These Louapre TEL 081106
These Louapre TEL 081106
These Louapre TEL 081106
en 3 dimensions
David Louapre
Thèse
présentée en vu d’obtenir le grade de Docteur, spécialité « Physique »
par
David LOUAPRE
A Céline
4
Table des matières
5
6 Table des matières
6 Le modèle de Ponzano-Regge 73
6.1 Le modèle de Ponzano-Regge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
6.1.1 La proposition de Ponzano et Regge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
6.1.2 La limite semi-classique du modèle de Ponzano-Regge . . . . . . . . . . . 74
6.1.3 Les propriétés du modèle de Ponzano-Regge . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
6.1.4 Des questions de signes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
6.2 Le modèle de Turaev-Viro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
6.3 L’espace de Hilbert du modèle de Ponzano-Regge . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
6.3.1 L’espace de Hilbert cinématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
6.3.2 Le modèle de Ponzano-Regge/Turaev-Viro comme un projecteur . . . . . 79
6.3.3 Lien avec la théorie de Chern-Simons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Table des matières 7
Mes premiers remerciements vont à mon directeur de thèse, Laurent Freidel. Il a su m’ac-
compagner dans la découverte de ce monde étrange et merveilleux qu’est la gravité quantique.
J’ai pu bénéficier de sa grande culture en physique théorique et de son insatiable curiosité et
volonté d’explorer les diverses pistes qui s’offraient à nous. Je remercie également les équipes du
laboratoire de Physique de l’ENS Lyon, ainsi que le Perimeter Institute for Theoretical Physics
de Waterloo pour m’avoir accueilli durant ces 3 ans.
Un grand merci à Jean-Michel Maillet, qui m’a fait le plaisir de présider ce jury, ainsi qu’à
Philippe Roche et John Barrett qui ont accepté d’être rapporteurs du manuscrit. Je remercie
sincèrement Carlo Rovelli pour s’être joint à ce jury, mais surtout pour m’avoir fait découvrir la
gravité quantique à boucles au travers ses articles que je lisais en DEA, ainsi que pour m’avoir
accueilli en stage au CPT de Luminy. J’ai pu au cours de cette thèse rencontrer et travailler avec
un grand nombre de gens passionnants. Je remercie notamment chaleureusement l’équipe Théorie
du labo de physique, en particulier François Delduc, Marc Magro et Pascal Degiovanni, qui ont
gardé un oeil bienveillant sur moi. Je dois également beaucoup aux nombreux pensionnaires
et visiteurs du Perimeter Institute et notamment Lee Smolin, Fotini Markopoulou, Thomas
Thiemann. Que soient également ici remerciés mes compagnons qui constituent aujourd’hui la
jeune garde de la gravité quantique : Etera Livine, Alejandro Perez, Karim Noui, Daniele Oriti,
Florian Girelli, Aristide Baratin ; bon courage à vous pour la suite !
Je remercie mes amis théoriciens ou non : Hübert, JY, Jolow, Xoff, Tri, Pad, Bricou, Emilie,
les NPWKA, les Psychotests, les Green Foxes. Enfin je remercie Céline, qui a accepté de sup-
porter pendant 3 ans la vie d’étudiant en thèse, les allers-retours transatlantiques et les mousses
de spin à tous les repas.
11
12 Remerciements
1
Vers une théorie de la gravité
quantique
La physique fondamentale a connu deux révolutions au cours du XXième siècle, avec l’intro-
duction des théories de la relativité générale et de la mécanique quantique. La gravité quantique
se définit comme l’hypothétique unification de ces deux théories. Il est de coutume de présenter
aussi cette problématique comme celle de l’unification des quatre forces : électromagnétique,
nucléaire faible, nucléaire forte et gravitationelle. Un autre point de vue consiste à voir la gra-
vité quantique comme la théorie de l’unification des trois constantes fondamentales.
On peut en effet distinguer en physique fondamentale trois constantes dimensionées jouant un
rôle particulier : la vitesse de la lumière c, la constante de Planck ~, et la constante de gravitation
universelle de Newton G. Pour chacune de ces constantes on associe un régime physique qui
indique dans quelles circonstances il devient nécessaire de les considérer1 : c correspond au
régime des objets ”rapides”, ~ au régime des objets ”petits” et G au régime des objets ”lourds”.
Suivant que l’on décide de se placer dans un ou plusieurs de ces régimes, la physique est décrite
au niveau fondamentale par différentes théories :
G c−1 ~ Théorie
0 0 0 Mécanique classique
1 0 0 Gravité de Newton
0 1 0 Relativité restreinte
0 0 1 Mécanique quantique
1 1 0 Relativité générale
0 1 1 Théorie quantique des champs
1 1 1 Gravité quantique ?
13
14 Chapitre 1. Vers une théorie de la gravité quantique
par Pund et Rebka. Parmis les prédictions plus exotiques, la théorie de la relativité générale
prédit l’existence d’ondes gravitationelles. S’il n’existe pas à l’heure actuelle de confirmations
expérimentales directes de ce phénomène, il a déja été indirectement observé via la dynamique de
certains objets astrophysiques[2], et les interféromètres géants LIGO/VIRGO devraient dans les
prochaines années être en mesure de le confirmer. Enfin les prédictions les plus surprenantes de
la relativité générale sont certainement les trous noirs et les univers cosmologiques. La solution
de Schwarzchild prévoit que si une masse M se trouve totalement concentrée à l’intérieur d’une
sphère de rayon
2M G
RS = ,
c2
il se forme à cette distance un horizon de trou noir, tel qu’aucune matière ou aucun rayonnement
ne puisse s’échapper de son intérieur. Cette prédiction étonnante est la source de nombreux
problèmes conceptuels. Enfin le développement de la cosmologie sur les bases des équations de
la relativité générale culmine sur l’actuel modèle du Big-Bang [3], qui rend compte de l’évolution
de l’univers et de la formation de la matière et des structures astrophysiques.
Malgré sa beauté mathématique et le nombre de ses confirmations expérimentales, la théorie
de la relativité générale possède encore quelques zones d’ombre. La plus évidente est l’absence
totale de forme générale des solutions des équations d’Einstein, même en l’absence de matière. En
effet la non-linéarité de ces équations empèche toute compréhension globale de la structure des
solutions. Enfin les équations d’Einstein prédisent l’existence quasi-inéluctable de singularités
de l’espace-temps[4]. Ces singularités apparaissent notamment pour les trous noirs, et à l’origine
des univers cosmologiques (singularité de type Big-Bang). Sur le plan théorique, la structure des
observables en gravité pure est encore mal comprise, en ce sens qu’il est difficile de construire
des observables invariantes sous les difféomorphismes[5]. En gravité pure, de telles observables
doivent en effet être non-locales. Un problème manifeste est alors le problème du temps, puisqu’en
l’absence de matière, toutes les observables doivent être invariantes par difféomorphismes, donc
indépendantes du temps, et aucune d’elles ne peut servir d’horloge. Enfin il est important de
noter que la force gravitationelle n’est à ce jour presque pas testée expérimentalement à des
échelles en deça du millimètre !
forte est encore une entité à part et les tentatives de grande unification ne sont pas à ce jour en
accord avec l’expérience.
Pour sonder la structure détaillée de l’atome d’hydrogène à l’aide d’un rayonnement, il convient
donc d’utiliser une longueur d’onde d’ordre λ ∼ a0 , ou inférieure. L’énergie associée à un photon
correspondant est
hc
∼ 104 eV.
a0
On constate cette énergie est très supérieure à l’énergie de liaison EI = 13, 6eV de l’électron,
ce qui signifie qu’en voulant observer la structure microscopique de l’atome d’hydrogène, on le
détruit. La structure microscopique de l’atome d’hydrogène n’est pas observable.
Un raisonnement analogue existe pour la gravité quantique. Supposons qu’on veuille sonder
une région de l’espace-temps de longueur lP , la longueur de Planck. Il faut alors utiliser un
rayonnement dont l’énergie associée est E = lhcP
. Cependant le rayon de Schwarzchild associé à
une telle énergie est égal à
EG Gh
2 2
= ∼ lP .
c c l P c3
Cela signifie qu’en voulant observer une région de l’espace-temps à cette échelle, on créé un trou
noir qui l’englobe. On ne peut donc pas extraire d’information physique sur la géométrie à ces
échelles de distance, de la même manière qu’on ne peut pas extraire d’informations physiques
sur la trajectoire de l’électron de l’atome d’hydrogène. Ce raisonnement conduit donc à penser
que l’espace-temps est lui aussi gouverné par les lois quantiques et les phénomènes d’incertitude
probabiliste.
[ĝ(x), ĝ(y)] = 0
n’a bien sur plus de sens, puisque l’on a justement besoin d’une métrique pour qualifier le genre
de l’intervalle entre x et y ! De manière plus formelle, l’inadéquation des méthodes usuelles de
théorie des champs au cas de la gravité est illustrée par l’usage important que les axiomes de
Wightman[12] font de l’invariance de Poincaré. En somme la relativité générale n’est pas une
théorie de champs comme les autres. Cela implique que sur le plan technique, il faille trouver
de nouvelles méthodes de quantification qui permettent de traiter les théories qui ne sont pas
formulées sur une métrique de fond.
En plus de ces difficultés techniques, la quantification de la gravité pose des difficultés plus
conceptuelles, notamment sur le rôle du temps et des observateurs. En effet puisque le champ
gravitationel défini l’espace-temps, on ne peut plus voir le temps comme un paramètre externe
utilisé par la mécanique quantique. De même la notion d’observateur externe et de mesure
sur le système quantique ne s’applique pas intuitivement au cas du champ gravitationel (quel
appareil de mesure pour la fonction d’onde de l’Univers ?). Ce type de questions suggère qu’une
résolution du problème de la gravité quantique nécessite une adaptation des principes de la
mécanique quantique.
Enfin il n’est pas du tout évident qu’une théorie de la gravité quantique puisse être trouvée
par ”quantification active”, c’est à dire en appliquant une recette de quantification sur la théorie
classique. Notamment la quantification de la gravité devant déboucher sur une nouvelle vision de
la structure de l’espace-temps, il n’est pas clair que partir de la théorie continue soit une stratégie
payante. Un exemple typique des questions qu’il faudra résoudre consiste à comprendre de quelle
manière les difféomorphismes se maintiennent comme symétrie de la théorie quantique, si celle-ci
révèle un paysage de géométrie discrète et probabiliste.
limite classique donnée. Ceci doit bien sur être vérifié a posteriori. On souhaiterait par exemple
être capables de fabriquer des états semi-classiques de gravité quantique, à la manière des états
cohérents de l’oscillateur harmonique. La limite G → 0 est plus subtile. En effet en gravité
pure, la quantité dimensionelle qui apparait est la combinaison lP2 = G~. On comprend donc
qu’en gravité pure, les limites G → 0 et ~ → 0 s’identifient. Pour donner du sens à l’idée que
la gravité quantique doit redonner la théorie quantique dans une limite G → 0, il est nécessaire
d’introduire un couplage à la matière. On peut alors par exemple demander que des quantités
physiques calculées dans un tel modèle redonnent dans une limite G → 0 les résultats de théorie
des champs en espace plat. De manière plus générale, l’introduction de la matière est une étape
cruciale pour la compréhension des problèmes d’observabilité en gravité quantique.
Aux contraintes que la gravité quantique doit redonner la relativité générale et la mécanique
quantique dans les bonnes limites, on peut ajouter une troisième contrainte : la thermodynamique
des trous noirs [13, 14]. La thermodynamique des trous noirs est un ensemble d’arguments qui
conduisent à associer à un trou noir d’aire A, une entropie S définie par
1A
S= .
4 lP2
Une telle définition est motivée par des calculs semi-classiques de théorie des champs en espaces-
temps classiques mais courbes. De manière générale, associer une entropie à un trou noir per-
met de résoudre l’apparente contradiction thermodynamique que ceux-ci posent : un système
désordonné avalé par un trou noir voit son entropie diminuer...sauf si précisemment on a as-
socié au trou noir une entropie qui augmente si ce dernier avale un système. Le lien de ces
arguments avec la gravité quantique est le suivant : on considère que l’entropie des trous noirs
est un phénomène profond qui doit trouver son origine quantitative dans une théorie de gravité
quantique. En d’autres termes, on sait que l’entropie d’un système est donnée par S = lnΩ où Ω
représente le nombre d’états accessibles. En mécanique quantique, Ω est donné par la dimension
de l’espace de Hilbert du système. On s’attend donc à pouvoir trouver une explication quanti-
tative de l’entropie S = A/4 à partir d’une compréhension de l’espace de Hilbert du trou noir
quantique. Ceci est en général considéré comme un test important pour toute théorie de gravité
quantique.
Malgré l’absence actuelle de contraintes observationelles claires sur une théorie de la gravité
quantique, on peut néanmoins formuler quelques espoirs pour l’avenir. Comme je l’ai déja évoqué,
certains rayons cosmiques de très haute énergie semblent se trouver 8 ordres de grandeur en
deça de l’échelle de Planck. Il y a un espoir sérieux de pouvoir observer une signature de gravité
quantique dans leur propagation[15] (de même que la propagation dans un réseau cristallin se
modifie quand la longueur d’onde s’approche de l’échelle inter-atomique). Un autre espoir de ce
type consiste à rechercher une signature de gravité quantique dans le bruit associé au passage
d’ondes gravitationelles dans les détecteurs interférométriques.
Enfin la prochaine génération d’accélérateurs pourrait conduire à des phénomènes inter-
essants. D’une part il sera possible de juger de la pertinence d’une hypothèse comme la su-
persymétrie, d’autre part certains scénarios prévoient une signature de gravité quantique à
des échelles de l’ordre du TeV. Il s’agit notamment de scénarios comportant des dimensions
supplémentaires qui seraient responsables de la dilution de la gravité, de sorte que l’échelle de
Planck se trouve en réalité plusieurs ordres de grandeurs en dessous de 1028 eV . Sous certaines
hypothèses, on peut envisager une production de trous noirs à l’échelle du TeV [16], dont le
rayonnement thermique devrait être visible au sein des accélérateurs.
1.3. Les différentes approches de la gravité quantique 21
avec |hµν | << 1 et l’on regarde la théorie classique qui décrit la dynamique de hµν . C’est une
théorie des champs définie sur la métrique de Minkowski, et décrivant un champ de spin 2 (le
graviton). On peut alors appliquer les techniques de quantification perturbative usuelles.
Il apparait malheureusement que la théorie quantique correspondante est non-renormalisable.
On peut notamment comprendre ceci par comptage de puissances, puisque la constante de
couplage associée est G qui a la dimension d’une longueur au carré. Notons que la preuve explicite
de ces divergences n’a été confirmée qu’assez tardivement [17]. Ce résultat est analogue à celui
obtenu pour la théorie de Fermi des interactions faibles. La théorie de Fermi tente d’expliquer
les interactions faibles à partir d’un modèle d’interaction à 4 fermions. Cette théorie est elle
aussi non-renormalisable, et on découvrit plus tard qu’elle n’est qu’une approximation d’une
théorie plus fondamentale de l’interaction faible, utilisant la médiation de l’interaction par des
bosons de jauge, et étant elle, renormalisable. La non-renormalisabilité de la gravité quantique
en perturbations autour de la métrique plate constitue le fait fondateur de toutes les approches
modernes.
Le cas de l’interaction de Fermi peut conduire à penser que la relativité générale n’est
elle aussi qu’une approximation de basse énergie d’une théorie plus fondamentale, qui serait
elle renormalisable. Cette philosophie a donc conduit à rechercher une hypothétique théorie
possèdant ces propriétés. On essaya donc d’apporter des corrections aux équations d’Einstein
via l’ajout de termes dérivés supplémentaires, ou l’ajout de supersymétrie, débouchant sur la
supergravité. Malheureusement, aucune de ces théorie n’est à la fois renormalisable et unitaire.
Cette recherche d’une théorie plus fondamentale que la gravité culmine avec la construction des
modèles de théorie des cordes.
La théorie des cordes reformule l’ensemble de la physique fondamentale en partant du prin-
cipe que les objets fondamentaux ne sont pas des particules mais des cordes qui se propagent dans
l’espace-temps. Ces théories permettent de résoudre certains problèmes de non-renormalisabilité,
en ce sens que les singularités des diagrammes de Feynman perturbatifs se trouvent ”lissées”, et
les diagrammes de cordes possèdent alors des propriétés de finitude UV améliorées 3 . En outre
les modèles de cordes sont des candidats à l’unification des forces, puisqu’ils contiennent à la
3
La preuve rigoureuse de finitude n’existe pour l’instant qu’à l’ordre de deux boucles
22 Chapitre 1. Vers une théorie de la gravité quantique
fois la relativité générale et le modèle standard. Enfin, les théories des cordes prédisent la bonne
entropie de certains types de trous noirs. Les critiques actuelles des modèles de cordes sont le fait
qu’ils nécessitent la supersymétrie et l’introduction de dimensions supplémentaires. Par ailleurs,
la formulation non-perturbative de ces théories est encore mal comprise, et la compactification
des dimensions supplémentaires n’est pas encore clairement prescrite.
énergie, qui doit être remplacée à haute énergie par une autre théorie – comme la théorie des
cordes. Un autre point de vue est cependant possible : Une quantification non-perturbative cor-
recte peut exister malgré la non-renormalisabilité de la relativité générale. Un argument physique
soutient la foi en cette affirmation. En effet la non-renormalisabilité de la relativité générale si-
gnifie des divergences inévitables aux grandes impulsions, c’est à dire pour un comportement
à courte distance. Or la gravité quantique est censée précisemment modifier le paysage micro-
scopique de l’espace-temps, par exemple introduire une échelle de cut-off à courte distance. Un
autre argument est que l’on connait des exemples de théories non-renormalisables, mais dont la
quantification non-perturbative peut se faire de manière correcte.
La gravité quantique à boucles[21, 22] est tout d’abord basée sur ube reformulation de la
relativité générale. L’idée est de ne plus considérer la métrique comme l’objet d’intérêt, mais de
s’intéresser à la dynamique d’autres quantités, dont la métrique n’est qu’une quantité dérivée.
Notamment on ajoute des degrés de jauge puisqu’on augmente ”artificiellement” le nombre de
variables. Au final, cette nouvelle formulation de la relativité générale lui donne une forme
plus proche de celle des théories de jauge (comme la théorie de Yang-Mills), mais sans l’usage
d’une métrique de fond. La bonne surprise est que cette reformulation permet de débloquer le
programme de quantification canonique.
|n, l, m > .
Dans le cas de la gravité quantique, on a besoin de plus de nombres quantiques : une solution
des deux premières équations de Wheeler-DeWitt est caractérisée par la donnée d’un graphe
24 Chapitre 1. Vers une théorie de la gravité quantique
dont les arêtes portent des demi-entiers, qu’on appelle réseau de spin[23]. On a donc des états
du genre4 3/2
1/2 2
+
1 1
.
1/2
Un graphe dont les arêtes portent des demi-entiers joue donc le rôle de ”nombre quantique”
de la gravité quantique à boucles. Comme pour (n, l, m), on peut en donner une interprétation
physique en termes d’observables : ces nombres sont des valeurs propres de géométrie. Plus
précisemment les demi-entiers portés par les arêtes du graphe sont des valeurs propres d’aire[24].
Cela signifie qu’en gravité quantique à boucle, les aires sont quantifiées, de même que l’énergie
ou le moment angulaire sont quantifiés pour l’atome d’hydrogène. Bien entendu il s’agit là d’af-
firmations auxquelles je donnerai un sens précis au chapitre 4. La plus grande leçon de la gravité
quantique à boucles est ce fait que les quantités géométriques sont quantifiées. Ceci confirme
l’intuition que l’on pouvait acquérir en combinant simplement les idées fortes de la relativité
générale et de la mécanique quantique. Une conséquence importante de la quantification de la
géométrie concerne l’entropie des trous noirs. Il a été montré que la gravité quantique à boucles
permet de retrouver l’entropie des trous noirs S = A/4 [25]. Ceci constitue un résultat important
de cette approche.
où S[g] désigne l’action de la gravité, et l’intégrale porte sur les métriques d’espace-temps.
Le problème des définitions d’intégrale de chemin en théorie des champs est qu’elles n’ont
véritablement de sens que pour les théories libres, et que l’intégration fonctionelle est mal
définie hors des méthodes perturbatives, que nous cherchons justement à éviter pour la gra-
vité. La philosophie des mousses de spin consiste à donner un sens à ces intégrales en utilisant
des discrétisations de l’espace-temps. La discrétisation est donc introduite à la main. De manière
générale, il est raisonnable de penser que la discrétisation permet de régulariser les intégrales de
chemin. En revanche il faut remarquer deux choses : premièrement il n’est pas du tout clair que
discrétiser pour quantifier soit une technique payante, qui permette de capturer toute la phy-
sique du problème ; deuxièmement il s’agit d’une rupture méthodologique avec la philosophie de
la gravité quantique à boucles, où la discrétisation de l’espace-temps n’est pas introduite à la
main, mais prédite. Cependant ces deux remarques sont liées. C’est précisemment parce que la
gravité à boucles prédit une structure discrète de l’espace-temps que les méthodes d’intégrales
de chemin discrète peuvent être considérées comme raisonnables. Néanmoins, l’objectif est à
terme de reprendre contact avec la gravité à boucle en montrant explicitement que les modèles
de mousse de spin résolvent les équations de Wheeler-DeWitt.
développement de l’activité autour des modèles de mousses de spin a donc remis le modèle de
Ponzano-Regge en scène.
Bien qu’il fut en définitive assez peu étudié, le modèle de Ponzano-Regge est un laboratoire
privilégié pour les méthodes de mousse de spin, et ce pour plusieurs raisons. D’une part la gravité
quantique en 2+1 dimensions est un modèle jouet particulièrement utile [33] : elle possède les
difficultés conceptuelles de la gravité quantique 3+1 (invariance par difféomorphismes, problème
du temps, nature des observables quantiques...) tout en étant exempte de plusieurs difficultés
techniques, essentiellement liées au fait que la gravité 2+1 ne contient qu’un nombre fini de
degrés de liberté physiques (tous les degrés locaux sont de pure jauge). Une autre motivation
pour l’étude de la gravité 2+1 est l’existence d’une grande palette de techniques de quantification
a priori indépendantes. On peut alors juger et comparer ensemble les résultats de ces approches.
Enfin depuis une vingtaine d’années, il existe une forte fertilisation croisée entre le domaine de
la gravité quantique en 2+1 dimensions et l’étude mathématique de la topologie des variétés 3D.
Il existe donc un important arsenal de concepts mathématiques à notre disposition pour étudier
les modèles de gravité quantique en 2+1 dimensions.
Ma thèse s’est axée autour de l’idée que la compréhension de la structure des modèles de
mousse de spin doit commencer par une étude approfondie du modèle de Ponzano-Regge, de
ses propriétés (finitude, symétries), de ses possibilités de généralisation (inclusion de matière,
cas lorentzien, changements de topologie), et de ses résultats en regard des autres approches
(notamment gravité à boucles et approches Chern-Simons). Au cours de ce travail, j’ai obtenu
les résultats suivants :
– Une preuve mathématique de la conjecture numérique qui justifie le comportement semi-
classique du modèle de Ponzano-Regge, une généralisation de ce résultat au cas lorentzien,
et un résultat analogue en 3+1 dimensions qui modifie la compréhension semi-classique
du modèle de Barrett-Crane. Ce travail a été publié dans [34].
– L’identification des symétries de jauge du modèle de Ponzano-Regge, une méthode pour
les fixer de jauge et l’élimination des infinis du modèle. Ceci fournit des amplitudes de
transition physiques finies pour la gravité quantique à boucle en 2+1 dimensions. Ce
travail a été publié dans [35].
– Une construction qui permet l’inclusion de particules ponctuelles massives avec spin dans
le modèle de Ponzano-Regge, le calcul d’amplitudes de transition en présence de particules,
l’étude de la cinématique (déformée) des particules en présence de gravité quantique. Ce
travail a été publié dans [36].
– Une construction explicite d’une somme non-perturbative sur les topologies pour le modèle
de Ponzano-Regge. Cette construction montre la possibilité de prendre en compte non-
perturbativement les changements de topologie dans ce formalisme d’intégrale de chemin.
Ce travail a été publié dans [37].
– Une compréhension mathématique du lien entre le modèle de Ponzano-Regge fixé de
jauge et un invariant de type Chern-Simons construit à l’aide d’un groupe quantique.
