Gastrectomie Pour Cancer..
Gastrectomie Pour Cancer..
Gastrectomie Pour Cancer..
Résumé. – L’incidence du cancer de l’estomac diminue depuis 50 ans (de 250 à 100/100 000), mais il reste
un cancer dramatique avec une survie globale inférieure à 10 % à 5 ans. L’adénocarcinome gastrique est un
cancer à extension locale et ganglionnaire, dont le seul traitement potentiellement curatif est chirurgical.
L’augmentation de la survie passe par une détection plus précoce des cancers. La stratégie chirurgicale
dépend du type et du stade d’évolution du cancer. Le cancer gastrique superficiel peut bénéficier d’un
traitement conservateur, ou mini-invasif. Les cancers plus avancés sont traités par une gastrectomie, toujours
complétée d’une lymphadénectomie. Depuis les années 1960, la Japanese Research Society for Gastric
Cancer prône la réalisation de curages étendus. Cette attitude est justifiée par les résultats prometteurs des
premières séries publiées. Néanmoins, quelques études récentes font état d’un accroissement significatif de la
morbidité et de la mortalité secondaires à ces curages et ont remis en cause leur réalisation systématique.
Actuellement, la gastrectomie, souvent partielle, associée à un curage de proximité, est une option
raisonnable dans l’arsenal thérapeutique, même si des résections avec curages plus radicaux peuvent rester
de mise dans certaines indications. Nous présentons les bases chirurgicales des résections gastriques et des
lymphadénectomies, ainsi que les moyens de rétablissement de la continuité après résection gastrique
étendue.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Selon une étude de l’American College of Surgeons portant sur plus Dissémination péritonéale Omentectomie et résection péritonéale
de 18 000 patients, la localisation des cancers de l’estomac est, dans Métastases hépatiques Hépatectomie
31 % des cas, au tiers supérieur, dans 14 % au tiers moyen et dans
26 % au tiers inférieur. La tumeur envahit la totalité de l’estomac
dans 10 % des cas (la localisation exacte de la tumeur n’était pas Indications chirurgicales
précisée dans 20 % des cas) [30]. La situation, la nature histologique
et l’envahissement locorégional de la tumeur permettent de préciser
les indications du type de gastrectomie et du curage à effectuer [6]. BILAN PRÉOPÉRATOIRE
L’extension des cancers de l’estomac prend cinq directions : une
Il a pour but de caractériser précisément la tumeur gastrique et sa
extension horizontale dans la paroi gastrique, une extension verticale
classification tumor-nodes-metastases (TNM) afin de définir le
vers les organes de proximité, une extension lymphatique, une traitement le plus approprié. Nous n’envisageons pas le bilan
dissémination péritonéale et une dissémination hépatique se oncologique en général, mais le bilan chirurgical d’extirpabilité et
traduisant par des métastases. Le traitement chirurgical doit agir d’extension. L’incidence du cancer gastrique est en diminution dans
dans ces cinq directions (tableau I). le monde, mais il reste un problème grave en raison de sa faible
survie dans les séries (5 % à 5 ans, tous stades confondus) [6].
L’endoscopie digestive est à l’origine du diagnostic de cancer dans
Didier Mutter : Professeur des Universités, praticien hospitalier. 94 % des cas [30]. Elle confirme l’aspect macroscopique de la tumeur,
Jacques Marescaux : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Clinique chirurgicale A et European Institute of Telesurgery (EITS)-IRCAD, hôpital civil, 1, place de l’Hôpital,
sa taille, précise sa localisation et permet de définir le type de
67091 Strasbourg cedex, France. résection qui peut être envisagé. Elle permet de réaliser une biopsie
Toute référence à cet article doit porter la mention : Mutter D et Marescaux J. Gastrectomie pour cancer. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales -
Appareil digestif, 40-330-B, 2001, 16 p.
