l’orgasme obtenu par coït. Ici, c’est par
comparaison avec l’orgasme clitoridien qu’elles s’expriment. Elles disent qu’il
est : plus lent à venir, il faut plusieurs minutes, voire plusieurs dizaines de
minutes. Plus prolongé. Plus diffus, plus global, elles le ressentent dans toute
l’étendue du vagin. L’entrée, le canal, le fond et pour cause. Et aussi dans tout le
bassin dont les organes sont contigus au vagin : l’utérus, la vessie, le rectum.
Plus profond. « Il vient des entrailles » disent-elles. On ne peut mieux dire.

Plus total : il irradie dans tout le corps. C’est dans le même élan que les
sensations apparues dans le vagin envahissent l’organisme tout entier : les
sensations de contractions voluptueuses passent du vagin à l’utérus, puis
montent dans le ventre, le dos, la tête d’une part et gagnent les jambes d’autre
part. « C’est une crampe musculaire très agréable qui se déplace par vagues de
mon ventre à ma tête. » « C’est une onde de spasmes voluptueux qui part de mon
sexe, monte dans mon ventre et éclate dans ma tête. » Autre sensation décrite :
une impression de chaleur qui passe du sexe au bassin, puis à tout l’intérieur du
corps. « C’est une incandescence qui monte de mon bas-ventre, embrase mon
corps et enflamme ma tête. » « C’est une chaleur interne qui brûle mon ventre,
ma poitrine, mon visage. » Des femmes parlent de sensations lumineuses,
colorées ou non. « C’est un flux d’étincelles qui explose dans ma tête comme un
feu d’artifice. » « C’est un plaisir aveuglant fait d’étoiles de toutes les
couleurs. » D’autres femmes parlent de tremblement de terre, de manèges qui
tournent.

Plus doux, en ce sens qu’il est moins « aigu », moins dense, moins intense. Mais,
il peut être aussi violent, « surtout, disent-elles, si on a excité longtemps le
clitoris auparavant ; alors, l’orgasme peut être démentiel. » « Le top, dit une
autre, c’est le clitoris d’abord et longtemps puis, quand je me sens bien mouillée
et gonflée, la pénétration. C’est l’apothéose. »

Plus haut en qualité. C’est la qualité du plaisir qui distingue l’orgasme vaginal :
il est plus « plein », plus complet (« tout mon corps est rempli de plaisir, ma tête
déborde de joie, il ne manque plus rien »), plus satisfaisant (« le besoin
impérieux de mon vagin d’être comblé est satisfait »), plus agréable (« il est
divin », « il est enveloppant »), plus riche en sensations multiples (« c’est une
grêle de sensations qui s’abat sur moi »), plus apaisant (« Je sens mes nerfs se
relâcher complètement et tout mon être s’engourdir »).

Plus « génial » en raison d’une plus grande participation psychique. L’orgasme


vaginal a une dimension relationnelle et émotionnelle. « Ce qui est bouleversant
c’est de sentir la présence de l’aimé, ses bras qui m’étreignent, le poids de son
corps, la chaleur de sa peau, son sexe inséré en moi. » « Il est au plus près de
moi, il est en moi. Je sens que je partage avec lui quelque chose
d’exceptionnel. » « En plus, il est tendre, je me sens aimée. Je me sens très
amoureuse. »

Un degré de plus et c’est une véritable métamorphose psychique qui se produit :


un état de conscience supérieur fait d’agrandissement et d’élévation s’installe.
C’est l’extase. Je vous en reparlerai. C’est pourquoi, même si la majorité des
femmes disent que l’orgasme le plus fort est l’orgasme clitoridien qu’elles
s’accordent par autocaresse (nul ne se connaît aussi bien que soi-même), elles
disent aussi préférer l’orgasme par coït en raison de ses aspects psychiques.
« L’orgasme clitoridien ne me suffit pas. Pour être comblée, repue, il me faut
l’orgasme vaginal. En plus, ça se fait à deux. » « Sentir le pénis tendu et chaud
aller et venir, sentir tout le corps de l’homme contre moi, entendre son souffle,
ses gémissements, ses mots d’amour, sentir son plaisir, c’est tout ça qui me fait
m’envoler. » « Le bonheur, c’est d’associer son plaisir au mien. De savoir que
ce qu’il fait pour me faire jouir le fait jouir aussi, me fait grimper en spirale.
Car, s’il le fait bien, c’est par amour, pour qu’on soit plus proches encore. »

Entre les deux compositions classiques, toutes sortes de compositions sont


possibles selon les touches mises en jeu, c'est-à-dire selon les zones érogènes
stimulées, leur nombre, la façon de jouer.

Bénis soient tous les plaisirs

Toute femme détient une capacité orgasmique et cette capacité se révélera un


jour, si elle suit mes conseils. Soyez donc sereine mais active, soyez sans
crispation mais volontaire. Deux réflexions peuvent vous être précieuses. Il y a
des plaisirs qui, sans être orgasmiques, sont des délices ; profitez-en pleinement,
ne faites pas la fine bouche, toute jouissance est bonne à prendre. C’est vrai pour
l’autocaresse, pour les caresses de l’aimé et aussi pour le coït. « J’aime la
sensation de la pénétration, dit une femme, j’aime sentir le pénis glisser en moi,
j’aime quand il bouge mais j’aime aussi sa simple présence, immobile. » « Ce
que j’éprouve quand l’homme est en moi est bon, dit une autre, déjà ça me
comble d’être comblée. » « La pénétration me bouleverse, s’écrit une autre
encore. J’ai la sensation de vivre intensément car j’ai conscience de répéter une
situation naturelle et éternelle, d’accomplir un rituel qui remonte à la nuit des
temps. » De se situer dans cette dimension ne peut que donner à l’union une
grande valeur.

Il est des orgasmes qui, sans être explosifs, sont appréciables : il en est ainsi de
ces orgasmes subtils, tout juste perceptibles, qui sont de doux passages dans le
plaisir. Dans l’érotique tantrique qui est l’art érotique porté à la perfection, le
plaisir ne se manifeste pas de façon séismique, comme je l’ai déjà fait
remarquer : c’est un bonheur intense mais intériorisé, profond, prolongé très
longtemps.
D’accepter la douceur de vos orgasmes vous permettra d’en profiter mieux. De
toute façon, c’est une étape ; en progressant en âge, en multipliant les
apprentissages, votre capacité érotique se développera de plus en plus.
18
À quoi sert l’orgasme ?

L’orgasme a bien des vertus, il peut même conduire à l’extase. Mais avant d’y
parvenir, nombreux sont les obstacles à franchir.

Ce qui contrarie la venue de l’orgasme

C’est bien souvent la peur qui est à l’origine des difficultés d’envol. L’hideuse
peur aux cinq visages : la peur du péché, conséquence de la répression religieuse
dont les tabous survivent encore chez les femmes victimes d’une éducation
archaïque. La peur de perdre le contrôle de soi, de s’abandonner à un état
inconnu, sans savoir comment on en reviendra ; peur liée souvent à
l’impossibilité de se relaxer, de se laisser aller. La peur d’être blessée à
l’intérieur par la pénétration du pénis, peur qui est fantasmique ou liée à un
souvenir de violences sexuelles. La peur de s’affirmer par manque d’estime de
soi et autres complexes d’infériorité qui vous fait croire que vous n’êtes pas
digne d’atteindre l’orgasme. Ou, par manque de connaissance de vous-même, du
fonctionnement de votre corps qui empêche les gestes et les attitudes propices.
La peur de demander à votre partenaire ce que vous aimez et ce qui vous donne
du plaisir ; peur elle-même inspirée par la pudeur ou par la crainte de passer pour
une gourgandine ou au contraire pour une incapable ou enfin par la crainte de
vexer l’homme.

Pour vous libérer de vos peurs, il vous faut faire un travail sur vous-même, seule
ou plus sûrement avec l’aide d’un psychothérapeute. Alors, vous oserez vous
affirmer, demander ce que vous voulez. Ce plaisir est légitime et à votre portée,
mais il faut vous y préparer activement comme je ne cesse de vous le répéter.
Aidez-vous, la vie vous comblera.

L’illusion romantique peut également empêcher la survenue de l’orgasme. C’est


le cas de ces Belles qui attendent un homme autant aimant qu’aimé, sensuel,
raffiné, attentif, intuitif, écoutant, patient, expert en féminité, en un mot le Prince
charmant. C’est à vous de faire le premier pas vers vous, vers votre propre
sexualité.

La malchance peut aussi barrer les chemins de la cime érotique. C’est le cas de
femmes alliées à un homme incapable de sentir, d’écouter, de comprendre la
féminité, ignorant la tendresse et de surcroît malhabile. Car même si la femme
doit être active, l’homme a toujours sa partition à jouer. Faites-vous, Madame, la
préceptrice de cet homme-là, tentez de le convaincre, de le convertir. Rares sont
les cas désespérés.

Enfin, la haine peut bloquer l’envol suprême. C’est le cas de certaines féministes
excessives qui considèrent déjà que le coït est un acte de soumission, alors s’il
faut en plus s’abandonner à en perdre la tête ça deviendrait de l’humiliation. Il
fallait bien, Madame, vous révolter, mais le temps de la réconciliation n’est-il
pas venu ? Vous voyez bien que les hommes sont en train de changer.

L’obligation d’orgasme

Cette obligation est maintenant inscrite dans les mentalités et peut constituer un
obstacle à l’expression spontanée du plaisir de la femme.

Au célèbre aphorisme du XIXe siècle, « Une femme honnête n’a pas de plaisir »,
a succédé une heureuse déclaration : « La femme a droit au plaisir », très vite
remplacée par un nouveau commandement : « Toute femme normale, toute vraie
femme doit avoir des orgasmes », sous-entendu à tous les coups, rapidement et à
répétition (mais pas trop quand même, ajoutent en eux-mêmes les hommes
qu’habite la mâle-peur).

C’est une obligation que la femme se donne d’abord pour elle-même, pour son
propre épanouissement sexuel. Mais aussi pour être une femme normale, une
vraie femme à ses propres yeux et vis-à-vis des autres, en particulier vis-à-vis de
son partenaire. L’absence d’orgasme l’enfermerait dans la catégorie des frigides,
situation dévalorisante et qui comporte le risque d’être abandonnée par l’homme.

On peut se demander si l’allure dramatique que prend la déception de la femme


après un orgasme raté n’est pas liée à cette obligation - sans pour autant
méconnaître la composante physiologique : en lui imposant des objectifs
maximum, il lui fait sous-estimer tout le bon de l’échange.

C’est aussi une obligation imposée par l’homme. Dans sa volonté de faire jouir
sa partenaire, il y a certes une intention généreuse, mais il y a aussi des
motivations égoïstes : l’homme veut l’orgasme de la femme comme
confirmation de sa virilité et de son talent érotique. Il est un « vrai » homme s’il
a une « vraie » femme. La « frigidité » de sa partenaire remettrait en cause ses
capacités viriles et son savoir-faire. Précisons que, pour l’homme, est « frigide »
la femme qui ne jouit pas par la grâce du pénis au cours du coït, même si elle
obtient des orgasmes par autocaresses ou caresses du partenaire. Lui-même ne se
sent viril que si c’est son pénis qui déclenche l’acmé, mais pas si ce sont ses
doigts. Seul l’orgasme féminin par coït le valorise et promeut la femme.

