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Eléments de génétique moléculaire des microorganismes

Partie 1 : Les bactéries

1. Structure du génome bactérien

1.1. Le chromosome bactérien


L’essentiel de l’ADN bactérien est organisé en une unique molécule d’ADN qu’on appelle le
chromosome ou génophore. Ce chromosome est constitué d’un filament unique, continu et
circulaire ; il a environ 1mm de longueur et une masse molaire d’environ 3.109 daltons et
environ 5×106 paires de bases ; il est composé de 2 chaines polynucléotidiques de polarité
inversée dont les éléments sont liés par covalence de même que les extrémités. Il est couplé à
des protéines basiques des polyamines telles que les la spermine et la spermidine et avec des
cations Mg+2 ou Ca+2. L’ADN isolé sous forme native présente une structure torsadé appelée
super hélice.
Cette structure est située dans une zone de la cellule appelée région nucléaire ou nucléoïde.
Outre l’ADN, elle contient de l’ARN (jusqu’à 30%) et des protéines (10%) dont la plus
grande partie correspond à l’ARN ploymérase. Le chromosome est circulaire, c'est-à-dire
qu’il est fermé. La double hélice est enroulée en super hélice (400pb par tour) qui est elle
même repliée en formant des boucles qui sont maintenues par un support majoritairement
constitué d’ARN.
Les études morphologiques et biochimiques montrent que l’ADN est lié à la membrane
cytoplasmique ou à des invaginations de celle-ci appelées mésosomes. Chez les procaryotes,
le chromosome est constitué par une chaine continue de gènes et ne contient pas de régions
répétitives de grande taille (sauf pour les gènes d’ARN) (figure 1).

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Figure 1 : structure du chromosome bactérien.

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1.2. Les éléments génétiques mobiles


Les plasmides et les éléments transposables sont des éléments génétiques mobiles qui peuvent
mouvoir du matériel génétique entre chromosomes bactériens ou au sein des chromosomes,
entrainant des changements rapides du génome et modifiant radicalement les phénotypes.

1.2.1. Les plasmides


La plupart des bactéries portent des éléments d’ADN extra-chromosomiques, que Lederberg
en 1952 proposent d’appeler plasmides, pour marquer leur caractère indépendant par rapport
aux gènes porter par le chromosome.

1.2.1.1. Organisation générale des plasmides


 Les plasmides sont de petites molécules circulaires d’ADN qui peuvent exister
indépendamment des chromosomes de l’hôte et sont présents de nombreuses bactéries
(ils existent aussi chez certaines levures et autres mycètes).
 Comme toute structure porteuse d’informations génétiques, le plasmide est une
molécule d’ADN de petite taille, le 1/100 environ de celle du chromosome (4,2 Md
pour pColE1présent chez E. coli, 25Md pour R6K présent chez les bactéries à Gram
négatif).
 Leur enroulement serré (torsadé) leur assure un encombrement minimal et leur confère
une grande résistance (en particulier aux forces mises en jeu au cours de l’extraction).
 Leur masse molaire varie d’environ 0,5Md à plus de 400Md, c'est-à-dire qu’elle est
comparable à celle de l’ADN viral.
 Les plasmides ont leur propre origine de réplication, se répliquent de façon autonome
et sont transmis aux cellules filles de manière stable.
 Les plasmides portent un nombre de gènes réduit, généralement moins d’une trentaine.
Leur information génétique n’est pas essentielle pour l’hôte et les bactéries qui en sont
dépourvues, vivent normalement.

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Les plasmides peuvent être éliminés des cellules hôtes. Ce curage ou perte de
plasmide se fait spontanément ou est induit par des traitements qui inhibent la
réplication des plasmides sans affecter la reproduction des cellules hôtes.
 Un épisome est un plasmide qui peut exister sous forme libre ou intégré dans le
chromosome de l’hôte.

