Research 2

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Introduction générale

0. 1 Problématique

Dans "sous l'orage" publié en 1963, qui est le champ de notre


thème de la recherche, Seydou Badian met en scène aussi un couple de
jeunes gens Kany et Samou, dont l'amour réciproque est contrarié par les
projets du père de Kany. Le père Benfa qui veut, selon la coutume, que sa
fille sera la femme d'un riche et vieux marchand. Devant la réticence de
sa fille, Benfa l'exile au village de son oncle Djigui. C'est l'occasion pour
Kany de reprendre contact avec certaines traditions ancestrales oubliées
et de plaider sa cause auprès de son oncle Djigui, qui finalement
intervient en sa faveur. Devant l'autorité de son frère aîné, Benfa s'incline
et les deux jeunes gens peuvent enfin organiser leurs noces et mener ainsi
à bien la réalisation de leurs idées, ce qui peut constituer une
émancipation de la femme par rapport aux coutumes traditionnelles de la
société africaine.

Nous nous intéressons donc dans le roman susmentionné pour y


chercher le thème principal et s’interroger à ses détails. Toute analyse qui
aborde ce roman n’échappe pas à citer le « conflit des générations » en
tant que thème principal, même la quatrième de couverture en parle
toujours (Badian, 1963). Mais ce thème peut s’exprimer au vu de la
situation de la femme dans chacune des générations en question. Les
différentes situations de la femme, en fonction des générations, créent en
quelque sorte un conflit et une nécessité de changement, dont le désir de
l’émancipation.1

1- Samuel Bbeyantita
1
Notre projet cherche à savoir l’expression de l’émancipation, telle
qu’elle se révèle dans le roman de Seydou Badian. Pour ce faire, il nous
faut partir d’un exposé sur la littérature africaine féminisme,
émancipation de la femme dans la littérature africaine et en particulier les
romans qui abordent la société africaine et surtout la situation de la
femme au sein de cette société. Nous nous posons donc la question
suivante :

Que peut-on trouver dans la littérature africaine concernant le thème


de l’émancipation de la femme ?

Si on se limite au domaine du roman, on est devant des auteurs qui


abordent la situation de la femme africaine. La question de
l’émancipation peut donc un thème dont l’existence est variée dans cette
littérature, en fonction des romanciers africains. Un roman particulier,
celui qui nous intéresse, sous l’orage de Seydou Badian contient ce
thème, mais nous devons chercher :

Dans ce roman, qui exprime le point de vue concernant


l’émancipation de la femme ? Est-ce la nouvelle génération ? Est-ce
les femmes en particulier ? Est-ce les parents ?

C’est donc à cette problématique de la détermination du statut du


thème de l’émancipation de la femme que nous nous intéressons. Notre
travail aura la particularité de réflexion approfondie sur le contenu de
l’œuvre romanesque de Seydou Badian.

0.2 Plan du travail

Dans cette recherche nous allons aborder le roman de sous l’orage


en donnant l’attention au thème de l’émancipation de la femme africaine,
pour faire cela nous devons passer par la constitution suivante.

2
Dans notre travail nous répondons aux questions susmentionnées et
la réponse de première question, c'est le premier chapitre et nous parlons
de la littérature africaine féminine, afin de montrer la place de la femme.
Aussi, nous allons survoler la littérature africaine telle qu'en guise
d'exemple Mariama Bâ.

Dans la deuxième chapitre nous parlons de l'émancipation de la


femme dans littérature africaine, et nous avons cité des exemples des
femmes qui ont écrit de la littérature africaine.

Et la réponse de la troisièmequestion sera dans le troisième


chapitre, nous abordons notre roman sous l’orage, tout d’abord nous
commençons par un résumé détaillé pour donner une idée générale de
cette œuvre. Nous allons présenter les personnages féminins et leur rôle
ainsi que les personnages de l’ancienne génération et la lutte qui s’est
produite entre les deux clans. Ensuite, nous terminerons le deuxième
chapitre par aborder deux ou trois thèmes qui nous paraissent
intéressants.

A la fin, nous allons terminer notre recherche par une conclusion


qui résulte tout le travail que nous aurions fait dans notre recherche. Les
références et tous les documents que nous aurions utilisés seront insérer
en tant que bibliographie et bien sûr les sites de l’internet.

3
Premier chapitre

La littérature féminine

4
Premier chapitre

1.0 La littérature féminine

Dans ce chapitre, nous allons aborder le thème de la littérature


féminine, nous commençons par la définition du terme de féminisme.

1.1 Définition du terme « féminisme »

Le terme féminisme s'impose à la fin du XIXe siècle en France


pour signifier l'aspiration collective des femmes à l'égalité entre les sexes
au sein d'une société soumise jusque-là à la prééminence de l'homme.2
Par la suite, le féminisme s’est répandu partout dans le monde, aussi dans
les pays en voie de développement pendant les dernières décennies. Il n’y
a pas d’une définition unique pour le féminisme : elle change selon
l’époque et la société.

En plus, le féminisme a plusieurs manifestations très différentes


dans les diverses cultures. « Les premiers mouvements féministes qui
apparaissent en Occident dès la fin du XIXe siècle, concentrent leurs
actions dans le domaine du travail et des droits civiques.[...] Avec les
indépendances des pays en Afrique, de nombreuses femmes du Sud
accèdent à l’école, au travail salarié et certaines, exceptionnellement, au
monde fermé de la politique » (S. Bessis) 3.

Selon elle, depuis un quart de siècle, elles ont accru leur présence
dans les espaces publics dont l’accès, cependant, ne leur est pas encore
franchement ouvert ; cependant, de l’Afrique à l’Asie, leurs organisations
se sont multipliées et ont acquis de l’expérience.4

2 - http://gallica.bnf.fr/themes/PolXVIIIIe.htm
3 - Bessis 2000 : 18-19
4 - Bessis 2000 : 20
5
Par exemple, d’après M.- L. Eteki-Otabela 5 , en 1988, c’était la
première fois au Cameroun que le terme « féminisme » était prononcé
officiellement en public dans un média national et que le féminisme
faisait aussi son entrée à l’université de Cameroun comme sujet d’étude
et de réflexion.

Cependant, comme le dit K. Frank6, le féminisme est par définition


une idéologie individualiste contrairement à la nature collective de la
société africaine, donc c’est là la véritable source du conflit implicite dans
le féminisme africain.

1.2. La littérature féminine en Afrique

D’après C.H. Bruner, les années 1950 étaient une décennie


importante pour les écrivains de prose partout en Afrique : c’était la
décennie où la littérature africaine écrite en anglais et en français a suscité
l’attention du public européen et américain.

Cependant, quelques femmes seulement ont publié dans ces


années-là en Afrique à cause de plusieurs raisons : partout dans le
continent l’illettrisme est plus courant parmi les femmes que les hommes
; les possibilités pour la formation, les voyages et les services publics sont
tous limités ou n’existent pas pour les femmes.

De plus, comme le disent E.D. Jones et al. , l’écrivain en Afrique


est inévitablement une figure publique adoptant une position publique,
faisant fonction de conscience et parfois d’intelligence de son peuple,
assumant le rôle d’un prophète ou d’un sage ; pourtant, les sociétés
africaines sont lentes à accorder cette position publique aux femmes.
Selon ces mêmes auteurs, les femmes écrivains en Afrique étaient

5- Eteki-Otabela 1992 : 127


6- Frank 1987: 17
6
négligées dans les journaux et dans les études critiques dominés par les
hommes jusqu’à la fin des années 1960, en partie parce que jusqu’à là, les
femmes ont écrit très peu.

D’après J.F.O’Barr, c’était à partir des années 1970 que la floraison


de la littérature féminine en Afrique a commencé parce que depuis ces
années-là, les femmes avaient un meilleur accès à la formation. Selon
Bruner, il y a un changement dans la situation mais le fait que le rôle de
la femme a été essentiellement domestique et que son statut dépend de
son mari et de la maternité peut expliquer la raison pour laquelle la plus
grande partie de la fiction écrite par les femmes en Afrique de l’Ouest a
concerné les problèmes domestiques et les relations entre les gens.

Malgré les grandes différences dans les traditions et dans les


croyances entre les sociétés africaines, chaque femme écrivain doit braver
la tradition dominante si elle se prononce comme un individu et comme
une femme ; un écrivain qui écrit sur la société est souvent contre la
tradition.

La femme écrivain n’est plus la voix de la communauté mais un


individu : nommée, responsable et contestée. À l’Est et à l’Ouest de
l’Afrique, les femmes sont en train d’avoir accès au forum public mais en
général la tradition exige que les femmes restent épouses et mères. Ainsi
que l’explique Jones et al, les femmes (les africaines et les non-africaines)
et la cause de la féminité ont été décrites très peu par les hommes
écrivains en Afrique. Ces écrivains ne sont pas capables ou ne veulent pas
présenter la femme dans sa totalité donc ils ont recouru aux stéréotypes,
en plus les sujets comme la polygamie, l’accouchement, la maternité et la
soumission des femmes aux hommes sont traités avec l’indifférence.

