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LES ARGILES

Historiquement, en géologie et science du sol, le terme argile correspond à l’ensemble des


minéraux présentant une taille inférieure à 2 µm dans une roche. Cette coupure
granulométrique est héritée des études pétrographiques effectuées par microscopie optique à
la fin du XIXe siècle. Les cristaux présentant alors une taille inférieure à 2 µm n'étaient pas
reconnaissables et classés sous l’appellation argile. Aujourd'hui, l’appellation argile diffère en
fonction des domaines d'étude. Ainsi, en géotechnique, où l’on s’intéresse avant tout au
comportement mécanique des sols, on désigne par argile les matériaux de granulométrie
inférieurs à 4 µm (entre 4 et 50 µm, on parle de limon). En science des argiles, l'argile ne
correspond pas à une coupure granulométrique, mais à des minéraux. Le terme est alors utilisé
pour décrire les phyllosilicates et plus particulièrement les minéraux argileux.
Ces derniers sont classés en trois grandes familles selon l'épaisseur des feuillets (0,7 ou 1 ou
1,4 nm), qui correspondent à un nombre de couches d'oxydes tétraédriques (Si) et
octaédriques (Al, Ni, Mg, Fe2+, Fe3+, Mn, Na, K,). L'interstice entre feuillets peut contenir de
l'eau ainsi que des ions. Il en résulte des variations de la distance entre feuillets, et donc des
variations dimensionnelles macroscopiques de l'argile quand elle s'hydrate (dilatation) ou
s'assèche (contraction) pouvant provoquer des fissures.

1 -Structure des minéraux argileux


Les minéraux argileux sont tous constitués à partir d'un empilement de feuillets de couches de
tétraèdres et d’octaèdres entrecoupé par un espace appelé espace interfoliaire :
 Les couches de tétraèdres sont agencées en mailles hexagonales et sont constitués de
tétraèdres d'oxygène entourant un atome de silicium ou d'aluminium.
 Les couches d’octaèdres sont composées d'octaèdres formés par deux plans
d'oxygènes-hydroxyles encadrant des atomes plus larges tels que : Al, Fe, Mg, Li, …
Les cations constituants de la couche d’octaèdres induisent, selon leur valence, une
modification du taux de remplissage de la couche. Ainsi, pour une couche octaédrique
purement magnésienne par exemple, constituée donc d'atomes de Mg 2+, un taux de
remplissage de 100 % est constitué, tous les octaèdres sont occupés, on parle d'argile
trioctaédrique. À l'inverse, pour une couche octaédrique purement alumineuse par
exemple, constituée donc d'atomes d'Al3+, le taux de remplissage sera au 2/3, deux
octaèdres sont remplis et un est laissé vide, on parle de vacance.
 Des substitutions peuvent intervenir entre les différents atomes constituants de la
couche de tétraèdres ou d’octaèdre. Ces substitutions induisent un déficit de charge
permanent, faisant de beaucoup d'argiles des espèces stablement chargées
négativement. Ces charges sont compensées par l'incorporation de cations au sein de
l'interfoliaire de l'argile.

 Les groupements OH- présents en bordure des argiles induisent également une
capacité d'échange et d'adsorption d'espèces chargées. Ces groupements hydroxyles
sont cependant dépendant du pH ainsi : à bas pH, les hydroxyles de surfaces sont
entièrement protonés (OH) l'argile montre une charge de bordure globalement positive.

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À haut pH, les hydroxyles se déprotonent, la surface est globalement négative (O 2-).
On parle alors ici de charges variables. Ces dernières sont nettement moins
importantes que les charges permanentes, mais jouent tout de même un rôle dans la
capacité d'échange de l'argile.
 Exemple de calcul de la charge permanente : Si on considère une Kaolinite, de
formule Si4Al4O10(OH)8, le bilan de charge est le suivant : 4 atomes Si4+ + 4 atomes
Al3+ + 18 atomes O2- + 8 atomes H+ = 0 . Cette argile n'a pas de charge permanente et
donc aucun cation interfoliaire pour neutraliser la charge. La totalité de la capacité
d'échange de cette argile est liée à ses charges variables de bordure.
À l'inverse, une Montmorillonite de formule (Al3.4, Mg0.6)Si8O20(OH)4·nH2O
montre le bilan suivant : 8 atomes Si4+ + 3.4 atomes Al3+ + 0.6 atomes Mg2+ + 24
atomes O2- + 4 atomes H+ = -0,6 ; ce déficit est comblé par l'incorporation de 0.6
cations monovalent, ou 0.3 cations divalent (dans l'exemple on considère Na 0.6) soit
(Na0,6) (Al3.4, Mg0.6)Si8O20(OH)4·nH2O. La totalité de la capacité d'échange de cette
argile est liée à ses charges permanentes ainsi qu'à ses charges de bordure.

