Theorie Spectrale Lyon France

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P UBLICATIONS DU D ÉPARTEMENT DE MATHÉMATIQUES DE LYON

H. B UCHWALTER
D. TARRAL
Théorie spectrale
Publications du Département de Mathématiques de Lyon, 1982, fascicule 8C
« Théorie spectrale », , p. 1-198
<http://www.numdam.org/item?id=PDML_1982___8C_A1_0>

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- 1 -

CHAPITRE 1 - THEORIE SPECTRALE ABSTRAITE

Il s'agit ici d'exposer quelques rudiments de théorie spectrale dans

les algèbres de Banach, suffisants pour permettre l'accès à la théorie

spectrale des opérateurs sur un espace de Banach ou sur un espace de Hilbert.

On commence donc par une étude des algèbres de Banach que, pour simplifier,

nous supposerons unitaires (ou unifères)• Ce point de vue est suffisant pour

l'application aux opérateurs. Il ne le serait pas en Analyse Harmonique où

les algèbres convolutives du type ( G ) , G groupe localement compact abélien

ou non, ne sont pas unitaires si G n'est pas discret.

1.1 ALGEBRES DE BANACH UNITAIRES. - Par définition, il s'agit d'une algè-

bre A sur le corps des nombres complexes Œ (ceci est très important), pos-

sédant un élément unité noté U (ou I ou e éventuellement), munie d'une norme

d'espace de Banach telle que l'on ait en plus les relations :

|| xy|| < ||x|| ||y|| V x € A, y £ A et || 1 || = 1

( 1 . 1 . 1 ) EXEMPLES. -

Ex. 1 . L'algèbre multiplicative C ^ T ) des fonctions (complexes) continues

et bornées sur un espace topologique complètement régulier T. Si T = K est

compact on retrouve l'algèbre de Banach classique C ( K ) . Ces algèbres sont

commutatives.

Ex. 2 . Soit E un espace de Banach. L'algèbre A = L(E) des opérateurs bor-


nés de E n'est pas commutative.
p
Ex. 3 . Soit G un groupe localement compact abélien, par exemple G = ]R , ou
P npP
G = 2Z ou G = ™ avec pour Tfle tore à une dimension. L'algèbre convolutive
i

et commutative L (G) n'est pas unitaire en général. On la plonge donc dans

l'algèbre convolutive M(G) des mesures signées (en fait complexes) sur G,

qui admet pour élément unité la mesure de Dirac 6 placée à l'origine de» G,

c'est à dire au zéro de G supposé noté additivement.

1 1
Ex. 4. Si G = 2Z l'algèbre convolutive L (G) n'est autre que l (7L ) avec
le produit convolutif c = a * b défini selon :
- 2 -

c = Z a, b .

Ex. 5 . L'algèbre du disque, c'est-à-dire l'algèbre des fonctions holomor-

phes sur le disque U = {z, |z| < 1 } qui sont continues sur le disque fer-

mé U = {z, |z| < 1 } , avec la norme uniforme sur U ou sur U. Elle contient

une sous-algèbre intéressante, identifiée à la sous-algèbre convolutive


0 0
1 1 n
% ( U ) de Z (TL ) , et formée des fonctions f = X a z dont le développement
o n
r 1
en série entière est absolument convergent sur le tore 0 = 3U.

Le groupe des éléments inversibles de A. - On désigne par G le groupe

multiplicatif des éléments inversibles de A. Ses propriétés sont conséquences

de :

( 1 . 1 . 2 ) LEMME. - Pour || a|| < 1 on a. U - a G G et

-1 °°
( H - a) = I a 11
(avec a 0
= U )
n=o

n n
Preuve - Evidente avec l'inégalité ||a || < ||a|| garantissant la convergence
0 0
n
absolue de la série Z a dans A, donc sa convergence puisque A est complète.

Si s est la somme on vérifie immédiatement que ('U - a) s = s ( U - a) = 1 ! par

continuité de la multiplication dans A. •

( 1 . 1 . 3 ) THEOREME. - Le groupe G est ouvert dans A et l'application x -> x

est continue sur G.


—1 —1
Preuve - Soit a G G. La condition ||ba || < 1 implique H - ba € G donc
—1 —1

aussi a - b £ G. Par suite ||b|| < ||a || implique a - b € G ce qui prou-


ve que G est ouvert. De plus,
1 1 1 1 1 1 1 1 n
(a - b ) " = [(A - b a " ) a ] ~ = a" (ï - ba" )"" = I a" (ba" )
0
d'où :
1
||U-b)-' -a"'!! < zllbH" || -'H- - il "H l'"»
a

1 1 - ||a- || ||b || 1

ce qui prouve la continuité sur G de l'application x -» x \ •


- 3 -

( 1 . 1 . 4 ) EXERCICES.

Exerc. 1 . Si a,b £ G alors b"~ - a"" = b " (a-b)a~ 1 1 1 1 1 1


= a ~ (a-b)b~~

Exerc. 2 . Exponentiation - Pour tout a G A on pose :


oo n
exp (a) = I —
o n!

Montrer que la série converge dans A, que ab = ba implique l'égalité

exp(a+b) = exp(a) exp(b) et en déduire que exp(a) £ G et[exp(a)] ^= exp (-a).

L'application exponentielle a -* exp(a) de A dans G est-elle continue ?

Exerc. 3 . Expliciter le groupe G dans l'algèbre C°° (T) ou dans l'algèbre C ( K ) .


Montrer que dans ces deux algèbres la condition ab £ G implique a € G et
b € G.

1 1

Exerc. 4 . Soit E = = £ (]N ) et soit A = L ( E ) . On considère les deux

opérateurs S,T £ A
Sa = (a 1 , ct ,... )
2 si a = ( a , a ^ , a ,... ) 2

Ta = (0, a , a ^ . . . ) si a= (a , Q a^, a , . . . )
2

Montrer que S t G, T £ G mais que ST est l'opérateur identité, donc ap-

partient à G. A-t-on TS G G ?

Spectre et résolvant d'un élément a £ A. - On appelle résolvant de a £ A

l'ensemble p(a) des nombres complexes X tels que X - a £ G, où on a noté

X - a = XH - a pour simplifier. C'est évidemment un ouvert de Œ d'après

( 1 . 1 . 3 ) . Pour X £ p(a) on pose :

1
R x (a) = R (X,a) = (X - a ) ~

et la fonction R (.,a) définie sur P(a), est appelée fonction résolvante

de a. Le spectre a(a) est par définition l'ensemble fermé ( C ^ p ( a ) . Enfin

on appelle rayon spectral de a le nombre r(a) = Sup{ |X|,X £ a(a)}.

( 1 . 1 . 5 ) PROPOSITION :

a) Pour tout X tel que |X|> || a|| on a X £ p(a) et

o / y \ v ,-(n+1) n
R ( X,a) = I À a
o
- 4 -

b) En particulier R( A,a) -» 0 quand I AI - » œ

Prguug - a) est évident et b) provient de l'inégalité

Il R(A,a)||< pour |X| > 2 | | a||. •

(1.1.6) COROLLAIRE. - Soit X £ p ( a ) . Alors la condition

< || R (A,a) || ^ implique X - J J € p(a) et

n n + 1
R ( À- U, a) = X jj R (*,a)
n=0

D
Preuve . - Avec l'égalité À - M - a = (A-a) [ 1 - J J R (A, a ) ] .

(1.1.7) THEOREME. - La fonction résolvante R (.,a) est holomorphe sur

l'ouvert p ( a ) , à valeurs dans A.

Preuve - Car ( 1 . 1 . 6 ) signifie qu'elle est développable en série de Taylor

au voisinage de tout point A £ p(a) , donc elle est bien analytique, c'est-

à-dire holomorphe. •

Comme conséquences importantes on a :

( 1 . 1 . 8 ) COROLLAIRE 1. - Pour tout a £ A le spectre a{s)est un compact non

vide de Œ et r(a) < || a|| .

Preuve - On sait déjà que a(a) est contenu dans {A, | A | < || a|| } avec (1.1.5),

donc r(a) < || a|| dès qu'on aura vu que a(a) n'est pas vide. Si l'on avait

a(a) = ^, alors la fonction R (., a) serait holomorphe dans ( C , donc entière.

Comme elle est bornée dans Œ d'après (1.1.5.b), et même tend vers zéro à

l'infini, elle est nécessairement nulle d'après le théorème de Liouville,

ce qui aboutit à la contradiction D = 0 et A = (°) contrairement à

|| « | | = 1. •

(1.1.9) COROLLAIRE 2. - Pour tout a £ A on a la formule

n 1 / n
r(a) = lim || a ||
n -> oo
-5-

n
Preuve - La suite a • =j| | | est telle aue a x
a < a . a . Il suit de là,
— ~ ^ n # n+m n m
par un exercice classique, que :

n n 1 / n
lim ||a i¡ = Inf ||a ||

Soit £ cette valeur commune. D'après la règle de Cauchy, la série

£ A converge absolument pour | A | > £, ce qui implique r(a) < £.


o

Réciproquement, pour tout x 1


G A', la fonction < R ( . , a ) , x > est holomor- f

phe pour | A ¡ > r (a), et égale à I A ^ n + n


^<a ,x'> pour | A | > || a || . La
o
série précédente constitue donc le développement de Laurent de la fonc-
?
tion < R ( . , a ) , x > , valable par conséquent pour |A| > r ( a ) . En particu-
,. —n n
lier on a < A a , x > -» 0 quand n -> œ pour ces valeurs de A , de sorte
que la suite ( A n 31
a ) est faiblement bornée dans A, donc bornée en norme.
n 1/n
On en déduit que lim sup || a || < | A | pour tout A tel que | A | > r (a)
n -» œ

d'où £ < r ( a ) , •

(1.1.10) COROLLAIRE 3. (GELFAND-MAZUR) - Soit A une algèbre complexe

unitaire et normee (pas nécessairement complète). Si A est un


corps s alors A = (Cf.
Preuve - L'espace de Banach complété A est algèbre unitaire. Si a G A et

si A est choisi quelconque dans le compact non vide ( a ) , alors A - a


A

est non inversible dans A, d * où A - a = 0 si A est un corps et

a = A =•"• A Ü. n

(1.1.11) E ^ £ î £ Î i ^ ~
Exerc. 1. Equations résolvantes. Vérifier les deux égalités,dites première

et seconde équation résolvante :

(*) R(À,a) - R(p,a) - ( M - A)R(A,a)R(/j,a) A,JJ € p (a)

(**) R ( A , a ) - R ( A , b ) = R ( A , a ) (a-b)R(A,b) A G p(a) fl p ( b ) .

Kxerc. 2 . Vérifier que r(ab) = r(ba) pour tous a,b € A.

Exerc, jk Soit A = C ( K ) , K compact. Pour chaque f € C(K) déterminer le


spectre o ( t ) .
-6-

2
Exerc. 4. Soit H = £ ( W ) et Á = L ( H ) . Soit T l'opérateur de "shift" :

(a , a , a ,
Q 2 ...)-> («-j, <* , . . . ) .
2 Déterminer ||T|| , r(T) et a ( T ) .

P
Exerc. 5. Soit P = a + a, X + ... + a X G Œ [X], a 4 0, un polynôme
o 1 p p
de degré p.

z
a) Expliciter les polynômes 3 ^ ( ) tels que :

p ( x ) p ( z
- > - V B (z)X
k
k

X - z k=o

b) Déduire de là que si un élément a G A est tel que P(a) = 0 (on

dit que a est un élément algébrique de A quand il est annulé par un poly-

n ô m e ) , alors son spectre a(a) est contenu dans l'ensemble Z(P) des zéros

de P.

c) On suppose P(a) = 0 et P choisi de degré minimal. Alors a(a) = Z ( P ) .

Exerc. 6. Soit A une algèbre de Banach unitaire et soitJ^r L(A) 1"algèbre


de Banach de ses opérateurs linéaires. A chaque a G A on associe l'opéra-
teur R : x -> xa (resp L : x -> ax) de multiplication à droite (resp. à
a a
gauche) par a.

a) Montrer que si a est inversible dans A alors R et L le sont


a a
aussi dans si .

b) Montrer que si R est inversible dans si alors a l'est aussi dans


a
À (remarquer que a est inversible à gauche et simplifiable à droite).

c) Déduire de là que a(a) = a(Ra) = a(La).

Eléments quasi-nilpotents et diviseurs de zéro topologiques. - On dit

qu'un élément a G A est quasi-nilpotent lorsque r(a) = 0, ce qui revient


n n
à dire que a (a) = {0}, ou encore que ||a || ^ -» 0. Tout élément nilpotent

est quasi-nilpotent. Comme on a À - a G G pour ^ ^ 0, on voit que tout

élément quasi-nilpotent appartient à la frontière 8G du groupe G.

On dit qu'un élément a G A est un diviseur de zéro topologique

(dzt) à droite (resp. à gauche) lorsqu'il existe une suite b ^ G A telle


que Ib II = 1 et b a-» 0 (resp, ab ->0). On dit que a est un dzt lorsqu'il est
r n
n n n ^
dzt bilatère. Pour un dzt à droite ou à gauche, on a nécessairement ajtc
-7-

Un exemple intéressant est donné avec :

(1.1.12) PROPOSITION. - Tout a £ 3G est un dzt. En particulier tout élé-

ment quasi-nilpotent est un dzt.

Preuve - Fixons une suite g £ G telle que g -» a. Alors la suite


_ °n n
|| g^ || n'est pas bornée car sinon on aurait :

-1 -1
g n a - U = g n (a - g ) -» 0n

d'où g ^a £ G pour n assez grand et a £ G, ce qui est absurde puisque


^ ~"1
G est ouvert. En extrayant une sous-suite on peut supposer ||g ||-» + o o .
n
— 1 —1 —1
Posons b ^ = ||g n || g^ , de sorte que ||t>|| = 1. De plus, n

= b (a g }+ g 1 11 1 0
V n "n I' n " H " "*
et de même ab 0. •
n

Spectre relatif à une sous-algèbre. - Fixons une sous-algèbre unitaire

fermée B dans A (ce qui sous-entend que l'unité 11 de A est élément de


a a e t
B ) . Alors tout élément a £ B possède a priori deux spectres ^ ( )

a ( a ) , qui ne sont pas nécessairement égaux. On a toutefois :


B

(1.1.13) PROPOSITION. - Pour tout a £ B on a a (a) c a., (a) et 8a_(a) c A 9a (a)


A

Preuve - Si X £ p ( a ) alors (X-a) T J existe dans B, donc dans A et ainsi


B
p (a) c: p (a) . Si À £ 8a_(a), il existe une suite X £ p (a) telle que T>
B A D n 15
X -> X. On en déduit que X - a £ 9G_,, donc X - a est dzt dans B d'après
n D

(1.1.12) et par conséquent est aussi dzt dans A, d'où X - a £ G^ et


a a 0 n a
X £ ^( ) • donc 8c^(a) cz cr^(a) , ce qui conduit plus précisément

à écrire :

9 a ( a ) = p (a) D a (a) = p (a) fl a ( a ) cz p ( a ) fl o^a)


g fi fi A A = 8a (a)A

et termine tout. •

(1.1.14) COROLLAIRE. - On a ^ ( a ) = cj (a) lorsque ^ ( a ) est rare ou friérc R

lorsque P^(a) connexe.


-8-

Preuve - si a., (a) est rare alors a_(a) =


8a_.(a) c a ( a ) , doncA

O D D A
a (a) = a ( a ) . Si P ( a ) est connexe, montrons que P ( a ) 0 a (a)
A A

D A A A £>
est vide, ce qui implique a ( a ) = a_.(a) avec
A (1.1.13). Sinon, il existe
A B
a a
À (: p^(a)fl c^(a) et ^ ( ) étant connexe par arc (car il est ouvert),

il existe un chemin continu tracé dans P ( a ) et joignant X au point


A

A
à l'infini, et sur ce chemin un point A £ 8a (a). Mais alors
o B
X £ P ( a ) H o.(a) avec (1.1.13), ce qui est absurde. •
A
o A A
Sous-algèbres pleines de A. - On introduit la définition :

(1.1.15) DEFINITION. - Une sous algèbre unitaire fermée B de A

est dite pleine dans A lorsque tout a G B, qui est inver-

sible dans A est aussi inversible* dans B, autrement dit,

lorsque
n
G_ = G. fl B.
B A

On a donc immédiatement :

(1.1.16) PROPOSITION. - Soit B une sous-algèbre pleine dans A.

Alors pour tout a £ B on a a ( a ) = a ( a ) .


A

A D

Un exemple important de sous-algèbre pleine est donné avec :

(1.1.17) PROPOSITION. - Pour toute partie non vide M de A, le corn-


mutant M de H est une sous-algèbre pleine de A.

c • • A

Preuve - Il est clair que M est une sous-algèbre unitaire fermée de


c . -1
A. Et si x £ M est inversible dans A alors x commute avec tout
c
élément a G M, donc M est pleine. •

Comme il est évident qu'une intersection quelconque de sous- algèbres

pleines est encore une sous-algèbre pleine, on peut parler de sous-al-


-9-

gèbre pleine PL(M) engendrée par une partie non vide M de A. En introdui-
ce
sant le bicommutant M de M on a, avec (1.1.17) :

(1.1.18) PROPOSITION.- Toute partie non vide M possède une plus petite
G C

sous-algèbre pleine PL(M) c= M la contenant. Si M est commuta-

tive alors PL(M) l'est aussi.


c ce c ce ce c
Preuve - Si M est commutative alors M c M , donc M c M et M c (M ) ,
• ce
ce qui prouve que M est commutative, donc aussi P L ( M ) . •

Donnons encore un exemple, qui servira plus loin, de sous-algèbre

pleine.

(1.1.19) PROPOSITION. - Soient Aj et deux algebres de Banach unitaires


f
et <f>, ¥ ; A^ -> A^ deux morphismes d algebres unitaires. Alors l'ensemble

des x G A^i tels que cf>(x) = ¥(x) est une sous-algèbre pleine de A^.

Preuve - Soit B = Ker (<|> - ¥) . Alors B est déjà une sous-algèbre uni-

taire fermée de A^ . Si x G B est inversible dans A^ alors <j)(x) et ¥(x)

sont inversibles dans A^ et

1 1 1
<Kx~ ) = <f>(x)~ = y(x)~ = Y(x"" ) 1

donc x ^ G B et B est pleine. •

(1.1.20) EXERCICES. -
Exerc. 1. Soit E = C [0,1] et A = L ( E ) . Montrer que l'opérateur T G A,

défini par :
rt
(Tf) (t) = f(s) ds te [0,1]

n n
est un élément quasi-nilpotent de A (expliciter T et majorer ||T ||).

Etendre ce résultat au cas d'un opérateur de Volterra, défini par un

noyauJf(s,t) continu sur [0,1] x [0,1] selon


rt
(Tf) (t) = jf(t,u) f(u)du t e [0,1]
'o

Exerc. 2. Avec les notations de (1.1.11 Exerc. 6 ) , montrer q u e chacune des


-10-

aplications a -» R et a -» L est un morphisme unitaire isométrique de l'ai-


cl cl

gèbre A dans l'algèbre si = L ( A ) . En déduire que A s'identifie,, par cha-

cun de ces morphismes, à une sous-algèbre pleine de s/ = L ( A ) .

Exerc. 3. Etablir que l'ensemble des dzt à droite (resp. à gauche) de A

est fermé dans A.

Exerc. 4. On désigne par exp A l'ensemble des éléments exp(a) quand a dé-

crit A et par g(expA) le sous-groupe engendré dans G, formé des produits

finis exp(a,|) ... exp(a^), k variable.

a) Montrer que g(expA) est un sous-groupe connexe de G.

b) Pour b £ A tel que ||b|| < 1 on pose


n
oo b

Log(I-b) = - I —
n=1

Prouver que exp [Log(1- b)] = U - b et déduire de là que le sous-

groupe g(expA) contient la boule ouverte de rayon 1 centrée à l'élé-

ment neutre H de G.

c) On rappelle que dans un groupe topologique la composante connexe

de l'élément neutre est un sous-groupe G^, ouvert et fermé, engen-

dré par un voisinage quelconque de l'élément neutre dans G^. Déduire

de là que g(expA) est égal à la composante connexe neutre du groupe G.

Exerc. 5. Montrer que l'application x -> x \ définie sur l'ouvert G de A,


à valeurs dans A, est différentable en tout point x £ G et que sa diffé-
rentielle D est définie par
x
1 1
D (h) = - x"" h x " h £ A
x

(1.2) ALGEBRES DE BANACH COMMUTATIVES UNITAIRES. - Les questions spec-

trales se développent encore plus loin lorsque l'algèbre A est supposée

commutative, à partir d'une notion nouvelle, qui est celle de caractère.

Les résultats obtenus seront d'ailleurs applicables aux sous-algèbres

commutatives d'une algèbre quelconque, et lorsque ces sous-algèbres se-

ront pleines, on obtiendra ainsi, avec (1.1.16), des résultats nouveaux

sur le spectre.
-11-

(1.2.1) DEFINITION. - On appelle caractère de A toute forme linéaire


multiplicative unitaire.

(1-2.2) PROPOSITION. - Pour tout caractère x de A et tout a e A on a

x(a) € a ( a ) . En particulier | x (a) | < r(a) <|| a|| .

Preuve - Soit b = x ( a ) ~ - Alors x ( b ) = 0, donc b est nécessairement


a

=
non inversible (car bb = H => 1 = x ( ' ) x(b) x(b ) et ainsi x ( b ) 4 0)
a
et À = x ( ) £ <j(a) • •

[1
(1.2.3) COROLLAIRE. - L ensemble, noté SpA , des caractères de A est
f
une partie faiblement compacte de la boule unité du dual A de
A.

f f
Preuve - Soit B cette boule unité. On a SpA c B et SpA est évidemment

faiblement fermé. •

f
On s'aperçoit donc qu'il est possible d associer à A un espace com-

pact SpA (et d'ailleurs la commutativité de A n'est pas intervenue pour

c e l a ) . Ceci va permettre, une fois vu que SpA n'est pas vide (dans le

cas commutatif), de comparer A à l'algèbre commutative C ( S p A ) . C'est la

théorie de Gelfand.

(1.2.4) EXEMPLES. -

Ex. 1. Si K est compact et si A = C(K) alors SpA = K.

Ex. 2. Si T est complètement régulier et si A = C°°(T) alors SpA est le

compactifié de Stone -Cech T = gT de T.

Ex. 3. Soit A l'algèbre (non commutative) des matrices triangulaires ^

avec a, b , c, C Œ. Montrer que SpA est formé de 2 éléments.

Ex. 4. Soit A = M^ (Œ) l'algèbre des matrices 2 x 2 . Montrer que SpA est

vide.

Caractères -et idéaux maagima<tix de A.

1 f
(1.2.5.) THEOREME. - L ensemble SpA des caractères d une algèbre de Banach
r
commutative unitaire A est en correspondance bijective avec l ensemble des

idéaux maximaux de A.
-12-

Preuve - A tout caractère x o n


associe l'hyperplan fermé M^ = Ker X, qui

est un idéal maximal. Réciproquement, soit M un idéal maximal. Alors M

est fermé, car G étant ouvert, on a M flG = donc M ^ A et M == M . Ainsi

l'algèbre quotient A / M est complète et séparée pour la semi-norme quo-

tient, qui est donc une norme d'espace de Banach et même d'algèbre de ^

Banach. Mais A/j^ et aussi un corps par maximalité de M y donc A / ^ = Œ H

d'après le théorème de Gelfand-Mazur (1.1.10) et le morphisme canonique


D
X : A -* A / M ^ Œ est un caractère x de A tel que M = Ker x »

(1.2.6) COROLLAIRE. - L'espace compact SpA est non vide.

Preuve - Car d'après le théorème de Krull il existe des idéaux maximaux. •

La transformation de Gelfand. - A tout élément a G A on peut associer la


a
fonction â, définie sur l'espace compact SpA, selon â ( x ) - x ^ ^• ^ a r
^é-

finition de la topologie de SpA, qui est ceile de la convergence simple

sur A, on voit que â est fonction continue. L*application a -> â, dite

transformation de Gelfand, opère donc de A dans C ( S p A ) . Et c'est un ou-

til remarquable pour affiner l'étude des algèbres commutâtives.

(1.2.7) THEOREME. - La transformation de Gelfand a ->â est un morphisme

d'algèbres unitaires de A dans C(SpA) dont le noyau est formé des élé-

ments quasi-nilpotents de A. De façon plus précise on a :

a) ||â|| = r(a) < ||a||

b) cr(a) = a(SpA) = { ( a ) ;
X X C SpA}

a
c) Pour que l'on ait a £ G il faut et il suffit que x ( ) î 0
pour tout
X G SpA, autrement dit que la fonction â ne s'annule pas sur SpA.

Preuve - L'application a -> â est évidemment linéaire multiplicative et

unitaire et (1.2.2) donne l'inégalité ||â|| < r ( a ) , qui assure la continuité

de la transformation de Gelfand. Maintenant on a, de façon à peu près évi-

dente, c) =» b) =» a) et pour prouver c) il suffit de montrer que si â ne

s'annule pas, alors a est élément de G. Or si â ne s'annule pas, l'élément

a n'appartient à aucun idéal propre (car sinon il appartiendrait à un idéal

maximal et serait annulé par le caractère associé). Donc, l'idéal a A est


-13-

1
égal à A, ce qui implique 1 inversibilité de a et a G G. •

Les conséquences sont importantes et variées, même pour le cas non

commutatif•

(1.2.8) COROLLAIRE 1. - Soit A une algèbre de Banach unitaire et soit

M une partie commutative non vide de A. Alors pour tout a G M


on a :

a(a) = ( x ( a ) ; x caractère de PL(M)}

Preuve - Car si B = PL (M) on sait d'une part que o\(a) = a„(a) et d'autre
A B
part que B est commutative. •

(1.2.9) COROLLAIRE 2. - Soit A une algèbre de Banach unitaire. Pour deux

éléments a et b de A qui commutent on a :

a) a(a+b) c a(a) + a(b) ; a(ab) c a(a) a(b)

b) r(a+b) < r(a) + r(b) ; r(ab) < r(a) r(b)

r(H) = 1 ; r(Xa) = |x|r(a)

c) Le rayon spectral r(.)est une semi-norme d'algèbre unitaire sur

toute sous-algèbre commutative unitaire de A.

Preuve - Avec (1.2.8) appliqué à la partie M = {a,b}. •

(1.2.10) COROLLAIRE 3. - Soit a G A. Alors le spectre de l'algèbre PL(a)

est canoniquement homéomorphe au spectre a ( a ) .

Preuve - On peut remplacer A par P L ( a ) , ce qui ne change pas le spectre

a(a) et permet de se ramener au cas où A est commutative. Soit S = SpA =

Sp(PL(a)). La fonction â : S -> Œ est telle que â(S) = a ( a ) . Elle réalise

donc une surjection continue entre les deux compacts S et a ( a ) . Pour

montrer que â est un homéomorphisme de S sur a ( a ) , il suffit de prouver

qu'elle est injective. Or si e t


X 2
s o n t
deux caractères de A tels que
a = o n
X-|( ) X 2 ^ A
) > voit avec (1.1.19) que l'ensemble des x G A tels que
X
X,j(x) = X 2 ^ ) e s t u n e s o u s
algèbre pleine qui contient a, donc aussi
- 1 4 -

A = PL(a) et ainsi x = x •

Pour illustrer ces corollaires et tester la puissance de la théorie

donnons quelques exemples parmi les plus classiques.

1
Un théorème de Wiener, - Soit A l'algèbre convolutive £ (ZL ) du groupe

7L et soit (e ) - _ la base canonique de A, où e = (6 . ), avec 6 n t


n n G 7L n nk k nk
indice de Kronecker. Il est aisé de voir que tout a = ( a ) Ç A s'écrit n

a = Za e , et que e M
= (e.) 11
= e. * e 4 * ... * e, (n fois) pour n > 1 ,
n n* n 1 1 1 1 V 9

formule que l'on étend au cas n < 0 . Ainsi a = Ea^Ce^) , la série étant

absolument convergente. Alors A = PL(e,|) et pour tout x € SpA on a


e n n e n
X(a) = Ea^ x ( > | ) - Comme x ( ^ ^ ) = x(e ) o n
voit que | x ( - | ) | < 1 pour tout

n G 7Z , ce qui n'est possible qui si |XCe^ ) | = 1 . En résumé, le spectre


e
SpA s'identifie par l'application : X~*x( «|) a u
tore T = {z, |z| = 1 } ,

ce qui fournit d'ailleurs une application de ( 1 . 2 . 1 0 ) .

a e
On a donc x ( ) - £ a z , avec z = x ( < ) G T F .
n
Si l'on écrit z = e l t :
,
N
N E Z
on obtient pour â une série de Fourier absolument convergente. La condition

que a est inversible dans A est donc que 0 ? a(a) = â(SpA) = â(TT), soit
n ^ 1 —1
encore Za z ^ 0 pour tout z G T .
r
Dans ce cas b = T si b = a et on a
n a
obtenu :

i n t
( 1 . 2 . 1 1 ) THEOREME. - (WIENER, 1 9 3 2 ) . - Soit Z a e une série de Fourier
n
*£ZL i n t

complexe absolument convergente.- Si la fonction £(t) = Z a^e *

ne s'annule pas surJL, alors la fonction inverse 1/f.(t) se dé-

veloppe, elle aussi y en série de Fourier complexe absolument

convergente.

En replaçant l'algèbre A = l\zL ) par sa sous-algèbre convolutive

B = l ( ] N ) , on voit aisément que SpB = <x (e. ) = U = {z, |z| < 1 } par
B 1
l'identification z = x ( e . ) . Ainsi a ( e ) 4 a ( e . ) et B n'est pas pleine 4 A

I r> 1 A 1
dans A. Et de plus, par le raisonnement précédent on obtient :
0 0
n
( 1 . 2 . 1 2 ) THEOREME. - Soit f(z) = Z a z une série entière absolument
o n
convergente pour | z| < 1 . Si f(z) ne s'annule pas pour |z| < 1 ,
-15-

alors 1/f(z) se développe aussi en série entière absolument con-


vergente pour |z| < 1.

Parties polynomialement convexes de Œ. - Désignons par ^ = Œ [ X ] , l'espace

vectoriel des polynômes holomorphes (de la variable z) . On dit qu'une

pattie bornée K c: (E est polynomialement convexe lorsque tout point z G Œ,

tel que |P(z)| < || p | ^ pour tout P est élément de K. Il est immédiat

que K est fermé, donc compact. Il est immédiat aussi, qu'une intersection

quelconque (indexée par un ensemble non vide) de compacts p.c est encore

p.c, de sorte qu'on peut parler de l'enveloppe polynomialement convexe

d'une partie quelconque bornée de Œ, une fois vu que les disques (|z| < r }

sont p.c. A partir de là, on a les faits suivants :

- Soit Q £ ^ alors l'ensemble {z,|Q(z)| < r} est p.c. si d°Q > 1 .

- En particulier toute partie finie est p.c.

- Le tore TF = {z, |z| = 1} n'est pas p.c. Un compact K d'intérieur

vide n'est donc pas nécessairement p.c.

- Soit K une partie bornée non vide de Œ. Alors l'enveloppe p.c K de K

est formée de tous les points z vérifiant

(*) |P(z)| < || P|| K V P G &

- On a ||P|| = ||P|| ~ pour tout P £0>.

La liaison avec la théorie spectrale et les théorèmes précédents

"se'fait avec le théorème suivant, explicitant complètement K lorsque K

est compact, ce qu'on peut supposer puisque K = K. On remarquera qu'il

signifie que le passage à l'enveloppe p.c "bouche les trous".

(1.2.13) THEOREME. - Soit K un compact non vide de Œ. On désigne par (l


la réunion des composantes connexes bornées de l'ouvert K.
f
Alors Çl est un ouvert borné et l enveloppe p.c K de K est égale
à KUft.

Preuve - Plaçons K dans une boule B(o,r) et désignons par W l'unique

composante connexe non bornée de K. Alors W => {z ; |z|> r} et Œc=B(o,r)

donc K U Q Œ B ( o , r ) . Par ailleurs, en posant K' = K U n on a :

Œ ^ K ' = Œ s(KUil) = ( Œ ^ K ) fl (Œ ^fil)= (Q U W ) fl (Œ^ft) = W


-16-

T 1
donc K = Œ ^ W et ainsi K est un compact contenant K. Mais dans l'autre
f 1 f
sens on a 3 K c: K, où 3K est la frontière de K ; en effet, si z G BK' = 8W

alors z ? W car W est ouvert, mais il existe z G W tels que z -* z ;


n n
ceci implique z £ fi car fi est aussi ouvert et z £ fi assurerait l'existence

d'un entier n tel que G W flfice qui est absurde ; ainsi il reste z G K.
En résumé 3K' c K c K', de sorte que K' = K si K' est sans point inté-
o
rieur. Si K' 4 $ alors le principe du maximum, appliqué à tout: P G ^ , ga-
rantit que ||p|| = ||p|| = ||P|| . Il suit de là que les points de K'
f f

K oK K ^

vérifient la condition (*) écrite plus haut, autrement dit K' <- K. Pour

prouver l'égalité K' = K il ne suffit donc plus de prouver que K' est lui-

même polynomialement convexe.

Pour cela introduisons l'algèbre A = C(K') et l'élément e = X : z -* z,

fonction identique. On sait que a (e) = e(K') = K' de sorte que

p^(e) = Œ ^ K ' = W est connexe. Soit maintenant B = ^ l'adhérence de & dans

C(K') ; ce n'est autre que l'algèbre unitaire fermée engendrée par e dans

A = C ( K ' ) . Avec (1.1.14) on a a„(e) = o\(e) = K', et comme B est engendrée


B A
1
par e on a, avec (1.2.10), un homéomorphisme ê : SpB -> a_.(e) = K . Autre-

ment dit, SpB s'identifie au compact K', chaque z G K' définissant un ca-

ractère x z obtenu par prolongement de l'application P - * P ( z ) , et récipro-

quement tout caractère étant ainsi obtenu. Fixons alors z Q G Œ tel que

| p ( z ) | < | | P | | „ , pour tout P


G Alors l'application P -* P ( z ) est conti-
c

nue sur C(R') et multiplicative et unitaire ; elle se prolonge donc

canoniquement par continuité en un caractère x £ S p B , de sorte qu'il existe

aussi z G K' tel que P ( z ) = P(z) pour tout P GQ . Avec P = e on obtient

z Q = z donc z D G K' et ainsi K' est p.c donc K = K' = K U fi. •

(1.2.14) COROLLAIRE. - Four qu'un compact K de IL soit polynomialement

convexe il faut et il suffit que son complémentaire Œ ^ K soit


connexe.

Par exemple tout compact convexe est p.c. Un autre exemple est donné

avec tout compact dénombrable car si K = (z^) et si z,z' C K alors le

faisceau de cercles passant par z et z' est en correspondance bijective

avec №. et pour qu'un cercle V de ce faisceau coupe K il faut et il suffit


-17-

que ce soit l'un des cercles défini par les 3 points z,z',z n (qui sont

distincts si z ^ z') ; autrement dit, il existe certainement un cercle T

passant par z et z' et tracé dans Œ ^ K , ce qui prouve que Œ ^ K est connexe

par arc, donc connexe.

Remarque : On peut démontrer, mais c'est loin d'être une évidence, le théo-

rème classique de MERGELYAN ( 1 9 5 2 ) , à savoir qu'étant donné un compact

K c Œ, une condition nécessaire et suffisante pour que l'adhérence 0* de

l'espace & des polynômes holomorphes dans l'espace C(K) coïncide avec
o

l'espace'e^K) D C(K) des fonctions continues sur K et holomorphes à l'in-

térieur de K, est que K soit polynômialement convexe. Pour une preuve voir

RUDIN - Real and complex analysis, chap. 2 0 . -

(1.3) ALGEBRES STELLAIRES UNITAIRES. - La notion d'involution et d'algè-

bres stellaires va permettre de préciser l'énoncé (1.2.7) en offrant une

caractérisation des algèbres du type C ( K ) . Il s'agit en fait de savoir

dans quelles conditions la transformation de Gelfand a -» â est un isomor-

phisme isométrique.

Algèbres involutives. - Une involution sur l'algèbre (complexe) unitaire A

est une application antilinéaire x~* x* telle que x** = x et (xy)* = y* x*.

On a alors 1* = 1) car tl D* = H* U = 11* et 1J 1 1 * = ( 1 1 * tO* = 1** = H . On dit

souvent que x* est l'adjoint de x. Un élément x tel que x* = x est dit

hermitien ; il est dit normal lorsque xx* = x* x ; enfin, il est dit unitaire
-1 *.
lorsque x x * = x* x = Î, c'est-à-dire lorsque x = x
Une algèbre de Banach est dite involutive lorsqu'elle est munie d'une

involution telle que ||x*|| = ||x||

Algèbres stellaires. - En approfondissant le concept précédent on obtient

encore :

(1.3.1) DEFINITION. - Une algèbre stellaire est une algèbre involutive A


telle que ||xx*|| = ||x|| -pour tout x € A.

Les exemples les plus importants sont, dans le cas commutatif, les
-18-

algèbres C ( K ) , C (T), L (fl,E jj), B M ( « , Z ) , avec f* = f, et, dans le cas


t

non commutatif, l'algèbre L(H) des opérateurs sur un espace de Hilbert munie
de l'opération d'adjonction. On a en effet | | T * | | = | | T | | donc || T T * || < || T | F et

2 2 2
||TT*|| - Sup |<T*-x|T*-y)| > Sup | | T * x | | - ||T*|| = ||T|| .
||x|| < 1 ||x||< 1

Il y|| < 1

(1.3.2.) PROPOSITION. - Soit A une algèbre stellaire commutative» On a alors

Il '2 Il ll ll
x: = x 2
pour tout x £ A .

2 2 2 2 2 2 2
Preuve - || x || = ||x (x )*|| = ||x x* || = ||xx*(xx*)*|| - ||xx*|| - ||x|| \ •

(1.3.3) COROLLAIRE. - Si A est stellaire et commutative alors r(x) = ||x||


pour tout x £ A . En particulier il n'y pas d'élément quasi-nilpotent
non nul.

Z
Preuve - Car ||x || = ||x|| donc r(x) - lim ||x || = ||x|| . •

Un résultat fondamental est maintenant le suivant :

LEMME (ARENS).- Soit A une algèbre stellaire unitaire.


a) Pour tout élément hermitien h £ A le spectre a(h) est réel,
autrement a (h) c ]R .
b) Pour tout élément unitaire u (FA le spectre a(u) est contenu
dans le tore T .

Preuve - Démontrons b) : Remarquons d'abord que si a est inversible et si


A £ p(a) est tel que X ± 0, alors A ^£ p(a ^ ) . En effet il existe
-1 -1
b = R (X,a), qui commute avec a, tel que (A-a)b = U = (a - X )bAa, donc
:
X £ p(a ) . Ceci étant si u est unitaire alors ||u|| = ||uu ||= ïï, donc

|| u|| = 1 et ||u" || = || u*|| = 1. Si A £ a(u) alors


1
| x|<1 et A i 0 (car 0 £ p(u))
-1 -1 . -1 -1
mais A £ a(u ) car sinon A £ p(u ) et d'après la remarque on aurait
A £ p(u) ; donc | A~ | < 1 et ainsi | A | = 1 et a(u) c: T. Pour prouver a ) , il
suffit de considérer u = exp(ih), qui est tel que u = exp(-ih) comme on
voit par développement en série, continuité de l'adjonction et utilisation
-19-

• • A n ^ ^ n II
des égalités (h ) = (h ) = h . Alors u est unitaire. Introduisons main-
"k
tenant l'algèbre B = PL(h) ; alors u G B et u G B. Fixons A G a ( h ) ; on

sait qu'il existe un caractère x de B tel que A = x ( h ) , d'où l'on déduit


1
X(u) = e G a ( u ) . Ainsi T et A G E ; . •

(1.3.5) COROLLAIRE 1. - Soit A une algèbre stellaire commutative unitaire.

Alors tout caractère x de A est hermitien, c'est-à- dire que


*
x(x ) = x ( x ) pour tout x G A.

x + x
Preuve - En décomposant x selon x = a + ib avec a = 2 " ( ) et b = -JT-(X-X ) ,

on voit que a et b sont hermitiens, de sorte qu'il suffit de prouver que

x(h) est réel pour tout élément hermitien h. Mais c'est justement (1.3.4).D

(1.3.6) COROLLAIRE 2. - Soit A une algèbre stellaiue unitaire. Toute sous-


J
algèbre stellaira B (o est-à-dire fermée et stable pour l'involu-

tion et aussi unitaire) est pleine dans A.

Preuve - Si h G B est hermitien alors a (h) cz ]R est rare dans Œ, donc


B
a (h) = a ( h ) avec
A (1.1.14). Si a G B est inversible dans A, alors les

éléments hermitiens h = aa et k = a a sont dans B et inversibles dans

A, donc aussi dans B d'après ce qui précède. Cela siginifie que a est

inversible à droite et à gauche dans B, donc inversible dans B et ainsi

B est pleine. •

(1.3.7) COROLLAIRE 3. - Soit A une algèbre stellaire unitaire. Pour toute

partie non vide M, l'algèbre stellaire B engendrée par M coïncide

avec PL(M U M * ) .

Preuve - Car B est pleine et contient M U M*, donc aussi PL(M U M * ) .

Réciproquement PL(M U M * ) est stable par involution et fermée, donc stel-

laire, et ainsi contient B. •

(1.3.8) COROLLAIRE 4. - Soit A une algèbre stellaire unitaire. Pour tout

élément normal a £ A on a r(a) = ||a]| de sorte qu'un élément nor-

mal et quasi-nilpotent est nécessairement nul.

Preuve - Il suffit de calculer r(a) dans l'algèbre B «= PL(a,a*) puisque


----

ería) est inchangé. Mais B étant stellaire et commutative (puisque a est

normal), on est ramené à (1.3.3). •

On en arrive maintenant, après avoir développé toutes les conséquences

du lemme d'Arens, au résultat fondamental :

(1.3.9) THEOREME (GELFAND-NAIMARK). - Soit A une algèbre stellaire com-

mutative unitaire. Alors la transformation de Gelfand a -» â est une


i s omêtrie involutive surjective de A sur l'algèbre stellaire C (SpA) .

f
Preuve - La transformation de Gelfand est déjà un morphisme d algèbres

unitaires. Elle est involutive puisque a* = â par (1.3.5). Elle est iso-

métrique puisque ||â|| = r(a) = ||a|| avec (1.3.8). Il reste à voir qu'elle

est surjective. Prouvons pour cela que son image A, qui est complète dans

C(SpA), y est partout dense. Or A est, dans C(SpA), une sous-algèbre sta-

ble par conjugaison, contenant les constantes et séparant les points du

compact SpA puisque x-j ( ) a = a


X2^ ) P o u r
tout a implique X-j =
X2* A l ° r s
^ e

résultat est acquis avec le théorème de Stone-Weierstrass. •

Parmi les exemples les plus simples on retrouve 1'isomorphisme iso-


métrique entre C°°(T) et C ( g T ) , où gT = Sp[C°°(T)] est le compactifié de
v
f
Stone-Cech de l espace complètement régulier T. Avec A = BM(fi,X), algèbre
des fonctions mesurables et bornées par rapport à la tribu Z de fi, on
obtient avec K = SpA la notion de "compactification d'un espace mesurable",
1
ce qui permet d'identifier le dual BM(fi,X) = ba(Z) à un espace de m e -
sures de Radon M(K) = C ( K ) ' . Le théorème de Gelfand-Naimark s'applique
oo
aussi au cas de l'algèbre L (fi,I,jj). Il est facile de voir que dans ces
deux derniers cas le compact K = SpA a des propriétés remarquables de
disconnexité en général.

Calcul fonctionnel dans une algèbre stellaire unitaire. - Lorsque A n'est

pas commutative on ne peut évidemment espérer obtenir une isométrie du

type A C ( K ) . Toutefois le théorème de Gelfand-Naimark reste largement

utile, car il permet de construire ce qu'on appelle un "calcul fonction-


11
nel continu .

Supposons toujours A stellaire unitaire et soit M = a = ( a ^ K ^ ^


-21-

une famille commutative d'éléments normaux, où l'on entend par là que

chaque a^ commute avec chaque a. et chaque a*. Alors la partie M U M*

est commutative, de même que la sous-algèbre pleine B = PL(M U M * ) . On

généralise la transformée de Gelfand â définie par a E A, en posant ici

â(x) = (x(a.)). e x e Œ 1

pour tout x ^ S p B . Alors â : SpB -> est continue et de plus, elle est

injective car si y. (a.) = X N ( a . ) pour tout i, alors x<(a*) = X N ( A


* ) aus-
1 1 2 î 1 i 2 i
si puisque les caractères de B sont hermitiens d'après (1.3.5). Mais
x = X
dans ce cas, l'ensemble des x £ B tels que x ^ ( ) X?( ) e s t u n e
sous-
algèbre pleine avec (1.1.19), qui contient M U M*, donc est égal à B et ainsi
X^ = X2' ?
k image â(SpB) cz est donc un compact non vide de Œ*, homéo-
morphe à SpB par l'intermédiaire de la fonction â. On dit que ce compact,
noté a(M) ou a(a) ou a((a^)) est le spectre simultané de la famille ( a ^ ) .
On a évidemment a (a) c: vl^ ç jl/ (a^) et dans le cas où M = { a } , avec a
a

élément normal de A, on retrouve le spectre a (a) c= Œ. La notion a (a) peut


donc être conservée sans incohérence.

Ainsi la fonciton â définit, par transposition, un *-morphisme d'algè-

bres unitaires, isométrique et surjectif.

9 : C[a(a)] -> C(SpB) 0(f) = f o â

et la transformation de Gelfand G : B -> C(SpB) est aussi un *-morphisme du

même type. En composant selon $ = G ^ o 6 : C [a(a)] -> B on obtient encore

un *-morphisme du même type, bien défini par l'égalité $(f)~ = f o â, soit

encore par :

X [$(f)3 = f(x(a)) avec ( a ) = ( ( a . ) )


x X i et £ S p B .
X

En particulier si e. est la fonction coordonnée z -> z. de (Dedans Œ,


1 _ 1
on obtient $(e.) = a. et $(e.) = a*. D'ailleurs sous ces conditions $ est
1 1 1 1
l'unique *-morphisme, car $ est alors connu sur tous les polynômes P des
variables e. ou e 7 , donc sur C[a(a)] par le théorème de Stone-Weierstrass.
1 J
En résumé on a obtenu :

(1.3.10) THEOREME (Calcul fonctionnel continu simultané).- Soit A une

algèbre stellaire unitaire. A toute famille a = ( a ^ K ^ j d'éléments


-22-

normaux de A, commutative dans le sens où chaque a^ commute avec


f
chaque a. et chaque a*, on peut associer un *-morphisme d algè-

bres unitaires isométrique $ ; C [a(a)] -» A, unique sous la con-

dition que $(e^) = a^ avec : z -» z^. L'image de $ est la sous-


a
algèbre B = PL(M U M * ) avec M = ( ^^ç_^> c'est-à-dire la sous-

algèbre stellaie engendrée par les a^ dans A.

Remarque 1. - La linéarité, la multiplicativité et la stabilité de l'ad-

jonction vérifiées par $ font que pour tout polynôme P par rapport aux

variables z. et z. on a $(P) = P ( a . , a * ) . On notera donc très souvent


i . l i J
$(f) = f(a) en notation très condensée, ce qui respecte le symbolisme
multiplicatif (fg)(a) = f(a)g(a), ainsi que l'égalité f(a) = f ( a ) * .

Remarque 2. - La sous-algèbre B = PL(M U M * ) est commutative de sorte


ce
que $(f) G (M U M * ) . La question peut se poser de savoir si l'on obtient
ce
ainsi tout le bicommutant (M U M * ) . Dans le même genre d'idées, on peut

se demander s'il est possible de définir $(f) = f(a) pour une algèbre de

fonctions f sur a(a) plus large que C[a(a)]. Autrement dit peut-on étendre
11
le calcul fonctionnel "continu en un calcul plus large. On verra que la

réponse est positive et qu'on peut définir $(Jî) pour toute fonction de
1
Baire bornée f sur le compact a (a) <= ( C , au moins pour le cas de certaines

algèbres A comprenant les algèbres d'opérateurs L(H) sur un espace de

Hilbert.
Revenons maintenant aux conséquences du théorème.

a V e c e s
(1.3.11) COROLLAIRE 1 (Théorème spectral).- Soit a = ( ^ ^ ç j ^
hypothèses du théorème. Pour toute f G C [a(a)] on a

a(f(a)) = f [a(a)]

Preuve - En raisonnant dans l'algèbre B = PL(M U M * ) on voit que

a(f(a)) = { ( f ( a ) ) ;
X X G SpB} et f [a(a)] = { f ( ( a ) ) ,
X X G S p B } . Or

X ( f ( a ) ) = [ $ ( f ) ] = f ( x ( a ) ) , ce qui suffit. •
X

Si au lieu d'une seule fonction f G C[a(a)] on se donne une famille

(f.). dans C[a(a)], on peut introduire le point b = (b.) avec b* = f.(a)


J
et le spectre simultané a(b) c: Œ . En posant f = (f/) G C [ a ( a ) , Œ ] on
-23-

aura de la même manière, en utilisant les caractères x £ SpB :

(1.3.12) COROLLAIRE 2 (Théorème spectral simultané). - Soit a = (a.) avec les

hypothèses du théorème et f - (f _.) a C[a(a)].

En posant f(a) = (f^(a)) on a a(f(a)) = f[a(a)].

?
Enfin, le résultat d itération suivant peut être utile :

(1.3.13) COROLLAIRE 3. - Soit a = (a^) avec,/les hypothèses du théorème

et f = (f_.) cz C[a(a)]. On pose b = f(a) = (f^(a)). Alors pour toute

g G C[a(b)] on a :

g(b) = g[f(a)] = (g o f)(a).

J
Preuve - Déjà a(b) = f[a(a)] c: Œ donc g o f est bien définie et g o f € C [ a ( a ) ]

L'application : g -> (g o f)(a) est un *-morphisme d'algèbres unitaires

de C[a(b)] dans A tel que it(e.) = f. (a) = b . , où e. : z -» z. est le p a s -


J J J J J _
J
sage à la j-ème coordonnée de Œ dans Œ. Avec la partie unicité de (1.3.10)
on obtient iKg) = g(b) = g[f(a)]. •

Pour terminer le chapitre donnons encore un exemple d'application de

(1.3.10).