Ce groupe quantique est une déformation du groupe de Poincaré, et il encode la contre-
partie mathématique de la cinématique déformée observée pour les particules. Ce travail
sera publié dans [38].
1.5. Les modèles de mousses de spin 27
– Une étude mathématique de relations de dualité entre certains objets de théorie des groupes
(quantiques) qui apparaissent dans les construction de mousse de spins. Ce travail sera
publié dans [39].
Dans ce chapitre je présente les méthodes de quantification des systèmes contraints par
approche canonique et par intégrale de chemin. L’objectif est d’exposer ces techniques et d’ex-
pliquer pourquoi les méthodes d’intégrale de chemin peuvent venir compléter les méthodes ca-
noniques. Cette idée est le coeur du rapport entre gravité quantique canonique et mousses de
spin.
La relativité générale est un système (totalement) contraint. D’une manière générale, la
présence de contraintes (de premières classes) pour un système s’accompagne de symétries de
jauge. L’existence de contraintes et de symétries de jauge complique la démarche de quantifica-
tion. Je présente ici les deux grandes techniques de quantification : l’approche canonique à la
Dirac et l’approche par intégrale de chemin due à Feynman. Pour chacune de ces méthodes, les
subtilités proviennent précisemment du traitement des contraintes et symétries de jauge. Dans
le but de justifier la complémentarité de ces deux approches, je présenterai une brève analyse
de la quantification du système totalement contraint le plus simple : la particule relativiste. Cet
exemple montre explicitement comment l’opérateur de projection sur les états physiques peut
s’obtenir par une intégrale de chemin. La référence pour la quantification des systèmes contraints
est le livre de M.Henneaux et C.Teitelboim [40].
2.1 Le programme de quantification de Dirac
Le programme de quantification canonique de Dirac [7, 41] est une recette (malheureusement
pleine d’ambiguités !) qui permet de construire une théorie quantique à partir de la formulation
hamiltonienne d’une théorie classique. Je présente ici les grandes étapes de ce programme. On
pourra trouver dans [22] (partie I.1.2) une discussion de ce programme dans le contexte de
la gravité canonique, mettant notamment l’accent sur les nombreuses sources d’ambiguités qui
peuvent apparaitre dans l’application du programme.
On peut principalement distinguer les étapes suivantes au programme de quantification ca-
nonique de Dirac :
– Formulation hamiltonienne du problème classique ;
– Définition d’un espace de Hilbert ’cinématique’ ;
– Représentation des relations de commutation ;
– Définition et résolution des contraintes ;
29
30 Chapitre 2. La quantification des systèmes contraints
Dans la suite nous allons considérer comme exemple de ces techniques le système
simple défini par deux variables q1 (t) et q2 (t), et le lagrangien
1
L(q1 , q2 , q̇1 , q̇2 ) = q̇12 + V (q1 , q2 ). (2.1)
2
Les moments conjugués sont donnés par
p1 = q̇1 (2.2)
p2 = 0 (2.3)
Polarisation
Pour choisir un tel espace, on considère une polarisation, c’est à dire un sous-ensemble maximal
de variables canoniques qui commutent par crochet de Poisson. Dans le cas simple d’un crochet
{pj , qi } = δij , le choix naturel de polarisation est de prendre l’ensemble des qi (ou des pj ).
On considère alors les fonctions de ces variables comme les fonctions d’onde, par exemple les
fonctions Ψ(qi ), pour lesquelles on peut utiliser la notation de Dirac < qi |Ψ >.
Mesure
L’espace d’états ainsi construit doit ensuite être équipé d’un produit hilbertien. On peut le faire
en munissant l’espace des variables d’une mesure dµ qui permette de considérer l’espace de
Hilbert des fonctions de carré intégrable
Z
2
H0 = Ψ(qi ) t.q. dµ |Ψ(qi )| < +∞ . (2.4)
D’une manière générale, le choix de l’espace de Hilbert fait intervenir des configurations distri-
butionelles. La mesure est donc en général à support sur les configurations distributionelles, c’est
à dire sur un espace C¯ plus grand que l’espace C des configurations classiques. A ce stade rien
ne semble particulièrement dicter le choix de la mesure dµ. Ce choix est en fait contraint par le
fait qu’on veut représenter sur H0 certaines relations classiques. Il s’agit de l’étape suivante du
programme.
Représentations sur H0
L’espace de Hilbert choisi doit maintenant porter l’implémentation de deux relations classiques :
l’algèbre de Poisson et les conditions de réalité. Pour représenter l’algèbre de Poisson par une
algèbre de commutateur sur H0 , on recherche des opérateurs Q̂i et P̂ i sur H0 , tels que
h i
P̂ j , Q̂i = i~δij . (2.5)
La manière naturelle de faire cette représentation est d’utiliser les opérateurs de multiplication
et de dérivation de l’espace des fonctions d’onde, à savoir
Q̂i · Ψ = qi Ψ, (2.6)
∂Ψ
P̂ i · Ψ = i~ . (2.7)
∂qi
L’espace de Hilbert doit également implémenter les conditions de réalité de l’espace des phases
classiques. Cela signifie que la conjugaison complexe ⋆ sur l’espace des phases doit être mimée
par les relations d’adjoint †. Par exemple si q1⋆ = q2 , on demande que Q̂†1 = Q̂2 . Ces deux
implémentations sont dépendantes du choix de la mesure dµ effectuée à l’étape suivante. Il faut
donc retrospectivement considérer une mesure qui permette ces représentations.
32 Chapitre 2. La quantification des systèmes contraints
Les opérateurs Q̂1 , Q̂2 , P̂1 , P̂2 sont définis naturellement par multiplication et
dérivation sur les fonctions d’onde
∂Ψ
Q̂1 · Ψ = q1 Ψ, Pˆ1 · Ψ = i~ , (2.9)
∂q1
∂Ψ
Q̂2 · Ψ = q2 Ψ, Pˆ2 · Ψ = i~ (2.10)
∂q2
Les conditions de réalité sont très simples à implémenter : les variables classiques
sont toutes réelles, on demande aux opérateurs qui les représentent d’être auto-
adjoints, ce qui est le cas.
Cette opération peut en pratique se réveler non-triviale et pleine d’ambiguités possibles (voir
[22]).
A supposer qu’on parvienne à définir les opérateurs de contrainte, il faut maintenant trouver
les fonctions d’ondes |Φ > qui résolvent ces contraintes c’est à dire celles qui sont telles que
L’espace des des fonctions d’onde solutions des contraintes forme alors un espace d’états phy-
siques, sur lequel nous pouvons maintenant travailler. Comme va le réveler l’exemple suivant, la
résolution des contraintes pose en réalité plusieurs problèmes.
2.1. Le programme de quantification de Dirac 33
Il est facile de résoudre cette équation dont les solutions sont les fonctions Φ(q1 ) qui
ne dépendent pas de q2 . L’espace des fonctions d’ondes physiques est donc celui des
fonctions de q1 seulement. Le problème est que ces fonctions ne sont pas dans H0 ,
puisqu’elles ne sont pas de carré intégrable ! On obtient bien un espace de solutions,
mais qui n’est pas un sous-espace de H0 . En particulier, cet espace de solutions
n’hérite pas du produit scalaire de H0 . Il n’est pas à ce stade un espace de Hilbert.
Pour cela, il faut l’équiper d’un produit scalaire physique. Dans notre exemple les
fonctions d’onde ne dépendent que de q2 , un choix très naturel est alors de ne
considérer que l’intégration sur q1 pour définir le produit scalaire,
Z
hΦ1 , Φ2 iphys = dq1 Φ∗1 (q1 )Φ2 (q1 ). (2.14)
Nous verrons plus tard comment justifier plus précisemment un tel choix.
Cet exemple illustre les difficultés liées à la résolution des contraintes dans un cas simple de
mécanique quantique. Dans la partie suivante, j’expose les principes généraux qui permettent
de traiter les difficultés qui se posent lors de la résolution des contraintes.
soit les solutions des contraintes au sens de (2.15). Si Ĉ est l’opérateur de contrainte, un telle
application est par exemple formellement définie par Π̂ = δ(Ĉ). Par abus de langage, on appelle
ce type d’application un projecteur. On comprend facilement qu’un tel projecteur risque de ne
pas laisser stable H0 , puisque le produit scalaire H0 de deux telles solutions serait
que le produit de deux fonctions δ peut rend indéfini3 . Une solution consiste à définir le produit
scalaire sur Hphys de la manière suivante. Si Φ1 est une solution obtenue par δ(Ĉ)Ψ1 et Φ2 =
δ(C)Ψ2 , on définit leur produit scalaire physique par
Cette technique permet ”d’enlever une fonction δ” et d’obtenir un produit scalaire convenable.
La méthode de quantification algébrique rafinée est reliée à la technique de moyenne sur le
groupe. En effet l’existence d’une contrainte (de première classe) est reliée à l’existence d’une
symétrie de jauge. Ainsi, demander qu’un état soit annihilé par les contraintes est équivalent
à demander qu’il soit invariant de jauge. Si U (λ) est l’opérateur qui représente la symétrie de
paramètre λ, cela s’écrit
U (λ)|Φ >= |Φ >, ∀λ. (2.18)
En général, on recherche là aussi ces états parmis les ’états généralisés’, c’est à dire dans D∗ .
Une manière d’obtenir un tel < Φ| est de moyenner sur le groupe, si cette opération converge.
L’état Z
< Φ| = dλ < Ψ|U (λ) (2.19)
fournit un invariant de jauge. L’équivalence entre un état invariant de jauge et et un état solution
des contraintes se comprend par le fait que la contrainte C est le générateur des symétries de
jauge infinitésimales. On a donc
U (λ) = eiλĈ , (2.20)
(on ignore ici le problème des transformations de symétrie non-connectées à l’identité), par
conséquent l’opérateur de moyenne sur le groupe est bien le projecteur sur les solutions
Z Z
dλ U (λ) = dλ eiλĈ = δ(Ĉ) = Π̂. (2.21)
3
Notamment si 0 est dans la partie continue du spectre de Ĉ
2.1. Le programme de quantification de Dirac 35
q2 → q2 + λ. (2.22)
Un opérateur de projection défini par moyenne sur le groupe de jauge est alors
Z Z
Π · Ψ(q1 , q2 ) = dλ Ψ(q1 , q2 + λ) = dq2 Ψ(q1 , q2 ). (2.23)
Cette équation montre que deux solutions obtenues par intégration sur q2 ont un
produit scalaire qui est l’intégration sur q1 . On retrouve donc par cette méthode le
produit scalaire que nous avions ”deviné” précedemment. En fait on peut montrer
que quand la méthode de moyenne sur le groupe converge, elle fournit l’unique produit
scalaire physique disponible [42].
Cette forme est exactement celle de la contrainte C associée à son multiplicateur de Lagrange
N , telle qu’elle peut apparaitre dans l’exponentiation de l’action qui définit une intégrale de
chemin. La formulation intégrale de chemin contient donc la notion d’opérateur de projection.
Cette idée est au coeur de la philosophie des modèles de mousses de spins, dont le but est de
remettre un peu d’intégrale de chemin dans la gravité quantique canonique, pour en comprendre
la dynamique.
La partie suivante va donc chercher à montrer que de même que l’intégrale de chemin peut
fournir les éléments de matrice de l’opérateur d’évolution, elle peut fournir les éléments de
matrice du projecteur sur les états physiques4 .
4
On peut d’ailleurs voir l’opérateur d’évolution U (t) comme un projecteur sur les solution de l’équation de
Schrödinger. Si |Ψ > est un état cinématique, U (t)|Ψ > est solution de l’équation de Schrödinger
36 Chapitre 2. La quantification des systèmes contraints
Dans le cas d’un hamiltonien H(q, p) = (p2 /2m) + V (q), on peut intégrer sur la variable p et
obtenir Z q(tf )=qf i
K(qf , tf ; qi , ti ) = Dqe ~ S(q) . (2.28)
q(ti )=qi
où S(q) désigne l’action du système. La formule de Feynman-Kac exprime les éléments de ma-
trice de l’opérateur d’évolution comme une intégrale de chemin. Peut-on établir une formule de
Feynman-Kac pour les éléments de matrice de l’opérateur de projection sur les états physiques ?
où Ĉ est l’opérateur de contrainte (de première classe), G est par conséquent le groupe de jauge.
Supposons enfin pour commencer que ΠR2 = Π, ce qui revient à supposer que le groupe de
jauge est compact avec la normalisation G dλ = 1. On a donc en particulier pour un entier N
quelconque l’égalité
K(xf , xi ) =< xf |Π̂N |xi > . (2.31)
On note xN = xf et x0 = xi , on peut alors récrire en insérant des relations de fermeture
N Z
Y N Z
Y
K(xf , xi ) = dxk < xk |Π̂|xk−1 >= dxk dpk < xk |Π̂|pk >< pk |xk−1 > . (2.32)
k=1 i=k
On fait tendre N vers l’infini et on récrit cette expression en termes d’un temps non-physique
τ ∈ [0; 1] partitionné en N segments, et de variables continues x(τ ), p(τ ) et λ(τ ). On a alors
Z x(1)=xf Z 1
K(xf , xi ) = DxDpDλ exp i dτ [pẋ + λ(τ )C(q(τ ), p(τ ))] . (2.34)
x(0)=xi 0
Cette expression fournit une expression intégrale de chemin des éléments de matrice de
l’opérateur de projection, où l’amplitude est donnée par l’exponentielle de l’action hamiltonienne
d’un système totalement contraint.
On peut faire deux remarques sur cette construction. La construction fait appel à l’introduc-
tion d’une partition d’un temps non-physique τ . Ceci est caractéristique d’un système totalement
contraint invariant par reparamétrisation du temps. Si nous avions fait cette construction dans
le cas d’un système non-totalement contraint, on aurait construit les éléments de matrice de
l’opérateur U (t)Π, et la partition aurait été celle du temps physique t. Une autre conséquence
de l’apparition du temps non-physique τ concerne la rotation de Wick. En effet pour rendre
définis les calculs d’intégrales de chemin, on utilise usuellement la rotation de Wick t → it qui
représente physique un passage à un temps euclidien. Il n’est pas clair qu’une telle opération
soit possible dans le cas du temps non-physique τ , en relation avec un signature de la métrique.
On peut voir cela comme une difficulté de la quantification sans métrique de fond. Une seconde
remarque concerne le fait que cette construction utilise que Π est un vrai projecteur. En général
ceci ne sera pas le cas, ce qui peut être relié à la non-compacité du groupe de jauge. On s’attend
donc à ce que l’utilisation d’une forme intégrale de chemin de l’action pour définir le projecteur
contienne des infinités. Dans le cas général, il faudra donc faire appel à des fixations de jauge dans
l’intégrale de chemin, ce qui nous est rendu possible par la méthode de DeWitt-Fadeev-Popov
[43, 44].
diverge. Choisissons une condition F(X) qui fixe totalement la jauge. On définit
Z
∆−1 (X) = dg δ(F(g X)). (2.36)
G
Cette définition est telle que ∆(X) est un invariant de jauge ∆(g X) = ∆(X). Si on insère ∆∆−1
dans (2.35), on obtient Z Z
Z= DX ∆(X) dg δ(F(g X))eiS(X) (2.37)
G
38 Chapitre 2. La quantification des systèmes contraints
et en redéfinissant Y = g X, on a
Z Z
Z= dg DY ∆(Y )δ(F(Y ))eiS(Y ) . (2.39)
G
C(p) = p2 + m2 . (2.49)
( + m2 )Ψ = 0, (2.50)
où désigne l’opérateur d’alembertien. Les solutions de cette équation d’onde forment l’espace
de Hilbert physique. Pour trouver le produit scalaire physique, l’opérateur de projection
Π̂ = δ(P 2 + m2 ) (2.51)
La division par le volume du groupe de jauge est alors facilement effectuée. On intègre ensuite sur
T pour obtenir δ(p2 + m2 ) puis sur p0 . On retrouve alors les éléments de matrice du projecteur
43
44 Chapitre 3. Les formalismes de la Relativité Générale
Le tenseur de courbure associé à cette dérivée covariante est le tenseur de Riemann Rµνρσ , il est
définit en terme de l’action de la dérivée covariante sur les 1-formes par
A partir du tenseur de Riemann on définit alors le tenseur de Ricci Rµν = Rµσνσ et la courbure
scalaire R = Rµν g µν .
La dynamique de la métrique d’espace-temps en présence de matière et de constante cosmo-
logique est gouvernée par l’équation d’Einstein
1
Rµν − Rgµν + Λgµν = 8πGTµν , (3.4)
2
où Tµν est le tenseur énergie-impulsion de la matière, G la constante gravitationelle et Λ la
constante cosmologique.
La formulation lagrangienne standard de la relativité générale en l’absence de matière est
donnée par l’action de Einstein-Hilbert
√
Z
SEH [gµν ] = −gd4 x (R − 2Λ), (3.5)
M
où g désigne le déterminant de la métrique. La variation par rapport à gµν de cette action
redonne l’équation d’Einstein (3.4) en l’absence de matière.
Un point-clé de la relativité générale est le fait que les difféomorphismes sont les symétries
de la relativité générale. Précisons ce qu’il faut entendre par là. Considérons une variété M
munie d’une métrique g. Pour les besoins de l’écriture et des calculs, on introduit généralement
un système de coordonnées sur cette variété, c’est à dire une application
x : M → R4
p → xµ (p). (3.6)
Une propriété de la relativité générale est que sa formulation est invariante sous les changements
de coordonnées. Un changement de coordonnées est une application
φ : R4 → R4
xµ → y µ . (3.7)
On appelle ces transformations les difféomorphismes passifs. Ils n’agissent pas sur les variables
de la théorie (le tenseur métrique), et ne sont donc pas les symétries de la relativité générale.
Un difféomorphisme actif est une application
Φ : M→M
p → p′ . (3.8)
Une telle application agit sur le tenseur métrique par pull-back (Φ∗ g)(p) = g(Φ(p)). Les
difféomorphismes agissent sur le tenseur métrique, et relient ensemble des solutions physiquement
équivalentes : les difféomorphismes actifs sont les symétries de jauge de la relativité générale.
3.2. La Relativité Générale comme un système contraint : le formalisme ADM 45
N nµ tµ
Nµ
Σt
N = −tµ nµ , (3.10)
et le shift
Nµ = qµν tν . (3.11)
Les relations géométriques entre ces quantités sont exprimées sur la figure 3.1. On utilise
dorénavant les indices a, b, · · · commes les indices d’espace. La métrique se récrit en termes
de ces variables
−N 2 + N a Na
Na
gµν = . (3.12)
Na qab
46 Chapitre 3. Les formalismes de la Relativité Générale
où q̇ab désigne la dérivée de Lie de qab par rapport au champ de vecteur tµ , et où pab s’exprime
en termes de la courbure extrinsèque Kab et de sa trace K par
√
pab = q[K ab − q ab K], (3.15)
et on a
où R̃ désigne le scalaire de courbure pour la métrique d’espace. Cette forme de l’action dicte
la structure canonique de la relativité générale. Les variables conjuguées sont qab et pab , le
hamiltonien Z
HADM = d3 x [N a Ca + N C] , (3.18)
Σ
est juste une combinaison linéaire des contraintes Ca et C, ayant respectivement N a et N pour
multiplicateur de Lagrange.
Pour un champ de vecteur ξ a et un scalaire ξ, on définit les contraintes vectorielle et scalaire
comme des versions lissées de Ca et C
Z
a
V (ξ ) = d3 x ξ a (x)Ca (x), (3.19)
ZΣ
S(ξ) = d3 x ξ(x)C(x). (3.20)
Σ
où on a définit
ς a = q ab (χ∂b ρ − ρ∂b χ). (3.24)
Ces contraintes sont de première classe, et engendrent par conséquent les symétries de jauge de
la théorie. Les transformations engendrées par la contrainte vectorielle sont
Ces équations sont celles d’une variation sous l’action de difféormorphismes infinitésimaux d’es-
pace donnés par un champ de vecteur ξ a . Pour la contrainte scalaire, les transformations sont
où l’on a définit le champ de vecteurs τ µ = χnµ . Il est à noter que cette contrainte engendre des
difféomorphismes dont le paramètre (le champ de vecteur τ µ ) dépend de la métrique, via nµ . Ces
difféomorphismes ’dans la direction du temps’ ne sont donc pas des difféomorphismes au sens
usuel mais des difféomorphismes dépendant du champ. On retrouve donc que ces contraintes
engendrent les difféomorphismes, qui sont la symétrie de jauge de la relativité générale. On re-
marque par ailleurs que la sous-algèbre (3.21) formée par les contraintes vectorielles est fermée.
En revanche le crochet de Poisson (3.23) de deux contraintes scalaires est une contrainte vec-
torielle. De plus cette contrainte vectorielle utilise un champ de vecteur ς a qui dépend de la
variable q ab . Cela signifie que cette algèbre n’est pas une algèbre de Lie car elle ne fait pas
intervenir des constantes de structure, mais des fonctions de structure.
La forme canonique de la gravité permet d’en compter les degrés de libertés. On dispose de
2 × 6 = 12 degrés d’espace des phases. Ces degrés de liberté sont réduits par 4 contraintes et 4
symétries de jauge. Il reste donc 4 degrés d’espace des phases, soit 2 degrés de liberté physique.
On retrouve donc que la relativité générale possède deux degrés de liberté physiques locaux, qui
se manifestent par l’existence des ondes gravitationelles.
L’étude canonique de la gravité nous révèle qu’elle est un système totalement contraint :
son hamiltonien est nul sur la surfaces de contraintes. Les contraintes sont associées aux
difféormorphismes, qui sont les symétries de jauge de la gravité. Dans un esprit de quantifi-
cation canonique, on peut noter que cette analyse apporte deux mauvaises nouvelles :
– la contrainte hamiltonienne (3.20) est extrèmement non-polynomiale ;
– l’algèbre de contraintes se révèle très compliquée, à cause du crochet (3.23) faisant inter-
venir la fonction de structure (3.24).
et la 2-forme de courbure
F IJ = dω ω (3.49)
où dω désigne la dérivée covariante extérieure associée à la connexion ω. On peut alors récrire
l’action de Palatini sous la forme
Z
SP [e, ω] = ǫIJKL eI ∧ eJ ∧ F KL (ω), (3.50)
M
où ∧ désigne le produit extérieur des formes différentielles. Cette écriture rend manifeste le fait
que l’action est covariante, puisque les 4-formes s’intrègrent naturellement sur les variétés de
dimension 4.
B IJ = ǫIJKL eK eL . (3.52)
Nous voulons chercher une action qui formule ceci à l’aide du terme (3.51) et d’une contrainte
qui impose (3.52) explicitement, à l’aide d’un multiplicateur de Lagrange.
Pour cela, on peut d’abord montrer qu’une condition nécessaire pour que B satisfasse (3.52)
est que
B IJ ∧ B KL = 0. (3.53)
Cette condition est appelée condition de simplicité. A l’aide de cette condition, on définit l’action
de Plebanski définie de la manière suivante. On considère donc une 2-forme B à valeur dans
l’algèbre de Lie so(4), et un scalaire ΦIJKL satisfaisant
Ces symétries sont celles du tenseur de Riemann. Ce scalaire nous sert de multiplicateur de
Lagrange. On définit l’action de Plebanski
Z
SP leb [B, ω, Φ] = B IJ ∧ FIJ + ΦIJKL B IJ ∧ B KL (3.55)
M
effectivement les équations de la relativité générale. On peut montrer [56] que la variation de
cette action par rapport au champ B redonne effectivement les équations d’Einstein, à une
subtilité près. J’ai mentionné que la condition de simplicité constituait une condition nécessaire
pour que B s’écrive sous la forme (3.52). Ca n’est pas une condition suffisante. En fait l’équation
B IJ ∧ B KL = 0 possède 4 secteurs de solutions[56]. Si B satisfait une telle équation, alors il
existe e tel que
Cette action est celle de la théorie BF en 4 dimensions, qui est une théorie topologique [57].
Dans la perspective de quantification, cette récriture ouvre la possibilité d’importer certaines
techniques des théories topologiques pour quantifier la gravité.
