Les Couts de Transaction

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Revue française d'économie

L'approche néo­institutionnelle des coûts de transaction


Eric Broussoau

Résumé
Surveying Williamson's and New institutional economists' works, this article presents the main teaching of transaction cost
economics. I attempt to study if this analytical framework could became the paradigm for the economics of the production
system. I begin by presenting the factors which lead economic agents to coordinate their activities within hierarchies and
institutions rather than through market mechanisms. Afterward, I expose the difficulties linked to formalization and empirical
approaches issued from transaction costs economics. In the second part, transaction cost theory is compared to other
contemporary analytical frameworks developed to analyze the economic nature of contracts and institutions (Agency Theory,
Property Rights Economics, « New » Industrial Organization). It allows to specify the originality of this theoretical framework
within the field of economic theories.

Citer ce document / Cite this document :

Broussoau Eric. L'approche néo­institutionnelle des coûts de transaction. In: Revue française d'économie, volume 4, n°4,
1989. pp. 123­166;

doi : https://doi.org/10.3406/rfeco.1989.1236

https://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_1989_num_4_4_1236

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Eric

BROUSSEAU

L'approche

néoinstitutionnelle

de l'économie

des coûts de transaction

généré
l'activité
sein, d'autres
coordination.
Commons des
desagents
[1934],
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En
de leur
ont
et
la
124 Eric Brousseau

Coase [1937] s'étaient déjà intéressés à la spécificité et à


l'efficacité des modalités alternatives et complémentaires
d'organisation de l'activité économique : l'entreprise et le
marché. La période qui suivit fut marquée par la
publication de textes importants mais relativement isolés
(Hayek [1945], Malmgren [1961]). A partir de la fin des
années soixante, la réflexion sur les mérites respectifs des
systèmes de coordination centralisés fut relancée
(Dupoux [1968], Kolm [1969], Alchian et Demsetz
[1972], Richardson [1972], Williamson [1975]).
Les mutations en cours dans l'organisation des
systèmes productifs ont contribué, à partir du début des
années quatre-vingts, à intensifier la réflexion sur les
procédures optimales de coordination en environnement
incertain et d'information imparfaite. Le concept des
coûts de transactions s'est imposé comme un des outils
théoriques centraux pour répondre à ces
problématiques . О. Е. Williamson a contribué à mettre
au point un ensemble d'outils analytiques destinés à
expliciter les raisons pour lesquelles les économies de marché
ont généré la grande entreprise puis la firme multidivi-
sionnelle (Chandler [1962], [1977]).
Nous commencerons par développer la
superstructure analytique — telle que la définit Barrère — en
décrivant les principaux concepts élaborés par William-
son. Après quoi, nous soulignerons les difficultés
auxquelles se heurtent les analyses empiriques et les efforts
de formalisation. Dans une seconde partie, seront
analysées les limites des outils analytiques de l'économie des
coûts de transaction. D'une part, le corpus de base de la
nouvelle économie institutionnelle, donc la superstructure
analytique, mériterait d'être développé. D'autre part,
certains présupposés, donc l'infrastructure analytique,
limitent la portée et la puissance explicative de l'économie
des coûts de transaction.
Eric Brousseau 125

De l'opposition marché-hiérarchie à

la nouvelle économie institutionnelle

Williamson a travaillé pour la division anti-trust du


Département de la Justice américain. L'orientation de sa
réflexion s'explique largement par cet épisode
biographique. En effet, l'auteur montre que la concentration et
l'établissement de contrats « hors normes » (tels les
systèmes d'exclusivité ou de franchise) ne résultent pas
nécessairement de comportements collusifs. Au contraire,
l'efficacité productive semble les justifier. Il analyse donc
pourquoi et comment, en économie de marché, certaines
activités sont coordonnées par d'autres mécanismes que
celui des prix.

Les fondements théoriques


Williamson définit l'espace économique comme un réseau
de contrats. Un contrat est un . engagement réciproque
entre deux agents. Un agent économique est une entité
intervenant de manière autonome et cohérente dans un
contrat ; c'est-à-dire un individu (personne physique) ou
une institution (personne morale).
Un contrat peut être fugitif ; tel l'acte de vente
classique dans lequel un transfert de droit de propriété
s'effectue en contrepartie d'un flux monétaire. Mais
nombre de contrats s'inscrivent dans la durée. Plutôt que
de multiplier les échanges fugitifs, les individus ont
tendance à coopérer. Dans une relation de coopération, les
biens et services échangés voient leurs qualités et leurs
volumes définis ex-ante (Richardson [1972]). Ces
relations de coopération constituent le fondement de la
structure des systèmes productifs.
De cet immense réseau de contrats bilatéraux
126 Eric Brousseau

émergent des coalitions d'individus : les institutions. Elles


se présentent vis-à-vis des agents extérieurs comme des
entités spécifiques. Mais elles ne sont que des zones
particulières de l'espace contractuel. Jensen et Meckling
[1976] qualifient les institutions de « fiction légale » afin
de souligner la nature identique des relations entre agents
au sein et à l'extérieur des institutions. Cette approche
s'oppose résolument à d'autres travaux dans lesquels les
institutions procèdent de règles de fonctionnement
originales résolument différentes des règles de
fonctionnement du marché (Favereau [1989]). Ces règles isolent
l'institution du marché et lui confèrent une identité
collective originale.
Williamson s'intéresse aux caractéristiques de ces
zones où le mécanisme décentralisé du contrat marchand
est remplacé par un système centralisé de contrats
spécifiques. Ces derniers confèrent à un agent l'ensemble des
fonctions de coordination et de motivation
précédemment assurées par le mécanisme des prix. Ce faisant, les
institutions économiques substituent au système des prix
(le marché) le mécanisme du pouvoir (la hiérarchie)
comme mode de coordination (Coase [1937]) .

Une analyse des coûts de l'échange


• Rationalité limitée et incomplétude des contrats
Williamson recourt à des hypothèses qu'il veut réalistes.
Dans un environnement où l'information est coûteuse et
l'incertitude radicale,, la rationalité des agents
économiques est limitée :
— de manière relative, car il est trop coûteux de
s'informer de manière exhaustive sur l'état du monde avant de
prendre une décision;
— de manière absolue parce qu'aucune décision ne peut
être prise avec certitude compte tenu de l'impossibilité
Eric Brousseau 127

de connaître l'ensemble des états du monde possibles


dans le futur.
Cette première hypothèse comportementale jus-
tife l'existence de contrats incomplets. Pour établir une
coopération durable en avenir incertain, les agents
contractent sans pouvoir envisager l'ensemble des
événements susceptibles de survenir. Les clauses
contractuelles ne déterminent donc pas de manière précise les
droits et devoirs des deux со -contractants dans chacun
des états possibles du monde. Le contrat sert de cadre
général à une série de transactions (exemple du contrat
de travail) (MacNeil [1974]). Il se borne à établir une
règle qui définit à la fois le système de contrôle de
l'exécution du contrat et les modalités de sa renégociation.
Cela pose deux problèmes. Premièrement, le contenu
concret du contrat doit être redéfini à chacune des
périodes. Un mécanisme de pilotage doit donc être mis
en place. Deuxièmement, le caractère approximatif de
l'arrangement peut conduire certains agents à
s'approprier une partie du surplus qui revient à leurs partenaires.
Des systèmes de « contrôle » et de « protection » doivent
être conçus.
• Opportunisme et besoin de garanties
Les agents ne sont pas définitivement rationnels, mais le
sont suffisamment pour être opportunistes (rationalité
procédurale). Cette notion signifie qu'un individu
respectera la lettre mais non l'esprit de ces engagements si une
opportunité de capter une partie du surplus destiné à son
ou ses co-contractants se présente.
Cependant, l'opportunisme ne participe pas
forcément d'un comportement que la morale réprouve. Il
comprend, bien entendu, cette tendance des agents à agir
dans leur propre intérêt au détriment de leurs partenaires.
Mais, cette notion inclut également les « désaccords
honnêtes » qui surviennent lorsque deux partenaires de
128 Eric Brousseau

