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Université Joseph Fourier, Grenoble I

Mathématiques, Informatique et Mathématiques Appliquées


Licence Sciences et Technologies 1e année

Polynômes et fractions rationnelles


Didier Piau et Bernard Ycart

Tout le monde connaît les fonctions polynomiales : ce sont simplement les fonctions
comme t 7→ 4 + 5t2 + 7t3 + t5 . Les polynômes en sont une version plus algébrique, dont
les avantages peuvent paraître assez subtils la première fois qu’on les découvre ; soyez
cependant assurés qu’ils existent, y compris si on en reste à un point de vue purement
pratique. Un bagage minimum suffit pour aborder ce chapitre : un peu d’arithmétique
des entiers et quelques notions sur les espaces vectoriels, sans même que ce soit vraiment
indispensable.

Table des matières


1 Cours 3
1.1 Anneau des polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 Arithmétique des polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.3 Racines des polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.4 Polynômes versus fonctions polynomiales . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.5 Formule de Taylor pour les polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.6 Polynômes sur C versus polynômes sur R . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.7 Corps des fractions rationnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
1.8 Décomposition en éléments simples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

2 Entraînement 29
2.1 Vrai ou Faux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.2 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.3 QCM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2.4 Devoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.5 Corrigé du devoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

3 Compléments 47
3.1 Algorithme de Horner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
3.2 Règle des signes de Descartes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.3 Suites de Sturm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
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3.4 Division suivant les puissances croissantes . . . . . . . . . . . . . . . . 50


3.5 Formule de Cardan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

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1 Cours
1.1 Anneau des polynômes
L’idée de la construction sera peut-être compréhensible si on se demande comment
stocker une fonction polynomiale de R dans R dans une mémoire de machine : stocker
toutes les valeurs de la fonction étant impossible, un bon procédé pour représenter la
fonction t 7→ 4 + 5t2 + 7t3 + t5 , par exemple, sera de stocker la suite de ses coefficients ;
on entrera donc dans la machine la suite 405701, ce qui indique que le coefficient de t0
est 4, celui de t est 0, celui de t2 est 5, etc.
Ce procédé de stockage sera tout bonnement la définition même des polynômes.
Simplement, comme un polynôme peut en théorie être de degré gigantesque, bien plus
grand que les capacités de stockage de toute machine, il faudra se résigner à stocker une
infinité de coefficients, dont seuls les N premiers seront non nuls (la métaphore technolo-
gique s’écroule alors) : ainsi notre polynôme-exemple sera stocké comme 4057010000 . . .
(puis encore une infinité de 0), occupant inutilement une infinité de cases-mémoire.

Définition 1. Soit (A, +) un groupe de neutre 0. Une suite (an )n∈N d’éléments de A
est dite à support fini, ou bien nulle à partir d’un certain rang, si le nombre d’indices
n pour lesquels an 6= 0 est fini. En d’autres termes, il existe un indice N fini tel que
an 6= 0 implique n ≤ N .

Définition 2. Soit (A, +, ·) un anneau commutatif. Notons provisoirement B l’en-


semble des suites d’éléments de A, à support fini. On définit sur B une addition et une
multiplication par les formules

(an )n∈N + (bn )n∈N = (an + bn )n∈N ,

et n
X
(an )n∈N · (bn )n∈N = (cn )n∈N où cn = ak bn−k .
k=0

Proposition 1. L’ensemble B muni des deux lois définies ci-dessus est un anneau
commutatif.

Démonstration : Il est facile de vérifier que (B, +) est un sous-groupe du groupe


abélien (additif) de toutes les suites d’éléments de A. En effet, le neutre de A est la
suite identiquement nulle, qui appartient à B ; la somme de deux suites à supports
finis est à support fini : si an = 0 pour tout n > N et si bn = 0 pour tout n > M ,
alors an + bn = 0 pour tout n > max{N, M } (et peut-être pour d’autres indices n
également mais ce n’est pas important) ; enfin si −a désigne l’opposé d’un élément a de
A, alors l’opposé d’un élément (an )n∈N de B est la suite (−an )n∈N , qui est effectivement
à support fini.

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Pour ce qui concerne la deuxième loi, on doit tout d’abord vérifier que (cn )n∈N est
bien une suite de B. Avec les mêmes notations que pour l’addition, pour tout indice
n > M + N , dans le calcul de
n
X N
X n
X
cn = ak bn−k = ak bn−k + ak bn−k ,
k=0 k=0 k=N +1

tous les termes de la première somme sont nuls, car les indices utilisés sont tels que
n − k > M + N − k ≥ M donc bn−k = 0. Tous les termes de la deuxième somme sont
nuls aussi car k > N donc ak = 0. Tous les coefficients cn pour n > M + N sont donc
nuls et (cn )n∈N est bien un élément de B.
On va ensuite vérifier que pour ces formules, B est un anneau commutatif. C’est
peu engageant et il n’y a guère d’astuces. Il faut calculer brutalement.
Commutativité
Soient (ai )i∈N et (bj )j∈N deux éléments de B ; notons (ck )k∈N le produit de (ai )i∈N
k
X k
X
par (bj )j∈N . Alors pour tout k ≥ 0, ck = ai bk−i = ak−j bj (en posant j = k − i) ;
i=0 j=0
cette expression est bien celle qu’on trouverait en faisant le produit dans l’autre sens
(en utilisant la commutativité de A).
Associativité
Soient (an )n∈N , (bn )n∈N et (cn )n∈N trois éléments de B ; notons (dn )n∈N le produit
de (bn )n∈N par (cn )n∈N . Notons (en )n∈N le produit de (an )n∈N par (dn )n∈N . Pour n ≥ 0,
calculons
X n X n n−i
X X
en = ai dn−i = ai cj bn−i−j = ai bn−i−j cj ,
i=0 i=0 j=0 (i,j)

où la dernière somme porte sur tous les couples (i, j) ∈ N2 tels que i + j ≤ n.
On trouverait la même chose en calculant de la même façon le produit de (an )n∈N ·
(bn )n∈N par (cn )n∈N .
Existence d’un élément neutre
La suite (1, 0, 0, 0, . . .) est neutre pour cette multiplication.
Distributivité
Encore une vérification ennuyeuse, celle-là on va l’omettre.
On a bien vérifié que B est un anneau commutatif. 
Notation 1. On note 0 la suite nulle. On appelle indéterminée l’élément

(0, 1, 0, 0, . . .)

de B dont tous les termes sont nuls sauf le terme de numéro 1 qui vaut 1. On note
souvent (mais pas toujours) X l’indéterminée.

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Proposition 2. Pour tout élément P de B tel que P 6= 0, il existe un unique entier


d ≥ 0 et un unique (d + 1)-uplet (ai )0≤i≤d d’éléments de A tels que ad 6= 0 et

P = ad X d + ad−1 X d−1 + · · · + a1 X + a0 .

Démonstration : Il suffit de remarquer que, pour tout n ≥ 1, X n est la suite dont


tous les termes sont nuls sauf le terme de numéro n qui vaut 1. Ensuite, on réécrit les
définitions. 
Notation 2. Si X est l’indéterminée de B, on note B = A[X] et on appelle A[X]
l’anneau des polynômes sur A.
Profitons-en pour faire quelques calculs.
Exemple 1. Soient P = X 3 − 3X 2 + 2 et Q = X 2 − X + 2. Il s’agit de calculer le
polynôme P Q.
On pourra décomposer un des deux polynômes, par exemple Q, en somme de mo-
nômes, donc X 2 , −X et 2, puis effectuer chacune des multiplications de P par ces
monômes, et enfin tout regrouper. Une présentation claire, en alignant les monômes de
mêmes degrés, est une condition nécessaire de calcul sans erreurs.
X2 × P = X 5 −3X 4 +2X 2
−X × P = −X 4 +3X 3 −2X
3 2
2×P = 2X −6X +4
Q×P = X 5 −4X 4 +5X 3 −4X 2 −2X +4

Définition 3. Pour tout élément P non nul de A[X], l’unique entier d ≥ 0 intervenant
dans l’écriture de P en fonction de l’indéterminée dans la proposition 2 est appelé le
degré de P . Par convention, le degré du polynôme nul est le symbole −∞.
Notation 3. Le degré d’un polynôme P est noté deg P .
Définition 4. Pour P élément non nul de A[X], le coefficient dominant de P est le
coefficient ad du terme de plus haut degré dans l’écriture de P en fonction de l’indé-
terminée. Par convention, le coefficient dominant du polynôme nul est 0. Enfin, un
polynôme est dit unitaire lorsque son coefficient dominant est égal à 1.

Proposition 3. Soient P et Q deux polynômes de A[X]. Alors :

deg(P + Q) ≤ max(deg P, deg Q).

Démonstration : Si P ou Q est nul, le résultat est évident. Sinon, notons d le degré de


P et e le degré de Q puis P = ad X d + · · · + a0 et Q = be X e + · · · + b0 pour des ai et bi
dans A. Si d > e, on peut alors écrire :

P + Q = ad X d + · · · + ae+1 X e+1 + (ae + be )X e + · · · + (a0 + b0 ).

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Il apparaît alors que deg(P +Q) = d = max(deg P, deg Q). Le cas où d < e est similaire.
Enfin, lorsque d = e, on a un regroupement :

P + Q = (ad + bd )X d + · · · + (a0 + b0 ).

Ou bien tous les coefficients y sont nuls, et deg(P + Q) = −∞ rendant l’inégalité


évidente, ou bien un au moins est non nul et le coefficient non nul de plus fort indice
est le degré de P + Q qui est bien inférieur ou égal à d. 

Proposition 4. Soit A est un anneau commutatif intègre (sans diviseur de zéro).


Soient P et Q deux polynômes de A[X]. Alors :

deg(P Q) = deg P + deg Q.

Remarque : Pour un anneau non intègre, on a encore une inégalité, mais cela ne semble
pas indispensable à mémoriser (d’autant que la preuve en est très facile).
Démonstration : Essentiellement déjà faite.
Si P ou Q est nul, c’est évident ; sinon notons d le degré de P et e le degré de Q
puis P = ad X d + · · · + a0 et Q = be X e + · · · + b0 pour des ai et bi dans A. On a alors

P Q = ad be X d+e + (ad be−1 + ad−1 be )X d+e−1 + · · · + a0 b0 .

Si on n’est pas convaincu par les points de suspension, on écrira plus précisément :
d+e k
!
X X
PQ = ai bk−i X k ,
k=0 i=0

en ayant préalablement convenu que ai = 0 pour i > d et bi = 0 pour i > e.


Comme l’anneau a été supposé intègre, le produit ad be n’est pas nul, donc le degré
de P Q est exactement égal à d + e. 

Définition 5. Pour un polynôme P = ad X d + ad−1 X d−1 + · · · + a1 X + a0 non nul dans


A[X], le polynôme dérivé de P est le polynôme :

dad X d−1 + (d − 1)ad−1 X d−2 + · · · + a1 .

Si P = 0, le polynôme dérivé de P est le polynôme nul.

Notation 4. Le polynôme dérivé de P est noté P 0 . Par analogie avec les fonctions, on
notera ensuite P 00 la dérivée de P 0 , puis P (n) la dérivée n-ième.

Proposition 5. Soient P et Q deux polynômes de A[X]. Alors :

(P + Q)0 = P 0 + Q0 et (P Q)0 = P 0 Q + P Q0 .

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Démonstration : Simple vérification évidente pour l’addition et ennuyeuse pour la


multiplication. 

Définition 6. Soit

P = ad X d + ad−1 X d−1 + · · · + a1 X + a0

un polynôme de A[X] et x un élément de A. La valeur de P en x, notée P (x), est


l’élément de A égal à
ad xd + ad−1 xd−1 + · · · + a1 x + a0

Proposition 6. Soient P et Q deux polynômes de A[X] et x un élément de A. Alors

(P + Q)(x) = P (x) + Q(x) et (P Q)(x) = P (x)Q(x)

Démonstration : Simple vérification ; on pourrait aussi énoncer 1(x) = 1 qui est évident
et complète la collection d’évidences. 
La notation P (x) n’a pas que des avantages : elle incite hélas à confondre le po-
lynôme P avec la fonction qu’il n’est pas. Bien que la notation soit la même, cette
définition ne se confond pas avec celle de valeur d’une application en un point.
La définition qui suit cherche à reproduire la notion de composition des fonctions
(encore une fois, insistons sur le fait que les polynômes ne sont pas des fonctions).
Elle est utilisée une seule fois plus loin, pour écrire la formule de Taylor relative aux
polynômes.

Définition 7. Soient P et Q deux polynômes de A[X], avec P = ad X d + ad−1 X d−1 +


· · · + a1 X + a0 . On appelle composé de P par Q le polynôme

ad Qd + ad−1 Qd−1 + · · · + a1 Q + a0

Notation 5. Ce composé est noté, selon le contexte P ◦ Q ou P (Q). Typiquement,


pour Q = X n , la notation P (X n ) s’impose et est d’ailleurs d’interprétation évidente.

Nous terminons cette section par quelques remarques d’algèbre linéaire, valables
uniquement dans le cas où l’anneau commutatif des coefficients est un corps K. Tout
d’abord, K[X] est un espace vectoriel sur K. Le plus simple est encore de vérifier à la
main la définition des espaces vectoriels, ce que l’on va se garder de faire explicitement
ici d’autant que la démonstration sera faite dans le chapitre Espaces vectoriels.
En fait, la définition de l’anneau des polynômes devrait évoquer le concept de base,
avec son existence et unicité d’écriture comme une sorte de combinaison linéaire. La
seule différence avec les vraies combinaisons linéaires est qu’on va chercher les vecteurs
de « base » dans une famille infinie.

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Proposition 7. Soit K un corps commutatif. La suite (X i )i∈N est une « base » de


K[X] au sens suivant. Pour tout élément P de K[X], il existe une suite unique (an )n≥0
d’éléments de K, à support fini, telle que
X
P = an X n ,
n∈N

au sens où, si N est tel que an = 0 pour tout n > N , on a


N
X
P = an X n .
n=0

La démonstration étant quasiment tautologique, on l’omettra, se bornant à remar-


quer que seule la deuxième somme, comportant un nombre fini de termes, est bien
définie.
Quoi qu’il en soit, K[X] est votre premier exemple raisonnablement simple d’espace
vectoriel ayant une base infinie. Toutefois, on est toujours plus à l’aise dans les espaces
de dimension finie. Il est donc intéressant d’introduire la
Notation 6. Soit K un corps commutatif et n ≥ 0 un entier. On note Kn [X] l’ensemble
des polynômes sur K de degré inférieur ou égal à n.
Proposition 8. Pour tout entier n ≥ 0, Kn [X] est un sous-espace vectoriel de K[X].
Une base de Kn [X] est (1, X, . . . , X n ). La dimension de Kn [X] est n + 1.

Démonstration : On remarque que Kn [X] est l’ensemble engendré par (1, X, . . . , X n ) :


c’est donc un sous-espace vectoriel. De plus cette famille génératrice est libre (soit par
une vérification directe, soit d’après l’unicité de la décomposition de la proposition 7),
c’est donc une base de Kn [X]. 
Définition 8. La base (X i )i∈N de K[X] est appelée sa base canonique.
La base (1, X, . . . , X n ) de Kn [X] est aussi appelée sa base canonique.
Remarque : Le lecteur pourra avoir l’impression qu’on passe son temps à définir de
partout des « bases canoniques » : on en a vu pour Kn , puis pour les espaces de
matrices, et maintenant pour les polynômes. C’est fini pourtant. Insistons bien sur le
fait qu’un espace « abstrait » n’a pas de base canonique : le mot est réservé à certaines
bases, remarquables par leur simplicité, d’espaces très particuliers.
Le lemme qui suit servira pour prouver la formule de Taylor et est une redite du
chapitre Espaces vectoriels. Un énoncé séparé n’était donc peut-être pas nécessaire
mais, même si ce n’est pas indispensable, cela ne peut faire de mal de le connaître ; le
plus important étant de comprendre et savoir refaire sa brève démonstration.
Lemme 1. Soit K un corps commutatif et (P0 , P1 , . . . , Pn ) une famille de polynômes
de K[X] tels que 0 ≤ deg P0 < deg P1 < · · · < deg Pn . Alors (P0 , P1 , . . . , Pn ) est une
famille libre.

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Démonstration : La famille (P0 ) est libre, car il résulte de l’hypothèse 0 ≤ deg P0 que
P0 n’est pas nul. Puis le système (P0 , P1 ) est libre puisque P1 , de degré strictement
plus grand que P0 , ne peut lui être proportionnel. Puis (P0 , P1 , P2 ) est libre, puisque
toute combinaison linéaire de (P0 , P1 ) est de degré inférieur ou égal à deg P1 donc P2
ne peut en être une. Et ainsi de suite (ou plus proprement on fait une récurrence sur
n). 