7
Autrement dit, c’est seulement avec les femmes écrivains qu’on
peut espérer trouver un traitement objectif du féminisme et de ses
problèmes mais la femme écrivain a aussi le devoir à corriger les
méprises sur les femmes et donner le vrai point de vue d’une femme sur
ces sujets

D’après Jones et al7, les femmes écrivains écrivent en premier lieu


comme femmes : l’identité la plus importante qu’on possède est celle du
sexe, toutes les autres définitions - la race, le groupe ethnique, la
nationalité – viennent après cette identité sexuelle. Aujourd’hui, comme
le dit M.Schipper7, il y a des femmes qui ont le courage d’écrire sur leur
propre point de vue et sur leurs propres expériences sur les rôles
hiérarchiques dans la société et aussi sur la rupture du statu quo avec les
personnages féminins courageux.

D’après M.Ogundipe-Leslie 8, il existe des stéréotypes des femmes


dans la littérature africaine : il y a toujours la mère merveilleuse, celle qui
accepte et sacrifie tout ; elle est souvent rattachée à la « Mère Afrique »
avec sa beauté éternelle et abstraite et avec l’inspiration artistique décrite
souvent dans la poésie francophone. Cette figure de la beauté n’est pas
séparée de celle d’une maîtresse passionnée : beaucoup de femmes sont
décrites érotiquement, en laissant tomber les autres côtés de l’amour
comme la loyauté ou la protection de la famille. 9 De plus, il y a le
stéréotype de la fille urbaine et sophistiquée et celui de la femme rurale
qui sont souvent mis en contraste afin de dramatiser le conflit entre la
modernité et la tradition. La fille urbaine est souvent une prostituée, une
figure souvent répétée dans la littérature africaine depuis les années 1950.

7- Schipper 1987 : 52
8 - Ogundipe-Leslie 1987 : 6
9 - Frank 1987 : 28
8
1.3 Les écrivaines francophones d’Afrique noire

Il existe aujourd’hui en Afrique une littérature faite par les femmes.


Elle est encore mal connue aussi bien en Afrique qu’en dehors du
continent. C’est entre les années 1960 et 1980 que cette littérature
féminine africaine a commencé à s’affermir.

Venues beaucoup plus tardivement à l’écriture, les ‘‘écrivaines’’


francophones d’Afrique n’ont pas immédiatement été confrontées aux
nombreux problèmes que leurs « aînées » anglophones avaient affrontés.
Elles ont donc pour elles les débuts très théoriques d’une tradition et
d’une légitimité littéraire produites et chèrement acquises ailleurs en leur
nom par d’autres femmes. Cependant, les héritières de ces fragiles
conquêtes se heurtent bien vite à leur tour à l’opposition rampante de la
critique et de l’édition.

Dans le domaine critique, les œuvres des femmes sont


systématiquement négligées au profit des « géants » de la littérature
africaine qui sont tous des hommes (Léopold Senghor, Sembene
Ousmane, Mongo Beti, pour n’en citer que quelques uns).

Bien que numériquement faible, la proportion des femmes


écrivains n’est cependant pas négligeable. Elle passe pourtant inaperçue
dans les anthologies et les revues critiques. Les écrits de femmes sont «
au mieux » mentionnés en passant comme un genre mineur, critiqués
avec condescendance comme une sous littérature infantile et maladroite.

C’est à partir des années 80 que l’effervescence culturelle et


romancière a commencé à être connue et apprécié par le public. L’arrivée
massive des ‘‘écrivaines’’ noires a explosé la littérature subsaharienne.
De Mariama Bâ dans Une si longue lettre, (1979), à Fatou Diome avec La

9
préférence nationale (Présence Africaine, 2001), plus d’une dizaine des
femmes se placent au cœur de la littérature en Afrique francophone
subsaharienne. Ce sont les romans d’Aminata Sow Fall, La Grève des
Battus, de Angèle Rawiri, Elonga, de Nafissatou Niang Diallo, Le fort
maudit, de Aoua Keita, Femmes d’Afrique et les romans de Calixte
Beyala, C’est le Soleil qui m’a brûlée et Tu T’appelleras Tanga.

Elles prennent la plume pour aborder, selon leur sensibilité, les us


et coutumes qui, en Afrique, ont toujours relégué la femme au second
rang. En prenant la plume, la femme africaine va montrer à travers les
thèmes abordés qu’il existe un monde de la femme dans lequel elle prend
la parole pour manifester sa liberté et son indépendance.

L’entrée des femmes dans la littérature n’est pas le fait du hasard.


Pour Ken Bugul, une des premières femmes-écrivains au sud du Sahara,
ce phénomène est dû à leur instruction, mais aussi à leur contact avec
d’autres femmes issues d’autres continents. Dans la littérature
francophone subsaharienne, elle dit avoir apporté une personnalité et une
sensibilité féminines. En effet, dès son premier livre, LeBaobab fou
(1979), Ken Bugul critique sévèrement la société très peu respectueuse de
la femme et rompt avec une certaine soumission obscurantiste à la
tradition.

1.3.1 Les thèmes abordés dans la littérature féminine africaine

Les deux dernières décennies marquent le triomphe des œuvres


féminines d’Afrique noire qui s’insèrent dans le patrimoine culturel
universel. Les romancières sont entrées de plain-pied dans le monde
littéraire. Du « Prix Noma » à Mariama Ba à celui de l’ « Académie
française » à Calixthe Beyala, la littérature de ces combattantes est sortie

10
de l’ombre et ne peut plus être considérée comme une littérature
marginale. Les œuvres de ces romancières ne se cantonnent plus aux
thèmes stéréotypés à savoir : le conflit entre la tradition et le modernisme,
la polygamie, la dot, la stérilité, la sexualité, mais elles élargissent le
champ littéraire en offrant des œuvres en rapport avec les préoccupations
actuelles de leur univers. Elles n’hésitent pas à brosser le tableau de
certains aspects de la vie, qui jusque-là avaient été occultés ou considérés
comme tabous. Ce sont l’inceste, l’excision ou les mutilations génitales,
la prostitution et les relations parents-enfants qui ne sont pas toujours
aussi idylliques que le laissent supposer maints romanciers.

Leurs œuvres illustrent les thèmes de la littérature féminine. Le


féminisme tant décrit se métamorphose sous la plume des romancières en
une arme efficace qui attise le désir de changement des mentalités dans
un sens positif. Les écrivains-femmes prônent à travers leurs héroïnes le
développement d’un féminisme africain pétri de valeurs humaines et
civilisées. Les protagonistes aspirent à un épanouissement culturel et
religieux dans une société libre où l’esprit de complémentarité supplante
celui d’égalité. Le nombre croissant de romancières qui posent ainsi les
jalons d’un féminisme africain incite à dresser un premier bilan en
élaborant un dictionnaire des œuvres parues de la veille des
Indépendances à l’orée du Second Millénaire.

En guise de conclusion, soulignons cet enchaînement de luttes qui


était prévisible : après que les hommes africains aient lutté contre le
colonialisme qui les a aliénés et enfermés dans des stéréotypes allant
jusqu’à nier purement et simplement leur personnalité et leur dignité,
voici que les femmes africaines reprennent le flambeau de la lutte, mais
contre les pesanteurs de la tradition et de la religion à leur égard, avec
comme objectif majeur l’avènement d’une société libre et civilisée. Car,
11
confrontée à l’expérience quotidienne telle que beaucoup de femmes
continuent à la vivre aujourd’hui encore, cette Afrique traditionnelle
apparaît comme extrêmement injuste à leur égard. Et elles ne sont pas
près d’oublier le prix exorbitant qu’elles ont dû payer pour la stabilité
sociale et pour la paix des ménages dans l’Afrique noire. D’où la grande
souffrance et la colère que dégagent la plupart de leurs textes.

Le souci des « écrivaines » africaines d’utiliser les femmes comme


personnages de leurs écrits a contribué à enrichir et à humaniser la
littérature africaine. Ainsi ces femmes de combat ont changé en positif ce
qui était négatif.

12
Deuxième chapitre

L'émancipation de la femme dans la littérature


africaine

13
2-1 Définition de l'émancipation

Etymologie : du latin "émanciper", affranchir un esclave du droit


de vente, venant de "e" privatif et "manucapare", prendre par la main
(L'achat des esclaves se faisait en les prenant par la main)

L'émancipation est un acte juridique qui soustrait, de manière


anticipée, un mineur à la puissance parentale ou à sa tutelle afin de le
rendre capable d'accomplir tous les actes de la vie civile nécessitant la
majorité légale : gérer ses biens, percevoir ses revenus, réaliser des actes
d'administration... En disposant de sa pleine capacité juridique, le mineur
est assimilé à un majeur.

Par extension, dans le langage courant, émanciper signifie


affranchir d'une autorité, d'une domination, d'une tutelle, d'une servitude,
d'une aliénation, d'une entrave, d'une contrainte morale ou intellectuelle,
d'un préjugé ...

Exemple : émanciper un esclave, un peuple, une colonie.


L'émancipation de la pensée. L'émancipation, qui est l'un des éléments
moteur de la transformation de la société, permet donc de se libérer et de
devenir indépendant. Elle donne à une catégorie de la population des
droits identiques aux autres catégories. Exemple l'émancipation de la
femme.