Ce terrorisme de l’orgasme, qui assimile le droit de la femme à jouir à une


obligation, transforme chaque rapprochement sexuel en challenge. Il devient une
recherche obsessionnelle d’une jouissance maximale à travers une série de
performances. Cette pression fait oublier que la relation sexuelle est une fin en
soi : la jonction des corps et des sexes est une façon de concrétiser de manière
charnelle l’affection que se vouent les partenaires. Il s’agit de doubler la
communion des âmes par celle des sens. C’est cela qui porte au sommet du
bonheur. Car mêler ses bras, ses peaux, ses sexes, ses souffles, sa tendresse, ses
énergies, suprêmes expressions de l’amour, comble de joie.

Cela étant dit, il est vrai que l’homme doit tout faire pour permettre à sa
partenaire d’éprouver un optimum de plaisir, jusqu’à atteindre l’orgasme quand
elle le souhaite. Mais il doit agir pour elle, par générosité et pas pour lui, par
vanité. Il ne doit pas exiger. Tout faire, c’est pratiquer dans l’excellence les
caresses, les gestes et les mouvements susceptibles de procurer du plaisir à son
aimée, en étant très attentif à son ressenti.

Quant à la femme, elle doit de son côté tout faire pour connaître l’ivresse
suprême. Tout faire c’est, en amont, apprendre son corps et le préparer et, sur le
moment, participer activement à l’union, comme je l’ai assez dit.

En tout cas la femme ne doit jamais simuler, même si elle a peur de passer pour
une femme tiède, ou peur de vexer l’homme ou peur d’être quittée. En simulant
vous cédez au terrorisme de l’orgasme et vous entrez dans une manipulation qui
rendra infernale votre vie sexuelle. Et surtout vous perdez toute chance de vous
améliorer et donc d’accéder un jour au plaisir extrême. Car le plaisir est le fruit
d’un apprentissage conscient, progressif et réciproque, d’un ajustement subtil et
d’un patient éveil, où chacun dit ce qu’il aime et comment faire pour le combler.
Prenez confiance en vous, en la vie. Rappelez-vous qu’avec l’âge, l’expérience
aidant, les chances d’envol augmentent, toutes les enquêtes le montrent.
Expliquez tout cela à votre homme. S’il n’est pas apte à l’entendre, la question
se pose de savoir s’il vaut la peine.

Messieurs, moi qui suis le témoin privilégié - ô combien - de vos exigences qui
n’ont souvent d’égales que vos maladresses, je vous en supplie, cessez vos
pressions plus ou moins implicites. Caressez vos femmes « par plaisir » et « pour
le plaisir », non pour l’orgasme : il viendra de surcroît. Par contre, soyez certains
que si vous maintenez votre pression, vous aurez entre vos bras une femme
malheureuse ou pire une simulatrice, c'est-à-dire personne.

À votre décharge, je dois dire qu’il n’est pas facile à l’homme de comprendre et
de satisfaire la sexualité féminine par ailleurs si différente, si riche, si complexe
et tellement reliée à ce que la femme a dans le cœur, dans la tête, dans l’âme.
C’est un trésor aussi fabuleux que mystérieux dont la clef n’est pas donnée. Ce
n’est pas une raison pour utiliser de fausses clefs. La simulation est une fausse
clef, l’utilisation d’appareils tant par la femme elle-même que par l’homme, en
est une aussi. L’existence de ces outils est le témoignage de la richesse et du
mystère de la sexualité féminine et l’aveu de la difficulté de l’homme de
contribuer à son épanouissement.

Les rôles de l’orgasme

Je vous avais déjà décrit les bienfaits du plaisir pour votre équilibre psychique et
parlé de son rôle « existentiel » permettant de supporter la dure condition
humaine. L’orgasme qui est un plaisir majeur vous offre les mêmes bienfaits
majorés. Mieux : il possède de réelles vertus thérapeutiques.
L’orgasme possède un effet anxiolytique, autrement dit tranquillisant : il apaise
l’anxiété et soulage l’angoisse. Il a aussi un effet thymoanaleptique, c'est-à-dire
anti-dépression : il chasse le cafard et donne bonne humeur. Il constitue aussi
une réparation - fût-elle provisoire - des blessures d’amour. Vous, les humains,
votre vie est jalonnée de séparations et donc de déchirures : arrachement du
ventre de votre mère à la naissance, arrachement de ses bras au sevrage, ruptures
affectives diverses, etc. Cette réparation se fait, entre autres, par un phénomène
psychique : l’abréaction.

L’abréaction est une réaction de votre psychisme déclenchée par une forte
émotion et qui vous sort des traces inscrites en vous d’un traumatisme ancien,
voire de plusieurs traumas répétés, remontant le plus souvent à l’enfance. La
virulence de la blessure mémorisée s’évacue dans le paroxysme émotionnel :
mots, cris, pleurs, rires, halètements respiratoires, etc. « L’orgasme, écrit
Frédérique Gruyer1, permet la liquidation partielle, l’usure progressive de la
puissance anxiogène des traumatismes. » Ce que confirme une femme : « La
première fois que j’ai eu une série d’orgasmes, des émotions intenses et même
violentes sont remontées du plus profond de moi, d’une profondeur que je ne
soupçonnais même pas. C’était une alternance de joies extrêmes et de chagrins
abyssaux. Je n’ai pu retenir mes cris et mes larmes. Je criais "je t’aime", mais
au-delà de mon aimé je savais que je le criais à plein de gens et sans doute à
moi-même. J’avais en moi plein d’amour et plein de colère ».

Voilà qui justifierait déjà le plaisir érotique. Hélas, trop longtemps les religions
patriarcales ont dénié à l’acte sexuel tout autre but que la procréation. Le plaisir
y était proscrit, puisque inutile à la procréation. Inutile en tout cas pour les
femmes qui peuvent procréer sans jouir ; inévitable, hélas, pour l’homme qui
doit déposer sa semence. Privés des vertus du plaisir, il ne restait aux pauvres
humains qu’à s’offrir aux affres de cette vie en espérant trouver dans l’au-delà
les extases qu’ils n’avaient pas connues sur terre. Pour les religieux, la femme
est la plus grande concurrente de Dieu, puisqu’elle offre aux humains le paradis
ici bas.

Pourtant si l’on prend conscience de l’importance et de la complexité de la


structure biologique du système érotique on voit bien que la nature - Dieu -
l’avait prévu pour des desseins plus larges que la reproduction : aider les êtres à
vivre mieux.
1. Gruyer Frédérique, Ce paradis trop violent, Collection Réponses, R. Laffont.
19
De l’orgasme à l’extase

L’orgasme peut provoquer une transformation de la conscience et nous faire


accéder à l’extase. L’extase est un état de conscience supérieur qui se révèle
dans certaines circonstances : dans l’orgasme justement mais aussi dans la
rencontre avec la beauté naturelle (par exemple un lever de soleil) et la beauté
créée par les artistes (par exemple un concerto de Mozart) ou dans la méditation,
ou dans la contemplation mystique, ou dans la pratique de techniques
particulières (par exemple la danse associée à des chants comme chez les soufis).

Vers l’extase

L’orgasme est le moyen le plus simple et donc le plus courant de connaître


l’extase ; encore faut-il que la relation sexuelle se déroule dans les meilleures
conditions. Ce qui importe, c’est plus la participation affective et émotionnelle
que le talent érotique. Aussi, c’est lorsqu’on est amoureux de son - sa -
partenaire que l’on accède le plus aisément à ce sommet, ou lorsqu’on fait
l’amour dans un beau site ou si l’on se caresse en écoutant une musique inspirée.
Si cette métamorphose de la conscience peut se produire quelle que soit la façon
d’obtenir l’orgasme (caresses, coït, etc.), c’est dans l’union sexuelle qu’elle est
grandiose.

Cette extase vous emportera soudain comme un tourbillon, comme une


déferlante. Bien qu’elle soit merveilleuse, certaines femmes la craignent : c’est
un saut dans l’inconnu, une perte de soi. Soyez rassurées : vous ne vous y
perdrez pas, vous retomberez toujours sur vos pieds et même vous retrouverez la
réalité avec plus de force et d’ancrage. Surtout oubliez cette expression
inappropriée « la petite mort » : l’orgasme est une éblouissante (re)naissance.

À l’analyser, l’extase se révèle composée de plusieurs couleurs de conscience,


l’une ou l’autre prédominant.

C’est un agrandissement de la conscience, une « surconscience », une


« surexistence ».

C’est un accroissement d’énergie vitale, une « surabondance de vie ».

C’est une félicité, un bien-être absolu, un état supra délicieux, un bonheur


complet. « Je baigne dans une joie parfaite qui me donne envie de chanter, de
rire, de pleurer, de prier, de remercier mon aimé et le monde entier. » Voyez les
visages des amants des temples hindous, tel Konarak.

C’est un état de sérénité, de béatitude, de paix profonde.

C’est un sentiment d’amour débordant, « océanique ». « J’aime mon ami, j’aime


tous les gens, même ceux qui ne m’aiment pas, j’aime l’humanité tout entière. »
On est plein de bienveillance, de générosité. On devient amour.

C’est aussi un surgissement de lumière éclatante à l’intérieur de soi et autour de


soi. « J’ai l’impression d’être remplie de lumière aveuglante et en même temps
de baigner en elle. Mon mari dit que mon visage est transfiguré. »

C’est la perte de la notion du temps et de l’espace. « Je ne sais plus où je suis...


Je ne suis plus là, je me suis envolée. » « Plus rien n’existe, je suis déconnectée
du monde. »

C’est ce sentiment d’être relié profondément à l’autre, aux autres, à tous les
vivants et à tout l’univers. C’est l’extension de l’être au-delà de lui-même. C’est
aussi la fin de l’insoutenable solitude de l’humain. « Je cesse de me sentir seule.
Non seulement je suis avec mon ami, mais j’ai l’impression d’être partout, d’être
tout. Je me sens le pommier en fleurs, le chant du loriot, le ciel étoilé. C’est
fou. »

C’est enfin un retour à l’océan, l’océan primitif où la vie est née, l’océan
paradisiaque du ventre maternel où tout n’était que flottaison et béatitude et
l’océan retrouvé des bras maternels qui reconstituaient les bonheurs d’antan. « Je
flotte entre deux eaux. Tout est mouvant et silencieux. De longues algues me
caressent la peau, tout est suspendu. »

L’extase vous fait découvrir votre « part de lumière », selon l’expression de


Jung. C’est un plan de conscience différent de la conscience ordinaire, plus
large, plus élevé où vous êtes en contact avec une « surréalité », c'est-à-dire une
réalité plus vaste que ce que votre perception sensorielle peut appréhender et
votre mental concevoir : le sacré. Le sacré ? C’est ce qui vous ravit en regardant
un ciel étoilé, en entendant une musique qui vous émeut, en entrant dans une
cathédrale. C’est ce qui vous inspire du respect et de l’amour, vous relie aux
valeurs supérieures - la vie, la beauté, l’amour -, vous fait dépasser votre ego,
donne une signification à votre destinée. Or, comme tout humain, vous avez un
besoin fondamental de sacré et ici vous êtes comblé.

L’orgasme prend la dimension d’une extase plus spécialement dans l’union


sexuelle comme on l’a déjà dit, encore faut-il qu’elle soit réalisée de façon
prolongée, étendue à tout le corps et animée par l’amour.