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1.2.1.2. Classification des plasmides


Des classifications de plasmides par classes d'incompatibilité (Inc) ont été établies. Deux
plasmides s'excluant mutuellement, c'est-à-dire ne pouvant coexister dans la même bactérie,
appartiennent au même groupe d'incompatibilité.
On peut également les classer selon leur type de transfert ou le phénotype exprimé.
 Transfert
a. Une remarquable caractéristique de plusieurs plasmides est leur habilité d’assurer leur
propre transfert ou celui d’autres éléments ADN d’une cellule à une autre dans le processus
de conjugaison donc on les appelle conjugatifs ou auto-transmissible. Ces derniers existent
probablement dans tous les types bactériens, ils possèdent des gènes qui codent pour toutes
les fonctions nécessaires au transfert. Les plasmides, dits conjugatifs, ont une masse
molaire supérieure à 30Md. Le nombre de copies par cellule est faible (1 à 3) et, de plus, le
plasmide induit la synthèse de pili « sexuels » permettant l’accouplement.
b. Les plasmides non conjugatifs, de plus petite taille (0,5 à 50Md) ne sont pas
autotransmissibles par conjugaison. Ils sont souvent cryptiques et ne codent pour aucune
fonction décelable hormis l’autoréplication. Leur nombre de copies par cellule est
cependant plus élevé (de 10 à 15 pour pColE1 d’E. coli). Leur transfert ne peut se réaliser
que par mobilisation par un autre plasmide présent dans la même cellule ou par
transformation.
 Le phénotype
a. Plasmides de fertilité (ou facteur F)
Un plasmide appelé facteur de fertilité ou facteur F joue un rôle important dans la conjugaison
chez E.coli et fut le premier à être. Le facteur F est un acide nucléique de 100 Kilobases, il
porte les gènes nécessaires à l’attachement cellulaire et à son transfert entre souches
spécifiques au cours de la conjugaison. L’information requise pour le transfert du plasmide est
contenue dans l’opéron tra qui contient au moins 28 gènes. Beaucoup de ces gènes
déterminent la formation de pili sexuels, les autres produits de gènes participent au transfert
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d’ADN.
Le facteur F contient également plusieurs séquences appelées séquences d’insertion qui
permettent l’intégration du plasmide dans le chromosome.

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Tableau 1 : Les différents types de plasmides

b. Plasmides R
Les plasmides confèrent souvent la résistance aux antibiotiques chez les bactéries qui les
contiennent. Les facteurs ou plasmides R ont des gènes codant pour des enzymes capables
d’inactiver ou de modifier les antibiotiques. Généralement, ils ne sont pas intégrés dans le
chromosome bactérien. Certains plasmides R possèdent un seul gène de résistance alors que
d’autres en ont jusqu’à huit. Souvent les gènes de résistance sont contenus dans un transposon
et il est donc possible pour des souches bactériennes d’acquérir des plasmides à résistance
multiple.

c. Plasmides Col
Les bactéries hébergent aussi des plasmides dont les gènes donnent un avantage compétitif
dans le monde microbien. Les bactériocines sont des protéines bactériennes qui détruisent
d’autres bactéries. Normalement elles agissent uniquement contre des souches apparentées.
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Les bactériocines tuent souvent les bactéries en formant des canaux dans la membrane
plasmique, augmentant sa perméabilité. Elles peuvent également dégrader l’ADN et l’ARN
ou hydrolyser le peptidoglycane et fragiliser la paroi cellulaire. Les plasmides Col contiennent
des gènes qui codent pour la synthèse de bactériocines connues sous le nom de colicines qui
sont dirigés contre E.coli. Des plasmides similaires portent des gènes de bactériocines
dirigés contre d’autres espèces. Par exemple, les plasmides Col produisent des cloacines qui

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tuent des espèces d’Enterobacter. Certains plasmides Col sont conjugatifs et peuvent en plus
porter des gènes de résistance.

d. Plasmides de virulence
Rendent les bactéries plus pathogènes parce qu’elles permettent de résister aux défenses de
l’hôte ou de produire des toxines. Par exemple des souches entérotoxinogènes d’E.coli
causent des diarrhées à cause d’un plasmide qui code pour une entérotoxine.

e. Plasmides métaboliques
Portent des gènes d’enzymes qui métabolisent des substances telles que des composés
aromatiques (toluène), des pesticides (2-4-dichloro-phenoxy-acétique) et des sucres (lactose).
Des plasmides métaboliques portent même des gènes nécessaires à certaines souches de
Rhizobium pour induire la nodulation chez les légumineuses et effectuer la fixation d’azote.

