Culture
Culture
Culture
La notion de culture
Culture : tout ce qui est produit par l’homme dans le cadre social. Culture désigne aussi la
formation spirituelle.
La culture doit être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels,
intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu’elle englobe,
outre les arts et les lettres, mes modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de
valeurs, les traditions et les croyances.
C'est à l'anthropologie anglaise qu'on doit cet emprunt, plus exactement à E.B. Tylor
dont le volume Primitive Culture parut en 1871. S'inspirant en particulier des travaux de
Gustav Klemm qui avait publié en dix volumes, de 1843 à 1852, une monumentale Histoire
universelle de la culture de l'humanité, suivie de deux volumes sur la Science de la culture,
Tylor en tira les éléments dont il avait besoin pour composer la notion de culture, qu'il
employa comme synonyme de civilisation. Dès le début de son ouvrage, Tylor donna une
définition de la culture qui a été par la suite citée de nombreuses fois: «La culture ou la
civilisation, entendue dans son sens ethnographique étendu, est cet ensemble complexe qui
comprend les connaissances, les croyances, l'art, le droit, la morale, les coutumes, et toutes
les autres aptitudes et habitudes qu'acquiert l'homme en tant que membre d'une société».
Cette définition, qui est plutôt une description, présente ceci de particulier qu’elle se rapporte
plutôt à un ensemble de faits qui peuvent être directement observés en un moment donné du
temps, comme on peut aussi en suivre l'évolution, ainsi que l'a fait Tylor lui-même.
Le système de la culture
Un dernier caractère enfin de la culture est de former ce que nous avons appelé «un
ensemble lié», c'est-à-dire de constituer ce qu'on peut appeler un système. Les différents
éléments qui composent une culture donnée ne sont pas simplement juxtaposés l'un à l'autre.
Des liens les unissent, des rapports de cohérence les rattachent les uns aux autres; lorsque des
changements s'effectuent dans un secteur d'une culture, ils entraînent des changements dans
d'autres secteurs de cette culture. Ces liens et ces rapports n'ont généralement rien de
nécessaire, c'est-à-dire qu'ils ne résultent pas d'un raisonnement logique et rationnel qui les
imposerait de nécessité. Ce sont plutôt des liens et des rapports ressentis subjectivement par
les membres d'une société. La cohérence d'une culture est donc par-dessus tout une réalité
subjectale c'est-à-dire vécue subjectivement par les membres d'une société. C'est d'abord chez
les sujets et pour les sujets qu'une culture prend le caractère d'un système. En effet, bien des
arrangements différents sont possibles entre les éléments d'une culture; l'étude de Kluckhohn
et Strodbeck sur les valeurs prouve qu’il est bien difficile, du moins dans l'état actuel de nos
connaissances, de démontrer des liens objectivement nécessaires entre certaines valeurs (par
exemple entre la valorisation du présent et la valorisation du faire). Les seuls liens
«nécessaires» sont ceux que les sujets eux-mêmes jugent nécessaires, qui leur apparaissent
tels et qu'ils acceptent ainsi.
À partir de ce qui précède, il est maintenant relativement aisé d'expliciter les fonctions
psycho-sociales de la culture. Sociologiquement d'abord, nous avons vu que la fonction
essentielle de la culture est de réunir une pluralité de personnes en une collectivité spécifique.
D'autres facteurs contribuent aussi au même résultat: les liens du sang, la proximité
géographique, la cohabitation d'un même territoire, la division du travail. Mais des facteurs
eux-mêmes, que l'on peut appeler objectifs, sont transposés et réinterprétés dans et par la
culture, qui leur donne une signification et une portée bien au-delà de celles qu'ils ont
naturellement. Ainsi, les liens du sang deviennent les liens de parenté, sont étendus et
compliqués par la prohibition de l'inceste, par les règles qui définissent les mariages permis et
les mariages prohibés et par les normes qui régissent les rapports entre personnes d'un même
groupe de parenté, etc. À partir des liens biologiques du sang, les hommes ont élaboré, à
travers la culture, des formes très variées de parenté. Il en est de même de la cohabitation du
territoire ou de la division du travail, que la culture utilise pour forger les idées de nation, de
patrie, de propriété, de hiérarchie sociale, de prestige social, de classe sociale; ce sont là
d'ailleurs non seulement des idées mais des faits que la culture a contribué à créer et à
maintenir.
La culture apparaît donc comme l'univers mental, moral et symbolique, commun à
une pluralité de personnes, grâce auquel et à travers lequel ces personnes peuvent
communiquer entre elles, se reconnaissent des liens, des attaches, des intérêts communs, des
divergences et des oppositions, se sentent enfin, chacun individuellement et tous
collectivement, membres d'une même entité qui les dépasse et qu'on appelle un groupe, une
association, une collectivité, une société.
