Un Virus Très Politique
Un Virus Très Politique
Un Virus Très Politique
COVID-19
UN VIRUS TRÈS POLITIQUE
www.syllepse.net
Pour nous écrire : [email protected]
ÉDITIONS SYLLEPSE
6e édition, 4 mai 2020
Iconographie : DR.
Merci à Serge d’Ignazio pour la photo de la page 6.
SOMMAIRE
ANTIDOTES
1 Mai, jours d’après et jours d’avant
er
7
Une journée particulière 9
Le confinement ne protège pas du capitalisme 11
OUVERTURES
ÉDITION DU 4 MAI
À toutes les personnes qui n’en peuvent plus de cette gestion de crise calamiteuse 19
Le sentiment des personnels est que les administrations n’ont été d’aucune utilité et qu’une certaine
forme d’autogestion a constitué la bonne solution 21
Unis, unies, 1 Mai
er
23
Italie. Comme s’il avait été impensable de ne pas produire de boulons ou de voitures pendant quelques semaines ! 25
Mali. Si le coronavirus ne nous tue pas, la faim aura raison de nous 29
Iran. Le régime tue des prisonniers politiques et déclare qu’ils sont morts en prison du coronavirus 30
Italie. Il est nécessaire que les organisations liées au mouvement ouvrier remettent dans le débat public
la question du dépassement du capitalisme 32
Pologne. Dans les circonstances actuelles, ne travailler que là où c’est indispensable pour la société 36
Argentine. Il semble plus difficile de voir la fin du capitalisme que la fin du monde 39
État espagnol. Plus vite qu’on ne le pense, nous connaîtrons des explosions sociales 44
Corée. Défendre l’idée de l’autogestion et du contrôle des travailleurs et travailleuses 48
ÉDITION DU 27 AVRIL
Livreurs, Amazon : Des luttes dans le « nouveau monde » 53
Le retour de la faim ? Les alternatives sont là ! 56
Les Brigades de solidarité populaire 60
ÉDITION DU 20 AVRIL
Pour des changements permanents et pour que les salarié·es soient aux commandes 63
Production de masques : une coopérative à la place de l’usine Honeywell de Plaintel, dans les Côtes-d’Armor ? 65
La responsabilité des décideurs publics en période de crise sanitaire 68
Une épidémie prévisible 73
ÉPHÉMÉRIDE
ÉDITION DU 4 MAI
Éphéméride sociale (27 avril-3 mai) 79
ÉDITION DU 27 AVRIL
Éphéméride sociale (20 avril-26 avril) 98
ÉDITION DU 20 AVRIL
responsable des relations internationales du Korean Public Service and Transport Workers’ Union3
(Corée).
n « Il semble plus difficile de voir la fin du capitalisme que la fin du monde », Gonzalo Manzullo,
1. Serge d’Ignazio a fait ce montage avec des autoportraits qui lui avaient été envoyés à sa demande.
2. La CUB (www.cub.it) est membre du Réseau syndical international de solidarité et de luttes (www.laboursolidarity.org).
3. La KPTU (www.kptu.net/english) est la fédération des transports de la confédération KCTU (http://nodong.org) ; celle-ci est affiliée
à la Confédération syndicale internationale – Asie Pacifique et à la Confédération syndicale internationale (CSI).
4. La CTA (www.ctanacional.org) est membre de la Confédération syndicale des travailleurs et travailleuses des Amériques et de la
Confédération syndicale internationale (CSI).
générale du Syndicat des travailleurs du rail de l’Union nationale des travailleurs du Mali8.
« Dans les circonstances actuelles, ne travailler que là où c’est indispensable pour la société ».
n Marta Rozmystowicz, responsable des relations internationales de la confédération syndicale
1. Survenu à Chicago le 4 mai 1886, le massacre de Haymarket Square constitue le point culminant de la lutte pour la journée de huit
heures aux États-Unis et le moment fondateur du 1er Mai.
pouvoir qui dirigent la planète, ceux qui n’ont rien voulu faire, ceux qui n’ont rien vu venir, ceux
qui ont esquinté et piétiné les services publics, ceux qui vont tenter de profiter de la crise pour
renforcer leur domination, ceux qui cherchent des boucs émissaires, ceux qui ne savent qu’employer
la force, sans oublier les dangereux qui pensent que l’eau de Javel… soient renvoyés dans leur foyer.
Sans indemnité ni rachat !
Finalement, à la veille de cette journée particulière, les paroles, un peu désuètes il est vrai, enton-
nées rituellement, sans y penser vraiment, de L’Internationale, reprennent du sens : « que le voleur
rende gorge », « producteurs sauvons nous-mêmes », « Soufflons nous-mêmes notre forge ».
« Battons le fer quand il est chaud » et la force sera avec nous !
25 avril 2020
Je ne prétends pas englober tous les aspects de la crise mondiale en cours. Cela, pour trois raisons.
Par manque de compétences, notamment sur les aspects médicaux ; des éclairages sont proposés
par d’autres, pertinents en ce domaine, mieux vaut s’y reporter. Accessoirement, on notera que
cette retenue volontaire à propos des avis médicaux n’est pas contradictoire avec une volonté auto-
gestionnaire persistante, même en temps de confinement. L’autogestion ne signifie pas que tout le
monde sait tout sur tout, que tout le monde fait tout, que tout le monde doit s’intéresser à tout ;
mais que rien n’est confisqué par quiconque et que tout se complète, que tout doit coopérer et qu’il
faut construire ensemble. Donc tous et toutes sont égaux socialement, à tous points de vue.
Par choix, pour ce qui est des analyses et des perspectives politiques. La période en facilite l’éclo-
sion. Là aussi, notre choix éditorial est de permettre de retrouver certaines d’entre elles. Mais la
situation est paradoxale : nous recevons un très grand nombre de textes et d’appels ; l’ébullition
intellectuelle collective est une bonne chose. Mais, justement, est-elle vraiment collective cette ébul-
lition ? N’est-elle pas le fait d’une minorité ? Situation habituelle, pourrait-on dire… À la différence
qu’en temps de non-confinement, une partie de celles et ceux qui produisent de telles analyses le
font dans des cadres collectifs, après des échanges, des controverses, des remises en cause, des enri-
chissements mutuels ; les innombrables conférences téléphoniques ne remplacent pas cela. Pour le
dire clairement, ce qui manque à nombre de ces contributions, c’est que bien souvent elles ne sont
pas liées à l’activité sociale et ne donnent guère d’indications pour la lutte concrète, aujourd’hui
comme pour le « jour d’après ». Bien sûr, c’est un problème qui ne se limite pas au temps de confine-
ment, mais le contexte renforce cela. En effet, qui, mieux que celles et ceux qui travaillent ensemble,
doit définir dans quelles conditions et avec quels moyens la sécurité est vraiment assurée ? Qui,
mieux qu’elles et eux, sait comment organiser le travail ?
Nous savons les enjeux mondiaux que soulèvent la pandémie et la crise mondiale majeure globale
qu’elle a déclenchée. Essayons de mettre en pratique l’internationalisme dont nous nous réclamons.
Indéniablement, la crise mondiale s’y prête. La portée de notre internationalisme, dans le contexte
actuel, est directement liée à nos pratiques. Et donc à leurs limites. Mais, à travers le monde, comme
le montre notre Éphéméride sociale, pourtant partielle dans le livre en édition permanente que nous
publions depuis le 30 mars, les mouvements populaires, les mouvements sociaux et le mouvement
syndical proposent et dessinent une autre politique.
1. Christian Mahieux est éditeur aux éditions Syllepse, cheminot retraité, syndicaliste et membre du comité de rédaction de Cerises la
coopérative et de la revue de l’Union syndicale Solidaires, Les Utopiques.
tiques : la propriété privée des moyens de production, bien sûr, mais aussi la confiscation des déci-
sions par quelques-un·es, le rôle de l’État et des pouvoirs dits publics, la hiérarchie, les inégalités, les
discriminations, la répression, etc. À partir de faits, de situations vécues et pleinement ressenties par
la majorité de la population, posons des questions concrètes sur l’après ; en commençant par nos
revendications, nos mots d’ordre, nos slogans et nos orientations politiques. Face au désastre de la
privatisation de nombre de secteurs économiques, on voit refleurir des demandes de nationalisation.
Nationaliser ? S’en remettre à l’État et aux pouvoirs dits publics pour gérer dans l’intérêt collectif ?
Est-ce vraiment une leçon de la crise actuelle ?
Une chose est sûre : pas plus que le système capitaliste, la crise sanitaire ne met « tout le monde
à égalité ». C’est pourtant ce qu’on veut nous faire croire, pour mieux défendre l’idée d’une unité
nationale. On voit que ce n’est pas vrai, ne serait-ce qu’en constatant que telle ou telle personnalité
« bénéficie » d’un dépistage qui est toujours refusé à la population ; ou encore que, tandis que des
SDF sont verbalisé·es pour ne pas être confiné·es dans un « chez eux » qu’on leur a retiré, le pré-
sident du Medef fait tranquillement des allers-retours entre Paris et son lieu de villégiature… Petits
exemples, grande réalité !
Les habitantes et habitants des quartiers les plus pauvres sont plus touché·es par la crise. Une fois
de plus, on ne compte pas les cas de violences policières. Certes, la violence d’État n’a nul besoin
du confinement pour s’exercer. Mais c’est une opportunité de plus pour réprimer et humilier celles
et ceux qui vivent dans ces quartiers, particulièrement les non-Blancs et non-Blanches. Gazages,
tabassages, LBD, etc. : on retrouve les pires moments des occupations policières lors des révoltes des
quartiers populaires. Le premier rapport de l’Observatoire de l’état d’urgence sanitaire confirme ce
constat :
Après quinze jours de confinement, les 2 millions d’habitants qui vivent sous couvre-feu,
les 6 millions de contrôles et 359 000 procès-verbaux dressés et l’immense majorité des
personnes qui ont subi des coercitions policières sont des habitant·es de quartiers popu-
laires et des territoires colonisés, non-blancs et de condition populaire. On observe ainsi
une continuité et un approfondissement des discrimination racistes, sexistes, capitalistes
et autoritaires dans le confinement. Il existe un lien historique et sociologique entre les
couvre-feux mis en place dans les (ex)-colonies et dans les quartiers populaires2.
La résistance et l’entraide se sont mises en place autour de collectifs et de structures préexistant
dans les quartiers. Si la dimension de classe n’y est pas forcément théorisée ni même assumée, c’est
pourtant bel et bien une composante de notre classe sociale qui s’organise avec les outils dont elle
dispose. Reste posée la question du lien avec l’organisation spécifique de cette classe, le syndicat.
Des choses se font, beaucoup trop peu. Mais nous le savions déjà. Le trop faible nombre d’unions
locales n’est pas dû au coronavirus.
Les initiatives comme la suspension du paiement des loyers, soutenue par de nombreuses orga-
nisations, à l’initiative de Droit au logement (DAL), sont des points d’appui importants. Car, faut-il
le rappeler, les conséquences économiques de la crise se paient plus fort et plus vite quand on ne
touche que 1 219 euros par mois. Et beaucoup – notamment les femmes – sont loin de percevoir
les 1 219 euros du salaire minimum de croissance (smic).
La situation dans les prisons et dans les centres de rétention administrative (CRA) est catastro-
phique. Là encore, on est tenté de dire : oui, comme en temps ordinaire. Et comme en temps ordi-
naire, la population qu’on y trouve est ultra-majoritairement constituée de personnes des milieux
2. https ://acta.zone/premier-rapport-de-lobservatoire-de-letat-durgence-sanitaire/.
3. Courrier envoyé le 23 mars 2020 par la cour d’appel de Poitiers, le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon et le service d’application
des peines, aux directeurs des maisons d’arrêt de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte, cité dans le rapport évoqué plus haut.
4. https ://acta.zone/premier-rapport-de-lobservatoire-de-letat-durgence-sanitaire/.
ment élevée. Il est clair que l’insuffisance de moyens, humains et matériels, dont dispose le personnel
a considérablement aggravé la situation. Cela avait été expliqué, argumenté et démontré, depuis
longtemps, par les organisations syndicales du secteur, ainsi que par celles de retraité·es. N’oublions
pas non plus d’attirer l’attention sur les personnes vivant dans les instituts médico-éducatifs (IME)
ou dans les établissements psychiatriques Elles aussi paient encore plus cher la pandémie.
Il en est de même pour les sans-abri, les SDF, les squatters. Marginaux ? Sous-prolétariat ?
Qu’importe ? Les travailleurs et travailleuses pauvres ne sont pas une création de la pandémie. Mais
par la déstructuration sociale qu’elle crée, celle-ci amplifie des situations déjà critiques.
Pour ce qui est des « confettis de l’empire », reportons-nous à cette récente communication du
Réseau syndical international de solidarité et de luttes :
Les populations des pays encore colonisés subissent une peine supplémentaire. Dans ces
régions du monde, toute l’économie est tournée vers les besoins des pays colonisateurs.
Cela a des conséquences dramatiques dans la crise que nous connaissons : infrastructure,
habitat, centres de soins, alimentation, structures sociales, etc., tout est largement en des-
sous des besoins ! Se laver les mains souvent est difficile quand il n’y a pas de point d’eau.
Une grande partie de la population de ces pays vit « ordinairement » dans des conditions
effroyables ; l’état sanitaire de beaucoup accentuera les conséquences dramatiques de la
pandémie. Les gouvernements, les patrons et les riches des pays colonisateurs méprisent
la population locale. Cela se traduit aussi en ces temps de crise sanitaire mondiale : le
matériel de protection y est insuffisant (ou composé de matériel hors d’état), les consignes
coloniales ne tiennent aucun compte des réalités locales. Alors que la population y est,
globalement, en moins bonne santé, c’est là que sont affectés moins de moyens5.
Le collectif Ni guerre ni état de guerre dénonce l’envoi de deux navires porte-hélicoptères, un
vers La Réunion, l’autre vers la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane : deux navires militaires
non médicalisés… Outre la claire menace d’intervention militaire en cas de révolte populaire, on
notera le mépris habituel : un des deux navires est présenté comme devant répondre aux besoins de
populations en se rendant à proximité « de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane » : mais il y
a 1 650 kilomètres entre la Guyane et la Guadeloupe ! Qui oserait annoncer l’envoi d’un navire vers
les rives européennes de l’océan Atlantique en affirmant qu’il répondra aux besoins du Portugal, de
l’Espagne, de la France, de la Grande-Bretagne et de la Belgique ? Quel sens ont les consignes de
confinement lorsque les populations n’ont pas l’eau courante ? C’est le cas de 30 % des logements
à Mayotte…
En Guadeloupe, l’Union générale des travailleurs de la Guadeloupe (UGTG)6 se bat contre les
décisions que prétend imposer un État situé à 6 700 kilomètres… Les moyens pour le secteur de la
santé faisaient partie des revendications lors du mouvement qui a secoué la Guyane en 2017 ; il y a,
en tout et pour tout, dix lits en réanimation dans ce pays. À La Réunion, les masques livrés étaient
moisis. Le couvre-feu est de règle en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et en Polynésie, et
on comprend aisément les conséquences sur celles et ceux qui travaillent dans la rue, nombreux et
nombreuses dans ces pays.
Le « travail informel », parlons-en. 10 % des emplois, sans droits : travaux dans les maisons, répa-
rations automobiles, baby-sitting, cours particuliers, ventes de cigarettes, de produits stupéfiants,
etc. Pour des raisons diverses, mais toutes issues du contexte actuel (confinement, manque d’ap-
provisionnement), tout ceci s’est effondré. Là encore, les milieux populaires sont plus exposés que
POUR CONCLURE
Laissons à nouveau la parole à l’Observatoire de l’état d’urgence sanitaire, qui relève une « férocité
contre les classes dominées et en particulier les plus pauvres, les non-Blanc·hes, les migrant·es, les
travailleur·euses illégalisé·es, les prisonnier·es, avec des conditions d’oppressions conjuguées pour les
femmes dans chaque catégorie. Les conditions de vie imposées aux personnes relèvent, elles aussi,
de l’écrasement voire de l’élimination. On remarque une communauté d’expériences du confine-
ment entre tous ces secteurs du champ de bataille. Il s’agirait d’aider à construire et consolider des
ponts entre chacun de ces territoires du confinement et entre toutes ces résistances. […] On voit se
révéler et surgir dans chaque secteur des formes d’auto-organisation populaires. C’est sans doute là
qu’il faut fournir de la force, des moyens et construire des liens, car à l’intersection des résistances
populaires, des groupes d’entraide et des brigades de solidarité pourront s’enclencher les luttes
contre la société de (post)-confinement8. »
18 avril 2020
1. Mary Low, « La nuit est pour toujours », Sans retour, Paris, Syllepse, 2000.
BAS LES MASQUES !
À TOUTES LES PERSONNES QUI N’EN PEUVENT PLUS DE CETTE GESTION DE
d’équipements de protection.
n Nous exigeons des mesures d’urgence pour une vie digne pour les plus vulnérables.
n Nous exigeons que les aides financières octroyées avec l’argent public aillent en priorité à nos
services publics et que tous les professionnels essentiels à notre société soient enfin rémunérés à
leur juste valeur
n Nous voulons mettre fin à ce système qui broie les vies au nom du profit, et construire
ensemble une société plus juste, plus équitable, un monde où le soin et la solidarité seront enfin des
fondamentaux.
Les actions que nous proposons, pour le moment, sont simples :
À tous les professionnel·les de santé, du médico-social et du social qui se reconnaissent dans cet
appel : rejoignez-nous, partagez vos témoignages.
À tou·tes les travailleur·euses « essentiel·les », aux « premier·es de corvée » qui font tourner la
machine : rejoignez-nous également, partagez vos témoignages, construisons un mouvement large
au-delà de nos secteurs.
À toutes et tous : faisons de chaque mardi une journée de mobilisation à nos fenêtres pour la
Il y a une petite musique qui nous affirme que l’épidémie est en train de reculer et que
la pression sur les hôpitaux se relâche. Avez-vous les mêmes impressions sur le terrain ?
Les personnels sont épuisés mais surtout en colère. Colère renforcée par le fait que le gouver
nement ne répond pas aux revendications posées depuis un an, notamment sur les augmentations
de salaire. L’annonce d’une simple prime aux « héros » pour solde de tout compte est très mal vécue.
Par ailleurs, les plans de restructuration et d’économies se poursuivent. Comme l’a annoncé
Édouard Philippe, après le limogeage du directeur de l’ARS du Grand-Est pour ses propos mal-
heureux – il disait en fait tout haut ce que ses collèges n’annoncent pas mais mettent en œuvre –,
ces projets sont suspendus et non pas annulés. D’ailleurs, nos collègues de l’hôpital psychiatrique
du Vinatier, à Lyon ont déjà organisé des rassemblements dans la cour de l’hôpital pour demander
la réouverture de lits que la direction compte fermer définitivement à l’issue de la crise. Il n’est
pas question pour les personnels hospitaliers de revenir à la situation antérieure. Les revendications
restent et une réponse devra y être apportée par le gouvernement. Elles s’articulent autour de trois
axes : des emplois, des augmentations de salaire, l’arrêt des plans de restructuration et la réouverture
de lits autant que nécessaire.
Tout à fait. La mobilisation de l’hôpital n’a reposé que sur l’initiative et la « débrouillardise » des
personnels. Les administrations et notamment les ARS ont été complètement défaillantes dans leur
mission principale qui était d’apporter les moyens, notamment logistiques, nécessaire pour répondre
à la crise. Non seulement elles n’ont pas su répondre à la pénurie de moyens, mais certaines d’entre
elles ont poursuivi leur politique de répression des agents qui protestaient. Leur seule aide a été de
nous fournir des tutoriels pour fabriquer des équipements de protection avec des sacs-poubelles.
Bien entendu, la solidarité locale, les applaudissements sont toujours appréciés, mais les soignants
attendent de la population qu’elle les soutienne plus activement dans leurs revendications. Le mou-
vement social à l’hôpital rejoint celui des Gilets jaunes car les causes de la colère ont la même
origine : la politique libérale de casse des services publics, de désertification des territoires avec ses
conséquences en termes de montée des inégalités.
Dans notre « Éphéméride sociale », qui rend compte des luttes sur les cinq continents,
on remarque une forme d’insubordination face aux autorités sanitaires. Aux États-Unis,
entre la répression des personnels trop bruyants et les résistances intenses des tra
vailleur·euses au « manque de tout », c’est impressionnant. Est-ce que dans ton service
cela se retrouve, par exemple, dans des réorganisations du travail quotidien ou dans
une forme d’autonomisation des personnels vis-à-vis des directives venues d’en haut ?
En effet, le sentiment des personnels, toutes catégories confondues, est que les administrations
n’ont été d’aucune utilité dans la période et qu’une certaine forme d’autogestion s’appuyant sur
des initiatives individuelles a constitué la bonne solution. Cela ouvre des perspectives pour l’avenir
autour d’un vieux slogan qui n’apparaît plus si éculé que cela : le pouvoir aux travailleur·euses.
Pour finir, comment selon toi, en tant que médecin, syndicaliste CGT ou porte-parole
de l’AMUF, va s’articuler la suite avec la bataille des urgences, les comités pour la
défense de l’hôpital, et plus généralement celle pour une santé publique de qualité face
futur incertain qui nous attend ? Quelles mesures immédiates ?
La bataille ne se limite pas aux urgences, ni même à l’hôpital aujourd’hui. La question est de savoir
quel système de santé voulons-nous et comment doit-il être financé. Pour la CGT et l’AMUF, deux
principes doivent être mis en avant : le service public et le financement solidaire par une Sécurité
sociale intégrale. Service public : cela signifie une intégration de la réponse aux besoins de santé de
la naissance à la mort dans le cadre d’un grand service public. Cela signifie la fin de la médecine
libérale et la rémunération à l’acte telle qu’elle existe aujourd’hui, ainsi que la fin du secteur privé
à but lucratif dans la santé et le médico-social (cliniques et Ehpad). Sécurité sociale intégrale : cela
signifie la fin des assurances maladie complémentaires et un retour aux fondements de la Sécurité
sociale, collecteur unique de cotisations et financeur unique des dépenses de santé.
Devant l’impossibilité de manifester dans les rues, les organisations et les collectifs suivants :
COBAS, Confédération intersyndicale, CGT (État espagnol), Étudiants en mouvement,
Écologistes en action, Coordination Baladre, Coordination nationale des marées blanches,
Fridays for future, se sont mis d’accord avec ce manifeste pour le 1er Mai 2020.
En premier lieu, notre souvenir et respect pour toutes les victimes de la pandémie et notre soli-
darité avec les travailleurs qui œuvrent pour éradiquer la maladie.
Il y a un peu plus d’un siècle les « martyres de Chicago » sortirent dans la rue pour revendiquer un
droit auquel aujourd’hui nous ne pouvons renoncer, la limitation de la journée de travail à 8 heures
quotidiennes. Beaucoup de personnes furent assassinées par la répression étatique qui tentait d’em-
pêcher une conscience collective qui ne s’est pas arrêtée.
La situation actuelle nous unit dans une dignité de la classe travailleuse, qui combat en première
ligne contre la pandémie, faisant la démonstration qu’elle est l’unique classe capable de nous sortir
de cette crise sanitaire et de la débâcle de ce système social.
Nous abordons ce 1er Mai dans ce moment dramatique, ce qui renforce les raisons de se mobiliser
et d’exiger des États et du patronat que notre santé, notre vie et celle de la planète valent beaucoup
plus que leurs profits.
Il y a peu, des millions de personnes se mobilisaient dans le monde entier contre le changement
climatique, et plus récemment, pour l’égalité de genre et contre les violences machistes. Aujourd’hui,
plus que jamais, nous devons continuer ces justes luttes.
Défendre les services publics universels et de qualité, comme garants en termes d’égalité des
besoins et des droits de tous les individus, comme récupérer les entreprises qui ont été offertes
aux mains du privé, doivent être quelques-uns de nos engagements principaux. Nous avons vu ce
qu’une santé publique colonisée par la spéculation et les lois du marché fait : il y a plus de gens
qui meurent et moins de soignants pour nous soigner. Nous ne voulons ni héros, ni héroïnes, mais
des professionnels en nombre suffisant et bien traités au travail, économiquement et sanitairement.
Nous réaffirmons les propositions que nous avons déjà exigées du gouvernement pour faire face à
la pandémie, garantissant les moyens sanitaires pour défendre la vie et les moyens sociaux en inter-
disant les licenciements, en assurant les moyens donnant à tous la possibilité de vivre le confinement
avec des garanties.
Nous exigeons une santé et une éducation publiques éloignées des marchés spéculatifs, des pen-
sions publiques dignes et suffisantes pour tous, le droit de vivre dans la dignité, la mobilité avec des
transports publics accessibles, l’attention envers les personnes dépendantes et différentes, celles à
protéger dans le sens le plus large, sans oublier les « exclus » qui sont hors de l’emploi, du marché, etc.
Nous luttons pour l’abrogation des réformes du travail, pour la création d’un revenu de base
minimum d’égalité, pour garantir les droits des migrants, pour le droit des jeunes à se projeter dans
le futur, pour combattre la répression étatique avec ses lois et ses prisons, entravant les malades
mentaux par une désastreuse politique sanitaire, pour le droit à un environnement sain, pour agir
avec fermeté pour stopper le changement climatique, en évitant la perte de la biodiversité.
Nous posons le problème de l’accès à l’alimentation dans le monde et dans nos proches
Avec plus de 25 000 décès dus au Covid-19, l’Italie est l’un des pays les plus touchés au monde
par la contagion. Et en particulier, la Lombardie, qui est l’une des régions les plus industrialisées,
polluées et densément peuplées d’Europe : 14 000 personnes y sont mortes, plus de la moitié du
total du pays.
Il est toutefois important de savoir que les données officielles sous-estiment le phénomène. On
considère que les chiffres réels deux fois plus importants que les officiels, car ces derniers ne
tiennent pas compte des nombreux décès survenus au domicile, sans avoir pu bénéficier du test
du Covid, ou dans les maisons de retraite. Dans celles-ci, une véritable hécatombe a eu lieu, en
raison de la décision irresponsable de la région de Lombardie d’y transférer les patient.es guéri.es
du Covid-19 sans mesures d’isolement appropriées. C’est comme si on avait lancé une allumette
allumée sur une botte de foin.
En particulier, dans la province la plus touchée, Bergame (où j’habite), on estime que plus de 5 000
personnes sont décédées depuis fin février, sept fois plus qu’au cours de la même période en 2019.
À tel point qu’à la mi-mars, des dizaines de cercueils ont été transportés sur des camions militaires
à l’extérieur de la province parce que le cimetière de la ville n’était plus en mesure de les recevoir.
C’est seulement depuis hier, après environ un mois, que les familles de ces victimes ont su où le
cercueil de leurs proches avait été amené.
La gestion de l’urgence Covid-19 a laissé de côté la santé de celles et ceux qui travaillent, et par
conséquent de l’ensemble de la communauté, pour satisfaire les intérêts des entreprises, qui n’ont
pas voulu, et ne veulent toujours pas, qu’on touche à leurs profits. Pendant des semaines, alors que le
nombre de contagions explosait, la décision de fermer ou pas a été laissée aux entreprises. Dans les
villes les plus touchées, ce choix a été criminel et a exposé les travailleuses et travailleurs au virus,
les transformant ainsi en un véhicule de contagion pour les membres de leur famille.
L’unique mesure de protection aurait dû être, dès le départ, la fermeture des entreprises non
essentielles, dont les usines, qui n’ont fermé que le 22 mars. Le rôle de Confindustria [le Medef
italien] a été déterminant dans ce choix. Début février, lorsque les premiers cas de contagion ont
commencé à émerger en Italie, dans la province lombarde de Lodi, le gouvernement a immédiate-
ment pris la décision de confiner pour quinze jours les municipalités où étaient apparus les premiers
foyers de contagion établissant la première « zone rouge ». Avec des effets positifs, car en peu de
temps l’infection a considérablement ralenti.
1. Eliana Como est membre de la FIOM-CGIL, animatrice de Riconquistiamo-Il sindacato è un’altra cosa (Italie).
province voisine de Bergame, en particulier dans la zone au nord de la ville (l’une des deux vallées
de Bergame, Val Seriana, l’un des centres industriels de la Lombardie). Mais la même procédure
n’a pas été mise en place. Prenant une lourde responsabilité, ni le gouvernement, ni la région, ni
les maires des communes concernées n’ont procédé à l’instauration d’une zone rouge. En l’absence
de toute mesure restrictive, pendant plus d’une semaine, cette épidémie a continué de s’étendre,
mettant en danger toute la province de Bergame et les provinces voisines. La principale raison qui a
empêché la création immédiate de la zone rouge autour de Bergame a été la pression des secteurs
économiques : même face à une urgence sanitaire, on devait continuer à faire des profits. Comme
s’il avait été impensable pour un pays comme l’Italie de ne pas produire de boulons, de voitures ou
de tuyaux en acier pendant quelques semaines !
Lorsque, entre le 8 et le 9 mars, le gouvernement a ordonné des mesures restrictives qui limite-
raient la circulation des personnes pendant les deux prochaines semaines (d’abord seulement dans
le Nord, le lendemain dans tout le pays), les mêmes décrets laissaient toujours la possibilité de se
déplacer pour aller travailler. Ainsi, alors que la population était informée de #jeresteàlamaison, des
centaines de milliers de travailleurs et travailleuses ont continué à se rendre au travail, s’entassant
dans les locaux des entreprises et dans les transports en commun. Même à Bergame, épicentre de la
contagion, nous avons continué à travailler comme si de rien n’était, alors qu’entre-temps le nombre
de décès avait augmenté de façon spectaculaire, avec l’effondrement du système hospitalier et la
saturation des unités de soins intensifs (violemment amputées par les politiques d’austérité au cours
des dernières décennies).
Ce n’est que le 22 mars que le gouvernement a finalement ordonné la fermeture des activités
non essentielles. Outre le retard dramatique (en particulier, pour les régions du Nord, qui étaient en
pleine urgence depuis des semaines), le décret s’est révélé largement inefficace, laissant trop de lati-
tude pour la définition de « l’activité essentielle » et, surtout, permettant à toute entreprise, par une
simple auto-attestation, de continuer à produire même si son activité n’est pas indispensable. Malgré
la prolongation des mesures restrictives par le gouvernement jusqu’au 3 mai, grâce à ce mécanisme,
les entreprises ont continué à produire, même après Pâques. Et maintenant, la perspective d’un redé-
marrage généralisé le 3 mai semble inévitable, malgré la situation sanitaire toujours critique.
Quelles sont les conséquences pour les travailleurs ? Pour la population la plus pauvre en général
(chômeurs et chômeuses, sans-abri, secteur informel, etc.) ?
Les travailleurs et travailleuses paient un lourd tribut dans ce contexte Les mesures prises par le
gouvernement italien depuis le début ont été très contradictoires et ont imposé un énorme fardeau
à celles et ceux qui travaillent. Un énorme effort a été demandé dans des domaines clés, souvent
sans les garanties de sécurité sanitaires minimales ; en particulier à celles et ceux qui travaillent dans
les services essentiels au public, à commencer par la santé, les maisons de retraite mais aussi la dis-
tribution alimentaire (les supermarchés sont toujours ouverts le dimanche, même en Lombardie), les
transports, les services d’assainissement et le nettoyage industriel, services publics, etc.
Là où le travail s’est vraiment arrêté (dans certains secteurs de manière globale : par exemple, le
tourisme, la restauration, le secteur artistique, la culture et les loisirs, la distribution commerciale,
etc.), une autre crise est survenue : les allocations ont été versées tardivement et de manière tota-
lement insuffisante : l’assurance-chômage ne couvre qu’une partie des salaires – pour un ouvrier
moyen, juste un peu plus de la moitié. Beaucoup n’ont même pas droit aux indemnités chômage,
en particulier les travailleurs et travailleuses précaires : seule une prime globale unique de 600 euros
a été allouée pour toute la période de non-travail (et à ce jour, personne ne l’a encore perçue). Les
salarié·es des petites entreprises sont couvert.es uniquement par le fonds dont le paiement est assuré
directement par l’INPS [Sécurité sociale] et cela ne leur parviendra pas avant quelques mois. Sans
rupture avec le capitalisme ? Dans quelle perspective ? Avec quelles forces populaires ?
Je crains qu’on ne sorte de cette crise de la même façon que nous y sommes entré·es. Ce seront
toujours les classes populaires, les travailleurs et travailleuses qui paieront les conséquences de la
crise économique. Car dès que les entreprises pourront licencier, elles le feront. Pour l’instant, il y a
une interdiction des licenciements, même si nombre de travailleurs et travailleuses précaires ont déjà
perdu leur emploi car leur contrat n’a pas été renouvelé. Je doute qu’après cette crise, les rapports
de force changent et que s’ouvre une nouvelle phase. Et je ne pense pas que les salaires augmen-
tent parce qu’on aurait finalement compris que les travailleurs et travailleuses étaient importants
pour faire marcher le pays quoi qu’en dise la rhétorique de l’automatisation et des délocalisations.
D’autant plus que si l’Europe nous impose le MES, nous sortirons de cette affaire avec la corde des
politiques d’austérité au cou. Il est également difficile pour la classe politique de reconnaître les
véritables effets de la pollution, car c’est dans la vallée du Pô, qui est l’endroit le plus pollué et le
plus industrialisé d’Italie, que s’est davantage développé le virus.
Il est vrai, cependant, que la tragédie a démontré que certaines des revendications de la gauche
radicale ne peuvent plus être reportées et je pense que cela devrait devenir un terrain de lutte pour
la construction d’un modèle de société différent. Demain, il sera plus facile d’affirmer qu’il est
nécessaire de se battre et se mobiliser pour le budget de la santé et des services publics, que nous ne
pouvons plus donner un centime au système de santé privée, que sans les travailleurs et travailleuses
le pays s’arrête, qu’il est temps d’en finir avec la précarité et les salaires de misère, qu’un tel niveau
de pollution ne peut être toléré, que la vie vaut plus que les profits et surtout, que les patrons n’ont
aucun scrupule à envoyer ceux et celles qui travaillent pour eux au massacre (ils n’hésiteront pas à
licencier en masse lorsque cela les arrangera).
Ces concepts sont plus compréhensibles pour tous et toutes aujourd’hui. Mais ils ne se traduisent
évidemment pas immédiatement par des mobilisations. Peut-être, avant toute chose, après cette tra-
gédie, nous devrions essayer d’accomplir le miracle de réunir la galaxie de la gauche radicale autour
de ces quelques revendications simples.
28 avril 2020
La pandémie est bien là, malgré ce que certains disent. L’État malien a annoncé les mesures dites
« barrières » : lavage des mains, solutions hydroalcooliques, masques, distance de 1,50 mètre… Encore
faudrait-il que le matériel soit disponible et accessible à tous et à toutes. Un couvre-feu a été imposé
de 21 heures à 5 heures. Tout rassemblement de plus de 50 personnes est interdit. Les transports
sont limités.
Quelles dispositions ont été prises pour les travailleurs et les travailleuses ?
Aucune disposition réelle n’est prise, malgré de grandes déclarations à la télévision. Écoles, uni-
versités, hôtels, bars, cinémas, aéroports, etc. sont fermés.
Quelles sont les conséquences pour les travailleurs ? Pour la population la plus pauvre
en général (chômeurs et chômeuses, sans-abri, secteur informel, etc.) ?
Indépendamment de la crise liée au coronavirus, nous vivions déjà dans une situation très diffi-
cile. Pour les cheminot·es, nous en sommes, de nouveau, à quatre mois de salaires non payés. Sous
la pression de SYTRAIL, appuyé par la CDTM ainsi que par le Réseau syndical international de
solidarité et de luttes et la Fédération internationale des transports (ITF), l’État a fait, plusieurs fois,
des déclarations semblant répondre aux revendications ; elles sont restées sans suite. Plusieurs des
malades des séquelles de la grève de la faim de 2018-2019 (www.laboursolidarity.org/Cheminots-
maliens-combien-de-morts) sont dans un état grave. L’absence de revenus aggrave la situation.
Comme nous disons : « Si le coronavirus ne nous tue pas, la faim aura raison de nous. » Plus générale-
ment pour la population, on est dans une phase de survie. Le couvre-feu et les fermetures d’activités
créent un manque à gagner ; les prix des denrées de première nécessité ne cessent d’augmenter ; les
malades craignent d’aller dans les hôpitaux par peur du coronavirus ; la pauvreté s’accroît. Si l’après
Covid-19 n’est pas géré, maintenant et différemment, on va vers une famine.
Quelle est la résistance organisée par les mouvements sociaux et syndicaux ? La crise
actuelle permet-elle de reproposer publiquement la question d’une rupture avec le
capitalisme ; dans quelle perspective ? Avec quelles forces populaires ?
Les centrales syndicales s’organisent. Un recensement est fait, entreprise par entreprise, des mesures
à prendre et des revendications à défendre. La crise actuelle montre aussi combien le rôle des syndi-
cats est important, combien leur force est nécessaire pour imposer une alternative au système actuel.
28 avril 2020
1. Mahamame Thienta est secrétaire générale du Syndicat des travailleurs du rail de l’Union nationale des travailleurs du Mali
(SYTRAIL-UNTM).
La situation est catastrophique. Officiellement, le bilan en Iran est de 4 869 décès et de 77 995
malades confirmé·es. Pourtant, depuis plusieurs jours, les déclarations citant des chiffres beaucoup
plus importants se multiplient de la part de responsables iraniens. Selon un membre du conseil
municipal de la ville de Téhéran, uniquement dans la capitale, entre 70 et 100 personnes meurent
chaque jour à cause du Covid-19. Le centre de recherche du Parlement a aussi publié, le 14 avril,
un rapport dans lequel le bilan des décès est estimé deux fois supérieur au chiffre officiel. Selon nos
informations, le nombre de décès se situe entre 20 000 et 40 000. Et aucune disposition n’a été prises
pour les travailleurs et les travailleuses.
Les syndicats sont interdits en Iran. Celles et ceux qui s’organisent tout de même, font des ras-
semblements ou des grèves, sont très durement réprimé·es. C’est la situation « normale », hors crise
liée au coronavirus. Le régime iranien tue des prisonniers politiques, arrêtés lors des émeutes de
novembre, et déclare qu’ils sont morts en prison du coronavirus…
Quelles sont les conséquences pour les travailleurs ? Pour la population la plus pauvre
en général (chômeurs et chômeuses, sans-abri, secteur informel, etc.) ?
Dans une lettre ouverte, adressée au ministre de la santé, un groupe de médecins iraniens a
appelé à la « transparence » et à la « responsabilité » dans la lutte contre le nouveau coronavirus. Les
signataires demandent que le nombre de personnes infectées, les méthodes de test, les voies de col-
lecte des détails et des informations, dont le nombre de morts, fassent l’objet de transparence. Ils
soulignent divers obstacles dus à la manière dont le ministère agit. Ils ont également demandé au
ministre de la santé d’améliorer les conditions de fonctionnement des hôpitaux et des centres médi-
caux, en tant que lignes de front de la lutte contre le Covid-19. De plus, les médecins ont appelé
à annoncer les vrais chiffres du coronavirus, loin des intérêts politiques. Alors que le premier cas a
été annoncé le 19 février, l’origine exacte de la maladie en Iran n’est pas bien connue. L’emploi
des avions de la compagnie Mahan pour rapatrier les ressortissants proche-orientaux de Chine est
avancé par certains. D’autres accusent un commerçant ayant voyagé en Chine. Les élèves chinois de
l’école coranique de Qom sont également mis en cause.
Les hôpitaux sont débordés et manquent de moyens ; les populations précaires sont privées de
1. Houshang Sepehr est coanimateur de La S olidarité socialiste avec les travailleurs en Iran.
L’Italie est actuellement divisée : au nord, le virus s’est propagé de façon alarmante, surtout en
Lombardie où l’on enregistre 50 % des décès nationaux ; au centre et au sud, dans l’ensemble, les
chiffres de la contagion sont encore relativement contenus. Pourquoi cette propagation particulière ?
Divers facteurs ont certainement joué un rôle, dont deux plus particulièrement.
Tout d’abord, ni le gouvernement ni la région de la Lombardie n’ont rapidement déclaré la ferme-
ture en zone rouge de la région entre Nembro et Alzano Lombardo dans la province de Bergame.
Une décision influencée par les associations patronales, étant donné qu’il s’agit d’une zone à forte
concentration industrielle qui ressemble à une vaste coulée de béton, dans laquelle se succèdent les
grandes villes avec leurs entreprises collées les unes aux autres, qui s’étendent depuis Milan vers le
nord-ouest (à la frontière avec la Suisse) et vers le nord-est (les provinces de Bergame et de Brescia).
Le second facteur est dû au fait que le système de santé en Lombardie était devenu le centre
d’essai des projets de privatisation de notre système national de santé (SSN). Les hôpitaux publics
et les services de santé de proximité ont été fermés ou réduits, et, à la place, des cliniques privées,
souvent liées à la droite catholique, n’ont cessé de proliférer. Face à la saturation immédiate des lits
disponibles, la Région Lombardie a transféré les personnes infectées vers les résidences sanitaires
pour personnes âgées (RSA), des structures gérées par des entreprises privées qui sous-traitent les
services (infirmières, travailleurs et travailleuses sanitaires et sociaux, auxiliaires de vie sociale, net-
toyage, blanchisserie, entretien, etc.) à des coopératives, afin de diminuer le coût du travail grâce à
des services ultra-flexibles et précaires. Les RSA se sont immédiatement transformées en foyers de
contagion et de propagation du virus.
Quelles dispositions ont été prises pour les travailleurs et les travailleuses ?
Tout d’abord, le ministère de la santé n’a jamais déclaré obligatoire l’utilisation des masques ; au
contraire, dans les premières semaines, il a ouvertement découragé leur utilisation pour celles et
ceux qui ne présentaient pas de symptômes du coronavirus. Le 11 mars, le gouvernement a adopté
un décret invitant les entreprises à disposer de « protocoles anti-contagion » en rapport avec les spé-
cificités de leurs activités. Des protocoles avec qui ? Bien sûr avec les responsables de la sécurité de
l’entreprise mais aussi, lorsqu’il y en a, avec les représentants des travailleurs et travailleuses dans les
commissions santé et sécurité (RLS).
Le RLS est une institution dont les procédures électorales et les activités sont régies par des
accords signés entre les organisations patronales et CGIL, CISL et UIL, les trois confédérations
1. Marcelo Amendola est secrétaire national de la Confederazione unitaria di base (CUB), Italie.
Quelles sont les conséquences pour les travailleurs ? Pour la population la plus pauvre
en général (chômeurs et chômeuses, sans-abri, secteur informel, etc.) ?
Il est maintenant clair pour tout le monde que ce sont les travailleurs et les travailleuses qui
paieront cette crise. Quelques chiffres suffisent à le prouver : pour apporter de l’aide aux salarié·es
et aux indépendant.es qui se retrouvent sans activité, le gouvernement a financé des subventions à
hauteur, seulement, de 25 milliards d’euros. En revanche, les entreprises bénéficieront de 400 mil-
liards d’euros de liquidités, qui seront fournies par les banques et garanties par les impôts des contri-
buables, principalement des salariés et des retraités. Les travailleurs et travailleuses dont le travail
sera suspendu recevront une subvention appelée « fonds de licenciement », qui peut entraîner la perte
de la moitié de leur salaire normal. Le versement de ces prestations se fait lentement et on estime
qu’il y aura des retards de plus d’un mois dans la réception des paiements. Les « faux indépendants »
recevront une prime dérisoire de 600 euros. La plupart des travailleuses et travailleurs précaires res-
teront sans travail et probablement sans revenu. Des milliers de soignant.es et d’aides à domicile se
retrouveront aussi dans cette même situation.
Le « revenu de citoyenneté », le cheval de bataille du Mouvement 5 étoiles, est très limité ; et pour
beaucoup de personnes, ce revenu se traduira par le versement de seulement quelques centaines
d’euros par mois, en raison des conditions extrêmement strictes qui sont nécessaires pour y pré-
tendre. L’allocation de chômage (Naspi) dure deux ans, mais la plupart des personnes précaires en
sont exclues ; par ailleurs, son montant diminue chaque mois, de sorte qu’il est pratiquement divisé
par deux la seconde année. Depuis le début du mois d’avril, le gouvernement a promis de nouvelles
aides en faveur des groupes les plus défavorisés, mais rien n’a encore été versé.
Après le désastre en Lombardie, le gouvernement a décrété la zone rouge dans toute l’Italie : on
ne peut pas quitter son domicile sauf pour des raisons de travail ou de santé ; on ne peut pas se
déplacer d’une région à l’autre. Fin avril, la Commission de garantie des grèves, l’organe national
qui réglemente l’exercice des grèves dans les services publics essentiels, a « invité » les syndicats à ne
pas déclarer de grève avant le 30 avril, sous peine de sanctions.
Le 21 mars, le président du Conseil, tout sourire, en direct à la télévision a annoncé la ferme-
ture des activités de production non strictement essentielles. Le lendemain, la liste des activités qui
pouvaient rester ouvertes a été diffusée : outre les activités liées à la protection de la santé et à la
distribution alimentaire, tous les secteurs industriels et leurs chaînes d’approvisionnement restaient
Cette crise sanitaire est survenue, sur notre continent, à un moment où les problèmes écono-
miques vont croissant. À cet égard, même l’économie allemande, notamment dans le secteur de la
production, commençait à montrer des signes de ralentissement au cours des mois précédents, en
raison des effets de la guerre commerciale engagée entre les États-Unis et la Chine. Par ailleurs,
tant le début des mobilisations syndicales en France, qui ont suivi celles des Gilets Jaunes, que le
développement de mouvements sociaux de dimension mondiale comme « Pas une de plus » ou « Les
vendredis pour le climat », ont marqué une prise de conscience des dégâts causés par les politiques
néolibérales et la logique plus générale du système capitaliste. Face à cette situation, cependant,
dans les différents pays européens, des forces politiques d’extrême droite ont émergé ces dernières
années, qui, tout en poursuivant leur politique d’attaque du monde du travail, ont réussi à détourner
le mécontentement social vers des questions telles que la gestion des flux migratoires.
Il est donc nécessaire, surtout dans une période comme celle-ci, que les organisations liées au
mouvement ouvrier remettent dans le débat public la question du dépassement du capitalisme. En
même temps, ce mot d’ordre doit s’adapter à une réalité profondément changée : pensons à cet
égard au développement des chaînes de production qui rendent désormais l’économie européenne
(sinon mondiale) profondément intégrée et interconnectée, ou à la croissance massive de l’emploi
dans le secteur des services. Ces deux exemples appellent une mise à jour théorique et pratique des
modes d’action mis en œuvre jusqu’à présent par les syndicats. Cette réflexion globale doit servir de
base à la construction de plateformes de revendication et d’action pour la transformation sociale, sur
la base desquelles il est possible de construire des moments d’unité et de lutte entre les syndicats de
différents pays, à commencer par les travailleurs des mêmes chaînes de production, et de dialoguer
avec les principaux mouvements sociaux en cours.
28 avril 2020
À ce jour (23 avril), nous avons 8 171 cas de coronavirus déclarés et un nombre total de 435 morts
en Pologne. Comme dans la plupart des pays du monde, le système de santé polonais s’est révélé
inefficace. De nombreux hôpitaux ont été réorganisés pour ne prendre en charge que les infections
au Covid-19, mais le personnel médical manque toujours de masques et de blouses de protection.