1.2 Arithmétique des polynômes


Il s’agit de répéter pour les polynômes des résultats similaires à ceux qui ont été
énoncés pour les entiers.
Premier point à observer : l’arithmétique sur les polynômes est tout à fait analogue à
celle sur les entiers à condition de travailler sur des polynômes sur un corps commutatif.
Sur un anneau commutatif quelconque (même intègre) se glissent quelques bizarreries.
Second point à observer : les énoncés donnés sur les entiers l’ont été sur des en-
tiers positifs. Ils se modifient sans trop de mal pour des entiers de Z mais parfois en
s’alourdissant un peu ; ainsi dans Z on ne peut plus affirmer l’existence d’un entier d
unique tel que n divise 10 et 6 si et seulement si n divise d (le pgcd de 10 et 6) : il en
existe toujours un, mais il n’est plus unique, on peut prendre d = 2 mais aussi d = −2.
Les polynômes unitaires joueront un rôle analogue aux entiers positifs mais ils sont
légèrement moins confortables, dans la mesure où la somme de deux entiers positifs
est positive alors que la somme de deux polynômes unitaires n’est pas nécessairement
unitaire. Attention à ces petits détails donc, en apprenant les énoncés.
Commençons par donner une définition, à partir de laquelle on ne montrera guère
de théorèmes que dans K[X] mais que ça ne coûte pas plus cher de donner sur un
anneau commutatif quelconque.
Définition 9. Soit A un anneau commutatif. On dit qu’un polynôme P dans A[X]
est un multiple d’un polynôme S dans A[X], ou, de manière équivalente, que S est un
diviseur de P , lorsqu’il existe un polynôme T dans A[X] tel que P = ST .
Comme pour les entiers, tout repose sur la division euclidienne.
Théorème 1. Soit K un corps commutatif, A un polynôme de K[X] et B un polynôme
non nul de K[X]. Il existe un couple (Q, R) unique de polynômes vérifiant la double
condition :
A = QB + R et deg R < deg B.

Démonstration : On prouvera successivement l’existence et l’unicité de (Q, R).


Existence de (Q, R)
La preuve est significativement différente de celle utilisée pour les entiers. Elle est
toujours basée sur une maximisation/minimisation, mais les polynômes n’étant pas
totalement ordonnés, cette maximisation est un peu plus technique.

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Dans le cas stupide où B divise A, prenons R = 0 et Q tel que A = BQ. Sinon,


considérons l’ensemble
R = {A − QB | Q ∈ K[X]},
qui est donc un ensemble non vide de polynômes non nuls ; puis l’ensemble

E = {deg R | R ∈ R},

qui est un ensemble d’entiers positifs non vide. Cet ensemble E possède donc un plus
petit élément d ; prenons un R dans R dont le degré soit d et enfin un Q tel que
A − QB = R.
Nous devons vérifier que ces choix conviennent ; l’identité entre A, B, Q et R est
claire, reste l’inégalité concernant les degrés. Vérifions-la par l’absurde, en supposant
que deg B ≤ deg R ; notons e le degré de B et

B = be X e + be−1 X e−1 + · · · + b0 , R = rd X d + rd−1 X d−1 + · · · + r0 .

Posons
rd d−e
Q1 = Q + X .
be
Remarquons qu’en écrivant cette définition, on utilise l’hypothèse deg B ≤ deg R, qui
justifie que X d−e ait un sens, et simultanément le fait qu’on travaille dans un corps,
qui justifie la possibilité de diviser par be .
Considérons alors
 
rd d−e
R1 = A − Q1 B = A − QB − X B,
be
donc  
e e−1
 rd d−e
R1 = R − be X + be−1 X + · · · + b0 X .
be
Dans cette dernière écriture, on voit se simplifier les termes en X d de R et du produit
qu’on lui a soustrait, et on constate donc avoir obtenu un polynôme R1 de degré
strictement plus petit que celui de R. Mais alors le degré de R1 est dans E et contredit
l’hypothèse de minimisation qui a fait choisir d. Contradiction !
Unicité de (Q, R)
Soient (Q1 , R1 ) et (Q2 , R2 ) deux couples vérifiant les deux conditions exigées dans
l’énoncé du théorème.
On déduit de A = Q1 B +R1 = Q2 B +R2 que (Q2 −Q1 )B = R1 −R2 . Ainsi, R1 −R2
est un multiple de B. Des conditions deg R1 < deg B et deg R2 < deg B, on déduit que
deg(R1 − R2 ) < deg B.
Ainsi R1 − R2 est un multiple de B de degré strictement plus petit. La seule possi-
bilité est que R1 − R2 soit nul. On en déduit R1 = R2 , puis, en allant reprendre l’égalité
(Q2 − Q1 )B = R1 − R2 , que Q1 = Q2 . 

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Remarque : On a choisi d’énoncer ce théorème sur un corps commutatif pour faciliter sa


mémorisation et parce que l’on n’aura presque jamais besoin d’un énoncé plus général.
On aura toutefois besoin une fois de l’utiliser pour des polynômes sur un anneau ;
remarquons donc que la démonstration montre que le résultat reste vrai sur un anneau
commutatif quelconque à condition de supposer non seulement que B est non nul, mais
même que son coefficient dominant est inversible : le seul endroit où on a utilisé qu’on
s’était placé dans un corps commutatif a en effet été une division par ce coefficient
dominant.
Exemple 2. Concrètement, on disposera les divisions euclidiennes de polynômes com-
me les divisions de nombres entiers. Par exemple, pour diviser P = X 2 + X + 1 par
Q = X − 1, on écrit :
X2 + X + 1 X −1
2
X −X X +2
2X + 1
2X − 2
−1
Ce qui fournit la division euclidienne :

P = (X + 2)Q − 1.

Nous définissons ensuite le pgcd. On ne donnera pas ici d’énoncés concernant le


ppcm, non qu’il n’y en ait pas (ce sont là aussi les mêmes qu’en arithmétique des
entiers) mais parce qu’ils ne semblent pas très importants. Les étudiants curieux les
reconstitueront eux-mêmes.
Théorème 2. Soit K un corps commutatif. Soient A et B deux polynômes de K[X]. Il
existe un unique polynôme unitaire D de K[X] tel que pour tout polynôme P de K[X],
P divise A et B si et seulement si P divise D.
De plus il existe deux polynômes S et T de K[X] tels que D = SA + T B (identité
de Bézout).
Et tant qu’on y est avant de passer aux démonstrations :
Définition 10. Le plus grand commun diviseur de deux polynômes A et B est le
polynôme unitaire D apparaissant dans l’énoncé du théorème précédent.
Notation 7. Le plus grand commun diviseur de A et B sera noté pgcd(A, B).

Comme pour les entiers, plusieurs démonstrations sont possibles ; on ne donne que
celle basée sur l’algorithme d’Euclide.
Démonstration : La démonstration est une récurrence sur le degré de B.
Merveilles du copier-coller, voici de nouveau un « résumé de la preuve » sous forme
de programme informatique récursif (le même que pour l’arithmétique des entiers) :

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Début du programme
* Pour B = 0, pgcd(A, 0) = A/coefficient dominant de A.
* Soit R le reste de la division euclidienne de A par B.
Les diviseurs communs de A et B sont ceux de B et R.
D’où : pgcd(A, B) = pgcd(B, R).
Fin du programme
Et voici, toujours par les vertus du copier-coller, la preuve récurrente formelle. On
va démontrer par « récurrence forte » sur le degré d de B l’hypothèse (Hd ) suivante :
(Hd ) Pour tout polynôme A et tout polynôme B de degré d, il existe deux
polynômes S et T tels que, pour tout polynôme P , P divise A et B si et
seulement si P divise SA + T B.

Vérifions (H−∞ ).
Il s’agit donc de traiter le cas où B = 0. Soit A un polynôme ; tout polynôme P
qui divise A divise aussi B = 0 puisque 0P = 0. Pour tout P , P divise A et 0 si et
seulement si P divise A. Prenons alors S = 1 et T = 0 : on a donc bien pour tout P :
P divise A et 0 si et seulement si P divise SA + T × 0.
Soit d un entier fixé. Supposons la propriété (Hc ) vraie pour tout c strictement
inférieur à d et montrons (Hd ).
Soient A un polynôme et B un polynôme de degré d. Notons A = BQ+R la division
euclidienne de A par B (qu’on peut réaliser puisque B 6= 0).
Vérifions l’affirmation intermédiaire suivante : pour tout P , P est un diviseur com-
mun de A et B si et seulement si P est un diviseur commun de B et R. (Avec des mots
peut-être plus lisibles : « les diviseurs communs de A et B sont les mêmes que ceux de
B et R »).
Soit P un diviseur commun de A et B, alors P divise aussi R = A − BQ ; récipro-
quement soit P un diviseur commun de B et R, alors P divise aussi A = BQ + R.
L’affirmation intermédiaire est donc démontrée.
On peut alors appliquer l’hypothèse de récurrence (Hdeg R ) (puisque précisément
deg R < deg B) en l’appliquant au polynôme B.
On en déduit qu’il existe deux polynômes S1 et T1 tels que pour tout P , P divise
B et R si et seulement si P divise S1 B + T1 R.
Remarquons enfin que S1 B + T1 R = S1 B + T1 (A − BQ) = TA A + (S1 − Q)B, et
qu’ainsi, si on pose S = TA et T = S1 − Q on a bien prouvé que, pour tout P , P divise
Q et B si et seulement si P divise SA + T B.
(Hd ) est donc démontrée.
On a donc bien prouvé (Hd ) pour tout d ∈ N ∪ {−∞}.
Une fois qu’on en est arrivé là, il ne reste donc plus qu’à montrer que pour un
polynôme P (le polynôme SA + T B) il existe un unique D unitaire tel que Q divise P
si et seulement si Q divise D. L’existence est claire : comme le résumé le suggère, on

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divise P par son coefficient dominant et on obtient un polynôme D unitaire ayant les
mêmes diviseurs que P . Pour ce qui est de l’unicité, elle est évidente pour P nul ; on
supposera P non nul. Soit maintenant D1 un polynôme unitaire ayant exactement les
mêmes diviseurs que P . Alors comme P divise P , P divise D1 , et comme D1 divise D1 ,
D1 divise P . Les polynômes P et D1 se divisent donc mutuellement ; soit Q1 et Q2 les
quotients respectifs de P par D1 et de D1 par P . En utilisant la formule calculant le
degré d’un produit, on voit que forcément, P a même degré que D1 et que les polynômes
Q1 et Q2 sont de degré nul, donc des constantes λ1 et λ2 . Soit ad le coefficient dominant
de P ; le coefficient dominant de Q1 D1 = P vaut λ1 · 1 donc λ1 = ad et D1 est égal à
P/(coefficient dominant de P ), donc à D, ce qui prouve l’unicité. 
Nous allons ensuite définir le pgcd d’un nombre fini de polynômes. En arithmé-
tique des entiers, cette notion n’est pas primordiale ; en revanche dans les applications
des raisonnements arithmétiques à des polynômes, on est souvent dans des cas où on
s’intéresse à des pgcds de plus de deux polynômes à la fois.
L’énoncé donné ci-dessus pour deux polynômes se généralise à un nombre fini, par
récurrence sur ce nombre.
Proposition 9. Soit K un corps commutatif, n ≥ 1 un entier et A1 , A2 , . . . , An des
polynômes de K[X]. Il existe un unique polynôme unitaire D de K[X] tel que pour tout
P dans K[X], P divise tous les Ai de i = 1 à i = n si et seulement si P divise D.
De plus il existe n polynômes S1 , . . . , Sn tels que

D = S 1 A 1 + S 2 A2 + · · · + S n An

(identité de Bézout).

Démonstration : C’est une récurrence facile sur n. Le cas n = 2 est l’objet du théorème
précédent (et le cas n = 1 a été traité dans sa démonstration, ou on peut le ramener
fictivement à n = 2 en disant que les diviseurs de A1 sont les diviseurs communs de A1
et de 0).
Soit n ≥ 2 fixé, supposons la proposition vraie pour tout ensemble de n polynômes.
Prenons n + 1 polynômes A1 , A2 , . . . , An+1 . Notons B le pgcd des n premiers, qui existe
par l’hypothèse de récurrence. Alors les diviseurs communs de A1 , A2 , . . ., An+1 sont
les diviseurs communs de B et de An+1 ; donc prendre D = pgcd(B, An+1 ) répond à
la question. L’unicité est claire : si D1 répondait aussi à la question, les diviseurs de
D1 seraient exactement les mêmes que ceux de D avec D et D1 tous deux unitaires, et
comme dans la preuve du théorème précédent (ou en appliquant le théorème précédent
à D et 0), on conclut que D = D1 . La relation de Bézout est aussi le résultat d’une
récurrence immédiate : il existe S1 , S2 , . . . , Sn tels que B = S1 A1 + S2 A2 + · · · + Sn An
et T1 et T2 tels que D = T1 B + T2 An+1 donc

D = (T1 S1 )A1 + (T1 S2 )A2 + · · · + (T1 Sn )An + T2 An+1 .

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Définition 11. Soit K un corps commutatif et n ≥ 1 un entier. On dira que n po-


lynômes de K[X] sont premiers entre eux lorsque leurs seuls diviseurs communs sont
constants (en d’autres termes, quand leur pgcd est 1).

On prendra garde à ne pas confondre « premiers entre eux » (on dit parfois « pre-
miers entre eux dans leur ensemble ») et « deux à deux premiers entre eux » : dans
R[X], les polynômes

(X − 1)(X − 2) , (X − 1)(X − 3) , (X − 2)(X − 3)

sont premiers entre eux (dans leur ensemble) mais ils ne sont pas deux à deux premiers
entre eux.
Les polynômes irréductibles sont les analogues des nombres premiers. Toutefois les
usages étant ce qu’ils sont, il y a une petite nuance de vocabulaire un peu désagréable :
alors que le mot « nombre premier » est réservé à des entiers positifs, le mot « polynôme
irréductible » n’est pas réservé à des polynômes unitaires. On se méfiera de cette peu
perceptible nuance qui crée de légères discordances entre énoncés analogues portant les
uns sur les polynômes et les autres sur les entiers.

Définition 12. Soit K un corps commutatif. On dira qu’un polynôme P dans K[X]
est irréductible lorsqu’il possède exactement deux diviseurs unitaires.

On remarquera tout de suite que ces deux diviseurs unitaires sont alors forcément
les polynômes 1 et P/(coefficient dominant de P ).
La proposition suivante est évidente, mais donne un exemple fondamental de poly-
nômes irréductibles :

Proposition 10. Soit K un corps commutatif. Dans K[X], les polynômes du premier
degré sont irréductibles.

Démonstration : Soit P = aX +b avec a 6= 0 un polynôme du premier degré dans K[X].


Cherchons ses diviseurs unitaires. Un diviseur de P doit avoir un degré inférieur ou
égal à celui de P . Le seul diviseur unitaire constant de P est le seul polynôme constant
unitaire : la constante 1. Cherchons les diviseurs unitaires de la forme X + c de P .
Si X + c divise P , il existe un polynôme Q tel que P = (X + c)Q et en comparant
les degrés, Q est nécessairement constant. En comparant les coefficients dominants,
b
nécessairement Q = a donc c = . Ainsi P possède exactement un diviseur unitaire
a
b
du premier degré, le polynôme X + . Le polynôme P est donc irréductible. 
a
Sur un corps quelconque, déterminer quels polynômes sont irréductibles et lesquels
ne le sont pas est un problème très sérieux ; dans quelques pages, nous verrons que ce
problème a une solution simple dans les cas particuliers des polynômes à coefficients
complexes ou réels.

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Le résultat fondamental est, comme en arithmétique entière, l’existence et unicité


de la décomposition en facteurs irréductibles. Elle repose là encore sur le « lemme de
Gauss ». On ne réécrit pas les démonstrations pour deux raisons totalement contra-
dictoires : d’abord parce que ce sont exactement les mêmes, et ensuite parce que ce
ne sont pas exactement les mêmes –une petite difficulté se pose pour énoncer l’unicité
de la décomposition en facteurs irréductibles d’un polynôme. Pour des entiers, on a
convenu de classer les facteurs dans l’ordre croissant : ainsi 6 se décompose en 2 · 3
et non en 3 · 2. Une telle convention ne peut être appliquée pour décomposer des po-
lynômes, aucun ordre « raisonnable » n’étant à notre disposition sur l’ensemble des
polynômes irréductibles ; ainsi dans C[X] peut-on écrire selon la fantaisie du moment
X 2 + 1 = (X − i)(X + i) ou X 2 + 1 = (X + i)(X − i). Quand on énonce ci-dessous que la
décomposition est « unique » on sous-entend donc qu’on considère les deux exemples
qui précèdent comme la même décomposition, ce qui peut s’énoncer rigoureusement
mais lourdement. Voulant glisser sur ce détail, on se condamne à rester un peu vaseux.
Voici donc le lemme de Gauss.

Lemme 2. Soit K un corps commutatif. Soient A, B et C trois polynômes de K[X].


Si A divise BC et est premier avec C, alors A divise B.

Démonstration : La même que pour les entiers, avec des majuscules. 


Et voici le théorème de décomposition en facteurs irréductibles.

Théorème 3 (Énoncé moyennement précis). Soit K un corps commutatif.