S'il en est ainsi, c'est qu'en même temps la culture remplit, sur le plan psychologique,
une fonction de «moulage» des personnalités individuelles. Une culture est en effet comme
une sorte de moule dans lequel sont coulées les personnalités psychiques des individus; ce
moule leur propose ou leur fournit des modes de pensée, des connaissances, des idées, des
canaux privilégiés d'expression des sentiments, des moyens de satisfaire ou d'aiguiser des
besoins physiologiques, etc. L'enfant qui naît et grandit dans une culture particulière
(nationale, régionale, de classe, etc.) est destiné à devoir aimer certains mets, à les manger
d'une certaine manière, à relier certains sentiments à certaines couleurs, à se marier selon
certains rites, à adopter certains gestes ou certaines mimiques, à percevoir les «étrangers»
dans une optique particulière, etc. Le même enfant, s'il avait été déplacé dès sa naissance et
soumis à une autre culture, aurait aimé d'autres rites, ne recourrait pas à la même mimi que et
percevrait autrement les mêmes étrangers.
Si la culture peut être assimilée à un moule qui s'impose à la personnalité, il faut
encore ajouter que ce moule n'est pas absolument rigide. Il est assez souple pour permettre
des adaptations individuelles; chaque personne assimile la culture d'une manière
idiosyncratique, la reconstruit à sa façon dans une certaine mesure. Au surplus, la culture
offre des choix, des options entre des valeurs dominantes et des valeurs variantes, entre des
modèles préférentiels, variants ou déviants, ainsi que nous l'avons vu dans les chapitres
précédents. La culture peut aussi autoriser, parfois même requérir, -une part d'innovation chez
les acteurs sociaux, toutes les sociétés ne laissant cependant pas la même latitude à leurs
membres à ce propos. Mais cette flexibilité du moule culturel est toujours à l'intérieur de
limites données; franchir ces limites, c'est devenir marginal à la société dont on est membre
ou c'est sortir de cette société et passer à une autre. Surtout, cette flexibilité n'empêche pas
que la culture moule la personnalité aussi bien par les choix qu'elle autorise et les variantes
qu'elle offre que par les contraintes qu'elle impose; une culture offre un choix entre des
modèles, des valeurs, des significations symboliques, mais ce choix n'est jamais illimité; il se
restreint à certaines options possibles, il ne s'étend pas à toutes et encore il en privilégie
toujours certaines plus que d'autres.
On peut donc vraiment dire que la culture informe la personnalité, dans le sens qu'elle
lui confère une forme, une configuration, une physionomie qui lui permet de fonctionner au
sein d'une société donnée. Nous élaborerons davantage cet aspect de la culture en traitant de
la socialisation, dans le prochain chapitre.
La double fonction, sociologique et psychologique, de la culture ne se comprend et ne
s'explique véritablement que dans le contexte d'une autre fonction plus générale et plus
fondamentale, celle qui permet et favorise l'adaptation de l'homme et de la société à leur
environnement et à l'ensemble des réalités avec lesquelles ils doivent vivre. On comprendra
mieux cette fonction si on compare la culture à l'instinct avec lequel elle présente des
ressemblances et des dissemblances. Sans doute, ce n'est pas le lieu ici d'entrer dans le détail
des discussions sur l'instinct qui occupent biologistes et psychologues; l'instinct demeure
encore une réalité bien obscure et bien mystérieuse. Nous nous contenterons de n'en utiliser
ici que certains éléments.
CULTURE
Avertissement : il ne s’agit pas de dire ici que les peuples ne peuvent que consommer les
biens et produits culturels produits par les médias de masse!
Il faut considérer que les gens ordinaires ont bien une intelligence pratique, que les
publics ne sont pas constitués de clones 100% conditionnés par la massification.
Il faut aussi considérer que les publics ont une réaction à ce qu’on leur propose
(impose). Les publics négocient, s’approprient ce qu’on leur propose. Les publics
trient, puis font un certain usage de ce qu’on leur propose. Ce tri, cet usage, on peut
les appeler une production, que Michel de Certeau appelle des « manières de faire
avec » . La culture populaire est une culture de consommation au sens noble, car elle
négocie ce qu’on lui propose. Cette négociation est une production. Ce qui importe,
c’est l’usage que les publics font de ce qu’on leur propose. Un public intellectif
choisit, c’est-à-dire qu’il élimine ou refuse ce qui ne lui convient pas.
Les publics ont donc des opérations culturelles qui consistent d’une part à accepter, d’autre
part à refuser ce qu’on leur propose. On posera donc l’ambivalence des cultures populaires.
Toute culture populaire est à la fois culture d’acceptation et culture de refus. Elle est donc
culture d’acceptation et de dénégation de la culture dominante. Ces deux logiques s’opposent,
mais coexistent dans toutes les cultures populaires, comme Grignon et Passeron l’ont montré.
(Claude Grignon et Jean-Claude Passeron, Le Savant et le Populaire, Gallimard/Le Seuil,
1989.) Les publics ont donc des opérations culturelles qui consistent d’une part à accepter,
d’autre part à refuser ce qu’on leur propose. On posera donc l’ambivalence des cultures
populaires. Toute culture populaire est à la fois culture d’acceptation et culture de refus.
Elle est donc culture d’acceptation et de dénégation de la culture dominante.
1. Les cultures-traditions
Il y a les cultures qui, en plus d’être fondées sur la tradition, sont puissamment marquées par
le phénomène industriel. Les cultures sont diverses, enracinées. Ce qui contraste avec la
diffusion planétaire des biens et des produits culturels de l’industrie. Là, rien n’est ancré,
localisé, spécifié. Ce système est générateur de l’ethnocide* : il tue les cultures locales,
singulières.