Dans tous les hôpitaux, le nombre de respirateurs est insuffisant. Les personnes qui téléphonent
pour demander de l’aide doivent attendre des heures avant qu’on les rappelle. La situation la plus
désastreuse se situe dans les établissements pour personnes âgées : le personnel est en nombre très
insuffisant et la population est à haut risque.
Quelles dispositions ont été prises pour les travailleuses et les travailleurs ?
Depuis le début de la menace épidémique, le gouvernement et le Parlement ont introduit trois fois
des changements légaux majeurs. Les points les plus importants sont les suivants :
n les employeurs peuvent réduire les salaires ou le temps de travail et modifier les horaires de
des enfants.
n Les visites médicales des travailleuses et des travailleurs ont été suspendues.
n Les employeurs peuvent mettre les salarié·es en télétravail, y compris en l’absence de contrat
Quelles sont les conséquences pour les travailleuses et les travailleurs ? Pour les popu-
lations les plus pauvres en général (chômeurs et chômeuses, sans-abri, personnes tra-
vaillant dans le secteur informel, etc.) ?
Les restrictions en termes d’emploi et de sécurité sociale se traduiront immédiatement par une
augmentation du chômage. Les autorités prennent des décisions dénuées de raison. D’une part, on
parle déjà de « dégeler l’économie » pour stopper la récession. D’autre part, les restrictions auront
pour effet une baisse drastique des revenus dans de nombreux foyers. Dans de telles circonstances,
1. Marta Rozmystowicz est responsable des relations internationales de la confédération syndicale Inicjatywa Pracownicza (Initiative des
travailleurs), en Pologne.
Quels sont les modes de résistance mis en place par les mouvements syndicaux ?
De nombreux syndicats mènent des campagnes d’information. À l’heure actuelle, notre priorité
est d’empêcher la mise en place d’accords défavorables dans les entreprises. Malheureusement, nous
recevons de nombreuses informations indiquant que beaucoup d’organisations signent ces accords,
sans aucune garantie de maintien de l’emploi. Nos deux plus importants comités, chez Volkswagen
et Amazon, ont mené un combat acharné pour que ferment leurs établissements. Ils ont obtenu gain
de cause à Volkswagen. Nous sommes d’avis que nous ne devrions travailler, dans les circonstances
actuelles, que là où c’est indispensable à la société. Nous avons surveillé la situation sanitaire et la
sécurité dans d’autres lieux de travail et nous sommes intervenus lorsque c’était nécessaire.
Nous demandons :
n la réduction de la journée de travail à sept heures, sans diminution de salaire, afin de faire baisser
le chômage.
n Des contrats à durée indéterminée pour tous les employé·es.
n Le respect de la règle du 3/1 pour fixer les salaires (le plus haut salaire ne pouvant être plus de
grève.
n La possibilité pour tous les syndicats de participer aux « équipes de crise » des compagnies, qui
nomiques spéciales.
n La désinfection régulière des lieux de travail.
L’universalisation du droit à une assurance santé et à l’accès gratuit aux services du système de santé.
n L’accès gratuit et universel pour tous aux soins de santé.
retraite.
n Le gel des loyers et des remboursements d’emprunt. La suspension des expulsions, auxquelles
des milliers de personnes devront faire face à cause de la crise. Des expulsions de masse ne feront
que nous rapprocher d’un effondrement social.
n La priorité, au sein du budget de l’État, au financement du système de santé publique.
n L’établissement d’un programme de soutien financier pour le secteur de soins afin que les
talisme : selon quelles perspectives, d’après vous ? Avec quelles forces populaires ?
En y regardant de près, nous sommes en prise en Pologne avec ce qu’il convient d’appeler un
capitalisme dépendant (dans « La théorie de la dépendance de Wallerstein »). Ce système repose sur
les faibles coûts de la main-d’œuvre, la forte influence de sociétés étrangères et le paradigme de
« l’état bon marché ». Nous voyons qu’à l’heure actuelle ces piliers sont ébranlés. Mais pour parler de
rupture décisive avec le capitalisme nous avons besoin de la mobilisation générale des travailleuses et
travailleurs. C’est à cette seule condition qu’il sera possible d’introduire les principes d’une solidarité
sociale, dans laquelle le capital ne prévaudra pas sur le travail.
28 avril 2020
Depuis le 19 mars, le pays se trouve dans un « confinement social préventif et obligatoire » qui
touche toutes les activités productives, à l’exception des services considérés essentiels tels que les
transports, la santé, la sécurité, le secteur public à ses divers niveaux, la justice par roulement, les
cantines scolaires, les livraisons de repas, les industries liées à l’alimentation et aux fournitures
médicales, les télécommunications, la livraison et la logistique, les services de base et la chaîne de
production de combustibles. Il est à remarquer d’autre part, que les compagnies minières continuent
à travailler, une exception difficile à comprendre du point de vue sanitaire. Ce confinement avait
une date limite, initialement fixée au 26 avril, mais devrait être prolongé au moins jusqu’au 10 mai,
vu que les pics de contagion sont attendus pour mai et juin. Il serait donc illogique, du point de
vue sanitaire, de lever la quarantaine aujourd’hui. Toutefois, comme on pouvait s’y attendre, le lobby
économique exerce une forte pression pour relancer l’activité. C’est pourquoi des assouplissements
du confinement dans certaines zones et des autorisations pour certaines activités spécifiques sont
à l’étude. Sur le plan économique, on prévoit des pertes de 2 à 3 points du produit intérieur brut
pour cette année, sans compter les prévisions négatives pré-Covid. Pour l’Amérique latine, le Fond
monétaire international prévoit 5 points de perte.
Quelles dispositions ont été prises pour les travailleurs et les travailleuses ?
Le rôle du gouvernement a été dans l’ensemble positif, car des mesures ont été mises en place
pour garantir le congé de maladie payé, des aides salariales tant pour les travailleurs et travailleuses
déclaré·es que pour indépendant·es, artisan·es et informel·les, des aides financières pour les petites et
moyennes entreprises, un moratoire sur les loyers, les hypothèques et les crédits et, bien sûr, des ser-
vices de santé gratuits et accessibles à tous et toutes. À cela s’ajoute l’interdiction des licenciements
pour 60 jours et le décret de nécessité et d’urgence qui incorpore le Covid-19 comme maladie
professionnelle permettant à la fois les soins et la prévention. Mais au niveau régional et mondial,
l’Argentine est du côté de l’exception en offrant cette quantité de mesures pour protéger des vies
et des emplois. Des mesures nationales et spécifiques ont été prises pour stimuler et promouvoir
l’emploi et les revenus, ainsi que la santé et la sécurité au travail. Toutefois, toutes ces mesures ins-
taurées ne sont pas respectées par les employeurs et les patrons : par exemple, pour les licenciements
et les mises en chômage temporaire. Le non-paiement des salaires pose également des problèmes.
Toutes les mesures prises par l’État, dans le contexte de la pandémie de coronavirus, ont été
estimées, par les consultations menées à cet égard auprès des différents secteurs concernés et par
le gouvernement lui-même, comme nécessaires. Bien que le gouvernement ait fait appel à cette
instance de consultation, dans les termes établis par la Convention 144 de l’OIT, nous considérons
1. Gonzalo Manzullo est responsable des relations internationales de la Central de trabajadores de Argentina autónoma (CTA autónoma).
droits fondamentaux de 1998, n’a pas été satisfaite, en particulier toutes les mesures qui impliquent
de résoudre des questions liées aux travailleurs et travailleuses. La mise en place d’un comité
de crise, dont l’État a pris l’initiative, est interministérielle, c’est-à-dire composé uniquement de
fonctionnaires.
Toutes les mesures annoncées sont généralement précédées de la consultation d’une partie de la
représentation des employeurs et d’une seule centrale syndicale. Cependant, les syndicats de notre
centrale liés aux activités essentielles, comme les travailleurs de l’État et les professionnels de la
santé (FESPROSA et ATE) ont eu des contacts et ont été consultés par différents niveaux du gou-
vernement, qui a repris plusieurs de nos propositions. Il y a quelques jours, ces deux syndicats ont
fait remonter au président de la nation et au ministre de la santé une proposition intitulée « Bases
pour un programme national de préservation de la santé des travailleuses et travailleurs de la santé »,
qui a été bien accueillie par le gouvernement. Il en est résulté une réunion au cours de laquelle le
gouvernement a exprimé un accord général sur la proposition et s’est engagé à promouvoir rapi-
dement un DNU (« ordonnance ») ou, à défaut, une résolution ministérielle dans ce sens, tout en
déclarant d’intérêt national la protection des travailleurs et travailleuses de la santé.
En ce sens, nous estimons nécessaire un dialogue tripartite fort où les travailleurs et travailleuses
seront assis à la table des négociations lorsqu’on décidera de l’assouplissement du confinement et
des conditions de la reprise des activités productives. En outre, malgré l’interdiction des licencie-
ments et les exigences en matière de santé, on observe de nombreuses violations de la législation
relative à la protection des travailleurs et des travailleuses, exposé·es inutilement à des risques.
Cela est particulièrement grave pour le personnel de santé. Mais on constate aussi d’autres cas
d’employeurs qui obligent des travailleurs et travailleuses à reprendre le travail dans le cas d’activités
non essentielles et non exemptées. La CTA autonome a transmis au gouvernement de nombreuses
propositions pour faire face à la crise, en mettant en avant le travail et les vies, dans un document
qui systématise plus de 70 plaintes et réclamations collectives de travailleurs et travailleuses de diffé-
rentes activités dans tout le pays. Ils et elles ont signalé, d’une manière ou d’une autre, un ensemble
de questions qui doivent être traitées d’urgence pour pouvoir faire face à l’urgence ; beaucoup ont
été reprises. Nous avons également dénoncé des cas de violation des droits de l’homme par les
forces de sécurité dans le cadre de violences institutionnelles. Nous exigeons donc que ce contexte
d’exception ne fonctionne pas comme un chèque en blanc pour promouvoir des comportements
autoritaires et répressifs.
En ce qui concerne la situation de vulnérabilité que vivent les femmes dans notre société, notre
centrale a également présenté des propositions au gouvernement, en comprenant que l’isolement
renforce certains problèmes existants, comme le fardeau de la responsabilité des soins et l’expo-
sition à la violence familiale. Dans le même sens, nous avons également exprimé des demandes
spécifiques pour protéger les personnes âgées, principale population à risque face au Covid-19
(www.agenciacta.org/spip.php?article31140). Nous avons fait de même pour la demande d’assou-
plissement des mesures de confinement pour les personnes handicapées (www.agenciacta.org/spip.
php?article31053). Enfin, alors que notre centrale abrite en son sein non seulement des syndicats
mais aussi des organisations sociales, nous sommes intervenus dans ce sens avec des demandes au
gouvernement pour faire face à la situation difficile des quartiers à faibles revenus (www.agenciacta.
org/spip.php?article31111).
Quelles sont les conséquences pour les travailleurs et les travailleuses ? Pour la popu-
lation la plus pauvre en général (chômeurs et chômeuses, sans-abri, secteur informel,
etc.) ?
Du côté des organisations de travailleurs et travailleuses, nous avons fait un énorme effort pour
rester en contact et renforcer l’organisation même dans ce contexte atypique de confinement. À
cette fin, nous avons mis en place des numéros téléphoniques de consultation et de conseil, tant
en ce qui concerne les droits du travail et syndicaux que pour les droits de l’homme, ainsi que des
consultations ponctuelles des syndicats de la fonction publique et des professionnels de la santé. De
leur côté, dans les secteurs qui continuent de fonctionner malgré le confinement obligatoire, les
assemblées sur les lieux de travail continuent d’avoir lieu pour organiser le respect des exigences
de santé et de sécurité au travail. De même, nous continuons, par les voies électroniques, à tenir les
réunions ordinaires de notre direction et nous sommes en contact permanent, tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur du pays, en informant les organisations sœurs de la région et du monde des derniers
développements. Des contacts ont été établis avec d’autres organisations nationales pour apporter
un soutien aux salarié·es qui luttent contre les licenciements, les abus des employeurs et la répres-
sion des forces de sécurité. Enfin, des initiatives sont prises pour favoriser des activités électroniques
orientées vers la formation de nos adhérent.es et aussi pour leur apporter des matériels et des initia-
tives culturelles qui aident à supporter le confinement. De même, la solidarité d’un ensemble d’or-
ganisations sociales, syndicales et de la société en général s’est tissée comme un pôle de débat contre
la soumission au patronat, regroupés sous le mot d’ordre « personne ne se sauve seul ». Vous pouvez
le voir dans l’appel commun lancé il y a quelques jours : www.agenciacta.org/spip.php?article31092.
Comme on peut l’imaginer, dans le cadre du confinement obligatoire, divers conflits ont surgi
avec le patronat et les entreprises qui cherchent à suspendre, licencier et s’attaquer aux droits du
travail dans ce cadre d’exception. Mais il est aussi plus difficile de coordonner des réponses telles
que l’organisation de réappropriation collective ou autogestionnaire d’entreprises qui mettent la
clé sous leurs portes. Cependant, ces derniers jours, un cas paradoxal a émergé, face auquel la
CTA autonome a montré son soutien. Au début du mois d’avril, la direction de l’entreprise frigo-
rifique Penta, de Quilmes, dans la province de Buenos Aires, a décidé de licencier plusieurs de ses
les patrons ont informé les travailleurs et travailleuses qu’ils ne leur verseraient pas les salaires de la
deuxième quinzaine de mars et qu’ils ne leur donneraient qu’une avance de 1 000 pesos. La crise
a pris de l’ampleur le 9 avril, lorsque la tension entre grévistes et non grévistes (administratifs et
encadrement) a servi de prétexte à une répression policière brutale, qui a été ensuite dénoncée par
les syndicats, les élus locaux et même la mairesse de Quilmes, Mayra Mendoza. Plusieurs manifes-
tant·es ont été blessé·es par des balles en caoutchouc.
Bien que la conciliation obligatoire ait été ordonnée, l’entreprise ne s’y est pas conformée et
empêche les travailleurs et travailleuses d’entrer dans l’usine. C’est pourquoi, hier, près de 250 ont
manifesté pour exiger une réponse. Bien que ces travailleurs et travailleuses soient regroupé·es au
sein du syndicat de la Fédération de la viande, affilié à la CGT, le lien avec la CTA autonome de
la province de Buenos Aires est très étroit. C’est pourquoi, de là comme de la CTA nationale, nous
sommes intervenus auprès du ministère du travail national et provincial pour qu’il durcisse sa posi-
tion auprès de l’employeur ; ce dernier a décidé de se déclarer en refus d’obéissance parce qu’il était
en désaccord avec l’élection des délégué·es et il a fermé l’usine en pleine pandémie. Non seulement
il coupe une chaîne de production alimentaire, mais il laisse aussi 140 personnes à la rue. Nous avons
exigé du gouvernement qu’il oblige l’employeur à redémarrer l’usine ou qu’il soutienne la position
des travailleurs et travailleuses et qu’elle fonctionne sous leur propre gestion. Aujourd’hui même, il y
aura une réunion des trois niveaux de l’État avec la présence de notre secrétaire générale provinciale
pour avancer vers un accord sur l’une des deux alternatives.
Comme certains théoriciens s’y sont déjà risqués, il semble plus difficile de voir la fin du capi-
talisme que la fin du monde. Nous croyons qu’avec la pandémie du coronavirus, il agira davantage
comme un catalyseur des tendances déjà présentes dans le monde que comme un nouveau facteur
de changements radicaux. En d’autres termes, le Covid-19 a accentué l’affaiblissement de la coo-
pération internationale et du multilatéralisme observé depuis quelques années déjà. Les tensions
internes entre les pays les plus riches et les plus pauvres de l’Union européenne sont mises en évi-
dence dans la discussion des aides mutuelles au sein de ce bloc face à la pandémie et des plans de
relance. C’est ce qui se passe avec la demande du Sud, alors que l’Espagne, la Grèce et le Portugal
exigent l’émission d’un emprunt européen pour lutter contre la pandémie et que les pays du Nord
s’y opposent. Ainsi, les Pays-Bas, les pays nordiques et surtout l’Allemagne recommandent une plus
grande discipline et une austérité budgétaire au Sud pour accéder à des financements bon marché.
La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine ajoute un nouveau chapitre à une sorte de
guerre froide pour voir qui peut relancer son économie plus rapidement et ne pas céder sa place
dans ce monde multipolaire. Les structures multilatérales qui, depuis la crise de 2008, n’ont pas
réussi à modifier un système économique mondial injuste, comme le G20, n’offrent pas de solutions
à la mesure des besoins des peuples.
Dans ce contexte, et dans le cadre d’un scénario de raccourcissement des réseaux internationaux
d’approvisionnement, il est probable que les efforts des principaux acteurs du commerce mondial
se tourneront vers des accords régionaux au détriment des accords multilatéraux. Les tendances
protectionnistes de certains grands acteurs de l’économie mondiale ne feront que s’exacerber. Qui
voudrait maintenant parier sur une plus grande interdépendance productive et commerciale au
niveau mondial, qui se ralentissait déjà ? La régionalisation pourrait être la nouvelle règle. Et cela
SOCIALES
SANDRA IRIARTE1
Cela dépend des différents points de vue. Le patronat et les banques incitent le gouvernement
à normaliser au plus vite l’activité des entreprises, comme si les risques d’infection par le corona-
virus avaient été éliminés. En biaisant, ils transforment la « stabilisation » des nouvelles infections en
« disparition », alors que toutes les recommandations sanitaires publiques renouvellent des appels à
la prudence et à ne sortir de chez soi que pour ce qui est vital : s’approvisionner. Le gouvernement
s’appuie sur le fait que, par rapport aux plus des 1 000 morts quotidiens d’il y a un mois, il ne meurt
plus « que » 400 personnes par jour du Covid-19. Le pire, est que le taux de nouveaux cas diagnosti-
qués s’élève à plus de 4 000 personnes par jour. Cela montre que, même si les chiffres ont été réduits
de moitié, le Covid-19 continue à être une réalité présente dans notre quotidien, qui, tous les jours,
prend la vie de plus de 400 personnes.
Qui sont, majoritairement, ces morts ? La classe laborieuse, qui a été contaminée dans l’exercice
de son travail ou pendant les trajets domicile-travail ; et aussi les personnes dépendantes, les per-
sonnes âgées, parquées dans des maisons de retraite, qui se font du fric sur les soins. Cela veut dire
que l’État a cessé de donner le minimum vital à celles et à ceux qui ont trimé comme des bêtes et
encaissé toutes les crises sociales tout au long de leur vie : arrivé·es dans une situation de dépen-
dance, il les abandonne au marché. L’absence de centres garantissant la santé physique et sociale de
ces personnes, qui ne soient pas motivés uniquement par les bénéfices privés, explique que 65 % des
décès touchent cette catégorie de la population.
C’est pourquoi, la CGT a demandé au gouvernement que les malades de la classe ouvrière tou-
chés par le coronavirus soient considérés comme victimes d’accidents du travail. De plus, nous avons
demandé que le gouvernement garantisse, pour toutes les personnes qui devront sortir de chez elles
pour rejoindre leur poste de travail, la mise à disposition des équipements de protection de base.
Nous nous sommes également adressé·es au gouvernement pour qu’il veille aux mesures de pro-
tection et prévention des risques professionnels et plus particulièrement ceux associés au Covid-19.
D’un point de vue syndical, nous nous sommes engagé·es solidairement avec les travailleuses et
les travailleurs de la santé : non seulement les médecins, les infirmiers ou infirmières et assimilé·es,
mais aussi le personnel d’entretien, de transport et les aides à domicile. Malheureusement, beaucoup
continuent à être infecté·es et à mourir, jour après jour. Il est important de préserver leur mémoire
avec tous ces chiffres.
Aujourd’hui, la prévention s’est légèrement améliorée, grâce à davantage de moyens, mais toutes
les travailleuses et tous les travailleurs ne disposent pas en permanence à disposition d’un masque,
de gants et de gel. C’est pourquoi, nos sections syndicales doivent intervenir dans chaque entreprise
pour que la protection du personnel soit assurée. De son côté, l’inspection du travail se doit d’aller
sur les lieux de travail en cas de signalement syndical. Enfin, d’un point de vue plus global, je pense
1. Sandra Iriarte est secrétaire aux relations internationales de la Confederación General del Trabajo (CGT), État espagnol.
Comme je l’indiquais auparavant, en théorie, on part du principe qu’il est possible, pour les tra-
vailleuses et les travailleurs, d’éviter les transports publics et de maintenir les distances de sécurité.
Également, toujours en théorie, dans tous les lieux de travail qui sont ouverts, on fournit au person-
nel le matériel quotidien de prévention. Mais la réalité est tout autre. En mars déjà, nous dénoncions
les entreprises qui, sans être des centres de productions essentiels, ne voulaient ni faciliter le télétra-
vail ni fermer temporairement. Ces mêmes entreprises, qui n’ont pas été sanctionnées, continuent à
mettre en danger la santé des travailleuses et des travailleurs sans aucune mesure de prévention, en
particulier dans les secteurs du transport ou dans les centres d’appel.
Par ailleurs, on nous avait annoncé que tous les centres de production qui devaient fermer tem-
porairement, garantiraient le salaire, à hauteur de 70 % au moins, versés par la prise en charge du
service public de l’emploi [l’Inem, l’équivalent de Pôle emploi]. Or, les familles ne toucheront leurs
allocations que d’ici à deux ou trois mois. Et, nous parlons là, uniquement de travailleuses et tra-
vailleurs couvert·es par l’Estatuto general de los trabajadores [équivalent du Code du travail]. Par
exemple, les aides à domicile, sous un régime discriminatoire, ne sont considérées ni comme des
travailleurs et des travailleuses indispensables, ni ne peuvent prétendre aux prestations versées aux
autres salarié·es. Les travailleuses et les travailleurs indépendant.es ont aussi un régime spécial qui
les laisse sans revenus pour une durée encore inconnue. Le gouvernement a adopté des moratoires
pour repousser les délais de paiement des cotisations, factures et crédits, mais ces travailleur·euses
restent soumis.es aux dépenses liées à l’endettement et l’absence de revenus.
Quelles sont les conséquences pour les travailleuses et les travailleurs ? Pour la popu-
lation la plus pauvre en général (les sans-emploi, les sans-domicile-fixe, celle des sec-
teurs informels, etc.) ?
Le premier risque auquel sont exposé·es toutes et tous les travailleur.euses est surtout l’infection :
aussi bien lorsqu’ils et elles doivent se rendre sur leur lieu de travail, sans mesure de protection,
que pendant le trajet. On a, encore une fois, connu une division entre le personnel en « col blanc »
et celui en « col-bleu », entre le personnel qui sans occuper des emplois essentiels se voit obligé de
se rendre sur son lieu de travail et celui qui a eu la possibilité de travailler à distance. Cela divise
la classe ouvrière au moment de s’engager pour l’amélioration de ses conditions de travail, vu que
chaque partie se compare avec l’autre… et non avec les conditions de travail du patronat.
Mais la plupart des entreprises, autres que les services non essentiels, ont cessé momentanément
leurs activités en prenant des mesures de chômage partiel (ERTE) ou de licenciement. Nous avons
exigé qu’on ne tolère aucun licenciement tant que durera la crise sanitaire.
Par ailleurs, un grand nombre de personnes payées à l’heure ou à la journée ou qui travaillent sans
être déclarées, comme employé·es de maison ou encore dans les commerces, ne bénéficient actuel-
lement d’aucun revenu et d’aucune prestation. La CGT considère que c’est le moment ou jamais
de réclamer un revenu universel (RBI) pour pouvoir couvrir les besoins de base de tout un chacun.
Le drame social se retrouve dans le fait, qu’avant cette crise sanitaire, il y avait déjà, en Espagne,
aucune entrée d’argent depuis la précédente crise financière ; plus de 3 millions de personnes
sans emploi… Soit des millions de personnes dans une absolue précarité qui vivotaient, et qui,
aujourd’hui, n’arrivent même plus à survivre dans cette situation extrême qui les oblige à avancer
des économies qu’elles n’ont pas.
L’autre conséquence est que les services sociaux, tout comme le système de santé publique et
« la protection du bien-être », se sont écroulés par manque d’investissement dans tous les secteurs
publics fondamentaux : la santé, les prestations sociales, les services publics pour l’emploi, l’aide aux
personnes dépendantes, etc., réduisant le personnel, réduisant les ressources et les investissements,
réduisant les salaires, réduisant les budgets de la recherche et les mesures de prévention, tout en
laissant au marché le soin de subvenir aux besoins de la population en fonction de son pouvoir
d’achat. Nous nous trouvons aujourd’hui avec des familles qui mangent chaque jour en dépendant
de la « charité », des banques alimentaires, des ONG et des soupes populaires ; ainsi qu’avec des
familles brisées qui ne peuvent plus payer, depuis plus d’un mois (plus de 3,4 millions de salariées
et de salariés au chômage partiel et des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs qui
œuvraient dans des secteurs informels : migrant.es, employé·es et employés de maison, nourrices,
etc.), ni leur loyer, ni leurs crédits, ni les factures d’énergie de base, ni la nourriture ou les biens de
première nécessité.
Dans ce contexte, non seulement il y a eu une recrudescence du niveau des violences faites aux
femmes et aux mineur.es, mais aussi une augmentation des diagnostics de troubles psychologiques
en relation avec l’anxiété, la dépression, l’abus de certaines substances, la prise de médicaments… La
capacité de résilience et le #todovabien (« tout va bien ») de la classe ouvrière a ses limites ; elle en a
fait la démonstration au cours de la crise de 2008 et, dans cette nouvelle crise sanitaire, elle atteint
rapidement les limites, du point de vue de la santé, de ce qui est supportable, vivable.
Les mouvements sociaux, au-delà des débats, réflexions, visioconférences, etc., n’existent pas dans
la vraie vie par leur incapacité à peser avec la force nécessaire pour que l’on prenne en compte, tant
les revendications essentielles, et non seulement sanitaires, face à cette pandémie, mais aussi sociales,
pour une autre forme de vie. Avec le confinement, une partie du tissu social de base, le voisinage,
s’est reconstitué pour s’entraider matériellement et humainement. Cependant, nous ne pensons pas
qu’il évolue, a posteriori, vers une structure revendicative avec des incidences politiques.
À la CGT, le nombre d’adhérent·es n’a pas diminué, et donc les sections syndicales et les syndicats
se maintiennent sur les lieux de travail. Cependant, l’interdiction de rassemblement rend difficiles les
assemblées et les moyens d’action, comme cela a été le cas dans le secteur sidérurgique après l’an-
nonce d’un retour à l’activité professionnelle. De notre côté, déjà avant la crise sanitaire, nous avions
ouvert un espace de travail commun avec d’autres organisations nationales de base et combatives.
À partir de cette plate-forme unitaire, on proposera les futures mobilisations après le confinement.
Plus vite qu’on ne le pense, nous connaîtrons des explosions sociales, vu que la crise sociale qui
découle de la crise économique et politique prend des dimensions encore plus dramatiques qu’en
2008. Les groupes alternatifs, tout comme les mouvements sociaux, nous « devons organiser et faire
partie de la gestion de l’explosion sociale » car, sans cela, l’écofascisme « prendra d’assaut le ciel » et
on cherchera des boucs émissaires (migrant.es, féministes, écologistes, communistes, etc.), qui seront
montrés du doigt, et poussés vers des « issues »… vers l’abîme.
ET TRAVAILLEUSES
WOL-SAN LIEM1
Au 24 avril, il y avait 10 708 cas confirmés d’infection par le Covid-19 et 240 décès. Parmi les cas,
8 501 personnes ont été complètement guéries et ne sont plus en quarantaine et 1 967 sont toujours
en traitement. 579 920 tests ont été effectués. Environ 45 000 personnes sont en quarantaine parce
qu’elles ont été potentiellement exposées ou sont venues de l’étranger. Le Covid-19 a commencé
à se propager rapidement vers la mi-février, a atteint un pic à 909 nouveaux cas le 29 février, puis
a commencé à décliner. Il y a eu moins de 10 nouveaux cas par jour au cours des derniers jours.
Les premières éruptions massives de clusters ont eu lieu au sein de la secte religieuse Sincheongi,
se propageant rapidement dans la région de Daegu-Gyeongbuk. À cette époque, les hôpitaux
publics de la région étaient débordés, sans suffisamment d’espace pour accueillir les patients. Il y a
eu des cas de personnes qui n’ont pas pu être hospitalisées faute de chambre et se sont retrouvées
agonisant chez elles. Il y a également eu des cas, à Daegu-Gyeongbuk et dans tout le pays, de flam-
bées épidémiques dans des établissements de santé, en particulier dans des établissements de soins
infirmiers. Dans ces cas, une quarantaine a été imposée.
À Daegu en particulier et dans d’autres hôpitaux également, les EPI (équipement de protection
individuelle) ont été insuffisants, ce qui a entraîné une concurrence entre les hôpitaux. Le KPTU
et nos branches syndicales ont travaillé dur pour s’assurer que tous les travailleurs et toutes travail-
leuses, en particulier celles et ceux ayant des emplois non statutaires disposent d’EPI et des autres
mesures de santé et de sécurité dont ils ont besoin.
1. Wol-san Liem est responsable des relations internationales du Korean Public Service and Transport Workers’ Union (KPTU).
Quelles sont les conséquences pour les travailleurs et travailleuses ? Pour la population
la plus pauvre en général (chômeurs et chômeuses, sans-abri, secteur informel, etc.) ?
Le KPTU et notre centrale nationale, la KCTU et les autres affiliés du KCTU, ont répondu en
premier à la crise sanitaire. Pour le KPTU, il était prioritaire de trouver où les salarié·es précaires
et atypiques étaient exclu·es des mesures de sécurité – par exemple dans les soins informels aux
patients, les maisons de soins infirmiers et les soins à domicile, ou encore les travailleurs et travail-
leuses du nettoyage, en sous-traitance dans les transports publics – et de préconiser leur inclusion.
Nous avons également fait de gros efforts pour déterminer les angles morts de la politique santé
ou dans les politiques de soutien du gouvernement et pousser celui-ci à apporter des améliorations.
Nous le faisons au mieux de nos capacités pour les travailleuses et travailleurs précaires et atypiques,
membres ou non de notre syndicat, mais il est parfois difficile ne serait-ce que de les localiser pour
évaluer leurs besoins.
Le secteur aérien a été très durement touché à l’échelle mondiale et nous avons déployé beau-
coup d’efforts pour que la région de l’aéroport d’Icheon (région de Yongjeong) soit désignée
zone de crise d’emploi, afin que tous les travailleurs et travailleuses, quel que soit leur secteur,
puissent recevoir un soutien. Nous avons également fait pression pour que l’assistance d’escale et les
sous-traitants soient inclus dans les mesures spéciales de soutien qui ont été appliquées au transport
aérien. Jusqu’à présent, nous avons réussi pour la seconde revendication, mais pas pour la première
(élargissement de l’application de la notion de zone de crise de l’emploi).
Nous demandons également que des conditions soient imposées au sauvetage financier des compa
gnies aériennes (et d’autres grandes entreprises), notamment l’engagement de maintenir l’emploi,
le non-paiement de dividendes, la limitation des salaires des dirigeants et le partage des bénéfices
avec le public (le gouvernement prend une part dans les entreprises). Il semble que certaines de ces
exigences seront satisfaites. Nous voulons également que l’aide financière soit conditionnée à ce que
les entreprises donneuses d’ordres ne puissent pas résilier les contrats avec les entrepreneurs ou les
sous-traitants ; mais jusqu’à présent, le gouvernement ne l’a pas mentionné.
Plus largement, nous demandons, avec la KCTU, un moratoire temporaire sur les licenciements,
l’extension de l’emploi (même chose que l‘« assurance chômage ») à toutes les travailleuses et tous
KPTU a commencé à dire que le gouvernement devrait envisager la renationalisation des indus-
tries clés essentielles, mais nous n’avons pas concrétisé nos demandes dans ce domaine. Il existe
des groupes (marxistes) de gauche au sein du mouvement ouvrier (y compris le mien), qui ont
commencé à défendre l’idée de l’autogestion et du contrôle des travailleuses et travailleurs. Ces
idées sont discutées dans certains espaces syndicaux, mais il n’y a pour l’instant aucune proposition
concrète pour aller de l’avant. (De l’aide et de l’inspiration sur la façon de concrétiser ces idées et
de les mettre en œuvre par des collègues d’autres pays seraient les bienvenues !)
Je pense que les gens de gauche sont partagés : doivent-ils se concentrer sur une analyse de la
nature structurelle de la crise et sur une critique des mesures populistes (de gauche ou de droite),
qui ne peuvent pas être des solutions et ne peuvent qu’aggraver la crise – par exemple le revenu
de base universel ou les modèles de croissance néokeynésiens – ou devons-nous plutôt essayer
de privilégier des modèles non capitalistes ? Je pense qu’il y a une crainte (doublée d’une analyse)
que nous, en tant que classe ouvrière, n’ayons pas l’unité ou la capacité de lutter et d’obtenir
quelque chose de radicalement différent. Comme personne ne peut proposer un nouveau modèle
complet, il est effrayant et peut-être irresponsable de parler d’un système au-delà du capitalisme.
Personnellement, cependant, je pense que nous devons saisir l’opportunité de cette crise pour parler
et réfléchir sérieusement à des alternatives audacieuses au capitalisme basées sur l’autogestion, une
nouvelle compréhension de la valeur du travail (et de la « valeur en général ») et de contrôle de
l’économie ; tout en étant bien entendu conscient des vastes défis que représentent l’énorme dette
nationale et des entreprises, la précarité et le chômage accrus, globalement plus d’autoritarisme,
moins de solidarité et plus de nationalisme.
En Corée du Sud, il est vrai que le mouvement syndical n’est pas suffisamment uni ou développé
pour atteindre ces objectifs. D’un autre côté, le mouvement ouvrier continue d’être la force de
masse la plus forte ; il a donc la responsabilité de jouer ce rôle et nous devons le faire avancer dans
ce rôle. À cet égard, je crois que l’échange et la solidarité entre les syndicalistes et gens de gauche
radicaux du monde entier sont désormais d’une importance vitale pour se donner des idées et des
exemples concrets et élargir l’espace de débat, et aussi parce que de nombreux aspects de la crise
actuelle – du manque de masques suffisants à une dette publique massive - ne peuvent être résolus
qu’au niveau international.
À l’ère du Covid-19, la résistance commence dans les entreprises du « nouveau monde ». En ces
temps de pandémie et de confinement avec, dans tous les pays, des attaques contre les droits et les
libertés, la première victoire juridique, la première manifestation de rue et la première grève inter-
nationale arrivent là où ne les attendait pas. Elles secouent les machines à cash de l’ère numérique
dont la face sociale nous rappelle le 19e siècle : ces zones de non-droit que sont le e-commerce
mondial tentaculaire d’Amazon et les plates-formes de livreurs-coursiers ubérisés. Là où le droit du
travail est au mieux bafoué (Amazon) au pire ignoré (les coursiers).
1. Mariana Sanchez est journaliste, syndicaliste et coordinatrice (avec Xavi Espinet) de Catalogne : la République libre, Paris, Syllepse, 2019.
2. Clap (Collectif de livreurs autonomes de Paris) : créé le 8 mai 2017 pour défendre les droits et les conditions de travail des livreurs avec
le statut d’autoentrepreneurs (Deliveroo, Foodora, Stuart, Uber, etc.).
dicales et résistances collectives, l’on voit – notre « Virus » en rend compte toutes les semaines – se
multiplier les protestations : travailleurs et travailleuses « essentiel·les » d’abord ; puis petit à petit celles
et ceux qui devront après-demain en France ou en Italie, hier dans l’État espagnol, braver le métro
bondé pour se serrer à l’atelier, au bureau ou au guichet sans protection ; ceux dont les enfants ont
décroché du mirage numérique de Blanquer ; ceux qui ne figurent sur aucun registre épidémique
dans des centres de rétention ou dans les quartiers…
Les coursiers et autres livreurs ont continué de sillonner les rues depuis le 16 mars, en France et
ailleurs, ils ont eu droit à l’ausweis des travailleurs « essentiels » (dans l’État espagnol) et à la tolérance
en France pour livrer repas préparés, vêtements… Jusqu’à ce que les donneurs d’ordre osent baisser
des tarifs déjà dérisoires à ceux qui, sans gants ni masque, livrent des choses souvent bien peu essen-
tielles. Ces travailleurs, souvent de très jeunes gens souvent venus des quartiers les plus pauvres, mais
pas seulement, ont osé contester cette nouvelle brimade, se coordonner et prendre la rue à Madrid.
Puis appeler à des arrêts de livraisons dans tous les pays, en se déconnectant durant vingt-quatre
heures des plates-formes. Une belle leçon de combativité et d’internationalisme.
Incapables de négocier, les plates-formes ont d’abord réagi en tentant de soudoyer les non-gré-
vistes : ainsi, Glovo a annoncé qu’il multipliait par cinq le tarif des courses des non-grévistes durant
la journée du 22 avril ! Attisant la colère des grévistes : « S’ils l’ont fait aujourd’hui pourquoi pas tou-
jours ? » Des discussions semblent commencer par Internet avec certains donneurs d’ordre, notam-
ment l’espagnol Glovo. Cette fois, si avancées il y a, elles ne manqueront pas de faire tache d’huile.
L’EMPIRE AMAZON SECOUÉ PAR UN SYNDICAT FRANÇAIS ET PAR DES GRÉVISTES AMÉRICAINS
L’autre surprise, pour ceux qui croyaient l’empire Bezos et ce « nouveau monde » intouchables,
a été la condamnation d’Amazon par un tribunal français. Elle faisait suite à la décision de justice
enjoignant l’entreprise de se mettre aux normes après la plainte de l’Union syndicale Solidaires,
déposée le 8 avril, dénonçant les conditions sanitaires (voir Éphéméride du 8 avril et suivants).
Cinq cas de Covid avaient été détectés (on en compte quatorze depuis). Auparavant, le conseil des
prud’hommes avait été saisi sur le bien-fondé du droit de retrait de onze salarié·es des entrepôts
de Lauwin-Planque (Nord) et de Saran (Loiret), auxquels la société refuse de payer leurs salaires.
Pourtant Amazon, qui espérait réaliser des profits inédits (l’action avait bondi de 12 % en Bourse
dès le 23 mars) et profiter de la crise pour augmenter ses parts de marché et probablement absorber
ou détruire quelques-uns de ses concurrents, se croyait au-dessus de ces contingences sanitaires. À
Bergame, en plein pic de l’épidémie italienne, la multinationale avait obligé les salarié·es à se rendre
dans ses entrepôts pour assurer les commandes sans tenues adaptées, malgré les demandes des syn-
dicats. Les travailleurs des entrepôts de Torazza, Passo Corese, Castel San Giovanni ont ensuite fait
grève.
En France, Amazon a été confronté à un obstacle inattendu : le tribunal de Nanterre lui a ordonné
de procéder à une évaluation des risques épidémiques, y compris les risques psychosociaux, en y
associant les instances représentatives du personnel. Il a enjoint également l’entreprise, dans l’attente,
sous 24 heures et sous astreinte d’un million d’euros par jour de retard, de limiter l’activité de ses
six entrepôts aux produits dits « essentiels ».
Le géant a contesté évidemment la décision du tribunal, et annoncé la fermeture de tous ses sites
français (10 000 salarié·es) en attendant de se mettre en conformité. Il a saisi la cour d’appel, tout
en arrêtant ses distributions jusqu’au 24 avril. Grand seigneur, le mastodonte a « demandé » à ses
salarié·es de rester chez eux : elles et ils « percevront leur plein salaire », a annoncé la direction (ce
qui, entre parenthèses, n’est que la loi).
3. En appel, l’union syndicale s’est faite avec l’apport de la CFDT, de la CGT et de FO.
ROMAIN DESCOTTES1
6. https://npa2009.org.
7. www.cetri.be.
8. www.lemediatv.fr.
9. www.oxfamfrance.org.
la viabilité écologique des systèmes agricoles, droits des travailleuses et travailleurs et souveraineté
alimentaire non-exclusive. Dans la même veine, les paysans boliviens des plateaux de Potosi ont
appelé dès les premiers jours du confinement à l’instauration d’un contrôle des prix et à des mesures
de soutiens aux petits producteurs, sans omettre d’exiger du matériel de protection pour les per-
sonnels soignants des hôpitaux. En Italie, le syndicat USB Agricole répond à l’extrême droite et au
patronat souhaitant mettre au travail les bénéficiaires des revenus de quarantaine, les retraité·es et
les étudiant·es, qu’il suffirait de régulariser, de payer dignement, de garantir des conditions sanitaires
décentes et d’arrêter de criminaliser les milliers de travailleurs agricoles immigrés déjà présents sur
le territoire pour que l’activité agricole se fasse.
Plus haut dans la chaîne, pour la distribution et la transformation alimentaire, la donne n’est pas
bien différente. En France, la Confédération paysanne alertait récemment du pouvoir croissant des
grands distributeurs sur les prix et les marges11, monopole renforcé par la fermeture des marchés
et de la restauration collective et commerciale faisant d’eux le principal, voire unique, débouché
pour de nombreuses et nombreux paysans. Un rapport de force favorable qui n’a pas empêché
ces grandes entreprises de passer à l’offensive sur les droits des travailleurs. Au Pérou, comme
dans la grande majorité des pays, l’épidémie a été le prétexte à une extension du temps de travail
à 12 heures par jour pour les géants alimentaires nationaux, sous peine de licenciement. On ne
compte plus les défaillances aux mesures sanitaires les plus élémentaires dans les grandes surfaces
et les usines de transformation, entraînant d’incalculable drames pourtant évitables. La prime de
1 000 euros à la fin du mois de mai, qu’on a fait miroiter aux salariés de la grande distribution
française pour s’assurer qu’ils viennent au boulot malgré la peur, commence déjà à se décliner au
conditionnel. Cette réalité d’en bas n’a néanmoins pas découragé ces géants à verser de gracieux
dividendes à leurs actionnaires, ni les monstres du négoce international à continuer leurs pratiques
spéculatives. Business as usual.
Là encore, les résistances qui se font jour nous proposent un tout autre récit. Aux États-Unis, du
Colorado à la Géorgie, des grèves dans l’industrie de transformation ont imposé aux employeurs
la mise en place de protocoles sanitaires précis et des revenus de remplacement en cas de mala-
die. Dans les grandes enseignes de la distribution, les travailleuses et travailleurs de Whole Foods
demandent en outre l’accès à la couverture santé pour toutes et tous, quel que soit le statut contrac-
tuel. Les ouvriers de l’abattoir El Frigoral, en Argentine, suite à une plainte de la mairie contre
leur entreprise pour non-respect du décret gouvernemental, ont vu leur patron placé en détention
judiciaire. Celui-ci avait violé l’interdiction de continuer l’activité après la contamination de neuf
personnes, les travailleur·euses exigent, eux, la régularisation de leurs collègues immigrés et le
versement d’un salaire de quarantaine. Un son de cloche qu’on entend aussi résonner chez leurs
voisins de la livraison à domicile, des grèves internationales de livreurs à vélo en Amérique latine
à la limitation des livraisons aux biens essentiels gagnée par les travailleurs d’Amazon France12. À
l’évidence, quand l’autogestion des travailleuses et travailleurs se substitue à l’indigence patronale,
les réponses apportées sont diamétralement opposées.
10. viacampesina.org/fr.
11. www.confederationpaysanne.fr.
12.Voir l’article de Mariana Sanchez dans la présente édition, p. 13.
26 avril 2020
13.Voir l’interview de trois membres de la Brigade populaire Montreuil/Romainville/Fontenay dans la présente édition.
14. Ce texte et des débats sur le sujet : https://lvsl.fr/penser-lapres-crise. L’interview de Bernard Friot : https://la-bas.org/la-bas-magazine.
ENTRETIEN
D’où sortent ces brigades apparues en région parisienne et dans quelques autres villes
françaises ? Comment fonctionnent-elles ? Dans quels buts, avec quelles perspec-
tives ? Nous avons interviewé trois membres de la brigade Montreuil/Romainville/
Fontenay-sous-Bois, en région parisienne. Nathan Akina, Nathan et Khalil nous
expliquent.
Les premières brigades sont les Brigate Volontarie Per l’Ermengenza, les brigades volontaires
pour l’urgence, qui sont nées en Italie, à Milan. Comprenant que ce serait les classes populaires
qui seraient le plus fortement touchées par la crise sanitaire et ses impacts économiques, ils et elles
se sont organisé·es dans une perspective de solidarité de classe, à l’échelle locale, en gardant aussi
comme objectif de pointer la responsabilité des politiques actuelles dans cette crise. Par la suite,
l’idée s’est diffusée ; en France, ce sont les camarades proches du média Acta qui ont diffusé le projet
de Brigades de solidarité populaire, et pourraient certainement mieux parler de la naissance exacte
que nous.
Où sont-elles présentes ?
Internationalement, les Brigades qui suivent le modèle et les « bases idéologiques » des brigades
italiennes sont implantées dans plusieurs pays de l’Europe de l’Ouest. Mais on peut sûrement trou-
ver des réseaux d’entraide un peu similaires ou proches dans d’autres pays ; il y en a déjà certains en
France, comme peut l’être en partie le réseau Covid-Entraide.
En France, les Brigades sont bien présentes en Île-de-France (dans plusieurs quartiers de Paris et
certaines villes de proche banlieue), et se sont diffusées dans d’autres grandes villes : Nantes, Lyon,
Marseille, Saint-Étienne… Elles sont aussi présentes à Genève et à Bruxelles chez nos voisin·es. Mais
elles semblent, pour le moment, relativement absentes des zones périurbaines ou des banlieues un
peu moins proches de Paris ou plus enclavées, ou ce sont plutôt des réseaux d’habitant·es qui ont
l’air de s’organiser. Pour les zones rurales, ça doit être similaire.
Combien y a-t-il de monde dans ces Brigades ? Est-ce exclusivement des personnes
issues du milieu militant ?
En Île-de-France, début avril, alors que les Brigades n’étaient lancées que depuis deux semaines,
nous gravitions autour de 300 personnes impliquées, avec une base issue du milieu militant, mais pas
uniquement. Pour les autres zones, on ne saurait pas vraiment dire, ça doit varier.
Les Brigades sont très autonomes et chaque groupe local s’adapte aux réalités de son terrain. Il
y a donc une grande variété d’activités, dont une partie est plus au moins commune à toutes les
Un système de panier-repas a été mis en place : certains cuisinent et ceux qui peuvent, les
transportent aux personnes qui en ont besoin, par exemple les personnes dans les foyers.
On a, en effet, établi des liens avec différentes personnes et avec les foyers de sans-papiers, notamment
les foyers en lien avec les Gilets noirs. Pour pouvoir donner des produits de première nécessité à
ceux qui en ont besoin, on a ouvert deux permanences dans deux quartiers différents de la ville.
Les produits déposés sont en libre-service, sinon ils sont distribués. Des repas sont aussi préparés
aux permanences.
Les brigades, en plus d’apporter une aide concrète, portent une vision politique : elles sont cri-
tiques de l’action de l’État, ainsi que du capitalisme, qui a conduit à cette crise. En Île-de-France, la
« fédération » des Brigades a cinq revendications majeures : la réquisition des hôtels pour les sans-abri,
la régularisation des sans-papiers, le gel des loyers, l’arrêt du travail dans les secteurs non essentiels
et le revenu de confinement.