52 Chapitre 3. Les formalismes de la Relativité Générale
4
La gravité quantique à boucles
53
54 Chapitre 4. La gravité quantique à boucles
La connexion SU(2) Aia est connue sous le nom de connexion d’Ashtekar-Barbero. Elle fut
initialement proposée par Ashetkar dans le cas γ = i lorentzien [19, 59]. On note Da la dérivée
covariante qui est associée à cette connexion. La théorie hamiltonienne que nous obtenons est
une théorie totalement contrainte, donc les contraintes sont
Gi = ∂a Eia + ǫijk Aja E ak = Da E ai , (4.5)
Va = Eib Fab
i
, (4.6)
ijk a b 1
C = ǫ Ei Ej Fabk − (1 + 2 )Rabk . (4.7)
γ
où R désigne la courbure associée à la connexion de Levi-Civita Γ[e].
Les contraintes de cette théorie tiennent un rôle identique à celles de la théorie de Palatini.
La contrainte de Gauss
Gi = Da Eia , (4.8)
engendre les symétries de Lorentz locales de la connexion et les rotations de la tétrade. La
contrainte vectorielle Va engendre les difféomorphismes d’espace. La contrainte scalaire C en-
gendre les difféomorphismes dans la direction du temps. Son expression montre le caractère
particulier du cas γ = ±i qui constituait la formulation originale proposée par Ashtekar et pour
laquelle C était une contrainte polynomiale.
Cependant la définition rigoureuse de cet objet est loin d’être aussi simple 1 et a fait appel à
plusieurs techniques pointues de physique mathématique. Je vais dans cette partie donner un
aperçu des ingrédients qui permettent de définir cet espace de Hilbert.
Il existe deux manières de s’imaginer cet espace. La première consiste à le définir comme un
espace L2 de la manière suivante
H0 = L2 (Ā, dµ0 ), (4.11)
où Ā est un espace de connexion distributionelles, et dµ0 une mesure sur cette espace. La seconde
consiste à le définir comme la complétion d’un autre espace
H0 = Cyl, (4.12)
où Cyl désigne un espace de fonctionelles de A particulières, les fonctions cylindriques. Cet
espace est munit d’un produit scalaire ; la complétion de Cyl fournissant H0 .
Pour pouvoir parler d’espace L2 de fonctionelles sur Ā, il faut le munir d’une norme. Une
mesure dµ0 sur Ā a été construite par des techniques projectives, par Ashtekar et Lewandowski
[63]. Nous verrons plus tard que cette mesure est en fait l’unique mesure sur Ā compatible avec
la réalisation du programme de quantification. Ayant à disposition l’espace Ā et la mesure dµ0 ,
on peut donc parler d’espace L2 et construire explicitement l’espace de Hilbert des fonctionelles
de carré intégrable
H0 = L2 (Ā, dµ0 ). (4.13)
Pour comprendre le contenu de cet espace de Hilbert, nous allons nous intéresser à son autre
construction.
Fonctions cylindriques
Pour comprendre à quoi ressemble l’espace de Hilbert H0 des fonctionnelles de la connexion,
nous avons besoin de la notion d’holonomie selon une courbe. L’holonomie d’une connexion selon
une courbe orientée de Σ paramétrisée par γ(s), s ∈ [0, 1] est un élément de groupe SU(2) défini
comme Z 1
hγ (A) = P exp ds γ̇ µ Aiµ (γ(s))Ji (4.14)
0
où les Ji sont les générateurs de su(2) (voir appendice A) et P exp désigne l’exponentielle or-
donnée. La notion d’holonomie permet de fabriquer un type particulier de fonctionelles Ψ(A) :
les fonctions cylindriques. Ce sont des fonctionnelles qui ne dépendent de A que via des holono-
mies. La donnée de Γ un ensemble de courbes Γ = {γ1 , · · · , γN }, et d’une fonction ϕ(g1 , · · · , gN )
de N éléments de groupe SU(2) permet de construire une fonction cylindrique
où on utilise la mesure de Haar normalisée sur SU(2). Si elles sont basées sur des graphes
différents, on peut toujours les récrire comme des fonctions basées sur un même graphe qui les
contient tout les deux, et appliquer le même produit scalaire. La complétion Cyl de l’espace des
fonctions cylindriques par ce produit scalaire fournit un espace de Hilbert dont on peut montrer
qu’il n’est autre que H0 .
H0 étant la complétition de Cyl, nous disposons d’une triple de Gelfand Cyl ⊂ H0 ⊂ Cyl∗ .
Ce dernier pourra servir d’espace pour la recherche de solutions des contraintes qui soient des
états généralisés. Une remarque intéressante qui peut être faite est que cet espace de Hilbert n’est
pas séparable. C’est donc un espace énorme, ceci étant dû au fait qu’il contient énormément de
degrés de jauge, qui disparaitront quand on tiendra compte de l’invariance par difféomorphisme.
4.2. La quantification canonique 57
sur l’espace de Hilbert, on cherche naivement à construire des opérateurs Âia (x), qui agirait par
multiplication sur les fonctionnelles de la connexion, et Ê ai (x), qui agirait par dérivation. Dans
le langage des fonctions cylindriques, nous n’allons pas stricto sensu construire ces opérateurs,
mais plutôt des versions ”lissées”, qui évitent les problèmes liés à la présence d’une fonction
δ (3) (x − y) dans l’algèbre de Poisson.
Nous avons déja recontré les holonomies, qui sont une version lissée de la connexion. La
connexion étant une 1-forme, elle s’intégrait naturellement sur une courbe γ. Nous devons aussi
définir une version lissée du champ électrique E. Pour une surface S ⊂ Σ, on définit le flux
électrique Z
ES (E) = ⋆E. (4.18)
S
(⋆E)ab = ẽabc E c , ⋆E est donc une 2-forme qui peut s’intégrer sur S sans structure additionelle.
On a ES (E) ∈ su(2).
Les holonomies hγ et les flux ES forment un ensemble de fonctions suffisant pour décrire to-
talement l’espace des fonctions des variables canoniques. Nous allons donc construire l’opérateur
quantique ĥγ qui représente l’holonomie hγ , ainsi que l’opérateur ÊS qui représente le flux ES . Les
opérateurs d’holonomie dépendent d’une courbe γ et agissent par multiplication sur les fonctions
cylindriques
ĥγ · ΨΓ,ϕ = hγ ΨΓ,ϕ . (4.19)
Pour décrire l’action d’un opérateur de flux ÊSi (i indice la base des générateurs de su(2)), on
commence regarder le cas d’une fonction cylindrique très simple basée sur une seule courbe
Ψγ,ϕ (A) = ϕ(hγ (A)), tel que γ intersecte une fois S en un point p, on a alors
ÊSi · Ψg,ϕ = ±i~ϕ(h→p i p→
γ (A)J hγ ), (4.20)
où h→p p→
γ (A) désigne l’holonomie de A le long de γ, jusqu’au point p, et hγ l’holonomie à partir de
p. Le signe ± dépend de l’orientation relative de γ et de S à l’intersection. L’effet de l’opérateur ÊSi
est donc d’insérer un générateur Ji à l’intérieur de l’holonomie, au niveau du point d’intersection.
Cette définition se généralise au cas d’une fonction cylindrique générale : l’opérateur insère un
générateur dans les holonomies de toutes les courbes qui intersectent S.
La contrainte de Gauss
Nous avons que la contrainte de Gauss engendre la symétrie de jauge de Lorentz sur les
connexions. D’une manière générale, pour quantifier une théorie possèdant une contrainte, on dis-
pose a priori de deux stratégies : ”quantifier puis contraindre” (ce qui est l’esprit du programme
de Dirac), ou ”contraindre puis quantifier”, qui consiste à réduire les variables classiques et à
quantifier les variables réduites. Dans le cas de la contrainte de Gauss, ces deux méthodes sont
possibles et conduisent au même résultat HG pour l’espace de Hilbert.
Pour réduire puis quantifier, on tient compte de la contrainte/symétrie de jauge au niveau
des variables classiques. On peut en effet construire l’espace A/G des connexions distributionelles
invariantes de jauge, puis l’équiper de la mesure dµ0 qui en fait un espace
L’autre méthode consiste à quantifier, puis contraindre. C’est à dire qu’on part de H0 , et on
implémente la contrainte de Gauss par quantification algébrique raffinée. On obtient alors un
résultat identique HG . Essayons maintenant de décrire cet espace.
Si on considère une transformation de jauge paramétrisée par un élément de groupe k(x) en
tout point x ∈ Σ, son action sur une holonomie est donnée par
où s(γ) = γ(0) et t(γ) = γ(1) sont les extrémités de la courbe γ. L’action d’une transformation
de jauge sur une fonction cylindrique basée sur Γ = {γ1 , · · · , γN } est donc
−1 −1
k ⊲ ΨΓ,ϕ (A) = ϕ(ks(1) hγ1 kt(1) , · · · , ks(N ) hγN kt(N ) ). (4.24)
La résolution de la contrainte de Gauss doit nous fournir des fonctions cylindriques invariances
sous ce type de transformations, c’est à dire telles que
−1 −1
ϕ(ks(1) hγ1 kt(1) , · · · , ks(N ) hγN kt(N ) ) = ϕ(hγ1 , · · · , hγN ). (4.25)
Examinons pour commencer un type de solution de cette équation : les réseaux de spin [23].
Un réseau de spin est une fonction cylindrique particulière, complètement spécifiée par la donnée
1. d’un graphe fermé orienté Γ ;
2. de représentations je associée à chaque arête de Γ. Tout élément de groupe g ∈ SU(2) est
alors représenté par un endomorphisme de V je
1/2
3/2
2
2 5/2
Fig. 4.1 – Exemple de réseau de spin. Les holonomies de la connexion selon les arêtes du
graphe fournissent des éléments de groupe, ils sont pris dans la représentation correspondante
et contracté par des entrelaceurs aux vertexs.
A l’aide de ces données, un réseau de spin est défini comme une fonctionelle de A définie de la
manière suivante O O
ΨΓ,c (A) = h Dje (he (A)), ıv i. (4.28)
e v
Dans cette équation, h, i désigne l’appariement des matrices de représentations et des entrela-
ceurs. Le graphe Γ étant fermé, le résultat est un nombre complexe. On peut vérifier qu’une
fonction de ce type est invariante par la transformation de jauge (4.24). En réalité, on peut
prouver que les réseaux de spin forment une base orthonormale de l’espace de Hilbert des fonc-
tions cylindriques invariantes de jauge HG . Ceci complète la description de HG en fournissant
une base et le produit scalaire des vecteurs de base.
des vertexs au moins 4-valents doit se décrire avec un espace de modules qui sont des paramètres
continus. On a donc toujours une infinité continue d’états de base après la moyenne sous les
difféomorphismes. Une solution possible est de moyenner sur un groupe légèrement plus grand
que les difféomorphismes : les difféomorphismes étendus. Ces difféomorphismes sont autorisés à
être singulier en un nombre fini de points isolé. Si l’on utilise ce groupe, la base de HDif f est
maintenant discrète et l’espace de Hilbert est séparable (voir [21]).
Après la résolution de la contrainte qui engendre les difféomorphismes, la dernière étape
consiste donc à résoudre la contrainte scalaire C sur HDif f pour obtenir Hphys . C’est malheu-
reusement là que les bases fermes de la gravité quantique à boucle s’arrête. Il n’existe pas à ce
jour de résolution convenable et complète de cette étape du programme de quantification. Avant
d’aller plus loin, on peut néanmoins regarder quelques résultats qu’on sait obtenir au niveau de
Hdif f .
Il est possible de définir l’opérateur quantique Â(S) sur Hdif f qui lui est associé. On peut alors
constater que cet opérateur est diagonal sur la base des réseaux de spin, avec la valeur propre
X q
Â(S)ΨΓ,c = 8πγlP2 jp (jp + 1) ΨΓ,c (4.31)
p∈Γ∩S
où les p sont les points où Γ intersecte S, et jp est la représentation portée par l’arête de Γ
contenant le point d’intersection p, voir figure 4.2. Les représentations qui colorent un réseau de
spin représentent donc des quantas d’aire. Intuitivement, une arête donne de l’aire à une surface
qui la coupe. Notons que le spectre est proportionnel au paramètre d’Immirzi γ. On constate
donc explicitement que les théories classiques équivalentes conduisent à des théories quantiques
non-équivalentes.
Dans ce formalisme, on peut également décrire un opérateur de volume d’une région de l’es-
pace. Ce sont cette fois les intertwiners qui jouent le rôle de nombres quantiques. Intuitivement,
un vertex du graphe donne du volume à une région de l’espace qui le contient.
j1
j2
j3
Fig. 4.2 – Les réseaux de spin sont des états propres des opérateurs d’aire. La valeur propre
associée pour une surface S donnée dépend des représentations aux intersection du réseau et de
la surface.
pour kB = 1. Il est considéré que cette entropie semi-classique devrait trouver son origine dans
une description purement quantique du trou noir, typiquement on attend que l’entropie soit relié
à la dimension de l’espace de Hilbert d’un trou noir par
S = ln(dimHT N ) (4.33)
Il est considéré que toute théorie de gravité quantique se doit de reproduire ce résultat 2 .
A partir de la diagonalisation de l’opérateur d’aire, on peut faire ce calcul en gravité quan-
tique à boucle[68, 25]. La gravité induit sur un horizon de trou noir une théorie de Chern-Simons
dont on peut étudier la quantification. Cette quantification permet d’identifier un espace de Hil-
bert HT N d’états, qui conduit à une entropie
ln 2 A
S= √ . (4.34)
4π 3γ lP2
Cette question a reçu beaucoup d’attention ces derniers temps car un argument
indépendant[69] a permis de fixer la valeur de ce paramètre à une valeur identique. Sup-
posons que l’on parte d’une hypothèse légèrement différente où le groupe SU(2) est remplacé
par le groupe SO(3). Le quantum élementaire d’aire est obtenu pour j = 1 au lieu de j = 1/2
et l’entropie correcte du trou noir est cette fois obtenue pour la valeur du paramètre d’Immirzi
ln 3
γ= √ . (4.36)
2π 2
Il se trouve que cette valeur du paramètre γ est également obtenue sur la base d’arguments liés
aux modes de résonance des trous noirs dits modes quasi-normaux. L’argument est le suivant :
un trou noir de masse M possède plusieurs modes de résonance dits quasi-normaux dont la
fréquence est asymptotiquement
ln 3
ωBH = . (4.37)
8πM
Hod a alors conjecturé que l’énergie ~ωBH doit correspondre à une énergie d’échange élementaire
du trou noir, de manière analogue à ce qui se produit pour l’atome de Bohr. On aurait donc
pour variation élémentaire de masse
~ ln 3
∆elem M = . (4.38)
8πM
Enfin puisque masse et aire sont reliées, cela signifie que la variation élémentaire d’aire d’un trou
noir doit être
∆elem A = 4 ln 3lP2 . (4.39)
Hod a donc utilisé l’argument à la Bohr pour justifier que l’espacement élementaire du spectre
d’aire du trou noir doit être 4 ln 3lP2 . O. Dreyer a alors observé que cet espacement est exactement
le quantum d’aire obtenu pour la gravité quantique pour le groupe SO(3) avec
ln 3
γ= √ . (4.40)
2π 2
Cela signifie que deux arguments indépendants (un principe de correspondance à la Bohr et
l’entropie des trous noirs) nous conduisent à deux valeurs identiques du paramètre d’Immirzi. Il
s’agit maintenant de comprendre s’il s’agit là d’un signe profond ou d’une coincidence numérique.
k k
1
k+ 2
j j 1
2
1
l− 2
l
l
Fig. 4.3 – Exemple d’action de la contrainte hamiltonienne : elle agit au niveau des vertexs en
ajoutant une arête portant 1/2, et en modifiant les spins qui se trouvent autour. L’action totale
de la contrainte hamiltonienne est une combinaison linéaire d’actions de ce type.
par Thiemann[70]. L’opérateur de contrainte scalaire est correctement défini et exempt d’infinis.
Pour comprendre quelles peuvent en être les solutions, on peut observer l’action de la contrainte
hamiltonienne H sur un état de réseau de spin. Tout d’abord, on a en général
Cela signifie que les états de réseau de spin ne sont malheureusement pas des solutions de la
contrainte hamiltonienne. Une exception notable concerne les états dont les graphes sont des
boucles, c’est à dire qui ne contiennent pas de vertexs. Ceci est manifeste dans le fait que la
contrainte hamiltonienne agit aux vertexs de Γ. En effet l’action de H sur un état |Γ, c > produit
un nouvel état qui est une superposition de réseaux de spin qui diffèrent de |Γ, c > au niveau
des vertexs. Cette modification prend la forme générale suivante, qui est décrite à la figure 4.3 :
on ajoute des arêtes portant le label 1/2 au niveau des vertexs, on modifie les labels des arêtes
adjacentes par ±1/2. L’entrelaceur est lui aussi modifié en conséquence.
Malgré une définition convaincante de la contrainte hamiltonienne et une compréhension de
son action sur les réseaux de spin, il n’a pas été possible à ce jour d’obtenir une compréhension
globale des solutions. On ne dispose pas non plus d’états solutions possèdant une interprétation
semi-classique claire. Cependant on comprend que la contrainte hamiltonienne fait évoluer les
réseaux de spin en en modifiant la structure. Intuitivement, on obtient donc une évolution du
type représenté figure 4.4. C’est ici qu’interviennent les mousses de spin. La philosophie de cette
approche est de définir le projecteur sur les solutions par des arguments d’intégrale de chemin,
en les connectant à la notion d’évolution de réseaux de spin que la contrainte hamiltonienne
nous donne. Cette approche se veut une solution aux trois problèmes :
1. il n’est pas besoin de définir directement l’opérateur de contrainte C, puisque seul
l’opérateur de projection Π nous importe ;
2. l’opérateur de projection fournit une machine à fabriquer les solutions ;
3. l’opérateur de projection fournit le produit scalaire sur l’espace des solutions.
Il est à noter que la naissance du programme de mousses de spin ne signifie pas l’arrêt
des recherches dans la direction canonique. On peut mentionner par exemple le programme de
Thiemann[71], dont le but est de passer outre les problèmes de contrainte hamiltonienne, en
64 Chapitre 4. La gravité quantique à boucles
11
00
00
11
00
11
approchant le problème sous un angle différent, dont le but est de réunir toutes les contraintes
en une contrainte maitresse.
5
La gravité quantique en 2+1
dimensions
Cette thèse est centrée autour de l’étude des modèles de mousses de spin en 2+1 dimension.
Cette partie présente donc plusieurs aspects de la gravité classique et quantique en 2+1 dimen-
sions, afin de motiver cette approche et de réunir les bases nécessaires à l’étude des mousses de
spin. La référence pour le sujet de la gravité 2+1 est le livre de Carlip [33]. Je m’intéresserai
essentiellement dans cette partie au cas euclidien, c’est à dire pour un métrique de signature
(+, +, +).
5.1 Pourquoi la gravité 2+1 ?
Une manière optimiste de considérer la gravité 2+1 comme un modèle jouet serait de dire qu’elle
possède toutes les difficultés conceptuelles de la gravité 3+1, sans les difficultés techniques. En
effet, dans le cas particulier de la relativité générale en 2+1 dimensions, l’équation d’Einstein
dans le cas sans matière
1
Rµν − Rgµν + Λgµν = 0, (5.1)
2
se simplifie par le fait qu’en 2+1 dimensions le tenseur de Riemann est une fonction du tenseur
de Ricci
1
Rµνρσ = gµρ Rνσ + gνσ Rµρ − gνρ Rµσ − gµσ Rνρ − (gµρ gνσ − gµσ gνρ )R. (5.2)
2
En 2+1 et pour Λ = 0, l’équation d’Einstein implique que le tenseur de courbure s’annule et
toutes les solutions sont donc plates. Pour une constante cosmologique non-nulle, les solutions
sont de courbure constante. La géométrie des solutions est donc complètement déterminée et
il ne reste plus de dynamique gravitationelle, en particulier pas de gravitons. Il ne reste plus
de degrés de liberté locaux et seulement des degrés de liberté globaux, liés à la topologie de
l’espace-temps. Cette propriété est la source de la ”simplicité technique” de la gravité 2+1. En
revanche on peut restaurer des degrés de liberté par l’ajout de matière. Le couplage à la matière
permet donc d’obtenir un nombre éventuellement infini de degrés de liberté physique en gravité
2+1.
Malgré cette relative simplicité, la gravité 2+1 souffre des mêmes difficultés conceptuelles
que la gravité 3+1, en ce sens que c’est une théorie covariante générale, donc possèdant la
symétrie par difféomorphismes. La construction d’une théorie de gravité quantique 2+1 doit donc
également répondre aux questions comme la construction d’observables au niveau quantique, le
65
66 Chapitre 5. La gravité quantique en 2+1 dimensions
problème de la limite semi-classique, le rôle des trous noirs, le couplage à la matière, l’effet de
la constante cosmologique, la question de la topologie et de ses changements, le problème du
temps. En particulier, la gravité 2+1 est une théorie des champs en apparence non-renormalisable
que l’on peut néanmoins quantifier de manière exacte [72]. C’est l’espoir de pouvoir mieux
comprendre ces questions dans un cadre techniquement simplifié qui motive l’étude de la gravité
quantique en 2+1 dimensions.
La simplicité technique de la gravité 2+1 rend possible l’utilisation et la comparaison de plu-
sieurs approches différentes de quantification [73]. La gravité 2+1 constitue donc un laboratoire
idéal pour la confrontation des différentes approches.
Cette action reproduit la relativité générale 2+1 pour les mêmes raisons qu’en 3+1 dimensions.
L’équation du mouvement
dω ei = 0, (5.4)
impose la compatibilité entre ω et e, et la variation de l’action par rapport à ei fournit l’équation
F i = 0, (5.5)
qui exprime que la courbure associée à la connexion ω s’annule. Si on considère les générateurs
Ji de l’algèbre de Lie su(2) définis en appendice A, on définit la 1-forme à valeur dans su(2)
e = ei Ji , (5.6)
et la 2-forme de courbure
F = F i Ji . (5.7)
On a alors l’action de Palatini sous la forme de l’action BF SU(2)
Z
SBF [e, ω] = tr(e ∧ F (ω)). (5.8)
M
Les symétries de jauge associées à cette action sont la symétrie SU(2) locale
δφ e = dω φ, (5.11)
δφ ω = 0. (5.12)
5.2. La formulation du premier ordre de la gravité 2+1 67
Une autre symétrie importante de la gravité 2+1 est bien évidemment la symétrie par
difféomorphismes. Pour un champ de vecteur ξ µ , l’action d’un difféomorphisme infinitésimal
sur les 1-formes ω et e est donnée par
où ıξ désigne le produit interne avec le champ de vecteur ξ. Nous aurons l’occasion de montrer
au chapitre 8 que les difféomorphismes s’obtiennent comme une combinaison des deux symétries
précédentes.
On peut étendre cette action au cas d’une constante cosmologique en lui adjoignant un terme
de volume
Λ
Z
SBF [e, ω] = tr(e ∧ F (ω) − e ∧ e ∧ e). (5.15)
M 6
Va = Eib Fab
i
, (5.20)
1 i
C = ǫijk Fab Eja Ekb . (5.21)
2
Sous cette forme les contraintes miment celles du cas 3+1. La contrainte Va engendre les
difféomorphismes d’espace et la contrainte C la dynamique hamiltonienne.
Opérateurs géométriques
De même que dans le cas 3+1, les réseaux de spin peuvent s’interpréter en termes de nombres
quantiques d’opérateurs géométriques. Plus précisemment c’est cette fois l’opérateur longueur
d’une courbe qui se trouve diagonalisé. L’opérateur longueur d’une courbe γ p qui intersecte un
réseau de spin sur une arête portant la représentation j a pour valeur propre lP j(j + 1). Toute
intersection de la courbe γ avec les arêtes du réseau de spin fournit donc une contribution de
ce type, de manière analogue au cas de l’aire en 3+1 dimensions. Je rappelle que nous sommes
toujours ici dans le cas euclidien. Il est interessant de noter que cette même étude dans le cas
lorentzien [75] révèle un paysage géométrique différent : la longueur des courbes de genre espace
possède un spectre continu, alors que celle des courbes du genre temps possède un spectre discret.
Cet exemple intéressant montre que le caractère discret de la géométrie n’est pas universel en
gravité quantique à boucles.
A = ei Pi + ω i Ji . (5.26)
On montre alors que l’action de Palatini est égale à l’action de Chern-Simons pour cette
connexion ISO(3)
k 2
Z
SCS [A] = tr A ∧ dA + A ∧ A ∧ A . (5.27)
4π M 3
La symétrie de jauge locale de Poincaré reproduit alors la symétrie locale SU(2) et la symétrie
de translation locale de l’action de Palatini.