L’amour en plus

En effet, le bonheur extatique s’atteint plus facilement lorsque l’amour préside à


la jonction sexuelle. La technique ne peut suffire à vous faire accéder à un tel
niveau. Elle ne propose que des ajustements de peau ou de muqueuse, elle ne
met en jeu que des « objets partiels » et ne procure que des « plaisirs d’organes »
(selon la terminologie de Freud). Elle se limite au fonctionnement physiologique
- la stimulation de capteurs et les réactions réflexes qu’elle déclenche - qui, aussi
admirable soit-il, ne peut être un but. Elle n’est que le moyen d’accéder à
quelque chose d’autre : c’est un tremplin.

Se limiter à la technique, c’est ce qui rend triste et dégrade la sexualité en


Occident depuis sa « libération ». La sexualité était réprimée, elle s’est
mécanisée, mais n’a toujours pas de souffle. La technique ne s’adresse qu’au
corps physique ; elle le chosifie, en fait un objet. Elle ne s’intéresse pas à l’être
dans sa totalité corps-esprit. D’où le manque de respect envers soi-même et
envers l’autre que trahit l’utilisation d’un langage indigne d’êtres humains. Dire
d’une personne qu’elle est un « bon coup », c’est nier son humanité.
Par ailleurs, la technique ne confère pas de sens à l’activité sexuelle. Elle vise
uniquement à obtenir le maximum de plaisir de toutes les façons possibles,
engendrant ainsi l’obsession de la performance et l’escalade des pratiques
« hard » - le sadomasochisme -, jusqu’au délit - la pédophilie, la zoophilie -, dont
le moins qu’on puisse dire est qu’elles n’agrandissent pas la part de lumière de
chacun. Au total, la technique, quand elle n’est pas associée à une recherche de
signification et à une ambition, ne peut apporter ni le bonheur ni l’équilibre
mental.

En revanche, si le partenaire est plus qu’un objet : un être, si la relation est un


échange entre deux êtres et si cette relation est amoureuse, l’union des sexes
acquiert un sens et une dimension. Faire l’amour devient une façon de dire son
amour, d’être l’amour. C’est chercher à offrir à l’autre le plaisir le meilleur pour
son plus grand bien-être, pour son épanouissement, c’est lui exprimer
concrètement de l’estime, de la sollicitude, c’est se rapprocher de lui au plus près
de son corps mais aussi, et surtout, de ses émotions, de ses rêves, de ses peines,
c’est une communion. De la sorte, la sexualité n’est plus séparée de l’affectif, de
la pensée, de l’âme.

L’amour multiplicateur

Alors, l’amour rend au centuple ce que l’on fait en son nom. Le plaisir est accru :
l’érotisme a tout à gagner de l’amour, de la tendresse, de la considération. D’une
part, celui qui aime va raffiner son art érotique : il aura plus de patience, il sera
plus à l’écoute, il sera dans l’excellence, il fera passer l’autre avant son propre
assouvissement. D’autre part, l’amour a un effet magique : le désir et le plaisir
sont multipliés quand les êtres se portent un respect réciproque, quand la
générosité les anime, quand leurs émotions les font vibrer. L’orgasme survient
plus facilement, son intensité est plus forte et il se mue plus aisément en extase.
Du reste, s’il ne se produit pas, l’euphorie d’être ensemble et si proches vaut
bien tous les orgasmes. À l’extrême, la jouissance pourrait ne plus passer
forcément par le rapport sexuel.

Le bonheur est atteint : la joie de l’acte sexuel ne vient plus seulement de


l’excitation des capteurs sensibles, mais du sentiment de proximité, de partage,
d’union. On a infiniment plus de bonheur à faire l’amour avec un être aimé et
qui vous aime qu’avec un objet sexuel.
20
Histoire d’une guerre contre le clitoris

Je ne pense qu’à donner du plaisir et du bonheur à la femme, moi, le clitoris.


« Ce n’est pas juste, dites-vous monsieur, quel énorme privilège pour elle ! »
Pourtant, quand vous me taquinez et que la femme jouit, vous exultez, vous
adorez lui mettre la tête à l’envers grâce à moi. Et puis, vous savez bien que je
suis votre allié : combien de fois, alors que votre compagne hésitait encore à
vous ouvrir les portes du paradis, je veux dire ses cuisses, vous ai-je aidé. Il vous
a suffi de me solliciter intelligemment et le miracle s’est produit. De toute façon,
si vous aimez votre amie, vous devriez vous réjouir de son plaisir.

La jalousie que manifestait mon interlocuteur est une des raisons de mes
malheurs. Voilà quinze mille ans - c’était les débuts du patriarcat - que les
hommes me font la guerre, m’accusant de tous les maux et m’infligeant les pires
supplices. Tous ne me coupaient pas mais tous m’assassinaient.

Quand le sexe était divin

Il était une fois un pays qui avait nom la Terre, où vivait une espèce bizarre qui
ne portait pas de poils et dont la progéniture naissait plus nue que des vers et
incapable de se mouvoir, ne serait-ce que pour approcher leur mère et accéder à
ses mamelles (qui déjà auraient pu s’appeler des seins). Rien dans le cerveau de
ce nouveau-né n’était opérationnel : ses centres de locomotion, ceux de
l’équilibre, ceux de la vision, ceux de la thermorégulation, etc. Bref, son cerveau
était immature. Il faut savoir que dans cette espèce en devenir d’humanité,
l’intelligence croissante n’avait cessé d’augmenter le volume du cerveau qui,
parti de 370 cm3, allait atteindre plus tard 1 500 cm3 (c’est nous !). Mais arrivé à
700 cm3 un problème s’était posé : la tête du petit ne passait plus à travers le
bassin de la mère dont le diamètre était inférieur.

Une seule solution : que le petit soit expulsé à ce stade, c'est-à-dire immature.
Hélas, dans cet état, le fœtus n’avait pas plus de chance de vivre qu’une larve
jetée sur le sable du désert : il était le plus démuni des vivants. Pourtant, il allait
survivre et devenir le roi du monde grâce à une femme : sa mère, qui allait
achever, dans ses bras, la création qu’elle avait commencée dans son ventre. Elle
allait porter le bébé, le réchauffer, le protéger et surtout le nourrir de sa propre
chair.

L’homme, lui, voyait le ventre de cette femme grossir et en sortir un petit,


accomplissant ce que tous les autres vivants font : les animaux qui vêlent ou
fraient, les herbes des savanes et les arbres des forêts qui essaiment leurs graines.
La femme participait à la création de la vie et lui, l’homme, en était exclu (il ne
connaissait pas encore son rôle dans la procréation). En ce temps-là, l’homme en
éprouvait plus d’admiration que de jalousie. À tel point qu’il en rajoutait : il
prêta à la femme des pouvoirs magiques, celui de retirer la vie qu’elle avait
donnée, de parler avec les morts, de prédire l’avenir, de guérir, etc. Pouvoirs qui
s’ajoutaient aux pouvoirs réels que lui conféraient l’élevage de bébé et sa
présence en permanence au gîte - dit bientôt « foyer » -, tandis que l’homme était
à la chasse. Elle devenait ipso facto chef de famille et chef de clan et n’arrêtait
pas d’inventer : elle découvrait les plantes qui guérissent et inventait la
médecine, elle cueillait les graines et inventait le jardinage puis l’agriculture, elle
recueillait les petits d’animaux et inventait l’élevage, elle inventait aussi la
poterie, la couture, le tissage, etc.

En plus des pouvoirs que lui conférait la maternité, un autre pouvoir allait rendre
la femme plus magique encore : son pouvoir érotique. Elle est capable de faire
naître chez l’homme une force - le désir - qui le pousse irrésistiblement vers elle.
Arrivé entre ses bras, il connaît le plaisir le plus extraordinaire qu’il puisse
éprouver. Dès lors, il ne pense plus qu’à retourner près d’elle pour retrouver la
même ivresse. Ainsi il s’attache, devient dépendant d’elle et perd la maîtrise de
son destin. La femme elle-même manifeste un désir et un plaisir qui paraissent
encore plus violents que ceux de l’homme. Son déchaînement est
impressionnant, fascinant et... inquiétant. La femme ensorcelante, sûrement.
Sorcière ?
Pouvoir de donner la vie, pouvoir d’enivrer l’homme, la femme est décidément
un être extraordinaire. Aussi l’être surnaturel qui a créé le monde et les humains
ne peut être qu’une femme : c’est la Déesse Mère.

Le matriarcat fut cette époque qui remonte à la préhistoire, où la Déesse régnait


et où la femme prédominait ou, plus justement, les valeurs féminines : le respect
de la vie, la sollicitude envers les autres, la tendresse, la non-agressivité, la
paix, etc.

Le sexe féminin condamné

Un jour funeste, l’homme prit le pouvoir à la faveur de diverses circonstances


dont la découverte qu’il fit alors de son rôle dans la procréation : son sperme est
une semence et comme telle, elle est à l’origine de la reproduction. Alors tout se
renversa : le phallus érigé devint l’emblème de la nouvelle civilisation, Dieu le
mâle remplaça la Déesse Mère et la femme fut réduite en soumission. L’homme
organisa la société - le patriarcat - de sorte que toute l’autorité, tous les
privilèges se trouvent entre ses mains ; la femme perdit tout droit et toute
considération. L’arme la plus perfide et la plus efficace pour la réduire, fut la
dévalorisation, voire l’humiliation. Les religions phallocratiques usèrent
particulièrement de cette arme.

Maître de la femme, l’homme fut-il pour autant plus heureux ? Non point, il
vécut dans une peur obsessionnelle que la femme ne lui dispute l’autorité, les
énormes privilèges et les droits léonins qu’il s’était accordés. Et si la femme,
comme tout esclave, se révoltait ? Ne détient-elle pas toujours les pouvoirs
magiques qui d’antan l’avaient faite reine : la maternité et la sexualité ? La
puissance sexuelle de la femme était bien ce qui menaçait le plus l’organisation
patriarcale.

Que pouvait bien redouter l’homme de la richesse érotique féminine qui pourtant
l’avait subjugué ? Il avait peur d’être épuisé et attendri et de ne pouvoir remplir
ses rôles sociaux (de chef, de chasseur, de guerrier), il craignait d’être attaché et
aliéné et de n’être plus le maître de son destin, enfin il s’inquiétait des désordres
publics liés aux passions sexuelles que provoquerait la femme : désir, jalousie,
rivalité entraînant des conflits entre les individus, voire entre les tribus, et des
ruptures de mariage. Il inventa alors un arsenal aussi multiple que cruel pour
réprimer la sexualité féminine : faire du plaisir sexuel quelque chose de honteux
voire un « péché », culpabiliser la femme en la chargeant d’une faute originelle
de nature sexuelle, la séquestrer dans des lieux clos, l’enfermer dans le mariage
avec obligation de fidélité (sous peine de mort) et summum du passage à l’acte,
la mutiler : s’en prendre à ses organes sexuels et plus spécialement à moi, le
clitoris, jusqu’à me couper.

Le sexe diabolisé : la porte de l’enfer

En Grèce, l’homme peina à sortir de l’ère matriarcale, mais il installa


progressivement une civilisation patriarcale si parfaite - une véritable
phallocratie - qu’elle servira de modèle à tout l’Occident. La femme, être
infériorisé, relégué au gynécée, n’a plus aucun droit à part celui de produire des
enfants, mâles si possible. Quant à son sexe, il est l’objet de tous les mépris et de
toutes les peurs masculines. La toison pubienne, comme je l’ai déjà évoqué, est
aux yeux des hommes, une preuve d’animalité ou pire de barbarie ; il faut
l’épiler, ne jamais la faire figurer - non plus que la vulve et sa fente - sur une
statue.