Plusieurs Brigades ont l’objectif de se développer en réel réseau de lutte, et de ne pas s’arrê-
ter en même temps que le confinement ou la crise. En fait, beaucoup supposent même que la
crise ne fait que commencer, qu’elle se poursuivra au-delà du confinement, et que les luttes à
venir nécessitent des initiatives de solidarité de classe comme celle-ci. On peut également d’ores
et déjà commencer à discuter au sein de ce réseau de nos perspectives et de nos pistes d’actions
pour la suite. Certain·es imaginent déjà des luttes axées sur les centres de rétention administra-
tive et la régularisation des sans-papiers, d’autres imaginent se mettre en lien avec les syndicats
de lutte et mener une campagne pour l’autogestion des entreprises, d’autres encore songent aux
possibilités de réquisition de lieux pour former des Maisons du peuple… Les pistes sont multiples,
l’intelligence collective n’a plus qu’à faire son choix quant aux moyens pour les mettre en œuvre.
Il n’y a pas vraiment de lien, à ce qu’on a pu voir. Il y a des syndicalistes impliqué·es dans
les Brigades, mais les permanences ne sont pas (encore ?) tenues dans des locaux syndi-
caux, à notre connaissance en tout cas, ou d’autres liens de ce genre qu’on pourrait imaginer.
Si on réfléchit à « l’après » et à développer et maintenir ce réseau dans une perspective de lutte, ce
serait en tout cas intéressant d’essayer de construire une relation. Les Unions locales pourraient en
tout cas clairement avoir un rôle à jouer dans la construction de ces solidarités de classe locales.
18 avril 2020
Nous avons obtenu quelques transformations positives auxquelles les employeurs résistent
habituellement.
À Détroit, dans le Michigan, les conducteurs de bus ont déclenché une grève sauvage et obtenu
la gratuité des transports urbains pendant la durée de la crise sanitaire. Il en a été de même à
Birmingham, dans l’Alabama. Très rapidement l’exemple s’est étendu dans plusieurs villes des États-
Unis et du Canada où les compagnies de transports urbains ont dû céder et instituer la gratuité des
bus.
Il s’agissait ainsi de réduire la propagation du virus entre les chauffeurs et les passagers. Cela a
également permis d’augmenter la sécurité dans la mesure où la perception du prix du ticket est
souvent le déclencheur des conflits et de l’escalade de la violence. Ajoutons que la manière dont
nous devons payer nos transports est une manière régressive et dispendieuse de les financer, alors
qu’ils devraient l’être par l’impôt et par les grandes compagnies.
À Winnipeg, au Canada, les postier·es ont collectivement imposé la cessation provisoire de la
distribution de ce qu’ils appellent le « junk mail ». Ils et elles décident ensemble de ce qu’il faut dis-
tribuer et ce qu’il ne faut pas distribuer (publicités, etc.).
Les patrons voudront revenir en arrière dès que cela leur sera possible et il ne faudra pas laisser
ces avancées se perdre après la crise.
Nous avons démontré que ces méthodes fonctionnent, il ne faudra pas laisser les employeurs
enfermer à nouveau le génie dans la bouteille.
Labor Notes, www.labornotes.org
Le 26 mars dernier vous avez dénoncé ce qui constituait à vos yeux un scandale
d’État, la fermeture de l’usine Honeywell à Plaintel (Côtes-d’Armor). Pourquoi cette
accusation ?
Serge Le Quéau. La pandémie du coronavirus partie de Chine s’est développée à travers toute la
planète à grande vitesse. Elle n’a évidemment pas épargné notre pays. Très vite nous nous sommes
aperçu·es comme tout le monde que les stocks d’équipements de protection sanitaire (masques,
vêtements) dont disposaient les autorités publiques pour protéger la population, étaient totalement
dérisoires. Après la pandémie virale, nous avons dû faire face à une dramatique pénurie de masques.
Face à cette situation, nous nous sommes souvenu·es, comme beaucoup de Costarmoricains, qu’il
existait dans notre département, les Côtes-d’Armor, une usine de fabrication de masques et de vête-
ments de protection sanitaires. Ses capacités de production étaient énormes. Cette usine Honeywell
de Plaintel pouvait produire 200 millions de masques par an, près de 20 millions par mois et était
équipée de 8 machines ultramodernes pouvant, pour certaines, fournir 4 000 masques à l’heure. Or,
cette usine avait été fermée à la fin 2018 par le groupe multinational américain Honeywell.
En tant qu’organisation syndicale interprofessionnelle, nous avons repris contact avec les ancien·nes
salarié·es de l’usine ainsi qu’avec les responsables des sections syndicales CGT et CFDT. L’objectif
était d’obtenir des informations sur les raisons avancées par Honeywell pour justifier la fermeture
de son usine. Nous voulions aussi comprendre pour quelles raisons, fin 2018, il n’y avait pas eu de
réactions, ou très peu, des autorités locales et nationales pour s’y opposer. C’est au cours de cette
enquête que nous avons découvert ce qui n’avait jamais été révélé avant la publication de notre
communiqué de presse du 26 mars dernier : non seulement Honeywell avait délocalisé sa production
de masques en Tunisie et en Chine, bénéficié d’aides publiques considérables, sans contreparties,
mais en plus, elle avait vendu ses machines ultramodernes et les avait fait détruire par un ferrailleur.
Nous voulions aussi comprendre pourquoi les appels à l’aide des sections syndicales CGT et CFDT
de l’usine de Plaintel, adressés au président de la République Emmanuel Macron et au ministre
de l’économie Bruno Le Maire étaient restés lettres mortes. Une fois bien informé·es, nous avons
voulu mettre en lumière, en le rendant public, l’ampleur du désastre, du point de vue sanitaire,
social, économique et politique, que représentait la fermeture de l’usine de production de masques
de protection sanitaire de Plaintel.
L’Union syndicale Solidaires qui est implantée dans un grand nombre d’hôpitaux et d’EHPAD
de la région, connaissait parfaitement les risques qu’encouraient les personnels soignants de ces
établissements, faute de moyens de protection. Nous nous sentions donc pleinement concerné·es et
ne pouvions pas ne pas agir.
que le capitalisme financier international, soutenu par des politiques néolibérales, peut produire
comme horreurs économiques et sociales, comme absurdité, comme aveuglement. Condensé qu’il
fallait dénoncer avec force.
L’histoire de l’usine de Plaintel est exemplaire : de l’argent public a été dépensé pour casser des
capacités humaines et matérielles de production de haut niveau, sur le territoire national, dans
un domaine touchant à la sécurité sanitaire de tous et toutes. II y a seulement quelques mois, les
responsables des pouvoirs publics disaient : « Garder cette usine n’est pas un enjeu d’intérêt public.
Laissons faire les lois du marché ! Si, un jour, nous avons besoin de ces matériels, nous les impor-
terons de Chine ou de Tunisie ! » Nous avons vu le résultat de cette confiance aveuglément placée
dans le marché global. Nos territoires manquent toujours de masques, plus de deux mois après le
début de la crise.
Notre communiqué intitulé « Que se cache-t-il derrière la fermeture de l’usine Honeywell de
Plaintel ? Un scandale d’État ! » a eu un succès surprenant. En quelques jours, plus de 45 000 per-
sonnes l’ont lu sur le site Facebook de Solidaires Côtes-d’Armor, 1 100 l’ont également partagé et
commenté, dont plusieurs personnalités du monde associatif et politique, qui l’ont largement redif-
fusé sur les réseaux sociaux. Puis, ce sont les médias régionaux et nationaux qui s’en sont emparés,
que ce soit la presse écrite ou audiovisuelle, lui donnant un écho qui a finalement dépassé nos
frontières.
Vous proposez la création d’une société coopérative industrielle qui reprendrait les
activités. Pourquoi une coopérative et non pas la nationalisation qui permet d’avoir la
garantie de l’État ?
Serge Le Quéau. Dans notre communiqué du 26 mars, nous proposions, pour relancer la production
de masques et de vêtements de protection sanitaire la création d’un établissement public industriel
et commercial (EPIC) ou d’une société coopérative (SCOP). Dès le départ, nous pensions fortement
à une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) pour l’originalité de son statut, avec ses collèges
multiples (salarié·es, collectivités territoriales, usagers-clients bénéficiaires), mais nous voulions lais-
ser la proposition ouverte. Parallèlement à ces discussions en interne de Solidaires Côtes-d’Armor,
nous avons rapidement pris contact avec des militant·es avec qui nous travaillons habituellement,
notamment Attac, la Confédération paysanne ainsi que des associations environnementales et de
l’économie sociale et solidaire.
Assez rapidement, la SCIC est bien apparue pour tous et toutes, comme étant la structure la plus
adaptée à la situation. L’outil SCIC existe depuis 2001. Il n’a malheureusement pas suffisamment été
promu et utilisé. Il n’existerait aujourd’hui seulement que 2 000 SCIC en France. La SCIC permet
d’associer tous les acteurs et actrices du territoire régional, à commencer par les salarié·es, et de les
impliquer dans un projet de relocalisation de production industrielle, en ouvrant de manière large
le capital social aux structures « acheteuses » – des acteurs sanitaires et médico-sociaux – comme
aux secteurs d’activité grands consommateurs, et au-delà à tous les acteurs collectifs ou citoyens
régionaux désireux d’agir et soutenir un tel projet.
Un EPIC, et donc une entreprise nationalisée, pourrait répondre aussi à l’enjeu ; mais il nous paraît
moins adapté à l’impératif de prise en charge collective du projet. De plus, la décision de création
ne peut être prise qu’au niveau national, par l’État, donc loin du territoire concerné par la relance
de l’activité industrielle. Et puis, nous avons pensé que compter sur l’État pour prendre en charge
un tel dossier était vain ; qui plus est avec l’équipe « libérale » qui est au pouvoir aujourd’hui. Les
récentes déclarations du Président Macron laissent à penser qu’il pourrait faire une ouverture dans
Comment concevez-vous la table ronde que vous avez demandée au préfet ? Qu’en
pensent les ex-salarié·es de la boîte ?
Serge Le Quéau. Les ex-salarié·es attendent avec impatience la tenue de cette table ronde, car elle per-
mettra de réunir tous les acteurs et toutes les actrices concerné·es par le projet et de connaître pré-
cisément le positionnement de chacun et chacune : salarié·es et leurs organisations syndicales, repré-
sentant.es des collectivités territoriales (région Bretagne, communauté d’agglomération de Saint-
Brieuc, conseil départemental des Côtes-d’Armor), services déconcentrés de l’État (DIRECCTE,
DREAL, etc.), parlementaires déjà impliqué·es dans le projet. Si toutes les collectivités territoriales
citées ont pris officiellement position pour soutenir le projet, le président de la région Bretagne,
Loïg Chesnais-Girard, est allé plus loin : il a missionné officiellement Guy Hascoet, ancien secrétaire
d’État à l’économie sociale et solidaire du gouvernement Jospin, pour qu’il explore les possibilités
de relance d’un site de production industrielle de masques de protection sanitaire et présente un
rapport. Le préfet pourra réunir la table ronde dès qu’il connaîtra la position officielle du ministre
de l’économie et du gouvernement sur ce projet de création de SCIC.
Dans la situation actuelle de crise sanitaire quelles sont les réactions à votre p
roposition ?
Serge Le Quéau. Au départ, les salarié·es licencié·es de l’usine Honeywell de Plaintel ont accueilli
très favorablement la proposition de Solidaires, nous remerciant d’avoir sorti de l’oubli et révélé
au grand jour le scandale de la fermeture de leur usine. Ensuite, la CFDT, par l’intermédiaire de
ses structures départementales et régionales, est montée au créneau, y compris dans la presse, pour
dénigrer notre proposition. Selon elle, nous amènerions les ex-salarié·es d’Honeywell au casse-pipe
en les berçant d’illusions. Par contre, le président du département des Côtes-d’Armor, Alain Cadec,
a accueilli dès le départ plutôt favorablement notre proposition, sous réserve que la région Bretagne
s’engage également à ses côtés. Ce qui a été déterminant pour faire mûrir l’idée auprès des élu·es,
ce fut l’intervention enthousiaste et convaincante de Guy Hascoët, que nous avions contacté très
rapidement sur les conseils avisés d’un militant de la Confédération paysanne et écologiste, René
Louail. C’est Guy Hascoët qui a convaincu l’ensemble des élu·es du département et de la région de
la faisabilité du projet sur les plans humain, technique et financier, dès lors qu’il s’appuierait sur une
participation active des salarié·es, un soutien politique fort et une dynamique citoyenne. Quand ce
sont des syndicalistes, militant·es de Solidaires de surcroit, qui proposent des alternatives impliquant
une appropriation collective des moyens de production, les élu·es de droite comme de gauche,
biberonné·es par la pensée néolibérale depuis plus de trente ans, se méfient, dans un premier temps.
Quand c’est un ancien ministre qui fait la proposition d’un tel projet, ça a l’avantage de les rassurer.
À ce jour, le projet est toujours dans sa phase de construction. Des groupes de travail informels
se sont déjà constitués et travaillent en bonne intelligence. Un ancien directeur de l’usine, Jean-
Jacques Fuan, s’est également engagé, apportant son expertise dans le montage du dossier. L’Union
syndicale Solidaires des Côtes-d’Armor quant à elle, participera évidemment à son élaboration,
consciente de toutes les difficultés qui ne manqueront pas de se présenter et qu’il faudra surmonter.
Mais nous gardons toujours en mémoire la fameuse devise « On ne perd que les combats que l’on
ne mène pas ».
DE CRISE SANITAIRE
ARIÉ ALIMI1
« Et je pense que toutes celles et ceux qui cherchent déjà à faire des procès alors que nous n’avons
pas gagné la guerre sont irresponsables. Le temps viendra de la responsabilité. » C’est ainsi que le
président de la République s’est exprimé devant la nation s’agissant des nombreuses plaintes adres-
sées à la Cour de justice de la République ou au ministère public, contre des ministres en exercice
ou contre X s’agissant de la plus grande crise sanitaire depuis l’épidémie de grippe espagnole de
1918. Comme à son habitude, le procureur de la République, monsieur Rémy Heitz, s’est aligné
sur la position présidentielle en estimant que l’ouverture d’une enquête sur ce scandale sanitaire
pouvait attendre. Beaucoup s’interrogent sur la nécessité et sur l’efficacité des plaintes pénales visant
l’inaction des décideurs publics dans le cadre de la crise sanitaire que la France traverse. Pourquoi
rechercher la responsabilité pénale de décideurs politiques ou même la responsabilité administra-
tive de l’État dès lors qu’il n’a ni créé ni diffusé le virus et que, malgré des approches sanitaires
différentes, l’épidémie s’est installée sur toute la planète ? Peut-être parce que, selon les différentes
approches sanitaires et selon le délai de mise en œuvre de l’action sanitaire, l’évolution de l’épidémie
est variable d’un pays à l’autre. La France est l’un des pays au monde les plus touchés par l’épidémie
de Covid-19 et sa courbe d’évolution suit pour le moment celle de l’Italie, pays le plus durement
touché au monde en termes de mortalité. En comparaison, la Corée du Sud, premier pays après la
Chine à avoir subi l’épidémie, a vu rapidement la courbe de l’épidémie s’aplanir 2 et la létalité de
l’Allemagne est la plus faible au monde. Ensuite, parce que la France avait déjà connaissance du
développement de l’épidémie en Chine et en Italie, ce qui prive les décideurs politiques et admi-
nistratifs de l’excuse de la nouveauté et de la surprise. La nécessité d’une action judiciaire se voit
également opposer le réflexe de l’unité nationale, exacerbé par la métaphore guerrière filée par le
chef de l’État dans la lutte contre l’épidémie. La métaphore est malvenue dès lors qu’elle pourrait
faire accroire que le combat contre une épidémie pourrait avoir les mêmes ressorts qu’une action
militaire contre un pays ennemi. Elle est également malvenue quand on songe à l’essai d’histoire
du temps présent réalisé par Marc Bloch, L’Étrange défaite 3, qui, en tant que militaire et historien,
relatait les multiples impréparations, incompétences et négligences de l’État français et des officiers
de l’état-major ayant conduit à une défaite aussi rapide et inattendue de l’armée française en 1940.
Mais, puisque l’image de la « guerre » est la volonté du chef de l’État, il faut aussi se demander si elle
advient de son fait et si lui ou les décideurs publics pourraient en être comptables. L’unité nationale
doit-elle éteindre les voix de ces témoins qui peuvent apporter au temps présent les solutions à
une catastrophe sanitaire en devenir ? La tradition politique est ainsi faite que face aux défis his-
toriques, l’union sacrée est de mise afin de ne pas perturber l’efficacité de l’action politique. Elle
est surtout la volonté des oppositions politiques de laisser le leader du moment assumer seul les
conséquences de ses décisions, quitte à renoncer à son rôle de contre-pouvoir ou de conseil. L’unité
1. Arié Alimi est avocat au barreau de Paris. Le texte est initialement paru sur le site Dalloz actualités.
2. « Covid-19 : Séoul, l’élève modèle dans la lutte contre le coronavirus ? », Sciences et avenir, 11 mars 2020.
3. Marc Bloch, L’Étrange défaite, Paris, Société des Éditions Franc-Tireur, 1946.
l’état d’urgence sanitaire nous ont cruellement rappelé que le Conseil d’État, du fait de son rôle,
de sa composition et de sa sociologie, ne pouvait jouer le rôle de contre-pouvoir et de sanction
qui lui incomberait naturellement8. Il en est de même du Conseil constitutionnel, qui a achevé de
transformer en illusions perdues les espoirs que d’aucuns lui portaient, en privilégiant une vision
schmittienne de la Constitution, en faisant primer la théorie des circonstances exceptionnelles sur la
lettre que l’on pensait inaltérable de la Constitution, dans sa décision du 26 mars 2020 portant sur
la loi organique du 22 mars 20209. Ainsi, pour le Conseil constitutionnel, le contrat social découle
de la décision politique et ne saurait l’encadrer définitivement, laissant ainsi présager des temps
sombres pour l’État de droit. Les dernières décisions des juridictions administratives saisies en référé
liberté par des syndicats de médecins qui sollicitaient d’enjoindre au gouvernement de contribuer
notamment à la fabrication de tests ou de masques, marquent l’aveu d’impuissance ou d’incompé-
tence de la juridiction administrative tout au moins en référé pour contraindre l’État à infléchir ses
mesures sanitaires10.
Ne reste alors dans l’éventail des outils à disposition de la société civile que le recours à l’outil
pénal. Son efficacité ne doit cependant pas s’appréhender qu’à l’aune de la possible sanction pénale
qui pourrait être prononcée par une juridiction, qu’il s’agisse de la Cour de justice de la République
ou d’un tribunal correctionnel. D’abord, pour qu’il y ait sanction, encore faut-il qu’il y ait enquête,
puis poursuites et jugement, ce qui nécessitera de très nombreuses années, voire une décennie si l’on
s’en réfère aux précédentes procédures judiciaires en la matière, comme celles de l’affaire du sang
contaminé ou bien encore de l’amiante. Ensuite, parce que le périmètre de la sanction pénale dans la
décision politique a été particulièrement restreint par la Constitution et la jurisprudence. S’agissant
du chef de l’État, sa fonction bénéficie d’une irresponsabilité pénale pour tous les actes et décisions
commis dans l’exercice de ses fonctions11, tandis que sa responsabilité pénale pourrait être engagée
pour tous les actes détachables de sa fonction, et uniquement après la cessation de ses fonctions en
vertu de l’article 67 de la Constitution. Les deux corps du roi sont ainsi parfaitement distingués. Il
en résulte qu’il bénéficie d’une immunité pleine et entière pour les décisions qu’il a prises ou qu’il
pourrait prendre pendant son mandat et plus spécifiquement pendant la crise sanitaire.
S’agissant des ministres, l’histoire récente et notamment la poursuite de Christine Lagarde et sa
déclaration de culpabilité à l’occasion de l’affaire dite de l’« arbitrage Tapie » a confirmé qu’il n’exis-
tait à leur égard pas d’immunité, mais juste un privilège de juridiction12. De facto, l’engagement
d’une enquête ou d’une poursuite devant la Cour de justice de la République est rarissime. Et pour
cause, la Cour de justice de la République est une juridiction d’instruction et de jugement mixte,
composée de douze parlementaires et trois magistrats de la Cour de cassation13. Or la Commission
des requêtes qui apprécie la recevabilité des plaintes est composée de trois magistrats de la Cour
de cassation, de deux magistrats de la Cour des comptes et de deux conseillers d’État14. Ainsi, la
majorité de cette commission émane d’un recrutement administratif qui laisse peu de chances à
la recevabilité des plaintes. Les statistiques d’ouvertures d’enquêtes et de poursuites sont infimes15.
8. J. Andriantsimbazovina, B. Francos, J. Schmitz et M. Touzeil-Divina (dir.), JDA 2016. Doss. 1, art. 48 ; « État d’urgence : face aux cri-
tiques des juges, le Conseil d’État défend son rôle », Le Monde, 19 janvier 2016.
9. Cons. const., 26 mars 2020, n° 2020-799 DC.
10. CE 28 mars 2020, SMAER, n° 439726, 439693 et 439765, Dalloz actualité, 1er avril 2020, obs. M.-C. de Montecler.
11. Constit., 4 octobre 1958, art. 67.
12. Cour de justice de la République, 19 décembre 2016, n° 2016/001, AJDA 2016. 2468 ; RTD com. 2017. 210, obs. L. Saenko.
13. Constit., 4 oct. 1958, art. 68-2.
14. L. org. n° 93-1252, 23 nov. 1993, sur la Cour de justice de la République, art. 12.
15. « Cour de justice de la République : une institution contestée, 13 oct. 2019 : depuis sa création en 1999, la Cour de justice de la
République a prononcé un jugement à l’encontre de sept ministres », Vie publique.
16. « Covid-19 : le gouvernement face aux recours », Public Sénat, 26 mars 2020.
17. C. pr. pén, art. 39 s.
18. C. pén., art. 222-19.
19. C. pén., art. 221-6.
20. C. pén., art. 223-7.
21. C. just. républ., 9 mars 1999, n° 99/001.
tions similaires, à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement constitutif de l’infraction
et le dommage causé22.
En raison du grave impact de ces scandales sanitaires sur l’intégrité physique d’un grand nombre
de victimes, le lien de causalité a subi une progressive transformation par la jurisprudence en
matière de délit de risques causés à autrui. Ce délit s’inscrit notamment dans une politique de
santé publique, et se retrouve ainsi dans les affaires d’exposition à l’amiante et des affaires du sang
contaminé.
Parmi les techniques utilisées par la jurisprudence pour retenir l’existence d’un lien de causalité
en matière de délit de risques causés à autrui, les juges du fond se concentrent sur la preuve d’un
lien de causalité unissant le comportement en cause à la naissance d’un risque23. La jurisprudence
a également recours à des présomptions simples, permettant d’alléger la charge de la preuve en
matière de causalité. De même le lien de causalité peut être établi par la démonstration de plusieurs
négligences, Ainsi, la jurisprudence relative à l’affaire du sang contaminé ne requiert que la preuve
d’une contamination virale survenue postérieurement à une transfusion sanguine et de l’absence
d’autre mode de contamination et requiert dès lors du centre de transfusion sanguine la preuve de
l’absence de vices dans les produits sanguins fournis24.
L’enjeu des procédures pénales qui verront peut-être le jour est de déterminer si ces critères
peuvent également s’appliquer à l’inaction gouvernementale au début de la crise sanitaire que nous
vivons. En définitive, la question se résume à savoir si, d’une part, les décideurs publics avaient
connaissance du risque encouru par la population et les soignants et si, d’autre part, ils ont pris en
connaissance de cause la décision de ne pas prendre les mesures nécessaires à la protection de la
population et des soignants. Si tel est le cas, la question morale sera celle de savoir pourquoi cette
décision. La négligence ou l’idéologie. L’attitude ambiguë du gouvernement et sa communication
malheureuse tendant à poursuivre toute activité économique même non indispensable avant et après
la décision de confinement, alors même qu’elle était de nature à contribuer à diffuser le virus, la
décision de ne pas renouveler les stocks stratégiques de masques, de privilégier la protection des
salariés d’Airbus au détriment des soignants et, de ce fait, de prétendre que le port du masque était
inutile25, la décision de ne pas fabriquer ou acheter des tests en contradiction avec les recomman-
dations de l’OMS depuis le 24 janvier 2020, le maintien du premier tour des élections municipales,
la carence dans la fourniture de tous matériels de protection aux soignants hospitaliers ou libéraux,
dont certains ont été contaminés et sont décédés, devront s’appréhender au regard des connais-
sances scientifiques disponibles26 et de la documentation administrative disponible27. La justice qui
s’inscrit dans l’État de droit que nous imaginons ne saurait fermer les yeux sur ces milliers de morts
et de contaminés qui auraient pu être évités. Dans le cas contraire, l’état d’exception que constitue
l’état d’urgence sanitaire aura eu raison de l’état de droit dans lequel nous avons vécu. Il faudra
au contraire, au sortir de cette « guerre », le renforcer en éliminant les scories qui paralysent et
soumettent les contre-pouvoirs que devraient constituer le Conseil constitutionnel, la justice admi-
nistrative et le ministère public. Dans le cas contraire, l’état de droit risque fort de devenir résiduel,
tel un souvenir heureux pour ceux qui l’ont connu, au profit d’une gestion rationnée des libertés.
22. M. Pochard, Fasc. 813 sur la responsabilité pénale des élus, LexisNexis, 9 mai 2019.
23. A. Simon, « Sanctionner la mise en danger grâce aux jeux de la causalité », RTD civ. 2019. 477.
24. Civ. 1re, 9 mai 2001, n° 99-18.161, D. 2001. 2149, rapp. P Sargos ; RTD civ. 2001. 889, obs. P. Jourdain.
25.Y. Philippin, A. Rouget et M. Turchi, « Masques : les preuves d’un mensonge d’État », Mediapart, 2 avril 2020.
26. P. Marichalar, « Savoir et Prévoir. Première chronologie de l’émergence du Covid-1 », Collège de France.
27. Rapport d’information n° 451 de madame Nicole Bricq, Une approche critique de la mise en œuvre des moyens de lutte contre la
« grippe aviaire ».
ADDENDUM DU 17 AVRIL
Tout d’abord, quelques précisions sur la sortie du confinement annoncée pour le 11 mai.
Il est évident que – beau temps et problèmes psychologiques obligent – le confinement devient
de plus en plus dur à supporter. Pour autant, et la non-mention du conseil scientifique par Macron
lors de son allocution télévisée du 13 avril, en est un signe, il n’y a pas d’accord scientifique et
clinique sur la réouverture des écoles. L’étonnement de l’Ordre des médecins (entre autres) est très
significatif, car il va être impossible d’empêcher les enfants de se toucher dans les cours de récréa-
tion et donc de se contaminer mutuellement… et de transmettre tout ça à maman, papa, mamie
et papy. Et, bien sûr aux enseignant·es. Ajoutons que le nombre de points d’eau et de savons mis
à disposition dans une école rend le lavage des mains collectif long et, de plus, il est impossible de
mettre en pratique un tel lavage de mains de manière efficace dans une école.
Chacun le sait, il s’agit d’envoyer les enfants à l’école pour faire reprendre le boulot aux tra-
vailleur·euses. Le tout, d’ailleurs, avec peu de précautions réelles. Le premier mort chez PSA
en témoigne : le patronat/Medef s’en fout largement. On se rapproche de la fameuse séquence
« Moloch » de Metropolis, le film de Fritz Lang (1927).
Le tout avec des masques et des tests qui n’en finissent pas d’arriver !
À quoi il faut ajouter la petite chanson sur l’immunité de groupe, seule « alternative » à un vaccin
actuellement inexistant. Eh bien, c’est très simple : au maximum 10 à 15 % de la population ont été
infectés, alors qu’une immunité de groupe suppose qu’au moins 60 à 70 % de la population l’aient
été… Avec bien sûr une mortalité en conséquence.
S’ajoutent à cela de mauvaises nouvelles sur la faible durée de vie des anticorps. Et donc sur les
récidives possibles2…
Il y a plusieurs explications possibles. Elles tournent toutes autour du fait que la mémoire immu-
nitaire ne serait pas activée. La réponse anticorps nécessite en effet une « coopération » (en fait une
communication grâce aux interleukines – molécules de signalisation entre globules blancs et autres
cellules dont essentiellement les globules blancs – ou lymphocytes eux-mêmes) entre des cellules
dites B, qui produisent les anticorps, et des cellules dites T. La première partie de la réponse immu-
nitaire, « grossièrement visible », est faite d’anticorps ou immunoglobulines produites par les cellules
B activées par la reconnaissance directe du matériel étranger. La cellule sécrète dès le jour 5 après la
rencontre une « grosse » immunoglobuline, l’Ig (pour Immunoglobuline) M, ou IgM pentamérique,
c’est-à-dire répétant cinq fois la même molécule anticorps de base, ce qui lui permet de s’engager
contre plusieurs « corps étrangers » à la fois, d’où un fort pouvoir agglutinant et neutralisant. Elle
n’est secrétée que temporairement et a elle-même une faible durée de vie. Dans le même temps,
les cellules T activées elles aussi par la reconnaissance de l’agent étranger sécrètent une interleukine
(l’interleukine 2) aux cellules B, pour les faire activer en cellules mémoires et faire basculer leur
B. Ainsi, en cas de nouvelle rencontre avec le même étranger, la cellule B sécrétera immédiatement
de fortes quantités d’IgG.
Un taux anticorps faible évoque soit une réponse insuffisante IgG, soit une réponse IgM seule (au
pire, on a une réponse bloquée en IGM seule, dite « T indépendante », cas de la réponse à certains
sucres bactériens ou viraux).
Le pire du pire, c’est quand les virus ou les bactéries hyperactivent en plus une catégorie cellulaire
particulière, les « T suppresseurs » (ou Ts), ainsi nommés parce qu’ils régulent normalement l’ampli-
tude de la réponse immunitaire pour éviter, par exemple, un emballement inflammatoire, mais qui,
comme leur nom l’indique, sont capables de l’empêcher et de supprimer totalement une réponse
immunitaire, sécrétion d’IgM comprise et, y compris la réponse des cellules (T) tueuses, cellules
indispensables en immunité antivirale car elles détruisent les cellules infectées ; l’exemple le plus
connu est le pneumocoque SIII qui n’induit qu’une réponse Ts et IgM, d’où le caractère grave de
son infection avant l’utilisation de la pénicilline.
Cela ne veut pas dire qu’on ne puisse pas induire une réponse vaccinale en couplant l’antigène
microbien ou viral à une protéine porteuse qui peut être d’ailleurs un autre virus inactivé… le tout
avec un « adjuvant » (dont les antivaccins parlent beaucoup).
Il est beaucoup trop tôt pour parler de succès ou d’échec d’un vaccin, pour la bonne raison que
ceux-ci sont encore tout simplement à l’étude, ou d’immunité non existante à distance de l’infec-
tion, même si les rapports commencent à signaler une très courte durée de la réponse anticorps et
l’existence de réinfections.
Mais une chose est sûre : un déconfinement mal conduit, c’est le risque d’une deuxième vague !
Le gouvernement Macron-Philippe, de ce point de vue, n’inspire aucune confiance.
PS. On reparlera de la chloroquine la semaine prochaine, une fois une étude quasi randomisée
menée à Détroit – et d’autres sans doute – officiellement publiée. Et du P4 de Wuhan et de Luc
Montagnier.
3. Autre étude, bien involontaire, en milieu « de travail » celle-là… les centaines de marins contaminés du Charles-de-Gaulle…
fini par accepter la proposition. « On a finalement signé la demande à la condition que les ventila-
teurs soient utilisés en dernier recours et sous certaines conditions », explique l’anesthésiste-réanima-
teur. Depuis, la SFAR a publié un certain nombre de recommandations d’utilisation des respirateurs
Osiris à destination des soignants.
Tout cela tombant alors que les vaccins n’en sont, au mieux, qu’en phase 1 (essai d’innocuité)
et que nous n’avons aucun traitement confirmé. Pour ne pas être accusé de servilité macronienne,
je poste ici d’abord les recommandations du panel d’experts du NIH américain. On notera qu’il
dézingue aussi pas mal de médicaments « Big Pharma ». (On m’a accusé d’être vendu : j’ai, par
exemple, eu droit à ce post : « Mais bon, on est en droit de s’interroger sur qui a financé votre
longue et belle carrière ? », ce qui insinue que j’ai été – grassement – payé par le privé pour en
arriver à être, par exemple, dans ma carrière active membre du conseil de l’International Union
of Immunological Societies. Or, je suis, ou plutôt j’étais – étant à présent émérite – fonctionnaire
CNRS et n’ai jamais touché de fonds du privé, ni pour moi ni pour ma recherche.)
OPTIONS THÉRAPEUTIQUES POUR COVID-19 ACTUELLEMENT À L’ÉTUDE
À l’heure actuelle, aucun médicament ne s’est avéré sûr et efficace et aucun n’a été approuvé par
la Food and Drug Administration (FDA). Bien que des rapports, parus dans la littérature médicale et
dans la presse profane, fassent état de traitements efficaces avec divers agents, des données d’essais
cliniques définitives sont nécessaires pour identifier les traitements optimaux pour cette maladie. La
prise en charge clinique recommandée pour les patients atteints de Covid-19 comprend des mesures
de prévention et de contrôle de l’infection et des soins de soutien, y compris l’apport d’oxygène
supplémentaire et l’assistance respiratoire mécanique lorsque cela est indiqué. Comme pour la ges-
tion de toute maladie, les décisions relatives au traitement incombent en dernier ressort au patient
et à son fournisseur de soins de santé.
Les données cliniques sont insuffisantes pour recommander ou non l’utilisation de la chloroquine
ou de l’hydroxychloroquine pour le traitement de Covid-19. Si la chloroquine ou l’hydroxychloro-
quine est utilisée, les cliniciens doivent surveiller le patient pour détecter les effets indésirables, en
particulier l’allongement de l’intervalle QT4.
Il n’existe pas non plus suffisamment de données cliniques pour recommander ou non l’utilisation
de l’antiviral expérimental, le remdesivir. Celui-ci fait actuellement l’objet d’essais cliniques et est
également disponible par le biais d’un accès élargi et de mécanismes d’utilisation compassionnelle
pour certaines populations de patients.
Sauf dans le cadre d’un essai clinique, le groupe d’experts sur les directives de traitement de Covid-
19 recommande de ne pas utiliser les médicaments suivants : la combinaison d’hydroxychloroquine
et d’azithromycine (risque de toxicité), le lopinavir/ritonavir et les autres inhibiteurs de la protéase
du VIH (pharmacodynamique défavorable et essais cliniques négatifs), les modificateurs de l’hôte,
la thérapie immunitaire (données cliniques insuffisantes pour recommander ou non l’utilisation de
plasma de convalescence ou d’immunoglobuline hyper-immune), inhibiteurs de l’interleukine-6 et
1 (données cliniques insuffisantes). Enfin, sauf toujours dans le cadre d’un essai clinique, le groupe
d’experts recommande de ne pas utiliser les immunomodulateurs, tels que les interférons, en raison
de leur manque d’efficacité dans le traitement du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et du
syndrome respiratoire du Moyen-Orient (SRM) et de leur toxicité.
4. L’intervalle QT sur l’électrocadiogramme correspond à la durée électrique de la contraction du cœur. Son allongement traduit un
trouble du calcium circulant pouvant être en rapport avec la prise d’un médicament et entrainer une fibrillation venticulaire mettant en
jeu le pronostic vital.
nécessaires doivent être prises au sérieux pour « éviter que les écoles et les collèges ne soient de nouveaux
épicentres du virus ». « Il ne peut y avoir d’hygiène des mains sans approvisionnement continu en eau [ce] qui
signifie la livraison de camions-citernes où cela est nécessaire. […] Toutes les salles de classe et les ateliers
doivent être équipés de désinfectants pour être utilisés à l’entrée et à la sortie », a ajouté le syndicat.
Mali. Pour non-respect des engagements pris par le gouvernement, le personnel de santé de Bamako et
de Kati projette une grève de 192 heures. Selon les responsables syndicaux, c’est à l’issue des assemblées
générales des travailleurs convoquées à cet effet dans les différentes structures courant mars et avril 2020
que les militants ont exigé la satisfaction de leurs revendications. Les syndicats demandent, entre autres, le
paiement intégral de leurs arriérés de salaire, la prise en charge gratuite des soins médicaux du personnel
socio-sanitaire ; l’amélioration des conditions de travail dans les CHU et les hôpitaux concernés à travers le
recrutement du personnel qualifié ; l’amélioration et l’adaptation des plateaux techniques en tant compte de
nouveaux défis sanitaires ainsi que l’octroi et l’augmentation substantielle de primes de fonction spéciales,
de primes de garde, etc.
Russie. Les vakhtoviki (travailleurs « saisonniers ») qui sont bloqués sur un gisement de gaz au fin fond de
la Iakoutie se sont rebellés. Aucune mesure sanitaire n’avait été prise sur leur lieu d’habitation (des foyers
de travailleurs) et de travail. Il y aurait des dizaines de cas sur 10 500 salariés. L’employeur est le « modeste »
géant gazier Gazprom, il n’a sans doute pas les moyens d’acheter masques et gants…
Pakistan. Des dizaines de médecins et personnels soignants sont en grève de la faim depuis dix jours à
Lahore pour protester contre le manque de matériel de protection contre le nouveau coronavirus. « Nous
n’avons pas l’intention de nous arrêter tant que le gouvernement ne nous entendra pas », a expliqué le Dr
Salman Haseeb, qui a cessé de s’alimenter depuis le 16 avril. « Nous sommes aux avant-postes face au virus.
Et si nous ne sommes pas protégés, alors toute la population est en danger », a ajouté ce dirigeant de la
Grande alliance pour la santé, le syndicat médical à l’origine du mouvement. D’après cette organisation,
une trentaine de personnes sont actuellement en grève de la faim dans les locaux de la direction de la santé
de la province du Pendjab. Jusqu’à 200 manifestants se relaient tous les jours pour soutenir les grévistes.
Le Pendjab, dont Lahore est la capitale, est la province la plus peuplée du pays, avec plus de 100 millions
d’habitants.
Grande-Bretagne. Des ingénieurs des télécommunications ont déclaré qu’ils étaient menacés et harcelés
par des gens qui pensent que le Covid-19 est lié à la 5G. Certains ont même subi des agressions selon
leurs syndicats. « Nous avons en fait eu des cas où des gens ont été menacés d’être poignardés, menacés de
violence physique et, dans certains cas, menacés de mort », explique Andy Kerr, secrétaire général adjoint
du Communication Workers Union (CWU), le principal syndicat au Royaume-Uni dans le domaine des
télécommunications.
France. La porte-parole de la CGT de l’hôpital de Lézignan-Corbières, Magali Astruc, ne décolère pas.
« C’est une catastrophe ! L’Agence régionale de santé (ARS) refuse de nous considérer comme un centre
Covid et on se bat pour obtenir du matériel. Le personnel n’en peut plus et est en sous-effectif, car on ne
trouve personne pour remplacer les agents confinés. C’est la Berezina à l’Ehpad et au long séjour. […] Nous
avons quinze cas de virus chez le personnel, dont un agent en réanimation, avec le refus de la direction d’une
reconnaissance en maladie professionnelle. Nous, on soigne les malades du Covid, mais on n’a droit à rien !
Nous allons interpeller l’Agence régionale de santé pour être équipés comme un centre Covid. Concernant
les dotations d’État, les blouses ressemblent à des sacs-poubelles dans lesquels il faut faire des trous pour
passer les bras et agrafer des manchons… Et c’est le sauna là-dedans ! »
France. Une assemblée générale tenue physiquement à Montreuil le samedi 25 avril après-midi a décidé
d’appeler à manifester dans les rues de la ville le 1er Mai. Nous reproduisons son appel adopté à l’unanimité :
« Nous, habitant·es de Montreuil, réuni·es à plus de 50 le 25 avril, décidons de nous rassembler et de mani-
fester le 1er Mai, pour dénoncer la gestion catastrophique de la crise sanitaire et sociale par le gouvernement
Macron et plus globalement sa politique au service des patrons. Nous serons dans les rues pour défendre
la Sécu, parce que l’éducation nationale ne doit pas être la garderie du Medef, pour défendre les droits des
28 AVRIL
Afrique du Sud. Le ministre de l’éducation, Angie Motshekga, devait informer lundi les médias de la date
de réouverture des écoles et des mesures à prendre pour empêcher la propagation du coronavirus parmi
les apprenants, mais la réunion a été reportée indéfiniment. Dans une déclaration publiée cette semaine
par le Syndicat des enseignants démocratiques (SADTU), des inquiétudes ont été exprimées concernant la
sécurité des enseignants, du personnel et des apprenants. « Surtout, nous sommes préoccupés par l’état de
préparation en ce qui concerne la disponibilité des éléments essentiels de santé et de sécurité qui doivent
être mis en place dans les établissements d’enseignement au moins deux semaines avant que toute activité
puisse avoir lieu », a déclaré le secrétaire général du SADTU, Mugwena Maluleke. Les écoles sont fermées
depuis le 18 mars.
des travailleuses et travailleurs du Bangladesh comme fonds d’assistance aux travailleuses et travailleurs de
l’industrie textile qui ont perdu leur emploi dans le contexte de la pandémie de Covid-19. « Alors qu’elles
reçoivent depuis des années des salaires de misère, les femmes qui fabriquent nos vêtements n’ont aucune
épargne financière où puiser. Sans travail ou revenu, elles risquent maintenant de sombrer dans la pauvreté
extrême », a déclaré Ken Neumann, responsable canadien du Syndicat des Métallos et président du Fonds
humanitaire des Métallos.
Martinique. En pleine pandémie, les usager·es qui sont privé·es régulièrement d’eau potable, n’en peuvent
plus. Stéphane, usager, lance un appel aux usager·es victimes des coupures d’eau et appelle à un blocage
d’Odyssi ce mercredi 29 avril 2020. « Plusieurs quartiers sont privés d’eau depuis une semaine, pour beau-
coup d’entre eux. Le Lamentin, et surtout Acajou, en fait partie. Que fait Odyssi ? Silence radio… Ainsi, ils
ne sont pas, et ne seront pas en mesure de rétablir l’eau de façon durable dans les quartiers privés d’eau,
rapidement. Dans ces conditions, que doivent faire les usagers ? Rester passifs ? Attendre comme des mou-
tons ? Continuer à vivre dans ces conditions sanitaires inacceptables ? Non !!! Habitants de Morne-Pavillon,
de Basse-Gondeau, de Long-Pré, de Californie, d’Acajou, d’AcajouProlongé, etc., descendons massivement
manifester devant le siège d’Odyssi, à la zone franche de Dillon, et exigeons des comptes. »
Philippines. Un syndicat des travailleurs des centres d’appels aux Philippines affirme que les salariés
orment dans leur bureau dans des conditions potentiellement dangereuses en raison du risque de corona-
d
virus. Des photos montrent des travailleurs philippins de l’entreprise Cebu dormant ensemble sur des mate-
las à l’étage du bureau où ils ont été engagés pour travailler pour Amazon. Mylene Cabalona, présidente du
syndicat local BPO Industry Employees Network, a déclaré avoir également reçu une plainte concernant un
bureau Teleperformance à Manille où le service client est effectué pour Telstra, car les travailleurs dormaient
dans une salle de formation.
Italie. Une étude de l’Institut supérieur de la santé révèle que sur le nombre total de contaminés dans le
pays depuis le début de l’épidémie environ 15 à 20 % sont des personnels soignants. À la date du 24 avril,
au moins 150 d’entre elles et d’entre eux avaient perdu la vie.
États-Unis. Cinquante employés d’Amazon dans un centre de distribution de Shakopee (Minnesota) ont
déclenché dimanche matin une grève spontanée suite au licenciement d’une travailleuse, Faiza Osman, qui
était restée à la maison pour protéger ses deux enfants du coronavirus. Le débrayage de Shakopee fait suite à
des grèves dans les installations d’Amazon à Staten Island, Chicago et Detroit. Les travailleurs de Shakopee
ont déclaré qu’Amazon avait accepté de reprendre la licenciée et de lui permettre de retourner au travail
plus tard cette semaine.
Turquie. Selon le syndicat des travailleurs de la construction, Dev, plus de 15 000 travailleurs de la construc-
tion à Istanbul ont été licenciés alors qu’ils travaillaient sur de grands projets, la plupart sans recevoir de
compensation, les sites ayant commencé à interrompre leurs activités ou à réduire leurs effectifs. Le syndicat
estime qu’environ 295 000 personnes sont employées dans la construction à Istanbul, et plus d’un million
dans tout le pays. Il affirme que ceux qui restent employés se sont vus offrir peu de protections contre les
coronavirus dans une profession déjà dangereuse où il est difficile d’imposer une distanciation sociale.
États-Unis. La Ontario Federation of Labour (OFL) et Unifor, le plus grand syndicat du secteur privé
représentant 315 000 membres mettent en garde le cadre de relance économique du gouvernement de l’État
sur son manque de consultation avec les membres des syndicats, ce qui se traduit par un plan qui ne prend
pas en compte la sécurité des travailleurs pendant la pandémie de Covid-19. « Les décisions liées à la reprise
économique et à un retour au travail en toute sécurité en Ontario doivent être prises en consultation avec
les travailleurs », a déclaré Patty Coates, présidente de l’OFL, dans un communiqué.
Organisation internationale du travail. Dans un communiqué, l’OIT alerte sur le danger d’une nouvelle
vague de propagation du virus, à défaut de protection suffisante des travailleuses et des travailleurs. « Il faut
protéger les travailleurs dès maintenant et après l’assouplissement du confinement. » L’OIT met en garde
contre la possibilité d’une deuxième vague de propagation du virus si les mesures de protection suffisantes
ne sont pas prises pour le personnel qui reprend le travail. Ainsi, les mesures de contrôle des risques doivent
29 AVRIL
États-Unis. Un syndicat qui représente plus de 4 000 infirmières du Wexner Medical Center de l’État de
l’Ohio a déclaré que des milliers de travailleurs avaient été exposés à un risque de coronavirus, dans une
plainte déposée auprès de la Occupational Safety and Health Administration et de l’Ohio Division of Safety
and Hygiene déposée mardi. La plainte détaille 14 cas dans lesquels elle affirme que les travailleurs n’ont pas
reçu de formation ou de protection appropriée. Les zones touchées du centre médical comprennent l’unité
des services correctionnels, le quatrième étage du centre de réadaptation Dodd qui a entraîné la mise en
quarantaine des infirmières, une unité au cinquième étage de l’hôpital Ross Heart qui a fermé ses portes
afin de mettre le personnel en quarantaine, ainsi que l’unité d’accouchement qui avait au moins 12 membres
testés positifs au Covid-19, explique la plainte.
Kenya. La grève imminente de professionnels de la santé, qui demandent de meilleures conditions de
travail, pourrait paralyser les opérations dans les hôpitaux et les centres de quarantaine à un moment où le
pays est aux prises avec la pandémie. Les infirmières, les cliniciens, et d’autres catégories de personnel de
santé demandent au gouvernement et aux comtés d’améliorer leur sécurité. La Kenya Health Professionals
Society (KHPS), devrait émettre un préavis de grève demain en dernier recours. Hier, des représentants des
travailleurs ont accusé le gouvernement de prendre leur sécurité avec désinvolture. Une dizaine d’agents de
santé ont contracté le virus et quatre luttent encore pour leur vie.
