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Partie 1

Le politique,
la politique,
les politiques
publiques,
la science politique

On peut définir la science politique comme la science des faits politiques, mais comment
alors définir un fait politique ? Les faits politiques ne sont pas politiques par nature. La
dimension politique d’un fait est variable dans le temps et dans l’espace. Tout n’est pas politique
mais tout fait social est « politisable ». Il faut considérer le politique comme une dimension
potentielle de tout phénomène social. Les processus de politisation sont complexes, ils sont
rarement maîtrisés par un seul type d’acteurs et le résultat de démarches et d’entreprises
volontaires. Ils sont le produit de rapports de force entre multiples acteurs. Il n’y a pas en
somme de définition universellement opératoire du politique.
La science politique rassemble une communauté de chercheurs qui analysent les mécanismes
au principe de la conquête, de l’exercice et de la conservation des positions de pouvoir
politique et ceux qui concourent à politiser et prendre en charge politiquement des
problèmes sociaux. Cette discipline a été une des dernières sciences sociales à apparaître
au XIXe siècle. Cette émergence est le produit de plusieurs évolutions : le développement
d’une bureaucratie moderne, le processus de sécularisation, l’universalisation du suffrage,
la spécialisation de l’activité politique par rapport à d’autres activités sociales et l’émergence
d’institutions spécialisées.
Il convient de clarifier les notions de pouvoir, domination, légitimité au cœur de l’objet
politique. À la différence de la domination, le pouvoir n’implique pas forcément la légitimité
ou sa recherche. Il peut s’exercer par la force pure. Les relations de pouvoir sont observables
à tous les niveaux de la société. Une des questions est dès lors de savoir si l’on peut identifier

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une spécificité du pouvoir politique. Le terme « légitimité » désigne le caractère de toute
domination qui se donne pour justifiée, normale, conforme aux valeurs dominantes dans
une société. Raisonner en termes de légitimation est donc plus fécond. La légitimation d’un
pouvoir politique renvoie à l’ensemble des processus qui rendent « l’exercice d’un pouvoir
coercitif spécialisé tolérable sinon désirable, c’est-à-dire qui le fasse concevoir comme une
nécessité sociale sinon un bienfait » (Jacques Lagroye).
L’une des principales caractéristiques des sociétés modernes est de voir le pouvoir
s’institutionnaliser dans des structures étatiques. La science politique a longtemps été centrée
exclusivement sur l’étude de l’État. Or, il y a des sociétés sans État et la politique déborde
la sphère des institutions étatiques. L’État n’est pas le produit d’une nécessité historique
ou fonctionnelle. L’État occidental moderne est le résultat de processus historiques et de
constructions sociales complexes où se combinent de nombreuses variables. Ce qui définit
l’État moderne est une série de monopoles qui se sont imposés peu à peu.

■ Références générales de manuels en sciences politiques


et en sciences sociales
ALCAUD (D.), BOUVET (L.), dir., Dictionnaire des sciences politiques et sociales, Paris, Sirey, 2004.
BRAUD (P.), Sociologie politique, Paris, LGDJ, 1998.
COHEN (A.), LACROIX (B.), RIUTORT (P.), dir., Nouveau Manuel de science politique, Paris, La Découverte, 2009.
DORMAGEN (J.-Y.), MOUCHARD (D.), Introduction à la sociologie politique, Bruxelles, De Boeck, 2007.
LAGROYE (J.), avec FRANÇOIS (B.) et SAWICKI (F.) Sociologie politique, Paris, Presses de Sciences Po/Dalloz,
2002.
NAY (O.), Lexique de science politique. Vie et institutions politiques, Paris, Dalloz, 2008.
VOILLIOT (C.), Éléments de science politique, Paris, L’Harmattan, 2011.
« Découverte de la science politique », Cahiers français 276, La Documentation française, 1996.
« La Science politique », Cahiers français 350, La Documentation française, 2009.

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Leçon 1

Qu’est-ce qu’un fait politique ?