(1.3.14) THEOREME. - Soit H un espace de Hilbert complexe de dimension

finie . Pour toute famille ( T ^ ^ ^ d'opérateurs normaux, com-

mutante au sens de (1.3.10), le spectre simultané a(T) c iï^est

fini, et il existe une base orthonormale de H, propre pour cha-

cun des T..


î

Preuve - Soit S un o f (ouvert et fermé) du spectre simultané a ( T ) . Alors

1 € C [a(T)] et c'est un élément idempotent invariant par conjugaison.

Posons T = ( T . ) . et soit 1 (T) = $(1 ) = P . On obtient un projecteur


Q
1 1 t 1 £> o b
hermitien de H qui n'est pas nul si S 4 <f) puisque ||Pg|| =
IMgll = 1 • Si
maintenant S. et S sont deux o f disjoints non vides alors 1 1 = 0
b b
1 2 1 2

et P P = 0 et les espaces images P (H) et P (H) sont orthogonaux


S S b
1 2 1 2
(et non nuls) dans H. Il suit de là qu'il est impossible de trouver dans
-24-

a(T) plus de n o f disjoints, d'où l'on déduit sans difficulté, la possi-


bilité de décomposer cj(T) en une partition U U . . . US de p o f
non vides disjoints minimaux, avec 1 < p < n. Alors chaque S^ est: donc
un compact connexe, et si e^ est toujours la fonction coordonnée z ->
l'image e.(S, ) est un compact connexe de Œ. Or e,(S.) c e,( a(T)) cz a (T.)
i k î k î î
et a(T\) ;est exactement l'ensemble (fini) des valeurs propres de T\,
puisque H est de dimension finie. Par conséquent, e . ( S . ) est un compact
1 K.
connexe fini non vide de Œ, donc un singleton {X^'^)} # x i suit de là que

S lui-même est un singleton { X ^ } avec \ ^ = (X^^)et ainsi cr(T) est


K. 1
fini. Posons maintenant P. = P pour simplifier, et remarquons que sur
\
(k)
k
le spectre a(T) chaque fonction f G C[ a(T)]
coïncide avec I f ( X )1 ,
k k
de sorte que chaque opérateur f(T) = $(f) s'écrit f(T) = I f ( X ^ ) P '
k
k
(k) ,
En particulier T., = e.(T) = I X . P , ce qui prouve que T . | , avec
j i i k
fc i ^
(k)
= P ^ ( H ) , n'est autre que l'homothétie de rapport X , et ceci termine
la démonstration. •
-25-

CHAPITRE 2 - OPERATEURS NORMAUX BORNES


SUR UN ESPACE DE HUBERT

Dans ce chapitre, on se propose d'appliquer la théorie spectrale

abstraite développée précédemment au cas des opérateurs normaux bornés

sur un espace de Hilbert. Le théorème de Gelfand - Naimark nous permet

de construire un calcul fonctionnel "continu" associé à de tels opé-

rateurs ; nous verrons en fait que ce calcul fonctionnel se généralise

à une classe plus vaste de fonctions : la classe des fonctions de Baire

sur le spectre de l'opérateur. La construction de ce calcul fonction-

nel "bairien" nous permet alors de définir la mesure spectrale associée

à un opérateur normal borné, ces mesures spectrales se révélant être

un outil précieux pour l'étude de tels opérateurs, et tout particu-

lièrement de leur spectre.

Dans un premier temps, nous allons donc introduire la classe des

fonctions de Baire sur un espace compact et en examiner, rapidement,

les propriétés les plus élémentaires.

(2.1) FONCTIONS DE BAIRE SUR UN ESPACE COMPACT. - Dans ce qui suit,

on désigne par S un espace compact.

La tribu de Baire b a ( S ) . - Rappelons qu'une partie A de S est un si

A est une intersection dénombrable d'ouverts de S.

(2.1.1) LEMME. - Dans S, les compacts G^ sont exactement les noyaux

Z(f) = f ^{0} des fonctions continues.

Preuve - Déià, si f est continue sur S, Z(f) est compact et Z(f) = Пса ,
1 n n
où Ш = {x ; |f(x)| < — } , donc Z(f) est un compact G.. Inversement,
n n 0
Soit К = Паз un compact G de S. D'après le théorème d'Urysohn, il exis-
x
n n о
te, pour chaque n, une fonction continue f , 0 < f < 1, telle que f = 0
n

С —xi •
sur К et f = 1 sur со . La fonction f = I 2 f est continue et il est
n n n n
-26-

1
clair que K = f {0}. •

(2.1.2) DEFINITION. - On appelle tribu de Baire sur S, et on note ba(S)

la tribu engendrée par les compacts de S (ou par les


noyaux des fonctions continues). Un élément A G ba(S) est
dit bairien.

On peut se demander si un compact K G ba(S) est nécessairement un

Gg , c'est-à-dire, fait partie de la classe qui engendre b a ( S ) . La

réponse est positive :

(2.1.3) LEMME. - Tout compact bairien est un G^.

Preuve - Soit K un compact bairien. Il existe alors une suite (S ) de


n
compacts G^ telle que K appartienne à la tribu a J S ^ J engendrée par

la suite ( S ^ ) . D'après ( 2 . 1 . 1 ) , pour chaque n, il existe une fonction


1 +
f G C(S) telle que S = f ~ { 0 } . L'application d : SxS -* ïït définie
n _ n n
par d(x,y) = X 2 x
l^ ^ ) " ^ n ^ ^
n
6 S t U n
^ c a r t s u r
^ auquel on peut
associer la relation d'équivalence 0t selon x | y < = » d ( x , y ) = 0. Soient
S l'espace quotient S/gg et TT : S -» S la surjection canonique. On
peut définir de manière canonique une distance d sur S en posant
d(ïï(x), ïï(y)) = d(x,y) et il est facile de voir que TT est continue
de S dans (S, d ) . Par ailleurs, pour chaque n on a S = TT ^ [ T T ( S ) ]

et comme la f amille {A G ajs^j}; 3 A c S, A = TT (A) est une tri-


bu, ^ c o ï n c i d e avec TFJS J
N et il existe une partie K c S telle que
-1 ~ ~ -1 ~
K = TT ( K ) . Alors K = TT [TT ( K ) ] = T T ( K ) est un compact de l'espace
w
métrique (S,d), c'est donc un G^. Il existe une suite ( ^) d'ouverts
de S telle que K = fia) . Alors K = ( I T T ( O J ) où les TT (oo ) sont des
^ n n n n n
ouverts de S, ce qui suffit. •

Remarque - Dans ce qui précède, on a déjà noté que si l'espace compact

S est métrisable, tout compact (fermé) de S est un G^. Dans ce cas, la

tribu ba(S) n'est autre que la tribu engendrée par les fermés de S,

c'est-à-dire qu'elle coïncide avec la tribu borélienne bo(S) de S (alors

que dans le cas général, on a seulement l'inclusion ba(S) c b o ( S ) ) .


-27-

Ainsi, lorsqu'on raisonne avec le spectre a(T) d'un opérateur normal

borné, on ne sort pas du cas métrisable (puisque a(T) est un compact

de Œ ) , et l'introduction de la tribu de Baire peut paraître super-


11
flue. Mais dans le cas où l'on étudie le spectre "simultané d'une

famille non dénombrable d'opérateurs normaux bornés, commutante au sens

de (1.3.10), on travaille avec un compact qui n'est plus métrisable a

priori, et la tribu de Baire joue alors un rôle essentiel. Notons en

effet que pour un compact S non métrisable, la tribu de Baire est géné-

ralement strictement plus petite que la tribu borélienne. Par exemple,

si S = [0,1]"^", où I est un ensemble non dénombrable, les singletons

n'appartiennent pas à la tribu ba(S) (sinon, d'après (2.1.3), ils seraient

des G , ce qui est absurde), mais, bien-entendu, ce sont des boréliens


o
de S.

Les fonctions de Baire. - Dans ce qui suit, on s'intéresse aux fonctions

complexes définies sur le compact S.

(2.1.4) DEFINITIONS -:

a) Une classe M de fonctions est dite stable (resp. b-stable)si,

pour toute suite f^G M (resp. uniformément bornée) convergeant

simplement vers une fonction f, on a f G M .

b) On désigne par Ba(S) la plus petite classe b-stable contenant

l'espace C(S) des fonctions continues. Une fonction f G Ba(S)


11
est dite "de Baire ou bairienne.

Si B(S) désigne l'algèbre stellaire (pour 1'involution f* = f) de toutes

les fonctions bornées sur S, c'est évidemment une classe b-stable con-

tenant C(S) et donc on a Ba(S) c= B ( S ) . En fait, on peut préciser ce

résultat.

(2.1. 5 ) PROPOSITION. - Ba(S) est une sous-algèbre stellaire (donc

pleine) de l'algèbre stellaire B ( S ) .

Preuve - Soit M la classe des fonctions f telles que, pour toute fonc-

tion g G C ( S ) , on ait :

f + g, Xf, fg, I G Ba(S)


-28-

Alors M est une classe b-stable qui contient C (S) , donc Ba(S)c.M. De même,
soit M' la classe des fonctions f telles que , pour toute fonction g G Ba(S) ,
on ait : f + g, fg G Ba(S)

1
M est encore une classe b-stable contenant C(S) d'après ce qui pré-
f
cède. Ainsi Ba(S) e M , ce qui suffit puisque Ba(S) est évidemment

fermée dans B ( S ) . •

Remarque - La technique précédente permet aussi d'établir que

f G Ba(S) =» |f| G Ba(S).

Il convient maintenant de faire le lien entre la classe Ba(S)

des fonctions de Baire et la tribu de Baire b a ( S ) .

(2.1.6) DEFINITION. - On dit qu'une fonction f : S -> Œ est Baire-

mesurable si elle est mesurable lorsqu'on place sur S la tri-

bu de Baire ba(S) et sur Œ la tribu borélienne. On désigne

par B (S) l'ensemble des fonctions Baire-mesurables.

Notons que, pour qu'une fonction f soit Baire-mesurable, il suffit que

l'on ait f ^(K) G b a ( S ) , pour tout compact K de Œ.

(2.1.7) PROPOSITION. - La classe B (S) est stable et contient l'espace


m
C(S).

Preuve - Il suffit en fait de voir que toute fonction continue sur S

est Baire-mesurable. Or si f G C ( S ) , tout compact K de Œ étant un G.,


-1 . . . .
f (K) est un fermé (donc un compact) de S qui est encore un . Ainsi
1
f" (K) G ba(S). •

Remarque - Ce résultat nous permet déjà d'affirmer que l'on a

Ba(S) c B (S) et donc :


— m

Ba(S) c B (S) H B ( S ) .
—* m

En fait, de manière plus précise :

:
(2.1.8) PROPOSITION.

a) Pour une partie k de S, on a les équivalences suivantes :

A € ba(S)«=»1 G Ba(S)«=»1
A G B (S).
A A m
-29-

b) On a Ba(S) = B^CS) H B (S). Autrement dit, les fonctions de


Baire sont exactement les fonctions Baire-mesurables et
bornées.

Preuve - a) Il suffit de voir que si A est bairien, alors 1 appartient

à B a ( S ) . Soit # S telles que 1 £ B a ( S ) .


l'ensemble des parties a c
a
7
Comme Ba(S) est une algèbre, il est facile de voir que la classe fé est
stable par réunion finie et passage au complémentaire. De plus, soit
(a ) une suite croissante de fé et soit a = Ua : alors 1
7
-> 1 et
n m. n a o
n
1 < 1, donc 1 est bairienne et a appartient à ^. ^est donc une
n
7
tribu. Montrons que fé contient les compacts G^, ce qui suffira. Soit

K = D a) un compact G. de S (on peut supposer la suite (w ) décrois-


n n ô n
santé). Avec Urysohn, on obtient une suite f £ C ( S ) , telle que
n
0 < f < 1, f = 1 sur K et f = 0 sur cû . Alors f -> 1 et I f I < 1 .
C
Tjr 1 1
n n n n n K n
Donc 1 € Ba(S) et K £ % .
K

b) Il suffit de voir l'inclusion B (S) fl B(S) cz B a ( S ) . Soit f £ B (S)fl B(S)


m — m
une fonction réelle positive ; pour tout e> 0, soit :

s (e) = {x ; ne < f(x) < (n+1)e>


n

Alors s (e) £ ba(S) et s (e) = ^ dès que ne > ||f|| .Ainsi, 1 ( . appartient
S
n n n
à Ba(S) d'après ce qui précède et il en est de même pour la fonction

d>
T
= 1 n£l , v . Comme on a II f - d> Il < e, f est limite uniforme d'une
n
e n s (e) " e
n
suite de fonctions de Baire ; elle est donc elle-même de Baire. On passe

aisément de là, au cas d'une fonction complexe. •

Pour terminer, précisons un peu le résultat obtenu en (2.1.7).

B
(2.1.9) PROPOSITION. - m (S) la plus petite classe stable conte-

nant C ( S ) .

Preuve - Soit M une classe stable contenant C ( S ) . A fortiori, M est b -

stable, donc on a Ba(S) cz M. Si f € B ( s ) , on pose :


— m
( f (x) si |f (x)| < n
f (x) =
n
( n si |f (x)| > n

Comme f est Baire-mesurable, l'ensemble K^= {x ; |f (x) |< n} appartient à


-30-

ba(S) et on a f = fl^ + n1 c. Déjà, d'après (2.1.8), ni c appartient


n K K K
n n n
à B a ( S ) . On veut établir que la fonction bovnêe f1 est de Baire, pour
n
cela, il suffit de vérifier qu'elle est Baire-mesurable. Or, pour tout

compact a de Œ, on a :

A
1
( f" (a) fl K si 0 t a
1
(fi )" (a) =
C
n ff (a) U K si 0 € a
v
n
-1
Ainsi (f1„ ) (a) appartient à b a ( S ) . Il en résulte que la suite (f )
K n
n
est dans B a ( S ) , donc dans M, et elle converge simplement vers f. Comme

la classe M est stable, f appartient aussi à M, ce qui suffit. •

(2.2) LES THEOREMES DE PROLONGEMENT. - S désigne toujours un espace

compact et X un espace de Banach. L'objet de ce paragraphe est de don-

n e r des conditions pour qu'un opérateur C(S) -> X se prolonge à l'algè-

bre Ba(S) des fonctions de Baire étudiée précédemment. Pour cela, com-

mençons par introduire une classe particulière d'espaces de Banach,

pour lesquels un tel prolongement est possible.

Espaces de Banach faiblement semi-complets. - On dit qu'une suite


(x^) G X est de Cauchy faible si, pour tout x' £ X', la suite numéri-
que <x ,x'> est convergente (ou de Cauchy). En posant £(x') = lim <x ,x'>
n n
on définit donc une forme linéaire ( X ' ) * dual algébrique de X', mais

rien n'assure en général que l'on ait £ G X.

(2.2.1) DEFINITION. - Un espace de Banach X est dit faiblement semi-

complet si toute suite (x) de Cauchy faible est faiblement con-

vergente dans X, c'est-à-dire, s'il existe x E X tel que

<x,x'> = lim <x^,x'>, pour tout x'£ X'.

(2.2.2) THEOREME. - Tout espace de Banach réflexif et en particulier

tout espace de Hilbert, est faiblement semi-complet.

Preuve - En effet, soit (x^) une suite de Cauchy faible dans un espace

de Banach réflexif X : alors (x ) est faiblement bornée, donc fortement


n
bornée d'après le théorème de Banach-Steinhaus. Or les boules de X sont
-31-

faiblement compactes (pour a(X,X')), donc (x^) possède une valeur

d'adhérence faible x € X. Or, pour tout x' G X', la suite (<x , x'>)
n
est convergente, on a donc nécessairement :

<x, x'> = lim <x , x'>


n n

et X est faiblement semi-complet. •

Il faut noter qu'il existe des espaces de Banach faiblement semi-complets,

mais non réflexifs. On pourra par exemple établir :

(2.2.3) EXERCICE. - Les espaces de Banach suivants sont faiblement semi-

complets :

1
X = 1
£ (I) ; X = L ( J J ) ; X = ca(Z) ; X = b a ( I )

où c a ( Z ) (resp. b a ( Z ) ) désigne l'espace des mesures signées (resp. fonc-

tions additives d'ensembles bornées) sur une tribu Z , muni de la norme

de la variation.

Les théorèmes de prolongement. - Dans ce qui suit, on considère un es-

pace compact S, un espace de Banach X et une application linéaire con-

tinue <f> : C(S) -> X. Pour tout x' G X', l'application (J^, définie selon

(J)^ (f) = <(f)(f), x'> est une forme linéaire continue sur l'espace C ( S ) ,
f

donc s'identifie à une mesure de Radon complexe / J ^ . Or, si f est une t

fonction de Baire, elle est Baire-mesurable et bornée , donc a fortio-


ri JJ |-integrable. Ainsi, on peut définir fdjj , pour toute f G Ba(S)
f

x j x
et tout x' G X', ce qui va nous permettre de prolonger l'opérateur <J>.

De manière plus précise, on a :

(2.2.4) : PROPOSITION. - Soit <J> ; C(S) -» X une application linéaire

continue ; alors <f> se prolonge de manière unique en une appli-


ff
cation linéaire continue $:Ba(S) -> X qui vérifie la condi-

tion de convergence dominée suivante :

Pour toute suite (f ) G B a ( S ) , telle que |f | < 1 et f -* 0


n n n
! ff
simplement, on a ) ~* 0 dans X" pour la topologie a(X ,X')
r f
L application $ est complètement déterminée par l égalité :

< $(f),x'> = fdp ,x V f £ Ba(S)


-32-

où p , est la mesure de'Radon complexe x ' o <(> . De plus, on

a, N I =11*11 •
Preuve - Pour toute f G Ba(S) on a | ffdp ., | < || f|| ||M i II et
J X Xr
f ?
|| u , Il < Il (|)|| | | x II ; ainsi la forme linéaire x -> fdu f est conti-
X X

nue sur X', donc est élément de X", ce qui permet de définir $ ( f ) . Il

est clair que $ prolonge c


|
> et que la condition de convergence dominée

est satisfaite (simple conséquence du théorème de Lebesgue)• L'égalité

|| $|| = || cf) || est immédiate. Reste à prouver l'unicité du prolongement. Or,

si ¥ est un autre prolongement de (f) vérifiant la condition (CD)la

classe M des fonctions f telles que ¥(f) = $(f) contient C(S) et; est

évidemment b-stable ; ainsi ¥ et $ coïncident sur Ba(S). •


L'intérêt des espaces de Banach faiblement semi-complets apparaît
dans le résultat suivant :

(2.2.5) THEOREME. - Si l'espace de Banach X est faiblement semi-complet,

le prolongement $ obtenu en (2.2.4) opère en réalité de Ba(S)

dans X.

Preuve - C'est encore un raisonnement classique par engendrement. Si

M désigne la classe des fonctions f telles que $(f) appartienne à X,

M contient évidemment C(S) et il suffit de prouver que M est b-stable.


u n e
Soit donc (f ) suite de M convergeant simplement vers f et telle
c e
que | f^l < 1 ; la condition (CD) implique que la suite ( ^ ( ^ ) ) ^ X n

ff
converge vers l'élément $(f) € X" pour la topologie a(X , X ' ) . Alors

( $(f )) est une suite de Cauchy faible dans X, donc faiblement conver-

gente vers un point de X, qui est nécessairement $ ( f ) . •

Dans le cas où l'espace de Banach X est en réalité une algèbre stel-

laire A faiblement semi-complète et où l'application <\> : C(S) A est

un *-morphisme d'algèbres stellaires, le théorème (2.2.5) se précise

par le suivant :

(2.2.6) THEOREME. - Soit A une algèbre stellaire faiblement semi-complète ;

Alors tout *-morphisme <f> ; C(S) -> A d'algèbres stellaires admet


-33-

un unique prolongement $ : Ba(S) -> A qui est encore un ^-morphis-


me d'algèbres stellaire s., et qui vérifie :

Four toute suite f G Ba(S) telle que I f I < 1 et f -> 0


1 1
n n II

(CD) simplement , on a $(f ) ~* 0 cfcms A p<9wr la topologie


faible a ( A , A ' ) .
De plus on a , || $|| = || 4> || .

e
Preuve - Il suffit 4 vérifier que le prolongement $ construit en (2.2.5) reste
f
multiplicatif et conserve 1 involution. Déjà, soit M la classe des

fonctions f telles que, pour toute g G C(S) on ait $(fg) = $(f) $ ( g ) ,

M contient évidemment C ( S ) . Montrons que M est b-stable. Si (f ) est

une suite de M telle que | f ^ | < 1 et (f ) converge simplement vers f,

alors pour toute g G C ( S ) , la suite $(f g) converge faiblement vers

$ ( f g ) . Or <£>(f g) = $(f ) <Kg) et $(f ) converge faiblement vers $ ( f ) .


n n n
Pour conclure, il suffit donc de voir que si une suite G A converge

faiblement vers x alors x^y converge faiblement vers xy, pour tout
f 1 f
y G A. Or, pour tout x G A , la forme linéaire z -> <zy,x > est continue
7f f T
donc il existe'} £ A tel que <zy ,x*> = <z,y > pour tout z C A. En particulier
T f
<(x -x)y,x > = <x -x,y > -> 0, ce qui suffit,
n n

On a établi l'inclusion Ba(S) c M et ainsi $(fg) = $(f) $(g) ,

pour toute f G Ba(S) et g G C ( S ) . On recommence le même raisonnement

en remplaçant les fonctions g G C(S) par des fonctions g G B a ( S ) , ce

qui prouve finalement le caractère multiplicatif de $.

Le dernier point, à savoir $(f) = $ ( f ) * , pour f G B a ( S ) , se dé-

montre de manière analogue, par engendrement. •

Remarque - On a vu en (2.2.5) que le prolongement $ vérifie une con-

dition de convergence dominée "faible", en ce sens que la suite $ ( f ) n

converge vers zéro, faiblement dans X. En fait, on peut voir assez

aisément, tout au moins dans le cas où X = H est un espace de Hilbert,

que, sous les mêmes conditions, la suite $ ( f ) converge en fait forte-


n

ment vers zéro, c'est-à-dire pour la norme de H (ceci est une consé-
-34-

quence du théorème de Grothendieck caractérisant les parties faible-

ment compactes de mesures de Radon).

Le théorème de prolongement pour une algèbre d'opérateurs. - X désigne

toujours un espace de Banach et on considère l'algèbre (unitaire) L(X)

des opérateurs bornés (continus) X -> X.

Sur cette algèbre L ( X ) , on peut considérer plusieurs topologies :

- Celle, classique, de la norme, pour laquelle L(X) est une algèbre


de Banach.

- Celle, dite simple-forte, dont les suites convergentes sont les


x
suites (T^) telles que, pour tout x G X, la suite (I' ) converge
n

dans X.

- Celle, dite simple-faible, dont les suites convergentes sont les

suites (ï ) telles que, pour tout x € X, la suite (T^x) converge

faiblement dans X (pour a ( X , X ' ) .

On s'intéresse maintenant au prolongement d'un morphisme(continu et

unitaire) d'algèbres de Banach : C(S) -* L ( X ) .

u a
Notation. - Pour tout x G X et toutx' G X', on désigne par x x ? I
mesure de Radon complexe

f -> <cj)(f)x,x'>

Il est intéressant de noter que l'on a :

(2.2.7) LEMME. - Pour toute g G C(S) on a l'égalité :

%<g)*,x» = g
•Vx' v x e x , vx' ex-

Preuve - Elle est immédiate.

Les résultats établis précédemment pourraient laisser croire que

la condition de semi-complétude faible - portant sur l'algèbre L(X) -

est nécessaire pour effectuer le prolongement du morphisme (j>. En fait,

il n'en est rien. En effet, même si l'espace de Banach X est faiblement


-35-

semi-complet, rien n'assure qu'il en est de même pour l'algèbre L(X) ;

toutefois, on a :

(2.2.8) THEOREME. - Soit X un espace de Banach faiblement semi-complet


f
et soit <f> : C(S) -» L(X) un morphisme (unitaire) d algèbres de

Banach.

a) (j> admet un prolongement $ ; Ba(S) -> L(X) qui est encore un


f
morphisme d algèbres de Banach, et on a || $|| = || <J>||

b) $ est complètement déterminé par les égalités :

<$(f)x,x'> = fd)j , V f £ Ba(S)


x,x'

c) Enfin, $ est unique sous la condition :

Pour toute suite f G Ba(S) telle que If I < 1


n n
(CV)<et f -> 0 simplement, on a $ ( f ) -* 0 dans L(X) pour n

[ la topologie simple-faible.

Preuve - Pour tout x € X, l ' a p p l i c a t i o n ^ : C(S) -» X définie par

<J) (g) = (j)(g)x est évidemment un morphisme (non multiplicatif) d'espaces


x
de Banach. Comme X est faiblement semi-complet, il résulte de (2.2.5)

que $ admet un prolongement $ : Ba(S) -» X déterminé par les égalités :


x x
<$ (f), x'> = fdjj . V f G Ba(S)
x J X,X T

e s t
Pour f G B a ( S ) , l'application x -> $ (f) évidemment linéaire, mais
aussi continue car || JJ || <
v || (f)|| || x|| ||x'j|, donc appartient à L ( X ) .
X ,X

Ceci permet de définir l'élément $(f) G L(X) selon $(f)x = $ (f ) , pour


tout x G X, ce qui prouve l'assertion b) . De l'égalité ||$J| = 114> [ | ,
on déduit aisément l'égalité || $|| = || CJ)||.

Reste à voir que le prolongement $ : Ba(S) -»L(X) est un morphisme

d'algèbres de Banach ; pour cela, il suffit bien-sur de vérifier qu'il

est multiplicatif. On peut déjà noter que si f G Ba(S) et si g G C ( S ) ,

l'élément $(fg) est déterminé par :


r

<*(fg)x,x'> = fgdjj ,

et il résulte du lemme (2.2.7) que l'on a aussi

<*(fg)x,x*> = fdP + ( g ) x x i " <*(f)*(g)x,x'>


-36-

Ainsi $(fg) = $(f)<Kg)- Ceci prouve a posteriori que le résultat: de


(2.2.7) est encore valable pour f G Ba(S), c'est-à-dire que l'on a
jj ( v t = f . JJ t , d'où on déduit aisément l'égalité *(f g) = $(f)$(g),
lorsque f et g sont des fonctions de Baire.
Quant à l'assertion c ) , elle est immédiate, conséquence encore du théorème
D
de Lebesgue.

Pour terminer, nous allons examiner le cas d'une algèbre L(H)


d'opérateurs sur un espace de Hilbert. L(H) est donc une algèbre stel-
laire (T* désignant l'adjoint de l'opérateur T) et dans ce cas, on consi-
dère un morphisme d'algèbres stellaires <J> : C(S) L ( H ) , donc avec en plus
la condition <j>(f) = <f>(f)*- Le théorème (2.2.8) se précise alors selon :

(2.2.9) COROLLAIRE. - Soit H un espace de Hilbert et soit cf> : C(S) -» L(H)


un morphisme d'algèbres stellaires :

a) (f) admet un prolongement $ : Ba(S) -> L('H) qui est encore un mor-
=
phisme d'algèbres stellaires, tel que || <f>|| Il $ 1 1 • De plus, $
est déterminé par les égalités " :

(*(f)x|y) = fdu
x
; f G Ba(S) ; x,y G H
J >y

b) $ est unique sour la condition ' :

Pour toute suite f G Ba(S), telle que I f I •< 1 et f -* 0


n
n . .

!
simplement, on a $.(£)-* 0 pour la topologie simple-forte de
L(H).

c) Pour tout x G H, la mesure de Ràdon x est positive et :

2 2
||$(f)x|| = (|f| du x x

d) Pour toute f G B a ( S ) , les opérateurs $(f) sont normaux.

Preuve - a) Le fait que $ soit un *-morphisme se démontre comme en (2.2.6)


11
moyennant la condition de convergence dominée "simple-faible satisfaite
a priori par $.
c) Montrons que JJ
est positive ; si f est continue et posi-
x , x
2 —
tive, il existe une fonction continue g telle que f = |g| = gg.
-37-

Alors on a :

f d , J
x,x =
(•(sDx.fx) = (<Kg)x.l<Kg)x) = ||*(g)x|| 2
> 0

Comme $ est un *-morphisme, on a aussi :

2 2
|| $ f ( x ) | | = (*(ff) x/x) = f|f | d u
X «X

b) Il faut établir que $ satisfait en réalité à une condition


r
de convergence dominée "simple-forte". Or, pour uûe suite f G Ba(S)
n
vérifiant les hypothèses, on a d'après c) :

H
"
*(f )x||
n "
2
= f |f
1
n 1
| 2
du
x.x
-» 0
J '

d'après le théorème de Lebesgue. Ainsi, || <î>(f^)x11 -» 0 pour tout x G H.

d) Cette assertion est immédiate puisque $ est un *-morphisme. •

(2.3) CALCUL FONCTIONNEL BAIRIEN ASSOCIE A UN OPERATEUR NORMAL BORNE SUR

UN ESPACE DE HILBERT. - Dans ce paragraphe, on va utiliser à la

fois les résultats de théorie spectrale abstraite établis au chapitre 1

et les théorèmes de prolongement vus en (2.2) pour contruire un calcul

fonctionnel bairien associé à un opérateur normal borné T sur un espace

de Hilbert H.

Rappelons que l'on désigne par a(T) le spectre (compact) de T ;

alors le théorème (1.3.10) appliqué à l'algèbre stellaire unitaire L(H)

et à l'opérateur normal T établit déjà l'existence d'un *-morphisme $ :

C(a(T)) -> L(H) qui est même une isométrie ; dont tel que, pour f £ C(a(T)),

|| f || = || f (T) || (f(T) désignant désormais l'opérateur <ï(f) ) . Rappelons

aussi que, toujours pour f £ C(a(T)), on a f(a(T)) = a(f(T)) (d'après

(1.3.11) Corollaire 1 ) , et que, si f est polynôme P(z,"z) alors f (T) = P ( T , T * ) .

Ainsi T = $(z -> z) .

Grâce au corollaire (2.2.9), on peut prolonger $ en un *-morphisme

d'algèbres stellaires, encore noté $, opérant de Ba(a(T)) dans L ( H ) .

Résumons les propriétés de ce calcul fonctionnel bairien vues en (2.2.9) :

1 et f 0
a) Pour toute suite (f ) de Ba(a(T)) telle que |f l<
n n

simplement, on a ||f (T)x|| -+ 0, pour tout x G H.


-38-

b ) Pour f € Ba(a(T)) et x € H, on a l'égalité :

2 2
|| f(T)x|| = j|f| du x > x

c) Pour f G Ba(a(T)), l'opérateur f(T) est normal ; en particulier

si f est réelle, f(T) est un opérateur hermitien.

Notons aussi que les opérateurs du type f ( T ) , pour f G Ba(a(T)), commu-

tent entre eux, puisque le morphisme $ est multiplicatif et l'algèbre

Ba(a(T)) commutative.

La seule question qui reste posée est de préciser la relation qui

existe entre les parties f(a(T)) et a(f(T)), lorsque la fonction f est

bairienne.

(2.3.1) PROPOSITION. - Si f est une fonction de Baire sur le spectre a(T)

on a :

a(f(T)) c f ( a ( T ) T

Preuve - Soit X £ f(a(T)) et montrons que X appartient à p(f(T)). Or la

fonction g définie sur a(T) par g(z) = f . est bairienne (car Ba(a(T))
A—t\Z)

est une sous-algèbre pleine de B(a(T>) et on a g ( A U - f ) = (À^-f)g = H .


A
Il en résulte que l'on a aussi g(T)( I-f(T)) = (Al-f(T))g(T) = I et ainsi

(AI-f(T)) possède un inverse dans L(H) qui est l'opérateur g ( T ) , donc À

appartient à p[f(T)] . •

Il faut noter que, au moins dans le cas où l'opérateur T est sup-

posé hermitien, on peut construire le calcul fonctionnel continu (et a

posteriori bairien) associé à T de manière directe, c'est-à-dire sans

utiliser la théorie des algèbres stellaires abstraites et la transfor-

mation de Gelfand. On remarquera toutefois que l'on obtient un résultat

moins précis en ce sens que 1'*-morphisme$ obtenu n'opère pas sur l'al-

gèbre C(a(T)) mais sur l'algèbre des fonctions continues sur un interval-

le compact contenant a ( T ) . Donnons toutefois, sans entrer trop avant

dans les détails, une idée de la technique utilisée, basée essentielle-

ment sur les propriétés des polynômes positifs sur [ 0 , 1 ] .

On remarque tout d'abord que l'on peut définir un ordre sur L(H)
-39-

selon :

S < T <=*(Sx|x) < (Tx|'x) Vx G H

et si 0 < T, on dit que l'opérateur T est positif.

( 2 . 3 . 2 ) EXERCICE 1. - Soit T un opérateur hermitien tel que 0 < T < I ;


on a T(I-T) > 0 .

On fixe désormais un opérateur T hermitien. Pour tout polynôme à coeffi-


cients complexes P = P ( z ) , on sait déjà définir l'opérateur P(T) (tel
que P (t) = P ( T ) * ) . Pour passer de là à la définition de f(T) pour des
fonctions f continues, il faut donc examiner la continuité de l'opération
P -> P ( T ) . Sachant que tout polynôme P G ]R [X], P positif sur [ 0 , 1 ] , se
décompose sous la forme :
2 2
P = A + X(1-X)B avec A,B G 1R [X], on peut établir :

( 2 . 3 . 3 ) EXERCICE 2 . - Soit T un opérateur hermitien tel que 0 < T < I.


Si P G ]R[X]est positif sur [ 0 , 1 ] , alors l'opérateur P(T) est posifif.

On en déduit :

( 2 . 3 . 4 ) LEMME. - Soit T un opérateur hermitien tel que 0 < T < I.


Pour tout polynôme à coefficients complexes P = P(z), on a :

Il P ( T ) || < || P | |
[0,1]

Preuve - On commence par choisir P dans 1R [X]. De l'inégalité P < I | P | | [ Q «J J


vraie sur [ 0 , 1 ] , on déduit, grâce à ( 2 . 3 . 3 ) que l'on a aussi P(T) <|| P ||j- 0

c'est-à-dire (P(T)x/x) <||.P ||j-^ ^j||x|p pour tout x G H. On a de même


2
-(P(T)x/x) < I | P | | | - Q -j-jlHI » e t
comme P(T) est hermitien, on a bien l'inéga-
lité souhaitée. Si maintenant P = P(z) est un polynôme complexe, on
applique ce qui précède au polynôme |P| = PP ; on en déduit que l'opéra-
o
teur hermitien P(T) P ( T ) * satisfait à||p(T) P(T)*|| <l|P|lr_ 0 q> ce qui
conduit encore à l'inégalité ||P(T)|| < I | P | | [ Q i]" D

Il suffit maintenant d'appliquer le théorème de Stone-Weierstrass pour


définir l'opérateur f ( T ) , pour toute fonction complexe f G C [ 0 , 1 ] et
-40-

E n
l'on a encore || f(T)|| < || f ||^Q ^- résumé :

(2.3.5) THEOREME. - Soit T un opérateur hermitien tel que 0 < T < I.


1
Il existe un ^-morphisme d algèbres stellaires $ : C[0,1]-*L(H)

tel que || $(f)|| < l|f||[Q unique sous la condition :

T = $(x -> x )

Remarque - Pour faire la liaison entre ce théorème et le théorème (1.3.10)

obtenu précédemment, il suffit de voir que pour un opérateur T satis-

faisant aux hypothèses de (2.3.5) on a a(T) c [0,1]. Or, si X ? [0,1],


e s t
la fonction f : x -> continue sur [0,1] et telle que f (x) (X-x) = 1.
A—X

Il en résulte que l'on a aussi f(T)(XI-T) = I = (XI-T)f(T). Ainsi, (XI-T)

est inversible dans L(H) et X appartient à p ( T ) .

Le théorème (2.3.5) se généralise bien-sur sans problème au cas

d'un opérateur hermitien quelconque. En effet, si T G L ( H ) , il existe

a,b G 1R tels que l'on ait al < T < bl, ce qui permet d'établir :

(2.3.6) THEOREME. - Soit T un opérateur hermitien et soient a,b G ]R


f
tels que al < T < bl. Il existe alors un *-morphisme d algèbres

stellaires $ : C[a,b] ->L(H) vérifiant || $ (f ) || < || f ^ y,


h de

plus, § est unique sous la condition T = $ (x -> x ) .

Comme dans la remarque précédente, on peut déjà noter que si T est un


+
opérateur hermitien positif, on a : a(T) c ] R . L'existence d'un cal-
cul fonctionnel continu associé à T, permet alors d'établir l'existence

d'une racine carrée de T, c'est-à-dire d'un opérateur S G L ( H ) , noté


112
1
2
T ' , tel que S = T.

(2.3.7) EXERCICE 1. - Soit: T un opérateur hermitien positif ; Montrer

que T possède une unique racine carrée, hermitienne et positive.

1 /2
Remarque - Pour l'unicité de T , on pourra utiliser (1.3.13) Corollaire 3.

(2.3.8) EXERCICE 2. - Soient S et T des opérateurs hermitiens positifs

tels que ST = TS. Alors l'opérateur ST est aussi positif.


-41-

Pour conclure ce paragraphe, on peut encore noter que le calcul

fonctionnel continu associé à une famille commutante d'opérateurs nor-

maux, construit en (1.3.10), se prolonge de manière analogue, grâce à

(2.2.9) en un calcul fonctionnel bairien ; en d'autres termes, qu'il

existe un *-morphisme $ : Ba(a(T)) -» L ( R ) , où a ( T ) , spectre simultané

de la famille d'opérateurs, est une partie compacte d'un (donc

n'est plus nécessairement métrisable). Les propriétés du morphisme $

sont évidemment identiques à celles déjà vues dans le cas où la fa-

mille est réduite à un seul opérateur normal.

(2.4) MESURE SPECTRALE ASSOCIEE A UN OPERATEUR NORMAL BORNE SUR UN

ESPACE DE HILBERT. - On fixe une fois pour toutes un opérateur norma

T Ç L ( H ) . Dans ce paragraphe, on va développer une des conséquences

essentielles des résultats vus précédemment, à savoir l'existence,

grâce au calcul fonctionnel bairien associé à T, d'une unique mesure,

à valeurs opérateurs, associée à T, notée E T (ou E pour simplifier)

et appelée résolution spectrale de T. Outre le fait qu'on peut carac-

tériser de nombreuses propriétés de T à l'aide de cette mesure, l'in-

térêt de cette résolution spectrale est surtout qu'elle permet de

généraliser les théorèmes classiques de décomposition spectrale, con-

nus pour les opérateurs compacts normaux. On sait en effet qu'un opé-

rateur compact normal a son spectre "discret", c'est-à-dire formé de

la suite (A ) de ses valeurs propres non nulles, à laquelle on rajoute

le point-limite 0. Si, à chaque valeur propre À , on associe son sous-

espace propre H^ et le projecteur orthogonal P^ : H -» H , alors T

admet la décomposition spectrale T = I X P . Lorsque T est seulement


n n
n
supposé normal, son spectre n-est plus "discret" en général et ne con-

tient d'ailleurs pas que des valeurs propres. Toutefois, la décomposi-

tion précédente se généralise en une décompositon spectrale "intégrale"

sous la forme :
/•

T = A d E (X)
J
a(T)
-42-

Définitions et propriétés immédiates. -

1 T
(2.4.1) DEFINITION. - Pour tout A G ba(a(T)) , on pose E (A) == $ 0 ) = A A ( ^

l'application :

E : ba(a(T)) -* L(H)

s'appelle la résolution spectrale de T.

On a, de manière immédiate :

(2.4.2) PROPOSITION. - La résolution spectrale de T vérifie les propriétés


suivantes :

a) Chaque E(A) est un projecteur hermitien de H.


b) E(a(T)) = I.

c) E(A n B) = E(A) E ( B ) .
d) E est une mesure vectorielle définie sur la tribu ba(a(T)), à
valeurs dans l'espace L(H) muni de la topologie simple-forte
(noté L (H)).

Il est intéressant de voir que la résolution spectrale E permet de recons-

truire l'*-morphisme $ : Ba(a(T)) -> L ( H ) . En effet, si f G Ba(a(T)) est

une fonction réelle et positive, pour tout e > 0 et tout entier n G ]N ,

on pose :

s (e) = U G a(T) ; ne < f(X)<(n+1)e}


n
Alors s (e) appartient à ba(a(T)), la fonction è = Z ne1 ,N est donc
n e s (e;
n
de Baire et vérifie || f-<j>^||< e. Il en résulte que l'on a aussi

|| $ ( f ) - $ ( * ) || < e, d'où l'on déduit :

(2.4.3) PROPOSITION. - Soit f G Ba(a(T)) une, fonction positive, Avec


les notations précédentes, on a :

$(f) = lim X neE(s (e))


n n
G~>0

où la limite est considérée au sens de la norme de L ( H ) .


-43-

M
Remarque - On retrouve ainsi la sommation p a r tranche" de Lebesgue, si
bien que l'on peut noter :

*(f) = f(T) = f(A)dE(A)


J
o(T)
Il est clair que cette formule s'étend au cas d'une fonction de Baire

réelle, puis d'une fonction de Baire complexe quelconque. En particulier :


( c
T = AdE(A) ; T** I dE(A)
J
a(T) Ja(T)

Le dernier point restant à éclaircir est celui de l'unicité d'une telle

résolution spectrale.

(2.4.4) PROPOSITION. - II existe une unique mesure E : ba(a(T)) -* L (H)

permettant de définir "un calcul fonctionnel bairien" selon :

$(f) = f(A) dE(A) V f € Ba(a(T))


J
a(T)

et pour laquelle on ait la représentation spectrale :

T = AdE(A)
J
a(T)

Preuve - En effet, pour tout polynôme P(z,z), on a nécessairement


P(T,T*) = P(A, A)dE(A) ; ainsi E est connue sur tous les polynômes, et
par densité sur toutes les fonctions complexes continues sur a ( T ) , ce
qui suffit. •

Lorsqu'on considère E comme une mesure de Radon (vectorielle), il peut


être intéressant de noter que le support de E est le spectre a(T) tout
entier.

(2.4.5) PROPOSITION. - Soit oo un ouvert de a(T) (pour la topologie

induite). On a :

E(w) = 0«=*(jo = (f)

Preuve - Supposons que o) soit un ouvert non vide de a ( T ) . D'après le

théorème d'Urysohn, il existe f G C(a(T)), f 4 O, telle que Supp f <= u).

Alors, f = f . 1 , donc on a $(f) = $(f) E (co). Or la restriction de $


03
-44-

à l'espace C(a(T)) est une isométrie, donc || $(f)|| = || f || > 0. Ainsi


on a E (o)) 4 0.

2
Terminons par un exemple. On prend pour H l'espace L [0,1] et pour

T l'opérateur de multiplication par x défini par Tf(x) = x f ( x ) , pour


2
f € L [0,1].

(2.4.6) EXERCICE. -

a) Vérifier que l'opérateur T est hermitien et tel que 0 < T < I.

b) Montrer que a(T) = [0,1] , mais que T n'admet aucune valeur pro-

pre (ainsi T n'est pas compact).

c) Montrer que pour A G ba [0,1], le projecteur E(A) n'est autre

que l'opérateur de multiplication par la fonction indicatrice

1^, et, de manière générale, que pour f € Ba[0,1], l'opérateur

f(T) est l'opérateur de multiplication par f.

Questions de commutation. - On a déjà noté que les opérateurs f ( T ) ,

f G Ba(a(T)), commutent entre eux (et a fortiori avec les projecteurs

E(A)). L'opérateur normal T étant toujours fixé, il est facile de voir :

(2.4.7) PROPOSITION. - Pour un opérateur S € L (H), les assertions sui-

vantes sont équivalentes :

a) T commute avec S et S*.

b) S commute avec T et T*.

c) S commute avec tous les E ( A ) , A G ba(a(T)).

d) S commute avec tous les $ ( f ) , f G Ba(a(T))

Remarque 1 - On peut en fait établir (théorème de Fuglede) que, dès qu'un

opérateur S G L(H)commute avec l'opérateur normal T, il commute avec tous

les opérateurs f ( T ) , et en particulier avec T*. Ainsi, on pourrait sim-

plifier un peu l'énoncé de (2.4.7).

Remarque 2 - On peut se demander s'il est possible de caractériser tous

les opérateurs S G L(H) qui commutent avec T (donc avec T * ) . Par exemple,
- 4 5 -

si T est un opérateur normal simple (voir 3.3.1), on peut montrer qu'un

tel opérateur est nécessairement de la forme f ( T ) , f E Ba(a(T)). De même,

on peut aussi établir, dans le cas où H est séparabie mais T normal quel-
C C C C
conque, que si un opérateur S appartient au bicommutant (T,T*) =({T} ),

il s'écrit nécessairement S = f(T),' f G Ba(a(T)).

Caractérisation en termes spectraux des opérateurs hermitiens et unitaires.

Rappelons qu'un opérateur T G L(H) est dit unitaire si on a TT* = T*T = I.

En utilisant la résolution spectrale de T, on peut facilement établir le

résultat ci-dessous, généralisant (1.3.4).

(2.4.8) PROPOSITION. - Soit T G L(H) un opérateur normal :

a) Pour que T soit hermitien il faut et il suffit que l'on ait


a(T) cz 1R .

b) Pour que T soit hermitien positif il faut et il suffit que l'on


ait a(T) cz 1R . +

c) Pour que T soit unitaire, il faut et il suffit que l'on ait


a(T) ç z T , o w t = (A G Œ ; | A | = 1}.

Preuve - a) On a déjà vu que pour T hermitien, on a c j ( T ) çz R. La réci-

proque est immédiate compte-tenu de (2.4.4) puisque l'on a

T* = I dE(A) = AdE(A) = T
>o (T) Jo (T)

b) Dans la remarque suivant (2.3.6), on a noté que si T est hermitien


+
positif, on a a(T) cz ] R . Réciproquement, pour tout x G H, on a :

(Tx/x) = A dE (A)
) a ( )
T x,x

où E est la mesure scalaire g G C(a(T)) -» ($(g)x/x). On démontre,


X ,X
comme en (2.2.9.c) que E est une mesure positive, ainsi (Tx/x) > 0
x,x
et l'opérateur hermitien T est positif.

c) Compte-tenu de (1.3.4), il suffit de supposer a(T) cz T . Grâce à (2.4.4)

appliqué à la fonction f : z -> zz on a

TT* = AldE(A) = dE(A) = I


h (T) Jq (T)

et de même T*T = I ; ainsi T est unitaire. •


-46-

CHAPITRE 3 - SPECTRE ET MESURES SPECTRALES

Nous allons revenir plus en détail sur les résultats généraux

obtenus aux chapitres 1 et 2 . D'une part nous définirons la notion de

mesure spectrale dans toute sa généralité, ce qui préparera l'introduc-

tion des opérateurs non bornés. D'autre part nous chercherons à cons-

truire des "classifications spectrales" : l'idée de base est la remarque

qu'un opérateur normal T E L(H) est complètement déterminé lorsqu'on

connait son spectre a(T) C Œ et samesure spectrale associée E ( . ) , mais

la question essentielle est de rechercher si l'on peut diminuer cette

quantité d'information pour pouvoir reconstruire néanmoins l'opérateur

T. Il est clair que la connaissance de a(T) ne suffit pas : prenons par


2
exemple H = L [0,1]et T : f xf (multiplication par x) de sorte que
2
a(T) = [ 0 , 1 ] , puis prenons H = £ (U ) , déterminons une bijection n r^
entre E et(DU[0,l] et définissons T par Te = r e , où (e ) est la
n n n n

base canonique de H. On aura aussi a(T) = [ 0 , 1 ] et les opérateurs T ain-

si construits n'ont vraiment rien de bien semblable, le premier n'ayant

aucune valeur propre et le second possédant une base orthogonale de vec-

teurs propres • La mesure spectrale doit donc intervenir dans la recons-

truction de T, mais cette mesure spectrale exige pour être connue la

connaissance d'une infinité de mesures positives E = (E(.)xlx), x E H.


X '
Peut^on alors se ramener à une famille plus réduite de mesures positives ?

La question est aussi liée aux applications quantiques de la théo-

rie des opérateurs sur un espace de Hilbert et en particulier de la théorie

spectrale. En théorie quantique on ne distingue pas un opérateur hermitien

T de son transmué S = U T U * par un opérateur unitaire U (qui correspond

à un changement de base orthogonale). Ceci introduit l'équivalence unitaire

entre deux opérateurs S et T. On constate alors que a(S) = a(T) et que

E (.) = U E (.) U * (la mesure spectrale est donc changée), de sorte que
. -1
pour chaque x E H il existe y = U x tel que E ç = E . Ainsi l'ensemble
x
b> 19 y
des mesures (E ) ^ est le même pour S et T. On ne pourra donc
TT espérer
x x E H
-47-

reconstruire T qu'à une équivalence unitaire près.

Les problèmes correspondant à ces questions d'équivalence unitaire,

ainsi que ceux liés à diverses décompositions du spectre, constitueront

donc une partie importante des éléments de ce chapitre.

3.1 MESURE SPECTRALE GENERALE. - Pour des applications ultérieures il

convient de définir la notion de mesure spectrale en sortant du cas d'un

ensemble compact K muni de sa tribu de Baire Ba(K) (ou de Borel s'il est

métrisable).

3.1.1 DEFINITION. - Soii H un espace de Eilbert. On appelle mesure spec-


r
trale sur H la donnée d un espace mesurable (fi ,£) et d'une applica-

tion : E : X -> L(H)

possédant les propriétés suivantes :

a) E(0) = 0, E(fi) = I, E ( A ) * = E (A)


b) E(A H B) = E(A) E(B) ^pour tous A, B £ S

c) E(.) est dênombrablement additive pour la topologie simple-forte sur

L ( H ) , c'est-à-dire que pour toute suite disjointe (A^) dans 2

et tout x £ H on a

E(UA )x = SE (A )x
n n
au sens de la topologie de H.

Il suit de b) que E(A) est un projecteur hermitien et que A H B = cf>

implique que les projecteurs E(A) et E(B) sont orthogonaux, de sorte


que la condition c ) implique encore l'égalité

2 2
|| E(A)x|| = Z||E(A )x|| avec A = U A ^

Lorsque la condition b) est remplacée par la condition E(A) > 0 pour

tout A, on a alors affaire à une mesure dite sous-spectrale ou quasi-spectrale

Ces mesures plus générales interviennent fréquemment dans diverses sortes

de problèmes, comme on le verra peut-être dans les chapitres réservés aux

applications.

