Réel Symbolique Imaginaire Par Guy Massat 1ère Séance 25 Octobre 2003
Réel Symbolique Imaginaire Par Guy Massat 1ère Séance 25 Octobre 2003
Réel Symbolique Imaginaire Par Guy Massat 1ère Séance 25 Octobre 2003
R.S.I »
Réel Symbolique Imaginaire
Première séance du 16/10/2003
Auteur : Guy MASSAT
Mots-clés : Libre association, Objet a, Pulsion de mort, Topologie des Nœuds
Comme introduction au RSI j’ai choisi de vous dire quelques mots sur le
mouvement littéraire Oulipo qui vit le jour à la même époque que ce séminaire, soit
en 1974.
Ce mouvement fut fondé par l’écrivain Raymond Queneau et le mathématicien
François Le Lionnais avec pour ambition de réformer la poétique des romans, des
poèmes, des essais, tels qu’on les fabriquait alors. Ils souhaitaient tout remettre en
jeu.
L’Oulipo rassemblait des écrivains et des mathématiciens. Citons le plus connu,
Georges Perec, auteur de la « La vie mode d’emploi » et de « La disparition ». Ce
livre n’est écrit qu’avec des mots sans e, ce qui est, en français, une performance
puisque le français est la langue qui contient le plus de e. L’e a pour étymologie
« souffle » et se confond avec le b qui a pour étymologie « maison ». C’est, pourrait-
on dire, la maison du souffle, c’est-à-dire la parole. Donc la disparition est la
disparition de la parole, et pourtant ça parle mais d’une autre parole comme
l’illustre Perec.
Oulipo signifie le Ou, de ouvroir, c’est-à-dire atelier, li - littérature, et po -
potentielle, mot qui désigne la poésie dont on ne s’occupe pas et qui vient pour ainsi
dire toute seule quand la parole parle, quand les mots parlent tout seuls, quand les
chiffres se déchiffrent en nombre, c’est-à-dire en noms et en lettres.
Voici ce que disait Queneau : « Hilbert (le célèbre mathématicien allemand mort en
43) énonce cinq groupes d’axiomes : d’appartenance, d’ordre, de congruence, des
parallèles et de continuité... Je présente ici une axiomatique de la littérature en
remplaçant dans les propositions d’Hilbert les mots "points", "droites", "plans",
respectivement par : "mots", "phrases", "paragraphes"... »
Le déplacement du point donne la ligne. Le déplacement de la ligne donne le plan.
Le déplacement du plan donne le volume et inversement.
Mais qu’est-ce qu’un point ? Si nous quittons l’espace pour passer dans le temps, le
point est un nœud. Le nœud premier.Tout point du temps est toujours triple :
présent, passé, avenir.
Le point
La ligne dans le langage, c’est-à-dire dans le temps, est continuellement en danger
de mort tout au long de son parcours. C’est une sorte de couloir du temps. C’est
pourquoi « la topologie du temps » est à manipuler avec précaution car elle peut
opérer dans l’inconscient des métamorphoses que certains ne peuvent supporter.
La ligne est faite de nœuds et dans notre perspective temporelle elle se referme sur
elle-même. C’est un nœud trivial, un rond, dont les points constitutifs sont des
nœuds si serrés qu’on ne les voit plus. Elle est éternel retour.
La phrase
Le paragraphe, lui, est fait de ronds.
Le paragraphe
Les paragraphes forment des volumes, mot qui vient de volutes, ou rouleaux
puisque autrefois les livres étaient constitués de rouleaux.
Le volume
Ce qui nous donne le tableaux suivant :
Point Ligne Plan Volume (au sens
d’espace)
Mot Phrase Paragraphe Volume (au sens
d’ouvrage)
N œ u d N œ u d Nœud à plusieurs Chaîne de nœuds
premier simple ronds
Donc si nous continuons la « transduction » des oulipos jusqu’à l’écriture des
nœuds, nous sommes naturellement introduits à la topologie lacanienne du temps.
Avec le temps tout passe, mais comme le dit si abruptement ce mot de Mallarmé :
« Il n’y aura donc eu lieu que le lieu ». Ce qui définit parfaitement, me semble-t-il,
la topologie RSI. Les lieux passent comme les choses, à l’endroit, à l’envers, tunnels
et ponts, dessus et dessous du temps, refoulé et retour du refoulé. Et ce sont ces
croisements qui nous hantent et qui nous bloquent et que nos refoulements têtus
résistent à inverser.
Nous garderons le mot oulipien de « transduction » pour désigner le fait d’être
conduit (duction) par-delà (trans) comme nous le sommes par le temps et les
associations libres.
La semaine dernière Paul nous a montré une géniale application de transduction
qui mettait en mouvement le nœud à quatre ronds à partir de quoi il pouvait nous
introduire aux quatre discours, formaliser les entretiens préliminaires, le silence de
l’analyste, le symptôme, et la fin de l’analyse dans la jubilation.
C’est l’occasion de signaler une erreur dans l’excellent dictionnaire de psychanalyse
de Chemama et Melman (p.167) où l’on nous dit que le nœud à quatre ronds n’est
pas borroméen.
Nœud à quatre ronds
« Figure 2. Nœud à 4 ronds. Dans cette figure (non borroméenne, Réel, Symbolique et
Imginaire sont superposés. Leur consistance est assurée par un quatrième rond, celui du
symptôme ou aussi bien Nom-du-Père » (Charles Melman, « Lacan », dans Roland
Chemama (sous la dir. de), Dictionnaire de la Psychanalyse, Larousse, Paris, 1993).
En réalité, vous pouvez essayer, si l’on coupe n’importe quel rond, les trois autres
sont libres. Le nouage est donc borroméen. Le quatrième rond représente le
symptôme ou les noms du père comme ceux de la mère, dont on peut se passer « à
condition de s’en servir ».
Walknot
Figuration triangulaire du nœud borroméen.
Ces figurations scandinaves sont dénommées « walknot » ou « knot of the slain »,
nœud du tueur, nœud du tué, nœud de la mort. C’est que la mort, à l’inverse des
apparences, est au commencement. L’avenir et au commencement, ce qui peut se
concevoir sur l’anneau du temps. « Nous sommes fils de la mort » disaient les
Gaulois.