L’intérieur même de la vulve, et a fortiori celui du vagin, inspiraient à l’homme


une véritable épouvante : humide c’est une fondrière, un marais, voire une mer
où il risque de sombrer, profond c’est un abysse où il craint de s’abîmer, creux
c’est une gueule monstrueuse qui menace de le mordre, pire de le dévorer,
d’autant que ce creux saigne. Ce sang, du reste, rend la femme « impure » et
« maléfique ». Ainsi, peur et dégoût mêlés, inspirent à l’homme quantité de
fantasmes.

Les mâles chrétiens, théologiens en tête, reprendront à leur compte ces peurs et
cette répression. Leur lutte contre la sexualité féminine, qui va devenir
obsessionnelle, prendra l’allure d’une guerre psychologique à base d’interdits, de
culpabilisation, de contrôle par la confession et de punition par les pénitences.
On ne se rend plus compte à quel point la pression fut forte sur nos aïeux. À titre
d’exemple, je vous citerai un extrait d’un manuel de confession du XIXe siècle.
« Moechialogie (moeschia = luxure) du père P. Debreyne, trappiste. De la
masturbation considérée dans le sexe féminin. Nous distinguons dans les femmes
trois espèces ou plutôt trois formes de masturbation : 1) la masturbation du
clitoris ; 2) la masturbation vaginale ; 3) la masturbation utérine.
1) La première forme ou le clitorisme, comme on dit, est le mode ordinaire.
Cette masturbation se fait surtout à l’aide du petit organe qui s’appelle le
clitoris, et qui, selon les médecins, est le siège ou le principal organe de la
jouissance vénérienne ou de la volupté charnelle. Il est situé à la partie
supérieure et au milieu de la vulve, c'est-à-dire du pudendum. Ce petit organe,
par suite d’un éréthisme fréquent et presque continuel venant de l’écoulement ou
d’une disposition native, peut croître en de telles proportions, qu’il simule
quelquefois le membre viril. C’est de là qu’aux temps d’ignorance est née la
fausse croyance aux hermaphrodites. C’est ainsi que des femmes perdues et de
mœurs corrompues s’efforcent d’usurper quelquefois ou plutôt d’imiter le rôle
exclusivement réservé à l’homme...

2) La seconde espèce ou la masturbation vaginale, moins fréquente que la


précédente, indique généralement une plus grande corruption de l’imagination
parce que ce genre de masturbation se fait par l’introduction ou des doigts ou de
quelques instruments adaptés, que les suggestions diaboliques ne cessent de
fournir à la passion libidineuse [godemichés].

3) La troisième et dernière espèce ou l’utérine, beaucoup plus rare que les autres,
mais très grave, très nuisible à la santé, est surtout désordonnée et par
conséquent la plus coupable et peccamineuse, en raison du degré de malice des
circonstances plus ou moins aggravantes. Voici comment elle procède : un
chatouillement ou irritation prolongée est produit au col de l’utérus (c'est-à-dire
à la partie inférieure de la matrice qui se trouve à l’extrémité supérieure du
vagin) à l’aide des doigts ou de certains autres instruments. [...]

Terminons ce chapitre par quelques mots sur la conduite du confesseur à


l’égard des personnes excessivement timides ou qu’une fausse honte empêche de
s’expliquer suffisamment sur cette matière. Le confesseur doit d’abord montrer
un air doux, facile et bienveillant. Il engagera les jeunes personnes à dire avec
simplicité tout ce qu’elles savent sur le point en question. Il se composera
convenablement afin de ne pas paraître ému ou étonné de rien, et ne pas avoir
l’air d’écouter avec trop d’intérêt ou de curiosité ; il vaut mieux, en apparence,
y être assez indifférent. Le confesseur pourrait même dire qu’il a entendu là-
dessus plus qu’on ne pourra lui en apprendre (...) Pour découvrir la mauvaise
habitude, il ne faut jamais paraître en douter. N’interroger donc pas sur le point
principal ou le fond de la chose, mais sur l’accessoire ou quelqu’une de ses
circonstances. Au lieu de questionner les jeunes filles sur tel péché qu’on craint
qu’elles ne cachent, on doit leur faire dire combien de fois elles l’ont commis :
hésitent-elles à répondre ? On leur demandera un nombre considérable,
invraisemblable, au-dessus du véritable, afin de les enhardir à en avouer de
suite un nombre moindre. »

Cependant cette pression psychologique ne suffira pas aux mâles religieux, ils
vont aussi s’attaquer directement au corps et à la vie des femmes. Pendant sept
siècles l’Inquisition va poursuivre des millions de femmes sous l’accusation de
sorcellerie (en réalité leur seul crime était d’être femmes) ; elle les soumettra à la
« question », des tortures raffinées dont les seins et les organes sexuels - en
particulier, moi, le clitoris - seront les cibles. Beaucoup de ces malheureuses, des
centaines de milliers, seront brûlées sur les bûchers. Ainsi, l’Église a voulu non
seulement attenter au sexe de la femme, mais prenant le tout pour la partie, a
tenté de détruire la gent féminine, réalisant ainsi une véritable tentative de
« sexocide ».

Le clitoris assassiné

Dans la suite des siècles, les médecins, arguments « scientifiques » à l’appui,


vont conforter le combat des clercs. Au XVIe siècle, des médecins pratiquent
l’ablation des nymphes trop développées sous prétexte qu’elles seraient signes
de maladie utérine ; ils en profitent au passage pour « égaliser » le clitoris.
Certains médecins avouent carrément pratiquer l’ablation du clitoris en cas
« d’appétit sexuel excessif ».

Le XVIIIe siècle renchérit. Le docteur Levret rapporte avoir guéri un cas de


« nymphomanie » par l’ablation du clitoris. Sans doute l’opération ne devait pas
être exceptionnelle. En 1764, le docteur Tissot publie un ouvrage qui aura un
succès considérable et sera réédité jusqu’en 1905 : L’Onanisme, dissertation sur
les maladies produites par la masturbation. Jusqu’alors la « manuellisation »
était du ressort des théologiens qui la considéraient comme un péché ; voilà que
les médecins s’en emparent pour en faire une maladie extrêmement grave. Tissot
fait une description terrifiante des conséquences funestes de cette pratique pour
la santé. À sa suite, tous les médecins du XVIIIe siècle vont s’acharner sur la
masturbation. Par exemple, le docteur Bienville.
Bienville fit paraître en 1771 La nymphomanie ou traité de la fureur utérine (!).
Selon lui, la masturbation chez la femme la conduit à la dépendance au plaisir, et
à une recherche effrénée de volupté, quitte à s’en prendre à tous les hommes. In
fine, c’est la folie qui s’en empare. Ce médecin accuse les « organes de la
volupté qui sont nombreux chez la femme » et la femme qui se laisse « asservir à
ses organes » ; il désigne tout spécialement moi, le clitoris. Et de s’emporter
contre cette « fougue vicieuse qui est une maladie honteuse et horrible qui
couvre d’opprobre et d’infamie non seulement la personne qui en est attaquée
mais aussi les parents qui ont eu le malheur de lui donner le jour. » Toutefois, il
s’insurge contre l’enfermement dans des « maisons de force et les sévices qu’y
subissent les femmes qui se masturbent. » Il conseille, ce bon médecin, des
traitements plus doux : saignées, purge, régime, bains ou cataplasme, ces deux
derniers « soins » étant destinés à « humecter » des tissus brûlants.

Vous revenez de loin

Le XIXe siècle, quasiment le siècle dernier, celui de vos arrière-grands-mères, a


été le plus atroce pour la sexualité de la femme. Nombre de médecins écrivent
des livres qui auront une grande et durable influence et où ils n’hésitent pas à
préconiser des attaques directes du clitoris, y compris l’excision. Ils justifient
leur position par trois types d’arguments : un, le clitoris ne sert pas à la
procréation ; deux, le clitoris peut engendrer des pulsions incontrôlables qui
risquent de précipiter filles ou femmes de la bourgeoisie dans des conduites
pouvant mener la « maison » à la ruine ; trois, le clitoris est à l’origine d’un
syndrome dit « hystéro-épilepsie », affection bidon inventée pour qualifier les
femmes dont la grande féminité inquiètent les hommes.

Tous les médecins d’Europe, en ce XIXe siècle, les plus hautes autorités
médicales en tête, conseillent et pratiquent la clitoridectomie par bistouri ou
ciseaux ou galvanocautère. Je citerai quelques-uns de ces furieux. En 1825, le
docteur Rozier, par exemple, décrit les complications de la masturbation : « Les
femmes livrées à des habitudes pernicieuses présentent [...] des symptômes de
consomption dorsale [...] leur corps maigrit et se consume [...]. Il survient des
maladies du cerveau et des nerfs, de la stupidité et de l’imbécillité [...]. Celles
qui sont jeunes prennent l’air et les infirmités de la vieillesse, leurs yeux se
cavent, leur corps se courbe, leurs jambes ne peuvent plus les porter. Elles ont
un dégoût général... Plusieurs tombent paralysées. »
En 1827, le docteur Pavet de Courteille, médecin du collège royal Saint-Louis,
propose pour les pensionnaires « des chemises qui descendraient au-dessous des
pieds... munies d’une coulisse que l’on devrait serrer ». Pour les latrines, il
conseille de couper le haut et le bas des portes afin de surveiller les élèves. De
toute façon, tout élève surprise à se masturber est immédiatement exclue.

En 1836, le docteur Lallemand écrit un réquisitoire de 1 784 pages, en trois


volumes, contre la masturbation. En 1842, le Père Debreyne, médecin et
trappiste, dans un essai, se révèle être l’ennemi juré du clitoris : « Pénis en
réduction qui ne sert qu’à la volupté et nullement nécessaire à la procréation. »
Si l’organe devient source d’excitation, c’est qu’il est malade, alors il est
légitime de procéder à son ablation. En attendant de recourir à ce traitement
radical, il propose diverses prescriptions : obliger la masturbatrice à se coucher
sur le côté, lui faire manger et boire rien que du froid, lui faire absorber de la
glace pure, appliquer sur la vulve des vessies de glace pilée ou d’eau froide
salée.

En 1864, le professeur Broca, l’un de nos plus célèbres neurologues, préconise


devant la Société de chirurgie, de réaliser la suture des grandes lèvres pour
« mettre le clitoris à l’abri ». Le brave homme !

En 1867, le professeur Fonssagrive publie un essai fanatique contre les


« caresses vicieuses ». La même année, le professeur Guérin, de l’Académie de
médecine, conseille de brûler le clitoris au fer rouge chez les « onanistes ».

En 1868, le docteur Bergeret, dans un ouvrage réimprimé huit fois, montre que
le cancer de l’utérus et les maladies de cœur sont le lot de celles qu’attaquent
« les spasmes cyniques »1. En 1894, le docteur Pouillet répand, dans un manuel,
la technique de cautérisation de la vulve au nitrate d’argent. Il s’agit de passer le
produit sur toute la surface de la vulve, il s’ensuit que toute tentative
d’attouchement provoque des douleurs cuisantes qui rendent impossible la
« manuellisation ». Ce docteur est par ailleurs partisan de la camisole de force ;
il est aussi l’inventeur d’une ceinture contentive « qui boucherait
hermétiquement l’orifice vulvaire » ce qui « rendrait un signalé service aux
masturbatrices » (sic).