bonne foi n'ont pas la même appréciation d'une situation


(Alchian et Woodward [1988], pp.67-70).
L'opportunisme a donc deux origines. D'une
part, il découle du caractère coûteux de l'information. Il
correspond alors à ce que la théorie de l'agence identifie
comme le « risque moral » (moral hazard) : un individu
ne respecte pas forcément ses engagements dès lors que
le contrôle de son comportement est coûteux pour un
observateur. D'autre part, il résulte de la complémentarité
entre certains actifs. Il existe une incertitude sur la valeur
des actifs et le prix de leur output lorsque la maximisation
de leur productivité dépend de leur utilisation conjointe.
Dans ce cas, leur valeur jointe dépasse la somme de leurs
deux valeurs marchandes . Le partage de la rente
résultant de cette interdépendance (Quasi- rente composite de
Marshall) pose problème car il n'existe pas de critères
objectifs pour le réaliser. On aborde alors le problème de
la sélection adverse ^ et un des contractants peut profiter
de son pouvoir de négociation pour s'approprier le
surplus (Tirole [1989], p.25).
Compte tenu de l'opportunisme des agents, le
contrat doit prévoir des systèmes d'arbitrages et de
renégociation en cas de litige (Hart et Moore [1988]). Il doit
également entraîner la mise en place d'un système
d'incitation (à respecter le contrat) et de répression (dans le
cas contraire).
• Spécificité des actifs : de la nécessité de protections
contractuelles
L'opportunisme des agents ne justifie pas en soi la mise
en place d'arrangements contractuels particuliers. En
effet, dans un système concurrentiel, le co-échangiste
dupé pourrait contracter des arrangements avec d'autres
agents . Dès lors que la substituabilité entre co-échan-
gistes est faible, la mise en place d'un système de
protection se justifie.
Eric Brousseau 129

Cette faible substituabilité des contractants


prend corps à travers la notion de spécificité des actifs.
Un actif est spécifique lorsque sa productivité dépend
d'une articulation harmonieuse dé son usage avec celui
d'un autre facteur de production déterminé ; ou lorsqu'il
s'avère que pour certains agents, sa valeur d'usage est
supérieure à sa valeur d'échange. C'est par exemple le cas
d'un travailleur possédant un stock de savoir spécifique
à l'entreprise pour laquelle il travaille mais qui est payé
au prix du marché du travail (selon une grille indiciaire
non indexée à l'ancienneté, par exemple). Dans son
entreprise, ce travailleur a une productivité supérieure à celle
d'un travailleur quelconque. Pour son employeur sa
valeur d'usage est donc supérieure à sa valeur d'échange.
La notion de spécificité des actifs 7 peut
s'interpréter en terme de complémentarité et de redéployabilité.
Les actifs sont spécifiques lorsqu'ils sont :
— complémentaires : leur coopération permet de générer
une quasi-rente par rapport à leur utilisation sans
coopération 8;
— faiblement redéployable parce qu'ils sont spécialisés
(capables de ne réaliser qu'un nombre limité de tâches),
localisé de manière particulière ou parce qu'il n'existe pas
de marché d'occasion. La cessation de la coopération a
donc un coût.
Lorsqu'une transaction induit le recours à des
actifs spécifiques, la mise en place de protections
contractuelles et organisationnelles est nécessaire afin d'inciter
les agents à investir dans des actifs spécifiques gages de
gains de productivité. En effet, la rentabiïité des deux
investissements dépend du comportement mutuel de
chacune des parties et aucune d'elles n'est libre de redéployer
ses ressources.
• Les coûts de transaction : un attribut des contrats
La conjonction des hypothèses de rationalité limitée,
130 Eric Brousseau

d'opportunisme et de spécificité des actifs explique


l'existence de contrats originaux comparés aux enseignements
de la théorie micro-économique standard. Ils sont dotés
d'une structure de régulation (governance structure) qui
résulte de l'articulation de procédures de contrôle, d'un
mécanisme de direction et d'un système d'incitations au
respect des termes du contrat.
Loin de se limiter aux seuls coûts de recherche
d'un partenaire, les coûts de transaction sont directement
le résultat des dépenses qu'induisent le comportement —
peu conforme à celui de l'homo-ceconomicus — des
agents économiques. Les coûts de transaction sont de
deux ordres :
— ex-ante : ils correspondent aux coûts de recherche et
de négociation;
— ex -post : ils sont constitué (a) par des coûts engendrés
par la structure de contrôle du déroulement du contrat,
(b) par les pertes occasionnées et les coûts de la
renégociation éventuelle dans le cas où le contrat initial serait
incomplet ou mal adapté à une situation nouvelle, (c) par
les coûts d'opportunité que représente l'immobilisation
de certains actifs destinés à garantir le respect par les deux
parties des clauses du contrat (par exemple une
caution) 9.
Suivant une hypothèse de rationalité procédurale,
les agents économiques vont être amenés à choisir des
arrangements contractuels qui vont leur permettre de
minimiser ces coûts de transaction.

Une théorie économique des structures de coordination


• Une théorie de la firme fondée sur une analyse originale
des contrats
Les hypothèses transactionnelles fondent une théorie de
l'organisation de l'économie en rupture avec
Eric Brousseau 13 1

les explications technologiques de l'existence des


entreprises (Alchian et Demsetz [1972]) ° et différente des
explications uniquement fondées sur l'imperfection de
l'environnement informationnel (Arrow, Stigler, Sti-
glitz) . L'entreprise williamsonnienne n'est pas non plus
une institution qui résulte de la signature de contrats
explicites ou implicites . C'est avant tout une structure
de contrôle du déroulement du contrat. Bien que
d'essence libérale, cette conception diffère assez sensiblement
de la théorie de la firme inspirée par la théorie des
incitations.
Comme le note O. Favereau [1989], l'institution
est un modèle d'allocation des ressources qu'elle crée et
non simplement un modèle d'allocation des ressources. Il
convient donc de maximiser la taille du gâteau (objectif 1)
et de garantir un partage équitable, ou plutôt « efficace »
de celui-ci (objectif 2). La théorie des incitations suppose
que l'établissement de règles de rémunération conformes
au second objectif suffit à garantir la réalisation des deux
objectifs. La problématique centrale est donc de
concevoir des contrats et des systèmes de contrats (les
institutions) dans lesquels le mode de rémunération assure un
arbitrage optima entre incitations à investir dans des actifs
spécifiques (rémunération fixe) et incitations à l'effort
(rémunération variable) (Tirole [1989], p. 40) 13.
Les Néo-institutionnalistes s'intéressent avant
tout au premier objectif et considèrent que l'établissement
de règles n'est pas suffisant pour l'atteindre. Un patron
est nécessaire pour faire face à la contingence grâce à sa
capacité d'assurer une adaptation harmonieuse des
interventions des membres d'une équipe. Un superviseur est
indispensable pour se prémunir contre l'opportunisme
des contractants 14.
• La hiérarchie : un arrangement réduisant les coûts de
transaction
132 Eric Brousseau

Williamson considère les institutions sociales, et en


particulier les entreprises, comme des structures de direction
d'un réseau de contrat plutôt que comme des fonctions
de production. Il analyse donc les mérites respectifs des
différents types d'arrangements contractuels et
institutionnels.
La première étape de ce travail est de comparer
les avantages et inconvénients respectifs des arrangements
contractuels. La hiérarchie est un mode de coordination
de l'activité d'au moins deux individus. L'un d'entre eux,
l'« agent » abandonne, contre rémunération, une partie
de sa liberté de manœuvre à un « principal ». Celui-là
définit la tâche de l'agent et est chargé de répartir le
surplus engendré par la coopération. La hiérarchie
procède de l'établissement de contrats asymétriques.
Dès lors que plus de deux agents sont en cause,
le « principal » joue un rôle central. Chaque « agent » est
lié à lui par un contrat bilatéral, tandis que les agens ne
contractent pas entre eux. La hiérarchie résulte d'un
système de contrats centralisés (Alchian et Demsetz [1972]).
Alchian et Demsetz ne voient dans l'entreprise
qu'une forme particulière de marché centralisé. William-
son, au contraire, note la spécificité de l'institution
comme structure génératrice de pouvoir. Les contrats
sont asymétriques, les deux parties d'une transaction n'y
engagent pas nécessairement d'actifs aussi spécifiques, le
principal et l'agent ne disposent pas des mêmes capacités
d'information, etc.. L'ensemble de ces asymétries permet
à certains agents d'exercer une contrainte sur le
comportement des autres. Littéralement, le pouvoir est la faculté
de modifier le système de contrainte selon lequel les
autres agents maximisent leur bien être individuel (cf.
des analyses similaires dans : Behrens [1985], North
[1986]). L'idéologie (esprit d'équipe, « culture»
d'entreprise...) peut être analysée selon le même schéma. Celui
Eric Brousseau 133