5.3. La formulation Chern-Simons 69
Ces idées peuvent s’étendre aux divers cas de signatures et de constantes cosmologique. La
seule chose qui doit être modifiée est le groupe de jauge. Un cas intéressant est celui de la
gravité euclidienne en constante cosmologique positive. En effet dans ce cas le groupe de jauge
à considérer est SO(4). L’algèbre est alors modifiée avec le commutateur
La décomposition so(4) = su(2) ⊕ su(2) permet de récrire la connexion SO(4) à l’aide de deux
connexions SU(2). On définit A+ et A− comme les parties self-duales et anti-selfduales de la
connexion A. L’action de Chern-Simons SO(4) se récrit alors comme la différence deux copies √de
l’action de Chern-Simons SU(2), le niveau k étant relié à la constante cosmologique k = 2π/ Λ.
On a donc une action de la gravité
S[A+ , A− ] = SCS +
SU(2) [A ] − SCS −
SU(2) [A ], (5.29)
La fonction de partition de la gravité 2+1 euclidienne à Λ > 0 est donc obtenue comme le carré
de la fonction de partition de la théorie de Chern-Simons SU(2), le niveau k étant relié à la
valeur de Λ.
Invariants de variété
Un invariant de variété est un objet qui peut être calculé à partir d’une variété M
indépendamment de toute structure additionelle sur cette variété, comme une métrique.
Considérons une théorie quantique des champs formulée sur une variété M indépendamment de
toute structure métrique. Alors les quantités calculable dans cette théorie des champs peuvent
fournir des invariants de variété. Les théories de gravité sont bien sûr des exemples de théories
formulée sans structure métriques, mais elles ne sont qu’un cas particulier de ces théories. Dans
le cas où il n’existe qu’un nombre fini de degrés de liberté physiques, ces théories sont dites topo-
logiques. Dans cette partie, je présente brièvement les idées dues à Witten[77] et qui permettent
de calculer des invariants à partir de la théorie de Chern-Simons. Nous aurons l’occasion de
revenir sur ces idées au chapitre 10.
Considérons la fonction de partition de la théorie de Chern-Simons SU(2) de niveau k,
formulée sur une variété tridimensionelle M
Z
ik 2
Z
CS(M ) = DA exp tr A ∧ dA + A ∧ A ∧ A . (5.31)
4π M 3
Cet objet fournit a priori un invariant de M . Une partie du travail de Witten a consisté à
montrer explicitement qu’un tel objet avait du sens au niveau de la théorie des champs, c’est à
70 Chapitre 5. La gravité quantique en 2+1 dimensions
dire pouvait être effectivement régularisé et calculé. On trouve par exemple pour les variétés les
plus simples [77]
r
3 2 π
Z(S ) = sin , (5.32)
k+2 k+2
Z(S 2 × S 1 ) = 1. (5.33)
où hK (A) est l’holonomie de la connexion A selon K, et trj désigne la trace dans la représentation
j. On peut alors définir la valeur moyenne de cette boucle de Wilson en l’insérant dans la fonction
de partition pour M = S 3
Z
< WK,j >CS = DAeiSCS [A] WK,j (A). (5.35)
Cet objet constitue un invariant du noeud K plongé dans S 3 . Une propriété intéressante de
cet invariant est que sa définition est purement tridimensionelle et ne fait pas intervenir sa
projection sur une surface 2D. Un ensemble de noeuds Ki qui ne s’intersectent pas forme un lien
L = K1 , · · · , Kn . On peut donc étendre la définition ci-dessus. On selectionne une représentation
ji pour chaque composante Ki de L, et on définit
Z n
Y
hWL,{ji } iCS = DAeiSCS [A] WKi ,ji (A). (5.36)
i=1
Cet objet est un invariant du lien L. A ce stade, nous avons donc défini des invariants de variété
en utilisant la fonction de partition de Chern-Simons pour une variété M , et des invariants de
liens en insérant des boucles de Wilson dans la fonction de partition pour S 3 . On peut combiner
ces deux idées et insérer des boucles de Wilson dans une fonction de partition pour la variété M .
Les liens entre ces expressions permettent alors de calculer les invariants de variété en termes
d’invariants de liens dans S 3 .
surface de T . On obtient alors une nouvelle variété M̃ . En utilisant un lien L, on peut répéter
l’opération de chirurgie sur toutes ses composantes. La variété M̃ qu’on obtient à la fin est la
variété obtenue de M par chirurgie selon L. Le théorème qui justifie cette notion est le suivant :
toute variété M peut être obtenue de S 3 par chirurgie (le lien à utiliser étant non-unique.) Nous
aurons l’occasion de revenir sur ces notions au chapitre 10.
L’opération de chirurgie permet de manière intéressante de calculer les invariants CS(M).
En effet si M̃ est obtenue de M par chirurgie selon un cercle C, on a le résultat suivant[77]
k/2 r
X 2 (2j + 1)π
Z(M̃) = sin Z(M, {C, j}). (5.37)
k+2 k+2
j=0
On peut donc calculer CS(M) à partir d’une somme d’invariants de liens plongés dans S 3 .
72 Chapitre 5. La gravité quantique en 2+1 dimensions
6
Le modèle de Ponzano-Regge
Les modèles de mousses de spin sont véritablement nés dans la seconde moitié des années 90.
En revanche le premier modèle de mousses de spin date en réalité de 1968, et connu une lente
maturation. Ce chapitre présente le modèle de Ponzano-Regge tel qu’il a été proposé en 1968,
puis son amélioration ’quantique’, le modèle de Turaev-Viro. Enfin je détaille la construction
d’Ooguri qui a permis la comparaison de ce modèle avec l’approche Chern-Simons.
6.1 Le modèle de Ponzano-Regge
6.1.1 La proposition de Ponzano et Regge
Historiquement, le premier modèle de mousse de spin1 est né en 1968 de l’imagination des
physiciens Ponzano et Regge[30]. Leur idée était de définir une fonction de partition pour la
gravité quantique euclidienne sur une variété à 3 dimensions M. Définir une telle fonction de
partition signifie donner un sens à l’expression
Z Z
Z(M) = [Dg]A[g] = [Dg]eiS[g] (6.1)
où S[g] est l’action de la gravité pour la métrique g, et l’intégrale porte sur les classes
d’équivalence de la métrique par difféomorphisme. Ponzano et Regge proposèrent comme
réalisation concrète de (6.1) l’expression suivante
X
Z[∆] = A({je }), (6.2)
{je }
73
74 Chapitre 6. Le modèle de Ponzano-Regge
j3
j1
j2
j5
j1 j2 j3
j4 j5 j6
j6
j4
Fig. 6.1 – Lien entre un tétraèdre et le symbole 6j associé dans l’amplitude de Ponzano-Regge :
une représentation je sur une arête e s’interprète comme une longueur (je + 1/2)lP .
associé au 6 représentations qui vivent sur les arêtes du tétraèdre t (voir figure 6.1). Cet objet
est défini dans la théorie du recouplage des représentations de SU(2), cf appendice A. Nous
reviendrons plus tard sur le facteur (−1)χe qui n’était pas totalement spécifié par Ponzano et
Regge.
Dans cette formule V désigne le volume du tétraèdre T dont les longueurs sont les ji + 21 , et Θi
désigne l’angle entre les deux normales extérieures des deux faces de T qui contiennent l’arête
2
On verra plus tard que lapbonne interprétation est plutôt que la longueur de e est donnée – en accord avec le
formalisme canonique – par je (je + 1) qui redonne je + 1/2 dans la limite des grands spins.
6.1. Le modèle de Ponzano-Regge 75
où Θe,t désigne l’angle entre les deux normales extérieures des faces de t contenant e. La phase
de cette exponentielle !
X X 1
S[{je }] = Θe,t (je + ) (6.8)
e t⊃e
2
se trouve être l’action par ailleurs proposée par Regge[78] pour décrire la gravité discrète. Or la
limite des grands spins est bien une limite semi-classique. En effet si l’on considère l’interprétation
des spins comme des longueurs
1 1
le = (je + )lP = (je + )G~, (6.9)
2 2
on constate que faire tendre je vers l’infini à le fixé est équivalent à faire tendre ~ (ou lP ) vers 0.
La limite semi-classique du symbole 6j justifie que A(je ) constitue une interessante proposition
de réalisation concrète de l’amplitude A(g) = eiS(g) .
L’asymptotique du symbole 6j (6.6) fut conjecturée par Ponzano et Regge sur la base d’ob-
servations numériques. Wigner avait déja montré que
2
j1 j2 j3 1
∼j→+∞ . (6.10)
j4 j5 j6 24πV
Ponzano et Regge on alors procédé en voyant dans cette asymptotique la moyenne du carré d’une
fonction oscillante. Ils ont alors proposé et vérifié numériquement la forme (6.6). Etonnament,
cette formule ne fut prouvée que 30 ans plus tard par J. Roberts [79] en utilisant des techniques
mathématiques pointues.
Dans l’article [34], nous avons donné une nouvelle preuve de ce résultat. Les grandes lignes
de cette approche sont détaillées dans le chapitre 11. L’idée consiste à récrire le carré du symbole
6j comme une intégrale numérique dont l’asymptotique peut être étudiée à l’aide de la méthode
de la phase stationnaire. Nous avons du notamment adapter cette méthode au cas des intégrales
comportant des points singuliers. L’intérêt de cette méthode est qu’elle met en oeuvre moins de
technologie que la preuve de Roberts, et qu’elle se généralise par exemples aux cas Lorentzien
et au cas de la dimension 3+1 [34].
nous aurons l’occasion de le détailler au chapitre 10, les relations d’orthogonalité et les rela-
tions dites ”pentagones” du symbole 6j permettent de prouver l’invariance par changement de
triangulation.
Malheureusement, la fonction de partition du modèle de Ponzano-Regge est en fait infini
pour la plupart des triangulations, et l’invariance sous les changements de triangulation n’est
elle-même valable qu’à des facteurs infinis près, qui sont égaux à
X
V= (2j + 1)2 . (6.11)
j
Facteur de phase
Ponzano et Regge n’identifièrent pas précisemment ce que devait être χe , mais proposèrent dans
le cas d’une variété ayant la topologie d’une 3-sphère l’expression suivante
χe = (ne − 2)je . (6.12)
La présence de ce terme s’explique de la façon suivante : l’action de Regge n’est pas exactement
donnée par la phase de l’expression (6.7). L’action de Regge se définit non pas à l’aide des angles
Θ entre les normales extérieures, mais à l’aide des angles dihédraux π − Θ.
!
X X 1
SRegge [{je }] = (π − Θe,t ) (je + ) (6.13)
e t⊃e
2
La conversion du facteur (−1)ne je en e±iπ(ne −2)je fournit se facteur. Ainsi l’objet possèdant
l’asymptotique correcte est le suivant
j1 j2 j3 j1 +j2 +j3 +j4 +j5 +j6 j1 j2 j3
= (−1) . (6.14)
j4 j5 j6 j4 j5 j6
Cet objet est en réalité naturel car il correspond à une version normalisée du 6j, en ce sens qu’il
est construit à partir des entrelaceurs normalisés de trois représentations, au lieu des symboles
3j qui à un signe près ne sont pas normalisés .
Il nous reste dans la phase χe proposée en (6.12) un terme (−1)2je . Ce terme est trivial
dans le cas des représentations de SO(3) qui sont des entiers, mais intervient dans le cas de
représentations demi-entières de SU(2). On peut l’incorporer au terme d’arête en récrivant de
manière générale (−1)2je (2je +1). Ceci revient à utiliser la dimension graduée des représentations
demi-entières. On récrit donc l’amplitude de Ponzano-Regge sous la forme
XY Y jt jt jt
Z[∆] = (−1)2je (2je + 1) 1 2 3
. (6.15)
jt 4 jt 5 jt 6
{je } e t
6.2. Le modèle de Turaev-Viro 77
Cosinus et exponentielle
Un autre problème de signes est à commenter : le fait que l’asymptotique du 6j n’est pas exacte-
ment une exponentielle, mais un cosinus. Ce problème peut être relié au fait que nous travaillons
sur un modèle euclidien et pas lorentzien, ce qui rend difficile l’identification de la notion de cau-
salité. On peut en effet construire différentes intégrale de chemin suivant qu’on s’intéresse à des
propagateurs causaux ou non-causaux. Formellement, une contrainte hamiltonienne H associée
à un multiplicateur de lagrange (lapse) N peut permettre de construire un propagateur causal
en intégrant seulement sur les valeurs positives de N , ou bien un propagateur non-causal en
intégrant sur toutes les valeurs de N . On a alors
Z +∞ Z +∞
dN eiN H = dN cos(N H) (6.16)
−∞ 0
sin nπ
q n/2 − q −n/2 r
[n]q = 1/2 = (6.17)
q − q −1/2 sin πr
On a alors [r]q = 0. On voit alors que la ’dernière’ représentation est bien celle de spin j = r−2
2
puisque la suivante j = r−1
2 a une dimension quantique nulle. On définit au passage la somme
des dimensions quantiques au carré, analogue de (6.11)
r−2
2
X
Vq = ([2j + 1]q )2 . (6.18)
j=0
78 Chapitre 6. Le modèle de Ponzano-Regge
qui partage plusieurs propriétés avec le 6j classique, en particulier les propriétés d’orthogonalité
et les relations pentagone.
Le modèle de Turaev-Viro est comme l’analogue q-déformé du modèle de Ponzano-Regge
X Y 1 Y Y jt jt jt
1 2 3
T V (∆) = [2je + 1]q . (6.20)
Vq jt 4 j t 5 jt 6 q
{je ≤r−2
2
} v e t
La remarque importante est que cette fois-ci, la somme converge puisqu’il n’y a qu’un nombre
fini de représentations. Le modèle de Turaev-Viro définit donc une fonction de partition finie
pour tous les choix de triangulations.
Le coeur du travail de Turaev et Viro consiste à prouver qu’un tel objet est indépendant du
choix de la triangulation ∆ de M, et constitue donc un invariant de la variété M. On comprend
qu’ici le facteur fini Vq remplace le facteur infini V qui servait à rendre le modèle de Ponzano-
Regge formellement invariant. Le modèle de Turaev-Viro étant fini, cet invariance n’est plus
formelle dans son cas.
On est maintenant naturellement conduit à se demander si le modèle de Turaev-Viro peut
être associé à un modèle de gravité quantique et lequel. La réponse nous est donnée par l’asymp-
totique du 6j quantique[82]. Puisque j est borné par (r−2)/2, il faut pour obtenir l’asymptotique
faire tendre simultanément les spins j et le nombre r vers l’infini, en maintenant fixe le rapport
des deux. Il a été conjecturé que
j1 j2 j3 π
∝j,r→∞ cos(SRegge,Λr + ), (6.21)
j4 j5 j6 q 4
où SRegge,Λr est l’action de Regge de la gravité 2+1 en présence d’une constante cosmologique
Λr dont la valeur est reliée à r par
2
2π
Λr = . (6.22)
r
Ainsi un modèle de gravité quantique√en présence de constante cosmologique Λ est décrit par
le modèle de Turaev-Viro avec q = ei Λ . Il n’est pas clair à l’heure actuelle que les méthodes
que nous avons développées dans [34] puissent s’appliquer au cas quantique. L’asymptotique du
symbole 6j quantique est actuellement un sujet d’études pour les mathématiciens [83, 84].
que l’on muni du produit scalaire < c|c′ >= δc,c′ . Pour un bord triangulé ∆, ¯ cet espace de
Hilbert permet donc de considérer des états de bord qui sont des ’fonctions d’onde’ Ψ(c).
Dans l’esprit des théories de jauge sur réseau, considérons la discrétisation suivante
81
82 Chapitre 7. La construction du modèle de Ponzano-Regge
Fig. 7.1 – Complexe dual à une triangulation : à tout tétraèdre on associe un vertex dual v ∗ ∼ t,
à toute face on associe une arête duale e∗ ∼ f , à toute arête on associe une face duale f ∗ ∼ e.
– La variété M est remplacée par une triangulation ∆. Nous considérons une triangulation
dont les arêtes et les faces sont munies d’une orientation. Nous considérerons également
son complexe dual ∆∗ (voir figure 7.1).
– La connexion est remplacée par la donnée d’un élément de groupe ge∗ associée à toute arête
duale e∗ ∈ ∆∗ . Cet élement de groupe s’interprète comme l’holonomie de la connexion
le long de l’arête duale e∗ . Cela signifie que de toute l’information contenue dans ω, la
discrétisation ne retient que son holonomie le long des arêtes duales.
– La 2-forme de courbure F (ω) est représentée par des éléments de groupes Ue associés aux
arêtes de ∆, et définis en termes des ge∗ par
−−→ ǫ(e,e∗ )
Y
Ue = ge∗ . (7.2)
e∗ ⊂e
Cette définition signifie qu’on considère le produit orienté des éléments ge∗ appartenant
à la face duale f ∗ ∼ e, voir figure 7.2. Elle dépend du choix d’un vertex dual de départ
st∗ (e) et de l’orientation relative ǫ(e, e∗ ) = ±1 de e et f . On considèrera en particulier la
projection Ze de Ue sur l’algèbre de Lie (cf annexe A)
Ue = ue I + Ze (7.3)
– La 1-forme e est remplacée par une collection d’éléments Xe ∈ su(2) associés aux arêtes
de la triangulation. Ces éléments s’interprète comme l’intégrale du champ de triades e sur
les arêtes de ∆.
A l’aide de ces nouvelles variables, on définit l’action discrétisée
X X
S({ge∗ }, {Xe }) = tr(Xe Ze ) = tr(Xe Ue ). (7.4)
e e
Nous nous proposons maintenant de montrer que cette définition correspond à la définition
de l’amplitude de Ponzano-Regge pour la triangulation ∆.
7.1. La construction du modèle de Ponzano-Regge 83
Ue
ge∗
Fig. 7.2 – Calcul de courbure Ue autour d’une arête e à partir du produit des éléments de groupe
ge∗ autour de la face duale f ∗ ∼ e.
où δ(U ) désigne la fonction δ 1de l’élement U dont la projection est Z. L’amplitude s’écrit alors
!
YZ Y
Z(∆) = dge∗ δ(Ue ). (7.7)
e∗ SU(2) e
Chacune des fonctions δ peut ensuite être décomposée à l’aide de la formule de Plancherel
X
δ(U ) = (2j + 1)χj (U ), (7.8)
j
où la somme porte sur les représentations de SO(3), dj = (2j + 1) désigne la dimension de la
représentation et χj le caractère associé. On a alors
!
YZ YX Y
Z(∆) = dge∗ (2je + 1) χje (Ue ). (7.9)
e∗ SU(2) e je e
Il est interessant de noter qu’à ce stade de la construction, les variables je ont remplacé les
variables Xe .
1
On peut montrer que qu’il s’agit là d’une fonction δ sur le groupe SO(3). La fonction δ sur le groupe SU(2)
s’obtient en modifiant l’intégrale, voir [36].
84 Chapitre 7. La construction du modèle de Ponzano-Regge
Sous cette forme, on peut réaliser l’intégration sur les éléments de groupe. En effet une face
possède trois arêtes donc un élément ge∗ apparait exactement 3 fois. L’intégrale sur un produit
de 3 matrices de représentations (voir annexe A) fournit alors une paire de coefficients 3j. On
peut alors voir que chaque symbole 3j s’associe à une face d’un tétraèdre et que les symboles
se combinent pour donner un symbole 6j normalisé pour chaque tétraèdre. On a alors après
intégration
XY Y jt jt jt
1 2 3
Z(∆) = (2je + 1) , (7.11)
jt 4 jt 5 jt 6
{je } e t
On retrouve bien ici l’amplitude de Ponzano-Regge. Il est à noter que les représentations appa-
raissent sans le signe (−1)2j . En réalité on peut constater [36] que cette construction conduit au
modèle de Ponzano-Regge pour le groupe SO(3), c’est à dire avec uniquement les représentations
entières. La raison en est que la fonction δ qu’on obtient par intégration sur l’algèbre de Lie
est la fonction δ sur SO(3). Il est présenté dans [36] la modification nécessaire pour obtenir le
modèle sur SU(2).
où H/W ∼ U (1) est le sous groupe de Cartan divisé par son groupe de Weyl, ∆(θ) = sin θ et
on définit !
YZ Y ǫ(e,e∗ )
Z∆ ({je }, {θe∗ }) = dxe∗ χje (x−1
e∗ hθe∗ xe∗ ) (7.13)
e∗ G/H e
l’angle de rotation correspondant à l’holonomie ge∗ obtenue par transport parallèle le long de
l’arête e∗ .
Nous disposons à ce stade de 3 expressions différentes (7.7), (7.11) et (7.12) pour l’amplitude
de Ponzano-Regge. Nous aurons l’occasion d’utiliser les diverses formes de cette amplitude.
Dans le cas d’une variété M possèdant un bord ∂M, l’intégrale de chemin doit se définir en
spécifiant des données au bord. Le principe variationnel appliqué à l’action BF impose de conser-
ver les connexions ω fixées au bord. Pour une connexion au bord fixée ω̄, on peut définir la
fonctionelle d’onde Z
G(ω̄) = Dω De eiS[ω,e] . (7.15)
ω|∂M =ω̄
Le fait de fixer les connexions au bord s’accorde avec le choix de polarisation de la formulation
canonique à boucles, où les états cinématiques sont définis comme des fonctionelles de ω. Si
on se place dans le cas particulier d’un bord formé d’une composante initiale ∂Mi et d’une
composante finale ∂Mf , G(ω̄f , ω̄i ) peut servir de noyau du propagateur, dans le but de définir
des amplitudes de transition. En effet si on considère une variété de la forme M = Σ × I, on
peut considérer l’amplitude de transition entre deux fonctionelles d’onde
Z Z
∗ iS[ω,e]
< Ψf |Ψi >= DωDe Ψf (ω̄f )e Ψi (ω̄i ) = Dω̄ Ψ∗f (ω̄f )G(ω̄f , ω̄i )Ψi (ω̄i ). (7.16)
Une telle définition fournit un produit scalaire sur les états cinématiques qui s’interprète comme
les éléments de matrice du projecteur sur les états physiques. Il fournit donc le produit scalaire
sur l’espace des états physiques au sens de ce que nous avons discuté au chapitre 2.
¯ en ∆
Fig. 7.3 – Le dual ∆∗ intersecte le bord ∆ ¯ ∗ . Une arête ē du bord est duale (dans ∆) à une
¯ à une arête ē .
face et duale (dans ∆) ∗
une variété M de la forme Σ × I, et on cherche à définir le produit scalaire entre deux réseaux
de spin vivant sur les bords initial et final. Après imposition des contraintes cinématiques, un
réseau de spin est une fonction des éléments de groupes gē vivant sur ses arêtes ē
O O
ΨΓ,c ({gē }) = h Djē (gē ), ıv̄ i. (7.17)
ē v̄
où ıv̄ est l’unique entrelaceur trivalent normalisé. Pour définir le produit scalaire physique entre
deux réseaux de spin, on cherche donc un noyau d’intégration G(gēf , gēi ) tel que
Z Y
f f i i
hΓ , c |Γ , c i = dgē Ψ∗Γf ,cf (gēf )G(gēf , gēi )ΨΓi ,ci (gēi ) (7.18)
ē
en particulier si l’arête est une arête ē du bord, le produit d’élements de sa face duale dans ∆
contient l’élément gē∗ .
Cette expression peut servir de noyau d’intégration de la manière suivante : considérons deux
réseaux de spin basés sur des graphes Γi et Γf respectivement dans le bord initial et final de M.
