Analyse Roman 356789
Analyse Roman 356789
Analyse Roman 356789
La Curée de Zola
Partie 3
- l’explication des mots difficiles pour bien comprendre le texte et ses visées.
De « Au retour, dans l’encombrement des voitures qui rentraient (…)» jusqu’à
« (…) d’un air parfaitement calme» (pp. 17/19)
« Au retour, dans l’encombrement des voitures qui rentraient par le bord du lac,
la calèche dut marcher au pas. Un moment, l’embarras devint tel, qu’il lui fallut
même s’arrêter.
Le soleil se couchait dans un ciel d’octobre, d’un gris clair, strié à l’horizon de
minces nuages. Un dernier rayon, qui tombait des massifs lointains de la
cascade, enfilait la chaussée, baignant d’une lumière rousse et pâlie la longue
suite des voitures devenues immobiles. Les lueurs d’or, les éclairs vifs que
jetaient les roues semblaient fixés le long des réchampis jaune paille de la
calèche, dont les panneaux gros bleu reflétaient des coins du paysage
environnant. Et, plus haut, en plein dans la clarté rousse qui les éclairait par-
derrière, et qui faisait luire les boutons de cuivre de leurs capotes à demi pliées,
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retombant du siège, le cocher et le valet de pied, avec leur livrée bleu sombre,
leurs culottes mastic et leurs gilets rayés noir et jaune, se tenaient raides, graves
et patients, comme des laquais de bonne maison qu’un embarras de voitures ne
parvient pas à fâcher. Leurs chapeaux, ornés d’une cocarde noire, avaient une
grande dignité. Seuls, les chevaux, un superbe attelage bai, soufflaient
d’impatience.
_ Tiens, dit Maxime, Laure d’Aurigny, là-bas, dans ce coupé… Vois donc,
Renée.
Renée se souleva légèrement, cligna les yeux, avec cette moue exquise que lui
faisait faire la faiblesse de sa vue.
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Cours d’analyse du roman, /S3
La Curée de Zola
Partie cinq
Après l’explication faite nous pouvons dégager les axes suivants (à titre
indicatif ; c’est-à-dire vous pouvez lire et analyser le passage autrement. De ce
fait, vous pouvez trouver d’autres axes et d’autres fils conducteurs.
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question. Dans ce cadre, nous examinerons les différentes fonctions de ce début
immédiat, ensuite nous analyserons les indices spatio-temporels, pour finir par
une étude de quelques caractéristiques du premier portrait de Renée qui s’inscrit
dans le cadre de l’écriture naturaliste d’Emile Zola.
Tout d’abord, une impression d’une entrée in medias res s’installe. En effet,
nous assistons à une feinte de transgresser les protocoles d’ouverture réaliste et
naturaliste dans le premier paragraphe. Au fait, les quatre premières lignes nous
placent subitement en plein Bois de Boulogne aux alentours de Paris devant une
calèche anonyme. Cette entrée déroutante s’expliquerait par le fait que La Curée
est le deuxième roman des Rougon-Macquart après La Fortune des Rougon.
Nous sommes donc censé avoir préalablement les éléments nécessaires pour
aborder le roman.
Il s’avère effectivement que le texte revient très vite vers les fondamentaux
de l’ouverture classique (Balzac, Flaubert). L’ « automne », « octobre »,
« l’après-midi » indiquent précisément le cadre temporel. Parallèlement, « la
chaussée », « les voitures », « les promeneurs » … définissent le caractère
citadin du roman qui sera amplement bourgeois et parisien. C’est de cette sorte
que se construit une esquisse de la mondanité parisienne.
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Pour bien ancrer le roman dans son environnement d’ailleurs bien décrit, le
narrateur a bien cité les lieux : « le lac », « la cascade », « la chaussée », « les
Bois ». Ce dernier lieu fait référence au Bois de Boulogne qui fut aménagé en
promenade en 1858.
Ce qui est frappant dans ce premier portrait de Renée qui commence sous le
signe de la tristesse vague et de la faiblesse physique et morale : « faiblesse de
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vue », « chaise longue de convalescente », « silencieuse », etc., c’est que Renée
a le pouvoir ‘magique’ de transformer les défauts en charme quand elle fait de la
« faiblesse physique » une « moue exquise ». Cette tendance à se transformer
voire à se métamorphoser chez Renée s’affiche dans son caractère quasi-
masculin : « binocle d’homme », « garçon impertinent », etc.
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Cours d’analyse du roman/ S3
(Suite)
1) La construction du portrait
- La 1ère évocation ;
- La 2ème évocation ;
- La description du personnage ;
Introduction :
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La Curée de l’écrivain français Emile Zola reste un exemple
illustrant l’essence de l’art naturaliste de l’écrivain. L’extrait à
expliquer est situé au cœur du chapitre III. Il s’agit bel et bien
d’un portrait de l’héroïne. A travers une analyse de la psychologie
complexe du personnage, l’écrivain nous révèle les maladies de
toute une société. Notre analyse de cet extrait se focalisera dans un
premier moment sur la construction du portrait, pour ensuite
arriver à étudier les caractéristiques majeures du portrait
naturaliste.