Propriétés de gonflement et d'échange


 Certaines argiles présentent la capacité d'augmenter leur espace interfoliaire. Cette
propriété provient de l'incorporation de cations hydratés (Na, Ca,) permettant de
compenser les déficits de charges permanents. Ce phénomène n'existe plus si la charge
de l'argile est trop forte (micas : charge totale de l'argile de -1 parfaitement
contrebalancé par les cations déshydratés (K)) ou nulle (pyrophyllite, talc : charge
totale de l'argile de 0, aucun cation interfoliaire). Les espèces expansibles sont celles
dont la charge varie de 0.3 à 0.8 ce qui comprend la sous-classe des Sméctites ainsi
que les Vermiculites. C'est l'eau incorporée via les cations hydratés qui permet le
gonflement de l'édifice cristallin. Le gonflement est d'autant plus important que
l'humidité est élevée. À un état parfaitement sec, une sméctite n'aura aucune molécule
d'eau, la distance feuillet + interfoliaire = 10 Å, comme une Pyrophyllite. La distance
feuillet + interfoliaire d'une sméctite peut ainsi aller de 10 Å à 18 Å.
 Les cations compensant les charges permanentes et variables de l'argile restent, pour la
plupart, échangeables dans l'environnement. Chaque argile a ainsi une CEC propre
témoignant de leur appartenance à une des grandes familles de minéraux argileux. A
titre indicatif, les sméctites ont une capacité d'échange bien plus grande que les
kaolinites, car, pour ces dernières, leur capacité d'échange est uniquement dictée par
les charges variables.

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Structure des minéraux argileux

2 - Classification des minéraux argileux


On différencie les argiles par leur type de combinaison d'empilement des couches de
tétraèdres et d’octaèdres, le cation de la couche d’octaédre, la charge de l'argile et le type de
matériel interfoliaire.
Les minéraux argileux se répartissent en plusieurs grandes familles :
 Les minéraux argileux dits 1:1 ou TO : Ces derniers sont constitués d'une couche de
tétraèdres surplombant une couche d’octaèdres. Ils présentent typiquement une taille
de 7 Å (TO+interfoliaire).
 Tableau récapitulatif des argiles TO, Te = Nombre de cations Si tétraédriques
par maille, Oc = charge de l'octaèdre par maille, les parenthèses indiquent le
cation octaédrique.
 Explication du classement : exemple d'une montmorillonite de charge 0.6 (avec
sodium interfoliaire) : (Na)0,6(Al3.4, Mg0.6)Si8O20(OH)4· nH2O : La couche
tétraédrique est entièrement Si ; on a donc Te=8 , à l'inverse l'octaèdre montre
(par définition) une substitution Al↔Mg on a donc un bilan des charges positif
(dans cet exemple) = (3.4×3)+(0.6×2) = 11.4 ; or la charge parfaite de
l'octaèdre d'une argile TOT est de 12. On se retrouve alors dans le cas Oc<12.
Attention, il n'est pas rare de trouver les formules par demi-maille des argiles,
la montmorillonite de l'exemple devient alors (Na)0,3(Al1.7, g0.3)Si4O10(OH)2·
nH2O

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1:1 TO
dioctaédrique dioctaédrique trioctaédrique trioctaédrique
Te = 4Si / Oc =
Te = 4Si / Oc = 12/12 Te = 4Si / Oc = 12/12 Te < 4Si / Oc > 12/12
12/12
Espacement
Espacement stable Espacement stable Espacement stable
variable
Cronstedtite (Fe2+, Fe3+),
Kaolinite (Al), Nacrite Antigorite (Mg), Chrysotile
Halloysite (Al) Berthiérine (Al, Fe2+), Amésite
(Al), Dickite (Al) (Mg), Lizardite (Mg, Al)
(Al, Mg)