40-330-B Gastrectomie pour cancer Techniques chirurgicales
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Techniques chirurgicales Gastrectomie pour cancer 40-330-B
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6
3 7
1
3 Principes de la gastrectomie.
Premier temps : décollement coloépiploïque (1) ; deuxième temps : section de l’artère
gastroépiploïque droite (2) ; troisième temps : section de l’artère gastrique droite (3) ;
quatrième temps : section du duodénum (4); cinquième temps : dissection du petit épi-
ploon (5) ; sixième temps : section de l’artère gastrique gauche (6) ; septième temps :
section de l’estomac (7).
4
Techniques chirurgicales Gastrectomie pour cancer 40-330-B
TROISIÈME TEMPS : selon Péan n’est pas recommandée dans les gastrectomies pour
DISSECTION DE L’ARTÈRE GASTRIQUE DROITE cancer en raison du risque d’envahissement de l’anastomose en cas
La dissection de l’artère gastrique droite permet de libérer de récidive locale. La section duodénale est donc toujours complétée
totalement le pylore et le premier duodénum. L’épiploon et par sa fermeture, mécanique ou manuelle. Nous préférons
l’estomac sont rabattus vers le bas et vers la gauche. Une valve est l’utilisation de pinces à agrafage linéaire. La solution la plus simple,
placée sur le lobe hépatique gauche pour présenter l’espace de la plus rapide et la plus sûre est d’utiliser une pince réalisant
dissection. Le petit épiploon est incisé au ras du foie, de la pars agrafage et section qui est à même d’assurer l’hémostase, l’étanchéité
flaccida au pédicule hépatique. Cette incision laisse les adénopathies et la section du duodénum sans ouverture de l’organe et donc sans
du groupe 3 au contact de l’estomac. L’artère hépatique propre est contamination du champ opératoire. Un surjet complémentaire doit
identifiée et disséquée de haut en bas. Cette dissection retrouve être effectué afin d’enfouir les rangées d’agrafes du moignon
l’origine de l’artère gastrique droite, ou artère pylorique. Elle doit (fig 6A). La section peut également être réalisée à l’aide d’une
être liée à son origine, en emportant le tissu cellulograisseux qui agrafeuse linéaire sans section qui assure la fermeture du moignon
l’entoure, celui-ci contenant les adénopathies du groupe 5 (fig 5). La duodénal en un temps. Un clamp est alors placé au niveau de
présence éventuelle d’une ou deux branches directes, allant de l’estomac avant section pour éviter une contamination du champ
l’artère gastroduodénale au premier duodénum, nécessite leur opératoire (fig 6B). Cette ouverture gastrique peut éventuellement
ligature. Le premier duodénum est ainsi totalement disséqué. permettre de s’assurer de l’existence d’une marge de sécurité
suffisante par rapport à la tumeur. Enfin, une section duodénale avec
suture entièrement manuelle est réalisable : deux clamps droits sont
QUATRIÈME TEMPS : SECTION DU DUODÉNUM placés de part et d’autre de la zone de section. La section duodénale
Le pylore agit habituellement comme une « barrière » et n’est que est effectuée aux ciseaux droits ou à l’aide d’un bistouri, manuel ou
rarement franchi par la tumeur. La section sur le duodénum est électrique (position coupe). Une fermeture par points séparés ou par
réalisée à 1 cm en aval du pylore [17]. La réalisation d’une anastomose surjet extramuqueux est réalisée. La plupart des auteurs effectuent
*
C
6 Section du duodénum.
A. Pince à agrafage et section linéaire.
B. Pince à agrafage linéaire sans section.
C. Suture manuelle et enfouissement.
*
A *
B
5
40-330-B Gastrectomie pour cancer Techniques chirurgicales
Tableau III.