14
2-2 L'émancipation de la femme dans la littérature africaine

Nous parlons de cette partie des auteurs féminins qui ont écrit dans
littérature africaine.

Catherine Coquery-Vidrovitch est historienne, ancienne élève de


l’ENS, professeur émérite de l’Université Paris 7, fondatrice du
laboratoire de recherches comparées « Tiers-Monde », devenu SEDET
(Sociétés en Développement, Approches transdisciplinaires). Elle a écrit
de nombreux ouvrages, notamment Les Africaines, histoire des femmes
d’Afrique du 19ème au 20ème siècle (Paris, Desjonquères, 1994)10. Elle a
écrit une centaine d’articles et autant de participations à des ouvrages
collectifs.

Elizabeth Moundo, travaille comme psychopathologue et en même


temps anthropologue camerounaise, a fait des recherches sur la mort et
les pathologies liées au deuil. Entrée à l’UNESCO il y a plus de vingt ans,
elle est directrice au département Afrique. Venue peu à peu à l’écriture,
elle a publié poésies, nouvelles, romans, livres pour la jeunesse. Son
dernier ouvrage La nuit du monde à l’envers, a reçu en 2010, à Abidjan,
le prix Ivoire.

Elles ont tenu à préciser qu’elles sont, l’une et l’autre, mère et


grand-mère. Jean-Loïc Baudet, président de la CADE, introduit la
conférence. Le sujet « Femme et Ecriture » a été très demandé et est très
attendu. Souvent, en effet, la littérature masculine a masqué la littérature
féminine. Or les femmes ont une sensibilité particulière, à la fois en ce
qui touche le politique et en ce qui touche la littéraire.

10Paris des jonauères, 1994


15
C’est ce que la conférence d’aujourd’hui devrait éclairer. J.-L.
Baudet excuse l’absence de Sophie Ekoué, journaliste à RFI et animatrice
de l’émission, Littérature sans frontières, dont la participation était
annoncée mais qui était retenue au même moment par l’hommage rendu à
Aimé Césaire au Panthéon.

Tanella Boni : La question posée est celle-ci : Y a-t-il des femmes


africaines en écriture ? Si elles existent, est-ce qu’on les voit ? Bien sûr, il
y a aujourd’hui quelques têtes d’affiche et personnalités très médiatisées,
en Afrique, en France, en Amérique, mais en réalité derrière elles, il y a
beaucoup de femmes africaines entrées en écriture, en littérature et aussi
dans les domaines universitaire, scientifique ou critique. Quel rôle ces
femmes ont-elles joué dans l’histoire, qu’apportent-elles aujourd’hui à la
vie quotidienne?

Au milieu du 20ème siècle, l'entrée en littérature des femmes


africaines.

Catherine Coquery-Vidrovitch : en filigrane, l’historienne invite tout de


suite à cette distinction qui restera sous-jacente durant toute la conférence
entre « écriture de femme » et « écriture féministe », ou dite aujourd’hui
« écriture de genre.«

Pour elle-même, ayant perdu son père et ses deux grands-pères


durant la guerre, élevée dans un milieu féminin par sa mère qui travaillait
et sa grand-mère qui assurait le quotidien des enfants, deux filles, la
question du féminisme en tant que tel ne s’est jamais vraiment posée. Elle
vivait dans un monde de femmes. Il était clair qu’elle allait travailler.
Dans sa discipline, elle s’est vite professionnellement retrouvée seule
femme ou presque au milieu d’hommes. Mais elle a vécu ce décalage qui
existait il n’y a pas si longtemps encore dans la société française, et

16
ressenti bien évidemment la question du féminisme. Elle rappelle
comment en 1985, elle était la seule femme sur les 30 historiens réunis à
l’occasion du Centenaire du Congrès de Berlin (ndlr : le congrès du
partage de l’Afrique, en 1885, entre les puissances occidentales)11. Elle
raconte aussi comment dans les mêmes années, Michèle Perrot, très
grande historienne, pionnière de l’histoire des femmes et co-auteur avec
Georges Duby de L’Histoire des Femmes en Occident, s’était rendu
compte in extremis que le titre de l’ouvrage, qui devait seulement
s’appeler L’Histoire des Femmes, devait être complété par en Occident.

Ce qui avait été fait en urgence entre le premier et le deuxième


tirage. Oui, l’Occident ne les représentait pas toutes, il y avait aussi des
femmes ailleurs. C’est montrer, en ce qui concerne plus précisément la
femme africaine, qu’elle existait à peine dans les esprits.

Donc qu’en est-il de l’histoire des femmes ailleurs, et en particulier


en Afrique, au Sud du Sahara ? C’est comme collaboratrice de Michèle
Perrot que Catherine Coquery-Vidrovitch en est venue à travailler sur les
femmes africaines et a publié en 1994, le premier livre français sur le
sujet.

C’est la littérature anglophone qui a fait démarrer cette histoire des


femmes africaines. On peut citer aussi Le dictionnaire des Femmes
célèbres du Mali, par Adame Bâ Konaré (1993, Jamana, Bamako). Très
récemment, Pascale Barthélémy, maître de conférences à l’ENS de Lyon,
a publié aux Presses Universitaires de Rennes, fin 2010, sa thèse
Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957).

Que montre-t-elle dans ce travail ? Qui étaient les femmes


diplômées en AOF dans la première moitié du 20ème siècle ? D’ abord

11 Le congrès du partage de l'Afrique en 1885 entre les puissances occidentales


17
les sages-femmes/ infirmières, formées à l’Ecole de Médecine de Dakar,
la profession de médecin étant exclusivement réservée aux hommes.
Ensuite les institutrices : l’ouverture en 1938, à Rufisque, de l’Ecole
Normale d’Institutrices, formation jusqu’alors réservée aux hommes,
avait été le résultat d’un combat de haute lutte.

L’écrivaine sénégalaise Mariama Bâ, première romancière


d’Afrique de l’Ouest, qui publia, après l’Indépendance, son premier
roman ( Une si longue lettre), a fait partie de la première promotion. En
1960, on comptait en Afrique subsaharienne un peu plus de 1.000
diplômées pour 12 à 15 millions d’habitants. Peu nombreuses donc,
toutes ces femmes ont pourtant diffusé beaucoup de choses.

A côté de Mariama Bâ, l’une des premières écrivaines de langue


française à avoir écrit sur la condition féminine, est Aoua Keïta. Son
autobiographie, Aoua Keïta, Femme d’Afrique ..., prix international du
Livre africain en 1975, parue aux Editions Présence Africaine, livre un
récit de vie passionnant : diplômée vers la fin des années 20, mariée avec
un médecin africain après la guerre, suite à une opération, elle ne peut pas
avoir d’enfants et son mari devra prendre une seconde épouse, elle
divorce.

Le parcours de cette femme est très atypique et pour le moins


exceptionnel en égard de la condition féminine africaine de l’époque :
indépendante, estimée par tout le monde pour sa remarquable conscience
professionnelle, Aoua Keïta, grande militante, s’engage en politique et
elle devient la seule femme élue à l ’Assemblée Constituante du Mali.

A vrai dire, ce sont aussi des hommes qui ont été les premiers
auteurs de textes « féministes » : Sembène Ousmane, avec par exemple
Les bouts de bois de Dieu, ou son dernier film dénonçant l’excision,

18
Moolaadé. Le Malien Ibrahima Ly avec Toiles d’araignées (1982), écrit
après la rencontre, dans les geôles de Moussa Traoré, d’une jeune
adolescente analphabète d’un grand courage, prisonnière parce qu’elle
avait refusé le mariage arrangé avec un vieux polygame, ou avec Les
noctuelles vivent de larmes, un livre sur l’esclavage des femmes. On peut
citer aussi Henri Lopes ou Chinua Achebe du côté anglophone. Mais les
écritures sont différentes.

Les hommes insistent sur le rôle de mère de leurs héroïnes. Les


premières femmes écrivaines, issues de l’Ecole normale, puisent, elles,
dans ce qu’elles connaissent et parlent surtout de leur déphasage par
rapport à la vie quotidienne des autres jeunes femmes.

« Demoiselles-frigidaires » comme les avaient surnommées leurs


collègues normaliens, elles n’avaient pas le droit d’être mariées à l’école,
elles étaient nommées selon les principes de l’administration française sur
des postes un peu partout et loin de leurs familles, elles avaient un assez
bon salaire pour s’équiper en électro-ménager (le frigidaire !), mais elles
étaient très partagées entre cette culture acquise protectrice, leur statut
d’institutrices, et leur vie totalement différente par rapport à celle des
autres femmes.

Sur toutes ces questions, les écrivaines de langue anglaise, au


Nigeria notamment, avaient vingt ans d’avance : la colonisation avait
bien différemment traité la question de l’enseignement et les filles ont été
plus vite instruites. A la différence de l’enseignement laïc et public qui
prévalait dans les colonies françaises selon la loi de 1905, l’école
britannique reposait sur les missions, essentiellement protestantes (tout
comme l’école allemande au Cameroun) et s’appuyait sur les femmes.

