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ANALYSE COMPARATIVE DU
CHOIX DES INDICATEURS DE PERFORMANCE DANS L'ADMINISTRATION
FISCALE ET LA SÉCURITÉ SOCIALE
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Résumé
Dans cet article, nous comparons, sur un plan transnational, le choix des indicateurs de per-
formance dans deux secteurs fondamentaux de l’activité de l’État, à savoir l’administration fis-
cale et la sécurité sociale. Nous avons examiné le choix des indicateurs de performance dans
six pays (Australie, Canada, Pays-Bas, Suède, RU et États-Unis) pour analyser les principaux
facteurs qui motivent le choix d’indicateurs donnés dans le contexte des traditions adminis-
tratives nationales et des programmes de réforme plus récents, d’une part, et des évolutions
vers les échanges et les « analyses comparatives » internationaux, d’autre part. Nous étudions
l’importance et l’interaction relatives des différents facteurs à l’origine des choix ainsi que leur
influence sur le développement et l’application des indicateurs de performance. À cette fin,
nous avons associé les approches institutionnalistes à la littérature sur les mécanismes et les
effets des échanges internationaux et de la diffusion des politiques. Notre analyse indique
© I.I.S.A. | Téléchargé le 20/05/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.71.147.37)
Christian van Stolk est analyste principal chez RAND Europe, Cambridge et Kai Wegrich est
professeur de gestion publique, Hertie School of Governance, Berlin. Traduction de l’article paru
en anglais sous le titre : « Convergence without diffusion? A comparative analysis of the choice of
performance indicators in tax administration and social security ».
Copyright © 2008 IISA - Vol 74(4): 621–649
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dans une large mesure, déterminés par des traditions institutionnelles et des modalités de
gouvernance nationales, ainsi que par des approches nationales plus larges en matière de
gestion de la performance. Dans la mise au point d’indicateurs de performance, il convient
de tenir notamment compte des rapports de responsabilité dans le cadre desquels les
agences sont organisées.
Introduction
L’évolution perçue de la responsabilité du service public vers les résultats et les
produits plutôt que vers les ressources apparaît comme l’un des facteurs à l’origine
du développement et de l’application des indicateurs de performance (IP) dans le
cadre des systèmes de mesure et de gestion de la performance. Toute tentative de
demander à une organisation donnée de rendre compte de ses « résultats » (ou de sa
« performance ») serait vaine en l’absence d’indicateurs permettant de mesurer cette
performance à des fins de comparaison dans le temps et avec d’autres pays. On peut par
conséquent considérer le développement d’indicateurs de performance viables comme
l’élément de base de tout système de gestion de la performance. Du point de vue de la
conception, tout système d’indicateurs de performance doit respecter certaines règles
et critères de conception, comme le fait que les indicateurs doivent illustrer des aspects
importants de l’activité organisationnelle ou du programme concernés plutôt que des
aspects secondaires mais facilement accessibles, ou que le(s) indicateur(s) doi(ven)t
représenter cette activité de façon cohérente. À cet égard, la définition des indicateurs
de performance serait déterminée par la situation de l’organisation ou le champ
d’intervention organisationnelle concernés. La célèbre distinction établie par Wilson
entre les organisations de production, procédurales, artisanales et d’adaptation met en
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À cette fin, nous adoptons dans cet article une approche comparative relative-
ment large, qui englobe six pays et deux secteurs. Avec l’administration fiscale et
le secteur de la sécurité sociale, nous nous intéressons à deux domaines qui font
partie des activités fondamentales de l’État mais qui ont aussi été considérablement
touchés par les réformes de la gestion publique depuis une vingtaine d’années. Ces
deux domaines présentent des exemples de questions de gouvernance contestées :
l’administration de la sécurité sociale est de plus en plus encouragée à s’adapter aux
nouvelles exigences des politiques de l’Etat providence à l’époque du repli de l’Etat et
des idées liées à la transition entre l’aide sociale et le marché du travail. Si la mission de
l’administration fiscale est sans doute moins contestée – considérée comme un mal
nécessaire -, la mise en œuvre de cette mission fait l’objet de pressions réformatrices
grandissantes. Il existe un certain nombre d’autres similarités entre ces deux domai-
nes administratifs – notamment le fait qu’ils font tous deux partie des principaux
employeurs dans le secteur public et qu’ils traitent un volume de « cas » important.