N1 1 3 3 1
2 4 4 2
3 5 5 3
4 6 6 4
5 1
6
N2 7 7 2 5
8 8 7 6
9 9 8 7
10 1 9 8
11 10 9
11 10
11
N3 12 2 12 12
13 10 13 13
14 11 14 14
12
13
14
N4 15 15 15 15
16 16 16 16
C : tumeur du tiers supérieur ; M : tumeur du tiers moyen ; A : tumeur du tiers inférieur ; groupes N1 et N2 :
ganglions régionaux ; groupes N3 et N4 : métastases.
6
Techniques chirurgicales Gastrectomie pour cancer 40-330-B
*
A *
B
9 Dissection, contrôle et ligature pas à pas des vaisseaux courts.
A. Ligature par fils. B. Application de clips.
7
40-330-B Gastrectomie pour cancer Techniques chirurgicales
8
Techniques chirurgicales Gastrectomie pour cancer 40-330-B
12 Curage du tronc cœliaque (groupe 9), de l’artère hépatique (groupe 8), du pédicule
hépatique (groupe 12) et de l’artère splénique (groupe 11). Les artères hépatique
et splénique sont mises sur lacs afin de faciliter la cellulectomie qui peut être réalisée
à l’aide de clips en titane. À noter le sacrifice de la vésicule biliaire et la préparation de la
résection à leurs émergences de l’artère et de la veine gastriques gauches.
9
40-330-B Gastrectomie pour cancer Techniques chirurgicales
Gastrectomie D4
Nous citons pour principe la gastrectomie D4. Proposée par
quelques équipes japonaises [15] , elle nécessite une dissection
ganglionnaire bien au-delà de la dissection du groupe N3. Elle
emporte les adénopathies du groupe 15, en réalisant une colectomie
transverse pour réséquer les vaisseaux coliques médians, ainsi que
le curage complet du groupe 16 situé autour de l’aorte. Celui-ci
comprend les ganglions du hiatus aortique (16a1), du bord supérieur 15 Curage ganglionnaire préservant le parenchyme pancréatique. Les vaisseaux
spléniques sont emportés avec les ganglions des groupes 10 et 11 ainsi que la rate.
du tronc cœliaque au bord inférieur de la veine rénale gauche (16a2),
du bord inférieur de la veine rénale gauche à la partie supérieure de
l’artère mésentérique inférieure (16b1) et de la partie supérieure de troubles alimentaires, d’œsophagite et de troubles fonctionnels. La
l’artère mésentérique inférieure à la bifurcation aortique (16b2). préservation du pylore pourrait être une solution permettant de
L’intérêt de ce type de curage n’est pas démontré [15] (cf « Principes pallier ces problèmes [10] . La gastrectomie avec préservation
de la gastrectomie. Curages »). pylorique a d’abord été proposée uniquement dans le traitement
chirurgical du cancer superficiel, en raison des difficultés de
réalisation des curages liées à la conservation du pylore et à la
Variantes des gastrectomies préservation de sa vascularisation [8, 28] . Plus récemment, les
possibilités de réalisation de curages avec conservation pylorique
pour cancer ont été montrées [31].
La résection gastrique suit les modalités habituelles. Au niveau du
GASTRECTOMIE TOTALE TYPE D2 pylore, l’artère infrapylorique issue de l’artère gastroduodénale est
AVEC CONSERVATION PANCRÉATIQUE préservée, alors que l’artère gastrique droite est liée classiquement à
La fréquence des complications liées à l’exérèse pancréatique a son origine. La dissection des ganglions juxtapyloriques est réalisée
amené Maruyama à mettre au point une technique de gastrectomie en liant électivement les branches distales du nerf vague et en
avec curage D2 préservant le pancréas [18] . L’intérêt de cette réséquant les ganglions à son contact. La longueur d’estomac
technique est démontré par des études autopsiques qui montrent conservée en amont du pylore est de 1,5 cm. Le rétablissement de la
que si le pancréas peut être envahi par le cancer gastrique, il n’existe continuité est réalisé par une anastomose selon Péan en cas de
jamais de ganglions intraparenchymateux et que la résection gastrectomie polaire inférieure ou par une anse grêle libre avec
artérielle avec son tissu celluleux permet une exérèse ne éventuelle réalisation d’un réservoir pour recréer un circuit digestif
compromettant pas la radicalité du curage D2. Une étude physiologique [26].