France. Le syndicat SUD-Santé du CHU de Rennes déclare avoir installé lui-même des vitres en plexiglas
pour protéger les personnels de l’hôpital de la contamination au coronavirus. « Suite aux refus répétés de la
dépôts partout dans le pays, alors que la peur et la colère grandissent face à la dureté avec laquelle Royal
Mail gère la crise du coronavirus pour ses travailleurs. Cela fait suite à leur expérience d’un vote majoritaire
pour la grève au cours de la période récente, à la suite d’une série d’attaques contre l’emploi, les pensions
et les conditions de travail. Malgré l’obtention d’une majorité massive et d’un taux de participation élevé,
leur vote pour la grève organisé par le Communication Workers Union a été jugé illégal par la Haute Cour.
États-Unis. Les travailleur·euses d’une maison de soins infirmiers de Galesburg se joindront à leurs homo-
logues dans 39 autres établissements de l’État pour déclencher une grève d’une semaine à partir de vendredi.
Le syndicat SEIU Healthcare Illinois a déclaré dans un communiqué que les employés se réuniraient le
8 mai chez Aperion Care à Galesburg, ainsi que dans d’autres installations principalement dans la région de
Chicago, mais également dans d’autres quartiers du sud de l’État. Le syndicat affirme que les employés des
installations n’ont pas reçu d’équipement de protection individuelle amélioré, ni d’EPI, ni d’autres choses
comme des protocoles de sécurité avancés, une prime de risque ou la transparence concernant les cas de
Covid-19 dans les installations. Le syndicat réclame également un contrat d’un an dans chaque établissement
avec des augmentations de salaire les mettant à un salaire supérieur à 15 dollars de l’heure.
France. « Le télétravail a été une solution d’urgence et de facilité pour beaucoup d’employeurs, qui
a entraîné pour les salariés des difficultés particulières avec entre autres une coupure du lien social »,
commence Olivier Masini, le secrétaire général de la CGT varoise, alors qu’une nouvelle audioconférence
vient de démarrer avec en ligne des télétravailleurs de circonstance. À l’appui, des témoignages de salarié·es.
Baudouin Guyon, cadre au département, explique : « Je commence ma journée à la même heure qu’avant
sauf que je la termine très souvent beaucoup plus tard. Si j’ai commencé un rapport, je le finis. » Véronique
Preleur travaille à Pôle emploi et souligne des phénomènes liés à isolement et l’aggravation « des problèmes
typiquement physiques ». Et des salariés qui se retrouvent avec « du matériel pas toujours très ergonomique
quand ce n’est pas sur une chaise de cuisine ». Michèle est assistante sociale au département : « Pour nous, le
télétravail, c’est totalement en contradiction avec notre métier. Cela bouleverse nos pratiques fondées sur
le lien. »
Grande-Bretagne. GMB Union, le syndicat des travailleurs d’ASOS, a dénoncé l’entreprise pour avoir
licencié des travailleurs pendant la crise du Covid-19 et délocalisé vers des centres d’appels aux Philippines.
ASOS prévoit de licencier jusqu’à 300 travailleurs des centres d’appels sur son site de Leavesden. Des
membres du GMB ont indiqué qu’ils avaient déjà commencé à recevoir des lettres confirmant leur licen-
ciement. Steve Garelick, organisateur GMB London Region a déclaré : « L’entreprise licencie des travailleurs
sous le couvert d’une crise nationale afin d’économiser de l’argent en délocalisant leur emploi. »
États-Unis. Le président Trump a invoqué la Defense Production Act pour garder ouvertes les usines de
conditionnement de viande aux États-Unis pendant la pandémie. Les travailleurs de l’emballage de viande
dans plusieurs États ont protesté contre l’ouverture des usines. Mardi, dans le Nebraska, certains des 2 000
travailleurs d’une usine de porcs de Smithfield Foods à l’extérieur de Lincoln ont brièvement quitté le travail
pour protester contre les plans visant à maintenir ouvert leur entreprise qui a signalé 48 cas de Covid-19. Le
syndicat United Food and Commercial Workers a déclaré qu’il partageait ces préoccupations plus générales
concernant l’approvisionnement alimentaire américain. Il a demandé des tests quotidiens sur le coronavirus
dans certaines installations d’emballage de viande et un meilleur accès à des équipements de protection
individuelle tels que des masques et des gants.
Bangladesh. Des milliers de travailleurs de l’habillement sont retournés travailler le mardi 28 avril sans
avoir touché leurs salaires pour le mois de mars. Il existe également une incertitude quant au sort de
milliers d’autres travailleurs migrants qui viennent dans la capitale, Dacca, de différentes parties du pays à la
recherche d’un emploi. Sur un total de 7 602 usines de confection dans le pays, 2 916 ont ouvert mardi. Les
travailleurs de l’habillement exigent le paiement de leur salaire. Même si une partie a été payée après les
protestations des travailleurs et les interventions des syndicats, le paiement intégral des salaires est toujours
en suspens. Le Bangladesh est le deuxième exportateur mondial de vêtements confectionnés
Afrique du Sud. Le plus grand producteur mondial de minerais de platine, de manganèse et de chrome, laisse
toute réintégration rapide du personnel en télé-travail. Un autre important syndicat d’employés, le National
Treasury Employees Union, a publié une nouvelle liste de « conditions de santé et de sécurité », que les
agences doivent respecter avant que les employés fédéraux soient obligés de retourner au travail.
30 AVRIL
Indonésie. La Fédération des syndicats indonésiens de la métallurgie (FSPMI) a annoncé jeudi que ses
membres continueraient de commémorer la journée internationale des travailleurs le 1er Mai au milieu de la
pandémie de Covid-19, sous la forme de rassemblements virtuels sur toutes les plateformes sociales en ligne.
Les syndicats prévoient de mettre en avant trois revendications lors du rassemblement du 1er Mai : le rejet
de la loi anti-sociale sur la création d’emplois, le refus des licenciements massifs dus à la pandémie, et enfin
l’exigence que les entreprises paient l’allocation de vacances des travailleurs (THR) et leur salaire intégral.
Hong Kong. A l’occasion de la Journée internationale des travailleur·euses, la centrale syndicale HKCTU, 64
syndicats sectoriels ou locaux, ainsi que 68 élu·es aux Conseils de districts ont déclaré : « Du début de l’été
au rigoureux hiver 2019, les Hongkongais·es ont mené un combat sans précédent revivifiant la lutte contre
la tyrannie. […] La “révolution de notre temps” est ancrée dans la vie quotidienne des Hongkongais·es. De
multiples fronts de lutte se sont développés, le prototype d’une résistance universelle a été forgé : sur le front
économique, la résistance s’appuie sur le “cercle économique jaune” [le jaune est la couleur de l’opposi-
tion] ; au niveau des quartiers, dans le cadre de la vie politique locale ; sur le front international, par le biais
du lobbying et de la veille depuis l’étranger ; dans la rue au travers d’actes de résistance ainsi que de “murs
John Lennon”. »
Afrique du Sud. Vendredi 1er Mai, des manifestations symboliques auront lieu devant l’hôpital Chris Hani-
Baragwanath de Soweto et d’autres cliniques pour soutenir des millions de travailleurs en Afrique du Sud
qui n’ont pas d’équipement de protection individuelle, tout en soulignant les demandes d’autres services
de santé. Le 1er Mai, reconnu comme la Journée internationale des travailleurs dans le monde entier, sou-
cieux de l’éloignement social lors de la pandémie, des représentants syndicaux et un groupe de travailleurs
de santé de première ligne se réuniront devant l’hôpital, ont déclaré jeudi de nombreux syndicats dans un
communiqué.
France. La pétition « Plus jamais ça ! Construisons ensemble le jour d’après » signée par de nombreuses
organisations (CGT, Solidaires, FSU, Alternatiba, Convergence des services publics…) a recueilli 158 604
signatures.
Aérien. La direction de Ryan Air annonce la suppression de 3 000 postes pour cause de Covid-19 et des
réductions de salaires, tout en dénonçant l’absence d’aide financière des gouvernements (alors que nombre
des aéroports où atterrit la compagnie sont de véritables zones franches en termes de droits sociaux et d’im-
pôts, à l’image de celui de Beauvais, près de Paris). Il n’y aura pas de reprise de ses vols avant juillet. Balpa,
un des syndicats des pilotes de Ryan Air, a réagi et déplore l’absence de concertation et de consultation des
instances, comme résignées face au tsunami social qui frappe le secteur aérien.
France. Les féministes regroupées dans le collectif #On arrête toutes exigent un « plan d’urgence écono-
mique et sociale » pour « les femmes, en première ligne pour combattre le Covid-19 ». Ces mesures d’urgence
sociale doivent s’accompagner d’une « revalorisation salariale pour l’ensemble des métiers féminisés, de la
fin des bas salaires pour des métiers dont l’utilité sociale a été démontrée, de l’arrêt effectif des inégalités
salariales entre les femmes et les hommes ».
Irak. Depuis la mi-mars, les contestataires appellent à suspendre la mobilisation pour contrer la propaga-
tion du Covid-19. La majorité de ceux qui campaient sur les places fortes de la révolution décide de rentrer
chez eux, tandis qu’une minorité reste pour protéger les tentes des incursions des forces de sécurité (FDS)
et des milices. Surtout, les contestataires organisent des initiatives de prévention sanitaires et mettent en
œuvre des collectes de fonds et de denrées de première nécessité pour les plus vulnérables, doublement
marginalisés par les conséquences économiques de la crise pétrolière et d’un confinement qui les ampute de
1ER MAI
France. Les Rosys du Puy de Dôme (appelées aussi les Grandes Gagnantes du 63) ont diffusé un clip par-
ticipatif dans une volonté de convergence des luttes : https://vimeo.com/413614524.
France. #DéPisterLaMarseilleSolidaire revient sur la réquisition du McDo de Sainte-Marthe par les habi-
tant·es et les ex-salarié·es qui ont « rendu ce lieu à leurs quartiers pour en faire une plateforme logistique
alimentaire ». Kamel Guemari, membre du Syndicat des quartiers populaires de Marseille et syndicaliste chez
McDo revient « sur les valeurs portées par une telle initiative, les lendemains que cela laisse entrevoir, la
reconnaissance de l’expertise des travailleurs et des collectifs citoyens et l’auto-organisation à des fins d’uti-
lité publique » : www.facebook.com/sqpm13/videos/603508866923488/.
Corée. Le Syndicat des travailleurs de la fonction publique et des transports (KPTU) a célébré le 1er Mai
avec un rassemblement à la gare de Séoul, l’une des nombreuses actions à petite échelle organisées par les
affiliés de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) à travers le pays. La KCTU demande un mora-
toire sur les licenciements, la garantie de revenus pour les groupes plus fragiles, et la suppression du travail
précaire. « C’est le travail des employés du secteur public qui a permis d’arrêter la propagation du Covid-19
et de maintenir la société en marche », a déclaré le président du KPTU, Junsik Choi, s’adressant au groupe
d’environ 700 participants. Après le rassemblement, les manifestants se sont rendus au siège de Korean Air,
appelant le gouvernement à exiger que toutes les entreprises de l’industrie maintiennent l’emploi.
Slovénie. Quelques milliers de cyclistes ont manifesté contre le gouvernement à travers la capitale,
Ljubljana. Les protestataires entendaient dénoncer la corruption autour de l’acquisition d’équipements de
protection et de ventilateurs.
États-Unis. Le National Nurses United, un syndicat national d’infirmières, a appelé à manifester devant
139 hôpitaux de 13 États. Le syndicat demande plus d’équipements de protection individuelle lorsque les
infirmières traitent des patients atteints de Covid-19. Plus de 60 infirmières à travers le pays sont mortes du
virus, selon le NNU. Le syndicat affirme cependant que ce nombre est probablement plus élevé en raison
d’un manque de tests. « Les infirmières se sont engagées pour prendre soin de leurs patients. Elles ne se sont
pas engagées à sacrifier leur vie en première ligne de la pandémie de Covid-19 », a déclaré Bonnie Castillo,
responsable exécutive du NNU.
Allemagne. Environ un millier de personnes ont ignoré l’interdiction de groupes de plus de 20 à se réu-
nir à Berlin pour marquer la fête pour les droits des travailleurs. Les autorités ont déployé 5 000 policiers
pour disperser les manifestations non autorisées. Alors que la plupart des travailleurs allemands ont célébré
le 1er Mai en ligne, plus de 1 000 personnes se sont rassemblées illégalement dans le quartier berlinois de
Kreuzberg, le centre traditionnel des manifestations de gauche.
France. #DéPisterLaMarseilleSolidaire revient sur la réquisition du McDo de Sainte-Marthe par les habi-
tant·es et les ex-salarié·es qui ont « rendu ce lieu à leurs quartiers pour en faire une plate-forme logistique
alimentaire ». Kamel Guemari, membre du Syndicat des quartiers populaires de Marseille et syndicaliste chez
McDo, revient « sur les valeurs portées par une telle initiative, les lendemains que cela laisse entrevoir, la
reconnaissance de l’expertise des travailleurs et des collectifs citoyens et l’auto-organisation à des fins d’uti-
lité publique » (www.facebook.com).
Catalogne. L’Intersyndicale alternative de Catalogne (IAC) et Lutte internationaliste avaient demandé
de sécurité à Barcelone. L’Intérieur l’a interdite. En plus de rendre hommage aux « travailleur·euses essen-
tiels », ils voulaient dénoncer le budget de la Generalitat, la nouvelle « llei mordasa » (qui restreint les libertés
sous prétexte d’épidémie) et la réforme du travail : « L’état d’urgence est utilisé pour réduire les prérogatives
d’action des syndicats. » Avec le soutien de la CGT (voir l’appel intersyndical dans nos Documents), qui par
ailleurs faisait des apparitions à différents endroits de la ville, dont la délégation du ministère du travail et un
hôpital, de plusieurs associations indépendantistes et de la CUP. La justice rejetant l’appel des syndicats, de
nombreuses rencontres et protestations ont eu lieu sur les réseaux sociaux. Des associations ont également
organisé des petits rassemblements dans les quartiers. Les CCOO et l’UGT ont tenu sagement une confé-
rence de presse devant un établissement hospitalier sur le port de Barcelone.
Turquie. La police a arrêté au moins 15 personnes à Istanbul, y compris des dirigeants syndicaux qui
ont tenté d’organiser une marche du 1er Mai au mépris de l’interdiction des manifestations, sur la place
Taksim. La Confédération des syndicats progressistes de Turquie, DISK, a tweeté que son responsable Arzu
Cerkezoglu et plusieurs autres dirigeants syndicaux avaient été arrêtés près de la place, où ils voulaient
déposer des couronnes d’œillets.
Indonésie. De nombreux travailleurs se sont rendus sur Internet pour célébrer le 1er Mai afin d’éviter de
propager et de contracter le coronavirus, réitérant leur rejet de la loi antisociale sur la création d’emplois et
exigeant une protection pendant la crise économique causée par la pandémie. Vendredi, une coalition des
trois principaux syndicats du pays, l’Assemblée des travailleurs indonésiens (MPBI), qui prévoyait auparavant
de tenir le rassemblement dans les rues, a distribué des équipements de protection et du désinfectant aux
hôpitaux du Grand Jakarta et d’autres régions du pays. « Nous avons investi notre argent pour eux, les tra-
vailleurs de première ligne travaillant à l’hôpital », a déclaré Prihanani, vice-présidente de la Confédération
des syndicats indonésiens (KSPI) et membre du MPBI. À Medan, dans le nord de Sumatra, plusieurs travail-
leurs ont célébré le 1er Mai en organisant un « rassemblement de distanciation sociale » devant le bâtiment du
conseil législatif de la province, gardé par la police. Les manifestants ont respecté les distances et portaient
des masques pendant cette action de trente minutes. Des rassemblements impliquant un petit nombre de
personnes ont également eu lieu dans plusieurs usines de certaines régions du pays.
Inde. Des syndicats ont hissé des drapeaux dans quelques usines à travers le pays. Ils se sont également
réunis en petit nombre dans certains de leurs bureaux régionaux. À Bengaluru, les dirigeants syndicaux, qui
avaient un laissez-passer pour les secours, se sont rendus au bureau du commissaire au travail et ont remis
aux autorités une liste de revendications. À Nabha, dans l’État du Penjab, les travailleurs ont manifesté. Les
ouvriers ont fait sonner leurs outils. Ils ont brandi des pancartes sur lesquelles étaient inscrits « Animaux
errants ». Ils estiment que les ouvriers étaient traités comme des animaux errants pendant le confinement.
« Pendant l’isolement, la majorité des travailleurs journaliers à Nabha n’ont reçu aucune ration ni aucune
autre aide du gouvernement », a déclaré Lakhvir Singh, un manifestant du village de Kansuha.
Chili. La police de Santiago a arrêté plus de 50 manifestant·es, qui se sont rassemblés sur la place centrale
de Santiago, et dénonçaient la forte augmentation des licenciements. Les appels à se rassembler sur les
réseaux sociaux avaient demandé aux manifestants « d’utiliser des gants, des masques et du gel d’alcool »,
mais la police a déclaré que les participants.es n’avaient pas respecté la loi interdisant les concentrations de
plus de 50 personnes. Les policiers vêtus de casques à écran plastique ont emmené des manifestants dans des
véhicules de police, tandis que des canons à eau prenaient position sur la place.
Portugal. Des centaines de personnes se sont rassemblées à Lisbonne, à l’appel du syndicat CGTP obser-
vant des règles strictes de distanciation. Beaucoup portaient des masques et brandissaient des drapeaux syn-
dicaux. Environ un travailleur sur cinq au Portugal a été licencié depuis la pandémie, le chômage grimpant
en flèche à 380 832 personnes, soit 6,4 %. « Ces travailleurs précaires sont les premiers à être licenciés », a
expliqué Isabel Camarinha, secrétaire du syndicat CGTP.
Afrique du Sud. Le 1er Mai, les travailleurs de première ligne dans les hôpitaux, les cliniques, les municipali-
tés et les communautés d’Afrique du Sud ont exigé des équipements de protection individuelle pour toutes
les personnes qui entrent en contact avec des patients soupçonnés d’avoir le Covid-19. Des syndicats et des
qui accueille des personnes migrantes. À Narbonne, la CGT n’a pas manifesté mais a organisé une action
symbolique devant Géant Casino qui avait ouvert ses portes et ses caisses automatiques. « Ils sont ouverts ce
1er Mai, c’est scandaleux, en plein confinement. Quel cynisme ! », s’est indigné Jacques Beinet, le secrétaire de
l’union locale de la CGT. Avec une poignée de militants, masqués pour la bonne cause et à distance respec-
table, ils sont venus devant les portes de l’hypermarché pour exprimer leur colère avant que la police ne les
enjoigne de quitter les lieux dans le calme. À Grenoble, cinq rassemblements ont eu lieu ; les manifestant.es
se tenant à 2 mètres d’écart. La police a distribué des dizaines d’amendes et procédé à des arrestations. En
Ardèche, à Jaujac, une vingtaine de manifestant·es respectant les espaces de distanciation ont pu manifester.
À Douarnenez, une centaine de personnes ont manifesté dans les rues de la ville. Plusieurs véhicules de la
gendarmerie ont suivi le défilé, filmant le passage des personnes, toutes masquées. Sauf Hugues Tupin, élu
d’opposition et tête de la liste Douarnenez, Terre citoyenne, arrivée en tête au premier tour des municipales
de mi-mars. Un gendarme a rappelé à l’élu que la manifestation était interdite par la préfecture et qu’il serait
convoqué plus tard. « C’était une initiative individuelle dans le cadre de l’autorisation de promenade dans
un rayon d’un kilomètre autour du domicile, a expliqué l’élu, il était aussi important d’être dans la rue pour
soutenir tous ceux qui travaillent actuellement dans des conditions difficiles. » À Guingamp, une vingtaine
de militants de l’union locale CGT a décidé d’improviser un petit défilé. Répartis des véhicules afin d’être
seuls à bord, les manifestants, masqués et drapeaux syndicaux dehors, sont passés alors devant l’hôpital, « en
soutien aux collègues sous pression de la direction », puis devant l’Ehpad de Kersalic. Mais alors qu’ils se
séparaient sur le parking Saint-Sébastien, le petit comité a reçu la visite des gendarmes, qui ont procédé à
des contrôles d’identié, avant de verbaliser 17 personne pour absence d’attestation. Une amende que les
cégétistes comptent bien contester.
Corse. À Bastia, des militants CGT ont défilé en voiture. Les véhicules avec des drapeaux du syndicat sont
partis de l’hôpital de Falconaja pour exprimer leur soutien au personnel soignant et terminer devant les
grilles de la préfecture.
Australie. Plus de 200 personnes en voiture ou à vélo ont marqué à Sydney le 1er Mai et se sont rassem-
blées pour les droits des travailleurs malgré les restrictions Covid-19 interdisant les déplacements non essen-
tiels. Étaient présents des membres du Maritime Union of Australia et des groupes de soutien aux réfugiés.
« Lorsqu’il s’agit de garantir le 1er Mai et de respecter le droit de manifester, cela relève clairement d’un
motif d’excuse raisonnable », a déclaré un manifestant. Le convoi a klaxonné vers la rue Macquarie devant
les bureaux du Parti libéral et la Fair Work Commission à Woolloomooloo. Les panneaux sur les voitures
affichaient « Le virus ne vérifie pas le statut des visas - Solidarité avec les réfugiés » et « Non au capitalisme,
pas de suppressions d’emplois ».
Finlande. Les rassemblements ouvriers du 1er Mai sont traditionnellement précédés d’énormes pique-
niques. Mais seule une poignée de manifestants se sont rassemblés autour de la statue de Manta, sur la place
du marché, embarqués par la police pour n’avoir pas respecté l’interdiction de rassemblement de plus de
dix personnes.
Philippines. Trois étudiants de l’université des Philippines Diliman et quinze autres ont été arrêtés vendredi
après-midi pour avoir organisé une manifestation. Le rapport de police de Quezon City indique que les
manifestants avaient organisé un rassemblement le long de l’avenue Kalaraan, au coin de Maparaan. Certains
d’entre eux ont crié le long de la route et accordé des interviews aux médias tandis que d’autres tenaient
des pancartes et des banderoles.
2 MAI
États-Unis. La semaine dernière, le président de l’UAW, Rory Gamble, a déclaré qu’il était « trop tôt et
trop risqué » pour rouvrir les usines automobiles et relancer l’économie du Michigan au début du mois de
mai, citant « les carences des connaissances scientifiques, de tests, de données pour garantir la sécurité des
lieux de travail ». Le syndicat est en discussion avec les entreprises, mais n’a pas rendu public d’accord pour
une date de reprise. La quasi-totalité de la production automobile aux États-Unis s’est arrêtée en mars. À
lancé une grève sans précédent qui a exhorté le gouvernement à fermer la frontière de la ville avec la Chine
continentale pour empêcher la propagation du coronavirus. Plus de 8 000 médecins et infirmières ont rejoint
le mouvement, ce qui a affecté les services d’urgence des hôpitaux publics. La grève a pris fin cinq jours
plus tard après que le gouvernement ait annoncé la fermeture de certains points frontaliers et obligé tous
les visiteurs du continent à se mettre en quarantaine.
États-Unis. La mobilisation des syndicats et des travailleurs d’Amazon en France (voir l’article « Des luttes
dans le “nouveau monde” », 4e édition du 20 avril) et les jugements favorables obtenus pour arrêter les
activités des entrepôts face aux conditions de sécurité non-assurées impressionnent et se diffusent aux Etats-
Unis. Le New York Times titre un long article sur « Comment les travailleurs français ont réussi à faire plier
Amazon », où il expose et met en valeur la mobilisation des syndicats pour encourager à l’étendre sur le
territoire américain, y compris dans le champ politique. Et de conclure : « Comme le montre le bras de fer en
France, de solides protections juridiques peuvent venir compléter l’action des salariés afin d’améliorer leur
sécurité et leurs conditions de travail. »
Nicaragua. Sous le titre « Le 1er Mai : rien à fêter ! », le Mouvement María Elena Cuadra, qui organise les
travailleuses des maquilas (industries textiles des zones franches, voir Éphéméride du 26 mars), a présenté un
nouveau bilan du Covid-19 sur l’emploi dans ce secteur, qui compte 83 980 salarié·es. Selon son enquête
dans 42 entreprises : 13 045 travailleur·euses sont en « vacances prolongées » (avec six jours de salaire) ; 23 000
en suspension collective du contrat (sans salaire) ; et 5 768 ont vu leur contrat résilié (licencié·es). Le 30 avril,
42 167 salarié·es continuaient de travailler. Le Réseau centraméricain de solidarité avec les travailleurs des
maquilas (Redcam) a dénoncé l’inégalité de traitement entre les salarié·es des zones franches et les autres
dans toute la région. Le syndicat officiel nicaraguayen, la Centrale sandiniste des travailleurs (CST), qui
reconnaît aussi les pertes d’emplois (3200), a participé au 1er Mai de Daniel Ortega. Le président est encore
parti en guerre contre toute idée de confinement et contre les mesures de protection ou de distanciation.
France. Dans un communiqué de presse, la CGT, Solidaires et la FSU des Côtes-d’Armor rappellent que
concernant la relance de la production de masques après la fermeture de l’usine Honeywell de Plaintel (voir
l’interview de Serge Le Quéau dans l’édition n° 4, 20 avril), « la création d’une coopérative reste, et de loin,
l’option la plus adaptée à la situation de crise que nous connaissons aujourd’hui. En effet, la société coopé-
rative d’intérêt collectif (SCIC) permet d’associer tous les acteurs du territoire régional et de la filière, en
les impliquant dans un projet de relocalisation d’une production industrielle d’intérêt général. Elle permet
également de contrôler au plus près l’utilisation les fonds publics investis. De plus la SCIC combine deux
avantages : le contrôle démocratique (élection des dirigeants) et la vertu économique (absence d’enrichis-
sement privé). »
3 MAI 2020
Afrique du Sud. La pandémie et le confinement ont eu un effet dévastateur sur la vie des travailleur·euses
domestiques et de leurs familles à travers le pays. Beaucoup ont été licencié·s injustement ou mis en congé
sans solde. Une enquête menée au début du mois par Izwi Domestic Workers Alliance à Johannesburg a
révélé que seuls 38 % des 600 personnes interrogées percevaient le plein salaire pendant la période de ver-
rouillage. « Nous sommes les femmes qui prennent soin de ce pays. Nous sommes noires, nous sommes des
femmes de couleur, nous sommes immigrées. Derrière des portes closes, nous sommes confrontés au harcè-
lement, aux abus et à la discrimination. Nous nous unissons pour rendre nos lieux de travail sûrs et dignes.
Nous sommes invincibles », rappelle l’association basée à Johannesburg (www.izwi.org.za/).
Russie. « Le gouvernement de Saint-Pétersbourg publie un arrêté demandant à ce que soient faites systéma-
tiquement des enquêtes sur les raisons de la maladie des médecins victimes du virus. Au cas où ils seraient
eux-mêmes coupables de n’avoir pas pris assez de précautions, ils ne toucheraient pas 100 % d’indemnités.
J’ai vérifié sur le site du gouvernement, le document existe… À savoir aussi que dans presque toutes les
régions de Russie, faute de moyens, les hôpitaux ne procurent ni masques ni blouses au personnel soignant.
Mais celui-ci est “obligé” par la hiérarchie d’avoir masques et blouses, qu’ils doivent se procurer eux-mêmes.
21 AVRIL
États-Unis. La New York State Nurses Association de l’État de New York (42 000 membres) a déposé
plainte contre le département de la santé de l’État et deux hôpitaux lundi, affirmant que les entités ont man-
qué à leur « devoir fondamental de protéger les travailleurs de la santé et le grand public ». Le plus important
syndicat des infirmières de l’État affirme que le ministère de la santé a émis des directives ordonnant aux
travailleurs de la santé qui ont contracté le Covid-19 de retourner au travail après sept jours, malgré les
réglementations d’urgence qui leur permettent de rester à la maison pendant deux semaines. Les infirmières
et autres travailleurs de première ligne ont déclaré qu’à moins qu’elles ne puissent prouver qu’elles avaient
le virus avec un test réel, certains hôpitaux les obligeaient à utiliser leurs congés payés accumulés durant ces
sept jours. Le syndicat dénonce le manque de moyen de protection. Au moins 84 infirmières membres du
syndicat ont été hospitalisées avec le virus, et au moins six infirmières sont décédées.
Italie. La Fiom Milano lance une campagne #NonSiamoSacrificabile (on n’est pas sacrifiables) pour
dénoncer la reprise du travail. Ils demandent au gouvernement d’assurer aux syndicats de pouvoir inspecter
les conditions sanitaires des lieux de travail, la nécessité d’un contrôle syndical sur les réouvertures et de
réelles sanctions pour les entreprises ne respectant pas ces conditions.
France. Quinze organisations syndicales et associatives s’adressent aux organisations politiques en vue de
débattre dans la situation d’épidémie et, pour le futur, de « repenser aussi les formes du débat démocratique
et l’articulation entre les mouvements sociaux et les organisations politiques ».
Luxembourg. Une prime, c’est bien. De bonnes conditions de travail, c’est encore mieux. Tel est en résumé
le principal message délivré par Pitt Bach, le secrétaire central du syndicat Santé, services sociaux et éduca-
tifs, au cours d’une conférence de presse virtuelle. Il a estimé qu’« il faut écouter les gens du secteur qui sont
22 AVRIL
France. Deux infirmier·es de l’Ehpad de La Cépière à Toulouse ont été mis·es à pied, fin mars parce qu’il
et elle avaient froissé leur hiérarchie en réclamant régulièrement des protections. Sylvie, trente ans à son
poste, avait demandé d’utiliser les 600 masques stockés dans l’établissement. Younes, lui, a dû quitter son
poste en plein service, escorté par quatre policiers appelés par la direction.
Italie. Le secteur agricole continue d’être au cœur des débats : d’abord avec la propagande de la droite et
de certains secteurs patronaux souhaitant faire travailler les « privilégiés » bénéficiant des revenus de qua-
rantaine et qui sont radicalement opposés à la mise en place d’un revenu de citoyenneté. Ensuite, avec une
demande de régularisation complète des personnes immigrées travaillant régulièrement dans les champs
(voir Éphéméride du 2 avril, éd. 1-2-3, p. 77). Les organisations de travailleurs agricoles, notamment l’USB
Agricole, rappellent ainsi que des centaines de milliers de personnes travaillent diffcilement car ils subissent
violences, contrôles policiers intempestifs et vivent dans des conditions sanitaires telles qu’il est difficile de se
prémunir contre la diffusion du virus. C’est de contrat de travail formel, d’accès à la nourriture, de logements
et de conditions hygiéniques décentes dont a besoin le secteur affirme le syndicat.
23 AVRIL
Jamaïque. Un certain nombre de travailleurs domestiques, poussés au chômage par le coronavirus, ont
récemment lancé un fonds pour aider à amortir le coût social de la maladie infectieuse, mais après trois
semaines, ils sont loin de leur cible. Les aides – des femmes qui travaillent dur pour aider les familles jamaï-
caines des classes moyennes et supérieures – n’ont pu, jusqu’à hier, lever que 805 dollars alors que l’objectif
avait été fixé à 10 000 dollars. Pour le Jamaica Household Workers’ Union (JHWU), on est encore loin de
l’objectif. « Cette nouvelle maladie le coronavirus a plongé le monde dans le chaos, et la Jamaïque ne fait
pas exception. Les travailleuses domestiques vivent un drame [car] beaucoup d’entre nous ont été renvoyées
chez elles sans salaire et nous ne sommes donc pas en mesure de prendre soin de nous […] et par exten-
sion de nos familles. S’il vous plaît, aidez-nous. Nous parlons ici d’environ 58 000 travailleurs, dont 80 % de
femmes », a déclaré Nicola Lawson, vice-président du syndicat, dans un message vidéo lors du lancement
du fonds.
États-Unis. Marge Harvey, une conductrice d’UPS dans le Vermont qui travaille avec UPS depuis 1987, a
déposé une plainte après son licenciement le 10 avril pour avoir soulevé des problèmes de sécurité concer-
nant le Covid-19 dans l’établissement où elle travaillait. Les travailleurs des centres de distribution d’UPS au
Vermont ont organisé des manifestations de protestation devant certains des six sites de l’entreprise. Harvey,
qui vit à St. Johnsbury, a déclaré mercredi dans une interview qu’elle avait commencé à faire part de ses
préoccupations concernant les problèmes de sécurité de Covid-19 au début du mois de mars, bouleversée
par le manque d’équipement de protection individuelle, pas de savon dans les salles de bains et aucune ligne
directrice pour l’éloignement social. Elle a déclaré que son patron avait dit qu’il la licenciait à cause de la
« malhonnêteté » dont elle faisait preuve sur les photos et vidéos qu’elle avait prises pendant son travail et
publiées sur Facebook.
Zambie. Le gouvernement devrait renoncer à la taxe sur les tarifs d’électricité et suspendre les factures
d’eau pour permettre aux ménages d’avoir un revenu disponible pour subvenir aux besoins. Le secrétaire
24 AVRIL
Zimbabwe. Le Zimbabwe Diamond Allied Minerals Workers Union (ZDAMWU) a déclaré vouloir sur-
veiller le fonctionnement des mines et protéger la santé des employés dans le sillage du Covid-19. Le
gouvernement a autorisé les mines à continuer de fonctionner pendant le verrouillage national, qui a vu
la fermeture de la plupart des industries considérées comme des services non essentiels. « Nous sommes
troublés par des informations très répandues selon lesquelles certains employeurs renvoient des travailleurs
chez eux en congé sans solde en violation de la loi sur le travail, une évolution qui va perturber les relations
professionnelles et entraîner par la suite des perturbations de la productivité dans les mines », a déclaré le
syndicat dans un communiqué.
Russie. Dans des cas de plus en plus fréquents, le personnel soignant est sommé par sa hiérarchie de se
procurer lui-même le matériel de protection. Les gants et les blouses sont déclarés obligatoires, et le person-
nel n’est pas admis à l’hôpital s’il n’en est pas muni (et donc n’est pas payé puisqu’il s’agit d’une faute pro-
fessionnelle). Mais rien n’est fait par la direction pour fournir le matériel de protection. Certains médecins
contrevenants ont déjà été mis à pied. Les syndicats alternatifs du personnel soignant protestent et alertent
l’opinion publique.
Chili. Le Sindicato Autogestionado Trabajadores Ambulantes (SATA, le syndicat autogéré des travailleurs
de rue, www.facebook.com/Sindicato-Autogestionado-Trabajadores-Ambulantes) a été fondé la semaine
dernière pour fournir un instrument de défense pour les personnes qui vendent et travaillent dans la rue,
sont sans aucun moyen de gagner un revenu et ne bénéficient d’aucun soutien pendant la période de
confinement. Organisée selon des principes non hiérarchiques, la SATA exige qu’une allocation de 300 000
pesos (325 euros) soit versée à tous les travailleurs de rue et migrants pendant la pandémie, quelles que
soient les circonstances, qu’ils aient ou non des papiers. Dans un communiqué, le syndicat a déclaré : « Dans
diverses villes du pays, une multitude de travailleurs et de travailleuses sont contraints de vivre avec le risque
de perdre leurs marchandises lors de saisies, de subir des arrestations par des carabiniers ou sont dénoncés
comme des “criminels potentiels”, ce qui est censé légitimer la violence contre eux. »
France. L’intersyndicale CFDT-CGT-FO et SUD-Santé a déposé un avis de « danger grave et imminent » à
la direction du CHU Henri-Mondor. Elle alerte sur « l’épuisement » des soignants. « Depuis la semaine der-
nière, on nous fait travailler à deux fois douze heures, soit près de 50 heures par semaine, ce qui conduira
à 50 heures supplémentaires au bout de quatre semaines. Les conditions de travail sont catastrophiques. On
parle de diminution du nombre de patients en réanimation, mais il n’y a rien de flagrant, nous avons toujours
85 patients en réanimation », argumente David Jacquelin de SUD-Santé.
France. Le syndicat Sud-Santé Sociaux du Centre hospitalier du Centre-Bretagne, à Noyal-Pontivy
26 AVRIL
Brésil. Depuis le début du confinement, une campagne menée sur les réseaux sociaux incite les employeurs
de domestiques à laisser ces dernières se confiner chez elles tout en continuant à leur verser leur salaire.
Selon une enquête menée par l’Instituto locomotiva, 39 % des employeurs appliquent cette mesure, 22 %
continuent de faire travailler leurs domestiques normalement et 39 % ont mis leur personnel au chômage
sans compensation financière.
Afrique du Sud. Les syndicats ont réussi à faire rejeter la requête devant un tribunal déposée par le groupe
Mondi, une multinationale spécialisée dans la production de papier et d’emballages, de ne pas payer les
heures supplémentaires effectuées par ses employés durant la période de confinement mis en place pour
enrayer l’épidémie de Covid-19. Le Groupe Mondi cherchait à obtenir la permission de prolonger les postes
de huit à douze heures durant la période de confinement au mépris des conventions collectives.
Argentine. Les travailleuses et travailleurs des entreprises récupérées Zenon, Neunquen et Stefani de Cutral
Co, ont déposé une demande à la mairie pour recommencer leurs activités. Ayant essuyé des refus des auto-
rités quand ils ont proposé de reconvertir leur production pour répondre au besoin lié à la crise sanitaire,
élaborer un nouveau code de bonne pratique contre le Covid-19, avant le redémarrage de la production.
L’industrie sud-africaine des métaux précieux génère environ 12 milliards de dollars de chiffre d’affaires.
Selon le South Africa Minerals Council, qui représente les plus gros producteurs, la production minière
devrait chuter de 4,5 % cette année, en supposant que les activités reprennent en douceur le 17 avril.
France. L’usine Toyota, près de Valenciennes (Nord), doit rouvrir ses portes le 21 avril. Elle compte 2 000
salariés. « Nous devons produire et livrer 35 000 Yaris de la génération actuelle. Elles ont été commandées
par des clients qui attendent leur livraison dans les prochaines semaines », explique la direction du groupe
automobile. « La direction utilise la force pour nous faire revenir à l’usine et nous fait prendre le risque de
tomber malades », dénonce Éric Pecqueur, délégué syndical CGT, qui pointe « l’irresponsabilité des action-
naires, de la direction, et du gouvernement qui a donné son aval ».
Femmes. D’après les statistiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE), les femmes représentent 70 % de la main-d’œuvre mondiale dans le domaine des soins. 85 %
d’entre elles sont infirmières ou sages-femmes et peu occupent des places dans les sphères de décision.
Bénin. Bien que les pouvoirs publics béninois aient annoncé la fermeture des écoles du pays, les élèves et
les enseignant·e·s doivent néanmoins reprendre les cours le 14 avril. Les pouvoirs publics ont également pris
la décision de recruter du personnel enseignant par le biais d’agences d’intérim, suscitant une vive opposi-
tion de la part des syndicats d’enseignants. Pour ces derniers, cette situation s’apparente à une privatisation
déguisée du système éducatif du pays sous couvert de la pandémie de Covid-19.
Québec. Des employées du CHSLD du Manoir-de-Verdun (Centre d’hébergement et de soins de longue
durée), dans le sud-ouest de l’île de Montréal, ont été contraintes de demeurer dans l’établissement pour
prolonger leur quart de travail. La gestionnaire du centre d’hébergement aurait ordonné de verrouiller les
portes pour empêcher le personnel de quitter les lieux. « C’était prévisible. Le centre d’hébergement fonc-
tionne à la limite du supportable depuis bien avant la pandémie », explique Françoise Ramel, présidente du
syndicat des professionnelles en soins de santé FIQ-SPSS, qui représente les infirmières sur place. Le syndicat
dénonce aussi l’intimidation dont le personnel serait victime. Françoise Ramel soutient que des infirmières
ont été menacées de sanctions ou d’être réaffectées si elles refusaient de prolonger leur quart de travail.
Bangladesh. Le 13 avril, des milliers d’ouvrières et ouvriers du textile ont manifesté. Elles et ils deman-
daient leurs salaires, non payés depuis deux mois. Prétexte invoqué par les patrons : la crise du coronavirus.
Illustrant la tragique situation dans bien des régions du monde, une manifestante explique : « Si nous n’avons
pas de nourriture dans notre estomac, à quoi bon suivre le confinement ? »
Pédagogie des confiné·es. La revue N’Autre école (www.questionsdeclasses.org/) devient N’Autre école l’hebdo,
le temps du confinement ; elle sortira en format PDF gratuit avant d’être éditée en format papier, plus tard.
L’équipe de la revue juge « important que les réflexions, les démarches et les témoignages puissent se dif-
fuser rapidement, afin de nous aider à penser l’école telle qu’elle est actuellement, d’aiguiser notre regard
critique et d’infléchir encore nos pratiques ». Il s’agit s’essayer de « tracer quelques pistes d’une pédagogie
des confiné·es : pédagogie de crise, par et pour les confiné·es eux-mêmes, qui n’attend pas le déconfinement
pour refuser l’isolement ».
Colombie. « Personne ne peut forcer à travailler dans des conditions qui menacent la vie. » Le syndicat
colombien SINALTRAINAL (www.sinaltrainal.org/web/), cite un article publié dans le magazine Semana,
dans lequel le président de la Fédération médicale colombienne dénonce la grave situation que vivent les
travailleurs et travailleuses de la santé en Colombie face à la pandémie de coronavirus : « Des démissions
massives de personnel du secteur de la santé peuvent se produire parce que personne ne peut les forcer à
travailler dans des conditions qui menacent leur vie, s’ils n’attribuent pas des éléments de biosécurité et
de bonnes conditions de travail. » Alors que 3 à 7 mois de salaires sont déjà dus au personnel soignant, les
directions des centres hospitaliers ont annoncé une réduction de salaire de 45 % ! L’article fait référence
à l’enquête de la Fédération médicale colombienne, qui indique que 88 % des travailleurs et travailleuses
n’ont pas de masque, 92 % n’ont pas de combinaisons pour se protéger de la propagation du coronavirus.
SINALTRAINAL dénonce cette situation « criminelle, car même en l’absence de pandémie, la loi exige que
14 AVRIL
Rwanda. Le principal syndicat a mis en garde les employeurs contre le licenciement abusif de leurs
employés en raison de la crise provoquée par le Covid-19. « Nous sommes préoccupés par les licenciements
massifs de main-d’œuvre, en particulier dans le secteur privé, où les entreprises sont confrontées à des défis
commerciaux sans précédent en raison de la pandémie Covid-19 », a déclaré Africain Biraboneye, secrétaire
général adjoint de la Confédération des syndicats des travailleurs du Rwanda (CESTRAR).
Italie. Les syndicats FIOM, UILM et FIM ont réussi à stopper la réouverture des usines Whirlpool en Italie
voulue par la direction. Ils pointent l’absence de mesure de sécurité alors que l’épidémie est loin d’être finie
et demande la mise en place d’un protocole sanitaire sérieux en vue de la réouverture le 3 mai. Ils rappellent
aussi que 80 % de la production italienne est destinée à l’export et demande à la direction à qui exactement
ils comptent vendre le matériel électroménager ? Plus généralement, c’est la situation de l’usine napolitaine
qui est au cœur des communications syndicales, celle-ci devant être fermée et relocalisée dans l’est de l’Eu-
rope en octobre prochain. « C’est impensable qu’une entreprise puisse toucher des aides de l’État et ensuite
continuer sa politique de délocalisation ! », affirme Rosario Rappa, secrétaire du syndicat FIOM-Naples.
Inde. Des centaines de travailleurs du fret à l’aéroport international Indira Gandhi (IGI) de New Delhi
n’auraient pas touché de salaire pendant le confinement du pays imposé par le gouvernement indien depuis
le 24 mars. Environ 70 % des quelque 1 200 travailleurs employés par l’intermédiaire de l’entrepreneur JAC
Air Services Pvt. Ltd n’ont été payés et près de 840 travailleurs du fret ont vu leur paie diminuée selon
Ranjeet Singh, secrétaire général du Syndicat des employés de l’aéroport.
Organisation internationale du travail. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), « environ 2 mil-
liards de personnes travaillent dans l’économie informelle, la plupart d’entre elles dans les pays émergents
et dans les pays en développement… Les travailleurs informels dans les zones urbaines tendent également
à exercer leurs fonctions dans des secteurs économiques dans lesquels non seulement il existe un risque
élevé d’être infecté par le virus, mais aussi qui sont concernés directement par les mesures de confinement.
C’est le cas notamment des personnes qui recyclent les déchets, les vendeurs ambulants et les serveurs, les
ouvriers du bâtiment, les employés des transports et les travailleurs domestiques. Le Covid-19 touche déjà
des dizaines de millions de travailleurs informels. En Inde, au Nigeria et au Brésil, le nombre de travailleurs
dans l’économie informelle affectés par des mesures de confinement et d’autres mesures de restriction est
important. En Inde, avec près de 90 % de la population évoluant dans l’économie informelle, ce sont environ
400 millions de travailleurs de cette même économie informelle qui risquent de s’enfoncer dans la pauvreté
durant la crise. »
Tunisie. Des organisations de la société civile, des députés et des personnalités publiques ont appelé dans
une déclaration commune, à renforcer la protection des migrants et des réfugiés en Tunisie contre le Covid-
19, afin de garantir le droit à la santé pour tous. Les signataires ont exhorté le gouvernement à garantir leur
droit à la santé au même titre que les Tunisiens et les Tunisiennes. Ces organisations ont en outre appelé
le gouvernement à examiner les alternatives à la détention des réfugiés et des migrants vulnérables aux
maladies et bloqués dans les centres El Ouardia et Ben Guerdan, étant donné le risque élevé de tomber
gravement malade ou même de mourir en cas d’infection. 30 organisations nationales et de la société civile,
dont l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le Forum tunisien des droits économiques et sociaux
(FTDES), la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) se sont jointes à cet appel.
asie du sud-est. Des centaines de milliers de travailleurs d’usine au Cambodge, au Myanmar et même
au Bangladesh sont confrontées à des pertes d’emplois alors que les magasins de détail du monde entier
fermentleurs portes pour empêcher la propagation du coronavirus. « Les travailleurs ont reçu leur salaire de
mars dans de nombreux cas, mais en avril, je pense que ce sera le chaos complet », a déclaré Aruna Kashyap,
avocate du secteur des droits des femmes de Human Rights Watch. Au Myanmar (ex-Birmanie), environ
tures d’usines. Par exemple, 684 travailleurs qui travaillaient pour H&M, Next et d’autres marques ont été
licenciés la semaine dernière après que les patrons de l’usine de confection Yongan à Yangon (Myanmar) ont
annoncé que les acheteurs avaient annulé leurs commandes.