Tout polynôme P non nul de K[X] peut s’écrire de façon « unique » en produit :

P = λP1α1 P2α2 · · · Pkαk ,

dans lequel λ est le coefficient dominant de P , les Pi pour 1 ≤ i ≤ k sont des poly-
nômes irréductibles unitaires deux à deux distincts, et les αi sont des entiers strictement
positifs.

Démonstration : À peu près la même que pour les entiers, avec un peu plus de soin
pour l’unicité. 

1.3 Racines des polynômes


Définition 13. Soit A un anneau commutatif, P un polynôme de A[X] et a un élément
de A. On dit que a est une racine (ou un zéro) de P lorsque P (a) = 0.

Le résultat qui suit est fondamental, bien que très facile.

Proposition 11. Soit A un anneau commmutatif, P un polynôme de A[X] et a un


élément de A. L’élément a est une racine de P si et seulement si X − a divise P .

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Démonstration : Supposons que X −a divise P , soit P = (X −a)Q. On obtient aussitôt


P (a) = (a − a)Q(a) = 0.
Réciproquement, supposons que P (a) = 0. La remarque qui suit l’énoncé du théo-
rème de division euclidienne montre que, même dans un anneau quelconque, on peut
faire la division euclidienne de P par X − a ; écrivons donc P = Q(X − a) + R, où le
degré de R est strictement inférieur à 1 = deg(X − a) donc R est une constante c.
En appliquant cette relation à a, on obtient 0 = P (a) = c. Ainsi, P = (X − a)Q et
donc X − a divise P . 

Corollaire 1. Soit A un anneau commutatif intègre. Un polynôme non nul de degré n


possède au plus n racines.

Démonstration : Par récurrence sur n. Pour n = 0, un polynôme constant non nul


possède évidemment zéro racine.
Soit n fixé, supposons le résultat vrai pour les polynômes de degré n ; soit main-
tenant P un polynôme de degré n + 1. Si P n’a aucune racine, le résultat est vrai
pour P ; sinon soit a une racine de P ; par la proposition précédente on peut écrire
P = (X − a)Q pour un polynôme Q, qui est clairement de degré n. Maintenant, si b
est une racine de P , alors 0 = P (b) = (b − a)Q(b) donc b = a ou b est une racine de Q
(c’est ici qu’on utilise l’hypothèse d’intégrité) ; or Q a au plus n racines, donc P en a
au plus n + 1. 
On va ensuite définir un concept de « racine multiple ».

Définition 14. Soit A un anneau commutatif, P un polynôme de A[X] et a un élément


de A. On dit que a est racine au moins k-ième de P lorsque (X − a)k divise P et que
a est racine k-ième lorsque a est racine au moins k-ième sans être racine au moins
k + 1-ième. Dans ce dernier cas, on dit que k est la multiplicité (ou l’ordre) de a
comme racine de P .

La dérivation des polynômes est un outil qui permet d’étudier les racines multiples.
Voilà tout d’abord un énoncé concernant les racines doubles (l’énoncé concernant les
racines d’ordre supérieur cache une petite subtilité et est reporté plus loin).

Proposition 12. Soit A un anneau commutatif, P un polynôme de A[X] et a un


élément de A. L’élément a est racine au moins double de P si et seulement s’il est
simultanément racine de P et de son dérivé P 0 .

Démonstration : Supposons a racine au moins double de P et posons P = (X − a)2 Q,


alors P 0 = 2(X − a)Q + (X − a)2 Q0 et il est clair que a est également racine de P 0 .
Réciproquement, supposons a racine de P et de P 0 . Comme a est racine de P , on
peut écrire P = (X − a)Q1 , donc P 0 = (X − a)Q01 + Q1 . En appliquant cette identité
à a, on obtient Q1 (a) = 0. Donc Q1 admet lui-même X − a en facteur et peut s’écrire
Q1 = (X − a)Q pour un polynôme Q. Donc P = (X − a)2 Q. 

16
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1.4 Polynômes versus fonctions polynomiales


Nous avons commencé en insistant sur la différence entre polynômes et fonctions
polynomiales ; il est temps de voir le rapport entre ces deux concepts.

Définition 15. Soit A un anneau commutatif. Une application f : A → A est polyno-


miale lorsqu’il existe un entier n ≥ 0 et un (n + 1)-uplet (a0 , . . . , an ) d’éléments de A
tel que pour tout x ∈ A, f (x) = a0 + a1 x + · · · + an xn .

On peut associer à chaque polynôme une fonction polynomiale, mais il n’est pas du
tout évident d’associer un polynôme à une fonction polynomiale.

Définition 16. Soit A un anneau commutatif et P un polynôme de A[X]. La fonction


polynomiale associée à P est l’application f : A → A définie de la façon suivante :
si P s’écrit a0 + a1 X + · · · + an X n , f est l’application définie par :

f : A → A, x 7→ f (x) = a0 + a1 x + · · · + an xn .

Les morceaux « évidents » de la proposition suivante resteraient vrais sur des


anneaux, mais on l’énonce sur des corps pour pouvoir prononcer des termes d’algèbre
linéaire.

Proposition 13. Soit K un corps commutatif et soit U : K[X] → KK l’application


définie par : U (P ) est la fonction polynomiale associée à P .
Alors U est une application linéaire. De plus, U (P Q) = U (P )U (Q) pour tous P et
Q et U (1) = 1, où le deuxième 1 désigne la fonction constante prenant la valeur 1.
L’image de U est le sous-espace vectoriel de KK formé des fonctions polynomiales.
Si K est infini, l’application U est injective, donc induit une bijection entre l’espace
des polynômes et celui des fonctions polynomiales.

Démonstration : Les deux premiers paragraphes sont totalement évidents : il faut juste
déplier successivement la définition de U , celle de fonction polynomiale associée à un
polynôme et celle de valeur d’un polynôme en un point.
Le paragraphe intéressant est le dernier. Puisqu’il s’agit d’une application linéaire,
on peut attaquer l’injectivité par l’étude du noyau. Soit P un élément de ker(U ). Cela
signifie que l’application polynomiale associée à P est la fonction nulle, c’est-à-dire
que pour tout a de A, P (a) = 0. Ainsi tous les éléments de K sont des racines de P .
Comme on a supposé K infini, ceci entraîne que P a une infinité de racines. Mais on
sait qu’un polynôme non nul n’a qu’un nombre fini de racines (leur nombre vaut au
plus son degré). Donc P = 0 ce qui prouve que ker(U ) est réduit à {0} donc l’injectivité
de U . 
Remarque : Ce que dit en gros cette proposition, pour ceux qui la trouveraient trop
abstraite, c’est que si on ne comprend pas la différence entre les polynômes et les
fonctions polynomiales et qu’on travaille sur un corps infini, on ne s’expose pas à des

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déboires sérieux. Mais cette possibilité de relâchement ne doit pas être exploitée :
une telle confusion sur un corps fini serait irrémédiable. Pour voir un exemple simple,
contemplez le bête polynôme X + X 2 de Z/2Z[X] ; si on le code en machine comme
indiqué au début de ce chapitre, c’est la suite de bits 011, qui n’est manifestement pas
0. Pourtant si on regarde non le polynôme mais la fonction polynomiale x 7→ x + x2 ,
sa valeur en cl(0) est cl(0) + cl(0)2 = cl(0) et sa valeur en cl(1) est cl(1) + cl(1)2 = cl(0)
donc c’est bien la fonction polynomiale nulle. Ce n’est donc pas du tout de celle-ci que
l’on parle quand on évoque le polynôme X + X 2 .
Pour vérifier qu’on a compris cet exemple, on résoudra les exercices (très simples)
suivants.

Exercice 1. Énumérer toutes les applications de Z/2Z dans Z/2Z.

Exercice 2. Soit K un corps fini. Exhiber un polynôme P non nul de K[X] tel que
P (x) = 0 pour tout x dans K.

1.5 Formule de Taylor pour les polynômes


Alors que pour des fonctions d’une variable réelle en général, la formule de Taylor
ne peut tomber juste puisqu’elle consiste à approcher la fonction par une fonction po-
lynomiale et que la fonction quelconque n’est précisément en général pas polynomiale,
pour des polynômes, la formule analogue ne contient pas de reste.
Une petite subtilité apparaît dans les divisions par des factorielles qui enjolivent la
formule. En effet dans un anneau commutatif quelconque, mais même dans un corps
commutatif, on ne peut pas toujours diviser par une factorielle : dans le corps Z/3Z,
la factorielle 3! qui vaut 6 vaut tout simplement 0 puisque 6 est divisible par 3. C’est
pourquoi ce théorème nécessite une restriction technique : j’ai choisi de l’énoncer pour
des polynômes à coefficients complexes. Les lecteurs qui souhaiteraient utiliser ce cours
comme référence (soyons fous) et le relire dans quelques années (idem) noteront que
la « bonne » hypothèse est plutôt d’être en caractéristique nulle (quand ils sauront ce
que signifie cette hypothèse, ce qui n’est pas encore notre cas).

Théorème 4. Soit P un polynôme de C[X] de degré inférieur ou égal à n, et soit a


un élément de C. Alors :

P 00 (a) P (n) (a)


P = P (a) + P 0 (a)(X − a) + (X − a)2 + · · · + (X − a)n .
2! n!

Démonstration : On va travailler dans l’espace vectoriel Cn [X] et considérer dans cet


espace le système (1, X − a, (X − a)2 , . . . , (X − a)n ). Ces polynômes sont de degrés
successifs 0 < 1 < · · · < n donc on peut appliquer le lemme mis là tout exprès dans
les observations d’algèbre linéaire et conclure que c’est un système libre dans Cn [X].

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Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

Voilà une famille de n + 1 vecteurs dans un espace de dimension n + 1, c’en est donc
une base, et en particulier un système générateur.
Il existe donc des coefficients c0 , c1 , . . . , cn tels que
(∗) P = c0 + c1 (X − a) + c2 (X − a)2 + · · · + cn (X − a)n .
Il reste à identifier les coefficients ck . Pour cela, appliquons tout d’abord (∗) au point
a : on obtient P (a) = c0 .
Ensuite, dérivons (∗) ; on obtient :
(∗∗) P 0 = c1 + 2c2 (X − a) + 3c3 (X − a)2 · · · + ncn (X − a)n−1 .
Appliquons (∗∗) au point a : on obtient P 0 (a) = c1 .
Dérivons (∗∗) ; on obtient :
(∗ ∗ ∗) P 00 = c2 + 6c3 (X − a) + (4 × 3)c3 (X − a)2 · · · + n(n − 1)cn (X − a)n−2 .
Appliquons (∗ ∗ ∗) au point a : on obtient P 00 (a) = 2c2 .
En écrivant formellement une récurrence on montre ainsi que pour tout k avec
1 ≤ k ≤ n, P (k) (a) = k! ck .
P (k) (a)
Comme on est dans C, on peut diviser par k! et obtenir les relations ck =
k!
donc la formule annoncée. 
Remarque : On a énoncé ce théorème pour des polynômes à coefficients complexes.
Mais si on a par exemple affaire à un polynôme réel, c’est en particulier un polynôme
complexe et la formule est donc parfaitement vraie pour ce polynôme aussi.
De cette formule, on peut tirer un énoncé un peu technique sur les racines multiples.
Proposition 14. Soit P un polynôme de C[X], a un nombre complexe et k un entier
supérieur ou égal à 1. Alors a est une racine au moins k + 1-ième de P si et seulement
si P (a) = P 0 (a) = . . . = P (k) (a) = 0.

Démonstration : Si P est nul, c’est évident, sinon notons n le degré de P et λ son


coefficient dominant.
Considérons les indices i ≥ 0 tels que P (i) (a) 6= 0, en convenant que P (0) = P . Il
existe de tels indices, car le polynôme P (n) est égal à la constante n!λ, donc n’est pas
nul en a. Cet ensemble non vide d’entiers positifs a donc un plus petit élément m, qui
vérifie 0 ≤ m ≤ n. Écrivons la formule de Taylor en mettant en relief cet entier m :
P (m) (a) P (m+1) (a) P (n) (a)
P = (X − a)m + (X − a)m+1 + · · · + (X − a)n .
m! (m + 1)! n!
On constate qu’on peut mettre (X − a)m en facteur, mais que le facteur obtenu, qui
est le polynôme
P (m) (a) P (m+1) (a) P (n) (a)
Q= + (X − a) + · · · + (X − a)n−m ,
m! (m + 1)! n!

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ne s’annule pas en a : la multiplicité de a comme racine de P est donc exactement m.


Dès lors, a est racine au moins k + 1-ième de P si et seulement si k < m, et par
définition de m ceci arrive bien si et seulement si P (a) = P 0 (a) = . . . = P (k) (a) = 0. 

1.6 Polynômes sur C versus polynômes sur R


Toute cette section repose sur un théorème qu’il n’est pas possible de démontrer
dans un cours de notre niveau.
Théorème de d’Alembert-Gauss Tout polynôme de C[X] non constant admet au
moins une racine complexe.

Démonstration : Elle repose sur un peu d’analyse, mais d’analyse complexe, qui n’est
pas traitée avant l’année de L3. 

Par contre, en admettant le théorème de d’Alembert-Gauss, on peut caractériser


les polynômes irréductibles de C[X].

Corollaire 2. Dans C[X], les polynômes irréductibles sont exactement les polynômes
du premier degré.

Démonstration : On sait déjà que dans n’importe quel corps commutatif les polynômes
du premier degré sont irréductibles ; il est très facile de voir que les constantes (non
nulles) ne possèdent que 1 comme diviseur unitaire et que 0 en possède une infinité :
les constantes ne sont donc irréductibles sur aucun corps.
Soit maintenant un P de degré supérieur ou égal à 2 dans C[X]. Par le théorème
précédent, P possède au moins une racine a. Mais on sait alors expliciter trois diviseurs
unitaires de P : la constante 1, le polynôme du premier degré X − a et le polynôme P/
(coefficient dominant de P ), qui est de degré supérieur ou égal à deux. Ainsi P n’est
pas irréductible. 

Définition 17. On dit qu’un polynôme est scindé lorsqu’il peut s’écrire sous forme de
produit de facteurs du premier degré.

Corollaire 3. Dans C[X], tout polynôme non nul est scindé.

Démonstration : Sa décomposition en facteurs irréductibles est une décomposition en


produit de facteurs du premier degré. 
Dans R[X], les choses sont légèrement plus compliquées, mais pas tant que ça.

Proposition 15. Dans R[X] les polynômes irréductibles sont exactement les polynômes
du premier degré et les polynômes du deuxième degré à discriminant strictement négatif.

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Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

Avant de donner la preuve, rappelons que le discriminant du polynôme P = aX 2 +bX+c


vaut
disc(P ) = b2 − 4ac.

Démonstration : On sait déjà que les polynômes du premier degré sont irréductibles.
Soit maintenant P du deuxième degré ; s’il a un diviseur unitaire autre que les deux
évidents, celui-ci est du premier degré, donc P a une racine et son discriminant est
positif ou nul. Les polynômes du deuxième degré à discriminant strictement négatif
sont donc irréductibles.
Réciproquement, il est clair que les polynômes du deuxième degré à discriminant
positif ou nul sont factorisables, donc pas irréductibles. Soit enfin un polynôme P de
degré supérieur ou égal à 3. Si P admet une racine réelle a, P n’est pas irréductible de
façon quasi évidente. Sinon, considérons pendant quelques lignes P comme un poly-
nôme à coefficients complexes. Par le théorème de d’Alembert-Gauss, il admet au moins
une racine complexe a, qui n’est pas réelle puisqu’on a supposé P sans racine réelle. En
profitant de ce que le conjugué de la somme est la somme des conjugués, que le conjugué
du produit est le produit des conjugués et que chaque coefficient de P est invariant par
conjugaison, on voit qu’on a aussi P (a) = 0. Les polynômes X − a et X − a étant deux
irréductibles distincts dans C[X], le fait qu’ils divisent tous deux P entraîne que leur
produit divise P dans C[X]. Mais ce produit vaut (X −a)(X −a) = X 2 −2Re(a)X +|a|2
et est donc un polynôme B du deuxième degré à coefficients réels.
Si on est distrait, on pourra croire qu’on a ainsi trouvé en B un diviseur unitaire
non évident de P dans R[X] et conclure que P n’est pas irréductible. En réalité, on
glisserait sur un détail en affirmant ceci : on sait en effet que B divise P dans C[X]
mais il nous faut encore vérifier qu’il le divise dans R[X]. Pour ce faire, effectuons la
division euclidienne de P par B dans R[X] : elle fournit des polynômes Q et R, avec
deg R < 2, tels que P = BQ + R. Ces polynômes de R[X] peuvent aussi être vus
comme des polynômes à coefficients complexes, donc P = BQ + R est aussi la division
euclidienne de P par B dans C[X]. Mais on sait que B divise P dans C[X] et que la
division euclidienne est unique ; donc R = 0, donc P = BQ pour un Q à coefficients
réels, et on a bien montré que B divise P dans R[X] aussi.
Une fois cet obstacle franchi, on conclut comme dit au début du paragraphe précé-
dent : on a trouvé un diviseur unitaire non évident de P et celui-ci ne peut donc pas
être irréductible. 