Développement :
Conclusion :
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Cours d’analyse du roman
S3
« /Cette folle de Renée, qui était apparue une nuit dans le ciel parisien comme la
fée excentrique des voluptés mondaines, était la moins analysable des femmes./
Elevée au logis, elle eût sans doute émoussé, par la religion (…). De tête, elle
était bourgeoise ; elle avait une honnêteté absolue, un amour des choses
logiques, une crainte du ciel et de l’enfer, une dose énorme de préjugés ; elle
appartenait à son père, à cette race calme et prudente où fleurissent les vertus du
foyer. Et c’était dans cette nature que germaient, que grandissaient les fantaisies
prodigieuses, les curiosités sans renaissantes, les désirs inavouables. (…) Chez
les dames de la Visitation, libre, l’esprit vagabondant dans les voluptés
mystiques de la chapelle et dans les amitiés charnelles de ses petites amies. (…)
Puis, elle se frappait la poitrine, elle pâlissait à l’idée du diable et de ses
chaudières. La faute qui amena plus tard son mariage avec Saccard, ce viol
brutal qu’elle subit avec une sorte d’attente épouvantée, la fit ensuite se
mépriser, et fut pour beaucoup dans l’abandon de toute sa vie. Elle pensa qu’elle
n’avait plus à lutter contre le mal, qu’il était en elle, que la logique l’autorisait à
aller jusqu’au bout de la science mauvaise. Elle était plus encore une curiosité
qu’un appétit. /Jetée dans le monde du Second Empire, abandonnée à ses
imaginations, entretenue d’argent, encouragée dans ses excentriques les plus
tapageuses, elle se livra, le regretta, puis réussit enfin à tuer son honnêteté
expirante, toujours fouettée, toujours poussée en avant par son insatiable besoin
de savoir et de sentir /» p. 146
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II- L’explication du passage :
- Extrait situé au cœur du chapitre III, nous sommes face à exemple d’un
portrait naturaliste.
- Concernant la structure du passage : il s’agit d’un texte en un seul
paragraphe, ce qui pose le problème au niveau de la répartition :
- De ce fait, on doit chercher à répartir le passage d’une autre manière :
- 1ère évocation qui va du début du texte jusqu’à « la moins analysable des
femmes ».
- 2ème évocation qui va de « jetée dans le monde » jusqu’à la fin du passage.
- Entre les deux évocations, le narrateur fait une analyse de la complexité
excessive de la psychologie de l’héroïne tout en se basant sur les facteurs
très célèbres chez les écrivains naturalistes : l’hérédité, le milieu, le
déterminisme, la race, etc.
- Dans la 1ère évocation, le point de vue externe est adopté.
- Par opposition à la 2ème évocation où le narrateur adopte le point de vue
interne ; il est donc omniscient.
- Comme je l’ai déjà souligné, l’extrait en question révèle une organisation
particulière. Car il est encadré par deux évocations qui dévoilent deux
images complètement différentes de Renée :
- Au début Renée est vue comme une véritable reine du nouveau monde
parisien.
- Le monde mondain n’arrive pas à comprendre cette montée rapide et
fulgurante de Renée considérée comme « une fée » dans le « ciel de
Paris ». D’après les expressions telles que « cette folle de Renée », nous
pouvons avancer que ce monde de Paris est jaloux de la place que Renée
occupe dans ce monde d’apparence et d’hypocrisie.
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- Notons que son ascension est extrêmement rapide. Cette rapidité de son
apparition inexplicable est comparée à celle d’une fée « qui «était apparue
une nuit dans le monde »
- Dans la 2ème évocation, on montre une image négative du personnage qui a
perdu sa magie et son aisance à évoluer au sein de la société.
- Elle est devenue une simple femme (ordinaire) qui est subitement « jetée
dans le monde du Second Empire » « abandonnée » voire écrasée.
- Elle n’est plus une reine, mais au contraire elle est devenue une victime
qui doit subir les injustices de ce monde impitoyable : « elle se livra » et
les verbes à la forme passive.
- Personne n’a plus envie d’elle. Elle est alors objet de pitié et de
compassion de tout le monde.
- Vers la fin du passage, nous pouvons remarquer la présence notable de la
mort : « elle réussit enfin à tuer son honnêteté expirante ».
- De tout ce qui vient d’être étudié, nous pouvons dégager notre premier
axe à savoir : la construction du portrait du personnage : où nous
avons montré comment le portrait est construit. L’objet d’étude c’est
justement la structure et l’organisation du portrait.