États-Unis. Roger Marenco, président du syndicat Transit Workers Union of America de San Francisco qui
représente 2 300 conducteurs, a déclaré qu’un arrêt total des bus pourrait être le moyen le plus sûr contre
le Covid-19. « Je dis toujours à tout le monde qu’avec les bus Muni, nous donnons vie à cette ville, mais en
ce moment, nous sommes devenus la seringue qui pourrait potentiellement infecter la ville et le comté de
San Francisco en transportant ce virus. »
Suisse. Le Syndicat des services publics (SSP), lors d’une vidéoconférence, a dénoncé la manière dont
est traité le personnel de santé genevois. Selon David Andenmatten, représentant syndical, douze heures de
travail en continu ont été imposées aux soins intensifs et aux urgences adultes, sans aucune concertation. En
parallèle, d’autres services sont désœuvrés. Or, la proposition de personnes sous-occupées de soulager leurs
collègues aurait été refusée par la direction. « La direction adopte un comportement autoritaire qui est loin
de la bienveillance qu’elle affiche dans sa communication officielle », affirme le délégué syndical.
Liban. Les syndicats des employés des services généraux du Liban (GSTU) ont appelé le gouvernement
libanais à créer un fonds de réponse pour les travailleurs humanitaires qui ont perdu leur emploi et d’autres
moyens de subsistance à cause de la pandémie de Covid-19. Le secrétaire général du GSTU, Antoun Antoun,
a déclaré que le fonds devrait être géré par un organisme indépendant, transparent et crédible. Le syndicat
a signé un accord avec Holcim Lafarge pour payer à ses employés, y compris les salariés journaliers, l’inté-
gralité de leur salaire jusqu’au 29 mars 2020. L’accord a été conclu après que Holcim Lafarge a décidé de
suspendre toutes ses activités de production et de fabrication en raison de la crise sanitaire.
Canada. Selon un arrêté signé par la ministre de la santé, Danielle McCann, le gouvernement peut redé-
ployer des enseignants du collégial sur la ligne de front dans la lutte au coronavirus. Par exemple des pro-
fesseurs en soins infirmiers, en travail social ou en analyses biomédicales pourraient être contraints d’aller
œuvrer dans le réseau de la santé, où les besoins sont criants. « On met la charrue avant les bœufs, a déclaré
Caroline Quesnel, la présidente de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec
(FNEEQ). Est-ce que ça va être obligatoire ou du volontariat ? Ça jette une certaine confusion, déjà qu’on
n’en manquait pas. »
France. Des pendules pour les hôpitaux. À Cholet, depuis la mi-mars, la quasi-totalité des 179 salarié·es de
l’entreprise Bodet Time & Sport est en chômage partiel, une petite partie en télétravail. Lundi 6 avril, lors
d’un CSE extraordinaire par téléphone, la direction annonce la reprise du travail sur site pour le 13 avril.
Le syndicat SUD-Industrie a dénoncé l’irresponsabilité d’une telle décision. La reprise n’aura pas lieu cette
semaine ; mais elle est de nouveau annoncée pour la semaine prochaine. Selon le patron, c’est pour aider le
personnel soignant : il s’agira de produire des pendules pour les hôpitaux.
15 AVRIL
Grande-Bretagne. La campagne « Safe and Equal » (https://safeandequal.org/) a été lancée publiquement
le 13 avril. Elle a pour objectif l’égalité des droits à un salaire de confinement complet pour tous les tra-
vailleurs, quel que soit leur statut professionnel. Dans un trop grand nombre de lieux de travail, le salarié
est obligé de choisir entre, d’une part une baisse de 94 livres par semaine de l’indemnité légale de maladie,
et d’autre part aller au travail malade ou potentiellement contagieux. Safe and Equal est né du travail des
militant·es de l’hôpital East London Foundation Trust (ELFT), où une campagne d’affiches et de courrier a
déjà fait de grands pas en avant pour l’indemnité de confinement. Le personnel de l’ELFT qui a mené cette
campagne a contacté des syndicalistes d’autres secteurs pour lancer une campagne plus large sur le même
sujet : renforcer les droits des travailleurs confrontés à la pire exploitation.
Italie. Faisant suite à la décision du tribunal de Florence exigeant la distribution de matériel aux livreurs à
vélo, les tribunaux de Rome et de Bologne lui ont emboîté le pas. Celle-ci s’organise petit à petit. La mairie
barrières devront pouvoir être respectés – cette dernière condition est de fait impossible à tenir au regard
du nombre d’élèves par classe. » Enfin, le SNUEP-FSU déclare qu’il « prendra ses responsabilités syndicales »,
si les conditions sanitaires ne sont pas réunies lors des réouvertures des établissements.
Malawi. Des dizaines d’agents de santé dans la capitale commerciale du Malawi, Blantyre, ont organisé un
sit-in pour protester contre les conditions de travail pendant la pandémie de coronavirus et dénoncer une
pénurie « critique » d’équipements de protection individuelle (EPI) nécessaires pour traiter les patients. Des
images circulant sur les réseaux sociaux mardi montrent des médecins et des infirmières en uniforme à l’ex-
térieur de l’hôpital central Queen Elizabeth portant des pancartes avec des slogans tels que « Nous n’allons
pas en mission suicide » et « Ma famille devrait-elle souffrir à cause de mon appel ? ».
Afrique du Sud. Le Syndicat national des mineurs (NUM) a déclaré qu’il n’avait pas été consulté par Impala
Platinum sur les plans de l’entreprise de reprendre ses activités cette semaine. L’entreprise a envoyé des
SMS à ses employés dimanche pour retourner au travail mardi. Le NUM a appelé ses membres à ne pas se
présenter pour le moment dans les sociétés minières.
Belgique. Alors que le gouvernement vient à peine de constituer le comité d’experts qui va définir les
contours du déconfinement, les organisations patronales du bâtiment mettent déjà la pression afin de redé-
marrer les activités du secteur de manière globale. Le secteur de la construction a basculé dans la catégorie
des secteurs essentiels pour les travaux urgents. Pour les organisations syndicales CG-FGTB et ACV-BiE, on
doit permettre aux travailleurs de reprendre le travail sur une base volontaire. Les organisations patronales
ont refusé catégoriquement l’établissement d’une telle liste.
États-Unis. À Hawaï, le gouverneur a proposé une réduction salariale stupéfiante de 20 % pour « la plupart »
des fonctionnaires dès le 1er Mai, selon deux syndicats du secteur public. « Nous pensons que la réduction des
salaires de dizaines de milliers de fonctionnaires est irréfléchie et nuira encore plus à notre État », a déclaré
Corey Rosenlee de la Hawaii State Teachers Association qui représente près de 43 000 membres dans tout
l’État et qui rejette cette proposition.
France. À la gare de Toulouse-Matabiau, le personnel de nettoyage exerce son droit de retrait. Le syndicat
SUD a déposé une alerte pour danger grave et imminent : « Nous n’avons pas de masques nous permettant
d’éviter la contamination par aéroportation des personnes circulant dans la gare », écrit le syndicat SUD dans
l’alerte déposée pour danger grave et imminent. Il demande aussi le ramassage et le lavage des vêtements de
travail, de manière à ne pas risquer de contamination. Sans réponse des patrons de l’entreprise sous-traitante
(La Pyrénéenne), et face au silence de la SNCF, une partie du personnel exerce son droit de retrait.
Canada. Une nouvelle enquête révèle que de nombreux travailleurs de soutien du secteur de la santé, en
première ligne de la pandémie de Covid-19, subissent du racisme anti-asiatique. C’est l’une des conclusions
d’un sondage du Syndicat canadien de la fonction publique auprès de 1 877 membres qui travaillent dans
le secteur manitobain de la santé. Un membre sur cinq qui a répondu au questionnaire du SCFP et qui se
déclare d’origine asiatique, a personnellement été victime de racisme ou de sectarisme au travail au cours
du dernier mois.
État espagnol. Dans le cadre de sa campagne « Sauvons les familles pas les banques », la CUP, organisation
politique indépendantiste catalane qui siège désormais aussi aux Cortès de Madrid, dénonce l’ouverture
au Luxembourg d’une succursale de la banque espagnole CaixaBank, qui aurait déjà sa « fiche bancaire »
prête dans le paradis fiscal. Cette filiale prévoit, dès juillet, d’accueillir des comptes d’au moins 50 000 euros.
CaixaBank déclare espérer recueillir 2 milliards en deux ans, selon le quotidien espagnol El Diario. Alors que
140 milliards espagnols se baladent déjà dans les paradis fiscaux, selon la CUP. La CUP rappelle que cette
banque, comme les établissements bancaires espagnols, avait été sauvée lors de la crise de 2008 avec 50 mil-
liards des contribuables et qu’ils n’ont évidemment jamais rien rendu. À ce jour, le gouvernement espagnol
n’a débloqué qu’une somme de 17 milliards d’euros pour venir en aide aux ménages espagnols frappés par
les soubresauts économiques de la crise du Covid-19. Deux poids deux mesures.
Australie. L’United Workers Union (www.unitedworkers.org.au) publie un plan de lutte contre le
16 AVRIL
France. Chez Allard Emballages à Aubigné-Racan (Sarthe), la grève a pris fin mardi 14 avril 2020. Les
délégués syndicaux et représentants du personnel ont paraphé un accord, mettant un terme au mouvement
initié vendredi 10 avril 2020. Les salariés grévistes ont obtenu le nettoyage quotidien des parties communes
de l’entreprise et notamment des sanitaires, chose qui n’était plus assurée par un service dédié depuis de
long mois. Cette revendication s’inscrivait dans le cadre de l’épidémie de Covid-19. Les ouvriers de tout le
groupe (305 salariés) ont également arraché de la direction une prime « exceptionnelle de pouvoir d’achat »
d’un montant de 600 euros net.
Afrique du Sud. Le Syndicat national de l’éducation, de la santé et des travailleurs assimilés (Nehawu) a réagi
avec colère à la décision du gouvernement de ne pas augmenter les salaires des fonctionnaires entre 4,4 %
et 5,4 %. Le gouvernement n’a pas augmenté les salaires de ses employés en violation de l’accord salarial
conclu au Conseil de coordination des négociations sur la fonction publique (CFPC) en 2018. Nehawu a
ajouté que « lorsque le confinement prendra fin le 30 avril, des travailleurs émergeront, militants, forts, éner-
giques et inspirés pour mener une véritable bataille contre le gouvernement ».
Afrique du Sud. La Haute Cour de North Gauteng a rejeté la demande présentée par les avocats de Lawyers
for Human Rights (LHR) au nom des récupérateurs de déchets, demandant leur reconnaissance en tant que
travailleurs des services essentiels. Entre 60 000 et 90 000 récupérateurs sont chargés de collecter 80 à 90 %
des emballages usagés et du papier recyclé en Afrique du Sud, selon une étude du Council for Scientific and
Industrial Research. Pendant le confinement, les récupérateurs avaient espéré la permission de continuer à
travailler : « Nous sommes l’épine dorsale de l’économie du recyclage ». Ce qui a été refusé.
France. Le retour de la Grande Muette ? Une dépêche de France Info fait état des déclarations d’un marin
(anonyme) du porte-avions Charles-de-Gaulle : « L’Armée a joué avec notre santé, notre vie. » En effet, le
navire est « rentré prématurément de mission » le 12 avril avec une cinquantaine de cas de Covid-19. Le
marin, « confiné » sur une base militaire du Var, déclare avoir « l’impression d’être un mouton parqué dans une
chambre ». Selon ses dires, à la mi-mars, le commandant du navire avait demandé à interrompre la mission
et de confiner l’équipage (le navire faisait alors escale à Brest) dès l’apparition des premiers cas, ce qu’au-
rait refusé le ministère des armées. Toujours selon France Info, le ministère n’a pas « précisé l’information ».
Rappelons que c’est sur la base aérienne de Compiègne que l’épidémie dévastatrice de l’Oise a débuté (voir
Covid-19 : un virus très politique, 1re édition, 30 mars). Fidèle à elle-même, l’Armée impose le silence à son
toujours un confiné. (Voir « Guadeloupe », Covid-19 : un virus très politique, 3e édition, 16 avril.)
Norvège. Dans les pays « du dialogue social exemplaire et des syndicats forts ». Mettant en avant la baisse de
trafic liée à la pandémie de coronavirus, la compagnie ferroviaire norvégienne Vy licencie 1 100 de ses 9 500
salarié·es. Les dirigeants de l’entreprise parlent d’une « mesure temporaire dédiée à la stabilisation financière
de l’entreprise », faisant suite à des discussions avec les syndicats.
État espagnol. Les étudiants des universités de Galice sont en grève à partir du 17 avril pour exiger que
l’année universitaire s’arrête. L’organisation étudiante Anega a lancé le mot d’ordre : « Si les recteurs n’ar-
rêtent pas l’année, nous l’arrêterons nous ». Ils appellent les étudiants des trois universités galiciennes à la
grève reconductible des cours. Il y a trois semaines, les universités galiciennes avaient décidé avec la Xunta
(le gouvernement régional) la fin des cours « en présence » pour l’année 2019-2020, lors de la promulgation
de l’état d’urgence sanitaire. Les jeunes protestent aujourd’hui contre les cours télématiques : « Au vu de
l’inefficacité des méthodes d’enseignement [en ligne], les universités font fi de l’impossibilité pour les étu-
diants de suivre les cours. » Il faut savoir que si les cours continuent, les examens auront lieu dans tout l’État
(le ministère en discute les modalités, dont la possibilité de les organiser en ligne). Partout les étudiants se
plaignent de l’inefficacité et de l’inadaptation de cours dispensés par internet. De plus, les boursiers, nom-
breux dans l’État espagnol, qui rateraient des matières à cause des méthodes inadaptées ou qui devraient les
repasser à la rentrée perdraient leur bourse.
Nicaragua. Le 15 avril, les 11 000 salarié·es de la zone franche de Gildàn, une des plus grandes entreprises
textiles du pays, renvoyé·es le 23 mars en « vacances » forcées, lors de la fermeture de ces usines, faute de
commandes et de matières premières, ont appris qu’il n’y aura pas de reprise avant le 7 juin. Les dirigeants
des syndicats ont communiqué au moyen de messages vocaux Whatsapp avec les ouvrier·ères : « Nous
sommes parvenus à un accord [avec la direction] et à compter du 13 avril vous toucherez 50 % de votre
salaire en guise de don [sic !] de l’entreprise. » Cela fait référence à l’accord signé par des syndicats pro-gou-
vernementaux le 25 mars, autorisant les employeurs à procéder à des ruptures de contrats de travail (voir
p. 67, Éphéméride, édition du 13 avril). Un des salariés réagit sur le site Confidencial : « Je suis soulagé parce
que nous ne sommes pas licenciés, mais comment vivre avec à peine la moitié de mon salaire ? » Il touchera
une aumône de 800 cordobas par semaine [l’équivalent de 23 dollars], alors que le panier de base mensuel
officiel pour une famille de cinq personnes est estimé à plus de 15 000 cordobas.
La dirigeante du Mouvement des femmes Maria Elena Cuadra, Sandra Ramos, qui défend les ouvrières
des maquilas, a rappelé que 2 775 personnes ont déjà été licenciées dans les zones franches en moins d’un
mois. La multinationale japonaise Yazaki a aussi arrêté la production depuis fin mars mettant 10 000 per-
sonnes au chômage technique avec 50 % du salaire. Le gouvernement Ortega-Murillo, lui, continue dans
le déni. Après un mois d’autoconfinement, le 15 avril, le président a encore répété que les pays les plus
frappés ne sont pas « socialistes révolutionnaires » et que, malgré la crise, le Nicaragua continue de travailler :
« Personne ne mourra de faim… »
État espagnol. Les Anticapitalistes andalous ont déclaré la guerre à certains jeux vidéo, dont Fortnite ou
Call of Duty. La porte-parole de ce courant d’Unidas-Podemos, Adelante Andalucía, Teresa Rodríguez, en
guerre avec la direction de Madrid, part aussi à la bataille contre ces jeux qui accaparent en ces jours de
confinement les réseaux sociaux des plus jeunes. Rodríguez refuse que l’avenir du pays se forme avec ces
loisirs violents, de coups de feu et de guerres : « Ce serait génial que les enfants puissent échanger de façon
virtuelle avec leurs copains et leurs copines sans se tirer dessus, non ? », écrit-elle sur son compte Twitter.
Pour mémoire, un jeu comme Fortnite, qu’adorent les plus jeunes, comptait 250 millions de comptes ouverts
avant le confinement ! Cinq fois la population de l’État espagnol.
17 AVRIL
États-Unis. Les infirmières du Providence Saint John’s Health Center déclarent aujourd’hui victoire, après
que la direction de l’hôpital a annoncé que les travailleurs de la santé de l’ensemble du système de Providence
recevront des masques respiratoires N95 à porter lorsqu’ils prendront soin de patients Covid-19. Au cours
les travailleurs essentiels ont un droit de grève limité. Les travailleurs ont été sommairement licenciés, bien
qu’il n’ait pas fait grève. En réalité, ils avaient refusé de signer un accord dans lequel la direction leur pro-
posait de leur verser une prime de 500 rands à la fin avril et une autre de 500 rands à la fin mai.
France. Brest. Sortie du n° 3 de Tousse Ensemble (https://tousseensembleblog.wordpress.com/) « animé par des
Brestoises et des Brestois qui se sont rencontré·es dans les luttes sociales ces dernières années ». Ils et elles
proposent « de mettre en commun des informations locales et globales sur les pratiques qui se développent
dans cette période de crise sanitaire et politique ». Au sommaire de ce numéro, on trouve notamment un
témoignage provenant du CHRU de Bret, l’interview d’une éboueuse et les coordonnées de permanences
téléphoniques syndicales associatives.
Nicaragua-Costa Rica. Des paysans nicaraguayens réfugiés dans le nord du Costa Rica depuis deux ans,
fuyant la répression du régime Ortega-Murillo après le soulèvement populaire de 2018, ont fait don d’une
partie de leur récolte à l’association d’entraide SOS-Nicaragua. Ils veulent partager leur production avec
fouet par la crise sanitaire et économique du coronavirus (626 cas recensés le 15 avril par San José). Le
Costa Rica a recensé 100 000 réfugiés nicaraguayens sur son territoire. Le groupe de Francisa Ramírez, la
dirigeante paysanne qui conduisit la lutte contre le canal interocéanique au Nicaragua, s’est organisé pour
louer et semer des terres. Dans le contexte de la crise sanitaire qui commence aussi à frapper le Costa Rica,
ces paysans ont décidé d’aider d’autres exilés qui n’ont ni travail ni terres. Voir le témoignage de Francisca
Ramírez, depuis le Costa Rica, sur le combat des paysans exilés entre répression au Nicaragua et Covid-19
et crise économique au Costa Rica : www.facebook.com/nicaraguaactual/videos.
France. Quatre syndicats d’inspecteurs du travail (CGT, FSU, SUD et CNT) accusent le ministère du
travail d’entrave organisée aux contrôles de l’inspection du travail. Ils vont saisir le Bureau international
du travail. « On a une crispation de notre hiérarchie vis-à-vis des contrôles normaux de l’inspection du
travail », explique Pierre Mériaux, inspecteur du travail à Grenoble, responsable national de la FSU-Travail
qui parle au nom de l’intersyndicale du ministère du travail, et qui ajoute : « Ils ont installé une censure sur
nos messageries professionnelles. Quand on utilise les termes “pressions extérieures indues” qui figurent
dans la convention OIT 81, le mail n’arrive jamais. Il est bloqué par le système de messagerie. » Lors d’une
conférence de presse téléphonique jeudi, les syndicats ont fait état de plusieurs dizaines de témoignages
d’inspecteurs du travail dissuadés ou empêchés de se rendre sur des sites d’entreprise par leur hiérarchie
depuis le début de la crise du Covid-19. Ils dénoncent également la mise à pied mercredi d’Anthony Smith,
inspecteur du travail de la Marne.
18 AVRIL
Argentine. Les enseignants et les élèves du lycée technique de Jujuy (nord-ouest) fabriquent des masques
alors que les autorités n’ont mis en place aucun plan sanitaire.
États-Unis. Le personnel hospitalier de l’hôpital Saint-Joseph de Providence a acheté des stocks de feuilles
de vinyle et du ruban industriel pour fabriquer des masques et des surblouses.
France. Les étudiant·es infirmier·ères mobilisé·es contre l’épidémie perçoivent une indemnité de 38 à
50 euros… par semaine. Une prime devrait leur être versée par les ARS. Beaucoup n’ont pas de masques
ou doivent laver eux·elles-mêmes leurs tenues. Par ailleurs, le syndicat CGT Maison-Blanche a déposé une
plainte en référé contre l’ARS pour manquement à l’obligation légale de garantir la sécurité à l’égard des
salarié·es comme le stipulent les articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail.
Argentine. Production de gel hydroalcoolique par les coopératives ouvrières FarmaCoop (province de
Buenos Aires) et La Terre (province de Mendoza).
Chili. À l’initiative de la Fédération nationale des coordinations de base dans la santé publique, une protesta-
tion en deux temps pour exiger des protections pour les personnels de santé a été organisée. Rassemblement,
photos et actions en tout genre le matin devant les établissements et centres de santé, puis manifestation
numérique le soir sur les réseaux sociaux avec pour mots d’ordre : #SueltenLosInsumosYa #TestMasivos
#FueraMañalich (des moyens tout de suite, des tests en masse et démission Mañalich, le ministre de la santé).
France. Ce vendredi, le syndicat Force ouvrière a appelé les employés de l’usine MSSA (fabrication
de produits chimiques) de Saint-Marcel (Savoie) à se mettre en grève pour une durée illimitée. Norbert
Gandon, délégué syndical FO à MSSA Saint-Marcel dénonce les « risques sanitaires pris quotidiennement
par les employés pour continuer de travailler ». Selon lui, 120 employés, dont 96 % du personnel en poste de
production, ont répondu à l’appel. La direction, elle, en a compté seulement 20. « La grève consiste à rester
chez soi, puisque nous n’avons pas le droit de nous rassembler. Nous continuerons tant que nous n’aurons
pas de signes de la direction. »
Argentine. Le plus important grossiste du pays pour supermarchés, PDV notamment fournisseur de
Carrefour, refuse de payer les salaires aux personnels ayant contracté le Covid-19. Par ailleurs, les travailleurs
de l’Hiperhuelche de Viedma (Río Negro), grossiste du secteur de la construction, ont entamé une rétention
19 AVRIL
Argentine. Les travailleurs de l’hôpital central de Mendoza (nord-ouest) se sont réunis en assemblée
générale, ils exigent les outils de protection sanitaire et la fin de la précarité salariale pour le personnel
soignant, une augmentation de leur salaire au niveau du panier de biens de base et des contrats permanents
pour toutes et tous. Malgré la violente répression policière de la semaine passée, les 250 travailleurs de
l’entreprise frigorifique Penta ont de nouveau manifesté devant les locaux de leur entreprise. Ils dénoncent
le non-paiement des salaires depuis 24 jours à la suite de l’annonce du confinement et se battent contre le
plan patronal qui souhaite profiter de la crise pour licencier 200 travailleurs et relancer la production avec
un effectif réduit.
Monde. Le leader mondial des centres d’appels Teleperformance est poursuivi devant l’OCDE par UNI
Global Union (présente dans 150 pays) et par les syndicats français CFDT, CGT et FO pour des conditions
de travail « dangereuses » dans dix pays face à l’épidémie de Covid-19. « Dans dix pays, dont la France, les
Philippines, la Colombie, le Royaume-Uni, l’Albanie, le Portugal et la Grèce, la plainte fait état de conditions
dangereuses dans des établissements offrant des services clientèle pour des clients tels qu’Apple, Google et
Amazon », indiquent ces organisations syndicales dans un communiqué.
Cambodge. Les chiffres officiels montrent que l’épidémie de Covid-19 a entraîné l’arrêt de la production
de 91 ateliers de confection et que 91 500 travailleuses et travailleurs de l’habillement ont été licencié·es.
D’après les syndicats, une famille ouvrière ne peut survivre avec 70 dollars par mois, bien en dessous du
salaire minimum de 190 dollars. « Nous espérons que les marques peuvent prendre une part du fardeau et
verser 40 % du salaire minimum pour soutenir les travailleuses et les travailleurs de l’habillement. Les fabri-
cants devraient porter leur quote-part à 40 %, compte tenu des bénéfices qu’ils engrangent depuis des années
au Cambodge », déclare Athit Kong, le président de la Coalition des syndicats démocratiques cambodgiens
du vêtement (CCAWDU).
États-Unis. Les travailleur·euses de deux immeubles résidentiels de luxe à Manhattan (New York) ont fait
grève, affirmant que leur employeur ne les payait pas suffisamment et ne leur fournissait pas d’équipement
de sécurité approprié. Ils et elles accusent leur employeur de les empêcher de s’affilier au syndicat SEIU
32BJ. Ils et elles disent également que Planned n’a pas fourni suffisamment de masques et de gants pour les
protéger au travail. Plus tôt dans la journée, celles et ceux qui étaient prévu·es dans cinq bâtiments du New
Jersey avaient également organisé un débrayage dénonçant leurs conditions de travail.
Bolivie. Alors que la saison des récoltes se termine en Argentine, les travailleurs boliviens se voient refuser
le passage à la frontière par leur propre gouvernement, notamment près de la ville d’El Arazay. Une partie
de ces familles ont été hébergées en urgence dans le gymnase de la ville argentine, mais sans accès à l’eau
potable, sans produits d’hygiène ni d’alimentation. Ce sont les dons des organisations et les locaux solidaires
qui leur permettent de tenir. Les travailleurs boliviens appuyés par le PTS-FIT, comme dans d’autres régions
du nord de l’Argentine, demandent la mise à disposition immédiate de bus pour acheminer les familles
jusqu’à leur ville d’origine. Ils demandent aussi qu’en attendant, chaque province argentine leur garantisse
des conditions d’hygiène et de sécurité ainsi que de la nourriture et des hébergements.
Sénégal. Le syndicat SNC/BTP (construction et BTP) s’est félicité de l’annonce faite par le gouvernement,
le 3 avril, de l’interdiction des licenciements et de la garantie des revenus des travailleurs au chômage pen-
dant la pandémie Covid-19. Le niveau de rémunération d’un chômeur ne peut être inférieur au salaire mini-
mum interprofessionnel garanti ou à 70 % de son salaire net moyen pour les trois derniers mois d’activité.
Hong Kong. Des militants sont intervenus dans les quartiers populaires de Tuen Mun et de Tai Kok Tsui
pour fournir des masques aux travailleurs du nettoyage : le manque de protection contre le Covid-19 s’était
déjà fait sentir lors de manifestations. À Seattle ou à New York, des Hongkongais et des Chinois de la
Je suis assez contemplatif et immobile, avec tant de lectures, de besognes et d’écritures en retard
que cela ne me pose pas de problème particulier. En revanche, je rumine tous les jours sur l’emprise
mondiale du néolibéralisme, et comment cette emprise fait montre partout des mêmes impré-
voyances, d’une même aptitude à saccager l’intérêt général, le bien commun, ou simplement l’hu-
maine condition. Donc, je ne me demande pas quand ce confinement s’arrêtera, mais plutôt où
se trouve la sortie véritable de ce cauchemar planétaire ? On sera forcés de s’accommoder d’une
manière ou d’une autre au virus. Mais, pour la survie de cette planète et celle de notre espèce, on
est sommés de trouver au plus vite comment se débarrasser du capitalisme et de sa fermentation
néolibérale…
Souffrez-vous de l’isolement ?
Rien de changé fondamentalement. Les situations d’écriture sont des situations de confinement
en soi, mais ce « confinement » est volontaire et créatif : ce n’est pas un isolement, c’est une solitude.
Je vis pleinement ce paradoxe qui ramène tout confinement à une possibilité de construire sa soli-
tude. La solitude est une lente élaboration de soi, laquelle autorise une relation sensible à l’ailleurs
et au mouvement du monde. La haute solitude, c’est à la fois une étendue et une profondeur.
De fait, comme l’a bien souligné le philosophe Abdennour Bidar, ce « confinement sanitaire » a
éjecté la plupart d’entre nous d’un vaste confinement invisible : celui d’une domination de nos
imaginaires par le dogme néolibéral. Nous n’avons pas été éjectés du contact avec les autres ou de
la vie, mais des mécaniques du boulot-dodo-boulot, des compulsions consuméristes, de la course
aux loisirs névrotiques, au driving du Caddie, aux grenouillages corporatistes… Une existence sans
idéal, sans engagement, sans rien qui dépasse ses propres étroitesses. Cette passion sans ailes a fini
par creuser un immense vide à l’intérieur de chacun d’entre nous. Dès lors, de par le monde, en
plus d’une immersion dans des réduits de pauvreté et de misère matérielles, des millions de couples
se découvrent invivables et morts depuis longtemps. Des familles se révèlent à elles-mêmes inca-
pables de faire famille avec des enfants qui leur apparaissent, au mieux comme des étrangers, au
pire comme des monstres. Et quand ces enfants sont des anges, des millions de personnes ne savent
plus comment faire-parents, vivre-avec, rire-avec, œuvrer-avec tout simplement, sans permissivité
1. Né en 1953 à Fort-de-France, en Martinique, Patrick Chamoiseau est l’auteur de nombreux romans et essais, dont Texaco, qui a valu
le prix Goncourt, en 1992.
dans le « confinement à l’air libre » du néolibéralisme. Dans l’actuel « confinement sanitaire », qui est
de fait un « déconfinement-politique-et-humain », et malgré la pédagogie des psychologues et psy-
chiatres de médias, notre vacuité nous devient perceptible de manière plus ou moins douloureuse,
plus ou moins obscure. Ce qui peut laisser craindre le pire…
C’est cela qui me préoccupe vraiment. Je pense aux étranges vers d’Aimé Césaire : « Les rêves
échoués desséchés font au ras de la gueule des rivières/de formidables tas d’ossements muets/les
espoirs trop rapides rampent scrupuleusement/en serpents apprivoisés… », etc. Ces rêves échoués, ces
utopies desséchées, ces espoirs trop rapides et finalement apprivoisés dont parle Césaire au moment
de sa douloureuse vieillesse sont pour moi toutes ces idées humanistes et justes, tous ces diagnostics
portés sur le capitalisme, toutes ces alternatives possibles au néolibéralisme, toutes les listes minu-
tieuses des voies du changement, de notre rapport au vivant, des recettes pour sauver la planète,
redéfinir nos humanismes, respecter le vivant, se changer soi-même avant de pouvoir changer le
monde, etc. Tout cela, nos intellects scintillants l’ont déjà formulé. J’ai moi-même écrit de nombreux
manifestes. Tout cela nous a été ressorti en masse par les médias durant ce confinement-déconfine-
ment. On est heureux de les entendre, et on s’enivre d’avance d’une fin du néolibéralisme et d’une
remise en question radicale du capitalisme… Seulement, ce que l’histoire nous a montré, c’est que
ces fulgurances prophétiques si justes et si précieuses se sont seulement accumulées au long des
fleuves, rivières et ruisseaux de nos imaginaires. Elles ont fini par constituer des embâcles que nos
imaginaires se sont toujours évertués à contourner. Je l’ai vu en 2009 en Martinique, on l’a vu ici
avec les Nuits debout ou les gilets jaunes… Notre problème n’est donc pas d’alimenter l’embâcle,
comme on le ferait d’un « culte désaffecté », mais de trouver comment l’habiter dans une débâcle
qui nous aiderait à concrétiser un « après » véritable. Comment concrétiser ce que nous avons déjà
pensé ? Comment en faire un actif partagé ? C’est le plus difficile à régler, cela ne peut plus être
différé, et c’est cela qui à présent nous engorge.
Que faire ?
Juste de se rappeler que les systèmes sont plus fragiles que les poétiques, que les civilisations le
sont encore plus, mais que le néolibéralisme, lui, n’est pas un système, ni une civilisation, mais un
« blob » de voracités proliférantes, animées par l’idée du profit maximal, aveugle et écocide ! C’est
pourquoi il est protéiforme, capable de muter de manière transversale dans presque toutes les
situations. C’est lui le véritable virus contre lequel nous n’avons pas encore trouvé de traitement,
utiles à sa disparition.
Patrick Chamoiseau. Je suis de loin ce qui se passe dans la Caraïbe et à la Martinique car j’étais à
Paris lorsque le confinement a été décidé. C’est du souci. Les incuries du néolibéralisme sont démul-
tipliées par un cadre colonial archaïque que nous n’avons pas encore réussi à dépasser. Notre lutte
contre le « cadre archaïque » nous fait oublier que l’ennemi de tout « devenir » est le néolibéralisme.
Qu’il faut penser non plus en termes d’indépendance, ni de République-une-et-indivisible, mais de
« République unie », là où des peuples responsables gèrent en égale dignité leurs interdépendances.
Entretien réalisé par Muriel Steinmetz et Publié dans l’Humanité
CINQ RÉSIDENTS MORTS, UN AUTRE TUÉ PAR LA POLICE, DES RÉSIDENTS CONFINÉS DANS 7,50 M², DES ASCENSEURS EN
PANNE OU À L’ARRÊT, DES HABITANTS QUI DEVIENNENT FOUS ET DANGEREUX…
Le foyer Romain-Rolland à Saint-Denis, c’est un FTM, un foyer de travailleurs migrants, foyer-
tour de 13 étages construit en 1971 par la Sonacotra pour y encaserner un peu plus de 300 tra-
vailleurs immigrés, dans des chambrettes de 7,50 m² avec cuisine, WC et douches à chaque étage
pour 24 résidents. Après une période de luttes (grande grève de 1974 à 1980), de résistances, de
vie conviviale et solidaire, les résidents ont vieilli, sont morts ou partis, découragés par le non-droit
(fermeture des espaces collectifs du RCH, pas le droit à la vie privée…), le mauvais entretien des
chambrettes et des espaces communs et les pannes d’ascenseurs incessantes.
La Sonacotra-Adoma a abandonné le foyer (tout en encaissant les loyers, augmentés en 2020 au
maximum !) et a traîné des pieds pour réhabiliter ce foyer (le plan de « traitement » des FTM date
de 1997 !). Aujourd’hui, une partie des résidents a été relogée dans une « résidence sociale » rue
Bailly, l’autre partie attend son relogement dans le quartier Saint-Rémy. Les chambres libérées sont
attribuées aux demandeurs d’asile (après rafraîchissement) et aux grands précaires (avec un bail
temporaire).
Quand on rentre aujourd’hui dans ce foyer, on est saisi par la dégradation des lieux, par une
impression d’abandon, de tristesse, de solitude et quand on parle avec les résidents, par leur colère
et leur désespoir.
qui s’occupe des réfugiés, aux vigiles, à l’Adoma, à la directrice territoriale… Rien, personne n’a
rien fait. Le gars est allé au parc, c’est pas loin du foyer, la police lui a demandé le papier de sortie,
alors il a sorti le couteau. Les policiers lui ont tiré dessus et l’ont tué. C’était le mercredi 15 avril. Les
policiers ont dit qu’ils ont cru à un terroriste, pourtant ils étaient plus nombreux et lui était seul. »
UN AUTRE EXEMPLE : LA FEMME FOLLE QUI DORT EN CE MOMENT DANS LES TOILETTES DU 12E ÉTAGE
Elle aussi, on l’a signalée et resignalée aux vigiles, à l’Adoma, à la directrice territoriale… la
femme de ménage et les résidents ne peuvent plus entrer dans les toilettes. Elle a déjà mis le feu au
2e étage, il y a plus d’un an, ça a fait une grande panique. Elle n’est pas agressive mais elle ne se lave
pas, elle aurait besoin d’un suivi psychiatrique. Si jamais ça lui reprend de mettre le feu au 12e étage,
ça sera une grande catastrophe, on n’a pas d’ascenseurs, les résidents qui paniquent vont prendre les
escaliers… Adoma n’a rien fait pour cette dame.
mal fait aujourd’hui) 7 jours sur 7 et désinfections régulières des parties communes, numéros d’appel
pour ceux qui n’ont pas de médecin traitant, solutions de confinement et d’isolement accompagné
pour les malades… ;
n sur la présence des équipes Adoma et les réfugiés ;
Nous demandons à Adoma de différer le paiement des redevances, revues à la baisse pour tous et
particulièrement pour ceux qui sont privés de revenus.
Contact : 06 48 51 87 37
JEAN TORTRAT1
1. Jean Tortrat est membre du SNJ-CGT. Il a été dix ans instituteur dans les années 1980-1990 dans le 9-3.
place, nous connaissons toutes les problématiques et là, d’un seul coup, elles se révèlent
aux Français de façon plus évidente. Il est sûr qu’un grain de sable pour des gens qui
vivent dans des habitats précaires, qui sont familialement précaires, la conséquence est
un effondrement. On parle de l’effondrement de l’économie, moi, je préfère parler de
l’effondrement des humbles, on va les appeler les humbles. J’aimerais que les Français
se souviennent de leurs proches grands-parents, qu’ils se souviennent que l’on fait tous
partie de ces humbles.
Nous, habitant·es de Pantin et Gilets jaunes, nous ne reviendrons pas à la « normale ». La crise
sanitaire actuelle ne fait que confirmer notre détermination à renverser un système ignoble qui
sacrifie notre santé, nos services publics et notre planète sur l’autel d’une croissance qui ne profite
qu’à quelques privilégié·es.
Nous sommes déterminé·es à ne pas reprendre notre travail avec un salaire qui ne permet pas de
vivre dignement. Nous sommes déterminé.e.s à en finir avec ce monde injuste, qui ne tient que par
la violence, les violences policières et la répression judiciaire.
Le confinement a montré que c’est le peuple qui nous permet de manger, de nous soigner, de
vivre, et pas les privilégiés qui décident pour nous.
Après avoir poursuivi la destruction de l’hôpital public et géré la situation de façon calamiteuse,
le gouvernement Macron veut nous faire payer la facture pour remettre « en marche » une économie
qui détruit les humains et la planète.
Dans les prochains mois, certains d’entre nous vont voir leurs revenus baisser ou perdre leur
emploi. Pour traverser ce moment, nous sommes solidaires les un·es avec les autres, ici à Pantin, avec
Solid19 ou les brigades de solidarité, ou en approvisionnant les familles avec des fruits et légumes
frais.
Organisons la résistance face à celles et ceux qui nous gouvernent et qui utilisent la pandémie
pour renforcer leur domination, comme avec la loi sur l’état d’urgence sanitaire.
Non aux mesures liberticides et aux dispositifs de contrôle totalitaire. Imaginons de nouvelles
formes de lutte, manifestons en respectant les gestes barrières. Portons le gilet jaune au quoti-
dien. Préparons le déconfinement avec tous ceux qui veulent se battre pour une société juste et
démocratique.
Décidons par nous-mêmes la société que nous voulons :
1. Le droit de manger : soutien aux petits agriculteurs et aux petits commerces, circuits courts,
coopératives, plantations d’arbres fruitiers et légumes dans l’espace public
2. Le droit de se loger : réquisition des logements vides, 0 SDF
3. Le droit à la santé : masque et dépistage pour tous, ce qui rend le confinement inutile, soutien
à l’hôpital public et aux soignants, soins gratuits pour tous
4. Le droit à un environnement sain : produire et consommer selon nos besoins, dans le respect de
la planète. En finir avec le martyr des animaux et la destruction de leur habitat naturel qui favorisent
les pandémies.
5. Le droit à décider par nous-mêmes : RIC en toute matière, nouvelle constitution
Pour la justice sociale, fiscale, écologique.
Pour le droit de vivre en bonne santé, dans la paix et la liberté.
26 avril 2020
TOULOUSE ET SA RÉGION
PASCAL GASSIOT, PIERRE BONNEAU, GILLES DARÉ, JEAN-PIERRE CRÉMOUX1
LA FILIÈRE AÉRONAUTIQUE DANS L’AIRE URBAINE DE TOULOUSE : LA MONO-INDUSTRIE. UN COLOSSE AUX PIEDS D’ARGILE
En 2018, 4,3 milliards de passagers ont embarqué sur l’une des 1 300 compagnies aériennes à
travers le monde. Plus que le nombre de passagers en valeur absolue, c’est la croissance fulgurante
du secteur qui frappe. Tous les quinze ans, le transport aérien voit son nombre de passagers doubler.
1. Pascal Gassiot (Fondation Copernic,Toulouse), Pierre Bonneau (Attac Toulouse), Gilles Daré (Université populaire de Toulouse), Jean-
Pierre Crémoux (Amis du Monde diplomatique Toulouse).
teurs et leurs sous-traitants. Si elles, les compagnies, ont transporté plus de 4 milliards de passagers
en 2019, Airbus s’attend à ne recevoir aucune commande de leur part pour le reste de l’année 2020.
Une année noire en quelque sorte qui fait ressortir la hantise des « queues blanches » (les avions
fabriqués et stockés sur le tarmac et qui ne sont pas siglés car ils n’ont pas trouvé preneur) qui ont
alimenté la chronique toulousaine du secteur dans les années 1980. Comme le dit si bien l’éditoria-
liste de La Dépêche du Midi en ce 17 avril 2020 en conclusion de son éditorial :
Dans le contexte de crise actuel, ce qui a fait pendant plus d’un demi-siècle la force
économique de notre région, pourrait soudainement se transformer en faiblesse. On ne
va pas feindre de découvrir qu’en se consacrant tout entière à l’industrie aéronautique,
la région s’est mise en situation de vulnérabilité. Alors qu’en 2019, Airbus est devenu le
premier constructeur mondial, qui osera lui en faire reproche ?
À la région, aux décideurs locaux ou à Airbus…
pagnies aériennes est une clientèle qui voyage majoritairement, à 48 %, pour des motifs de loisirs
(vacances, achats, évènements sportifs ou culturels). Les motifs professionnels représentent, eux,
25 % des voyages et les motifs privés 22 %. De fait, 65 % des passagers ont payé eux-mêmes leur
billet (dans 21 % des cas, c’est leur entreprise). Cette segmentation des clientèles françaises peut
vraisemblablement être extrapolée dans la majorité des pays émetteurs. Prendre le risque, pour un
Européen, de contracter un virus potentiellement létal pour aller découvrir le Machu Picchu ou
bien aller se prélasser sur une plage de la République dominicaine dans un séjour « all inclusive »,
est-ce que cela est encore imaginable ? Et la même question peut se poser pour un touriste du sud-
est asiatique venant voir la tour Eiffel, le Louvre ou bien les châteaux de la Loire ?
Les professionnels du tourisme que nous avons interrogés appréhendent bien l’ampleur de la
crise qui s’annonce ; et rappelons comme nous l’avons indiqué précédemment que le tourisme est
le principal vecteur de développement des compagnies aériennes qui sont, elles-mêmes, et de très
loin, les premiers acheteurs d’avions (en direct ou bien via les loueurs).
Selon Didier Arino, directeur général du réseau Protourisme et consultant pour de nombreux
médias, que nous avons contactés le 21 avril : « La crise du transport aérien avait déjà commencé
avant la crise actuelle comme le montre la chute marquée des voyages en Asie constatée en 2019. »
Celui-ci enfonce le clou voyant dans la situation actuelle et à venir d’autres menaces :
Les crises sanitaires liées à des pandémies virales qui ne font sans doute que commencer
[…] et d’autres tendances lourdes qui vont aussi impacter le secteur comme la désaffec-
tion d’une partie notable de la jeunesse envers l’utilisation de l’avion, déjà constatée dans
certains pays du nord de l’Europe et liée à la prise de conscience de la crise climatique et
des dangers qu’elle fait peser. Même le secteur des déplacements professionnels, souvent
rentable pour les compagnies, va être touché et les visioconférences qui connaissent
aujourd’hui une progression fulgurante vont sans doute être appelées à devenir la « norme ».
Si on ajoute à ce tableau la crise économique profonde qui s’annonce, il semble difficile
d’imaginer que le secteur du transport aérien puisse rebondir de manière significative.
Diagnostic partagé par Claudine Chaspoul, rédactrice en chef de la revue Espaces tourisme et loisirs,
qui coordonne actuellement un numéro spécial à paraître en juillet sur la crise actuelle et le devenir
du tourisme international. En particulier son analyse sur le modèle « low cost » est sans détour : « Ce
modèle, dont la réussite est liée au développement du tourisme de masse, devrait être très largement
remis en cause, voire disparaître », dit-elle dans une interview qu’elle nous a accordée le 21 avril. Et
elle ajoute : « Les clients garderont en mémoire ce qui se passe actuellement avec les voyageurs pris
dans la tourmente et incapables de rentrer chez eux ; cette insécurité va marquer durablement les
esprits. » Elle avoue aussi que « personne n’y voit clair actuellement mais que le nouveau Monde en
train de naître ne pourra repartir sur les mêmes bases ; nous entrons donc dans une période de très
forte incertitude mais le nombre de passagers aériens ne retrouvera sans doute jamais les volumes
des années passées. La crise actuelle est d’une autre nature et d’une ampleur sans comparaison
avec les crises précédentes du secteur ». Dans une interview accordé le 19 avril à la newsletter du
magazine spécialisé L’Écho touristique, Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde, confirme ce
changement de paradigme intégrant une modification du comportement des touristes, confirmée
par les interlocuteurs précités. À la question : « Croyez-vous qu’à terme il y ait moins de touristes,
plus de voyageurs ? », celui-ci répond :
Les gens vont partir plus longtemps, moins souvent. Nous voyagerons moins, mais mieux
[…]. La bonne nouvelle, c’est que nous allons revenir aux origines du voyage. Avec moins
de touristes, plus de voyageurs. Nous limiterons ainsi le surtourisme, la Disneylandisation,
le non-respect des populations locales.
pans entiers des aéronefs. Le circuit est donc maintenant composé du constructeur (peut-on encore
l’appeler ainsi ?), des systémiers et des sous-traitants. La part d’ingénierie et de savoir-faire dans la
conception et la construction transférée du constructeur au systémier affaiblit de fait le constructeur.
Et le systémier peut aller vendre ses compétences à qui veut bien les acheter, en Chine ou bien aux
États-Unis.
Sans compter qu’on peut très bien imaginer aussi que ce soit Airbus, société financiarisée, qui
décide elle-même de mettre en compétition ses propres sites de production. Rien n’exclut cette
hypothèse considérée comme vraisemblable par de fins connaisseurs du secteur comme Gabriel
Colletis (il est possible de se reporter à son interview, très éclairant, donné dans le cadre de Toulouse
2031 et disponible sur le site de l’Université populaire de Toulouse).
Donc, au-delà de la crise qui se profile à court terme avec la chute prévisible de commandes dans
les mois qui viennent (cette baisse des commandes a déjà commencé ; Easy jet annonce vouloir
annuler la commande de 107 Airbus et 39 ventes ont déjà été annulées par des compagnies comme
Qantas ou des loueurs comme Avolon), nous sommes actuellement dans une situation de bascule
plus profonde, plus structurelle. Les capitalistes régionaux du secteur regardent par exemple avec
inquiétude l’Asie (qui représente 40 % des commandes des vingt prochaines années), et notamment
l’Asie du Sud-Est, comme potentiel « annulateur » massif de commandes (voir les chiffres de 2019
du transport aérien en Asie). Tout ceci pour dire que, si se profile une crise « conjoncturelle » (liée
aux conséquences prévisibles de la pandémie), couplée avec l’évolution du secteur (délocalisations,
perte de maîtrise d’une partie de l’appareil productif), celle-ci va ouvrir une autre crise, profonde
et durable celle-là, du secteur.