1.7 Corps des fractions rationnelles


Le concept est très simple : les fractions rationnelles sont les expressions de la forme
P
où P et Q sont des polynômes. Une mise en forme totalement rigoureuse demande un
Q
effort un peu disproportionné par rapport au caractère intuitif de l’objet à construire.
La première idée qui peut venir à l’esprit est de tenter de modéliser la fraction

21
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P
par le couple (P, Q) qui contient à première vue la même information : ainsi la
Q
X
fraction correspondra au couple (X, X + 1). Une telle idée nous met sur la
X +1
bonne piste, mais elle se heurte à un problème : le couple (X 2 , X 2 + X) représentera
X2 X
la fraction 2 = ; la même fraction correspond donc à plusieurs couples,
X +X X +1
et l’ensemble de tous les couples (P, Q) est donc trop gros.
On pourrait penser à n’utiliser que des couples (P, Q) avec P et Q premiers entre
eux ; c’est vraisemblablement faisable, mais la preuve risque d’être extrêmement lourde,
avec des pgcd à simplifier de partout.
Non, décidément, on ne fera rien de simple si on n’a pas compris ce qu’est un
ensemble-quotient, alors que si on maîtrise cette notion, la preuve est longue à écrire,
mais sans obstacles.
Dans tout le chapitre, K désigne un corps commutatif. Notons A = K[X]. La
construction utilise simplement le fait que A est un anneau intègre, et nullement en
réalité que A est l’anneau des polynômes.
Définition 18. Soit A un anneau intègre, 0 son neutre pour l’addition, et C l’ensemble

C = A × (A \ {0}).

Sur C on introduit deux opérations + et × définies comme suit : pour tous (P1 , Q1 ) et
(P2 , Q2 ) de C, on pose

(P1 , Q1 ) × (P2 , Q2 ) = (P1 P2 , Q1 Q2 ) (P1 , Q1 ) + (P2 , Q2 ) = (P1 Q2 + P2 Q1 , Q1 Q2 ).

On notera qu’on utilise très discrètement l’intégrité de A pour justifier que le produit
Q1 Q2 qui intervient dans les formules n’est pas nul, donc que la somme et le produit
d’éléments de C appartiennent effectivement à C.
Signalons une fois encore que les deux formules de la définition précédente se com-
prennent aisément si on a en tête qu’un couple (P, Q) a vocation à décrire la fraction
P
(qui n’aura un sens propre qu’une fois la construction terminée) : elles sont les
Q
reproductions des formules qu’on sait bien utiliser pour multiplier ou additionner des
fractions.
L’ensemble C a une bonne tête vu de loin, mais de près il est trop gros. Pour le
faire maigrir, introduisons une relation d’équivalence R sur C.
Définition 19. Pour tous (P1 , Q1 ) et (P2 , Q2 ) de C,

(P1 , Q1 )R(P2 , Q2 ) lorsque P1 Q 2 = P2 Q 1 .

Si nous savions déjà donner un sens aux barres de fractions, nous aurions écrit la
P1 P2
condition sous la forme = , la rendant ainsi compréhensible, mais comme ce
Q1 Q2

22
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symbole ne nous sera disponible qu’une fois finie la construction, on a dû donner une
forme moins limpide.
Proposition 16. La relation R est une relation d’équivalence sur C.

Démonstration : En effet, P1 Q2 = P2 Q1 et P2 Q3 = P3 Q2 impliquent P1 Q3 = P3 Q1 ,


voyez-vous. (Indication : comme Q2 6= 0, on calcule P1 Q3 Q2 .) 
Notation 8. On note B l’ensemble-quotient C/R et cl(P, Q) la classe d’un élément
(P, Q) de C.
On va alors définir des opérations + et × sur B ; le principe est le même que
celui qui nous a permis de définir addition et multiplication sur Z/nZ : on définit
simplement ces opérations sur des représentants des classes d’équivalence, et on vérifie
méthodiquement que le résultat obtenu ne dépend pas de la classe utilisée.
Définition 20. Pour cl(P1 , Q1 ) et cl(P2 , Q2 ) éléments de B, on note
cl(P1 , Q1 ) + cl(P2 , Q2 ) = cl ((P1 , Q1 ) + (P2 , Q2 )) .
et
cl(P1 , Q1 ) × cl(P2 , Q2 ) = cl ((P1 , Q1 ) × (P2 , Q2 )) ,
Cette « définition » n’en sera une qu’une fois vérifiée la proposition suivante.
Proposition 17. Le résultat des opérations + et × définies sur C ne dépend pas des
représentants choisis.

Démonstration : On fait la vérification soigneusement pour l’addition, avec « renvoi


au lecteur » pour la multiplication.
Soit (P3 , Q3 ) un représentant quelconque de la classe de (P1 , Q1 ) et (P4 , Q4 ) un
représentant quelconque de la classe de (P2 , Q2 ). Il faut vérifier que
(P1 , Q1 ) + (P2 , Q2 ) = (P1 Q2 + P2 Q1 , Q1 Q2 )
et
(P3 , Q3 ) + (P4 , Q4 ) = (P3 Q4 + P4 Q3 , Q3 Q4 ),
sont bien dans la même classe.
Cela revient à comparer les produits P5 et P6 définis par :
P5 = (P1 Q2 + P2 Q1 )Q3 Q4 , P6 = (P3 Q4 + P4 Q3 )Q1 Q2 .
On dispose pour ce faire des égalités P1 Q3 = P3 Q1 et P2 Q4 = P4 Q2 , issues respecti-
vement des relations (P1 , Q1 )R(P3 , Q3 ) et (P2 , Q2 )R(P4 , Q4 ). La vérification est alors
directe :
P5 = P1 Q 3 Q 2 Q 4 + P2 Q 4 Q 1 Q 3 = P3 Q 1 Q 2 Q 4 + P4 Q 2 Q 1 Q 3 = P6 .


23
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Notation 9. Quand A = K[X], on note K(X) l’ensemble B = C/R ainsi construit.

On a donc bien construit un ensemble K(X) puis une addition et une multiplication
sur cet ensemble.

Théorème 5. L’ensemble K(X) muni des lois + et × est un corps commutatif.

Démonstration : La vérification de toutes les propriétés de la définition d’un corps


commutatif est simple, méthodique et lourde. On se bornera ici à justifier l’existence
de l’inverse.
Si une classe cl(P1 , Q1 ) n’est pas nulle, on remarque d’abord que P1 6= 0, puisque
cl(P1 , Q1 ) 6= cl(0, 1). La classe cl(Q1 , P1 ) existe donc ; ce sera l’inverse de cl(P1 , Q1 ) : en
effet le produit des deux est cl(Q1 P1 , P1 Q1 ) qui est égal à la classe de (1, 1) qui est le
neutre pour la multiplication. 

Proposition 18. L’anneau K[X] est inclus dans K(X) ; plus précisément, il existe un
morphisme d’anneaux j : K[X] → K(X) qui est injectif. Tout élément de K(X) peut
s’écrire comme j(P )j(Q)−1 pour P et Q dans K[X] et Q 6= 0.

Démonstration : Soit j l’application définie par j(P ) = cl(P, 1). Il est très facile de
vérifier que j transforme addition en addition et multiplication en multiplication ; son
injectivité peut seule interpeller. Mais puisque cette transformation est un morphisme
de groupes additifs, l’injectivité se laisse montrer à coups de noyaux ; et effectivement
si un polynôme P est envoyé sur le neutre additif de K(X) qui est la classe de (0, 1),
c’est que (P, 1)R(0, 1) et donc que P = 0 : le noyau est bien réduit au seul polynôme
nul. Enfin,

cl(P, Q) = cl(P, 1)cl(1, Q) = cl(P, 1) [cl(Q, 1)]−1 = j(P )j(Q)−1 .


P
Notation 10. On note P/Q ou l’élément cl(P, Q) de K(X).
Q

1.8 Décomposition en éléments simples


L’objectif principal de cette section est le théorème de décomposition en éléments
simples, utilisé notamment pour le calcul des primitives de fractions rationnelles, et
qui est un peu indigeste.

Théorème 6. On se donne une fraction rationnelle P/Q élément de K(X) et on


considère la décomposition de Q en produits de polynômes unitaires irréductibles :

Q = λQα1 1 Qα2 2 · · · Qαk k .

24
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Alors il existe une et une seule écriture :


P A1,1 A1,α A2,1 A2,α Ak,1 Ak,α
=R+ + · · · + α11 + + · · · + α22 + · · · + + · · · αkk ,
Q Q1 Q1 Q2 Q2 Qk Qk
dans laquelle R et les Ai,j sont tous des polynômes de K[X] qui vérifient en outre
la condition suivante, portant sur les degrés : pour tout couple d’indices (i, j) tel que
1 ≤ i ≤ k et 1 ≤ j ≤ αi ,
deg Ai,j < deg Qi .

Démonstration : Preuve de l’existence


Dans un premier temps, on va considérer les polynômes :
α
T1 = Qα2 2 Qα3 3 · · · Qαk k , T2 = Qα1 2 Qα3 3 · · · Qαk k , ... Tk = Qα1 1 Qα2 2 · · · Qk−1
k−1
.

Chaque Ti reprend les facteurs de la décomposition de Q à l’exception de λ et Qαi i .


Un éventuel diviseur irréductible unitaire commun à tous ces polynômes doit diviser
Tk ; ce doit donc être un des polynômes Qi avec i < k. Mais Q1 ne divise pas T1 , Q2 ne
divise pas T2 , et ce jusqu’à Qk−1 qui ne divise pas Tk−1 . Les polynômes T1 , . . . , Tk ne
possèdent donc aucun diviseur irréductible unitaire commun ; cela entraîne qu’ils sont
premiers entre eux.
On peut donc écrire une identité de Bézout : il existe des polynômes S1 , . . . , Sk de
K[X], tels que
1 = S1 T1 + S2 T2 + · · · + Sk Tk .
P P
Multiplions cette identité par = ; on obtient :
Q λQ1 Q2 · · · Qαk k
α1 α2

P T1 T2 Tk P S1 λT1 P S2 λT2 P Sk λTk


= P S1 + P S2 + · · · + P Sk = + + ··· + ,
Q Q Q Q λ Q λ Q λ Q
donc
P P S1 1 P S2 1 P Sk 1
= α1 + α2 + · · · + .
Q λ Q1 λ Q2 λ Qαk k
En notant B1 , . . . , Bk les divers numérateurs qui interviennent dans la dernière formule,
on a donc réussi à écrire :
P B1 B2 Bk
= α1 + α2 + · · · + αk .
Q Q1 Q2 Qk
On va alors manipuler successivement chacun des termes de cette addition. Fixons un
Bi
i avec 1 ≤ i ≤ k et travaillons l’expression αi .
Qi
On commence par faire la division euclidienne de Bi par Qi , en notant judicieuse-
ment le quotient et le reste :

Bi = Bi,αi Qi + Ai,αi avec deg Ai,αi < deg Qi .

25
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En reportant cette division euclidienne en lieu et place de Bi on a réécrit :


Bi Bi,αi Ai,αi
αi = αi −1 + .
Qi Qi Qαi i
On recommence une division euclidienne, cette fois-ci de Bi,αi par Qi , en notant toujours
opportunément quotient et reste :

Bi,αi = Bi,αi −1 Qi + Ai,αi −1 avec deg Ai,αi −1 < deg Qi


Bi
et on reporte de nouveau dans l’expression la plus fraîche de ; on obtient :
Qαi i
Bi Bi,αi −1 Ai,αi −1 Ai,αi
αi = + αi −1 + αi .
Qi Qαi i −2 Qi Qi
On recommence jusqu’à ne plus pouvoir recommencer, ce qui donne finalement une
expression :
Bi Ai,1 Ai,α −1 Ai,α
αi = Bi,1 + + · · · + αii−1 + αii .
Qi Qi Qi Qi
Il n’y a plus qu’à regrouper toutes ces expressions et à noter

R = B1,1 + B2,1 + · · · + Bk,1

pour avoir terminé la preuve d’existence.


Preuve de l’unicité
On l’écrira (peut-être) une prochaine fois, elle n’est pas spécialement amusante.
Contrairement à la preuve d’existence, il n’y a guère d’idées, seulement des décomptes
de degrés. 
Pour comprendre cette décomposition, le mieux est d’examiner sa forme sur un cas
particulier, rassemblant les différentes situations. Voici deux polynômes P et Q dans
R[X] avec Q non nul, qui définissent donc une fraction rationnelle P/Q dans R(X), et
la décomposition de P/Q dans R(X). On choisit

P = X 13 , Q = (X − 1)3 (X − 2)2 (X − 3)(X 2 + 1)2 (X 2 + X + 1).

Alors,
P C D E F G
= A + BX + + + + + +
Q X − 1 (X − 1)2 (X − 1)3 X − 2 (X − 2)2
H IX + J KX + L MX + N
+ + 2 + 2 2
+ 2 ,
X −3 X +1 (X + 1) X +X +1
où les lettres de A jusqu’à M désignent des réels à déterminer. La théorie assure que
ces réels existent et sont uniques. Il suffirait donc de réduire tous les éléments simples

26
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au même dénominateur, et d’identifier les numérateurs pour obtenir autant d’équations


que d’inconnues (14 dans notre cas). Ce n’est pas ainsi qu’on procède en pratique. On
utilise plusieurs techniques de manière à déterminer le plus de coefficients possibles par
des équations simples. Voici ces techniques.
Pour la partie polynomiale
Celle-ci est non nulle seulement dans le cas où le degré du numérateur est supérieur ou
égal au degré du dénominateur. Dans ce cas le polynôme cherché, que l’on appelle la
partie entière, est le quotient D de la division euclidienne de P par Q :
P = DQ + R ,
où le reste R est de degré strictement inférieur au degré de Q. Dans notre exemple,
D = X + 9. Il faut s’assurer auparavant que la fraction est bien irréductible, et la
simplifier éventuellement si elle ne l’était pas.
Pour les termes en (X − a)α
Si on multiplie les deux membres de la décomposition par (X −a)α , la racine a disparaît.
On peut donc remplacer X par a, ce qui annule tous les termes de la décomposition
sauf un. Il reste à gauche une certaine valeur, que l’on calcule en général facilement.
Dans notre exemple, si on multiplie les deux membres par (X − 1)3 , et qu’on remplace
X par 1, on trouve :
113
=E,
(1 − 2)2 (1 − 3)(12 + 1)2 (12 + 1 + 1)
1
soit E = − 24 .
Pour les termes en (aX 2 + bX + c)β
On procède de même, en remplaçant X par une des racines complexes du trinôme.
Dans notre cas, on multiplie les deux membres par (X 2 + 1)2 , et on remplace X par i.
On trouve :
i13
= Ki + L .
(i − 1)3 (i − 2)2 (i − 3)(i2 + i + 1)
1 1
On identifie alors la partie réelle et la partie imaginaire : K = − 100 et L = − 50 .
Pour les autres termes
Il faut chercher les équations les plus simples possibles, en prenant des valeurs particu-
lières pour X, qui ne soient pas des racines du dénominateur (X = 0, X = ±1, etc. . . ).
On peut aussi penser à faire tendre X vers l’infini. On n’a recours à une réduction au
même dénominateur avec identification des coefficients qu’en dernier ressort.
Voici un exemple plus simple, sur lequel nous allons détailler tous les calculs. Il
s’agit de décomposer en éléments simples la fraction rationnelle
P X6 + 1
= .
Q (X − 1)(X 2 + X + 1)2

27
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Le numérateur et le dénominateur sont premiers entre eux, la fraction est bien irréduc-
tible. Sa décomposition en éléments simples dans R(X) a la forme suivante.
P C DX + E FX + G
= A + BX + + + ,
Q (X − 1) (X + X + 1) (X + X + 1)2
2 2

où les lettres de A jusqu’à G désignent des réels à déterminer. La division euclidienne


du numérateur par le dénominateur donne :
 
X + 1 = (X − 1) (X − 1)(X + X + 1) + 2X 3 .
6 2 2

Donc A = 1, B = −1, et :

P 2X 3
=X −1+ .
Q (X − 1)(X 2 + X + 1)2
On peut désormais ne travailler que sur la partie restante, à savoir :

2X 3 C DX + E FX + G
2 2
= + + .
(X − 1)(X + X + 1) (X − 1) (X + X + 1) (X + X + 1)2
2 2

On multiplie les deux membres par (X − 1), et on remplace X par 1. On trouve C = 92 .