I. « Politique » : une polysémie fuyante


II. La construction sociale du politique
III. Les processus de politisation
IV. La construction des problèmes publics

On peut définir la science politique comme la science des faits politiques, mais comment alors définir un
fait politique ? Comment le circonscrire ? Quelles sont les limites de la politique ? Spontanément, le sens
commun associe la dimension « politique » à divers objets de la vie sociale quotidienne : les élections, les
hommes « politiques », l’État, les politiques publiques menées par les autorités… Il y a ainsi « une vie
politique » dont la presse rend compte dans des rubriques spécifiques (« les pages politiques »). Le droit a
tendance à considérer comme politiques les institutions qui organisent la vie politique (le gouvernement,
le Parlement, la présidence de la République, les collectivités locales). Mais on ne saurait prendre pour
objets politiques que ceux que les acteurs considèrent comme tels et les frontières strictement officielles
et instituées de la politique. Cette question du « repérage du politique » (Jean Leca) et de ses frontières est
une préoccupation ancienne qui pose de redoutables problèmes. Le terme « politique », dérivé du grec
polis – « cité » en français –, est très polysémique et équivoque. Les faits politiques ne sont pas politiques
par nature. La dimension politique d’un fait est par ailleurs variable dans le temps et dans l’espace. Il n’y
a pas en somme de définition universellement opératoire du politique.

I. « Politique » : une polysémie fuyante


En France, le vocable « politique », androgyne et activité), ou de science politique qui s’attache à
polysémique, recouvre plusieurs définitions, plus ou l’analyse de ces phénomènes.
moins stabilisées. Il fait l’objet de multiples usages. Le politique, au masculin, renvoie de manière
Dans le Littré, on recense huit acceptions différentes plus générale au champ social dominé par des
de « politique ». La langue anglaise a le mérite conflits d’intérêts régulés par les pouvoirs (polity
d’être plus précise. L’adjectif « politique » renvoie en anglais). C’est un espace de résolution des
aux formes de gouvernement, à l’organisation du conflits et d’arbitrage des intérêts divergents de la
pouvoir et à son exercice. On parlera d’institutions société. Par politique, on peut entendre de manière
politiques, des hommes politiques (c’est-à-dire des générale l’instance préposée au maintien de la cohé-
hommes qui se sont professionnalisés dans cette sion sociale. Pour Max Weber, c’est l’instance qui

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permet le vivre ensemble et la résolution des conflits sociologue Pierre Bourdieu donne de la politique
d’intérêts inhérents à la vie en société. Le politique, cette définition : c’est « le lieu où s’engendrent dans
dont la conception a évolué au cours de l’histoire, la concurrence entre les agents qui s’y trouvent
se présente dans les sociétés contemporaines sous engagés des produits politiques entre lesquels les
la forme d’un ensemble de forces institutionnalisées citoyens ordinaires, réduits au statut de consom-
qui interagissent (dans ce que l’on peut appeler le mateurs, doivent choisir ». Par politique, on peut
champ politique). Pour Pierre Favre, « le politique entendre aussi la scène sur laquelle s’affrontent,
concerne les fonctions de coordination des activi- sous les yeux du public et des citoyens, une série
tés, de résolution des conflits, de hiérarchisation d’acteurs pour la conquête et l’exercice du pouvoir.
des objectifs que requiert l’existence de la société. Philippe Braud définit la scène politique comme « le
La politique est l’activité de ceux qui assurent ou lieu de compétition pacifique autour du pouvoir de
veulent assurer ces fonctions. Le politique est ainsi monopoliser la coercition, de dire le droit et d’en
l’objet de la politique. » garantir l’effectivité dans l’ensemble de la société
La politique est donc plus contingente. Lorsque concernée ».
l’on parle de « la politique », on désigne l’ensemble Enfin, une politique ou les politiques (publiques)
des activités, des interactions et des relations sociales renvoient à des formes d’action finalisée et leurs
qui se développent et se structurent au sein de moyens visant à résoudre « un problème » ou à
l’espace autonome de la lutte pour la conquête satisfaire des « demandes » (en anglais policy ou
et l’exercice du pouvoir. La politique renvoie à la policies). Il s’agit là de désigner l’action concrète des
lutte concurrentielle pour la répartition du pou- pouvoirs publics dans divers secteurs de l’action
voir (politics en anglais). C’est en cela qu’elle est publique (l’économie, la culture, le tourisme, l’envi-
souvent dévalorisée (elle renvoie à la lutte pour ronnement…) ou dans l’action gouvernementale
le pouvoir, à l’intrigue, aux rapports de force…). au sens large (les discours de « politique générale »
Cette dimension renvoie à ce que l’on appelle dans des Premiers ministres). La fonction de régulation
le langage commun, la « vie politique ». La politique sociale spécifique que remplit le politique se tra-
recouvre les mécanismes de la compétition politique, duit par la mise en œuvre de politiques publiques,
le jeu de la concurrence entre partis, la lutte entre dispositifs d’action publique, qui visent à produire
ceux qui font de la politique leur « métier ». Le un certain nombre d’effets sociaux.