La mesure A -> (E(A)x|y) est notée E et la mesure E est notée E


x, y X ,X X
- 4 8 -

pour simplifier. On a alors :

G . 1 . 2 ) L M f f i . - On a || E j | = 2
|| x|| et || E ^ H < || x|| || y | |

2
Preuve - E est une mesure positive car E (A) =|| E(A)x|| , donc
—————— x ^ x
||E |[ = E (Œ) =|| x|| . Par ailleurs pour tout A on a

|E ( A ) | = |(E(A)x|y)| = |(E(A)x|E(A)y)|<||E(A)x|| || E(A)y||


x ,y

donc, pour toute famille disjointe finie (A^) on a :

2
( 2|E (A )|) < (Z||E(A.)x|| |!E(A )y||) 2

< t\\ E C A J X L ^ . l|| E ( A ^ ) y "

< L|X|| ||y||


2 2

la deuxième inégalité étant: obtenue par Cauchy-Schwarz et la troisième

par orthogonalité des projecteurs E ( A ^ ) . Alors par passage à la borne

supérieure, lorsque la famille (A^) varie, on obtient, par définition

de la norme de la variation pour une mesure complexe, l'inégalité


D
cherchée.

L'intérêt de ce lemme est qu'il permet facilement de construire, en

suivant la méthode directe basée sur les fonctions 2-étagées,, un calcul

fonctionnel $ : BM(ft,2) L(H) relié à E(.) selon $ 0 ) = E ( A ) , ayant Â

les propriétés suivantes, après qu'on ait noté pour simplifier

$(f) = jfdE = f(X) dE(X)

(3.1.3) THEOREME. - L'application $ est un *-morphisme de l'algèbre stel-


laire unitaire BM(ft,Z) dans l'algèbre stellaire unitaire L(H)
tel que :

a) ||.(£)||< || f||
2 f 2
b) ||$(f)x|| = |f | dE x pour tout x e H

En particulier $ est multiplicative (ce qui provient essentiellement

de (3.1.1.b)) et $(?) = $ ( f ) * . Chaque $(f) est normal dans L ( H ) , et her-


c
mitien si f est réelle. De plus a($(f)) f (Œ) .

Support d'une mesure spectrale. - Lorsque Q est un espace topologique


- 4 9 -

métrisable et E sa tribu de Borel (ou de Baire) on peut introduire le


suüport de E selon :

( 3 - 1 . 4 ) PROPOSITION. - Il existe un plus petit ferme S dans fi tel que 5

E(S) = I, appelé support de E 3 et on a

S = Supp E = Ц ^ - т ! Supp E
x b H x

Preuve - Si E(S) = 1 alors E(iAs) = 0 donc E (fi\S) = 0 et Supp E С s.


x x
— ; — i—i
Soit alors S = \ J Supp E ; on a Supp E С S et S est fermé, donc
r r v v
о x ' x о о
E x (fi\Sо ) = 0 . Par la formule classiquen liant f
produit scalaire et norme
dans H, on en déduit E (fi\S ) = 0 pour tous x,y, d o ù E(fi\S ) = 0 et f

r 9 J
x,y о о
E(S ) q = I, ce qui suffit. •

Mesure spectrale image. - Si h : (fi,S) -> (fi,2) est une application m e ­

surable, alors pour toute mesure spectrale E : 2 -+ L(H) on construit

sans difficulté la mesure image h(E) selon

1 1
h(E) (B) = E O i " (В)) В G S

En posant E* = h(E) on aura alors, pour toute fonction g£BM(fi',S') :

1
gdE = g о h dE

Un exemple intéressant est fourni avec :

( 3 . 1 . 5 ) PROPOSITION. - Soit T un opérateur normal sur H. Alors la me­


sure spectrale E * de l'adjoint 1 * n 'est autre que la mesure spec­
trale image de la mesure spectrale E de T par l'application de
conjugaison z~*z de a(T) sur a(T*) = a ( T ) .

Preuve - Elle résulte de l'égalité a(T*) = a(T) , de la formule T*= XdE(A)


et de la claese d'unicité de la mesure spectrale de T*. •

Nous ne voulons pas développer au-delà la notion de mesure spectrale

générale. Signalons toutefois 3 faits intéressants. Le premier consiste


11
en la donnée d'un exemple "canonique de mesure spectrale ne relevant pas

des exemples donnés au chapitre 2. Il suffit de prendre une mesure y sur

(fi,2), et de considérer l'espace H - L (y). Alors l'opérateur E(A) : f ~ M ^ f

est manifestement une mesure spectrale E : I -> L(H) (on pourra vérifer les
-50-

dëtails) et pour chaque g £ BM (fi , £) on aura $(g)f = gf•

Le second consiste à remarquer qu'une mesure spectrale définie sur

une partie compacte K d'un espace métrisable fi peut être considérée com-

me une mesure spectrale sur fi (en fait la mesure image associée à 1'in-

jection K-* q ) dont le support est contenu dans K. Ainsi pour tout opé-

rateur normal (resp. hermitien) T sur H, on pourra lire sa mesure spectrale

E = comme une mesure spectrale sur (E (resp. sur H ) .

Le troisième consiste à remarquer qu'on introduit ainsi des mesures

spectrales sur Œ ou sur ]R . S'il en existe dont le support n'est pas com-

pact, peuvent-elles servir à représenter des opérateurs non bornés ? Ce

qui est sur c'est qu'elles peuvent servir à. représenter des situations

intéressantes, Donnons-en deux exemples à partir d'une mesure spectrale E

sur H , liés à la théorie des semi-groupes.

f itX
Exemple 1 - En posant U = e dE(X) on obtient pour t E 1 , une famille

d'opérateurs unitaires, qui constitue un groupe puisque U . U ^ g = U g + t «

Savoir si tout "groupe unitaire à un paramètre" se représente ainsi est

une question importante : la réponse est positive et relève de la théorie

des semi-groupes (théorème de Stone). On peut aussi 1'obtenir plus direc-

tement avec 1'exercice 5 ci-dessous.


Exemple 2 - En supposant supp E C [ 0,+ o o J on construit un semi-groupe
t
d'opérateurs hermitiens positifs en posant T = e ^ dE(X) pour t > 0,
t j

vérifiant 11T j|<l .


t

(3.1.6) EXERCICES. -

Exerc, 1, - Soit E(.) une mesure quasi-spectrale sur 1'espace H. Montrer

que chacune des deux conditions (nécessaires) suivantes est suffisante

pour que E soit spectrale :


a) Chaque E(A) est un projecteur, pour tout A^= 2 .
b) E(A) E (B) = 0 si A 0 B = (/>
-51-

Exerc. 2. - Soit JJ une mesure positive sur ]R ayant des moments de tous
2
les ordres. L'espace & des polynômes est donc contenu dans L (JJ) et on
désigne par H = son adhérence qui est un espace de Hilbert et par n , T

2
la projection orthogonale de L (JJ) sur H. Soit Z la tribu borélienne â$(TR. )
Pour tout A E Z et toute f G H on pose E(A) f = n ( 1 . f ) . TJ

H A
Montrer qu'on définit une mesure quasi-spectraie sur H.
2
Démontrer ensuite que cette mesure n'est spectrale que ssi H = L ( J J ) ,
2
c'est-à-dire que ssi & est dense dans L ( J J ) . (On verra plus tard qu'il
2
existe des mesures J J telles que 0* ne soit pas dense dans L ( J J ) ) .
Exerc. 3. - Soit H un espace de Hilbert et E : Z -> L(H) une mesure
spectrale. Soit H un sous-espace fermé de H et n
: H -* H la projection
H
orthogonale sur H. On définit E : Z-»L(H) par E(.) = n E(.) n . Démon-
H H
trer que E est une mesure quasi-spectrale telle que E = E pour
x,y x, y f

tous x,y E H. En particulier on a ||e ||<||x|| ||y||.


x
>y
Exerc. 4. - (Théorème de Naimark - 1943)
L'exercice précédent est intéresssant en ce sens qu'il admet une
réciproque, c'est-à-dire que toute mesure quasi-spectrale E(.) sur H
s'obtient à partir d'une mesure spectrale E sur un espace élargi H. Fixons
donc H et la mesure quasi-spectrale E et désignons par (f(Z) l'espace des
fonctions numériques complexes Z- étagées et par ^(Z,H) = (?(Z) ® H l'es-
pace des fonctions Z-étagées à valeurs dans H. Pour toutes (f) = Z 1 x et
k
\
= Z1 y on pose :
(* I *) = I ( E ( \ H B ) x
£ k | y )
£

k, £
a) Démontrer, grâce à l'additivité de E, que (cj)|^) ne dépend pas de
la représentation choisie pour <j> et i|;, puis prouver que la forme (<f>,^)
-> (cf) | ij;) est un semi-produit scalaire.

b) On note H = ® H le séparé complété de l'espace ® H

pour le semi-produit scalaire précédent. Montrer que l'application

x -+ î ® x, de H dans H, est une isométrie permettant d'identifier H à

un sous-espace fermé de îï. Prouver ensuite que la projection n est

suffisamment bien définie par les conditions :

ïï (1 « x) = E(A)x
îT A G Z , x G H
H A
-52-

c) On définit maintenant E(A) sur $(Z) ® H selon E(A)<j> = 1 <j> .


ci.
Vérifier que ||e(A)c))||< ||(() ||, puis prouver que E ( A ) se prolonge cano-

niquement en un opérateur E ( A ) : H -» H. Démontrer ensuite que E est une

mesure spectrale sur H, telle que E(.) = n E(.)n . V é r i f i e r enfin


r^j H H
T
que 1 espace H a été choisi minimal en ce sens qu'il est engendré par les

vecteurs E ( A ) x , A £ I , x f H.

d) Enoncer enfin le théorème de Naimark et en déduire que pour toute


f
mesure quasi-spectrale E on a 1 inégalité || E || < | | x || ||y|| .
x, y

Exerc. 5. - (Théorème de Stone)

A toute mesure spectrale E sur IR , définie sur l'espace H, on associe


l t :
un groupe unitaire U = e ^ d E ( A ) , qui est d'ailleurs fortement continu,
t J
c'est-à-dire que U^x -> x quand t 0 pour tout x C H. On veut donner une

preuve de la réciproque, utilisant essentiellement le théorème de Bochner.

Soit donc (U ) , t £ 1 , un groupe unitaire fortement continu sur l'espace H.

a) Etablir que, pour tout x, la fonction (J)(t) = (U x |x) est conti-

nue et de type positif En déduire qu'il existe une mesure positive finie
1 1
E sur ]R telle que (U x|x) = e \lE ( A ) ,
x t x

b) En déduire encore qu'il existe une application E ( . ) , de la tri-

bu borélienne X = & ( H ) de 1R dans L ( H ) , dénombrablement additive pour la

topologie simple-forte sur L ( H ) . Utiliser ensuite le théorème d'Orliçz-

Pettis pour montrer que E est une mesure quasi-spectrale I - > L ( H ) , c'est-

à-dire qu'elle est dénombrablement additive pour la topologie simple-

forte sur L ( H ) ,

c) Soit ^ une classe de fonctions boréliennes bornées sur E. , stable

par passage à la limite simple des suites uniformément bornées. On suppose


t
que ^ contient toutes les fonctions e^_ : A -* e ^ ^ , t E 1 . Etablir que ^

contient toutes les fonctions indéfiniment différentiables à support com-

pact en écrivant ces fonctions comme intégrales de Fourier. En déduire

que # est égale à l'espace BM(]R de toutes les fonctions boréliennes

bornées.

d) Déduire de là que pour chaque f £ BM(3R , X) on a \


( c e
fe dE = fdE . e dE
s J J s
-53-

pour tout s € 1R , puis démontrer que la mesure quasi-spectrale E est

multiplicative, donc une mesure spectrale. Enoncer le théorème obtenu

(théorème de Stone).

Exerc. 6. :

a) Décrire toutes les mesures spectrales sur H quand on prend


Q = 7Z et I = &<JL ) .

b) Soit E une telle mesure spectrale. Montrer que la formule :

E L N T E
U
t " N I * « * » '

définit un groupe unitaire à un paramètre, fortement continu et tel

q u e U
t 2TT=
+ V

c) Réciproquement soit (U ) un tel groupe unitaire 2ïï-périodique.

Montrer que la mesure spectrale E(.) associée par le théorème de Stone

a pour support 7L et retrouver la forme b) .

(3.2) DECOMPOSITION DU SPECTRE. - Fixons toujours l'espace de Hilbert

H et l'algèbre L ( H ) , quoiqu'une partie de ce qui va suivre peut se déve-

lopper pour un espace de Banach E et l'algèbre L ( E ) . Un opérateur T G L(H)

qui est non inversible peut l'être de diverses façons : ou bien il est

non injectif c'est-à-dire que Ker T f 0, ou bien il est injectif sans

être surjectif (et cela suffit par le théorème des isomorphismes de


-1
Banach car si T est bijectif alors T existe) et alors on peut distinguer

suivant que l'image ImT est dense dans H (et distincte de H ) , on non-dense

dans H. Il suit de là, en remplaçant T par (X - T) que l'on peut introduire

les définitions suivantes :

(3.2.1) DEFINITIONS. - Soit T G L(H) et X G Œ.


a
a) On dit que X apppartient au spectre ponctuel de T noté p (T)

ou que c'est une valeur propre de T, lorsque X - T n'est pas

injectif.

b) Lorsque Ker(X-T) = 0, on dit que X appartient au spectre con-

tinu a (T) lorsque Im(X-T) est dense et distincte de H.

c) Enfin, lorsque Ker(X-T) = 0 et Im(X-T) i H, on dit que X ap-

partient au spectre résiduel a (T).


-54-

On a évidemment la décomposition disjointe

a(T) = o (T) U a (T) U a (T)


p e r
En remplaçant T par son adjoint T* on remplace a(T) par l'ensemble conju-
gué a(T*) = a(T),mais la décomposition précédente ne se conserve pas. On
a toutefois, sans difficulté :

(3.2.2) PROPOSITON. :
a) X £ o (T) => I G a'(T*) U a (T*)
P p r
b) X f a (T) X G a (T*)
r P

L'exercice qui suit va illustrer dans un cas particulier la complexité


de la situation :

(3.2.3) EXERCICE. - Soit H = £ (]N ) et T l'opérateur de shift


)
(£ .
0 » £ > • • • ) -* (5 > C » ' • *
2 1 2

a) Expliciter l'opérateur adjoint T*.


b) Montrer que a(T) = ÏÏ = {X,|X\ < 1} et que a (T) = U = {X, |X| < 1 } .

c) On fixe X GTT, c'est-à-dire tel que | x | = 1. Montrer que X G (T)


en prouvant que Im(X-T) est dense dans H. Pour cela on fixera y = ( n ^ G H,
et pour chaque e > 0, on introduira un entier N tel que ^iJ ~ ^
ce qui permet de construire un point x G H tel que ||y - (X-T)x|| < e.

d) En déduire a (T), a (T) et a ( T ) .


p c r
e) Déterminer a ( T * ) , a (T*) et a ( T * ) .
p c r

Mais le cas d'un opérateur normal est plus simple.

(3.2.4) THEOREME. - Soit T un opérateur normal et soit E sa mesure spec-

trale, considérée comme mesure spectrale sur Œ. On a alors :

a) Supp E = a ( T ) , ce qui revient à dire que pour tout ouvert oo

de <L on a l'équivalence :

E(w) = 0 « ( u ( 1 a ( T ) = ç!
-55-

b) Le spectre ponctuel cr^(T) est défini par les conditions A G o ^ C T )

<=> E('{A} ) ^ 0 . Plus généralement on a E( {A} )H = Ker(A-T)

pour tout A £ Œ,

c) Le spectre résiduel est vide : o^(T) = 0

Preuve -

a) Puisque E(a(T)) = I on voit que E(oo) = 0 pour tout 03 disjoint

de a ( T ) . Réciproquement supposons 03 ouvert tel que E(oo) = 0 et soit

A £ 03. On définit la fonction f : (C Œ par

s i z
f(z> = \ j k ^
( 0 si z G 03

Alors f est borélienne et bornée et (A-z)f(z) = 1 . , de sorte que :


ÎL\03

I = E(Œ) = E (Œ \ 03) = (A-T)f (T)

donc A e p(T) et ainsi 03fla(T) = <f

b) La condition x G E({A})H équivaut à l'égalité E({A}) x = x, la-

quelle entraîne :

Tx = TE( { A})x = 9 dE(9)x = A E ( {A })x = Ax

d'où x G Ker(A-T).

Réciproquement si Tx = Ax, soit A = B(A, — ) et soit f : Œ -> (C


n n n
définie par :

f ( z ) =
<_L si z $ A n

n / 0 si z G A
^ n

Alors f est borélienne et bornée et (A-z)f (z) = L , donc : v A


n n Œ \ A
n
E(Œ \ A )x = f (T)(A-T)x = 0 et E(A )x = x.
n n n
Mais A + {A} donc à la limite E( {A} )x = x.
n
2 2
c) Pour un opérateur normal T on a ||Tx|| = (x | T*Tx) = (x | TT*x)=|| T*x||

d'où Ker T = Ker T*. Supposons donc A G a (T) ; on a alors X G a (T*)


r
_ P
avec (3.2.2.b), donc Ker(A-T*) j ( 0 ) , donc aussi Ker(A-T) ï ( 0 ) puisque

A - T est normal. Ainsi A G a ( T ) , ce qui est absurde et par conséquent


P
a (T) = 4. •
r
-56-

CS. 2.5) COROLLAIRE. - Soit T un opérateur normal. Si le spectre a(T)


est dénombrable, alors cj (T) est non vide et il existe dans
H une base orthonormale propre pour T. De plus, tout point de
o (T) s'il en existe, est point d'accumulation de valeurs pro-
9

pres, autrement dit a(T) = a ( T ) . p

Preuve - Soit a (T) = (A„, A , ... , A , ...) et a (T) =


n ( J J , , . . . , JJ , . . . ) .
P 1 2 n c 1 m
Puisque E ( { J J } ) = 0 alors pour tout x G H, grâce à la dénombrait)ilité de
m
a(T) on a :

x = Ix = dE(A)x = ZE({A })x


n
j
ce qui prouve que H = ffiH , avec H = Ker(A - T ) . Une base orthonormale
^ n n n
propre pour T peut donc être construite en choisissant des bases orthonor-

males dans les espaces H^. Maintenant si JJ G a


c ^^ alors pour, tout ouvert

0) voisinage de JJ on a E(o)) 4 o d'après (3.2.4.a). Or E(oû) = XE(a) PI {A^}) ,

de sorte qu'il existe au moins un point A G 0) fl a (T) . •


P
Remarque - Dans cet exemple on peut avoir a
c (T) =
0* P a r
exemple avec
T = I ; une valeur propre peut être de multiplicité infinie c'est-à-
dire que dim Ker(A-T) = et enfin, un point JJ G (T) peut être point
d'accumulation de points de o (T)
c
Application aux opérateurs normaux compacts. - La situation la plus gé-
nérale est rassemblée dans l'énoncé suivant :

(3.2.6) THEOREME. - Soit T un opérateur normal et compact. Alors a (T)


est au plus dénombrable et chaque valeur propre A ^ 0 est de
multiplicité finie c'est-à-dire que Ker(A-T) est de dimension
finie a ( A ) . de plus on a nécessairement l'un des cas suivants :

a) H est de dimension finie et o (T) = a ( T ) est fini.

b) H est de dimension infinie, a (T) est fini, a (T) est vide


p c
et Ker T i 0, c'est-à-dire 0 G a (t) .
P
c) H est de dimension infinie, o (T) est infini et s'ordonne
en une suite (A ) telle que \\ 1 + 0 . Si Ker T f 0 alors
1 1
n n
0 G a (T) et a (T) -4. Si T est injectif alors a (T) = {0}et H
P c c
est alors separable.
-57-

(
Pveuve - Le cas a) est le cas mat.rlad.el habituel. Supposons H de: dimension

infinie. Déjà si X £ a (T) et si X 4 0 alors H ^= Ker (X-T) f 0 et T.|^ est

1 homothétie de rapport X . Comme cette homothétie est compacte et A est


f

non nul, alors est de dimension finie d'après le théorème de Riesz.

Montrons maintenant qu'un point X ^ 0, quelconque dans Œ, ne peut

être point d'accumulation de valeurs propres, ce qui prouvera que les

valeurs propres ne peuvent s'accumuler qu'à l'origine. En effet, si

X -> X avec X £ c r ( T ) , il existerait une suite x telle quell x 11= 1 H


n n P n " n"
x a r
et Tx^ = ^ - P compacité on peut supposer que Tx^ -» y et puisque
n n

les projecteurs E ( { X }) et E ^ X ^ } ) sont orthogonaux on a (x |x ) = 0


m 1
n n m
pour n 4 m. Alors (Tx I Tx ) = 0 , d'où y = 0 à la limite et
n m
| X I = Il X x II = N Tx N -> H y H = 0, ce qui est absurde,
i n i 11
n n n 1 1 11 1 1 11 J M n

Montrons maintenant que si X £ O (T) alors X = 0 nécessairement. En


c
effet si X i- 0, on se ramène à X = 1 , de sorte que Im(I-T) est dense

dans H, et distincte de H. Soit x £ H ; il existe une suite y £ H telle

que y - Ty -» x.
n y
n n
Montrons que la suite (y ) est bornée : sinon on peut supposer
n
||y II -» œ et soit z = y / ||y H . Alors z - Tz -> 0 et II z 1 1 = 1 » de sorte
, , J M J l | J M
n n n n n n " n" *
que par compacité de T on peut supposer T z ^ -> b , d'où -* a = b et
b = Ta = a avec ||a|| = 1 , ce qui nous ramène à 1 £ O^(t) et est absurde.

Alors la suite (y ) étant bornée, on peut supposer que Ty a une limite


n n
donc y^ -» y, Ty^ -» Ty et y - Ty = x ; mais cela prouve que Im(I-T) = H

puisque x a été choisi quelconque et la contradiction est obtenue.

Si a^(T) est infini et si Ker T 4 0 alors 0 £ a ( T ) donc O (T) = 0. n


P P c
Si T est injectif alors 0 # O ( T ) , mais 0 £ a(T) par accumulation de va-
p

leurs propres et ainsi 0£o^(T)> donc ImT est dense dans H ; par compa-

cité de T ceci implique la séparabilité de H et le cas c) est complète-

ment décortiqué.

Passons au cas b) , où CJ (T) est fini, égal par exemple à {V^ , ... » ^ K
p n

Comme O (T) est vide ou égal à { 0 } , alors o(T) est dénombrable, d'où
c
avec (3.2.5), H = © H avec 1^ = Ker ( X - T ) . Mais dans ce cas l'un des
fc f c

est de dimension infinie, ce qui implique X ^ = 0. £ d ( T ) et ainsi p

O (T) = 4 et Ker T 4 ( 0 ) . Le théorème est donc enfin démontré. •


c
-58-

Remarque - Le théorème sous-entend, grâce à (3.2.5), qu'il existe dans

H une base orthonormale propre pour T . Par ailleurs il s'applique évidem-

ment au cas où T est un opérateur hermitien compact et dans ce cas les

valeurs propres X ^ sont réelles. Si en plus T est un opérateur positif,

au sens où (Txlx ) > 0 pour tout x G H, alors on a X > 0. Ce dernier


1
n
cas s'applique plus particulièrement en choisissant pour T un opérateur

de la forme S*S ou SS* avec S G L(H) quelconque mais compact. Et en fai-

sant intervenir la décomposition polaire d'un tel opérateur S, on peut

facilement (en reprenant par exemple le Cours d'Analyse Fonctionnelle

p. 22 à 24) établir le résultat suivant :

(3.2.7) THEOREME. - Soit T un opérateur compact sur l'espace de Eilbert


H. Il existe alors une suite > 0 décroissante au sens large,
finie ou dénombrable (et dans ce cas a + 0) et deux suites ortho-
normales (e ) et (e ) dans H, telles que : '
n n ' ^

Tx = Z a (x I e ) e 1
n n n

T*x = I a (x I e ) e
1
n n n
2
T*Tx = I a (x e ) e
1
n n n
TT*x = X a (x 2

1
I e ) e
n n n

pour tout x G H.

De plus || T | | = = Sup a et l'opérateur T est de


||T*||
2 ^ 2 2
Eilbert-Schimdt ssi la < +«> et dans ce cas IITIL = X a .11
n "2 n

On remarquera que les valeurs ne sont pas les valeurs propres


1 / 2 1 / 2
de T, mais celles de [T] = ( T * T ) ou de [T*] = ( T T * ) . On les ap-

pelle les valeurs singulières de T.

D'ailleurs le théorème précédent ne dit rien de précis sur le spectre

même a(T) d'un opérateur compact quelconque non normal. Il faut se souve-

nir du cas d'une matrice nilpotente sur un espace de dimension finie,

correspondant à un opérateur T tel que a(T) = { 0 } , pour voir que l'infor-

mation contenue dans le spectre peut être très pauvre dans le cas général.
-59-

En fait la théorie spectrale des opérateurs compacts relève plu-


tôt d'une théorie sur les espaces de Banach (théorie de Riesz-Schauder)
et nous éloigne considérablement des mesures spectrales. Nous ne l'en-
treprendrons donc pas.

Le spectre essentiel. - On aborde ici une autre façon de décomposer le


spectre a(T) d'un opérateur normal, importante principalement par le théo-
rème de perturbation donné ci-dessous. On a vu qu'un point À € Œ est élé-
ment de a(T) ssi pour tout voisinage a) ouvert de X on a E(ca) ^ 0, ce qui
n'est autre que l'énoncé (3.2.4.a). On peut donner à cela une forme équi-
valente ne faisant pas intervenir la mesure spectrale E de T.

(3.2.8) PROPOSITION. - Pour que X soit élément de a ( T ) , il faut et il


suffit qu'il existe une suite E H telle que\\ x^|| = 1 et
Tx - Xx -» 0.
n n

Preuve - La condition est suffisante car si l'on avait X G p(T) alors


x = (X-T) ^ (Xx - Tx ) tendrait vers 0. Elle est aussi nécessaire car
n ^ n n
si o) = B(X,—) = B et si x est choisi dans Im E (B ) ^ (0) tel que
n n n n
Il x II = 1, on a x = E(B )x et Tx = TE(B )x , d'où :
11
n" / n n n n n n

Tx - xx = ( e - x ) dE(e)x
n

et par suite, puisque 16-X | < J[ :

n X
1 r H *H 1
|| Tx - Xx || < - ||dE (6)x H < = - . •
11 11 11
n n" n n n n
Introduisons donc :

(3.2.9) DEFINITION. - On dit que X appartient au spectre essentiel de T,


T
noté g ( )>
s g lorsque pour tout voisinage ouvert o) de X, le pro-
jecteur E(w)est de dimension infinie. On appelle spectre discret

noté oAT), la partie a(T) \ a ( T ) .


d ess

Si À £ a , ( T ) alors il existe un voisinage ai de À tel que E(aO soit un


a
E B
projecteur de dimension finie non nulle. Comme ( n ) ^ E ( { X } ) , on voit
encore que dim E({X})H > 1, de sorte que X est une valeur propre de mul-
-60-

tiplicité finie. Mais comme la suite dim E(B ) est décroissante dans ]N*,
n
elle se stabilise de sorte qu'il existe un ouvert co voisinage de X tel

que E(o)) = E({X}), de sorte que nécessairement (x)fia(T) = {X}, En résumé

X est une valeur propre de multiplicité finie qui est un point isolé

dans le spectre a ( T ) , La réciproque consiste à remonter le raisonnement


f
sans difficulté. D o ù :

(3.2.10) PROPOSITION. - Pour qu'un point X appartienne à o (T) il faut


——————————. ess
et il suffit qu'il soit élément de o (T), ou bien valeur propre

de T de multiplicité infinie ou non isolée dans le spectre

a(T).

On prendra garde qu'un point X du spectre essentiel peut très bien

être une valeur propre de multiplicité finie, non isolée dans le spectre.
2
On en obtient un exemple avec l'opérateur T sur H - £ (]N ) défini par
Te = r e , où (r ) est une numérotation de Q (1 [0,1] , et (e ) la base
n n n n n
2
canonique de £ (]N ) .

De la définition (3.2.9) il résulte immédiatement :

a T e s t
(3.2.11) PROPOSITION. - Le spectre essentiel e s s ( ) fermé.

Donnons maintenant une caractérisation classique, analogue à (3.2.8),

des points X G a e g g ( T ) , ne faisant pas intervenir la mesure spectrale E.

(3.2.12) THEOREME (H. W E Y L ) . - Les assertions suivantes sont équivalentes :


a) X £ o (T)
ess
b) Il existe une suite (x ) orthonormale telle que Tx - Xx -* 0.
n ^ n n
c) Il existe une suite (x^) telle que || x || = 1, faiblement con-

vergente vers 0 et telle que Tx^ - Xx^ -* 0.

Preuve - a) b) : On peut supposer que X n'est pas valeur propre de multi-

plicité infinie* de sorte que E(B \ {X} ) est un projecteur de dimension


n
1
infinie pour tout n, avec B = B ( X , — ) . Posons A = B V B de sorte que 4 n
n 'n n n n+1
-61-

i. ) A = B \ { A } et Ira E(B \ {X}) = © I m E(A ) . Il existe donc une


n 1 1 n
n>1
suite TL telle que E(A ) i 0 et l'on peut choisir x. € E(A )H, tel que
k n k n
k k
||x, Il = 1, ce qui construit une suite orthonormale. On vérifie que
Tx^ - Xx^ -* 0 comme en (3.2.8).

b) => c) : c'est évident car si (x ) est une suite orthonormale alors


n
x -* 0 faiblement d'après Bessel-Parseval.
r
n

c) -» a) : Fixons u) voisinage ouvert de X ; on a alors :

2
|| Tx - X X || = |e—x| 2
dE ( e )
il n n n 1

J
1
X
n
F ?
> I e—x | dE
X
(e)
J
n

2 2 2
> r ( dE (6) = r || x 11
- E(o))x H
r x n n"
J
03 E
n

où r > 0 est choisi tel que B(X r) c= o). Il suit de là que E(a))x - x -» 0,
n n
donc ||E(o))x II -> 1. Mais la condition x ^ -» 0 faiblement implique que
n

E(o))x -> 0 faiblement. On est alors sur que Im E(ca) est de dimension infi-
n

nie car dans le cas contraire le théorème de Riesz fournirait la condition

|| E(u>)x || - * ( ) . •

De ce critère de Weyl on déduit le résultat le plus intéressant, qui

rentre dans la catégorie des problèmes de perturbation et montre l'utilité

du spectre essentiel.

(3.2.13) THEOREME. - Soient S et T deux opérateurs normaux tels que l'opéra-


teur R = S - T soit compact (et pas nécessairement normal). Alors
on a l'égalité a
57
(S) = a (T).
ess ess

a T
Preuve - En changeant R en - R il suffit de prouver que X G e s g ( )

=> X G a (T+R). Pour cela on utilise (3.2.12.c). Il suffit de remarquer


ess
que si x -> 0 faiblement alors Rx -» 0 dans H. Or cela est évident car
M
n n
delà Rx -> 0 faiblement d'une part, et d'autre part la suite (Rx ) étant
n n
contenue dans un compact K de H (puisque ||x || = 1 ) , la topologie faible
-62-

coïncide sur K avec la topologie de H. •

Remarque - La définition du spectre essentiel laissait effectivement

espérer son invariance par une perturbation de T qui soit un opérateur

de rang fini, le théorème précise ce point en montrant qu'on peut aller

jusqu'à un opérateur compact. Peut-on aller plus loin quant à l'opérateur

R ? C'est là une question couplée avec une autre : peut-on aller plus

loin avec l'opérateur T ? C'est-à-dire peut-on définir un notion de spec-

tre essentiel s'appliquant à des opérateurs non nécessairement normaux ?

Les réponses à ces deux questions sont positives mais nous placent en

pleine "théorie des perturbations" !

(3.2.14) EXERCICES. -

Exerc. 1. - Soit T un opérateur normal sur un espace de dimension infinie

H. Montrer que T est compact si et seulement si a (T) = { O } .

ess

Exerc. 2. - Soit T = U [T] la décomposition polaire d'un opérateur normal


1
quelconque T. Soit f : Œ -» Œ la fonction définie par f (z) =.- si |z I > — l

r 1
n 1 n |J ' n Z

et f (z) = nz si Izl < — . Etablir que U = lim f (T) au sens de la topolo-


1 1
n n n
gie simple-forte. En déduire que U appartient à la sous-algèbre pleine
PL(T,T*).
Exerc. 2. - a) En utilisant la représentation dyadique des nombres réels
montrer qu'il existe une bijection [0,1] -> H échangeant les parties
boréliennes (isomorphisme mesurable). En déduire la même propriété entre
W
[0,1] et Œ .
b) Soit
(T ) une suite dénombrable commutante d'opérateurs nor-
n
maux sur H. Montrer qu'il existe un opérateur hermitien S tel que a(S)cz[0,l]

et des fonctions boréliennes f : [0,1] ->Œ telles que T = f (S).


n n n

(3.3) LES OPERATEURS NORMAUX SIMPLES. -

Nous n'avons pas l'ambition ici de traiter la théorie, dite de la

multiplicité, qui généralise au cas de la dimension infine la théorie

de la multiplicité des valeurs propres des matrices normales. Nous cher-

chons seulement à généraliser convenablement le cas des valeurs propres

distinctes lorsque H est de dimension finie. Donnons-nous par exemple un


-63-

n n
opérateur diagonalisé T : Œ -* Œ , défini par (Tz), = A z avec z = (z, )
K. K. K K.
et supposons les À deux à deux distinctes. Alors a(t) = {X ,..., X }, ce 1

K. i n
s u r e s t t e e
qui permet d'introduire la mesure u = ^^X^ ^> l l > d'une
2
part que supp u = a(T) et d'autre part que l'espace L ( u ) est isomorphe
n 2
isométriquement à l'espace Œ puisqu'une fonction f G L (u) est complè-
tement déterminée par ses valeurs f(X ) . Désignons par Z la fonction
n 2
X -> X identique de Œ. Alors dans l'isométrie U : H = Œ -> L (u) précédente
il est clair que l'opérateur T correspond à l'opérateur, noté aussi Z,
2
de multiplication par Z sur L ( u ) . Autrement dit le diagramme suivant
est commutatif :
U
2
H • L (u)

T Z

U »
H • L (u)

fl
et ainsi T = U ^ZU. En résumé T est unitairement équivalent" à un opé-
2
rateur Z de multiplication par X sur un espace L ( u ) , où u est une m e s -

sure positive sur Œ dont le support est compact (et nécessairement égal

à a(T)). Cette remarque permet la généralisation suivante :

(3.3.1) DEFINITION. - Un opérateur T £ L(H) est dit simple (ou sans mul-

tiplicité) lorsqu'il est unitairement équivalent à l'opérateur


Z de multiplication par la fonction X -» X de Œ sur un espace
2
L (u) associé â une mesure positive u sur Œ à support compact.

2
Il existe donc une isométrie surjective U : H -* L (u) telle que
T = U ^ZU. Comme l'opérateur Z est normal, alors T est aussi normal et
-1 —
T* = U Z U. De plus le spectre a(T) = a(Z) est évidemment égal à supp u.
En passant par l'intermédiaire des polynômes P ( z , z ) , il est facile de
-1 — -1
vérifier que P(T,T*) = U P(Z,Z) U et plus généralement que f (T) = U M U f

pour toute fonction f borélienne et bornée sur a(T) = supp u , où M


2 . .
désigne l'opérateur de multiplication par f sur L (u). En particulier la
résolution spectrale de T s'obtient selon E(A) = U U.
A
-64-

Cela étant deux questions immédiates se posent. La première est

d'obtenir une caractérisation des opérateurs simples et la seconde est

de savoir dans quel sens on peut affirmer que la mesure JJ est caracté-

risée par l'opérateur T. Une troisième question, moins immédiate, est

de savoir si l'on peut reconstruire tout opérateur normal à partir

d'opérateurs simples. Pour répondre à la première question on introduit

la notion de vecteur cyclique pour T :

(3.3.2) DEFINITION. - On dit qu'un vecteur x G H est cyclique pour l'ope-


m &n
rateur normal T lorsque l'ensemble des vecteurs T T x, m,n > 0

est total dans H.

On a alors :

(3.3.3) THEOREME, - Pour que l'opérateur T normal sur H soit simple, il

faut et il suffit qu'il possède un vecteur cyclique x. Dans ce

dernier cas T est unitairement équivalent à l'opérateur Z défini


2
sur l'espace L (JJ) avec JJ = E^. En particulier a(T) = supp E ^ .

Preuve - La condition est nécessaire d'après le théorème de Stone-Weierstrass,

car le support de JLI étant nécessairement compact (égal à a(T)), l'ensem-


_ 2
ble des polynômes P(z,z) est dense dans L (JJ) . Ceci revient à dire que le
2
vecteur 1 G L (JJ) est cyclique pour l'opérateur Z de multiplication par
lui-même, donc x = U 1 est cyclique pour T dans H, puisque U est un iso-
morphisme isométrique. La condition est aussi suffisante car en posant
JJ = E^, on sait déjà que supp JJ est contenu dans a(T) , dont est compact.
De plus, l'espace des vecteurs de la forme P(T,T*)x, ou P décrit: l'ensem-
ble des polynômes en z,z, est dense dans H. Par ailleurs on sait que :

|| P(T,T*)x|| 2
= f|F| 2
dE =||P|| 2
,

de sorte que l'application, qui au vecteur P(T,T*)x associe le polynôme


— 2
P(z,z) dans L (JJ) , est d'une part proprement définie et isométrique, et
2
d'autre part se prolonge canoniquement en une isométrie U : H -» L ( J J )
2
qui est d'ailleurs surjective à cause de la densité dans L (JU) de l'espace
-65-

f
des polynômes en z,z. Ainsi T est unitairement équivalent à l opérateur
2
Z sur L (JJ) puisque UTy = ZUy pour y Ç H, ce qui est conséquence de

l'égalité, a priori moins générale mais en fait équivalente :

UT [P(T,T*)x] = ZP = ZU[P(T,T*)x]

On peut donc préciser que supp JJ = supp = a(T) . •

La réponse à la seconde question est plus nuancée. On va voir que

la mesure JJ n'est pas nécessairement unique, ce qui est bien évident car

il peut exister plusieurs vecteurs cycliques. Mais ce qui est complètement

déterminé est en fait la classe d'équivalence de JJ , au sens de Radon-

Nikodym. On rappelle ici que JJ et v sont équivalentes au sens de Radon-

Nikodym lorsque JJ v et v « J J , ce qui revient à dire que JJ et v ont

les mêmes ensembles boréliens négligeables, ou encore qu'il existe une

densité h strictement positive et borélienne telle que v = h.jj, tandis


que JJ = - 7 .v. On a alors :
h

(3.3.4) THEOREME. - Soit JJ et v deux mesures positives à support compact

sur Œ. Désignons par S et T l'opérateur Z respectivement sur


2 2
L (JJ) et L (v). Pour que S et T soient unitairement équivalents
il faut et il suffit que v et v soient équivalentes au sens
Radon-Nikodym.

Preuve - La condition est suffisante car si v = h.jj avec h > 0, il est


-1/2 2
facile de voir que l'opérateur multiplicatif f -> fh , de L (JJ) dans
2
L ( v ) , est une isométrie surjective U, telle que US = TU. Réciproquement
2 2
supposons US = TU avec U : L (p) -> L (v) isométrie surjective. Alors de
1 1
US = TU on tire S*U~ = U~~ T* soit encore US* = T*U, ce qui exprime

l'égalité UZ = ZU, en désignant par Z l'opérateur de multiplication par

X . Alors UP(Z,Z) = P(Z,Z)U, autrement dit UP(S,S*) = P(T,T*)U pour tout


— . 2
polynôme P en z,z. En appliquant cette égalité à la fonction fl G L ( J J )
2
et en posant g = UH £ L (v) on obtient UP = Pg pour tout polynôme P. Par
2

densité on en tire Uf = fg pour toute f G L (JJ) et comme U est isométri-

que alors :

'|f| djj = f | f |
2 2 2
|g| dv
f 2 2
En particulier, avec f = 1 , on obtient JJ (A) = ^|g| dv donc j J = | g | . v et
j
-66-

-1
JJ « v. En remplaçant l'isométrie U par U on obtiendrait v « JJ , d o ù
T

l'équivalence de JJ et V au sens de Radon-Nikodym.

(3.3.5) COROLLAIRE. - Soient x et y deux vecteurs cycliques pour T dans

H. Alors les mesures E ^ et E ^ sont Radon-Nikodym-équivalentes.

Pour répondre à la troisième question on remarque par un exercice facile

que l'identité I : H -> H ne peut être un opérateur simple que si dim H = 1.

Ceci revient à dire qu'un opérateur T ayant une valeur propre de multi-

plicité supérieure ou égale à 2 n'est pas simple. L'idée qui préside au

théorème qui va suivre est donc de décomposer l'espace H en sous-espaces

stables par T et T* et sur chacun desquels T est un opérateur simple.

L'inconvénient de la méthode est que la décomposition obtenue est assez

largement arbitraire (il n'y a pas de résultat d'unicité) et qu"elle

"désarticule" nécessairement les espaces propres de dimension supérieure

à 2.

(3.3.6) THEOREME. - Soit T un opérateur normal sur H. Alors il existe une

décomposition hilbertienne

H = e H.
1
i e i
indexée sur un ensemble I non nécessairement fini, ni même dénom-
brable (si H est non séparable) , en sous-espaces H^ (deux à deux
orthogonaux) stables à la fois par T et T* et tels que la restric-
tion T. = T| soit, pour chaque i E I, un opérateur simple. Si JJ .
i H. 1
est une mesure sur Œ associée à T^ (connue à une équivalence près)
alors a(T) = J supp JJ^

Preuve - Désignons par 3F l'ensemble des familles ( H ^ K ^ -^ de sous-espaces

orthogonaux, stables par T et T* et tels que T . = T | soit simple pour


i H.
i
chaque i. Alors ^ n ' e s t pas vide car pour tout x G H, l'espace

n
H = ê v ( T T ^ x ) est tel , d'après (3.3.3), que {H } G On ordonne &
o o
par inclusion et on vérifie que ^ e s t , ainsi ordonné, un ensemble induc-

tif. D'après le lemme de Zorn il admet donc un élément maximal (H.). - . T

i i G I
Posons alors L = ^ H ^ , somme directe hilbertienne et supposons L f H.
-67-

Alors l'orthogonal L"*~ est non nul. Mais L est stable par T et T*, donc

aussi L . Alors si x £ L"^ et si x ^ 0, on voit que L"*" contient l'espace

H q
n m
= ev ( T T x ) , de sorte qu'on peut agrandir la famille (H^K Ç I e n
^

rajoutant H , contrairement à sa maximalité. Ainsi H = ^ H . et T = © T . .


o 1 1
De plus a(T.) = supp u.. Montrons déjà que a(T.) c a ( T ) , c'est-à-dire
i l i ^
que p(T) cz p ( T \ ) . Si À € p (T) alors la fonction z r est continue et
1 A — Z
bornée sur a(T) et
1
R(X,T) = ( X - T ) " = f i j ^ -
A-z

Le fait que T et T* laissent invariant K L conduit aisément à l'invariance

de rL par tous les opérateurs f(T) (toujours par Stone-Weierstrass) pour

f continue et même pour* f borélienne bornée par le raisonnement clas-

sique sur les classes b-stables de fonctions. Ainsi R ( X , T ) H . cz H . donc


i l
R(X,T)L est l'inverse de (X-T) I c'est-à-dire que X € p(T.) et
H . ri . 1
1 1
R(X,T.) = R(X,T)| H .
i
On a donc bien déjà C la(T^) cz a ( T ) . Réciproquement supposons

X # I lo(T/). Il existe alors 6 > 0 tel que d(X,a(Tj) > 6 pour tout i.
o u e s t
L'équation (X-T)x = y = ^Y^» Y fixé, se résout par x = (x^) avec

x. = R(X,T.)y. nécessairement, de sorte que (X-T) est déjà injectif. Pour


^ ^ —1 2
prouver que (X-T) est borné il faut pouvoir majorer l||xj| . Or

2 2
H-ill - { l x ^ l ^ i , . < y - T I K H
2

' 1 ^l 6
et par suite x = ( x j E H et ||x||< ||y|| , donc X G p (T) . •

Remarque - On prendra garde que les compacts = a (T^) = supp JLK ne

sont pas nécessairement disjoints et peuvent même être égaux. Par consé-

quent, la projection H - > IL n'est pas le projecteur E ( K j en général.

(3.3.7) EXERCICES. :

Exerc. 1. - Soit I l'opérateur identité sur H quelconque. Expliciter une

décomposition de T = I en opérateurs simples.

Exerc. 2 . - Même question avec dim H = 5 en prenant pour T un opérateur

hermitien admettant une valeur propre triple et une autre double. Préciser

sur cet exemple la remarque ci-dessus.


-68-

Exerc. 3. - Montrer que si T (supposé normal) est simple alors le com-


c
mutant {T,T* } est une sous-algèbre stellaire oommutative de L(H).(On
2
se ramènera à T = Z sur L (u) et on prouvera que le commutant s'identifie

isométriquement à l'algèbre L (u)).

Exerc. 4. - Soit T un opérateur normal sur un espace séparable H, Montrer

qu'il existe un espace métrisable localement compact Q y réunion dénombra-

ble de compacts disjoints (donc dénombrable à l'infini) et une probabilité

P sur tels que T soit unitairement équivalent à un opérateur de multi-


2
plication par une fonction continue et bornée sur l'espace L ( P ) .
-69-

CHAPITRE 4 - OPERATEURS NON BORNES

T
Nousn'avons jusqu àprésent étudié que des opérateurs bornés (continus)

définis sur un espace de Hilbert H tout entier. Toutefois, au chapitre 3,

nous avons déjà remarqué que la donnée d'une mesure spectrale sur H ou

Œ pourrait peut-être permettre de représenter des opérateurs d'un type

plus général. De plus, il y a en Analyse même ou en Physique, des exem-

ples simples d'opérateurs définis sur une partie seulement de l'espace H

et qui, surtout, ne sont pas bornés. Ainsi, si on prend pour H l'espace

L [0,1], l'opérateur différentiation T = — , défini sur le sous-espace

de H formé des fonctions continûment différentiables, est bien entendu

non borné, comme on s'en assure en examinant la suite de fonctions


2 l T T n X 2
f (x) = e . De même, si H = L ( 1 R ) , l'opérateur de multiplication
N
. 2
par x, défini sur le sous-espace de H formé des f £ L (]R ) telles que
2

xf £ L ( R ) , fournit un autre exemple simple d'opérateur non borné. Le

but de ce qui suit est d'étudier en détail de tels opérateurs en vue

d'applications, à la Mécanique Quantique par exemple.

(4.1) OPERATEURS NON BORNES. - Etant donné un espace de Hilbert H, on

appelle opérateur sur H, la donnée d'un couple (T,D(T)), où D(T) est un

sous-espace vectoriel de H et T une application linéaire de D(T) dans H ;

D(T) s'appelle le domaine de T. Il convient bien de noter que la donnée

de D(T) est essentielle dans la définition de l'opérateur T : si on res-

treint ce domaine (ou si on l'agrandit), on modifie les propriétés de T

donc on change d'opérateur.

Dans ce qui suit, on supposera toujours que D(T) est un sous-espace

dense de H, seuls les opérateurs à domaine dense se révélant utiles pour

les applications. Donnons maintenant un certain nombre de définitions

élémentaires.

On dit que deux opérateurs S et T sont égaux si on a D ( S ) = D(T) et

Sx = Tx, pour tout x £ D ( S ) . De même, S prolonge T ou est une extension

de T (noté T c S ) si on a D(T) c D(S) et Tx = Sx, pour tout x £ D ( T ) .


-70-

Enfin l'opérateur S + T est défini par (S+T)x = Sx + Tx, pourx'ED(S) flD(T)

alors que l'opérateur ST n'est défini que pour les x £ D(T) tels que

Tx £ D ( S ) . Ainsi, généralement, les domaines D(ST) et D(TS) sont dif-

férents, ce qui va compliquer encore le problème de commutation de deux

opérateurs non bornés. Lorsque T est injectif, on notera T ^l'opérateur

(non borné en général) défini sur Im T par les égalités : Tx = y <=> x = T ^y

V x £ D(T) .

A tout opérateur T, on peut associer son graphe, noté G ( T ) , qui

est le sous-espace vectoriel de H x H défini par :

G(T) = { (x,Tx) ; x £ D(T) }

Cette notion est importante puisqu'un opérateur est complètement déter-

miné par son graphe. Ainsi, pour des opérateurs S et T on a S = T(resp.SçiT)

si et seulement si G(S) = G(T) (resp. G(S) Ci G ( T ) ) .

Opérateurs fermés :

(4.1.1) DEFINITION. - On dit que T est fermé lorsque son graphe G(T)

est fermé dans H x H, ce qui signifie en clair que si une sui-


te (x ) £ D(T) est telle que x -> x et Tx -* y, alors x £ D(T)
n ^ n n
et y = Tx,

Il résulte immédiatement de la définiton que si l'opérateur T est fermé,

son noyau Ker T est fermé dans H. On vérifie également que l'on a :

(4.1.2) PROPOSITION. :

a) Si S est un opérateur borné sur H, alors T est fermé si et


seulement si S + T est fermé.
1
b) Si T est injectif, alors T est fermé si et seulement si T
est fermé.

Un opérateur fermé n'est pas nécessairement borné (sur son domaine) com-

me on peut le voir avec l'opérateur de multiplication par x défini dans

l'introduction ; pour faire le lien entre ces deux notions, on peut noter :
-71-

(4.1.3) PROPOSITION. - Soient les trois assertions suivantes :

a) T est borné sur D ( T ) .

b) T est fermé.

e) D(T) est fermé dans H.

Alors deux quelconques de ces assertions impliquent la troisième.

Preuve - Il est clair que si on a a) et b ) , alors on a c ) . Maintenant si

T est borné sur D(T) , alors G(T) est fermé dans D(T) x H, donc fermé dans

H x H dès que D(T) est lui-même fermé. Enfin, si T est fermé et à domai-

ne fermé, il résulte du théorème du graphe fermé que T est continu. •

En particulier, les opérateurs considérés étant à domaine dense, on


déduit de (4.1.3) qu'un opérateur fermé T est continu si et seulement si
D(T) = H.