C’est aussi la raison pour laquelle ces domaines sont considérés comme liés dans les
débats sur la mesure de la performance. Cependant, la principale raison pour laquelle
nous avons choisi ces secteurs ne concerne pas leurs similarités, mais bien le fait
qu’ils couvrent deux domaines différents, mais d’une importance égale, de l’activité
administrative. Cette dimension transversale permet de mieux comprendre ce qui est
mesuré et pourquoi. Les similarités dans les choix entre ces secteurs permettraient
de tirer des conclusions sur l’importance plus générale des facteurs, tandis que les
différences feraient apparaître des caractéristiques sectorielles.
L’échantillon de pays choisis pour cette comparaison témoigne de l’importance
accordée aux pays occidentaux considérés comme fortement concernés par les
réformes de la gestion publique depuis deux décennies. Parallèlement à cela, l’in-
clusion de pays du monde anglo-saxon, d’Europe continentale et de Scandinavie
offre un degré de variété suffisant sur le plan des traditions administratives et des
cadres institutionnels pour représenter la variété en ce qui concerne la conception
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de ces grandes catégories pour les deux domaines administratifs au début des cha-
pitres concernés (voir tableaux 3 et 6).
Notre analyse empirique était ensuite composée de quatre étapes :
• définition des principales dimensions de la performance liée à l’administration
fiscale et à la sécurité sociale
• répartition des différents IP dans les catégories générales des principales dimen-
sions de la performance
• cartographie de l’objet principal des IP dans le cadre des différentes dimensions
• évaluation des modalités de gouvernance concernant l’usage des IP, selon la dif-
férenciation liée au « ciblage », au « classement » et aux « renseignements », trois
utilisations générales des IP (Hood 2007).
Tandis que ce type d’analyse par « instantané » ne permet pas d’analyser les
développements au fil du temps, les données extraites nous ont donné un aperçu des
indicateurs de performance observés dans chaque cas, ce qui nous a permis d’effectuer
une analyse comparative au sein des domaines administratifs sélectionnés ainsi qu’entre
ceux-ci. Cette analyse par « instantané » du choix des indicateurs s’intègre dans une
analyse des principales évolutions de la réforme du secteur public, tant au sein de ces
secteurs que des réformes plus globales. En conséquence, l’analyse systématisée dans
une certaine mesure des indicateurs de performance a été complétée par une analyse
de la littérature académique et des documents stratégiques sur les systèmes de gestion
de la performance en général dans lesquels s’intégraient nos exemples.
Dans la partie suivante, nous établissons la perspective conceptuelle pour
représenter les similarités et les différences entre ces cas. Nous utilisons ensuite la
quadruple perspective analytique qui en résulte pour comparer les caractéristiques
du choix des IP respectivement dans l’administration fiscale et les services sociaux.
Dans la conclusion, nous examinons l’importance et l’interaction des différents
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règles institutionnelles (comme le nombre de « titulaires d’un droit de veto ») qui per-
mettent des changements plus ou moins radicaux dans les modèles établis (Pollitt et
Bouckaert 2004 et Pollitt 2006 pour une analyse des variables institutionnelles dans
le contexte des réformes de la gestion publique).
Ces approches institutionnelles historiques ont déjà été utilisées dans le cadre
de la gestion de la performance, et notre analyse se fonde sur les travaux de Pollitt
(2006). Parallèlement à cela, nous appliquons (après Lodge 2002) la différenciation
entre les facteurs basés sur le secteur et les facteurs intersectoriels, ce qui permet de
regrouper différents facteurs institutionnels locaux dans ces deux dimensions ana-
lytiques. Les facteurs basés sur le secteur sont ceux qui sont essentiellement déter-
minés par des acteurs et des institutions au niveau du secteur concerné, c.-à-d. les
facteurs qui sont définis dans le cadre de l’espace organisationnel et réglementaire
immédiat du domaine administratif concerné. Deux grandes catégories appartien-
nent à cette dimension. Premièrement, le champ d’intervention organisationnelle (y
compris les modalités d’organisation) du secteur concerné est un facteur de base
susceptible d’influencer la définition des indicateurs de performance. Selon Wilson,
on peut définir le champ d’intervention en termes de mesurabilité des résultats et
des produits. Lorsque ceux-ci sont mesurables, les deux dimensions sont intégrées
dans un système d’indicateurs de performance. Les deux administrations sélection-
nées appartiennent au type d’agence dite « organisation de production » auquel
cela s’applique (cf. Wilson 1989: 160) – on ne doit par conséquent pas s’attendre à
une grande variation à cet égard.