L’analyse des politiques publiques

L’analyse des politiques publiques en science politique s’est beaucoup développée ces dernières années. Elle a permis de montrer que l’État
n’était pas un acteur homogène, omnipotent et omniscient et que sa rationalité en matière d’action publique était limitée. Une politique
publique est «un ensemble réputé cohérent d’intentions et d’actions imputables à une autorité publique» (Philippe Braud). On ne peut réduire
les politiques publiques à des ensembles d’actions, « visant » forcément à « résoudre des problèmes » (critique de l’approche en termes de
problem solving). Elles redéfinissent sans cesse les problèmes qu’elles sont censées traiter (il faut donc analyser les « problèmes » d’action
publique comme des construits sociopolitiques, la « carrière » des problèmes qui se redéfinissent sans cesse au gré de leurs « résolutions »).
Les politiques publiques peuvent ainsi être définies comme des processus par lesquels sont élaborés et mis en place des programmes d’action
publique c’est-à-dire des dispositifs politico-administratifs articulés en principe autour d’objectifs. L’action publique est moins le produit de
la « volonté » des décideurs politiques ou l’application de règles de droit que le résultat de processus et de relations sociales complexes. On
peut découper les politiques publiques (analyse séquentielle) en phases : émergence du problème, formulation des alternatives, décisions,
mise en œuvre, évaluation… Mais dans les faits ces diverses séquences sont imbriquées.

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II. La construction sociale du politique
Certaines définitions de la politique, très ins- divisions, potentiellement conflictuelles, du monde
titutionnelles et marquées par le juridisme, la res- social, construites ainsi comme politiques (Leca,
treignent à l’État. On peut les juger trop restrictives. 1973). Aucun phénomène social n’est politique par
L’État n’est qu’une modalité possible de l’organisa- nature. Il faut se démarquer de toute définition
tion et de la régulation des sociétés humaines. La essentialiste du politique et adopter un point de
science politique a longtemps été « stato-centrée » vue que l’on peut qualifier de constructiviste. Tout
(centrée exclusivement sur l’étude de l’État). Or, n’est pas politique mais tout fait social est « politi-
il y a des sociétés sans État. La politique déborde sable ». Il faut considérer le politique comme une
la sphère des institutions étatiques. A contrario, dimension potentielle de tout phénomène social.
d’autres définitions peuvent apparaître trop larges. La mondialisation est un phénomène économique
La politique serait l’exercice du pouvoir. Mais le mais qui a des conséquences politiques lourdes, la
pouvoir n’est pas la caractéristique de la seule démocratisation (relative) de l’accès à l’Université
relation politique. Il n’y a pas d’activités politiques génère des effets politiques…
qui ne soient que politiques. L’État intervient, par Le caractère politique des faits sociaux est
exemple, aussi bien dans le domaine politique variable dans le temps et dans l’espace comme
que dans le domaine économique. A contrario, l’analyse des politiques publiques le montre bien.
des activités non politiques a priori (comme les Par exemple, la culture ne fait pas véritablement
activités religieuses ou scientifiques) peuvent avoir l’objet de politiques publiques aux États-Unis
directement ou indirectement des effets politiques. alors que c’est le cas historiquement en France
Toute une série d’actions ont des conséquences où la légitimité de l’intervention de l’État dans
politiques même si elles ne sont pas produites dans ce domaine est ancienne (création d’un ministère
une telle intention. Par exemple, le désintérêt pour en 1959). L’environnement devient une question
la politique a des effets politiques et donc appelle « politique » et est inscrit à l’ordre du jour des
l’analyse de la science politique. Dire « la politique problèmes politiques légitimes (l’agenda) dans les
ne m’intéresse pas », « les hommes politiques sont années 1970 alors que les problèmes de pollution,
pourris », ne pas s’inscrire sur les listes électorales par exemple, ne sont alors pas nouveaux. Les
c’est se situer à l’extérieur de la politique comme questions de sécurité prennent une importance
activité sociale spécialisée, c’est par voie de consé- particulière en France dans les années 1990. La
quence renforcer la position de ceux qui en font leur sécurité routière a longtemps été une question peu
« métier », laisser faire les gouvernants à sa place. traitée politiquement… La sphère d’intervention
Jean Leca plaide pour une définition large du de l’État et ses « fonctions » ne sont pas données
politique qui n’inclut pas seulement le rapport à la une fois pour toutes. L’État est le produit d’une
politique comme univers spécialisé, mais l’ensemble évolution historique différenciée selon les nations.
des représentations et des pratiques orientées par des