qui la produit peut modifier la fonction d'utilité d'un


tiers.
Le pouvoir et l'idéologie contribuent à la
réduction des coût de coordination au sein des hiérarchies. Ils
engendrent une limitation des coûts de contrôle et
d'incitation (Nelson et Winter [1982], Jones [1983]). Le
pouvoir est donc analysé comme un mode de coordination
qui permet d'économiser les coûts de coordination en
limitant après signature d'un contrat les possibilités de
marchandage et les besoins de transmission
d'information. Par exemple, la transmission d'un ordre à un
exécutant évite d'avoir à expliquer à chaque instant les
tenants et les aboutissants de son action par rapport à
celle des autres membre de l'équipe.
Mais, comme le font les incitationnistes, l'autorité
peut également être interprétée comme un mode de
protection contractuelle (donc d'incitation à investir). Selon
les thèses managériales, un actionnaire est virtuellement
victime de tentatives d'extorsion (hold-up) de la part des
managers. L'autorité qu'il a sur les dirigeants le garantit,
en théorie, contre cette éventualité. Ainsi le pouvoir
conféré contractuellement apparaît comme une
contrepartie nécessaire à la réalisation de certains types
d'associations. Sans ce type de garantie qui donne une capacité
d'audit et de sanction, certains agents n'accepteraient pas
de contracter avec les autres.
• Les arrangements institutionnels entre le marché et la
hiérarchie
Afin de minimiser les coûts de transaction, les agents
choisissent de coordonner leurs activités grâce à des
contrats. Ces contrats contribuent à la constitution
d'institution. Il existe une multitude d'arrangements
institutionnels entre le marché de concurrence pure et
parfaite et la hiérarchie absolue de type militaire. La forme
et la structure d'une institution résulte de la conjonction
134 Eric Brousseau

de deux séries de choix :


— la nature des arrangements contractuels dépend des
caractéristiques des transactions (théorie des contrats);
— l'organisation de la « hiérarchie » découle des
arrangements contractuels et de la taille de l'institution (théorie
des organisations).
L'analyse d'une institution exige donc
l'articulation de deux niveaux d'analyse.
D'une part il convient d'examiner les différentes
alternatives qui s'offrent aux contractants pour conduire
leurs relations bilatérales (Williamson [1985], Chap.3, pp.
68-84). Williamson établit par exemple, la supériorité du
rapport de production capitaliste sur le système
mutualiste. Dans le premier, l'agent qui exerce le pouvoir est
responsable sur ses actifs de la bonne marche de l'équipe.
La mise en jeu de ses biens personnels l'incite à exercer
un contrôle sur le travail de ses employés. Contrôle que
ces derniers ne peuvent refuser compte tenu du rapport
hiérarchique qui les lie à l'employeur. Par contre, dans
l'arrangement mutualiste soit il n'existe pas d'autorité
centrale et l'établissement d'un consensus est une
procédure coûteuse ; soit l'autorité du pouvoir central est
soumise à contestation car le chef est élu par les membres de
l'équipe.
D'autre part il convient d'étudier les solutions
organisationnelles retenues pour diriger l'action d'un
ensemble d'agents liés entre eux par des contrats
(Williamson [1985], Chap. 11, pp. 273-297). Ainsi,
l'organisation multidivisionnelle (M-form) est-elle plus efficace
que la structure pyramidale (U-form). Chaque division,
en agissant comme une quasi-firme, maximise son profit.
La direction générale ne s'occupe pas de la gestion
opérationnelle. Elle assure, sur le plan financier, la
comptabilité entre centres de profits locaux et optimum de
l'entreprise. La firme « M » est un quasi-marché des capitaux
Eric Brousseau 135

qui permet de contrôler de vastes ensembles hétérogènes.


La plupart des contrats bilatéraux tiennent à la
fois du marché (le prix est un des éléments de régulation)
et de la hiérarchie. La plupart des structures hiérarchiques
utilisent également le marché comme élément de
régulation interne (exemple de la facturation interne dans les
firmes multidivisionnelles). Il existe donc une multitude
de combinaisons organisationnelles entre le marché et la
hiérarchie. L'opposition abrupte, et souvent pratiquée,
entre marché et hiérarchie masque les grandes similitudes
existant entre les deux modes de coordination (Goldberg
[1976], Putteman [1986]). L'ambition des Néo-institu-
tionnalistes est de développer des outils analytiques qui
aident à identifier et analyser ces formes intermédiaires
de contrats et d'institutions.

La nouvelle économie institutionnelle


Comme l'ancienne école institutionnaliste américaine (T-
B. Clark, R. Ely, J-M. Clarck, T. Veblen et J. Hobson) t5,
la nouvelle économie institutionnelle porte son attention
sur l'analyse des structures des institutions économiques,
et sur les forces historiques, sociales et culturelles pouvant
influencer ces arrangements institutionnels. Mais,
contrairement à ces antécédents, très critiques vis-à-vis des
méthodes et des présupposés de l'économie néoclassique,
la nouvelle économie institutionnelle se veut un
développement du cadre conceptuel néoclassique. Ce dernier a
été enrichi par des approches juridiques et les
enseignements de la théorie des organisations (entre 1965 et 1975
les travaux de Williamson ont consisté en une intégration
de la théorie micro-économique à la théorie des
organisations), et d'une manière plus générale par les
enseignements des nombreux travaux sur l'organisation de
l'activité économique (Adelman [1949], Richardson [1972],
Alchian et Demsetz [1972], etc.).
136 Eric Brousseau

En émergence depuis une dizaine d'années, en


particulier dans les Universités de Yale, de Californie, de
Pensylvánie et au M.I.T., la nouvelle économie
institutionnelle, dont les travaux ont surtout été publiés dans le
Journal of institutionnal and theoretical economics et le
Journal of law, economics, and organization élabore une
théorie économique des arrangements institutionnels. Elle
a pour objet d'analyse :
— les contrats comme moyens de se protéger contre
l'opportunisme et la rationalité limitée;
— les structures organisationnelles permettant de
coordonner, grâce à l'articulation de moyens de coercition et
d'incitations, l'activité d'agents coopérant au sein d'un
réseau de contrats.
Deux branches développent des problématiques
un peu différentes :
— la « measurement branch » se préoccupe de
l'organisation des transactions comme facteur de maximisation
de l'efficacité productive;
— la « governance branch » concerne l'analyse de
l'organisation économique comme le moyen d'assurer une
correspondance étroite entre actions et rémunérations (ou
entre prix et valeur).
L'intersection entre ces deux branches est
importante, l'objectif de la nouvelle économie institutionnelle
étant de démontrer l'efficience sociale de modes de
coordination non conformes aux enseignements de la théorie
de la concurrence pure et parfaite.
En dehors des travaux essentiellement
académiques analysant les fondements économiques des
institutions, la nouvelle économie institutionnelle se
développe selon trois axes majeurs :
— de nombreuses recherches économiques et juridiques
analysent l'efficience des différentes formes
d'arrangements contractuels;
Eric Brousseau 137

— en deuxième lieu, des recherches sont entreprises sur


les solutions organisationnelles qui protègent les droits
des partenaires d'une institution, ou qui optimisent la
productivité d'une équipe;
— enfin, des réflexions sur les politiques de
réglementation de la concurrence sont menées à partir de l'analyse
des coûts de transaction.