D’autres facteurs liés au secteur peuvent néanmoins expliquer la variation entre
les secteurs, comme les modalités d’organisation au niveau du domaine. Tandis que
ces modalités d’organisation sont, dans une certaine mesure, déterminées par des
cadres de gouvernance et des programmes de réforme plus larges (des facteurs
intersectoriels), les acteurs basés sur le domaine disposent d’une certaine liberté dans
la définition de ces modalités. Les traditions sectorielles ont-elles aussi une influence
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davantage propres au domaine (mais on ne peut pas exclure une congruence des
idées issues de discours basés sur le domaine ou intersectoriels).
En ce qui concerne l’échange et la diffusion internationaux en tant que facteur de
choix des IP, nous nous sommes intéressés à la littérature en plein essor sur la diffusion
de l’innovation dans la réglementation (cf. Black 2005). Nous nous sommes basés sur
une étude qui met en évidence le rôle des échanges internationaux et des « canaux
de diffusion », comme les organisations internationales, les groupes de réflexion ou
les réseaux administratifs transnationaux, dans la facilitation du transfert et de la dif-
fusion internationaux des politiques. Bien que ces thèmes soient étudiés de plusieurs
points de vue théoriques, l’un de ces points de vue particulièrement importants dans
le contexte de la réforme de la gestion publique est l’isomorphisme institutionnel
(DiMaggio et Powell 1983; Pollitt 2002; Black 2005; James et Lodge 2003; Lodge
et Wegrich 2005). L’isomorphisme institutionnel souligne le rôle de la légitimité dans
la détermination des choix stratégiques dans les situations d’incertitude au sujet de
l’efficacité des différents modèles stratégiques. Les trois mécanismes d’isomorphisme
(coercitif, professionnel et mimétique) présentent des canaux sociaux dans le cadre
desquels les choix possibles liés à l’environnement d’une organisation donnée sont
transposées dans cette organisation. De ce point de vue, les organisations interna-
tionales et les réseaux d’échange transnationaux sont considérés comme étant d’une
importance capitale non seulement pour faciliter l’apprentissage rationnel, mais aussi
pour créer des pressions de légitimité qui débouchent au final sur un isomorphisme.
Tandis que le programme du nouveau management public est considéré comme
un cas de diffusion stratégique internationale (qui comprend des mécanismes d’iso-
morphisme), les échanges internationaux joueraient un rôle de plus en plus important
dans la détermination d’une série de réformes du secteur public depuis la fin des
années 1990 (cf. Black 2005; Peters 1997). Les communautés d’experts et les réseaux
administratifs transnationaux ont accéléré le rythme des échanges internationaux et
de la diffusion des politiques. Aujourd’hui, l’environnement institutionnel exerçant des
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2 Ces catégories se fondent sur des taxonomies développées par la Banque mondiale (Gill 2000)
et sur une analyse comparative des administrations fiscales effectuée par l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE) (OCDE 2004b). Voir aussi le travail réalisé
par RAND Europe pour le groupe EUROSAI, dont les conclusions vont être publiées sur http://
www.eurosai.org/eng/esgbcpfa.asp?menu=esgbcpfa (consulté en août 2007).
