Management Interculturel
Management Interculturel
Management Interculturel
Autre élément fondateur : l’étude menée auprès des 100 000 collaborateurs d’IBM, venant
révéler l’existence du « plus petit dénominateur commun » des modes de fonctionnement
de diverses cultures, comme le rapport au temps, variable d’un peuple à l’autre.
Coup d’accélérateur à la fin des années 80, avec la chute du Mur de Berlin, qui brise les carcans
et fait émerger la pluralité des comportements culturels et des spécificités nationales. La fin des
modèles et l’amorce de la mondialisation mettent alors l’interculturel au cœur du débat. Charles
Rostand, directeur général d’Akteos, cabinet spécialisée dans l’accompagnement de
l’interculturel, nous livre son analyse.
Quelles sont les grandes évolutions en termes de management interculturel ?
En l’espace d’une quinzaine d’année, le contexte a changé. Si, à l’origine, les interventions se
tournaient vers la gestion de l’expatriation, elles sont devenues plus complexes avec la
globalisation. Il s’agit aujourd’hui d’aborder la gestion des équipes à distance, mais aussi celle de
projets internationaux, les collaborateurs interagissant de façon matricielle tout en étant
physiquement à distance. Nous sommes passés de problématiques individuelles ou bilatérales à
des problématiques multiculturelles et transversales. Ceci s’est renforcé avec l’inclusion de
talents internationaux, ces collaborateurs de pays aux codes différents qui doivent s’adapter à
des environnements étrangers à leurs yeux.
Frédérique Guénot
Sommaire
Les cultures d'entreprise et le management
interculturel
N° 16
Hans Merkens :
Management interculturel
4. Le management interculturel et les notions
5. Bibliographie
Management interculturel
Ce texte est issu d'un cycle de recherche-formation de l'Office
franco-allemand pour la Jeunesse mené sur "les compétences à
développer dans des situations internationales et pluriculturelles
de management", par une équipe de chercheurs composée, du
côté français, de Jacques Demorgon, Franck Gauthey, Christine
Condominas, Guy-Olivier Faure, du côté allemand, de Gunter
Gebauer et de l'auteur de ces lignes. Autour du thème du
management interculturel, ce groupe accueillit, d'une part, des
étudiants allemands et français, d'autre part, des cadres moyens,
aussi bien allemands que français, réunis pour aborder les
questions de coopération interculturelle. Que soient ici remerciés
tous ceux dont la coopération et les encouragements sont aussi à
l'origine de cette contribution.
A première vue, les séquences des activités dans les entreprises, quand
elles sont axées sur les produits, semblent s'inspirer d'un modèle
universel. Ainsi, des ingénieurs œuvrant dans la recherche et le
développement peuvent se fonder sur l'idée que, pour l'entreprise,
l'essentiel, même dans un contexte interculturel, c'est la focalisation du
travail sur des objectifs bien précis (universal constructs), et qu'il suffit,
dans les équipes de travail, de comprendre la langue utilisée de part et
d'autre (indigenous constructs). Cette conception du travail en entreprise
peut être caractérisée de la manière suivante :
Mais ce sont, d'abord, les problèmes liés à une rationalité universelle qui
ont été et sont vécus de la manière la plus vive. Ce qu'illustre le défi
japonais, car dans ce cas et par rapport aux systèmes de valeurs, les
présupposés reposent sur d'autres prémisses de rationalité (cf. Pascal,
Athos 1981). Et la réussite de l'économie japonaise est reliée à cet autre
modèle fondateur.
En poussant plus loin cette analyse, il s'avère qu'à elles seules les
connaissances linguistiques ne suffisent pas ; les malentendus ne peuvent
être réduits qu'en prenant en compte aussi le contexte communicationnel.
En elle-même, une langue ne peut y donner accès, elle se situe également
au sein d'un contexte, qui peut, lui aussi, être différemment compris par
l'émetteur et le récepteur. Les processus de communication sont
déterminés par les schémas cognitifs de ceux qui y prennent part. Ces
schémas diffèrent d'une culture à l'autre (cf. Knapp 1995, p. 11 sq.).
