6022 PDF 43709
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Octobre 2004
2
Sommaire
Présentation page 3
Préconisations page19
• Actualiser ou compléter les textes réglementaires page19
• Mettre en œuvre des mesures adaptées
- au niveau national page19
- au niveau départemental page20
• Améliorer la communication dans l’école page20
3
Présentation
Le ministre de l’éducation nationale a fait part de sa préoccupation en prenant connaissance
des observations de la Défenseure des Enfants, dans son rapport d’activité de novembre 2003
portant sur l’école, et plus particulièrement sur les violences parfois supportées par les enfants
au sein même de l’école. Celle-ci signalait, en effet, un grand nombre de réclamations
émanant de parents d’élèves qui dénonçaient des agissements agressifs et humiliants (claques,
coups de règle, fessées déculottées, privation de récréation, dénigrement, etc.) de maîtres et de
maîtresses en école maternelle ou élémentaire.
Récemment interrogé au sujet de l’autorité des enseignants, le ministre s’est dit « scandalisé »
par le fait que certains enseignants maltraitent les élèves. Il considère que les textes doivent
être « nettoyés » et que, « dans le cadre des programmes », des « repères » doivent être
donnés, notamment par l’intermédiaire de l’éducation civique qui doit prendre « plus de
place » et être enseignée « dès le primaire. » Il souhaite également que « les sanctions contre
[les enseignants] qui abusent de leur autorité soient renforcées. »1
La lettre du 2 mars 20042, confirmée le 6 mai dernier3 définit la mission qui m’est confiée :
« vous devrez (…) recueillir auprès des services académiques des informations précises
permettant de mesurer l’ampleur et l’évolution du phénomène et de recenser les réponses qui
ont été apportées ».
« Un premier rapport portant sur l’année 2003/2004 nous sera remis au mois de septembre
2004, afin que nous puissions examiner, avec la Défenseure des Enfants avant la remise de
son rapport d’activités 2004, le résultat de ce travail et les propositions d’actions à mettre en
œuvre. »
Pour ce faire, un questionnaire4 établi après divers entretiens avec des inspecteurs généraux
(anciens recteurs ou anciens inspecteurs d’académie) a été adressé dans toutes les académies.
Après un rappel historique de l’évolution des textes concernant les droits de l’enfant et de la
création du Défenseur des Enfants, en France, ce présent rapport issu de l’ensemble des
réponses reçues s’efforce de faire un état des lieux organisé autour de neuf directions : un
récapitulatif des cas constatés pour l’année 2003-2004 analysés selon la grille suivante : les
écoles et les niveaux, les caractéristiques des maltraitances, le statut des auteurs présumés,
l’origine de la première alerte, la forme de la saisine, le traitement des faits, les méthodes pour
les enquêtes mentionnées, l’issue pour les enseignants et pour les enfants.
Un second mouvement rappelle les règles existantes : les missions du maître, le droit et la
responsabilité dans l’institution scolaire, les poursuites disciplinaires encourues par un agent
de la fonction publique, le système disciplinaire scolaire, le rôle des inspecteurs de
l’éducation nationale, celui des délégués départementaux de l’éducation nationale et
l’importance des relations avec les parents.
1
cf la dépêche de l’AEF du 02/09/04 annexe 1.
2
cf annexe 2.
3
cf annexe 3.
4
cf annexe 4.
4
Enfin, une synthèse récapitule des évolutions jugées utiles en formulant des préconisations
tirées des constats.
« Dans une société démocratique, il ne peut exister “une caste des intouchables” 5 : tous les
citoyens sont soumis au droit, à la même règle de droit. Rien dans cela qui puisse engendrer
une crainte excessive. Le droit, y compris dans ses aspects de droit pénal, ne peut en aucun
cas justifier un quelconque immobilisme ou être alibi pour ne rien faire, ne pas prendre
d’initiative, ne pas assumer des responsabilités. Il invite au contraire chacun et, entre autres,
l’encadrement à respecter la règle commune et à prendre un minimum de précautions dans
l’intérêt général et dans celui de ceux dont il a la charge.(…) N’est-ce pas là, peut-être, à
l’égard des élèves et de leur famille, une leçon de civisme et une façon de contribuer à la
formation des citoyens, si nécessaire aujourd’hui ? » 6
* *
*
5
Le professeur Liet-Veaux le faisait déjà remarquer en 1952 à propos des agents publics in
« La caste des intouchables ou la théorie du délit de service », Dalloz,1952, p. 28.
