FIDUCIE
FIDUCIE
FIDUCIE
******************
Sujet de Recherche : LA FIDUCIE
*****************
b - La finalité de la fiducie
- L’article 2011 donne une définition très large des finalités de la fiducie, à
savoir agir
« dans un but déterminé au profit d’un ou de plusieurs bénéficiaires ».
Néanmoins, il
convient de rappeler les dispositions de l’article 2013 selon lequel « Le contrat
de fiducie est
nul s’il procède d’une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité
est d’ordre
public ». Le sénateur Henri de Richemont justifie cette interdiction par « la
consécration
récente du mandat à effet posthume de l’article 812 du Code civil ; de la
libéralité graduelle,
désormais licite (article 1048 du Code civil), de la libéralité résiduelle,
désormais élargie
(article 1049 du Code civil) ».
- En dehors de la fiducie-libéralité, toutes les fiducies, à fins de gestion ou de
sûreté, sont
autorisées tant qu’elles ne contreviennent pas à l’ordre public. Ces finalités
devront être
indiquées dans le contrat, en vertu de l’article 2018 6° selon lequel le contrat de
fiducie doit
déterminer, à peine de nullité, « la mission du ou des fiduciaires et l’étendue de
leurs pouvoirs
d’administration et de disposition ».
- On peut déjà évoquer quelques exemples de missions qui pourront être
affectées à une
fiducie d’actions :
- S’agissant de la fiducie-gestion, celle-ci drainera des capitaux dans le domaine
du
placement en valeurs mobilières. Comme il a été remarqué précédemment1438,
certains
opérateurs sur les marchés financiers, tels que les O.P.C.V.M., auront intérêt à
recourir à la fiducie. Il leur suffira d’acheter des titres afin de les regrouper dans
un patrimoine
d’affectation puis d’émettre ensuite des certificats représentant une quote-part de
ce
patrimoine sur un marché financier.
- S’agissant de la fiducie-sûreté, le sénateur Marini proposait « d’utiliser sous
une
nouvelle forme la propriété à titre de garantie ». La sûreté fiduciaire n’étant pas
accessoire à la créance garantie, cela signifie que le patrimoine fiduciaire, selon
les
termes du contrat, ne sera pas automatiquement restitué au constituant lors de
l’extinction de la créance initiale. Il pourra servir de garantie à une nouvelle
créance,
postérieure, sans nécessiter la création d’une nouvelle fiducie. À ce titre, « La
fiduciegarantie pourra porter sur des créances existantes ou futures, de manière
analogue à
ce qui est permis en matière de « cession Dailly » »
. Les vœux exprimés par le
sénateur ont été entendus puisque l’ordonnance du 30 janvier 20091442 encadre
cette
possibilité donnée aux parties aux articles 2372-5 du Code civil pour les
meubles et
2488-5 pour les immeubles.
- Pour conclure sur les conditions de fond de la fiducie, le constat est le suivant :
en plus
de l’interdiction de la fiducie-libéralité, critiquée par la doctrine, les conditions
relatives au
fiduciaire sont, en l’état, particulièrement restrictives, ce qui interdit de
considérer la fiducie
comme un véritable contrat de droit commun. Toutefois, la possibilité offerte
aux personnes
physiques de devenir constituants, depuis la loi du 4 août 2008, élargit
considérablement le
champ d’application de la fiducie. C’est un premier pas qui devra être suivi par
d’autres,
d’autant plus que des conditions de forme toutes aussi drastiques s’ajoutent aux
conditions de
fond.
a - Le décès du constituant
- Dès lors que la loi du 4 août 2008 ouvrait la qualité de constituant aux
personnes physiques, il était logique qu’elle prévoit le dénouement de la fiducie
lors de leurs décès. Toutefois, ce dénouement de plein droit n’était pas sans
poser de problèmes en cas de fiducie-sûreté : en effet, l’alinéa second de l’article
2030 précise que « Lorsqu’il prend fin par le décès du constituant, le patrimoine
fiduciaire fait de plein droit retour à la succession ».