artériographique a précisé que la viabilité du pancréas est préservée La préservation pylorique diminuerait les séquelles fonctionnelles
par l’apport vasculaire des artères intrapancréatiques. La technique de la gastrectomie, sans morbidité ajoutée. Les indications en sont
implique de peler la séreuse pancréatique du tissu pancréatique, peu nombreuses.
emportant le tissu cellulograisseux avec l’artère splénique. L’artère
pancréatique dorsale est habituellement issue du tronc cœliaque et
doit être préservée. Au cas où elle naît de la partie proximale de Rétablissement de la continuité
l’artère splénique, ce segment doit être préservé. L’obtention d’un
champ opératoire satisfaisant impose une mobilisation du bloc digestive après gastrectomie totale
splénopancréatique avant de débuter la dissection. Quelques artères
communicantes, entre le corps et la queue du pancréas et l’artère Les modalités de rétablissement de la continuité sont multiples. Elles
splénique, sont liées individuellement. La rate est progressivement ont longtemps fait appel à des montages simples : une anse jéjunale
séparée du pancréas, avec ligature élective des vaisseaux artériels à montée en « Y », en « oméga », ou interposée entre l’œsophage et le
destinée pancréatique. La veine splénique est sectionnée au contact duodénum. Plus récemment ont été décrits différents montages
de la queue du pancréas. La résection de la pièce opératoire ayant pour but la création d’un réservoir qui reproduirait de façon
implique encore la ligature de l’artère pancréatique destinée au plus fidèle la physiologie gastrique. Ces réservoirs utilisent l’intestin
corps du pancréas et de la veine gastrique postérieure qui rejoint grêle ou la jonction iléocæcale. Nous décrivons les principaux
habituellement la veine splénique. Tout le bord supérieur du montages proposés.
pancréas est alors disséqué avec un curage complet (fig 15). L’objectif de ces montages, outre le rétablissement de la continuité
digestive, est d’offrir au patient un confort maximal après
gastrectomie. Plusieurs dizaines de montages avec leurs variantes
GASTRECTOMIE AVEC CONSERVATION PYLORIQUE ont été proposés pour rétablir le circuit digestif. Nous décrivons les
Après réalisation d’une gastrectomie classique, les moyens de principales modalités de restauration de la continuité digestive, en
rétablissement de la continuité digestive peuvent utiliser des sachant que de nombreuses variantes existent par la réalisation des
greffons iléocæcaux ou des transplants grêles pour rétablir la sutures (terminales ou latérales, manuelles ou mécaniques), par la
continuité. Dans ce cas, un reflux biliaire peut être à l’origine de confection de réservoirs associés ou par des dérivations latérales et
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Techniques chirurgicales Gastrectomie pour cancer 40-330-B
¶ Anastomose œsojéjunale
La réalisation de l’anastomose peut être effectuée par une suture
manuelle ou par une suture mécanique, utilisant une pince à
agrafage circulaire.