6
Bernard Toulemonde dans « La responsabilité » AFAE n°2-2002.
5
La Convention internationale sur les droits des enfants8 rappelle que « les États parties
conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à favoriser l’épanouissement de la
personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et
physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités. »9 L’enfant doit être considéré comme
un citoyen en construction, sujet de droit et acteur de sa future citoyenneté.
En ce qui concerne la France, l’histoire peut se résumer ainsi : en 1887, une circulaire du
ministère de l’Instruction avait interdit les châtiments corporels à l’école. Pour autant, ces
violences n’avaient pas disparu et les juges avaient par ailleurs reconnu aux maîtres et
éducateurs un droit de correction au même titre que celui attribué aux parents (arrêt de la Cour
de cassation en 1889). Gifles et soufflets furent alors tolérés dans la mesure où il n’y avait pas
excès et que la santé de l’enfant n’était pas compromise. Actuellement, une circulaire de
199110 interdit aux maîtres « tout comportement, geste ou parole qui traduirait indifférence
ou mépris à l’égard de l’élève ou de sa famille ou qui serait susceptible de blesser la
sensibilité des enfants ». Cependant, l’enfant « momentanément difficile pourra être isolé
pendant le temps, très court, nécessaire à lui faire retrouver un comportement compatible
avec la vie du groupe. » Il s’agit donc moins de punir que de protéger le groupe. Cela ne veut
pas dire non plus que l’enfant doive être laissé sans surveillance. Si son comportement
perturbe durablement et gravement le fonctionnement de la classe, des dispositions existent
pour traiter la situation et assurer la cohésion pédagogique et citoyenne des élèves.
Force est de constater le caractère vague et peu explicite des comportements, gestes et paroles
dénoncés dans la circulaire. On peut légitimement s’interroger sur le statut de la claque, de la
fessée, de la privation d’activités sportives ou de récréation, dans ce cadre. Les témoignages
des familles enregistrés par la Défenseure des Enfants montrent, que faute d’une description
précise de ces comportements, il subsiste des incertitudes et des hésitations chez les autorités
en charge de faire respecter le texte. Ce flou est perceptible du côté judiciaire comme du côté
académique. Au pénal, une jurisprudence a en effet laissé le champ libre aux adeptes d’une
pédagogie « musclée », renvoyant ces comportements à des choix pédagogiques possibles qui
restent cependant différents du droit de correction accordé aux parents.
7
Cf article 1er de la loi du 6 mars 2000.
8
Cf décret n° 90 – 917 du 8 octobre 1990.
9
Cf article 29 de la Convention internationale.
10
Cf circulaire n° 91 – 124 du 6 juin 1991.
6
Le faible nombre de réponses concernant le second degré ne permet pas une bonne analyse de
situations : elles ne seront donc pas exploitées dans ce rapport.
Nous avons retenu 68 situations exploitables11 parmi celles qui étaient annexées au relevé
chiffré envoyé par les inspections académiques. Aucune de ces situations n’était connue de la
Défenseure des Enfants ; une seule, d’après les fiches, semble l’être du Médiateur de
l’Éducation nationale.
On relève l’absence d’homogénéité dans la dénomination des services qui ont préparé les
réponses : cela va, par exemple, du service social à l’élève, à la division de la politique
éducative, la division des élèves ou la division des personnels. Ce constat met en évidence
une assez grande disparité dans la collecte de l’information et de son suivi ; pourtant une
« attention d’ensemble et réactivité des services concernés sont autant de facteurs de
prévention à partir du moment où les procédures de signalement et de traitement sont
clairement établies » écrit un recteur en accompagnement de sa réponse.
Les 81 cas signalés pourraient apparaître comme peu significatifs eu égard aux 6 550 000
élèves en primaire et aux 338 860 instituteurs ou professeurs des écoles 12 Ils traduisent
probablement un aveu d’impuissance ou une faiblesse éducative de la part des auteurs des
faits décrits et sans doute une formation initiale mal assimilée ou déficiente. L’utilisation de la
force constitue toujours un témoignage d’impuissance et montre que l’on a échoué dans la
recherche d’autres moyens de solution que sont la négociation, la reconnaissance de l’autorité,
la contrainte non-violente. Frapper un enfant revient à lui enseigner un mode de
comportement violent qu’il reproduira à l’école et à l’extérieur.