Il en résulte que le fiduciaire créancier pouvait être privé de sûreté en raison du
décès de son cocontractant. Cette solution était dangereuse pour le créancier et,
par conséquent, néfaste au développement de la fiducie-sûreté, même s’il est
possible d’atténuer ces inconvénients en stipulant « une déchéance du terme
automatique de la dette de la personne physique en cas de décès ». On peut
néanmoins douter que cette déchéance du terme soit acceptable pour les parties.
b - La survenance du terme
- Ce cas de dénouement de la fiducie ne pose pas de problèmes puisqu’il
correspond parfaitement aux prévisions des parties. Il convient seulement de
rappeler qu’en vertu de l’article 2018 2°, la fiducie ne peut excéder 99 ans, sous
peine de nullité. Cette disposition a pour but d’éviter l’inaliénabilité des biens
mis en fiducie.
Toutefois, rien n’interdit aux parties de conclure une nouvelle fiducie après
l’épuisement de ce délai.
- Cette cause d’extinction est proche du cas précédent puisqu’elle est relative à
la réalisation de l’objet de la fiducie : il s’agit de nouveau d’éviter
l’inaliénabilité des biens mis en fiducie. Néanmoins, la réalisation du but
poursuivi avant le terme fixé signifiera généralement que le fiduciaire a été plus
efficace que ne le prévoyaient les parties. À ce titre, le contrat pourra envisager
l’octroi d’une prime au fiduciaire particulièrement diligent.
d - La renonciation de la totalité des bénéficiaires
- L’alinéa second de l’article 2029 du Code civil envisage toutes les causes de
disparition possibles : liquidation judiciaire, dissolution, disparition à la suite
d’une cession ou d’une absorption ou, s’il est avocat, en cas d’interdiction
temporaire, de radiation ou d’omission de tableau.
- Cette cause d’extinction se justifie par la volonté de préserver le caractère
intuitu personae de la fiducie. La réputation du fiduciaire, notamment lorsqu’il
est un établissement de crédit, une entreprise d’investissement ou d’assurance,
est déterminante. C’est en considération de cette réputation que le constituant
contracte la fiducie. L’explication est transposable au fiduciaire avocat.
- Dès lors, il peut paraître logique que la fiducie soit résiliée lorsque le fiduciaire
perd son indépendance à la suite d’une cession ou d’une absorption. Cette perte
d’indépendance peut légitimement faire craindre au constituant ou au
bénéficiaire une gestion de moins bonne qualité de la part du nouveau fiduciaire.
Il n’en demeure pas moins que cette résiliation fragilise encore certains
créanciers : « le sort du contrat de fiducie en cas de cession ou d’absorption
d’entreprise est assez surprenant dans l’hypothèse d’une fiducie-sûreté. À
supposer qu’une fusion de banques intervienne, l’établissement absorbé ayant
par ailleurs un rôle de fiduciaire risquerait de voir sa sûreté disparaître du fait de
cette opération de restructuration ».
Toutefois, cette difficulté est aisément surmontable dans la mesure où l’alinéa
second de l’article 2029 permet aux parties de prévoir les conditions dans
lesquelles la fiducie se poursuit après une cession ou une absorption : une clause
appelée à devenir commune à toutes les fiducies-sûretés…
- Quant aux hypothèses de la liquidation judiciaire et de la dissolution, le
fiduciaire n’y perd pas seulement son indépendance mais son existence même,
ce qui rend impossible la continuation de la fiducie, à moins que le constituant
ou le bénéficiaire obtienne la nomination d’un fiduciaire provisoire ou le
remplacement du fiduciaire, en faisant jouer l’article 2027 du Code civil.