Il faut encore noter que si l'opérateur T est fermé, on peut définir

sur son domaine D(T) une autre norme hilbertienne, notée || . ||^ en posant:

|| x | | 5 = ||x||2
+ ||TX|| 2
v x e D(T)

où || . || désigne la norme initiale de H. L'intérêt de cette norme, appelée

norme de Sobolei), est qu'elle rend l'espace D(T) complet et que par ailleurs

comme || Tx||< || x | [ pour tout x £ D (T), T devient un opérateur borné de l'es-

pace de Hilbert ( D ( T ) , || . || ^) dans H. Pour voir que D(T) est complet il

suffit de remarquer que si une suite (x ) Ç= D(T) est de Cauchy pour || . || ^,

elle est de Cauchy dans H, donc converge vers x G H. Mais (Tx^) est aus-

si de Cauchy dans H, donc converge vers y € H. La fermeture de T assure

que x G D(T) et qu'on a y = Tx ; on déduit de là que (x ) converge aus-

si vers x pour ||. || ^.

Lorsque T n'est plus fermé, la question se pose de savoir s'il admet

des extensions fermées. Ce n'est pas toujours le cas ; si T est tel qu'il

existe 2 suites (x ) et (y ) dans D(T) convergeant vers le même point x


n n
et tel que les suites (Tx ) et (Ty ) aient des limites distinctes, alors
n n
T n'admet pas d'extension fermée. Pour que cette situation ne se produise

pas, il faut et il suffit que G(T) soit le graphe d'un opérateur, ce qui

nous amène à la définition suivante :


-72-

(4.1.4) DEFINITION. - On dit que T est fermable (ou préfermé) s'il

admet une extension fermée. Dans ce cas, il admet un plus petit


prolongement fermé, noté T, appelé fermeture de T.

Lorsque T .est fermable, sa fermeture T est complètement déterminée par

son graphe G(T) qui n'est autre que l'adhérence G(T) de G(T) dans H x H.

Opérateur adjoint. - T étant à nouveau un opérateur quelconque (toujours

à domaine dense), considérons l'ensemble des points x G H tels que la

forme linéaire y -> (Ty | x) soit continue sur D(T) pour la norme induite

par celle de H. Pour un tel point x, cette forme linéaire se prolonge par

continuité à l'espace H tout entier, donc il existe un élément de H, noté

T*x, unique puisque D(T) est dense dans H, et déterminé par les égalités :

(Ty|x) = (y|T*x) V y G D(T)

De cette clause d'unicité, on déduit aisément que T* est un opérateur.

Ainsi :

(4.1.5) DEFINITION. - Pour tout opérateur T, on appelle adjoint de T,

l'opérateur T* défini sur le domaine D(T*) = { x € H ; y -* (Ty|x)


est continue sur D(T)}par les égalités :

(Ty|x) = (y|T*x) V y G D ( T ) , V x G D(T*)

Remarque - Par définition, il est clair que D(T*) est un sous-espace


vectoriel de H, mais rien n'assure en général, qu'il soit dense dans H.
On donnera plus loin une condition nécessaire et suffisante portant sur
T pour qu'il en soit ainsi. On notera que si on a T c S, alors
D(S*) ç D(T*) et on a alors S* c T*.

Nous allons maintenant examiner quelques propriétés de l'opération

d'adjonction. Auparavant, notons que l'on peut munir l'espace produit

H x H d'une structure hilbertienne en posant :

((x , y ^ | ( x , y ) )
1 2 2 = (xjx )
2 + (y | y )
1 2

et désignons par J l'opérateur continu sur H x H défini par J(x,y) = (y,-x)


2
Alors J est unitaire et on a J = -I
-73-

(4.1.6) PROPOSITION. - L'opérateur T* est fermé et plus précisément on a :

G(T*) = J C G T T ) ] = J t G ^ T ) ]
1 1
= JtG(T)] 1

Preuve - Il est clair que pour toute partie A de H x H, on a J(A"S = J ( A ) X

et J ( Â ) = J ( A ) . Ainsi, tout revient à prouver l'égalité G(T*) = j [ G ( T ) ] i


Or, si x G D ( T * ) , pour tout z £ D ( T ) , on a :

((x, T*x) | (Tz-z)) = (x|Tz) - (T*x | z) = 0

1 1
d'où l'inclusion G(T*) <= J [ G ( T ) ] . Réciproquement, si (x,y) £ J t G ( T ) ]
pour itoxxt z £ D(T) , on a :

(x | Tz) - (y | z) = 0

soit encore (Tz | x) = (z | y) . Ainsi l'applicaqtion z -> (Tz | x) est con-


tinue sur D ( T ) , donc x appartient à D(T*) et on a T*x = y. Alors (x,y)
appartient à G ( T * ) , ce qui suffit. •

Les propriétés de l'adjonction relativement aux opérations classi-


ques effectuées sur les opérateurs, sont résumées dans le résultat
suivant :

(4.1.7) PROPOSITION :
a) Si T ^ existe et si Im T est dense dans H, alors T* est inver-
1 1
sible et on a ( T * ) " = (T" )*

b) Si S est un opérateur borné sur H, alors


(S+T)* = S* + T*
(ST)* = T* S* et S* T* c= (TS)*

1
c) Ker T* = (Im T )

Preuve - L'assertion c) est immédiate.


a) : On en déduit que si ImT = H, alors Ker T* = { 0} , donc T* ^ existe.
Remarquons que si A est l'opérateur symétrie de H x II défini par
A(x,y) = (y,x), alors on a :

1 1 ±
G [ T * ~ ] = AG(T*) = A [ J ( G ( T ) ) ] = [AJ(G(T))]

or AJ = -AJ, donc :

1
G [ T * " ] = [-JA(G(T) ) ] X
= [JA(G(T))] X
= J[G(T~ )]1 X
-74-

Finalement :

G[T*~ ] = G[T~ *]
1 1

ce qui suffit.

b) : Comme S est partout défini, on a D(S+T) = D(T) et la conti-

nuité de S assure l'égalité D(T*) = D((S+T)*). On vérifie alors sans

difficulté que l'on a (S+T)* = S * + T*. Montrons maintenant que l'on a

(ST)* = T* S*. Déjà, si x G D[(ST)*] , l'application y -» (Ty|S*x) est

continue sur D(T) puisque l'on a (Ty|s*x) = (STy|x) = (y|(ST)* x) ;

on a donc S*x G D ( T * ) , soit x G D(T* S * ) .

Inversement, pour x G D(T* S * ) , on a :

(STy(.x) = (Tyj S*x) = (y|T* S*x) V y G D(ST)

donc x appartient à D[(ST)*] et on a aussi

(ST)*x = T* S* x

d'où le résultat. On démontre de même que l'on a S* T* c= (TS)*.

On peut donner une caractérisation des opérateurs fermables définis ci-dessus

en termes d'opérateur adjoint.

(4.1.8) PROPOSITION. - Pour qu'un opérateur T soit fermable, il faut


et il suffit que D(T*) soit dense dans H. Dans ce cas, l'opé-
rateur ( T * ) * , noté T**, est précisément la fermeture T de T.
En particulier, T = T** si T est fermé, et on a toujours
( X * * ) * = T*

Preuve - Déjà si D(T*) est dense dans H, on peut définir l'adjoint T**
de T* et d'après (4.1.6) on a :

2
G(T**) = J [ G ( T * ) ] ±
= J (G(T)) " J J
=GCÔ"

G(T) est donc le graphe d'un opérateur, ce qui suffit à prouver que T est

fermable et de plus G(T**) = G ( T ) , donc T** est la fermeture de T. Réci-

proquement, supposons que T soit fermable et montrons que D(T*) est dense

dans H, c 'es:t-à-dire que son orthogonal D(T*)"*" est réduit à { 0} « Or si x

est orthogonal à D ( T * ) , (x,0) est orthogonal à G ( T * ) . De plus on a :

1 1 1
G(T*) = (J(GTT)) ) = J [ G T T 7 ] = J[G(T)]
-75-

II existe donc un point y G D(T) tel que :

(x,0) = J(y,Ty) = (Ty, -y)

Ainsi y = 0 et x = T y = 0. •

Venons en maintenant au résultat essentiel de ce paragraphe, qui

a pour but d'associer à tout opérateur fermé, un opérateur hermitien

et borné défini sur H tout entier. Nous verrons, au paragraphe 3, que

ceci nous permettra, entre autres, de construire un calcul fonctionnel

borélien pour un opérateur normal non borné et donc d'obtenir la réso-

lution spectrale d'un tel opérateur.

(4.1.9) THEOREME (VON NEUMANN). - Soit T un opérateur fermé. Alors (I+T*T)

est une bijection de D(T*T) sur H ; l'opérateur inverse B = (I+T*T)

est continu sur H, hermitien et tel que a(B) <z [0,1].

Preuve - Déjà, d'après (4.1.6), on peut décomposer H x H sous la forme

H x H = G(T) O J[G(T*)], la somme directe étant hilbertienne. Alors, pour

tout x G H, il existe un unique y G D(T) et un unique z G D(T*) tels que :

(x,0) = (y,Ty) + (T*z, - z)

Ceci permet de définir, sur l'espace H tout entier, deux opérateurs B

et C selon :

Bx = y et Cx = z

et tels que Im B c D(T) et Im C cz D(T*) . De plus pour des raisons d'ortho-

gonalité on a, pour tout x G H :

NI 2
= IIYII 2
+ l|Ty|| 2
+ ||z|| 2
+ ||T* ||
Z
2

et ainsi || Bx|| < || x|| et || Cx|| < || x|| , ce qui prouve la continuité

des opérateurs B et C. Par ailleurs, par construction même on a :

j x = y + T*z = Bx + T*Cx

\ 0 = Ty - z = TBx - Cx

donc TB = C et a fortiori Im B çz D ( T * T ) . Il en résulte que l'opérateur

T*TB est défini sur H tout entier et on a donc l'égalité :

I = B + T* TB = (I + T*T)B
- 7 6 -

On déduit de là que (I+T*T) est surjectif : montrons qu'il est aussi

injectif. Soit x G D(T*T) tel que x + T*Tx = 0 ; alors on a aussi :

0 = (x+T*Tx|x) = ||x|| + (T*Tx|x)

or x € D(T) et T = T**, donc (T*Tx|x) = ||Tx|| . L'égalité précédente

implique que l'on a nécessairement x = 0. En résumé, (I+T*T) est: une

bijection de D(T*T) sur H, dont l'inverse B est un opérateur continu.

En particulier B est fermé, et il en est de même pour T*T en vertu de

(4.1.2). Pour voir que B est hermitien, il suffit d'établir que l'on

a (Bx^ | x^) = (x^ | B x ^ ) , pour tout x^, x^ G H, ce qui découle ai-

sément de la décomposition d'un point quelconque x G H, donnée pré-

cédemment. Pour terminer, notons que l'inégalité || Bx ||<|| x|| implique que

le spectre a(B) es t inclus 'dans [-1 , +1 ] . De plus 1 ' égalité (x+T*Tx I x) -


Z 2
||x|| + ||Tx|| , vraie pour x G D ( T * T ) , l'est a fortiori pour x G Im B
et on a donc :
2 2
(uJBu) = ||Bu|| + ||Cu|| > 0 V u G H

Ainsi B est positif, ce qui entraîne, comme on l'a vu au chapitre 2,


+
que le spectre a(B) de B est inclus dans ] R , et en définitive on a bien
a(B) c [0,1]. •

Une première conséquence importante de ce théorème est la suivante :

(4.1.10) COROLLAIRE. - Si T est un opérateur fermé, alors le domaine de


T*T est dense dans H et on a l'égalité (T*T)* = T*T.

Preuve - Désignons par T' l'opérateur T restreint à D ( T * T ) . Pour montrer


que D(T*T) est dense dans H, il suffit de montrer que G(T') est dense
dans G ( T ) . En effet, ceci entraîne que l'on a D(T) cz D(T') et comme
D(T) est dense dans H, iT en est de même pour D(T') =- D(T*T) .

Soit donc x G D(T) tel que (x,Tx) soit orthogonal à G ( T ' ) . pour tout

y G D ( T * T ) , on a donc :

((x,Tx) | (y,Ty)) = 0

Or, on a aussi ((x,Tx) | (y,Ty)) = (x|y) + (Tx|Ty) = (x|y + T*Ty)

Ainsi : ( x | ( I + T * T ) y ) = 0 V y G D(T*T)

Comme Im (I+T*T) = H, on en déduit x = 0, ce qui suffit. Enfin, pour


-77-

établir la dernière assertion, on applique la proposition (4.1.7.a)


-1 -1
à l'opérateur B ; on en déduit l'égalité (B*) = (B ) * ; or B est
. . -1

hermitien et B = I + T*T, donc en fait, on a aussi :

I + T * T = (I+T*T)* = I + (T*T)*

et finalement T*T = (T*T)*. o

Pour voir ce que signifie en clair le résultat de (4.1.10), in-


troduisons les définitions suivantes :

(4.1.11) DEFINITION. - Un opérateur T est dit auto-adjoint si on a

T = T*, c'est-à-dire en d'autres termes :

D(T) = D(T*) et (Tx|y) = (x|Ty) V x,y G D(T)

Ainsi un opérateur auto-adjoint, défini et borné sur H tout entier,


n'est rien d'autre qu'un opérateur hermitien.

(4.1.12) DEFINITION. - Soit T un opérateur fermé ; on dit qu'un sous-


espace D cz D(T) est un "coeur" ( = core en anglais) pour T
o —
lorsque'"T = T^ , où T^ est l'opérateur T restreint à D^.

Cette définition signifie en fait que D^ est un "coeur" pour T, lorsque


le graphe G(T ) de T est dense dans G ( T ) . En particulier, cette défini-
o o
tion implique la condition D(T) cz D et si D(T) est dense dans H, il
— o
en est de même pour D = D(T ) .
o o
Remarque - Dans le corollaire (4.1.10), on a en fait établi que pour
tout opérateur fermé T, l'opérateur T*T est auto-adjoint et que son
domaine D(T*T) est un "core" pour T.

Poursuivons par deux exercices, le premier fournissant un exemple


classique d'opérateur auto-adjoint, le second étant une simple applica-
tion du théorème de Von-Neumann.

(4.1.13) EXERCICES. :
2
Exerc. 1. - Soit H = L (1R) et soit T l'opérateur de multiplication par

x défini sur le domaine :


2 2
D(T) = {f G L ( ] R ) ; xf G L ( ] R ) }
-78-

Montrer que T est auto-adjoint.

Exerc. 2. - Soit T un opérateur fermé sur un espace de Hilbert H tel

que D(T) soit dense dans H et tel que l'on ait T[D(T)] C D ( T * ) . Mon-

trer alors que D(T) = H et que T est en fait borné sur H.

Opérateurs normaux :

(4.1.14) DEFINITION. - Un operateur T est dit normal s'il est fermé et

si on a TT* = T*T (avec égalité des domaines).

Il est clair que si T est normal, alors T* est aussi normal. Donnons,

comme conséquence du théorème de Von-Neumann une condition nécessaire

et suffisante pour qu'un opérateur soit normal.

( 4.1.15) PROPOSITION. - Soit T un opérateur fermé. Pour que T soit nor-

mal, il faut et il suffit que l'on ait :

D(T) = D(T*) et || Xx || = ||T*x|| V X G D(T)

Preuve - Supposons d'abord que T soit normal et soit T' la restriction de

T à D(T*T) ; on a vu, dans la preuve de (4.1.10) que G(T') est dense dans

G ( T ) . Ainsi, si x G D ( T ) ,
il existe (x ) G D(T*T) telle que x = lim x et
n
n
Tx = lim Tx^. Or, pour tout y G D ( T * T ) , on a :

l|Ty|| =2
(Ty|Ty) = (y|T*Ty) = (y|TT*y) = || T*y|| 2

puisque TT* = T*T. E n appliquant ce résultat à l'élément y = x - x , il


n m
en résulte que la suite (T*x ) est de Cauchy, donc converge dans H. Comme
T* est fermé, on en déduit que x appartient à D(T*) et de plus T*x =
lim T*x . En particulier :
n
|| T*x|| = lim ||T*x || = lim H T x J = ||Tx||
n

On a déjà l'inclusion D(T) cz D(T*) ; mais T* est lui aussi normal donc on

a D(T*) cz D(T**) =D(T) puisque T est fermé et finalement D(T) = D ( T * ) .

Réciproquement, il suffit de montrer que l'on a TT* cz T*T ; en effet, on

aura alors ( T * T ) * çz (TT*)*, mais les opérateurs TT* et T*T sont auto-

adjoints d'après (4.1.10), donc en fait TT* = T*T. Soit x G D(TT*) ; déjà

x G D(T*) = D(T) et il suffit de voir que l'on a Tx G D ( T * ) , c'est-à-dire


-79-

que l'application y -> (Ty|Tx) est continue sur D(T) . Or, en partant de
l'égalité ||Tz||= | | T * Z | | , pour tout z £ D(T) , on obtient aisément (Ty | Tx) =
(T*yl'r*x) Vy € D(T) • Mais T*x é D(T) donc en fait (Ty | Tx) = (y|TT*x)
et l'application est continue. Ainsi, Tx appartient à D(T*) et on a :

T*Tx = TT*x

ce qui achève la démonstration. •

Remarque - On déduit aisément de ce théorème qu'un opérateur normal ne


possède aucune extension normale propre.

Spectre et résolvant d'un opérateur non borné. - Comme dans le chapitre 3,


on peut associer à un opérateur non borné quelconque (mais toujours sup-
posé à domaine dense) son spectre et son résolvant. Ainsi un nombre com-
plexe X appartient au résolvant de T, noté p ( T ) , lorsque l'opérateur (X-T)
est inversible (c'est-à-dire injectif) et tel que (X-T) ^ soit défini et
borné sur H tout entier. Il faut noter que, contrairement au cas des opé-
rateurs bornés, la propriété pour (X-T) de posséder un inverse défini sur

H, ne suffit pas pour que X soit dans p ( T ) ; il faut de plus imposer à


-1
cet inverse (X-T) d'être continu. On appelle encore spectre de T, noté
a ( T ) , le complémentaire dans Œ, de l'ensemble p ( T ) , et comme précédemment
on peut affiner un peu l'étude du spectre en introduisant les spectres ponc-
tuel, continu et résiduel de T, notés encore respectivement a ( T ) , a (T)
P c.
et a_(T) et définis comme en (3.2.1). Il est clair que l'on obtient ainsi
des parties disjointes de a(T) mais, contrairement au cas des opérateurs
bornés, on a seulement l'inclusion :
a (T) U a (T) U a (T) c a(T)
p c r —
En effet, un nombre complexe X tel que (X-T) soit inversible et d'inverse
1
(X-T) défini sur H tout entier mais non borné, appartient à a(T) sans
être dans a (T) U o (T) U a (T). Toutefois, cet inconvénient disparaît
p c r
lorsqu'on se limite aux opérateurs fermés, puisqu'alors, si T est fermé
-1
et inversible, l'opérateur (X-T) est aussi fermé, donc continu dès qu'il

est défini sur H tout entier, et ce d'après (4.1.3). Ainsi pour un opé-

rateur fermé T, on a encore :


a(T) = a (T) U a (T) U a (T)
p c r
-80-

—1
Pour tout X € p ( T ) , on pose R ( X , T ) = ( X - T ) (c'est donc un élément de

L(H)) et on appelle fonction résolvante, la fonction R(.,T) définie sur

p(T). Comme pour les opérateurs bornés, on a pour un opérateur T

quelconque :

(4.1.16) PROPOSITION :

a) p(T) est un ouvert de Œ

b) La fonction résolvante R(.,T) est analytique sur p ( T ) .

1
c) L équation résolvante suivante est satisfaite :

R(X,T) - R ( J J , T ) = (jj-X) R(X,T) R ( j j , T ) V X , J J €p ( T )

Preuve - Elle est identique à celle faite dans le cas d'un opérateur

borné. •

On a vu, au chapitre 3, que si T est un opérateur borné, le résol-

vant p(T*) de l'opérateur T* n'est autre que le conjugué p(T) de p(T)

dans Œ. Si maintenant, l'opérateur T est quelconque, on a seulement :

(4.1.17) PROPOSITION :

a) À E p ( T ) ^ H p(T*)

b) R(T,T*) = R(X,T)* V X G p(T)

Preuve - Soit X € p(T) ; ( X - T ) est donc une bijection D(T) -> H et de plus,

S = R ( X , T ) appartient à L ( H ) , donc S* est aussi défini et borné sur H.

Comme S est inversible et comme Im S = D(T) est dense dans H, d'après


-1 -1
(4.1.7), S* est aussi inversible et on a (S*) = (S ) * , c'est-à-dire

(S*)" =(X-T)* = X - T*. Ainsi, X - T * est lui-même inversible et son

inverse S* appartient à L ( H ) , donc X est élément de p(T*) et on a :


R(X,T*) = R ( X , T ) * . •

Lorsque l'opérateur T est fermé, on a l'égalité T = T** et la proposition

(4.1.17) se précise selon :

(4.1.18) COROLLAIRE. - Soit T un opérateur fermé ; alors :

x e (T) * Xe (T*)
P P
-81-

Enfin, comme en (3.2.2), on obtient sans difficulté :

(4.1.19) PROPOSITION. :

a) X € a (T) => X £ a (T*) U a (T*)


P p r
b) x e o ( T ) => x e a ( T * )
r P

Pour terminer ce paragraphe, il faut insister sur une différence

essentielle entre les opérateurs bornés et non bornés. On a établi pré-

cédemment que le spectre d'un opérateur borné sur H est un compact non

vide de Œ. Avec (4.1.16), on peut seulement dire a priori, que le spectre

d'un opérateur non borné est un fermé de Œ. En fait, il se peut très bien

que ce spectre soit, ou bien vide, ou bien au contraire non borné dans Œ,

et donc non compact. Pour illustrer ces faits, on se reportera au paragra-

phe (4.4) où sont développés un certain nombre d'exemples.

(4.2) OPERATEURS NORMAUX NON BORNES ASSOCIES A UNE MESURE SPECTRALE.

Le point de départ est donc la donnée d'une mesure spectrale sur un

espace de Hilbert H, c'est-à-dire d'un espace mesurable (Œ,X) et d'une

mesure E : X-»L(H) satisfaisant aux conditions énoncées en (3.1.1). On

a d é j à v u , au chapitre 3, qu'à partir de là, on peut construire un calcul

fonctionnel associant à chaque fonction f, I-mesurable et bornée, un opé-

rateur borné T f = f(X) d E ( X ) . De plus, l'application $ : BM(ft,I) -* L(H)

ainsi définie est un *-morphisme d'algèbres stellaires tel que :

a) ||*(f) || < ||f||

2 2
b) || $(f)x|| = |f | d E x V x € H

En fait, l'intérêt de ces mesures spectrales I -* L (H) est de permettre la

construction d'opérateurs normaux non bornés, intérêt d'autant plus grand

qu'un opérateur normal quelconque s'obtient toujours ainsi, comme on le

verra au paragraphe (4.3). Pour construire ces opérateurs normaux non

bornés à partir de la mesure spectrale E, il faut donc voir comment pro-

longer le morphisme $ aux applications Z-mesurables et non bornées ; les

difficultés qui surgissent étant principalement liées à la définition des

domaines de ces opérateurs, on commence par établir :


-82-

f
(4.2.1) PROPOSITION. - Soit f une fonction T-mesurable. Alors l ensemble

A(f) = {x £ H ; |f | 2
dE
X
< + «>}
J
oo
est un sous-espace dense de H . Plus généralement l'espace A ( f ) =
D A ( f ) est aussi dense dans H.
p

Preuve - Montrons déjà que A(f) est un sous-espace vectoriel de H . Il est


clair déjà que A(f) est stable par homothétie ; soient donc x, y G A ( f )
et posons z = x + y. Pour tout A G I , on a :

H E(A)z|| 2
< [|| E(A)x||+ H E(A)y||] 2

2
< 2|| E(A)x|| 2
+ 2|| E ( A ) y H

2
Or, ||E(A)z|| = (E(A)z | E(A)z) = (E(A)z | z) = E (A) .

On en déduit donc :

E < 2(E + E )

z x y
et ainsi z appartient à A ( f ) . Reste à prouver que A°°(f) est dense dans H .
Fixons donc x G H et soit, pour tout n,
A^ - {o) G Ü ; | f (ÜJ)| < nj )

On pose x = E(A )x ; comme la suite (A ) d'éléments de X est: croissante


n n n
1
et a pour réunion Q 9 on en déduit que la suite (E(A )) converge vers I
pour la topologie simple forte de L ( H ) et en particulier E(A )x =
converge vers x. Pour conclure, il suffit de voir que les x sont dans
oo ^

A (f) . Comme on l a déjà noté en (2.2.7), pour toute fonction g Z - m e s u -


f

rable et: bornée, on a E . . = g.E . En particulier E == 1 . E ,


S>(g)x,y x,y * x n A x*
et pour tout p > 1, on a donc :
2 p 2 P 2 p 2 2
'|f| dE x =f|f| dE x < n | | E | | = n P||x|| < + c
J n
A
n
Ainsi, G A ( f ) , pour tout p > 1, ce qui suffit. •
P

(4.2.2) PROPOSITION. - Soit x G A(f) ; pour tout y G H , la fonction f est

integrable par rapport à la variation | E ^ | et on a :

|f| d | E J x < (J|f|2 dE j x . H y [I


-83-

Pveuve - On a déjà :

|f| d | E x > y | = Sup j | j g d E x > y | ; g € BM(iî,Z), |g| < |f||

Soit donc g e B M ( Œ , I ) telle que |g| < | f | . Alors :

g d E = (*(g)x|y)

Ainsi :
I g d E |< H *(g)x|| H y M
) *y
Or, d'après (3.1.3.b) on a ||$(g)x|| = ||f|| , d'où finalement :
11 / 92 L (Ex )
í /f ? \ '
| g d E | < |f| a E . Il y H
; x,y' VJ x/ "
ce qui fournit le résultat. •

Si x est fixé dans A ( f ) , pour tout y G H, la fonction f est a for-


tiori E -integrable, ce qui permet de définir l'application y fdE ,
r r 7
x,y ° x,y
celle-ci étant évidemment anti-linéaire et continue d'après (4.2.2).

Cette application définit donc un élément de H, noté $(f)x et on a ainsi

introduit un opérateur noté $ ( f ) , défini sur le domaine A ( f ) , selon : ;

($(f)x | y) = f d E V x G A(f),V y e H.
J x,y
En résumé, on a le résultat fondamental suivant :

(4.2.3) THEOREME. - A toute fonction T-mesurable f correspond un opéra-


teur $(f) défini sur le domaine dense D($(f)) = A(f) et tel que :

a) ($(f)x|y) = f d E V x G A(f), V y G H
J x,y

b) H *(f)x|p = |f| d E 2
x V x C A(f)
J

Preuve - Il suffit de prouver b ) . On commence par remarquer que l'égalité

E.„/,-\ = f.E reste valable lorsque f est une fonction Z-mesurable


$(f)x,y x,y

non nécessairement bornée. En effet, pour tout A G Z, on a :

( E ( A ) $ ( f ) x y ) = ( < î > ( f ) x E ( A ) y )
E
$(f)x y ( A )=
I I

= d E
/ x,E(A)y
or E = 1..E puisque 1 est bornée, d'où finalement :
t
x,E(A)y A x,y A
-84-

E.,.. (A) = f 1 d E = f d E
$(f)x,y j A x,y J x,y A

En tenant compte du fait que l'on a E = E on établit de même l'éga-


x,y y,x
lité E = f.E , pour-toute f Z-mesurable. De tout cela, il résulte
x,$(f)y x,y'

2
Il $ ( f ) X | |
11
= (*(f)xl*(f)x) = f d E = f f d E
" ' X,$(f)X X

Soit encore :

2 2
|| $(f)x|| =
IL n J|f | d E •
. x

Remarque - Notons que l'on aurait pu introduire l'opérateur non borné $(f)

d'une manière différente. En effet, si f est une fonction X-mesurable


11 = w
désignons par f les fonctions "tronquées définies par f O**) f ( )
si f(oj) < n et f (oo) = n sinon. A chaque fonction f , Z-mesurable et
1
n rn
bornée, on peut associer l'opérateur borné $(f ) = f (u)) d E(u)) selon
n J n
la méthode exposée en (3.1). On peut alors établir que pour x G H, la
2
fonction f appartient à L (E )si et seulement si la suite x = $(f )x con-
x n n
verge dans H. Pour un tel x, on convient alors de poser 0(f)x = lim x .
n n
Reste à prouver que l'opérateur $(f) ainsi défini coïncide avec l'opéra-
teur $(f) défini ci-dessus. Or, pour tout y G H, on a :
($(f)x|y) = lim(x |y) = lim(<ï>(f )x| y)
1 1 1
n n n
Donc

($(f)x|y) = lim f d E
n J n x,y
2
Comme f appartient à L (E ) , on en déduit que f est E -intégrable, et
n
x x,y
on obtient, comme conséquence du théorème de Lebesgue :

($(f)x|y) = f d E
J x,y
Les opérateurs $(f) étant à domaine dense, on peut définir leurs adjoints.

Ils sont caractérisés par le résultat suivant :

(4.2.4) PROPOSITION. :

a) On a D[*(f)*] = D[*(f)] et * ( f ) * = $(f)

b) Pour toute f Yr-mesurable, $(f) est un opérateur normal,

e) Si f est réelle, $(f) est auto-adjoint.


-85-

d) Si f est positive, $(f) est auto-adjoint positif.

Preuve •:
a) Montrons déjà que l'on a $ ( f ) 5 $ ( f ) * . Soit y C D[$(f)] =
A(f) = A(f) et considérons l'application x -* ($(f)x|y) définie sur A ( f ) .
On a :
( c c
(d>(f)x|y) = f d E = f d E - ¥ d E
J x,y J y,x J y,x
= (*(T)y|x) = (x|*(f)y)

Cette application est donc continue surAiJ:) ; ainsi y appartient au do-

maine de $ ( f ) * et de plus :

*(f)*y = $(f)y

Il reste seulement à prouver l'inclusion D[$(f)*] c A ( f ) . La suite des

parties = (|f| < n} est croissante, de réunion fi, et les fonctions

f = f1 A sont bornées ; on vérifie de plus aisément que l'on a $(f ) =


n n
\ i m ^ ^
$(f) E(A. ) . En appliquant (4.1.7.b) à l'opérateur borné E(A, ) , on obtient
n n
alors :

E(A .)$(f)* ç [$(f)E(A .)]* = $(f ) * = $(f )


n n n n

Fixons x £ D[$(f)*] , pour tout n, on a

f|f | d E = || *(f M\
1
2
11
= || E (A ) $(f)*x|| M
2

j n x " n " n

On en déduit :

Z
|f | d E < | * ( f ) * x ||
1 1 1 11
n x
J

ce qui donne, par passage à la limite :

2 2
|f | d E x < || *(f)*x||

Ainsi, x appartient à A(f) et tout est démontré.

b) Déjà $(f) est fermé grâce à a ) . Comme on a D [$(f)] = D[$(f)*],

pour montrer que <î(f) est normal, il suffit, d'après (4.1.15), de montrer

que l'on a :
|| *(f)x|| = || *(f)*x|| pour x G A(f)

ce qui découle aisément de (4.2.3.b) et de l'égalité $ ( f ) * = $ ( f ) .

Les assertions c) et d) sont immédiates. •


-86-

On peut se demander quelles sont les fonctionsZ-mesurables f telles

que l'opérateur associé $(f) soit borné sur H. On sait déjà qu'il en est

ainsi dès que f est elle-même bornée. En fait, on peut préciser un peu

les choses en introduisant les ensembles E-négligeables de X, comme étant

ceux qui sont E^ ^^négligeables pour tout x G H (on obtient ainsi une

classe stable par réunion dénombrable). Ceci permet de définir l'espace

L°°(E) = BM(fi,Z) Ijy où yV^est l'idéal des fonctions E-négligeables, muni

de la norme quotient || . || et on obtient :

(4.2.5) PROPOSITION. - Pour que $(f) soit borné sur H il faut et il suffit

que f appartienne à L°°(E), et on a || $(f) || = || f 11^

oo

Preuve - Si f G L (E) , on a À(f) = H et comme l'opérateur $(f) est fer-

mé, il est aussi borné sur H d'après (4.1.3). De plus, avec (4.2.3.b),

on a déjà || $(f) || < Il f|| * œ ^ a r


ailleurs, soit r tel que l|f|l œ
> r
- f
L en-

semble A = {o) ; | f (&y) | > r } n'étant pas E-négligeable, il existe x G H


Z
tel que E ( A ) = 1, si bien qu'en posant y = $ ( 1 ) x , on a | | y | | = A 1. De
x J\.

plus, $ ( f ) y = <£>(f1^)x, d'où il résulte :

2
|| < K f ) y | | = 2
|f | d E > r 2

X
JA

On a donc || $(f) || > r et finalement II $(f) Il = || f|| . Réciproquement,


oo

supposons que l'opérateur < K f ) soit borné sur H, et pour tout n, soit

A = (a) ; | f (n) | < n } . On pose f = f 1 ; d'après ce qui précède, on a A

n n A N

|| <£>(f)|| = || f || . Or, pour tout x G H :


n n <x>
2 2 2 2
||(D(f) || = x |f | d E < |f| d E = || $(f)x||
, l 1 1 M 11
M n " J n X j X
On a donc || $(f )|| <n || $(f)|| soit encore ||f || < || $(f)|| . Il en résulte
oo

1 ' inégalité || f || < || ^(f) || et f appartient à L°°(E) .•

On sait que le morphisme $ restreint à BM(ft,X) est multiplicatif ;

lorsqu'on raisonne avec un produit de fonctions Z-mesurables quelcon-

ques, la liaison n'est plus aussi simple puisqu'il faut déjà tenir compte

du domaine de définition des opérateurs. On obtient toutefois :

(4.2.6) PROPOSITION. - Pour des fonctions f et g T-mesurables quelconques

on a :

a) D[$(f) $(g)] = D[$(g)] H D[$(fg)] = A(g) fl A(fg)


-87-

b) $(f) d>(g) c (D(fg)

Si de plus, la fonction g appartient à L°°(E), alors <£>(fg) = $(f) $(g)

Preuve •:

a) Le domaine D[<ï>(f) $(g) ] est défini par les conditions x G D[$(g)]


et y = $(g)x G D[$(f)], soit encore, x G A(g) et y £ A(f) . Or on a :

2 2 2
|f| d E y = ||f| |g| d E x

donc y G A(f) si et seulement si x G A(fg) , et finalement l'assertion


a) est démontrée.

b) Tout repose sur l'égalité E w . = g . E valable pour


$(g)x,y x,y
x G A(g) et y G H. En effet, soit x G D[<f>(f) $(g) ] ; pour tout y G H, on
a :

(*(f) *(g) x|y) = f d E , = fg d E = (*(fg) x|y)

ce qui suffit.

Enfin, la dernière assertion est évidente, car si g appartient à

L°°(E) alors A(g) = H, et ainsi D[$(f) <Kg) ] = D[$(fg)]. •

Remarque - On a donc D[$(f) $(g)] = A(g) fl A(fg) et D[$(g) $(f)] =

A(f) fl A(fg) et ainsi ces deux domaines sont distincts en général et on

ne peut comparer les opérateurs $(f) $(g) et $(g) $ ( f ) . Toutefois, si f

appartient à L°°(E) , on obtient aisément $(f) $(g) $(g) $(f) .

Liaison avec le spectre - Avec la technique déjà utilisée, il est facile


de voir que pour toute fonction Z-mesurable, on a : a[$(f)] 5£ f ( Œ ) . En
fait, une analyse un peu plus fine nous permet d'établir :

(4.2.7) PROPOSITION. - Soit f une fonction T-mesurable :

a) Pour que <î(f) soit inversible et d'inverse borné sur H, il faut

et il suffit que la fonction -j appartienne à L (E) .

W a[$(f)] = n f C Â J
AGI
E(A) = I
Preuve - Déjà, si — G L°°(E), d'après (4.2.5) $ (—) est un opérateur défi-
1
f v

ni et borné sur H. De plus, d'après (4.2.6) on a :

$(1) <D(f) c I et $(f) < K j ) = I


-88-

La première inégalité montre que pour tout x € A(f) on a :

|| x || < || || *(f)x||

Ainsi $(f) est injectif et d'inverse borné ; la seconde égalité montre


-1
que $(f) et surjectif, ce qui suffit. Réciproquement, supposons que $(f)
0 0
1
existe et appartienne à L ( H ) . Pour établir que — est dans L ( E ) , il suf-
*• 1
fit, en vertu de (4.2.5) de montrer que l'opérateur $ G F ) est borné sur H .
Pour tout x e H , on a x = $(f) $(f) x, donc E = | f| . E
X
$(f) x
On en déduit :
2 1 2
|l| d E x = fi d E _ 1 < || $ ( f ) " x | | < + ~
' ' $(f) X

1
c'est-à-dire A(—) = H = D[$(f)]. Reste à voir que $(f) est borné. De l'éga-
1 *
lité $(f) $(-p) = I, vraie grâce à (4.2.6), on déduit aisément que l'on
1 -i
a $Gjr) = $(f) , ce qui suffit.
b) Supposons que À n'appartienne pas à fl{f(A), A G Z, E ( A ) = 1}
° 1
et montrons que X appartient à p[$(f)]. Or la fonction — - appartient
O À — L
à L (E), donc $ ( A -f) = À - $(f) est inversible, d'inverse borné sur H
o o
d'après ce qui précède. Réciproquement, soit X G p[$(f)], l'assertion
1 ° oo
a) prouve encore que la fonction appartient à L ( E ) . Il existe donc
À t
o"
A G I , E ( A ) = 1 tel que A t f(A) et tout est démontré. •
Q

Remarque - Si maintenant on fixe une fonction Z-mesurable f : 0, -> Œ et si

on s'intéresse au seul opérateur normal T = $ ( f ) , on peut supposer que

E est définie sur Œ en la remplaçant par la mesure image f ( E ) , qui reste

spectrale et telle que f ( E ) ( B ) = E ( f (B)), pour tout borélien B de Œ. On

a.alors, de manière évidente :

D(T) = {x ; |x| d E 2
< + 0 0 }
J
T = À d E(X)

(Txlx) = X d E ( X ) V x G D(T)
X
h
H Tx|| 2
= | x | d E (A)
2

Dans le paragraphe qui suit, nous allons en fait montrer qu'un opé-

rateur normal quelconque sur H s'obtient toujours de cette manière, en


-89-

d'autres termes, nous allons contruire la résolution spectrale associée

à un opérateur normal et non borné.

(4.3) RESOLUTION SPECTRALE ET CALCUL FONCTIONNEL ASSOCIES A UN OPERATEUR

NORMAL NON BORNE.


?
Pour résoudre le problème que l'on s est posé, le point-clé est de

voir qu'un opérateur normal non borné se décompose d'une certaine manière

en une "somme" d'opérateurs normaux bornés, e.t d'utiliser les résultats

déjà acquis au chapitre 2 pour de tels opérateurs. Nous allons donc com-

mencer par étudier la décomposition d'un opérateur normal en opérateurs

normaux bornés, en examinant d'abord le cas d'un opérateur fermé.

(4.3.1) PROPOSITION. - Soit (H ) une suite de sous^espaces fermés de H tels

que H soit la somme directe hilbertienne des H^, et pour tout n,

soit T^ un opérateur borné sur H^. Il existe alors un unique opé-

rateur fermé T tel que :

a; H c D(T) .
n —

b) T / H = T
n
n n
T T T x = Tl K x D T ïï es a
c) n r ^ V £ ( ) > où n t ^ projection orthogonale
de H sur H, .
n
De plus, D(T) est l'ensemble des points x = Ix £ H tels que
n
2
I II T x || < +oo et on a :
11
n n"
Tx = I T x
n n
n

Preuve - Considérons l'ensemble F = { x £ H ; l | | T x II < + < » } . En vertu


n n
2 2 2
de l'inégalité || y + z|| <. 2[|| y|| + || z|| ] , il est clair que F est
un sous-espace vectoriel de H, et comme il contient tous les points x
n'admettant qu'un nombre fini de composantes, il est évidemment dense dans

H. Par ailleurs, compte-tenu de 1'orthogonalité des sous-espaces H^, on a :

q
q o , n2
|| I T
u
x || 11
= I T x
p n n p n n"

et si x £ F, la série Z T x converge donc dans H, ce qui permet de poser


n n n
Tx = I T x . Comme cette application T est linéaire, on a défini un opé-
n n n
-90-

rateur dont le domaine D(T) est l'ensemble F. Les assertions a) , b) et

c) sont alors vérifiées de manière immédiate. Montrons maintenant que

T est un opérateur fermé.

Soit(y ) une suite de D(T) telle que (y ) converge vers x et (Ty )


m m m
converge vers z. Les projections n étant continues, on a alors :

n Ty -» TT z
n m n
or n Ty = TTT y = T n y
n m n m n n m

Par ailleurs, (TT y ) converge vers TT X dans H et les opérateurs T


n m n n n
étant bornés, on a :

T n y -» T TT x
n n m n n

Ainsi, TT Z = T TT x,pour tout n, et x appartient à D(T) . Par ailleurs,


n n n
Tx = I T n x = lïï z = z
n n .n

Il ne reste plus qu'à prouver l'unicité d'un tel opérateur T. Soit

donc T' un autre opérateur fermé satisfaisant aux conditions a ) , b) et c)

de la proposition. On a déjà T' c T ; en effet, si x € D(T') alors :

Z
Z MT11
x || = Z || T '
11
TT
11
x || = Z || TT T'X|| = n
Z TT T'x
j n n" j n 1 f

oo 2 2
En passant à la limite, on obtient Z|| T^ x || = || T'x|| , et ainsi, x ap-
partient à D ( T ) . De plus, par des considérations analogues, on a aussi
?
Tx = T'x. Comme on a l'inclusion G ( T ) cz G ( T ) , et comme les opérateurs T
et T' sont fermés, pour conclure, il suffit d'établir que G(T') est dense
n
dans G ( T ) . Soit donc (x,Tx) G G ( T ) . Or x = lim y avec y = x x, . Comme
n n -j k:
on a H cz D ( T ' ) , on a aussi y G D(T') pour tout n, et de plus :
K. n
n n n
T'y = Z T'x = Z T n, x = Z TT T -> Tx x

1 1 1

ce qui suffit. •

On conserve les hypothèses de la proposition (4.3.1), mais on suppose

de plus que les opérateurs bornés T^ sont normaux, alors le résultat pré-

cédent se précise selon :

(4.3.2) PROPOSITION. - Avec les notations de (4.3.1), il existe un unique


-91-

opérateur normal T satisfaisant aux conditions a), b) et c) de


la proposition précédente et tel que de plus :

T*x = I T* x V x € D(T)
n nn

Preuve - Déjà l'unicité de T est évidente compte-tenu de ce qui précède

et du fait que tout opérateur normal est fermé. Il suffit donc de voir

que l'opérateur T défini en (4.3.1) est normal dès que les T le sont.
n
Or la proposition (4.3.1) appliquée à la suite (T*) d'opérateurs bornés
n
sur H^, montre déjà l'existence d'un unique opérateur fermé T' vérifiant
a ) , b) et c) et dont le domaine D(T') est l'ensemble des points x £ H tels
* 2
que Zll T x II < + œ . Or II T ' x II = Il T * x II puisque T est normal
n n " " n n n n" n
et on a ainsi D(T') = D ( T ) . Montrons maintenant que T* est une extension

de T'. Si x £ D ( T ) , l'égalité T'x = I T^* x^ implique aisément que l'on

a (Ty|x) = (y|T'x) pour tout y £ D(T); ainsi x £ D(T*) et T'x = T*x. De

ceci, il résulte que l'opérateur fermé T* vérifie, pour tout n :

H cz D(T*) et T*|' = T*
n — H n
n
Pour établir que T* coïncide avec T', il suffit donc de voir que l'on a
T* n x = TT T*x, pour tout x £ D(T*) . Fixons x £ D(T*) , pour tout
n n
y £ H cz D(T) , on a :

( T T T*x|y ) = (T*x|y ) = (x|Ty ) = (x|T y ) = ( X |T y )


1 1 1 1
n n n n n n n' n n

Or x £ H cz D(T*) , d'où :
n n —

(n T*x|y ) = (T*x |y ) = (T*n xly ) 1


n "n n n n n

De là, on passe aisément à l'égalité :

(n T*x|y) =1
(T*TT x|y)
1
V y £ H
n n

ce qui suffit. En résumé, on a donc prouvé que T* = T'et on a en particu-

lier D(T*) = D(T') = D ( T ) . pour voir que T est normal, il suffit donc, en

vertu de (4.1.15), de montrer que l'on a ||Tx|| = ||T*x|| , pour x £ D(T) ce

qui est évident compte-tenu de la décomposition des vecteurs Tx et T*x et

de 1'orthogonalité des sous-espaces H^. •

L'intérêt de ce résultat est qu'il admet en fait une réciproque ;

auparavant, il nous faut établir un lemme technique intermédiaire :


-92-

- 1
(4.3.3) LEMME. - Soit T un opérateur normal et soit B = (I + T*T)

l'opérateur hermitien borné associé grâce à (4.1.9). Pour toute


f € Ba [a(B)], on a :

a) f (B) [D (T) ] <z D(T)

b) f (B)Tx = Tf (B)x V x G D(T)

Preuve - Supposons déjà que f soit la fonction x-*x. Il faut donc prouver

que l'on a Bfc)(T)]c= D(T) et BTx = TBx pour x G D(T) . Comme Im B Ç= D(T) ,

la première assertion est immédiate ; comme on a de plus Im TB c: D(T*) et

T*TBx = x - B(x) pour x G D ( T ) , on obtient, toujours pour x £ D(T) :

BTx = BT(I + T*T)Bx = B(T + TT*T) Bx = B(I + TT*)TBx

or TT* = T*T, ainsi :

BTx = B(I + T*T)TBx - TBx

n
De là, on déduit, par récurrence sur n, que l'on a aussi B [D(T)]cz D(T)
n n
et B T x = T B x pour x £ D(T) et pour tout n E 1 , et il en résulte que

les assertions du lemme sont satisfaites si f est un polynôme réel. Pour

un tel polynôme P, on a alors :

(a) (P(B)Tx|y) = (P(B)x|T*y) V x,y £ D(T) = D(T*)

Ainsi, la classe Jf des fonctions f € C(a(B)) telles que (f (B)Tx|y) s

(f(B)x|T*y) contient les polynômes réels (restreints à a(B)) et est fer-

mée pour la norme uniforme sur a ( B ) . Il résulte du théorème de Stone-

Weierstrass qu'elle est égale à l'espace C(a(B)). Pour établir que la pro-

priété (a) est en fait satisfaite pour toute f £ Ba(a(B)), il suffit de

faire à nouveau un raisonnement classique par engendrement. Pour terminer,

fixons f G Ba [a(B)] et un point x £ D ( T ) . Or l'application y -> (T*y|f(B)x),

définie sur D(T*) = D(T) est continue d'après la propriété ( a ) , ainsi

f(B)x G D(T**) et T**f(B)x == f(B)Tx. Comme T est fermé, on a bien le ré-

sultat voulu.

On peut maintenant établir :

(4.3.4) THEOREME. - Soit T n opérateur normal. Alors H est somme directe


U

hilbertienne de sous-espaces fermés H^ tels que :


-93-

s
a) H C D ( T )
n —

b) Les sont stables pour T et T*

c) La restriction de T au sous-espace est un opérateur


normal borné.

1 1
Preuve - Considérons les ensembles A = {0} et A = ] — r , — ] , pour n > 1
o n n+1 n
et posons f = 1 . Soit B l'opérateur associé à T comme précédemment ;
n
les opérateurs f ( B ) sont des projecteurs hermitiens et ainsi les sous-
n

espaces vectoriels = Im f ( ) sont fermés dans H . De plus, comme les


n
B

ensembles A sont deux à deux disioints, les sous-espaces H sont ortho- r


n n
f x v r a e
gonaux. Enfin, de l égalité 1^ ^ j (x) = Z ^ ^ ^ n î pour tout x G 1,
on déduit l'égalité B = Z f ( B ) au sens de la topologie simple-forte de
n

L(H). Ainsi, pour tout x de H , on a x = Z x avec x = f (B)x C H . En ré-


n n n n
sumé, H est bien somme directe hilbertienne des sous-espaces fermés H ^ .

Notons que l'on a H q = Im =


°^ E
désigne l a
résolution spec-

trale de B ; ainsi H q = Ker B = {0} puisque B est injectif. Pour conclure,

il suffit de voir que les assertions a ) , b) et c) sont satisfaites. Dési-

gnons tout d'abord par T la restriction de T au sous-espace H fl D ( T ) .


n n
En vertu de (4.3.3) appliqué à la fonction f E Ba(a (B)), pour tout
x Ç H fl D(T) , on a :
n
T x = Tx = Tf (B)x = f (B)Tx e H
n n n n

puisque x = f (B)x. Ainsi, T opère de H fl D(T) dans H . Montrons que cet


n n n n
opérateur T est en fait borné. Pour cela, désignons par g la fonction dé-
11 f ( A ) 11
n
finie sur [0,1] par g (X) = — ~ si X ¥ 0 et g (0) = 0. Il est clair que
n A n
g est une fonction de Baire sur [0,1] et que l'on a B g (B) = f (B) sur H.
n n n
Puisque f (B) [D(T)] C D ( T ) , on en déduit aussi :
n —
TB g (B)x = Tf (B)x pour x £ D(T)
n n

A fortiori, pour tout x 6 fl D ( T ) , on a :

T x = TB g (B)x
n n
Comme on l'a vu dans la preuve de (4.1.9) l'opérateur TB est continu sur H,

et ainsi, l'opérateur T est continu sur H H D ( T ) . Par ailleurs, il est


n n
facile de voir que T est fermé dans H , et ainsi H fl D(T) est fermé dans
M
n n n
-94-

H d'après (4.1.3). Mais on a aussi f (B)[D(T)] cz H fl D (T) , et comme


n n — n
D(T) est dense dans H, f (B)[D(T)] est dense dans f (B)H = H et il en
n n n
est de même pour H fl D(T) . En définitive, on a H fl D(T) = H et donc
n n n
H cz D ( T ) . De plus, TH = T M cz H , et T est un opérateur borné sur
n— n n n — n n
H^. Pour conclure, on note que si l'on remplace T par T* l'opérateur B

ne change pas, puisque TT* = T*T, on peut donc appliquer ce qui précè-

de aux opérateurs T' = T * | H qui sont alors bornés sur H^, et tels que
T* = T' . Enfin, de l'égalité b 11
II T x II
11
= Il T*x|| vraie pour tout x G H ,
11 r
n n * n " n n
on déduit que les opérateurs T^ sont normaux, ce qui achève la démons-

tration. •

Nous allons maintenant examiner les relations qui existent entre

le spectre d'un opérateur normal et les spectres des opérateurs normaux

bornés qui lui sont associés. Ceci nous permettra ultérieurement de

construire le calcul fonctionnel borélien associé à un opérateur nor-

mal et non borné.