À la même époque le docteur Garnier, grand spécialiste de la clitoridectomie,


menace, dans un essai, les « onanistes » de toutes sortes de maladies : myopie,
surdité, convulsions, anémie, idiotie... D’autres médecins pratiquent la section
des nerfs honteux internes - ce qui entraîne une insensibilité des organes sexuels
- pour « lutter contre la masturbation excessive ».

L’apparition des idées de Freud, libérant les tabous sexuels, mit un terme à
l’acharnement des médecins contre la masturbation. Toutefois, on vendra encore
des « bandages médicaux contre l’onanisme » jusqu’en 1914. Et en 1927, un
médecin conseille des gants anti-masturbation à faire porter aux enfants la nuit :
« chaste est la main gantée », écrit-il. Tous ces siècles de campagne anti-
onanisme empoisonneront la vie sexuelle des humaines jusqu’à nos jours.

Au XXe siècle, l’Église continue, seule, son combat. En 1967, un abbé connu
écrit : « La masturbation est un dangereux raté de la maturation sexuelle contre
lequel il faut lutter sans découragement, en faisant appel à toutes les ressources
du psychobiologique, comme du spirituel. »

Il est stupéfiant de constater que tous ces « bourreaux » du clitoris sont


occidentaux et français. Et que penser des ablations et des réductions de clitoris
pratiquées en Grande-Bretagne jusqu’en 1920 et de celles encore pratiquées aux
États-Unis (2 000 bébés par an) pour cause alléguée « d’hypertrophie » ? Ces
normalisations me semblent très suspectes2.

1. Guerrand Roger-Henri, « L’amour et la sexualité », L’Histoire, n° 63 spécial.


2. Angier Nathalie, Femme !, R. Laffont, 2000.
21
Excisions physiques et psychiques

Il y a deux sortes d’excision : les excisions réelles et les psychiques. Voyons


plus généralement toutes les agressions qui portent sur le sexe de la femme. La
ceinture de chasteté, employée sous toutes les latitudes, y compris dans la
chrétienté, est une agression non sanglante mais cruelle. En occluant la vulve,
elle empêche non seulement l’intromission du pénis mais elle interdit aussi toute
caresse envers moi-même ou envers le vagin.

Les excisions réelles

L’infibulation (fibula : anneau) consiste stricto sensu à passer un anneau à


travers les grandes lèvres pour interdire le coït. Cependant, le terme s’est étendu
à un acte plus large qui consiste à trancher les grandes lèvres et à accoler les
surfaces cruentées au moyen de fils de suture. Les chairs se fusionnant, l’accès
au clitoris et au vagin est rendu impossible ; les urines et les règles s’évacuent
par un pertuis aménagé en arrière. Le soir des noces, l’époux tranche la cicatrice
d’un coup de lame.

L’excision consiste à me sectionner, moi, le gentil clitoris, à l’aide d’un couteau,


de ciseaux, ou d’un bistouri. Dans les mutilations traditionnelles et donc
« artisanales » on ne peut éviter d’enlever en même temps que moi-même une
partie de la vulve ; seule la clitoridectomie réalisée par un chirurgien avec un
bistouri peut être limitée à mon gland. Souvent une infibulation est associée à
l’excision. Au couteau certains barbares préfèrent le feu ; les barbares sauvages
utilisent la brûlure au tison rougi, les barbares civilisés usent du thermocautère
ou du nitrate d’argent (comme on le fait pour les verrues). Bien souvent c’est
toute la vulve qui est brûlée.

Dans le chapitre précédent, j’ai exposé à travers les siècles les pratiques
mutilatrices de l’Occident. Reste à voir celles qui ont cours en Afrique et au
Moyen-Orient.

Tu seras une femme, ma fille

Cent trente millions de femmes sont excisées. Deux millions de fillettes sont
mutilées chaque année. Parmi les vingt-huit pays qui pratiquent cette abominable
mutilation quelques pays d’Extrême-Orient et du Proche-Orient et de nombreux
pays d’Afrique. Dans les pays de religion musulmane, l’excision suit une
tradition préexistante. Le Coran ne parle ni de l’excision ni, du reste, de la
circoncision. Mais dans les Hadiths - les faits et gestes du Prophète - Mahomet
demande charitablement qu’on n’ampute plus la totalité du clitoris mais une
partie seulement. En Égypte, par exemple, l’excision remontait à l’Antiquité ; les
Égyptiennes devaient sacrifier leur clitoris si elles voulaient accéder aux
fonctions publiques (prêtresses, a fortiori reines). Moïse ramènera d’Égypte la
circoncision mais, heureusement, pas l’excision.

À vrai dire, l’excision n’a guère de fondement religieux, c’est plus une pratique
traditionnelle. Quelles sont les bases de cette tradition ? Officiellement, le but est
de rendre la femme plus femme, de lui donner une apparence plus féminine : le
clitoris qui est comme un petit pénis et les grandes lèvres qui sont comme des
bourses, enlaidissent la femme. La femme doit être lisse, sans rien de
surnuméraire - appendice ou renflement. Question d’esthétique. Il faut entendre :
la femme doit n’être qu’un trou.

« Ma petite chérie, répète la mère pendant des années à sa petite fille en


désignant sa vulve, tout ça c’est pas beau. Ton petit zizi, c’est vraiment laid et ta
fente c’est sale, c’est plein de microbes. Il faudra qu’on te débarrasse de tout ça,
comme ta grande sœur. Si on garde ça, tu ne pourras pas te marier, les hommes
n’épousent que les filles excisées. Et tu ne pourras pas avoir d’enfants », (le
dernier argument porte dans les civilisations où le seul rôle de la femme est la
maternité). Ainsi, dès leur naissance les petites filles subissent un véritable
lavage de cerveau. Aussi attendent-elles impatiemment d’être débarrassées de
cette souillure.

La fille non encore excisée se compare avec les excisées : « Oui, c’est pas beau
comme je suis, c’est sale. Vivement que je sois excisée. » Cependant, elle a
entendu les grandes filles parler à mots couverts des douleurs de l’opération et
pose des questions à sa mère : « Tu vas avoir un petit bobo, répond celle-ci, mais
on fera une grande fête et tu auras des cadeaux et des bonbons. De toute façon,
tu dois obéir à Maman. »

À 8 ans, le grand jour arrive. La fillette est solidement maintenue : une femme
tient sa tête, une un de ses bras, une autre son autre bras, une son corps, une ou
deux une cuisse, une ou deux l’autre cuisse - ces dernières écartant les cuisses au
maximum -, enfin, placée entre les jambes, une dernière femme écarte les
grandes lèvres. Alors l’exciseuse, une vieille femme aux yeux trop fatigués pour
me repérer moi, le petit bouton, armée d’une pince et d’un couteau, tranche dans
le vif. Les tissus les plus sensibles de la femme (là où passent des milliers de
nerfs, là où sont des milliers de capteurs, là où sont les éponges de sang) sont
martyrisés. La douleur est atroce et son souvenir hantera toute la vie de la
femme.

Suit la fête qui tournera à l’orgie souvent. La fillette ensanglantée, folle de


douleurs est accueillie par toute la famille. Les femmes entonnent le chant des
excisées (un chant poignant à vous retourner l’âme). On offre à la suppliciée des
cadeaux et des friandises. On la chouchoute.

Une tradition à laquelle il fallait obéir s’est accomplie. C’est un événement


social qui est censé structurer la fille : désormais elle est initiée, elle a acquis son
identité, elle peut être intégrée au groupe. « Maintenant tu es une vraie femme, tu
es propre. Tu fais partie de la communauté. » Même si elle a souffert
abominablement, la fille comprend que c’était le prix à payer pour être acceptée.

Malheur à celle qui refuse l’initiation, elle est rejetée de la société, regardée de
travers, culpabilisée de ne s’être pas conformée à la tradition. Elle est comme ces
femmes blanches dont le sexe est si sale.

Si ce sont les femmes qui conduisent l’excision (les mères, les femmes du
village, l’exciseuse) en réalité, elles ne font que transmettre une tradition
patriarcale : les femmes ne font qu’obéir à leur mari auquel elles sont
complètement soumises. L’enfant appartient à la famille paternelle, c’est elle qui
prend la décision, la mère ne peut s’y opposer.

Toutefois, des femmes courageuses ont parfois tenté de se révolter. Ce fut le cas
en Tanzanie en 1906 où eut lieu un soulèvement de femmes, des dizaines d’entre
elles furent emprisonnées puis exécutées. On n’admet pas qu’une femme renie la
tradition, on accuse les rebelles d’être manipulées par les colonisateurs
européens. Actuellement, de nombreuses associations, liées à des ONG,
soutiennent les femmes qui refusent l’excision1.

De multiples complications

Les complications consécutives à l’excision sont nombreuses et graves. Sur le


coup, la douleur est horrible, je l’ai dit, car cette mutilation est faite sans
anesthésie. L’hémorragie est importante et entraîne parfois la mort. Dans les
jours qui suivent, en raison du manque d’asepsie, des infections se déclarent,
entre autres des septicémies, des gangrènes ou le tétanos ; beaucoup sont
mortelles. Les conséquences à long terme sont également redoutables : douleurs
chroniques et complications liées à la cicatrice sclérosante (et hideuse) telles des
complications urinaires et des complications obstétricales. La cicatrice constitue
un obstacle à l’accouchement et quand elle se rompt, elle entraîne la rupture de
la cloison vagino-vésicale et de la cloison vagino-rectale, d’où des hémorragies
mortelles.

Bien entendu la mutilation constituera un handicap considérable à la vie


érotique. Outre les douleurs qu’éveille le contact des cicatrices et la gêne
qu’apportent les déformations cicatricielles, la perte d’un des deux pôles
érotiques réduit très fortement les possibilités de jouissance de la femme.
D’autant que la disparition de ce premier pôle fait perdre le meilleur moyen
d’érotiser le second, c'est-à-dire le vagin, réduisant ses chances de parvenir à
l’orgasme. Quant au vagin lui-même, il peut être directement affecté par la
mutilation, en ce sens que les remaniements des tissus peuvent gêner son accès.
Néanmoins, il arrive qu’à la longue le vagin s’érotise, certaines femmes peuvent
alors connaître l’orgasme. « C’est, disent-elles, comme de démarrer une voiture
en seconde. Ça demande beaucoup de temps pour parvenir au plaisir. Il faut un
homme patient et amoureux. »
Signalons que beaucoup d’excisions sont faites maintenant par des chirurgiens et
sous anesthésie, ce qui supprime douleurs au cours de l’acte (sinon après) et
complications. Moi, le clitoris, je considère toutefois que moderniser un acte de
barbarie ne le rend pas moins barbare. On a aussi proposé de faire des excisions
symboliques : on ne me coupe plus vraiment, mais on pratique un rituel qui
consiste à me purifier et à me faire disparaître mentalement. De la sorte, la
fillette se soumet à la tradition et acquiert sa place de « vraie femme » dans le
groupe sans être blessée. Toutefois, le principe de retrancher à la femme, ne
serait-ce que symboliquement, une partie de sa sexualité est inadmissible.

Vous qui avez subi une excision, je vous dirai bientôt comment épanouir quand
même votre bonheur sexuel.