Ainsi, dans les rencontres franco-allemandes, des différences apparaissent
quant à la gestion du temps. Des participants allemands qui se tiennent
strictement à l'heure officielle de l'ouverture des travaux peuvent
s'exposer à un délai d'attente plus long que prévu. Les Français, de leur
côté, prennent la ponctualité des Allemands comme une vertu secondaire
plutôt que comme un signe de leur intérêt, ce qu'elle signifie pour les
Allemands. On pourrait continuer à développer ces observations. Mais
même dans leur brièveté, elles permettent déjà de laisser entrevoir des
éléments du contexte (inter)culturel.
Pour la France et les Pays-Bas, Merk (1995, pp. 110 sq.) a mis en relief
les dimensions suivantes permettant de mettre en lumière des différences
interculturelles :
- la hiérarchie / le partage du pouvoir,
- le rapport au temps,
- le rapport à l'espace (proxémie) et la communication non verbale,
- les aspects matériels/cadeaux,
- la langue.
Classification qui montre le degré de complexité des phénomènes de
l'interculturalité.
En guise de résumé
L'idée de management interculturel est un produit dérivé
de la notion de "culture d'entreprise". Elle amène à se
demander si, en ce qui concerne la direction des
entreprises, outre des "universels" -tels que les
présupposait le "scientific management"- il y a aussi des
"indigenous constructs", variables selon les cultures
nationales et qui représenteraient donc des "universels" à
l'échelle d'un pays. De surcroît, partant de l'approche
"culture d'entreprise", il faudrait ensuite rechercher
d'autres "indigenous constructs" définissant les
particularités propres à chaque entreprise, en-deçà du
niveau des caractéristiques nationales. De nombreux
représentants du management interculturel, qui ne se
réfèrent pas aux notions utilisées dans notre étude,
pensent qu'une telle classification est prometteuse. Mais
c'est aussi d'une certaine manière le point faible de
nombre de travaux menés jusqu'à maintenant : il y a trop
peu d'énoncés systématiques qui définiraient la nature des
universels, qui préciseraient où situer les particularités
nationales et comment dans ce cadre pourraient se
constituer des cultures d'entreprise spécifiques. On
argumente et on intervient plus ou moins au seul niveau
des simples plausibilités.
Dans les trois usines, ce sont aussi les méthodes de travail qui
sont fort différentes. Mais on hésite beaucoup à les évoquer. Ainsi
les horaires sont loin de concorder et font obstacle aux
communications. En particulier, "l'arrêt pour le déjeuner en
France paraît énorme. De même que paraît surprenante la
disparition systématique des Anglais après 17 heures".
Par exemple, pour la France, comment ignorer les tendances du très long
terme culturel ? Le courant culturel historique royal et impérial s'est
largement imposé au courant culturel communautaire. Même si un coup
d'arrêt momentané lui a été donné, en 1789, ce courant a largement
repris par la suite.
Pour nous, ici, habitué au long terme des cultures, il est évident que ces
critiques sont de l'ordre de l'ignorance persistante de ce que sont les
cultures et de leur rapport aux stratégies.
Sur le long terme des cultures, cela s'enracine dans la prégnance des
cultures communautaires, en Allemagne, au cours du premier millénaire
européen. Ces cultures entraînent toujours un esprit plus égalitaire. De
plus, elles ne conduisent pas au mépris des activités économiques
contrairement aux perspectives de la culture impériale : celle du Saint-
Empire romain-germanique dont la prépondérance a toujours été en partie
enrayée, ou celle de l'Eglise catholique dont l'influence est finalement
repoussée par la Réforme.
Pour notre part, nous pourrions ici montrer aussi la longue continuité
culturelle britannique. L'aristocratie et la grande-bourgeoisie se sont
associées et ont accordé le primat aux activités économiques sur toute
autre activité, en particulier, militaire. Cette élite a fini par marginaliser la
Royauté et a pu conquérir le pouvoir politique. Dès le milieu du XIXe
siècle, la Grande-Bretagne est devenue la première des nations-
marchandes.