Anastomose mécanique
L’œsophage a été préparé avant sa section avec mise en place d’une
bourse automatique. En son absence, il est possible d’utiliser une
pince à bourse conventionnelle ou encore de réaliser une bourse
manuelle. Une pince à agrafage circulaire est choisie pour réaliser
l’anastomose. Son diamètre doit être le plus large possible, mais est
souvent limité à 25 ou 28 mm. La tête de la pince doit rentrer sans
forcer dans l’œsophage abdominal. Il est éventuellement possible de
dilater légèrement celui-ci à l’aide de bougies de Hegar de taille
croissante, mais elles sont rapidement à l’origine de brèches
musculaires risquant de compromettre la sûreté de l’anastomose. La
tête est introduite et la bourse serrée. La pince à anastomose
circulaire est introduite par l’extrémité du grêle ouverte. La pince
est ouverte et perfore le bord antimésentérique du grêle à environ
16 Choix de l’anse en « Y » : identification et conservation d’un pédicule vasculaire. 5 cm de son extrémité (fig 17A). La pince est encliquetée et
l’anastomose réalisée. Après ouverture de la pince, les deux
courts-circuits ajoutés. Aujourd’hui, notre préférence va à l’anse collerettes sont soigneusement contrôlées pour vérifier leur intégrité,
montée en « Y », montage simple, bien codifié et facilement gage d’étanchéité de l’anastomose. L’orifice d’entrée de la pince est
réalisable par la plupart des équipes. alors refermé par application d’un coup de pince à agrafage linéaire
(fig 17B). Cette méthode a notre préférence en raison de sa simplicité
ANSE MONTÉE EN « Y » et de sa reproductibilité. Toutefois, son coût plus élevé peut faire
opter pour la réalisation d’une anastomose manuelle.
L’anse en « Y » est la solution chirurgicale la plus simple, qui a
notre préférence. Ce procédé, décrit par Roux, est facile à mettre en Anastomose manuelle
œuvre et presque toujours réalisable. Il consiste en la section d’une
L’anastomose entre l’anse jéjunale et l’œsophage peut être réalisée
anse jéjunale, puis en la montée sur son pédicule vasculaire de sa
manuellement, en un ou en deux plans. Elle peut également être
portion distale, sa portion proximale étant réanastomosée en aval.
effectuée en terminoterminal ou en terminolatéral. L’anastomose
L’anse doit être longue, de l’ordre de 60 cm, pour éviter les risques
terminoterminale a ses partisans : elle paraît plus logique et évite
de reflux biliaire. Elle est passée en transmésocolique ou en
une suture digestive. Ses principaux inconvénients en sont une
prémésocolique, ce qui préviendrait son envahissement précoce en
fréquente incongruence entre les deux extrémités et une
cas de récidive locale.
vascularisation souvent précaire de la partie toute terminale du
Le choix de l’anse est important : il faut qu’elle soit suffisamment grêle. Nous prenons comme modèle de description l’anastomose
longue, mobile et bien vascularisée. terminolatérale réalisée sur clamp. Elle permet de présenter
l’œsophage pendant tout le temps de la suture et d’éviter sa
¶ Choix de l’anse rétraction vers le haut. L’anastomose est réalisée en deux temps. Les
L’anse est choisie le plus près possible de l’angle de Treitz pour fils sont des sutures résorbables, 2 ou 3/0. Deux points d’angles sont
limiter autant que possible la longueur de grêle exclue. Le segment passés et mis sur pincette en attente. Ils délimitent les plans
choisi doit être suffisamment mobile pour monter sans tension au antérieur et postérieur. Le premier temps réalise l’anastomose
niveau de l’œsophage. Habituellement, la première ou la deuxième postérieure. Un premier plan postérieur est réalisé par des points
anse jéjunale se présente bien : la longueur de l’anse doit sembler d’adossement, séreux sur le grêle et musculaires sur l’œsophage. Les
suffisante en position précolique. Lorsqu’elle est placée en fils sont préférentiellement mis en attente sur des pinces fines puis
transmésocolique, les quelques centimètres gagnés permettent de sont noués après rapprochement de l’œsophage et de l’intestin grêle
réaliser l’anastomose sans tension. où ils peuvent être noués au fur et à mesure, les nœuds étant en
extraluminal sur la séreuse (fig 18A). Une dizaine de points est
¶ Préparation de l’anse nécessaire pour réaliser ce plan postérieur. Le grêle est ensuite
ouvert ainsi que la moitié de la circonférence de l’œsophage. Le
La préparation de l’anse utilise la transillumination. Un assistant second plan est réalisé par des points extramuqueux sur le grêle de
place une lumière rasante par rapport au champ opératoire pour dedans en dehors et prend toute la paroi de l’œsophage de dehors
transilluminer le méso du grêle, présenté par un second assistant. en dedans (fig 18B). Les points sont noués avec un nœud dans la
L’opérateur peut identifier la localisation des arcades vasculaires et lumière digestive. Le grêle et l’œsophage sont alors bien solidaires.