7.2. Le projecteur sur les états physiques en gravité à boucles 87
Le dual dans Σ d’un graphe trivalent est une triangulation de Σ. Les graphes Γi et Γf induisent
donc une triangulation ∆i et ∆f des bords Σi et Σf . On considère alors une triangulation ∆ de
M dont les bords soient les triangulations ∆i et ∆f duales aux graphes Γi et Γf . On peut alors
considérer l’intégration des réseaux de spin contre le noyau (7.19), on alors
Z Y
hΓf , cf |Γi , ci i = dgē Ψ∗Γf ,cf (gēf )G(gēf , gēi )ΨΓi ,ci (gēi ). (7.21)
ē
On peut montrer que l’intégration sur les variables de groupe conduit à l’amplitude
XY Y jt jt jt
f f i i 1 2 3
hΓ , c |Γ , c i = (2je + 1) (7.22)
jt 4 jt 5 jt 6
{je } e t
où la somme ne porte que sur les arêtes internes à ∆, les représentations des arêtes du bord
étant maintenues fixées aux valeurs provenant des colorations ci et cf
88 Chapitre 7. La construction du modèle de Ponzano-Regge
8
La fixation de jauge du modèle de
Ponzano-Regge
Cependant la régularisation que fournit le modèle de Turaev-Viro n’est pas totalement satisfai-
sante. D’une part il s’agit d’un modèle avec constante cosmologique. On ne régularise donc pas
vraiment le Ponzano-Regge mais on le remplace par un modèle physiquement différent. D’autre
part l’idée de passer au groupe quantique n’est pas une recette universelle de régularisation. A
terme on désire considérer aussi des modèles lorentziens, éventuellement avec une constante cos-
mologique, et ces modèles peuvent diverger pour des raisons que le passage au groupe quantique
ne résoudra pas. Il est donc nécessaire d’avoir une compréhension plus profonde des infinis qui
surgissent dans ces modèles de manière générale.
Pour régulariser l’amplitude infinie
XY Y j1 j2 j3
Z(∆) = (2je + 1) , (8.2)
j4 j5 j6
{je } e t
où on définit
R
X
V(R) = (2j + 1)2 . (8.4)
j=0
89
90 Chapitre 8. La fixation de jauge du modèle de Ponzano-Regge
Cette définition restaure l’invariance formelle par changement de triangulation. Elle ressemble
par ailleurs à un analogue q → 1 de la définition de l’invariant de Turaev-Viro 1 .
Le but de ce chapitre est de montrer qu’on peut obtenir une version finie du modèle de
Ponzano-Regge, sans procédure de limite, et dictée par une requête naturelle : la fixation de
jauge. L’idée de base de cette démarche est que les divergences du modèle de Ponzano-Regge
résultent d’un fait récurrent en théorie quantique : l’existence d’un volume infini de symétries
de jauge encore présentes, c’est à dire non fixées. Avant de présenter la nécessité physique, un
court argument permet de comprendre la nécessité mathématique d’une fixation de jauge. Au
cours de la construction du modèle de Ponzano-Regge, nous avons obtenu l’expression suivante
(7.7) !
YZ Y
Z(∆) = dge∗ δ(Ue ). (8.5)
e∗ SU(2) e
e → e + dω φ (8.9)
ω → ω (8.10)
1
Cette définition n’est pas vraiment une limite q → 1 du modèle de Turaev-Viro. Dans le modèle de Turaev-
Viro les spins j proches du cut-off k contribuent peu. Par exemple la dimension quantique [2j + 1]q est faible pour
j proche de k. En revanche dans le modèle de Ponzano-Regge régularisé par un cut-off R, les spins j proches de
R sont ceux qui contribuent le plus.
8.1. Les symétries discrètes du modèle de Ponzano-Regge 91
grâce à deux choses : d’une part l’identité de Bianchi dω F = 0 , d’autre part à condition de
choisir un paramètre φ nul au bord. On a donc les formes infinitésimales de ces actions
L
δΛ ω = dω Λ (8.12)
L
δΛ e = [e, Λ] (8.13)
T
δφ ω = 0 (8.14)
δφT e = dω φ (8.15)
L’action (8.6) est également invariante par difféomorphisme. Pour un champ de vecteur ξ µ ,
l’action d’un difféomorphisme infinitésimal sur les 1-formes ω et e est donné par
où ıξ désigne le produit interne avec le champ de vecteur ξ. On peut explicitement voir que cette
symétrie est une combinaison des symétries infinitésimales de Lorentz et translationelle. En effet
pour un champ de vecteur ξ, on définit les éléments d’algèbre de Lie ıξ ω et ıξ e, on a alors la
combinaison des symétries infinitésimales
δξD ω = δ(ı
L
ξ ω)
T
ω + δ(ı ξ e)
ω + ıξ (F (ω)), (8.18)
δξD e = δ(ı
L
ξ ω)
T
e + δ(ı ξ e)
e + ıξ (dω e). (8.19)
δξD = δ(ı
L
ξ ω)
T
+ δ(ı ξ e)
, (8.20)
où sγ , tγ sont les extrémités de la courbe γ. L’action de la symétrie de Lorentz discrète est donc
identifiée de la manière suivante : elle est paramétrisée par des éléments de groupe kv∗ localisés
aux vertex duaux de la triangulation, et agissant par
où se∗ , te∗ désignent les extrémités de e∗ et st∗e désigne le vertex dual de f ∗ ∼ e servant de point
de départ pour le calcul de la coubure Ue . On voit que cette transformation
X X
−1 −1
S → kS = tr kst ∗ Xe kst∗
e e
kst ∗
e
U e kst ∗
e
= tr(Xe Ue ) (8.25)
e e
(La figure 8.1 montre tel exemple pour une triangulation simple de S 2 .) Le choix des vertex de
départ et des orientations étant possiblement différent de ceux qui définissent les courbures Ue ,
il existe des ke fonctions des ge∗ et des σe = ±1 tels que
Cette relation qui lie nécessairement les courbures associées à des faces formant une surface
fermée est l’analogue discret de l’identité de Bianchi. En particulier, pour un vertex v, on peut
considérer l’ensemble des faces f ∗ duales aux arêtes e qui contiennent v. La surface ainsi obtenue
entoure le vertex v et la relation (8.29) représente l’identité de Bianchi dans son voisinage.
2
4
Fig. 8.1 – Exemple d’identité de Bianchi pour une triangulation de la sphère par 4 tri-
angles. On définit les courbures , U1 = g23 g34 g42 , U2 = g13 g34 g41 , U3 = g12 g24 g41 et
U4 = g12 g23 g31 . On constate que le produit suivant d’éléments de groupe est égal à l’identité
(g12 g23 g31 )(g13 g34 g41 )(g14 g42 g21 )(g12 g24 g43 g32 g21 ) = I. Cette relation peut s’écrire U4′ U2′ U3′ U1′ = I
en définissant les éléments suivants U4′ = U4 , U2′ = U2 , U3′ = U3−1 et enfin U1′ = g12 U1−1 g12 −1
.
Les relations entre les U ′ et les U sont bien via conjugaison et/ou inversion comme demandé en
(8.28).
C’est une relation entre éléments de groupe dont on peut considérer la projection sur l’algèbre
de Lie. On a alors [36] qu’il existe des scalaires ue,v et des éléments d’algèbre de Lie Ωe,v tels
que X
−1
σe,v ke,v (ue,v Ze + [Ωe,v , Ze ]) ke,v = 0. (8.31)
e⊃v
pour chacun des 2 vertexs de e. On peut vérifier que cette transformation est bien une symétrie
de l’action. On a
X
−1 −1
δS = tr σe,v ue,v ke,v Φv ke,v − Ωe,v , ke,v Φv ke,v Ze . (8.33)
e⊂v
qui est bien nul grâce à l’identité de Bianchi (8.31). Nous avons donc bien identifié l’analogue
discret de la symétrie translationelle.
94 Chapitre 8. La fixation de jauge du modèle de Ponzano-Regge
Fig. 8.2 – Exemple d’arbre maximal : un arbre maximal est un sous-graphe qui touche tous les
vertexs sans former de boucle fermée.
.
Pour réaliser la fixation de jauge, on choisit donc un arbre maximal T dans le 1-squelette
de ∆, et un arbre maximal T ∗ dans le 1-squelette ∆∗ . On part de l’expression de la fonction de
partition ! ! " #
YZ YZ X
Z(∆) = dge∗ dXe exp i tr(Xe Ze ) . (8.36)
e∗ SU(2) e su(2) e
Une fois ce type de fixation de jauge effectuée, il faudra vérifier qu’elle ne dépend pas des
conditions de jauge choisies, c’est à dire des arbres et des choix g = I et X = 0 des valeurs
auxquelles ont fixe les variables vivant sur les arbres.
Symétrie de Lorentz
La fixation de la symétrie de Lorentz sur arbre maximale permet de fixer T − 1 symétries, où
T est le nombre de tétraèdres de ∆. Cette fixation revient simplement à ne plus considérer
les intégrations sur les variables de groupe ge∗ pour e∗ ∈ T ∗ . En termes de triangulation, cela
revient à supprimer des faces de la triangulation.
La symétrie résiduelle au dernier vertex dual agit par action adjointe diagonale g → k −1 gk
sur les variables de groupe restantes. On peut réaliser la fixation de jauge résiduelle [89] en
utilisant une mesure fixée de jauge sur Gn /AdG. Cette mesure dµ est définie de la manière
suivante. Si f (g1 , · · · , gn ) est une fonction invariante par action adjointe, on a
1
Z Z
dµ(g1 , · · · , gn )f (g1 , · · · , gn ) = dhdxdg3 · · · dgn f (h, s(x), g3 , · · · , gn ),
Gn /AdG 2 H×(G/H)×Gn−2
(8.39)
où H est le sous-groupe de Cartan et dg la mesure de Haar sur le groupe. On a considéré une
section s de G/H ∼ S 2 dans SU(2) et donnée par
2 x1 + ix2 x3
{~x tq x = 1} −→ . (8.40)
x3 x1 − ix2
La considération de cette section est en réalité superflue pour le cas euclidien mais nécessaire
pour le cas lorentzien.
Translationelle
La fixation de la symétrie translationelle sur un arbre maximal permet de fixer V − 1 symétries.
La fixation de Xe à 0 sur l’arbre revient à supprimer les intégrations correspondantes, et donc
les fonctions δ(Ue ) pour les arêtes associées. En termes de triangulation, cela revient à supprimer
les arêtes correspondantes de la triangulation.
Considérons maintenant le cas de la symétrie translationelle résiduelle. Elle a pour origine
l’identité de Bianchi autour du dernier vertex. Pour une triangulation à un seul vertex, l’identité
de Bianchi discrete (8.29) contient à la fois les éléments Ue et Ue−1 pour toutes les arêtes.
Cette identité de Bianchi résiduelle est triviale dans le cas abélien, ce qui traduit le fait qu’une
96 Chapitre 8. La fixation de jauge du modèle de Ponzano-Regge
On peut montrer [35] que le déterminant de Fadeev-Popov contribue comme 1 grâce aux fonctions
δ sur les Ue pour e 6∈ T . L’insertion de ce déterminant est donc sans effet et on a pour l’amplitude
fixée de jauge
Y Z Y
∗
P R(∆, T , T ) = dge∗ δ(Ue ). (8.42)
e∗ 6∈T ∗ SU(2) e6∈T
Ceci constitue l’expression finale fixée de jauge. La suppression de certaines arêtes et faces fait
que cette expression ne peut pas en général se mettre sous une forme à la Ponzano-Regge. On
peut toutefois noter que dans le cas euclidien, la fixation de la symétrie de Lorentz n’est pas
indispensable puisque SU(2) est compact. Dans ce cas seule la suppression des arêtes e de T
devient indispensable, et cette fixation peut s’incorporer dans une expression à la Ponzano-Regge
en imposant je = 0 sur ces arêtes.
On peut alors revenir sur l’argument mathématique qui soulignaient la différence entre
nombre d’intégrales et de fonctions δ. Apres fixation de jauge, le nombre d’intégrales est F −T +1
alors que le nombre de fonctions δ est de E −V +1. Or pour une variété fermée, ces deux nombres
sont égaux car la caractéristique d’Euler d’une variété fermée est nulle
χ(M) = −T + F − E + V = 0. (8.43)
Un opérateur O est une fonctionelle de φ et on évaluation est définie comme son insertion dans
la fonction de partition Z
hOi = [Dφ]O(φ)A(φ). (8.45)
Nous allons dans cette partie montrer que fixer de jauge le modèle se récrit comme l’insertion
d’un opérateur de fixation de jauge.
Après développement par la formule de Plancherel, le modèle non-fixé de jauge s’écrit
!
YZ XY
Z(∆) = dge∗ (2je + 1)χje (Ue ). (8.46)
e∗ SU(2) {je } e
On observe alors que le modèle fixé de jauge P R(∆, T , T ∗ ) peut alors s’écrire comme l’insertion
dans Z(∆) de l’opérateur
Y Y
O∆,T ,T ∗ (ge∗ , je ) = δje ,0 δ(ge∗ ). (8.47)
e∈T e∗ ∈T ∗
On a !
YZ XY
∗
P R(∆, T , T ) = dge∗ dje χje (Ue )OT ,T ∗ (ge∗ , je ) (8.48)
e∗ SU(2) {je } e
Ce résultat que nous avons montré dans [38] et qui sera présenté au chapitre 10 s’écrit comme
le fait que les évaluations d’opérateurs associées sont identiques, on a
L’autre invariance concerne le choix d’une fixation à d’autres valeurs que ge∗ = I et Xe = 0.
En termes de l’expression
!
YZ YX
Z(∆) = dθe∗ ∆2 (θe∗ ) dje Z∆ ({je }, {θe∗ }), (8.52)
e∗ H/W e je
où δΘ (g) est définie en appendice A et impose g à être dans la classe de conjugaison Θ. On peut
alors montrer le résultat suivant [38]
!
Y
hOT ,T ∗ ,Je ,Θe∗ i = (2Je + 1) × P R(∆, T , T ∗ ), (8.54)
e
Q
où e dJe est un volume de jauge résiduel. Le résultat de la procédure de fixation de jauge ne
dépend donc pas du choix des valeurs auxquelles ont choisit de fixer de jauge.
8.3.1 3-sphère
On considère pour variété la 3-sphère S 3 , que l’on triangule à l’aide de deux tétraèdres (voir
figure 8.3). La fonction de partition non-fixée de jauge associée à ce modèle est
Z
3
Z(S ) = dg1 dg2 dg3 dg4 δ(g1 g2−1 )δ(g1 g3−1 )δ(g1 g4−1 )δ(g2 g3−1 )δ(g2 g4−1 )δ(g3 g4−1 ). (8.55)
SU(2)4
La résolution des fonctions δ pour g1 , g2 , g3 montre que cette fonction de partition non-fixée de
jauge est divergente Z
Z(S 3 ) = dg4 δ(I)δ(I)δ(I). (8.56)
On peut alors fixer de jauge en utilisant des arbres maximaux comme indiqué sur la figure 8.4. La
prescription pour fixer de jauge une telle amplitude conduit à éléminer une variable d’intégration
et 3 fonctions δ. On a alors
Z
3
P R(S ) = dg1 dg2 dg3 δ(g1 g2−1 )δ(g1 g3−1 )δ(g1 ) = 1, (8.57)
G3
qui est fini. Cet exemple constitue une première illustration simple du fait que la procédure de
fixation de jauge permet d’éliminer des infinis du modèle de Ponzano-Regge.
8.3. Exemples explicites 99
4
2
4
2
Fig. 8.4 – Fixation de jauge selon un arbre et un arbre maximal dual pour S 3 .
100 Chapitre 8. La fixation de jauge du modèle de Ponzano-Regge
b2
a2
b2
a2
b1
a1 bg ag
a1
b1 bg
ag
Fig. 8.5 – Triangulation de Σg par 4g − 2 triangles. Les arêtes portant le même nom sont
identifiées, selon la direction indiquée.
8.3.2 Variété Σg × I
On peut maintenant considérer le cas d’une variété à bord Σg × I, où Σg est une surface de
genre g. On peut trianguler une surface de genre g à l’aide de 4g − 2 triangles (voir figure 8.5.)
Cela induit un découpage de Σg × I à l’aide de 4g − 2 primses. Un prisme se décompose en 3
tétraèdres (figure 8.6) et on obtient une triangulation de Σg × I avec 12g − 6 tétraèdres.
Si on conduit de manière systématique la fixation de jauge pour cette triangulation2 , on
aboutit au résultat suivant pour le propagateur [36] : il dépend de 2g éléments de groupes fixés
sur chaque bord, et est égal à
Z !
Y Y
−1 −1
′ ′
G(ai , bi ; ai , bi ) = dk δ ai bi ai bi δ(a′i ka−1 −1 ′ −1 −1
i k )δ(bi kbi k ). (8.58)
G i i
On peut utiliser ce propagateur pour calculer des amplitudes de transition. D’une manière
¯ on peut batir sur elle des réseaux de
générale, si on considère une triangulation du bord ∆,
2
Tous les vertex de cette triangulation étant au bord, on n’a d’ailleurs pas de symétrie translationelle à fixer,
seulement la symétrie de Lorentz.
8.4. De la fixation de jauge à l’insertion des particules 101
spin que l’on peut ensuite fixer de jauge [89]. Le réseau de spin fixé de jauge dépend alors de
Ē − F̄ + 1 = 2g − 1 + V̄ éléments de groupe. Ici on a utilisé des triangulations du bord à un
vertex, le propagateur que nous obtenons s’intègre donc naturellement contre un réseau de spin
fixé de jauge admettant 2g arguments. Si l’on considère deux réseaux de spin fixés de jauge
Ψ1 (ai ; bi ) et Ψ2 (a′i ; b′i ) on a donc le produit scalaire
Z !
Y Y
hΨ2 |Ψ1 i = dk Ψ∗2 (a′i , b′i ) δ ai bi a−1
i b −1
i δ(a′i ka−1 −1 ′ −1 −1
i k )δ(bi kbi k ) Ψ1 (ai , bi ). (8.59)
G i i
Il s’agit bien ici du produit scalaire physique entre réseaux de spin de la gravité quantique
à boucles en 2+1 dimensions. Le modèle de Ponzano-Regge fournit donc bien l’application de
’rigging map’ (voir chapitre 2) qui permet à la fois d’obtenir des solutions physiques et de calculer
leur produit scalaire.
Par exemple l’amplitude de transition vide-vide entre deux réseaux de spin nuls s’écrit
Z !
Y Y Y
−1 −1
< 0|0 >Σg = ′ ′
(dai dai dbi dbi )dk δ ai bi ai bi δ(a′i ka−1 −1 ′ −1 −1
i k )δ(bi kbi k )
G4g+1 i i i
(8.60)
En appliquant les formules d’orthogonalité et de convolution de caractères et en n’oubliant pas
d’utiliser la mesure (8.39), on peut écrire cette amplitude sous la forme
X 1
h0|0iΣg = . (8.61)
j dj2g−2
On constate que cette amplitude converge pour g > 1. Ceci montre que la procédure de fixation
de jauge permet a priori d’avoir un résultat fini, mais qu’il existe encore des cas intrinsèquement
divergents et que la finitude ne peut être conclue de manière systématique. Par exemple la
trace du propagateur (8.58) est infinie car elle correspond à la dimension (infinie) de l’espace de
Hilbert.
Comme pour l’opérateur O défini en (10.11), on peut considérer l’insertion de cet opérateur dans
Z(∆), ce qui définit son évaluation hÕk,ϕe i.
102 Chapitre 8. La fixation de jauge du modèle de Ponzano-Regge
Les opérateurs O et Õ sont alors reliés par les formules de dualité suivantes
Z Y
hOk,Je i = dϕe sin [(2Je + 1)ϕe ] ∆(ϕe )hÕk,ϕe i (8.63)
e∈k
2 XY
∆(ϕe )hÕk,ϕe i = sin [(2Je + 1)ϕe ] hOk,Je i (8.64)
π
{Je } e∈k
Ces formules expriment que ces opérateurs sont reliés l’un à l’autre par des formules de trans-
formée de Fourier.
On peut donner une application simple de ces formules de dualité dans le cas de la sphère S 3
triangulée par deux tétraèdres. Si on considère l’opérateur O qui fixe totalement les 6 longueurs
à des valeurs j12 , · · · , j34 , son dual est alors l’opérateur Õ qui fixe les classes de conjugaison
autour des 6 arêtes à des valeurs θ12 , · · · , θ34 . La formule de dualité entre l’évaluation de ces
deux opérateurs s’écrit alors
2 Z Q
I<J sin[(2jIJ + 1)ϕIJ ]dϕIJ
j12 j13 j14 2
= 4 . (8.65)
j23 j24 j34
p
π det[cos ϕIJ ]
Cette formule est précisemment celle qui se trouve à la base de notre analyse asymptotique
du symbole 6j, voir 11. Une formule analogue avait été obtenue par Barrett[90] dans le cas du
groupe quantique Uq (SU(2)). Notre résultat montre que ce type de formules n’est qu’un cas
particulier d’un cas plus général, qui existe également dans le cas ’classique’ q = 1. Nous avons
étudié ces formules plus en détail dans [39], dont certains résultats sont résumés au chapitre 11.
8.4.2 Interprétation
Par l’intermédiaire des formules de dualité, nous sommes donc passés de l’opérateur O qui fixait
de jauge les je , à l’ opérateur Y
Õk,ϕe = δje ,0 δϕe (Ue ). (8.66)
e∈k
Examinons de plus prêt l’effet de l’insertion de cet opérateur dans la fonction de partition. La
fonction de partition contient à l’origine une condition de courbure plate pour l’arête e
X
δ(Ue ) = dje χje (Ue ). (8.67)
je
L’insertion du terme δje ,0 retire cette condition de courbure plate, tandis que le terme δϕe (Ue )
la remplace par la condition que Ue doit se trouver dans la classe de conjugaison ϕe . L’effet
de cet opérateur est donc d’introduire de la courbure localement, au niveau de l’arête e. Cet
effet est celui qu’on attend classiquement de la présence d’une ligne d’univers d’une particule
ponctuelle. Cet opérateur constitue donc un point de départ vers la compréhension de l’insertion
de particules dans le modèle de Ponzano-Regge.
9
Insertion de particules
ponctuelles
Ce chapitre décrit comment il est possible d’insérer des particules ponctuelles dans le modèle
de Ponzano-Regge. Nous obtenons ainsi un modèle de gravité quantique couplé à de la matière
(quantique elle aussi). Une propriété particulièrement intéressante de ce formalisme est qu’il
peut décrire des cas où le nombre de particules n’est pas constant. Ceci ouvre a priori la voie
à une seconde quantification des particules couplées à la gravité quantique. Ce modèle a été
présenté et étudié dans l’article [36].
9.1 Insertion de particules massives
Au chapitre précédent, nous avons vu que des relations de dualité portant sur les opérateurs
de fixation de jauge conduisaient à une classe nouvelle d’opérateurs. L’opérateur Õ (8.66) qui
insère de la courbure sur les arêtes d’un graphe constitue un premier indice sur le formalisme
qui permet d’insérer des particules massives dans le modèle de Ponzano-Regge. Nous allons
ici donner des arguments plus précis en faveur de ce formalisme dans un cas simple, à savoir
l’insertion de particules sans spin, dans une variété fermée.
Cet espace est localement plat, ϕ désigne une coordonnée angulaire avec l’identification ϕ ↔
ϕ + 2π. Si on redéfinit φ = (1 − 4GM )ϕ, et τ = t + 4SGϕ on peut réecrire cette métrique comme
une métrique plate,
ds2 = dτ 2 + dr2 + r2 dφ2 , (9.2)
avec l’identification de la coordonnée angulaire φ ↔ φ + (1 − 4GM )2π et l’identification de la
coordonnée temporelle τ ↔ τ + 8πslP . Cet espace peut donc se représenter comme un secteur
angulaire de l’espace de Minkowski, possèdant un angle de déficit m = 8πGM , avec un décalage
temporel de longueur 8πGS = 8πslP , voir figure 9.1.
103
104 Chapitre 9. Insertion de particules ponctuelles
8πslP
8πGM
Fig. 9.1 – La métrique de cône ’spinnant’ s’obtient comme une portion d’espace de Minkowski
avec un angle de déficit 8πGM et une identification avec un décalage vertical 8πslP . Les deux
segments épaissis de cette figure sont par exemple identifiés.
La masse d’une particule en gravité 3D classique est donc bornée par l’angle de déficit
maximal 2π, on a donc M < 1/4G. Un champ de tétrades pour cette géométrie (9.1) est donné
par
e = J0 dt + J (ϕ)dr + (1 − 4GM )rJ ′ (ϕ) + 4GSJ0 dϕ,
(9.3)
où on définit J (ϕ) = cos ϕJ1 + sin ϕJ2 , les générateurs d’algèbre de Lie Ji sont définis en
appendice A et satisfont l’algèbre
On peut alors calculer la torsion et la courbure associée à cette géométrie. On fait usage de
l’identité ddϕ = 2πδ(x)dxδ(y)dy, on a alors
Pour ’trouver’ les degrés de liberté de la particule, on peut faire la remarque suivante : en
l’absence de matière, la contrainte de courbure nulle et de torsion nulle engendrent respective-
ment les symétries de jauge translationelle et de Lorentz. Une particule provoque l’introduction
de courbure et de torsion distributionelle sur sa ligne d’univers, on s’attend donc à ce que la
symétrie de jauge y soit brisée. C’est en effet ce qu’on constate explicitement : si on effectue une
transformation de Lorentz parametrée par g −1 et une transformation translationelle parametrée
par −φ, la courbure et la torsion distributionelle (9.6,9.7) deviennent
p = M gJ0 g −1 , (9.11)
−1 −1
j = 2SgJ0 g − m gJ0 g ,φ . (9.12)
Ceci illustre le fait suivant : l’introduction d’une particule brise localement la symétrie de jauge.