2
On multiplie√ ensuite les deux membres par (X √
+ X + 1)2 , et on remplace X par
j = − 12 + i 23 . On trouve F j + G = −1 −√
i 33 . En√ identifiant les parties réelles et
imaginaires, on trouve − 12 F + G = −1 et 23 F = − 33 . La solution de ce système de
deux équations à deux inconnues est F = − 23 et G = − 34 .
On peut ensuite remplacer X par i, et identifier partie réelle et partie imaginaire. On
trouve D = − 92 et E = 149
.
Une fois tout cela fait, il est bon de vérifier les calculs, en utilisant une ou plusieurs
valeurs particulières. Ainsi,
– pour X = 0, 0 = −C + E + G,
– pour X = −1, −1 = −A + B + −2 C
+ −D+E1
+ −F1+G ,
– après avoir enlevé la partie entière, si on multiplie les deux membres par X et
qu’on fait tendre X vers +∞ : 0 = C + D.
Voici donc la décomposition dans R(X).
2
P 9
− 92 X + 14
9
− 23 X − 43
=X −1+ + +
Q (X − 1) (X 2 + X + 1) (X 2 + X + 1)2

3
La décomposition dans C(X) a une forme différente. Nous notons encore j = − 12 + i 2
,
de sorte que j et j sont les deux racines de X 2 + X + 1.
P C D E F G
= AX + B + + + 2
+ + ,
Q X − 1 X − j (X − j) X − j (X − j)2

28
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A priori, les lettres de A jusqu’à G désignent des nombres complexes, mais le fait que
la fraction initiale ait tous ses coefficients réels simplifie quelque peu le problème : la
décomposition ne doit pas changer si on prend le conjugué des deux membres. L’unicité
de cette décomposition entraîne :

A=A, B=B, C=C, D=F , E=G,

Les techniques de décomposition utilisées dans R(X) restent valables. On trouve donc
encore :
2
A = 1 , B = −1 , C = .
9
Nous laissons au lecteur le plaisir de calculer les autres coefficients. La décomposition
dans C(X) est la suivante :
√ √ √ √
P 2
− 1 − i 33 1
+ i 93 − 19 + i 33 1
− i 93
=X −1+ 9 + 9 + 3 + + 3
.
Q X −1 X −j (X − j)2 X −j (X − j)2

2 Entraînement
2.1 Vrai ou Faux
Vrai-Faux 1. Soit P ∈ R[X] un polynôme non nul à coefficients réels, et d un en-
tier. Parmi les affirmations suivantes, lesquelles sont vraies, lesquelles sont fausses, et
pourquoi ?
1.  Si le degré de P est d, alors le degré de P 0 est d − 1.
2.  Si le degré de P est d, alors celui de P (X 2 ) est 2d.
3.  Si le degré de P est d, alors celui de X 2 P (X + 2) est d + 2.
4.  Si le degré de P est 2, alors celui de X 2 + P est 2.
5.  Si le degré de P est 4, alors celui de X 2 + P est 4.
Vrai-Faux 2. Soient P, Q ∈ R[X] deux polynômes non nuls à coefficients réels. Parmi
les affirmations suivantes, lesquelles sont vraies, lesquelles sont fausses, et pourquoi ?
1.  Le degré de P + Q est toujorus la somme des degrés de P et de Q
2.  Le degré de P + Q est toujours égal soit au degré de P soit au degré de Q
3.  Le degré de P Q est la somme des degrés de P et de Q.
4.  Le degré de P Q0 est toujours égal au degré de QP 0
5.  Le degré de P (X 2 )Q(X 2 ) est le double de la somme des degrés de P et de Q.
Vrai-Faux 3. Soit P ∈ R[X] un polynôme à coefficients réels. Parmi les affirmations
suivantes, lesquelles sont vraies, lesquelles sont fausses, et pourquoi ?
1.  Si P est divisible par X 2 − X alors P (1) = 0.

29
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2.  Si P est divisible par X 2 − X alors P 0 (0) = 0.


3.  Si P est divisible par (X − 1)2 alors P 0 (1) = 0.
4.  Si P (1) = P 0 (1) = 0 alors P est divisible par (X − 1)2 .
5.  Si P 0 (1) = 0 alors P est divisible par (X − 1).
6.  Si P est irréductible alors P ne s’annule pas sur R.
7.  Si P est irréductible alors P 0 est de degré 0 ou 1.
8.  Si P ne s’annule pas sur R, alors P est irréductible.
Vrai-Faux 4. Soient P et Q deux polynômes non nuls à coefficients réels. Parmi les
affirmations suivantes, lesquelles sont vraies, lesquelles sont fausses, et pourquoi ?
1.  Si P est premier avec Q, alors P est premier avec P + Q.
2.  Si P ne divise pas Q, alors P ne divise pas Q2 .
3.  Si P ne divise pas Q2 , alors P est premier avec Q.
4.  Si P est premier avec Q, alors P 2 est premier avec Q2 .
5.  Si P 2 − Q2 = 1, alors P est premier avec Q.
Vrai-Faux 5. Soit P ∈ R[X] un polynôme à coefficients réels. Parmi les affirmations
suivantes, lesquelles sont vraies, lesquelles sont fausses, et pourquoi ?
1.  Le reste de la division euclidienne de P par X − 1 est P (1).
2.  Le reste de la division euclidienne de P par (X − 1)2 est P 0 (1).
3.  Le reste de la division euclidienne de P par (X − 1)2 est P 0 (1)(X − 1) + P (1).
4.  Si les restes des divisions euclidiennes de P par X et X − 1 sont nuls, alors P
est divisible par X 2 − X.
5.  Si les restes des divisions euclidiennes de P par X 2 et (X − 1)2 sont égaux,
alors P est divisible par X 2 − X.
6.  Si les restes des divisions euclidiennes de P par X 2 et (X − 1)2 sont égaux à
R, alors P − R est divisible par (X 2 − X)2 .
Vrai-Faux 6. Soit P ∈ R[X] un polynôme à coefficients réels. Parmi les affirmations
suivantes, lesquelles sont vraies, lesquelles sont fausses, et pourquoi ?
1.  Si le degré de P est impair, alors P possède au moins une racine réelle.
2.  Si le degré de P est pair, alors P ne possède aucune racine réelle.
3.  Si P est de degré d, alors P a d racines complexes distinctes.
4.  Si P n’est pas constant et divise X 24 − 1 alors toutes les racines de P sont
distinctes.
5.  Si P n’est pas premier avec X 24 −1 alors toutes les racines de P sont distinctes.
6.  Si P n’est pas premier avec X 24 − 1 alors au moins une racine de P est de
module 1.

30
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7.  Si P et P 0 sont premiers entre eux, alors les racines de P sont distinctes.

Vrai-Faux 7. Parmi les affirmations suivantes, lesquelles sont vraies, lesquelles sont
fausses, et pourquoi ?
1.  X 2 + 4 est irréductible dans R[X]
2.  X 2 + 4 est irréductible dans C[X]
3.  X 2 − 4 est irréductible dans Q[X]
4.  X 2 − 2 est irréductible dans Q[X]
5.  X 2 − 2 est irréductible dans R[X]
6.  X 2 + 1 est irréductible dans R[X]
7.  X 2 + 1 est irréductible dans Z/2Z[X]

Vrai-Faux 8. On considère la fraction rationnelle suivante.


P X4
= 4 .
Q X −1
Parmi les affirmations suivantes, lesquelles sont vraies, lesquelles sont fausses, et pour-
quoi ?
1.  Les décompositions en éléments simples de P/Q dans R(X) et C(X) sont
identiques.
2.  La partie entière de la décomposition en éléments simples de P/Q dans C(X)
est 1.
3.  Une décomposition en éléments simples de P/Q dans R(X) est

P 1 X2 1 X2
= + .
Q 2 X2 − 1 2 X2 − 1

4.  Dans la décomposition en éléments simples de P/Q dans R(x), on trouve un


élément simple du type a/(X 2 + 1), où a est un réel.
5.  Les décompositions en éléments simples de P/Q dans C(x) et dans R(X)
contiennent l’élément (1/4)/(X − 1).
6.  Dans la décomposition en éléments simples de P/Q dans C(x), on trouve un
élément simple du type a/(X − i), où a est un réel.
7.  Dans la décomposition en éléments simples de P/Q dans C(x), on trouve deux
éléments simples du type a/(X − i) et b/(X + i), où a et b sont deux complexes
conjugués.

31
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2.2 Exercices
Exercice 3. On considère les couples de polynômes (P, Q) suivants dans R[X].
• P = X, Q = X − 1
• P = X, Q = X 2 − 1
• P = X 2, Q = X 2 − 1
• P = X 2 − 1, Q = X 2 + X + 1
• P = X 2 − 2X + 1, Q = X 2 + X + 1
• P = X 2 − 1, Q = X 3 − 1
• P = X 3 − X 2 + 2X − 2, Q = X 3 − 1
Pour chacun de ces couples :
1. Écrire les polynômes P 0 et Q0 .
2. Calculer le polynôme P Q.
3. Calculer les polynômes P 0 Q et P Q0 .
4. Vérifier la formule (P Q)0 = P 0 Q + P Q0
5. Calculer les polynômes P ◦ Q et Q ◦ P .
6. Vérifier les formules
(P ◦ Q)0 = Q0 (P 0 ◦ Q) et (Q ◦ P )0 = P 0 (Q0 ◦ P )

Exercice 4.
1. Déterminer l’ensemble des polynômes P de R[X] tels que
X(X + 1)P 00 + (X + 2)P 0 − P = 0

2. Déterminer l’ensemble des polynômes P de R[X] tels que


P (2X) = P 0 P 00

3. Déterminer l’ensemble des polynômes P de R[X] tels que


P (X 2 ) = (X 2 + 1)P (X)

4. Déterminer l’ensemble des polynômes P de C[X] tels que


P (X + 1)P (X) = −P (X 2 )

5. Déterminer l’ensemble des polynômes P de C[X] tels que


18P = P 0 P 00

6. Montrer que pour tout n ∈ N, il existe un polynôme unique Pn de Q[X] tel que
Pn − Pn0 = X n
et calculer Pn .

32
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Exercice 5. On pose C0 = 1, C1 = X et pour n ≥ 2, on définit le n-ième polynôme de


Chebyshev Cn par la relation de récurrence :

Cn = 2XCn−1 − Cn−2 .

1. Calculer C2 , C3 et C4 .
2. Montrer que pour tout n ∈ N, le polynôme Cn est de degré n et calculer son
coefficient dominant.
3. Montrer que pour tout n ∈ N, et pour tout θ ∈ R, cos(nθ) = Cn (cos(θ)).
4. En déduire les racines de Cn .
5. Montrer que pour tout n ∈ N,

(1 − X 2 )Cn00 − XCn0 + n2 Cn = 0 .

Exercice 6. Soit n un entier strictement positif.


1. Montrer que pour tout polynôme P de Rn [X], il existe un unique polynôme Q
de Rn [X] tel que
P (X)P (−X) = Q(X 2 )
Dans toute la suite, on note φ l’application de Rn [X] dans lui-même qui à un
polynôme P associe le polynôme Q tel que P (X)P (−X) = Q(X 2 ).
2. Calculer φ(1), φ(X), φ(X + 1), φ(X − 1), φ(X 2 − 1), φ(X 2 + 2X + 1).
3. Démontrer que

∀P1 , P2 ∈ Rn [X] , φ(P1 P2 ) = φ(P1 )φ(P2 )

4. Trouver deux polynômes P1 et P2 tels que φ(P1 + P2 ) 6= φ(P1 ) + φ(P2 ).


Exercice 7. Soit n un entier strictement positif. On se place dans l’anneau des poly-
nômes à coefficients réels R[X].
1. Montrer que X − 1 divise X n − 1.
2. Montrer X 2 + 2X divise (X + 1)2n − 1.
3. Montrer que X 2 divise (X + 1)n − nX − 1.
4. Montrer que (X − 1)2 divise X n − nX + n − 1.
5. Montrer que (X − 1)2 divise nX n+1 − (n + 1)X n + 1.
6. Montrer que (X − 1)2 divise
n−1
!2
X
Xk − n2 X n−1
k=0

7. Montrer que (X − 1)3 divise nX n+2 − (n + 2)X n+1 (n + 2)X − n

33
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8. Soit P un polynôme quelconque. Montrer que si X − 1 divise P (X n ) alors


2n−1
X
X k divise P (X 2n )
k=0

Exercice 8. On se place dans l’anneau de polynômes Z/2Z[X].


1. Ecrire tous les polynômes de degrés inférieurs ou égaux à 2.
2. Parmi tous les polynômes de degrés inférieurs ou égaux à 2, lesquels sont irré-
ductibles ?
3. Pour chacun des polynômes de degrés inférieurs ou égaux à 2, écrire sa valeur en
cl(0) et cl(1).
4. Soit P un polynôme de Z/2Z[X]. Montrer que l’application associée à P est
l’application nulle, si et seulement si P est divisible par X 2 + X.
5. Montrer que l’application associée à P est l’application identique, si et seulement
si la division euclidienne de P par X 2 + X a pour reste X.
6. Si P est de degré au moins 2 et irréductible, montrer que l’application associée à
P est l’application constante égale à cl(1).

Exercice 9. Dans R[X], effectuer la division euclidienne de P par Q pour les couples
(P, Q) suivants.
1. P = X 2 − 1, Q = X − 1
2. P = X 3 − 1, Q = X 2 + 1
3. P = X 4 − 1, Q = X 2 + 1
4. P = X 4 − 2X 2 + 1, Q = X 2 − 2X + 1
5. P = X 4 − X 3 + X − 2, Q = X 2 − 2X + 4
6. P = X 4 + 2X 3 − X + 6, Q = X 3 − 6X 2 + X + 4
7. P = 3X 5 + 4X 2 + 1, Q = X 2 + 2X + 3
8. P = 3X 5 + 2X 4 − X 2 + 1, Q = X 3 + X + 2
9. P = X 5 − X 4 + 2X 3 + X 2 + 4, Q = X 2 − 1
10. P = X 6 − 3X 4 + 3X 2 − 1, Q = X 2 − X
11. P = X 6 − X 5 + X 2 − 1, Q = X 3 − X
12. P = X 6 − 2X 4 + X 3 + 1, Q = X 3 + X 2 + 1

Exercice 10. On considère les couples de polynômes (P, Q) suivants dans R[X].
• P = X − 1, Q = X
• P = X − 1, Q = X − 2
• P = X 3 − 1, Q = X 2 − 1
• P = X 3 − 1, Q = X 2 + 1

34
Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

• P = X 3 + 1, Q = X 2 + X + 1
• P = X 4 − 1, Q = X 2 − 4
Pour chacun de ces couples :
1. Effectuer la division euclidienne de P par Q.
2. Vérifier, en utilisant l’algorithme d’Euclide, que P et Q sont premiers entre eux.
3. Déterminer l’ensemble des souples de polynômes (S, T ) tels que SP + T Q = 1.

Exercice 11. Soient A et B deux polynômes de R[X], Q et R le quotient et le reste de


la division euclidienne de A par B. Soit P un polynôme de degré au moins égal à 1.
Démontrer que le quotient de la division euclidienne de A ◦ P par B ◦ P est Q ◦ P et
que le reste est R ◦ P .

Exercice 12. Soit (Pn )n∈N la suite de polynômes définie par P0 = 1, P1 = X et pour
tout n ∈ N :
Pn+2 = XPn+1 − Pn .
1. Montrer que pour tout n ∈ N :
2
Pn+1 − Pn Pn+2 = 1.

2. En déduire que pour tout n ∈ N, les polynômes Pn et Pn+1 sont premiers entre
eux.

Exercice 13. On considère les couples de polynômes (P, Q) suivants dans R[X].
• P = X 4 − 1, Q = X 2 − 1
• P = X 6 − 1, Q = X 4 − 1
• P = X 3 + 1, Q = X 2 − 1
• P = X 3 − 2X 2 − X + 2, Q = X 3 − 6X 2 + 11X − 6
• P = X 3 − X 2 − X − 2, Q = X 3 − 1
• P = X 4 + X 3 − 2X + 1, Q = X 3 + X + 1
• P = X 4 + X 3 − 3X 2 − 4X − 1, Q = X 3 + X 2 − X − 1
• P = X 4 + X 3 + 2X 2 + X + 1, Q = X 4 − 1
• P = X 3 − X 2 − X − 2, Q = X 5 − 2X 4 + X 2 − X − 2
• P = X 5 + 5X 4 + 9X 3 + 7X 2 + 5X + 3, Q = X 4 − 2X 3 + 2X 2 + X + 1
Pour chacun de ces couples :
1. Utiliser l’algorithme d’Euclide pour calculer pgcd(P, Q).
2. Decomposer P et Q en facteurs irréductibles.
3. En déduire la décomposition en facteurs irréductibles de pgcd(P, Q) et retrouver
le résultat de la première question.

Exercice 14. On considère les triplets de polynômes de R[X] suivants.


• A = X 2 − X, B = X 2 − X, C = X 2 − 1

35
Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

• A = (X + 3)2 (X + 1)(X 2 + 1)3 , B = (X + 3)2 (X + 2)2 (X 2 + 1), C = (X + 3)(X +


2)(X 2 + 1)2
• A = X 2 + 3X + 2, B = X 3 + 2X 2 + X + 2, C = X 5 + 4X 4 + 6X 3 + 6X 2 + 5X + 2
Pour chacun de ces triplets :
1. Calculer pgcd(A, B), pgcd(A, C) et pgcd(B, C).
2. Calculer pgcd(A, B, C).