Selon Olivier Meier, directeur de recherche et enseignant en management, le management interculturel peut
se définir comme : «un mode de management qui reconnaît et prend en compte les différences culturelles
et tente, par des actions organisationnelles et relationnelles, à les insérer dans l’exercice des fonctions de
l’organisation, en vue d’améliorer sa performance économique et sociale. »
On a tendance à associer l’interculturel à l’international, mais l’interculturel concerne « tous les rapports,
échanges entre cultures et civilisations différentes »: cela peut aussi être la gestion des rapports entre
générations, entre sous-cultures d’un même pays… Cela touche donc potentiellement toutes les
organisations d’aujourd’hui.
Les formations au management interculturel se multiplient, mais encore peu d’organisations savent
réellement ce que cela recouvre, et surtout en quoi il peut être utile à la stratégie d’entreprise.
La question de l’interculturalité se pose dans de nombreux contextes : que ce soit à l’occasion d’une fusion
d’entreprises, du recrutement d’un collaborateur, de son intégration, lors de négociations ou tout
simplement à l’occasion d’échanges quotidiens avec l’ensemble de ses collaborateurs. Toutes ces situations
sont susceptibles de présenter des risques interculturels pouvant être anticipés en intégrant le management
interculturel à la stratégie d’entreprise.
Tant de risques qui justifient le recours à la gestion des différences culturelles afin de garantir le succès des
entreprises d’aujourd’hui, et ainsi d’améliorer leur performance sociale et économique.
Manager à l’international
Pour Robert Dorlin, directeur Marketing digital chez EF Education First, les managers internationaux
doivent être des ponts entre les cultures. Une bonne communication est vitale pour réussir à
l’international. Il faut savoir prendre en comptele contexte et les différences culturelles de ses
collaborateurs – cela passe par une formation ou une grande expérience à l’international. Il faut
savoir ménager les susceptibilités, et donc prendre connaissance des usages des cultures avec lesquelles
nous sommes en contact.
Voici deux exemples de notions qui changent de signification en fonction des cultures :
La négociation: en Chine, il est bien vu d’offrir un cadeau avant toute négociation commerciale pour montrer sa
considération, en Afrique il convient de prendre d’abord des nouvelles de la famille de son collaborateur, mais aux Etats-Unis
la négociation se fait beaucoup plus rapidement et plus directement (« Time is money »).
La réunion : au Royaume-Uni, une réunion est vue comme une session de travail où chacun participe, alors qu’en
Espagne, une réunion a un but informatif et le collaborateur s’attend à avoir un rôle passif.
Prendre connaissance de ces différences en amont permet d’éviter bien des conflits et favorisent
des collaborations réussies.
Pour résumer, l’ouverture, l’écoute et la curiosité sont les qualités indispensables pour devenir un bon
manager à l’international.
Multiculturalisme versus
interculturalisme : quelle approche
adopter en management des
organisations ?
Dans un contexte de mondialisation économique, d’intégration croissante des espaces
économiques régionaux, nombreuses sont les entreprises qui doivent gérer leurs
activités à l’échelle mondiale. Dans ce cas, elles sont alors confrontées à différents
contextes culturels dont les spécificités peuvent influencer la pratique des affaires.
Parallèlement la population des cadres s’internationalise de plus en plus et cette
mondialisation des marchés engendre un flux croissant de mobilité internationale. Les
individus communiquent à l’échelle planétaire, se rencontrent, échangent, vivent et
travaillent avec des interlocuteurs issus de contextes linguistiques et socioculturels
extrêmement variés.
La compréhension entre individus de cultures différentes nécessite des « ajustements ».
Le simple fait d’entrer en contact avec des personnes appartenant à d’autres univers
culturels ne peut garantir le développement d’une attitude ouverte et tolérante. Les
entreprises multinationales tentent d’imposer leur modèle de management dans leurs
filiales, mais les individus s’organisent différemment selon les pays. Quels sont donc les
modèles théoriques qui vont permettre aux entreprises de s’adapter à ce défi permanent
du management interculturel ? Comment gérer d’un point de vue humain l’adaptation
des employés à un contexte de travail international et l’optimiser ?