L’analyse des 68 cas signalés dans le cadre de l’enquête peut se faire selon plusieurs
typologies :
L’âge des victimes se situe entre 2 ans et demi et 14 ans ; tous les niveaux de l’enseignement
sont représentés.
On peut noter que les situations individuelles recensées sont beaucoup plus nombreuses que
les situations collectives : le phénomène de bouc émissaire, notamment dans le contexte d’un
public un peu difficile pourrait peut-être expliquer nombre de ces phénomènes.
Les brutalités physiques associées ou non à un harcèlement psychologique sont de loin les
plus répandues. Elles touchent principalement, dans notre observation l’école élémentaire.
Les attouchements et abus sexuels restent à la marge et sont désormais pris en charge très
rapidement par l’appareil judiciaire en liaison avec les autorités académiques. La réactivité
des services, dans les autres cas, est variable. Dans certains départements, on privilégie la
rapidité (par exemple dans l’académie de Grenoble ou d’Amiens), dans d’autres, un travail
plus patient de reconnaissance des faits (par exemple dans l’académie de Clermont-ferrand ou
de Versailles). Il faudrait pouvoir effectuer des comparaisons sur l’efficacité des différents
types de traitement, en particulier, du point de vue des victimes.
Dans l’académie de Bordeaux, « une institutrice, dans une école maternelle, a bâillonné la
bouche d’une élève de petite section avec une bande de ruban adhésif, suite à des
vomissements, « par ailleurs réguliers le matin, lors de l’accueil ».
Dans l’académie de Caen, « un garçon en cours moyen se voit priver totalement de récréation
(seul dans sa classe), a des lignes, des devoirs supplémentaires à faire, se retrouve dans le
couloir ou est privé de cross, est humilié. »
Dans l’académie de Clermont-Ferrand, « 11 garçons de 10 ans ont subi des propos et gestes
violents. »
Dans l’académie de Reims, «un instituteur titulaire, affecté sur un poste de remplaçant (ZIL),
a fait l’objet de signalements répétés (maltraitance physique et psychologique).
Il serait intéressant de mieux examiner les cas des enseignants dits « violents », notamment
dans les situations collectives ; ces derniers sont majoritairement des hommes, titulaires
remplaçants ou jeunes directeurs. L’attitude de ces jeunes enseignants et tout particulièrement
les remplaçants pourrait être expliquée par un comportement dû à la panique avec des
réactions inadaptées et nous conduit à nous interroger sur la formation reçue au sein des
IUFM et sur leur suivi pédagogique par des tuteurs.
9
• Forme de la saisine
- 11 parents ont écrit au directeur de l’école.
- 32 ont envoyé un courrier aux instances académiques (IEN, IA, Recteur) dont 2 ont
adressé également une copie au ministre.
- 16 ont déposé une plainte à la police ou à la gendarmerie.
- 2 signalés par le 119 (SOS Enfance maltraitée) à l’IA.
- 1 a fait un signalement à l’aide sociale à l’enfance.
- 3 cas signalés par écrit par les travailleurs sociaux à leur propre hiérarchie qui a saisi
l’IA .
- 4 fiches ne permettent pas de caractériser la forme de saisine.
-
Par ailleurs, les familles peuvent effectuer des actions de type différent en parallèle, par
exemple un courrier à l’IEN et le dépôt d’une plainte.
Ce sont les parents qui sont les premiers à agir quand une question de ce type se pose. Bien
que les collègues de l’enseignant ignorent rarement les phénomènes de brutalité ou de
harcèlement, une solidarité du silence est souvent de règle. Dans certains cas néanmoins, la
communauté scolaire peut se trouver unanime à dénoncer un dysfonctionnement souvent dû à
un remplaçant (par exemple dans l’académie de Reims).