Les difficultés de l'approche empirique


Selon les méthodes employées (quantitatives ou non),
l'objet de leur analyse (l'industrie dans son ensemble ou
la relation entre deux individus) ou leur problématique
(nature des contrats ou organisation d'une institution), on
recense huit catégories de travaux empiriques (William-
son [1985], p.104) :
a) des analyses statistiques sur les relations entre
caractéristiques des transactions et modes d'organisation
(travaux de Monteverde et Teece [1982] sur l'industrie
automobile ou d'Anderson et Schmittlein [1984] sur
l'intégration de la force de vente, de Cable et Dirrheimer
[1983] sur l'organisation interne des entreprises
américaines en fonction de leur appartenance sectorieUe);
b) des estimations économétriques des corrélations entre
caractéristiques des transactions et nature des contrats
(Palay [1984-1985], Masten [1984]);
c) des examens cliniques approfondis du fonctionnement
de marchés particuliers pour lesquels on dispose d'un
nombre important de documents en principe
confidentiels (contrats, rapports internes, lettres...) comme ce fut
le cas pour le marché pétrolier canadien (Williamson
[1985], pp. 198-202);
d) des études de cas de régulation d'un marché imparfait
— tel qu'un monopole naturel — par un système de
contrat marchand plutôt que par une réglementation (cas
de la télévision par câble de la ville d'Oakland où une
138 Eric Brousseau

concession était mise aux enchères (Williamson [1985],


pp. 352-364);
e) des travaux sur les clauses contractuelles et les
structures de contrôle propres aux contrats de très long terme
souvent en vigueur sur les marchés de matières premières
minérales (Goldberg et Erikson [1982], Joskow [1985]);
f) des études de contrats originaux qui concernent des
éléments immatériels tels que les accords de recherche-
développement ou plus généralement les alliances (Keney
et Klein [1983], Hennart [1988], Crew et Crocker
[1986]);
g) des approches historiques de l'évolution des structures
organisationnelles ; approche illustrée parfaitement par
les travaux de Chandler ou par l'étude sur l'organisation
des compagnies japonaises de commerce international
(Rœhl [1983]);
h) des études sur l'organisation de filières de production
(accords, joint ventures, intégration verticale etc..) telle
que celle réalisée par Stuckey [1983] sur la filière
aluminium.
Les difficultés rencontrées par les Néo-institu-
tionnalistes dans leurs approches empiriques révèlent un
certain nombre de limites des instruments d'analyse dans
leur état actuel d'élaboration. Ces travaux se heurtent à
deux problèmes majeurs : d'une part il est difficile de
mesurer et même d'approximer le montant des coûts de
transaction ; d'autre part, un recensement et une
typologie de l'ensemble des arrangements institutionnels
possibles manquent. Il en résulte une grande difficulté à
établir une formalisation logique des liens existant entre
coûts de transaction et nature des contrats ou organisation
des institutions.
Du fait de cette formalisation déficiente, la
théorie des coûts de transaction est surtout un instrument
d'explication ex-post. Elle éprouve des difficultés à s'im-
Eric Brousseau 139

poser comme une théorie prévisionnelle de l'évolution des


structures économiques ou comme un instrument de
décision.

La mesure des coûts d'opportunité en avenir incertain

Les coût de transaction sont des coûts d'opportunité. Il


est difficile de les mesurer monétairement dès lors que le
système des prix n'est pas parfait. De plus, une des
composantes du coût n'est connue avec certitude qu'à
l'expiration du contrat. En avenir incertain, Д est difficile
d'évaluer cette composante au moment de la signature du
contrat. L'évaluation monétaire ex-ante des coûts de
transaction pose problème.
Comme le souligne Walker et Weber [1984],
dans leur analyse d'une décision de « make or buy », les
gestionnaires prennent leurs décisions en comparant les
coûts de production. Ce faisant, ils ignorent l'existence
des coûts de transaction. Pourtant certains éléments
qualitatifs intervenant dans leurs choix s'apparentent
précisément aux coût de transaction. Les deux auteurs
formalisent donc la décision « faire ou faire faire » à partir
d'une quantification de ces éléments qualitatifs.
Devant l'impossibilité de mesurer monétairement
les coûts de transaction, la plupart des Néo-institution-
nalistes ont retenu le même type de solution. Ils essayent
d'établir des mesures ordinales à partir de l'estimation de
l'intensité des trois principaux facteurs de coût de
transaction : l'intensité des échanges, l'incertitude les
caractérisant et la spécificité des actifs engagés. La solution
généralement retenue consiste à proposer des
questionnaires à des dirigeants. A partir des notes attribuées à des
phénomènes
mesures
' 16 censés les représenter, ces facteurs clés sont

Mais l'imprécision de telles mesures ainsi que


l'incertitude sur le poids à accorder à telle ou telle variable
140 Eric Brousseau

peut conduire à des résultats contradictoires. Ainsi en est-


il des conclusions des quelques travaux ayant cherché à
évaluer l'impact de l'introduction des technologies de
l'information sur le degré de concentration des systèmes
productifs. Antonelli [1984-1986-1988], Brynjolfson et alii
[1988], Cibora [1983], Curtis [1988], Hart et Moore
[1988], Malone et alii [1987] concluent tantôt que ces
technologies favoriseront l'extension de la régulation
marchande, tantôt qu'elles favoriseront la concentration et la
régulation hiérarchique.

La relation entre facteur de coûts de transaction et


arrangement institutionnel
Les modèles cités plus haut sont insatisfaisants car ils ne
proposent que des choix limités au dualisme ; marché ou
hiérarchie, faire ou faire faire, etc.. Ils ne permettent donc
pas de tenir compte de manière subtile des différents
arrangements institutionnels possibles.
En dépit de quelques ébauches (Williamson
[1985], Walker et Weber [1984]), il n'existe pas de
formalisation (logique ou mathématique) satisfaisante des
relations existant entre origine des coûts de transaction et
montant de ces coûts, entre coûts de transaction et nature
des contrats, ou entre coûts de transaction et organisation
des institutions.
Les difficultés de la formalisation, de la mesure,
et de l'utilisation sur le plan empirique des instruments
d'analyse de l'économie des coûts de transaction ne sont-
elles pas révélatrices de certaines lacunes, en tout cas de
l'inachèvement du corpus théorique de la nouvelle
économie institutionnelle ? Ou bien l'économie des coûts de
transaction est-elle simplement non formalisable, et dans
ce cas ne risque-t-elle pas de ne constituer qu'une simple
approche séduisante mais descriptive et syncrétique des
problèmes d'organisation économique.
Eric Brousseau 141

Paradigme inachevé ou

élargissement du modèle libéral

Une superstructure analytique inachevée


Dans son ouvrage de 1985, Williamson reconnaît les
limites actuelles des instruments qu'il a contribué à forger.
La plupart des critiques qu'il admet procède du manque
de finition qui caractérise, selon lui, l'économie des coûts
de transaction. Cette situation donne à la théorie un degré
excessif de liberté. Les outHs analytiques
néo-institutionnels apparaissent flous car non définis de manière
rigoureusement identique par les différents auteurs les utilisant.
C'est ainsi que Williamson explique le faible
développement de la modélisation et la difficulté de mesurer les
coûts de transaction.
Mais la superstructure analytique williamso-
nienne pêche surtout par une prise en compte insuffisante
des coûts d'organisation, des mécanismes d'incitation et
des interdépendances entre arrangements institutionnels.

L'articulation entre trois catégories de coûts


L'étude des coûts de coordination au sein des institutions
est peu développée et peu de concepts permettent
d'expliquer les limites de taille des institutions. Certaines voies
ont été explorées telles que l'examen de la dilution du
pouvoir au sein des hiérarchies (Rozen [1982], Keren et
Levhari [1983]), l'étude des problèmes de surveillance
des surveillants sur longue période (Tirole [1986], ou bien
encore l'analyse des coûts d'opportunité des contrats de
long terme — Harris et Holmstom [1983]). Mais ces
travaux restent centrés sur les limites inhérentes aux contrats
de longue période et analysent de manière moins nette les
défaillances liées à la taille des institutions ou à la
régulation bureaucratique. Un travail identique à celui qui a
142 Eric Brousseau

été mené sur les défaillances du marché devrait venir


compléter l'économie des coûts de transaction. Cette
étude des coûts d'organisation lui permettrait de devenir
une véritable économie des coûts de coordination.
D'autre part, l'opposition entre le marché, dont
la dynamique reposerait sur un système fortement
incitatif, et la hiérarchie, qui génère un système ccercitif, est
trop tranchée. Les marchés, lorsqu'ils sont imparfaits,
permettent à certains agents de contraindre le
comportement des autres. Quant aux institutions, on sait
l'importance que revêtent les systèmes d'incitation dans leur
fonctionnement. Une analyse des coûts d'incitation
devrait donc être intégrée à la problématique
néo-institutionnelle.
D'une manière plus générale, l'articulation entre
trois types de coûts — production, coordination et
incitation — demeure peu analysée. Ainsi, l'hypothèse selon
laquelle les coût de production seraient relativement plus
élevés au sein d'une institution (Williamson [1985], p. 93)
est contredite par certaines analyses telle que celle de Bar-
zel [1985]. Au sein d'un marché ou d'une hiérarchie, les
produits échangés ne sont pas nécessairement identiques.
Des effets de réputation peuvent contraindre un
producteur en situation concurrentielle à produire des biens
munis de caractéristiques supplémentaires qui évitent au
consommateur de faire le tri (Stigler [1961], Kreps et
Wilson [1982]) ou qui permettent de le séduire (habillage
d'un produit, par exemple). Ce faisant, une partie des
coûts de transaction est supportée par le producteur et
même intégrée aux coûts de production. Le produit a la
même valeur d'usage mais revient plus cher à produire.
Les deux coûts sont donc partiellement substituables.
Dans notre exemple, les coûts de production deviennent
plus élevés lorsque la situation marchande est adoptée.
Autre exemple : au sein d'une institution, la
Eric Brousseau 143