Nous verrons dans une première partie les principales approches de l’analyse
interculturelle. Celle-ci peut être située dans le champ large des sciences humaines et
étudiée à travers des notions telles que l’altérité, les malentendus, le langage, l’espace-
temps, l’histoire ou la communication. Notre approche se centrera sur les apports et
limites des approches « classiques » de la diversité culturelle : multiculturalisme ou
interculturalisme. La deuxième partie sera consacrée aux théoriciens qui ont étudié les
problématiques interculturelles liées à l’internationalisation des entreprises. La mobilité
internationale est toujours un thème d’actualité pour les entreprises, et le management
d’équipes multiculturelles un défi au quotidien.
Le premier problème lié au management interculturel est celui de la communication. En
effet, c’est par la découverte de la culture de l’autre que naissent les représentations, les
préjugés, les stéréotypes, les clichés, les idées reçues (en positif et en négatif). La
maîtrise des formes linguistiques est nécessaire mais ne suffit pas à la communication.
Les structures formelles d’une langue ne sont qu’un vecteur et ne représentent que la
surface visible et émergente de la communication. La transmission d’un message n’est
jamais neutre : toute situation de communication est une situation où l’intention et les
représentations des émetteurs et des récepteurs conditionnent la diffusion et
l’interprétation du message. Dans certains cas, le locuteur et l’interlocuteur sont en
phase et la transmission est réussie. Dans d’autres cas, il y a divergence et la
compréhension se transforme en malentendu ou en incompréhension. D’où la nécessité
de connaître la culture de son interlocuteur pour s’y adapter.
La culture est « un ensemble de manières de voir, de sentir, de percevoir, de penser, de
s’exprimer, de réagir, des modes de vie, des croyances, des connaissances, des
réalisations, des us et coutumes, des traditions, des institutions, des normes, des
valeurs, des mœurs, des loisirs et des aspirations ». (Dictionnaire actuel de l’éducation,
Larousse, 1988). La première approche interculturelle a été de définir l’individu à travers
son groupe d’appartenance culturelle, c’est ce que l’on nomme le modèle multiculturel.
Le multiculturalisme (variante anglosaxonne du pluralisme focalisée sur la
reconnaissance des différences culturelles) est une modalité possible du traitement de la
diversité. Le multiculturalisme met l’accent sur la reconnaissance et la co-existence
d’entités culturelles distinctes en donnant la priorité au groupe d’appartenance.
« L’individu est d’abord, et essentiellement, un élément du groupe. Son comportement
est défini et déterminé par cette appartenance. L’identité groupale prime sur l’identité
singulière. L’accent est mis sur la reconnaissance des différences ethniques, religieuses,
migratoires, sexuelles, etc. Le multiculturalisme additionne des différences, juxtapose
des groupes et débouche ainsi sur une conception mosaïque de la société. Ce modèle
additif de la différence privilégie les structures, les caractéristiques et les catégories. »
(Martine Abdallah-Pretceille, L’éducation interculturelle, PUF, 2004, coll. « Que sais-
je ? »).
La limite principale de cette approche est que le multiculturalisme n’a permis de résoudre
ni le problème des relations entre les groupes, ni la paix sociale. En surinvestissant la
variable culturelle, on prend le risque de stigmatiser certains individus et d’accentuer des
comportements de rejet et d’exclusion. Le multiculturalisme, tout en reconnaissant les
différences, s’arrête en fait à une structure de cohabitation, de coprésence des groupes
et des individus. Cette structuration est potentiellement conflictuelle, car les relations
inégalitaires ne sont pas remises en cause.