III. Les processus de politisation


L’espace politique, écrit Jacques Lagroye, est donc de s’intéresser aux processus de politisation. Il
« façonné par les acteurs les plus divers ». La poli- faut « repérer » le passage au politique (Jean Leca),
tisation, poursuit-il, n’est rien d’autre que « la c’est-à-dire ce travail complexe d’imputation qui
production sociale de la politique, de ses enjeux, fait que des personnes et des groupes en viennent
de ses règles, de ses représentations ». Il convient à considérer certains types de problèmes comme

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des problèmes politiques. On désigne par politi- Les processus de politisation sont complexes, ils
sation le processus par lequel des questions, des sont rarement maîtrisés par un seul type d’acteurs
activités, des pratiques, des discours se trouvent et le résultat de démarches et d’entreprises volon-
dotés d’une signification politique et sont donc taires. Ils sont le produit de rapports de force entre
appropriés par les acteurs investis dans le champ multiples acteurs. Les gouvernants peuvent qualifier
politique (dirigeants, partis, journalistes, groupes et requalifier un problème comme politique. Les
d’intérêt, intellectuels…). Ces questions peuvent mobilisations d’acteurs et d’organisations de la
être prises en charge par les pouvoirs publics et société peuvent politiser une question par le recours
faire l’objet ou non de politiques publiques. Jacques à l’action collective ou au militantisme (exemple le
Lagroye entend par politisation le processus de sida dans les années 1980, la souffrance psycho-
« requalification des activités sociales les plus logique au travail aujourd’hui…). Les médias, en
diverses, requalification qui résulte d’un accord traitant ou « invisibilisant » certaines questions,
pratique entre des agents sociaux enclins, pour de peuvent contribuer à la politisation de tel ou tel
multiples raisons, à transgresser ou à remettre en enjeu. Le jeu politique n’est pas réductible à la lutte
cause la différenciation des espaces d’activités ». pour la conquête du pouvoir. Il passe par la lutte
Les interactions entre « politique » et « social » sont pour la définition légitime du politique c’est-à-dire
complexes. Jacques Lagroye s’est employé dans des la lutte pour le droit de définir ce qui est politique
recherches où il a refusé un « politisme » réducteur et ce qui ne l’est pas. Les acteurs politiques contri-
(expliquer le politique par le politique) à « trouver buent à définir des problèmes par le seul fait d’en
le politique là où l’on supposait qu’il ne peut se proposer le règlement (Gusfield).
nicher » et « découvrir le social là où l’on pensait
trouver le politique » (Aït-Aoudia, Bennani-Chraïbi,
Contamin).

IV. La construction des problèmes publics


Il n’y a pas de naturalité des problèmes publics. Pour qu’un fait social devienne un problème
Tout problème est un construit social et politique. public il faut que plusieurs conditions soient réunies :
Divers acteurs contribuent à leur formation et à – des connaissances sur le problème. Pour
leur formulation. L’analyse des politiques publiques que l’amiante ou le sida deviennent des
montre comment des questions et des faits sociaux problèmes de santé publique, il a fallu que
deviennent des problèmes publics, comment ils les connaissances médicales sur ce problème
sont inscrits à l’agenda politique, comment ils sont émergent et progressent ;
« mis en politique » (Yannick Barthe). Elle remet – des normes sociales qui rendent une situa-
en cause la vision fonctionnaliste selon laquelle tion problématique. Un problème n’existe
les politiques publiques sont principalement des que par rapport à une norme qui le rend
réponses à des problèmes existants. On désigne « anormal ». Pour Padioleau, « une situation
par agenda l’ensemble des problèmes perçus comme est problématique quand il est possible de
appelant un débat public voire l’intervention des constater un écart entre ce qui est, ce qui
autorités politiques légitimes. L’agenda n’est pas pourrait être, ce qui devrait être » ;
l’expression spontanée des « demandes sociales » – la mobilisation d’acteurs que l’on peut appe-
ou de la libre compétition des groupes sociaux. ler « entrepreneurs » de mobilisation ou de
L’analyse des politiques publiques s’intéresse ainsi à morale. Des groupes ou des acteurs poli-
la mise sur agenda des problèmes et à leur cadrage. tiques cherchent à constituer des thèmes