Exercice 15. Soient a et b deux nombres complexes distincts. Soit P ∈ C[X] un poly-
nôme.
1. Montrer que si P est divisible par X − a et par X − b, alors P est divisible par
(X − a)(X − b).
2. On suppose que les restes des divisions euclidiennes de P par X − a et par X − b
sont tous les deux égaux à 1. Montrer que le reste de la division euclidienne de
P par (X − a)(X − b) est 1.
3. On suppose que les restes des divisions euclidiennes de P par X − 1 et X + 5
sont respectivement 7 et 3. Quel est le reste de la division euclidienne de P par
X 2 + 4X − 5 ?

Exercice 16. Ecrire la décomposition en facteurs irréductibles des polynômes suivants,


dans R[X] et dans C[X].
1. X 4 − 1
2. X 6 + 1
3. X 8 + X 4 + 1
4. (X 2 + X + 1)2 + 1
5. X 3 − 5X 2 + 3X + 9
6. (X 2 − X + 2)2 + (X − 2)2
7. 6X 5 + 15X 4 + 20X 3 + 15X 2 + 6X + 1
8. X 5 − 7X 3 − 2X 2 + 12X + 8

Exercice 17. Soit P ∈ C[X] un polynôme à coefficients complexes et a un complexe. En


utilisant la formule de Taylor, calculer le quotient et le reste de la division euclidienne
de P par X − a, puis par (X − a)2 .

Exercice 18. Ecrire la formule de Taylor pour les polynômes suivants, en a = 1, puis
a = −1.
1. X 4 − 1
2. X 6 + 1
3. X 8 + X 4 + 1
4. (X 2 + X + 1)2 + 1

36
Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

5. X 3 − 5X 2 + 3X + 9
6. (X 2 − X + 2)2 + (X − 2)2
7. 6X 5 + 15X 4 + 20X 3 + 15X 2 + 6X + 1
8. X 5 − 7X 3 − 2X 2 + 12X + 8

Exercice 19. Décomposer les fractions rationnelles suivantes, dans R(X) :

1 X X 3 − 2X + 1
; 2
; ;
X(X − 1) X −1 X2 − 1

X(X 2 + 1)2 ) X3 + 1 X5 + 1
; ; ;
(X 2 − 1)2 (X − 2)4 (X 2 + 1)3
X2 + 1 X3 − 2 X 3 − 2X + 1
, ; ;
(X − 2)(X − 1) X2 − 4 X3 − X
X X X4
2
; ; ;
(X − 1)(X − 2) (X − 1)2 (X − 2) (X − 1)2 (X − 2)
2X 2 + 5 X5 + 1 X8 − X4 + 2
; ; ;
(X 2 − 1)3 X 3 (X − 2) (X 2 + X + 1)3
X3 + X X 6 − X 5 + 2X 4 + X 2 + 1
; ;
(X − 1)(X 6 + 1) X 3 (X 2 + 1)2
X 5 + 6X 4 + 17X 3 + 25X 2 + 19X + 7
.
(X + 1)2 (X 2 + X + 1)2
Exercice 20. Décomposer les fractions rationnelles suivantes, dans C(X) puis dans
R(X) :
1 X4 + 1 X
3
; 3
; ;
X +X X +X (X + 1)(X 2 + 4)
2

X3 + 1 X5 − 1 X2 + 1
; ; ;
X2 + 1 X4 − 1 X4 + 1
X −1 X −1 X2 − 1
; ; ;
X3 − 1 X3 + X (X 2 + 1)2
X X2 + 1 X2 + X + 1
4
; ; ;
X +1 X4 + 1 X4 − 1
X3 X X2 − 1
; ; .
X4 + 1 (X − 1)2 (X 2 + 1)2 X6 − 1

37
Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

2.3 QCM
Donnez-vous une heure pour répondre à ce questionnaire. Les 10 questions sont
indépendantes. Pour chaque question 5 affirmations sont proposées, parmi lesquelles 2
sont vraies et 3 sont fausses. Pour chaque question, cochez les 2 affirmations que vous
pensez vraies. Chaque question pour laquelle les 2 affirmations vraies sont cochées
rapporte 2 points.

Question 1. Soit P ∈ R[X] un polynôme à coefficients réels, et d un entier naturel non


nul.
A Si le degré de P est d, alors le degré de P − X d est strictement inférieur à d.
B Si le degré de P est d, alors le degré de P 0 est d − 1.
C Si le degré de P est d, alors le degré de P (X − 1) est d − 1.
D Si le degré de P est d, alors le degré de P 0 (X − 1) est d − 1.
E Si le degré de P est d, alors le degré de (X + 2)P (X + 2) est d + 2.

Question 2. Soient P un polynôme non nul à coefficients réels.


A Le degré de P ((X + 2)2 ) est le double du degré de P .
B Le degré de (X + 2)P ((X + 2)2 ) est toujours supérieur ou égal à 2.
C Le degré de P 0 ((X + 2)2 ) est soit un entier pair, soit −∞.
D Le degré de (X + 2)2 P 0 ((X + 2)2 ) est toujours supérieur ou égal à 2.
E Le degré de (X + 2)2 P 0 ((X + 2)2 ) est toujours le double du degré de P .

Question 3. Soient P et Q deux polynômes non nuls, à coefficients réels.


A Les polynômes P (Q) et Q(P ) ont toujours le même degré.
B Les polynômes P Q et P (Q) ont toujours le même degré.
C Si le polynôme Q est constant, alors les polynômes P Q et P (Q) ont le même
degré.
D Si les polynômes P + Q et P Q ont le même degré, alors au moins un des deux
polynômes P et Q est constant.
E Si les polynômes P Q et P (Q) ont le même degré, alors les deux polynômes P
et Q sont constants.

Question 4. Soit P ∈ R[X] un polynôme non nul à coefficients réels.


A Si 2 est racine de P , alors 0 est racine de P (X) − 2.
B Si 2 est racine double de P , alors P 0 est divisible par (X − 2).
C Si P 0 est divisible par (X − 2) alors 2 est racine double de P .
D Si 2 est racine double de P 0 , alors P est divisible par (X − 2)3 .
E Si 2 est racine double de P et de P 0 , alors P est divisible par (X − 2)3 .

Question 5. Soient P et Q deux polynômes non nuls à coefficients réels.


A Si P divise Q alors P + Q divise Q2 .
B Si P divise Q, alors P 0 divise Q0 .

38
Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

C Si P divise Q, alors P 2 divise Q2 .


D Si P divise Q, alors P (X 2 ) divise Q(X 2 ).
E Si P divise Q, alors P divise Q(P ).

Question 6. Soit P un polynôme non nul à coefficients réels.


A Le reste de la division euclidienne de P par (X − 2) est P (2).
B Si P (2) = P 0 (2), alors les restes des divisions euclidiennes de P et P 0 par (X −2)
sont égaux.
C Le reste de la division euclidienne de P par (X − 2)2 est P 0 (2)(X − 2).
D Si le reste de la division euclidienne de P 0 par (X − 2) est nul, alors 2 est racine
double de P .
E Si le reste de la division euclidienne de P par (X − 2)2 est (X − 2), alors 2 est
racine double de P 0 .

Question 7. Soient P et Q deux polynômes non nuls à coefficients réels.


A Si P est premier avec Q, alors le reste de la division euclidienne de P par Q est
1.
B Si P est premier avec Q, alors P est premier avec (X + 2)P + 2Q.
C Si P est premier avec Q, alors P 0 est premier avec Q0 .
D Si P est premier avec Q, alors P + Q est premier avec P 2 − Q2 .
E Si P est premier avec Q, alors P est premier avec P 2 + 2Q2 .

Question 8. Soit P ∈ R[X] un polynôme à coefficients réels.


A Si le degré de P est pair, alors P 0 possède au moins une racine réelle.
B Si P est de degré 3, alors P 0 est irréductible dans R[X].
C Si P divise (X 5 − 1), alors P 0 admet au moins une racine réelle.
D Si un nombre complexe z de partie imaginaire non nulle est racine de P , alors
P est divisible par le polynôme (X 2 − 2Re(z)X + |z|2 ).
E Si P divise (X 5 − 1)2 , alors P 0 est premier avec P .

Question 9.
A Le polynôme (X 4 + 4) est réductible dans Q[X]
B Le polynôme (X 4 + 4) est irréductible dans R[X]
C Le polynôme (X 4 + 4) est irréductible dans Z/5Z[X].
D Le polynôme (X 4 + 4) est scindé dans R[X].
E Le polynôme (X 4 + 4) est scindé dans C[X]

Question 10. On considère la fraction rationnelle :


P 2X 2
= 4
Q X −1

A La décomposition de P/Q dans R(X) a un seul élément simple.

39
Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

B La décomposition de P/Q dans C(X) admet 2 pour partie entière.


C La décomposition de P/Q dans R(X) admet un élément simple proportionnel
à 1/(X + 1)
D La décomposition de P/Q dans R(X) contient les deux éléments simples
1/(X 2 − 1) et 1/(X 2 + 1).
E La décomposition de P/Q dans C(X) contient quatre éléments simples.
Réponses : 1–BD 2–AC 3–AD 4–BE 5–CD 6–AB 7–BE 8–AD 9–AE 10–CE

2.4 Devoir
Essayez de bien rédiger vos réponses, sans vous reporter ni au cours, ni au corrigé. Si
vous souhaitez vous évaluer, donnez-vous deux heures ; puis comparez vos réponses avec
le corrigé et comptez un point pour chaque question à laquelle vous aurez correctement
répondu.
Questions de cours :
1. Étant donné un polynôme P ∈ R[X], rappeler la définition du polynôme dérivé
P 0 . Démontrer que l’application de R[X] dans lui-même, qui à un polynôme P
associe son polynôme dérivé P 0 est linéaire, c’est-à-dire :

∀P, Q ∈ R[X] , ∀λ, µ ∈ R , (λP + µQ)0 = λP 0 + µQ0 .

2. Soit P ∈ R[X] un polynôme à coefficients réels, et n ∈ N∗ un entier strictement


positif. Montrer que :

(X n P )0 = nX n−1 P + X n P 0 .

3. En déduire que pour tout couple de polynômes (P, Q) à coefficients réels,

(P Q)0 = P 0 Q + P Q0 .

4. Soit P ∈ R[X] un polynôme à coefficients réels, et n ∈ N∗ un entier strictement


positif. Montrer que :
(P n )0 = nP 0 P n−1 .
5. Montrer que pour tout couple de polynômes (P, Q) à coefficients réels,

(Q(P ))0 = P 0 Q0 (P ) .

Exercice 1 : Soit n un entier. On considère le polynôme Wn = (X 2 − 1)n . Le n-ième


polynôme de Legendre Ln est proportionnel à la dérivée n-ième de Wn :
1
Ln = Wn(n) .
2n n!
40
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NB : On admettra la formule de Leibniz, qui généralise la formule donnant la dérivée


d’un produit. Soient P et Q deux polynômes et n un entier, alors :
n  
(n)
X n
(P Q) = P (k) Q(n−k) .
k=0
k

1. Calculer L1 , L2 et L3 .
2. Quel est le degré de Wn ? Quel est son coefficient dominant ? Quel est le degré de
Ln ? Quel est son coefficient dominant ?
3. Pour tout n ∈ N, démontrer que (X 2 − 1)Wn0 = 2nXWn . En prenant la dérivée
(n + 1)-ième des deux membres, en déduire que :

(X 2 − 1)L00n + 2XL0n − n(n + 1)Ln = 0 .

4. En prenant la dérivée (n + 1)-ième du produit (X 2 − 1)(X 2 − 1)n−1 , montrer que


pour tout n ≥ 1,
(n+1) (n) (n−1)
Wn(n+1) = (X 2 − 1)Wn−1 + 2X(n + 1)Wn−1 + n(n + 1)Wn−1 .

5. En utilisant les deux questions précédentes, montrer que pour tout n ≥ 1 :

L0n = XL0n−1 + nLn−1 .

Exercice 2 :
1. En utilisant l’identité (X 3 − 1) = (X − 1)(X 2 + X + 1), démontrer que les
polynômes X 3 + 1 et X 2 + X + 1 sont premiers entre eux.
2. Effectuer la division euclidienne de X 3 + 1 par X 2 + X + 1.
3. Déterminer l’ensemble des couples de polynômes (U, V ) tels que :

(X 3 + 1)U + (X 2 + X + 1)V = 1 .

4. Déterminer une décomposition en facteurs irréductibles dans R[X] des polynômes


X 5 − X 3 + X 2 − 1 et X 3 − 1. En déduire leur pgcd et leur ppcm.
5. Retrouver le pgcd de X 5 − X 3 + X 2 − 1 et X 3 − 1 en utilisant l’algorithme
d’Euclide.
Exercice 3 : Le but de l’exercice est de calculer la décomposition en éléments simples
dans R(X) de la fraction rationnelle : (4X 4 )/(X 4 − 1)2 .
1. Décomposer en éléments simples dans R(X), la fraction rationnelle (2X)/(X 2 −
1). En déduire que :

4X 4 1 1 2
4 2
= 2 2
+ 2 2
+ 4 .
(X − 1) (X + 1) (X − 1) X −1

41
Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

2. Décomposer en éléments simples la fraction rationnelle 1/(X 2 − 1). En déduire


la décomposition en éléments simples de la fraction rationnelle 1/(X 2 − 1)2 .
3. Utiliser la décomposition en éléments simples de la fraction rationnelle 1/(X 2 −1)
pour donner la décomposition en éléments simples dans R(X) de la fraction
rationnelle 1/(X 4 − 1).
4. Déduire des questions précédentes la décomposition en éléments simples de la
fraction rationnelle (4X 4 )/(X 4 − 1)2 .
5. Retrouver le résultat de la question précédente en utilisant la méthode présentée
dans le cours.

2.5 Corrigé du devoir


Questions de cours :
1. Pour un polynôme P = ad X d + ad−1 X d−1 + · · · + a1 X + a0 non nul dans R[X],
le polynôme dérivé de P est le polynôme noté P 0 :

P 0 = dad X d−1 + (d − 1)ad−1 X d−2 + · · · + a1 .

Si P = 0, le polynôme dérivé de P est le polynôme nul.


Soient

P = ad X d +ad−1 X d−1 +· · ·+a1 X +a0 et Q = bh X h +bh−1 X h−1 +· · ·+b1 X +b0

deux polynômes à coefficients réels. Soient λ et µ deux réels. Sans perte de gé-
néralité, supposons h ≤ d. Quitte à poser bh+1 = · · · = bd = 0, nous pouvons
écrire :
λP + µQ = (λad + µbd )X d + · · · + (λa0 + µb0 ) .
Le polynôme dérivé est :

(λP + µQ)0 = (λad + µbd )dX d−1 + · · · + (λa1 + µb1 ) .

Il est bien égal à :

λP 0 + µQ0 = λ(ad dX d−1 + · · · + a1 ) + µ(bd dX d−1 + · · · + b1 ) .

2. Posons P = ad X d + · · · + a0 : alors X n P = ad X n+d + · · · + a0 X n . Par définition,


le polynôme dérivé de X n P est :
d
X
n 0 n+d−1 n−1
(X P ) = ad (n + d)X + · · · + a0 nX = ak (n + k)X n+k−1 .
k=0

42
Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

Or :
d
! d
!
X X
nX n−1 P + X n P 0 = nX n−1 ak X k + Xn hah X h−1
k=0 h=1
d
X
= (n + k)ak X n+k−1 .
k=0

3. Nous allons démontrer la formule par récurrence sur le degré de Q. Elle est vraie
si Q est nul ou de degré 0, puisque dans ce cas Q0 = 0 et la dérivation est linéaire
d’après la question 2. Supposons que la formule est vraie pour tout polynôme de
degré inférieur ou égal à n − 1 et soit Q un polynôme de degré n. Nous pouvons
écrire Q = bn X n + Q1 , où Q1 est un polynôme de degré inférieur ou égal à n − 1.
Écrivons :
 0
(P Q)0 = (bn X n + Q1 )P
= (bn X n P + P Q1 )0
= bn (X n P )0 + (P Q1 )0 (question 1)
n−1 0 0
= bn (nX P + Xn P ) + (P Q1 ) (question 2)
n−1 0 0 0
= bn (nX P + Xn P ) + P Q1 + P Q1 (hypothèse de récurrence)
= P Q0 + QP 0 .
4. C’est une autre démonstration par récurrence. La formule est vraie pour n = 0,
puisque P 0 est le polynôme constant égal à 1, dont la dérivée est nulle. Supposons-
la vraie pour n > 1.
(P n+1 )0 = (P P n )0
= P (P n )0 + P 0 P n (question 3)
= P (nP 0 P n−1 ) + P 0 P n (hypothèse de récurrence)
= (n + 1)P 0 P n .
La formule est vraie pour n + 1, donc pour tout n.
5. Posons Q = bn X n + · · · + b0 . Le polynôme composé Q(P ) est :
n
X
Q(P ) = bk P k .
k=0

D’après la linéarité de la dérivation (question 1) :


n
X
0
(Q(P )) = bk (P k )0 .
k=0

En utilisant le résultat de la question précédente :


n
X n
X
0 0 0
(Q(P )) = bk kP (P k−1
=P kbk P k−1 = P 0 Q0 (P ) .
k=0 k=0

43
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Exercice 1 :
1. On trouve :
3 1 5 3
L1 = X ; L2 = X 2 − ; L3 = X 3 − X .
2 2 2 2
2. Le degré de Wn est 2n, son coefficient dominant est 1. Le degré de Ln est n, son
coefficient dominant est :
 
(2n)(2n − 1) . . . (n + 1) 1 2n
= n .
2n n! 2 n
3. En utilisant la formule donnant la dérivée d’un polynôme composé, on obtient
Wn0 = 2nX(X 2 − 1)n−1 , donc (X 2 − 1)Wn0 = 2nXWn .
Prenons la dérivée (n + 1)-ième des deux membres, en utilisant la formule de
Leibniz. Pour le membre de gauche, on obtient :
(X 2 − 1)Wn(n+2) + 2X(n + 1)Wn(n+1) + n(n + 1)Wn(n) .
Pour le membre de droite, la formule de Leibniz donne :
2nXWn(n+1) + 2n(n + 1)Wn(n) .
En égalant les deux, et en regroupant les termes, on obtient :
(X 2 − 1)Wn(n+2) + 2XWn(n+1) − n(n + 1)Wn(n) = 0 .
En divisant par 2n n! :
(X 2 − 1)L00n + 2XL0n − n(n + 1)Ln = 0 .

