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Mounia RHOMRI MOUNIR
Enseignante - chercheur à
La faculté de droit de Meknès
Introduction:
Nul ne peut nier le rôle de l’entreprise dans le développement économique et
sociale du pays. Certes, elle constitue un agent de création, de circulation et de
distribution des richesses au sein de la société en sus de son ampleur au niveau de
l’emploi, ce qui lui a permis de constituer le noyau du droit commercial.
En revanche, son activité peut être compromise par l’intervention du risque
pénal provoqué par le comportement malveillant de l’entrepreneur individuel comme
par celui du dirigeant social provoquant une difficulté financière de l’entreprise, une
difficulté due à la cessation des paiements, origine de l’ouverture des procédures
collectives et suscitant, en parallèle la responsabilité civile et pénale du commerçant.
En fait, la cessation du paiement des dettes par l’entreprise ne constitue pas
en soi un délit susceptible d’être sanctionné pénalement mais c’est
l’accomplissement d’un certain nombre d’actes ayant aggravé la situation financière
de l’entreprise et ayant menacé les droits de ses créanciers. Ces agissements
constituent selon les dispositions du code de commerce l’infraction de banqueroute.
Dans ce cadre, Mr Yves Guyon souligne que « l’expression banqueroute a son
origine dans le droit des foires italiennes à la fin du moyen Age, lorsqu’un
commerçant cessait ses paiements, son banc à l’assemblée des marchands était brisé
(banca rotta) pour bien montrer qu’il n’appartenait plus à la communauté »1.
Ainsi, la banqueroute constitue une infraction commise par les dirigeants de
l’entreprise individuelle ou à forme sociale, qui après l’ouverture de la procédure
collective ayant fait objet d’une procédure qu’ils soient de droit ou de fait rémunérés
ou non, sont coupables d’avoir dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture
de la procédure de traitement, soit fait des achats en vue d’une revente au-dessous du
cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
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Yves Guyon, droit des affaires, tome2, entreprises en difficultés, redressement judiciaire- faillite,
6ème édition, Economica, Paris 1997 p455.
ISSN: 7476-2605 ردمـد
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-Avoir détourné ou dissimuler tout ou partie de l’actif du débiteur
-Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;
-Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaitre des documents comptable
de l’entreprise ou de la société ou s’être abstenu de tenir une comptabilité lorsque la
loi en fait l’obligation1.
Historiquement, la faillite et la banqueroute constituaient deux infractions
provoquant de graves conséquences tant à la société qu’aux créanciers et touchaient
le commerçant dans son corps, ses droits, son honnêteté et étaient en conséquence
sanctionné par la peine de mort ; or la gravité de cette sanction se contrariait avec les
contraintes du commerce et de l’industrie et menaçaient la vie des hommes et les font
échapper à leur exercice. Le progrès de la société a conduit à la suppression de la 168
peine de mort et le régime de la faillite entant que régime commercial usant de
techniques et garanties juridiques protégeant les droits des créanciers, et le régime de
la banqueroute entant que régime pénal se basant sur l’incrimination et la sanction.
L’ancien système de faillite s’appuyait sur la notion de la sanction car il visait
l’apurement du monde des affaires des commerçants malhonnêtes. Ainsi, l’ancien
code de commerce marocain disposait que le jugement déclaratif de faillite peut
ordonner son dépôt à la maison d’arrêt si le failli n’a pas fait la déclaration de la
cessation de ses paiements au secrétariat du tribunal de première instance de son
domicile dans les quinze jours (l’article 198 de l’ancien code de commerce), ou s’il
n’a pas accompagné la déclaration du dépôt du bilan, ou n’ pas contenu l’indication
des motifs qui empêcheraient le failli de le déposer conformément aux dispositions
de l’article 199 de l’ancien code de commerce ou encore lorsque le failli cherche à
entraver par ses agissements la gestion de la faillite selon les dispositions de l’article
214 de la même loi.
La suppression de ces mesures privatives de liberté n’aura lieu qu’avec l’entrée
en vigueur de la loi 15.95 formant code de commerce2 qui les a remplacés par le
régime de la déchéance commerciale (l’article 714 du code de commerce).