réduction de l'incertitude sur les débouchés des produits


intermédiaires autorise leur production par des
équipements spécialisés. Ce type d'investissement induit une
réduction des coûts de production. Il y a donc, là encore,
péréquation entre coûts de production et de coordination.
Une analyse de l'efficacité productive, incitative
et « transactionnelle » (i.e. efficacité à gérer la
contingence et garantir contre l'opportunisme) des différents
types de contrats et des différents modes d'organisation
se révèle nécessaire. Les travaux des Néo-institutionna-
listes ou incitationnistes ayant tendance à ne privilégier
qu'une seule des trois dimensions de l'efficacité
contractuelle.
Interdépendance entre arrangements institutionnels
Malgré quelques tentatives (Anderson et Schmittlein
[1984], Bowen et Jones [1986]), l'économie des coûts de
transaction s'est plus préoccupée de l'analyse des
échanges entre producteurs que des relations entre
producteurs et consommateurs, en particulier lorsqu'il s'agit
des ménages. Or, l'analyse des marchés de consommation
finale, où les asymétries informationnelles et la rationalité
limitée des agents sont plus marquées, peut être source
d'enseignements intéressants. En particulier parce que les
relations offreurs-consommateurs peuvent avoir une
influence sur les relations entre les offreurs eux-mêmes.
Par exemple, le consommateur n'est pas toujours
apte à comparer les qualités respectives de deux biens en
apparence identiques. Pour éviter une concurrence qui
conduirait à la disparition d'offreurs produisant un bien
de meilleur qualité mais moins bon marché, les
producteurs concernés peuvent instituer un système de contrat
garantissant un «label» de qualité. Williamson ([1985],
pp. 185-189) donne également l'exemple d'un système de
franchises commerciales permettant d'identifier un réseau
144 Eric Brousseau

de distribution associé à un certain service après vente.


Bien que le consommateur n'en ait pas conscience, un tel
système lui est profitable car l'arbitrage entre qualité et
prix est rendu moins complexe. La qualité est évaluée
grâce à une seule information — la marque — ce qui évite
les problèmes de sélection adverse. Ce type
d'arrangement contractuel entre producteurs permet également de
commercialiser certains types de marchandises
immatérielles, tels que les services d'audit et de conseil.
Dans le cas présent, la nature de la relation
offreurs-consommateurs induit une organisation
particulière des relations entre offreurs. On aborde un problème
peu analysé par les Néo-institutionnalistes : celui de
l'interdépendance entre arrangement institutionnel et
caractéristiques des transactions situées en amont ou en aval.
L'économie des coûts de transaction sous-estime
également les interdépendances temporelles entre
arrangements contractuels. Dans certains cas, une solution
institutionnelle peut être retenue, en dépit de son
inefficience, car le passage à un autre arrangement serait trop
coûteux compte tenu des engagements pris et des
investissements réalisés dans le passé. Dans la sidérurgie
française, un arrangement institutionnel inefficient a été
pérennisé pendant plusieurs années. En premier lieu afin
d'éviter de payer le coût d'une réorganisation brutale de
l'activité. En second lieu parce qu'il fallait amortir les
lourds investissements réalisés à la fin des années soixante
et au début de la décennie soixante-dix.
Dans sa forme actuelle, l'économie des coûts de
transaction se présente comme une théorie a-historique.
A chaque instant, les agents choisissent l'arrangement
optimal car il n'existe pas de frictions susceptibles
d'empêcher cette adaptation continuelle et instantanée .
Eric Brousseau 145

L'infrastructure en question
Ces limites sont en grande partie liées à une question qui
demeure sans réponse ; celle de l'essence de l'entreprise.
La firme est-elle le fruit du besoin d'organiser le travail
en équipe ou celui de la nécessité d'établir un système
d'échanges complexes ? La firme génère-t-elle les
relations de coopération ou bien sont-ce celles-là mêmes qui
génèrent l'institution ? Comme le soulignent Behrens
[1985] et Masten [1986], les réponses apportées par les
Néo-institutionnalistes restent ambiguës. Les mécanismes
présidant à la division du travail, et donc l'origine de la
coopération, ne sont pas explicités.
Ces lacunes nécessitent une compréhension plus
fine des déterminants et des conséquences des différents
types d'institutions sociales (entreprises, famille, syndicat,
Etat...) et des solutions organisationnelles qu'elles
adoptent (Alchian et Woodward [1987], Williamson [1985]).
A travers les remarques sur les interdépendances
entre contrats, les agents apparaissent à la fois plus et
moins rationnels que ne le postule la nouvelle économie
institutionnelle. Plus rationnels parce qu'ils tiennent
compte, pour établir un arrangement, du cadre général
dans lequel il se déroule et non pas simplement des
caractéristiques de la transaction. Moins rationnels parce
qu'une certaine inertie des arrangements les conduit à ne
pas adopter nécessairement la solution optimale.
D'autre part, en ne considérant l'institution que
comme une forme particulière de marché, comme un
mode d'allocation des ressources, la théorie
néo-institutionnelle se révèle incapable d'analyser le rôle de
l'institution dans l'organisation de la division du travail et dans
l'organisation des marchés. En d'autres termes la démarche
néo -institutionnelle s'interdit de considérer les firmes
comme des coalitions capables de s'ériger en entités col-
146 Eric Brousseau

lectives capables de modifier les règles de la concurrence


pour s'approprier du surplus et organiser son partage
entre ses membres. Les prémisses du modèle, donc son
infrastructure analytique, sont mis en cause.

Droits de propriété, problème d'agence, risque,


traitement de l'information
L'analyse de l'infrastructure théorique de l'économie des
coûts de transaction exige une confrontation avec celles
d'autres approches de l'économie des institutions. Celles-
ci, partant de l'hypothèse que l'environnement
informationnel est imparfait, analysent la façon dont les
économies de marché génèrent des institutions. Bien qu'elles ne
fassent pas explicitement référence à la notion de coûts
de transaction, les enseignements et les outils de certaines
de ces approches ont été intégrés à la nouvelle économie
institutionnelle. D'autres théories, au contraire, semblent
employer des concepts similaires à ceux de Williamson.
Mais en dépit d'un vocabulaire semblable, les deux
champs théoriques restent résolument étanches l'un à
l'autre.
Seuls les travaux suffisamment proches de ceux
des Néo-institutionnalistes ont été retenus ici. Ce faisant,
de nombreux champs de la pensée économique sur les
institutions et les modes de régulation, ceux qu'O. Fave-
reau [1989] qualifie de théories non-standards, n'ont pas
été repris car ils constituent une rupture trop grande avec
les travaux qui font l'objet de cette revue

Les apports : l'analyse des mécanismes d'incitations


• L'économie des droits de propriété
Lorsqu'il est coûteux de gérer en commun et de se
partager le surplus lié à la réalisation d'une transaction, il
Eric Brousseau 147

peut devenir efficient d'abandonner à une des deux


parties la maîtrise de la coordination (Grossman et Hart
[1986]). La propriété confère alors le droit de décider de
la manière dont les actifs seront utilisés dans le cas où un
événement imprévu surviendrait (Hart et Moore [1988]).
L'économie des droits de propriété (Demsetz [1967],
Furubotn et Pejovich [1972], Alchian et Demsetz [1973],
Demsetz et Lehn [1985]), dont l'objectif est de fonder
économiquement ce « droit », a contribué de manière
significative à l'économie des coûts de transaction.
Comme le souligne Pejovich, les droits de
propriété ne sont pas des relations entre les hommes et les
choses, mais des relations codifiées entre les individus qui
ont rapport à l'usage des choses. Les Néo-institutionna-
listes reprennent cette analyse : l'efficacité d'une coalition
est liée à la répartition des droits de propriété entre ses
membres. Une distribution optimale de ce droit permet
de protéger chacun de l'opportunisme des autres,
d'établir des règles de répartition du surplus et de garantir un
haut niveau d'incitation à la coopération.
• La théorie de l'agence
De la même manière, les analyses de type « principal-
agent » développées par des financiers (Jensen et Meck-
ling [1976], Fama [1980], Fama et Jensen [1983]) sont
venues enrichir l'économie des coûts de transaction. La
théorie de l'agence cherche à concevoir des arrangements
institutionnels conduisant un individu — l'agent —
travaillant pour un autre — le principal — à servir les
intérêts de ce dernier (cas du gestionnaire et du propriétaire,
du fournisseur de service et de son client, de l'employé
et de l'employeur). Le principal n'est pas nécessairement
en mesure d'exercer un contrôle efficace. D'une part,
parce que l'espérance de gains peut se révéler trop faible
par rapport aux coûts qu'induit ce contrôle. D'autre part,
et surtout, parce que compte tenu des asymétries infor-
148 Eric Brousseau