SORTIR DE LA MONO-INDUSTRIE
Au-delà de ces constats, certains évoquent la capacité de sortir de cette mono-industrie aéronau-
tique. Mais le chemin risque d’être long. Dans un article du 9 avril 2020, le journal La Tribune écrit :
« Face à cet incident économique – que tout le monde craignait à Toulouse –, les politiques
locaux ont engagé depuis quelques années désormais plusieurs initiatives pour faire émerger de
nouvelles filières dans l’espoir de mettre fin à cette monoculture économique. Certains fruits de
ce travail montrent le bout de leur nez, à l’image de la filière émergente sur les véhicules auto-
nomes, du projet Aniti sur l’intelligence artificielle, ou encore de l’Oncopole et du tissu autour de
la recherche et de la santé qu’il embarque avec lui. […] Il est certain qu’un jour la filière aéronau-
tique perdra de son importance, en nombre d’emplois, à Toulouse. Mais il faudra des années voire
des décennies pour que ces filières émergentes prennent le relais et puissent créer des emplois en
masse », estime un dirigeant d’un sous-traitant aéronautique de premier ordre. Enfin, La Tribune cite
un analyste toulousain de la filière qui confirme et s’inquiète :
L’industrie aéronautique va être très fortement touchée car le trafic aérien de passagers
va diminuer en 2020 et 2021, voire 2022, avant de retrouver un niveau normal [on voit
bien qu’il est ici question de retrouver un trafic antérieur ; il n’est pas question de retrou-
ver une croissance du secteur - NDLR]. Cela aura un impact majeur sur la commande
de nouveaux avions, mais aussi sur la maintenance, l’autre pilier de ce secteur. Si moins
d’avions volent, les besoins en maintenance seront considérablement réduits.
Les compagnies aériennes estiment, actuellement, l’impact du Covid-19 à 250 milliards de dollars
en 2020, sur un chiffre d’affaires annuel à près de 894 milliards au global. Cela aura un effet sur les
avionneurs et leurs fournisseurs et par effet domino, l’économie régionale va être fragilisée, résume
type A320) fabriqués à Shanghai ou à Tianjin grâce aux transferts de technologie et avec l’aide des
systémiers qui auront déserté les rives de la Garonne…
Si la demande d’avions se contracte et si Airbus s’engage vers la contraction/relocalisation de sa
production, il semble bien que nous allions tout droit vers un séisme industriel qui va ravager le
tissu économique et social de toute une région et plus particulièrement celui de l’aire urbaine de
Toulouse.
L’hypothèse d’un arrêt complet et à effet immédiat de la filière aéronautique, avec ses consé-
quences en cascade sur l’emploi (voir les éléments de chiffrage de l’emploi évoqués précédemment),
est bien sûr peu vraisemblable. Mais, à coup sûr, nous allons droit vers une crise d’ampleur, profonde
et dévastatrice. Toulouse est-elle un futur Détroit (ancienne capitale étasunienne de l’automobile
devenue aujourd’hui une ville presque fantôme passée d’1 500 000 habitants en 1970 à 713 000 en
2010) ? Il n’est pas déplacé d’avancer aujourd’hui cette comparaison.
Nous assistons actuellement à une crise sanitaire mondiale liée au Covid-19 qui frappe malheu-
reusement, jour après jour, de plus en plus de victimes. Nous l’avons dit depuis plusieurs semaines :
ce ne sont pas les patrons ou les gouvernements qui ont créé le virus mais ils sont responsables de
sa propagation planétaire et des conséquences dramatiques.
Les pouvoirs publics ont montré leur inefficacité et confirmé, une fois de plus, que l’intérêt de la
collectivité n’est pas leur problème. Consignes contradictoires, insuffisance du matériel, des produits
de protection et des tests, maintien en activité de nombreux secteurs professionnels sous la pression
des patrons, etc.
Le ferroviaire est aussi concerné ; le transport ferroviaire, mais aussi toutes les autres activités
ferroviaires : nettoyage, maintenance, restauration, prévention/sécurité… Dans notre secteur aussi,
nous subissons l’injonction contradictoire consistant à ressasser l’impérieux besoin de confinement
(bien réel !), mais en l’accompagnant de mesures visant à envoyer au travail un grand nombre de
salarié·es dont l’activité ne relève pas des services absolument indispensables aux besoins essentiels
de la collectivité.
Le droit de se retirer du travail face à une situation dangereuse pour la santé est une mesure de
salubrité publique : les directions d’entreprise en contestent l’application et les pouvoirs publics les
appuient ! C’est une décision dont les responsables assumeront les conséquences… Actuellement, il
circule encore des trains de fret dont la seule utilité est d’acheminer du matériel pour faire tourner
des usines, des chantiers, qui devraient être à l’arrêt pour protéger les salarié·es ! Mais les action-
naires de ces entreprises, du BTP ou de l’automobile par exemple, n’en ont cure !
Par ailleurs, partout, le patronat s’attache à faire en sorte de pénaliser celles et ceux qui sont
effectivement confiné·es (chômage partiel, garde d’enfants, télétravail…) en rognant sur des droits,
avec l’aval et l’appui des pouvoirs publics. Celles et ceux dont la présence sur le lieu de travail est
suspendue à cause de la crise sanitaire doivent bénéficier de 100 % de leur salaire, quelle que soit
leur situation administrative !
Le confinement est le seul moyen de protéger l’ensemble de la population. C’est en partie la
conséquence de l’incurie des pouvoirs publics en matière de prévention et de santé publique, mais il
doit s’appliquer à toutes et tous, à la seule exception des services d’utilité publique dans la période.
Dans ces derniers, c’est à celles et ceux qui travaillent de définir l’organisation à mettre en place ;
pas aux directions qui ne sont pas sur le terrain, là où est le danger de mort !
Les actionnaires des entreprises privées veulent profiter de la crise sanitaire. Sans scrupule, ils
demandent de l’argent public. Ainsi, Alliance of Rail New Entrants (Allrail), qui regroupe notam-
ment NTV, Rail Freight Group, Westbahn, MTR, Transdev, FlixTrain, Leo express, Ilsa, se félicite
des premières annonces faites par la Commission européenne, qui ouvrent la voie vers des subven-
tions, directes et indirectes, aux opérateurs privés. Mais ils demandent plus encore : l’octroi de prêts
d’État, le report du paiement des impôts et des charges sociales, l’octroi de garanties d’État sur les
crédits contractés, la possibilité de reporter le paiement des redevances de leasing pour le matériel
roulant qu’ils exploitent et la suspension du paiement des redevances d’utilisation des infrastructures
gences ! En Afrique notamment, s’y ajoutent les conséquences du colonialisme qui aggrave encore
la situation.
LES ORGANISATIONS MEMBRES DU RÉSEAU SYNDICAL INTERNATIONAL DE SOLIDARITÉ ET DE LUTTES, ET DU RÉSEAU RAIL
SANS FRONTIÈRE, EXIGENT :
n la limitation des activités ferroviaires au strict nécessaire dans la période.
n La mise en place, partout où l’activité doit continuer, de toutes les mesures de protection de la
lons adéquats (régions, pays, continents), selon les besoins définis par la population, non pas en fonc-
tion des besoins des capitalistes comme aujourd’hui. De ce point de vue, la situation actuelle montre
aussi l’urgence de dépasser la seule « nationalisation » quand celle-ci signifie donner le pouvoir aux
gouvernements. C’est à celles et ceux qui travaillent de décider : dans l’entreprise, comme dans la
commune ! Plus que d’autres secteurs, le ferroviaire ne peut se limiter à la dimension locale : mais il
y a longtemps déjà que nous connaissons la coopération !
Enfin, en tant que travailleurs et travailleuses du rail, nous réaffirmons que le chemin de fer est
un mode de transport à privilégier, pour des raisons écologiques, sociales et de sécurité. Mais nous
disons aussi qu’il faut remettre en cause les transports inutiles, relocaliser les productions et leur
distribution. C’est l’avenir de la planète qui est en jeu.
14 avril 2020
COVID-19
DÉCLARATION DU BLACK SOUTH WEST NETWORK1
Le langage trompeur entourant le Covid-19, comme les suggestions du gouvernement selon les-
quelles le virus peut être vaincu en faisant preuve de courage, ignore les circonstances auxquelles
sont confrontées les communautés pauvres et BAME2. Le grand nombre de décès de personnes
BAME en raison du coronavirus a rapidement été réfuté par l’affirmation selon laquelle la pandémie
est un « grand niveleur » et a, au contraire, mis en évidence les nombreux maux sociaux du monde.
Si le coronavirus ne fait pas de discrimination, pourquoi les personnes BAME en portent-elles le
plus grand poids ? Pourquoi un tiers de ceux qui meurent dans les services de soins intensifs sont
des BAME ?
« COVID-19 EN TANT QUE GRAND NIVELEUR EST UN MYTHE QUI DOIT ÊTRE DÉMYSTIFIÉ »
LA RECHERCHE
De nouvelles recherches indiquent que le coronavirus a un impact inégal sur ces communau-
tés – des taux de mortalité disproportionnés des personnes BAME au « droit de tousser » des
communautés d’Asie du Sud-Est3. La recherche sur les premiers patients gravement malades dans les
hôpitaux britanniques montre que les Noirs et les Asiatiques sont plus susceptibles d’être gravement
touchés par le virus que les Blancs. Le Centre national de recherche et d’audit des soins intensifs a
constaté que 35 % des quelque 2 000 patients étudiés étaient BAME, soit le triple de leur proportion
de 13 % de la population totale.
LE CLIVAGE DE CLASSE
Pour beaucoup, le confinement n’est pas un moment de réflexion, mais plutôt un moment de
difficultés dans une lutte constante pour la survie. Souvent comparée à la Seconde Guerre mon-
diale, cette crise a conduit à des mises à pied et à des licenciements alors que d’autres qui pouvaient
travailler, travaillent. Pour les classes moyennes, le verrouillage a signifié l’isolement avec compen-
sation, mais pour beaucoup, ce n’est pas le cas.
Cela fait trois semaines que le Royaume-Uni a été placé sous lock-out [confinement] et cela a
déjà mis en évidence les divisions de classe sans cesse croissantes dans notre société. Gubbi Bola,
expert en santé publique, fait valoir que ce que le virus a le mieux illustré est la relation entre
l’inégalité et la santé en Grande-Bretagne et le mauvais classement des personnes BAME dans les
indicateurs socio-économiques, tels que la pauvreté et la privation – un résultat du racisme insti-
tutionnel de longue date des politiques gouvernementales en matière d’immigration, de logement,
de justice pénale et de protection sociale. Comme la plupart des déterminants de la santé sont
sociaux, il s’ensuit donc logiquement que le fait que la privation socio-économique qui affecte de
1. Le Black South West Network (BSWN) est une association de Bristol qui milite pour l’égalité raciale et mène des recherches sur les
problèmes sociaux et économiques qui affectent les minorités ethniques.
2. Acronyme pour « Black, Asian and Minority Ethnic », Noirs, Asiatiques et autres minorités ethniques.
3. Allusion aux stigmatisations observées envers des Asiatiques qui toussaient dans les rues britanniques.
L’ENVIRONNEMENT HOSTILE
#CharitySoWhite a publié une déclaration appelant à une action contre l’impact inégal du virus
sur les communautés BAME et a abordé les différentes manières dont l’ethnicité, la race et le statut
d’immigration jouent un rôle dans ces disparités. Ce que nous avons, c’est un système d’avantages
conçu pour dissuader les gens de l’utiliser, en particulier si les niveaux de mélanine dans votre peau
sont plus élevés que ceux « d’ici ». Cela est particulièrement vrai pour la part des impôts finan-
çant le NHS (2 200 livres/an pour une famille de quatre personnes) alors que tous les migrants,
y compris ceux qui travaillent pour le NHS, doivent payer en plus des taxes et remet en question
l’idée d’égalité d’accès. L’environnement hostile du gouvernement (illustré le plus récemment par
les déportations en Jamaïque en février de cette année, censé ramener les criminels « violents » là
« d’où ils viennent ») permet et impose directement des attitudes racistes à l’égard des migrants et
des personnes de couleur.
Un récent rapport d’ITV News en octobre 2019 a indiqué que les abus racistes contre le per-
sonnel du NHS avaient presque triplé et montré que les attaques racistes contre le personnel du
NHS avaient augmenté de 145 % en 2018. Les migrants, dont beaucoup n’ont pas les compétences
linguistiques ou les connaissances nécessaires pour négocier les avantages compliqués du système,
doivent naviguer sur un site en ligne sans assistance supplémentaire et souvent disposent d’un accès
médiocre à Internet ou aux ordinateurs – en particulier à cause de la fermeture des bibliothèques
publiques. Par exemple, 30 % de la population de Lawrence Hill, à Bristol, ne parle pas anglais
comme première langue et 7 % ne parlent pas du tout anglais.
PAUVRETÉ ET SANTÉ
Les personnes BAME sont confrontées à des obstacles constants dans l’accès aux soins de santé,
courent un risque plus élevé de développer des problèmes de santé graves et à long terme et sont
donc surreprésentées chez celles qui sont identifiées comme vulnérables au Covid-19. Un tiers des
personnes analysées qui étaient gravement malades étaient des BAME. S’il existe peu de données
sur l’origine ethnique et l’espérance de vie, le lien entre la privation et l’espérance de vie moyenne
est incontestable. Un niveau de privation plus élevé est lié à de moins bons résultats sanitaires et les
rapports montrent systématiquement que les personnes BAME sont beaucoup plus susceptibles de
vivre dans des zones plus défavorisées.
En 2011, par exemple, plus de 50 % des personnes appartenant aux groupes ethniques bangladais
et pakistanais vivaient dans 20 % des zones les plus défavorisées d’Angleterre. À Bristol, 45 % des
enfants du quartier de Hartcliffe sont issus de familles à faible revenu contre moins de 1 % des
enfants dans la plupart des régions de Clifton. Avec plus de la moitié des enfants bangladais et
pakistanais vivant dans la pauvreté, l’impact des fermetures d’écoles sur les familles à faible revenu
qui dépendent régulièrement du repas scolaires gratuits peut être dévastateur, sans parler de l’impact
des annulations certificat général de fin d’études secondaires (GCSE) et du diplôme de fin d’études
(A-level) sur la mobilité sociale des enfants les plus pauvres et de ceux issus de minorités à qui ont
prédit des notes plus basses que les notes qu’ils finissent par atteindre.
CORRESPONDANCE
Cela faisait quelque temps que le fondateur de Cooperation Jackson1 (Mississippi), Kali Akuno,
rencontrait un certain scepticisme quand il demandait que le « mouvement pour le pouvoir noir et
la démocratie » fasse l’acquisition d’imprimantes 3D pour son atelier de fabrication. « La raison, la
voilà », a-t-il déclaré, en faisant référence aux choix politiques de Donald Trump face à la pandémie.
« La mortalité due au virus est beaucoup plus importante dans les communautés noires et marrons
[les Latinos]. Pourquoi ? Parce que les discriminations, le racisme environnemental, les différences de
revenus… mettent en relief les états de santé des personnes. Les inégalités sont une comorbidité. »
[…]
Modestement mais de manière significative, le réseau coopératif de Jackson – la capitale du
Mississippi compte 81 % d’Afro-Américain·es – s’est engouffré dans la brèche ouverte par le retard
au déploiement des capacités de production du pays en matière de matériel médical et de protection.
Les masques étant, selon le collectif, la clé de la protection de la communauté, le « fab-lab » de
Cooperation Jackson a créé une ligne de production de masques. « Nous avions été avertis de la
virulence du virus par des camarades de Milan et de Naples, qui nous avaient indiqué qu’il ne fallait
pas commencer à organiser l’entraide sans avoir de protection. »
Nous savions aussi que le virus était particulièrement mortel chez les personnes souffrant de dia-
bète ou de maladies respiratoires, lesquelles sont particulièrement nombreuses dans le quartier où
nous sommes installés.
Alors que le Mississippi compte plus de 218 000 diabétiques et une mortalité très importante
due à l’asthme […], le gouverneur de l’État, Tate Reeves, a attendu le 1er avril pour décréter le
confinement.
Le 2 avril, le quotidien The Clarion-Ledger rapportait que le chef du département de la santé de
l’État ne voulait pas révéler « le nombre de ventilateurs dont disposait l’État ni les établissements
où l’épidémie sévissait ni le nombre de professionnels de santé infectés. » […] Quant à Jim Craig,
haut-fonctionnaire du département de la santé, s’il admettait qu’il y avait des disparités raciales dans
la diffusion de l’infection, « il ne savait pas pourquoi ». […]
Pour répondre à la situation, le collectif de production coopératif a lancé la production de masques
avec ses imprimantes 3D et ses machines à coudre. La cadence de production a pu augmenter jour
après jour grâce à l’expérience et à une organisation adéquate de la production.
Des vidéos ont été réalisées pour diffuser le savoir-faire en s’appuyant sur le modèle du Do it
Yourself (« Faites-le vous-même ») qui est au cœur de la tradition radicale noire-américaine.
« Nous savons que les pouvoirs publics de ce pays ne travaillent pas vraiment pour nous. Malgré
nos efforts de changer cela, nous ne bénéficions pas souvent des améliorations sociales générales.
[…] Mais quand la société au sens large échoue, quand elle vous abandonne à la merci du marché
à un moment où il n’y a pas d’emplois, comment pouvons-nous survivre ? »
Le collectif Cooperation Jackson fait le pari de s’appuyer sur les capacités propres de production
de la communauté, sachant que si West Jackson se rassemble pour prendre en charge les besoins
1.Voir L’Encyclopédie internationale de l’autogestion, Paris, Syllepse, 2019, vol. 7, p. 56, www.syllepse.net.
2. Le groupe Mondragón Corporacíon, basé au Pays basque, est une organisation unique au monde. Composé d’environ 120 coopéra-
tives dirigées par leurs travailleurs et coordonné par une direction démocratiquement élue, ce groupe a connu une progression insolente
depuis sa création, dans les années 1950.
1) LE CAPITALISME PRIVILÉGIE LE PROFIT SUR LA VIE : NOUS VOULONS INVERSER CETTE LOGIQUE
Cette pandémie et la réponse qu’y donne la classe dirigeante illustrent de manière claire et tra-
gique l’idée qui est au cœur de la théorie de la reproduction sociale : la production de la vie se plie
aux exigences du profit.
La capacité du capitalisme à produire son propre flux vital – le profit – dépend de la « produc-
tion » quotidienne de travailleurs. Autrement dit, elle dépend du processus de création de la vie
qu’il ne contrôle ou ne domine pas entièrement ni directement. Dans le même temps, la logique
de l’accumulation exige de maintenir au plus bas tant les salaires que les impôts qui soutiennent la
production et la préservation de la vie. Il s’agit là de la contradiction majeure qui est au cœur du
capitalisme : il dénigre et sous-évalue précisément celles et ceux qui produisent la vraie richesse
sociale : les infirmier·ères et les autres personnels de santé, les ouvrier·ères agricoles, les ouvrier·ères
des usines alimentaires, les employé·es des supermarchés et les livreur·euses, les collecteur·trices de
déchets, les enseignant·es, celles et ceux qui s’occupent des enfants ou des personnes âgées. Ce sont
les travailleuses racialisées, féminisées, que le capitalisme humilie et stigmatise en leur imposant des
salaires bas et des conditions de travail souvent dangereuses. Pourtant, la pandémie actuelle montre
clairement que notre société ne peut tout simplement pas survivre sans elles. La société ne peut pas
non plus survivre avec des sociétés pharmaceutiques qui se font concurrence pour les profits et qui
exploitent notre droit à rester en vie. Et il est évident que la « main invisible du marché » ne pourra
pas créer et gérer l’infrastructure sanitaire planétaire dont la pandémie actuelle montre bien que
l’humanité a besoin.
La crise sanitaire oblige donc le capital à se concentrer sur la vie et le travail qui la rendent pos-
sible, comme le travail sanitaire, social, la production et la distribution alimentaires. Nous exigeons
que cela reste une priorité après la pandémie, afin que la santé, l’éducation et les autres activités
génératrices de vie soient démarchandisées et rendues accessibles à tou·tes.
1. Le Collectif féministe marxiste se compose de Tithi Bhattacharya, Svenja Bromberg, Angela Dimitrakaki, Sara Farris et Sue Ferguson.
Nous organisons le stream féministe lors des conférences Historical Materialism.
7) LES TRAVAILLEUSES DE LA REPRODUCTION SOCIALE ONT UN POUVOIR SOCIAL : NOUS POUVONS L’UTILISER POUR
RÉORGANISER LA SOCIÉTÉ
Cette pandémie doit être un moment où notre camp propose un programme concret sur la
manière de soutenir la vie plutôt que le profit, en vue de dépasser le capitalisme. Cette pandémie
a déjà montré combien le capitalisme a besoin de personnes pour effectuer le travail social repro-
ductif – salarié et non-salarié – dans les hôpitaux et les travaux d’infrastructure, dans les ménages,
dans les communautés. N’oublions pas cela ni le pouvoir social que détiennent ces travailleuses.
Le moment est venu, en tant que travailleuses de la reproduction sociale, de prendre conscience
du pouvoir social qui est le nôtre, dans nos contextes nationaux, à travers les frontières qui nous
divisent, et dans le monde entier.
Si nous nous arrêtons, le monde s’arrête. Cette prise de conscience peut être à la base de poli-
tiques qui respectent notre travail ; elle peut aussi être au fondement d’une action politique qui
construit les grandes lignes d’un programme anticapitaliste renouvelé dans lequel ce n’est pas le
profit mais la vie qui anime nos sociétés.
14 avril 2020
Spectre, traduit par Acta
DE LA SORTIE DE CRISE
ALAIN BIHR1
1. Alain Bihr est l’auteur de la trilogie, Le Premier âge du capitalisme (1415-1763), Lausanne/Paris, Page 2/Syllepse, 2018-2019.
2. Merci à Roland Pfefferkorn et Yannis Thanassekos de m’avoir permis, par leurs suggestions et remarques, d’améliorer la version pri-
mitive du texte que je leur avais soumise.
3. Le pompon en la matière revient incontestablement aux autorités de la République populaire de Chine, épicentre de la pandémie,
qui en ont nié l’existence, alors qu’elle n’en était encore qu’à l’état d’épidémie, du 17 novembre 2019 (date à laquelle un premier cas est
signalé à Wuhan, en Chine centrale) jusqu’au 20 janvier 2020, allant même jusqu’à arrêter début janvier pour « propagation de fausses
nouvelles » le Dr Li Wenliang, qui avait lancé l’alerte et qui décédera victime du coronavirus le 7 février.Voir www.lemonde.fr/interna-
tional, 6 avril 2020.
4. Actuel Premier ministre libéral-conservateur des Pays-Bas.
5. Actuel Premier ministre social-démocrate de la Suède.
6. Au 15 avril 2020,Taïwan n’a ainsi enregistré que six morts sur une population de quelque vingt-quatre millions d’habitants. À la même
date, la Corée du Sud compte 222 morts pour quelque cinquante-et-un millions d’habitants.
7. On trouvera un panel d’exemples de telles pressions dans « Éphéméride sociale d’une épidémie », Covid-19 : un virus très politique,
p. 49-95, www.syllepse.net, édition du 30 mars au 13 avril 2020.
8. Ces injonctions contradictoires et la recherche de leur difficile (voire impossible) solution sont même au cœur de toute une réflexion
d’économistes anxieusement penchés au chevet de l’économie capitaliste en berne ; voir Michel Husson, « Sur l’inanité de la science
économique officielle : de l’arbitrage entre activité économique et risques sanitaires », alencontre.org, 14 avril 2020.
9. Voir « Introduction générale au devenir-monde du capitalisme », La Préhistoire du capital, Lausanne, Page 2, 2006, p. 9-90, http://clas-
siques.uqac.ca.
10.Voir Kim Moody, « How “just-in-time” capitalism spread Covind-19.Trade roads, transmission, and international solidarity », https ://
spectrejournal, 8 avril 2020.
11. Y compris au sein de l’Union européenne, au sein de laquelle l’intégration des États-nations en un bloc continental d’États s’est
avancée le plus loin, au point de servir d’exemple (sinon de modèle) à d’autres tentatives du même ordre : le Mercosur en Amérique
latine, la CDEAO (la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest) ou encore l’Anase (Association des nations de l’Asie du Sud-Est).
Il suffit de voir comment l’Italie a été abandonnée à son sort (pendant des semaines, elle a reçu plus d’aide de la Chine, de la Russie et
même de Cuba que des autres États membres de l’UE !) et les querelles de chiffonniers qui opposent aujourd’hui les États européens
pour l’acquisition du matériel de base, par exemple les masques (L’Express, 1er avril 2020).
maladie de Creutzfeldt-Jakob) et surtout les empiétements destructeurs sur certains milieux fores-
tiers tropicaux et autres biotopes naturels, du fait de la pression exercée sur eux par l’agriculture
et notamment l’élevage, l’industrie extractive, la concentration et la diffusion urbaines, l’extension
des réseaux de transports routiers, le développement du tourisme de masse, la création de parcs
animaliers, etc. Ces empiétements favorisent la virulence de certains microbes (bactéries, virus,
parasites) et leur transmission d’espèces animales, sur lesquelles elles peuvent être bénignes, à l’es-
pèce humaine, sur laquelle ils sont ou deviennent pathogènes, d’autant plus que cette transmission
s’accompagne souvent de leur mutation : le lentivirus du macaque est ainsi devenu le VIH12. Sans
compter que les risques de morbidité du Covid-19 se trouvent visiblement accrus par toute une
série de maux engendrés véhiculés par la « civilisation » capitaliste (sédentarité, surpoids et obésité
liés à la malbouffe, pollution atmosphérique, résistance bactérienne aux antibiotiques du fait de la
surconsommation de ces derniers…) Dans ces conditions, la récurrence accélérée au cours des der-
nières décennies de ce type de pathologies, pouvant prendre un caractère pandémique, s’explique
et fait craindre que la pandémie actuelle ne soit qu’un signe avant-coureur de ce qui nous attend si
nous ne mettons pas fin à cette course à l’abîme dans laquelle le capitalisme nous a engagés.
3. À l’heure qu’il est, il est évidemment difficile et, pour partie, aventureux de tenter de prévoir
ce qui va se passer une fois que la pandémie actuelle aura été jugulée – si elle peut l’être. Car
tout dépendra de l’état démographique, économique, social, politique, psychique… des formations
sociales qu’elle aura affectées. État qui variera d’abord en fonction de la durée de celle-ci et de
l’efficacité des stratégies socio-sanitaires mises en œuvre pour la juguler. Cet exercice de prospective
est néanmoins nécessaire si nous ne voulons pas subir une nouvelle fois les événements.
Tout exercice de ce genre conduit à distinguer différents scénarios. En présupposant que le rap-
port de force entre capital et travail constituera le facteur clé de ce qui se produira alors et même
d’ici là, il est possible de distinguer trois scénarios, entre lesquels des combinaisons partielles ne
sont évidemment pas exclues. Ces scénarios doivent se comprendre comme des situations stylisées,
en fonction desquelles il doit être possible d’interpréter les événements en cours et ceux qui sont
susceptibles de se produire dans les prochains mois mais que, inversement, ces événements doivent
conduire à préciser et infléchir au fur et à mesure de leur avènement. Ils ne fourniront donc des
clefs d’intelligibilité qu’à cette condition d’en faire usage avec souplesse.
12.Voir Sonia Shah, « Contre les pandémies, l’écologie », Le Monde diplomatique, mars 2020 ; et Serge Morand, « Alors que la biodiversité
s’éteint progressivement, les maladies infectieuses et parasitaires continuent d’augmenter », alencontre.org, 18 mars 2020.
13. En France, la loi de finances rectificative votée par le Parlement mi-mars a porté cette garantie à la hauteur de 300 milliards d’euros
14.Voir Michel Husson, « Le grand bluff de la robotisation », alencontre.org, 10 juin 2016 : repris dans http://hussonet.free.fr/robobluff.pdf.
15. www.lemonde.fr.
que de la contraction des recettes fiscales liées à la panne d’une partie de cette même « économie »
(notamment du côté de l’impôt sur le capital et des impôts indirects taxant la consommation)17, en
provoquant un surcroît de déficit public18, couvert comme d’habitude par recours à l’emprunt. D’où
d’ores et déjà une brusque hausse des taux d’intérêt sur les emprunts publics auparavant orientés à
la baisse, même nuls dans certains cas, que les principales banques centrales ont tenté de prévenir et
limiter par une nouvelle vague de quantitative easing19. D’où aussi la relance de projets d’eurobonds
(surnommés en l’occurrence covibonds) : d’émissions de titres de crédit par l’ensemble des États de
l’Union, par le biais de la BCE, revenant donc à mutualiser ce surcroît de dettes publiques pour venir
en aide aux États membres les plus affectés par la pandémie dont les conditions d’emprunts sur les
marchés financiers sont aussi les moins favorables (Italie, Espagne, Portugal) ; ce qu’ont refusé, pour
l’instant, comme à l’ordinaire l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche et la Finlande, faisant prévaloir
leur souveraineté nationale sur une opération qui aurait représenté un pas en avant sur la voie de la
constitution d’un État fédéral européen20.
Dans la perspective de ce premier scénario, cette dégradation des finances publiques aurait pour
conséquence à peu près certaine le redoublement de la politique austéritaire précédemment prati-
quée par les gouvernements, impliquant aussi bien une hausse des impôts et des cotisations sociales
portant sur le travail et la consommation finale qu’une baisse des dépenses publiques, partant des
coupes claires dans les budgets affectés à la couverture des besoins sociaux les plus élémentaires :
logement, transport, éducation et même santé. Car la crise que nous subissons actuellement du
fait de décennies de sous-investissement public sanitaire pourrait ne pas infléchir les orientations
antérieures en la matière, si l’on en juge, par exemple, par l’étude que vient de remettre la Caisse
des dépôts et consignations, laquelle envisage de s’en remettre à des partenariats public-privé pour
pallier le défaut d’investissements publics dans les hôpitaux21. Ou si l’on s’en remet aux déclarations
du directeur de l’Agence régionale de santé de la région Grand-Est, selon lesquelles une fois la pan-
démie passée il y aura lieu de poursuivre le plan d’économies prévu pour l’hôpital de Nancy en y
supprimant 598 emplois et 174 lits22 ! Même orientation aberrante en Suisse, où, en pleine crise du
Covid-19, le conseil fédéral planifie une diminution des recettes des hôpitaux de 5 à 600 millions
de francs au minimum23.
16. France : 45 milliards d’euros d’aides économiques et sociales sous forme de reports d’impôts et de cotisations sociales, de fonds de
soutien aux PME, de prise en charge partielle du régime de chômage technique, de maintien des indemnités de chômage échues en
mars… Annoncées le 17 mars, ces aides ont été portées à 100 milliards d’euros le 9 avril.
17. En France, la loi de finances rectificative votée par le Parlement mi-mars a chiffré cette baisse à quelque 10,7 milliards d’euros.
18. En France, selon la loi de finances rectificative votée par le Parlement mi-mars, le déficit budgétaire passerait ainsi en 2020 de 2,2 %
à 3,9 % du PIB. Mais, dès le 10 avril, le déficit prévu est chiffré à 7,6 % du PIB (du jamais vu !), ce qui porterait la dette publique à 112 %
du PIB : www.lesechos.fr, 9 avril 2020. Mais la vertueuse Allemagne ne fait pas mieux : le Bundestag a voté une rallonge budgétaire de
156 milliards d’euros, représentant une hausse du budget fédéral de 43 % et portant le déficit budgétaire prévisible sur l’année à 4,3 %
du PIB, pulvérisant du même coup le dogme de l’équilibre budgétaire pratiqué depuis cinq ans ; voir www.lesechos.fr, 28 mars 2020.
19. Le quantitive easing (assouplissement quantitatif) consiste en des opérations d’achat massif d’obligations (titres de crédit) d’États sur le
marché boursier, ce qui a pour effet de faire baisser les taux auxquels les États peuvent accéder à de nouveaux prêts. La Banque centrale
européenne (BCE) a ainsi annoncé qu’elle s’apprête à racheter des titres de dettes publiques pour un montant de 750 milliards d’euros
et la Fed (la Banque centrale états-unienne) pour un montant de 1 500 milliards de dollars. Ce n’est en somme qu’une nouvelle forme
de la vieille pratique consistant à « faire fonctionner la planche à billets » : à émettre de la monnaie sans contrepartie de production de
valeur, avec des risques évidents d’inflation.
20. Seule a été envisagée la mise en œuvre du Mécanisme européen de stabilité (MES) dont l’activation est subordonnée à la mise en
œuvre de politiques d’austérité budgétaire, alors que c’est tout le contraire qui devrait être à l’ordre du jour.Voir Marco Parodi, « Le virus
de l’Union européenne et le faux vaccin du comte Dracula », alencontre.org, 10 avril 2020.
21.Voir Laurent Mauduit et Martine Orange, « Hôpital public : la note explosive de la Caisse des dépôts », Mediapart, 1er avril 2020.
22.Voir https://france3-regions, 5 avril 2020. Ce directeur a été limogé le 8 mars.
23.Voir alencontre.org, 7 avril 2020.
24. « Nos observations sur l’état d’urgence sanitaire », www.syndicat-magistrature.org, 23 mars 2020.
25.Voir à ce sujet l’article « Crise » dans Alain Bihr, La Novlangue néolibérale : la rhétorique du fétichisme capitaliste, Lausanne/Paris, Page 2/
Syllepse, 2017.
entière, la poursuite des politiques néolibérales en aurait d’autant moins cure qu’elles sont par
définition totalement aveugles aux « externalités négatives » du procès capitaliste de production26.
Autrement dit, la réalisation d’un pareil scénario ouvrirait grandes les portes à la réédition à court
ou moyen terme de pareilles crises, y compris à plus vastes échelles encore.
26. Une externalité négative est une nuisance ou dommage produit par un agent économique et dont celui-ci n’a pas à assumer le coût.
27.Voir Bruno Canard, « En délaissant la recherche fondamentale, on a perdu beaucoup de temps », L’Humanité, 19 mars 2020.
28.Voir https://oip.org/covid19-en-prison-lessentiel/, 9 avril 2020.
29.Voir www.defenseurdesdroits.fr, 23 mars 2020.
30.Voir www.lesechos.fr, 2 avril 2020.
31. Les exemples précédents sont empruntés au cas français. Mais les mêmes orientations peuvent se décliner dans les différents États en
fonction des spécificités de leur système de prélèvements obligatoires.
32. Ou continental, dans le cas de la formation d’un bloc d’États continental reprenant à son compte les orientations ici déclinées, par
exemple dans le cadre de l’Union européenne.
33. Car il n’est pas normal qu’un État (la France ou n’importe quel autre) soit devenu dépendant pour son approvisionnement en
médicaments et en matériels de première nécessité de chaînes transnationales que son appareil sanitaire ne contrôle plus, avec pour
conséquence de fréquentes pénuries, perceptibles bien avant l’actuelle pandémie.Voirr RFI, 6 mars 2020.
34. Voir Alain Lipietz, Green Deal. La crise du libéral-productivisme et la réponse écologiste, Paris, La Découverte, 2012 ; Naomi Klein, Tout
peut changer : Capitalisme et changement climatique, Arles, Acte Sud, 2015 ; Naomi Klein, Plan B pour la planète : le New Deal vert, Arles, Acte
Sud, 2019. Pour une approche critique de cette thématique, voir John Bellamy Foster, « Écologie. En feu, cette fois-ci », alencontre.org,
19 décembre 2019.
35. Symptomatiquement, les deux candidats à l’investiture démocrate pour les prochaines élections présidentielles aux États-Unis qui se
référaient sérieusement au Green New Deal, Bennie Sanders et Elizabeth Warren, ont été éliminés de la course.
36. https://eelv.fr, 11 avril 2020.
37. https://eelv.fr/audition-par-le-premier-ministre, 11 avril 2020.
38. La contribution de la Convention citoyenne pour le climat au plan de sortie de crise, www.conventioncitoyennepourleclimat.fr,
9 avril 2020.
39. « Lettre ouverte de Philippe Martinez au au président de la République », www.cgt.fr, 7 avril 2020.
40. Allocution du 12 mars 2020.
41. www.leparisien.fr, 6 avril 2020.
résoudre la contradiction entre la nécessaire reproduction élargie du capital (son accumulation), qui
ne connaît pas de limite, et les limites de l’écosystème planétaire. Pour le dire autrement et plus
simplement, il peut y avoir des capitaux verts mais pas de capitalisme vert42. Sous ce rapport aussi,
le capitalisme a sans doute atteint ses limites et le réformisme avec lui. Et, s’il devait se produire, le
tournant néo-social-démocrate aurait de ce fait toute chance de nous engager dans une impasse à
moyen terme.
42. Daniel Tanuro, L’Impossible capitalisme vert, La Découverte, 2012 ; et l’article « Capitalisme vert », dans La Novlangue néolibérale, op.cit.
43. Pour de nombreux exemples de tels mouvements un peu partout dans le monde, voir là encore « Éphéméride sociale d’une épidé-
mie », op.cit.
44. Ce qu’est l’appareil de production capitaliste en dépit du fait qu’il repose sur la propriété privée des moyens de production. Ce
double caractère, propriété privée + production sociale, fait d’ailleurs partie des contradictions fondamentales du procès immédiat de
reproduction du capital.
45. Il est vrai que la plupart de ces reconversions, pas toutes cependant, se sont produites à l’initiative des directions capitalistes, tant il
est vrai que la valorisation du capital est indépendante de la nature des marchandises produites. Il n’est pas moins vrai qu’elles n’ont pu
avoir lieu sans le savoir et le savoir-faire des travailleurs et travailleuses de la base, augurant ainsi de la capacité de pareilles reconversions
sous leur direction.
46. Les Amap (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) regroupent des petits producteurs agricoles et des consomma-
teurs dans des circuits de distribution courts, dans le but de préserver et de développer une agriculture socialement, équitablement et
écologiquement saine et durable.
47.Voir l’appel « Covid-Entraide » reproduit dans Covid-19 : un virus très politique, op. cit., p. 132, www.syllepse.net.
48. « Les satellites ont déjà mesuré les changements en Chine, où le suivi de la NASA (National Aeronautics and Space Administration)
a montré que les émissions de dioxyde d’azote ont diminué de 30 % en février 2020 », alencontre.org, 19 mars 2020.
permet d’entendre à nouveau le souffle du vent dans les frondaisons et les chants d’oiseaux. Baisse
de la pollution publicitaire sur les ondes. Quasi-disparition de la pollution de la communication
téléphonique du fait de la fermeture des centres d’appels. Autant de manifestations in vivo que l’on
vit mieux sans le capitalisme, dont seules les mesures de confinement qu’il continue à nous imposer
nous empêchent de profiter pleinement.
Bref, de multiples manières, la crise actuelle ouvre des brèches dans le système des rapports, des
pratiques et des représentations par lesquels s’exerce ordinairement la domination du capital, avec
son inévitable lot de nuisances, qui laissent clairement apercevoir qu’un autre monde est possible et
qu’il est même nécessaire et souhaitable, dès lors que cette domination fait faillite, comme c’est en
bonne partie le cas actuellement. Ce sont précisément ces brèches que, dans la perspective de ce
troisième scénario, il va falloir chercher à élargir à la faveur des luttes en cours et qui vont s’exa-
cerber dès lors que les directions capitalistes, gouvernementales et patronales, chercheront à revenir
au statu quo ante.
Ces luttes vont avoir pour premier enjeu les conditions dans lesquelles va s’opérer la reprise de la
production. Alors que le coronavirus responsable de la pandémie n’aura pas été totalement éradiqué
et en l’absence de tout vaccin, les travailleurs et travailleuses vont devoir se battre pour imposer
que cette reprise se fasse aux conditions qu’ils et elles sont parvenu·es à imposer jusqu’à présent :
distinction entre les activités socialement nécessaires et le reste, sécurisation des espaces de travail
(chantiers, ateliers, bureaux) avec strict respect des normes de sécurité (distance, port de gants et de
masques, désinfection des locaux…), mesures qu’il faudra étendre plus largement à l’ensemble de la
population, qu’elle soit active ou non. Ils et elles vont de même devoir se battre contre les tentatives
d’aggraver leur exploitation en augmentant la durée et l’intensité de leur travail pour permettre au
capital d’effacer une partie des pertes (des manques à gagner, de la baisse des profits et des taux
de profit) qu’il aura enregistrées durant la crise, moyennant la suspension ou même la suppression
des dispositifs du Code du travail à ce sujet : dans une situation où le chômage aura augmenté du
fait de la faillite d’un grand nombre d’entreprises, le mot d’ordre « travailler moins pour travailler
tou·tes, tout en travaillant autrement » sera plus que jamais à l’ordre du jour. Autrement dit, s’il faut
se retrousser les manches pour regagner le terrain perdu, que cela se fasse sous forme d’embauches
massives, permettant une diminution du temps de travail pour chacun·e, et non pas sous celle d’un
surcroît d’exploitation des seul·es salarié·es en emploi. Dans le même ordre d’idées, il va leur falloir
imposer que les revenus des actionnaires (dividendes) et ceux des managers (leurs sursalaires) soient
rognés ou même abolis pour faire face aux difficultés des entreprises et mis à profit pour relancer
les investissements. Enfin, pour pallier la vague de faillites et de licenciements collectifs qui résultera
presque à coup sûr de l’arrêt prolongé de la production, les travailleur·euses devront se mobiliser
pour imposer la socialisation, sous leur contrôle, des entreprises dont la production sera considé-
rée comme socialement nécessaire, rendant du même coup la distinction précédente d’autant plus
opératoire.
En second lieu, il n’est pas question d’oublier les enseignements de la présente crise. Au contraire,
il s’agira d’en tirer les conséquences et quant à la réorganisation nécessaire de l’appareil de produc-
tion et quant aux orientations des dépenses publiques. La priorité est de reconstituer un appareil sani-
taire impliquant notamment : l’annulation de la dette des hôpitaux publics ; l’arrêt des subventions
49.Voir « Coronavirus : l’effet du confinement (et son impact sur la pollution en Europe) se voit aussi depuis l’espace », www.20minutes.
fr, 1er avril 2020.
50.Voir « Coronavirus en Inde : l’Himalaya vu à 200 kilomètres de distance grâce… à la baisse de la pollution », www.20minutes.fr, 9 avril
2020.
51. Pour un inventaire plus détaillé, voir « Pour une socialisation de l’appareil sanitaire », alencontre.org, 18 mars 2020.
52. Voir des propositions plus détaillées dans Sam Gindin, « Perspectives socialistes : le coronavirus et la présente crise », alencontre.org,
13 avril 2020 et dans Covid-19 : un virus très politique, op. cit., 4e édition, p. 53, www.syllepse.net.
53. Voir à ce sujet l’article « Dette publique », dans La Novlangue néolibérale, op.cit. C’est également la position défendue par François
Chesnais : « L’occasion historique s’ouvre de faire pas seulement de la suspension du paiement des dettes publiques, mais de leur annula-
tion, une revendication commune aux pays industriels avancés impérialistes et aux pays à statut économique colonial et semi-colonial. Il
était inévitable que le poids des dettes publiques des pays avancés donne lieu, avec l’aggravation de la crise, à la question de leur légitimité
et la nécessité de leur annulation/répudiation », alencontre.org, 12 avril 2020.
laire » sur la production (sa finalité et ses modalités : que doit-on continuer à produire ? que faut-il
maintenir ? que faut-il abandonner ? que faut-il réquisitionner ? à quelles conditions ?) pour imposer
sa réorganisation dans le cadre d’une planification démocratique orientée en fonction de la défini-
tion des besoins sociaux.
En conclusion, il s’agit de ne pas laisser se perdre ce que cette crise nous aura appris : la nécessité
et l’urgence de sortir du capitalisme… et la possibilité d’y parvenir. Nécessité et urgence qui s’ali-
mentent tout simplement au constat que, au stade actuel de son développement, le capitalisme est
voué de plus en plus à n’engendrer que la mort : la mort biologique qu’enregistre la sinistre comp-
tabilité de la croissance quotidienne des victimes de la pandémie actuelle, en attendant que, demain,
l’aggravation de la catastrophe écologique ne nous confronte à bien pire encore ; mais aussi la mort
sociale à laquelle sont condamné·es les rescapé·es par le confinement et la suspension (pour com-
bien de temps encore ?) des libertés individuelles et collectives, à laquelle ils et elles se soumettent
en espérant que la Grande Faucheuse ne les rattrapera pas, contraint·es en attendant pour certain·es
de vivre comme des rats ; quand ce n’est pas la mort psychique pour ceux et celles qui ne trouvent
pas en eux et elles les ressources permettant de faire face à ce type d’épreuve et qui sombrent dans
la dépression ou recourent au suicide.
Depuis un siècle, combien de fois n’a-t-on pas répété la formule d’Engels reprise par Rosa
Luxemburg : socialisme ou barbarie ? Il est temps de prendre conscience que l’alternative est
aujourd’hui beaucoup plus radicale : elle est tout simplement entre le communisme et la mort.
15 avril 2020
À l’encontre
Naomi Klein parle de la doctrine du choc ou du capitalisme du désastre pour expliquer comment
les entreprises multinationales dans des situations de catastrophe en profitent pour faire des affaires :
à La Nouvelle-Orléans avec Katrina, ou au Sri Lanka avec le tsunami. Lors de la dernière plénière,
nous vous avons demandé d’être courageux, de défendre le bien commun, le bien public, les gens
simples, de distribuer les richesses surtout. Mais vous êtes en train de faire une gestion de la crise
digne du pire des capitalismes du désastre, qui profite de la peur, du choc et de l’incertitude pour
laisser faire les rapaces des banques et des grandes entreprises.
M. le Président, vous avez dit que ce n’est pas le moment de s’affronter publiquement. Au
contraire, c’est le moment de l’affrontement politique car c’est notre vie qui est en jeu, beaucoup
de vies. Vous avez décidé de défendre une raison d’État dans laquelle les banques gagnent toujours.
Premièrement, en mettant fin au confinement obligatoire des secteurs non essentiels pour la vie
alors que nous comptons plus de 15 000 morts [le 9 avril]. Nous comprenons que cela vient d’un
diktat de l’Ibex2, comment comprendre ça autrement.
1. Intervention de Mireia Vehì, députée de la CUP (Candidature d’unité anticapitaliste), devant les Cortès, réunies le 9 avril 2020 pour
valider une série de décrets sur le monde du travail, dont celui prévoyant la reprise des secteurs économiques non essentiels dès le 14 avril.
2. Le CAC 40 espagnol.
3. Elles sont pour beaucoup privées.
4. Député d’Unidas-Podemos.
ni mémoire, des consensus sans les droits des travailleurs, sans que les syndicats aient eu voix au
chapitre, et ils ouvrirent la porte au néolibéralisme.
5. Date de la Constitution qui mit fin à la transition politique, après la mort de Franco, sur un consensus et sans toucher à l’appareil
franquiste.
6. Accusés d’avoir attaqué un fourgon des Mossos à Gérone en octobre 2019.
Fabienne a résumé « Les travailleuses en première ligne dans la lutte contre le coronavirus », China
Labour Bulletin. En regard avec la situation actuelle de nos hôpitaux, mais avec des conditions sani-
taires encore plus graves, décrites dans les hôpitaux de trois villes chinoises, le personnel hospitalier
très majoritairement féminin a été mis à très rude épreuve sans protection et avec un taux important
de contaminations suivis de décès. Et surtout, les soignantes ont eu à subir une révoltante invisibilité
puisque ce sont les hommes qui ont été honorés, même symboliquement, par le gouvernement.
Les syndicats officiels ne les ont pas soutenues dans leurs revendications de protection élémentaires.
Gilles a présenté « Les grèves du coronavirus et leurs enjeux ». Cet article de Dan La Botz porte sur
les grèves sauvages aux États-Unis. Il interroge l’action syndicale en cette période de « distanciation ».