- Pour le deuxième axe, il est facile de constater qu’entre les deux
évocations (positive au début et négative vers la fin du passage comme
nous l’avons vu), nous pouvons lire l’histoire racontée par un narrateur
totalement omniscient (il sait tout) de cette « femme la moins
analysable ». Cette expression (« moins analysable ») montre un
personnage complexe qui nécessite une analyse et une étude approfondie.
- Dès lors, le narrateur (omniscient) va nous raconter son histoire depuis
presque son adolescence par le biais d’une description minutieuse et très
détaillée. Il s’agit d’un portrait qui progresse d’une manière
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chronologique en évoquant les étapes les plus importantes de la vie du
personnage : le logis, la Visitation, le viol, le mariage avec Saccard, etc.
- Le narrateur souligne à maintes reprises la maladie, la folie et la faiblesse
physique de l’héroïne : « folle, excentrique, l’affolaient, irraisonné », etc.
- Le narrateur met également en valeur le déséquilibre mental de l’héroïne
illustré par ses relations charnelles exagérées renforcées par l’emploi
massif et significatif du pluriel : « voluptés », « amitiés charnelles »,
« curiosités sans cesse renaissantes », « excentricités les plus
tapageuses », « insatiable de savoir et de sentir » etc. ces expressions au
pluriel mettent en valeur la sensualité excessive voire incontrôlable de
Renée (ex. sa relation incestueuse avec son beau-fils Maxime ; ce qui
nous rappelle l’histoire tragique de Phèdre qui avait, elle aussi, une
relation incestueuse avec son beau -fils Hyppolite ( le fils de Thésée).
- Pour analyser le comportement du personnage, le narrateur s’appuie sur :
_ L’hérédité ; (« appartenait à son père », « amour des choses logiques »,
« cette race », etc.),
_ Le milieu ; « bourgeoise », « les vertus du foyer », etc.
_ La nature : « points des désirs », « fantaisies prodigieuses », « désirs
inavouables », « grandissaient », etc.
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- Cette description est un modèle d’un travail naturaliste car l’écrivain le
considère comme un outil pédagogique qui met le doigt sur les différentes
maladies dont souffre la société sous le Second Empire. L’étude des
personnages n’est qu’un moyen qui nous permet d’expliquer la société.
Pour Zola, la littérature est bel et bien « une science humaine ».
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Cours d’analyse roman/ S3
Suite
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Aussi, le narrateur met-il en scène une personnalité complexe, puisque
Saccard (matérialiste et réaliste) s’intéresse au monde merveilleux des
« Mille et une nuits » où tous les rêves peuvent se réaliser : un monde des
occasions où « il pleut des pièces » d’or, uniquement ; il faut choisir le
bon moment.
Même la description de Paris reflète son point de vue et montre sa vision
du monde basée sur tout ce qui est purement matériel : l’argent, l’or, les
occasions à saisir, etc.
_ De ce qui précède, le couple est totalement paradoxal et hétérogène.
- Le narrateur, en suivant le regard du peintre de Saccard, passe à la
description d’une ville géante (Paris).
- Zola, en tant qu’écrivain célèbre par ses images rhétoriques : les
métaphores (et surtout les longues métaphores filées) emploie une
métaphore filée de la liquidité (« océan », « mer », « lac », « flots », etc.)
pour décrire cette grande métropole (Paris).
- Cette métaphore filée de l’océan symbolise l’immensité, le mouvement, la
vie, le danger, le mystère, le bruit, etc. Ces termes sont communs pour
qualifier et la ville et l’océan.
- La stratégie adoptée pour décrire la ville : c’est que le narrateur a
commencé par une vue panoramique : « cet océan de maisons aux toits
bleuâtres », « gris, doux et tendre ».
- Le regard circulaire et méthodique de Saccard passe d’un plan à un autre
comme s’il regarde un tableau de peinture : dans un premier plan, nous
pouvons voir les « toits bleuâtres », ensuite les constructions de la rive
droite comme : « la colonne de Vendôme », « plus à droite la Madeleine »
et enfin comme dernier plan, nous trouvons « les fonds » (terme
appartenant au champ lexical de la peinture) ; donc influence notable des
peintres du XIXe siècle sur Zola.
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- Le temps évoqué (implicitement) dans ce passage est l’automne qui est
considéré comme un mois préféré par les peintres impressionnistes. Nous
remarquons une variété surprenante de couleurs : « bleuâtres », « verdure
sombre », « poussière d’or », « émeraude, saphir, rubis ». Aussi, le
passage est marqué par des jeux de lumières « taches sombres » (noirs),
« resplendissants » (brillants), « briller », « flamber » : le texte devient vif
à l’image du regard du personnage.