Les anciens degrés de jauge de la gravité deviennent les degrés de liberté physiques de la par-
ticule. Partant de cette constatation, on peut déduire de l’action S0 (9.8) une action pour la
gravité couplée à une particule possèdant des degrés de liberté : il suffit de lui appliquer les
transformations de Lorentz et translationelles. On note (g, φ)⊲ l’action des transformations sur
les variables, on définit alors l’action
où g, φ décrivent maintenant les degrés de liberté de la particule. On peut montrer que cette
action se met sous la forme
Comme dans le cas continu, cette action ne décrit qu’une particule gelée, sans degrés de liberté
propres. On restaure les degrés de liberté de la particule en appliquant une transformation de
Lorentz Ue → u−1 e Ue ue sur les arêtes portant des particules. La fonction de partition obtenue
après intégration sur les variables Xe est donc la suivante
!
YZ Y YZ
Z(∆, kD ) = dge∗ δ(Ue ) due δ(Ue ue hme u−1
e ), (9.20)
e∗ e6∈k e∈k
avec la définition Z
δm (U ) = duδ(U uhm u−1 ). (9.22)
hm
u−1
e
ue
st∗e
(si me = 0, cette formule se réduit bien à la formule de Plancherel pour la fonction δ). On obtient
alors l’expression
!
YZ X Y Y Y
Z(∆, kD ) = dge∗ d je χje (hme ) χje (Ue ). (9.24)
e∗ {je } e6∈k e∈k e
Sous cette forme, on constate clairement que l’introduction de particules de masses Me sur les
arêtes d’un graphe k s’obtient effectivement par l’insertion de l’opérateur Õ
Y
Õk,me = δje ,0 δme (Ue ). (9.25)
e∈k
De plus, on peut maintenant réaliser l’intégration sur les variables de groupe et obtenir une
expression de ce résultat, à la Ponzano-Regge. Le résultat est le suivant
XY Y Y j1 j2 j3
je
Z(∆, kD ) = d je χ (hme ) . (9.26)
j4 j5 j6
{je } e6∈k e∈k t
{pa , pb } = 0, (9.27)
{ja , jb } = ǫabc jc , (9.28)
{ja , pb } = ǫabc pc , (9.29)
On peut voir[36] qu’avec ces définitions, la contrainte de masse est automatiquement satisfaite,
alors que la contrainte de spin s’écrit
On peut explicitement vérifier que cette contrainte est satisfaite pour k = −s. On trouve alors
que l’espace de Hilbert physique associé à cette théorie est l’espace
M
I
Hm,s = VI = {Dn−s (g)|I − s ∈ N, |n| ≤ I}. (9.35)
I|I−s∈N
Un état de particule est donc labellé par un coupe (I, n). Par ailleurs on sait qu’une particule
supprime des degrés de jauge de gravité pour les rendre dynamiques. L’invariance de jauge
étant encodée au niveau des entrelaceurs des réseaux de spin. Ces deux constatations motivent
l’introduction de réseaux de spin à arêtes ouvertes pour décrire les états cinématiques de la
gravité couplée à des particules. Considérons Γ un graphe trivalent possèdant des arêtes internes
ē, des vertexs v̄, ainsi que des arêtes ouvertes ēw à une de leurs extrémités w. On supposera ici
que chaque face d’un réseau de spin contient au plus une arête ouverte. On colore ce graphe Γ par
des représentations jē sur les arêtes internes, et des représentations Iw sur les arêtes ouvertes. On
9.2. Insertion de particules à spin dans une variété à bords 109
Iw w
Fig. 9.3 – Réseau de spin à arête ouverte. Les arêtes ew possèdant un vertex ouvert w sont
étiquetées par une représentation de Lorentz Iw .
considère alors le réseau de spin ouvert associé au graphe colorié (Γ, jē , Iw ) et défini en termes
des holonomies de la connexion le long des arêtes du graphe par
* +
O O O
je Iw
ΨΓ,jē ,Iw (ω̄) = D (hē (ω̄)) D (hēw (ω̄)), ıv̄ , (9.36)
ē w v̄
où ıv̄ désigne l’entrelaceur trivalent normalité. Dans cette expression, les entrelaceurs ne sont
situés qu’aux vertexs internes. Les éléments de matrice associés aux arêtes ouvertes ont donc
un
N indice non-contracté, et un tel réseau de spin est à valeur dans les vecteurs invariants de
V Iw .
w
Ces réseaux de spin vont nous servir à décrire les états cinématiques de la gravité couplée à
des particules. Remarquons qu’au niveau cinématique, ni la masse M ni le spin S n’apparaissent.
Ces deux quantités n’apparaitront qu’au niveau dynamique, lors de la définition du propagateur.
Le cas 4D
Il y a parfois une confusion sur les rôles respectifs des groupes de Poincaré, de Lorentz, des
rotations, et sur les sens physiques des différentes représentations associées. Pour éclairer cette
discussion, je vais rappeler ici la situation du cas 4D. Ceci est pour l’essentiel issu du chapitre
5 du livre de S.Weinberg [6]. Les représentations du groupe de Lorentz SO(3, 1) seront notées
(A, B). Les représentations du groupe des rotations SO(3) seront notées s. On désigne par σ les
indices de l’espace de représentation V s (c’est à dire les moments magnétiques).
110 Chapitre 9. Insertion de particules ponctuelles
On travaille avec des champs qui sont des représentations du groupe de Lorentz. Par exemple
un champ scalaire ΦS (x) ou un champ vectoriel Φµ (x). La représentation de Lorentz dans laquelle
on travaille est donc, naivement, le nombre de composantes du champ. Dans le cas du groupe de
Lorentz SO(3, 1), on peut classifier les représentations par la donnée d’une paire (A, B) de demi-
entiers. Par exemple, on a (0, 0) pour la représentation scalaire, (1/2, 1/2) pour la représentation
vectorielle. Au sein d’une représentation (A, B) on trouve les représentations de SO(3) de spin
s pour
|A − B| ≤ s ≤ A + B. (9.37)
Celà signifie par exemple que la représentation (0, 0) ne contient qu’une composante qui est
de spin s = 0. Les représentations (1/2, 0) et (0, 1/2) ne peuvent contenir que s = 1/2. La
représentation (1/2, 1/2) contient à la fois s = 1 et s = 0. On comprend bien ici que la
représentation de Lorentz dans laquelle on travaille (le nombre de composantes du champ) ne
fixe pas le spin de la particule. Dans le cas des représentations scalaires ou (1/2, 0), on a pas le
choix, mais par exemple la représentation vectorielle contient à la fois des particules de spin 0
et de spin 1.
La démarche générale de [6] consiste à construire, pour une représentation du groupe de
Lorentz, des champs causaux comme combinaisons linéaires d’opérateurs de création et d’anni-
hilation. Les propriétés de symétrie requises fixent la forme des coefficients de ces combinaisons
linéaires. En particulier les propriétés de transformation par rotation, c’est à dire le spin s de la
particule, mettent des conditions sur ces coefficients. Plus précisemment ces coefficients doivent
fournir un entrelaceur de la représentation (A, B) du groupe de Lorentz SO(3, 1) vers le sous-
espace de représentation de spin s de SO(3). Après imposition de ces conditions, le commutateur
des champs peut alors être déduit de ces coefficients.
Par exemple dans le cas du champ scalaire on cherche à construire le champ
Z
ΦS (x) = d3 p u(p)a(p)eip·x , (9.38)
où les u(p) sont les coefficients à déterminer et qui sont contraints par les conditions de symétrie.
Dans le cas scalaire, les conditions de symétrie imposent que u(p) = (2p0 )−1/2 . On a alors le
commutateur h i Z d3 p
†
ΦS (x), ΦS (y) = eip·(x−y) , (9.39)
2p0
qui fournit le propagateur causal.
Dans le cas du champ vectoriel, on cherche à construire des champs
XZ
µ
Φ (x) = d3 p uµ (p, σ)a(p, σ)eip·x , (9.40)
σ
où lesuµ (p, σ)sont les coefficients qui dépendent de l’impulsion p et du moment magnétique σ.
Si on se fixe pour commencer le spin s = 0, le comportement des coefficients uµ sous l’application
d’un boost impose que le coefficient uµ (p) se déduise de uµ (0) par
pµ
uµ (p) = i p . (9.41)
2p0
Cela signifie que le champ Φµ (x) s’écrit dans ce cas simplement comme la dérivée d’un champ
scalaire
Φµ (x) = ∂ µ ΦS (x). (9.42)
9.2. Insertion de particules à spin dans une variété à bords 111
Le cas 3D
Sur la base de l’expérience du cas quadridimensionel, on peut maintenant étendre cette discussion
au cas 3D. Dans le cas euclidien, le groupe de Lorentz est le groupe SO(3). Ce sont donc des
demi-entiers I qui vont jouer le rôle que jouait (A, B) dans la discussion précédente. Le petit
groupe est maintenant U (1). Le spin des particules sera donc donné là aussi par un demi-entier
s, mais qu’il faut penser comme une représentation de U (1), et pas de SU(2). Enfin la condition
qu’un spin s peut apparaitre dans une représentation I de SO(3) est donnée par la condition
s ≤ I. (9.49)
Le projecteur de l’espace de représentation V I sur l’espace de représentation (unidimensionnel)
de s est donné par
PsI = |I, s >< I, s|, (9.50)
où |I, s > est le vecteur de base d’indice s dans V I . L’analogue de (9.48) est alors
Π(p) = DI (L(p))PsI DI (L(p)−1 ), (9.51)
où L(p) est le boost d’impulsion d’impulsion p.
112 Chapitre 9. Insertion de particules ponctuelles
Projecteur local
En se basant sur la situation en espace plat, on peut maintenant mieux comprendre à quoi res-
semble le propagateur d’une particule de masse M et de spin s. Dans le cas 3D euclidien, le groupe
de Lorentz est le groupe SO(3). Son petit groupe est le groupe U (1) dont les représentations sont
labélées par des demi-entiers. Un spin s sera donc une représentation de U (1). La représentation
s de U (1) est contenue dans toute représentation I de SO(3) pourvu que U ≥ s. Nous avons
déja pu voir que l’insertion d’une particule de masse m se fait en introduisant la projection
Z
δm (g) = duδ(guhm u−1 ). (9.52)
Fig. 9.4 – Graphe k dont les extrémités coincident avec les vertexs ouverts des réseaux de spin
au bord.
k∗ k
Fig. 9.5 – Graphe ruban kf constitué de k et du graphe k∗ . Le graphe ruban se recolle au bord
sur les arêtes ouvertes des réseaux de spin.
st∗e
∗
v− v−
Fig. 9.6 – Graphe k∗ au niveau d’une arête e de k. Le graphe k∗ permet de définir des holonomies
qui permettent de transporter le projecteur, initialement localisé au niveau de st∗e .
∗ et l’holonomie h
à v− ∗ ∗
e− de ste à v+ . Ces notations sont illustrées figure 9.6. On peut alors se
servir de ces holonomies pour faire du transport parallèle du projecteur vers v−∗ et v ∗ . On définit
+
l’homomorphisme de V e I
qui dépend des éléments de groupe via Ue , mais aussi he+ et he− . Pour toute arête e de k, on
dispose donc d’un homomorphisme ∆ ˜ Ie ,me ,se . Maintenant les homomorphismes associés à chaque
arête peuvent être connectés entre eux au niveau des vertexs de k∗ . Les vertexs pouvant être
multivalents, on les connecte ensemble à l’aide d’intertwiner de Lorentz ıv .
Résumons l’ensemble des structures nécessaires. Nous avons besoin d’un graphe muni d’un
framing kf , constitué d’un graphe k de ∆, et d’un graphe k∗ de ∆∗ de structure identique à k.
Le graphe k∗ définit pour chaque arête e deux holonomies he− et he+ qui permettent d’effectuer
le transport parallèle. On muni le graphe kf d’une décoration D constituée d’un indice de
Lorentz Ie , une masse me et un spin se sur chaque arête, et un entrelaceur de Lorentz ıv sur
chaque vertex. On insère finalement l’homomorphisme associé au graphe ruban kfD décoré par
(Ie , me , se ) pour chaque arête
* +
O O
∆kf = ∆Ie ,me ,se ; ıv . (9.59)
D
e∈k v∈k
qui est un homomorphisme du produit des représentations de Lorentz des arêtes ouvertes du
réseau de spin initial vers celles du réseau de spin final.
A ce stade, on peut s’imaginer que l’objet que nous avons introduit dépend fortement des
holonomies qui servent à faire le transport parallèle, et donc du choix particulier du graphe
k∗ . En réalité il n’en n’est rien, la raison en est que la courbure étant partout ailleurs plate, le
transport parallèle est (presque) indépendant du chemin suivi. On peut par exemple déplacer
un chemin en le faisant passer sur des plaquettes duales de courbure nulle (voir figure 9.7). Si on
considère deux arêtes e1 et e2 de k et qu’on considère l’holonomie qui relie st∗e1 à st∗e2 , celle-ci
ne dépend en fait que du winding number du graphe k∗ . C’est à dire que si on voit le graphe
muni de son framing comme un graphe ruban, le résultat ne dépend que du nombre de twists
que subit le ruban (figure 9.8) et pas du détail de k∗ .
9.2. Insertion de particules à spin dans une variété à bords 115
1 4 1 4
U =I U =I
→
2 3 2 3
ste1 ste1
ste2 ste2
Fig. 9.8 – Exemple de deux chemins inéquivalents reliant deux vertexs st∗e1 et st∗e2 . Les deux che-
mins ne possèdent pas le même winding number et ne peuvent pas être relié par une déformation
conservant les extrémités. Le second chemin définit un ruban twisté.
116 Chapitre 9. Insertion de particules ponctuelles
On peut par exemple regarder le cas particulier d’une transition vide-vide. On obtient alors le
résultat suivant :
n
X 1 Y χj (hmk )
h0|0iΣg,n = . (9.62)
(dj )2g+n−2 dj
j k=1
W a2 2
E(k) = (E0 − W ) + k (9.65)
2
où l’énergie se comporte comme le carré de l’impulsion, ce qui reproduit la propagation d’une
particule libre. Dès lors on peut se demander si un phénomène identique peut apparaitre en
présence de gravité quantique. Par exemple la relation de dispersion familière
m2 c4 = E 2 − p2 c2 (9.66)
ne serait que le comportement à E << EP d’une relation de dispersion plus compliquée, qu’on
peut par exemple chercher à caractériser à partir des premiers termes d’un développement limité
E3 E4
m2 c4 = E 2 − p2 c2 + α + β 2 + ··· (9.67)
EP EP
où α et β sont des coefficients sans dimension. Cette idée fut à l’origine évoquée par Snyder [93],
et beaucoup étudiée ces dernières années [94], sur la base de résultats astrophysiques pouvant –
entre autres – s’expliquer par une telle relation de dispersion modifiée.
Un formalisme mathématique pour étudier ce genre de phénomènes nous est fourni par la
théorie des déformations de l’algèbre de Poincaré [95]. On peut en effet déformer l’algèbre de
Poincaré en utilisant un paramètre de déformation κ dimensionnel, que l’on relie à la longueur
de Planck. L’introduction d’un tel paramètre provoque alors une modification de la relation de
dispersion. Cependant un théorème mathématique affirme que toute déformation de l’algèbre de
Poincaré est en fait triviale, en ce sens qu’on peut toujours redéfinir de nouveaux générateurs E
et P en termes des anciens générateurs E et p, et tels qu’on ait la relation familière
m2 c4 = E 2 − P 2 c2 . (9.68)
Pour une algèbre de symétrie, la structure de co-produit est celle qui gouverne les lois de
composition. Par exemple si l’on étudie la composition de deux représentations du groupe des
rotations pour un élément de groupe g, on a
où l’on a utilisé – sans s’en rendre compte ! – le co-produit ∆(g) = g ⊗ g pour ’dédoubler’
l’élément g. Une redéfinition des générateurs de l’algèbre de Poincaré κ-déformée va modifier
la structure de co-produit, et donc modifier les lois de composition. Ceci signifie qu’un effet
possible de l’introduction de gravité quantique pour la physique des particules peut être non pas
la modification de la relation de dispersion, mais la modification de la composition des moments !
Cependant parmis toutes ces courbures, toutes sont imposées à l’identité dans la fonction de
partition, sauf celles correspondant aux deux arêtes de k, il reste donc
Ue1 Ue−1
2
=I (9.71)
(on suppose par exemple qu’on a orienté e1 et e2 dans des sens opposés.) La fonction de partition
impose ensuite à ces courbures d’être reliées aux masses, on a donc par l’identité de Bianchi
u1 hm1 u−1 −1
1 = u2 hm2 u2 (9.72)
qui prouve que m1 = m2 et u1 = u2 , ce qui signifie que masse et impulsion sont conservées à un
vertex bivalent. Ce type de relation est totalement analogue à une relation du type
où l’on voit d’une part que m1 doit être égal à m2 , d’autre part que dans ce cas il subsiste une
infinité qui doit être fixée de jauge, c’est à dire qu’on doit éviter les vertexs bivalents.
9.4. Effets physiques de l’insertion de particules 119
La gravité quantique couplée à de la matière doit conduire à des amplitudes de transition qui
dans la limite G → 0 reproduisent les amplitudes de transition de la théorie des champs en
espaces plats.
Nous voyons ainsi que le formalisme d’inclusion de particules que nous avons proposé ouvre
la voie à l’examen de cette question. En effet dans notre formalisme, les graphes de particules
décorés kD permettent notamment de décrire des situations ou le nombre de particules varie.
On peut donc en clair voir ces graphes comme des graphes de Feynman, et étudier la limite
G → 0 des amplitudes associées à ces graphes. Comme nous je l’ai indiqué ci-dessus, la limite
G → 0 correspond essentiellement à une limite abélienne des amplitudes calculées. On peut alors
étudier la question de savoir si la limite abélienne des expressions calculées pour ces graphes en
présence de gravité quantique reproduit les résultats obtenus en espace plat. Il s’agit donc d’un
examen direct de la question de savoir si la limite G → 0 du modèle de Ponzano-Regge (en
présence de particules) est bien la théorie quantique des champs usuelle.
10
Invariant de Ponzano-Regge et
Chern-Simons D(SU(2))
121
122 Chapitre 10. Invariant de Ponzano-Regge et Chern-Simons D(SU(2))
contrepartie mathématique a été écrite par Reshetikhin et Turaev [96] sur la base d’idées
mathématiques sur des invariants de lien[97]. Cet invariant est lui aussi relié à une fonction
de partition de la gravité, en ce sens que nous avons vu au chapitre 5 que la gravité euclidienne
à Λ > 0 était donnée par 2 copies de la théorie Chern-Simons SU(2). On s’attend donc à ce
que ”deux copies” de l’invariant de Witten-Reshetikhin-Turaev correspondent à une fonction
de partition de la gravité à Λ > 0. Nous verrons que cette intuition comporte une formulation
mathématique bien précise.
Pour définir un invariant de variété I(M), on part tout d’abord d’une présentation de
cette variété, par exemple une triangulation ∆. A une variété donnée peuvent être associés
des présentations différentes mais équivalentes. En général on peut relier deux présentations
équivalentes par une série de mouvements élémentaires. Par exemple dans le cas d’une
présentation par triangulation, ce sont les mouvements de Pachner [98]. La construction d’un
invariant nécessite de bâtir un objet défini à partir d’une présentation, et indépendant du choix
de cette présentation parmis les présentations équivalentes. On recherche donc un objet invariant
sous les mouvements élémentaires qui relient des présentations équivalentes.
Dans la suite, je présente trois invariants importants de variété 3D : l’invariant de Turaev-
Viro, l’invariant de Reshetikhin-Turaev et un troisième invariant qui sera important dans la
suite : invariant de chain-mail de Roberts[99, 100].
et la relation de Biedenharn-Elliott
j1 j2 j3 j1 j2 j3 X j5 j8 j j6 j1 j j4 j7 j
= [2j + 1]q .
j4 j5 j6 q j7 j8 j9 q j9 j6 j1 q j7 j4 j2 q j8 j5 j3 q
j
(10.7)
Pour prouver que la définition (10.8) constitue bien un invariant de variété, il faut montrer
qu’elle ne dépend pas du choix de la triangulation. Pour cela, il suffit de montrer qu’elle est
invariante sous les mouvements de Pachner. En 3D, il existe deux mouvements de Pachner et
leurs deux réciproques : le mouvement 1 → 4 et le mouvement 2 → 3. Ces mouvements (et leur
équivalent dans le dual ∆∗ ) sont représentés sur la figure 10.1. Le mouvement 1 → 4 ajoute un
vertex à l’intérieur d’un tétraèdre, le mouvement 2 → 3 transforme 2 tétraèdres adjacents en 3
tétraèdres, et ce en supprimant la face commune et en ajoutant une arête.
La raison pour laquelle la définition de Turaev-Viro est bien un invariant est liée au fait
que les propriétés des symboles 6j quantiques miment exactement les mouvements de Pachner.
Par exemple la relation de Biedenharn-Elliot (10.7) est exactement la relation nécessaire pour
prouver l’invariance sous le mouvement 2 → 3. La relation nécessaire pour prouver le mouvement
1 → 4 est obtenue en utilisant la relation de Biedenharn-Elliot et l’identité d’orthogonalité.
1 1
2 4 2 4
3 3
4 4
1 3 1 3
2 2
5 5
Fig. 10.2 – Exemple de projections de liens : le lien de Hopf et le lien Borroméen. Le lien
Borroméen est un lien à trois composantes tel que la suppression d’une des trois composantes
ne laisse que deux composantes liées entre elles.
L’évaluation de Reshetikhin-Turaev
L’invariant de Reshetikhin-Turaev est basé sur la notion d’évaluation introduite dans [97] pour
construire des invariants de liens. Considérons un lien L, et assignons une représentation ρC
à chaque composante C de ce lien. L’évaluation de Reshetikhin-Turaev est une procédure qui
associe un nombre à un tel lien colorié
Pour construire une telle évaluation, on projette le lien sur une surface 2D (voir figure 10.2), et
la procédure associe alors un nombre à tout diagramme projeté. L’évaluation d’un lien colorié
est un invariant de lien, c’est à dire qu’il ne dépend pas de la projection réalisée pour le calculer.
Dans le cas du groupe quantique Uq (SU(2)), on associe à chaque composante d’un lien un
demi-entier jC , on peut alors considérer l’évaluation
Cet objet fournit un invariant de lien, c’est à dire invariant sous les mouvements d’isotopie. Notre
idée est cependant de construire un objet qui soit également invariant sous les mouvements de
Kirby. Comment à partir de cette notion d’invariant de lien, définir un invariant de variété ?
Pour cela on considère la représentation Ω, qu’on définit comme combinaison linéaire formelle
de toutes les représentations irréductibles
1 X
(Ω) = p [2j + 1]q (j). (10.11)
Vq j≤(r−2)/2
Fig. 10.3 – Construction du lien de chain-mail à partir de composantes autour des arêtes et de
composantes à l’intérieur des faces.
où z est un facteur de phase qui dépend de L et de k. Cet objet est un invariant de la variété
M, c’est à dire qu’il est invariant sous les mouvements élémentaires qui relient deux liens de
chirurgie de la même variété.
surface Σ. L’épaississement du 1-squelette du complexe dual ∆∗ fournit une autre anse H ∗ dont
le bord est également Σ. Ces variétés ayant Σ pour bord commun forment un scindement de
Heegard de M
M = H#Σ H ∗ . (10.13)
L’ensemble des méridiens de H tracés sur la surface Σ et l’ensemble des méridiens de H ∗ forment
alors le lien L∆ . Le lien L∆ ainsi obtenu possède les propriétés suivantes :
1. Toutes ses composantes sont des cercles non-noués ;
2. Ses composantes peuvent être classées en composantes Ce qui proviennent des arêtes de e
et composantes Ce∗ qui proviennent des faces f ∼ e∗ ;
3. Les composantes Ce ne sont nouées qu’aux composantes Ce∗ et réciproquement.
La définition de l’invariant de Roberts est alors donnée par l’évaluation de Reshetikhin-
Turaev appliqué au lien L∆ pour les représentations Ω définies en (10.11), on a
!V +T
1
CM (M) = p eval[L∆ , {Ω}], (10.14)
Vq
Le théorème de Roberts-Turaev-Walker
L’important théorème prouvé par Roberts[99], et qui complète un théorème de Turaev et Walker
est le suivant
T V (M) = CM (M) = |RT (M)|2 . (10.15)
L’invariant de Roberts est égal à l’invariant de Turaev-Viro, et au module carré de l’invariant
de Reshetikhin-Turaev. Le théorème prouvé par Roberts repose d’une part sur la preuve que
l’invariant de chain-mail est égal à l’invariant de Turaev-Viro. Le coeur de la seconde partie de
la preuve consiste à prouver que le lien de chain-mail L∆ d’une variété triangulée par ∆ est un
lien de chirurgie pour la variété M#M̄, où M̄ désigne la variété M avec l’orientation renversée.