Selon l’auteur, pas de grèves massives mais des grèves révélatrices car se déroulant dans plusieurs
États, différents secteurs et tailles d’entreprises. Des travailleuse·eurs quittent leurs postes de travail
pour défendre leur santé et leur sécurité sans responsables syndicaux à la manœuvre. Ces grèves
éclatent, à la base, en l’absence de syndicats ou de responsables syndicaux combatifs. Elles seraient
l’expression d’une volonté de reprise du pouvoir des travailleuses·eurs sur la production et sur leurs
syndicats. Cela a déjà eu lieu, lors d’autres crises, notamment dans les années 1930 (dans le privé) et
1960-1970 (enseignant·es et fonctionnaires). Elles ont été à l’origine de la création de syndicats ou
ont secoué des syndicats peu combatifs. Les salarié·es se rendant compte de leur pouvoir élargissent
leurs revendications. Elles devraient continuer, peut-être sous d’autres formes, mais risquent d’être
générale qui renverserait le capitalisme, si elles continuent à grande échelle, elles pourraient changer
la direction de syndicats pour en faire des organisations combattantes de la classe ouvrière. Le texte
participe à étayer la réflexion sur la nécessité d’articuler actions à la base et regroupements pour
peser au-delà de l’entreprise, pour bousculer le syndicalisme institutionnalisé peu en phase avec la
lutte de classe et pour renforcer l’internationalisme syndical car le capitalisme est mondial.
Yasmin a présenté « Sur la nécessité d’alternatives créatives et à long terme » de Vilkap Sangam,
une plateforme indienne de plus de 50 mouvements regroupant des individus qui travaillent « sur
des projets justes, équitables et durables pour le bien-être humain et écologique ». Des mesures à
long terme y sont proposées, notamment un moratoire sur les détournements des écosystèmes natu-
rels à des fins d’exploitations minières et commerciales, sur le soutien prioritaire au système de santé
communautaire et au secteur de la santé publique, la promotion d’une conception écologique des
moyens de subsistance et de l’agriculture, le renforcement de l’autonomie locale, populaire, écono-
mique et démocratique. Il suggère aussi de repenser les agglomérations urbaines et semi-urbaines.
Le texte interpelle car on découvre que dans ce pays qui souffre énormément, des solidarités, des
formes d’unité sociale se construisent malgré tout, notamment dans le secteur de la santé (où la
pratique des soins naturels avec des plantes est une solide tradition), pour les besoins de base, pour
renforcer une économie locale.
Bernard a présenté « Comment l’élite mondiale va tenter d’exploiter la pandémie2 », traitant de la
« stratégie du choc » par Naomi Klein en 2007. La crise est l’occasion de faire passer des politiques
impopulaires dévoilant ce capitalisme catastrophe déjà expérimenté aux États-Unis lors de la crise
de 1929, pour faire payer aux travailleurs la propre incurie du système, des solutions calculées et
de libre marché qui exploitent et exacerbent les inégalités existantes. But suivi par George W. Bush
avec les guerres en Afghanistan et en Irak. Le choc est traité de manière à maximiser la confusion et
à minimiser la protection. Donald Trump met en place un plan de relance de 700 milliards de dollars
qui comprend des réductions de charges sociales (plan qui dévastera la sécurité sociale). Aujourd’hui
le Covid-19, c’est l’arbre qui cacherait la forêt de la crise financière et économique qui couvait. La
solution du New Deal ne suffira pas à calmer le jeu.
Christophe a présenté « Le jour d’après a déjà débuté » de Patrick Silberstein. Cet article revient
sur le but de l’initiative des éditions Syllepse : « Montrer les mille et une façons dont le mouvement
social, dans sa diversité, en France et dans le monde, réagit pour faire face à la fois au virus, aux
carences majeures de l’État et des fondés de pouvoir du capitalisme, au patronat, en construisant des
solidarités et des réponses faisant la démonstration pratique de la nocivité des politiques néolibérales
et de la possibilité d’une autre gestion de la société. » Après avoir décrit de nombreux exemples
concrets de résistances et alternatives possibles, il affirme : « Il est plus que temps que nous disions
à la société que ses affaires ne peuvent être bien traitées que par elle-même. Pour cela, il nous faut
articuler engagement direct dans la bataille sanitaire, alternative, contrôle et autogestion. La crise
sanitaire (sans parler des autres) nous fournit, si je puis dire, l’occasion de faire une critique pratique
du pouvoir capitaliste. »
Marie-Pierre a sélectionné dans l’Éphéméride internationale du 6 au 13 avril, des exemples
concrets de résistances dans les entreprises en France et en Guadeloupe : une interpellation par
l’intersyndicale de la préfète de l’Orne pour lui demander d’assurer la protection des personnels
exposés et de mettre en œuvre la reconnaissance des contaminations comme accident du travail ;
2. zintv.org/naomi-klein.
Le décret du 29 mars donne tout pouvoir de négociation à l’entreprise pour que le travailleur
récupère ses heures. S’il n’y a pas un accord entre le salarié et l’entreprise, ce décret donne le dernier
mot à l’employeur. Hier, j’ai lu le communiqué des CCOO regrettant que le patronat catalan ne
soit pas décidé à négocier un accord ! Un peu tard, non ? Où étaient-ils lorsque le décret du 29 mars
a été adopté concédant le dernier mot aux patrons ? Évidemment, les patrons ne veulent pas d’ac-
cords : ils n’en ont pas besoin. En l’absence d’accord, ce sont eux qui commandent.
1. Marc Sallas est un des porte-parole de l’intersyndicale CSC (Confédération syndicale catalane), syndicat indépendantiste fondé en
1990.
2. Travailleurs contraints de facturer à leur compte.
et avalé ses anciennes compétences dans le domaine de la santé. Tout comme dans le domaine éco-
nomique, du travail, de la sécurité sociale…
Le statut [d’autonomie] lui donne des compétences dans l’emploi mais elles ont été recentralisées
[à Madrid]. Le statut lui donne des compétences dans le domaine de l’inspection du travail mais le
gouvernement [de Catalogne] ne peut même pas organiser un concours pour recruter des inspec-
teurs du travail. Alors qu’il nous faudrait aujourd’hui une bonne inspection du travail. Nous avons
essayé de faire bouger les choses chez nous, sans succès. Tout est saturé, bloqué. C’est dramatique.
Mais c’est la Generalitat qui décide, en fin de compte, si une entreprise peut lancer un
ERTO3, non ?
[…] La plupart des ERTOS sont validés si l’administration ne se manifeste pas. Tout ça est donc
bien une mauvaise farce. Nous n’avions pas d’instruments, en tant qu’État [catalan] pour affronter
cette crise. Et ça va nous coûter cher. Après la crise sanitaire, ce sera la crise économique. Avec des
situations dramatiques.
Un exemple. L’article 41 du Statut des travailleurs [l’équivalent du Code du travail adopté et
modifié par décrets] : si les conditions économiques sont substantiellement modifiées à un instant T,
le patron peut modifier unilatéralement un contrat de travail. Tu veux continuer de bosser ? Eh bien,
tu toucheras 300 euros de moins…
Évidemment, ce sera un sujet chaud. La grosse crise qui nous guette viendra aussi de ce genre de
dispositions légales. […] Imaginez-vous une récession du PIB de 6 % en Espagne, où on n’ose même
plus faire de calculs ! La question, c’est qui va payer tout ça ? L’État en a-t-il les moyens ? Qui sera
le gentil bienfaiteur qui prêtera de l’argent à l’Espagne, endettée comme elle est ? J’insiste : pourquoi
l’Espagne casse son alliance avec l’Italie au lieu de faire un front du Sud ? Même Der Speigel, qui en
2008 n’a fait preuve d’aucune compassion vis-à-vis de la Grèce, écrit que le Nord devrait être plus
généreux cette fois. Et l’Espagne est incapable de s’allier avec l’Italie ?
Quel jugement portez-vous sur le rôle des organisations syndicales durant cette
pandémie ?
Un détail : la ministre du travail espagnole vient des CCOO4 et le ministre (conseller) catalan du
travail, de l’UGT5. As-tu entendu une quelconque critique forte de la part des grands syndicats à
ce qui se fait actuellement ? Non, ils ont applaudi toutes les mesures. Et ce sont eux qui ont 90 %
des mandats syndicaux en Catalogne ! […] Pourquoi l’appareil syndical majoritaire après la tran-
sition finit-il toujours par déprécier les ouvriers ? Pourquoi parlent-ils aujourd’hui des pactes de
la Moncloa ? Ceux-ci, entre autres, avaient réduit le pouvoir des travailleurs. Le PCE et le PSOE
En termes de santé publique, c’est une aberration. Priorité aux finances de certains ou à la vie de
tous ? Ensuite, comment vont faire ceux qui ont des enfants si les écoles sont fermées ? Et je suis sûr
qu’elles le seront. Tout semble très mal conçu.
Quelles anomalies avez-vous relevées, dans cette crise, dans le monde du travail ?
Nous avons découvert des mesures de chômage technique dans les entreprises qui travaillent sur…
les risques professionnels. Les boîtes qui devraient contrôler si les distances de sécurité sont res-
pectées mettent leur personnel au chômage technique ! Ce sont elles qui devraient être mobilisées
et elles renvoient leurs employés chez eux. Voilà le genre de désastre que provoque le gouverne-
ment espagnol avec ses directives et son organisation. Certaines entreprises présentent un ERTO
le 30 mars daté du 14 mars, et celui-ci est validé par la non-réponse de l’administration. Résultat :
ils ont fait bosser leurs salariés deux semaines et nous, nous allons payer quinze jours de salaire.
Tout cela montre la mauvaise planification de l’entrée et de la sortie de crise. Y a-t-il un État fort
pour planifier l’entrée et la sortie de crise ou pas ? Non, en Espagne, non. Et aujourd’hui, cela a été
démontré.
Propos recueillis par Andreu Barnils
Vilaweb, 11 avril 2020
COLLECTIF1
Nous publions une lettre ouverte qui est le fruit d’un travail collectif de discussion
et de confrontation au sein du groupe LED (Libraires, éditeurs et distribution en
ligne) en espérant contribuer à un débat constructif sur la réouverture des librairies
prévue en Italie pour le 14 avril.
Le nouveau décret annoncé par le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, prévoit, dès le
14 avril, la réouverture des librairies, celles-ci étant largement reconnues comme des lieux essentiels
pour l’activité sociale et culturelle de notre pays.
En tant que libraires, cette attention soudaine à l’égard de notre travail nous rend heureux. On
aurait cependant aimé en bénéficier aussi avant la mise en place des mesures gouvernementales de
confinement face à la pandémie et nous aimerions, surtout, continuer à en bénéficier une fois le
confinement terminé. Si les librairies sont des lieux essentiels pour l’activité culturelle de notre pays,
alors cette fonction devrait nous être reconnue de façon structurelle et permanente, à travers une
série de mesures économiques de soutien de notre activité au quotidien.
Tandis que les mesures qui contraignent les gens à rester chez eux et qui mettent en suspens la
mobilité sont toujours en vigueur, on nous demande à nous autres, libraires, et, donc à nos lecteurs
de sortir pour se rendre dans les librairies.
Nous avons tous fait en sorte, tout d’abord en tant que citoyens, de respecter les règles visant à
protéger les autres et nous-mêmes ; nous nous sommes arrêtés et avons réfléchi, en cherchant des
modalités alternatives pour rester en contact, pour ne pas arrêter le travail culturel et, lorsque c’était
possible, assurer la continuité de l’activité.
Nous nous sommes réinventés sur les réseaux numériques, nous avons raconté des livres à dis-
tance, nous avons étudié les bonnes formules pour permettre aux livres d’arriver chez les gens sans
que personne ne soit mis en péril ; nous avons mis en place des modalités telles que les livraisons à
domicile en l’absence d’une règlementation claire et unique, afin de ne pas perdre le contact avec
nos lecteurs.
Si la décision de la réouverture s’est appuyée sur des lettres et des appels se fondant sur la valeur
et le réconfort apporté par les livres, la première question qu’il faut se poser est : à quelles condi-
tions ? Et pourquoi, parmi les signataires de ces appels, les libraires sont-ils les grands absents ?
Nous sommes nombreux à avoir une série de doutes et à être perplexes face à la proposition de
rouvrir les librairies :
n le gouvernement a-t-il donné des indications précises pour la sécurité de notre travail, comme
l’adoption d’un dispositif spécifique ? Si oui, lesquelles ? Le travail du libraire prévoit, en effet, un
temps long de communication en face à face, pratique qui, lorsqu’elle n’est pas réglementée avec
précision, implique dans la période présente des risques évidents sanitaires. Il est de bon usage pour
ceux qui fréquentent les librairies de prendre, toucher, manipuler une grande quantité des livres
disposés sur nos étagères. Le gouvernement a-t-il élaboré une procédure pour la désinfection des
minimale, de faire se déplacer tous les libraires d’Italie jusqu’à leur lieu de travail, ainsi que tous nos
lecteurs, à une période où l’on demande aux citoyens italiens de rester chez eux autant que pos-
sible ? Le déplacement vers les librairies implique que les lecteurs sortent de chez eux, prennent leur
voiture ou des moyens de transport public, passent du temps entre les rayons, en touchant des livres
et en cherchant le dialogue avec les libraires. Le choix d’un livre se fait par le biais d’un contact
direct et d’un échange d’idées, sans parler du fait que le livre passe de main en main. Comment
fait-on pour gérer tout cela ?
En dépit de la réouverture des librairies, les mesures de restriction limitant la liberté de mouve-
ments et de circulation des personnes restent en vigueur. Aller acheter un livre sera-t-il considéré
comme une justification valable pour sortir, tout autant qu’aller au supermarché ?
n A-t-on considéré ce que signifie, dans le cadre de la possibilité de se mettre d’accord sur une
réduction convenable de l’encadrement des loyers (art. 1623 c. c), l’intervention d’une disposition
nous donnant la faculté de rouvrir nos activités face à une prévisible et conséquente réduction des
ventes ? L’aide aux librairies, reconnues en tant que lieux de production de culture, ne devrait-elle
pas plutôt prévoir une norme permettant aux propriétaires de nos locaux de bénéficier d’un crédit
d’impôt équivalent à la réduction du prix du loyer qu’ils nous accorderaient ?
n Pourquoi ne pas créer un fonds national ou un partenariat avec les services postaux, s’inspirant
des initiatives actuellement soutenues sur la libre contribution des éditeurs, mais financé par l’État,
afin d’aider les librairies à faire face à la gestion économique des formes de vente alternatives qui
sont à présent mises en place (livraisons Intercités, livraisons à domicile, etc.) ?
Des mesures de protection sociale sont actuellement en vigueur (possibilité de bénéficier du
chômage partiel, accès à des aides publiques, allégements fiscaux) pour contribuer à la soutenabilité
économique des magasins et boutiques. Quelles certitudes avons-nous que de telles mesures seront
maintenues après la réouverture « symbolique » ?
La réouverture des librairies ne peut être considérée comme un geste purement symbolique. Elle
doit se configurer comme une action structurée, gérée dans toute sa complexité, comme cela devrait
d’ailleurs être le cas pour toutes les activités nécessaires à la vie sociale.
Les librairies sont des lieux d’activité culturelle qui vivent en construisant des relations. Ce sont
des lieux ayant un poids dans la création de communautés culturelles et sociales, des espaces qui
créent des débats, qui travaillent à la promotion et à la diffusion de la lecture et de la culture au sens
le plus large, qui organisent des événements et des occasions d’échange. Lorsqu’on sépare une librai-
rie de ces interconnexions, lorsqu’on ne regarde pas l’ensemble des activités qu’elle met en place et
qu’on la réduit à un simple lieu de vente de marchandises, non seulement l’on trahit le rôle qu’elle
joue dans le territoire, mais l’on fait semblant de ne pas voir la différence entre la consommation et
la participation, entre le client et le citoyen.
Nous sommes nombreux à n’avoir pas cessé de travailler, sans pour autant avoir l’assurance d’un
soutien économique. D’autres n’ont pas pu continuer à accomplir leur travail quotidien. Pourtant,
jamais nous n’avons cessé de faire du travail culturel ; nous avons continué à dialoguer avec notre
communauté de lecteurs, en utilisant tous les moyens à notre disposition. Nous n’avons maintenant
aucune intention de nous exposer uniquement dans l’objectif de feindre une « reprise culturelle des
esprits », qui ne pourra avoir lieu que lorsque tous nos corps seront mis en sécurité.
En l’absence de garanties sur les demandes ici exposées, beaucoup d’entre nous se réservent le
qu’il soit possible d’exercer notre travail dans les conditions et avec les protections adéquates.
11 avril 2020
1. Annamaria Cenni, libraia, Genova, 2. Bookish libreria, Roma, 3. Libramente Caffè Letterario, Salerno, 4.
Kublai – Libreria Dolceria, Lucera, 5. Libreria Periferica, Albinia, 6. Colibrì, Milano, 7. Libreria Il pensiero meri-
diano, Tropea, 8. La libreria del Golem, Torino, 9. Libreria Le Notti Bianche, Vigevano, 10. Libreria Fatti di carta,
Noci, 11. Liberamente, Ravenna, 12. Libreria W. Meister & co, San Daniele del Friuli, 13. Stefano Sancio, Cento
Fiori Finale Ligure. Del Conte, Loano, 14. Prinz Zaum, Bari, 15. La Piccola Libreria, Levico Terme, 16. LibrOsteria,
Padova., 17. Libreria Controvento, Telese Terme, 18. I libri di Eppi, Torino, 19. Libreria Virginia e Co., Monza, 20.
Libreria On the road, Montesilvano, 21. Libreria Dovilio, Caltagirone, 22. Libreria Namastè Book and Coffee,
Tortona, 23. Libreria Nina, Pietrasanta, 24. Empatia Libri, Teramo, 25. Libreria Campus, Bari, 26. Libreria Tra Le
Righe, Pisa, 27. la Libreria Volante, Lecco, 28. Francesca Dell’Orso, libraia, Pescara, 29. Il Mio Libro, Milano, 30.
La confraternita dell’uva // Libreria – Cafè – Wine Bar, Bologna, 31. Skribi Parole Suoni Gusto – Conversano,
32. Book Morning – Libreria e Servizi Editoriali, Genova, 33. Libreria Kindustria, Matelica, 34. Libreria Diari di
bordo, Parma, 35. Libreria Fogola, Ancona, 36. Rachele Palmieri, libraia, Roseto degli Abruzzi, 37. Libreria Dante,
Ravenna, 38. Libreria Trebisonda, Torino, 39. Prospero / Enoteca letteraria, Palermo, 40. Barbara Catalano, libraia,
Milano, 41. La libreria Millelibri – Poesia e altri mondi, Bari, 42. Arturo Balostro, libraio, Bologna, 43. Libreria
Ghibellina, Pisa, 44. Gennaro Pecora, libraio, Pomigliano d’Arco, 45. Carla Bosi, libraia, Bologna, 46. Libreria La
Gang del Pensiero, Torino, 47. Libreria 101, Bari, 48. Libreria Pagina dodici, Verona, 49. Libreria nuova macelleria
Patella, Altamura, 50. Libreria Trame, Bologna, 51. Todo Modo, Firenze, 52. Libreria Roma Ubik Pontedera, 53.
Libreria Therese, Torino, 54. libreria tralerighe Conegliano, 55. Lo Spazio Diviadellospizio, Pistoia, 56. Libreria
à la Page, Aosta, 57. Le mille e una pagina, Mortara, 58. Nora Book & Coffee, Torino, 59. Libreria Liberi Tutti,
La Spezia, 60. Luna’s Torta, Torino, 61. Libreria Bacco, Puegnago del Garda, 62. Libreria Fahrenheit, Pistoia, 63.
Libreria Libri al Sette, Carugo, 64. Cartolibreria Dueccì, Mira, 65. Tempo Ritrovato Libri, Milano, 66. Allegra
Mercuri, libraia, Sesto San Giovanni, 67. Monica Calanca, libraia, Bergamo, 68. Stefano del Lungo, libraio, Firenze,
69. Cristiana Zoli, libraia, Ravenna, 70. Barbara Catalano, libraia, Milano, 71. Stefania Mazzone, libraia, Pescara,
72. David Poeta, libraio, Firenze, 73. Katia bianco, libraia, Milano, 74. Federica Iorio, libraia, Milano, 75. Luca
Di Natale, libraio, Roma, 76. Valentina Ghilardi, libraia, Milano, 77. Daniela Battistini, libraia, Reggio Emilia, 78.
Franca Gerli, libraia, Milano, 79. Vincenzo Di Matteo, libraio, Napoli, 80. Dora Cocco, libraia, Roma, 81. Emilia
di Domenico, libraia, Napoli, 82. Gaia Possenti, libraia, Roma, 83. Davide Predosin, libraio, Roma, 84. Ilaria Di
Cesare, libraio, Milano, 85. Cinzia Zanfini, libraia, Firenze, 86. Astrid Hovstadius, libraia, Firenze, 87. Jessica Giusti,
libraia, Pisa, 88. Roberta Rapallino, libraia, Genova, 89. Iva Pruneti, libraia, Firenze, 90. Isabella Grosso, libraia,
Biella, 91. Letizia Casana, libraia, Milano, 92. Stefania Mangani, libraia, Genova, 93. Veronica Barbuto, libraia, Pisa,
94. Giulia De Maio, libraia, Napoli, 95. Serena Visci, libraia, Pescara, 96. Alessandra Dugini, libraia, Firenze, 97.
Daniela Carrera, libraia, Biella, 98. Umberto Apicerni, libraio, Milano, 99. Daniela Nannavecchia, libraia, Milano,
100. Angela Pecorella, libraia, Palermo, 101. Morleo Mino, libraia, Milano, 102. Cristina Minozzi, libraia, Milano,
103. Debora Ragnacci, libraia, Perugia, 104. Enrica Antonini, libraia, Milano, 105. Antonella Del Giacco, libraia,
Milano, 106. Toni Viceconti, libraia, Milano, 107. Elena Vignali, libraia, Milano, 108. Benedetta Bruni, libraia Pistoia,
109. Aurelia Calì, libraia, Catania, 110. Chiara Vaghi, libraia, Assago, 111. Monica Iudica, libraia, Milano, 112.
Rosaria Laurino, libraia, Napoli, 113. Fabiola Brizi, libraia, Roma, 114. Monica Federico, libraia, Milano, 115. Irene
Lambiase, libraia, Milano, 116. Melissa Messere, libraia, Trieste, 117. Massimo De Marino, libraio, Napoli, 118. Paolo
Siena, libraio, Palermo, 119. Nicoletta Marchese, libraio, Genova, 120. Marilena La Penna, libraia, Napoli, 121.
Daniele Marini, libraio, Roma, 122. Michela Nardi, libraia, Roma, 123. Valeria Sarro, libraia, Palermo, 124. Paola
Taraschi, libraia, Pistoia, 125. Caterina Castiglione, libraia, Palermo, 126. Albamonte Sabrina, libraia, Palermo, 127.
Lena Ferrigno, libraia, Palermo, 128. Cristina Gallina, libraia, Milano, 129. Roberta Capobianco, libraia, Napoli,
130. Gabriele Falangi, libraio, Milano, 131. Libreria Vicolo Stretto, Catania, 132. Legatoria Prampolini, Catania,
133. Quivirgola, Schio, 134. Chiara Collini, libraia, Milano, 135. Mannaggia – libri da un altro mondo, Perugia,
136. Libreria IoCiSto, Napoli, 137. Fabio Zambetta, libraio, Milano, 138. Libreria del Mondo Offeso, Milano, 139.
Paola Pedalino, libraia, Palermo, 140. Salvo Cellura, libraio, Palermo, 141. Libreria dell’Arco, Matera, 142. Vittorio
Tomaselli, libraio, Pescara, 143. Libreria Laformadellibro, Padova, 144. Pagina27, Cesenatico, 145. Il Libraio di
Notte, Popoli, 146. Libreria Zabarella, Padova, 147. Marco Mario Davide Todaro, libraio, Milano, 148. Francesco
Preiato, libraio, Milano, 149. Marina Occhipinti, libraia, Fiumicino, 150. La Bottega dell’Invisibile, Forlimpopoli,
151. Eugenio Candi, libraio, Modena, 152. Marcello Marzano, libraio, Lecce, 153. Bianca Corso, libraia, Palermo,
154. Libreria Gogol & Company – Milano
Alors que la Chine reprend progressivement une activité économique normale, les 2,6 millions
de chauffeurs de taxi du pays sont encore sous le choc de l’impact économique dévastateur de la
pandémie de coronavirus. Des conducteurs de plus en plus désespérés organisent des manifestations
à grande échelle exigeant une réduction des frais qu’ils doivent payer aux compagnies de taxi ou le
droit de se retirer complètement de l’entreprise sans pénalité.
De nombreux chauffeurs éprouvaient déjà des difficultés financières avant la pandémie et il y avait
une augmentation notable des protestations vers la fin de l’année dernière, principalement en raison
de la réglementation du gouvernement local, de la gestion des compagnies de taxis et, en particulier,
de la concurrence des conducteurs de voitures à la course et des conducteurs sans licence.
Au plus fort de la pandémie, de nombreux chauffeurs de taxi ne pouvaient pas travailler du tout,
et même après la levée des mesures de contrôle dans diverses régions du pays, les chauffeurs avaient
encore du mal à gagner leur vie en raison du manque de clients. Dans la ville de Nanning, dans le
sud-ouest du pays, par exemple, les chauffeurs ne gagnaient en moyenne que 120 yuans par jour en
mars, selon le Nanning Daily, environ 80 % de moins que leur revenu moyen au cours de la même
période l’année dernière.
Dans le même temps, de nombreuses compagnies de taxis exigeaient encore plusieurs milliers
de yuans par mois de location de véhicules de leurs chauffeurs, ce qui signifie que les chauffeurs
perdaient en fait de l’argent chaque mois.
Depuis le début de cette année, notre carte des grèves a enregistré 25 protestations de chauf-
feurs de taxi (contre 54 pour l’ensemble de l’année dernière), dont la majorité comprenait des
demandes de réductions de loyer ou d’annulations. Plus récemment, le 13 avril, plusieurs centaines
de chauffeurs d’un certain nombre de sociétés de taxis de Shenzhen ont organisé une manifestation
de masse, demandant une aide contre les locations et les frais excessifs ou le droit de restituer leur
véhicule sans pénalité. Cela a été suivi par une manifestation de conducteurs dans la petite ville de
Ganzhou, dans le Jiangxi, le 14 avril, demandant également une réduction des frais.
Plusieurs gouvernements locaux, y compris le gouvernement municipal de Pékin, ont maintenant
introduit des mesures pour alléger le fardeau des chauffeurs de taxi grâce à des loyers réduits ou à
des subventions supplémentaires, mais beaucoup ne l’ont fait qu’après une grève des conducteurs.
À Liuzhou, dans le Guangxi, par exemple, des milliers de chauffeurs de taxi ont organisé une
manifestation de masse le 10 mars, exigeant que les compagnies de taxis réduisent ou renoncent à
tous les frais de contrat, qui à l’époque se situaient entre 130 et 200 yuans par jour selon le type de
véhicule. Les autorités locales des transports ont tenu une réunion d’urgence avec les compagnies de
taxi ce jour-là et ont promis une réponse aux chauffeurs dans les cinq jours. Finalement, les autorités
ont convenu d’une réduction continue de 50 % des redevances et de subventions supplémentaires
pour le carburant.
Dans d’autres villes comme Dalian, cependant, certaines compagnies de taxis refusent de faire des
concessions même après les protestations des chauffeurs et insistent pour que les chauffeurs paient
leurs frais de location comme d’habitude.
pour convertir tous les taxis en véhicules électriques ont également été mis en évidence par la
crise du coronavirus. De nombreux conducteurs se plaignent que même s’ils sont propriétaires de
leur voiture, les compagnies de taxis conservent toujours certains droits d’exploitation et peuvent
facturer les conducteurs en conséquence, ce qui alourdit déjà considérablement la facture pour les
conducteurs. De plus, selon les conducteurs, les forcer à passer aux véhicules électriques à l’heure
actuelle est à la fois peu pratique et déraisonnable.
Des tensions persistantes se manifestent également par des confrontations fréquentes entre les
chauffeurs de taxis réguliers et les chauffeurs VTC au sujet du partage de la clientèle. Il est clair
que les gouvernements locaux devraient faire beaucoup plus pour garantir la protection des droits
et des intérêts des conducteurs1.
15 avril 2020
1. Pour une analyse plus détaillée des récentes manifestations contre les compagnies de taxis, voir clb.org.hk/.
données et les protocoles institutionnels fournis par ces instances dirigeantes, en déclinant ce parti
pris dans les consignes de sécurité, renforcent la mise en danger des professionnel·les qui les
appliquent.
n Le manque de matériel, mais aussi la qualité déficiente du matériel fourni, est un facteur aggra-
vant supplémentaire du danger grave et imminent qui est imposé à l’immense majorité des salariés
de ce secteur.
n L’absence totale de prise en compte de la période de 14 jours d’incubation asymptomatique,
tive à la bonne volonté des particuliers de manière symbolique, coupent toute perspective d’obtenir
rapidement ces EPI indispensables à la protection des professionnel·les. C’est un facteur aggravant
supplémentaire au danger grave et imminent auquel sont exposés ces professionnel·les.
n Le manque de tests et l’absence de perspective d’en avoir en nombre suffisant pour un dépistage
CONCERNANT L’ENTRAVE AUX INSTANCES REPRÉSENTATIVES DU PERSONNEL, EN PARTICULIER DES CHS-CT ET DES CSE
Dans de nombreux établissements relevant de votre ministère, les instances représentatives du
personnel ont été purement et simplement suspendues, sans aucune base réglementaire. Et même
après la promulgation de la loi instaurant l’état d’urgence sanitaire, qui fixait le principe du maintien
de leur consultation dans les délais impartis et des ordonnances en organisant les modalités dans
les secteurs publics et privés, de trop nombreux employeurs refusent de reprendre le fil de leurs
obligations.
En ce qui concerne les CHS-CT et les CSE/CSSCT, de trop nombreux droits d’alerte et décla-
rations de danger grave et imminent ont été purement et simplement ignorés par les employeurs.
Ils n’ont alors donné lieu ni à un constat conjoint ni à la réunion de l’instance réglementairement
prévue.
Par ailleurs, en violation des dispositions du Code du travail, les instances représentatives du per-
sonnel ne sont pas informées des cas de professionnels dépistés positifs au Covid-19, empêchant
notamment les CHS-CT et CSE/CSSCT de jouer leur rôle dans la prévention et la protection des
professionnel·les.
Votre gouvernement et les précédents sont responsables de l’affaiblissement des services publics
et notamment hospitaliers, mais aussi de la fragilisation des associations qui interviennent sur les
secteurs précités. Vous êtes responsables de ne pas avoir anticipé notamment en matière de stocks
(masques, tests, respirateurs…) et matériel. Nous constatons que ce défaut d’anticipation a amplifié
l’impact de la pandémie et sans nul doute un surcroît de malades et de morts. Les professionnel·les
qui interviennent dans ces établissements payent durement leur dévouement. Certain·es le payent
de leur vie ou de celles de leurs proches.
salarié·es des services et associations, publics comme privés, qui interviennent dans les établisse-
ments sanitaires, médico-sociaux ou sociaux ;
n que ces moyens de protection individuels, non réutilisables, soient traités comme des déchets
contaminés ;
n de tenir à la disposition des travailleur·euses intéressé·es et du comité d’hygiène, de sécurité et
des conditions de travail ou, à défaut, des élu·es du CSE les informations suivantes :
1. les activités au cours desquelles les travailleur·euses sont exposé·es à des agents biologiques
pathogènes, les procédures, les méthodes de travail et les mesures et moyens de protection et de
prévention correspondants ;
2. le nombre de travailleurs et travailleuses exposé·es ;
3. le nom et l’adresse du médecin du travail ;
4. le nom de la personne qui, le cas échéant, est chargée par l’employeur, et sous sa responsabilité,
d’assurer en cette matière la sécurité sur le lieu de travail ;
5. un plan d’urgence pour la protection des travailleurs et travailleuses contre l’exposition aux
agents biologiques des groupes 3 ou 4 en cas de défaillance du confinement physique ;
n d’établir en collaboration avec les services de santé au travail la liste des professionnel·les
exposé·es ;
n lorsqu’il s’avère qu’un travailleur ou une travailleuse est atteint·e du Covid-19, que celles et
ceux susceptibles d’avoir été exposé·es sur le même lieu de travail fassent l’objet d’un examen
médical, assorti éventuellement d’examens complémentaires ;
n que des chiffres soient publiés régulièrement pour connaître le nombre de professionnel·les de
public, en accident de travail pour le secteur privé, et de lever l’ensemble des freins réglementaires
trop souvent invoqués par des employeurs qui manifestement n’ont pas entendu votre promesse
formulée lors de votre point presse du 23 mars dernier ;
n que cette reconnaissance et des garanties identiques soient étendues à l’ensemble des travail-
leuses et travailleurs de tous les secteurs qui ont dû continuer à travailler à partir de l’instauration
du confinement.
Notre fédération pourrait fournir des milliers d’exemples d’ordres hiérarchiques, de protocoles
Dans son dernier article publié le 3 avril dans le Wall Street Journal 2, Henry Kissinger3 ne craint
pas les ravages de cette pandémie pour la population, le nombre exponentiel de mort·es, de privé·es
d’emploi et d’aides ; non, ce monsieur n’a jamais fait dans le social. Le stratège clé de la construction
de l’empire et complice de tant de génocides, cible le cœur du dilemme : le monde va-t-il changer
de base ?
Sans surprise, il commence par encenser le bon vieux temps du plan Marshall4 et du projet
Manhattan5 : les deux programmes qui ont permis aux États-Unis d’être propulsés comme puissance
mondiale impérialiste hégémonique de la seconde moitié du 20e siècle. Ce qui l’amène à dire que
l’empire s’est bâti dans la « croyance que ses institutions pouvaient prévoir les calamités, arrêter leur
impact et restaurer la stabilité. Lorsque la pandémie du Covid-19 arrivera à sa fin, on s’apercevra
que les institutions de nombreux pays ont échoué ». Puis, à poser la question suivante : « Après le
Covid-19, les principes de l’ordre mondial pourront-ils être préservés ? »
1. Nara Cladera est enseignante, militante à SUD-Éducation (Union syndicale Solidaires) et participe à la coordination du Réseau syn-
dical international de solidarité et de luttes.
2. www.wsj.com/articles/the-coronavirus-pandemic-will-forever-alter-the-world-order-11585953005.
3. Henry Kissinger était conseiller à la sécurité nationale et secrétaire d’État lors des présidences de Johnson et Nixon (1969-1977).
4. Le plan Marshall était un programme américain de prêts accordés aux différents États de l’Europe en 1947. Ces prêts étaient assortis
de la condition d’importer pour un montant équivalent d’équipements et de produits américains. En quatre ans, les États-Unis ont prêté
à l’Europe 16,5 milliards de dollars (l’équivalent de 173 milliards de dollars de 2019).
5. Manhattan est le nom de code du projet de recherche qui produisit la première bombe atomique durant la Seconde Guerre mondiale.
6. L’opération Condor est le nom donné à une campagne d’assassinats et de lutte antiguérilla, conduite conjointement par les services
secrets du Chili, de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay, avec le soutien des États-Unis, au milieu des années
1970. Les dictatures militaires alors en place en Amérique latine – dirigées à Santiago du Chili par Augusto Pinochet, à Asuncion par
Alfredo Stroessner, à Buenos Aires par Jorge Rafael Videla, à Montevideo par Juan Bordaberry, à Sucre par Hugo Banzer et à Brasilia
par Ernesto Geisel – ont envoyé des agents secrets poursuivre et assassiner les opposant·es politiques jusqu’en Europe (France, Italie,
Portugal, Espagne…) et aux États-Unis.
tout » ; car sans les aides-soignantes, sans les infirmières, sans les caissières, les boulangères, les pos-
tières, les éducatrices, les femmes de ménage, les éboueuses, les agricultrices7, etc., sans cette masse
laborieuse des villes et des champs, il n’y aurait pas d’activités essentielles à la vie. Nous sommes
des millions : inventons, créons, rendons possible, « les jours d’après ». Kissinger, le Medef et consorts
sont déjà dedans… Partout dans le monde, les pouvoirs, dits publics, ont failli ; ils ont aussi menti,
volé, dissimulé, réprimé, colonisé, discriminé, exploité, divisé… Les périodes de crise ouvrent iné-
vitablement des perspectives nouvelles. Saisissons-en nous, avant que d’autres nous imposent leurs
décisions afin que « tout change pour que rien ne change ».
La peur de nos ennemi·es de classe me réjouit et je comprends la crainte de Kissinger, il a raison :
ceux et celles qui sont tout pourraient bien ne devenir, finalement, rien.
7. Le féminin exclusif est un choix, il sert à rappeler que, même s’il y a des hommes, la grande majorité de ces tâches-là est effectuée par
des femmes et que 70 % des « travailleurs pauvres » sont des travailleuses.
« Tant de choses se sont passées de façon étrange ces derniers temps, qu’Alice a commencé
à penser que très peu de choses étaient vraiment impossibles », Lewis Carroll, Alice au
pays des merveilles.
Les crises – non pas des récessions régulières mais des crises majeures – se caractérisent par l’in-
certitude qu’elles apportent. Elles interrompent le cours normal des choses et exigent des réactions
anormales, encore à découvrir pour que nous puissions aller de l’avant. Au milieu de ces calamités
périodiques, nous ne savons pas comment, ni même si nous en sortirons, ni à quoi nous attendre
si elles prennent fin. Les crises sont, par conséquent, des moments d’agitation avec des possibilités
pour de nouveaux développements politiques, bons et/ou mauvais.
Comme chacune de ces crises modifie la trajectoire de l’histoire, la crise qui s’ensuit se produit
dans un contexte modifié et présente donc ses propres caractéristiques. La crise des années 1970,
par exemple, a impliqué une classe ouvrière militante, un défi lancé au dollar états-unien et une
accélération qualitative du rôle de la finance et de la mondialisation. La crise de 2008-2009, en
revanche, a impliqué une classe ouvrière largement battue, a confirmé le rôle central du dollar au
niveau mondial et a donné naissance à de nouvelles manières de gérer une économie très forte-
ment dépendante de la finance. Comme la crise précédente, la crise de 2008-2009 a donné lieu à
une financiarisation encore plus néolibérale, mais cette fois-ci, elle a également ouvert les portes
du populisme de droite, parallèlement à une désorientation aiguë des partis politiques traditionnels.
1. Sam Gindin a été directeur de recherche des Canadian Auto Workers de 1974 à 2000. Il est coauteur (avec Leo Panitch) de The
Making of Global Capitalism, Londres,Verso, 2013 et coauteur avec Leo Panitch et Steve Maher de The Socialist Challenge Today, Chicago,
Haymarket, 2020.
plus loin, a « ordonné » à GM de fabriquer des ventilateurs dans le cadre du Defense Production
Act. […]
En même temps, pour ceux qui avaient auparavant fermé les yeux, la crise a mis en évidence
l’extrême fragilité des revenus des classes laborieuses. Avec un si grand nombre de personnes
confrontées à de graves privations et à la menace du chaos social, toutes les instances des gouver-
nements ont été contraintes de répondre aux besoins fondamentaux des gens en matière de santé
et de survie. Aux États-Unis des républicains se joignent maintenant aux démocrates pour proposer
une législation visant à reporter les paiements hypothécaires, à renforcer le contrôle des loyers et à
annuler les paiements d’intérêts sur la dette des étudiants. Leurs désaccords ne portent généralement
pas sur la question de savoir s’il faut donner plus d’argent aux travailleurs contraints de rester à la
maison et améliorer radicalement les indemnités de maladie et de l’assurance chômage, mais sur
l’ampleur de ces aides. Pendant la Grande Dépression des années 1930, un changement politique
similaire a légitimé les programmes sociaux et les droits du travail. Cependant, ce développement a
été une concession à la mobilisation populaire. Cette fois, c’est une réponse à l’ampleur de la pan-
démie sanitaire et à la nécessité de maintenir les gens éloignés du travail.
Cela ne veut pas dire que l’« économique » est ignoré, mais seulement que sa priorité traditionnelle
passe, dans l’immédiat, après le social, c’est-à-dire la menace pour la santé. Il reste un effort pro-
fond et concerté pour préserver suffisamment d’infrastructures économiques (production, services,
commerce, finances), pour faciliter un retour à un semblant de normalité « plus tard ». Cela conduit
à des renflouements massifs et, cette fois, contrairement à la crise de 2008-2009, l’argent ne va pas
seulement aux banques, mais aussi à des secteurs comme le transport aérien, les hôtels et les restau-
rants, et en particulier aux petites et moyennes entreprises. […]
ticiens ne peuvent s’empêcher de craindre une réaction populaire si, cette fois, aucune contrepartie
efficace n’est imposée aux banquiers.
De plus, un changement culturel – encore trop difficile à évaluer – est peut-être à l’horizon. La
nature de la crise et les restrictions sociales indispensables pour la surmonter ont mis à l’ordre du
jour la mutualisation et la solidarité, contre l’individualisme et la cupidité néolibérale. Une image
indélébile de la crise voit cette fois-ci des Italiens, des Espagnols et des Portugais, en confinement
mais inventifs, sortir sur leur balcon pour chanter, acclamer et applaudir collectivement et rendre
hommage au courage des travailleurs/travailleuses de la santé, souvent mal payés, qui accomplissent
le travail le plus essentiel sur les lignes de front de ladite guerre mondiale contre le coronavirus.
Tout cela ouvre la perspective – mais seulement la perspective – d’une réorientation des pers-
pectives sociales au fur et à mesure que se développent la crise et les réponses de l’État à celle-ci.
Ce qui était autrefois considéré comme « naturel » peut maintenant être soumis à des questions plus
larges sur la façon dont nous devrions vivre et nous comporter.
Pour les élites économiques et politiques, cela comporte clairement des dangers. L’astuce, pour
elles, consiste à s’assurer que les actions qui sont actuellement inévitables et dont l’issue éventuelle
est imprévisible soient limitées dans leur portée et dans le temps. Une fois la crise confortablement
passée, les idées inconfortables et les mesures hasardeuses doivent être remises dans leur boîte et le
couvercle bien fermé. Pour les forces populaires, en revanche, le défi consiste à garder cette boîte
ouverte en profitant des perspectives idéologiques prometteuses qui se sont fait jour, en s’appuyant
sur certaines des mesures politiques positives – voire radicales – introduites et en explorant les
diverses actions créatives qui ont été prises localement en tant d’endroits.
LA PROCHAINE PANDÉMIE
Le manque de préparation au coronavirus envoie l’avertissement le plus clair et le plus effrayant
non seulement sur la prochaine pandémie possible, mais aussi sur celle qui nous saisit déjà. La crise
environnementale imminente ne sera pas résolue par la distanciation sociale ou un nouveau vaccin.
Comme pour le coronavirus, plus nous attendrons pour y faire face de manière décisive, plus elle
sera catastrophique. Mais contrairement au coronavirus, la crise environnementale ne vise pas seu-
lement à mettre fin à une crise sanitaire temporaire, mais aussi à réparer les dommages déjà causés.
En tant que telle, elle exige de tout transformer dans notre façon de vivre, de travailler, de voyager,
de jouer et de nous comporter les uns envers les autres. Il faut pour cela maintenir et développer les
capacités de production nécessaires à la réalisation des changements requis dans nos infrastructures,
nos maisons, nos usines et nos bureaux.
Aussi conventionnelle que soit aujourd’hui l’idée de reconversion, il s’agit en fait d’une idée radi-
cale. Le slogan bien intentionné d’une « transition juste » semble rassurant, mais il est loin d’être suf-
fisant. Ceux qu’il vise à convaincre se demandent à juste titre « qui se chargera de cette garantie ? ».
Le fait est que la restructuration de l’économie et la priorité donnée à l’environnement ne peuvent
se faire sans une planification d’ensemble. Et la planification implique une remise en cause des droits
de propriété privée dont jouissent aujourd’hui les entreprises.
Au minimum, une agence nationale de reconversion devrait être créée, avec pour mandat d’inter-
dire la fermeture des installations qui pourraient être converties pour répondre aux besoins envi-
ronnementaux (et sanitaires) et de superviser cette reconversion. Les travailleurs/travailleuses pour-
raient faire appel à cette agence en tant que lanceurs d’alerte s’ils pensent que leur firme se dirige
vers des licenciements. L’existence d’une telle institution encouragerait les travailleurs/travailleuses
à occuper des lieux de travail fermés, ce qui serait plus qu’un acte de protestation ; plutôt que de
faire appel à une entreprise qui n’est plus intéressée à utiliser la capacité productive en place, leurs
actions pourraient se concentrer en direction de l’agence de reconversion et la pousser à remplir
son mandat.
Une telle agence nationale devrait être jumelée avec une commission nationale du travail chargée
de coordonner la formation et la réaffectation de la main-d’œuvre. Elle serait également complétée
par des centres régionaux de reconversion technologique employant des centaines, voire des milliers
de jeunes ingénieurs enthousiastes à l’idée d’utiliser leurs compétences pour relever le défi existen-
tiel de la crise environnementale. Des conseils environnementaux élus au niveau local surveilleraient
les conditions de vie de la collectivité, tandis que des conseils de développement de l’emploi élus
au niveau local feraient le lien entre les besoins de la collectivité et de l’environnement ainsi que
des emplois, de la reconversion des entreprises et le développement des capacités des salarié·e·s et
des usines – tous financés au niveau fédéral dans le cadre d’un plan national et tous également
enracinés dans des comités de quartier et des comités de salarié·es actifs.
duction que de la consommation ; il sert de médiateur pour les politiques gouvernementales et est
considéré comme indispensable lorsqu’il est lui-même en difficulté. Cependant, nous n’avons ni le
pouvoir politique ni la capacité technique de prendre en charge la finance aujourd’hui et de l’utiliser
à des fins différentes.
La question est donc double : 1° premièrement, il faut inscrire la question à l’ordre du jour public ;
si nous n’en discutons pas maintenant, le moment ne sera jamais venu de la soulever ; 2° deuxiè-
mement, nous devons réserver des espaces spécifiques au sein du système financier, à la fois pour
réaliser des priorités particulières et pour développer les connaissances et les compétences qui nous
permettront, à terme, de gérer le système financier dans notre propre intérêt.
Un point de départ logique consiste à créer deux banques publiques particulières : l’une pour
financer les besoins en infrastructures qui ont été si gravement négligés, l’autre pour financer le
Green New Deal et la reconversion. Si ces banques doivent se faire concurrence pour obtenir des
fonds et obtenir les rendements nécessaires pour rembourser ces prêts, peu de choses changeront.
La décision politique d’établir ces banques devrait inclure, comme le soutient Scott Aquanno dans
un document à venir, des infusions de liquidités déterminées politiquement pour faire ce que les
banques privées ont fait de manière inadéquate : investir dans des projets qui ont un rendement
social élevé, bien que risqué, et de faibles profits selon les mesures conventionnelles. Ce financement
initial pourrait provenir d’un prélèvement sur toutes les institutions financières – en fait, un rem-
boursement pour les renflouements massifs qu’elles ont reçus de l’État. (Avec une base financière
solide en place, ces banques publiques pourraient également emprunter sur les marchés financiers
sans leur être redevables.)
présenter leurs propres plans ou agissant en opposition aux plans nationaux traitant de la restructu-
ration économique prévue et de la reconversion face à la nouvelle réalité environnementale.