- Ce jeu de lumières atteint son paroxysme lorsque le narrateur décrit ce
paysage « magique », cet instant bref, ce laps de temps, de passer du jour
à la nuit. Cette métamorphose lumineuse anime l’imagination de Saccard
qui croit voir de l’or tomber sur Paris !
- On remarque encore une fois la récurrence du thème de l’or et de l’argent
avec des termes ayant une connotation financière et matérielle:
« émeraude, saphir, rubis », « lingot d’or », « rosé d’or », « pièces de
vingt francs ». Saccard est obsédé par tout ce qui est en relation avec l’or
et la richesse, c’est pourquoi son regard (d’alchimiste) arrive à
transformer les objets ordinaires en objets précieux et brillants : « on dirait
que le quartier bout dans l’alambic de quelque chimiste », « comme un
lingot d’or dans un creuset ».
- D’ailleurs, les dernières phrases de cet extrait constituent le sommet du
travail de l’alchimiste (allusion au baron Haussmann qui va transformer
d’une manière totale le quartier en question).
- Cette image métaphorique de la fin de cet extrait présente le soleil qui
lance son dernier rayon sur les immeubles, ce qui excite encore une fois
Saccard qui imagine cette lumière comme le feu de l’alchimiste :
« fondre », « flamber », « creuset », « brûler », « bouillir » pour montrer
d’une façon symbolique que le quartier en question va connaitre des
changements complètes.
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II- Axes d’analyse (à titre indicatif) :
- De ces explications (des deux étapes précédentes) nous pouvons
logiquement proposer le plan suivant :
I- Un couple paradoxal :
1- Une tradition romanesque ;
2- La description des personnages ;
II- Une description naturaliste de Paris :
1- Une ville géante ;
2- Le regard d’un personnage-peintre ;
3- La récurrence du thème de l’or et l’image de l’alchimiste
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Développement : (à faire comme devoir en vous appuyant sur les explications
ci-dessus)
Conclusion :
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Cours d’analyse du roman/ S3
La Curée de Zola
Première étape
« Deux mois avant la mort d’Angèle, il l’avait menée, un dimanche, aux buttes
Montmartre. La pauvre femme adorait manger au restaurant ; elle était heureuse,
lorsque, après une longue promenade, il l’attablait dans quelque cabaret de la
banlieue. Ce jour-là, ils dînèrent au sommet des buttes, dans un restaurant dont
les fenêtres s’ouvraient sur Paris, sur cet océan de maisons aux toits bleuâtres,
pareils à des flots pressés emplissent l’immense horizon. Leur table était placée
devant une des fenêtres. Ce spectacle des toits de Paris égaya Saccard. Au
dessert, il fit apporter une bouteille de bourgogne. Il souriait à l’espace, il était
d’une galanterie inusitée. Et ses regards, amoureusement, redescendaient
toujours sur cette mer vivante et pullulante, d’où sortait la voix profonde des
foules. On était à l’automne ; la ville sous le grand ciel pâle, s’alanguissait, d’un
gris doux et tendre, piqué çà et là de verdures sombres, qui ressemblaient à de
larges feuilles de nénuphars nageant sur un lac ; le soleil se couchait dans un
nuage rouge, et, tandis que les fonds s’emplissaient d’une brume légère, une
poussière d’or, une rosée d’or tombait sur la rive droite de la ville, du côté de la
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Madeleine et des Tuileries. C’était comme le coin enchanté d’une cité des Mille
et une Nuits, aux arbres d’émeraude, aux toits de saphir, aux girouettes de rubis.
Il vint un moment où le rayon qui glissait entre deux nuages fut si
resplendissant, que les maisons semblèrent flamber et se fondre comme un
lingot d’or dans un creuset.
_ Oh ! Vois, dit Saccard, avec un rire d’enfant, il pleut des pièces de vingt francs
dans Paris !
Angèle se mit à rire à son tour, en accusant, ces pièces-là de n’être pas faciles à
ramasser. Mais son mari s’était levé, et, s’accoudant sur la rampe de la fenêtre :
_ C’est la colonne Vendôme, n’est-ce pas, qui brille là-bas ?... Ici, plus à droite,
voilà la Madeleine… Un beau quartier, où il y a beaucoup à faire… Ah ! Cette
fois, tout va brûler ! Vois-tu ?... On dirait que le quartier bout dans l’alambic de
quelque chimiste »
Deuxième étape
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- La métaphore : il s’agit d’une « figure de style dans laquelle un terme
remplace un autre terme auquel il est lié par un rapport d’analogie ». Ex.
Cet un homme est un lion (pour son courage).
- La métaphore filée : « désigne une métaphore qui s’étend sur plusieurs
phrases grâce à l’utilisation d’un champ lexical similaire ». Bien entendu,
Zola est très célèbre pour son recours récurrent à cette figure de style.
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