 Les minéraux argileux dits 2:1 ou TOT : Ces derniers sont constitués de deux
couches de tétraèdres encadrant une couche d’octaédre. Ils présentent en fonction de
l'espèce une taille allant de 10 Å à 18 Å (TOT+interfoliaire)
 Tableau récapitulatif des argiles TOT, Te = Nombre de cations Si tétraédriques
par maille, Oc = charge de l'octaèdre par maille, les parenthèses indiquent le
cation octaédrique
 Le terme « sméctite » ou « smectite » souvent utilisé de manière
abusive représente l'ensemble des espèces TOT, gonflantes, ayant une
charge comprise entre -0.2 et -0.6.
2:1 TOT dioctaédriques
Te = 8Si Te = 8Si Te < 8Si Te < 8Si Te < 8Si
Oc = 12/12 Oc < 12/12 Oc = 12/12 Oc > 12/12 Oc = 12/12
Espacement Espacement Espacement Espacement
Espacement stable
stable variable variable variable
Muscovite (Al, K), Illite**
Sméctites : (Al, K), Séricite (Al, K),
Sméctites : Beidellite (Al, Vermiculite**
Pyrophyllite Damouzite (Al, K),
Montmorillonite* Fe), Nontronite
(Al) * (Al) Paragonite (Al,
(Al)
(Fe3+) Na),Glauconite (Al, Fe),
Céladonite (Al, Fe)

* La montmorillonite, dont une forme, qui a pour formule Si4O10Al5/3Mg1/3Na1/3(OH)2, est


connue sous l'appellation de « terre de Sommières » utilisée comme détachant ou comme bentonite
employée en génie civil en raison de ses propriétés colloïdales (plastifiant dans les mortiers). À la
différence de l'halloysite, plusieurs couches d'eau peuvent prendre place entre deux feuillets de
montmorillonite et par conséquent la séparation entre deux feuillets peut aller de 0,96 nm à la
séparation complète.

** L'illite (1 nm), de formule KAl2(AlSi3O10)(OH)2, possède une charge de -0.75 à -0.9. Elle peut
servir à la fabrication des objets en terre cuite. La structure des illites est proche de celle des micas
mais en diffère par le degré de substitution Si/Al (inférieur dans l'illite), la présence de potassium
(inférieure dans l'illite) et pour un certain degré de désordre dans l'empilement des feuillets.

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*** La vermiculite possède une charge comprise entre -0.6 et -0.9.

2:1 TOT Trioctaédriques


Te = 8Si Te = 8Si Te < 8Si Te < 8Si Te < 8Si
Oc = 12/12 Oc < 12/12 Oc = 12/12 Oc < 12/12 Oc = 12/12
Espacement Espacement Espacement
Espacement variable Espacement stable
stable variable variable
Sméctites : Saponite Phlogopite (Mg), Illite
Talc(Mg), Sméctites : Vermiculite (Mg, Fe, K), Biotite (Mg,
Stevensite (Mg), (Mg), Bowlingite
Minnésotaïte (Ni2+), Fe, K),Lépidolite (Mg,
Hectorite (Mg, (Mg, Fe2+),
(Mg, Fe2+) Li) Batavite (Mg) Fe, K), Ledikite (Mg, Fe,
Sauconite (Mg, Zn) K)

 Les minéraux argileux dits 2:1:1 ou TOT:O : Ces derniers sont constitués de deux
feuillets tétraédriques encadrant une couche octaédrique, l'espace interfoliaire est
rempli par un feuillet octaédrique. Ce feuillet interfoliaire octaédrique possède la
même structure que la brucite, on parle dans ce cas de feuillet brucitique. Les argiles
2:1:1 présentent typiquement une taille de 14 Å (TOT+O). Ce groupe est constitué par
le grand groupe des chlorites. On les classe selon l'aspect dioctaédrique ou
trioctaédrique du feuillet octaédrique et du feuillet brucitique.
2:1:1 TOTO
Feuillet TOT Dioctaédrique Dioctaédrique Trioctaédrique Trioctaédrique
Feuillet
'brucitique' O Dioctaédrique Trioctaédrique Dioctaédrique Trioctaédrique
interfoliaire
Diabantite, Penninite,
Cookéite, Chamosite, Brunsvigite,
Donbassite Franklinfurnacéite
Sudoïte Clinochlore, Thuringite,
Ripidolite, Shéridanite
 Le groupe Tri-Tri est le plus répandu sur terre. Les groupes Di-Tri et Di-Di sont plus
rares. Le groupe Tri-Di reste encore inconnu, aucun minéral de ce type n'a encore été
découvert.

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