(4.3.5) PROPOSITION. - Soit T un opérateur normal ; avec les notations

de (4.3.4), on a :

a) a(T) = Ua(T )
n n
b) o (T) = U a(T )
p n p n
c) o (T) = $
r

Preuve - a) Si X G p (T) , il est facile de voir que l'opérateur (X-T ) est


-1
bijectif ; de plus (A-T^) est nécessairement borné d'après le théorème
des isomorphismes. On a déjà \Jo(T^) cz a(T) , d'où UcKT^) CZ a(T) , puisque
a(T) est fermé dans Œ d'après (4.1.16). Inversement, si X ? Ûa(T ) , il
existe r > 0 tel que d(X, a(T )) > r pour tout n, ce qui implique
1 ^
|| R(X,T^) || < — . L'équation (X-T)x = y admet déjà pour solution le point
x = Z x avec x = R(X,T )y , et ainsi (X-T) est suriectif. Par ailleurs
n n n n
on a :

II* Il < 1
lly II
2
et ainsi H x|| 2
11 < \
= Z || || y | |
1

r
L'opérateur (X-T) est donc aussi injectif et l'inégalité précédente montre
-95-

— 1 1
que l'on a || (X-T) || < — , donc (X-T) admet un inverse borné sur H et

X appartient à p ( T ) , ce qui suffit.


L'assertion b) est immédiate.

c) Les opérateurs normaux T étant bornés, on a о (T ) = ф


n _r n
d'après (3.2.4.c). Supposons qu'il existe X G a ^ T ) , alors X G а^(Т*)
d'après (4.1.19.b) • Il existe donc n G ]N tel que T G а (T *) , et com-
P n
me а (T ) = ф, on a nécessairement X G a (T ) , soit encore X G a (T) , ce
r n p n P
qui est absurde. •

(4.3.6) COROLLAIRE :

a) T est autoadjoint si et seulement si son spectre est réel.

b) T est autoadjoint positif, c'est-à-dire que l'on a ( T x | x ) > 0


+
pour tout x G D ( T ) , si et seulement si а(Т) с ж

Preuve - Il est facile de voir que T est autoadjoint (resp. positif)

si et seulement si les opérateurs T^ sont Kermitiens (resp. posi-

tifs), et ainsi, tout découle du résultat précédent joint à (2.4.8) •

Donnons maintenant comme conséquence de ces théorèmes de décompo-

sition, la construction d'un calcul fonctionnel associé à un opérateur

normal et non borné T. Comme le spectre de T n'est plus nécessairement

borné, ce calcul fonctionnel opérera, bien entendu, sur des fonctions

complexes définies sur Œ tout entier.

On commence par fixer une fonction complexe f borélienne (ou Baire-


mesurable) bornée sur Œ, et à T, on associe les opérateurs normaux bor-
nés T G L(H ) comme en (4.3.4). Pour chaque n, on peut donc définir
n n
l'opérateur normal borné f(T^) : H n -+ H n tel que || f (T ) || < || f|| • En

appliquant (4.3.2) à la suite d'opérateurs (f(T^)), on en déduit qu'il

existe un unique opérateur normal, noté f ( T ) , tel que f ( T ) | = f(T ) .

Montrons que f(T) est en fait défini et borné sur H tout entier. Tou-

jours avec (4.3.2), on a :


2
D[f (T)] = { x = I x GH ; I II f (T ) x II
11
< +00}
n n n"
2 2
Or, l||f(T )x ||
n n
2
<Z||f(T )|| ||x ||
n
2
n
2
< H f|| 2
I 2
||x || =||f
n || ||x||
Ainsi D[f(T)] = H et pour tout x G H, on a :
-96-

2 2 2 2 2
||f(T)x|| = ||I f ( T ) x | | = I|| f ( T ) x | |
n n n n < ||f|| ||x||

C
Donc f(T) est borné, et || f(ï)|| < || f|| . Si on désigne par Bo ° l'algè-

bre (stellaire) des fonctions complexes boréliennes bornées, on a donc


oo

défini une application $ : Bo -* L(H) et il est facile de vérifier que

<f> est un *-morphisme.


Passons maintenant au cas d'une fonction f borélienne quelconque.

On considère les ensembles A = {n < |f| < n + 1} qui sont deux à deux

disjoints et forment une partition de Œ. Les fonctions


J v
1 A étant boré-
A
liennes et bornées, il résulte de ce qui précède que les opérateurs

$(1^ ) = 1^ (T) sont des projecteurs hermitiens (bornés) sur H, et ain-


n n
si H = Im 1 (T) est un sous-espace vectoriel fermé de H. De plus, H
n A
n
est somme directe hilbertienne des sous-espaces H . On pose alors f =
r
n n
f 1 ; chaque fonction f étant encore borélienne et bornée, les opé-
n
n
rateurs T =f (T) sont normaux et bornés sur H. Or, il est facile de
n n ^ '
voir que T (H ) cz H et T (H ) = {0} ; ainsi, T opère en réalité de
n
n n — n n n n
dans H^. En appliquant à nouveau (4.3.2) à la suite d'opérateurs ( T ^ ) ,

on en déduit qu'il existe un unique opérateur normal (non nécessairement

b o r n é ) , noté f ( T ) , tel que f(T) | R = T .


n
En résumé, on a obtenu :

(4.3.7) THEOREME. - Soit T un opérateur normal. A toute fonction boré-


lienne f , on peut associer un opérateur normal f(T) tel que
f ( T ) * = f ( T ) . De plus, si e désigne l'application z -* z, on a
e(T) = T.

Preuve - A la fonction borélienne f, on associe comme précédemment: la

suite (H^) de sous-espaces vectoriels fermés de H, qui ne change pas

lorsqu'on remplace f par f. Ainsi, avec les notations précédentes on a.:

2
D[f(T)] = {x = Ix ; Z||f (T)x || < + oo}
n " n n"

2
= {x = Ix ; Z||f (T)*xJ < +œ}

or f (T) est un opérateur normal, donc II f (T)*x II = Il f (T)x II . Donc :


M
n " n n" " n n
D[f(T)] = {n ; I ||f (T)x || < +00} 2
= D[f(T)] = D[f(T)*]
n n
-97-

puisque f(T) est normal par construction. Par ailleurs, on voit de m ê -

me que f(T)x = f(T)*x, pour tout x € D[f(T)], ce qui prouve notre as-

sertion. Enfin, pour établir l'égalité T = e ( T ) , il suffit de considé-

rer la décomposition de H en sous-espaces (H ) .., associée à la partition

de Œ par les ensembles = {n < |z| < n + 1} , et de montrer que T est

un opérateur normal tel que H c D(T) et tel que T L = e (T) où


n — H n
n
e = e1 . •
A
n A
n

Remarque - On peut établir que le calcul fonctionnel borélien associé à

T, ainsi construit, vérifie une condition de convergence dominée sous

la forme : pour toute suite (f ) de fonctions boréliennes telle que


K.

|fjj < 1 et qui converge simplement vers zéro, on ^ ( T ) "* 0 dans L(H)

pour la topologie simple-forte. Tout provient du fait que, pour chaque


T
n, les opérateurs f ^ ( ) satisfont à la condition de convergence dominée
n

et que de plus, la suite (f^(T)) est uniformément bornée dans L(H) puis-

que 1'on a :

l|f (T)||< llfjl <


k i

Pour conclure, notons que ce "calcul fonctionnel borélien" ainsi

construit nous permet d'associer, à chaque opérateur normal T, la réso-

lution spectrale E. En effet, on peut déjà définir l'application

E : bo(€) -> L(H) selon E(A) = 1 ( T ) , et on vérifie aisément que E satis-

fait aux conditions a ) , b) et c) de la définition (3.1.1), la condition

c) s'obtenant grâce à la remarque précédente. Considérons alors une

fonction f borélienne positive et bornée sur ( C . En procédant comme dans

la preuve de la proposition (2.4.3), c'est-à-dire en approchant f unifor-

mément par des fonctions boréliennes étagées ij^ , on prouve de même que

1'on a :

f(T) = f(A)dE(À)

formule qui se généralise bien sûr au cas des fonctions boréliennes bor-

nées quelconques.Maintenant, si f est une fonction borélienne non bornée,

on va établir que l'opérateur f(T) construit ci-dessus n'est autre que

l'opérateur $(f) = Jf(X)dE(A) associé, comme au paragraphe (4.2), à la

mesure spectrale E sur l'espace mesurable (Œ, b o ( Œ ) ) , et dont le domaine


2
est l'ensemble A(f) = {x f H ; f G L ( E ) } . Fixons donc une fonction b o -
x

rélienne f quelconque et associons-lui, avec les notations précédentes,


-98-

la décomposition de H par les sous-espaces H^, obtenue grâce à la par-

tition de Œ par les ensembles A = fe<|fI < n + 1}. On a alors :

|f| dE
1 1
2
= Z 11 If| dE
1
= Z f|f | d E
1
2
1
2

J
x n J A x n ' n x ;
n
Or, les fonctions f sont bornées, donc en vertu dé ce qui précède, on
a :

2 2 2
|f| dE x = (|f | (T)x|x) = ||f (T)x||
n n

Ainsi :

2
'|f | d E = I ||f (T)x|p= I ||f (T)x \f
1 1 11 11
x n " n n n n"
J

Il résulte aisément de là que l'on a déjà A(f) = D[f(T)]. Par ailleurs,


pour tout x € A(f) et tout y G H, on a :

(f(T)x|y) = ( Z f (T)x|y) = Z(f (T)x|y)


n n n n

Or f est bornée, donc (f (T)x|y) = f (X)dE et finalement on obtient :


n n Jn x,y
(f(T)x|y) = Z f (X)dE = Z (1 A f)(X)dE = f(X)dE
n Jn x,y n J A n x,y J x,y
c'est-à-dire encore (f(T)x|y) = ($(f)x|y). On déduit de là, l'égalité des
opérateurs f(T) et $ ( f ) . En particulier, on a, comme pour les opérateurs
normaux bornés :

T = XdE(X)

Il est facile de voir alors, que le calcul fonctionnel borélien associé


à T jouit des propriétés suivantes :

(4.3.8) PROPOSITION. - Soient f et g des fonctions boréliennes ; on a :

a) f(T) + g(T) c (f+g)(T)

b) f(T)g(T) c (fg)(T). Si de plus, la fonction g est bornée alors


f(T)g(T) = (fg)(T)

Preuve - L'assertion b) n'est autre que le résultat établi en (4.2.6).


Pour établir a ) , on remarque déjà que D[f(T) + g(T)] = A(f) fl A(g) et
ainsi on a bien :

D[f(T) + g(T)] c D[(f+g)(T)] = A(f+g)


-99-

Le reste est évident lorsqu'on exprime les opérateurs f(T) et g(T) sous
forme intégrale. •

Remarque- On vient de construire la résolution spectrale d'un opérateur

normal T en s'appuyant sur l'existence d'un calcul fonctionnel borélien

associé à T. On aurait pu procéder différemment, en construisant d'abord

la mesure spectrale, ce qui, après coup, nous aurait permis de définir

le calcul fonctionnel comme au paragraphe (4.2). Pour cela, il suffit en-

core une fois d'utiliser la décomposition de T en opérateurs normaux

bornés T , ce qui assure, pour chaque n, l'existence d'une mesure spec-


(n)
traie E à valeurs dans ^ ( Ê O et dont le support est inclus dans la
couronne {/n-1 < |z| < /"n~}. La mesure E cherchée est alors déterminée

par les égalités E = Z E ^ , où x = Z x et y = Z y . On vérifie


J
x,y x ,y n n
» n n
que cette mesure E est bien spectrale, que D(T) est l'ensemble des points
2
x G H tels que l'application z -> z soit dans l'espace L (E^ ^) et que

1'on a enfin T = XdE(X).

(4.4) OPERATEURS SYMETRIQUES ET OPERATEURS AUTOADJOINTS.

Dans le cas des opérateurs non bornés T, définis toujours sur un

domaine D(T) dense dans H, il convient de faire une distinction précise

et importante entre la notion d'opérateur autoadjoint (T*=T) et celle

d'opérateur symétrique.

(4.4.1) DEFINITION. - On dit que T est symétrique lorsque l'on a

(Tx|y) = (x|Ty) pour tous x,y G D ( T ) .

Tout opérateur autoadjoint est évidemment symétrique, mais la réci-

proque est fausse comme on verra plus loin. Si T est symétrique on a

seulement T < T*, c'est à dire D(T) cz D ( T * ) , et T = T**. Comme de plus

T* = ( T ) * , on pourra souvent, dans l'étude de l'adjoint, supposer T sy-

métrique et fermé.

(4.4.2) EXEMPLES :
2
Ex. 1. - Soit H = L [0,1] et T = iD, défini sur le domaine D(T) formé
des fonctions f absolument continues telles que f(0) = f(1) = 0 et
2
f' G L . Alors T est symétrique et fermé et T* = iD sur le domaine D(T*)
2
formé des fonctions f absolument continues telles que f G L . Donc
-100-

D(T) ^ D(T*) et T n'est pas autoadjoint. On remarquera que dans la dé-

finition de D(T*) les conditions aux limites f(0) = f(1) = 0 ont dis-

paru. Par ailleurs ( T * ) * = T = T et T o n n'a pas D(T*) c D(T) donc T*

n'est pas symétrique. D'une façon générale un opérateur symétrique fer-

mé T n'est autoadjoint que si T* est symétrique.

Ex. 2. - On reprend le même exemple avec T = iD, défini cette fois sur
2
le domaine D(T) des fonctions f absolument continues telles que f G L

et f(1) = otf(0), où a G Œ est fixé. La formule d'intégration par parties


r 1
- r 1
— - 1
if g dt = F ig'dt + ITFGR
-'o 'o
2
(Tf|g) = (f|Tg) + i(| a | - 1)(fî)(0)

pour f, g G D ( T ) , montre que T n'est symétrique que si |a| = 1. Pour ces

valeurs de a et pour g absolument continue et telle que g' G L^ on aura :

(Tf|g) = (f|iDg) + if(0)[c£(1) - g(0)]

= (f|iDg) + iaf(0)[g(1) - ag(0)]

a
qui ne peut être continu en f que si g(1) = g ( 0 ) . Autrement dit, pour

|oc | = 1, T est autoadjoint et pour |a| ^ 1, T n'est pas symétrique. On

remarquera qu'une condition aux limites unilatérale , du type f(0) = 0

ou f(1) = 0, ne conduit pas à un opérateur symétrique.

Sur ces deux exemples simples on voit que le caractère d'auto-


adjonction pour les opérateurs différentiels dépend principalement de
conditions aux frontières convenables. Dans la théorie des équations
différentielles ou des équations aux dérivées partielles, ces questions
de valeurs aux frontières joueront un rôle prédominant.

Le spectre des opérateurs symétriques. - On suppose ici T opérateur sy-

métrique et fermé tel que D(T) = H. Alors T = T** et D(T*) est dense

dans H. On rappelle que T* n'est pas symétrique en général, ou plus pré-

cisément qu'il ne l'est que si T est autoadjoint. De façon évidente le

spectre ponctuel cr^(T) est réel car (Tx|x) est réel. Pour X = a + ig on

a en développant

2 2
|| (À-T)x|| 2
- || (a-T)x|p + B ||x||
donc || (A-T)x|| > |$||| x|| . Si 6 ^ 0, c'est-à-dire si H t ^ K , alors
- 1 0 1 -

Ker(X-T) = 0 . Par ailleurs Im(X-T) est fermé (pour 8 ^ 0 ) car si (A-T)x


-> z, alors la suite (x^) est de Cauchy, donc -+ x et z = (X-T)x puis-
que T est fermé. Il reste donc deux cas, suivant que Im(X-T) 4 H, et
alors X G a ^ ( T ) , ou Im(X-T) = H. Dans ce dernier cas X - T est une b i -
jection de H sur lui-même donc X G p (T) et de plus || R(X,T)||<

d'après ce qui précède.

On peut aller plus loin en remarquant que si X G p ( T ) , alors, avec


( 1 . 1 . 6 ) , on voit que tout JJ G ÎC tel que | X-JJ | < |$| est élément de p (T) .
o

Autrement dit le résolvant p(T) contient le disque ouvert D(X,|$|) de


centre X tangent à l'axe réel dès qu'il contient X. Il suit aisément de
là que p(T) contient le demi-plan ouvert T T + = {X,J4n X > 0 } ou
n_ = {X,Jm X < 0 } qui contient X. On a donc obtenu à peu de frais :

(4.4.3) THEOREME. - Soit T un opérateur symétrique fermé. On a toujours


a (T) U a ( T ) cz m
c et Im(A-T) est fermé pour tout X G Œ \ 1R .

De plus on se trouve nécessairement dans l'un des 4 cas disjoints :

a) a (T) = çf donc a(T) cz R


9 et T est autoadjoint.

b) a (T) 3 T T + et a(T) = n + = {X, > m X > 0 }

c) a (T) z> n et a(T) = n = {X, J4n X < 0 }

r - -
d) a (T) d n U + et a(T) = Œ ÏÏ^

Preuve - Si p(T) = (f on est dans le cas d) . Si p(T) coupe T T + sans couper


n on a a (T) d ÏÏ et p(T) z> n , donc on est dans le cas c) . Enfin si p (T)
- r - +
coupe T T + et T T _ alors il les contient, donc o (T) cz ]R . Montrons qu'on est
dans le cas a) : pour cela soit X G T T + et y G D ( T * ) . Puisque Im(X-T) = H
il existe x G D(T) tel que (X-T)x = ( X -T*)y et puisque Tx = T*x alors
x - y G Ker (X-T*) = [ i m ( X - T ) ] 1
= ( 0 ) puisque Im(X-T) = H ; donc
y = x G D(T) et T* = T, de sorte que T est autoadjoint. Enfin a (T) est
vide car X G a (T) => X G a (T*) = a ( T ) , d'où il suit que X est réel
r P P
et que X G a ^ ( T ) fl a ^ ( T ) , ce qui est absurde. •
On déduit de là des critères pratiques pour que T soit autoadjoint

quand on sait qu'il est symétrique et fermé.

(4.4.4) THEOREME. - Relativement à un opérateur symétrique et fermé T les

assertions suivantes sont équivalentes :


-102-

a) T est autoadjoint.

b) Le spectre résiduel a^(T) est vide.

c) Le spectre a(T) est contenu dans ]R.

d) Pour tout AG(E\]R<9tt a Im(X-T) = H

d!) On a Im(X-T)= H pour un point de T T + et un point de n_.

,r
d )On a Im(T ± i) = H.

e) Pour toutXE Œ\]Rott a Ker (X-T*) = (O) .

e ) On a Ker (X-T*) = (0) pour un point de T T


9
+ et un point de T T _ .

e") On a Ker(T* ± i) = ( 0 ) .

Une conséquence intéressante, par exemple pour le cas des opérateurs

semi-bornés est la suivante :

(4.4.5) PROPOSITION. - Si p(T) contient un point réel alors T est auto-

adjoint.

Preuve - Car p (T) étant ouvert coupe nécessairement T T + et T T _ . •

Lorsque T n'est pas supposé fermé, mais toujours symétrique, on le


remplace par T = T**. On dira dans ce cas que T est essentiellement au-
toadjoint lorsque T est autoadjoint. On a alors :

(4.4.6) THEOREME. - Soit T un opérateur symétrique. Les conditions sui-


vantes sont équivalentes :

a) T est essentiellement autoadjoint.

b) On a Ker(T* ± i) == (0)

c) Les espaces Im(T+i) et Im(T-i) sont denses dans H.

Preuve - L'équivalence a b provient du fait que T* = ( T ) * , et b c


1 1
provient des égalités Ker(T*+i) = [ i m ( T - i ) ] et Ker(T*-i) = [îmCT+i)] . o

Revenons à un opérateur symétrique fermé T. On voit avec les équivalen-


u
ces e <* e' <* e de (4.4.4), que Ker(X-T*) i (0) ssi Ker(i-T*) i (0) lors-
que Jfa X > 0. On va préciser ce point en introduisant la dimension hil-
bertienne du sous-espace fermé Ker(X-T*) soit N(X) = dim K e r ( X - T * ) . Il
-103-

s'agit d'un cardinal, fini ou non. Cela étant on a :

(4.4.7) THEOREME. - La fonction N ( X ) est constante sur chacun des demi-


plans ouverts n + et n_. Ainsi :

a) N ( X ) = N ( i ) = n + si X € n

b) N ( X ) = N(-i) = n_ si X £ n_

Les cardinaux n + et n_ ainsi introduits portent le nom d'indices


de défaut de l'opérateur symétrique fermé T.

Preuve - Il suffit de prouver que N ( . ) est localement constante sur ïï


o

par exemple. Soit donc X = a + ig avec g > 0 et \s £ D ( X , g ) , donc JJ = X + n


avec |n| < g. Montrons l'égalité :
1
(*) Ker(jj-T*) fl Ker ( X - T * ) = (0)

Pour cela soit y £ D(T*) tel que T*y = jjy et tel aussi que
1
y £ KeriX-T*) = Im(X-T), où cette dernière égalité est obtenue puisque
I m ( T - T ) est fermé. Donc y = (X-T)x avec x £ D(T) et p£r suite ||y||> g|| x||
avec ce qu'on a vu plus haut. De plus :

0 = (0J-T*)y|x) = (y| (Ï7-T)x)

= (y|(X - T)x + T T X ) = ||y|| + 2


n(y|x)

et ||y|| < InM(ylx) | < M | | | | e t y


2
y
2
= 0.

Posons alors M = Ker()j-T*) et N = Ker(X-T*) , de sorte que M fl N * (0) 1

1
et décomposons H selon H = N (9 N en introduisant les projections p et
1 1
q = 1 - p sur N et N respectivement. Alors M il N = (0) implique que
p| : M -> N est inîective, donc dim M < dim N .
'M
On a donc obtenu N ( J J ) < N ( X ) . Si on suppose alors | n| < ~ soit
E D(X, -|) on obtient à la fois JJ £ D ( X g ) et X € D ( J J , J^m p) , donc
;

N(X) = N(JJ), ce qui suffit. •

EXEMPLES :

Ex. 1 . - Reprenons l'exemple 1 de (4.4.2). Alors f G Ker(i-T*) ssi f =f


X X
donc f = a e et n + = 1 . De même f € Ker(i+T*) ssi f = -f, donc f = ge

et n = 1 . Ainsi n + = n_ = 1 .
-104-

2
Ex. 2. - Soit H = L ([0,<x>}j) et T = iD, défini sur le domaine D(T) for-
2
1
mé des fonctions absolument continues telles que f £ L et f(0) = 0.

Avec l'égalité :
/•OO fCQ
f
i f g dt = f
f T g dt + i [ f g ] ^
^o 'o
on voit que T est symétrique car (fg) (oo) = 0. En effet soit h = fg, avec
1 1
f
f,g £ D(T) ; alors h £ L et h £ L , d'où suit facilement l'égalité
lim h(x) = o et(fg)(oo) = 0.
x-»œ 2

Par ailleurs D(T*) est formé des fonctions f £ L , absolument con-


2
tinues telles que f' £ L . Il suit de là que Ker(i-T*) = (0) car on est
X 2 X 2
conduit à f' = f donc f = a e g L . Par contre e £ L donc Ker (i+T*)^(0)

et n = 1. Ainsi n = 0 et n = 1.
+
En remplaçant T par -T on aurait obtenu n + = 1 et n_ = 0.
Ex. 3. - Soit I et J deux cardinaux quelconques. On fixe I + J copies de

l'espace H précédent, soit IL et H . On définit l'opérateur S sur l'es-

pace K = ( a H.) © ( €> H.) en choisissant Si = -T et s L = T où T est


J H . H .

l'opérateur iD sur H avec son domaine D(T) . Alors S laisse invariant cha-
S =T et
que et KL , ainsi que chaque H"f et ff!" , de sorte que *I *H<

S*|^ = - T*. Il est alors facile de vérifier que n + = I et n_ = J. On

voit^donc sur cet exemple que l'on peut obtenir pour n + et n_ deux car-

dinaux quelconques fixés a priori.

Prolongements symétriques d'un opérateur symétrique. - Si T est symé-

trique et fermé et si S est symétrique et prolonge T, on aura T < S,

donc S* < T* et T < S < S* < T*, de sorte que S est à chercher entre T

et T*. Ainsi D(S) est un sous-espace compris entre D(T) et D(T*) et com-

me on peut remplacer S par S = S**, on supposera S fermé. Pour construire

ces prolongements S il convient donc de bien examiner la structure de

l'espace D ( T * ) .

Rappelons que sur D(T*) on introduit une norme hilbertienne, dite

norme de Sobolev, et notée ||| . ||| ou mieux || . || , cette dernière nota-

tion se prêtant mieux au passage au produit scalaire :

2 2
llxll' - | | x | | + ||T*x||

(x|y)^ = (x|y) + (T*x|T*y)


-105-

T
L intérêt essentiel est que D ( T * ) , ainsi norme, est complet, et

devient un espace de Hilbert.

On introduit maintenant les espaces de défaut D + = Ker(T*-i) et

D_ = Ker(T*+i), tels que dim D + = n + et dim D_ = n_. On remarquera


2 2
d'ailleurs que pour x G D + on a ||x||^ = 2|| x|| , de sorte que ces dimen-

sions sont les mêmes que l'on plonge D + et D_ dans H ou dans l'espace

de Hilbert D ( T * ) .
Cela étant, on a le premier résultat important :

(4.4.8) THEOREME. - Dans l'espace de Hilbert D(T*) on a la décomposition

hilbertienne :

D(T*) = D(T) D + a D_

Preuve - Déjà D(T) est fermé dans D ( T * ) , car T étant fermé, D(T) est com-

plet pour la norme du graphe. Quant à D + et D_ ils sont déjà fermés dans

H, donc a fortiori dans D ( T * ) . Un exercice simple assure que D ( T ) , D + et D_

sont deux à deux orthogonaux dans D(T*) et il reste donc à voir que la

somme hilbertienne de droite est bien égale à D ( T * ) . Pour cela on intro-

duit les sous-espace fermés de H

A+ = Im(T + i) = (D )
+
±

A_ = Im(T - i) = ( D _ ) 1

et on fixe x € D(T*) . On décompose alors (T*+i)x selon (T*+i)x = u + + v,

avec u + G D + et v G A + = Im(T+i) , donc il existe w G D(T) tel que :

(T* + i)x = u + + (T + i)w

d'où l'on déduit :


u
(T* + i) (x - w) = u + = (T* + i)yr

u
puisque T*u = iu . Ainsi x - w -
r n
G D et comme u, G D, et w G D(T)
+ + 2i - + +
la décomposition cherchée est établie. •

Il résulte du théorème qu'un opérateur symétrique et fermé S pro-

longeant T est complètement déterminé quand on connaît son domaine

D(S) = D(T) © G, où G = D(S) fl (D © D_) . Il y a donc correspondance

bijective entre ces extensions S et certains sous-espaces fermés de


-106-

D + O D _ . Cela étant la précision est apportée avec :

(4.4.9) THEOREME. - Pour qu'un sous-espace fermé G de D + © D soit

tel que l'opérateur S, égal à la restriction de T* sur l'espace

D(T) © G, soit symétrique (et fermé) il faut et il suffit que G

soit le graphe d'une isométrie J d'un sous-espace fermé M de D +

sur un sous-espace fermé N & D_.

Preuve - Remarquons d'abord que dans D + ou dans D_ (mais pas dans D + © D_)

les notions de fermés ou d'orthogonalité sont les mêmes, que l'on rai-

sonne dans H ou dans l'espace de Hilbert D ( T * ) .

Fixons donc l'opérateur S e t x = u + v £ G avec u £ D + et v £ D _ ,

de sorte que Sx = T*x = iu - iv. On sait, S étant symétrique, que

(Sx|x) est réel. Or

2 2
(Sx|x) = i(u-v|u+v) = i[|| u|| - ||v|| ]

ce qui donne ||u|| =|| v|| ,et par suite aussi ||u|| ^ = ||v|| ^ = — || x||^ puis-

x 2 = u 2+ v 2
= u 2
Il l l * Il l l * Il l l * "-Il l l * • ^ e
là o n
déduit que les projections
p + et p_ , de D + ^ D_ sur D ^ et D_ respectivement, sont telles que les
espaces images p (G) + = M et p (G) = N sont fermés dans D + et I)_ res-
pectivement. De plus l'application J : M -> N, définie par Ju == v est
bien une isométrie surjective de M sur N, dont le graphe Gj est préci-
sément égal à G. Réciproquement fixons M,N et 1'isométrie surjective
J : M N, de graphe G^ = G et définissons S par D(S) = D(T) (J) G et
u s c u e e
S = I j) ( s) • P i l I graphe de S est fermé, l'opérateur S est lui-
même fermé. Reste à voir qu'il est symétrique, et pour cela il suffit
de prouver que (Szjz) est réel pour tout z £ D ( S ) . Or z s'écrit z = x +
u + Ju avec x £ B(T) et u £ M, et Sz = Tx + iu - iJu. Donc
2 2
(Sz|z) = (Sx|x) + i[|| u | | - i||ju|| ] + i[(u|ju) - (Ju|u)]

+ i(u|x) + (Sx|u) - i(Ju|x) + (Sx|ju)


2 2
Mais || J u || = I| va 11 et (Sx|u) = ( x | l * u ) = -i(x|u) et de même
(Sx|ju) = i(x|ju). Donc
(Sz|z) = (Sx|x) - 2 .7m[(u|ju) + (u|x) - (Ju|x)]

et comme (Sx|x) = (Tx|x) est réel, le résultat est acquis. •


-107-

On peut encore dire un peu plus :

(4.4.10) PROPOSITION. - Les notations étant les mêmes les espaces de

défaut D ( S ) et D_(S) sont respectivement les sous-espaces


+

orthogonaux M^~ et N"*" de M dans D + et de N dans D_ , de sorte

que :

1 1
D(S*) = D(S) © M © ! ^ = D(T) <±)C © ^ © N

Preuve - Il est clair que S*z = iz implique z G D + H D ( S * ) . Décomposons

z en z = z^ + z
2 a v e c z
<| G M et G M \ Avec x = u + v G G, où u G M

et v = Ju, on a Sx = iu - iv et S*z = iz = i(z,| + z^) • Or :

(x|S*z) = -i(u+v|z) = -i(v|z) - Kulz^

(Sx|z) = i(u-v|z) = -i(v|z) + i ( u | ) Z l

d'où (u|z^) = 0 pour tout u G M et z^ = 0 . Ainsi z G M"*".

Réciproquement fixons z G M et x = x^ + u + Ju G D(S) avec

x G D(T) et u G M. Alors :
o
(Sxlz) = (Tx Iz) + i(u|z) - i(Ju|z) = (Tx Iz) - i(Ju|z)
o o
= (x |T*z) - i(Ju|z)
o

= -i(x |z) - i(Ju|z) - i(u|z)


1 1 1
o

= ( x + u + J u | i z ) = (x|iz)
Q

donc z G D(S*) et S*z = iz, soit z G D ( S ) . + •

Remarque - Si l'on pose v = dim M = dim N (dimension hilbertienne) alors


n ( T ) = v + n ( S ) et n_(T) = v + n _ ( S ) . En particulier si n ( T ) et n_(T)
+ + +

sont finis on aura n ( S ) - n_(S) = n ( T ) - n _ ( T ) .


+ +

La formule donnée en (4.4.10) a pour conséquence que S ne peut

être autoadjoint que si M ^ = N"*" = ( 0 ) , ce qui revient à dire que M = D ^

et N = D . Mais M et N étant isométriques on en tire que n = n .D'où : +

(4.4.11) THEOREME. - Pour qu'un opérateur symétrique fermé T admette des

extensions autoadjointes il faut et il suffit que ses indices

de défaut n + et n_ soient égaux. On obtient dans ce cas toutes

les extensions autoadjointes de T à partir de toutes les isomé-


-108-

tries surjectives J de D + sur D_ selon le procédé de (4.4.9).

Exemple - Reprenons l'exemple 1 de (4.4.2), pour lequel D = Œ!e et


^ X X 1—X
D_ = (Ce . Comme || e || = || e || , on voit que l'rsométrie J est dé-
X X
terminée selon J ( e ) = ge^ avec |g| = 1, et le graphe G = G est en-
1 —x j
gendre par la tonction 1 = e + 3e . Pour cette fonction on a f(1) = 3 + e
et f(0) = 1 + 3 e , d'où la relation f(1) = af(0) avec a = - r — O n véri-

fie aisément que |a| = 1, et que réciproquement tout nombre a, tel que

lai = 1, peut ainsi s'écrire avec 3 = t — • Par ailleurs dans D(T)


1 1
1 - ae
on a f(0) = f(1) = 0, ce qui montre bien que l'opérateur S associé à
l'isométrie J est celui construit dans l'exemple 2 de (4.4.2).
Il arrive qu'on puisse facilement prévoir qu'un opérateur T symé-
trique possède des extensions autoadjointes. Pour cela introduisons la
notion de conjugaison.
(4.4.12) DEFINITION. - On dit qu'un opérateur antilinéaire V : H -> H
2

est une conjugaison lorsque V = I et (Vx|Vy) = (y|x).

On a alors :

(4.4.13) THEOREME. - Soit T un opérateur symétrique fermé qui commute

avec une conjugaison V. Alors les indices de défaut n et n

sont égaux et T admet des extensions autoadjointes.

Preuve - Puisque TV = VT on a déjà VD(T) c D(T) donc VD(T) = D(T) avec


2 . 1

V = I. On sait que D + = Im (T + i) donc si x E D + alors, pour tout y :

0 = ((T + i)y|x) = ( V x | v ( T + i)y)

= (Vx|(T - i)Vy)

de sorte que Vx est orthogonal à (T - i)VD(T) = Im (T - i) puisque


VD(T) = D ( T ) . Ainsi Vx £ D_ et l'on voit donc que VD c D_ et VD c D . + +
2 .
Mais, puisque V = I, alors V D = D_ et ainsi V est une anti-isométrie
+

de D sur D _ , ce qui assure l'égalité des indices de défaut. •


+

En pratique, l'opérateur V sera fréquemment la conjugaison f -> f


2
sur un espace de type L . Dans l'exemple traité après (4.4.11) on peut
choisir pour V la conjugaison définie par (Vf)(x) = f(1-x).
-109-

Terminons ce paragraphe par une remarque essentielle : tout l'in-

térêt que possèdent les opérateurs symétriques admettant des extensions

autoadjointes tient au fait, que nous allons démontrer (ou redémontrer)

dans le paragraphe suivant, à savoir qu'un opérateur autoadjoint est re-

présentable par une mesure spectrale définie sur ]R. Le calcul fonction-

nel associé pourra donc s'appliquer à l'opérateur symétrique de départ.

(4.5) MESURE SPECTRALE D'UN OPERATEUR AUTOADJOINT.

Il y a plusieurs façons de construire la mesure spectrale E(.) as-

sociée à un opérateur autoadjoint mais l'une des plus rapides est basée

sur la notion de transformation de Cayley.

On sait déjà que n + = n_ = 0, de sorte que Im(T+i) = Im(T-i) = H.

Or, pour tout x G D(T) on a :

2 2 2
|| (T i)x||
+ = ||Tx|| + ||x|| = || (T-i)x |f

d'où il résulte déjà que l'opérateur (T+i) ^ existe sur le domaine

A = Im(T+i) = H car (T+i)x = 0 implique x = 0. Ainsi T + i : D(T) -» H


+
-1
est une bijection et (T+i) est la bijection réciproque H D ( T ) . On

introduit ensuite l'opérateur U = (T-i)(T+i) ^ : H -> H, défini par

y = (T + i)x

z = Uy x Ç D(T)

z = (T - i)x

et la formule donnée plus haut montre que U est une isométrie bijective

de H sur lui-même. On dit que l'opérateur unitaire U est la transformée


de Cayley de l'opérateur T.

Connaissant U on reconstruit facilement T en remarquant que

y = (T+i)x et Uy = (T-i)x, donc 2ix = y - Uy et 2Tx = y + Uy. Il s'en-


-1
suit que (I-U)y = 0 implique x = 0, donc aussi y = 0, et ainsi (I-U)

existe sur le domaine Im(I-U) = D ( T ) . De plus,

1
(I+U) (I-U)"" (2ix) = (I+U)y = 2Tx

et ainsi T = i(I+U)(I-U) ^ avec égalité des domaines.

En résumé :
-110-

(4.5.1) THEOREME. - Soit T un opérateur autoadjoint sur H. Alors l'opé-


-]
rateur U = (T-i) (T+i) est unitaire sur H et permet de recons-
- 1
truire T selon T = i(I+U)(I-U)

Remarque - On prendra garde que U, transformée de Cayley de T 3( n'est pas

n'importe quel opérateur unitaire. Par exemple U = I ne peut ainsi

être obtenu.

Passer de T à U présente un avantage considérable puisqu'on rempla-


ce T par un opérateur borné et unitaire, donc normal et borné, pour le-
quel on connait parfaitement le calcul fonctionnel. On sait en effet que

U possède une mesure spectrale E, concentrée'sur le tore T T et telle que


**** /
U = u d E ( u ) . On a alors :

(4.5.2) LEMME. - On a E({1}) = 0 ou encore Ker(I-U) = 0.

Preuve - Elle est évidente car si z = Uy = y alors y = (T+i)x = (T-i)x,

d'où x = 0 et y = 0. •

Il suit de la que la mesure spectrale E est concentrée sur 1 espace

localement compact Çl = T \ {1}. Or une transformation élémentaire réalise

un homéomorphisme de Q sur ]R , donné par :

t -*(u) -i H £ u = *(t> - f f 4
et c'est bien entendu l'existence de cette transformation qui a donné

l'idée à Von Neumann d'introduire la transformée cayleyenne de T.

Mais maintenant cf> va transporter la mesure spectrale E(.) en une


mesure image E(.) sur ]R , ce qui permet d'introduire l'opérateur auto-
adjoint

T = tdE(t) = i dE(u)
1 - u
j j
On va montrer que T = T. Pour cela soit x T H et y = (I-U)x. Les

résultats du paragraphe 1 assurent que E = |1-u| . E , ce qui garantit


y x
y £ D(T) car :

2
| J - ^ i | d E ( u ) =(|1 + u |
2
d E (u) < +co
1 — u y J 1 1
X
De plus,

Ty = T(I - U)x = i (1 H- u) dE(u)x = i(I ^ U)x

= T(I - U)x
-111-

d'où T(I-U) = T ( I - U ) . Ceci prouve que T coïncide avec T sur Im(I-U) = D(T)
autrement dit T prolonge T. Mais T étant lui-même autoadjoint n'admet
aucun prolongement autoadjoint strict et ain§i T = T = tdE(t), ce qui
fournit l'existence d'une mesure spectrale E(.) sur E. permettant la
représentation de T. Donc déjà :

(4.5.3) THEOREME. - Tout opérateur autoadjoint T sur H provient d'une


mesure spectrale E sur 1Rselon T = tdE(t).

Il reste à voir , pout être complet, que cette mesure spectrale est
unique et est concentrée sur le spectre a(T) de T. Cela provient essen-
tiellement du fait que E(.) peut être reconstruite à partir de la résol-
vante R ( X , T ) , pour X eŒ \ 1 . C'est la célèbre formule de Stone :

(4.5.4) THEOREME. - (Formules de Stone).- Soit [a,b] un intervalle compact


de H . Alors au sens de la topologie simple-forte on a :

a) lim igR(a + ig,T) = E({a})


B+0
a
1 f
b) lim y r - [R(a-ig,T) - R(a+ig,T)] da
2 l T T
3+0 Jb

= E(]a,bD + { E({a}) + \ E ({b})

Preuve - L'intégrale d'opérateurs de b) est évidemment définie comme une


intégrale de Riemann à valeurs dans L ( H ) , vu les propriétés d'analyticité
de la fonction résolvante ; soit S D sa valeur. Par ailleurs pour tout
p

x G H et tout X G Œ ^ R on a :

R ( X ,T)* =
donc, avec le théorème de Fubini appliqué à toutes les mesures E :
1 f (2igdE(t)x ,
S x = ^r- — - — ^ - H t da
2 l
P " K J<a-t)W
3
(Ti f da 1 dE(t)x
J l }
b (a-t) +B J

= I Arctg ^ - Arctg - ^ j dE(t)x


-112-

Or quand 3 ^ 0 les fonctions continues f ( t ) = —


Q Arctg - Arctg ^ ~
p TT L 3 p J
restent uniformément majorées et convergent simplement vers la fonction
f donnée par :

• 1 si t G ]a,b[

y si t = a ou t = b
!
0 si t ? [a,b]
Les propriétés du calcul fonctionnel impliquent donc S -» f(T) pour la
B
1 1
topologie simple-forte et ici f(T) = E(]a,b[) + ~ E ( { a } ) + - E ( { b } ) , ce
qui prouve b ) . Quant à l'assertion a) elle s'obtient encore plus vite
i3
avec les fonctions g^(t) = r— qui restent uniformément bornées par
B a-t+ig
D
1 et tendent simplement , quand 3 4-0, vers ^ a j *

(4.5.5) COROLLAIRE. - La mesure spectrale E(.^associée à l'opérateur


autoadjoint T est unique. De plus son support est le spectre
a(T).

Preuve - Supposons connues deux mesures spectrales E(.) et F(.) associées


à T. Alors pour chaque x G H les mesures positives E ^ et coïncident
sur les intervalles [a,b] d'après (4.5.4), ceci implique classiquement
qu'elles sont égales. Ainsi, E = F pour tout x, donc E = F pour
x x x , y x , y
tous x,y et E(.) = F(.) .

Pour régler la question du support commençons par remarquer que si


S = Supp E, alors S est un fermé de IR tel que E(.) soit concentrée sur
S, d'où T = tdE(T). Par suite le spectre a(T) est contenu dans
Js
l'adhérence de l'image de S par la fonction identique t -» t, donc a(T.)czS.
Pour examiner la réciproque fixons X G p ( T ) ; il existe alors un inter-
o
valle compact [a,b] centré au point X et une boule B(X,r) de Œ tels que
o

[a,b] cz Ë(X,r) c: p ( T ) . L'analyticité de la fonction résolvante assure

aisément la condition :
|| R(a-iB,T) - R(a+iB,T)|| = 0(3)
uniformément en a G [a,b], pour 3 assez petit. Avec (4.5.4.b) on en dé-
duit la condition E([a,b]) = 0, ce qui prouve amplement que X ? Supp E.
Donc Supp E cz a(T) et l'égalité est obtenue. •
-113-

Pour terminer ce chapitre 4 rassemblons sous forme d'exercices

plus ou moins détaillés quelques résultats importants pour les appli-

cations ultérieures.

(4.5.6) EXERCICES :

Exerc. 1. (Retour sur le théorème de Stone) :

On reprend les notations de l'exercice 5 du (3.1.6). Montrer alors

que tous les groupes unitaires fortement continus (U ) sont de la forme


t
itT
u* = e
t pour un opérateur autoadjoint unique T. Etablir aussi que iT

est "le générateur infinitésimal" du groupe (U ) , c'est-à-dire que,


t
U x-x
Tx = -i lim
t -o t

avec la précision supplémentaire que le domaine D(T) est exactement l'en-

semble des x G H pour lesquels la limite considérée existe dans H.

Exerc. 2. :

Soit T un opérateur autoadjoint et soit un sous-espace

de D(T) tel que D = H et tel que D soit invariant par les opérateurs
itT . ° . °
= e . Démontrer, en utilisant le critère (4.4.6), que D^ est un

coeur pour T, c'est-à-dire que l'opérateur T^ = T|^ est essentiellement

autoadjoint et tel que T = T q (on pourra pour chaque y G K e r ( T * ± i ) et Q

chaque x G D^, considérer la fonction g(t) = (U^xly) et prouver qu'elle

est dérivable avec g'(t) = ±g(t), puis en déduire que g(t) = o ce qui
n
donnera Ker(T* ± i ) = (o)). En particulier le domaine D (T) = 0 D(T )
o n
est un coeur pour T.

Exerc. 3. (Questions de commutation) :

Pour deux opérateurs non bornés S et T l'expression ST -TS peut ne

pas avoir de sens, par exemple si D(ST) H D(TS) = ( 0 ) . Il faut donc cher-

cher à ramener la question de commutation au cas d'opérateurs bornés.

Maintenant si S et T sont bornés on voit immédiatement que S et T com-


1 S 1
mutent ssi les groupes unitaires U(s) = e ^ et V(t) = e ^ commutent.

Dans le cas où S et T sont autoadjoints on dira donc qu'ils commutent

(par définition) lorsque leurs mesures spectrales E(.) = E^ et F(.) = E^

commutent, au sens où E(A)F(B) = F(B)E(A) pour tous boréliens A et B de

]R . Cela étant, démontrer les équivalences suivantes :


-114-

a) S et T commutent,

b) E(A)F(B) = F(B)E(A) lorsque A = [a,b] et B = [c,d],

c) f(S) et g ( T ) commutent pour toutes fonctions boréliennes bornées

f et g,

1 S 1
d) U(s) = e ^ et V(t) = e *"^ commutent pour s,t réels quelconques,

e) R ( X , S ) et R(JJ,T) commutent pour tous X , J J G Œ \ 1R ,

Pour passer de e) à b) on utilisera la formule de Stone. Pour ré-

cupérer l'assertion d) on pourra, soit passer de d) à c) par un raison-

nement analogue à celui de l'exercice 5 de ( 3 . 1 . 6 ) , soit passer directe-

ment de d) à e) en utilisant les égalités

isX -ist , . ^ n v
l-i e e ds pour X = a + îg, g > 0
1 = j K
f . -isX ist , . n s ^
l i e e ds pour X = a + îg, g < 0
^o

qui permettent d'exprimer simplement R ( X , S ) et R ( J J , T ) à partir des groupes

unitaires associés selon

l s X
[-i e U(-s) ds si 8 > 0

R(X,S) =1 °

I i e~ L s X
U(s) ds si g < 0
> ^o

Exerc. 4 . (Application au problème des moments sur 1 R ) :

On reviendra plus tard en détail sur le problème des moments sur H ,

mais d'ores et déjà on peut aborder la question. On dit qu'une suite (m^)

est une suite de moments sur 1 R lorsqu'il existe une mesure positive J J
f k
sur H (non nécessairement unique) telle que m^ = t djj(t) pour tout k > 0.

a) Montrer que si(m^) est une suite de moments, alors pour toute

suite finie (u^.) de nombres complexes on a la condition

(*) I m u û" > 0


+ C
p,q P I P q

On dit souvent que la "matrice" [m ] est de type positif.


p+q

b) On examine la réciproque en supposant la condition (*) vérifiée.

Montrer alors que sur l'espace des suites complexes à support fini,
-115-

on peut définir un semi-produit scalaire selon

(ulv) = Z m u v
p,q p+q p q

On introduit maintenant l'espace de Hilbert H, séparé complété de

pour ce semi-produit scalaire.

c) Etablir que l'opérateur de "shift" T, défini par (TU) q = 0 et

(Tu) n+< j = sur se prolonge en un opérateur sur H, noté encore

T, qui est symétrique et qui commute avec l'opérateur de conjugaison

V : u -> u . En déduire que T admet, s'il n'est pas autoadjoint, une in-

finité d'extensions autoadjointes S sur H.

d) Soit S une telle extension et E(.) = E sa mesure spectrale.

On désigne par e = (1,0,0,...) la suite unité et par (e ) la base ca-


(]N)° k
nonique de Œ , telle que e. = T e . On introduit ensuite la mesure
k o
positive JJ = E . Montrer alors les égalités
o r k

i\ = = J t djj(t)

et déduire de tout cela l'énoncé qui convient.

Exerc. 5. :
2

On reprend l'espace H = L [0,1] et l'opérateur = iD de l'exem-

ple 2 de (4.4.2), défini sur le domaine D(T ) formé des fonctions absolu-
a
2
ment continues f telles que f G L et f(1) = af(0) avec|a|= 1. On pose
— i6
a = e avec 0 < 9 < 2TT.
a) Montrer que a(T ) = a ( T ) = 9 + 2TTZ et déterminer la multipli-
ca p a
cité de chaque valeur propre X ^ = 6 + 2kïï.
b) On suppose a = 1, donc 9 = 0 . Montrer comment la décomposition

spectrale de est reliée au développement en série de Fourier des fonc-

tions périodiques de période 1. Expliciter la mesure spectrale E^ et mon-


1 1 1
trer que l'opérateur unitaire e * ^ s'obtient selon (e *"^ f) (x) = f(x-t),

où f est la prolongée 1-périodique de f sur 1R .

c) On revient au cas a quelconque. Expliciter la mesure spectrale

E^. Les mesures spectrales E^ commutent-elles ? Expliciter la fonction


t T a 2
e^ f pour f G L [0,1], en faisant intervenir la fonction f sur ]R
i9x ^
ainsi que les fonctions h Q : x -» e et h.,
d) Montrer qu'il existe une mesure J J ^ sur H , dont le support est

a(T ) , telle que l'opérateur soit unitairement équivalent à l'opéra-


-116-

teur de multiplication par X : t -> t sur l'espace L (u ) .


a

Exerc. 6. (Un théorème de perturbation) :

Soit T un opérateur autoadjoint sur H et soit A un opérateur her-


mitien (c'est-à-dire autoadjoint et borné).

a) Montrer que l'opérateur S = T + A défini sur le domaine D(S) =


D(T) , est symétrique et fermé.

b) Soit À = a + i3. On suppose \$ \ > ||A|| . Démontrer que X appar-


tient au résolvant p(T+A) et que

n
R(A,T + A) = Z R(X,T) [ A R ( X , T ) ]

c) Déduire de là que T + A est autoadjoint.

d) Soit X un point fixé de p ( T ) . On pose d = d(À,a(T)). Montrer,


en utilisant la mesure spectrale de T, l'inégalité

Il R U , T ) || < |

e) Déduire de d) que tout élément X G a (T+A) est tel que d(A , a (T)) < 11A ||

et que tout élément u G a(T) est tel que d(u,a(T+A)) < ||A||, autrement dit
que la distance de Hausdorff
ô(a(T), a(T+A)) = Max{ Sup d(À,a(T+A)), Sup d(u,a(T))}
X G a(T) u G a (T+A)

des deux spectres est majorée par || A||. On a ainsi obtenu une propriété
de "continuité" du spectre d'un opérateur autoadjoint quand on le per-
turbe par un opérateur hermitien.

