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Maurice Carême
La bise On dirait
Ce sont des feuilles mortes On dirait qu’on entend
Disaient les feuilles mortes Pleuvoir le temps
Voyant des papillons Usant les vieilles pierres
De la rivière ;
S'envoler d'un buisson.
On dirait qu’on entend
"Ce sont des papillons", Pleuvoir les ans
Disaient les papillons Qu’emportent doucement
Voyant des feuilles mortes Les eaux du temps.
Errer de porte en porte.
Mais la bise riait Maurice Carême
Qui déjà les chassait
Ensemble vers la mer.
Maurice Carême
La ponctuation L’Heure du crime
Ce n’est pas pour me vanter, Minuit.
Disait la virgule, Voici l'heure du crime.
Mais, sans mon jeu de pendule, Sortant d'une chambre voisine,
Les mots tels des somnambules, Un homme surgit dans le noir.
Ne feraient que se heurter. Il ôte ses souliers,
S'approche de l'armoire
C’est possible, dit le point. Sur la pointe des pieds
Mais je règne, moi, Et saisit un couteau
Et les grandes majuscules Dont l'acier luit, bien aiguisé.
Se moquent toutes de toi Puis, masquant ses yeux de fouine
Et de ta queue minuscule. Avec un pan de son manteau,
Il pénètre dans la cuisine
Ne soyez pas ridicules, Et, d'un seul coup, comme un bourreau
Dit le point-virgule, Avant que ne crie la victime,
On vous voit moins que la trace Ouvre le cœur....
De fourmis sur une glace. d'un artichaut.
Maurice Carême
Il
a
neigé
Le printemps reviendra
Il a neigé dans l’aube rose, Hé oui, je sais bien qu’il fait froid,
Si doucement neigé, Que le ciel est tout de travers;
Que le chaton noir croit rêver. Je sais que ni la primevère
C’est à peine s’il ose Ni l’agneau ne sont encor là.
Marcher. La terre tourne ; il reviendra,
Le printemps, sur son cheval vert.
Il a neigé dans l’aube rose, Que ferait le bois sans pivert,
Si doucement neigé, Le petit jardin sans lilas ?
Que les choses Oui, tout passe, même l’hiver,
Semblent avoir changé. Je le sais par mon petit doigt
Que je garde toujours en l’air…
Et le chaton noir n’ose
S’aventurer dans le verger,
Se sentant soudain étranger Maurice Carême
A cette blancheur où se posent,
Comme pour le narguer,
Des moineaux effrontés.
Maurice Carême
Avril Au cirque
J'ai crié. " Avril ! "
À travers la pluie, Ah ! si le clown était venu !
Le soleil a ri. Il aurait bien ri, mardi soir :
J'ai crié. " Avril ! " UN magicien en cape noire
Et des hirondelles A tiré d'un petit mouchoir
Ont bleui le ciel. Un lapin, puis une tortue
J'ai crié. " Avril ! " Et, après, un joli canard.
Et le vert des prés Puis il les a fait parler
S'est tout étoilé. En chinois, en grec, en tartare.
J'ai crié. " Avril ! Mais le clown était enrhumé :
Veux-tu me donner Auguste était bien ennuyé.
Un beau fiancé ? " Il dut faire l'équilibriste
Mais, turlututu, Tous seul sur un tonneau percé.
Il n 'a rien répondu. C'est pourquoi je l'ai dessiné
Avec des yeux tout ronds, tous tristes
Maurice Carême Et de grosses larmes qui glissent
Sur son visage enfariné.
Maurice Carême
Berceuse Le brouillard
Au fond des bois Le brouillard a tout mis
Couleur de faine, Dans son sac de coton ;
La feuille choit Le brouillard a tout pris
Si doucement Autour de ma maison.
Que c'est à peine
Si on l'entend. Plus de fleur au jardin,
Plus d’arbre dans l’allée ;
A la fontaine,
La serre du voisin
Le merle boit
Semble s’être envolée.
Si doucement
Que c'est à peine
Et je ne sais vraiment
Si on l'entend.
Où peut s’être posé
A demi voix, Le moineau que
Si doucement j’entends
Que c'est à peine Si tristement crier.
Si on l'entend,
Une maman
Maurice Carême
Berce la peine
De son enfant.
Maurice Carême
Le silence est d'or
Quelle chance
« Oui, le silence est d'or »,
Hé oui ! J'aurais pu être Me dit toujours maman.
Un loir, un écureuil, Et pourquoi pas alors,
En fer ou en argent ?
Un crabe, un bouvreuil,
Je ne sais pas en quoi
Une ablette ou un hêtre.
Je puis bien être faite :
Graine de cacatois
J'aurais même pu être M'appelle la préfète.
Une rose, une pierre D'accord !
Ou un grand pont de fer Je suis bavarde.
Mais est-ce une raison
Mais j'ai la chance d'être Pour que l'on me brocarde
En classe, à la maison,
Un tout petit garçon Et que l'on me répète
Qui rit à sa fenêtre Et me répète encor
A me casser la tête
En écoutant son père Que le silence est d'or ?