sélectionner idéalement la zone à sectionner. La première arcade Il est possible d’effectuer le plan antérieur. On termine la recoupe
vasculaire du grêle doit être coupée pour avoir une anse libre œsophagienne (fig 18C). La suture des plans antérieurs est réalisée
longue. Les ligatures sont doublées pour éviter leur arrachement lors de la même façon que les plans postérieurs mais les points passent
de la traversée des mésos. La section intestinale est alors réalisée du dehors vers le dedans de la paroi du grêle, puis du dedans vers
perpendiculaire au grêle, après mise en place d’un clamp sur la le dehors de la paroi œsophagienne, les nœuds étant alors situés à
section d’amont (fig 16). l’extérieur. Les points peuvent être noués immédiatement, car il n’y
Durant le même temps opératoire, il est possible d’utiliser la a pas de problème d’exposition. Le premier plan est effectué entre la
transillumination pour effectuer de façon sûre une brèche du paroi séromusculaire du grêle et toute la paroi de l’œsophage. Le
mésocôlon. Le segment distal du grêle peut alors être monté au second plan prend la musculaire œsophagienne et la séreuse grêle
travers de cette brèche et placé à proximité du moignon œsophagien. (fig 18D).
11
40-330-B Gastrectomie pour cancer Techniques chirurgicales
*
B
*
A
*
A
*C *D
18 Anastomose œsojéjunale sur anse en « Y » avec suture manuelle.
A. Adossement du plan postérieur.
B. Ouverture de l’œsophage et du jéjunum et suture du plan muqueux postérieur.
C. Serrage du plan postérieur et recoupe œsophagienne.
D. Suture du plan antérieur.
*B
17 Anastomose œsojéjunale sur anse en « Y » avec suture mécanique. ANSE INTERPOSÉE
A. L’enclume est introduite dans l’œsophage distal. La pince est introduite dans Le principe de l’anse interposée réalise en fait un néoréservoir
l’extrémité distale de l’anse jéjunale sectionnée.
B. Après réalisation de l’anastomose, le grêle est refermé par application d’une
gastrique par interposition d’un segment isolé de grêle. La technique
agrafeuse linéaire. est simple. Le grêle est isolé à une distance de 30 cm de l’angle de
Treitz. Son méso est transilluminé pour identifier précisément le
réseau vasculaire et délimiter une zone vascularisée par une arcade
¶ Anastomose jéjunojéjunale au pied de l’anse de bonne qualité et pouvant être isolée. Le grêle est sectionné au
niveau de la première anse et à nouveau 25 à 30 cm en aval. Son
Après confection de l’anastomose œsophagienne, il faut rétablir la méso est préservé. Le segment isolé est passé en transmésocolique.