Roberts conclut ainsi que
Plus généralement ce théorème a été étendu dans [102] au cas d’une variété M possèdant
un bord ∂M décoré par un réseau de spin (Γ, c). Dans le cas à bord, l’invariant de Turaev-Viro
ne fournit pas un nombre mais un élément |T V (M) > dans l’espace de Hilbert engendré par les
réseaux de spin. On note
hΓ, c|T V (M)i, (10.17)
le produit scalaire entre le réseau de spin (Γ, c) et l’invariant de Turaev-Viro. On note M#∂M M∗
la variété fermée obtenue par recollement de M et M∗ selon ∂M. On considère alors l’évaluation
obtenue par insertion du réseau de spin dans M#∂M M∗ le long de ∂M. Le théorème prouvé
dans [102] est alors
hΓ, c|T V (M)i = RT (M#∂M M∗ ; (Γ, c)). (10.19)
Ce résultat étend le théorème précédent au cas d’une variété à bord décoré.
128 Chapitre 10. Invariant de Ponzano-Regge et Chern-Simons D(SU(2))
Ω Ω j
j
Fig. 10.5 – Propriété de sliding : toute composante portant une représentation quelconque
peut être glissée sur une composante portant la représentation Ω sans changer l’évaluation
correspondante.
j j
Ω
δj,0
Fig. 10.6 – Propriété de killing : une représentation Ω enserrant une unique composante peut
être supprimée. La représentation associée est alors projetée sur la représentation triviale.
Ce théorème est prouvé en détail dans [38]. L’indépendance vis à vis des choix d’orientation et
de vertex de départ résulte des propriétés d’invariance de la mesure de Haar et de la fonction
δ(g). L’indépendance vis à vis du choix des arbres est montré en prouvant que la définition ne
change pas sous un mouvement élémentaire d’arbres, deux arbres maximaux pouvant toujours
être reliés par une suite de tels mouvements. Dans le cas de l’arbre T ∗ , l’invariance est prouvée
en utilisant la forme particulière de l’intégrand qui sur le plan physique est responsable de
l’invariance de jauge de Lorentz. Dans le cas de l’arbre T , l’invariance est prouvée grâce à
l’identité de Bianchi (8.29). Enfin la preuve d’invariance sous les changements de triangulation
est prouvée grâce aux mouvements de Pachner. On montre explicitement qu’un mouvement de
Pachner de la triangulation (qui doit s’accompagner d’un changement de prescription pour les
arbres T et T ∗ ) ne modifie pas la valeur de l’invariant.
130 Chapitre 10. Invariant de Ponzano-Regge et Chern-Simons D(SU(2))
Le groupe quantique D(SU(2)) est un groupe quantique construit à partir de SU(2) selon la
recette du double de Drinfeld. Son usage en gravité quantique 3D a déja été souligné dans
[103, 104, 105], qu’on pourra consulter pour des notions détaillées sur ce groupe quantique.
(θ,0) +∞
M (θ,0)
V = V k, (10.22)
k=0
(θ,0)
où le sous-espace V k est isomorphe à V k .
Une caractéristique importante du groupe quantique D(SU(2)) est qu’il peut être pensé comme
une déformation du groupe de Poincaré ISO(3). Ce fait est par exemple discuté dans [103]. On
peut d’ailleurs remarquer la similarité des structures des représentations.
La procédure d’évaluation Reshetikhin-Turaev fait intervenir la trace sur les espaces des
représentations. On définit les notions suivantes :
(θ,0) (θ,0)
Définition 1 Un endomorphisme E de V est dit simple si sa trace sur le sous-espace V k
est égale à (2k + 1)TE pour tout k, où TE est indépendant de k. Dans ce cas, TE est appelé trace
(θ,0)
réduite de E sur V .
Dans la suite, nous aurons à tracer sur des représentations (θ, 0) et nous utiliserons
systématiquement la notion de trace réduite. Cela implique bien sur de prouver que tous les
endomorphismes à tracer sont simples.
10.3. L’invariant de Ponzano-Regge et l’invariant de chain-mail D(SU(2)) 131
= P12 (10.23)
Z
θ = dxDj (xhθ x−1 ), (10.24)
G/H
Z N
Dji (xhǫθi x−1 ),
Y
θ = dx (10.25)
G/H i=1
On montre [38] qu’au cours du processus d’évaluation, tous les endormorphismes à tracer
sont simples au sens de la définition 1. Cette évaluation est donc définie en utilisant la notion
de trace réduite. On définit ensuite l’invariant de chain-mail construit sur les représentations
simples de D(SU(2)).
où on rappelle ∆(θ) = sin θ. L’invariant de chain-mail construit sur les représentations simples
de D(SU(2)) est définit comme l’évaluation Reshetikhin-Turaev de L∆,T ,T ∗ où toutes les com-
posantes Ce sont coloriées par Ω et toutes les composantes Ce∗ sont coloriées par Ω∗ . On a
donc
!
YX YZ
2
CM (M) = d je dθe∗ ∆ (θe∗ ) × eval[L∆,T ,T ∗ ({je }, {θe∗ })], (10.29)
e je e∗ U (1)
A ce stade j’appelle ’invariant’ cet objet, même si je n’ai pas encore prouvé que cette définition
est indépendante des divers ingrédients utilisés. Cette preuve est donnée par le théorème qui
prouve son égalité avec l’invariant de Ponzano-Regge, dont la preuve d’invariance était l’objet
du théorème 1.
10.3.4 Equivalence
Le second théorème important prouvé dans [38] est le suivant :
Théorème 2 L’évaluation Reshetikhin-Turaev du lien colorié L∆,T ,T ∗ ({je }, {θe∗ }) est égale à
où Z∆ ({je }, {θe∗ }) est l’amplitude d’une triangulation coloriée définie en (7.13).
10.3. L’invariant de Ponzano-Regge et l’invariant de chain-mail D(SU(2)) 133
La preuve de ce théorème consiste à d’une part découper le lien colorié en blocs élémentaires
qu’on sait évaluer, d’autre part à montrer que la combinaison de ces évaluations élémentaires
redonne la quantité Z∆ ({je }, {θe∗ }). Pour cela on partira de l’expression suivante obtenue en
scidant les caractères en matrices de représentation
!
YZ Y j ǫ(I)
Y
Z∆ ({je }, {θe∗ }) = dxe∗ DaII bI (xI hθI x−1
I ) δbI ,as(I) . (10.32)
e∗ G/H I I
avec les notation de (7.10), c’est à dire que I désigne un couple (e, e∗ ) où e ⊂ f ∼ e∗ .
Découpage du lien
La façon dont on découpe le lien peut être sommairement décrite de la manière suivante : on
isole les composantes Ce∗ sous la forme de diagrammes
j1 j2 j3 jn−1
jn
θe∗
Dans un tel diagramme, chaque tresse verticale représente un couple I = (e, e∗ ), c’est à dire une
arête e de la face f ∼∗ . Pour chaque face, on dispose ces diagrammes les uns à côté des autres
afin de former un diagramme
Chaque diagramme élémentaire est associé à une face f ∼ e∗ de ∆. Le lien de chain-mail est
ensuite obtenu en refermant les tresses, c’est à dire en connectant ensemble les tresses verticales
qui sont associées à une même arête e. Celà se fait à l’aide d’un diagramme
134 Chapitre 10. Invariant de Ponzano-Regge et Chern-Simons D(SU(2))
B T
où B désigne un diagramme qui est une simple permutation des tresses labelées par I.
Evaluation du lien
On a donc vu que le lien L∆,T ,T ∗ ({je }, {θe∗ }) peut s’écrire comme le produit de deux diagrammes
coloriés B et T , le diagramme T se mettant lui même sous la forme d’un produit
O
T = Te∗ . (10.33)
e∗
On montre [38] pour finir que le diagramme B – qui n’est constitué que de permutations de
tresses du type (10.23) – s’évalue à
Y
eval[B] = δbI ,as(I) . (10.36)
I
Ceci prouve donc que l’évaluation de L∆,T ,T ∗ ({je }, {θe∗ }) est bien égale à celle de
Z∆ ({je }, {θe∗ }), et par la suite que l’invariant P R(M) est égal à CM (M). Ce dernier est donc
lui aussi un invariant.
hOT ,T ∗ i. (10.37)
On peut là aussi définir une généralisation de cet objet en coloriant les composantes Ce pour
e ∈ T par des représentations fixées Je et celles de Ce∗ pour e∗ ∈ T ∗ par des représentations
fixées Θe∗ . L’évaluation correspondante définit alors
Cet objet correspond donc à une fixation de jauge, où l’on fixe les représentations des arbres T et
T ∗ à des valeurs différentes de la représentation triviale. Le théorème qui prouve l’indépendance
de la procédure de fixation de jauge sous le choix des représentations des arbres est le suivant
La preuve de ce théorème se fait en utilisant les identités de sliding. On montre la chose suivante :
grâce aux identités de sliding, les composantes qui forment les arbres T et T ∗ peuvent être glissées
successivement et indépendamment hors du lien. A la suite de cette opération, on se retrouve
avec un lien composée du lien colorié L∆,T ,T ∗ ({je }, {θe∗ }), et de composantes non-nouées portant
les représentations (0, Je ) et (Θe , 0). L’évaluation du lien L∆,T ,T ∗ ({je }, {θe∗ }) fournit CM (M),
l’évaluation des composantes libres est égale au volume V(Je ).
Ces deux situations nous donnent-elles des résultats vraiment différents ? En réalité non, la
raison en est que
CM pour toutes les représentations de Uq (SU(2)) =
CM pour les représentations simples de D(Uq (SU(2))).
136 Chapitre 10. Invariant de Ponzano-Regge et Chern-Simons D(SU(2))
Les deux situations nous disent en fait la même chose : que le bon invariant de chain-mail à
considérer est celui bâtit avec les représentations simples du double. En revanche pour Uq (SU(2)),
le ’petit miracle’ qui se produit est que
et que les représentations simples de D(Uq (SU(2))) sont les représentations de type (j, j), et
sont en isomorphisme avec les représentations j de Uq (SU(2)). Ce petit miracle est également à
l’origine du fait que l’invariant de chain-mail possède une racine carrée.
Conjecture : Si G est un groupe à partir duquel on peut batir un invariant de Turaev-Viro
(Essentiellement on a besoin de l’existence d’un symbole 6j, donc d’un coefficient de Clebsh-
Gordan, ce qui suppose que le produit tensoriel de deux représentations se décompose en somme
de représentations, où chaque représentation apparait avec une multiplicité un au maximum),
cet invariant est égal à l’invariant de chain-mail construit avec les représentations simples du
groupe quantique D(G).
11
Asymptotiques et dualités en
théorie des représentations
Le but de ce chapitre est d’exposer brièvement les idées présentées dans [34] qui ont conduit
à la démonstration de l’asymptotique du symbole 6j de SU(2), ainsi que des symboles 6j de
SL(2, R) et du symbole 10j. Je présente enfin quelques idées sur les asymptotiques des symboles
6j quantiques et les relations de dualité vérifiées par de tels symboles. Ce dernier travail est en
cours de rédaction [39].
11.1 Asymptotique du symbole 6j
La problématique consiste à étudier le comportement asymptotique du symbole 6j lorsque les
valeurs des spins tendent vers l’infini, c’est à dire le comportement asymptotique de
N j1 N j2 N j3
, (11.1)
N j4 N j5 N j6
L’idée qui est à la base de cette preuve est qu’un symbole 6j s’obtient à partir de 4 symboles 3j.
Le carré du 6j est donc donné par 4 paires de symboles 3j, lesquelles peuvent être transformées
137
138 Chapitre 11. Asymptotiques et dualités en théorie des représentations
où Dπ est le domaine sous-ensemble de [0; π]6 satisfaisant pour tout (I, J, K) les inégalités
La matrice G(θ) est une matrice 4 × 4 dont les éléments sont donnés par
Géométriquement, nous avons maintenant une intégrale sur l’espace des tétraèdres sphériques
abstraits. De même qu’un tétraèdre plat abstrait est entièrement spécifié par ses 6 longueurs,
un tétraèdre sphérique abstrait est entièrement spécifié par ses 6 longueurs sphériques θIJ . Le
domaine Dπ est le domaine des tétraèdres sphériques, et contient les inégalités que satisfont leurs
longueurs. Géométriquement, la matrice G est la matrice de Gram du tétraèdre sphérique[106].
11.1.2 Asymptotique
Si l’on multiplie les spins par N en faisant tendre N vers l’infini, on se retrouve à évaluer le
comportement asymptotique de l’intégrale
Cette intégrale est une intégrale à phase oscillante et se trouve donc parfaitement adaptée à des
techniques de phase stationnaire [107]. Cependant une difficulté supplémentaire intervient du
fait de la singularité du dénominateur. Je me proposer d’illustrer ceci sur un exemple 1D.
Un exemple 1D
La philosophie qui conduit la méthode de la phase stationnaire consiste à
11.1. Asymptotique du symbole 6j 139
– Sélectionner les points qui vont contribuer le plus à l’asymptotique (ici les points où la
phase est stationnaire) ;
– Développer l’intégrale autour de ces points contribuants, en une intégrale qu’on sait cal-
culer.
Nous allons voir que cette philosophie s’applique aussi aux points singuliers.
Considérons une intégrale Z 1
I(N ) = dxf (x)eiϕ(x) . (11.8)
0
Supposons que la phase possède un unique point stationnaire ϕ′ (a) = 0. En développant autour
de ce point, on évalue la contribution de ce point à
Z +∞
1 ′′
d(δx)f (a)eiN (ϕ(a)+ 2 ϕ (a)(δx) ) .
2
(11.9)
−∞
L’intégrale obtenue est une gaussienne que l’on sait effectuer. La contribution du point a est
alors s
1 iN ϕ(a) i π4 σ(ϕ′′ (a)) 2π
√ × f (a)e e ′′ (a)|
(11.10)
N |ϕ
√
où σ désigne le signe. C’est une contribution en 1/ N .
Supposons maintenant que la fonction f soit en réalité singulière en 0, avec un comportement
C
f (x) ∼x→0 √ . (11.11)
x
On suppose que 0 n’est pas point stationnaire de l’action. On peut alors développer l’intégrale
autour de ce point en essayant de se ramener à une intégrale qu’on sait calculer
Z +∞
1 ′
d(δx) √ eiN (ϕ(0)+ϕ (0)δx) . (11.12)
0 δx
√
En posant le changement de variable u = N δx, on obtient une intégrale gaussienne, et finale-
ment la contribution du point 0 est
s
1 π ′ 2π
√ CeiN ϕ(0) ei 4 σ(ϕ (0)) , (11.13)
N |ϕ′ (0)|
√
qui est elle aussi une contribution en 1/ N .
Ce petit calcul montre la chose suivante : Lorsque l’intégrand est singulier, la phase sta-
tionnaire ne founit pas la seule contribution aux asymptotiques : une contribution équivalente
– voire dominante – peut provenir de points singuliers de l’intégrand. Cette contribution peut,
comme pour la phase stationnaire, être capturée en développant l’intégrale autour de ces points
singuliers, et en se ramenant à une intégrale qu’on sait calculer.
Je vais maintenant présenter l’analyse asymptotique de l’intrégrale I(N ). Cette analyse se
base sur les mêmes idées que cet exemple 1D, c’est à dire que les contributions asymptotiques
peuvent provenir de points stationnaires mais aussi de points singuliers.
140 Chapitre 11. Asymptotiques et dualités en théorie des représentations
possède une contribution stationnaire. Celle-ci peut être obtenue en récrivant le déterminant
comme une intégrale gaussienne d’une part, et en scindant les sinus en exponentielles d’autre
part. On obtient alors l’écriture suivante
! Z
2N 2 X Y Y
I(N ) = ǫIJ × dX I dθIJ eiϕN (θIJ ,XI ,ǫIJ ) (11.15)
(2π)6 R 4
{ǫIJ =±} I<J Dπ
Je ne détaillerai pas ici l’analyse des différentes contributions stationnaires de ces intégrales
(voir [34]), le résultat intéressant à noter vient du fait que les points stationnaires ont une
interprétation géométrique. Les solutions trouvées sont essentiellement (par exemple pour
l’intégrale où tous les ǫIJ = +1)
Contribution singulière
Dans le cas de l’intégrale dont nous cherchons l’asymptotique, il existe des contributions sin-
gulières de même poids. Ces contributions proviennent des points les plus singuliers, et ceux-ci
possèdent aussi une interprétation géométrique.
Le domaine d’intégration Dπ peut être vu comme un domaine de longueur sphériques de
tétraèdres sphériques. En revanche, le sous-espace de Dπ définit par
det[G(θ)] = 0, (11.20)
11.2. L’asymptotique du symbole 10j 141
est l’espace des angles dihédraux possibles d’un tétraèdre plat. Il s’agit en somme de l’espace
des tétraèdres plats, à dilatation près. Parmis ces tétraèdres, il en existe certains d’un type
totalement dégénéré. Il s’agit des 8 configurations possibles de Dπ où tous les angles θ sont 0 ou
π. Ces 8 configurations sont les plus singulières de l’intégrand, et contribuent au comportement
asymptotique. Pour comprendre ce comportement, examinons par exemple le cas où tous les
θIJ sont nuls (en fait les 8 configurations sont symétriques et la contribution est la même pour
toutes ces configurations).
On développe l’intégrale autour de la configuration θIJ = 0, et on étend l’intégrale à l’infini.
On pose un changement de variable uIJ = N θIJ . Le développement du dénominateur autour
des contributions dégénérées se fait grâce au développement suivant
r
u 1
det[cos G( )] ∼N →+∞ 3 6V ∗ (uIJ ), (11.21)
N N
où V ∗ est le volume du tétraèdre dont la longueur de l’arête [IJ] est donnée par uKL avec
I 6= J 6= K 6= L. On obtient alors la contribution dégénérée
3 Q
2 1 I<J sin(2jIJ uIJ )
Z
Cdeg (N ) = 3
, (11.22)
π N D+∞ 3πV ∗ (uIJ )
où D∞ est le domaine de (R+ )6 satisfaisant l’inégalité triangulaire uIJ ≤ uIK + uJK pour tout
triple (I, J, K).
Le point remarquable est qu’il est possible de calculer exactement cette intégrale. Le calcul
explicite [34] fait apparaitre une remarquable propriété de self-dualité sur le volume du tétraèdre.
On a 3 Z !
2 Y 1 1
sin(2jIJ uIJ )duIJ ∗
= , (11.23)
π D∞ V (uIJ ) V (2jIJ )
I<J
où V (2jIJ ) est le volume du tétraèdre dont la longueur de l’arête [IJ] est donnée par 2jIJ . La
forme explicite de la contribution dégénérée est donc
1
Cdeg (N ) = . (11.24)
3πN 3 V
Finalement, en regroupant les contributions stationnaires et dégénérées, on obtient
" #
1 2 X 1 π
I(N ) ∼ 3 cos2 (N jIJ + )ΘIJ + (11.25)
N 3πV 2 4
I<J
Cela signifie que dans le cas du symbole 10j les contributions dégénérées dominent dans l’asymp-
totique. La limite semi-classique du modèle de Barrett-Crane n’est donc pas donnée par l’expo-
nentielle de l’action de Regge. On en conclut que l’asymptotique du symbole 10j montre que le
modèle de Barrett-Crane n’a pas tel quel la bonne limite semi-classique. Ce résultat a également
été étudié dans [110, 111].
11.2. L’asymptotique du symbole 10j 143
où la somme porte sur toutes les configurations possibles n, En est l’énergie de la configuration n
et T la température. Quand la température tend vers 0, on voit alors que la fonction de partition
est gouvernée par la contribution de l’état fondamental de plus basse énergie
Eg
Z ∼T →0 e− T . (11.30)
Il s’agit ici de la méthode du col, qui est l’analogue statistique de la méthode de la phase station-
naire. Cependant il est possible que l’état fondamental soit très dégénéré et que de nombreuses
configurations possèdent l’énergie minimale. On peut alors se demander lequel de ces états est
sélectionné et pour quelles raisons.
Le mécanisme d’ordre par le désordre répond à cette question : ce sont les fluctuations
autour des états fondamentaux qui déterminent ceux qui auront une contribution dominante.
Comme pour la méthode de la phase stationnaire, on calcule une contribution en développant
la fonction de partition autour du point considéré. Imaginons que l’on développe la fonction de
partition autour d’un état autour duquel les fluctuations en énergie vont quadratiquement, on
aura typiquement la contribution
Eg +αk2
Z
dke− T (11.31)
Cette contribution se calcule en effectuant l’intégrale gaussienne, on obtient alors une contribu-
tion qui se comporte en
Eg
e− T T 1/2 . (11.32)
Supposons maintenant que les fluctuations soient quartiques, on comprend alors que la contri-
bution associée se comportera en
Eg
e− T T 1/4 . (11.33)
et sera donc privilégiée par rapport à la précédente, pour T → 0. On comprend donc que
parmis un grand nombre de contributions à la méthode du col provenant d’états fondamentaux
dégénérés, ce sont les états ayant les fluctuations d’ordre le plus élevé qui dominent les autres à
basse température.
144 Chapitre 11. Asymptotiques et dualités en théorie des représentations
qui relie par transformée de Fourier discrète le carré du 6j quantique à lui-même. Un analogue de
cette formule peut également être prouvé dans le cas d’un paramètre de déformation q réel [39].
Ces formules de dualité pour les 6j quantiques sont à mettre en regard de deux autres formules
analogues que nous avons rencontré au cours de l’étude des asymptotiques du 6j classique. Le
carré du 6j classique s’exprime lui aussi comme une transformée de Fourier (11.3)
2
2 1
Z
j01 j02 j03 Y
= dθIJ sin[(jIJ + 1)θIJ ] p (11.37)
j23 j13 j12 π4 Dπ I<J det[cos θIJ ]
sin πk
P
I<J lIJ θIJ − 2V (l)
Ok (l) = p , (11.41)
det[cos lIJ ]
146 Chapitre 11. Asymptotiques et dualités en théorie des représentations
Il est intéressant de noter que ce dernier résultat se prouve à l’aide d’une jolie formule
géométrique. En géométrie euclidienne, la donnée de 6 longueurs suffit à spécifier un tétraèdre.
On peut à tout tétraèdre associer ses 6 angles dihédraux, mais en retour ces derniers ne
déterminent le tétraèdre qu’à un facteur d’échelle près. La situation est différente en géométrie
sphérique : si l’on considère un tétraèdre sphérique, ce dernier peut aussi bien être décrit en
donnant ses 6 longueurs sphériques (qui sont des angles) θIJ , ou bien ses 6 angles dihédraux
φIJ . On peut donc considérer le changement de variables d’une de ces descriptions vers l’autre.
Le jacobien du changement de variable des longueurs vers les angles est alors
dφ det4×4 [cos θIJ ]
det6×6 = . (11.44)
dθ det4×4 [cos φIJ ]
Nous n’avons pas trouvé trace dans la littérature de cette formule géométrique. Il est amusant
de remarquer que la seule preuve de cette identité que nous avons pu fabriquer fait intervenir
la comparaison par Maple de deux polynomes à 6 variables, de degré 16 et comportant 1986
termes[39] !