4. En prenant la dérivée (n + 1)-ième du produit (X 2 − 1)(X 2 − 1)n−1 , on obtient


comme dans la question précédente :
(n+1) (n) (n−1)
Wn(n+1) = (X 2 − 1)Wn−1 + 2X(n + 1)Wn−1 + n(n + 1)Wn−1 .

5. En divisant les deux membres par 2n n! :


1 00 (n + 1) 0 n(n + 1)
L0n = (X 2 − 1) Ln−1 + 2X Ln−1 + Ln−1 .
2n 2n 2n
Or d’après la question 3,
(X 2 − 1)L00n−1 + 2XL0n−1 = n(n − 1)Ln−1 .
En reportant ceci dans l’expression précédente :
n(n − 1) n(n + 1)
L0n = Ln−1 + XL0n−1 + Ln−1
2n 2n
= XL0n−1 + nLn−1 .

44
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Exercice 2 :
1. Puisque (X 3 − 1) = (X − 1)(X 2 + X + 1), on peut aussi écrire : (X 3 + 1) − (X −
1)(X 2 + X + 1) = 2. Ceci est une identité de Bézout pour les polynômes X 3 + 1
et X 2 + X + 1 : ils sont donc premiers entre eux.
2.
X3 +1 X2 + X + 1
3 2
X +X +X X −1
−X 2 − X + 1
−X 2 − X − 1
2
On retrouve l’identité de la question précédente : (X 3 + 1) = (X − 1)(X 2 + X +
1) + 2.
3. Soient U et V deux polynômes tels que (X 3 + 1)U + (X 2 + X + 1)V = 1. Puisque
(X 3 + 1)/2 − (X − 1)(X 2 + X + 1)/2 = 1, on a nécessairement :
(X 3 + 1)(U − 1/2) + (X 2 + X + 1)(V + X/2 − 1/2) = 0 .
Or (X 3 + 1) et (X 2 + X + 1) sont premiers entre eux. En utilisant le lemme
de Gauss, on déduit que (X 2 + X + 1) divise (U − 1/2) et que (X 2 + 1) divise
(V + X/2 − 1/2) : il existe un polynôme K tel que :
1 1
U= + K(X 2 + X + 1) et V = (−X + 1) − K(X 3 + 1) .
2 2
Réciproquement, si U et V s’écrivent comme ci-dessus, alors :
(X 3 + 1)(U − 1/2) = (X 2 + X + 1)(V + X/2 − 1/2) = K(X 3 + 1)(X 2 + X + 1) .
Donc :
1 1
(X 2 + 1)U + (X 2 + X + 1)V = (X 3 + 1) − (X − 1)(X 2 + X + 1) = 1 .
2 2
L’ensemble des couples (U, V ) tels que (X 3 + 1)U + (X 2 + X + 1)V = 1 est :
  
1 2 1 3
+ K(X + X + 1) , (−X + 1) − K(X + 1) , K ∈ R[X] .
2 2
4. On trouve :
X 5 − X 3 + X 2 − 1 = (X 2 − 1)(X 3 + 1) = (X + 1)2 (X − 1)(X 2 − X + 1) ,
et
X 3 − 1 = (X − 1)(X 2 + X + 1) .
Le pgcd des deux polynômes est (X − 1), leur ppcm est (X + 1)2 (X − 1)(X 2 −
X + 1)(X 2 + X + 1).

45
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5. La division euclidienne des deux polynômes donne :


X 5 − X 3 + X 2 − 1 = (X 2 − 1)(X 3 − 1) + 2X 2 − 2 .
La division euclidienne de X 3 − 1 par X 2 − 1 donne :
X 3 − 1 = X(X 2 − 1) + (X − 1) .
L’algorithme d’Euclide se termine sur : X 2 − 1 = (X + 1)(X − 1) + 0. On retrouve
donc bien le fait que (X − 1) est le pgcd des deux polynômes (toujours défini à
une constante près).
Exercice 3 :
1. On trouve :
2X 1 1
2
= + .
X −1 X +1 X −1
En remplaçant X par X 2 , on obtient :
2X 2 1 1
4
= 2 + 2 .
X −1 X +1 X −1
Il reste à élever les deux membres au carré :
4X 4 1 1 2
4 2
= 2 2
+ 2 2
+ 4 .
(X − 1) (X + 1) (X − 1) X −1
Observons que les deux dernières identités ne sont pas des décompositions en
éléments simples.
2.
1 1
1 2 2
= − .
X2 − 1 X −1 X +1
En élevant au carré, on obtient :
1 1 1
1 4 4 2
= + − .
(X 2 − 1)2 (X − 1)2 (X + 1)2 X 2 − 1
Il reste à réinjecter la décomposition de 1/(X 2 − 1) :
1 1 1 1
1 4 4 4 4
= + + − .
(X 2 − 1)2 (X − 1)2 (X + 1)2 X + 1 X − 1
3. En remplaçant X par X 2 dans la décomposition de 1/(X 2 − 1), on obtient :
1 1
1 2
4
= 2 − 22 .
X −1 X −1 X +1
En utilisant à nouveau la décomposition de 1/(X 2 − 1), on trouve :
1 1 1
1 4 4 2
= − − .
X4 − 1 X − 1 X + 1 X2 + 1

46
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4. Dans l’expression de la question 1, le terme 1/(X 2 + 1)2 est un élément simple.


La décomposition en éléments simples de 1/(X 2 − 1)2 est donnée à la question 2,
celle de 1/(X 4 − 1) à la question 3. En rassemblant le tout on obtient :
1 1 1 1
4X 4 1 1 4 4 4 4
= − + + + − .
(X 4 − 1)2 (X 2 + 1)2 X 2 + 1 (X − 1)2 X − 1 (X + 1)2 X + 1

5. Par la méthode du cours, on écrit la décomposition cherchée sous la forme :


4X 4 AX + B CX + D E F G H
4 2
= 2 2
+ 2
+ 2
+ + 2
+ .
(X − 1) (X + 1) X +1 (X − 1) X − 1 (X + 1) X +1
On simplifie notablement le calcul en observant que la fraction est invariante par
le changement X 7→ −X, et donc sa décomposition vérifie la même propriété.
Ceci entraîne :
A = 0 , C = 0 , G = E , H = −F .
Multiplier par (X − 1)2 et remplacer X par 1 donne E = 1/4. Multiplier par
(X 2 +1)2 et remplacer X par i donne B = 1. Il reste deux coefficients à déterminer,
par exemple en prenant deux valeurs particulières. Pour X = 0 :
1 1
0=1+D+ −F + −F .
4 4
Pour X = 2,
64 1 D 1 1 F
2
= + + +F + − .
15 25 5 4 36 3
La résolution du système de deux équations en D et F donne D = −1, F = 1/4.

3 Compléments
3.1 Algorithme de Horner
Au temps jadis, les physiciens et les astronomes devaient faire tous leurs calculs
à la main, et ces calculs pouvaient être très compliqués. Il fallait souvent évaluer des
quantités polynomiales, par exemple 5x4 −4x3 +3x2 −2x+1 pour x = 8. La façon naïve
d’arriver au résultat est de calculer x, x2 , x3 et x4 pour la valeur choisie x = 8, ce qui
représente 3 multiplications, puis 5x4 , 4x3 , 3x2 et 2x, ce qui représente 4 multiplications
supplémentaires. En ajoutant les sommes à la liste des opérations nécessaires, on obtient
en tout 7 multiplications et 4 additions. La tradition attribue au mathématicien anglais
William George Horner (1786-1837) la description en 1819 d’une méthode efficace pour
économiser des opérations, méthode encore utilisée de nos jours par les ordinateurs.
Remplaçons en effet 5x4 − 4x3 + 3x2 − 2x + 1 par l’expression équivalente

x(x(x(x5 − 4) + 3) − 2) + 1,

47
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puis calculons successivement a = 5, b = xa − 4, c = xb + 3, d = xc − 2, et enfin


e = xd+1. Alors e est le résultat cherché, obtenu après 4 multiplications et 4 additions.
On économise donc des multiplications, qui sont des opérations longues à réaliser. De
plus, on n’a été obligé de stocker en mémoire (ou dans son cerveau, si on n’est pas en
silicium) que deux valeurs : x et a, puis x et b, puis x et c, etc.
La tradition a retenu cette méthode sous le nom d’algorithme de Horner à cause
de l’article de 1819 cité plus haut. Il se trouve que cet article ne contient pas ladite
méthode ! Horner la décrit bien, mais dans un autre article, publié en 1830 seulement.
Et entre temps, en 1820, un fabricant de montres londonien nommé Theophilus Holdred
avait, lui, effectivement publié la méthode.
Alors, Horner plagiaire ? Quoi qu’il en soit, on sait maintenant que la méthode de
Horner était en fait déjà connue d’Isaac Newton en 1669, et avant lui, du mathématicien
chinois Ch’in Chiu-Shao (ou Chu Shih-Chieh, ou Zhu Shijie, on s’y perd !) au 13ème
siècle. Elle peut être vue comme un cas particulier d’une règle due au mathématicien
italien Paolo Ruffini (1765-1822), règle qui permet de calculer le quotient et le reste de
la division euclidienne d’un polynôme P par un monôme X − a. Signalons enfin que
des versions de cet algorithme permettent aussi d’évaluer des polynômes de matrices,
situation où le gain de temps de calcul réalisé est encore plus important.

3.2 Règle des signes de Descartes


Il s’agit d’une méthode pour estimer le nombre de racines réelles positives d’un
polynôme : on compte le nombre c de changements de signe dans la suite des coeffi-
cients, en ne tenant pas compte des coefficients nuls (voir les exemples plus bas). René
Descartes (1596-1650) énonce dans La Géométrie, traité publié en 1637, que le nombre
de racines positives vaut au plus c. Carl Friedrich Gauss (1777-1855) montrera plus
tard, en 1828, que si l’on compte les racines avec leur multiplicité, alors le nombre de
racines positives a la même parité que c, donc que ce nombre vaut c ou c − 2 ou c − 4,
etc.
Donnons un premier exemple : pour P = X 7 + 2X 6 − 3X 5 − X 2 + 7X − 8, on obtient
c = 3 (remarquer les coefficients nuls), donc P possède 1 ou 3 racines positives.
Donnons un autre exemple, qui montre qu’on peut même souvent déterminer le
nombre exact de racines positives et de racines négatives en utilisant la règle des signes
et quelques remarques de bon sens. Soit Q le polynôme Q = X 3 +3X 2 −X −2. Puisque
c = 1, on sait que Q possède exactement 1 racine positive. Les racines négatives de Q
sont les racines positives du polynôme R obtenu en remplaçant X par −X dans Q, soit
R = −X 3 + 3X 2 + X − 2. Pour R, on trouve c = 2 donc Q possède 2 racines négatives
ou bien aucune. On remarque ensuite que Q(−1) = 1 (le calcul de tête est facile en
utilisant l’algorithme de Horner), donc Q(−1) est positif, et que le monôme de plus
haut degré de Q est X 3 donc Q(x) < 0 pour tout x négatif tel que |x| est suffisamment
grand. Ainsi Q possède au moins une racine inférieure à −1, ce qui montre que Q

48
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possède 2 racines négatives. Enfin Q(0) = −2 et Q(−1) = 1 sont de signes contraires


donc Q possède une racine entre −1 et 0. On a localisé les 1 + 2 = 3 racines de Q,
en montrant que chacun des intervalles ] − ∞, −1[, ] − 1, 0[ et ]0, +∞[ en contient
exactement une.
On peut encore préciser les choses en remarquant que Q(1) = −2, donc Q(1) est
négatif, et, grâce à deux derniers petits coups de Horner, que Q(−2) = −2 et Q(2) = 42.
Donc les racines de Q sont en fait dans les intervalles ] − 2, −1[, ] − 1, 0[ et ]1, 2[ et
chacun de ces intervalles en contient exactement une.

3.3 Suites de Sturm


Soit P un polynôme à coefficients réels n’ayant que des racines simples. La suite de
Sturm de ce polynôme est une suite de polynômes qui permet de déterminer le nombre
de racines de P dans un intervalle donné. Elle est définie de la façon suivante : on pose
P0 = P et P1 = P 0 , où P 0 désigne le polynôme dérivé de P . Ensuite, pour calculer P2 ,
on effectue la division euclidienne de P0 par P1 . Le résultat peut s’écrire comme

P0 = P1 Q 1 − P2 ,

où le degré de P2 est strictement inférieur à celui de P1 . En d’autres termes, P2 est


l’opposé du reste dans la division euclidienne de P0 par P1 . Puis on recommence pour
calculer P3 , donc
P1 = P2 Q 2 − P3 ,
et le degré de P3 est strictement inférieur à celui de P2 , etc. On s’arrête lorsqu’on obtient
un polynôme constant Pn , ce qui arrive forcément puisque le degré des polynômes
obtenus diminue à chaque division. La suite de Sturm du polynôme P est alors

S = (P0 , P1 , . . . , Pn ).

Ensuite, pour chaque nombre réel x, on note V (x) le nombre de changements de signes
dans la suite S(x) = (P0 (x), P1 (x), . . . , Pn (x)).
Le théorème de Sturm, démontré par Charles Sturm (1803-1855) en 1829, affirme
que le nombre de racines de P dans l’intervalle [a, b] est égal à la différence V (a)−V (b).
Un exemple, un exemple ! Soit P = X 3 + 6X 2 − 16. Sa suite de Sturm est

S = (X 3 + 6X 2 − 16, 3X 2 + 12X, 8X + 16, 12).

En particulier, S(−7) = (−65, 63, −40, 12) et il y a 3 changements de signe dans cette
suite, donc V (−7) = 3. De même, S(2) = (16, 36, 32, 12) et cette fois, il n’y a pas de
changement de signe, donc V (2) = 0. Par conséquent, V (−7) − V (2) = 3 donc les 3
racines de P sont dans l’intervalle [−7, 2]. Étonnant, non ?

49
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3.4 Division suivant les puissances croissantes


C’est beaucoup moins fondamental que la division euclidienne, mais c’est une tech-
nique utile pour produire des algorithmes dans des cadres assez variés.

Proposition 19. Soit K un corps commutatif, A et B deux polynômes de K[X] et


n ≥ 0 un entier fixé. On suppose que B(0) 6= 0.
Alors il existe un couple (Qn , Sn ) unique (de polynômes) vérifiant la double condi-
tion :

A = BQn + X n+1 Sn et deg Qn ≤ n.