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Tableau 4 : Principaux indicateurs de performance utilisés par catégorie dans les pays étudiés
Cette analyse révèle que la mise au point d’indicateurs de performance dans les
pays sélectionnés est caractérisée par un degré considérable de similarités en ce
qui concerne l’objet des initiatives de mesure de la performance dans les quatre
dimensions. On observe des similarités en ce qui concerne les deux premières caté-
gories, tant sur le plan du nombre d’IP que de leur définition. Parallèlement à cela,
la variation est la plus marquée dans la catégorie (qualité du service) où l’activité en
termes de mesure de la performance est la plus intense, sur le plan quantitatif du
moins (près de la moitié des IP [79 sur 161] portent sur cette question). En d’autres
termes, on observe des similarités dans des domaines standard de la performance
administrative, mais une variation transnationale croissante dans les domaines liés
à des dimensions politiques plus fondamentales de la performance de l’adminis-
tration fiscale et à des phénomènes de réforme plus récents. Dans la suite de ce
chapitre, nous examinons cette observation générale dans le cadre des quatre
« groupes » de facteurs identifiés plus haut.
Le degré considérable de similarité entre les pays indique que le choix et la défini-
tion des IP sont fortement influencés par le champ d’intervention organisationnelle,
un facteur essentiel au niveau du domaine. Au niveau international, les indicateurs
de performance illustrent des éléments de base des tâches attendues de l’adminis-
tration fiscale. Par exemple, le contrôle du total de l’impôt perçu (les recettes) figure
dans les indicateurs de performance pour tous les pays de l’échantillon, à l’excep-
tion des Pays-Bas.3 La conformité au code fiscal est mesuré dans tous les pays et,
tandis que le nombre d’IP appliqués au contrôle de la conformité varie (entre 2 et
11), la façon dont la conformité est définie est globalement similaire. Par exemple,
les États-Unis, le Royaume-Uni et la Suède emploient le même indicateur pour la
conformité, ce qu’on appelle « l’écart fiscal ». La variation dans le domaine de la
conformité est liée à des indicateurs qui étudient le point de vue du contribuable. Le
bureau d’impôt australien (« Australian Taxation Office », ATO) et le Belastingdienst
néerlandais contrôlent la façon dont le contribuable perçoit les activités de contrôle
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3 Les Pays-Bas font état des taux de recouvrement, mais ceux-ci ne sont pas qualifiés d’indicateur de
performance.
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sur les risques ont été articulées autour de groupes de contribuables (CIAT 2003).
Le HMRC, à l’instar des Pays-Bas, a adopté une organisation fonctionnelle en 2004
basée sur les principaux groupes de clients ainsi que sur les services centraux.
L’organisation de l’administration fiscale aux États-Unis se fonde sur le type de
contribuable, tandis que l’organisation au Canada est basée sur les services cen-
traux. Ces exemples montrent que des idées globalement similaires inspirent les
réformes institutionnelles qui ont motivé la définition d’IP dans des domaines tels
que la qualité du service. Parmi les idées communes, on retrouve le renforcement
de l’autonomie des administrations fiscales, une organisation interne plus fonction-
nelle basée sur des services centraux ou des groupes de contribuables (un mélange
d’organisation basée sur le processus et le client) et, un élément qui intéresse au
plus près les indicateurs de performance, une plus grande importance accordée à
la relation avec le contribuable. L’accent mis sur l’amélioration de la relation avec le
client s’observe dans le choix des indicateurs de performance. Le tableau 4 fait clai-
rement apparaître l’importance des indicateurs de performance dans le domaine
de la qualité du service par rapport aux autres domaines, notamment dans les cas
de l’Australie, du Canada et des États-Unis.
Des énigmes persistent dans l’explication de l’évolution vers la qualité du service
dans le cadre des IP en ce qui concerne les débats sur les réformes sectorielles. Plus
particulièrement, le développement relativement tardif de la qualité du service en
tant qu’idée dans le cadre des réformes (par rapport aux autres domaines) indique
que ce secteur a hésité à adopter ces idées par le passé. L’administration fiscale est
un domaine caractérisé par une « culture de la conformité » hiérarchique tradition-
nelle, soucieux de conserver une image (fausse) d’application uniforme des règles.