Or chaque individu est un être pluriculturel qui porte en lui une culture liée à son sexe, à
son âge, à sa formation, à sa catégorie socioéconomique, à sa religion, à sa région
d’origine, à la famille qu’il a constituée par exemple. Tout individu est donc un être
multiculturel. On désigne cependant pour des raisons statistiques par le vocable
« culture globale » la culture d’un groupe national, économique, générationnel, chaque
fois que l’analyse de comportements culturels de masse est nécessaire. La culture
globale est le résultat d’un processus historique, elle évolue, elle produit des dimensions
matérielles, des idées, et possède divers sous-ensembles, mais ne reflète que
partiellement la réalité.
On peut donc estimer que l’interculturalisme propose une alternative au traitement de la
diversité culturelle, en rendant possible le fait que chaque individu puisse s’exprimer à
partir de plusieurs cultures. Le préfixe « inter » d’« interculturel » indique une mise en
relation et une prise en considération des interactions entre des groupes, des individus,
des identités. Ainsi, si le multi et le pluriculturel s’arrêtent au niveau du constat,
l’interculturel opère une démarche, il ne correspond pas à une réalité objective.
L’approche interculturelle n’a pas pour objectif d’identifier autrui en l’enfermant dans un
réseau de significations, ni d’établir des comparaisons sur la base d’une échelle
ethnocentrée. L’interculturel accorde une place plus importante à l’individu en tant que
sujet qu’aux caractéristiques culturelles de l’individu.
La diversité culturelle étant admise et étudiée, des chercheurs en sciences de gestion
ont tenté d’élaborer des modèles permettant aux entreprises d’optimiser la gestion des
ressources humaines dans un contexte interculturel. Nous étudierons l’approche
d’Hofstede, complétée par Hall, et celle d’Iribarne.
Geert Hofstede a été l’un des premiers à élaborer une grille d’analyse des différences
culturelles à destination des praticiens. Dans un premier temps il a défini les cinq
éléments suivants :
La distance hiérarchique, qui désigne l’acceptation de l’inégalité de pouvoir par
celui qui y est soumis ;
Le contrôle de l’incertitude, qui désigne le degré de tolérance d’une culture face à
l’inquiétude provoquée par des événements à venir ;
L’individualisme/le collectivisme, qui exprime le degré de liberté (d’autonomie)
d’un individu par rapport à un groupe, à la société dans laquelle il vit ;
La dimension masculine/féminine, qui indique si la société est d’une part, sensible
à des facteurs émotionnels (féminin), factuels (masculin) et, d’autre part,
organisée avec une séparation marquée ou non des rôles des deux sexes dans
les tâches de la vie quotidienne ;
L’orientation court terme/moyen terme. Les valeurs associées au court terme sont
le respect des traditions, la satisfaction des obligations sociales. Les valeurs
associées à une vision à long terme (dite « vérité ») sont liées à l’économie et la
persévérance.
Cette étude fut basée sur une enquête menée auprès d’employés d’IBM dans 70 pays.
Elle permit l’élaboration d’une cartographie de l’approche culturelle par pays avec ces
cinq facteurs de différenciation qui donnent des clés d’interprétation quant au
comportement des ressortissants des pays étudiés. On se situe alors dans une approche
multiculturelle.
Hofstede a également déterminé les trois types de problème, auxquels l’homme est
confronté : sa relation avec les autres, sa gestion du temps et la façon dont il traite avec
le monde extérieur. A ces trois problématiques, les cultures apportent des réponses
différentes qui peuvent être analysées selon 7 dimensions : universalisme ou
particularisme, individualisme ou collectivisme, objectivité ou subjectivité, degré
d’engagement – diffus ou limité – envers une personne ou une situation, statut attribué
ou statut acquis, attitude à l’égard du temps, volonté de contrôle de la nature.
Les cultures universalistes considèrent qu’une solution qui a résolu un problème une fois
doit toujours être appliquée. En cela elles préfèrent appliquer la norme, la règle. Elles
cherchent la solution à portée générale, quels que soient les cas particuliers. À l’inverse,
les cultures particularistes accordent plus d’attention aux obligations relationnelles et aux
circonstances conjoncturelles. Confrontés à un problème, les particularistes cherchent
une solution adaptée à la situation particulière.