En outre, l’infraction de banqueroute, sous l’égide du régime de la faillite, se
divisait en banqueroute simple et frauduleuse dont la répression était régie par les
dispositions du code pénal général. En revanche, vu la défaillance du régime
marocain en matière de la responsabilité des dirigeants sociaux la doctrine marocaine
a opté pour une intervention du législateur afin de limiter les abus exercés par les
dirigeants qui dilapidaient les biens de la société et les utilisaient pour leurs propres
besoins.3
Actuellement, le législateur marocain a adopté à travers le livre V du code de
commerce une politique de prévention et d’accompagnement de l’entreprise tout en
gardant l’incrimination et la sanction des actes et agissements nuisant à son activité
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Article 754 du code de commerce
Dahir n°1.96.83 du 1er aout 1996, B O n° 4418 datant du 3 octobre 1996 .
SQUALLI Abdelaziz ”Droit et pratique en matière de faillite et de liquidation judiciaire des
entreprises », édition SOFAPRESS, première édition 1995, p 209.
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et visant à compromettre les intérêts des créanciers au niveau des articles 721 jusqu’à
l’article 727 de la loi 15.95 du 1 er aout 1996. A ce niveau , le livre V du code de
commerce a subi une réforme en vertu de la loi 73.17 vu les carences constatées dans
les différents dossiers déférés devant les tribunaux de commerce. D’ailleurs, cette
loi a conservé le même régime de répression du délit de la banqueroute et des autres
infractions liées aux difficultés d’entreprise adopté par le livre V du code de
commerce régi par la loi 15.95.
Certes, l’incrimination et la sanction du délit de banqueroute et d’autres
infractions liées aux difficultés d’entreprise vise à dissuader tout agissement suscitant
des difficultés financières des entreprises, en l’occurrence, portant atteintes à
l’activité de l’entreprise et aux intérêts des créanciers. A ce niveau le nouveau droit 169
des difficultés d’entreprise s’inscrit dans le cadre d’une série de réformes entreprises
par le Maroc afin de s’adapter aux grands changements socio-économique connus
tant au plan national qu’au plan international , de tel changements imposés par la
libéralisation des marchés et la révolution technologique nécessitant, par conséquent,
la mise en place d’un régime juridique en plus d’institutions judiciaires permettant
aux entreprises de mieux affronter les défis de la concurrence internationale.
Certes, de telles réformes ne peuvent intervenir que par la contribution de
plusieurs études constituant une réflexion sérieuse sur la législation adoptée en la
matière, ce qui a fait de cette matière, y compris celle relative aux délits liés aux
difficultés d’entreprises, le centre d’intérêt de plusieurs réflexions.
Dans ce cadre, l’établissement d’une réflexion sur la politique pénale adoptée à
l’encontre des infractions liées aux difficultés d’entreprises nécessite de répondre à
la problématique suivante :
Dans quelle mesure le législateur marocain a-t-il réussi à établir sa
politique pénale vouée à dissuader et à réprimer tout agissement ou acte
suscitant des difficultés financières menaçant la vie de l’entreprise entant
qu’entité économique indispensable et source d’emploi ?
A l’instar de toute infraction, l’incrimination et la sanction des infractions
liées aux difficultés d’entreprise (la banqueroute et les autres infractions
déterminées par le livre V du code de commerce) se trouve régies par des règles de
fond mais aussi des règles de procédure relatives aux actes de l’action judiciaire.
Partant, porter une réflexion sur la problématique liée au sujet suivant nécessite
de traiter deux volets essentiels, à savoir :
D’une part, la politique pénale du législateur adoptée au niveau de
l’incrimination et la sanction des infractions liées aux difficultés de l’entreprise.
Et d’autre part, la politique pénale du législateur adoptée au niveau des règles
régissant l’exercice de l’action judiciaire liée aux infractions suscitant des difficultés
d’entreprise.
Afin de lutter contre les infractions liées aux difficultés d’entreprise le législateur
marocain a mis en places divers actes de procédures se rapportant à l’exercice de
l’action en justice. Néanmoins, certains de ces actes représentent de véritables défis
devant la politique pénale du législateur au niveau de la lutte contre ces infractions.
Il s’agit notamment de l’exécution des jugements prononcés par le juge répressif et
la prescription liée à l’exercice de l’action publique dans ce domaine.
D’une part, il convient de signaler que les jugements prononcés par le juge
répressif ne sont pas exécutoires de plein droit. Aux termes de l’article 761de la loi
73.17 « les jugements et ordonnances rendus en matière de procédure de sauvetage
et de redressement et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit , à
l’exception de ceux qui sont mentionnés à la section 2 du premier chapitre du titre
7, et aux sections 1 et 2 du chapitre 2 du titre 7 de ce livre ». Selon l’article cité ci-
dessus sont exceptés à l’exécution de plein droit les jugements liés à la déchéance
commerciale, la banqueroute et les autres infractions qui s’y attachent.