Les parents savent peu que la véritable autorité hiérarchique est l’IEN ; et, dans un premier
temps, ils alertent la direction de l’école. Comme on peut le voir, certains directeurs
considèrent comme de leur ressort d’apaiser les conflits et font un travail de médiation qui
peut aller jusqu’à l’expression d’excuses aux parents. D’autres parents s’adressent à l’IEN ou
en direct à l’IA qui renvoie sur l’IEN de circonscription.
• Traitement
- 5 cas ont trouvé un règlement au niveau de l’école.
- 45 enquêtes ont été confiées à l’IEN de circonscription par l’IA.
- 7 interventions de l’IEN-adjoint à l’IA sont signalées.
- 9 enquêtes de police ou de gendarmerie ont été menées.
- 16 interventions du Parquet avec une suite judiciaire sont mentionnées.
rendre compte. Quelques-uns sont appuyés par un IEN adjoint de l’IA. On peut s’interroger
sur cette procédure générale dans la mesure où l’IEN de circonscription, supérieur
hiérarchique direct de l’enseignant et donc dont la responsabilité est engagée, pourrait avoir
du mal à prendre la distance nécessaire pour entendre les familles. L’enquête consiste
essentiellement en un entretien.
On peut souligner que le recueil des récits des enfants, dans le cadre de cette enquête, avec
l’aide éventuelle d’un psychologue, notamment pour les plus jeunes, est très peu mentionné.
La diversité des sanctions, avec ou non une procédure pénale associée, confirme une grande
hétérogénéité des situations et des modalités d’intervention dans ce domaine.
Si la procédure pénale, hors abus sexuels caractérisés, aboutit le plus souvent à un classement
sans suite, la procédure administrative, révélée par notre enquête, se développe sur trois axes :
- un traitement « maladie » et congé de longue durée ;
- un traitement « sanction » (avertissement, blâme, mutation, mise à l’écart bien que
cette dernière action ne constitue pas une sanction au sens administratif) ;
- un traitement « rappel aux obligations professionnelles ».
Un traitement « sanction » est le plus souvent lié à la décision judiciaire, mais on voit aussi
une réintégration sans sanction administrative après une condamnation à la prison avec sursis
et une amende.
On sent peu, à travers ces décisions, la prise en compte de l’insuffisance professionnelle que
révèle la plupart de ces conflits. À deux ou trois reprises, est mentionné un dispositif de
soutien psychologique ou professionnel destiné à accompagner l’enseignant en difficulté,
mais ce type de diagnostic comme ce type de traitement se révèlent extrêmement rares, dans
les fiches communiquées. Notons également que 4 cellules d’écoute pour la communauté
scolaire ont été mises en place.
Les enfants, au centre de ces conflits et en règle générale victimes réelles des adultes, sont
ignorés voire contestés la plupart du temps, pendant la procédure administrative ; ils ne
12
bénéficient pas, dans la plupart des cas, de décisions positives en fin de parcours. Ils sont les
grands perdants des conflits de ce type, quel que soit le devenir de l’enseignant. Les parents
doivent s’attendre, dès qu’ils s’engagent dans ce type de procédure, à être amenés à chercher
un autre établissement scolaire pour leur enfant.
Ces observations en nombre limité à cause du taux de réponses à l’enquête mais aussi de la
nature des signalements demandés ouvrent néanmoins des pistes de travail et invitent à des
vérifications plus systématiques.
* *
*
13
Plus particulièrement, la fonction de l’école maternelle est de « socialiser » les enfants en leur
ouvrant un champ de relations tant avec les autres qu’avec les adultes, « scolariser » en
donnant le sentiment que l’école est faite pour apprendre, qu’elle a ses exigences
pédagogiques certes, ce qui ne l’empêche aucunement de réserver des joies et d’éveiller aux
divertissements de et par l’apprentissage.
13
Lettre à tous ceux qui aiment l’école, Luc FERRY.
14
« Pour la réussite de tous les élèves » rapport de la Commission du débat national sur
l’avenir de l’École – chap 5.
14
La très grande majorité des enseignants sont des agents de la fonction publique d’État qui est
régie par un code comportant un chapitre consacré aux poursuites disciplinaires.