19
Chargées culturellement de la transmission de la foi chrétienne par la
lecture de la Bible, elles ont été beaucoup plus vite alphabétisées.

On peut citer chez les anglophones les écrivaines nigérianes, Flora


Nwapa, avec les romans Idu ou Efuru (l’histoire d’une femme stérile), et
BouchiEmecheta avec The Bride Price, 1976 (Le prix de la fiancée), The
Slave Girl, 1977 (La fille esclave), The Joys of Motherhood, 1976 (Les
joies de la maternité) ou Double Yoke, 1983 (Le double joug, de la
maternité et du travail

Les écrivaines de cette première génération africaine écrivent la


douleur de ce qu’elles connaissent, à propos du mariage, de la polygamie,
du divorce, de l’impossible contact des autres cultures.

La nouvelle génération, aujourd’hui, écrira plus facilement sur


d’autres sujets de société, moins orientés exclusivement sur la condition
féminine. Le roman exclusivement féminin, écrit par des femmes,
s’estompe. Voir par exemple le thème du roman d’Aminata SowFall, La
Grève des bàttu, (la grève des mendiants, les « bàttu » désignant leurs
calebasses), qui aurait tout aussi bien pu être traité par un écrivain
homme.

Avant de passer la parole à Elizabeth Moundo, Tanella Boni met


l’accent sur ce rapport fondateur entre l’école des filles et le fait qu’elles
en soient venues à l’écriture. Mariama Bâ et Aoua Keïta sont bien le
produit de cette première génération de l’école de Rufisque.

Elizabeth Moundo commence par rappeler la reine Zingha,


première grande femme lettrée connue de l’histoire de l’Afrique, qui avait
écrit à plusieurs reprises lettres et missives au roi du Portugal, (ndlr :
reine d’Angola au 17ème siècle, elle avait défendu pendant 30 ans son

20
pays contre la pénétration portugaise). Sans doute, dans un autre contexte,
la reine Zingha eût-elle été une des grandes épistolières de la littérature.
L’anthropologue rappelle aussi la dimension « maternelle » de l’écriture,
puisqu’on parle bien d’ « accouchement » en littérature. Elle rappelle tout
autant que l’on en vient à l’écriture par l’alphabétisation, et à
l’émancipation par la lecture. Selon elle, c’est souvent après des phases
de pratiques « techniques », écritures de mémoires ou de thèses, que le
chemin se fait vers l’écrit personnel.

Elizabeth Moundo témoigne de son propre parcours. Une petite


fille qui apprend à lire avec Mamadou et Bineta. Qui a droit ensuite à la
bonne littérature pour filles, la Comtesse de Ségur et autres titres de la
Bibliothèque Rose ou Verte. Qui approche la lecture des textes un peu
contestables de la collection Harlequin, série Passion, via la version
espagnole, pour se justifier auprès de ses parents par un argument
didactique, l’apprentissage de l’espagnol. Qui fait surtout un jour la
découverte du roman de CalixtheBeyala Le soleil qui m’a brûlée, un choc
par rapport à la pudeur toujours de règle en Afrique, une gêne réelle par
rapport à cette écrivaine, et en même temps la fascination de ce que peut
permettre l’acte littéraire : une libération.

Elle-même a commencé par une écriture très retenue, très pudique,


qui ne fasse pas honte à sa famille, acceptable. L’histoire d’un caillou et
d’un orteil, qui se rencontrent dans une chaussure… Puis elle a participé à
des rendez-vous de poésie, un saut de géant : il y fallait écrire des poèmes
soit mystiques, soit érotiques. Impossible de rivaliser avec sainte Thérèse
de l’Enfant Jésus pour le mystique, elle choisit donc l’érotisme, mais avec
une extrême discrétion, qui rejoindrait la manière japonaise peut-être ? Ce
furent ensuite des nouvelles, une forme littéraire qui convenait bien à son
sentiment de « [savoir] écrire le cœur de l’histoire mais pas le reste.»

21
Etonnamment, elle inventait toujours des histoires avec des morts
ou des personnages trucidés, et un témoin muet auquel elle avait coupé la
langue… Puis elle aborda le roman, lors d’un séjour au Cap Vert. Métisse
camerounaise, elle passait là-bas inaperçue, sans question sur ses
origines, complètement intégrée à l’archipel, avec même des
Capverdiennes sûres de la reconnaître comme venant de tel village ou de
tel autre ! Une grande liberté donc, mais pourtant, il y eut encore
beaucoup de morts dans ce roman d’Anuala… Dans sa dernière histoire,
La nuit du monde à l’envers, où personne ne meurt cette fois, son
imagination se débride.

Une sorte de délire libératoire, entre élucubrations multiples et


réalité, mais où derrière la drôlerie se disent aussi des choses sur la vraie
vie. Réaction de sa mère : « Je ne savais pas que tes folies pouvaient
aboutir à cela ! » Et après son obtention du prix Ivoire, étonnement le
plus complet sur la marche du monde, mais grande fierté familiale!

Elizabeth Moundo place l’écriture avant son africanité : « Je suis


une femme qui écrit, et il se trouve que je suis Africaine. », dit-elle. Elle
ne défend pas particulièrement de cause féministe, elle écrit.

Anecdote finale : à la recherche d’une maison d’édition pour ses


poèmes et nouvelles, elle s’adresse à un éditeur 100 % français, « C’est
trop africain pour moi », lui répond-il. Se tournant vers un éditeur
africain, « Ce n’est pas assez africain », lui répond-il à son tour. C’est une
stupidité que de vouloir étiqueter de la sorte. « Nous sommes tous des
métis culturels. Il est difficile de dire aujourd’hui : je suis un pur-sang.
Nous sommes devenus les citoyens culturels d’un village unique. »
Elizabeth Moundo annonce son prochain ouvrage en direction de la
jeunesse : Dame vérité et la boîte à pensées.

22
Tanella Boni la remercie de nous avoir décrit son itinéraire
d’écriture, avec tout ce que représente cet acte d’écrire, accès à la liberté,
quand on est une femme africaine, avec le souci premier de plaire à ses
proches ou tout du moins de ne pas les déshonorer tout en réussissant à
dire, tout compte fait, par l’humour et la dérision, les problèmes de tous
les jours. Avec aussi toutes les difficultés qu’il y a à se faire éditer

2-3. La difficulté d’écrire et de se faire éditer quand on est une


femme africaine

Une jeune femme camerounaise, avec un projet de livre, un vécu


chargé, mais sans titre universitaire, sans statut particulier lui garantissant
à priori une reconnaissance, interroge : comment peut-elle écrire et se
faire publier en Afrique ? Est-ce qu’il ne faut pas être en Occident pour
avoir le courage d’écrire ? En Afrique, ce n’est relativement pas possible,
dit-elle. Pour être édité, il faut être « politique », être dans les cercles de
pouvoir.

Une autre auditrice évoque l’idée d’une maison d’édition de


femmes africaines, qui défende en quelque sorte leur existence : elle
rappelle combien lors des commémorations de l’an dernier, le souvenir de
la formidable mobilisation des femmes à l’époque des Indépendances a
été totalement passé sous silence.

E. Moundo : Peut-on écrire en Afrique ? On peut écrire n’importe


où. Si l’écriture est une nécessité, on écrit. L’écrivain est le griot
d’aujourd’hui, c’est lui qui élargit l’espace et le temps, et ce sont les
livres qui font découvrir que partout le monde peut être magnifique.
Après, les choses évoluent, prennent le temps, arrivent quand elles
arrivent.

23
T. Boni : Il est possible de se faire éditer en Afrique, même s’il ne
faut pas en minimiser les difficultés. Du milieu des années 70 jusqu’en
1992, existaient à Dakar Les Nouvelles Editions Africaines, qui ont
publié Mariama Bâ, par exemple. La maison a maintenant éclaté. Elle-
même, T. Boni, n’a publié en Côte d’Ivoire qu’un seul roman en 95, Les
Baigneurs du lac rose, puis a vendu les droits au Serpent à Plumes en
2002, pour que le livre continue à vivre. On peut s’appuyer aussi sur Les
Editions Ruisseaux d’Afrique, à Cotonou. Pour une maison d’édition
peut-être plus spécifiquement féministe, il existe aussi la maison d’édition
A3 (A3 pour Afrique, Antilles, Amériques) qui serait un peu l’équivalent
de nos Editions des Femmes.

2.3.1 Le lectorat, la diffusion et l’alphabétisation

La question se prolonge par « Mais en Afrique, de toute façon, il


n’y a pas grand monde qui lit…. » Une auditrice travaillant à l’Unesco
pose le problème de l’alphabétisation et de la scolarisation des femmes et
des filles.

E. Moundo : Forte de sa longue expérience de terrain sur la


question de l’alphabétisation pour l’UNESCO12, E. Moundo constate que
l’on a toujours tendance à poser la même question. Or l’alphabétisation
est très ancienne dans certains pays africains : sa propre grand-mère,
Camerounaise, avait été alphabétisée sous la colonisation allemande. Les
enfants l’étaient d’abord dans leur langue maternelle, puis à l’école
allemande. Il y eut plusieurs linguistes camerounais dans les universités
allemandes à la fin du 19ème siècle. Aujourd’hui, au Lesotho, 96 % de la
population est alphabétisée.