Exerc. 7. (Comparaison d'opérateurs autoadjoints) :

De l'inégalité S < T entre opérateurs hermitiens (bornés), on ne


peut en général rien tirer sur la comparaison des opérateurs f(S) et f(T)
quand f est une fonction croissante bornée sur ]R. La raison en est qu'on
S T
n'a aucun moyen de comparaison des mesures spectrales E (.) et E (.),

comme on s'en assure facilement en choisissant S = I ou T = I. Il en ré-

sulte que toute information partielle allant dans ce sens est riche de

signification.

Avant de commencer donnons une définition précise : étant donné deux

opérateurs autoadjoints S et T, on dit que S < T lorsque D(T) cz D(S) et


-117-

(Sx|x) < (Tx|x) pour x € D(T). On notera bien l'inversion de l'inégali-

té pour les domaines. On notera aussi que S < T n'équivaut à -T < -S que

siD(S) = D ( T ) . Enfin, il est facile de voir que S < T et T < S impliquent

S = T, avec égalité des domaines.

a) On suppose S et T bornés et 0 < S < T. Montrer que l'on a


2 2
S < T lorsque S et T commutent, mais que ce résultat est faux en géné-

ral lorsque S et T ne commutent pas.

b) On notera S > 0 lorsque S > 0 et S est inversible, c'est-à-dire

lorsque 0 G p ( S ) . Montrer qu'il existe une constante a > 0 telle que


al < S, ce qu'on notera S > a.

c) Soient S > 0 et T > 0. Montrer que l'on a S < T si et seulement


1 / 2 1 2 1 1
si || S T~ / || < 1. En déduire alors que 0 < T ~ < S~ .
-1
d) Soit T > 0. Montrer que pour tout u > 0 l'opérateur (T+u) est
1 1 1
borné et que l'on a I m ( T + u ) ~ c D(T) , || (T+u)"" || < - et || T ( T + u ) ~ || < 1

-1 -1
e) En remarquant que T(T+u) = I - u(T+u) , démontrer que 0 < S < T
-1 -1
implique 0 < S(S+u) < T(T+u) pour tout u > 0.
f) Soit (j>(t) une fonction borélienne positive pour t > 0, telle que

<[) (u) du ^ p o u r tout t > 0 on pose :


u+1
oo
t ( u d u
f ( ) = [
t K )
-O T + U

Montrer que f est définie, positive, croissante et continue pour t > 0.

Démontrer que f (t) -> 0 quand t^0 (on remarquera que t(1+u) < t + u pour

t < 1 ) . Quelle condition doit vérifier la fonction <(> pour que f soit

bornée ?

g) On fixe l'opérateur T > 0 et la fonction <J), et on introduit


l'opérateur
•oo

f(T) = f(t) dE(t)


'o

où E(.) est la mesure spectrale associée à T, de support contenu dans

[0,œ], Etablir que l'on a f(T) > 0 et, avec le théorème de Fubini, que :

(*) D[f(T)]= {x ; I (T(T+u)~ 1 1


T(T+v)~ x|x) <fi (u) <j> (v) du dv < +»}
j oj o
-118-

SCO
1
(**) (f(T)x|x) = (T(T+u)~" x|x)cf)(u) du si x G D[f (T) ]
Jo

h) Tirer de là que 0 < S < T implique 0 < f(S) < f(T) lorsque f

est bornée.
n
i) On ne suppose plus f bornée et l'on pose f (t) = t$(u)du ^
JO t+u
On fixe les opérateurs S et T tels que 0 < S < T, ainsi qu'un point

x € D[f(T)]. Montrer que la suite (f (S)) est une suite croissante d'opé-

rateurs positifs bornés telle que f (S) < f ( T ) , et déduire de là que la

suite = f^(S)x est faiblement bornée (et même faiblement convergente),

donc bornée en norme. Montrer alors que x G D[f(S)] et prouver enfin que

l'on a 0 < f(S) < f ( T ) . On remarquera ici que cette preuve indirecte de

l'inclusion D[f(T)] c D[f(S)J est nécessitée par le fait que l'égalité (*)

de g) ne peut être utilisée, car 0 < S < T n'implique pas nécessairement


1 1 1 1
l'inégalité S ( S + u ) ~ S (S+v)" < T(T+u)~ T (T+v)~ à cause de a ) .

a-1
j) On choisit ici <j>(u) = u , avec 0 < a < 1. Montrer que
a
f (t> = -J— t
smïïa
Œ a
et déduire de là que 0 < S < T implique 0 < S < T pour 0 < a < 1. En
1 1/2 1 12
particulier, pour a = on obtient que 0 < S < T = > 0 < S < T

(théorème de monotonie de la racine carrée).


a
t -1
k) Montrer que \ Log t pour t > 0 quand a+0. En déduire que
0!.
2
t -1 2
—-— -> |Log t| quand a + 0, de façon monotone suivant que l'on a
0 < t < 1 ou t > 1. Déduire de là que pour tout opérateur T > 0 on a

x E D[Log T] si et seulement si on a x G D(T*) pour a assez petit. Montrer


alors que :

A
T
(Log T)x = lim -^JL a
.
a+o

et T R O U V E R enfin que l'inégalité 0 < S < T implique l'inégalité Log S < Log T

(on prendra garde que ni Log S, ni Log T ne sont des opérateurs positifs en

général).

Ainsi avec j) et k) on a obtenu un théorème de monotonie de la ra-

cine carrée et du logarithme, théorèmes d'autant plus intéressants que


11
les théorèmes "réciproques de monotonie du carré ou de l'exponentielle

sont faux.
-119-

CHAPITRE 5 - LE PROBLEME DES MOMENTS

EN LIAISON AVEC LA THEORIE DES OPERATEURS

Dans ce chapitre, nous allons développer une autre applica-

tion de la théorie des opérateurs non bornés, en étudiant certains


f!
aspects du "problème des moments . Auparavant, formulons ce problème

de manière plus précise. Etant donnés un intervalle I de 1 , borné

ou non, et J J une mesure positive sur I telle que, pour tout n > 0,
n f
l'application t •> t soit ju-intégrable, on appelle moment d o r d r e n

de J J , et on note a n
= a (JJ) le scalaire | t djj(t). Deux problèmes
n n JI
se posent alors :

- Problème d'existence : comment caractériser les suites (a ) de


n
nombres réels pour lesquelles il existe une mesure positive J J sur I

(bornée a posteriori), telle que (a^) soit la suite de moments asso-

ciée à J J .

- Problème d'unicité : si une telle solution J J existe, est-elle

unique ?

Il est clair que la réponse à ces problèmes est complètement

différente selon que l'intervalle I est borné ou non. Ainsi, si on

choisit pour I l'intervalle borné [0,1] de H , et on étudie alors le

problème des moments dit de Hausdorff, la réponse au problème d'uni-

cité est immédiate, puisque si deux mesures J J et v sur [0,1] ont

même suite de moments, elles coïncident sur les polynômes, et par

densité des polynômes dans l'espace C [ 0 , 1 ] , elles coïncident en réa-

lité partout. Par contre, cet argument tombe en défaut si on rem-

place [0,1] par la droite réelle par exemple, et on conçoit donc

déjà que l'étude du problème des moments sur K , dit de Hamburger,

sera beaucoup plus complexe, et par là même beaucoup plus riche.


-120-

Pour ce qui concerne le problème d'existence, dans le cas où

I = [0,1] ce problème est complètement résolu. Nous nous contente-

rons de rappeler l'expression des deux conditions nécessaires et

suffisantes connues, les techniques utilisées pour les obtenir

étant étrangères aux idées que nous avons développées dans ce cours.

La première des conditions constitue le théorème classique de

Hausdorff :

THEOREME (HAUSDORFF). - Une condition nécessaire et suffisante

pour que la suite ( c O soit une suite de moments sur [0,1] est que

l'on ait les inégalités :

q
k k

v
I ( - i r e *4 aP , > 0
+ k

k=o

pour tous les entiers p,q > 0.

La seconde condition, basée sur la représentation des poly-

nômes positifs sur [0,1], fait intervenir la notion de matrice


m
(infinie) de type positif. On dit que la matrice réelle M == [ £j]

est de type positif, si, pour toute suite finie (x^) de nombres

complexes on a :

X m. . x. x. > 0.
3 1
• • -J J

Cela étant, et sachant que tout polynôme P G ]R[X], positif


sur l'intervalle [0,1], peut se mettre sous la forme
2 2
P = A + X ( 1 - X ) B , avec A,B G H [ X ] , on peut établir :

THEOREME. - Une condition nécessaire et suffisante pour que la

suite (a^) soit une suite de moments sur [0,1] est que les matrices :

M = [a. .]

:
N = [ a . . . - a . . «] J
i+j+1 i+J+2

soient de type positif.


-121-

II faut noter que l'on peut montrer directement, c'est-à-dire

sans passer par l'intermédiaire de la mesure u solution, l'équi-

valence de ces deux conditions d'existence. Déjà, il est assez facile

de voir que la seconde condition implique la condition de Hausdorff ;

le point difficile est d'établir la réciproque, et pour cela, on

s'appuie sur les propriétés des polynômes P £ H [ x ] qui sont stricte-

ment positifs sur ]0,1[.

Nous allons donc maintenant nous intéresser uniquement au pro-

blème des moments sur R , en traitant d'abord le problème d'existence,

puis enfin celui d'unicité.

5.1 LE PROBLEME DES MOMENTS SUR H : LA CONDITION D'EXISTENCE.

Considérons une suite ( o O de nombres réels ; déjà, si ( o O

est la suite des moments d'une mesure positive u sur 1 , alors la

matrice M = [ou j] + est de type positif. En effet, pour toute suite

finie (x^) de nombres complexes on a :

I a, , x, I = X
(I x . t ) ( Z x 7 t^)du(t)
1 J 1
i,j ^ E i j J

1 2
= f II x . t ! du(t) > 0

En utilisant les résultats du chapitre 4 concernant les prolongements

auto-adjoints d'opérateurs symétriques, on peut en fait établir que

cette condition nécessaire est aussi suffisante et ainsi :

(5.1.1) THEOREME. - Une condition nécessaire et suffisante pour que

la suite ( c O soit une suite de moments sur H , est que la


matrice M = [o^ j ] soit de type positif.
+

Preuve. - Supposons donc la matrice M de type positif et désignons

par X le sous-espace vectoriel de formé des suites x = (x^) à

support fini, c'est-à-dire telles que x^ = 0 sauf pour un nombre

fini d'indices. L'application cp : XxX -> Œ définie par


-122-

a x y
cp(x,y) = Z i+î i i
i»j > o

est évidemment une forme sesquilinéaire sur X telle que de plus,

cp(x,x) > 0, pour tout x £ X , grâce à l'hypothèse faite sur la

matrice M. Ceci nous permet de définir une application N : X -> R +

1/2
1
en posant N(x) = cp(x,x) et on obtient aisément l'inégalité

suivante, analogue à celle de Cauchy-Schwarz :

|cp(x,y) | < N(x)N(y)

d'où l'on déduit que N est une semi-norme sur X . Désignons alors

par X q le sous-espace vectoriel de X formé des points x tels que

N(x) = 0, et considérons l'espace quotient X = X/y • En posant

||x|| = N ( x ) , où x est un représentant de la classe x, il est clair

que l'on définit ainsi une norme || .11 sur l'espace X. De plus

l'espace H = X, adhérence de X (pour la norme) dans son bidual ( X ) " ,

est un espace de Banach. En fait, on peut même affirmer que H

est un espace de Hilbert. En effet, on peut prolonger cp en une

forme sesquilinéaire sur XxX, notée (.1.), en posant

(x|y) = cp(x,y) et on a encore :

l(x|7)| <||x||||yl|.

Ainsi la forme (.|.) se prolonge par continuité à l'espace HxH, et


définit en fait un produit scalaire sur H, faisant de la norme || . ||
une norme hilbertienne. Cela étant, désignons par T l'opérateur
"shift" X -> X qui, à toute suite x = (x^) £ X, associe la suite
x
Tx = (y^) telle que y Q = 0, = £ pour i > 1 . Pour x et y € X,

on a :

cp(Tx,y) = Z a. .(Tx).yT = Z a. . x. < y 7


J J J J
i,j>o i > 1
j > o

= z a x x T
. . i j l + + i ^ = ^ > y>
i,j > o
-123-

En particulier, on obtient pour tout x G X :

2 2
0 < cp(Tx,Tx) = cp(T x,x) < N ( T x ) N ( x ) .

Il en résulte que si x appartient au sous-espace X , il en est de q

même pour la suite Tx. Ceci nous permet de définir un opérateur S

sur l'espace X selon :

Sx = Tx.

Il est clair que l'on a :

(Sx|7) = cp(Tx,y) = cp(x,Ty) = (xlSy)

et ainsi l'opérateur S, dont le domaine D(S) = X est dense dans H,

est un opérateur symétrique. Par ailleurs, l'application U : X -* X

définie par Ux = x, où x = ( x . ) , est évidemment une application


1
2
antilinéaire telle que U = I et cp(Ux,Uy) = cp(x,y) . Comme le sous-

espace X q est stable par U, on peut prolonger U en une application

V : X -> X en posant Vx = Ux, puis prolonger V par continuité a

l'espace H tout entier ; il est clair qu'on définit ainsi une conju-

gaison sur H telle que, de plus :

SVx = VSx Vx G D(S).

Il résulte alors du théorème (4.4.13), que l'opérateur symétrique S

possède une extension auto-adjointe, notée S^. Désignons par E la

mesure spectrale sur E associée à l'opérateur S^, et soit e la suite

(1,0,...,0,...) appartenant à X . Pour tout n > 0, la suite T e est n

n^ ^ v
encore dans X et ainsi S e appartient a X , pour tout n > 0, c'est-

à-dire encore e G fl D(S ) . Or, dire que e appartient au domaine


n > o
n n 2
D ( S ) signifie que l'application t -» t est dans l'espace L ( E )
e*
et on a donc :

2 n
|t | dE (t) < + « Vn > 0.
J
TR e,e
-124-

n
De plus : (S e|e) = t°dE Vn > 0.

Or (S ele) = cp(T e,e) = a .

a
Ainsi la mesure positive u = ^ admet la suite ( ) pour suite
n

de moments, et notre condition est bien suffisante, •

5.2 ETUDE DU CONVEXE M(a) DE SOLUTIONS. - Comme on l'a déjà noté

dans l'introduction, R n'étant pas compact, il n'y a en général

aucun résultat d'unicité puisque l'espace Œ[x] des polynômes ne per-


2
met pas de reconstituer l'espace L ( u ) . L'exemple suivant, du à

Stieltjes, fournit d'ailleurs une illustration très simple de ce fait.

Exemple. - On considère la suite (a ) avec = 4(4n+3)!, et on

définit la fonction f : Il -> E. par f (t) = 0 si t < 0 et

f(t) = exp [- t^/^] si t: > 0. Alors la mesure = f.dt est une

mesure positive sur H admettant (<* ) pour suite de moments. En

remarquant que l'on a :

f + oo 1/4
n 1
t e sin(t )dt = 0 Vn > 0
J
o

on en déduit aisément que la mesure positive v = g.dt, où


1 1 /4 4
g(t) = exp[- t / ] (1-sin(t ' ))1 ( t ) , admet aussi (a ) pour +

]R
suite de moments, et pourtant les mesures et ne sont pas

égales.

Ainsi, partant d'une suite (a^) de nombres réels vérifiant

la condition de (5.1.1), la question de savoir si la solution u

exhibée est unique (dans ce cas, on dit que le problème est dé-

terminé), ou non (le problème est alors indéterminé), constitue

un problème important et complexe que nous aborderons au paragra-

phe (5.3). Nous allons tout d'abord donner, dans le cas indéter-

miné, une description de l'ensemble de toutes les mesures qui sont

solutions pour une même suite (a ) . On fixe donc une suite a = (a )


n n
vérifiant la condition de (5.1.1) et on désigne par M(a) l'ensemble

non vide des mesures positives u sur H telles que. :


-125-

n
a - [ t djj(t) V n > 0.

Il est clair déjà que M(a) est un ensemble convexe de mesures.

Par ailleurs, désignons par # Q R ) = ^ T T l'espace vectoriel des

fonctions continues tempérées f : JR -» JR pour lesquelles il existe un


polynôme P tel que |f | < P. On a évidemment # T çz L (JJ) pour chaque

JJ G M(a) et l'application L : # -* H définie par L (f) = J fdjj


JJ i JJ J^
est une forme linéaire sur donc un élément de l'espace # T ,
< >
dual algébrique de é ^. De plus, l'application
r -» est injective

et permet donc d'identifier le convexe M(a) à une partie convexe de

l'espace ™^ De manière plus précise, on a :


1
(5.2.1) THEOREME. - L ensemble M(ct) des mesures solutions, muni de

la topologie faible associée à l'espace # T des fonctions


continues tempérées, est un convexe compact métrisable.

Preuve. - Fixons une fonction f G ^ T ; pour toute JJ 6 M(a) , on a :

|j fdjj|< | If Idjj < Pdjj

où P est un polynôme tel que |f I < P. Or la valeur 9(P) = j Pdjj

est indépendante de JJ et ne dépend que de la suite a choisie au

départ. Ainsi, M(a) est déjà une partie faiblement bornée, donc

faiblement relativement compacte de l'espace . Pour conclure,

il suffit donc de voir que M(a) est fermé pour la topologie faible
c
a ( . , # ) . Soit donc (JJ.) une suite généralisée de M(a) telle que
$c r
JJ^ -> L G pour cette topologie faible. En particulier, si f

est une fonction positive appartenant à l'espace (R) des fonc-


o

tions continues qui tendent vers zéro à l'infini, alors f 6 % ^

et on a :
L(f) = lim fdjj. > 0.
J
i
Ainsi, L e s t u n e forme linéaire positive sur l'espace fé^QR), donc
-126-

elle s'identifie, grâce au théorème de Riesz-Alexandroff, à une

mesure positive X sur K. selon :

L(f) = fdX Vf G # 0R).


o

On va montrer que cette égalité est encore valable si f est choi-

sie dans l'espace % ^ On fixe f G et on considère une suite

cp^ G J H Ï O , espace des fonctions continues à support compact,

telle que tp^ \ tL , cp^ = 1 sur [-n,+n] et Supp <p çz [-n-1,n+1].

Avec la propriété de Beppo-Lévi, on obtient :

If IdX = lim ||f| cp dX = lim


n L[|f| cp ] n

n * n

puisque |f i cp^ G JTÛR) . Compte tenu de la positivité de L et des

inégalités |f | (p < |f |, on obtient :

|f| dX < L[|f|]

et la fonction f est X-intégrable. Remarquons que ceci prouve que

la mesure X admet des moments de tous ordres. Par ailleurs,

fixons g G # ,
T g > 1, telle que lim ^ =
°- Pour t o u t

g U ;
|x|->co

e > 0, il existe donc un entier N tel que, pour |x| > N, on ait :

|f(x)| < eg(x).

Alors, pour tout n > N, on a aussi |f (x) | [ 1-cp^(x)] < e g(x) si


|x| > n et | f (x) | [1-q^(x)] = 0 si |x| < n. On déduit de là les
inégalités :

L[|f l(1-<P )] < e L(g)


n Vn > N

et ainsi L(|f |) = lim L(|f | cp ) = j | f |dX, de sorte que L(f) = JfdX


n

7
pour toute f > 0, donc aussi pour toute f G fé ^. En particulier,

pour tout n > 0, on a :

n n n
f t d X = L(t -» t ) = lim f t djj. = a .
1 n
J J

Ainsi, la mesure X est élément du convexe M(ot) , ce qui suffit.


-127-

Reste à prouver la métrisabilité de M(a) ; or sur le compact M(a)

la topologie faible associée à # T coïncide avec la topologie

étroite associée à # (R) , qui est moins fine et séparée. Or cette


o

dernière est métrisable puisque l'espace C ( R ) est séparable, et o

tout est démontré. •

Remarque : Notons que l'on ne peut pas remplacer la topologie fai-


ble associée à # T par celle associée à l'espace 0*des polynômes,
puisque cette dernière n'induit pas sur le compact M(a) une topo-
logie séparée.

Le résultat précédent incite à la détermination des points


extrêmaux du compact M ( a ) . Le résultat ci-dessous nous donne une
caractérisation simple de ceux-ci :

(5.2.2) THEOREME (NAIMARK. 1943). - P o u r qu'une mesure JJ G M(a)

soit un point extrêmal du convexe compact métrisable M (a)

i l faut et i l suffit que l'espace 0 des polynômes soit

dense dans l'espace L^GJ).

Preuve. - Supposons tout d'abord que JJ soit un point extrêmal de


M(a). Grâce au théorème de Hahn-Banach, il suffit de prouver que
si une fonction f G L°°(JJ) est telle que J fPdjj = 0, pour tout
polynôme P G alors f=0 jj.p.p. . Fixons une telle fonction f ;
on peut supposer que f est réelle et que l'on a |f | < 1 jj.p.p.
et ainsi les fonctions g = 1+f et h = 1-f véfifient presque partout
les inégalités 0 < g < 2 et 0 < h < 2 , en particulier elles sont
dans l'espace L ^ ( J J ) . On peut alors considérer les mesures positives
sur E JJ^ = g.jj et ^2 = h.jj qui vérifient :

I t dp n
= F t (1+f (t))djj =
n n
t djj = a n V n > 0.

n
De même on a : t djj 0 = a V n > 0.

Ainsi JJ,| et J J 2 sont éléments de M(a) ; or on a -~(JJ,|+JJ ) = JJ,


2 et
- 1 2 8 -

par extrêmalité de JJ on en déduit l'égalité JJ^ = JJ^, ce qui impli-


que f=0 jj.p.p. . Réciproquement, fixons une mesure JJ £ M (a) telle
que = L ^ ( J J ) , et supposons que l'on puisse décomposer JJ sous la
forme XJJ^ + ( l - A ) ^ , avec 0 < X < 1, JJ^ € M ( a ) . Déjà, pour tout
borélien A de H tel que JJ (A) = 0 , on a JJ.J(A) = JJ (A)
2 = 0, donc JJ^
et JJ2 sont absolument continues par rapport à JJ. Grâce au théorème
de Radon-Nikodym, on en déduit l'existence de deux fonctions et
G L ^ ( J J ) , qui sont d'ailleurs positives jj.p.p. et telles que :

M 1 = f
1 .JJ et JJ 2 = f 2 .JJ .

En remarquant que pour tout A G â?(R) , on a :

J djj = J (Xf 1 + (1-X)f )djj 2

A A
on en déduit l'égalité Xf^ + (1-X)f^ = 1 jj.p.p. et en particulier
les fonctions f j et sont ¿j.p.p. bornées. Montrons maintenant que
JJ^ =JJ^9 ce qui suffira. Pour cela, on fixe cp G JT(R) ; cp étant JJ-
intégrable, il existe une suite P^ G telle que P^ -> cp dans

l'espace L ^ ( J J ) . Alors (P ) converge aussi vers cp dans les espaces


N
1 1 .
L (JJ,|) et L (JJ^) puisque l'on a :
i |P -cp|d^j = [ | P -cp | f du <
1 MltP -<p||
JjR n 1
% N 1 N
L Gi)
1

et en particulier J (p djj^ = lim J P^djj^.

Or les mesures ju^ et JJ^ étant dans M(a) , elles coïncident sur les
polynômes et ainsi :

Jcp djJ 1 = Jcp djJ 2 Vcp G J f O R )

ce qui suffit à assurer l'égalité JJ^ = / J I ^ • D

Remarque : On a déjà noté que pour une mesure JJ G M ( a ) , on a les

inclusions :

9 E L 2
( M )
1
£L (JJ)
-129-

et il est alors naturel de se demander quelles sont les mesures


2
u £ M(a) telles que & soit dense dans L (u). Ces mesures, appelées

N-extrêmales, sont bien sûr des points extrêmaux de M ( a ) , d'après

ce qui précède, mais on n'obtient pas ainsi tous les points extrê-

maux. On donnera, au paragraphe (5.3) une caractérisâtion de ces

mesures N-extrêmales.

5.3 LE PROBLEME D'UNICITE PAR LA METHODE DES OPERATEURS.

La transformée de Stieltjes. - A toute mesure positive et bornée u

sur H , on associe sa transformée de Stieltjes définie par :

i ( z ) = [Mil v Z £ t v L
J Z _ t
" ]R

Il est clair qu'on obtient ainsi une fonction 1^ holomorphe sur

l'ouvert Œ ^ H . Par ailleurs, on démontre aussi sans difficulté que

1 ' on a :

- Jm I (z) < 0 dès que Jm z > 0.

Enfin, en procédant comme dans la preuve de (4.5.4), par application

du théorème de Lebesgue, on établit les formules d'inversions de

Stieltjes-Perron :

(5.3.1) LEMME :

lim iB I (a+ig) = u({a})


3 + o ^
b
1 f
lim ~r"T— [I (a-i3) - I (ct+ig)]da =
J
B i o a
= u(]a,b[) + ~ u({a}) + | u({b}).

On déduit de là qu'une mesure positive et bornée s u r i est

complètement déterminée par la donnée de sa transformée de Stieltjes,

d'où l'intérêt de ces fonctions I lorsqu'on étudie de telles mesures.


-130-

Cet intérêt est d'autant plus grand en ce qui nous concerne que,

partant de la formule :

1 J T
K
T 1
^

= I —-—- +
z-t - k+1 n+1 -v 1
k=o z z (z-t)
on obtient immédiatement :
n n+
\ i r J1
t '
k=o z z R

et ainsi les moments de la mesure JJ interviennent dans le dévelop-

pement asymptotique de I (z) .

L'espace de Hilbert fondamental H = H (a) et les mesures quas^i-spec-

trales E ^ . - Avant d'introduire les outils nécessaires à l'étude de

la théorie, il faut préciser que désormais nous considérerons une

suite a = (a ) telle que la matrice M = [a. .] associée soit de type


n l+J
défini positif, c'est-à-dire de type positif avec en plus la con-

dition :

.1. x . x . a. . = 0 => x. =0 Vi.


i>J i J i+j i

En effet, dire que la matrice M de type positif ne vérifie pas

cette condition supplémentaire signifie exactement que la mesure JJ

solution du problème associé, est à support fini. Pour le voir,

remarquons déjà que si le support de JJ est réduit à un nombre fini

de points a^,...,a , on peut construire un polynôme P non nul dont


n

les racines sont ces points a., et qui est donc nul dans l'espace
1
2
L (JJ) . Ainsi on a :

2
IIPII =0 = Z 6. BT a. .
1 J 1 + J
2 i i

où les 3^ sont les coefficients du polynôme P, et la matrice M n'est

pas de type défini positif. Réciproquement, s'il existe un nombre

fini de complexes 6., non tous nuls, tels que I B. g. a. . = 0,


i . . i l î+j
-131-

alors le polynôme P = X 3 . X 1
est nul dans l'espace L (JJ), ce qui
i
entraîne évidemment que la masse de JJ est concentrée en un nombre

fini de points de ]R. Par ailleurs, comme on peut établir que les

mesures solutions JJ à support fini correspondent au cas où le pro-

blème est déterminé, on peut, sans restreindre en rien la généralité

de la théorie, imposer cette condition supplémentaire à la matrice M.

Cela étant, on fixe donc une suite a telle que la matrice M

associée soit de type défini positif. On peut alors placer sur

l'espace 0 = Œ[x] une norme hilbertienne associée au produit sca-

laire :

1 J
(PlQ) = I a. .p.?7 avec P = I p.X et Q = 1 q,X .
J
i,J
2
Cette norme sur 0 est évidemment celle induite par l'espace L (JJ),

pour toute solution JJ G M (a) . En utilisant le procédé d'orthonorma-

lisation de Schmidt, on peut alors introduire le système orthonormal

(P ) , k > 0, et la condition sur la matrice M assure qu'on obtient

ainsi une infinité de polynômes, que l'on peut choisir de plus tels

que, pour chaque k, P^ soit un polynôme à coefficients réels, de

degré égal à k, et dont le coefficient du terme de plus haut degré

soit strictement positif. Désignons alors par H = H(a) l'espace

obtenu en complétant abstraitement l'espace 0>. Il est clair que

le système (P-) constitue alors une base orthonormale de H, et


2
ainsi H s'identifie à l'espace l (K) dans la représentation

h = X fr^^k avec h^ = (h|P^). De plus, on peut considérer aussi que,

pour^chaque JJ G M(ot) , H s'identifie à un sous-espace fermé de L^(JJ)


qui n'est autre que l'adhérence de 0 dans cet espace L (JJ) .
2
Par ailleurs, sur chaque espace L (JJ) , on peut considérer
l'opérateur T = de multiplication par X dont le domaine est formé
2 2
des fonctions f G L (JJ) telles que Xf G L (JJ) . Il est clair que cet
opérateur est symétrique et il est assez facile de voir qu'il est
-132-

même auto-adjoint. En effet, pour cela, il suffit qu'on ait l'in-


2
clusion D ( T * ) E D(T) ; or si f G D ( T * ) , il existe h (= T * f ) € L (JJ)

telle que, pour toute g G D ( T ) , on ait :

tg(t)fTtTdjj(t) = g(t)MtTdjj(t).

Or, comme la mesure JJ possède des moments, pour tout borélien A


de E., la fonction 1 appartient à D(T) et ainsi :
A.

V A G B(R), tf(t)djj(t) = [ ïïTt7djj(t)


3
A A

on en déduit que h(t) = tf(t) jj.p.p., donc f appartient à D(T) .

Cet opérateur auto-adjoint possède alors une résolution

spectrale E sur H , d'ailleurs définie selon :

F(A)f = If VAG^OR), 2
V f £ L ()J).

Désignons alors par TT*! l'opérateur de projection orthogonal


2 .
L (JJ) -> H défini par :

iÇ(f) -Z(f|P )P . k k

Comme dans (3.1.16) exercice 2, on en déduit l'existence d'une


mesure quasi-spectrale E* : &QR) J
-> L ( H ) où l'on pose
E^(A)h =rï*j(1h ) , pour h G H. On déduit d'ailleurs de là, que pour
tous polynômes P et Q G , on a :

(E^(A)P|Q) = (TTg(1AP)|Q) = (1 A P|Q) = f


J
A
PQ d p .

Inversement, partant des égalités (E^(A)P|Q) = PQdjj, pour


A
P,Q G ^ , on obtient aisément, en décomposant h sur la base

orthonormale (P^)> les égalités :

E^(A)h = nJVl h) V h G H.
il A
Cela étant, en reprenant l'énoncé de (3.1.16) exercice 2, on

obtient :
-133-

(5.3.2) PROPOSITION. - Pour que la mesure quasi-spectrale E soit


2
spectrale, il faut et il suffit que 3P soit dense dans L (u),
1
c est-à-dire que u soit B-extrêmale.

Le problème de l'unicité par la méthode des opérateurs.

Nous sommes maintenant en mesure de donner une condition


nécessaire et suffisante pour que le problème des moments associé
à une suite ( o O soit déterminé. Celle-ci s'exprime par l'intermé-
diaire des polynômes orthonormés P^ que l'on vient d'introduire,
et auparavant, il nous faut noter :

(5.3.3) PROPOSITION. - Les polynômes orthonormaux P^ vérifient la


relation fondamentale :

XP = b P , + a P + b ,P ,
n n n+1 n n n-1 n-1

où b _ 1 = 0, b ^ = ( X P
n l p
n + 1 )> a
n
=
( X P
n > p
n )> ^ e
Produit sca-
laire sur 3P étant évidemment celui induit par l'espace L ^ ( u ) ,
pour u G M (a).

Preuve. - Comme le polynôme XP ,| est de degré (n+2) , il se décom-


pose sur la base (P^) selon :

n-1
XP = aP _ + bP . + CP + I 3 p .
n+1 n+2 n+1 n k k
k=o

Or, pour tout k < n - 1 , on a & = (XP . J P j = (P J X R ) . Comme


9 v
k n+1 k n+1 k
d°XP^ < n et par orthogonalité des P^, on obtient :

3 k = 0 k=0,...,n-1.

De même, a = ( X P Q + 1 I P ^ ) , b = ( X P R + 1 I P ^ ),

c = (XP J P ) = (P J X P ) = (XP |P , J , ce qui fournit le


n+1 n n+1 n n n+1
résultat. •

Remarque : Notons que pour n > 0, on a b > 0. En effet, le poly-


n n
k
nome P n se décompose sous la forme
I p, X avec p > 0, et par
K n
k=o
des arguments d'orthogonalité, on obtient encore :

n + 1
b = (XP |P J = p ( X | P J = — (P
n 1
. |P . ) .
n 1
n n n+1 *n n+1 P n + i
-134-

P
Ainsi b = — > 0.
n P
n 1 +

Considérons à nouveau l'opérateur T de multiplication par X,

considéré cette fois comme opérant de l'espace 0 dans lui-même ;

la relation précédente nous permet de représenter matriciellement

cet opérateur sur la base orthonormale (P^) par la matrice, dite

de Jacobi :
a n b 0 0
o o
b n a, b, 0
° 1 1
J = 0 b a b
1 2 2

• • % *• ^

• * # * , <•

On a déjà noté plus haut que cet opérateur T est symétrique, mais

considéré sur le domaine 0 , il n'est plus fermé. Toutefois, il

est fermable, en tant qu'opérateur non borné sur H, puisque son

domaine D(T) = 0* est dense dans H et que T est une extension

de T. Désignons encore par T sa fermeture (dans H) ; les résultats

acquis au chapitre 4 nous permettent d'affirmer que le domaine de T

est l'espace des fonctions f € H pour lesquelles il existe une suite

Q £ 0 telle que f = lim Q et Xf = lim XQ (au sens de la norme


n n n
de H ) , et on a Tf = Xf. On vient donc de mettre en évidence un opé-

rateur non borné T sur H, à domaine dense, et qui est symétrique

et fermé. La théorie générale exposée au chapitre 4 nous invite

donc à déterminer ses indices de défaut, et plus généralement les

noyaux K e r ( À - T ) , À £ Œ.

Les résultats obtenus sont résumés dans le théorème suivant :

(5.3.4) THEOREME (STONE - 1932). - L'opérateur symétrique fermé T

sur H admet comme indices de défaut le couple (0,0) ou (1,1).

a) Dans le premier cas, l'opérateur T est auto-adjoint et


2
Z|P^(À) | = + œ pour tout X £ Œ \ H , et tout X réel qui
n'est pas valeur propre de T.
-135-

b) Dans le deuxième cas, T n'est pas auto-adjoint, mais


admet des prolongements auto-adjoints ; de plus
ZIP (X) I 2
< + co V X G Œ. *

Preuve. - Rappelons que l'on désigne par N(.) la fonction définie


pour tout X G Œ par N(X) = dim Ker(X-T ) , et que cette fonction N
est constante sur chacun des demi-plans ouverts FT et n . Fixons
donc X G Œ \ J R , et considérons une fonction f G D(T ) telle que
T f = Xf. En décomposant f sur la base orthonormale (P ) selon
f = I P ^ , on obtient :

(T*f|P ) = X ( f | P ) =
k k X^

or (T*f|P ) = (flTP ) = (flXP ) .


k

En utilisant la relation fondamentale vue en ( 5 . 3 . 3 ) , on obtient :

Comme on a b ^ > 0 , pour n > 0 , on voit que la donnée de £ o détermine


les autres coefficients £ k qui sont tous proportionnels à Ç , et c

ainsi N(X) < 1, pour tout X G (E \ JR. De plus, si on choisit


Ç = P (À) = p , où p est une constante > 0 , on a nécessairement
Ç = P ( X ) . Donc si une fonction f non nulle appartient à Ker(X-T ) ,
n n ç
elle est nécessairement de la forme — I P (A)P. , et on a
k k
o Po
I | P ( À ) r < + «>.
k

En résumé :
- ou bien Z|P (A)|
k
2
= + œ , alors Ker(A-T*) = { 0 } et N(A) = 0 .
2
- ou bien I|P (A)|
k < + oo, alors la fonction f^ = I P ( A ) P k k

appartient à Ker(A-T ) et N(A) = 1. Comme les polynômes P,


— 2 2
sont à coefficients réels Z | ( A ) I = Z | P ( A ) I , et on a k

aussi N(A) = 1.

Finalement les restrictions de N à chacun des demi-plans T T et TT_ +

coïncident et valent soit 0 , soit 1, ce qui prouve déjà la première

assertion du théorème. Pour terminer la preuve de a ) , il suffit

d'utiliser (4.4.4), puis de voir que si A G JR n'est pas valeur


k k 9

propre de T = T , alors Ker(A-T ) = { 0 } donc Z|P (A)|fc = + œ . Pour

montrer, dans le second cas, que T possède des extensions auto-


-136-

adjointes, il suffit d'utiliser le théorème (4.4.11). Reste à prou-


2
ver que la condition Z | P ^ ( X ) | < +co y pour A € Œ ^ E , reste encore

vraie pour A réel. Or les polynômes P^ ont toutes leurs racines

réelles donc admettent une décomposition en facteurs premiers de la

k
forme p, T"ï(X-a.), où a. £ E . Alors, pour tout A = a+ib € CC, on a :
k k
X
IM >I = P t ni (a-a.) + ibl > p n la-a.l = IP ( a ) I

ce qui suffit. •

Remarque : Dans le cas où l'opérateur T est auto-adjoint, on a vu


2
que la série X | P ^ ( A ) | diverge pour tout A réel qui n'est pas valeur
propre de T. Comme l'espace H est separable, T possède au plus une

famille dénombrable de valeurs propres, et ainsi lorsque la série


2
IIP, (A)| n'est pas partout convergente dans Œ, elle diverge pour

tout A n'appartenant pas à une partie de E au plus dénombrable.

Il convient maintenant de tirer les conclusions du théorème de

Stone, pour le problème qui nous intéresse, à savoir l'unicité ou

la non-unicité de la mesure JJ solution du problème des moments asso-

cié à la suite a = (a^) . Déjà, en examinant le premier cas du théo-

rème précédent, on obtient :

2
(5.3.5) THEOREME. - Lorsque Z|P (X)I fe = + œ pour tout A E Œ \ E

(ou pour un seul A € (C ^ E j , l'opérateur T est auto-adjoint.


Si E désigne la mesure spectrale associée à T, alors le pro-
blème des moments admet une solution unique qui est la mesure
2
J J = E J J . = E ^ J J .
< De plus, 0 est alors dense dans L ( J J ) ,
Preuve. - Soit donc E la mesure spectrale canonique de l'opérateur

auto-adjoint T ; il est clair que la mesure positive et bornée

JJ = E ^ est solution du problème des moments, puisque l'on a, pour

tout k > 0 :
k
t dE f f (t) = (T 1I |1I) = (X |1l) « C L
k k

J 1 1 R
E
-137-

par définition du produit scalaire sur 3P . Montrons maintenant que


cette solution JJ est unique. Or, tout X G Œ ^ H est dans le résolvant
p(T) de T, et pour un tel X on a :

R (x,T) = f

d (
c'est-à-dire encore (R(X,T)1I 111 ) = ^ ^ . Or R(X,T) opère de H

sur D ( T ) , donc la fonction f = R(X,T)1I appartient à D(T) et on a


2
(X-Df^ = 11 dans H, d'où (X-X)f A = 11 dans tout espace L (v) , pour

v £ M(a) . On déduit aisément' de là :

Ainsi, les mesures JJ et v ont même transformée de Stieltjes, donc

elles coïncident. Pour terminer, prouvons que dans ce cas, 9 est


2 2
dense dans L ( J J ) , donc en fait H = L (JJ). Considérons pour qela une
2
fonction f G L (JJ), orthogonale au sous-espace , et montrons que

f=0 jj.p.p. . Rappelons que l'opérateur non borné f(T) a pour domaine

l'ensemble des fonctions g G H telles que | |f |^ dE^ < + oo. Ainsi la

fonction 11 appartient à D[f(T)], et pour tout n > 0, on a :

n n
(f(T)1I |T 1I) = \ f ( t ) t % ( t ) = (f|X ) = 0.

Donc la fonction f(T)1I , qui est élément de H, est orthogonale à

ce qui implique f (T) 11 = 0. Or on a : || f (T) tL || = || f ||


L 0 0
2 . .
Donc f=0 dans L (JJ) , ce qui suffit. •

Si on s'intéresse maintenant au second cas du théorème (5.3.4),


2
lorsque Z | P ^ ( X ) | < + œ pour tout X G Œ, on sait déjà que l'opéra-

teur T n'est pas auto-adjoint mais qu'il admet des prolongements

auto-adjoints. En utilisant les résultats obtenus au chapitre 4,

et en particulier le théorème (4.4.11), on peut alors affirmer que

toutes les extensions auto-adjointes de T s'obtiennent à partir de

toutes les isométries surjectives de D + sur D _ , où D + = Ker(T -i)

et D_ = Ker(T*+i). Or, dans notre cas, dim D + = dim D_ = 1, et on a

vu que les fonctions f. et f . (= f . ) , définies par f. = I P (i)P. ,


1 1 11 I K K .
engendrent respectivement D + et D _ . Ainsi, toutes les isométries
-138-

surjectives de D + sur D_ sont en fait déterminées par la donnée

d'une constante 9 telle que |0| = 1, selon J ( f . ) = Gf .. De plus, Q

u 1 —1
l'extension auto-adjointe de T correspondante, notée T^, est carac-

térisée par son domaine :

D(T ) 0 = D(T) é D Q

où D est le sous-espace de D © D identifié au graphe de J .


o + — u
Ainsi on a :
D_ = Œ G N avec G = f. + 9f
A
0 8 0 i - i

Enfin, T n est la restriction de T au sous-espace D(T ) , ce qui


0 0
implique en particulier :

T G T G
e e " * e = i f
i " i 9 f
-i-

Chacune de ces extensions auto-adjointes T de T possède une résolu-


0
tion spectrale, notée E , et on peut alors établir :
0
2
(5.3.6) THEOREME. - Lorsque ZIP ( X ) I < + «> pour tout A € Œ,
1
K.

l'opérateur T n'est pas autoadjoint, mais il possède une

infinité d'extensions auto-adjointes T , indexées par le tore n

IGI = 1. Le problème des moments possède alors une infinité

de solutions, parmi lesquelles on trouve les mesures


V
Û =
(E (.)tL ItL), associées aux mesures spectrales E des T..
A
0 0 0 0
Ces mesures sont N-extrêmales, c'est-à-dire que & est dense
2
dans chaque espace L ( v _ ) .
0
Preuve. - Il est déjà facile de voir que chaque mesure positive et
bornée v est solution du problème des moments. En effet, pour tout
0
n n
n > 0, la fonction T 1I = X est élément de D(T) donc de D ( T ) . Q

u
De plus, la restriction de T à D(T) n'est autre que T, si bien que
0
n
II - X . On en déduit :
e
n
(T" TL f tl ) = (X l 11 ) = a .
y n
Par ailleurs, on a aussi :

n
(T° 11 111) = t dv.(t)
6 J 6
m
2
ce qui suffit. La densité de dans l'espace L ( v ) , s'obtient G

0
-139-

comme dans la preuve de (5.3.5). Il reste donc seulement à prouver

que ces solutions sont toutes distinctes. Pour cela, notons que la

propriété d'auto-adjonction de T 0 assure que l'on a i G p ( T q ) , donc,

on peut considérer R ( i , T ) Q : H -» D ( T ) . En particulier, la fonction


0

R(i,Tg)1I appartient au sous-espace D ( T q ) donc se décompose sous

la forme :

R(i,T )1I 0 = (p + c G 0

avec cp £ D(T) et c G Œ. On a donc :

(i-T )(<P + c G ) = 11 .
Q 0

De plus, T <p = Ttp = Xcp , et en utilisant l'expression de la fonc-


ez
tion T G , on obtient finalement :

u o

(i-X)ip + 2ic e f ^ = II

soit encore :

((i-X)ip I f_.) + (2ic 0 f _ l f _ ) = (11 lf_ )


i i i

or ((i-X)ip I f_.) = ((i-T)cplf_ ) = -((p I (i+T*)f_ ) = 0. i i

2 2
Par ailleurs (f .If .) = T IP,(-i)l = X IP,(i)l .
1 1 K. X
Enfin : .
(il If .) = -L (p I x p (-i)p ) = 1
-i P o . k k
° k ^ o
si bien que cp et c sont déterminées par les égalités suivantes,
2 . 2
où l'on a posé A = I |P^(i)| :

(i-X) cp = 1 - -Lf

I iê
c = ^
1
2A

et en particulier on peut noter que cp est indépendante de 8. De

tout ceci, on déduit que l'on a :


(t)
r S
i (i) = tV- (R(i,T )ii l u ) =

= ((p|H) + c(G |ÎI) e

- (tpltt) - i I i |
2
2A
-140-

et ainsi, les transformées de Stieltjes des mesures v^, calculées

au point i, sont toutes distinctes, ce qui implique que les mesures

VQ sont toutes distinctes, et on est bien dans le cas d'indétermi-

nation, o

Remarque : On peut même préciser, grâce à ce qui précède, que ces

valeurs I (i) décrivent, lorsque 6 décrit le tore, le pourtour T


v

6
d'un disque de centre GÛ et de rayon R avec :

a) = (cpltt) - - ~ - ; R = - L.
2à 2A Z

On peut remarquer aussi que ce disque est tout entier contenu dans

le demi-plan n puisque l'on a :


dv (t) Q

( i ) =
\ f — - -f - ^ « V t )
V J 1 t J 2 9
0 Il ]R 1 + t

et donc [I (i)] < 0. En revenant à l'expression


v
e
i (i) = (pm) - i H i
v
2A e
on peut d'ailleurs localiser sur le cercle r les valeurs de I (i)
v
e
correspondant aux valeurs particulières 8 = 1, - 1 , i, -i

1- axe réel

, + e = - K i v ( i ) - - (tplii))

. ( l) ;'
e=-i j / e=i

»e=i
Ainsi, pour tout point Ç du cercle frontière T ( i ) , il existe

une mesure N-extrêmale v Q telle que £ = I ( i ) . Maintenant, si £ est

un point du disque D ( i ) , on peut décomposer £ sous la forme

Xz^ + ( 1 - X ) z 2 avec 0 < X < 1, où z^ et z^ appartiennent à T ( i ) ,

donc sont associés à des mesures N-extrêmales v et v . On déduit


e 1 e 2
-141-

de là que Ç = I (i) où /J est la mesure Xv^ + (1-^)v^ , donc est


^ 1 2
une mesure solution. Ainsi, tout point du disque D(i) est la trans-
formée de Stieltjes, calculée au point i, d'une mesure JJ G M(ot) .
Ceci nous amène à localiser toutes les transformées de Stieltjes
I (i) , lorsque JJ décrit M(a) , ou même, de manière plus générale,
les transformées de Stieltjes I^(z), pour toute mesure JJ G M(a) , et
tout z G Œ \ R . Les résultats obtenus sont résumés dans le théorème
suivant :

(5.3.7) THEOREME. - Pour tout z = a + ib, b > 0, la transformée de

Stieltjes I (z) décrit, lorsque JJ décrit le convexe compact

M(ct) des solutions, l'ensemble des points d'un disque fermé

D(z) de centre :

o)(z) = Ц — |1 + 2ib X P (z)Q (z)


K K J
2ib A ( z ) Z L
k > 1

et de rayon R(z) = IL , où l'on a posé :


Z
2b A ( z )
oo
2 2
A (z) = X |P (z)|
k

k=o

et où est la suite des polynômes :

p (z) p (t)
Q ( z ) = r J kE " *k d u ( t )

J
* z-t

d'ailleurs -indépendants de la mesure u choisie dans M(a) .

Preuve. - Commençons déjà par localiser la valeur pour une

mesure solution u C M ( a ) , et pour cela, revenons à l'expression

de la fonction (p introduite dans la preuve de (5.3.6). On a :

(i-X)cp = i - J- f

D'où on déduit :

M 1 I ) . [ M I ' f ii-dp(t).
J i
i-t A i-t

Alors I (i) - a) = (<p|tE) - o) + -^-(jrf Ifj)


-142-

I + 1 ( J .] .) F (ALT | F J

Z Z Z
2A A i-t 1
2iA i-t 1

2
puisque (11 lf^) = 1 . Le but est d'évaluer la quantité ll^(i)-tji)l
et pour cela on considère la projection h = h^ de la fonction
2
-r~~ G L ( u ) sur le sous-espace H.

Comme la fonction f^ appartient à H, on a évidemment

, .)f . ( h if.).

De plus, on peut décomposer h sous la forme h = h + rf^ où h 1 f,


et ainsi :

2
(4^7- If.) = rllf .II = r A , 2

i-t i i

On déduit de là que l'on a :

(*) yi>-*--à
et finalement, tout revient à calculer la valeur de r (-r ) .
2 ~ 2 2 2 ^
Or, on a évidemment llhll = llhll + r A , soit encore :

2 2
r 2
= 4 T tiih n - iih n ] .

Nous allons montrer qu'en fait la fonction h ne dépend pas de la


mesure u choisie dans M(a) (bien que h en dépende). Pour cela,
notons déjà que pour toute g G D ( T ) , o n a :

((T-T)glh) = ( ( T - x ) g | | ^ ) = | g (t)(T+t)du(t) = (gli+t).

Ainsi h appartient à D(T ) et de plus (i-T )h = i+t. Si v est: une

autre mesure solution, de l'égalité :

T
( i - * ) < y V - o.
on déduit : ( i - T ) (b - \ ) = 0-

Alors h -h G Ker(i-T ) = Œ f., et comme par hypothèse on a


u v i
(h -h ) J_ f., il en résulte que h = h . Ainsi, pour calculer h,
u v i u v
on peut choisir pour u une mesure solution de la forme v (avec Q

0
-143-

les notations de ( 5 . 3 . 6 ) . & est On a vu que dans ce cas, l'espace


2 i+t 2
dense dans L (v ) , c'est-à-dire encore H * L ( v ) , et ainsi -
Q = h n
1 t
2 ~
dans L ( V Q ) ce qui permet d'écrire :

2 2 ~ 2 2 ?
Il 1Iir = l l h i r = l l h i r + r A.
v
e

Par a i l l e u r s , grâce à c e q u i p r é c è d e , o n a encore :

2 2
II v (i) - to I = R avec R = — ~
e 2 A
et d'après (*) o n a aussi :
2

U (i) - u l 2
-^Ja .
2 2 2
D'où finalement r 2
= 4R et |[h|| - ||1I|| - 4 R 2 2
A .
v
e
En revenant à u n e solution u q u e l c o n q u e , o n o b t i e n t , toujours
d'après (*) :
2 2 2
, r ||h I! - Ihll
2
U/i) -o,! g
* 4A

= R 2
- - ~ [Il HA 2
- llh | | ] . 2

Z M
4A
2
2 2 2 2
Or | | 1 ± | - h || = ||±±£ Il - llh || = II1III - llh || puisque I î ± £ I - 1,
î-t p l-t u u i-t
et ainsi :

2 2 2
(**) | I ( i ) - col = R
p - | Il - h ^ II .