L’action disciplinaire ne se confond pas avec l’action pénale. Le droit disciplinaire est
autonome à l’égard du droit pénal. La répression disciplinaire et la répression pénale
s’exercent de facto distinctement. Mais les constatations de fait (c’est-à-dire l’existence
matérielle des faits) faites par le juge pénal s’imposent à l’administration et au juge
administratif. Aussi, si le jugement intervient avant la sanction disciplinaire, l’administration
doit s’en tenir à la solution du juge pénal et s’il intervient après la sanction disciplinaire et
qu’il y a contradiction, la sanction pourra être annulée si elle fait l’objet d’un recours.
15
Bernard Toulemonde « la responsabilité et le droit » dans « Responsabilités » CRDP
Bourgogne.
16
cf www.fonction-publique.gouv.fr/fp/statut:discipline.htm
15
A l’inverse des fautes disciplinaires qui ne sont décrites nulle part, les sanctions sont
strictement prévues par les textes. La loi de 1984 détermine une liste de dix sanctions,
réparties en quatre groupes :
premier groupe : avertissement, blâme ;
deuxième groupe : radiation du tableau d’avancement, abaissement d’échelon,
exclusion temporaire de fonctions (durée maximum de 15 jours) ;
troisième groupe : rétrogradation, exclusion temporaire (3 mois à 2 ans) ;
quatrième groupe : mise à la retraite d’office, révocation.
Par exemple, une maîtresse mord une enfant. Les parents, après avoir fait constater la morsure
par un médecin, déposent une plainte. Une enquête de police a lieu. Le parquet est saisi,
l’affaire jugée : condamnation de l’enseignante à un mois de prison avec sursis et de l’État à
des dommages et intérêts pour la famille. L’avocat de l’enseignante fait appel de la décision.
L’affaire est jugée : relaxe. L’enseignante qui avait été suspendue de ses fonctions pendant
l’enquête est réintégrée à compter de la signification de l’arrêt.
Ce système disciplinaire ne s’applique donc pas aux écoles primaires du fait qu’elles ne
relèvent pas de la catégorie juridique des établissements publics locaux d’enseignement. Le
conseil d’école, sur proposition du directeur d’école, vote le règlement intérieur. Celui-ci doit
être en conformité avec le règlement-type départemental arrêté par l’inspecteur d’académie,
qui laisse à chaque établissement une grande latitude pour adapter la réglementation aux
nécessités locales. Il est affiché dans l’école et remis aux parents d’élèves, à chaque rentrée.19
« Les pratiques des instituteurs, en matière de discipline, sont donc peu encadrées, ce qui
peut conduire à certains dérapages dans le choix des punitions »20.
17
Décret du 30 août 1985 modifié en 1990, 1991, 2000 et décret du 18 décembre 1985.
18
Cf circulaire n°2000-105.
19
Article 9 du décret n° 90 –788 du 6 septembre 1990.
20
Cf Claude Durand-Prinborgne Le droit de l’éducation hachette éducation 1998.
16
Combien de cas auraient pu être traités par le conseil d’école, l’IEN, véritable autorité
hiérarchique de chaque enseignant du premier degré ou l’IA quand il est saisi. Les parents,
devant le mutisme et l’immobilisme, abandonnent ou s’en remettent au procureur qui classe le
plus souvent, ou au juge qui rend fréquemment un non lieu. « Cela ne signifie pas pour autant
que la victime a menti ! Il faudrait alors lui expliquer que la vérité judiciaire obéit à des
règles qui peuvent être exigeantes et que les libertés de chacun en dépendent. Il faudrait alors
la recevoir et lui expliquer. »21 Les parents ont le sentiment d’être désavoués voire
abandonnés par l’institution scolaire et l’appareil judiciaire : la parole de l’enfant est
discréditée sans être méticuleusement entendue et examinée, même si la gifle a laissé des
traces sur le visage ou dans la tête.
Récemment, dans le cadre d’une lettre de mission adressée à l’inspection générale, le ministre
définit ainsi les missions des IEN : « Les IEN jouent un rôle déterminant dans la mise en
œuvre des objectifs nationaux ; outre leurs missions fondamentales d’inspection des
personnels et d’évaluation des enseignements et des établissements, une part croissante de
leur activité est consacrée à l’animation et à la formation des personnels, des tâches de
gestion et de conception pouvant s’y ajouter »22.
Une thèse de doctorat soutenue le 1er décembre 2003 en sciences de l’éducation intitulée
« Stress individuel des enseignants d’école primaire et médiation collective » corrobore cette
importance du soutien pédagogique et le travail en équipe.