Siffler une chanson.
Est-ce, ma faute à moi
Si j'ai là dans la gorge,
Maurice Carême Un petit rouge-gorge
Qui gazouille de joie ?
Maurice Carême
Le cheval Trois escargots
Et le cheval longea ma page.
Il était seul, sans cavalier,
J’ai rencontré trois escargots
Mais je venais de dessiner
Qui s’en allaient cartable au dos
Une mer immense et sa plage.
Et dans le pré trois limaçons
Comment aurais-je pu savoir Qui disaient par cœur leur leçon.
D'où il venait, où il allait ? Puis dans un champ, quatre lézards
Il était grand, il était noir, Qui écrivaient un long devoir.
Il ombrait ce que j'écrivais.
Où peut se trouver leur école ?
J'aurais pourtant dû deviner Au milieu des avoines folles ?
Qu'il ne fallait pas l'appeler. Et leur maître est-il ce corbeau
Il tourna lentement la tête Que je vois dessiner là-haut
Et, comme s'il avait eu peur De belles lettres au tableau ?
Que je lise en son coeur de bête,
Maurice Carême
Il redevint simple blancheur.
Maurice Carême
Ce qui est comique Mars
Savez-vous ce qui est comique ?
Une oie qui joue de la musique , Il tombe encore des grêlons,
Un pou qui parle du Mexique, Mais on sait bien que c'est pour rire.
Un boeuf retournant l'as de pique , Quand les nuages se déchirent,
Un clown qui n'est pas dans un Le ciel écume de rayons.
cirque
Un âne chantant un cantique, Le vent caresse les bourgeons
Un loir champion olympique. Si longuement qu'il les fait luire.
Il tombe encore des grêlons,
Mais ce qui est le plus comique Mais on s'est bien que c'est pour rire.
C'est d'entendre un petit moustique
Répéter son arithmétique. Les fauvettes et les pinsons
Ont tant de choses à se dire
Maurice Carême Que dans les jardins en délire
On oublie les premiers bourdons.
Il tombe encore des grêlons…
Maurice Carême
Le hérisson La Tour Eiffel
Bien que je sois très pacifique Mais oui, je suis une girafe,
Ce que je pique et pique et pique, M’a raconté la tour Eiffel,
Se lamentait le hérisson. Et si ma tête est dans le ciel,
Je n’ai pas un seul compagnon. C’est pour mieux brouter les nuages,
Je suis pareil à un buisson,
Car ils me rendent éternelle.
Un tout petit buisson d’épines
Qui marcherait sur des chaussons. Mais j’ai quatre pieds bien assis
J’envie la taupe, ma cousine, Dans une courbe de la Seine.
Douce comme un gant de velours On ne s’ennuie pas à Paris :
Emergeant soudain des labours. Les femmes, comme des phalènes,
Il faut toujours que tu te plaignes, Les hommes, comme des fourmis,
Me reproche la musaraigne. Glissent sans fin entre mes jambes
Certes, je sais me mettre en boule Et les plus fous, les plus ingambes
Ainsi qu’une grosse châtaigne,
Montent et descendent le long
Mais c’est surtout lorsque je roule
Plein de piquants, sous un buisson,
De mon cou comme des frelons
Que je pique, et pique et repique, La nuit, je lèche les étoiles.
Moi qui suis si, si pacifique, Et si l’on m’aperçoit de loin,
Se lamentait le hérisson. C’est que très souvent, j’en avale
Une sans avoir l’air de rien.
Maurice Carême
Maurice Carême
Litanie des Ecoliers Le hibou
Saint Anatole, Caillou, genou, chou, pou, joujou, bijou,
Que légers soient les jours d'école ! Répétait sans fin le petit hibou.
Joujou, bijou, pou, chou, caillou, genou,
Saint Amalfait,
Non, se disait-il, non, ce n'est pas tout.
Ah ! Que nos devoirs soient bien faits !
Il y en a sept pourtant, sept en tout :
Saint Cordule, Bijou, caillou, pou, genou, chou, joujou.
N'oubliez ni point ni virgule. Ce n'est ni bambou, ni clou, ni filou...
Saint Nicomèe, Quel est donc le septième ?
Donnez-nous la clef des problèmes. Et le hibou,
Sainte Tirelire, La patte appuyée au creux de sa joue,
Que Grammaire nous fasse rire ! Se cachait de honte à l'ombre du houx.
Saint Siméon,
Et il se désolait, si fatigué
Allongez les récréations !
Par tous ses devoirs de jeune écolier
Saint Espongien, Qu'il oubliait, en regardant le ciel
Effacez tous les mauvais points. Entre les branches épaisses du houx,
Sainte Clémence, Que son nom, oui, son propre nom, hibou,
Que viennent vite les vacances ! Prenait, lui aussi, un X au pluriel.