mationnelles entre principal et agent, le contrôle serait


inefficient :
— l'agent détient en général une connaissance spécifique
dont le principal ne dispose pas;
— l'agent détient plus d'informations que le principal sur
la façon dont il effectue la tâche qui lui est confiée.
L'analyse des moyens contractuels dont dispose
un principal pour contraindre l'agent à se comporter
conformément aux intérêts du premier est évidemment
proche de la problématique williamsonienne.
• Ruptures introduites par les analyses des incitations
Comme les théoriciens du droit de propriété, les
théoriciens de l'agence supposent que les agents sont
opportunistes. Mais ce terme a une acception différente de celle
que lui donne Williamson : l'opportunisme est limité. En
effet, selon ces deux courants, le système d'incitation
contenu dans un contrat suffit à éviter les comportements
opportunistes ex-post. Et dans les cas, exceptionnels, où
le contrat se révèle mal adapté aux modalités de la
coopération, l'appareil judiciaire permet de résoudre les
conflits. A l'inverse, l'opportunisme de l'économie des
coûts de transaction peut s'exercer lors du déroulement
du contrat. Et du fait de la difficulté de s'informer sur les
clauses et le déroulement du contrat, le système judiciaire
ne peut assurer de manière efficace les arbitrages
nécessaires au bon déroulement d'une relation contractuelle .
La mise en place de structures de régulation permanentes
et spécifiques à chaque contrat s'impose (Williamson
[1985], pp. 68-84). L'entreprise williamsonnienne n'est
donc pas réduite à un schéma d'incitations. Poursuivant
son raisonnement, Williamson démontre que les contrats
spécifiques sont le plus souvent préférables à la loi, ce
contrat social trop général pour pouvoir s'adapter sans
coûts aux besoins de chacun.
La rupture entre les Néo-institutionnalistes et ces
Eric Brousseau 149

deux courants théoriques se situe au niveau des prémisses


analytiques. En postulant un opportunisme limité et une
rationalité plus étendue que celle de l'analyse
transactionnelle, l'économie des droits de propriété et celle de
l'agence ignorent la permanence du caractère conflictuel
de la coopération et donc la nécessité de créer des
systèmes de contrôle et de direction. De plus, elles postulent
que l'avenir et le comportement des agents sont proba-
bilisables puisqu'il est possible de concevoir des règles de
fonctionnement optimales, malgré l'incertitude. Ce sont
des théories des incitations qui postulent qu'il est possible
de concevoir des systèmes d'incitations suffisants pour
garantir sur longue période et malgré l'incertitude la
pérennité d'un comportement optimal de toutes les
parties. L'institution est une forme particulière de marché
qui permet grâce à des règles spécifiques une allocation
optimale des ressources. Grâce à ces prémisses différents,
ces théories des incitations ont abordé de nombreux
points passés sous silence par les Néo-institutionnalistes
(cf. les survey de Laffont et Maskin [1982] et Hart et
Hólmstrom [1987]).

Mécanisme de garantie et système cognitif


D'autres analyses relatives à la génération d'institutions
par des systèmes caractérisés par une information
asymétrique coûteuse et un avenir incertain se sont
développées. Ces approches analysent les mérites respectifs du
marché et de la hiérarchie.
• Socialisation du risque et lutte contre l'incertitude
En dépit de leurs préoccupations essentiellement
macroéconomiques, les travaux de Stiglitz sur le marché du
travail reposent sur une théorie micro -économique des
contrats et de l'organisation économique. L'entreprise de
Stiglitz est une vendeuse d'assurance à des travailleurs
éprouvant une aversion pour le risque. Elle est donc
150 Eric Brousseau

proche de celle de Knight [1965] et en rupture avec celle


de Williamson. L'agent de l'économie des coûts de
transaction est, en effet, indifférent au risque. Williamson
reconnaît que son modèle pourrait être amélioré par ce
type d'analyse, pourvu que l'aversion au risque de
l'ensemble des agents — et pas uniquement celle des
travailleurs — soit prise en compte (Williamson [1985], pp.
338-390). Ces approches, pour lesquelles l'entreprise est
un moyen de socialiser le risque, se rapprochent, par leurs
problématiques, des analyses pour lesquelles
l'organisation de l'entreprise est un moyen de réduire l'incertitude
(Cremer [1980]).
• L'entreprise comme système de traitement de
l'information
L'entreprise peut aussi être considérée comme un
mécanisme de traitement d'information coûteuse. L'absence
des hypothèses de rationalité limitée et d'opportunisme
constitue la différence essentielle entre ces approches et
celles des Néo-institutionnalistes. Les coûts de
coordination sont alors liés au nombre de connexions et de
messages nécessaires pour organiser l'activité des agents
économiques. Dans ces analyses, le mécanisme des prix ou
l'organisation taylorienne du travail sont analysés comme
des moyens de réduire les flux d'information à
transmettre.
Ces approches, parfois très mathématisées,
donnent des indications sur la taille (Oniki [1988]) ainsi que
le degré de centralisation optimal (Arrow [1976-1985],
Aoki [1986], Hurwicz [1960-1969-1972], Oniki [1974-
1986], Ken-Ichi et Hiroyuki, Stigler [1961]) d'un système
économique en situation d'incertitude ou quand les
processus de production sont intenses en information.
Comme le fait Dupoux [1968], une approche
connexe peut être développée dans laquelle il s'agit moins
de faire circuler de façon optimale une information cou-
Eric Brousseau 151

teuse à transporter que de gérer au mieux des capacités


limitées de traitement de cette information.
L'organisation est alors un problème de répartition optimale d'un
potentiel intellectuel donné. Stiglitz [1985], par exemple,
considère l'entreprise comme un ensemble d'unités
élémentaires de traitement de l'information dont
l'organisation détermine de manière probabiliste la performance
en matière de prise de décision. Nelson et Winter [1982],
Kreps [1984], Cremer [1986] étudient quant à eux
l'organisation optimale d'une firme dont le stock de
connaissances est limité compte tenu de l'imperfection de la
communication.
Ces auteurs emploient un vocabulaire proche de
celui des Néo-institutionnalistes (coûts de transaction, de
coordination, etc.), adoptent une démarche similaire
(l'opposition du marché et de la hiérarchie). Enfin, ils ont
une problématique comparable : la recherche du mode
d'organisation optimal d'un système économique.
Pourtant, ces deux voies de recherche sont totalement
irréductibles l'une à l'autre. D'une part l'entreprise n'est plus
un système de pouvoir, mais un système cognitif organisé
à la manière d'un ordinateur. D'autre part, en ignorant
les hypothèses comportementales de Williamson, ces
travaux font apparaître les systèmes économiques comme
des collections d'automates qu'il convient d'organiser de
manière optimale.

Un projet libéral

Des prémisses différents mais une vision du monde


commune
L'apparente hétérodoxie de l'économie de coûts de
transaction est liée à l'adoption par les Néo-institutionnalistes
d'hypothèses comportementales originales par rapport à
celles de la micro-économie standard : la rationalité limi-
152 Eric Brousseau

tée (i. e. procédurale mais pas substantielle) et


l'opportunisme étendu. Ces hypothèses distinguent l'analyse
transactionnelle de celles des droits de propriété et de
l'agence (rationalité substantielle mais contrainte par une
information coûteuse et opportunisme restreint).
La construction d'une analyse économique de
l'organisation du système productif à partir de prémisses
comportementaux en rupture avec l'homo-ceconomicus
constitue l'originalité de ces trois courants. Ils s'opposent
à la « Nouvelle micro-économie » (Arrow, Stigler, Stiglitz,
etc..) avec laquelle, cependant, l'hypothèse
d'imperfection de l'environnement informationnel est commune.
En rupture avec le cadre néo- classique «
classique » dans lequel l'information est parfaite, l'ensemble
de ces courants analytiques repose pourtant sur
l'individualisme méthodologique et une vision du monde libérale
(au sens économique du terme). Elles ont également en
commun d'avoir pour objet d'étude une économie
d'échange plus qu'une économie de production. En effet,
. le terme de coopération, employé à plusieurs reprises dans
ce texte, n'est pratiquement jamais utilisé par Williamson,
ni par les autres auteurs cités. Les agents adoptent à priori
la solution productive optimale (technologie, division du
travail...) ; il convient ensuite d'organiser les échanges.
L'entreprise est un mode alternatif de coordination de
l'activité économique ; mais elle n'est pas considérée
comme l'organisatrice de cette activité.
En dépit de prémisses différents, l'économie des
coûts de transaction s'inscrit donc intégralement dans le
cadre d'un développement du projet néo-classique.