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en problèmes (les discriminations ethniques de certains problèmes. Les « entrepreneurs
à l’embauche, les surdoués – voir le tra- de réformes » et de changement de l’action
vail de Wilfried Lignier –, les questions publique sont des assembleurs d’enjeux,
d’environnement…) ; de problèmes et de solutions. Ils cherchent
– des solutions. Pour John Kingdon, un pro- à élaborer des diagnostics, à promouvoir
blème existe quand « les individus com- des solutions, constituer des coalitions et
mencent à penser que quelque chose peut mobiliser des alliés pour rendre une propo-
être fait pour changer la situation ». sition acceptable pour le plus grand nombre
– Pour cet auteur, « les courants séparés des d’acteurs (sur cette notion, voir Bezès, Le
problèmes, des politiques publiques et de la Lidec, 2011).
compétition politique » peuvent se rejoindre La manière dont un problème est construit
lors de certains moments critiques. Les conditionne les manières possibles de le traiter.
solutions peuvent être alors « nouées » aux Il faut ensuite qu’il soit politisé, construit comme
problèmes et tous deux articulées à des forces étant susceptible d’être traité par les pouvoirs
politiques favorables. Cet accouplement est publics. Cela suppose un travail d’imputation
plus probable lorsque des « fenêtres d’oppor- (l’identification des acteurs publics responsables
tunité » s’ouvrent qui permettent de mettre de sa résolution).
en avant des propositions ou des cadrages

■ Repères
■ Les faits politiques ne sont pas politiques par nature. La dimension politique d’un fait est variable dans le temps
et dans l’espace. Il n’y a pas de définition universellement opératoire du politique.
■ Le politique est un espace de résolution des conflits et d’arbitrage des intérêts divergents de la société.
■ La politique renvoie à la lutte concurrentielle pour la répartition du pouvoir.
■ La fonction de régulation sociale spécifique que remplit le politique se traduit par la mise en œuvre de poli-
tiques publiques.
■ L’agenda désigne l’ensemble des problèmes perçus comme appelant un débat public voire l’intervention des
autorités politiques légitimes.

■ Bibliographie
AÏT-AOUDIA (M.), BENNANI-CHRAÏBI (M.), CONTAMIN (J. G.), « Contribution à une histoire sociale de la
conception lagroyenne de la politisation », Critique internationale, 48, 2010.
BOUSSAGUET (L.), JACQUOT (S.), RAVINET (P.), dir., Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de
Sciences Po, 2006.
FAVRE (P.), Comprendre le monde pour le changer, Paris, Presses de Sciences Po, 2005.
GUSFIELD (J.), La construction des problèmes publics, Paris, Economica, 2009.
LAGROYE (J.), « Le Processus de politisation », in LAGROYE (J.), dir., La Politisation, Paris, Belin, 2003.
LECA (J.), « Le Repérage du politique », Projet, 1973, 71.
WEBER (M.), Le Savant et le Politique, Paris, Plon, 1959.
WEBER (M.), Économie et société, Paris, Plon, 1971

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Leçon 2

La science politique

I. L’autonomisation historique de la science politique


II. La science politique est une science sociale
III. La science politique et la sociologie politique

La science politique n’a pas le monopole du discours et de l’analyse sur son objet. Commentateurs,
spécialistes des sondages, hommes politiques, citoyens…, parlent de politique et développent sur elle
toutes sortes d’analyses et d’appréciations. Mais la science politique prétend construire un regard savant
sur la politique (ce qui suppose de construire son objet, d’émettre des hypothèses, de mobiliser des
concepts, de mettre en œuvre des méthodes spécifiques…). Le travail du politiste ne s’inscrit pas, par
exemple, dans la même temporalité et les mêmes conditions de production que le discours journalistique.
Le journaliste politique travaille dans l’urgence et cherche à créer l’événement. Il ne prétend pas toujours
à l’objectivité, commente quotidiennement l’actualité, propose une chronique de la vie politique qui doit
trouver son public.
La science politique est l’étude scientifique des faits considérés à un moment donné comme « politiques ».
La question de la définition sociale de ce qui est considéré comme politique est donc cruciale. Le risque
est d’être prisonnier des frontières officielles et instituées du politique. La science politique rassemble
une communauté de chercheurs qui analysent les mécanismes au principe de la conquête, de l’exercice
et de la conservation des positions de pouvoir politique et ceux qui concourent à politiser et prendre en
charge politiquement des problèmes sociaux.
Une discipline n’a pas « épistémologiquement de sens » (Pierre Favre). Elle n’a pas de territoires et de
frontières fixes. Une discipline n’est à un moment donné qu’une mosaïque de recherches qui se complètent
mais aussi se concurrencent. La spécificité de la science politique est double : elle constitue une discipline
très hétérogène et son objet est mal circonscrit. Le champ disciplinaire constitué par la science politique
est façonné par les interactions et les luttes multiples au sein de la communauté qui contribuent à en
définir les conditions d’accès et les frontières. L’histoire de la science politique c’est l’histoire de cette
communauté et de ces luttes.

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