L’individualisme se définit comme « une orientation fondamentale vers soi-même » et le
collectivisme comme « une orientation fondamentale vers des buts et des objectifs
communs ». Ces deux types perçoivent par exemple différemment les organisations.
Dans les cultures privilégiant l’individu, l’organisation est un outil au service des intérêts
de chacun. Les rapports y sont régis par des liens abstraits, juridiques et réglés par des
contrats. Pour les collectivistes, l’organisation est un ensemble social où les membres
établissent des relations et où chacun doit contribuer au développement de l’ensemble.
Selon la culture, les émotions peuvent être exprimées différemment. Dans certains pays,
il est naturel d’exposer ses états d’âme tandis que pour d’autres nationalités cela est mal
perçu. Les « affectifs » admettent les attitudes subjectives, guidées par les sentiments.
Les « neutres », au contraire, privilégient les attitudes objectives, rationnelles,
dépassionnées. Ils préfèrent éviter d’exprimer leurs sentiments. Les « neutres »
considèrent qu’il ne faut jamais manifester ses émotions, surtout pas sur le lieu de
travail. Pour eux, l’attitude affective accuse un manque de maîtrise et d’objectivité. Les
styles de communication verbale et plus particulièrement les rythmes de communication
sont représentatifs de ces deux façons de gérer les sentiments. Un silence dans la
communication sera ainsi perçu comme un échec pour des occidentaux alors que pour
un asiatique il s’agit d’une simple pause permettant l’assimilation des informations. Le
ton de la voix est également sujet à diverses interprétations. Si les sociétés à culture
neutre voient les changements de ton comme un manque de maîtrise de soi, les pays
latins, quant à eux, considèrent que l’interlocuteur prend son rôle à cœur. La part de la
personnalité et de la vie privée dévoilée aux autres dans le cadre professionnel dépend
des cultures. Certains changent de comportement selon le contexte, tandis que d’autres
gardent la même attitude en tous lieux. Ceux qui compartimentent leur vie sont
« spécifiques ». À l’inverse, les « diffus » ne marquent pas de frontières entre les
différents aspects de leur vie. Ainsi, les cultures diffuses considèrent la vie privée comme
liée à la vie professionnelle tandis que les individus appartenant à une culture spécifique
vont, quant à eux, effectuer un clivage entre leur vie privée et leur vie professionnelle. La
position sociale se révèle être de nature différente selon les groupes sociaux. Dans
certaines cultures, le statut social est attribué en fonction de l’âge, de l’origine, de la
profession, des diplômes. Dans d’autres cultures, on l’acquiert par ses réalisations, ses
succès, ses actions. Le statut « attribué » est conféré par un état. Le statut « acquis »
est le résultat d’une action.
Au sein de certaines cultures, le temps est une série d’événements qui passent les uns à
la suite des autres sans influence réciproque. Les activités sont organisées en
séquences successives et isolables. Ces cultures, dites séquentielles, programment
l’utilisation du temps. Des outils très poussés de planification ont ainsi été élaborés.
Dans d’autres groupes culturels, les événements suivent un cycle. Chaque heure du jour
se répète, et le temps n’est organisé qu’en cycle : jour, semaine, mois, saison, année…
De plus, le passé, le présent et le futur s’interpénètrent à tel point que, par exemple,
l’expérience du passé ou les attentes du futur influent sur la vision du présent. Dans ces
cultures, dites synchrones, on préfère réagir aux circonstances plutôt que suivre un
calendrier. Le cas échéant, plusieurs activités sont menées en parallèle. En général, les
synchrones trouvent que les séquentiels manquent de souplesse tandis que les
séquentiels jugent les synchrones désorganisés.