Dans les cas où la « qualité du service » est considérée comme un élément dans
une stratégie plus large visant à améliorer le « respect volontaire » (et, dès lors, à
utiliser les ressources limitées de façon efficiente), les débats sectoriels constituent
effectivement un facteur important dans le développement des indicateurs de per-
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des indicateurs de performance par le biais, par exemple, de groupes de travail dans
les organes régionaux d’administration fiscale n’en sont encore qu’à leurs débuts.5
S’il existe quelques tentatives de « comparaison » des indicateurs de performance
de l’administration fiscale au niveau transnational, celles-ci sont limitées dans leur
contenu et leur influence. La plupart des conférences s’achèvent en soulignant
les différentes entre les administrations fiscales au lieu de produire des recom-
mandations concernant le développement conjoint d’indicateurs de performance.
Une récente étude réalisée par un groupe directeur des Institutions supérieures
de contrôle des finances publiques de l’Europe (EUROSAI) n’observe qu’une com-
parabilité directe limitée entre les indicateurs des administrations fiscales (où une
comparaison était possible), qui était davantage liée à des similarités dans les flux
fiscaux (par exemple, la taxe sur la valeur ajoutée) et aux activités fondamentales
qu’à des éléments attestant d’échanges internationaux ou d’un apprentissage entre
les communautés dans les administrations fiscales.6
Tandis que les débats sur la réforme sectorielle et les échanges internationaux
sont peut-être à l’origine de l’importance grandissante accordée aux indicateurs de
performance, notamment dans le domaine de la qualité du service, nous allons à
présent nous intéresser à la variation dans la façon dont les IP sont définis et utilisés.
Même dans les domaines du recouvrement et de la conformité, les IP présentent
une série de nuances qui soulignent d’importantes différences dans la façon dont
les indicateurs de performance sont choisis et définis. Par exemple, l’OCDE (2004a:
25) a constaté qu’il n’existe pas de définition « universellement » acceptée en ce qui
concerne la mesure des frais administratifs pour mesurer l’efficacité et la productivité
des administrations fiscales. Dans le même ordre d’idées, il existe souvent des diffé-
rences marquées entre les pays dans la façon dont les indicateurs de conformité sont
utilisés. Par exemple, le Canada met l’accent sur le nombre de déclarations remplies
dans les temps, tandis que l’Australie applique une mesure globale qualitative basée
sur les tendances. Dans une certaine mesure, ces différences sont liées à des différen-
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1 Informations essentiellement issues des rapports annuels. Une liste complète est présentée dans la partie consacrée aux références.
van Stolk et Wegrich Administration fiscale et sécurité sociale 635
Tableau 7 : Principaux indicateurs de performance utilisés par catégorie dans les pays étudiés
pour tous les types de prestations, si celles-ci ont été versées dans un délai déterminé.
Les États-Unis comparent le nombre de jours qui s’écoulent avant que l’administration
ne verse certaines allocations par rapport à des objectifs, et le Royaume-Uni vérifie
le nombre moyen de demandes de droit à la pension versées comme il se doit
ainsi que le nombre de jours nécessaires pour traiter les demandes de pension en
les comparant à des objectifs. En Suède, la plupart des indicateurs de performance
explicitement définis dans les rapports annuels, par opposition aux indicateurs de
performance laissés à l’appréciation de l’Agence d’assurance sociale, portent sur la
ponctualité du traitement. Le traitement des paiements est un processus fondamental
concret au sujet duquel les informations sur le performance sont relativement faciles
à obtenir. Cependant, le nombre limité d’indicateurs liés à la qualité du service aux
Pays-Bas indique que le nombre global élevé d’IP n’est pas seulement lié à la facilité
avec laquelle les différentes dimensions peuvent être mesurées. Les programmes de
réforme intergouvernementaux ont aussi une influence, et les pays varient en ce qui
concerne la mesure dans laquelle les objectifs généraux liés aux gains en efficience
sont transposés dans des indicateurs de performance spécifiques servant d’objectifs
dans la réalisation des gains en efficience. Ces programmes nationaux s’observent
particulièrement aux États-Unis et au Royaume-Uni (voir SSA 2006; UK DWP 2005).