Cette égalité prouve que la transformée de Stieltjes ^ ( i ) appar-

tient au disque D(i) limité par le cercle T(i) de centre a) et de

rayon R. Avant d'examiner le cas d'un point z quelconque de (E \ ]R,

revenons sur l'expression de w (= o)(i)). A partir de l'égalité

(IPMI) . [âiw J
i r Eli
J
d u ( t )
i-t A i-t
2
et comme f\(i) = A , o n obtient :

. f f7(i)-f7(t)
((PMI) = - V — - - d (t) M

A Z
J i-t
-144-

P ( i ) P ( t )
1 f k - k
J
A k î-t

A k

ce qui permet de retrouver l'expression de ca(i) donnée dans l'énon-

cé (5.3.7). Si maintenant on fixe un point z = a + ib, b > 0, on

peut déjà noter :

-r z/ ) \ _ f djj(t) _ 1 f djj(t)
V - J - 5 = r ' - b J :—JEi 1
" b

et ainsi on a I (z) = I (i) où v est la mesure sur ]R image de la f

V
1 » . . t-a
mesure -r- • JJ par l'application t -* — — . Il est clair qu'on obtient
b b 0

une suite orthonormale dans L (v) en considérant les polynômes P R

définis par :

P
n
(s) = Vb P
n
(a + bs)

et avec la théorie précédente, on en déduit que les transformées

de Stieltjes ^ ( z ) appartiennent au disque D(z) de rayon R(z)

donné par :

2 2 2
R(z) = - ~ avec A = Z |P,(i) | = b X|P, (z) |
Z R
2A k * k

2 2
et ainsi R(z) = \ où A ( z ) = Z |P ( z ) | .
Z R
2bA (z) k

Ce disque a pour centre le point u)(z) tel que :

«o(z) = ± I P (i)Q (i) -


k k

2 A
A

et en revenant aux expressions des polynômes P ^ et Q^, on obtient

finalement :

a)(z) = ^ 1 + 2ib Z R T Z T Q , (z)|


L R R J
2ibA (z) k > 1

ce qui termine la démonstration. •


-145-

Remarque : L'égalité 1 1 ^ (i) - u) 1 2


= R 2
- ~ "~ ^ J P > obtenue

dans la preuve de (5.3.7) montre de plus qu'une condition nécessaire


et suffisante pour que I (i) appartienne à la frontière T(i) du
^ . i+t . 1
disque D ( i ) , est que la fonction - — , ou encore la fonction - — ,
i-t i-t
appartienne à H. Nous allons démontrer qu'une telle propriété
caractérise en fait les mesures N-extrêmales.

(5.3.8) THEOREME (RIESZ - 1923). - On suppose le problème des


moments indéterminé et on fixe JJ G M ( a ) . Alors les assertions
suivantes sont équivalentes :
a) 9 est dense dans L (JJ), c'est-à-dire JJ est N-extrêmale.
b) JJ est l'une des mesures v .
u

c) On a I^(i) G T(i).
d) Il existe z = a+ib, b > 0, tel que I^(z) G T ( z ) .
e) On a I^(z) G T(z), V z G Œ \ H.
Preuve. - On a déjà prouvé b => c, et il est clair que l'on a
c => d ) .
d => e : On fixe le point z = a+ib pour lequel on a I (z) G T ( z ) ,
1 . ^
ou encore tel que la fonction f : t -» -^-^ appartienne à H. Or :
n 1 k n
1 " t t
+
Vn > 1 - V = I T~~TT —~
z-t k+1 n. .
o z z (z-t)
et ainsi t f appartient à H pour tout n, soit Pf G H, V P G
n
.
On déduit de là que gf G H, V g G H. En effet, pour une telle g,
il existe une suite de polynômes tels que -» g, et comme f
2
est bornée, on a aussi fQ^ -* fg dans L ( J J ) . Or fQ^ G H pour
tout k, il en est donc de même pour la fonction fg. En particulier,
k
k 1
pour tout k, la fonction f : t -» (—-) est dans H. De plus, la
1
fonction z -> est holomorphe sur Œ ^ J R , donc developpable en
z-t
série de Taylor au voisinage du point z. Pour tout z' tel que

|z-z'| < b , on a donc :


T k
1 = (z -z) y
z'-t _ r , .k+1 "
k > o (z-t)
lz-z'I lz-z'I
Or < — r * donc cette série converge uniformément en t
1 z-t [ b
-146-

2 , 2
et a fortiori dans l'espace L (u) ; comme H est fermé dans L ( u ) ,
1
on en déduit que ——
j - £ H, pour tout z £ D(z,b[, et finalement f

z t +

! f
pour tout z £ FT , d o ù e) .

2
e => a : Pour montrer que ^ est dense dans L (u) , il suffit de
2 2
voir que l'on a H = L ( u ) ; soit donc f £ L ( u ) telle que f soit

orthogonale à H, Comme par hypothèse ~~£ £ H, pour tout z G Œ ^ H ,


on en déduit :

(f z-t = Jf 4z-t
n r ^(t) = 0
V z U M l .

Ainsi la mesure f . u a une transformée de Stieltjes nulle ce qui


2
suffit à prouver que f . u = 0, ou encore f = 0 dans l'espace L ( u ) .
2
a => b : Considérons sur l'espace H = L (u) l'opérateur X de mul-
tiplication par t, défini par (Xf)(t) = tf(t), sur le domaine
2 2
D(X) = {f £ L ( u ) ; Xf £ L ( u ) K II est clair que X est symétrique
et prolonge T. De plus, X est auto-adjoint ; en effet, si g £ D(X ) ,
pour tout f £ D(X) on a :

2
(Xflg) = (flh) avec h = X*g £ L ( u ) .

Ainsi pour tout P £ & , on a aussi :

J p ( t ) t i < r t T d u ( t ) = J P(t) hTt)djj(t).


2
Comme on est dans le cas où est dense dans L ( u ) on en déduit
l'égalité :

|f(t)tKt)du(t) = J f(t)hTt)du(t)
2
pour toute f £ L ( u ) , et finalement tg(t) = h(t) dans l'espace
2 2
L ( u ) , donc Xg £ L ( u ) et g £ D ( X ) , ce qui assure l'égalité
*
D(X) = D(X ) • Comme on est dans le cas d'indétermination, cet:
opérateur X est nécessairement l'un des prolongements auto-adjoints
\
T„ de T. Comme on a R(z,X)tL = — - , on en déduit :
0 z-t

I ~pjr - ("iit 1 1 1 R
) - ( < > ) z x 1 1 1 1 1
) - <R(z,T ) m u ) e - J ^ |
-147-

et ainsi les mesures JJ et sont égales puisqu'elles ont même


transformée de Stieltjes. •

Pour terminer, nous allons examiner les propriétés de conti-


+
nuité des disques D ( z ) , lorsque z varie dans T T par exemple. Ceci
nous permettra de voir que le problème des moments sur H peut aussi
s'interpréter en termes de fonctions holomorphes, et de découvrir
ainsi un autre aspect de la théorie que, faute de temps, nous ne
développerons malheureusement pas.

(5.3.9) PROPOSITION. - Pour tous -points z et z' £ TT , on a les


inégalités :

a o 1
|R(z)-R(z')| < ^ ' '

a 2
i"(z)-u>(z')i < °' :f'
bb '

avec z = a+ib et z' = a'+ib'. Ainsi les disques D(z) varient


continuement avec z £ TT . En particulier, la fonction
+
2 2
A (z) = Z|P^(z)| est continue sur Œ et la série converge
uniformément sur tout compact de Œ.

Preuve. - Déjà, si JJ est fixée dans M(ot) , pour tous z,z' £ T T , +

on a :

< ! ^ * . ( . , . . j ^ i .

Comme tout point Ç ' £ D(z') est de la forme I^(z'), pour une cer-
taine mesure JJ £ M(a) , on en déduit :

| z Z
d(Ç', D(z)) < a o . ~ |'

ce qui permet d'obtenir :

1 z 1
2R(z') < 2R(z) + 2a ~*'

o bb

soit encore, par symétrie :

1z z f 1
|R(z') - R ( z ) | < a o . " b b t .
-148-

Par un argument du même type, on obtient aussi que pour tout


f
lz-z I
F
£ G r ( z ) , on a d ( Ç , T(z)) < a. —
f !
— , ce qui permet de voir o

que le cercle T ( z ) est contenu dans la couronne de centre IÙ(Z)


T

Iz-z I 1

et de rayons R(z) ± ô, avec ô = a — r - r - r — , et conduit enfin à


° 2 1 E N
l'inégalité |(jo(z)-(Ji)(z ) I < ô. Comme on a A (z) = 2 R ( ) » ^
f
Z

résulte que cette fonction est continue sur Œ, et la dernière


assertion est alors conséquence immédiate du théorème de Dini. •

(5.3.10) COROLLAIRE 1. - La fonction noyau

OO
f f
K(z,z ) = Z P (z)P (z )
k k

k=o
f
est une fonction entière des deux variables complexes z et z ,
2
De même, pour toute suite (a^)€ £ , la fonction
oo
8L Z
A(z) = I ^\S ^ es
^ u n e on
f °tion entière de z. En particu-
o

lier, tout élément h G H est la restriction à ]R d'une fonc-

tion entière.

Preuve. - Seul le dernier point demande peut-être à être précisé.


oo
Mais une fonction h € H est de la forme h(t) = Z (h i P ^ P ^ t ) > °ù

2 °
la suite ((h|P,)) appartient à l . Ainsi, h est la restriction à E
K- oo
D
de la fonction entière A(z) = Z (h P ^ P ^ z ) .
o
Comme conséquence immédiate de ce corollaire, on obtient :

(5.3.11) COROLLAIRE 2. - Pour toute f G L ( / J ) , 2


la projection r £ f

est la restriction à E . d'une fonction entière définie par :


OO r

n£ f(z) = Z(f |P )P (z) =


J
K(z,t)f
k fc (t)djj(t).
o E.

Preuve. - La première égalité provient de ( 5 . 3 . 1 0 ) puisque l'on a

(f |P. ) = (TT^f |P, ) . Par ailleurs, pour tout n > 0 , on pose

n
K (z,t) = Z P (z)P ( t ) . Alors :
n K. K.
o
oo
2 2
||K(z,.)-K (z,.)|| = I |P,(z)| .
n 2 k
L (u) n+1
-149-

2
Ainsi K^Cz,.) converge vers K(z,.) dans l'espace L (JJ) , cette
convergence étant d'ailleurs uniforme lorsque z décrit un compact
2
de Œ. Puisque f appartient à L (/J), on a a fortiori :

(K(z,.)|f) = lim(K (z,.)lf)


n

c'est-à-dire encore :

n
r
K(z,t)f (t)djj(t) = l i m l P ( z ) ( f | P )
fc k

^ n o

= n j j f (z)

et ce, uniformément par rapport à z sur tout compact de Œ. •

Pour conclure, donnons, comme dernière conséquence de ces

résultats, une autre caractérisation des mesures N-extrêmales en

termes de fonctions holomorphes.

(5.3.12) THEOREME. - Les assertions suivantes sont équivalentes :

a) JJ est N-extrêmale.
2
b) Toute fonction entière, qui appartient à L (JJ), est en

réalité dans H.

En particulier, le support d'une mesure ^-extrémale est une

partie discrète de ]R.


2
Preuve. - Il est clair que a) => b) puisqu'alors H = L (JJ) .
b =» a : Déjà, grâce à (5.3.11), pour toute fonction entière
2
f G L (JJ) , on a :

(*) f(z) = j K(z,t)f(t)du(t)

2
où cette égalité est à lire dans l'espace L (JJ) , c'est-à-dire JJ-

presque partout en z. On déduit de là que le support de JJ est une

partie discrète de H . En effet, dans le cas contraire, on peut

trouver un point x G Supp JJ non isolé, donc limite d'une


o suite
(x ) G Supp JJ. On alors, pour n > 0 :
n

f ( x ) = f K(x ,t)f(t)du(t)
n J n

et le point x o est un zéro non isolé de la fonction holomorphe


-150-

g(z) = f(z) - J K ( z , t ) f (t)djj(t) . Cette fonction g est donc partout

nulle, ce qui signifie encore que l'égalité (*) ci-dessus est réa-

lisée en fait pour tout z £ Œ. Pour aboutir à une contradiction,


2
on choisit la fonction f définie par f(z) = exp[-nz ] , qui est
2
entière et dont la restriction à E appartient à L (JJ) . Ce qui pré-

cède nous permet alors d'affirmer que l'on a, pour tout x £ R et

tout n £ E :
2 f 2
exp[-nx ] = K(x,t)exp[-nt ]djj(t).

Par application du théorème de Lebesgue, on obtient lorsque n -» + o o :

1 { 0 } ( x ) = j K(x,t)1 { 0 } (t)du(t) = K(X,0)JJ{0}.

En particulier, si x=0, on a 1 = K(0,0) J J { 0 } , et comme J J est une

mesure positive, on a nécessairement JJ{0} > 0 et K(0,0) > 0. Alors,

pour x^O, on obtient K(x,0) = 0, ce qui est absurde puisque le

noyau K est continu. Donc, sous l'hypothèse b) on sait déjà que

la mesure solution J J a un support discret. Pour établir qu'elle

est N-extrêmale, il suffit, en vertu de (5.3.2) de voir que la


J
mesure quasi-spectrale E^ qui lui est canoniquement associée, est

en réalité spectrale. Pour cela, on applique l'hypothèse b) à la


2
fonction entière f(z) = exp [-n(z-a) ] , où a £ Supp JJ . Comme J J est

discrète, pour tout x £ Supp JJ , on a :

2
exp[-n(x-a) ] = | K(x,t)exp[-n(t-a) ]djj(t) .
2

En choisissant x=a et en faisant tendre n vers + oo 9 on obtient :

1 = K(a,a) jj{a}.

Si maintenant x est un point de Supp J J , distinct de a, on obtient,

toujours par passage à la limite :

K(x,a) = 0.

Rappelons que la mesure quasi-spectrale E^ est définie par les

égalités :

E^(A)h = nJJ(1 h) A A £ B O R ) , h £ H.
ri A
-151-

Ainsi, pour tout a G Supp u, on a :

l n h a
E* (A)h(a) = î J ( 1 ) ( ) = { K(a,t)1 (t)h(t)cUi(t)
A A

I K(a,x)1 (x)h(x) J J { X }
A

x G Supp JJ

= K(a,a)1 (a)h(a) jj{a} = ( 1 h ) ( a ) .


A A

Il en résulte que les fonctions E^(A)h et 1 h coïncident sur le


2
support de JJ , elles sont donc égales dans l'espace L (JJ) , ce qui

suffit à prouver que la mesure E^ est spectrale, et donc JJ est

N-extrêmale. •
-152-

CHAPITRE 6 - INTRODUCTION AU FORMALISME

DE LA MECANIQUE QUANTIQUE

Il ne s'agit pas, dans le peu de temps que nous consacrons

au sujet, de faire un exposé général des méthodes de la mécanique

quantique et de l'historique de ces méthodes. D'ailleurs la théorie

n'est pas, à l'heure actuelle, totalement achevée et il n'existe

pas "une" axiomatique de la mécanique quantique, mais plusieurs,

suivant que l'on prend en compte différents phénomènes, de sorte

que la théorie "définitive", si elle existe, n'est pas encore

élaborée. Rajoutons à cela que des pans entiers restent en chantier,

du point de vue mathématique essentiellement, lorsqu'on aborde

certaines généralisations importantes : théorie des champs quanti-

ques (à une infinité de particules), introduction des effets rela-

tivistes (nécessaires pour les hautes énergies). Enfin nous laisse-

rons aussi de côté le rapport avec la théorie des groupes, pourtant

essentiel, lorsqu'on veut tenir compte des effets dus au spin.

Notre objectif restera donc modeste et sera centré sur la

théorie des opérateurs. Il s'agira d'apercevoir (à défaut d'exami-

ner en détail) comment s'introduisent les opérateurs auto-adjoints

(bornés ou non) par leurs propriétés spectrales. Pour ce faire

nous suivrons principalement la monographie classique de MACKEY

(The mathematical foundations of quantum mechanics, 1963), en

faisant appel quelquefois à la synthèse récente présentée par

BELTRAMETTI et CASSINELLI (The logic of quantum mechanics : Ency-

clopedia of Mathematics and its applications, vol. 15, 1981)., Mais,

même dans ce cadre suffisamment restreint, nous devrons encore

beaucoup résumer, en choisissant d'exposer quelques-uns des résul-

tats principaux, sans nous préoccuper de la manière dont ils ont


-153-

été élaborés, c'est-à-dire sans faire l'analyse théorique précise

des expériences physiques qui leur ont donné naissance. Comme pour

toute théorie physique, la justification de la validité d'une axio-

matique est fournie par la précision avec laquelle elle permet de

prévoir les résultats expérimentaux cruciaux. De ce point de vue,

le succès est exceptionnel, puisque la mécanique quantique a permis

d'expliquer, depuis les années 1924-26, une quantité incroyable de

faits physiques avec une précision jamais mise en défaut. Le pro-

blème se poserait même plutôt à l'envers : pour trancher entre dif-

férentes axiomatiques (par exemple l'introduction ou non des "va-

riables cachées"), ou même différentes "philosophies" de l'interpré-

tation du monde physique (partiellement déterministe ou totalement

indéterministe), il faut pouvoir bâtir certaines expériences physi-

ques d'une finesse prodigieuse et savoir correctement les inter-

préter. Pour un exemple d'une telle situation, fondamental pour

l'avenir de la théorie, on pourra consulter l'article de M. ARVONNY :

"Dieu joue probablement aux dés" dans le Monde des Sciences et

Techniques du 15.12.82. Dans cet article de vulgarisation scienti-

fique au bon sens du terme, l'auteur explique pourquoi certaines

expériences récemment faites à Orsay, ont toutes les chances de

permettre le rejet des hypothèses qu'Einstein avait toujours for-

mulées, quant à l'existence d'une théorie partiellement détermi-

niste englobant la théorie quantique actuelle.

Mais revenons à notre sujet qui sera exposé en trois parties :

l'une décrivant la "statique", c'est-à-dire où le temps n'intervient

pas en théorie ; l'autre décrivant la "dynamique", c'est-à-dire

explicitant l'équation de propagation de Schrtîdinger ; enfin la

troisième ramenant l'intérêt aux problèmes mathématiques liés à

la caractérisation des opérateurs auto-adjoints, ou essentiellement

auto-adjoints, où l'on retrouvera quelques rapports inattendus avec

le problème des moments.

6.1 L'AXIOMATIQUE DU FORMALISME STATIQUE.

Le problème essentiel, et les difficultés essentielles d'in-


-154-

terprétation de certaines expériences paradoxales (trous de Young)

qui, surmontées, ont permis l'élaboration de la théorie, concerne

la liaison qui existe entre un système physique " q u a n t i q u e " e t les

mesures que l'on peut faire sur lui, à travers tel ou tel appareil-

lage, de telle ou telle quantité caractéristique de ce système

(énergie, position d'une particule, moment cinétique, . . . ) . En

mécanique classique, "macroscopique", une mesure se fait en prin-


11
cipe par la mise en dérivation d'une partie "infime du système,

partie que l'on observe à travers l'appareil de mesure, et dont

le prélèvement ne modifie pas, de façon significative, l'état du

système. On pourra penser par exemple à la mesure d'une intensité

électrique, d'un potentiel, de la vitesse d'un véhicule. On traduit

cela en disant, au moins idéalement, qu'il n'y a pas d'interaction

entre le système et l'appareil de mesure (ou l'observateur). Par

ailleurs, et ce point est lui aussi essentiel, deux mesures d'un

même système physique, prises dans les mêmes conditions physiques

et pas nécessairement à des temps voisins, donneront les mêmes

valeurs.

En mécanique quantique il n'en est rien. D'une part la mesure

d'une quantité physique peut prendre "simultanément" plusieurs

valeurs, où l'on entend par là que des mesures faites sur des sys-

tèmes analogues donnent des résultats différents ; d'autre part

la mesure une fois faite, et donnant tel résultat, donne non seu-

lement une information sur l'état du système (relativement à cette

quantité) mais laisse ensuite le système dans un état modifié (per-

turbé par la mesure). Enfin certaines règles expérimentales, con-

nues depuis longtemps, ont établi que certaines quantités (par

exemple une énergie) ne pouvaient prendre que des valeurs bien

particulières (raies spectrales traduisant physiquement le fait que

le "spectre d'énergie" d'un atome par exemple, est discret et

caractéristique de cet atome).

La résolution des contradictions apparentes se fait en admet-

tant qu'un système physique peut se trouver "simultanément" dans

plusieurs états différents, c'est-à-dire qu'on ignore en fait


-155-

exactement dans quel état il se trouve et d'ailleurs des transi-


11
tions entre états peuvent se produire "spontanément . Faire une

mesure c'est obtenir la valeur "probable" d'une certaine quantité E,

laissant le système dans un état nouveau tel que si l'on répète

"immédiatement" la mesure sur le système modifié (et non sur un

système analogue indépendant du premier mais ayant les mêmes carac-

téristiques) , on obtient de nouveau la valeur E, le nouveau système

modifié étant alors identique au précédent. On voit, par ces ré-

flexions grossières, qu'une notion de probabilités intervient, de

même qu'un "spectre" de valeurs, et que faire une mesure sur le

système, c'est lui appliquer une certaine opération idempotente.

Cette opération idempotente va se traduire en fait par un projec-

teur, le spectre des valeurs par une mesure spectrale, et il res-

tera à préciser la notion d'état. Comme la quantité mesurée est


1
liée à la mesure spectrale, on lui donnera le nom d observable

(exprimant en clair que l'observateur est quelque part, représenté

par l'appareillage de mesure) et on admettra que c'est un opérateur

auto-adjoint (pour qu'il ait une mesure spectrale et qu'il soit

déterminé par e l l e ) .

L'axiomatique de base. - On en arrive ainsi à considérer, en pre-

mière approximation, qu'un système physique étant donné, on lui

associe un espace de Hilbert Jtf, supposé complexe et séparable.

Chaque vecteur x £ représente un état du système, quand on le

suppose unitaire et défini d'ailleurs à un nombre complexe de

module 1 près. Chaque quantité à mesurer, c'est-à-dire chaque

observable, est représentée par un opérateur auto-adjoint A, borné


A
ou non, défini par sa mesure spectrale E(.) = E (.) selon

A = J AdE(X). Que se passe-t-il quand on mesure l'observable A ?

Supposant le système dans l'état x, l'observable A (ou la mesure

associée) est seulement connue par sa loi de probabilité sur la

droite numérique H , laquelle est précisément la mesure scalaire


2
E ( . ) = (E(.)x|x), qui est une probabilité puisque ||x|| = 1.
x

A partir de là se posent deux questions importantes : la

première est de connaître l'état du système après la mesure, et


-156-

la seconde est de déterminer de quelle façon il dépend effective-

ment de l'état initial x. Répondre à ces deux questions, c'est en

fait pousser plus loin l'analyse.

L'expérimentation physique constate que certaines quantités

à mesurer (par exemple l'énergie) ne peuvent prendre que des va-

leurs particulières (d'où la notion de quantification). La traduc-

tion axiomatique est que l'opérateur A a un spectre discret, formé

uniquement de valeurs propres. On a donc a (A) = a (A) et o' (A) = 0. c

Le spectre ^ ( A ) étant au plus dénombrable (car est séparable) ,

soit (X^) les valeurs propres de A, et soit l'espace propre

associé à X et P : ffl -> H la proiection correspondante, avec


r J
n n n
l'égalité P^ = E ( { X } ) . La mesure spectrale E(.) est déterminée,
n

sur les boréliens GO de R , par

E(co) = Z P
X. G a)
k

de sorte que, si le système est dans l'état x E J f , la loi de

l'observable A est donnée par

2
p(x,A,a)) = I (P x|x) =
k Z l|P x|| .
k

X, G co X. G CÛ
k k

2
C'est donc la probabilité définie par la masse HP^xll placée au
point X^, ce qui signifie que la mesure prendra les valeurs X^
(en fait l'une de ces valeurs) avec la probabilité p ^ = llP^xfl .

Supposons maintenant une mesure effectuée ayant donné la

valeur X^. Si on la répète immédiatement après, sur le système

modifié, on doit toujours retrouver le résultat X^. Ceci signifie

que l'état modifié y donne pour loi p(y,A,.) de l'observable A


2
la probabilité de Dirac au point X . On a donc l|P,yll = 1 et
2 k k
Il P ^ y || = 0 si j^k, autrement dit y G H^. Si la multiplicité de la
valeur X^ est un, alors = Œcp^, où cp^ est le vecteur propre

correspondant, et y = cp^, donc y est indépendant de x. Si la

multiplicité de X^ est supérieure à 2 (éventuellement même infinie),

la condition y G ne détermine pas explicitement y, et on admet

alors que y n'est autre que la projection normée de x sur H^, soit
-157-

y P X
" l l k H '

11
Exemple 1 . L'expérience "oui-non . - On choisit pour A un projecteur

hermitien. Les valeurs propres sont 0 et 1, de sorte que la mesure


2
de A dans l'état x donne la valeur 1 avec la probabilité ||Ax|| et
9
la valeur 0 avec la probabilité l l ( I - A ) x i r . Si la mesure a donné 1,
i n j , t (I-A)x #
alors y = j| et si elle a donne zéro, alors y = H ( I - A ) X 11

Exemple 2. Les états "préparés". - Supposons donnée une observable

A ayant un spectre discret de valeurs propres (X, ) simples. Alors

tout état x est transformé en l'état cp^, indépendant de x, lorsque

la mesure de A a donné À^. Si l'on suppose construit un dispositif

de filtrage arrêtant tous les états c p , j^k, et ne laissant passer

que l'état tp^, on obtient à la sortie du filtre un système "pré-


!!
paré dans l'état cp = cp^ , sur lequel on peut faire la mesure d'une

autre observable B (à spectre discret). Savoir si cp est vecteur

propre de B ou non devient alors important et la question de la

commutation de A et B se pose immédiatement. On verra plus loin

ce qu'il faut dire de la notion "d'observables simultanées".

Revenons maintenant au cas général d'une observable A à spectre

quelconque possédant une partie discrète cr^(A) et une partie conti-

nue a ( A ) . Alors la probabilité p(x,A,.) n'est plus discrète


c suri,

ce qui signifie, si par exemple elle est diffuse, que la probabilité

d'obtenir une valeur "exacte" X dans la mesure est nulle. On peut


o
seulement parler de la probabilité d'obtenir une valeur X contenue

dans un intervalle [ X - e , X + e ] , qui est p ( x , A , [ X - e , X + e ] ) .


o o Q o Après

une mesure, ayant donné une valeur X £ [ X - e , X + e ] Q Q le système,

initialement dans l'état x, se trouvera dans l'état y, égal à la

projection normée de x sur l'espace J>m E([A - e , X + e ] ) . Plus géné-


Q

ralement on aura donc :

(6.1.1) DEFINITION. - Soit A = J XdE(X) une observable quelconque.

Si le système est dans l'état x, alors la loi de la mesure de


l'observable A est la probabilité = (E(.)xlx). Pour tout
borélien o) de ]R, l'état du système après une mesure de A ayant
-158-

donnê la valeur X G co est représenté par le vecteur

_ E(o))x

llE(o))x|| '

Cet énoncé fournit donc l'essentiel de 1'axiomatique de base.

On remarquera que la loi de la mesure de A dans l'état y, soit E ,


y
1
est donnée par E = r- 1 .E , soit encore
J
||E(co)x||

E (to fl 6)
E 05) = -ï
7
E (o))
x
ce qu'on peut écrire aussi

e A _ v p(x,A,o) fl 6)
( A ô ) =
P ?> > p(x,Á, ) M

faisant apparaître le conditionnement par rapport à co. Une nouvelle

mesure de A dans l'état y donnera donc presque sûrement une valeur

JJ € a), pas nécessairement égale à X, et le système se retrouvera

après cette mesure dans l'état z = W ^ / ^ X ^ M


F
= Y-y
lE(a))yl

Valeur moyenne et écart quadratique moyen. - La loi de la mesure

de A dans l'état x, soit p ( x , A , . ) , nécessite pour être connue la

décomposition spectrale E(.) de A. On peut toutefois l'apprécier

en connaissant seulement sa moyenne et son écart-type, pour autant

qu'ils existent. Si l'on choisit x G D ( A ) , domaine de A, alors

m(A,x) = JxdE (X) x = (Axlx)

v(A,x) = j 2
( X - m ) d E ( X ) = llAxI -
x
2 2
(Ax|x) .

Ainsi la moyenne et la variance v = a s'expriment uniquement à

partir de A.

Observables simultanées. - Fixons deux observables A et B, de mesures

spectrales respectives E et F. Le système étant dans l'état x, on

effectue une mesure de A, puis une mesure de B immédiatement après,

c'est-à-dire avant que le système ait eu le temps d'évoluer dyna-

miquement. Que se passe-t-il alors et quel est l'état du système

après ces deux mesures ? Comme les valeurs des mesures de A et B sont
-159-

probabilisées, cherchons la probabilité p(x,A,a,B,x) pour que la

mesure de A donne une valeur X G a, puis celle de B une valeur

u G T . Elle s'obtient par le principe des probabilités composées

p(x,A,a,B,x) = p(x,A,a)p(y,B,x)

où y est l'état du système après la mesure de A. Or on a, avec

(6.1.1) les égalités

p(x,A,cr) = (E(o)x|x) ; y = E ( a ) x
; p(y,B,x) = (F(x)y y)
HE(a)x||

de sorte que

p(x,A,a,B,T) = (F(x)E(a)x|E(a)x) = (E(a)F(x)E(a)x|x)

puisque ||E(a)x|| = (E(a)x|x). L'état z du système après la mesure

de B est
F T
z = ( )y = F(x)E(a)x
l|F(x)y|| ||F(x)E(a)x||

Echangeons maintenant les rôles de A et B et cherchons la

condition pour que les probabilités p(x,A,a,B,x) et p(x,B,x,A,a)

soient les mêmes. Les opérateurs E(a)F(x)E(a) étant hermitiens,

cette condition n'est autre que l'égalité E(a)F(x)E(a) = F(x)E(a)F(x).

Posant P = E(a) et Q = F ( x ) , on obtient deux projecteurs tels que


2
PQP = QPQ. On tire de là (PQ-QP) = 0 en développant, de sorte que
2 *
l'opérateur R = PQ-QP est tel que R =0 et R = -R. On en déduit
9 Je 2
R=0 car llRxIl" = (R Rx|x) = -(R x|x) = 0 et ainsi PQ = QP. On obtient

donc que les mesures spectrales E(.) de A et F(.) de B commutent,

autrement dit que les opérateurs A et B commutent au sens de (4.5.6),

Exerc. 3. On peut alors concevoir que les deux mesures de A et B

pouvant être faites dans un ordre quelconque, peuvent se faire

"simultanément". Quant à l'état z du système, il reste évidemment

inchangé en permutant les rôles de A et B, lorsque ces opérateurs

commutent. En résumé :
(5.1.2) PROPOSITION :
a) On dit que les opérateurs A et B définissent deux obser-
-160-

vables simultanées lorsqu'ils commutent au sens où leurs

mesures spectrales commutent,

b) Pour le cas de deux observables simultanées A et B, de

mesures spectrales E(.) et F ( . ) , la probabilité pour que

le système dans l'état x fournisse une mesure de A (resp.

de B) appartenant au borélien o (resp. T) , ces deux mesures

étant faites dans l'ordre que l'on voudra, est

p(x,A,a,B,T) = (E(a)F(T)x|x)

E g
et le système se trouve alors dans l'état z = ( ) E (T )x
llE(a)F(x)x||
après ces deux mesures.

Remarque : On peut voir qu'alors se trouve définie une mesure spec-


# 2
traie produit G(.) = E ( . ) ® F(.) sur le plan H , telle que l'opéra-
teur normal N = JJç dG(ç) coïncide avec A + iB.

L'inégalité de Heisenberg. - Lorsque A et B ne commutent pas,

introduisons le commutateur [A,B] = AB-BA, supposé défini sur le

domaine

D([AB]) = D(AB) H D(BA) .

On a alors :

(6.1.3) PROPOSITION (Inégalité de Heisenberg). - Pour tout état

x € D([AB]) on a l'inégalité

2
v(A,x)v(B,x) > | |([AB]x|x) | .

Preuve. - Déjà ((AB-BA)x|x) = (Bx|Ax) - (Ax|Bx) = 2 / m ( B x | A x ) ,


t

de sorte que

2 2 2 2
|([AB]x|x) | < 4|(Bx|Ax) | < 4 !|Ax|| llBxll .

Mais en posant a = m(A,x) et b = m ( B , x ) , qui existent puisque

x G D(A) fl D(B) , on voit qu'en remplaçant A par (A-a) et B par

(B-b), on ne change pas le commutateur [AB]. On peut donc remplacer


2 2
IIAxIl par ||Ax-ax|| = v ( A , x ) , d'où le résultat. •

Exemple. - Dans l'étude du mouvement d'une particule se déplaçant


—161—

2
sur la droite, on introduit l'espace = L (R) , l'opérateur de

position Q=X, égal à la multiplication par x, et l'opérateur

d'impulsion P = -i . Sur l'espace ^ de Schwartz des fonctions

indéfiniment différentiables à décroissance rapide, le commutateur

[P,Q] est bien défini et [P,Q] = -iI. Alors pour tout état cp G if,

on a l'inégalité

v(P,cp)v(Q,cp) > j

qui prouve que si la position de la particule est connue avec une

bonne précision, par exemple si v(Q,cp) < e, alors sa vitesse est

mal déterminée puisque sa loi de probabilité, vérifiant

v(P,cp) > , est très étalée. En fait la relation [P,Q] = -il

n'est valable qu'avec un choix spécial d'unités. Pour les unités

habituelles on a plutôt [P,Q] = -ikl, où k est une constante pro-

portionnelle à la constante de Planck ]K.

Etats purs et mélanges. - En fait un système physique, sauf s'il

est "préparé" pour cela, n'est jamais dans un état précis x. C'est

en général un mélange d'états. Or faire une combinaison du type

X oux^ avec ||xj| = 1, c'est détruire en général cette condition de

norme. Par ailleurs un vecteur unitaire x £ J f détermine le même

état que le vecteur ax, Iet I = 1 , de sorte qu'il n'y a pas corres-

pondance bijective entre l'ensemble des états tels que nous les

avons définis et l'ensemble des vecteurs unitaires. La contradic-

tion est levée en considérant que l'état défini par x est en fait

le projecteur orthogonal -» Œx de sur le "rayon" défini par x,

autrement dit l'opérateur P^ = x ® x : z -» (z|x)x. On voit alors

que P = P si la I = 1, et cette interprétation permet la consi-


X (XX

dération de mélange d'états puisqu'il suffit d'additionner des

opérateurs.

On appellera donc "état mélangé" ou mélange d'états, tout

opérateur T de la forme T = I a x ® x avec a > 0 et Z a = 1.


r
n n n n n
La décomposition précédente n'est évidemment pas unique et l'examen

des propriétés de T doit se faire en tenant compte de ce fait.


-162-

C'est ici qu'il faut introduire la notion d'opérateur à trace sur

un espace de Hilbert. Rappelons sommairement la théorie : un opé-

rateur à trace est par définition un opérateur T = RS produit de

deux opérateurs de Hilbert-Schmidt et il est facile de voir qu'il

est alors compact, et qu'un opérateur compact T est à trace si et


^ I/o
seulement si l'opérateur [T] = (T T) ' est à trace (ceci en uti-

lisant la décomposition polaire de T ) . L'opérateur T étant à trace,

on voit grâce à la représentation T = RS, que pour toute base

orthonormale (cp^) de J^, le nombre

tr T = X C & p J c p J = (S|R*) 2

est indépendant de la base choisie, et appelé la trace de T. Ici

(RlS)^ désigne le produit scalaire des deux opérateurs R et S

dans l'espace L^iJtf) des opérateurs de Hilbert-Schmidt. Cela étant

on peut structurer l'ensemble des opérateurs à trace en un espace

vectoriel L^(J^) sur lequel on peut définir une norme, dite

norme-trace

IITI^ = tr([T]) = KtTjcp.lcp.)

pour laquelle l'application trace T -> tr T est continue puisque

|tr T| < J T | ^ • Introduisons encore l'espace K(J"fO des opérateurs

compacts, qui n'est autre que l'adhérence dans L(JtD de l'espace

des opérateurs de rang fini. On a alors les inclusions

LjCJH czL 00
2 c K Q n CLOT).

Par ailleurs on sait avec (3.2.7), que tout T £ L^(j^) admet


une décomposition du type T = Z et e <g> e , où (£ ) et (e ) sont
r J V
n n n' n n
deux suites orthonormées et où (ot ) est la suite décroissante des
n
valeurs propres de [T] = I ot 8 e . On a alors ||T|L = la < + a>
e
r r
n n n 1 n
et tr T = Z a (e le ) . Il suit de là assez facilement que L. O ^ )
n n n 1
est complet pour la norme II. Il ^ , et que la décomposition

T = la e ® e est valable au sens de la norme-trace. On en


n n n
déduit aussi que pour tout A £ L ( J ^ ) , l'opérateur AT et l'opéra-

teur TA sont à trace, avec

tr(AT) = tr(TA) = I a (Ae le ).


n n n
-163-

ce qui permet de fournir les deux égalités essentielles

(D UTIL = Sup |tr(AT)| = Sup ltr(AT)|


IIAIK 1 ПАИ < 1

A £ КOf) A € LOT)

(2) || A|| = Sup |tr(AT)|


IITI < 1
1

qui sont la base de la théorie de la dualité des espaces d'opéra­

teurs. En effet on tire de ( 1 ) , grâce à la densité dans К(Ж) des

opérateurs de rang fini, et de (2) l'énoncé :

(6.1.4) THEOREME :

a) L'espace dual К(Ж) ' s 'identifie naturellement à l'espace

la forme bilinéaire canonique étant

< A,T > = tr(AT) = tr(TA).

b) L'espace dual Ь^(Ж)' s'identifie naturellement à l'espace

L ( j ^ ) , la forme bilinéaire canonique étant

< T,A > = tr(AT) = tr(TA).

c) En particulier on a К(Ж)" = L(jf).

Il est d'ailleurs intéressant de comparer ces formules aux

formules classiques (c ) = z\
o
f 1
[ £ ] ' = £°° et ( с ) " = о

En revenant à nos états mélangés, de la forme T = Za.x. Ф x.,


° ' i i i*
avec a. > О, Г a. = 1 et ||x.|| = 1 (le système (x.) n'étant pas
i l i i
nécessairement orthonormé), on voit alors que T € L ^ ( J ^ ) , que T

est hermitien positif et que

2
tr T = 1 a J l x J l = Eo^ = 1 .

Réciproquement tout opérateur hermitien à trace peut s'écrire,

par décomposition spectrale (3.2.6),

T = I a e ф e
n n n

où (e ) est un système orthonormé et où tr T = Z a . Si l'on impose


n n
-164-

la condition que T soit positif et tr T = 1, on obtient a fl > 0 et

la = 1 . D'où la définition :
n

(6.1.5) DEFINITION. - On appelle état mélangé (ou plus simplement

état) sur tout opérateur T hermitien positif à trace tel

que tr T = 1. Un opérateur T du type T = P^ = x ® x, avec

||x|| = 1 prend alors le nom d'état pur.

En utilisant (6.1.4.a) on voit que l'espace S des états m é -

langés s'identifie à une partie convexe de la boule unité du dual

K(J^) '. Cette partie n'est malheureusement pas faiblement compacte,

la situation étant analogue à celle du convexe des probabilités

sur E.. On peut maintenant chercher à préciser le rôle des états

purs dans S . On a alors :

(6.1.6) PROPOSITION. - Soit T £ $ un état. Les assertions sui-

vantes sont équivalentes :

a) T est un état pur.


2
b) T est un projecteur, c'est-à-dire que T = T.
2
c) T est tel que tr T = 1.
d) T est un point extrêmal du convexe S.

Preuve. - En décomposant T selon T = Z a e ® e , où (e ) est un


r
n n n' n
système orthonormé et où l'on a a > 0 et I a = 1. on voit aisé-
J
n n '
ment les équivalences a b <=» c et l'implication d => a. Il

faut surtout prouver a => d. Fixons donc l'état pur T = a « a et

supposons T = aR + (1-a)S avec R,S £ S et 0 < a < 1. Pour tout

x 1 a on a Tx = 0, donc (Rx|x) = 0 par positivité de R et S, d'où

l'on déduit Rx = 0. Si x est quelconque, soit x = (x|a)a + z avec

z 1 a ; alors Rx=(x|a)Ra, de sorte que R = Ra ® a. En écrivant

Ra = Xa+b avec b 1 a, on voit que X = (Rala) = tr R = 1, donc

Ra = a+b. Par le fait que R =R on trouve, avec Rb = 0,

2
llbll = (Ralb) = (alRb) = 0

d'où Ra = a et R = a ® a = T. Ainsi R = S = T et T est bien point

extrêmal de ê . •
-165-

Etats mélangés et processus de mesure. - Lorsque le système est


dans un état pur T = x & x, o n a v u que la mesure d'une observable
A avait pour loi la probabilité p(x,A,,) = (E(.)xlx). On peut écrire
(E(w)xlx) sous la forme tr(E(o))x & x) , soit encore
tr(E(o))T) = tr(TE(o))). La fonction trace étant linéaire et conti-
nue sur l'espace L ^ ( J ^ ) , on aura donc, en toute généralité :

(6.1.7) PROPOSITION. - Soit A = | XdE(X) une observable. Si le


système est dans l'état mélangé T G J^, alors la loi de la
mesure de l'observable A est la -probabilité

p(T,A,.) = tr(E(.)T) = tr(TE(.)).

Il reste un point délicat à préciser, qui est de définir


l'état du système après la mesure de A, lorsque cette mesure a
donné une valeur À £ w, où w est un borélien de H . Pour un état pur
T = x (g) x on sait que l'état S après la mesure est pur lui aussi,
et défini par un vecteur proportionnel au vecteur y = E(o))x. Or
y® y = E(o))x ® E(o))x = E(a))TE(o)) , de sorte que lorsque
T = lan en 0 en est un état
fc> mélangé,> on peut
r hésiter pour
r
définir S
entre et avec

Q E(qj)TE(q)) E(q))TE(q))
tr(E(oo)TE(o))) tr(E(o))T)

E(o))e ® E((ja)e
n n
c v
1 n
llE(o))e T
n
En fait la définition de S^ n'est pas cohérente, car rien ne
permet d'affirmer son invariance quand la représentation de T sous
la forme X a e ® e est changée. Il faut donc choisir S. et ainsi :
&
n n n 1

(6.1.8) DEFINITION. - Soit T G S un état quelconque. Si la mesure


d'une observable A = J ÀdE(A) a donné une valeur X G GO du
système dans l'état T, alors après cette mesure le système
se trouve dans l'état

_ E(q))TE(q))
b
tr(E(a))T) '
-166-

Remarque : Une distinction essentielle doit être expliquée ici.

Supposons choisi un système orthonormé (e ) et des constantes a


n n
2

telles que Z)a I = 1. On peut alors considérer les états e (ou


n n
e ® e ) , puis 1 état x = I a e (ou x ® x ) , qui est un état pur.
T

n n ' ^ n n 2
T
On peut aussi considérer l état mélangé T = Z|a I e <& e et la
n n n
différence tient au fait que dans le premier cas l'addition est
faite dans tandis que dans le second elle est faite dans
l'espace L ( j ^ ) . Supposons maintenant donnée une expérience "oui-non",
c'est-à-dire une observable A=P, qui est un projecteur hermitien
non nul. Il admet la valeur propre X=1 et E({1}) = E(1) = P, de
sorte que la probabilité d'une réponse "oui" dans l'état pur x est
2 2 2
||Px||, tandis qu'elle est Z|a | Il Pe || dans l'état mélangé T. On
peut donc avoir une probabilité nulle dans le premier cas (si Px=0)

et non nulle dans le second, ce qui met bien en évidence la diffé-

rence entre les deux états. C'est pourquoi on dit que x est un état

pur, superposition d'états purs, et que T est un mélange statistique

d'états. C'est aussi la raison pour laquelle T porte quelquefois le

nom d'opérateur statistique, ou encore de matrice de densité (quand


7
on sous-entend sa représentation sur une base orthonormale de J f ) .

Il y a encore, cachée là-dessus, une difficulté supplémentaire qui

est le défaut d'unicité de la représentation T = Z a e <& e ,


n n n'
e
laquelle ne permet pas de dire que T est un mélange des états ( ) \ n

il peut très bien être considéré comme un mélange d'autres états


purs, de sorte qu'il est a priori impossible d'extraire les états
de l'état mélangé T. Toutefois cela peut se faire dans le cas où T
est un opérateur simple puisque sa décomposition spectrale
Z a e ® e , avec a > 0 et le système (e ) étant orthonormé, ne
5 J 9
n n n n n
fait alors apparaître que des valeurs propres simples. Si l'on

considère T comme une observable sa décomposition spectrale est

donnée par E(o)) =


r
J - e O e , de sorte que la mesure de l'obser-
n
a G a> n n'
n
vable T, le système étant dans l'état T, donne les valeurs a , avec

les probabilités p = a , le système étant dans l'état S


r J
= e ® e
n n> n n n
après l'obtention de a .
v
n

Valeur moyenne
1 et variance. - S i T = Z a e ® n
e et si A est une
n n

observable alors la valeur moyenne de la mesure de A dans l'état T


-167-

est donnée par

m(A,T) = J Àdp(T,A,À) = tr J XdE(X)T

= tr(AT) = tr(TA) = I a (Ae le ) .


n n n

Bien entendu cette moyenne peut être infinie, mais ce ne

sera pas le cas si A est un opérateur borné. Si m = m(A,T) est

finie alors la variance est donnée par

v(A,T) = J ( À - m ) d p ( T , A , A )
2

= j 2
À dp(T,A,X) - m 2

= trCJ" À d E ( À ) T ) - m
2 2 2
= tr(A T) - [tr(AT)r

Pour illustrer toutes ces généralités donnant des exemples

simples, choisis en dimension 1 et sans effet de spin.

Exemple 1. La particule libre. - Il s'agit d'une particule suscep-

tible de se déplacer sur H en mouvement libre, c'est-à-dire sans


2 2
potentiel. L'espace est choisi égal à L = L OR.), et avec un

bon choix d'unité les opérateurs intéressants sont Q=X, opérateur

de position égal à la multiplication par x, et P = -i - ~ = - iD

représentant l'impulsion. On leur adjoint l'opérateur d'énergie,


p2
hamiltonien libre H = — (correspondant à la seule prise en compte
o

2 1 2 2
de l'énergie cinétique ^ mv = (mv) ) et on supposera H = P Q

pour simplifier.

2 0 x
Pour cp G L on aura donc E (oa) = 1^. cp , de sorte que si la

particule est dans l'état cp (avec llcpll^ = 1 ) , c'est-à-dire est


représentée par sa "fonction d'onde" cp, alors la probabilité
2
p(cp,Q,.) n'est autre que la mesure |cp| dt. Ainsi plus la fonction cp

est concentrée sur un intervalle petit [a,b], plus la probabilité

de trouver la particule dans [a,b] est grande. On voit de plus

qu'il est impossible de faire une mesure exacte (avec une proba-

bilité 1) car le spectre a(Q) = 3R est continu et n'a pas de partie


=
ponctuelle puisque tfp(Q) Dans une mesure de Q donnant une

valeur X € [a,b], la particule change d'état et cp est remplacée


-168-

par IJJ, proportionnelle à 1 j-^ ^] cp , ce qui explicite bien l'effet


11
de "troncature de la mesure.

Pour étudier l'opérateur P il convient d'utiliser la trans-


2
formation de Fourier, définie sur L par
ltX
cp(x) = cp(x) = — — e" cp(t)dt.

On sait, par le théorème de Plancherel, que 3F = U est une trans-


formation unitaire de L'", telle que U = - 3F (où on a
remplacé i par -i) . En écrivant cp = ^cp, et en supposant par
exemple cp G SF (espace de Schwartz) on voit que

Pcp(x) = -icp'(x) = ^(Qcp)

de sorte que P = ^"Q 3F == U ^QU. Cette égalité montre que le


domaine d'auto-adjonction de P se définit par les conditions :

D(P) = (cp ; cp G D(Q)}


2 2
== (cp ; cp G L et Xcp G L }.

Elle montre aussi que la mesure spectrale E (.) se calcule selon

P Q
E (O)) = ~W E (OJ)

Pour le cas O) = [a,b], ou plus généralement si O) est borné, dési-

— 2
gnons par g
& K &
la fonction 3F \ G L , telle que 1 = 3F% , On a
O J ^ w ' H
03 &
o)
alors, pour cp G L
P
E (O))cp = j F ( 1 J^cp) = ~3F~(&% .3Fq>)
03 03
= W3F(g^) = g^.