continuité digestive par une anastomose au pied de l’anse montée L’extrémité proximale est anastomosée à l’œsophage. Comme pour
en « Y ». Celle-ci peut être réalisée à l’aide de pinces mécaniques l’anastomose de l’anse en « Y », l’anastomose peut être manuelle ou,
(anastomose latérolatérale à la pince à agrafage et section linéaire) de préférence, mécanique. Elle est réalisée en terminoterminal ou
ou à la main. Nous préférons ici effectuer une anastomose manuelle, latéral. La pince peut être passée au travers de toute l’anse libre
terminolatérale, par des points séparés ou par un surjet. Les résultats pour effectuer l’anastomose œsophagienne. La seconde anastomose
des deux méthodes sont identiques avec un coût moindre pour la est réalisée entre la partie distale du segment libre de grêle et le
suture manuelle. L’anse proximale est présentée à 40-60 cm de duodénum. L’anastomose est réalisée à points séparés de fil
l’anastomose œsophagienne. Le jéjunum est ouvert sur une longueur résorbable 2 ou 3/0 (fig 20). La seconde possibilité est de réaliser
de 4 cm par une entérotomie longitudinale. L’anastomose est réalisée une ouverture à la partie moyenne du segment libre de grêle. On
par des points extramuqueux, sur un plan antérieur, puis après peut alors passer une pince à anastomose circulaire vers le haut,
12
Techniques chirurgicales Gastrectomie pour cancer 40-330-B
21 Rétablissement de la con-
tinuité avec réalisation d’un ré-
servoir grêle sur une anse libre.
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40-330-B Gastrectomie pour cancer Techniques chirurgicales
CHOIX DU MONTAGE
Les études comparatives évaluant les bénéfices potentiels des
différents types de montages en termes de confort et de qualité de
vie sont peu nombreuses. Toutefois, les méthodes le plus souvent
utilisées ont été évaluées dans des séries comparatives [4, 25]. Les
procédés utilisant des anses en « oméga » ne sont que très rarement
étudiés, même avec ses variantes qui compliquent singulièrement le
ANSE EN « OMÉGA »
procédé. Ils nécessitent une longueur importante de grêle non
L’anastomose sur anse en « oméga » consiste à monter au niveau de fonctionnel par rapport aux procédés n’utilisant qu’un seul segment
l’œsophage une anse jéjunale suffisamment longue, d’en de grêle, en « Y » ou en interposition. Le rétablissement de continuité
anastomoser la convexité avec l’œsophage, puis d’exécuter une par interposition d’une anse entre l’œsophage et le duodénum
anastomose latérolatérale au pied de l’anse (fig 23). Elle utilise une contraint l’opérateur à effectuer une anastomose digestive
longueur importante de grêle puisqu’il faut théoriquement une supplémentaire. Ce montage semble plus physiologique que l’anse
longueur égale des jambages. Elle n’est donc pas toujours réalisable, en « Y », mais il expose au risque de reflux biliaire, en l’absence de
en particulier en cas de mésentère court. Le grêle après l’angle de pylore. Sa principale critique est théorique : une récidive locale du
Treitz est déroulé jusqu’à mettre en évidence une boucle qui cancer oblitérerait plus rapidement le montage que lors de la
« monte » sans tension en précolique au niveau de l’œsophage. Cette réalisation d’une anse en « Y ». En fait, cet inconvénient n’a jamais
anse est alors passée en transmésocolique et présentée à proximité été démontré, ni mis en évidence dans les études prospectives. Ce
de l’œsophage. Une anastomose terminolatérale est réalisée à la rétablissement est plus long et plus délicat à réaliser que l’anse en
main ou à la machine, après introduction d’une pince à anastomose « Y ». L’apport théorique d’un réservoir, grêle ou colique, serait de
circulaire par une incision latérale dans un jambage. Le sommet de recréer un réservoir reproduisant la fonctionnalité de l’estomac.