Efficacité allocative vs efficacité productive


Ces nouvelles analyses économiques de l'entreprise ont
pour objectif de démontrer qu'en dépit des imperfections
du marché, les économies de marché sont efficaces, puis-
Eric Brousseau 153

qu'elles génèrent des arrangements institutionnels


maximisant l'efficacité productive.
Alchian, Demsetz, Fama, Jensen, Mecking, Klein
et Williamson justifient l'existence des institutions
économiques, la grande taille et la position dominante
comme les résultats d'un processus de régulation
concurrentiel aboutissant à une organisation du système
productif qui maximise le bien-être collectif (Klein et Leffler
[1981]). Ces analyses constituent une réaction aux
travaux du courant anti-trust — Galbraith, Shepperd, Sher-
rer, etc.. — tout à fait convergente avec les travaux de
Baumol, Panzar et Willig (Williamson [1975], chap. 11).
Or, ces approches n'intègrent pas les
enseignements de la littérature sur le comportement des offreurs
en position dominante et, en particulier, les
comportements tarifaires ou collusifs destinés à capter la rente du
consommateur. Dans ce cas, l'efficacité productive ne
conduit pas forcément à l'efficacité allocative. La
démonstration de la minimisation des coûts de production par
un arrangement institutionnel donné ne prouve pas son
efficience en terme de bien-être collectif.

Une conception statique de l'efficacité ?


La théorie des coûts de transaction ne démontre pas non
plus l'efficacité supérieure de la hiérarchie en matière
d'innovation (Curtis [1988]). Williamson [1975] prétend
d'une part que l'efficacité du marché n'est pas
définitivement prouvée et d'autre part qu'une organisation
adéquate de la hiérarchie permet d'y maintenir une tendance
à l'innovation. Mais rien de plus n'est démontré.
En second lieu, les coûts respectifs d'ajustement
d'une structure hiérarchique par rapport à une suite de
transactions éclair sur un marché sont insuffisamment
analysés par les Néo-institutionnalistes. Si pour de petites
fluctuations, il apparaît qu'un contrat incomplet et asy-
154 Eric Brousseau

métrique engendre des économies de coûts de transaction


(c'est le cas du contrat de travail), l'efficacité des solutions
contractuelles en cas de forte perturbation n'est pas
établie.
Dans une transaction bilatérale, il existe deux
processus pour réallouer les ressources : la négociation et
la « sortie » (Hirschman [1970]). En cas de forte
perturbation, la sortie n'est pas toujours envisageable dans un
contrat où des actifs très spécifiques ont été engagés. Sur
un marché, la « sortie » est instantanée puisque les actifs
ne sont pas spécialisés. Autrement dit, en cas de forte
instabilité, un réseau de contrats spécifiques peut se
révéler moins flexible que le marché ; même si celui-là s'avère
moins efficace pour gérer les petites perturbations.
L'univers dans lequel les arrangements
institutionnels sont réputés être plus efficaces que le marché est
un univers, certes dynamique et incertain, mais peu
perturbé.
Au total, Williamson et les Néo-institutionna-
listes ne démontrent pas de manière irréfutable
l'efficience des arrangements institutionnels que les agents
économiques mettent en place. Les externalités ainsi que
la flexibilité en environnement perturbé restent mal pris
en compte. La démonstration de la supériorité de
l'efficacité de la hiérarchie dans telle ou telle situation en pâtit.

L'importance de l'hypothèse d'aversion au risque


En dépit de sa volonté d'adopter des hypothèses
comportementales réalistes, Williamson postule que les agents
économiques sont indifférents au risque. Ce postulat,
justifié par une volonté de simplification 20, est, en réalité,
un élément clé de la démonstration de l'efficacité
supérieure de la coordination hiérarchique . En dépit d'une
rationalité limitée, les agents seraient suffisamment
opportunistes pour savoir se protéger. Ils choisiraient donc des
Eric Brousseau 155

arrangements correspondant à un optimum de second


rang.
Si les individus éprouvent une aversion au risque,
le choix d'une solution optimale n'est pas garanti.
Phénomène renforcé, bien sûr, en présence d'asymétries
informationnelles. En ignorant les enseignements du
paradoxe d'Allais, Williamson peut démontrer que les
individus parviennent à un optimum malgré leur rationalité
limitée et les « frictions » qu'engendre l'imperfection de
l'environnement informationnel.

L'économie des coûts de transaction ne propose


pas une réelle démonstration de l'efficience supérieure,
d'une part de l'économie de marché comme processus
darwinien de sélection des structures de production
efficaces, d'autre part de l'entreprise capitaliste comme mode
de coordination de l'activité des agents économiques.
L'analyse de l'organisation économique que choisit une
communauté importante d'individus opportunistes, à
rationalité limitée et éprouvant une aversion pour le
risque, est d'une complexité telle qu'il est permis de poser
la question de la faisabilité d'un tel projet de recherche.
Il reste que les Néo-institutionnalistes ont contribué par
leur démarche et à l'aide de leurs outils analytiques à
poser les fondements d'un renouveau de l'analyse des
structures économiques. Celles-ci peuvent être le fruit de
la recherche d'une plus grande efficacité de la
coordination.
Les outils théoriques Néo-institutionnalistes
contribuent à expliciter les raisons qui conduisent les
agents à coopérer en dehors du marché. Ils permettent
également de préciser les motifs du choix d'un
arrangement institutionnel particulier. Utilisés dans un cadre
infrastructurel différent, ces outils permettraient de déve-
156 Eric Brousseau

lopper une théorie positive des coûts de coordination à


partir d'approches hypothético-déductives infirmation-
nistes. L'objet de ces approches serait de mieux
comprendre les raisons qui poussent les agents à choisir
un arrangement institutionnel déterminé en fonction de
leur intérêt ; sans rechercher systématiquement la
démonstration que la solution retenue correspond à
l'efficacité sociale maximale.
L'interrogation sur l'efficacité de différentes
alternatives d'organisation du système productif constitue
l'intérêt principal de la problématique proposée par les
Néo-institutionnalistes. Une telle démarche pose les
fondements de méthodes analytiques positives destinées à
comparer l'efficacité respective de différentes alternatives
organisationnelles. En période de mutation structurelle,
une telle méthode est prometteuse pour approfondir
l'analyse des effets et modalités des processus de
réglementation/déréglementation, mieux analyser les qualités
de certains modes d'organisation des entreprises ou
mieux comprendre l'intérêt des nouveaux modes
d'organisation des entreprises ou mieux comprendre l'intérêt
des nouveaux modes d'articulation des relations
interentreprises (par exemple Montmorillon [1989]).
Eric Brousseau 157