12 UNESCO,E.Moundo
24
On n’en parle jamais. Jamais on ne considère les chiffres de
l’alphabétisation en arabe, acquise dans les (écoles) madrasas, ou en
langue maternelle. Quels moyens faut-il pour promouvoir
l’alphabétisation ? Une école : bien souvent, les bâtiments datent de la
colonisation et sont dans un état piteux. Un livre par élève, pour deux au
maximum : comment travailler avec un livre pour 10 ? Des enseignants
considérés : aujourd’hui, ils sont à peine payés, méprisés par rapport aux
médecins, avocats ou politiciens. L’alphabétisation, c’est un choix
politique. C’est ainsi que s’élargira le lectorat.

Il ne faut pas parler d’Afrique au singulier. Il y a des Afriques, au


pluriel, bien différentes : l’Afrique anglophone, l’Afrique australe, et
l’Afrique francophone, qui, il faut bien le dire, est à la traîne : la chute de
la scolarisation s’observe à partir du secondaire. C’est là qu’il faut
travailler.

C. Coquery-Vidrovitch : Aujourd’hui, on constate que les filles


quittent l’école beaucoup plus tôt que les garçons : certaines filles, en
Guinée par exemple, malgré la loi de Sékou Touré contre le mariage
avant 16 ans, sont mariées à 12 ans. Pourtant, on constate que les filles
sont souvent bien meilleures élèves que les garçons. Au Sénégal, elles
seront bientôt plus diplômées que les hommes. Que va-t-il se passer ? A
quel basculement va-t-on assister?

L’engagement des écrivaines africaines a-t-il un impact ? En


particulier en ce moment critique de la situation en Côte d’Ivoire

Une étudiante sénégalaise en action humanitaire internationale observe le


peu de progrès dans sa propre communauté : Les hommes sont-ils
sensibles à l’écriture féminine engagée ? Comment réagissent-ils à ces
dénonciations, notamment par rapport aux méfaits de la polygamie ? Une

25
journaliste haïtienne convoque l’actualité : Les femmes écrivaines
ivoiriennes ou panafricanistes ont elles écrit un texte en commun pour
prendre position sur la situation actuelle en Côte d’Ivoire?

C. Coquery-Vidrovitch : L’émancipation ne s’est jamais faite en un


jour. Le combat des suffragettes, les conquêtes politiques, sociales et
conjugales en Occident, cela a duré un siècle. Pour ne parler que d’une
époque qui n’est pas si lointaine, même dans des milieux ouverts et
intellectuels, il fallait en France l’autorisation légale du mari pour que la
femme ouvre un compte en banque ou fasse un emprunt au Mont-de-
Piété. D’autre part, l’histoire des femmes n’a jamais vraiment intéressé
les hommes, c’est ancré dans nos cultures.

Au lancement à la Sorbonne de l’ouvrage précité l’Histoire des


Femmes en Occident, dans un amphithéâtre de 900 places, il y avait 790
femmes, c’est dire que les hommes ne sont pas venus. Même constat
d’absence d’hommes à Dakar, lors d’un récent colloque Histoire,
Femmes et Développement. La littérature pourra-t-elle influer ? C’est un
combat de femmes. On ne se libère que soi-même. Partout, il faut
beaucoup de courage pour écrire contre l’opinion. Sans doute pour
devenir audible, faut-il s’organiser, s’associer. En Afrique du Sud par
exemple, la littérature politique des femmes, associées et marquées d’un
esprit de résistance très fort, a contribué aux luttes contre la ségrégation et
l’apartheid. Mais en même temps l’écriture est un acte tellement
personnel. Une écriture de femme n’est pas nécessairement une écriture «
féministe » au sens d’un collectif politique.

T. Boni : En ce qui touche la situation actuelle en Côte d’Ivoire,


quel est le rôle de l’écrivain dans ce contexte ? Chacun a pu, s’il le
voulait, s’exprimer sur Internet, s’associer à des listes, faire signer des

26
textes. Mais une production littéraire, c’est personnel. Ce ne sont pas
forcément les mouvements de groupe qui vont résoudre les problèmes. En
groupe, on ne pense pas. Si chacun se levait individuellement en son âme
et conscience, on n’en serait pas là en Côte d’Ivoire. Si chacun
s’engageait personnellement quand il a quelque chose à dire, peut-être
cela irait-il mieux ? Quant à l’engagement féminin devant la faillite des
hommes, il faut rester très prudent et ne pas penser que la femme fera tout
« plus à l’endroit » ou « moins à l’envers ». T. Boni nous engage à lire,
ou relire son roman Matins de couvre-feu, paru en 2005 au Serpent à
Plumes. Elle a également déjà fait des propositions chez des éditeurs pour
un recueil de poésie et un roman concernant les événements actuels.

Le débat a bien sûr été aussi l’occasion d’autres interventions plus


personnelles, sérieuses, graves ou drôles, mais difficiles à prendre en
compte dans ce résumé (On s’est notamment interrogé, avec de bons
éclats de rire, sur la délicate question de savoir si la vie affective des
jeunes femmes intellectuelles, « la capacité sentimentale de tous ces
cerveaux féminins », de ces femmes « papier-longueur », selon
l’expression ivoirienne, était un problème seulement pour les hommes
africains), avoir été témoin de ces interventions restera le privilège de
celles et ceux qui ont pu assister à la conférence, il ne faut donc pas
manquer d’y venir!

27
2-4 Les auteurs féminins classiques

Mariama Bâ, née en 1929 à Dakar au Sénégal et morte en 1981 au


Sénégal, est une écrivain sénégalaise.

Après la mort prématurée de sa mère, elle a été élevée par ses


grands-parents dans un milieu musulman traditionnel1. Son père, Amadou
Bâ, est devenu ministre de la Santé du premier gouvernement sénégalais
en 1957.

Elle intègre une école française et se fait remarquer par ses


résultats. Par conséquent, après son certificat d'études primaires obtenu à
14 ans, elle entre à l’École normale de Rufisque en 1943, qu’elle quitte
munie d’un diplôme d’enseignement en 1947. Elle enseigne pendant
douze ans puis demande sa mutation au sein de l’Inspection régionale de
l’enseignement pour raison de santé.

De son premier mariage avec Bassirou Ndiaye elle a trois filles et


du second mariage avec Ablaye Ndiaye une fille ; elle obtient le divorce
de son troisième mari, le député et ministre Obèye Diop avec qui elle a eu
cinq enfants. À la suite de son expérience du mariage, Mariama Bâ
s’engage pour nombre d’associations féminines en propageant
l’éducation et les droits des femmes. À cette fin, elle prononce des
discours et publie des articles dans la presse locale.

En 1979, elle publie son premier roman aux Nouvelles éditions


africaines, Une si longue lettre, dans lequel Ramatoulaye fait le point sur
sa vie passée sous forme épistolaire, à l'occasion de la mort de son mari,
abordant l'ambition féministe africaine naissante face aux traditions
sociales et religieuses. Dès sa sortie, il connaît un grand succès tant

28
critique que public, et obtient le Prix Noma lors de la Foire du livre de
Francfort en 1980.

Elle meurt peu de temps plus tard d’un cancer et avant la sortie de
son deuxième roman, Un chant écarlate, racontant l'échec d'un mariage
mixte entre un Sénégalais et une Française, du fait de l'égoïsme de
l'époux et des différences culturelles.

Primordialement, ses œuvres reflètent les conditions sociales de


son entourage immédiat et de l’Afrique en général, ainsi que les
problèmes, qui en résultent, tels que polygamie, castes, exploitation des
femmes – pour le premier -, opposition de la famille, manque de capacité
de s’adapter au nouveau milieu culturel face à des mariages interraciaux –
pour le deuxième roman

29
2.6 Les auteurs africains féminins contemporains

Au-delà de la sélection forcément ardue, la difficulté réside surtout


dans la définition de l’auteur africain que, entre double appartenance et
schizonévrose identitaire, délimitent plusieurs frontières qui se
superposent et s’anéantissent. La plupart des auteurs majeurs du
continent, notamment au XXe siècle, étaient édités en France, en Grande-
Bretagne, aux Etats-Unis d’Amérique.

Au sens du présent classement, les écrivains africains sont ceux qui


se réclament du continent, soit par leur thématique soit par leurs
déclarations.

2.6.1 Leila Abouzeid

L’auteure marocaine de Last Chapter n’est sans doute pas


l’écrivaine la plus prolifique et la plus inoubliable qui soit. J’ai eu un vrai
coup de cœur pour son Année de l’éléphant. Leila Abouzeid n’est pas
spécialement connue parce qu’elle est surtout traduite aux Etats-Unis, où
elle a connu un beau succès d’estime.

2.6.2 Unity Dow

Le Botswana ne réussit pas uniquement au plan économique et


social. Unity Dow, magistrate émérite, est aussi une écrivaine de talent.
Sa thématique, dans les cinq romans qu’elle a écrits à ce jour, parcourt et
recouvre les problèmes posés par la mondialisation dans nos sociétés
africaines, le fléau du sida, ou la condition féminine. Elle a reçu plusieurs
distinctions littéraires, aux Etats-Unis notamment. Son dernier roman,
Saturday is for funeral, a été publié à Harvard Press. A lire absolument:
Les cris de l’innocente.