Les excisions psychiques

Pratiquer une excision psychique, c’est détourner la femme de moi, le clitoris, et


de mes plaisirs. Une première méthode d’excision psychique, celle qu’utilisent
les mâles chrétiens, consiste à décréter que la caresse du clitoris est un péché,
quelque chose de sale, de honteux qui sera puni par l’enfer. La seconde méthode,
celle dont usent les médecins, consiste à dire que le clitoris est un organe qui ne
sert à rien, si ce n’est à procurer du plaisir, lequel plaisir est source de maladies
graves. La troisième méthode, celle de Sigmund Freud et de Marie Bonaparte,
consiste à prétendre que je ne suis qu’un pénis atrophié, un organe viriloïde,
juste bon à donner des plaisirs mineurs à des minables.

À partir de ces préjugés qu’ils ont adoptés, parents et éducateurs exercent une
sévère répression. Pour ce qui concerne la fille, c’est la mère qui s’en charge. Le
jour où elle découvre sa fille se masturbant, c’est un choc pour elle ; parfois elle
se tient, d’autres fois elle se met en colère. « Ma mère m’a surprise, elle s’est
mise à crier, elle m’a donné deux gifles. Elle m’a dit qu’elle avait honte d’avoir
une fille qui faisait ça, que c’était un vice à soigner et elle m’a emmenée chez
son vieux médecin. Lui, il ne m’a pas attrapée mais il a dit que je ne pourrais
pas avoir d’enfant si je continuais, que j’allais devenir idiote. J’ai arrêté
aussitôt de me caresser. Je me dégoûtais, je me sentais bizarre, anormale.
Comme j’avais encore des envies, je ne me supportais plus, je me sentais
coupable, j’angoissais. Beaucoup plus tard, j’ai essayé de me caresser mais je
n’éprouvais plus de plaisir », raconte une femme d’un certain âge.
Quelles soient violentes ou posées les attitudes relèvent des mêmes registres. La
dévalorisation : « se toucher c’est honteux, c’est sale, c’est dégradant ». La
culpabilisation : « ce sont de vilaines manières, des manières de vicieuses ». La
menace : « tu vas tomber malade, ton clitoris va grandir, on ne saura plus si tu
es une fille ou un garçon, tu ne pourras pas te marier, tu ne pourras pas avoir
d’enfant ». La punition : « tu seras privée de télévision, de cinéma, de
sortie, etc. » ou « tiens voilà une gifle ! ». L’inquisition : écouter aux portes,
inspecter le linge, renifler les doigts, etc.

Les conséquences de ces attitudes sont catastrophiques ; elles gênent ou bloquent


l’épanouissement sexuel ultérieur. Cette répression est un véritable
empoisonnement de la vie sexuelle.

Les véritables causes de l’excision

Les explications officielles qu’avancent les exciseurs pour justifier leurs méfaits
ne sont qu’alibis. Que disentils ? Que le clitoris est un appendice d’apparence
masculine qui dépare la femme et renforce ses tendances viriles. Argument des
exciseuses manipulées par les hommes. Que l’usage du clitoris est dangereux
pour la santé et rend impossible le plaisir vaginal. Argument des médecins. Que
le clitoris est un ersatz, etc. Argument de Freud. Sans oublier les explications
folkloriques qui prétendent que le clitoris est un objet pointu susceptible de
blesser le pénis : un dard venimeux pour les Bambaras d’Afrique noire, une
micro-flèche pour les Nadis d’Afrique, une épine qui se détache la nuit pour aller
piquer les hommes pour les Indiens du Guatémala. Et qui sait si les ronces qui
griffent le Prince charmant ne renvoient pas à ces fantasmes ?

Plus intéressante est la position des hommes actuels partisans de l’excision.


Conversation avec des mâles égyptiens :

« Pourquoi voulez-vous que vos femmes soient excisées ?

- C’est la tradition et puis c’est sans importance : c’est juste un petit bout de
peau. Comme pour nous la circoncision.

- Mais c’est douloureux !

- Maintenant on peut le faire chirurgicalement avec anesthésie.


- Et vous ne croyez pas que vous les empêchez de jouir ?

- Ce qui les fait jouir, c’est le trou. Toutes nos femmes jouissent sans
problème ! »

En vérité, la circoncision coupe un repli de peau dépourvu de sensibilité


particulière. En revanche, l’excision tranche un organe qui contient 8 000 fibres
nerveuses branchées sur autant de capteurs de volupté, capteurs qui ne se
trouvent que là. C’est comme si on tranchait le gland pénien. Les nerfs coupés et
les capteurs de volupté supprimés ne repousseront jamais. Il sera du reste
extrêmement difficile pour ces femmes de jouir, ce qui rassure les maris qui se
sentent menacés par la richesse sensuelle de la femme. Lesquels maris
s’adressent en extraconjugal à des femmes non excisées lorsqu’ils veulent
connaître la plénitude de l’érotisme féminin.

Les véritables raisons de l’excision sont tout autres. Moi, le clitoris, j’offre à la
femme des plaisirs qui la rendent autonome. Grâce à moi la femme peut jouir
jusqu’à l’orgasme, sans passer par l’homme et sans rien lui donner, c'est-à-dire
très égoïstement. Il est un pays, je ne sais plus lequel, où l’on m’appelle « le
mépris de l’homme ». Se suffisant à elle-même, la femme échappe à l’homme.
En supprimant le clitoris, le mâle espère que la femme - réduite à son « trou » -,
fera appel au pénis et deviendra ainsi dépendante de lui pour jouir. Alors, il
pourra mieux la dominer. Le clitoris donnait à la femme un rôle actif, le vagin la
contraint, pense-t-il, à un rôle passif de réceptacle du pénis.

Moi, le clitoris, je constitue une source de plaisir supplémentaire dont l’homme


n’est pas pourvu. Aussi est-il jaloux de n’avoir qu’un seul pôle de plaisir, alors
que la femme en a deux.

Moi, le clitoris, je multiplie la puissance érotique de la femme, y compris celle


de son vagin. Aussi les demandes de la femme risquent-elles d’épuiser l’homme,
de provoquer des infidélités, de ruiner les couples, de créer des troubles sociaux
et d’entraver le travail et l’économie. En me supprimant, les mâles veulent
réduire la libido de la femme afin de se protéger et de protéger la société
patriarcale. Moi, le clitoris, je ne suis d’aucune utilité dans la conception. En me
supprimant, on oblige la femme à se rabattre sur le vagin qui est le lieu de la
reproduction.
Toute agression contre moi, le merveilleux clitoris, ne peut qu’être inspirée par
de mauvais sentiments, le plus souvent la mâle-peur.

1. Groupe de femme pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS). Sont concernés tant l’excision que
la circoncision.
66, rue des Grands-Champs 75020 - Paris
Tél. : 01 43 48 10 87
Site Internet : www.federationgams.org
22
Trouver et retrouver l’extase

Aux femmes qui ont subi une excision et le vivent très mal, je conseille
d’entreprendre une psychothérapie avec un thérapeute qui connaît bien leur
problématique. Il existe des associations qui pourront vous conseiller (voir note
de bas de page). En ce qui concerne la chirurgie réparatrice, elle peut améliorer
les cicatrices et reconstituer des néoclitoris. Mais, recréer un clitoris, pourvu de
ses 8 000 capteurs et de ses 8 000 fibres, est irréalisable.

Le point G

J’ai mieux à vous proposer. Souvenez-vous quand j’ai parlé de mon voisin le
vagin, j’ai évoqué un de ses points érogènes : le point G (G comme Grafenberg
son découvreur). Eh bien, le point G est plus qu’un ami intime comme on le croit
communément : c’est mon jumeau. Nous ne sommes nullement jaloux l’un de
l’autre, aussi les femmes qui m’ont perdu peuvent-elles s’adresser à lui, il mettra
un point d’honneur à leur offrir des délices égaux, voire supérieurs aux miens.

Écoutez ce qu’en disent les femmes (ici non excisées) : « J’ai découvert ce
fameux point G. Il est aussi fort qu’un clitoris, déclare une femme, il prend tout
mon corps, il me fait perdre la tête, je ne sais plus où je suis. » Une autre :
« Quand j’ai découvert mon point G, c’était si sensible que j’ai cru que j’avais
un second clitoris. » Celle-ci ne croyait pas si bien dire. Dans les tribus Tangra
de Bolivie, on croit que la femme a deux clitoris. À Panama on appelle le
point G « la belle folle », comme moi on m’appelle « l’aiguillon fou ».
Vous avez toutes, Mesdames, un point G. Pour le découvrir mettez vous
accroupie (plus tard quand vous le connaîtrez bien, vous pourrez vous asseoir ou
vous allonger sur le dos ou sur le ventre). Introduisez dans votre vagin votre
médius couplé avec votre index, tous deux recourbés, pulpe en avant. Le point G
se trouve sur la face antérieure du vagin, à quatre ou cinq centimètres, c'est-à-
dire à bout de doigts. Autrement dit, il se trouve à mi-distance entre votre os du
pubis et votre col utérin. Plus qu’un point c’est une zone, large de dix à trente
millimètres.

Comment le repérer ? Un, les plis de votre vagin sont un peu plus épais à cet
endroit. Deux, sa pression provoque une envie d’uriner car il est contigu à
l’urètre devant lui (ne vous arrêtez pas, vous n’urinerez pas mais si vous êtes
trop inquiète prenez la précaution d’uriner avant). Trois, au bout d’un certain
temps de frottement les plis gonflent et forment sous vos doigts une boule
comme un noyau de cerise, voire plus. Quatre, tandis que la zone enfle, des
sensations voluptueuses apparaissent qui peuvent vous mener à l’orgasme.

Caressez la zone G comme vous le faisiez pour moi : par des mouvements
réguliers et ininterrompus soit de va-et-vient soit circulaires. Toutefois, pressez
le point plus vigoureusement et plus longuement que pour moi. Peut-être au
début ne sentirez-vous pas grand-chose, c’est comme pour l’oreille ou le palais,
on les a plus ou moins sensibles mais on peut les développer. Renouvelez vos
caresses, insistez, mon jumeau finira par s’éveiller. N’oubliez pas que le point G
est un joyau que porte la Belle au bois dormant, c'est-à-dire longtemps caché.

Le point G est mon jumeau par plus d’un point - si j’ose dire - il se stimule de
manière analogue. Il est fait de tissus érectiles, dits aussi turgescents, c'est-à-dire
de tissus vasculaires qui se gorgent de sang en cas d’excitation. C’est
l’équivalent du corps spongieux. Sur les films endoscopiques, on voit très bien la
zone G se gonfler. Il contient des capteurs sensibles, peut-être même des
corpuscules de la volupté de Kraus (ce qu’on ne sait pas encore car l’homme
s’est plus intéressé à ce qui se passe à des années-lumière de lui qu’à ce qui se
trouve à dix centimètres du mont de Vénus). Il procure un orgasme qui peut être
plus fort que le mien.

Ce qui différencie le point G de moi, c’est que son éveil demande un long
entraînement ; que sous son excitation, le haut du vagin se rétrécit en A au lieu
de se dilater en montgolfière ; et que son orgasme s’accompagne parfois de
l’émission d’un flot aqueux. C’est « l’éjaculation féminine », appellation
inappropriée et machiste de ce qui est la « fontaine de Vénus » ; du reste les
femmes dont le flot est important ne sont-elles pas appelées des « femmes-
fontaines ». Le liquide, très prosaïquement, provient des glandes de Skene
inclues dans la zone G et jaillit par l’urètre.