- Enfin, s’agissant du fiduciaire avocat, la résiliation de la fiducie, suite à une
interdiction temporaire, une radiation ou une omission de tableau, se justifie par
l’incapacité pour le praticien d’exercer sa profession mais aussi par la perte de
confiance qu’il peut inspirer. Une alternative à la résiliation est heureusement
possible : « La perte, même temporaire, de la qualité d’avocat pour l’avocat
fiduciaire mettant fin au contrat de fiducie, ce qui peut être d’une extrême
gravité pour le constituant et le bénéficiaire, il sera fortement souhaitable qu’un
seul avocat ne puisse être fiduciaire sauf pour des missions de courte durée »
f - L’absence de bénéficiaire envisagé par l’article 2030 du Code civil
– Cette cause d’extinction de la fiducie est prévue par l’article 2030 du Code
civil : « Lorsque le contrat de fiducie prend fin en l’absence de bénéficiaire, les
droits, biens ou sûretés présents dans le patrimoine fiduciaire font de plein droit
retour au constituant. Lorsqu’il prend fin par le décès du constituant, le
patrimoine fiduciaire fait de plein droit retour à la succession »
Hormis le cas du décès du constituant, introduit par la loi du 4 août 2008, ce
texte ne distingue pas les différentes hypothèses d’absence du bénéficiaire. C’est
pourquoi il convient d’y englober la renonciation de la totalité des
bénéficiaires.*
D’autres cas, évoqués à propos de la disparition du fiduciaire, sont
envisageables : on songe par exemple à la liquidation judiciaire du bénéficiaire
et à sa dissolution.
- Mais la comparaison avec le fiduciaire s’arrête là car la cession ou l’absorption
du bénéficiaire ne provoquera pas la résiliation de la fiducie et le retour des
droits dans le patrimoine du constituant. En effet, la résiliation se justifie quand
le fiduciaire disparaît car le constituant contracte avec lui en considération de sa
personne. Mais lorsque le bénéficiaire disparaît de cette façon, cela n’affecte pas
les intérêts du fiduciaire : celui-ci se moque de savoir qui est le bénéficiaire, il
ne contracte lui-même qu’en considération de la personne du constituant. Le fait
que le bénéficiaire change d’identité à la suite d’une cession ou d’une absorption
lui est indifférent. En outre, ce « nouveau » bénéficiaire tient ses droits dans la
fiducie parce qu’acheter ou absorber l’ancien bénéficiaire, c’est acquérir
l’ensemble de son patrimoine, y compris son droit de créance sur le patrimoine
fiduciaire. Ce droit de créance est transmis de plein droit au nouveau
bénéficiaire en tant qu’ayant droit de l’ancien bénéficiaire. 1063- Pour conclure
sur le dénouement de la fiducie, les difficultés qui peuvent surgir ne sont en
aucun cas imputables à la technique fiduciaire (la preuve en est donné par les
droits étrangers) mais sont la résultante d’une excessive rigidité de la loi de
2007. Ces difficultés disparaîtront lorsque l’administration et le législateur se
montreront moins méfiants vis-à-vis de la fiducie. Quant aux conséquences du
dénouement de l’opération, elles sont les suivantes :
- Les biens, droits et sûretés sont transférés vers le patrimoine du bénéficiaire ou
du constituant.
S’agissant des dettes nées de la gestion fiduciaire, le silence de la loi permet aux
parties de choisir librement entre deux formules : « soit liquider le patrimoine
fiduciaire avant sa transmission, soit le transmettre intégralement dans ses
éléments d’actifs et de passif ».
Dans ce dernier cas, le bénéficiaire prendra le risque de supporter des dettes sur
son patrimoine personnel.
- Le patrimoine fiduciaire disparaît. - Le transfert d’immeubles ou de droits
réels immobiliers doit être à nouveau publié.
- Le bilan de la fiducie en droit français est donc mitigé :
- D’une part, il est positif que le législateur se soit décidé à créer ce contrat
attendu depuis longtemps par la doctrine comme par les praticiens.
- D’autre part, force est de constater que le régime juridique de cette fiducie,
malgré les réformes du 4 août 20081598 et du 30 janvier 2009, est encore rigide,
que ce soit dans ses conditions d’application, ses effets ou même son
dénouement. Il en résulte que la fiducie ne peut, en l’état, être comptée parmi les
contrats de droit commun, malgré son introduction dans le Code civil.
C’est pour ces raisons qu’une nouvelle réforme apparaît nécessaire si l’on
souhaite enfin disposer d’un contrat capable de se substituer à la multitude des
fiducies innommées. En attendant cette réforme, le droit des contrats spéciaux
restera une véritable jungle : « Il est à craindre que l’étroitesse du cadre actuel et
la lourdeur du mécanisme ralentissent les progrès attendus et incitent les
contractants à se replier sur des voies classiques plus commodes et mieux
balisées ».