Notes

1. Le concept de coût de transaction — terme emprunté à Keynes —


n'est pas propre à Williamson. Nie- désignent les propositions majeures
hans [1987] recense les différentes formulées dès l'origine pour exprimer la
analyses de ce concept. Il se réfère nature et l'objet de l'analyse. Ils
toujours aux ressources dédiées par conditionnent la construction des
les agents économiques à la instruments analytiques. Ces derniers
réalisation des échanges. Mais son contenu serviront à interpréter le monde
est fort différent d'une qu'on observe afin de vérifier les
problématique à l'autre : recherche d'une conclusions des formalisations
organisation optimale des systèmes logiques que l'on aura pu établir.
économiques, analyse des A. Barrère [1983] : Déséquilibres
modifications des conditions de l'équilibre économiques et contre révolution
général, détermination du volume keynésienne. Economica, Paris,
des transactions, définition des seconde édition, pp. 13-19.
quantités moyennes échangées et du
média d'échange dans une économie
donnée, conditions de l'arbitrage sur 3. La firme néo-institutionnelle n'est
un portefeuille de titres, justification donc pas uniquement un réseau de
économique des intermédiaires sur contrats, mais un mécanisme de
différents types de marchés pilotage de ces contrats (la firme est
(grossistes, agents de change, etc..) régulée par l'autorité). Elle se distingue
donc sensiblement d'autres analyses
théoriques, en particulier celles qui
2. Comme le note A. Barrère, toute sont issues de la théorie des
réflexion économique procède de incitations (cf. Tirole [1989], p. 16 et
l'articulation de six éléments : la suivantes) (l'institution est alors un
vision du monde, la problématique, pseudo marché régulé par le
les prémisses, les instruments mécanisme des prix). Elle est également
d'analyse, la formalisation logique et la originale par rapport à des analyses
formalisation mathématique. La issues de l'étude de la relation
superstructure analytique (trois derniers salariale qui identifient l'institution
éléments) découle irréductiblement comme un ensemble de règles (cf.
de l'infrastructure analytique (trois Favereau [1989], Reynaud [1989]).
premiers éléments). Ainsi, cette (La firme est régulée par un ensemble
dernière constitue le fondement de la de prescriptions).
théorie et donc de sa critique.
La problématique est un ensemble
cohérent de questions posées à la 4. Le même type de rente apparaît
science, à partir d'une conception lorsque l'action de certains individus
préalable de l'homme et de la société engendre des externalités qui
(la vision du monde). Les prémisses influencent la productivité d'autres
158 Eric Brousseau

agents. Par exemple, un franchisé ne spécificité à un actif : la situation


respectant pas certaines normes de géographique (si c'est une
qualité fait supporter à l'ensemble immobilisation), la compétence liée à la
des locataires de l'enseigne une perte personnalité d'un individu (savoir,
de réputation. carnet d'adresses, expérience...), la
complémentarité qui veut que
certains actifs soient dédiés à la
5. Hôlmstrom [1982a] souligne la collaboration avec un seul autre type
différence entre le risque moral dont d'actifs (exemple d'un terminal
l'enjeu est de contrôler le informatique vis-à-vis d'une unité
comportement d'agents qu'on ne peut centrale), et la spécialisation liée aux
observer et la sélection adverse identifiée caractéristiques des actifs physiques
par G. Akerlof [1970] pour laquelle qui les destinent à la production d'un
l'action peut être observée mais sa modèle déterminé de biens (William-
validité ne peut être contrôlée parce son [1985], pp. 52-56).
que les agents ne disposent pas de
réfèrent pour comparer le résultat de
l'action au résultat de la meilleure 8. Les marchés étant imparfaits la
action possible (leur information est rémunération marchande des
incomplète, l'avenir est incertain, facteurs de production (leur prix de
leur action modifie l'ensemble des marché) ne correspond pas
équilibres par rapport auxquels est nécessairement à leur productivité marginale.
jugé le résultat de leur action, etc.).
La sélection adverse empêche de
rémunérer chaque co-contractant à 9. Dans son ouvrage de 1985,
sa productivité marginale puisque Williamson développe abondamment
celle-ci est inconnue. Certains y l'analyse des « Credible
voient l'origine de l'incomplétude commitments » que l'on peut traduire par
des contrats (Malcomson [1981]). Système de garanties réciproques qui
(cf. Reynaud [1989]). lient les deux partenaires d'un
contrat (chapitres 7 et 8, pp. 163-
6. Les modèles 205).
d'approvisionnement dual de Farrel et Gallini [1986]
et Shepard [1986] illustrent ce 10. Pour Alchian et Demsetz [1972]
propos : pour éviter de dépendre du les inséparabilités technologiques
comportement opportuniste de leurs déterminent les frontières entre
fournisseurs, certaines firmes institutions. Par exemple, un motif
maintiennent leurs fournisseurs en « thermique » justifie l'intégration
compétition afin de se protéger contre leur du laminoir et du haut fourneau.
opportunisme potentiel (cf. Tirole Williamson répond que c'est la
[1989], p. 34). La concurrence nécessité de les gérer de manière
marchande apparaît alors comme un coordonnée qui impose l'intégration.
substitut à la proctection Compte tenu des coûts engendrés
contractuelle. par la coopération conflictuelle
qu'engendre le monopole bilatéral, la
7. Quatre éléments confèrent sa maximisation du surplus potentiel
Eric Brousseau 159

suppose une articulation de la gestion 13. L'institution est alors un


des deux unités grâce à une structure ensemble d'agents dont certains sont
hiérarchique commune. Celle-ci est des exécutants, d'autres des
chargée de maximiser la productivité surveillants. Il convient de concevoir le
globale du système et de répartir le schéma d'incitation optimal pour
surplus de la manière qui lui paraît surveiller- et motiver un grand
appropriée. Non seulement la nombre d'agents.
structure hiérarchique rend la
coordination moins coûteuse mais en plus elle
permet une meilleure allocation des 14. Il est fondamental de distinguer
ressources. Dans les firmes multidi- les fonctions de direction et de
visionnelles le surplus généré par supervision. La fonction de direction
certaines divisions permet de financer le renvoie à la question du mode optimal
développement d'autres divisions. de traitement de l'incertitude. La
supervision renvoie au mode de
traitement optimal des asymétries
11. Comme le notent Arrow [1971] informationnelles et à la prévention contre
et Radner [1968] le système des prix les comportements de cavalier libre
échoue dans son rôle de coordinateur (Free Rider).
de l'activité des agents économiques
dès que les agents n'ont pas la
possibilité d'avoir accès à la même 15. Pour des précisions sur les ins-
information dans les mêmes conditions. titutionnalistes voir : R. Arena
Dès lors les transactions ont un coût. [1988] : Structure industrielle et
Certaines formes d'organisations concentration économique : les
administratives permettent de limiter antécédents historicistes et institutionna-
les flux d'informations et donc ces listes de l'économie industrielle, In :
coûts. La hiérarchie remplace alors le R. Arena, L. Benzoni, J. De Bandt et
marché (Marris et Mueller [1980]. P-M. Romani (sid), Traité
d'économie industrielle, Economica, Paris,
pp. 22-54.
12. Dans ce texte, il ne sera pas fait
expressément référence à la théorie 16. Exemples de phénomènes
des contrats implicites, sujet qui mesurés à partir de questonniaires :
relève essentiellement de la théorie fluctuation des volumes échangés,
des incitations. On poura se reporter qualité ex-post des estimations,
à : probabilité de modification des normes
Hôlmstrom [1983] :, Equilibrium dans l'avenir, probabilité de
long term labor contract, Quaterly l'occurrence de changements techniques,
journal of economics, vol 98, rationalité de l'acheteur, capacité de
Bull [1986], The existence of self- l'acheteur de se substituer au
enforcing implicit contracts, Quaterly fournisseur etc..
journal of economics,
Rosen S., Implicit contracts : a
survey, Journal of economic littérature, 17. Les théoriciens des incitations
vol 23, pp. 1144-1175. ont développé des analyses de la
160 Eric Brousseau

renégociation et de l'adaptation ment de chacun est conforme au


dynamique des contrats ; voir, entre contrat. C'est ce qui explique le
autre Laffont-Tirole [1986] et recours à un surveillant ou
Holmstrôm-Tirole [1987]. superviseur spécialisé (cf. Par exemple
Tirole [1989], pp.26 et suivantes, 38
et suivantes).
18. Les analyses des institutions qui
dérivent de l'étude du contrat de
travail — Dceringer et Piore, Leibens- 20. Curieusement, Williamson
tein, Eymard-Duvernay, etc.. — sont s'appuie sur le célèbre texte de Friedman
résolument en rupture avec le modèle dans lequel l'auteur américain
néo-classique. Comme le soulignent explique que la réalité d'une théorie
Favereau [1989] et Reynaud [1989], économique s'apprécie non en
ces travaux développent également fonction du réalisme de ses hypothèses
une théorie des institutions à partir mais compte tenu du succès de ses
de l'analyse des contrats, mais prévisions. M. Friedman [1953], The
l'institution n'est pas une forme de methodology of positive economics,
marché particulier, c'est une Essays in positive economics,
coalition qui s'isole des règles du marché. University of Chicago Press.

19. II arrive souvent que le 21. J. Tirole souligne d'ailleurs la


comportement des deux co-contractants soit commodité de l'hypothèse d'aversion
observable par le partenaire mais non au risque reprise dans la plupart des
verifiable. Un tiers, ou une cour de travaux sur les contrats et les
justice ne peut juger si le comporte- institutions (Tirole [1989], p. 36).

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