1.2.1.3. Propriétés des plasmides


 Résistance aux antibiotiques ou à agents divers: on estime que la résistance plasmidique
intervient dans plus de 90% des cas observés en clinique, les 10% restants étant dus à la
résistance chromosomique. Résistance à la pénicilline, au chloramphénicol, aux
sulfamides, aux métaux lourds, aux cations toxiques, aux radiations, aux phages… de tels
phénomènes sont bien connus chez Staphylococcus.
 Production de substances à rôle pathogène : le pouvoir pathogène de certains germes est
sous la dépendance de déterminants plasmidiques responsables de la synthèse de toxines
(hémolysines, entérotoxine) de facteurs de virulence, de facteur d’induction de tumeurs
chez les plantes… Parmi les gènes de virulence ou de toxinogénèse portés par les
plasmides, on peut citer les gènes portés par le plasmide de virulence pYV, présents chez
les souches Yersinia enterolytica, ceux présents chez les souches entéro-invasives d’E.coli
(pMAR2, pCVD419) ou chez Shigella (pWR100). La partie T du pTi et pRi portent une
vingtaine de gènes de virulence chez Agrobacterium induit la maladie si transmise à la
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plante.
 Production de bactériocines ou antibiotiques : des substances protéiques rencontrées
tout d’abord chez les entérobactéries puis chez la plupart des bactéries Gram + ou -, a
action antagoniste spécifique, sont appelées des bactériocines dont le nom est toujours
dérivé de l’espèce ou du genre sur lequel elles agissent : colicine (pColE1 d’E.coli)
pyocine (Pseudomonas), Vibriocines (Vibrio cholerea).

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 Caractères métaboliques : un grand nombre de caractères biochimiques des bactéries


sont d’origine plasmidique, production d’H2S, utilisation de citrate (E.coli), dégradation
de composés aromatiques (Pseudomonas), catabolisme du lactose, activité
protéolytique….etc.

2. Réplication du génome bactérien


2.1. Réplication du chromosome
La réplication débute par l’ouverture de la double hélice en un site spécifique : le point
d’initiation (ori C). À ce niveau se trouve se trouve une séquence riche en nucléotides AT, ce
qui entraine une moins bonne cohésion entre les chaines. Cette ouverture est due à l’action
d’une hélicase (DUE) qui est ATP dépendante : les plus importantes sont la protéine rep et
l’hélicase II ou III ; dans certains cas il y a intervention de la sous unité β de la gyrase ou du
produit Dna A. ce processus est facilité en amont par la liaison à l’ADN quatre tétamères de
DnaA, ce qui induit la formation d’une structure pelotonnée avec pour conséquence la
séparation des brins et l’accessibilité des autres facteurs. Les brins séparés sont stabilisés par
des protéines appelées « single strand binding protein » (SSB) : il s’agit également de
tétamères. Outre la séparation des chaines par l’hélicase, la réplication nécessite un
déroulement des structures en hélice et une modification du super enroulement. Du fait de la
spécificité 5’⟶3’ de la polymérisation, la synthèse de l’ADN par l’intermédiaire de la
polymérase est orientée : elle ne peut se faire qu’à une extrémité 3’OH. Pour permettre la
croissance simultanée des deux chaines la synthèse est forcément discontinue sur l’une
d’entre elles alors qu’elle est discontinue sur l’autre. La réplication se fait donc de manière
asymétrique sur les deux chaines. Dans la croissance discontinue, la synthèse s’effectue dans
le sens permis (5’⟶3’) par courts brins appelés fragments d’Okazaki, brins qui sont ensuite
liés par une ADN ligase. La chaine synthétisée de façon continue est appelée chaine précoce
et l’autre chaine tardive. La présence d’une boucle sur la chaine tardive permet au réplisome
de fonctionner dans le même sens pour les deux chaines à la fois.
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Le chromosome d’Escherichia coli se réplique en forme thêta θ d'une manière bidirectionnel


(figure 3).

2.2. Réplication du plasmide


La réplication des plasmides s’effectue généralement avec formation d’une double fourche
dans une structure en bulles ou en œil (forme pour les molécules circulaires).

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Dans le cas du plasmide pColE1 : la réplication est initiée par une amorce d’ARN synthétisé
par l’ARN polymérase, les ADN polymérases I et II font ensuite l’élongation. Au cours de la
réplication des plasmides, il y a fréquemment association avec la membrane cytoplasmique et
se fait rapidement.

Figure 2 : Le mécanisme de réplication du chromosome bactérien.

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Figure 3 : La réplication bidirectionnelle en forme thêta.

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