Des similarités apparaissent également dans certains indicateurs. Par exemple,
dans le domaine de l’intégrité des paiements, les administrations de sécurité sociale
appliquent des approches communes, comme le recours à des enquêtes d’évalua-
tion arbitraire pour comprendre les raisons qui incitent les demandeurs à escroquer
le système de prestations, ce qui donne naissance à des indicateurs similaires pour
surveiller l’intégrité du système. En ce qui concerne l’efficience, l’Administration
américaine de la sécurité sociale et le Conseil des ressources humaines et du
développement social contrôlent l’efficience en analysant les coûts administratifs
des prestations. Les indicateurs relatifs à l’absence du personnel présentent des
similarités au Royaume-Uni et en Australie. Tandis que les similarités en termes
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Tableau 8 : Approches spécifiques utilisées par les pays dans le système de sécurité sociale
...
Tableau 9 suite
1 Informations essentiellement issues de rapports annuels. Une liste complète est présentée dans la partie consacrée aux références.
Analyse et conclusion
La comparaison générale entre le choix des IP dans deux domaines et six pays
fait apparaître des différences et des similarités entre les secteurs et les pays en ce
qui concerne l’importance des facteurs mentionnés dans cette analyse. En ce qui
concerne la dimension intersectorielle, d’abord, certains des facteurs mis en évidence
par notre perspective analytique quadridimensionnelle déterminent le choix des IP de
façon similaire dans les deux secteurs. Plus particulièrement, le champ d’intervention
organisationnelle des deux activités administratives transparaît dans la définition des
IP liés aux activités organisationnelles fondamentales, où l’on observe un niveau
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d’activité similaire et des types d’IP relativement similaires développés pour contrôler
les activités administratives de base (recouvrement de l’impôt, versement des
prestations). Notre hypothèse initiale selon laquelle la variation devrait être faible étant
donné que nous nous sommes intéressés à deux agences de type « production »
est globalement confirmée. La variation dans la définition des IP dans le domaine
de l’activité organisationnelle fondamentale est essentiellement liée aux structures
de tâches et aux modalités d’organisation différentes. Le fait, cependant, que ces
similarités se retrouvent essentiellement au niveau des variables d’input (activités
organisationnelles fondamentales) laisse entendre que ce n’est pas tellement la
mesurabilité des résultats et des produits qui suscite la convergence dans ce domaine.
Il est plus plausible de suggérer que cette tendance est motivée par une série de
motifs de mesurabilité (au niveau des ressources) et par les pressions généralement
grandissantes en faveur de la reddition de comptes en matière de performance.
En ce qui concerne les débats et les programmes sur les réformes sectorielles
et intergouvernementales, ces deux dimensions ne sont pas faciles à séparer
lorsqu’on analyse les différents domaines administratifs. Cependant, l’importance
globalement similaire accordée à la « qualité du service » dans les deux domaines
indique que des « paradigmes » intergouvernementaux sont à l’origine de cet
intérêt. Parallèlement à cela, dans les deux domaines, la définition de certains IP
importants est liée à des questions plus propres au domaine, à savoir le problème
de la conformité et l’approche connexe en matière de « conformité volontaire »
dans le domaine fiscal et la question de l’intégrité dans le domaine des prestations
sociales. Ces deux problèmes relient l’aspect spécifique relatif au champ d’interven-
tion organisationnelle à la question générale au sujet de l’efficience et du rapport
coût-efficacité.
Les deux domaines ne présentent qu’une exposition limitée aux mécanismes
isomorphes et à la diffusion de modèles de définition des IP. Tandis qu’il existe des
organisations et des réseaux internationaux qui cherchent à faciliter les échanges
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cette approche doit être complétée par une analyse plus fine des processus de
choix au niveau national et des modes d’interaction et de travail en réseau au
niveau transnational. L’extension du cadre temporel de l’analyse est une considéra-
tion méthodologique importante pour une analyse de ce type – en comparant dif-
férents « instantanés » concernant les caractéristiques du choix des IP à différents
moments sur une période de deux décennies. Une analyse empirique plus exhaus-
tive de ce type nous permettrait d’analyser les liens entre les mécanismes de choix
et le fonctionnement de même que l’efficacité des indicateurs de performance au
sein de systèmes de gestion de la performance plus larges.
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