Trois points sont essentiels à cet égard. Premièrement, la participation généralisée des travailleurs/
travailleuses exige l’expansion de la syndicalisation afin de fournir aux travailleurs un collectif ins-
titutionnel pour contrer le pouvoir des employeurs. Deuxièmement, une telle participation locale et
sectorielle ne peut être développée et soutenue sans impliquer et transformer les États afin de lier
la planification nationale et la planification locale. Troisièmement, ce ne sont pas seulement les États
qui doivent être transformés, mais aussi les organisations de la classe ouvrière.
L’échec des syndicats au cours des dernières décennies – tant en ce qui concerne l’organisation
que la satisfaction des besoins de leurs membres – est indissociable de leur engagement obstiné en
faveur d’un syndicalisme fragmenté et défensif au sein de la société telle qu’elle existe actuellement,
par opposition à un syndicalisme de lutte de classe fondé sur des solidarités plus larges et des visions
radicales plus ambitieuses. Cela exige non seulement de « meilleurs » syndicats, mais aussi des syndi-
cats différents et plus politisés.
Mercredi 8 avril, un jeune directeur territorial d’Adoma (CDC HABITAT, ex-Sonacotra) entre
dans le foyer Adoma 15-21 bd de la Commanderie, Paris 19e, à côté de la Porte de la Villette.
Accompagné d’une dame chargée de la médiation sociale, il se lance dans les couloirs, tapant sur
les portes des chambres à la recherche des résidents âgés. Ils entrent dans les chambres, et s’ils ne
voient pas la présence de résident âgé, posent des questions sur sa localisation, ses habitudes, etc.
Cette intervention s’est faite du début à la fin sans que les délégués élus des résidents soient
informés. Après leur départ, les résidents se sont adressés aux délégués pour leur demander de quoi
il s’agissait. Un délégué a appelé le jeune directeur territorial en question. Le délégué a expliqué
que le directeur n’avait aucun droit à entrer dans les chambres, et qu’il fallait informer le comité de
résidents et travailler en collaboration avec les délégués, s’il voulait faire ce genre d’intervention. Le
jeune technocrate s’est énervé et a fini par dire (nous paraphrasons) : « J’entre dans le foyer quand
je veux et je sors quand je veux. » Bref, « je suis chez moi ici ». Sauf que le jeune homme n’est pas
chez lui, il visite le domicile privé d’adultes majeurs, qui ne sont pas sous tutelle, et qui peuvent très
bien le foutre dehors ou lui interdire d’entrer s’ils le souhaitent.
Deux jours plus tard, en collaboration avec la Ville de Paris, mais sans informer les délégués ou
demander quoi que ce soit de leur part, Adoma installe un algéco dédié aux tests de présence du
coronavirus sur le trottoir à deux mètres de l’entrée du foyer. En respectant la distanciation sociale,
il devient impossible pour le flux des 400 résidents d’entrer et sortir du bâtiment. Du coup, au
regard de l’attitude cavalière, voire coloniale, des personnels d’Adoma, les résidents boycottent le
programme de tests. Cette triste histoire est bien l’expression du racisme, du mépris et des attitudes
de supériorité coloniale qui restent persistantes chez les gestionnaires des foyers. Elle explique
pourquoi il est si difficile d’obtenir une collaboration ou une participation des résidents et de leurs
délégués aux programmes de prévention.
Les délégués ont l’habitude de travailler avec des intervenants sanitaires, par exemple lors des
contrôles radiographiques de tuberculose, et ils savent où placer les camions et les installations pour
que cela ne gêne ni les résidents ni les passants. En passant outre une collaboration avec les délé-
gués élus et le comité de résidents, le gestionnaire devient responsable d’une réaction de rejet et de
l’échec de toute initiative de prévention venant de leur part. Ils deviennent complices de la maladie.
Nous appelons tous les gestionnaires de foyers et de résidences sociales à abandonner ces attitudes
et pratiques indignes, héritage d’un autre temps, et de passer systématiquement par un dialogue
avec les délégués et les comités de résidents avant de fixer tout programme d’intervention, d’in-
formation, de sensibilisation sanitaire ou de testing dans les foyers ou résidences. Il est vrai que de
tels programmes sont plus que nécessaires et souhaitables. Mais à force de violenter les gens, de les
traiter comme des inférieurs et des moins que rien, les gestionnaires provoquent le contraire de ce
qu’ils disent vouloir obtenir. La prévention sanitaire ne peut pas se passer du respect des droits et de
la participation démocratique des intéressés.
1. Contact : [email protected].
Née à l’occasion de la lutte contre la réforme des retraites 2019-2020, l’AG Éducation
du Mantois s’est réunie en ligne pour faire le bilan de ces trois semaines de « conti-
nuité pédagogique ». Il en ressort un constat accablant…
LE MINISTRE L’A CLAIRONNÉ SUR TOUS LES TOITS : « NOUS SOMMES PRÊTS » ! MAIS QUI ÉTAIT PRÊT·E ?
Ici, dans le Mantois, loin des plateaux télés où sont distillées à longueur de journée les fables
ministérielles, chacun et chacune peut témoigner de la responsabilité de J.-M. Blanquer dans l’im-
préparation totale à laquelle nous avons été confronté·es. Avant-hier « jamais les écoles ne ferme-
ront », hier « tout est prêt », aujourd’hui « seulement une poignée d’élèves ont décroché », et demain ?
Au lieu de laisser aux personnels, aux élèves, aux familles, le temps d’anticiper, de se coordon-
ner – et surtout de se protéger – nous voilà traité·es en piétaille éducative de la « nation appre-
nante ». C’est par les médias que nous découvrons, jour après jour, les dernières élucubrations du
général Blanquer, contredites dès le lendemain. Et peu importent les conséquences en termes de
renforcement des inégalités sociales, de souffrances, de culpabilisation : lui parade, mais c’est à nous
de monter au front, de travailler, de télé-enseigner, d’exiger, de corriger, d’évaluer, de surveiller, de
dénoncer, de boucler le programme… en marche ou crève !
Le ministre confond continuité pédagogique et télé-réalité ! À travers nos témoignages, le partage
de pratiques, la coordination et la solidarité entre les personnels, les familles et les élèves, nous
devons nous organiser pour reprendre la main, dénoncer l’absurdité, la brutalité des injonctions
hiérarchiques et construire ensemble, dès à présent, une éducation socialement égalitaire et collec-
tivement émancipatrice.
inexistants dans le premier degré –, de gérer la saturation des serveurs informatiques, les obligeant
à devoir poster le travail pendant la nuit. Certain·es collègues du Mantois, soutenu·es par nos supé-
rieur·es hiérarchiques, se sont retrouvé·es à assurer ladite continuité en distribuant le travail au sein
des quartiers, au mépris du danger occasionné par le contournement des règles de confinement.
Pour les familles et les élèves, ce fameux concept pèse lourd : ils déplorent une explosion de la
charge de travail. La pression qui repose sur leurs épaules devient de plus en plus difficile à suppor-
ter. Faute d’explications ou de directives claires concernant le travail à distance, face à l’isolement,
aux sollicitations diverses et aux nombreuses difficultés au sein de la communauté éducative ou des
familles, chacun·e s’est débrouillé avec ses propres outils, ses propres compétences et surtout limites.
Mais aujourd’hui, tous·tes sont au bord de l’épuisement.
PRÊTES POUR LES ATTAQUES CONTRE LES DROITS ET LES MISSIONS DES PERSONNELS ?
L’administration aime utiliser le chantage à la « mission de service public » bien faite pour imposer
aux personnels des tâches qui ne relèvent pas de leurs obligations de service. La « continuité péda-
gogique » sous confinement devient l’argument massue pour exploser des statuts déjà bien attaqués.
Par exemple, l’accueil d’enfants de soignants a été demandé à des personnels n’ayant pas de travail
présentiel à fournir auprès des élèves (directeur·ices déchargé·es, ZIL…) ; certain·es AESH ont été
invité·es à remplacer du personnel dans les instituts accueillant des personnes lourdement handica-
pées (sans avoir aucune formation adéquate) ; des élèves d’écoles privées hors contrat (la Boussole
à Mantes) ont dû être accueilli·es par l’école publique… De plus, pour le télétravail – mis en place
hors de tout cadre légal –, les outils numériques défaillants et inadaptés doivent être compensés par
l’utilisation du matériel personnel des travailleur·euses de l’éducation, et par le recours à des outils
en contradiction avec le règlement RGPD (Facebook…).
Ainsi des AED, avec des salaires indécents, se voient sommé·es d’appeler toutes les familles de
différents collèges avec leur téléphone particulier ; des AVS/AESH chargé·es d’effectuer les aména-
gements des cours que les collègues déposent sur les espaces collaboratifs de l’ENT pour les élèves
en ULIS ; et les prêts de matériel informatique par l’établissement - quand ils sont mis en place -
sont bien insuffisants.
La crise sanitaire que nous vivons révèle tous les dysfonctionnements de l’État néolibéral français
et des choix faits ces dernières années : restrictions budgétaires dans les hôpitaux publics, suppres-
sions d’emplois, dégradation de la prise en charge des patients et pour finir un manque criant
d’anticipation et des manquements graves dans la gestion de cette crise qui compte plus de 15 000
personnes décédées au 15 avril 2020. Ce que révèle également cette crise sanitaire sans précédent,
c’est que les inégalités sociales et raciales et les choix du gouvernement français rendent encore
plus vulnérables certaines populations et poussent les populations noires davantage dans la précarité.
masques et de moyens dans les hôpitaux, logements insalubres (qui rendent le confinement beau-
coup plus difficile), pauvreté, politique ultralibérale. L’une des seules manières que l’État et sa police
ont de se montrer actifs contre la propagation du virus ; sans totalement remettre en question leurs
politiques qui ont mené à la gestion désastreuse de cette crise ; c’est d’interpeller encore plus et par
conséquent d’être encore plus violent avec les mêmes populations et de désigner les mêmes boucs
émissaires.
UN CAPITALISME NÉOCOLONIALISTE
Cette logique néolibéraliste ne sévit pas que dans les pays occidentaux. En effet, au cours des
vingt-cinq dernières années les institutions internationales telles que le Fonds monétaire interna-
tional ou la Banque mondiale ont conditionné leurs aides financières aux pays du Sud à la mise en
place de réformes libérales touchant de fait le système de santé. Le but était d’ouvrir de nouveaux
marchés aux pays du nord. Les difficultés pour protéger leur population de la pandémie du Covid-
19 que rencontreront potentiellement les pays du Sud seront directement liées au néocolonialisme.
2. NdE : Le 1er avril sur la chaîne LCI, Jean-Paul Mira, chef de service à l’hôpital Cochin de Paris, propose de faire des tests de vaccin
contre le Covid-19 en Afrique. Son interlocuteur, Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm, répond favorablement à cette
proposition.
terrains d’expérimentation, c’est l’histoire de la médecine coloniale occidentale. Ils ne sont que les
héritiers d’une France qui a savamment orchestré la stérilisation et l’avortement forcés de 8 000
femmes réunionnaises dans les années 1970 ; c’est encore cette France qui impose la Lomidine (un
traitement censé guérir la trypanosomiase africaine, couramment appelée maladie du sommeil) aux
populations africaines colonisées, un traitement qui fera des milliers de victimes : gangrène gazeuse,
nécrose, fesses et cuisses enflées, des muscles présentant des signes d’éclatement et de pourriture. La
gynécologie occidentale n’échappe pas au racisme non plus, si elle a pu faire les progrès dont elle
se targue aujourd’hui, c’est « grâce » aux expérimentations répétées et sans anesthésie sur le corps de
femmes noires mises en esclavage.
Nos besoins de soutien psychiatrique, psychologique, socio-économique et politique peuvent être
amplifiés pour certaines dans cette situation de crise. Alors que l’Observatoire français des drogues
et toxicomanies observe une recrudescence des troubles anxieux et des états psychotiques, ce n’est
que le 23 mars que le ministère des solidarités et de la santé publique publie une liste de recomman-
dations pour les services de psychiatrie. Début avril à Bordeaux, un centre de soins signalait deux
décès par surdose liée au confinement. L’absence de préparation du centre de soins psychiatriques
est directement liée à la structuration néolibérale du système médical et exacerbe les inégalités
socio-économiques dans lesquelles nous nous trouvons. Certains organismes ont tout simplement
interrompu la majorité de leurs services. De ce fait, les personnes vivant dans des situations pré-
caires, avec des neuro-divergences et des traumatismes sont plus susceptibles de ne pas supporter le
confinement. Les pensées suicidaires, les crises de panique et les addictions redoublent d’intensité.
Les personnes ayant vécu l’exil font face à des problèmes de traduction, d’hébergement dans des
structures insalubres, à l’angoisse face à la police, l’inquiétude pour les proches qui résident ailleurs
et la peur des persécutions de la police. Dans un contexte où le milieu psychiatrique est déjà en
grande difficulté et où le confinement est susceptible de s’étendre au-delà de la mi-mai, il est donc
essentiel de relayer les initiatives de permanences psy dématérialisées adaptées à nos besoins comme
celle du collectif psy noires.
PABLO L. LUNA1
Notre ami Pablo nous livre cet extrait de La Guerre du Péloponnèse de Thucydide2.
Selon la formule consacrée, toute ressemblance avec la situation actuelle est fortuite.
La maladie [s’y] déclara […] ; elle s’était abattue, disait-on, auparavant en plusieurs endroits […]
mais nulle part on ne se rappelait pareil fléau et des victimes aussi nombreuses. Les médecins étaient
impuissants, puisqu’ils ignoraient dès le début la nature de la maladie ; de plus, en contact plus étroit
avec les malades, ils avaient été, eux aussi, plus particulièrement atteints. Toute science humaine était
inefficace ; […] en vain on avait recours aux oracles […] ; tout était inutile. […]
Le mal [qui avait fait son apparition à l’étranger] s’y déclara subitement […] on colporta le bruit
[qu’on avait] empoissonné les puits […] chacun, médecin ou non, se prononça selon ses capacités
sur les origines probables de cette épidémie, sur les causes d’une pareille perturbation, […] je me
contenterai d’en décrire les caractères et les symptômes capables de faire diagnostiquer le mal au
cas où il se reproduirait. Voilà ce que je me propose de faire, en homme qui a été lui-même atteint
par la maladie et qui a vu souffrir d’autres personnes […]
Cette année-là, de l’aveu général, la population avait été particulièrement indemne de toute
maladie. […] En général on était atteint par le mal sans indice précurseur, subitement, en pleine
bonne santé. On éprouvait de violentes chaleurs à la tête ; les yeux devenaient rouges et enflammés ;
à l’intérieur, le pharynx et la langue [rendaient] la respiration irrégulière, l’haleine fétide. À ces
symptômes succédaient l’éternuement et l’enrouement ; peu de temps après la douleur gagnait la
poitrine, s’accompagnant d’une toux violente ; quand le mal s’attaquait à l’estomac, il y provoquait
des troubles et déterminait, avec des souffrances aiguës, toutes les sortes d’évacuations. […]
Au toucher, la peau n’était pas très chaude ; elle n’était pas livide non plus, mais rougeâtre avec
une éruption de phlyctènes et d’ulcères […] La plupart mouraient au bout de neuf ou de sept jours.
[…] Le mal, qui commençait dans la partie supérieure du corps et qui avait au début son épicentre
dans la tête, gagnait ensuite le corps entier et ceux qui survivaient aux accidents les plus graves en
gardaient aux extrémités les séquelles […] ; quelques-uns même perdirent la vue. D’autres, aussitôt
guéris, n’avaient plus de souvenir de rien, oubliaient leur personnalité et ne reconnaissaient plus
leurs proches. […]
La maladie […] sévissait avec une violence qui déconcertait l’entendement humain […] Pendant
sa durée, aucune des affections ordinaires n’atteignait l’homme ; s’il en survenait la moindre, elle
aboutissait à ce mal […] Aucun remède, pour ainsi dire, ne se montra d’une efficacité générale ;
car cela même qui soulageait l’un, nuisait à l’autre. […] Les gens se contaminaient en se soignant
réciproquement et mouraient. […] C’est ce qui fit le plus grand nombre de victimes. Ceux qui
par crainte évitaient tout contact avec les malades périssaient dans l’abandon : plusieurs maisons se
vidèrent ainsi, faute de secours. […]
C’étaient ceux qui avaient échappé à la maladie qui se montraient les plus compatissants pour les
1. Pablo L. Luna est historien et chercheur à l’Université Paris Sorbonne. Il a publié, avec Niccoló Mignemi, Prédateurs et résistants : appro-
priation et réappropriation de la terre et des ressources naturelles (16e-20e siècles), Paris, Syllepse, 2017.
2. Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, Paris, Charpentier, 1852, Livre 2, La Peste à Athènes.
JEAN-CLAUDE VESSILIER1
« Est-ce vraiment absolument nécessaire de produire des voitures dans une telle période ? » Cette
question lie explicitement les risques de travailler à plusieurs milliers en pleine épidémie avec le fait
de produire des voitures. « Tout le monde a bien conscience que produire des voitures alors qu’on en
est à 15 000 morts n’a pas de sens », confirme un ouvrier de l’usine PSA de La Janais près de Rennes,
au début du mois d’avril. Continuer à produire des voitures : la bagnole est devenue le représentant
de ces produits « non essentiels » qui imposent pour les fabriquer des conditions de travail dange-
reuses aux risques mortels avec l’épidémie. Du « Pas de bagnoles sans nous » scandé, en particulier
lors des manifestions devant le Salon de l’automobile qui en étale le luxe, on est passé lors de l’épi-
démie à « ne pas crever pour produire des bagnoles ». Ce véritable renversement de perspectives est
à la mesure de la crise d’ensemble qui frappe cette société capitaliste et que l’épidémie a contribué
à encore aggraver dans toutes ses dimensions.
1. Jean-Claude Vessillier est retraité de chez Renault. Il a participé au livre de Clara et Henri Benoits, L’Algérie au cœur : révolutionnaires et
anticolonialistes à Renault-Billancourt, Paris, Syllepse, 2014.
les continents et les pays, la Corée du Sud et la Chine ayant été atteints plus tôt que l’Europe et
ayant redémarré en conséquence. Michelin et Valéo sont parmi les firmes qui n’ont jamais arrêté
totalement leur production en France. Le centre de pièces et logistique de PSA à Vesoul a continué
à fonctionner bien que, en date du 1er avril, sur 128 cas de coronavirus suspectés 24 aient été dia-
gnostiqués par l’infirmerie du centre.
initialement installées.
En pratique, PSA et Renault ont montré qu’elles étaient plus championnes en communication
qu’en fabrication de biens essentiels. Mais cela n’est pas une découverte. Le nouveau est qu’il a
été montré, à une échelle certes très réduite, la possibilité de produire autre chose que des pièces
automobiles, et que les firmes capitalistes étaient incapables sur une grande échelle de satisfaire ces
besoins urgents. Cet exemple même détourné par les firmes automobiles vaut bien autant que celui
de la reconversion des usines automobiles en fabrication de matériel de guerre pendant la Seconde
Guerre mondiale.
Les femmes sont plus que jamais en première ligne, tant sur le front du travail que sur le plan de
la vie familiale, comme le souligne ONU Femmes France, le 27 mars 20202.
LES EMPLOIS VITAUX DANS NOTRE SOCIÉTÉ : UNE MAJORITÉ DE FEMMES AUX PROFESSIONS DÉVALORISÉES
Plusieurs professions sont directement confrontées à la pandémie : on pense en premier chef au
secteur de la santé et du soin. En 2017, parmi le million d’agent·es de la fonction publique hos-
pitalière (hôpitaux et Ehpad), on compte 77,6 % de femmes, et même 90 % parmi les infirmières
et aides-soignantes. On pense également aux aides à domicile, aux assistantes maternelles et bien
sûr aux caissier·ères de la grande distribution ou encore aux agent·es d’entretien. Or ces profes-
sions sont toutes à prédominance féminine, les femmes y sont dévalorisées et invisibles – jusqu’à
aujourd’hui – au regard de leurs diplômes et du travail effectué3.
Ces services, très féminisés, se sont construits autour de compétences présumées naturelles des
femmes. Ils sont moins bien couverts par les conventions collectives, moins bien définis dans les
classifications et donc moins bien rémunérés, sous prétexte qu’il ne s’agirait pas de « vrais métiers4 ».
Toutes ces professions, y compris et surtout dans la fonction publique, sont caractérisées par des
revenus faibles, la détérioration de leurs conditions de travail, une dévalorisation symbolique et sala-
riale, renforcée par des années de restriction budgétaire dans les services de santé. À cela s’ajoutent
pour certaines professions comme le nettoyage, l’aide à domicile et les hôtes·ses de caisse, des temps
partiels imposés, avec des horaires atypiques incompatibles avec des charges familiales.
Prenons l’exemple des infirmier·ères : en France, leur salaire est l’un des plus bas de tous les pays
développés. Selon l’OCDE, en 2017, il est inférieur de 9 % au salaire moyen français, alors qu’en
Allemagne, un·e infirmier·ère gagne 10 % de plus que le salaire moyen allemand et 28 % de plus
en Espagne. La dernière revalorisation de 2010, très faible en réalité, s’est traduite par un chantage
puisqu’elle s’est accompagnée d’un recul du droit à la retraite de 55 ans à 62 ans. Or selon un rap-
port de la Caisse de retraite des agents des collectivités locales, une infirmière vit en moyenne six
ans de moins qu’une autre femme française.
Le cas des aides-soignant·es est tout aussi déplorable, et il aura fallu la crise du Covid-19 pour
que l’on annonce une prime exceptionnelle pour les fonctionnaires mobilisé·es. Rien, en revanche,
n’est annoncé pour toutes les infirmières en libéral, les aides à domicile ou les aides ménagères plus
que jamais isolées, alors même que les soins qu’elles assurent auprès des personnes dépendantes
1. Rachel Silvera est économiste, à l’Université Paris-Nanterre et co-directrice du réseau de recherche MAGE (Marché du travail et
genre en Europe). Elle est co-coordinatrice de Le Genre au travail, à paraître aux éditions Syllepse (2 020). Ce texte reprend certains points
de l’article paru dans la Lettre éco de la CGT, n° 36, mars-avril 2020.
2 ONU Femmes France, www.onufemmes.fr.
3. Certes, d’autres secteurs sont aussi en première ligne, comme la police, les pompiers, les routiers, les surveillants pénitentiaires ou les
éboueurs. Ces professions à prédominance masculine, moins nombreuses, n’ont pas subi la même dévalorisation que les métiers à pré-
dominance féminine. Même s’il s’agit pour la plupart de métiers difficiles, ils sont mieux défendus syndicalement et leur technicité est
mieux reconnue.
4. Pour en savoir plus, voir Rachel Silvera, Un Quart en moins : des femmes se battent pour en finir avec les inégalités de salaire, Paris, La
Découverte, 2014.
alerté, bien avant le Covid-19, de la difficulté de bien traiter les patient·es, vu le manque de per-
sonnel et de moyens, et pour qui la situation est catastrophique5. Rien pour les agent·es d’entretien,
rien pour les caissier·ères.
C’est pour toutes ces raisons que nous avons lancé, avec Séverine Lemière, une tribune parue
dans Le Monde le 18 avril 2020, signée par une dizaine d’autres chercheur·euses et par toutes les
organisations sociales6.
ROBERT KOSMANN1
1. Robert Kosmann est l’auteur de Sorti d’usines, la « perruque » : un travail détourné, Paris, Syllepse, 2018.
1. « Enfance dans les banlieues populaires et rouges. Marques indélébiles », poète, Jehan Van Longen a publié Madame Bonaparte, Paris,
Syllepse, 2004.
2. Thomas Mann/Luchino Visconti. On est là, dans l’esthétisme le plus extrême de la Venise belle époque alors que le choléra approche,
s’installe, alors que passe, passe le bel adolescent, offrant ainsi divin spectacle et fatale antidote à celui qui, en dépit de son visage suant
dans le miroir, finira par oublier le mal qui déjà irréversiblement le ronge.
Depuis quand la loi a-t-elle estimé qu’il était nécessaire d’avoir des délégués spécifiquement char-
gés de se préoccuper de la santé des travailleurs ? On entend dire régulièrement que les CHSCT
auraient été créés, parfois en 1968, parfois en 1982. En fait la première origine remonte deux siècles
en arrière lorsque l’on considérait déjà, avec la loi du 18 juillet 1890, qu’il fallait dans les mines
désigner des délégués spécifiquement missionnés sur la sécurité. On les appelle communément les
délégués mineurs.
Il y a maintenant un siècle, sur le plan industriel cette fois, le décret du 4 août 1911 crée les comi-
tés de sécurité avec des délégués spécifiques pour « associer les travailleurs aux tâches de protection
contre les risques professionnels ».
Pétain, qui réprime tout, crée néanmoins des délégués à la sécurité en 1941.
Dans la foulée de la Libération, ensuite, le ministre du travail et de la sécurité sociale signe le
1er août 1947 un décret qui leur donne un rôle plus politique. Le CHS est créé en tant que commis-
sion spéciale du CE, avec des délégués supplémentaires désignés ensemble par les élus DP et ceux
du CE. La plupart des prérogatives de ce que nous connaissons aujourd’hui comme les enquêtes
accidents du travail, le registre de danger grave et imminent proviennent de ce décret. Le texte
insiste sur les relations nécessaires entre les CTN et les CTR (comités techniques nationaux et
régionaux) de la Sécurité sociale avec le CHS.
À partir de 1947, jusqu’à très récemment, le rôle du CHSCT est constamment renforcé. En
1975, l’accord du 17 mars sur l’amélioration des conditions de travail, étendu ensuite par la loi,
intégrera les représentants syndicaux pour les établissements de plus de 300 salariés. En 1976, la
loi du 18 juilletintègre l’environnement dans les prérogatives du CHS. En 1982, avec la loi du
23 décembre, le CHS devient CHSCT, y associant les conditions de travail. Cette loi augmente le
nombre de délégués dans cette instance, ajoute la consultation préalable en cas de modification des
conditions de travail, le droit d’expertise et d’autres dispositions. Il en fait une institution à part
entière. En 1992, un décret du 22 février, intègre les conditions d’utilisation de la sous-traitance
dans le périmètre du CHSCT.
En 2002, la loi dite de modernisation sociale du 17 janvier ajoute « la protection de la santé men-
tale » à la protection de la santé physique. Elle introduit aussi la prévention du harcèlement moral.
En 2003, la loi dite Bachelot du 30 juillet, ajoute plusieurs dispositions pour les établissements
dits Seveso. Entre autres, il y a les CHSCT élargis avec de nouveaux délégués qui représentent la
sous-traitance qui sont ajoutés. En 2012, la loi du 6 août, qui sera reprise dans la loi du 8 août 2016,
ajoute la prise en compte de la prévention du harcèlement sexuel.
En 2013, le 16 avril, un nouveau registre est créé. Il concerne le droit d’alerte des salariés et des
représentants du personnel au CHSCT en matière de santé publique et d’environnement. En 2014,
1. Philippe Saunier est syndicaliste CGT chez Total et co-coordonnateur (avec Rémy Jean) de AZF/Total, responsable et coupable, Paris,
Syllepse, 2018.
tives à l’hygiène… » Formule consolidée en 1974 : « s’assure de l’application des prescriptions législa-
tives et réglementaires… » Cette formulation disparaît, comme celle issue de la loi de 1982, qui parle
explicitement de « contribution à l’amélioration des conditions de travail. » En 2017, Il n’est plus
question d’amélioration mais de « promotion de la santé, de la sécurité et des conditions de travail ».
n Le rôle de contrôle du respect de l’application de la réglementation a complètement disparu !
n Disparaîtront aussi les prérogatives sur le règlement intérieur, sur les inspections trimestrielles,
NICOLAS BÉNIÈS1
LA FORME DE LA MONDIALISATION
Le virus ne dévoile pas seulement cette évidence. Plus profondément, il rend lisible la forme de
la mondialisation actuelle. Les entreprises transnationales, dans cette atmosphère de déréglementa-
tion – qui se poursuit dans l’urgence sanitaire – ont conçu une stratégie court-termiste minimale.
Investir au niveau mondial avec comme seul critère le coût de production – particulièrement le
coût du travail – le plus faible, le plus bas. La chaîne de valeurs mondiale repose sur la seule compé
titivité-prix. Le gouvernement chinois a beaucoup joué sur cette corde, au moins jusqu’à la crise
systémique de 2007-2008. Le résultat est visible. La chaîne de valeurs est incohérente et remet en
cause les fondements de la souveraineté des États qui dépendent d’autres États. Dans un contexte
d’inégalités croissantes, de surexploitations des salarié·es, de précarisation généralisée liée à l’élargis-
sement du secteur informel, celui qui n’est pas couvert par le droit du travail même affaibli. Cette
population est la première touchée. Aux États-Unis, les Africains-Américains sont les premières
victimes.
1. Nicolas Béniès est chargé de cours d’économie à l’Université populaire de Caen. Collaborateur du Monde diplomatique, de L’Université
syndicaliste Magazine, il est l’auteur de Petit Manuel de la crise financière et des autres…, Paris, Syllepse, 2009 et du Basculement du monde,
Paris, Le Croquant, 2016.
prêter – avec un taux d’intérêt – mutuellement des capitaux. Ce sera un jeu étrange dans lequel
on ne saura plus qui gagne les billes et qui les remet en circulation. La Grèce a montré que ce n’était
pas une solution.
Deux cents milliards pour l’aide aux entreprises. Il reste à définir les contreparties et suppose de
discuter de l’avenir de la construction européenne et de son actualité.
Enfin 100 milliards pour soutenir le chômage partiel, soit une nouvelle aide aux entreprises…
Où est la stratégie ? Quel avenir ? Comment construire et non pas reconstruire à l’identique. Ce
modèle, ce régime d’accumulation est fini. La finance a obéré le taux d’accumulation, provoqué
l’accélération de la désindustrialisation et a créé des riches et des très riches assis sur cette sphère
financière.
Nous entrons dans un moment révolutionnaire… ou de régression si la prise de conscience n’est
pas au rendez-vous.
D’autant que la crise politique se poursuit qui accentue la remise en cause des libertés démocra-
tiques comme solution à cette crise fondamentale qui touche toutes les « élites ». Faute de légitimité,
les gouvernants choisissent le mode de la répression pour affirmer leur pouvoir et conserver les
privilèges des plus riches corrupteurs. Les émeutes deviennent actuelles faute d’une vision d’avenir
qui pourrait structurer les révoltes.
Qui aurait parié sur un virus pour faire apparaître au grand jour la réalité d’un capitalisme !
La pandémie de Covid-19 a provoqué une récession jamais envisagée auparavant avec des effets
immédiats sur l’environnement. Sera-t-il possible de sortir par le haut de cette pandémie en orien-
tant notre économie sur une voie écologique qui assurera un avenir à notre humanité ?
1. Benoît Borrits est l’auteur de Virer les actionnaires : pourquoi et comment s’en débarrasser, Paris, Syllepse, 2020 et de Coopératives contre
capitalisme, Paris, Syllepse, 2015. Il anime le blog economie.org.
emballages, source de nouvelles pollutions, nous nous engagions dans une démarche de zéro-dé-
chet ? Et si, en ayant considérablement baissé le transport des marchandises, nous changions nos
modes de transport individuels pour privilégier le rail au détriment de l’avion et de la voiture ?
Ceci suppose de revenir sur les plans de privatisation du rail. Et si nous arrêtions de considérer le
non-marchand comme une « charge » qui pèse sur l’économie marchande mais une partie constitu-
tive de l’économie ? Ceci nous permettrait enfin de disposer d’une santé publique à la hauteur d’une
société humaine et digne.
Mais tout ceci suppose que nous soyons en mesure de décider de ce que nous voulons produire
ou de ne pas produire. Or le plan de « sauvegarde de l’économie » du gouvernement vise à conserver
le pouvoir économique des actionnaires. Une nouvelle orientation de l’économie plus écologique
et non centrée sur la croissance suppose la reprise en mains des entreprises par les salarié·es et le
pouvoir donné aux usagers de déterminer ce qu’il faut produire. Mais pour devenir réalité, une telle
perspective passe par une socialisation démocratique de nos revenus et de nos investissements.
Le Venezuela connaît une crise multiforme, à la fois politique, économique et sociale, depuis main-
tenant plusieurs années. Le pays connaît sa septième année de récession et le pouvoir d’achat des
salariés a diminué de 99,99 % face à l’effondrement monétaire. Les pénuries d’aliments et de médi-
caments sont récurrentes. Les sanctions adoptées par Donald Trump en août 2017, pour interdire à
l’État vénézuélien de contracter de la dette auprès d’entreprises ou de particuliers états-uniens et
surtout en janvier 2019, pour empêcher les ventes de pétrole vénézuélien, étranglent encore davan-
tage une économie aux abois.
Ainsi, l’épidémie de Covid-19 pourrait avoir des conséquences dramatiques parmi une population
déjà très fragilisée. Seules 136 municipalités sur 335 du pays reçoivent de l’eau courante au moins
une fois par semaine (même si souvent ce n’est que pour un nombre d’heures limité), 71 n’ont pas
eu d’approvisionnement ces trente derniers jours et 18 d’entre eux n’ont pas reçu une goutte depuis
au moins un an2. Cette détérioration des services publics les plus élémentaires rend hypothétique
l’accomplissement du lavage des mains régulier, la recommandation la plus basique pour combattre
la pandémie. Les pénuries d’essence prennent, ces derniers jours, une ampleur inégalée, atteignant la
capitale Caracas, habituellement épargnée pour d’évidentes raisons politiques. Même les travailleurs
de la santé et les agriculteurs, pourtant prioritaires, ont du mal à s’approvisionner pour exercer leurs
activités vitales pour la population.
Le 16 avril, l’épidémie demeure d’une ampleur modeste dans le pays avec 204 cas et neuf décès
recensés. Cette contention est, en partie, due à la mise en place par le gouvernement de Nicolás
Maduro de mesures de quarantaine dès le 16 mars lorsque le pays ne comptait que 17 personnes
malades. Deux facteurs sont à l’origine de cette anticipation. D’une part, la pénurie d’essence aurait
paralysé le pays de force et le gouvernement a ainsi pu le décider au nom de la santé publique.
D’autre part, l’exécutif a conscience de la fragilité du système de soins face à une crise de cette
ampleur.
La propagation de l’épidémie dans le pays aurait des conséquences démesurées non seulement
à l’intérieur de ses frontières mais également dans toute l’Amérique latine au vu de l’ampleur de
l’émigration vénézuélienne. Ainsi, les sanctions états-uniennes sont d’autant plus criminelles. En
temps de pandémie, ce n’est pas seulement les partisans de Nicolás Maduro et les militants anti-im-
périalistes qui remettent en cause leur principe mais également l’ONU, l’Union européenne, le pape
François et même le Financial Times ! Plus de 300 Vénézuéliens universitaires ou militants de diverses
orientations politiques en appellent à leur levée partielle par le biais d’accords politiques immédiats3.
Pourtant, la politique de l’administration Trump est diamétralement opposée. Le 26 mars, le
1. Thomas Posado est docteur en sciences politiques à l’université Paris-8 et chercheur associé au CRESPPA-CSU. Il est coauteur (avec
Jean Baptiste Thomas) de Révolutions à Cuba (de 1868 à nos jours) : émancipation, transformation, restauration, Paris, Syllepse, 2020.
2. « Solo 17 de 335 municipios del país tienen agua constante durante la cuarentena », El Pitazo, 7 avril 2020, https://elpitazo.net/
reportajes/servicio-en-cuarentena-solo-17-de-los-335-municipios-del-pais-tienen-suministro-de-agua-constante/.
3.Voir www.unir-esfuerzos-venezuela.org.
pour narcotrafic contre Nicolás Maduro et une dizaine d’autres dirigeants vénézuéliens et offrent
15 millions de dollars pour toute information permettant l’arrestation ou la condamnation du chef
de l’État vénézuélien. Il est toujours complexe de se prononcer sur des affaires de drogue. On peut
cependant constater la géométrie variable des poursuites engagées en comparant avec le sort réservé
à Juan Orlando Hernández, président du Honduras. Ce dernier a été accusé par un procureur fédéral
new-yorkais d’avoir été financé à hauteur d’un million de dollars par l’ex-chef de cartel mexicain
« El Chapo » Guzmán mais jouit toujours de relations diplomatiques très cordiales avec Washington.
Le 1er avril, le commandement Sud des États-Unis, c’est-à-dire leur force militaire pour la Caraïbe
et l’Amérique latine, a été déployé par Donald Trump au large des côtes vénézuéliennes. Cet acte
s’inscrit dans la doctrine trumpienne de la « pression maximale » destinée à terroriser les gouverne-
ments non subordonnés à Washington, sans déclencher une guerre dont l’Oncle Sam n’a vraisem-
blablement pas les moyens politiques et militaires de mener à bien au vu des bourbiers afghan et
irakien dont elle n’est toujours pas parvenue à se sortir de manière victorieuse. Cette démonstration
de forces permet surtout à Donald Trump de détourner le regard de sa gestion criminelle du Covid-
19 sur son propre territoire et de capitaliser le vote anticastriste déterminant pour les élections
présidentielles de novembre prochain dans le swing state de Floride.
Au-delà de ces manœuvres militaro-médiatiques, les sanctions économiques états-uniennes
contraignent de plus en plus les exportations de pétrole et les importations d’essence (la production
vénézuélienne ayant besoin d’être raffinée), ainsi que des produits de santé les plus élémentaires. Le
soutien à ces mesures de l’opposition vénézuélienne dirigée par Juan Guaidó est criminel, d’autant
plus en ces temps de pandémie.
Cet acharnement étatunien ne doit pas pour autant absoudre Nicolás Maduro. Sa responsabilité
dans l’effondrement économique du pays et dans le délabrement du système de santé est majeure.
L’arrestation d’un infirmier Rubén Duarte pour avoir exigé des gants et des masques trahit cette
volonté de gestion autoritaire de la crise sanitaire plutôt que de l’approvisionnement des personnels
soignants en protections nécessaires à leur santé4.
La politique impitoyable de Donald Trump à l’égard du Venezuela risque d’accroître encore
davantage la propagation du Covid-19 dans le monde. Cela n’absout pas, pour autant, l’incurie des
autorités vénézuéliennes.
4. « Provea denuncia detención de enfermero por exigir dotación de equipos de bioseguridad para enfrentar el Coronavirus », aporrea.org,
18 mars 2020, www.aporrea.org/actualidad/n353395.html.
Par le biais du Covid-19 se donne à voir l’état du monde et des inégalités. L’un des défis que
pose le confinement actuel est de ne pas céder au repli, et d’être à la hauteur d’une réelle solidarité
internationale.
Le 23 mars, il y avait près de 340 000 cas confirmés de personnes atteintes du Covid-19 de par le
monde. Après la Chine, l’Europe et l’Iran sont les plus touchés. Ces derniers jours, Haïti et Gaza ont
enregistré leurs premiers cas. Encore s’agit-il là d’un panorama largement sous-estimé, puisque peu
ou pas de tests n’ont été faits. À ce jour, 186 pays et territoires sont affectés. Et le virus continue à
s’étendre.
La pandémie du coronavirus donne à voir le pire et le meilleur de la mondialisation : depuis
les explosions de racisme envers le virus « étranger », jusqu’au « cadeau » de millions de masques
d’Alibaba, en passant par la tentative de Donald Trump d’acheter l’exclusivité d’un futur vaccin à
un laboratoire allemand, et l’aide des médecins cubains à l’Italie. Elle offre surtout un état des lieux
des politiques étatiques et des inégalités mondiales au prisme de l’accès à la santé.
UN RÉVÉLATEUR
La solennité des discours, la rhétorique guerrière d’un Emmanuel Macron, le volontarisme par-
tout affiché ne peuvent occulter le fait que le Covid-19 est d’abord le résultat d’une faillite col-
lective, et le révélateur de choix dont nous payons aujourd’hui le prix. L’absence de conditions
sanitaires acceptables dans un marché local en Chine, combinée à une accélération des échanges,
éclatés sur des chaînes de production mondialisées, dans un contexte de non-prise en compte des
aspects socio-environnementaux, a constitué le terreau favorable.
Dans un premier temps, le Covid-19 a été « confiné » à un problème local de pays lointain, insuf-
fisamment civilisé, dans les esprits occidentaux emplis d’un complexe de supériorité. Ensuite, sa
nécessaire prise en charge a été subordonnée à des enjeux économiques et politiques, voire élec-
toralistes. Enfin, au moment de répondre à la pandémie, les gouvernements « découvrent » le déla-
brement d’un secteur public de la santé, bousillé par plusieurs décennies de mesures néolibérales.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au moins la moitié de la population n’a pas
accès aux services de santé essentiels. Si, comme elle l’affirme, les dépenses publiques sont au cœur
de la couverture de santé universelle, celles-ci n’ont eu de cesse de buter contre les règles d’austé-
rité, la privatisation et l’esprit managérial qui justifient et exacerbent les inégalités. Il y a, en France
ou en Belgique, trois fois plus de lits d’hôpital (pour 10 000 habitants), qu’au Chili, neuf fois plus
qu’en Haïti ou en Angola, vingt-et-une fois plus qu’au Népal… Mais, entre 2002 et 2013-2014, le
nombre de lits a diminué en France de près d’un quart, passant de 85 à 65, et de 17 % en Belgique,
passant de 76 à 63.
Près d’un milliard de personnes étaient confinées ce dimanche. Cela n’en reste pas moins un luxe,
tant, au niveau mondial, la majorité de la population n’a pas les moyens du confinement. Ainsi,
1. Frédéric Thomas, est docteur en sciences politiques, chargé d’étude au CETRI (Centre tricontinental, www.cetri.be) qui publie la
revue Alternatives Sud, Paris, Syllepse.
d’autres ressources que de continuer à travailler. Une personne sur quatre vit dans des bidonvilles
et des quartiers informels, et 40 % ne disposent pas d’équipements de base pour se laver les mains
à la maison. Sans compter plus de 25 millions de réfugiés et tous les prisonniers. Sans compter non
plus la charge inégale du confinement entre hommes et femmes.
Depuis le début de la crise liée au coronavirus, l’extrême droite et ses différentes chapelles a du
mal à trouver un positionnement clair et fédérateur, chacune en profitant pour mettre en avant ses
obsessions, et assumer le rôle qu’elles se sont fixées dans cette galaxie.
Le Rassemblement national joue la carte du « parti de gouvernement », évitant les provocations
trop visibles, pointant principalement les incohérences gouvernementales et sa communication
chaotique, sans trop en rajouter officiellement…, et disant, comme toujours, un peu tout et son
contraire…
L’exemple du « confinement » est assez éclairant. Le Rassemblement national n’a pas de position
claire dessus, pas plus que sur la « reprise » du 11 mai, sur laquelle ses cadres s’expriment peu. Mais
d’autres à l’extrême droite ont des positions plus tranchées.
Ceux qui ne jouent pas la carte de la « responsabilité », comme Riposte laïque ou Égalité et
Réconciliation, surfent sur le complotisme, minimisant la crise sanitaire (« fin mai, plus personne ne
se souviendra de ce virus »), qui ne serait qu’une diversion pour empêcher le « peuple de France »
de renverser Macron ou permettre à Bill Gates de faire plus de profits (comme s’il avait besoin de
ça !)… Même s’il est compliqué de savoir si ce complot est fomenté par les Juifs comme l’affirme
Soral, ou les mondialistes vendus à l’Islam comme en détient les preuves Riposte laïque… Il n’y a
donc pas de surprise, on peut seulement regretter que ces thèses complotistes, nettoyées du racisme
ou de l’antisémitisme (encore que !) puisse trouver parfois un écho dans « notre camp ».
Le Parti de la France fait lui campagne pour la fin rapide du « déconfinement », lançant un appel
à la réouverture urgente des églises, parce que ça ne peut plus durer que « comme aux plus belles
heures de l’URSS et des « démocraties populaires », sous prétexte du confinement, les catholiques
français sont privés de messe dans leur paroisse ». À Saint-Nicolas-du-Chardonnet, et avec la compli
cité de la police, les catholiques intégristes n’ont pourtant pas eu de souci pour se réunir.
Plus prudente, l’extrême droite qui se veut respectable met en avant le grotesque de certaines
verbalisations concernant le non-respect du confinement (et ça ne manque pas !) dont sont victimes
de « braves citoyen·nes », le quotidien Présent faisant régulièrement une page sur huit sur le sujet… Et
partant de là, l’extrême droite joue sa petite musique comme quoi, à l’inverse, il y aurait une plus
grande tolérance pour les habitant·es des quartiers populaires, de la même façon que Marine Le Pen
regrette que des mesures soient parfois prises pour aider les migrant·es plutôt que pour donner des
moyens aux Ehpad : encore une fois, faire le tri entre les « pauvres » plutôt que de s’en prendre aux
possédant·es, l’extrême droite est constante !
va le plus loin, parlant de « Djihad contre la France » pour parler d’une révolte sociale, regrettant le
bon temps où « Clemenceau aurait fait tirer dans le tas » et demandant au passage l’interdiction du
Ramadan !
Mais quel que soit leur style, les différents courants de l’extrême droite montrent que les ques-
tions sociales ne sont pas leur grille de lecture. Nous n’avons décidément rien de commun avec ces
gens-là, et ceux qui leur font les yeux doux. Pour notre part, nous nous retrouvons dans cet appel :
ET PENDANT CE TEMPS-LÀ
Dans sa vidéo hebdomadaire, Dieudonné continue à faire de la pub pour ses masques, avec un
argument massue : « c’est de la bonne qualité, je les ai testés » !
Sur les plateaux télés, c’est toujours libre antenne à la parole raciste décomplexée, Zemmour
1. Parmi les organisations signataires : Association pour la taxation des transactions financières et l’action citoyenne, Association des
travailleurs maghrébins de France, Collectif contre l’islamophobie en France, Centre d’études et d’initiatives de solidarité internatio-
nale, Confédération générale du travail, CGT de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, Collectif de la Cabucelle (Marseille),
Collectif du 5 novembre (Marseille), Collectif du 10 novembre contre l’islamophobie, Comité Adama, Confédération nationale du
Travail-Solidarité ouvrière, Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie, Ensemble !, Fédération des asso-
ciations de solidarité avec toutes et tous les immigré·es, Fédération SUD-Éducation, Fédération SUD-PTT, Fédération SUD-Rail,
Féministes révolutionnaires, Femmes égalité, Femmes plurielles, FO-Sauvegarde de l’enfance 93, Fédération des Tunisiens pour une
citoyenneté des deux rives, Front uni des immigrations et des quartiers populaires, Juives et juifs révolutionnaires, Marche des solidarités,
Mémoires en marche (Marseille), La Révolution est en marche, Mwasi Collectif Afroféministe, Nouveau parti anticapitaliste, Le Paria,
Parti communiste des ouvriers de France, Pour une écologie populaire et sociale, Syndicat national des personnels de l’éducation et du
social PJJ de la FSU, Syndicat des quartiers populaires de Marseille, Union communiste libertaire, Union locale villeneuvoise, Union juive
française pour la paix, Union syndicale Solidaires, Union des Tunisiens pour l’action citoyenne