Extrait
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Le politique,
la politique,
les politiques
publiques,
la science politique
On peut définir la science politique comme la science des faits politiques, mais comment
alors définir un fait politique ? Les faits politiques ne sont pas politiques par nature. La
dimension politique d’un fait est variable dans le temps et dans l’espace. Tout n’est pas politique
mais tout fait social est « politisable ». Il faut considérer le politique comme une dimension
potentielle de tout phénomène social. Les processus de politisation sont complexes, ils sont
rarement maîtrisés par un seul type d’acteurs et le résultat de démarches et d’entreprises
volontaires. Ils sont le produit de rapports de force entre multiples acteurs. Il n’y a pas en
somme de définition universellement opératoire du politique.
La science politique rassemble une communauté de chercheurs qui analysent les mécanismes
au principe de la conquête, de l’exercice et de la conservation des positions de pouvoir
politique et ceux qui concourent à politiser et prendre en charge politiquement des
problèmes sociaux. Cette discipline a été une des dernières sciences sociales à apparaître
au XIXe siècle. Cette émergence est le produit de plusieurs évolutions : le développement
d’une bureaucratie moderne, le processus de sécularisation, l’universalisation du suffrage,
la spécialisation de l’activité politique par rapport à d’autres activités sociales et l’émergence
d’institutions spécialisées.
Il convient de clarifier les notions de pouvoir, domination, légitimité au cœur de l’objet
politique. À la différence de la domination, le pouvoir n’implique pas forcément la légitimité
ou sa recherche. Il peut s’exercer par la force pure. Les relations de pouvoir sont observables
à tous les niveaux de la société. Une des questions est dès lors de savoir si l’on peut identifier
On peut définir la science politique comme la science des faits politiques, mais comment alors définir un
fait politique ? Comment le circonscrire ? Quelles sont les limites de la politique ? Spontanément, le sens
commun associe la dimension « politique » à divers objets de la vie sociale quotidienne : les élections, les
hommes « politiques », l’État, les politiques publiques menées par les autorités… Il y a ainsi « une vie
politique » dont la presse rend compte dans des rubriques spécifiques (« les pages politiques »). Le droit a
tendance à considérer comme politiques les institutions qui organisent la vie politique (le gouvernement,
le Parlement, la présidence de la République, les collectivités locales). Mais on ne saurait prendre pour
objets politiques que ceux que les acteurs considèrent comme tels et les frontières strictement officielles
et instituées de la politique. Cette question du « repérage du politique » (Jean Leca) et de ses frontières est
une préoccupation ancienne qui pose de redoutables problèmes. Le terme « politique », dérivé du grec
polis – « cité » en français –, est très polysémique et équivoque. Les faits politiques ne sont pas politiques
par nature. La dimension politique d’un fait est par ailleurs variable dans le temps et dans l’espace. Il n’y
a pas en somme de définition universellement opératoire du politique.
L’analyse des politiques publiques en science politique s’est beaucoup développée ces dernières années. Elle a permis de montrer que l’État
n’était pas un acteur homogène, omnipotent et omniscient et que sa rationalité en matière d’action publique était limitée. Une politique
publique est «un ensemble réputé cohérent d’intentions et d’actions imputables à une autorité publique» (Philippe Braud). On ne peut réduire
les politiques publiques à des ensembles d’actions, « visant » forcément à « résoudre des problèmes » (critique de l’approche en termes de
problem solving). Elles redéfinissent sans cesse les problèmes qu’elles sont censées traiter (il faut donc analyser les « problèmes » d’action
publique comme des construits sociopolitiques, la « carrière » des problèmes qui se redéfinissent sans cesse au gré de leurs « résolutions »).
Les politiques publiques peuvent ainsi être définies comme des processus par lesquels sont élaborés et mis en place des programmes d’action
publique c’est-à-dire des dispositifs politico-administratifs articulés en principe autour d’objectifs. L’action publique est moins le produit de
la « volonté » des décideurs politiques ou l’application de règles de droit que le résultat de processus et de relations sociales complexes. On
peut découper les politiques publiques (analyse séquentielle) en phases : émergence du problème, formulation des alternatives, décisions,
mise en œuvre, évaluation… Mais dans les faits ces diverses séquences sont imbriquées.
■ Repères
■ Les faits politiques ne sont pas politiques par nature. La dimension politique d’un fait est variable dans le temps
et dans l’espace. Il n’y a pas de définition universellement opératoire du politique.
■ Le politique est un espace de résolution des conflits et d’arbitrage des intérêts divergents de la société.
■ La politique renvoie à la lutte concurrentielle pour la répartition du pouvoir.
■ La fonction de régulation sociale spécifique que remplit le politique se traduit par la mise en œuvre de poli-
tiques publiques.
■ L’agenda désigne l’ensemble des problèmes perçus comme appelant un débat public voire l’intervention des
autorités politiques légitimes.
■ Bibliographie
AÏT-AOUDIA (M.), BENNANI-CHRAÏBI (M.), CONTAMIN (J. G.), « Contribution à une histoire sociale de la
conception lagroyenne de la politisation », Critique internationale, 48, 2010.
BOUSSAGUET (L.), JACQUOT (S.), RAVINET (P.), dir., Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de
Sciences Po, 2006.
FAVRE (P.), Comprendre le monde pour le changer, Paris, Presses de Sciences Po, 2005.
GUSFIELD (J.), La construction des problèmes publics, Paris, Economica, 2009.
LAGROYE (J.), « Le Processus de politisation », in LAGROYE (J.), dir., La Politisation, Paris, Belin, 2003.
LECA (J.), « Le Repérage du politique », Projet, 1973, 71.
WEBER (M.), Le Savant et le Politique, Paris, Plon, 1959.
WEBER (M.), Économie et société, Paris, Plon, 1971
La science politique
La science politique n’a pas le monopole du discours et de l’analyse sur son objet. Commentateurs,
spécialistes des sondages, hommes politiques, citoyens…, parlent de politique et développent sur elle
toutes sortes d’analyses et d’appréciations. Mais la science politique prétend construire un regard savant
sur la politique (ce qui suppose de construire son objet, d’émettre des hypothèses, de mobiliser des
concepts, de mettre en œuvre des méthodes spécifiques…). Le travail du politiste ne s’inscrit pas, par
exemple, dans la même temporalité et les mêmes conditions de production que le discours journalistique.
Le journaliste politique travaille dans l’urgence et cherche à créer l’événement. Il ne prétend pas toujours
à l’objectivité, commente quotidiennement l’actualité, propose une chronique de la vie politique qui doit
trouver son public.
La science politique est l’étude scientifique des faits considérés à un moment donné comme « politiques ».
La question de la définition sociale de ce qui est considéré comme politique est donc cruciale. Le risque
est d’être prisonnier des frontières officielles et instituées du politique. La science politique rassemble
une communauté de chercheurs qui analysent les mécanismes au principe de la conquête, de l’exercice
et de la conservation des positions de pouvoir politique et ceux qui concourent à politiser et prendre en
charge politiquement des problèmes sociaux.
Une discipline n’a pas « épistémologiquement de sens » (Pierre Favre). Elle n’a pas de territoires et de
frontières fixes. Une discipline n’est à un moment donné qu’une mosaïque de recherches qui se complètent
mais aussi se concurrencent. La spécificité de la science politique est double : elle constitue une discipline
très hétérogène et son objet est mal circonscrit. Le champ disciplinaire constitué par la science politique
est façonné par les interactions et les luttes multiples au sein de la communauté qui contribuent à en
définir les conditions d’accès et les frontières. L’histoire de la science politique c’est l’histoire de cette
communauté et de ces luttes.