30
2.6.3 Ananda Devi

Elle est Mauricienne, Ananda Devi est gagnante du Prix des cinq
continents. Elle reste un espoir plus que des talents définitivement
incontournables.

2.6.4 Léonora Miano

Son style n’est pas suffisamment osé, coloré, vivant, il exhale par
moments les recettes d’écriture bien assimilées. Il n’empêche, Léonora
Miano écrit d’excellents livres, avec sa plume qui rappelle Hamidou
Kane ou le style par trop académique de son compatriote camerounais,
l’excellent Gaston-Paul Effa. L’auteur des Aubes écarlates a fait, en
quatre livres publiés en l’espace de cinq ans, une entrée en fanfare dans le
cercle des très grands. Si cela perdure, si elle se diversifie et réussit à se
réinventer dans ses prochains textes, elle est partie pour être à la
littérature africaine ce que Samuel Eto’o est au football africain: un
phénomène international. Ces âmes chagrines, publié chez Plon, est
présenté comme un grand cru.

2.6.5 Noviolet Bulawayo

La compatriote de Petina Gappah a reçu en juillet 2011, le Caine


Prize for african writingqui est doté de près de 8 millions francs CFA
(environ 12.000 euros) et d’un mois de résidence à l’université de
Georgetown (Washington, Etats-Unis). Son Hitting Budapest est un chef-
d’œuvre.

31
2.6.6 ZukiswaWanner

L’œuvre de sa compatriote sud-africaine Zakes Mda me parle


davantage, mais celle-ci a été accusée de plagiat à plusieurs reprises.
ZukiswaWanner, en revanche, est une écrivaine pleine de promesses qui
sait dire l’Afrique du Sud post-apartheid. Avez-vous lu The Madams?
Amour, sexe et bonheur garantis.

2.6.7 Chimamanda Adichie

Pourquoi elle plutôt que Helon Habila ou Segun Afolabi, tous


Nigérians? Parce qu’il fallait choisir, et c’est à elle que va ma préférence.
Il a suffi d’un livre qui ne m’avait jamais été recommandé, au sujet
duquel je n’avais lu aucune critique, pour en tomber amoureux: L’Autre
moitié du soleil.

Dans son recueil de nouvelles Thing around your neck,


Chimamanda Adichie réussit à entremêler traditions et cultures dans des
histoires très actuelles. Outre cela, celle qui fut lauréate du Prix Orange13
(l’un des prix littéraires les plus prestigieux au Royaume uni, doté de
34.000 euros) en 2007 est fortement engagée dans les combats de son
époque. Une intellectuelle comme on les aime, qui avait reçu en 2005, le
Commonwealth writers prize pour son premier roman, L’Hibiscus
pourpre.

Si l’on considère enfin qu’elle est la benjamine (née en septembre


1977) qu’elle a eu un parcours universitaire impressionnant honoré «des
plus grandes louanges» académiques, elle est sans doute l’écrivaine de sa
génération qui domine le mieux notre époque.

13l’un des prix littéraires les plus prestigieux au Royaume uni, doté de 34.000 euros
32
Troisième chapitre
Analyse du roman

33
Troisième chapitre
Analyse du roman

3.1Qui exprime l’émancipation de la femme ?

À travers le roman Sous l’orage, Seydou Badian met en scène la


condition féminine en Afrique et comment la femme africaine
(représentée par Kany, maman Téné etc.) est empêchée de donner une
décision aux affaires qui les concernent. La tradition africaine croit que la
femme (analphabète ou éduquée) n’a pas de valeur que si elle est mariée
avec une grande dot versée sur sa tête. De plus, que la femme africaine le
veuille ou non, on lui impose le mari que la famille a décidé.

Mais ce geste a suscité une révolte éclatante où jeunes cherchent à


restituer la place de la femme dans la société moderne africaine. Pour
eux, la femme est “ quelque chose” car elle peut contribuer non-
seulement au développement de la famille mais aussi à la transformation
de la nation en générale. C’est ainsi que l’on accorde l’attention
prioritaire à l’émancipation de la femme dans tous les domaines
humaines.

La révolte qu’a menée Kany et ses amis contre les sages du village
est une démonstration que la femme n’est plus objet de la fabrication des
enfants. Il va plus loin que cela car la femme joue, aujourd’hui, le rôle
inégalable et inégalé dans le développement de la famille et dans le
progrès de la nation. Selon Henshaw (1979), le monde avance très vite et
il nous incombe d’avancer vite avec lui. Dans la même direction, Seydou
Badian (1972) est d’accord que l’on doit avancer car les choses ne
doivent pas demeurer en l’état où elles étaient il y a des siècles. C’est par
là que “Tout change et nous devons vivre avec notre temps” (sous
l’orage: 55-56).

34
Kany ne veut pas entrer dans une famille polygame. Elle croit que
l’argent n’est pas tout dans le mariage car l’argent ne fait pas le Bonheur.

Elle s’oppose au mariage en disant qu’elle n’est pas une marchandise ou


un objet à vendre. C’est ainsi qu’éclata une révolte et un conflit entre la
tradition et la jeune génération que représente Kany et ses amis. Elle
rejette Famagan pour accepter Samou qui est étudiant et qui n’a pas de
sous.

3.2 La révolte et l’émancipation de la femme

Dans le milieu traditionnel africain, la femme (éduquée ou non) n’a


pas de valeur exceptée si elle peut attirer une grande dot d’un prétendant
très riche. Donc l’objectif principal de l’éducation de la femme c’est pour
rapporter des biens du prétendant qui est très riche. La femme ne doit pas
dire son avis sur le choix d’un mari. Elle n’a aucune autre fonction que de
faire la cuisine et de faire les enfants dans une famille polygame. Mais la
femme moderne africaine (représentée par Kany) se révolte contre cette
impasse sociale.

Seydou Badian nous présente l’issue du mariage où il ne faut point


consulter la fille concernée. Kany n’accepté pas le mariage sans son
consentement. Elle croit qu’elle a quelque valeur. Voilà pourquoi elle dit
à sa mère:

« Je n'aime pas Famagan, je n'aime pas Famagan, cria Kany au milieu


de sanglot (…) Mâ ! fit Kany qui s'était vivement redressée, pardonne-
moi, mais je ne peux être la femme de Famagan. Faites de moi ce que
vous voudrez, je préfère mourir. »14

14 - S. Badian, sous l'orage, p. 72


35
Kany a démontré que la femme n’est plus n’importe qui en
insistant que la femme africaine doit se tenir debout pour défier les
entraves de la tradition qui visent à décourager les femmes. C’est ainsi
qu’elle s’est opposé à son père (Benfa) en disant: « Qu'ai-je entendu?
Gronda-t-il. Que disais-tu, fille de Satan? Parle! Dis un mot. »15

Quand le père Benfa et ses amis (ancienne génération) cherchent à


comparer l’attitude docile de Maman Téné (une simple villageoise
analphabète) à celle de Kany révoltante, ils se rendent compte que les
choses ont changé.

Comme Juliette dans Trois prétendants … un mari, de Guillaume


Oyôno Mbia, Cléante dans L’Avare de Molière, Kany dans Sous l’orage
de Seydou Badian ne doit plus obéir à ses parents à l’égard du choix d’un
époux qui est très riche mais plutôt un mari qui doit l’aimer.

Pour certaines personnes, la femme n’a pas le droit d’aller à l'école


car l’éducation abîme la sensibilité de la femme. La femme éduquée est
dépourvue de toute loyauté. Elle se conduit sur le même pied d’égalité à
l’homme. C’est-à-dire que la femme éduquée peut prendre la décision par
elle même sans consulter l’homme; ce qui est anormal du point du vu
traditionnel africain.

L’émancipation ou la révolte de Juliette autant qu’une fille évoluée


se manifeste sur le rejet d’une décision imposée sur elle. Elle doit se
marier à Famagan selon le choix et la décision de son père. Mais Kany
insiste qu’elle préfère Samou qui est un écolier. Cela a engendré une
dispute que voici:

Discussion Kany et Maman Téné :

15 - op-cit, p. 75
36
« Kany, ton père et ses frères se sont réunis. Ils ont décidé que tu
épouseras Famagan. Sache donc te conduire en conséquence. Dans la
rue, au marché, partout où tu seras, n'oublie pas que tu n'es plus libre.

- Tu as un mari désormais. Et les gens t'observeront. C'est la parole


de ton père.

Kany resta immobile, les yeux grands ouverts.

- tu auras la bénédiction de Dieu.»

Enfin de compte, le père Djigui (grand frère de Benfa) a joué un


grand rôle dans ce mêlée. Avec son aide, Kany ne s’est pas mariée à
Famagan. C’est par là qu’elle a démontré que la femme africaine dans la
nouvelle génération a le droit d’entamer une décision et d’en exécuter
sans l’entrave des parents, des sages et des âgés au village.