Par conséquent, ces jugements ne reçoivent exécution que s’ils deviennent
définitifs après l’expiration de toutes les voies de recours. Partant, l’inapplication du
principe de l’exécution obligatoire du jugement dans ce cadre manifeste une
banalisation de la commission de ces infractions et de leur impact sur la vie de
l’entreprise et les intérêts des créanciers.
Par ailleurs, la prescription de l’action publique liée à la banqueroute et les autres
infractions qui s’y attachent se soumettent au même délai de la prescription de
l’action liée aux autres délits incriminés par le code pénal à savoir cinq ans ( l’article
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ومساطر معالجتها ـ دراسة معمقة، الوسيط في مساطر الوقاية الصعوبات التي تعترض المقاولة، أحمد شكري السباعي-1
الجزء الثالث في التصفية القضائية والقواعد المشتركة بين،في قانون التجارة المغربي الجديد والقانون المقارن
مرجع، والجزاءات التجارية والجنائية المتخذة ضد مسيري المقاولة،مسطرتي التسوية القضائية و التصفية القضائية
466 ص، سابق
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4 de la loi relative à la procédure pénale) à compter du prononcé du jugement(l’article
690 de la loi relative à la procédure pénal) ; or la portée de ce délai est liée à son
point de départ qui diverge de celui des autres délits ordinaires. Dans ce cadre,
l’article 758 de la loi 73.17 dispose que « pour l’application des dispositions des
sections 1 et 2 du présent chapitre, la prescription de l’action publique ne court
que du jours du jugement prononçant l’ouverture de la procédure de redressement
ou de liquidation judiciaire lorsque les faits incriminés ont été commis avant cette
date ».
En conséquence, Il résulte de l’article cité ci-dessus que la prescription liée à 179
l’exercice de l’action publique ne court que du jour du jugement prononçant
l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire lorsque les
faits incriminés ont été commis avant cette date, ceci inversement aux autres délits
ordinaires dont le délai de prescription court à compter du jour de la commission du
délit (l’article 4 de la loi relative à la procédure pénale).
En plus, il convient de signaler que l’article ci-dessus ne résout pas le cas des
faits commis après la date du prononcé du jugement de redressement ou de
liquidation judiciaire. A cet égard, une partie de la doctrine a considéré que pour ce
dernier cas le délai de prescription court à partir du délai de la commission du fait
incriminé à l’instar des autres infractions incriminées1. De sa part la doctrine
française a adopté deux interprétations dans ce cadre s’envisageant d’une part dans
la prise en considération du jour où ces faits ont été commis d’une part, ou encore
celui où ce sont révélés, d’autre part2. Néanmoins, l’obscurité du texte constituera
source de contradiction de la jurisprudence sur ce point.
Conclusion :
Bibliographie
-Yves Guyon « droit des affaires »- tome 2 entreprises en difficultés, redressement judiciaire-faillite,
6ème édition Economica, Paris 1997.
- Yves Chartier « droit des affaires »-3 /entreprises en difficulté- prévention-redressement-
liquidaion- presse universitaire de France- première édition- avril 1989
- SQUALLI Abdelaziz « droit et pratique en matière de faillite et de liquidation judiciaire des
entreprises » - SOFAPRESS - première édition 1995
- J-LARGUIER « droit pénal des affaires », Amand Colin, 2001
- Dieunedort NZOUABETH “l’activité de l’entreprise saisie par le droit pénal”- revue CAMES /SJP
– n°001/2017
- journal les inspirations ECO – n° 2085 – mardi 27 mars 2018
و مساطر معالجتها ـ دراسة معمقة في، أحمد شكري السباعي" الوسيط في مساطر الوقاية الصعوبات التي تعترض المقاولة-
الجزء الثالث في التصفية القضائية و القواعد المشتركة بين مسطرتي التسوية،"قانون التجارة المغربي الجديد و القانون المقارن
، ، دار نشر المعرفة، الطبعة األولى، والجز اءات التجارية والجنائية المتخذة ضد مسيري المقاولة،القضائية و التصفية القضائية
2000./1421
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1- Abdessamad NAIMI” livre V du code de commerce un texte mine, adopté à la hâte”- journal les
inspirations ECO – n° 2085 – mardi 27 mars 2018 p 7.
ISSN: 7476-2605 ردمـد