En particulier pour OI = [a,b] on trouve

rb . ibx iax
z v îtx dt 1 e -e
l a
' b j J
a \A2n /2ÏÏ ix

La conclusion sommaire à tirer de là, et justifiant d'une


façon qualitative l'inégalité de Heisenberg v(P,cp) v(Q,cp) > vue
en ( 6 . 1 . 3 ) , est que pour toute particule dans l'état cp, une
-169-

mesure de P donnant une valeur X £ [a,b] change l'état cp en l'état


= U n e c o n s t a n t e e
^ ^[a b ] * ^ ^ ^ normalisation p r è s ) . On voit
donc bien, là-dessus, que mieux la particule sera localisée (par
la mesure de Q ) , plus cp présentera un pic (ou une masse concentrée)
et plus cette masse sera étalée ensuite par l'opération de convo-
lution par gj-^ j , d'où l'imprécision dans la mesure de P.
b

On peut voir cela autrement en explicitant la loi de la mesure

de P dans l'état cp. Cette loi est donnée par

p((p,P,a>) = (E (o))cp|(p) = (W P
1 cplcp)
00

= (W 1 cpl Jnp) = (1 cplcp)


(JO U)
~ 2
autrement dit, c'est exactement la mesure |cp| dx. On remarque donc
que si cp gouverne le comportement de la mesure de Q, c'est cp = ^cp
qui gouverne celui de la mesure de P. Or si cp tend, au moins for-
mellement, vers une masse de Dirac ô , ce qui assimile la parti-
cule à un corpuscule placé au point t, alors cp tend vers la fonc-
1 — itx
tion e , ce qui assimile la particule à une onde. On voit
\/2ÏÏ
donc apparaître, par ce cas limite, la dualité onde-corpuscule

comme conséquence des propriétés de la transformation de Fourier.


2
Venons-en maintenant à l'opérateur d'énergie H = H 0 = P ,
2
qui s'explicite par Hep = (Q cp) sur le domaine d'auto-adjonction
2 2 2
D (H) = {cp £ L ; X cp £ L } .

2
Il a évidemment les propriétés spectrales de Q , donc son

spectre est continu et égal à [0,+ co) y la mesure d'une énergie ne

pouvant être que positive ou nulle. Quant à la loi de la mesure

de H dans l'état cp, elle s'obtient aisément puisque la mesure


H P
spectrale E (.) est la mesure image de la mesure spectrale E (.)
2
par l'application x -> x . Elle est donc donnée pour u) cz [0, œ ) par
f ~ 2 2
p(cp,H,oo) = |cp| dx où o)' = {x, x £ oj}
J
0)'
ce qui donne encore par un court calcul :
-170-

p(cp,H,o>) = f 2
[I^PI (VQ) +
2
Up| (-vQ]
explicitant ainsi la densité sur [0, œ ) de la mesure p(cp,H,.).

Exercice. En mesurant l'énergie de la particule dans l'état (p,

on obtient une valeur À £ [a,b] avec 0 < a < b . Montrer qu'après la

mesure, la particule est dans l'état ty où ty est proportionnelle


9

à la fonction

s in x 1\fb - s in x \fa *. cp .
x

Nous en resterons là pour l'étude de la particule libre. Une

constatation s'impose : nous n'avons trouvé aucun résultat de


11
"quantification à proprement parler, c'est-à-dire aucun opérateur

(en particulier celui de l'énergie) à spectre discret, et par

ailleurs la théorie est passablement plus compliquée que la théorie

classique du mouvement uniforme ! Ces réserves vont disparaître

dans l'exemple suivant.

Exemple 2 : L'oscillateur harmonique à une dimension. - C'est là

un cas très important pour la physique car il sert de modèle pour

l'oscillateur à trois dimensions, lequel permet d'étudier le com-

portement de systèmes physiques couplés : molécules di-atomiques,

système de deux molécules. Son importance tient aussi au fait que

(comme pour l'étude de l'atome d'hydrogène) les calculs peuvent

être menés jusqu'au bout et donnent des résultats précis confirmés

par l'expérience. Enfin il permet de très vastes variations pour

l'étude de situations plus complexes (couplages d'une infinité

d'oscillateurs, mélange statistique d'oscillateurs et théorie du

corps noir, perturbation par divers potentiels). En particulier

le lien avec la théorie du corps noir (qui est à l'origine de la

découverte des quanta d'énergie par Max PLANCK en 1900), donc la

relation directe avec la physique, a suggéré, grâce aux facilités

du calcul, la mise en forme des premiers axiomes de la mécanique

quantique par HEISENBERG, Max BORN et SCHRODINGER dans les années

1925-1926, après l'énoncé, presque simultané, de la généralité de

la dualité onde-corpuscule par DE BROGLIE en 1924.


—171—

Avec des unités mathématiquement bien choisies (mais qui ont 1

tort de faire disparaître la constante de Planck des calculs, donc

de faire disparaître la possibilité d'interpréter la mécanique

classique comme un cas limite de la mécanique quantique), on étudie

une particule en mouvement sur E , sous l'action d'un potentiel


2
d'attraction proportionnel à x . Cela revient à compléter l'hamil-
2 . . 2 2
tonien H = P du cas libre en lui rajoutant un terme en X = Q ,
o

2 2 2 2
d'où l'opérateur d'énergie H = P +Q = Q +P , agissant sur le même
2
espace - L (E.) . La théorie se fait en introduisant les deux

opérateurs fondamentaux
1 1 & i 1
A = — (Q+iP) = — (X+D) et A = —(Q-iP) = — (X-D) .

Considérons que le domaine (au moins provisoire) de tous ces opé-

rateurs est l'espace 5^= tf(M) de Schwartz et rappelons que

[Q,P] = QP - PQ = il.

Alors en posant N = A A, appelé "opérateur nombre", on a les

relations

(1) N = A*A ; H = 2N+I ; [A,A*] = I

(2) AA* = ~(H+I) ; A*A = N = ~ (H-I).

De l'égalité [A,A ] = I on déduit, par une récurrence immé-

diate la relation

m m 1
(3) [A, ( A * ) ] = m ( A * ) ~ pour m > 1 .

Introduisons maintenant la fonction gaussienne

2
i t

(4) tp (t) =
o — exp(- - y )
f 2 2
choisie telle que |cp | dt = Ilcp I L = 1, et remarquons que
Dcp = -Xcp , donc Acp = 0. On a alors le résultat :
o o o

(6.1.9) THEOREME. - La suite des fonctions


-172-

cp = _ L . ( A V C P O
m ./—r °
V m!

constitue la base orthonormale des fonctions d'Hermite dans


2
l'espace L O R ) .

r** ^ m , ,, s

Preuve. - Posons cp^ = (A ) cp pour simplifier. On a déjà pour


o

n > 1 , en tenant compte de Acp = 0 : Q

<SP lîp ) = (AA* m


cp | A * ~ c p ) (n 1)

m n ° o

m (n 1)
= ([A,A* ]cp lA* - (P ) o 0

= m(A
/.*(m-1) cp iI A* ( n - 1 Kcpx) A

o o

= m! ô si m > n > 1
m,n

1
d'où l orthonormalité de la suite (tp^), n > 0. Il reste à voir

que c'est bien la base d'Hermite. Or pour £ £ <f on a

2 2
D[exp(- ^-)f] = exp(- (Df-Xf )

d'où les relations

2 2
(5) A f = — exp(2-)Dtexp(- %-)f ]
2 2
/2

(6) (A*) f = ( - - L ) e x p ( ^ ) D
m m m
[exp(- ^ - ) f ] .
2 2

En faisant f = cp , on obtient

H ( x )

m
m
cp (x) » cp(x) ,
( 2 m m ! ) 1/2
(7)
m 2 m 2
H (x) = ( - 1 ) exp(x )D [exp(-x )]

ce qui permet de reconnaître les polynômes d'Hermite. •

On déduit de là toutes les conséquences importantes :

(6.1.10) COROLLAIRE 1 :

a) On a A cp = v^m+l cp . et Acp = Vm cp ..ce qui permet


r
m m+1 m m-1
-173-

k
de dire que A est 1 'operateur de création et k Z 'opéra­
teur d'annihilation (ou de destruction).
b) On a Ncp = iiKp et Hep = (2m+1)cp , ce qui justifie l'av-
m m m m
pellation d'opérateur nombre pour N.

(6.1.11) COROLLAIRE 2. - La base orthonormale d'Eermite (cp ) est


n
propre pour l'hamiltonien H , de sorte que le spectre de H est
discret et formé des nombres

E = 2m+1
m

Dans l'oscillateur harmonique quantique, l'énergie est


donc quantifiée. L'état fondamental cp correspond à la plus
o

basse énergie et cette énergie n'est pas nulle, puisqu'elle


est égale au demi-quantum d'énergie, si l'on appelle quantum
E E
d'énergie la quantité >| m+ ~ ^ nécessaire minimum pour
changer de niveau d'énergie.

k
On comprend mieux maintenant pourquoi A est 1 opérateur de

création (d'un niveau d'énergie) et A celui de destruction. Quant

à N, ses niveaux propres lui donnent justement les valeurs m.

Le corollaire 2 permet encore de voir que le domaine d'auto-

adjonction de H est clairement défini par les conditions


oo

D(H) = (f E L ; Z (2m+1) |(f |cp ) ! < + « }


m
o

et la liaison avec est claire aussi puisque

</= A H ) = 0 K
D(H ).
k > 1

Etude des observables P et Q dans les états stationnaires.

La question se pose de savoir comment se comportent P et Q

dans chacun des états cp , appelés états stationnaires, et cor-


m
respondant aux niveaux d'énergie E . La réponse est fournie avec

les calculs de l'exemple 1, couplés avec la propriété suivante

des fonctions d'Hermite.


-174-

(6.1.12) PROPOSITION. - La transformation de Fourier 3F = U, opê-


2
rateur unitaire de L (R), admet les fonctions cp^ pour fonc-
m
tions propres et J*'cp = (-i) cp . t

Preuve. - On rappelle que 3F est définie ici par

i t X
^ f ( x ) = f(x) = — i — [ e" f(t)dt ; f Ç y
J
V'2fT

et que le coefficient — ~ — choisi garantit, par la formule de

Plancherel, le caractère unitaire de 3F. Il est alors facile de

voir, au moins sur l'espace if, f


que l o n a les relations

(8) i D j ^ = J^X et iX^ =

d'où l'on déduit immédiatement

M 1 1 1
(9) 3Fk = -i A V et ^ ( A * ) = (-iAA*) ^.

Il reste à voir que «^cp = cp , ce qui est une propriété bien connue
o o

m
de la fonction gaussienne. On a alors ^cp = ( - i ) cp avec (9). •
m m

En conséquence on a :

(6.1.13) THEOREME. - Dans l'état propre cp , les mesures des obser-


m 2
vables Q et P ont la même loi, définie par la densité Icp^l

p(cp ,Q,.) = p(<P .P,.) = l<P I d t . 2

m m m
La moyenne et la variance communes sont données par

m(Q,cp ) = m(P,q) ) = 0
m m

v(Q><P ) = v ( P , V ) = m + j .
m

Preuve. - La première partie vient du fait que dans l'état f £ if


2 2 2
(ou f G L ) , la loi de Q est |f| dt et celle de P est |f| dt,

donc si cp = cp ces deux lois sont identiques. Par les propriétés


m
de symétrie des polynômes d'Hermite, on a évidemment des moyennes
f 2 f 2 2
11 cp | dt = 0. Quant aux variances t Icp | dt, elles se calcu-
J m J m
lent selon
-175-

2 2
v(Q,ip ) = v(P,tp ) = (Q cp lcp ) = (P tp l(p ) m m m

m m m m m m

= 4((P +Q )(p l(p ) = |(Hcp Icp ) =


2 2
m . o

z m m z m m z

On constate que l'inégalité de Heisenberg


2
1 1
v(Q,ip )v(P,(p ) = (m+ ) T >-r
m m z q
est bien vérifiée, et qu'elle se transforme en égalité pour le
niveau fondamental m=0 (oscillateur au "repos").
Nous en resterons là pour les généralités sur l'oscillateur
harmonique, en complétant toutefois l'exemple 2, par une étude
faisant intervenir (et illustrant donc leur intérêt physique) un
opérateur statistique T.

Exemple 3. L'oscillateur harmonique en équilibre thermodynamique.

On étudie ici les propriétés physiques d'un oscillateur har-


monique à une dimension en équilibre thermodynamique avec une source
de chaleur à la température absolue T (thermostat). On peut montrer,
avec les hypothèses de la mécanique statistique, qu'un tel oscilla-
teur ne peut être dans un état pur. On le caractérise en fait par
un état mélangé, noté S ici (pour éviter la confusion avec la tem-
pérature T ) , mélange statistique d'états stationnaires (ou propres)
—E /kT
m
cp avec des poids proportionnels à e
n , où k est la constante
de Boltzmann. L'opérateur S s'écrit donc
1oo E
S 1 e X p ( _ }
- Z k ? »m ®
m=o
1 H
soit encore S = — exp(- — ) , la constante Z étant définie par la
Là K. X
condition tr S = 1, d'où

H °° ^m
(1) Z = tr exp(- — ) = I exp(- ^ )
m=o

soit, avec E ^ = 2m+1 (le quantum d'énergie étant donc égal à 2)


-176-

e x p ( }
" Pr
(2) Z = .
1-exp(- ^ )

Si l'on veut maintenant définir la valeur moyenne de l'énergie

dans l'état S, on obtient

m(H,S) = tr(HS) = ± I (2m+1)exp(- ^ i l ) .


m=o
1

En posant r = exp(- — ) pour simplifier, on doit calculer

oo 2 1 °^ 2 1
m T m l a
l(2m+1)r = r h ( r ) avec h(r) = I r = valeur,
o o 1-r
après simplification par Z
= c o t h
(3) m(H,S) = '
1-r

Sans vouloir aller beaucoup plus loin signalons que cette for-

mule est le point départ de la théorie du rayonnement du corps noir,

retrouvant assez facilement les résultats, d'ailleurs conformes à

l'expérience, que PLANCK avait obtenus avec sa célèbre hypothèse

des quanta.

On remarquera toutefois que pour T=0 (c'est-à-dire au zéro


l!
absolu) il reste une énergie moyenne de repos", égale à un demi-
quantum. On retrouve la même situation que pour l'étude de l'état
fondamental cp de l'oscillateur harmonique.
o

Pour terminer donnons encore un calcul, qui soulève des ques-

tions intéressantes. La loi du déplacement Q (qui est la même que

celle de P) dans l'état statistique S est donnée par

Q Q
p(S,Q,oo) = tr(E (o))S) = tr(SE (w))

œ
= X (EHoj)cp ISep ) .
m m
m=o

w . 1 2m+1 1 2m ,
Mais Sep = 7 7 r cp = TZ r cp , donc
m Z m t l m
1-r
-177-

CO
2 m
p(S,Q,w) = —!-=• I r (1(p|(p)
. z 0) m m
1-r m=o

= I r cp (x) dx.
* z J m
1 -r ^ 03 m=o

On voit donc que cette loi est en réalité définie par une densité

g
Q V
oo
2 m 2
(4) g.(x) = — I r cp ( x )
Q 2
1-r m=o

et le problème se pose de savoir si on peut simplifier l'expression

obtenue. Or la réponse est positive en vertu d'une formule bien

connue, en théorie des polynômes d'Hermite, qui est la formule de

Mehler, explicitant complètement le noyau

oo
m
K(r,x,y) = I r cp (x)cp (y)
m m
m=o
selon (avec Irl < 1)

( 2 2 2 )
w \ 1 1 ) (1+r )(x +y )-4rxy /
(5) K(r,x,y) = — # rj exp l * *r-ï

VTT \/1-r ( 2(1-r ) j


Pour y=x, on obtient la formule simplifiée

(6) K(r,x,x) = — J — 7 exp \ - - T ^ - x ( . 2

2
En changeant r en r et en revenant à (4) on obtient

1
n \ ( \ 1 t * \ 1

(7) g (x) =
n exp( tt) avec o = -

Q a 2 2 2
V^zTT 2a 1-r

ce qui donne le résultat suivant :

(6.1.14) PROPOSITION. - Les variables Q et F suivent, dans l'équi-

libre thermodynamique à la température T, la même loi gaus-

sienne centrée, de variance


—1
2 1
.i
v = o = 2 coth .
-178-

Ce résultat est tout à fait compatible avec l'égalité (3),


2 2 . .
car H = P +Q implique m(H) = 2v. Il l'est aussi avec les hypo-

thèses statistiques de départ (choix de S ) , puisque les déplace-

ments sont régis par le hasard. Ce qui est plus intéressant est
2
le comportement de a quand T varie. En effet pour T + 0 (ou T = 0 ) ,
2 1 2
on obtient a = -, c'est-à-dire que gg(x) = tP (x) , en accord c

avec le fait (déjà signalé pour l'énergie) que S n'est autre que
1
l'état fondamental. Avec les unités choisies le nombre repré-
sente donc la localisation de la molécule qui vibre, c'est-à-dire
est de l'ordre de la dimension de cette molécule. Lorsque T
2
augmente, on voit maintenant que a augmente aussi, pour devenir
2
infini quand T t oo. On conçoit donc que, dès que o atteint une
M
valeur , où M est une constante de proportionnalité donnée par
le physicien, la molécule est suffisamment "délocalisée" pour qu'on
puisse admettre que la température de fusion a été atteinte. Toutes
ces questions, dans le détail desquelles nous ne pouvons entrer,
sont reliées à la théorie de la chaleur spécifique des solides.
Pour terminer donnons quelques propriétés des polynômes
d'Hermite sous forme d'exercice.
(6.1.15) EXERCICE :

a ) Expliciter les polynômes H , H^, H2. Q

b) Vérifier la formule

exp(2rx-r ) = I
o m!

c) En déduire le système des égalités :

H = 2x H - H'
m+1 m m

H' == 2m H „
m m-1

H 4 = 2x H - 2m H .
m+1 m m-1

H" = 2x H' - 2m H .
m m m
-179—

m m 2
d) Prouver l'égalité H (x) = 2 (x+it) exp(-t )— .
J
\/ÏÏ
e) En déduire la formule de Mehler.

f) Utiliser la formule de Mehler pour expliciter le noyau


y ( x , y ) de l'opérateur statistique S, et vérifier que
S = cp ® cp pour T=0.
o

6.2 L'EQUATION DE SCHRODINGER.

Pour expliquer la "dynamique quantique", c'est-à-dire l'évo-

lution dans le temps d'un système quantique, on admet des hypothèses

simplificatrices. Le fait essentiel qui demeure est l'aspect déter-

ministe de l'évolution. A partir de là l'analyse est semblable à

celle de l'évolution d'un système classique. En clair si l'on sup-

pose le système dans un état T £ S au temps t^, alors il sera

dans un état S E ^ au temps t^, état qui ne dépendra que de T et

de la différence de temps (t^-t^). On admet donc en fait (et c'est

là l'hypothèse simplificatrice qui n'est pas toujours vérifiée)

que le système évolue sans mémoire du passé, autrement dit est

markovien. On admet encore que les combinaisons convexes d'états

sont conservées, donc que S dépend "linéairement" de T. Il suit

que la transformation T -» S se traduit mathématiquement par l'ac-

tion d'un opérateur V{t^-t^) 9 agissant dans l'espace L^(j^) , et

conservant le convexe des états S . Comme V(.) ne dépend que d'une

variable, la propriété de semi-groupe doit être réalisée, c'est-à-

dire que V(s+t) = V(s)V(t) = V(t)V(s). On rajoute enfin une hypo-

thèse de "réversibilité" par rapport au temps (qui n'est pas tou-

jours vérifiée, surtout lorsque la thermodynamique entre en j e u ) ,

ce qui impose à V(.) d'être en réalité un groupe d'opérateurs sur

R, de sorte que V(-t) = V(t) puisque V(0) = I. Ainsi V(t) agit

sur S de façon linéaire et bijective, de sorte que V(t) conserve

les états purs. Il existe donc une bijection U(t) : -» $f

telle que

V (x ® x) = U(t)x ® U(t)x

2
et comme tr V^x® x) = 1 = ||U(t)x|I , on voit que U(t) est une
-180-

bijection isométrique. On tire de là par un théorème classique de

Banach, que U(t) est linéaire ou antilinéaire. En écrivant

V ( s + t ) ( x ® x ) = V(s)V(t) (x <g> x )

= U(s+t)x 0 U ( s + t ) x = U(s)U(t)x <g>U(s)U(t)x

on voit alors qu'il existe une fonction h(s,t) telle que

(1) |h(s,t)| = 1 et U(s+t) = h(s,t)U(s)U(t).

Comme U o est évidemment l'identité sur , on a h(0,t) = 1, et

l'égalité V(s)V(t) = V(t)V(s) donne h(t,s) = h ( s , t ) .

En écrivant alors U(s+t+r) de deux manières, on montre que

h(s,t) vérifie les conditions, pour tous r,s,t £ E.

h(s+t,r)h(s,t) = h(s,t+r)h(t,r)

h(s,t) = h ( t , s ) , |h(s,t)| = 1, h(0,t) = 1

h est continue
!
où la dernière condition est exigée par le fait qu'on admet la

continuité de l'évolution. Il n'est pas trop difficile de voir


-1 -1
que les solutions de (2) sont de la forme h(s,t) = F(s+t)F(s) F(t)
avec F arbitraire telle que I F ( t ) I = 1, de sorte qu'en remplaçant
U(t) par F(t) ^U(t), on conserve la propriété
V (x ® x) = U(t)x ® U(t)x en ajoutant la propriété de groupe pour
, t 2
U ( t ) . Il en résulte que U(t) = UC^-) , ce qui assure que U(t) est
nécessairement unitaire. En résumé et sous les hypothèses faites,

on admet que l'évolution du système est régie par la donnée d'un

groupe unitaire fortement continu U(t) agissant sur de façon que

tout état pur x au temps t=0, se retrouve au temps t sous l'état

pur U(t)x. En termes d'opérateurs on aura V(t)(x 0 x) = U(t)x ® U(t)x

soit, en posant T = x ® x :

1
(3) V(t)T = U(t)T U(t)""
-1 ' *
puisque l'opérateur U(t)T U(t) = U(t)T U(t) transforme tout

vecteur z en le vecteur
-181-

U(t)[(U(t)*zlx)x] = (zlU(t)x)U(t)x.

!
La formule (3) donne la généralisation souhaitée. D o ù

(6.2.1) THEOREME. - L'évolution d'un système quantique réversible

et markovien est régie par la donnée d'un groupe unitaire U(t)


sur Jlf à un paramètre. Si le système est dans l'état T £ S
au temps t^, alors il est (ou il était si t^ < t^) dans
l'état

s = u(t -t )T
2 1 u(t -t )"
2 1
1

au temps t^.

T
L é q u a t i o n de Schrodinger. - Le groupe U(t) prend le nom de groupe

dynamique du système en évolution. Avec (4.5.6) ex. 1, on voit que

le groupe U(t) est un groupe de Stone, donc peut se mettre sous

la forme

U(t) = exp(-it H)

où H est un opérateur auto-adjoint (non nécessairement b o r n é ) . On

dit que H est l'opérateur dynamique du système, ou encore l'opéra-

teur d'énergie, ou encore l'opérateur hamiltonien. La donnée de H

permet alors, via la théorie des semi-groupes, de mettre l'équation

d'évolution (3) sous la forme, dite infinitésimale, d'une équation

différentielle. En effet si x £ j f est un état pur, choisi dans le

domaine D ( H ) , on sait que l'état pur x ( t ) , qui est l'état du système

au temps t lorsqu'il est dans l'état x au temps t = 0, est donnné par

x(t) = exp(-it H)x.

Il vérifie donc l'équation différentielle, dite de Schrodinger

1
(i ^T
dt = - iHx(t)
(4)

f x(0) = x

Exemple. Etats stationnaires. - Si l'on cherche les états station-


l a > t
naires, c'est-à-dire tels que x(t) = x(0)e , oh voit que
-182-

Hx(t) = o)x(t) et en particulier Hx(O) = o)x(O) . Le vecteur x(O) est

donc un vecteur propre de H, et a) est nécessairement réel. Ainsi

x(t) et x(O) représentent en fait le même état x(0) ® x(0) , d'où

le nom de "stationnaire".

Cas où le spectre de H est ponctuel. - Il existe alors une base

orthonormale de $6\ soit (cp ) , propre pour H. Et si Hep = (o cp ,


, r r r
n n n n'
alors
l t a ) n
exp(-it H)cp = " " e cp
n n

de sorte que l'action du groupe U(t) est complètement explicitée

sur Jff selon

-it(A)
n
U(t)x = I e (x|cp )cp
n n

ce qui donne une importance fondamentale aux états stationnaires,

et peut bien entendu s'appliquer à l'oscillateur harmonique.

Liaison avec les observables. - Soit A une observable. Elle n'évo-

lue pas en principe en tant qu'opérateur sur 3f. Ce qui évolue est

la probabilité p(x,A,.) de la mesure de A dans l'état x quand cet

état x dépend du temps. Si on prend x pour t=0 on notera p^(x,A,.)

la probabilité

P (x,A,.)
t =p(x(t),A,.)

qui se calcule selon

P (x,A,.) =
t (E(.)x(t)Ix(t))

= (E(.)U(t)x]U(t)x)

soit

1
(5) P (x,A,.) = (U(t)~ E(.)U(t)x|x).
t

Cette formule montre qu'on peut considérer un autre point de

vue (qui est celui dit de Heisenberg) selon lequel l'état x du

système n'évolue pas, mais que c'est l'observable A qui évolue

selon A(t) = U(t) A U(t) 9 puisque la probabilité p ( x , A , . ) est t


-183-

aussi la probabilité p(x,A(t),.). Mais nous ne développerons pas


cette idée.

Derrière l'égalité (5) il y a d'autres sources d'intérêt. On

peut, par exemple, chercher à connaître les observables A dont la

mesure n'évolue pas, observables qu'on pourra appeler H-stationnai-

res (et qui généralisent ou qui remplacent les intégrales premières

des systèmes classiques). Pour cela il faut et il suffit que

P (x,A,.)
t soit indépendant de t, ce qui n'a lieu que si

1
U(t)" E(a))U(t) = E(o>)

soit encore E(a))U(t) = U(t)E(o)) . Avec les résultats de (4.5.6) ex. 3,

on voit que cela signifie que A et T commutent (au sens où leurs

mesures spectrales commutent). Ainsi :

(6.2.2) PROPOSITION. - Pour toute observable A qui conmute avec H,

la loi de probabilité de sa mesure dans l'état x(t) est indé-


pendante de t.

Et ceci est évidemment valable pour l'observable particulière

A=H. Mais laissons là les généralités (par manque de temps) et pour

terminer la question traitons plus en détail les deux exemples

donnés au paragraphe 1.

2 — 2
La particule libre. - Ici H = P = SF Q 3F, de sorte que

exp(-it H) = $p exp(-it Q ) 3F.

2
Cette égalité signifie que pour toute cp £ L (R) on a
. 2
1
exp(-it H)cp= & [e cp( )].
x

2
-itx -
Il y a une difficulté pour représenter e cp(x) comme pro-
2
duit de deux transformées de Fourier car la fonction exp(-it x )
n'est pas une image de Fourier. On procède alors par approximation
2
en remarquant que pour z = s+it, s > 0, l'opérateur exp(-zQ ) , qui
2
opère multiplicativement dans L (]R) , est borné puisque
2 2 2 2
|exp(-zx ) | = exp(-sx ) < 1. On a de plus exp(-zx ) £ L (R) et,
-184-

par transformée de Fourier des gaussiennes,

2
2 ( 1 x )
exp (-zx ) = & ) — • exp (—) >
f \Z4TTz 4z )

où \fz est calculée de façon que Siïe \f~z > 0. On peut donc définir
l'opérateur exp(-zH) selon

2
1 x
(6) exp(-zH)cp = — exp( ) * cp .
\/4T7z 4z

Maintenant introduisons la mesure spectrale E(.) de H, sans


l'expliciter. On a alors pour chaque cp

2
? f°° I - -> I
||exp(-zH)cp - exp(-it H)cp|| = e Z U
- e dE (u)

-on Z
(1-e ) dE (u) + 0 quand s + 0
Jo ^
d'où 1'énoncé.

(6.2.3) THEOREME. - Le groupe dynamique de la particule libre en


dimension un (on parle quelquefois du propagateur libre) est
explicité selon

2
1 f (x-u)
[exp(-itH)cp] (x) = lim — — — exp [- , /* J ^ N 3 cp(u)du
J
s + o v^mF ^cs+it;
2 1
pour toute cp € L (R) . Lorsque cp G L (R) on peut écrire plus
simplement

2
1 f (x-u)
[exp(-itH)cp] (x) = exp [i ] cp(u)du.
J
V^4ÏÏît 4t
2 2
Lorsque cp E D ( H ) , c'est-à-dire lorsque X cp G L QR) et
11
2 ~ 2 . . . ,
X cp G L ( H ) , on a ainsi résolu l'équation de Schrodinger mise
sous la forme

1 8 f \ 3 <p , ,2

- 3 - 7 ip(x,t) = — T T (x,t).
1 ot ~ Z

(6.2.4) EXERCICE. - Etudier la particule libre et le propagateur

libre en dimension n.
-185-

f
L oscillateur harmonique. - L'opérateur hamiltonien H est ici
2 2
H = P +Q , et l'on sait qu'il admet la base des fonctions d'Hermite
comme base orthonormale propre, avec les énergies propres E = 2m+1.
m
On a donc immédiatement

r * i TI\ ^ -(2m+1)it _
exp(-itH) = Z e cp ® cp .
m m
m=o
Si l'on veut l'opérateur sous forme intégrale en explicitant
son noyau, il faut reprendre la même idée d'approximation qu'à
l'exemple 1, basée d'ailleurs sur le fait que dans les deux cas
le spectre de H est contenu dans [0, oo) . On introduit donc
z = s+it, s > 0, et l'opérateur

/ TT\ v ~(2m+1)z -
exp(-zH) = Z e cp ® cp
m m
m=o
qui est ici de Hilbert-Schmidt puisque

~| -(2m+1)z| 2
~ -(2m+1)2s ^
I|e I = Z e < + oo.
o o

Cet opérateur a donc un noyau (x,y) qui se calcule en posant


Z
-2 Z -2s
r = e , de sorte que r G Œ avec |r| = e < 1. Le noyau est
alors
oo
X (x,y) = e " Z
Z r m
(p (x) cp (y)
z m m
m=o

et se calcule par la formule de Mehler donnée en ( 6 . 1 ) . Ainsi

( 2 2 2 )
^ / \ -z 1 1 \ (1+r )0c+y )-4rxy f
Ji (x,y) = e — - . , exp <J =~ — >
Z
\/\\ ( 2(1-r )
Z
)

où \A~r 2
est déterminée par la condition que sa partie réelle

soit positive. En écrivant le numérateur de l'exposant sous la

forme

(1+r )(x-y)
2 2
+ 2xy(1-r) 2

et en revenant à la variable z plutôt que r, on a


-186-

(7) Jf.U.y) - Ç -jJ-f. exp \- [<S3>1 . - S _ ] j


. V n VM-e ( L
2 t h 2z th z J
)

et le raisonnement, développé à l'exemple 1, montre que

exp(-it H)cp = lim exp(-zH)cp z = s+it


s 4- o
f
d où :

(6.2.5) THEOREME. - Le groupe dynamique de l'oscillateur harmonique


s 'explicite selon

[exp(-it H)cp] (x) = lim (x,y)cp(y)dy z = s+it


s \ o ^
où tf z est le noyau ( 7 ) .

Le cas de l'équilibre thermodynamique. - Lorsque le système est

dans l'état mélangé S, correspondant à l'équilibre thermodynamique

à la température T, il n'y a pas d'évolution (d'où la raison du

mot équilibre). En effet on rappelle, avec (6.1), exemple 3, que

1 H
S = — e x p ( - ^ Y ) , de sorte que S commute avec le groupe dynamique
U(t) = exp(-it H ) . Il est alors clair que

S(t) = U(t)S u ( t ) ~ 1
= S

si S = S ( 0 ) . Le problème dynamique se confond dans ce cas avec


le problème statique étudié en (6.1).

Remarque : Dans les deux cas étudiés on n'obtient pas pour exp(-it H)

un opérateur défini par un noyau ; on se contente de l'approcher

par des opérateurs à noyaux d'ailleurs de Hilbert-Schmidt. En fait

il n'y a là rien d'étonnant puisque exp(-it H) est un opérateur

unitaire (et même l'identité si t = 0 ) . Néanmoins les formules "à

noyaux" ont l'intérêt de permettre une expression de l'opérateur

exp(-it H) qui ne fait pas appel à la mesure spectrale E(.) de H,

mesure spectrale qui n'est, en général, pas explicitement connue.


-187-

6.3 LIAISON AVEC LE PROBLEME DES MOMENTS.

On voit que dans la théorie précédente on n'utilise en défi-

nitive que des opérateurs auto-adjoints (observables, hamiltoniens).

De plus pour expliciter la dynamique quantique, il faut construire

le groupe de Stone exp(-it H ) . Il est donc essentiel de savoir que

l'opérateur hamiltonien est, sinon auto-adjoint, du moins essen-

tiellement auto-adjoint. En pratique cet hamiltonien est donné par

un "hamiltonien libre", représentant l'énergie cinétique du système,

auquel on ajoute un potentiel traduisant l'effet des forces exté-

rieures agissant sur le système et les interactions entre les dif-

férents éléments du système. On pourra penser, par exemple, à

l'opérateur d'énergie de l'atome d'hydrogène (un électron gravi-

tant autour d'un proton) ou d'un atome avec plusieurs électrons

interagissant entre eux. La complication de H fait donc que bien

souvent H n'est proprement défini que sur un sous-espace D de JÍ^,

dense dans j^, sur lequel l'hamiltonien est "trivialement" symétri-

que. Il faut alors chercher à savoir si H possède une fermeture

H = H auto-adjointe, ce qui implique rétrospectivement que D

est un coeur pour H. Depuis le célèbre théorème de KATO, prouvant

que l'opérateur hamiltonien d'un atome quelconque à plusieurs élec-

trons, est (essentiellement) auto-adjoint (1951), différentes tech-

niques, qui sont en général des techniques fines de preturbations,

ont été mises au point pour résoudre le problème dans des cas de

plus en plus généraux. L'une de ces techniques, mais ce n'est pas

la plus puissante, relève de la théorie du problème des moments,

et c'est pourquoi elle nous intéresse ici.

Revenons donc aux notations générales en désignant par T un

opérateur symétrique sur un espace de Hilbert H. On suppose

(hypothèse toujours vérifiée si T est auto-adjoint) que le sous-

espace 0 ^ = 0 (T) = fl D(T ) est dense dans H, et pour chaque


n
x G D , on introduit l'espace D(x) engendré par les vecteurs T x,

n > 0, ainsi que son adhérence H(x) dans H. On définit alors l'o-

pérateur T sur H(x) par D(T ) = D(x) et T z = Tz si z £ D ( x ) .


r
X X X
Par ailleurs, on vérifie comme d'habitude que la suite
-188-

n
a(x) = (a (x)) avec a (x) = (T x|x)
n n

est une suite de moments sur K., puisque ïe critère de Hamburger

(5.1.1) est satisfait. On introduit alors la définition :

(6.3.1) DEFINITION. - On dit que x e D°°(T) est un vecteur d'unicité

pour T lorsque le problème des moments de Hamburger associé à


x = n
la suite a ( ) n (T x|x) est déterminé, c'est-à-dire qu'il

n'admet qu'une seule solution.

On a alors le premier résultat :

(6.3.2) THEOREME. - Si x G D°°(T) est un vecteur d'unicité pour T,

alors l'opérateur T^ est essentiellement auto-adjoint sur

l'espace H ( x ) .

Preuve. - En remplaçant H par H(x) et en posant D = D(x) puis

S = T J ^ il faut prouver que S est essentiellement auto-adjoint sur H.

Soit 0 = Œ[X] l'espace des polynômes et soit v l'unique mesure

solution du problème des moments associé à la suite a ( x ) . Pour

P E ^ on a donc

liP(T)x!| 2
= [ IP 1 dv
2

de sorte que l'application D -> 0 , définie par P(T)x -» P est une

isométrie. Or 0 est dense dans L (v) par ( 5 . 3 . 5 ) T


et D l e s t aussi

dans H, de sorte que l'application précédente se prolonge en une


2
isométrie surjective de H sur L ( v ) . On peut donc considérer que
2
H = L ( v ) , D = 0, et que S est l'opérateur de multiplication par X

sur 0. D'après (5.3.4) l'opérateur S (qui est l'opérateur T de

( 5 . 3 . 4 ) ) est auto-adjoint, puisqu'on est dans le cas d'unicité du

problème des moments. Comme l'opérateur X, défini sur son domaine


2 2
naturel D(X) = {f G L (v) , Xf G L } est aussi auto-adjoint et

prolonge S, on a nécessairement X = S, ce qui démontre le résultat. •


On tire de là le résultat-clé :

(6.3.3) THEOREME (NUSSBAUM, 1965). - Soit T un opérateur symétrique

sur H. On suppose que T possède dans H un ensemble total de


-189-

vecteurs d'unicité. Alors T est essentiellement auto-adjoint.

Preuve. - D'après (4.4.6) il suffit de prouver que Im(T ± i) est

dense dans H. Fixons x € H et q > 0. D'après l'hypothèse il existe

une combinaison linéaire finie u = Z a, u, de vecteurs d'unicité u, ,


k k k
telle que llx-u II < • D'après (6.3.2) et (4.4.6) il existe, pour
chaque indice k, un vecteur v, G D(u ) tel que
1
llu,k - (T+i) v, Il
k
< 2
| ( l i ak, l ) ~

ce qui implique que le vecteur v = Z a^v^ est élément de D(T) et


que l'on a ||x -(T+i)v|| < e , d'où la densité de Im(T+i) , celle de
Im(T-i) s'obtenant de la même façon. •

Remarque : La notion de vecteurs d'unicité, quoiqu'assez intéres-

sante à première vue, pêche par deux défauts principaux. D'une part

le critère d'unicité du problème des moments dans toute sa géné-

ralité, n'est pas des plus faciles à vérifier. D'autre part l'ensem-

ble des vecteurs d'unicité n'a pas, apparemment, de structure bien

définie, en particulier ce n'est pas en général un sous-espace

vectoriel. C'est pourquoi on préfère souvent affaiblir la portée

de (6.3.3) en remplaçant les vecteurs d'unicité par d'autres familles

plus faciles à manier (vecteurs analytiques de NELSON, vecteurs qua-

si-analytiques ou vecteurs semi-analytiques de NUSSBAUM). Pour ne

pas alourdir l'exposé, parlons seulement des vecteurs analytiques.

(6.3.4) DEFINITION. - On dit qu'un vecteur x G D°°(T) est analytique

pour T lorsque la série entière en

n n
™ r HT xll
o n!

a un rayon de convergence non nul.

Il est alors clair que l'ensemble s/(T) des vecteurs analy-

tiques de T est un sous-espace vectoriel de H. On vérifiera sans

problème que si T = J X dE(À) est auto-adjoint, alors pour tout

z G H les vecteurs x = E([-a,+a])z sont analytiques, de sorte que


a
stf(T) est dense dans H lorsque T est auto-adjoint. La réciproque

intéressante est fournie avec le théorème de Nelson :


-190-

(6.3.5) THEOREME (NELSON, 1959). - Soit T un opérateur symétrique.

On considère un sous-espace D Q c D ( T ) , invariant par T et

tel que le sous-espace D o flj^(T) soit dense dans H. Alors


1
l opérateur T o = T| D o est essentiellement auto-adjoint. En
!
particulier l opérateur égal à la restriction de T au

sous-espace j ^ ( T ) , est essentiellement auto-adjoint pourvu

que j^(T) soit dense dans H.

Preuve. - Puisque D Q est invariant par T, on voit que


s/(T ) = s/(T) n D , ce qui ramène à la fin de l'énoncé. Il suffit
o

alors de vérifier, avec (6.3.3), que tout vecteur analytique est


un vecteur d'unicité. Soit x £ et soit u une mesure solution

du problème des moments

n n
a n = (T x|x) = | t d u ( t ) .

On supposera, pour simplifier, que a =1, c'est-à-dire que u est une


o
probabilité. On a alors l'inégalité

j|t| du(t) < ( ^ n ^


n = 2 1
(T **'*) 1 7 2 n
= HT xll

par Cauchy-Schwarz, de sorte que la série

n
Z - ^ flt| du(t)
J
n!

est convergente pour |a| < r, r fixé strictement positif. Il suit


aisément de là, par Fubini, que la fonction de la variable complexe
z = a+ib

t Z
*(z) - e du(t)

transformée de Laplace de u, est holomorphe dans la bande \ £ % e z \ < r,

de sorte que la transformée de Fourier de u est déterminée par les

valeurs

( n ) n
$ (0) = t du(t) = a
J n

ce qui implique évidemment l'unicité de u et justifie en même temps

le vocable "vecteur analytique". •


-191-

T
Malheureusement ce résultat, facile à obtenir, n e s t pas très

puissant et il faut beaucoup le généraliser pour en déduire des

moyens, utiles en pratique, pour reconnaître des opérateurs essen-

tiellement auto-adjoints. Nous donnerons toutefois un exemple.

Exemple. - Dans l'étude de l'oscillateur harmonique on a vu que


2 2
les opérateurs Q,P, N et H = P +Q = 2N+I étaient auto-adjoints

sur leurs domaines naturels d'auto-adjonction. La question est de

savoir jusqu'où l'on peut réduire ces domaines, c'est-à-dire jus-

qu'à quel espace D , pour que les opérateurs restent essen-


Q

tiellement auto-adjoints (D est alors un coeur pour l'opérateur

étudié). Une réponse est donnée avec :

(6.3.6) PROPOSITION. - Chacun des opérateurs Q, P, N, H est

essentiellement auto-adjoint sur le domaine formé du sous-

espace ^cp engendré par les fonctions d'Hermite cp^., et

aussi sur le domaine formé du sous-espace de Schwartz.

Preuve. - Il suffit de vérifier que chaque cp^ est un vecteur ana-

lytique pour l'opérateur T égal à l'un des Q, P, H, N. C'est évi-

dent pour H et N car Ncp^. = kcp^ et Hcp^ = (2k+1)cp^ donc

n
||N cp l| = k k
n
et ||H n
cp || =
fc (2k+1) . n

1 * i *
En écrivant Q = (A+A ) et P = (A-A ) et en se rappelant

que

A % k = V^kTT cp k+1 , Acp k = v^kcp _ k 1

il suffit de remarquer, que pour un produit B^!^...!^ où chaque B.

est soit A, soit A , on a la majoration

||B B ...B cp. Il < [ ( k + 1 ) . . . ( k + n ) ]


1 0
1/2
< [(n+k)!] 1 / 2

12 n k

pour obtenir les majorations

n 1 / 2
| | Q cp || < ( ^ 2 )
fc
n
t(n+k)!]

11 n 1 / 2
IIP cp ll < ( V2) k [(n+k)!]
-192-

r
I R <Pdl
En résumé les quatre séries Z — , R = Q, P, H, N, k fixé,
n!
sont convergentes pour tout r > 0. •

Pour renforcer le résultat précédent donnons, au moins sous

forme d'exercices, un énoncé plus élaboré. Tout repose sur la

question de l'existence d'extensions auto-adjointes d'un opérateur

symétrique semi-borné inférieurement (théorie de Friedrichs et

annexes).

EXERCICE 1.

On étudie quelques propriétés des extensions auto-adjointes

d'un opérateur symétrique T sur un espace de Hilbert complexe H,

lorsque T est supposé semi-borné inférieurement, c'est-à-dire tel

qu'il existe une constante a G E. vérifiant

(1) (Tx|x) > a||x|| 2


pour tout x G D ( T ) .

On suppose évidemment que le domaine D = D(T) est dense dans H.

On suppose ici a=1, de sorte que (1) devient

2
(2) (Tx|x) > ||x|| pour tout x G D(T)

et l'on veut prouver que T possède une extension auto-adjointe S


vérifiant la même condition (2) pour tout x G D ( S ) . La construction
qui suit est celle, dite de Friedrichs.

1° Montrer qu'on peut supposer T fermé sans changer la condition ( 2 ) .

2° Pour x,y G D = D ( T ) , on pose

1 /9
(3) [xly] = (Tx!y) et N(x) = [xlx] ' .

Montrer qu'on définit ainsi un produit scalaire et sa norme asso-

ciée sur D. En notant = (D,N) l'espace préhilbertien obtenu,

vérifier que l'injection canonique j : -> H est continue. On

désigne maintenant par D le complété de et par j : -» H le

prolongement canonique continu de j.


-193-

a) Etablir que j est injective. Dans toute la suite on identifiera

D ^ à un sous-espace de H, de sorte que l'on aura

(4) D = D N <= D N c H

b) On fixe z C H et on considère l'application L : x -> (x|z) dé-


z

finie pour x G D^. Montrer que est une forme linéaire conti-

nue sur D X 7 et déduire de là qu'il existe dans H un élément Bz

tel que

(5) Bz G D X 7 et (x|z) = [x|Bz] pour tout x G D •


N N

Montrer que l'opérateur B : H -* D ^ est linéaire et continu, de

norme < 1. En considérant B comme un opérateur linéaire H -> H,

montrer que B est hermitien positif, de norme < 1, puis prouver

que B est injectif et que son image Im B est dense à la fois dans

D ^ (pour sa propre norme) et dans H.

c) On définit maintenant l'opérateur S = B ^ : D(S) = Im B -* H.

Prouver que S est auto-adjoint et vérifie la condition (2) pour

tout x G D ( S ) .

d) Prouver l'égalité [x|BTz] = [x|z] pour tous x,z G D(T) et en

déduire que S est une extension de T.

3° Démontrer le théorème de Friedrichs, à savoir que tout opéra-

teur symétrique vérifiant (1) possède (au moins) une extension

auto-adjointe vérifiant (1) avec la même constante a. En déduire

que les indices de défaut de T sont égaux.

4° On suppose T fermé vérifiant (1) et tel que n (T) = n_(T) = 1,

et soit S = J tdE(t) une extension auto-adjointe quelconque.

Montrer que D(T) est de codimension 1 dans D(S) et en déduire que

pour tout X < a le projecteur P^ = E([ A ,a[) est de dimension < 1 .


2
On prouvera que si l'on a x = P^x 4 0, alors (Sxlx) < allxll et

on regardera ce qui se passe pour deux tels vecteurs orthogonaux.

En déduire qu'il existe une constante b < a telle que


2
E((-œ,b[) = 0 et (Sxlx) > bllxll pour tout x G D ( S ) , de sorte que S

est bornée inférieurement.


-194-

5° On suppose T symétrique fermé semi-borné inf érieurement: et non


auto-adjoint, et soit S une extension auto-adjointe de T, semi-
bornée inférieurement. Montrer qu'on peut trouver une extension
1
symétrique fermée T de T telle que T ' 4 S et telle que
n ( T ' ) = n_(T') = 1 . En déduire que T admet une infinité d'exten-
+

sions auto-adjointes semi-bornées inférieurement.

Démontrer alors le théorème de Barry SIMON.

(6.5.7) THEOREME (B. SIMON, 1 9 7 1 ) . - Tout opérateur symétrique


semi-borné inférieurement y qui n'admet qu'une seule exten-
sion auto-adjointe semi-bornée inférieurement, est essen-
tiellement auto-adjoint.

EXERCICE 2.

On fixe l'espace de Hilbert H et un opérateur symétrique T


sur H, défini sur un domaine D = D(T) dense dans H, et supposé
positif, c'est-à-dire vérifiant la condition ( 1 ) avec a = 0 . On pose

n
D°°(T) = fl D ( T )
n > 1

1° Montrer que pour tout x € D (T) on a (T x|x) > 0 pour tout


entier n > 0 .
oo
2° On dit que x G D (T) est un vecteur pseudo-analytique de T
lorsque la condition suivante est vérifiée :
( T x l x
(6) Il existe t > 0 tel que I ^ < + oo
n=o (2n)!

et on désigne par 0(T) L'ensemble de ces vecteurs.

a) Prouver que tout vecteur analytique est pseudo-analytique.


oo
b) Démontrer que 0(T) est un sous-espace vectoriel de D ( T ) .

c) Prouver encore que 0(T) c: 0(T + al) pour tout a > 0 .

Dans toute la suite de l'exercice on suppose vérifiée la


condition supplémentaire

(7) @>(T) est dense dans H.


-195-

3° Soit S une extension auto-adjointe de T, supposée positive (il

en existe d'après le théorème de Friedrichs), de mesure spectrale

E (.) = E ( . ) . On fixe un vecteur x G ^ ( T ) et soit JJ la mesure

JJ = E (.) = (E(.)xlx).
x

a) Montrer que JJ a son support dans [0, + «0 .

b) En utilisant la majoration |cos z| < exp[| J'm z|] pour z G Œ,

montrer que la fonction

$(z) = J cos (z V û)djj (u)


r

est analytique dans une bande convenable | ^ m z| < p, avec p > 0 .

En déduire que l'intégrale

r
<ï>(t) = J cos(t v û)d/j(u)

n
peut, pour tout t réel s'exprimer à partir des nombres (T x|x).

c) Soient a et T deux mesures positives bornées sur [0, 00) 9 telles

que les intégrales J cos(t \fu)do(u) et J cos(t \fû)dT(u) soient

égales pour tout t > 0. Montrer que a = T .

d) Déduire de b) et c) que T n'admet qu'une seule extension auto-

adjointe positive.

4° Démontrer, de façon analogue, que T n'admet qu'une seule exten-

sion auto-adjointe semi-bornée inférieurement.

Démontrer alors le théorème suivant, qui généralise légèrement

un théorème de MASSON-Mc CLARY (1972) relatif aux vecteurs, dits

semi-analytiques, où la condition (6) est écrite en remplaçant


n n
(T xlx) par llTxll :

(6.3.8) THEOREME. - Tout opérateur symétrique et positif, qui

admet un sous-espace dense de vecteurs pseudo-analytiques,


est essentiellement auto-adjoint.

Exemple. - On introduit dans l'étude de l'oscillateur anharmoni-

que, l'opérateur hamiltonien perturbé


-196-

2 2 4
H = P + Q + XQ X > 0

par un terme quartique. En reprenant lès calculs de (6.3.6), on

peut montrer sans difficulté, qu'il existe une constante M > 0

telle que, pour toute fonction cp^ d'Hermite on ait la majoration

n n 1 / 2
||H cp H
k ^ M [(4n+k)!]

qui fournit alors le fait quç chaque cp^ est un vecteur semi-ana-

lytique (et a fortiori pseudo-analytique) de H. D'où, avec (6.3.8),

l'extension suivante de (6.3,6), qui terminera ce cours :

2 2 4
(6.3.9) PROPOSITION. - L'opérateur H x = P + Q + ÀQ , X > 0, est

essentiellement auto-adjoint sur chacun des domaines é^cp


o
et y.
-197-

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

CHAPITRES 1 ET 2 :

[1] N. BOURBAKI, Théories spectrales, chap. 1 et 2, Hermann, Paris,


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CHAPITRE 5 :

[6] M. STONE, Linear transformations in H i l b e r t space and their


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[14] D. MASSON et W.K. Mc CLARY, Classes of C Vectors and Essen-
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