Que peut-on y lire ? 50,01% des enseignants interrogés apparaissent stressés ou hyper-
stressés. Ce stress individuel est « étroitement lié au soutien des collègues », constate l’étude
qui avance l’hypothèse que « ce sentiment de malaise ne peut s’estomper et se convertir en
action et mouvement culturel que sur la base d’une nouvelle organisation sociale du travail et
du collectif, à un niveau local. » « À stress individuel, solutions collectives » prône l’auteure
Laurence Janot, insistant sur le rôle du directeur, sur l’existence d’une culture d’école, sur de
bonnes relations au sein de l’équipe éducative et sur l’intégration des parents. Elle suggère
d’inscrire une action de soutien dans une démarche organisée, d’accompagnement dans la
durée par des personnes ressources ou des pairs formés à cet exercice. D’où l’importance du
rôle joué par les formations initiale et continue en ce sens.
21
« Les violences en et par les institutions de l’Enfance » www.rosenczveig.com
22
Lettre de mission du ministre en date du 9 octobre 2003 à l’inspection générale.
23
Rapport du groupe présidé par l’inspecteur général Yves Bottin sur les missions des IEN,
l’organisation de leur activité, leur formation et l’organisation de leur carrière janvier 2004.
17
Si ce mode de fonctionnement collectif n’est pas adopté, l’auteure craint que les punitions
données sous le coup du stress et ressenties comme injustes par les élèves ne cessent
d’augmenter24. D’autre part, l’autorité ne se décrète pas, elle se partage, se construit à partir
du travail accompli par les uns et les autres.
Récemment, la presse25 s’est fait l’écho de problèmes survenus dans une école maternelle ; la
maîtresse mise à la retraite s’est exprimée en ces termes : « le directeur me reprochait ma
sévérité. Je n’ai jamais eu l’occasion de m’expliquer devant les parents. Dès le mois de
décembre, on m’a dit de m’écraser pour ne pas envenimer la situation. Au conseil d’école
exceptionnel, qui a eu lieu bien trop tard dans l’année, j’avais interdiction d’ouvrir la
bouche. Franchement, j’aurais souhaité une réunion de parents, même transformée en
tribunal. J’aurais démystifié mon comportement. » La non collégialité de l’équipe
d’enseignants, avec un projet d’école ancien ont laissé perdurer une situation qui a débordé le
cadre strict de l’école et de sa mission éducative.
Le projet d’école est un outil essentiel pour mutualiser les projets pédagogiques et « casser »
la solitude et donc le stress des enseignants.
C’est le rôle des inspecteurs de l’éducation nationale de contrôler, d’impulser ce projet qui est
un cadre fondamental dans la vie quotidienne d’une école On le voit bien ici : l’autorité de
l’enseignant réside à la fois dans le respect de la mission éducative qui lui est confiée vis-à-vis
des enfants (et de leurs parents) dont il a la charge mais aussi dans le respect des règles (une
éthique) qu’il se donne à lui-même, au-delà du respect de sa mission officielle, comme acteur
et garant des cadres fixés par l’institution avec l’ensemble de l’appareil administratif et
pédagogique.
Pourquoi ne pas modifier cette mission pour en faire une sorte d’interlocuteur à disposition
des parents en cas de litige dans l’école tout comme les correspondants du Médiateur de
l’éducation nationale en région ?
dire et d’expliquer ce qu’elle fait au-delà du rituel des classiques réunions. L’éducation
concertée avec les parents devrait ainsi pouvoir s’établir sur la base de règles explicites
définissant le rôle et la place de chacun.
Le Code de l’Éducation précise que « les familles sont associées à l’accomplissement des
missions de formation scolaire »27 […] . «Les parents d ‘élèves sont membres de la
communauté éducative. Leur participation à la vie scolaire et le dialogue avec les
enseignants et les autres personnels sont assurés dans chaque école et dans chaque
établissement ».28
Une expérience menée dans un certain nombre d’écoles élémentaires d’une académie
(soutenue par les ministères de l’Éducation nationale, de l’Emploi, de la Famille et de
l’Industrie) illustre cette association des parents et des enseignants : la création d’espaces
ludiques en milieu scolaire.