Le dernier élément culturel est celui qui se réfère au noyau dur de la culture, c’est-à-dire
le rapport à l’environnement. Certains considèrent qu’ils peuvent contrôler la nature. Les
membres de cette culture sont orientés vers eux-mêmes, ils conçoivent l’organisation
comme obéissant à ceux qui la conduisent. D’autres, plus orientés vers l’extérieur,
pensent que l’homme doit accepter les lois de l’environnement qui s’imposent à lui. Ils se
laissent guider par ces lois, veulent vivre en harmonie avec la nature. Edward Hall ajoute
deux composantes à ces sept dimensions qui permettent de comprendre et de déchiffrer
les comportements des étrangers.
Selon lui, chaque personne a autour d’elle une bulle personnelle d’espace qui s’étend et
se contracte selon un certain nombre d’éléments : la relation des personnes
environnantes, l’état émotionnel, l’arrière-plan culturel et l’activité qui se déroule. Peu de
gens sont autorisés à pénétrer ce territoire mobile et ceci pour de courtes périodes de
temps. Des changements dans cette bulle d’espace peuvent rendre les gens mal à l’aise
ou agressifs. En Europe du Nord, les bulles sont très larges et les gens gardent leurs
distances. En France du Sud, Grèce, Espagne et Italie, les bulles se rétrécissent si bien
que la distance perçue comme intime dans le Nord est celle d’une conversation normale
dans le Sud. Les êtres humains au cours de leur vie intègrent des centaines d’indices
spatiaux. Ils s’imbibent de la signification de ces indices, dans le contexte de leur propre
culture. Comme la plupart des gens ne pensent pas que la distance personnelle est un
modèle culturel, les indices spatiaux étrangers sont presque inévitablement mal
interprétés. Quand un étranger apparaît agressif, froid ou distant, cela peut vouloir dire
seulement que sa distance personnelle est différente de la nôtre.
Hall montre également que les variations culturelles s’expriment à travers les contextes
de communication. Le contexte est l’ensemble d’informations qui entourent un
événement ; il est étroitement lié à la signification de l’événement. Les éléments qui
concourent à donner une signification à un événement sont en différentes proportions
selon les cultures. Le contexte riche est celui où la plupart des informations sont déjà
dans la personne, pendant que peu d’informations sont transmises dans la partie
explicite, codée, du message. Un contexte pauvre de communication est le contraire :
une grande masse d’informations est transmise dans le cadre explicite.
Philippe d’Iribarne travaille également sur l’influence des cultures nationales sur le
fonctionnement des organisations. Il part d’une définition de la culture prise à
l’anthropologie. Celle-ci est un système de sens à travers lequel l’individu perçoit et
interprète une situation ou une action concrète. L’individu n’est pas déterminé dans son
comportement et ses valeurs, qui appartiennent à sa personnalité et à son histoire
propre. Mais ses réactions à une situation ou une action donnée seront fonction de son
interprétation, donc de ce système de sens. Il a autant investigué l’interculturalisme que
le multiculturalisme.
D’Iribarne estime que la mondialisation a entraîné de grandes évolutions dans les
pratiques d’entreprise. En France, après la seconde guerre mondiale, on a importé dans
les entreprises des pratiques de gestion américaines, puis, dans les années 80 des
pratiques japonaises. Les idées circulent mais chacun réinterprète ce qu’il reçoit selon sa
logique propre. Ainsi on parle beaucoup en France de relations contractuelles mais en
pratique un contrat français engage autrement, surtout entre personnes engagées dans
une relation à long terme, qu’un contrat américain. La lecture des situations dont est
porteuse chaque culture politique amène à juger sévèrement les points faibles des
formes de fonctionnement de la société qu’on observe ailleurs et à considérer avec
indulgence les points faibles que l’on trouve là où elle prévaut. Par exemple, nous
Français sommes très choqués par la manière dont on peut licencier les travailleurs aux
Etats-Unis, alors que cela paraît normal dans la conception américaine, qui met l’accent
sur la liberté contractuelle, des liens entre une entreprise et son personnel. Si l’Etat est
largement perçu en France comme un protecteur des libertés, il l’est beaucoup plus
comme une menace pour les libertés aux Etats-Unis, d’où des conceptions différentes
de son rôle. On a les mêmes différences entre Allemands et Américains ou Allemands et
Français. La mondialisation ne change rien à cela.