l’anse peut être fixé par quelques points au pilier du diaphragme L’intérêt de la réalisation d’un réservoir grêle, aussi bien pour une
pour éviter toute tension au niveau de l’anastomose. L’anastomose anse libre que pour une anse en « Y », ne présente que peu
latérolatérale entre les deux jambages est réalisée au pied de l’anse d’avantage pour le patient en termes de qualité de vie,
en sous-mésocolique. Ici encore, cette anastomose peut être réalisée d’alimentation et de confort [4]. À long terme, la présence d’un
à la main ou au mieux à l’aide d’une pince à agrafage et section réservoir sur une anse libre permettrait un meilleur maintien
linéaire. pondéral des patients [14]. Il serait lié à une meilleure assimilation
alimentaire par passage duodénal du bol alimentaire [7]. L’anse en
¶ Procédé de Tomoda « Y » simple est de réalisation plus rapide et plus simple. Tout au
Il résulte du montage, sur une anse en « oméga », d’un long segment plus l’adjonction d’un réservoir à une anse en « Y » permettrait des
de grêle non fonctionnel. Le procédé de Tomoda permet de prises alimentaires unitaires plus importantes qu’en l’absence de
contourner ce problème. Il consiste en la réalisation, après confection réservoir, mais sans avantage démontré sur la reprise pondérale des
de l’anse en « oméga », d’une anastomose duodénojéjunale patients. L’intérêt du réservoir iléocæcal serait identique, en
terminolatérale sur le versant efférent de l’anse. On exclut ensuite permettant une prise alimentaire unitaire plus importante et en
l’anse efférente en aval de cette anastomose par ligature ou par évitant le reflux biliaire grâce à la présence de la valvule
agrafage mécanique, et également l’anse afférente en amont de iléocæcale [21]. Le réservoir iléocolique peut également être proposé
l’anastomose œsojéjunale. On « contraint » ainsi le transit à passer dans les gastrectomies préservant le pylore [28]. Il a l’inconvénient de
par le duodénum et le grêle proximal, laissant une minime longueur rajouter une anastomose colique au geste opératoire. Toutefois, il
de grêle exclue. La complexité de ce montage en rend sa réalisation n’existe pas d’études comparatives évaluant ce procédé.
exceptionnelle. En conclusion, la réalisation d’une anse montée en « Y » que nous
préconisons reste la solution la plus simple, avec des résultats
fonctionnels tout à fait satisfaisants dans les études réalisées.
RÉSERVOIR ILÉOCÆCAL D’autres montages présentent un intérêt certain dans des indications
L’usage de la jonction iléocæcale comme transplant de particulières, comme l’anse libre pour rétablissement de la continuité
reconstruction gastrique a été proposé dès 1950 par Lee [13]. L’intérêt après gastrectomie subtotale avec préservation pylorique. Ils doivent
de ce montage est double. Il permet, d’une part de recréer un alors être discutés au cas par cas et en fonction de l’expérience de
réservoir grâce à un segment du côlon ascendant. Il empêcherait l’équipe opératoire.
14
Techniques chirurgicales Gastrectomie pour cancer 40-330-B
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A *
B
24 Rétablissement de la continuité par plastie iléocæcale.
A. Isolement et préparation de la jonction iléocæcale pédiculée sur l’artère colique B. Rotation et passage du transplant en transmésocolique. Réalisation des trois anas-
droite. tomoses : œsojéjunale, coloduodénale, et rétablissement iléocolique.
Soins et suivi postopératoires drainage est retiré entre les quatrième et septième jours. Nous avons
pour habitude de réaliser un transit œsojéjunal au septième jour
Après réalisation du rétablissement de la continuité, une sonde postopératoire à la recherche d’une éventuelle fistule anastomotique
gastrique est passée au travers de la suture et est maintenue en avant la reprise de l’alimentation.
aspiration douce pendant quelques jours. Il faut toujours penser à Certains auteurs préconisent la mise en place d’une jéjunostomie
refermer la brèche mésentérique transmésocolique en fin de d’alimentation provisoire afin de pouvoir envisager une
procédure pour éviter une incarcération d’une anse. L’intérêt du alimentation entérale précoce en cas de fistule postopératoire. Nous
drainage n’est pas démontré, sauf pour le moignon duodénal où il réservons cette indication aux anastomoses « fragiles », hautes, ou
est systématique. Il peut être réalisé à l’aide de drains passifs (lames en cas d’altération importante de l’état général du patient,
de Delbey, drains multitubulés) ou par des drains aspiratifs. Le présentant alors un risque de fistule significatif.
Références ➤
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40-330-B Gastrectomie pour cancer Techniques chirurgicales
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