Ces espaces ouverts pendant le temps périscolaire et scolaire (garderie, cantine et récréation)
fonctionnent grâce à l’implication des parents et des enseignants. Il ressort de cette expérience
que par le libre choix du jeu, l’enfant, loin de la violence des cours de récréation, développe
une confiance en lui-même, se valorise dans la réussite et dans la défaite, apprend la mixité et
le vivre ensemble. Ce temps de jeu non contraint peut être inscrit dans le projet d’école.29
La Commission, dans son rapport, reprend l’idée d’une meilleure communication entre
enseignants et parents et va jusqu’à proposer l’établissement de règles de « bonne conduite »
au niveau des établissements : « Définir des règles de prévention et de résolution des conflits
interpersonnels : les conflits interpersonnels (entre professeurs et élèves, entre parents et
éducateurs …) perturbent quelquefois la sérénité des relations entre les parents et les
établissements. Sans vouloir édicter des règles générales de bonne conduite, la Commission
souhaite que dans tous les établissements scolaires de telles règles soient élaborées au niveau
du conseil de la communauté éducative, dans le second degré, ou à celui du conseil de cycle à
l’école élémentaire. Il s’agit d’identifier et de communiquer à tous les parents le nom de
l’interlocuteur susceptible de résoudre la difficulté ou de servir de médiateur ou de
modérateur en fonction de la nature du conflit. »30 Ce pourrait être la fonction du délégué
départemental de l’éducation nationale, dans le premier degré, dès lors qu’une véritable lettre
de mission lui serait donnée.
27
Code l’Éducation, art L111-2.
28
Code de l’Éducation art L111-4.
29
Colloque « Jouer, une alternative à la violence » Lille, le 29 septembre 2004.
30
« Pour la réussite de tous les élèves » rapport de la Commission du débat national sur
l’avenir de l’École - chap 7.
19
Préconisations
Au terme de ces rappels non exhaustifs, il semble impératif d’améliorer la communication
dans toutes les instances de l’école.
Les réponses au questionnaire témoignent d’une certaine gêne de la part des acteurs de l’école
(recteurs, inspecteurs, etc.) de rendre compte avec clarté :
• des constats (causes et effets) de la maltraitance des enfants effectués au sein de
l’école par les personnels ;
• des réactions coercitives de l’institution éducative voire judiciaire face au sentiment de
solitude des enseignants.
Il n’en demeure pas moins qu’un dialogue responsable commence à s’instaurer entre toutes
les instances, y compris avec les parents. Ce dialogue doit être soutenu par un certain nombre
d’initiatives pour être fécond. Plusieurs propositions faites ci-dessous pourront paraître aller
de soi. L’analyse des réponses reçues conduit à les réaffirmer et à tenter d’unifier des
pratiques très diverses.
Au niveau départemental
1. Motiver auprès des parents les décisions prises (punitions et/ou sanctions), rechercher
des punitions et/ou des sanctions à caractère éducatif.
2. Éviter de différer les sanctions.
3. Revoir en ce sens les règlements type départementaux, après avis des Conseils de
l’éducation nationale départementaux, en précisant, cycle par cycle, un code de bonne
conduite entre tous les partenaires de l’école et s’assurer, sous des formes à définir, de
la conformité.des règlements intérieurs aux précisions apportées par l’ensemble de la
communauté scolaire.
4. Rappeler, dans le règlement type départemental et dans le règlement intérieur, les
modalités de saisines des interlocuteurs disponibles en cas de besoin (délégué
départemental de l’éducation nationale, correspondant du Médiateur de l’éducation
nationale, inspecteur de l’éducation nationale de circonscription, inspecteur
d’académie, médecin scolaire, psychologue scolaire, aide sociale).
5. Tout cas de maltraitance signalé doit être porté à la connaissance de l’inspecteur
d’académie (un tiers non partie prenante) qui, selon la gravité du cas, s’impliquera
personnellement, ou prendra les dispositions indispensables pour la suite à donner.
6. Fournir, à une date fixée, à l’autorité académique chargée du suivi, des rapports, pour
assurer l’information de l’inspecteur d’académie ou pour s’assurer qu’un signalement
direct de cas qui le justifieraient a été fait auprès des services de protection de
l’enfance ou/et auprès du Procureur de la République.
* *
*