L’homme virtuose

Monsieur, si vous voulez offrir à votre aimée les délices du point G, agissez en
vous inspirant de ce que je lui ai enseigné. La voilà qui est allongée sur le dos,
entourez-la de toute la tendresse possible, adorez son corps, posez sur lui des
baisers brûlants et des mots fervents. Quand vous ne ferez plus qu’un,
introduisez le médius et l’index recourbés d’une main, pulpe en avant, montez-
les jusque quatre ou cinq centimètres, vous sentez les plis vaginaux un peu plus
épais, alors vous les caressez en les frottant doucement d’abord puis assez
fermement.

Si vous sentez la muqueuse enfler et faire une boule, c’est bon signe, si votre
aimée ressent une envie d’uriner, c’est un autre bon signe, si elle entonne un
murmure de volupté c’est parfait. Si l’extase ne vient pas aujourd’hui, elle
viendra dans... six mois. Mais le jour où, sous vos doigts devenus virtuoses et
son point G devenu vibrant, votre aimée décollera pour l’étoile du berger, alias
Vénus, ce sera un grand jour pour vous deux.

Et si vous, l’amant raffiné, vous remplaciez, pour caresser le point G, votre doigt
par votre pénis ? En faisant l’amour vous pouvez parfaitement et précisément
exciter mon jumeau. Il faut pour cela opter pour des positions propices. La
position du missionnaire n’est pas la meilleure, l’axe que suit alors le pénis passe
trop en dessous du point G. La position de Vénus, homme à genoux entre les
cuisses de madame, couchée sur le dos, est bonne à condition que celle-ci pose
ses talons sur vos épaules et son bassin tout contre le vôtre. La position
d’Andromaque est excellente, c’est à madame de bouger pour amener sa zone G
sur le gland, ce qu’elle fait spontanément si elle écoute son instinct. Autre
avantage de cette posture : un pénis en demi érection suffit à faire jouir le
point G. La position en levrette est la plus parfaite : l’axe de pénétration du pénis
est tel que le gland aboutit automatiquement sur le point G, ce qui n’est pas
étonnant : la merveilleuse nature avait pourvu la femme d’un point de jouissance
accessible du temps où elle était quadrupède. Elle nous l’a laissé, merci à elle.

Pour émoustiller le point G, le mettre en train, il faut commencer par me flatter


moi, le clitoris (quand je ne suis pas coupé). C’est extra d’alterner caresse du
clitoris et caresse du point G. En ce qui concerne l’intensité et la nature du
plaisir, le point G diffère quelque peu de moi : les femmes trouvent le plaisir de
mon jumeau plus intense, plus voluptueux, plus prolongé et « plus complet » en
ce sens qu’il emplit le corps tout entier.

La perle de Vénus

« C’est un endroit, sur l’avant de mon vagin, dit une femme, qui me donne un
plaisir supérieur au clitoris. Je le sens au doigt mais je le sens aussi quand mon
mari me prend par derrière avec des grands coups de pénis. » « C’est mon point
magique. Je trouve le plaisir plus fort, plus long, plus profond. Mais il faut
presser assez fermement », dit une autre femme. « L’orgasme du point G ça
dépasse tout, s’exclame une autre encore. Il n’y a que comme ça que je ruisselle.
Mon homme me fait ça mieux que moi. Quand j’ai envie d’une grande
jouissance et d’une grande détente, je lui demande. Il excelle, je raffole. »

Un dernier mot : j’aimerais qu’on cesse de donner à une zone aussi féminine le
nom d’un homme - Monsieur Grafengerg. Nommons-la désormais « perle de
Vénus », c’est aussi poétique que « clitoris ».
23
Rêves de femmes

Quand je constate qu’une femme sur deux (deux sur trois selon d’autres
statistiques) attend l’âge de 30 ans pour connaître l’orgasme par coït, j’y vois la
preuve qu’un certain temps d’apprentissage est nécessaire à la femme - et au
couple - pour parfaire leur bonheur érotique. Mais je trouve que ce délai est trop
long, que c’est beaucoup de temps perdu et que ce serait bien de réduire ce délai.
Comment faire ? D’abord, responsabiliser la femme et responsabiliser l’homme.
Puis entendre les rêves des femmes.
La part des femmes

La femme, comme nous l’avons déjà dit, ne doit pas tout attendre de l’homme,
se conduire comme un réceptacle passif. Il importe qu’elle prenne en charge sa
sexualité et y mette le prix. Elle sera active non seulement pendant l’acte, mais
aussi avant.

Avant, c’est tout le « travail » d’érotisation de son sexe et particulièrement de


son vagin que la femme doit entreprendre par l’autocaresse. Et cela bien avant le
premier coït. Puis il lui faut le continuer dans le cours de sa vie en couple. Être
active c’est aussi s’informer, se découvrir, reconnaître ses besoins, ses désirs,
prendre confiance en soi. Obtenir la jouissance plénière, c’est une acquisition
patiente, une longue conquête.

Pendant l’acte sexuel, la femme sera plus que jamais active. D’abord, il lui faut
se débarrasser de l’idée imposée par l’homme d’une totale docilité limitant son
rôle à l’écartement de ses cuisses. Puis, passer à l’action : prendre l’initiative de
l’acte d’amour, des gestes, des mouvements, des positions qui lui donnent
l’optimum de plaisir. Si elle veut jouir, il lui faudra parfois se faire quelque peu
égoïste, c'est-à-dire s’occuper en priorité de la satisfaction de ses propres
besoins, spécialement quand elle désire l’orgasme. Habituellement trop attentive
aux besoins de l’autre, elle se décentre d’elle-même et ne rassemble pas assez
d’énergie hédonique sur elle pour qu’éclate l’orgasme.

Je vous rappelle que c’est la position d’Andromaque qui permet à la femme le


plus d’initiative et la meilleure disposition de son propre corps : ici c’est elle qui
est chorégraphe et maître de ballet. C’est du reste pourquoi les macho la
refusent, tandis que les pères de l’Église la condamnaient, en prétextant que la
femme, être inférieur et responsable de la faute originelle, devait être en dessous
et subir la loi de l’homme.

À force de s’occuper de ses besoins, d’être attentive à elle-même, la femme


acquerra une pleine conscience de son sexe et particulièrement de son vagin. Un
vagin travaillé par un ardent désir d’être comblé, mais aussi un vagin devenu
préhensible comme l’est une bouche, qui sait capter le pénis, le retenir, le serrer,
le relâcher, le faire glisser, bref jouer avec lui. Ce vagin d’une exquise volupté
est bien le contraire d’un vase inerte.

Enfin une dernière façon pour la femme d’être active, est d’apprendre à
demander à l’homme ce qu’elle aime et comment il peut le lui offrir.
La part des hommes

Longtemps en Occident, les hommes se sont contentés d’utiliser le corps de la


femme : l’épanouir n’était pas leur but, ils le craignaient trop. Puis, ils ont cru
devoir être les mentors de ces femmes ignorantes, mais leur enseignement
consista à leur imposer un scénario masculin assez stéréotypé, axé
exclusivement sur le coït : pénétration - brefs mouvements de piston -
éjaculation, scénario auquel ils ont ajouté récemment des préliminaires, hélas
trop courts. Mais ils ne cherchèrent toujours pas à savoir ce que les femmes
aimeraient.

Les hommes n’ont pas à se considérer comme les uniques responsables de la


jouissance féminine et donc à prendre toutes les initiatives et à imposer leur
modèle étroit de plaisir. Autrement dit, ils n’ont pas à apprendre à la femme,
mais à apprendre la femme, c'est-à-dire à découvrir ses désirs, ses demandes et à
explorer les subtilités et les arcanes de la féminité. Qu’ils se rendent à
l’évidence : la femme est différente, si bien que leur but suprême devrait être de
s’ajuster à elle. Les dissymétries entre la sexualité de la femme et celle de
l’homme sont importantes. C’est en les harmonisant qu’on trouvera le bonheur
érotique. Là est le rêve de toute femme.

Vous dites, homme de bonne volonté, que vous voudriez connaître ces rêves,
savoir ce qu’il vous faudrait changer dans vos comportements ? Alors écoutez ce
qu’elles m’ont dit.

L’accord psychique

Les femmes voudraient qu’on accorde une grande importance à la dimension


psychique de l’activité sexuelle. Elles voudraient êtres considérées comme des
êtres complets - corps et âme - et non comme des objets sexuels - des êtres qui
ont une sensibilité, des fragilités, des blessures, des rêves, un idéal, un noyau
d’amour prêt à s’expanser. Des êtres à respecter, à estimer, à ménager.

Elles aimeraient qu’un lien affectif relie leur partenaire à elles. Faute d’amour,
elles souhaitent au moins de la tendresse, des chérissements, de la délicatesse, du
romantisme. Elles voudraient que la « relation sexuelle » soit une « relation »,
c’est-à-dire une façon de communiquer, de mettre en commun : parler, se dire, se
confier, demander, écouter, entendre, se comprendre, se soutenir, se rassurer
réciproquement. « S’il ne dit rien, écrit une femme, j’ai l’impression de n’être
qu’un moyen de plaisir. J’aime qu’il s’intéresse à moi, qu’il soit attentif à mes
désirs, qu’il ne se vexe pas de mes demandes. »

Elles aimeraient que l’échange sexuel soit le couronnement d’un temps de


complicité. Elles ne peuvent s’abandonner sans réserve à la volupté avec un
homme qui se serait comporté en dominateur, qui les aurait dévalorisées ou pire
insultées. Elles n’acceptent pas que l’homme se conduise en tyran le midi et
fasse le galant à minuit, qu’il soit injuriant l’après-midi et joue les charmeurs au
coucher.

Les femmes rêvent que l’homme adore leur féminité, qu’il la savoure, mais aussi
qu’il s’efforce de la comprendre et de la combler. À l’homme uniquement
préoccupé des trente-six positions et des performances de sa verge, les femmes
préfèrent l’homme attentif à ce qu’elles sont, à ce qu’elles sentent, à ce qu’elles
attendent.

Un océan de volupté

Les femmes voudraient qu’on accorde une grande place à la sensualité. Elles
souhaitent qu’au-delà des quelques centimètres carrés des muqueuses sexuelles,
l’activité érotique - les caresses, les baisers et tutti quanti - s’étende à tout le
corps, à toute la surface de la peau, à tous les organes des sens - l’odorat, le goût,
l’ouïe, la vue. Elles souhaitent que ces raffinements se donnent, non seulement
en prélude à la pénétration, mais aussi en « postlude ». Elles souhaitent même
qu’ils se donnent en dehors de tout objectif de pénétration et que, parfois, la
caresse soit « gratuite ».

Les préludes, la plupart les veulent prolongés, très prolongés - minimum vital :
vingt minutes - lents, variés, raffinés, inspirés par une belle imagination et
beaucoup de tendresse. Elles veulent cela non seulement dans un but utilitaire -
provoquer l’intumescence des corps érectiles et la lubrification - mais aussi par
pur plaisir, parce que c’est bon, parce que, elles, les femmes valent bien ça, cette
adulation en hommage à leur féminité. « L’amant idéal, dit une femme, c’est un
homme qui me donne beaucoup de temps, qui joue sans se presser, qui explore
plutôt que de chercher à me chauffer à blanc. C’est un homme qui ne me donne
pas l’impression de vouloir me pénétrer au plus vite. Oui c’est un homme qui me
caresserait des heures, indéfiniment, une éternité. »

Les postludes, elles y sont extrêmement sensibles. Si après l’orgasme, l’homme


la chérit par caresses, baisers et étreintes, s’il leur chuchote des mots tendres,
reconnaissants, admiratifs, elles se sentent déesses. Juste retour : n’a-t-il pas
connu un bonheur divin dans ses bras ? Inversement, rien n’est pire pour une
femme que d’être délaissée après avoir servi d’exutoire à l’assouvissement du
mâle. Les caresses de postlude font la royauté des amants.