La mondialisation économique n’a pas homogénéisé « l’esprit des peuples ». Le marché
se frotte ou se heurte à d’autres rationalismes. En conclusion, lorsqu’on aborde la
question de l’interculturel, c’est principalement à la façon dont les hommes travaillent
ensemble qu’il faut s’intéresser, en renouant avec les interrogations de Montesquieu et
Tocqueville sur les rapports entre les règles et les mœurs, en allant voir sur le terrain
comment les manières de coopérer affectent l’efficacité obtenue. Les différentes théories
évoquées par les chercheurs sont une clef de lecture, qui varie cependant en fonction de
caractéristiques propres à chaque individu. Il paraît cependant essentiel que les
entreprises planifient des formations interculturelles adaptées pour les expatriés, les
managers d’équipes multiculturelles, les chefs de projet à l’international, les acheteurs,
les équipes RH internationales entre autres, afin d’optimiser le management en contexte
interculturel et ne pas nier cette « diversité culturelle » reconnue par l’ONU en 2000.
Imaginez accueillir chez vous un stagiaire chinois ou russe…ou vous lancer dans l’export et
rencontrer pour la 1ère fois votre (nous l’espérons) futur client émirati… Allez-vous ajuster votre
comportement ? Et imaginez maintenant devoir travailler, vous breton (par exemple), avec un
alsacien ou une équipe marseillaise …. Et bien, là également, vous devrez ajuster votre
comportement et adapter votre discours à vos interlocuteurs…
Mais pourquoi ? Et qu’est-ce qui rapproche un client alsacien d’un fournisseur coréen ou d’une
stagiaire canadien (anglophone) ?
Vous l’aurez constaté : la mondialisation ainsi que les possibilités de mobilité allant croissantes,
on voit cohabiter des groupes culturels différents dans une même entreprise, voire un même
bureau ! Sans parler des partenaires internationaux. Dans ce type d’environnement
professionnel, il est important pour les managers de porter attention aux besoins spécifiques et
aux spécificités des clients, partenaires et bien entendu collaborateurs, qui n’ont pas la même
histoire. Comment faire ?
Travailler sa communication
Les modes de communication vont différer selon l’origine des personnes. Déjà, de par la langue,
mais aussi dans les comportements permettant la communication. Cela ne signifie pas que le
manager devra être particulièrement indulgent vis-à-vis des étrangers, dans leur usage de la
langue, mais il faudra montrer plus d’attention et d’empathie vis-à-vis de ceux qui n’ont pas la
même langue native que la majorité des autres collaborateurs. Par ailleurs, un manager d’équipe
multiculturelle devra également s’intéresser à la façon dont chacun de ces salariés multiculturels
se positionne vis-à-vis du temps de travail, des jours de congés etc ….en bref, il devra tacher de
discuter de tous les sujets qui fâcheraient avant qu’ils ne se transforment en problèmes
litigieux….Et pourquoi, d’ailleurs, ne pas étendre cette bonne pratique à tous ses collaborateurs,
même nationaux ?
soit cette internationalisation entraine une homogénéisation, une fusion entre les
cultures;
soit une culture devient dominante (on l’a souvent prédit de la culture anglo-saxone);
soit enfin, chaque culture conserve sa propre identité, en établissant des espèces de
règles de cohabitation entre les groupes.
On voit bien que chacune de ces trois tendances est porteuse de changements
lourds à moyen et long termes, à commencer par la remise en cause du
management lui-même.
Tout management devra prendre en compte les différentes cultures, pour atteindre
un maximum d’efficacité, en rejoignant une de ces trois possibilités.
La Mondialisation
- La dimension multiculturelle du management va pouvoir principalement prendre
deux aspects :
Quitte à choquer, j’aurai tendance à dire que la forme de management n’est pas (il
n’y a pas une recette principale) le facteur essentiel : le management ne saurait être
que la prise en compte, évoluant avec le temps et l’environnement « des facteurs
clés de succès ».