3-3 Générations et Emancipation de la femme

Dans Sous l’orage, nous sommes en présence de trois générations


différentes chez qui on découvre des attitudes et des points de vue parfois
radicalement opposés. La génération des parents, représentée par le père

Benfa et ses camarades d’âge plus Sibiri, ces derniers prônent le


respect absolu et sans équivoque des traditions. Maman Téné, le père
Djigui et le Fou représentent pour leurs parts, des ambivalences et des
réserves sur ces mêmes traditions.

Quant à la génération des enfants, celle que représente la jeune


collégienne Kany, elle est nettement en révolte contre les contraintes des
traditions et les empiétements de celle-ci sur la vie des jeunes de
l’Afrique moderne.

37
Maman Téné plus spécifiquement incarne les vertus et les
faiblesses de la femme traditionnelle africaine. Respectueuse des
coutumes et des traditions, même lorsque celles-ci s’avèrent injustes et
défavorables a son sexe. Elle accepte que la femme soit un être inférieur à
l’homme et se soumette sans autre forme des procès aux conventions qui
protègent les intérêts de l’homme aux dépens des siennes.

Dans son opinion, la femme ne devrait ni s’afficher ni s’imposer


dans un monde où la loi de l’homme, la loi du plus fort, est reconnue
comme seule valable.

Dans la société dont Maman Téné est issue, l’éducation de la fille


met l’accent sur la soumission et l’obéissance aveugles plutôt que sur le
développement de l’initiative individuelle et de la personnalité qui
s’affirme. Ainsi, la femme y acquiert des attitudes et des valeurs qui la
maintiennent toujours sous la tutelle de l’homme, et s’accommode tant
bien que mal, et plutôt mal que bien, a cette société qui lui assigne une
place de deuxième rang.

Cette situation des femmes amène à poser une question


fondamentale : pourquoi précisément les femmes font-elles l’objet d’une
exclusion ? Le texte n’apporte aucune réponse explicite à cette
interrogation. Mais, il reflète un système d’oppositions qui s’expriment la
suprématie du masculin, c’est-à-dire du pouvoir.

En Afrique, la société repose sur la communauté : aucune décision


importante n’est prise par une seule personne. Or le mariage en est une le
conseil de famille a donc le devoir son avis, avec un droit de veto, sur un
choix qui devancerait celui de leurs parents.

38
Les jeunes veulent bien avoir le droit de choisir leur conjoint, mais
ce faisant, ils modifient la conception traditionnelle du mariage. Par
contre, les vieux comptant sur le mariage pour s’enrichir aux dépens des
prétendants qui doivent dédommager généreusement les parents des effets
consentis pour élever les filles.

39
3.4 La portée de l’œuvre

Le triomphe de Kany (symbole de cette nouvelle génération)


symbolise aussi l’émancipation de la femme africaine de toute forme
d’asservissement aux coutumes qui assignent à la femme africaine une
place inférieure. Sous l’orage est aussi une expression de foi par un
écrivain africain en la jeunesse africaine, en sa capacité de contribuer à la
transformation des institutions traditionnelles des tabous et des préjugés
qui font entrave à l’épanouissement de la personnalité sociale de la
femme africaine.

Il va sans dire que les femmes africaines qui ont connu l’ouverture
aux idées modernistes de l’occident, ne sont plus les femmes
domestiques. Voilà pourquoi, Evongwa (2012), en citant le président
Goodluck Jonathan du Nigéria, insiste que l’on doit accorder l’attention
prioritaire à la promotion des femmes africaines dans les affaires
politiques:

« If south Africa could give 40% of political appointment to


women, I don’t see why giving our women 35% is impossible (Daily Sun
: 38). »

« Si L’Afrique du Sud peut accorder 40% à la nomination des


femmes aux postes politiques, cela n’est pas du tout impossible de donner
35% à nos femmes ».

En Afrique, aujourd’hui, les femmes jouent des rôles variés dans


tous les domaines de la vie humaine. Dans certains pays africains, les
femmes sont en tête du gouvernement. Par exemple, Ellen Shirleaf
Johnson est le Président du Libéria alors que Joyce Banda est le Président
du Malawi.

40
Donc ce que nous voulons aujourd’hui, c’est la femme qui doit
quitter le foyer conjugal pour passer à la contribution effective de
développement de la société et à la transformation de la nation. Pour
mieux effectuer cette tache, la femme doit être biens éduquée et ouverte
aux activités sociopolitiques et économiques de son pays. Les femmes
africaines doivent également avoir des emplois qui offrent des
perspectives de carrière.

41
3.5 Etudes critiques de l'œuvre

Publié en 1957 aux Editions Les Presses Universelles d’Avignon,


Sous l’Orage, le premier ouvrage de Seydou Badian, est un roman
éducatif qui a provoqué diverses réactions auprès des lecteurs. Comme
toute œuvre richement pourvue de vertus et/ou de thèmes, le roman de
Seydou Badian n’a pas encore dévoilé tous ses mystères et il ne le fera
peut-être jamais. Ainsi, il a fait l’objet des critiques mitigés : d’une part, il
a été salué par les critiques favorables aux thèmes développés par
l’écrivain malien; alors que d’autre part, il a été vilipendé par ceux qui s’y
opposent.
Parmi les partisans de l’écrivain malien qui reconnaissent la valeur
littéraire de cette fiction, on peut citer Françoise Tsoungui qui a axé sa
réflexion sur la biographie de Seydou Badian avant de porter son
jugement sur la production littéraire de l’écrivain malien. Elle écrit: «
Après une enfance africaine, des études primaires et quelques années
d’études secondaires faites à Bamako, il s’expatrie et prépare le
baccalauréat à Montpellier, en France. Il y fréquente la faculté de
médecine et devient docteur en médecine en 1955 » (Tsoungi 1985: 4).
Elle renchérit en disant que « Seydou a connu le passage du monde
traditionnel au monde moderne. Comme Tiéman-le-soigneur, il a eu
l’occasion de confronter ces deux mondes dans leur milieu d’origine »
(Ibidem, 4).
Cette critique met l’accent sur la corrélation entre la vie et la
carrière littéraire de Seydou Badian. Elle estime que les expériences de la
vie quotidienne vécues par l’écrivain malien trouvent leur écho dans son
oeuvre littéraire. Cela parce que le romancier, dans sa fiction, fait allusion
à la tradition africaine qu’il a expérimentée dans son pays d’origine
pendant sa jeunesse tout comme pendant son adolescence, en tant

42
qu’Africain. L’artiste se réfère aussi à la modernité qu’il a découverte
pendant ses études primaires, secondaires et universitaires. Aussi essaie-t-
il de concilier les deux mondes, traditionnel et moderne, pour montrer
qu’une société qui se veut nouvelle et édifiante devrait nécessairement
faire la symbiose des valeurs ancestrales et modernes.
Tout comme Françoise Tsoungui, Ouédraogo présente aussi des
éloges à Seydou Badian pour la combinaison de l’oralité et de l’écriture
dans ce roman, et il le souligne en ces termes: “Seydou Badian est un
étudiant de l’histoire orale et écrite”. Pour ce critique, l’intérêt de ce
roman se trouve dans le fait que l’auteur fait la symbiose de deux
mondes, ancien, incarné par la tradition, et nouveau, représenté par la
modernité. Pour sa part, Niyibizi Jean-Marie (2003: 4) salue
favorablement le roman de Seydou Badian, tout en focalisant aussi son
attention sur la biographie de Seydou Badian. Il met en exergue un aspect
important qui le fascine: le changement de carrière dans la vie de cet
écrivain. Il le témoigne en ces termes: “Seydou Badian Kouyaté est un
médecin de formation. Mais curieusement, il s’est intéressé à la
littérature. Ce changement brusque de domaine et l’intérêt que l’auteur
attache à la littérature nous ont interpellé” (Ibidem: 4). Pour lui, ce
romancier est spécial dans ce sens qu’il abandonne, de plein gré, sa
carrière de guérisseur de corps pour se pencher à la littérature. Par
ailleurs, il estime que ce changement est significatif: l’écrivain ne veut
pas rester passif, indifférent aux réalités de sa société, mais veut plutôt
demeurer actif en transmettant à son lectorat un message important.
Outre la biographie qui a attiré l’attention des critiques qu’on vient
de présenter, un autre aspect qui les a fascinés, c’est la thématique.
Léonard Sainville, par exemple, s’est intéressé à la thématique examinée
par Seydou Badian dans cette oeuvre romanesque. Il considère que « le
roman de Seydou Badian expose le conflit qui oppose deux générations,