Sainte Marie,
Faites qu'elles soient infinies ! Maurice Carême
Maurice Carême
Mon cerf-volant Le lézard
Emporte-moi, mon cerf-volant ! Le lézard a dit : "Oui,
Emporte-moi haut dans le vent ! Je voudrais être abeille."
Mais il a trop dormi
Je veux tourbillonner dans l’air Dans les bras du soleil.
Avec les feuilles du hameau
Et m’en aller jusqu’à la mer Il a pris peu à peu
Escorté de grands vols d’oiseaux. La couleur de la pierre,
Lui qui était de feu,
Emporte-moi, mon cerf-volant ! De menthe et de lumière,
Emporte-moi haut dans le vent !
Lui qui glissait léger
Je veux faire le tour du monde Comme un fil de clarté,
Et descendre où il me plaira Le voilà plus obscur
Pour entrer dans toutes les rondes Que la fente du mur.
Où rient des enfants comme moi.
Le lézard a dit : "Oui,
Emporte-moi, mon cerf-volant ! Je voulais être abeille."
Emporte-moi haut dans le vent ! Mais il s'est endormi
Dans les bras du soleil.
Maurice Carême
Maurice Carême
La petite maison
Homonymes
La petite maison
A des volets tout bleus, Il y a le vert du cerfeuil
Des roses sur le front, Et il y a le ver de terre.
Du ciel dans les cheveux. Il y a l’endroit et l’envers,
L’amoureux qui écrit en vers,
Ne lui demandez rien
Si ce n’est un tarin.
Le verre d’eau plein de lumière,
Elle en a toujours un La fine pantoufle de vair
Dans son menu jardin. Et il y a moi, tête en l’air,
Qui dit toujours tout de travers.
Que peu-elle vous dire
Sinon qu’il fait bon vivre, Maurice Carême
Qu’il suffit d’un peu d’ombre
Maurice Carême
Si mon père était un ourson Bleu et blanc
A cause de ce peu,
De ce tout petit peu
De blanc et de bleu,
Ils continuèrent
A se faire la guerre.
Maurice Carême
Les deux petits glaçons Ils étaient presque sans corps
Lorsqu’un grand vent de tempête
C’était deux petits glaçons
Qui se croyaient des oursons. Les repoussa vers le Nord.
Ils retrouvèrent leur corps,
Et, sans crainte, ils décidèrent
De s’en aller sur la mer , Puis leurs pieds, leurs bras, leur robe,
Si bien qu’un jour à l’aube,
De s’en aller en canot
Du pôle jusqu’au Congo. On revit à l’horizon
Voguer deux petits glaçons,
Mais le second jour déjà
Ils avaient perdu leurs bras ; Deux petits glaçons tremblants
Qui se croyaient des ours blancs.
Le troisième jour, à l’aube,
Ils avaient perdu leur robe ; Maurice Carême
Maurice Carême
Le zèbre Mon petit lapin
Apercevant un zèbre Mon petit lapin
Qui sortait des buissons : N'a plus de chagrin.
- Dieu, qu'il a l'air funèbre ! Depuis le matin,
Constata le lion. Il fait de grands sauts
- Mais non, il est très gai, Au fond du jardin.
Jugea le chimpanzé.
- Il vend des rubans blancs, Mon petit lapin
Précisa l'éléphant. N'a plus de chagrin.
- Hé non, des rubans noirs, Il parle aux oiseaux
Reprit le tamanoir. Et il rit tout haut
- Ah ! Pardon ! blancs et noirs, Dans l'ache et le thym.
Trancha le léopard. Mon petit lapin
Ni porteur de rubans N'a plus de chagrin.
Ni même commerçant, Le voisin d'en face
Affirma le babouin, A vendu ses chiens,
Ce n'est qu'un cheval peint. Ses trois chiens de chasse
Rentre dans les ténèbres
Si tu ne veux, ô zèbre,
Qu'on te change en vautour Maurice Carême
Avant la fin du jour.
Maurice Carême
Les deux scarabées Le petit chameau
Un scarabée montait la rue,
Un scarabée la descendait. Il était un petit chameau
-Passez donc, monsieur, s’il vous plait, Qui dormait dans un grand berceau.
Puisque vous descendez la rue. Son père était roi d'un désert
Où s'élevait un grand château.
-Après vous, monsieur, s’il vous plait, Mais on n'y voyait que des pierres
La remonter est plus ardu.
Luisantes comme des couteaux.
Chacun tenant son chapeau gris Le roi avait fait teindre en vert
Dans une main gantée de gris Les rideaux jaunes du berceau.
Ainsi, le tout petit chameau
Voulait être le plus poli Qui dormait dans le grand soleil
Des scarabées nés dans la dune.
Où il avait toujours trop chaud,
Ils s’étaient croisés à midi. Pouvait-il croire, à son réveil,
A minuit, madame la lune Qu'il était un petit agneau
Les vit encore se souriant, Couché, à l'ombre d'un grand chêne,
Se parlant et se saluant, Dans un pays de fleurs et d'eau.
Maurice Carême