Démonstration : La démonstration d’existence n’est pas passionnante (simple descrip-


tion abstraite de l’algorithme de calcul) ; la démonstration d’unicité est plus agréable.
Preuve de l’existence
C’est une récurrence sur l’entier n ≥ 0.
• Pour n = 0, on note a0 = A(0) et b0 = B(0), puis on pose Q0 = a0 /b0 (qui existe
puisque B(0) 6= 0). On constate alors que A − BQ0 est par construction un polynôme
sans terme constant, donc dans lequel X se factorise ; on peut donc mettre A − BQ0
sous la forme XS0 .
• Soit n fixé et supposons le théorème vrai pour tous polynômes et tout i ≤ n ;
montrons le pour les polynômes A et B de l’énoncé et pour l’entier n + 1. Commençons
par effectuer la division suivant les puissances croissantes de A par B à l’ordre n, et
écrivons donc A = BQn +X n+1 Sn (avec deg Qn ≤ n), puis effectuons la division suivant
les puissances croissantes de Sn par B à l’ordre 0 : on obtient une constante k et un
polynôme T tels que Sn = kB + XT . On conclut que A = BQn + kBX n+1 + X n+2 T et
donc qu’on peut prendre Qn+1 = Qn + kX n+1 et Sn+1 = T pour répondre à la question.
Preuve de l’unicité
(1) (1) (2) (2)
Supposons qu’on ait deux écritures A = BQn + X n+1 Sn et A = BQn + X n+1 Sn
(1) (2)
remplissant les conditions deg Qn ≤ n et deg Qn ≤ n.
(1) (2) (1) (2)
Posons alors Qn = Qn −Qn et Sn = Sn −Sn de telle sorte que 0 = BQn +X n+1 Sn
(obtenue en soustrayant les deux écritures de A) avec en outre la condition deg Qn ≤ n.
Comme on a supposé B(0) 6= 0, X ne figure pas parmi les facteurs irréductibles de B,
donc X n+1 est premier avec B. Mais d’après l’identité BQn = −X n+1 Sn , X n+1 divise
BQn : on en déduit donc que X n+1 divise Qn (lemme de Gauss) ; vu la condition sur
le degré de Qn , ceci entraîne que Qn = 0. Dès lors 0 = X n+1 Sn donc Sn = 0. Les deux
écritures fournies de A étaient donc la même. 
La division selon les puissances croissantes s’effectue comme la division euclidienne,
mais à l’envers : on fait disparaître un par un les termes de plus bas degré du dividende,
en multipliant le diviseur par la quantité appropriée. Contrairement à la division eu-
clidienne, on peut la continuer indéfiniment : on ne s’arrête que quand l’ordre désiré

50
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est atteint. Par exemple, pour diviser A = X + 1 par B = X 2 + 1, on écrit :


1 +X 1 + X2
1 +X 2 1 + X − X2
X −X 2
X +X 3
−X 2 −X 3
−X 2 −X 4
−X 3 +X 4
Ce qui fournit la division suivant les puissances croissantes jusqu’à l’ordre n = 2 :

(1 + X) = (1 + X 2 )(1 + X − X 2 ) + X 3 (X − 1)

A quoi cela peut-il bien servir ? Eh bien entre autres, à décomposer en éléments
simples. . .
1+X (1 + X 2 )(1 + X − X 2 ) + X 3 (X − 1) 1 1 1 X −1
= = + − +
X 3 (1 + X 2 ) X 3 (1 + X 2 ) X3 X2 X X2 + 1

3.5 Formule de Cardan


Il s’agit d’une formule qui permet de résoudre l’équation générale du troisième degré
ax3 + bx2 + cx + d = 0. Par une réduction facile (saurez-vous effectuer cette réduction ?
Indication : poser x = y + e pour une constante e bien choisie et considérer l’équation
en y), on peut se ramener au cas de l’équation x3 + 3px + 2q = 0 avec p et q réels. Le
discriminant du polynôme X 3 + 3pX + 2q vaut par définition

D = q 2 + p3 .

La formule de Cardan affirme qu’une racine réelle de l’équation vaut


q√ q√
3 3
x= D−q− D + q.

Considérons par exemple l’équation x3 = 51x + 104. Alors p = −17, q = −52 et


D = 522 − 173 = −2209. En étudiant les variations de la fonction x 7→ x3 − 51x − 104,
notamment ses limites en plus ou moins l’infini, il est clair que cette équation admet
au moins une racine réelle, c’est d’ailleurs le cas de tous les polynômes de degré 3.
Pourtant, la formule de Cardan donne :
√ √
q q
3 3
x = 52 + −2209 + 52 − −2209,

qui semble être un nombre complexe pas spécialement réel. En fait, (47i)2 = −2209
donc la formule de Cardan devient
√ √
x = 3 52 + 47i + 3 52 − 47i.

51
Maths en L1̇gne Polynômes et fractions rationnelles UJF Grenoble

De plus, (4 + i)3 = 52 + 47i et (4 − i)3 = 52 − 47i, donc en reportant cela dans la formule
de Cardan, on obtient x = 8, qui est effectivement une solution réelle, assez simple de
surcroît !
Terminons-en avec les racines de x3 − 51x − 104 ; maintenant qu’on dispose de la
racine x = 8, on sait que x − 8 est un diviseur donc on va pouvoir calculer le quotient
par une division euclidienne puis factoriser le quotient puisqu’il est de degré 2. Dans
le détail,
x3 − 51x − 104 = (x − 8)(x2 + bx + c).
Il faut annuler le coefficient en x2 donc b = 8, et le coefficient constant vaut −104 = −8c
donc c = 13. Pour terminer dans l’esprit des contemporains de Cardan, on complète le
carré dans x2 + 8x + 13, donc on utilise la relation x2 + 8x + 13 = (x + 4)2 − 3 pour
obtenir finalement la factorisation
√ √
x3 − 51x − 104 = (x − 8)(x + 4 + 3)(x + 4 − 3),
√ √
et les racines x = 8, x = −4 − 3 et x = −4 + 3.
Le schéma général que nous avons utilisé ci-dessus pour trouver une (première)
racine de l’équation x3 = 51x + 104 a été inventé par une succession de mathématiciens
italiens au cours du 16ème siècle. L’histoire de cette découverte est animée et sordide,
pleine de ressentiment, de bruit, de fureur, de mesquineries et de traits de génie. Avant
de la raconter, mentionnons que c’est bien à travers l’étude des équations du troisième
degré que ces algébristes italiens sont conduits à introduire les nombres complexes. Ils
les appelleront au début nombres « impossibles » et les utiliseront comme de simples
artifices de calcul, non rigoureux et même un peu mystérieux, mais ayant le bon goût de
toujours fournir la solution. Cette résolution des équations cubiques et quartiques peut
être considérée comme une des plus grandes contributions à l’algèbre depuis les apports
des Babyloniens qui, 4000 ans plus tôt, avaient appris à compléter le carré comme nous
l’avons fait pour x2 + 8x + 13 ci-dessus, pour résoudre les équations quadratiques.
Rappelons pour finir que seules les équations de degré au plus 4 sont résolubles par
radicaux, c’est-à-dire que seules ces équations peuvent être résolues par des méthodes
générales donnant les solutions en fonction des coefficients du polynôme.

L’histoire qui nous intéresse, même si elle comprend de nombreux personnages, est
principalement celle de l’affrontement entre Niccolò Fontana, dit Tartaglia, et Giro-
lamo Cardano, que les Français appellent Jérôme Cardan. On peut choisir de la faire
commencer un peu plus tôt, à la toute fin du 15ème siècle, avec un moine franciscain
nommé Luca Paccioli (1445-1517).
En 1494, Paccioli rédige un traité d’algèbre, qu’il intitule la Summa. Il y reprend
tous les travaux des mathématiciens Arabes connus de lui, notablement ceux du mathé-
maticien, astronome et géographe Al Khwarizmi (780-850), considéré par de nombreux
historiens comme l’un des plus grands mathématiciens de tous les temps. On trouve en
particulier dans la Summa de Paccioli la résolution complète des équations du premier

52
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et deuxième degré et l’affirmation (fausse) selon laquelle les équations du troisième


degré sont insolubles par des méthodes algébriques.
En 1501 et 1502, Paccioli enseigne les mathématiques à l’université de Bologne. Il y
rencontre Scipione del Ferro (1465-1526), lui aussi professeur de mathématiques, et lui
fait part de sa conviction sur l’insolubilité des équations du troisième degré. Del Ferro
commence à s’intéresser au problème.
En 1515, del Ferro découvre une méthode algébrique de résolution des équations
cubiques x3 = px + q et x3 + q = px (à l’époque, les deux formes sont vraiment
différentes car on ne sait travailler qu’avec des nombres positifs). Plutôt que la publier,
il la note sur un carnet et la tient secrète.
En 1526, à la mort de del Ferro, son gendre Hannibal Nave, lui aussi professeur
de mathématiques (encore un), hérite du carnet. Toujours sur son lit de mort, del
Ferro confie également ses méthodes de résolution à son élève Antonio Maria Fior, peu
talentueux semble-t-il. Fior commence à se vanter d’être capable de résoudre toutes les
équations du troisième degré et, comme c’est l’usage à l’époque, il lance des défis (en
italien, disfide) sur ce thème.
Entre alors en scène Niccolò Fontana, dit Tartaglia (1505-1557), un des principaux
personnages de notre histoire. Tartaglia est né à Brescia. Son surnom provient de
tartagliare qui signifie bégayer en italien. Tartaglia avait en effet un défaut de parole,
séquelle d’une très grave blessure. Lorsque les Français saccagent la ville de Brescia en
1512, le petit Niccolò et son père se réfugient dans une cathédrale. Les soldats de Louis
XIV les y découvent, ils tuent le père de Niccolò, fracturent le crâne de celui-ci et lui
ouvrent la mâchoire d’un coup de sabre. Toutefois, sa mère réussit à le sauver de la
mort.
De famille modeste, Niccolò ne peut aller à l’école mais sa mère (encore elle) éco-
nomise et elle parvient à lui payer l’école pendant deux semaines. Niccolò profite de
ce court laps de temps pour voler des livres et il continue à apprendre en autodidacte.
Adulte, il gagnera sa vie en enseignant les mathématiques dans toute l’Italie et en
participant, on y revient, à des disfide mathématiques.
Tartaglia se consacre donc, lui aussi, à la recherche d’une méthode de résolution des
équations cubiques, et il arrive bientôt à résoudre certaines classes. En 1535, il relève
le défi de Fior et le duel s’engage entre les deux hommes. Chacun dépose une liste
de problèmes chez un notaire ainsi qu’une somme d’argent. Celui qui, sous quarante
jours, aura résolu le plus de problèmes proposés par l’autre sera désigné vainqueur et
remportera la somme. Juste avant la date limite, Tartaglia découvre une méthode qui
lui permet de résoudre tous les problèmes posés par Fior. Fior, lui, ne sait résoudre
que x3 + px = q mais les équations proposées par Tartaglia sont du type x3 + px2 = q.
Fior n’en résoud aucune ou, selon les sources, il n’en résoud qu’une seule, en tous les
cas il a perdu la disfida.
Tartaglia garde secrète sa méthode de résolution et ne la publie pas. Entre en
scène le deuxième protagoniste de notre histoire, Girolamo Cardano (1501-1576), dit
aussi Jérôme Cardan, à l’époque conférencier de mathématique à la fondation Piatti

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de Milan. Cardano connaît le problème des équations cubiques et, avant le défi entre
Fior et Tartaglia, il est d’accord avec le verdict de Paccioli selon lequel leur résolution
algébrique est impossible. Cette victoire éclatante de Tartaglia intrigue tout de même
Cardano, qui tente de découvrir seul une méthode, mais en vain. Cardano contacte
alors Tartaglia et lui demande de lui confier sa méthode, en promettant de garder le
secret. Tartaglia refuse.
Cardano, qui sait que Tartaglia est pauvre, lui écrit de nouveau pour lui proposer
de le présenter au marquis del Vasto, un des plus puissants mécènes du temps — si du
moins Tartaglia accepte de lui révéler son secret. Tartaglia réalise qu’un tel appui peut
être une aide non négligeable à son ascension sociale. Il propose à Cardano d’organiser
une entrevue avec le marquis lors de sa prochaine visite à Milan.
En 1539, Tartaglia quitte donc Venise pour Milan. Mais à son grand désespoir,
l’empereur ainsi que le marquis sont absents de Milan. Tartaglia donne alors son ac-
cord pour révéler son secret à Cardano à condition que Cardano jure de ne jamais le
divulguer. Cardano jure et Tartaglia lui révèle enfin sa méthode, sous la forme d’un
poème. En contre-partie et comme promis, Tartaglia obtient de Cardano une lettre
de recommandation auprès du marquis. Mais n’osant pas se présenter seul devant le
marquis et Cardano refusant de l’accompagner, Tartaglia retourne frustré à Venise sans
même avoir vu le fameux marquis et se demandant s’il n’a pas eu tort de dévoiler son
secret.
En 1540, Cardano est amené à chercher à résoudre l’équation du quatrième degré
x4 + 6x3 + 36 = 60x. Cardano n’y arrive pas et demande de l’aide à son secrétaire
Ludovico Ferrari (1522-1565), auquel on pense devoir en fait un grand nombre des
résultats publiés par Cardano. Ferrari parvient à ramener l’équation à une équation du
troisième degré que Cardano et lui savent résoudre. Ferrari généralise alors la méthode
consistant à ramener une équation du quatrième degré à une équation du troisième
degré, procédure qui paraîtra dans un futur livre de Cardano.
En 1543, Cardano et Ferrari se rendent à Bologne et apprennent de Nave que
del Ferro avait résolu bien avant Tartaglia certaines équations cubiques. Pour le leur
prouver, Nave leur confie le bloc-notes de feu del Ferro. Cardano décide que, bien qu’il
ait juré de ne jamais révéler la méthode de Tartaglia, rien ne l’empêche maintenant de
publier celle de del Ferro !
En 1545, Cardano publie enfin son livre Ars Magna, instantanément célèbre et
bien connu pour contenir la démonstration d’une méthode algébrique permettant de
résoudre les équations des troisième et quatrième degrés. Aujourd’hui, on appelle sou-
vent ces formules les formules de Tartaglia-Cardan.
Tartaglia est furieux car il considère que Cardano a transgressé sa promesse. S’en-
suivent des échanges de lettres d’insultes entre Tartaglia d’une part et Ferrari agissant
pour le compte de Cardano d’autre part, à l’issue desquels Ferrari défie Tartaglia.
Tartaglia, dont la vraie cible est Cardano, refuse. En 1546, il publie son propre livre,
Nouveaux problèmes et inventions, dans lequel il révèle sa version de l’histoire et le
parjure de Cardano. Mais grâce à Ars Magna, Cardano est devenu intouchable.

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En 1548, Tartaglia, toujours pauvre, reçoît une importante proposition d’un poste
de conférencier à Brescia, sa ville natale. Mais pour l’obtenir, il doit répondre au défi de
Ferrari. Tartaglia se résoud donc enfin au face-à-face avec Ferrari, son concurrent et la
créature de Cardano. Le 10 août, le défi a lieu à Milan dans l’église des frères Zoccolanti
sous les yeux de toutes les célébrités milanaises de l’époque, dont Don Ferrante di
Gonzaga, gouverneur de la ville et arbitre du duel. Ferrari fait une meilleure prestation
que Tartaglia, qui va jusqu’à déclarer forfait à l’issue du premier jour, laissant Ferrari
vainqueur. Tartaglia, déconsidéré, perdra même son poste à Venise un an plus tard.
Le dernier personnage de notre histoire est Rafaele Bombelli (1526-1573) et avec
lui les choses s’apaisent. En 1572, il couronne l’œuvre des savants italiens en réalisant
dans son traité Algebra la première étude véritable des √ nombres imaginaires.
√ Dans Ars
Magna, Cardano manipulait les deux nombres 5 + −15 et 5 − −15 et constatait
que leur produit et leur somme sont tous deux des nombres positifs ordinaires : 40 et
10. Mais Cardano qualifiait lui-même ces considérations de « subtiles et inutiles ».
En 1560, donc du vivant de Cardano, et en s’inspirant parfois lourdement d’un
manuscrit de Diophante tout juste retrouvé, l’Arithmetica, Bombelli reprend l’étude
du problème. Il remarque que lorsque la formule de Cardan aboutit à un discriminant
négatif, la méthode géométrique donne une solution réelle positive. Il retrouve ainsi la
racine réelle (connue avant lui) x = 4 de l’équation x3 = 15x + 4. Bombelli arrive à la
conclusion que toute équation du troisième degré posséde au moins une solution réelle.
Mais surtout, il est le premier à utiliser dans ses calculs des racines carrées imaginaires
de nombres négatifs pour obtenir finalement la solution réelle tant recherchée, et à
poser de manière systématique des règles de calcul pour ces nombres.
Voici, pour terminer cette très libre évocation historique, le texte du poème de
Tartaglia qui décrit sa méthode de résolution.
Quando chel cubo con le cose appresso
Se agguaglia à qualche numero discreto
Trouan dui altri differenti in esso.
Dapoi terrai questo per consueto
Che’llor produtto sempre sia eguale
Alterzo cubo delle cose neto,
El residuo poi suo generale
Delli lor lati cubi ben sottratti
Varra la tua cosa principale.
In el secondo de cotestiatti
Quando che’l cubo restasse lui solo
Tu osseruarai quest’altri contratti,
Del numer farai due tal part’à uolo
Che l’una in l’altra si produca schietto
El terzo cubo delle cose in stolo
Delle qual poi, per communprecetto

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Torrai li lati cubi insieme gionti


Et cotal somma sara il tuo concetto.
El terzo poi de questi nostri conti
Se solue col secondo se ben guardi
Che per natura son quasi congionti.
Questi trouai, e non con passi tardi
Nel mille cinquecentè, quatro e trenta
Con fondamenti ben sald’è gagliardi
Nella Citta dal mar’intorno centa.
Et pour ceux qui ne lisent pas l’italien, voici une traduction de la première partie avec,
entre crochets, les étapes de la méthode de résolution décrite par le texte.
Quand le cube avec les choses
Est égalé à un certain nombre [Cas x3 + px = q]
Trouves-en deux autres qui diffèrent de ce dernier [Trouver u et v]
Ensuite tu tiendras ceci pour habituel [tels que u − v = q]
Que leur produit soit égal
Au tiers du cube, des choses exactement [et tels que uv = (p/3)3 ]
Ensuite son reste général,
De leurs racines cubiques bien soustraites, √ √
Vaudra ta chose principale. [Alors x = 3 u − 3 v.]

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