La caresse gratuite, les femmes en raffolent. Ce sont les caresses que les aimants
se donnent sans intention de coïter, pour le plaisir de la peau et des sens. Un
corps humain ne se résume pas aux quelques centimètres carrés des sexes, il
s’étend sur 18 000 cm2 où 1 500 000 récepteurs sensitifs sont en attente de
caresses, de baisers. Le visage - ciel le visage ! - le cuir chevelu, la nuque, le dos,
les mains, les jambes, les pieds - ô les pieds ! - ont faim de caresses. Pourquoi
pratiquer automatiquement et obligatoirement un coït lors de chaque
rapprochement ? Ce n’est jamais qu’une option parmi d’autres.

Les femmes rêvent d’emprunter souvent les chemins buissonniers de la caresse à


travers peau (comme on dit « à travers champs ») plutôt que l’autoroute du coït.
Et de faire des après-midi, des soirées, des nuits rien que de caresses et de
baisers. Du reste, on peut par ces moyens obtenir des états d’euphorie qui valent
bien des orgasmes : c’est moins fort, c’est plus doux mais tellement prolongé.

C’est ce que n’avait pas encore compris le mari de Cécile : « Quand je


m’approche de mon mari, dit-elle, ce que je souhaite c’est qu’il me prenne dans
ses bras, qu’il me cajole, qu’il me caresse. Je le touche comme je le ferais d’un
de mes enfants, pour la tendresse, pour le réconfort. Mais lui, il croit à chaque
fois que j’ai envie de faire l’amour et il se met en route... »

Prenez les baisers par exemple : les femmes rêvent qu’on les embrasse « pendant
des heures », rien que les embrasser. Elles déplorent qu’on ne s’embrasse plus
assez quand on est mariés. Dans l’érotique taoïste, le baiser vient juste après le
coït, quant à la volupté, à l’échange des « essences » (les salives) et à l’échange
des énergies, yin et yang. Sans oublier tous les symboles qui habitent le baiser,
lui donnant un sens et renforçant sa volupté. Un, c’est une réplique parfaite de
l’acte sexuel : mêmes muqueuses gorgées de sang et bourrées de capteurs
sensibles, même configuration et mêmes mouvements, la cavité buccale
accueillant la langue comme le vagin le pénis. Deux, c’est un échange du souffle
de vie. Dans ce bouche-à-bouche-là, on ranime aussi la flamme de la vie. En
plus, un baiser prolongé où chacun inspire l’expiration de l’autre, entraîne un
état d’ivresse.

« Pourquoi les femmes aiment-elles les caresses des autres femmes ? », se


demandent les hommes. « C’est très simple, dit l’une d’elle, c’est que les femmes
ne sont pas obsédées par la pénétration et du coup elles s’occupent de
l’ensemble du corps de leur partenaire. Elles inventent toutes sortes de baisers
et de caresses. Il y a tellement de caresses que j’attendais de mon mari et qui ne
sont jamais venues. J’avais rêvé qu’avec le bout de sa langue, il parcourt très
légèrement toute la surface de ma peau, mon cou, mes épaules, mon échine, le
sommet de mes fesses, les creux de mes genoux, etc. pendant des heures... »

Accordons nos luths

Permettez-moi une dernière histoire : en ce temps-là, il y a dix millions


d’années, une immense forêt tropicale couvrait l’Afrique. Dans les arbres vivait
une certaine espèce de singes, ceux dont sortiront vos ancêtres préhistoriques.
Frugivores, ils passaient leur vie dans l’océan des branches et ne se risquaient à
descendre sur le sol qu’à de brefs moments, tant pullulaient les prédateurs qui
n’en auraient fait qu’une bouchée. Le rut était l’une des occasions qui les
faisaient retrouver la terre ferme, mais il fallait que la copulation se fasse dans
un temps très court : de fait, elle s’effectuait en douze à quinze secondes, à
raison de deux ou trois va-et-vient du pénis dans le vagin par seconde. C’est dire
que l’éjaculation survenait après une quarantaine de mouvements. Aussitôt fait,
chacun remontait dans les arbres. Vous imaginez bien que si nos pré-ancêtres
s’étaient complus dans une union prolongée ils auraient été sûrement dévorés.
Rendez vous dans un zoo et vous constaterez que les singes actuels ont conservé
ce programme de copulation.

C’est alors que survint un cataclysme qui va bouleverser l’avenir de nos singes
pré-ancêtres : la plaque tectonique qui supportait l’Asie et celle qui portait
l’Afrique se télescopèrent. Il s’ensuivit une faille colossale qui fendit l’Afrique
du nord au sud (la Rift Valley) ; la partie qui se trouvait à l’ouest se releva,
arrêtant les pluies venues de l’Atlantique, la partie qui se trouvait à l’est, faute de
pluie, se dessécha et nos singes virent leurs forêts se transformer en savanes
arides. Pour survivre il leur fallait devenir plus intelligents - c'est-à-dire faire
grossir leur cerveau - et plus habiles - c'est-à-dire se « faire pousser des mains ».
C’est ce qu’ils firent durant dix millions d’années et c’est ainsi qu’ils devinrent
des humains : c’est nous.

Cependant, bien que très évolués, nous avons conservé 99 % du patrimoine


génétique du singe primitif, celui que nous avons en commun avec le chimpanzé
par exemple. Ce qui nous fait humains c’est le 1 % nouveau. Manque de chance
notre comportement sexuel se trouve inscrit sur les gènes du 99 % communs
avec les singes.

C’est dire - et c’est là l’intérêt de l’histoire - que les hommes sont programmés à
éjaculer comme les singes préhistoriques, en quinze à vingt secondes, à raison de
deux va-et-vient du pénis dans le vagin par seconde, au total, en une
cinquantaine de mouvements ! L’éjaculation est un phénomène réflexe
automatique génétiquement imposé.

Bien entendu, une telle brièveté de contact sexuel ne peut apporter à l’homme
qu’un pic de plaisir et rien à la femme, ou si peu. Alors, toute l’humanisation de
la sexualité va consister pour l’homme à maîtriser son réflexe éjaculatoire, afin
de donner à la femme le temps de monter au zénith. Il s’agit de passer de vingt
secondes à cinq, dix, vingt, trente minutes. En attendant que son homme
acquière un bon contrôle de son éjaculation et qu’elle-même érotise son vagin, la
femme pourra patienter en me caressant, moi, le clitoris. Elle sait bien que j’offre
de merveilleux orgasmes en un temps plutôt court et cela dès l’aube de sa vie.

Cette maîtrise de l’éjaculation est d’autant plus nécessaire que la femme peut
renouveler allègrement ses envols alors que l’homme fatigue à renouveler les
siens. Il est donc judicieux pour l’homme de retenir son réflexe éjaculatoire
jusqu’au moment où la femme a obtenu le nombre d’orgasmes qu’elle souhaite.

Le rêve suprême : la caresse intérieure

Avec la maîtrise de l’éjaculation (pour l’art de la maîtrise voir Annexe 2), la


relation sexuelle peut changer complètement d’allure et de dimension. Au lieu
d’être un acte bref tendu vers l’orgasme éjaculatoire de l’homme - « l’amour
coq » dont se plaignent les femmes - et un acte balistique de va-et-vient destiné à
« décharger », « tirer son coup », dont se vantent les hommes, la relation
amoureuse devient une longue promenade que la femme et l’homme font
ensemble, le sexe dans le sexe comme on dirait la main dans la main. Ils
alternent les rythmes rapides et les tempos lents, les mouvements profonds et les
superficiels, les mouvements dirigés vers le haut et ceux dirigés vers le bas, ou la
droite, ou la gauche. Ils font des pauses au cours desquelles ils se regardent, ils
se parlent - devisent, disent leur amour, se complimentent, s’admirent, expriment
leurs désirs -, se caressent toutes les parties du corps. Puis, ils reprennent leur
houle ponctuée de psaumes joyeux. C’est cela la « caresse intérieure », cette
longue caresse que le pénis donne au vagin et le vagin au pénis (voir Le Traité
des caresses).

Chaque fois que l’homme se sent au bord de l’éjaculation, il suspend ses


mouvements, il ressent alors une forme de volupté particulièrement agréable - le
pré-orgasme. Dès que l’imminence de l’éjaculation est dépassée, l’homme peut
reprendre sa danse avec sa compagne. Alors, il constate que le plaisir de sa verge
et plus spécialement de son gland est plus fort encore. Chaque fois que l’homme
s’arrête pour retenir son éjaculation, il sent que le plaisir du pré-orgasme monte
d’un cran et chaque fois qu’il reprend ses mouvements il sent que le plaisir de
son gland est plus aigu. Il peut ainsi prolonger à l’infini les plaisirs de la caresse
intérieure.

L’homme du reste n’est pas obligé d’éjaculer au cours de la séance d’amour. Il


peut se trouver comblé par les multiples voluptés ressenties. Ainsi non seulement
il va échapper aux effets négatifs de la phase réfractaire - fatigue, baisse de désir,
baisse d’érection - mais au contraire il sera toujours plein d’allant, de désir, de
tendresse et son érection sera plus ferme que jamais. Le proverbe « Après
l’amour tout homme est triste » ne concerne que les hommes qui ne pensent qu’à
se précipiter sur l’orgasme éjaculatoire : après un bref élan vers le septième ciel,
ils retombent s’écraser plus bas que terre. Ces hommes-là jouissent pour finir de
jouir : et laissent leur femme en plan.

Dans la caresse intérieure, les grands gagnants ce sont la femme et l’homme.


Tous deux sont habités d’un désir éternel et la plus grande proximité et la plus
étroite complicité les unissent. Une si grande entente charnelle rend les êtres
forts face à la vie. C’est le bonheur.
Annexe 1

Coupe du bassin : corps érectiles clitoridiens et vaginaux


Fente vulvaire vue de face

Les corps érectiles vulvaires vus de face


Les capteurs de volupté du clitoris et leurs fibres sensibles
Annexe 2
Conseils pratiques pour la maîtrise de l’éjaculation

Suspendez vos mouvements dès que vous percevez les sensations d’imminence
de l’éjaculation dans votre verge (votre amante cessera également ses
mouvements).

Retirez votre verge de la moitié de sa longueur.

Contractez les muscles de votre périnée, c'est-à-dire ceux du fond du bassin :


serrez les fesses, serrez l’anus, fermez la vessie (faites comme si vous vous
reteniez d’uriner).

Centrez-vous sur votre respiration : inspirez profondément par le nez en


remplissant d’air votre abdomen jusqu’au bas-ventre. Bloquez votre respiration
glotte fermée pendant quelques secondes. Puis, relâchez l’air brusquement en
expirant par la bouche.

Autres petites astuces : serrer les paupières, grincer des dents, presser la langue
sur le palais.

Bien sûr, détournez votre attention de l’image excitante de votre aimée. Pensez à
la surface lisse d’un lac tranquille.

Ne reprenez vos mouvements qu’après au moins 100 secondes de pause.

À tout art, à toute poésie, il y a une base technique.


Des livres pour mieux vivre !
Merci d’avoir lu ce livre, nous espérons qu’il vous a plu.
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