43
les jeunes et les vieux » (Sainville, 1963: 156). Pour ce penseur, le roman
de Seydou Badian est attrayant et éducatif parce qu’il examine le thème
du conflit des générations, lequel interpelle les jeunes et les vieux, et les
invite à la flexibilité pour l’édification d’une nouvelle société. Niyibizi
Jean-Marie partage aussi le point de vue de Léonard Sainville. Il le
confirme en ces termes: « Dans Sous l’Orage, Seydou Badian examine le
thème du conflit qui oppose les jeunes et les vieux dans la société
africaine en général et au Mali en particulier. De nos jours, le même
problème demeure dans la société africaine, (il) reste non résolu et
nécessite une solution » (Niyibizi, 2003: 4). Après observation des
problèmes qui se posent en Afrique, de l’époque coloniale à nos jours, ce
critique pense que le conflit des générations (ou le 13 conflit des classes
d’âge) est un problème épineux qu’il convient de résoudre au plus vite car
il constitue un obstacle non seulement pour l’épanouissement de
l’individu, mais aussi un frein pour le développement social du continent
africain. Trois autres critiques prolongent la liste et se rangent dans la
caste des partisans de Seydou Badian: Dorothy S. Blair, Patrice Nganang
et FalladOlureni.
Partant de la thématique du premier roman (Sous l’orage) de
l’écrivain malien, Dorothy S. Blair (1976: 240) fait le constat suivant: «
Seydou Badian a complété le brouillon de son roman en 1954 quand il
était étudiant à l’Université de Montpellier, et il a publié l’œuvre en 1957.
Pour cette critique, Seydou Badian ne fait pas de l’art pour l’art. Il s’est
servi d’une situation sociale qui fait l’actualité de la société africaine en
vue de publier cette fiction. En outre, Dorothy S. Blair se penche
davantage sur la thématique de l’ouvrage. Elle découvre un autre aspect
important de cette fiction, celui lié au message de l’auteur. Elle le
souligne en avouant qu’ « … à travers son ouvrage, Seydou Badian

44
a un message important qu’il adresse aux Africains et il a choisi, à
cet effet, le roman à thèse pour le véhiculer. Bien que le roman n’ait pas
été lu par un grand nombre de lecteurs, parce qu’il est écrit dans une
langue européenne, sa leçon morale est cependant adressée aux jeunes
intellectuels, produits de l’école occidentale: ces derniers sont appelés à
prendre la relève du pays à la fin de la colonisation. Pour sa part, Patrice
Nganang (2008: 77) a également admiré la thématique du livre de Seydou
Badian. Pour lui, le roman de cet auteur est une réussite littéraire parce
que Seydou Badian a abordé un thème intéressant, la lutte contre la
colonisation. Fallad Olureni (2011: 30) a orienté sa réflexion sur le thème
de l’éducation afin d’évaluer la production littéraire de l’écrivain malien.
Pour elle, le roman de Seydou Badian est éducatif dans la mesure où il
permet au lecteur, à travers l’amour de Kany et Samou, d’appréhender
l’opposition entre la tradition et la modernité, le conflit entre les jeunes et
les vieux. Elle tire une bonne leçon morale: les jeunes et les vieux doivent
vivre ensemble pour édifier leur société.

Outre les éloges des partisans de Seydou Badian, son ouvrage n’a
pas été épargné par Dorothy S. Blair. Examinant les personnages qui
campent dans l’univers romanesque de Seydou Badian, Dorothy S. Blair
(1976: 242) écrit: “les personnages sont tous superficiels, choisis comme
des types, et non comme des individus; ils ne sont pas décrits en
profondeur”.

45
Conclusion

Le sujet de l'émancipation de la femme est l'un des défis qui met en


évidence tous les pouvoirs et les désirs des femmes qui avaient lutté pour
leur droit de vivre intègre dans la société. Ici ou ailleurs, elle avait franchi
beaucoup d'entraves et malgré son instinct et statut inférieur à l'égard de
la société et à la coutume, elle est désormais un pilier majeur dans la
stabilité sociale et démographique.

A travers la littérature et la conscience qui lui ont enfin permis de sortir


de cette immense grotte dans laquelle elle vivait depuis deux millénaires
de soumission, elle jouit de son droit de vivre, de voter, de décider en
plein jour et à gros éclat au su et au vu de tout le monde. Une seule
question reste en suspens: comment et quel serait sa motivation en face
d'une reconnaissance simplement avorté par le simple esprit qu'elle
représente aujourd'hui une majorité non négligeable dans tous les secteurs
que se soient démographiques ou privilégiés et non par une valeur
méritante reconnue?

Cela fait qu'aujourd'hui des revendications à travers les


organisations et les médias réclame sa parité et son intégration d'autant
que les hommes aux fonctions publiques tout en se lamentant dans une
grosse part qu'elle touche 25% un salaire inférieur à celui des hommes
pourtant les deux possèdent le même degré d'étude.

Aussi la journée internationale de la femme célébrée partout dans


le monde met en lumière un siècle d'émancipation et de reconnaissance
juridique.

Dans cette recherche nous avons essayé de disséquer la place


donnée de la femme dans la société malienne, pour faire cela nous avons

46
passé par le roman intitulé sous l’orage de Seydou Badian. Comme dans
plusieurs sociétés africaines, la femme a besoin d’une lutte afin
d’accrocher ce qui est la sienne. Nous avons essayé de faire un résumé de
ce que la femme dans la société malienne et quel chemin elle a fait pour
avoir son émancipation. L’exemple de Kany nous a servi comme model
pour se lancer dans ce travail.

Ce travail ne se réalise pas sans passer par les grands noms de la


littérature féminine africaine en tête desquels vient Mariama Bâ qui date
le mouvement vers l’émancipation de la femme non seulement dans son
pays qui est le Sénégal mais aussi dans tout le continent. Ces noms nous a
servi de point de départ pour savoir la place de la femme avant et après et
pour comprendre le grand travail fait par ces femmes.

Nous pouvons conclure par l’affirmation de l’émancipation de la


femme de la domination de l’homme car le personnage principal de
roman qui nous avons choisi d’étudier « Kany », ne se contente pas de
son statut dans sa femme et commence à lutter afin d’avoir le droit à
choisir son propre destin.

Cette recherche est un pas dans le chemin vers d’autres études plus
approfondies qui vont compléter ce que nous avons commencé dans ce
domaine. Nous croyons que cette recherche est un pas vers une étude de
l’émancipation de la femme non seulement malienne mais aussi africaine.

Je pense personnellement que :

Les hommes doivent laisser les femmes s’exprimer librement dans


la société où elles se trouvent. La femme doit avoir le droit mais à cause
d’acquérir l’éducation formelle à tous niveaux.

47
La femme doit être protégée contre les brimades, la peine
corporelle et toutes formes d’abus et violence. La femme africaine doit
être accordée les soins médicaux sans des préjugés.

48
Bibliographie

1. BADIAN S., (1979), Sous L'orage suivi de la mort de Chaka, Présence


africaine.

2. Bernard LECHERBONNIER, (1977), Initiation à la littérature négro-


africaine, Fernand Nathan, Paris.

3. CHEVRIER Jacques & TRAORE El Haj Amadou Tidiane,


(1987), Littérature africaine, histoire et grands thème, Hatier.

4. COQUERY-VIDROVITCH Catherine, (1992), L’Afrique noire de


1800 à nos jours, presse universitaire de France, (PUF).

5. PICARD Alain, (1995), Littérature d’Afrique Noire, CNRS éditions et


Karthala, Paris.

6. Robert L., et als, (1986), Les littératures francophones depuis 1945,


Bordas, Paris.

Sitographie

1. www.wikipédia/littératureafricaine.com [date de consultation:


février 2016].
2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Litt%C3%A9ratur
e_malienne [date de consultation: février 2016].
3. www.africulture/littératuremalienne.com [date de consultation:
février 2016].
4. https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99%C3%89mancipation
_des_femmes [date de consultation: février 2016].
5. www.wikipédia/ Bessis 2000 [date de consultation: février 2016].

49
Table des matières

Sujet N° de page
Dédicace I
Remerciements II
Résumé III
Abstract IV
‫ﻣﺴﺘﺨﻠﺺ‬ V
Introduction 1
Premier chapitre: la littérature africaine
1.0 La littérature féminine 6
1.1 Définition du terme « féminisme » 6
1.2. La littérature féminine en Afrique 7
1.3 Les écrivaines francophones d’Afrique noire 10
1.3.1 Les thèmes abordés dans la littérature féminine 11
africaine
Deuxième chapitre : émancipation de la femme dans la littérature
africaine
L'émancipation de la femme dans la littérature africaine 15
2-1 Définition de l'émancipation 15
2-2 L'émancipation de la femme dans la littérature africaine 16
2-3. La difficulté d’écrire et de se faire éditer quand on est 24
une femme africaine
2.3.1 Le lectorat, la diffusion et l’alphabétisation 25
2-4 Les auteurs féminins classiques 29
2.6 Les auteurs africains féminins contemporains 31

50
2.6.1 Leila Abouzeid 31
2.6.2 Unity Dow 31
2.6.3 Ananda Devi 32
2.6.4 Léonora Miano 32
2.6.5 Noviolet Bulawayo 32
2.6.6 ZukiswaWanner 33
2.6.7 Chimamanda Adichie 33
Troisième chapitre : Analyse du roman
3.0 Analyse du roman 35
3.1 Qui exprime l’émancipation de la femme ? 35
3.2 La révolte et l’émancipation de la femme 36
3-3 Générations et émancipation de la femme 38
3.4 La portée de l’œuvre 41
3.5 Etudes critiques de l'œuvre 43
Conclusion 47
Bibliographie 49
Table des matières 50

51

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