12
Somme non-perturbative sur les
topologies
ce sont essentiellement les chemins continus mais non-différentiables qui contribuent. Partant de
cette constatation, dans le contexte d’une intégrale de chemin de gravité quantique, on imagine
147
148 Chapitre 12. Somme non-perturbative sur les topologies
qu’il faille sommer sur plus de métriques que les métriques lorentziennes non-singulières vivant
sur une variété M de topologie donnée. Par exemple, on peut imaginer devoir sommer sur les
métriques singulières, sur les différentes topologies possibles de M, voire pourquoi pas sur les
signatures et les dimensions d’espace-temps !
Dans ce chapitre, nous allons nous intéresser à la question de la somme sur les topologies, et
en particulier à savoir si une telle somme est réalisable dans un formalisme d’intégrale de chemin
définie par un modèle de mousse de spin. Un modèle de mousse de spin est défini à partir d’une
triangulation fixée de l’espace-temps. En 3D ceci n’est pas gênant grâce à l’invariance des ampli-
tudes sous les changements de triangulations. En revanche en 4D, il faut d’une manière ou d’une
autre se débarasser de la triangulation. Ceci permet de restaurer le nombre infini de degrés de
liberté de la gravité en 4D. Une manière de faire ceci pourrait être de raffiner la triangulation.
Une proposition alternative plus ambitieuse serait de sommer sur toutes les triangulations pos-
sibles. Outre que cette méthode présenterait l’avantage d’éviter une dépendance dans le choix du
processus de raffinement, elle permet également de prendre en compte le problème de la somme
sur les topologies.
En effet si l’on cherche à définir une somme sur les triangulations d’un modèle de mousse
de spin, on peut tenter de sommer sur toutes les triangulations de toutes les topologies. Une
telle somme incluerait de fait une somme sur les topologies de la variété. Cette technique s’avère
en pratique difficile à mettre en place, comme le montre l’examen de la situation pour les
triangulations dynamiques.
où N (T, E) désigne le nombre de triangulations (de n’importe quelle topologie) possèdant T
tétraèdres et E arêtes. Pour évaluer les chances de convergence de cette somme, on peut remar-
quer que µ ≥ 1 et la borner inférieurement par
X
Z≥ N (T )λT . (12.6)
T
1
En ne tenant pas compte pour l’instant des facteurs de symétrie.
12.1. Problématique générale 149
Pour espérer que cette somme converge, il faut que N (T ) croisse au plus exponentiellement2
avec T . Malheureusement, on peut montrer[115] que le nombre de triangulations de n’importe
quelle topologie contenant T tétraèdres croit au moins factoriellement avec T . La somme diverge
donc. Le seul moyen de rendre cette somme convergente est de se restreindre à une topologie
fixée, auquel cas le nombre de triangulations croit exponentiellement et on peut donner un sens
à la somme. Cet argument combinatoire semble tuer dans l’oeuf les espoirs de sommer sur les
topologies en sommant sur les triangulations.
La technique de théorie des champs auxiliaire permet donc de fournir un candidat de for-
mulation non-perturbative. Le problème clé de cette approche est ensuite de prouver qu’un tel
candidat est unique. Le but du travail [37] présenté ici a été de construire une théorie des champs
auxiliaire possèdant cette propriété d’unicité. Je présente d’abord le modèle de Boulatov, qui est
une théorie des champs réalisant la somme sur toutes les triangulations. Ensuite je détaille les
critères nécessaires à l’unicité de la reconstruction. Le modèle de Boulatov ne satisfaisant pas
ces critères, je décris le modèle modifié que nous avons proposé. Celui-ci satisfait l’unicité de la
reconstruction.
On impose ensuite que Φ soit invariante par translation à droite. Cela peut s’écrire en utilisant
la moyenne sur le groupe
Z
Φ(g1 , g2 , g3 ) = dgΦ(g1 g, g2 g, g3 g), (12.17)
G
12.2. Le modèle de Boulatov 151
où l’on utilise la mesure de Haar normalisée sur G. On obtient alors que la décomposition
générale d’une fonction possèdant cette invariance s’écrit
(g3 )C~n~
X
A~m
~ j1 j2 j3
p
Φ(g1 , g2 , g3 ) = d j1 d j2 d j3 D m 1 n1
(g1 )Dm 2 n2
(g2 )Dm 3 n3
(12.18)
~,m,~
~ n
~ n ~
Xp
A~m
~
= dj1 dj2 dj3 Φ~m~
C~n. (12.19)
~
n
Cherchons maintenant à calculer la fonction de partition de cette théorie. Elle est formelle-
ment définie par l’intégrale de chemin
Z
Z = DΦ e−S[Φ] . (12.23)
1111
0000
0000
1111
0000
1111
0000
1111
Fig. 12.1 – Propagateur et vertex pour le modèle de Boulatov : le rectangle noir indique la
somme sur les permutations des lignes.
11111111111111
00000000000000
Fig. 12.2 – Construction d’une triangulation à partir d’un graphe de Feynman du modèle de
Boulatov.
12.3. Notion de Borel-sommabilité et de comportement aux grands ordres 153
Cette série est divergente car ses termes croissent comme (−1)n 4n n!. Le développement perturba-
tif nous a donc fait passer d’une fonction de partition correctement définie non-perturbativement
(12.27), à une série perturbative divergente (12.29). Ce phénomène général trouve son origine
dans le fait que l’inversion de l’intégration et de la sommation est illicite, en particulier ici où
l’action est non-bornée inférieurement pour les constantes de couplage négatives.
154 Chapitre 12. Somme non-perturbative sur les topologies
Cela ne signifie pas pour autant que la méthode perturbative soit vouée à l’échec. En effet
on peut toujours tronquer le développement perturbatif. Si on considère une série divergente
N
X −1
Z(λ) = an λn + RN (λ), (12.30)
n=0
alors la troncature de la série à l’ordre N donne une approximation de la valeur réelle Z(λ), dont
la précision est gouvernée par RN (λ). Le comportement du reste RN quand N croit est d’abord
décroissant, puis il croit pour diverger. On peut donc tronquer le développement perturbatif
au niveau N0 qui correspond au minimum de RN . La troncature au niveau N0 est alors la
meilleure approximation perturbative possible de la quantité non-perturbative Z(λ). La précision
maximale du développement perturbatif est
1111111111111111111111111111111111
0000000000000000000000000000000000 1111111111111111111111111111111111
0000000000000000000000000000000000
Fig. 12.3 – L’analyticité de f (z) dans un domaine CR assure l’analyticité de B(z) dans un
voisinage de l’axe réel positif. Ceci permet de faire la transformation de Borel sans choix de
contour introduisant des ambiguités.
ambiguités. Dans ce cas le développement asymptotique de la fonction est dit uniquement Borel
sommable. C’est l’objet du théorème de Sokal-Nevalinna.
Le théorème de Sokal-Nevalinna[120] affirme que si f est une fonction analytique dans le
cercle CR = {z|Re(z −1 ) > R−1 } et possède un développement asymptotique
N
X −1
f (z) = ak z k + RN (z), (12.35)
k=0
– réalise la somme sur toutes les triangulations de toutes les topologies de l’amplitude de
Ponzano-Regge ;
– soit bien défini, en particulier pour les valeurs physiquement intéressantes de la constante
de couplage ;
– soit uniquement Borel-sommable, c’est à dire défini de manière non-ambigue par son
développement perturbatif.
Pour cela, on considère la modification suivante de l’action du modèle de Boulatov
1
Z
S[Φ] = Φ(g1 , g2 , g3 )2
2 G3
λ
Z
+ [Φ(g1 , g2 , g3 )Φ(g3 , g5 , g4 )Φ(g4 , g5 , g6 )Φ(g6 , g2 , g1 )
4! G6
− Φ(g1 , g2 , g3 )Φ(g3 , g5 , g4 )Φ(g4 , g2 , g6 )Φ(g6 , g5 , g1 )]. (12.38)
où
λ
Z
Stetra [Φ] = Φ(g1 , g2 , g3 )Φ(g3 , g5 , g4 )Φ(g4 , g2 , g6 )Φ(g6 , g5 , g1 ) (12.40)
4! G6
est le potentiel ”tétraèdre” du modèle de Boulatov, et
λ
Z
Soreiller [Φ] = Φ(g1 , g2 , g3 )Φ(g3 , g5 , g4 )Φ(g4 , g5 , g6 )Φ(g6 , g2 , g1 ) (12.41)
4! G6
est un nouveau terme potentiel obtenu comme une modification simple du terme ”tétraèdre”.
Le terme potentiel total (12.39) possède l’intéressante propriété de positivité suivante
Théorème 4 La fonction de partition Z(λ) définie pour le modèle donné par l’action S[Φ]
(12.38) possède un développement asymptotique uniquement Borel-sommable.
Ce théorème est prouvé en utilisant les critères de Sokal-Nevalinna. Les preuves sont détaillées
dans [37].
Résultat
Le résultat final est le suivant : on classe l’ensemble des triangulations en deux catégories. On
définit l’ensemble Tirreg des triangulations dites irrégulières, qui sont celle contenant une ou
plusieurs paires de tétraèdres collés ensemble le long de deux faces communes. On note k le
nombre de paires de tétraèdres de ce genre dans une triangulation irrégulière donnée. Ce type
de triangulations est souvent exclu des définitions mathématiques des triangulations3 , mais est
engendré par le modèle de Boulatov. Les triangulation dites régulières sont celles ne contenant
pas ce type de configurations. Le résultat est alors le suivant : le développement perturbatif du
nouveau modèle est égal à
X λN X λN −k (λ − 1/2)k
Z(λ) = ZP R [∆] + ZP R [∆], (12.43)
sym[∆] sym[∆]
∆∈Treg ∆∈Tirreg
qui somme les amplitudes de Ponzano-Regge sur les triangulations régulières uniquement.
Arguments de preuve
Pour comprendre l’origine de ce résultat, on s’intéresse d’abord à la structure des graphes de
Feynman de ce nouveau modèle. Dans le cas du modèle de Boulatov, on obtenait des trian-
gulations car le terme potentiel est dual à un tétraèdre. On a maintenant ajouté un terme de
potentiel ’oreiller’. Le vertex qui lui associé est dual à un autre objet géométrique : l’oreiller
(voir figure 12.4). L’ajout du terme ’oreiller’ a pour effet de donner naissance à des graphes de
˜ faites à la fois de tétraèdres et d’oreillers .
Feynman qui sont des triangulations ’généralisées’ ∆,
On note à l’amplitude associée à une telle triangulation généralisée. Comment dès lors réecrire
la somme
˜
X
Z= Ã(∆) (12.45)
˜
∆
3
On requiert souvent que l’intersection de deux n-simplexes soit 1) l’ensemble vide OU 2) un (n-1)-simplex ;
mais pas plusieurs (n-1)-simplexes.
158 Chapitre 12. Somme non-perturbative sur les topologies
Fig. 12.4 – Le vertex associé au nouveau potentiel est dual à un objet géométrique appelé
oreiller : l’oreiller est la seconde manière (outre le tétraèdre) de coller ensemble 4 triangles.
j2 j1
j1 j2 j1 j2
j6 k
k j6
j3 = j3
+
j5 j5
j5 j4
j4 j4
Fig. 12.5 – Géométriquement, un oreiller s’obtient à l’aide de deux tétraèdres que l’on colle
ensemble le long de deux faces communes.
12.4. Un nouveau modèle et son interprétation 159
Le petit miracle qui intervient ensuite est que le calcul explicite de l’amplitude B(∆) montre
qu’elle s’écrit comme une correction à l’amplitude A(∆), correction qui n’intervient que sur les
constantes de couplage. Cette réorganisation fournit finalement le résultat annoncé
X λN X λN −k (λ − 1/2)k
Z(λ) = ZP R [∆] + ZP R [∆]. (12.48)
sym[∆] sym[∆]
∆∈Treg ∆∈Tirreg
On peut là aussi écrire une théorie des champs modifiée, qui soit uniquement Borel-sommable
et qui réalise un développement perturbatif sommant les amplitudes de modèles de matrices 3D
sur toutes les triangulations de toutes les topologies.
Un autre point de vue sur ce résultat consiste à dire que la modification que nous avons
effectuée est drastique et a pour conséquence que notre modèle ne décrit plus des amplitudes de
gravité quantique. Un argument en faveur de cette idée est fourni par l’examen du cas des modèles
de matrices en 2D. Le potentiel de ces modèles est cubique et les développement perturbatifs
associés sont non-Borel sommables. En modifiant ces modèles par l’ajout d’un terme quartique,
on stabilise le potentiel (à la manière de ce que nous avons fait ici) et on peut obtenir des
modèles Borel-sommables. En revanche, la physique en est drastiquement changée. On peut en
effet montrer que ces modèles décrivent alors la gravité quantique 2D couplée à de la matière
non-unitaire. Cependant, notre point de vue est que cet argument ne s’applique pas ici. En
effet d’une part les amplitudes modifiées ne concernent qu’un type particulier de triangulations,
d’autre part notre modification concerne l’ajout d’un terme potentiel de même degré. Or ce type
d’ajout est naturel de part l’expérience que nous avons en théorie des champs, où les arguments
du groupe de renormalisation nous indiquent que pour les termes potentiels d’une action tout
ce qui n’est pas interdit par les symétries est obligatoire. En tout état de cause, seul un examen
approfondi des propriétés de ce nouveau modèle permettra de trancher cette question. Une piste
particulièrement intéressante concerne l’examen des propriétés semi-classiques déductibles de
l’analyse des instantons de ces modèles.
Conclusion : vers un modèle de
mousses de spin en 3+1 dimensions
Le travail de cette thèse a été essentiellement autour des modèles en 2+1 dimensions. L’idée
directrice de mon travail a été de comprendre au maximum ces modèles afin d’en tirer les leçons
pertinentes pour le cas physique de 3+1 dimensions. Nous ne savons pas aujourd’hui quel est
le bon modèle de mousses de spin en 3+1 dimensions. En 2+1 dimensions nous disposions
d’une situation privilégiée, où l’approche des mousses de spin peut être comparée avec la variété
d’approches existantes. De plus les résultats en 2+1 dimensions ont souvent été mis sous une
forme mathématiquement rigoureuse grâce à l’interaction avec la branche des mathématiques
qui s’intéresse aux invariants de variétés. Enfin la formulation du modèle de Barrett-Crane
s’appuyant sur l’idée que la gravité peut se formuler comme une théorie topologique contrainte,
la compréhension des mécanismes en 2+1 n’en devient que plus pertinente.
Au cours de cette thèse, nous avons fait plusieurs progrès vers une compréhension plus
profonde du modèle de Ponzano-Regge, et appris plusieurs leçons qu’il faut maintenant réinvestir
dans le cas 3+1. Un exemple de ceci est donné par notre méthode d’analyse asymptotique des
symboles de théorie des groupes intervenant dans la construction des modèles de mousses de
spin. Cela nous a permis [34] de donner une nouvelle preuve du résultat conjecturé Ponzano et
Regge, mais aussi de l’étendre au cas lorentzien et au cas à 3+1 dimensions. Le comportement
asymptotique du symbole 10j du modèle de Barrett-Crane ouvre la voie à son amélioration. Il
s’agit notamment de comprendre si ce comportement asymptotique est en fait naturel, ou va
disparaitre dans une limite à grand nombre de 4-simplexes, ou encore si une prise en compte
correcte de la mesure peut le supprimer.
Un autre progrès important concerne la compréhension plus complète des symétries de jauge
des modèles de mousses de spin en 2+1 [35]. Un des obstacles à la quantification de la gra-
vité concerne la structure particulièrement compliquée de l’algèbre des difféomorphismes. Une
compréhension totale des symétries des modèles de mousses de spin est donc souhaitable. Nous
avons notamment relié la présence de symétries de jauge à l’apparition d’infinis, et montré com-
ment fixer de jauge les amplitudes et retrouver des expressions finies. Ces expressions montrent
que le modèle de Ponzano-Regge fournit véritablement le produit scalaire physique des réseaux
de spin de la gravité quantique canonique en 2+1 dimensions. Ce travail doit être étendu au cas
3+1 : il s’agit là aussi de comprendre la structure des symétries du modèle de Barrett-Crane
mais aussi comprendre comment relier ces résultats à la gravité quantique à boucle en 3+1 di-
mensions. La fixation des symétries de jauge en 3+1 pourrait permettre d’obtenir des amplitude
finies sans recourir ni aux groupes quantiques ni à une modification de la mesure qui améliore
les convergences. D’une manière générale, la compréhension des symétries, de la mesure, des
propriétés de convergence, de l’implémentation des contraintes et du lien avec la structure ca-
161
162 Conclusion : vers un modèle de mousses de spin en 3+1 dimensions
nonique de la gravité à boucles sont des problématiques toutes reliées entre elles et qu’il serait
interessant de regarder à la lumière de l’analyse canonique de la théorie de Plebanski[122].
Les deux travaux que je viens de mentionner ont pour perspective la définition correcte
d’un modèle de mousses de spin pour la gravité 3+1. Au delà de cet objectif, on peut dores
et déja chercher à exploiter les spécificités des modèles de mousses de spin, dans l’optique de
réaliser des prédictions physiques. C’est dans cet esprit que nous avons considéré le couplage
du modèle de Ponzano-Regge à la matière. Ce travail [36] fournit à la fois un formalisme pour
coupler de la matière à la gravité quantique, mais aussi des exemples de prédictions physiques
qui découlent de cette union. Il n’est bien sûr pas garanti ni que ce formalisme fonctionne pour
le modèle de Barrett-Crane, ni que ces prédictions physiques existent en 3+1. Ceci permet en
revanche de mettre en avant plusieurs leçons intéressantes : le couplage à la matière rend possible
l’examen de la question cruciale des observables physiques. Il y a certainement à apprendre dans
cette direction tant sur le plan conceptuel que sur les aspects techniques. La mise en évidence
explicite d’effets de doubly special relativity est à cet égard très intéressante, puisqu’elle découle
de principes fondamentaux sur le couplage matière-gravité quantique, et pas d’un modèle effectif.
Enfin l’inclusion de matière permet de poser en propre la question de la limite G → 0 de la gravité
quantique, supposée redonner la théorie quantique usuelle.
Dans le même esprit d’exploitation des spécificités des modèles de mousses de spin, nous
avons étudié les propriétés de sommes sur les topologies du modèle de Ponzano-Regge. Nous
avons montré que la somme sur les topologies des amplitudes de Ponzano-Regge peut être
réalisée de manière non-perturbative [37]. Il s’agit là d’une question spécifiques aux formalismes
d’intégrale de chemin puisque ceux-ci permettent – au contraire des formalismes purement ca-
noniques – de prendre en compte les changements de topologies. Il peut sembler prématuré de
s’intéresser à la question de la somme sur les topologies, alors qu’on doit encore améliorer le
modèle en 3+1. Néanmoins la nécessité de se débarrasser de la structure de triangulation en 3+1
dimensions exigera un jour ou l’autre de comprendre comment sommer sur les triangulations, ou
de développer des techniques alternatives. La possibilité de sommer non-perturbativement sur les
triangulations de toutes les topologies devra donc certainement être étudiée en 3+1 dimensions.
Enfin au delà des préoccupations physiques, j’ai aussi eu l’occasion de m’aventurer dans le
domaine mathématique des invariants de variété 3D. L’obtention d’ expressions finies pour le
modèle de Ponzano-Regge a ouvert la voie à la définition de nouveaux invariants [38]. Même
si ces résultats semblent ne pas s’inscrire directement dans la recherche d’une théorie de la
gravité quantique en 3+1 dimensions, on ne peut pas nier que l’ensemble des résultats obtenus
au croisement de la théorie de la gravité quantique en 2+1 dimensions et de la théorie des
invariants de variété 3D a souvent été une source d’inspiration, y compris en 3+1 dimensions.
Le modèle de Barrett-Crane est d’ailleurs né à cette intersection et on ne peut qu’espérer qu’à
l’avenir les mathématiques des invariants et la physique de la gravité quantique continuent à
pratiquer cette fertilisation croisée.
Enfin, dans un avenir proche il conviendra d’étudier et de chercher à généraliser plusieurs de
ces travaux au cas lorentzien. Même si plusieurs de nos analyses ont été faites en ayant à l’esprit le
cas lorentzien (en particulier la procédure de fixation de jauge), ce cas présente des particularités
spécifiques qu’il faudra analyser. Ceci constitue probablement la première perspective dans la
suite logique de ces travaux.
A
Notions de théories des groupes
Cet appendice présente les notions de théorie des groupes nécessaires à la formulation du
modèle de Ponzano-Regge. Cet appendice concerne donc le groupe SU(2) (et SO(3)). On présente
aussi les conventions qui sont pour la plupart identiques à celles de [123].
A.1 Généralités
A.1.1 Les angles d’Euler
Une paramétrisation utile du groupe SU(2) est celle des angles d’Euler. Les éléments de SU(2)
sont les matrices 2x2 de la forme suivante
ϕ+ψ ϕ−ψ
!
cos 2θ ei 2 i sin 2θ ei 2
u(ϕ, θ, ψ) = ψ−ϕ ϕ+ψ . (A.1)
i sin 2θ ei 2 cos 2θ e−i 2
Son groupe de Weyl est W = {I, −I}. Les classes de conjugaison sont alors données par les angles
[0; 2π].
163
164 Annexe A. Notions de théories des groupes
et
1
tr(Ji Jj ) = − δij . (A.11)
2
On définit l’opérateur de Casimir
A.2 Intégration
A.2.1 Mesure invariante
Le groupe SU(2) possède une mesure invariante à droite et à gauche. En termes des angles
d’Euler, la mesure invariante normalisée est donnée par
avec dans le cas de SU(2), H/W ∼ [0; 2π] pour la réalisation (A.6) de H/W , ∆(hψ ) = sin ψ.
sin(2j + 1) Ω2 Ω
χj (g) = Ω
= U2j ( ), (A.20)
sin 2
2
Les caractères s’écrivent en termes d’intégrale sur les orbites co-adjointes de l’algèbre de Lie à
l’aide de la formule de Kirillov
itr(XZ)
R
j Z O dj X e
χ (e ) = R j itr(XZ)
, (A.23)
O0 d0 X e
j j j
Dmn (g −1 ) = Dmn
j
(ḡ) = Dmn (g) = (−1)m−n D−m−n (g). (A.25)
V j1 ⊗ V j2 = Vj (A.27)
j=|j1 −j2 |
qui sont nuls sauf si m1 + m2 = m3. On définit alors les symboles 3j de Wigner
Ils sont symétriques par permutation circulaire des colonnes. Par transposition de deux colonnes
on a
j2 j1 j3 j1 +j2 +j3 j1 j2 j3
= (−1) . (A.31)
m2 m1 m3 m1 m2 m3
On a par reflexion
j1 j2 j3 j1 +m1 j1 j2 j3
= (−1) (A.32)
−m1 m2 m3 m1 m2 m3
En conséquence on a la normalisation
X j1 j2 j3 j1 j2 j3
= (−1)j1 +j2 +j3 . (A.33)
m1 m2 m3 −m1 −m2 −m3
m1 ,m2 ,m3
Le symbole 3j n’est donc pas l’entrelaceur trivalent normalisé, puisqu’il n’est normalisé qu’à un
signe près.
Symbole 6j de Wigner
On définit le symbole 6j de Wigner par
j1 j2 j3 X
j4 +j5 +j6 +m4 +m5 +m6 j1 j2 j3 j3 j5 j4
= (−1)
j4 j5 j6 m1 m2 m3 m3 −m5 m4
m1 ,···,m6
j4 j2 j6 j6 j5 j1
(A.35)
−m4 m2 m6 −m6 m5 m1
On peut définir une version ’normalisée’ du symbole 6j en ajustant le signe du au fait que les
symboles 3j ne sont normalisé qu’à un signe près. On définit alors
j1 j2 j3 j1 +j2 +j3 +j4 +j5 +j6 j1 j2 j3
= (−1) (A.36)
j4 j5 j6 j4 j5 j6
168 Annexe A. Notions de théories des groupes
On a de même X
δ SU(2) = (2j + 1)χj (g). (A.38)
j
Cette annexe présente les notions nécessaire à l’étude de l’invariant de chain-mail pour le
groupe D(SU(2)). Les détails concernant ce groupe, sa théorie des représentation et son usage
en gravité 3D peuvent être trouvés dans les articles de Bais et al. [103, 104, 105].
B.1 Le double de Drinfeld d’un groupe
Le double de Drinfled d’un groupe fini G est une algèbre quasi-triangulaire définie par :
– Structure d’espace vectoriel : D(G) = C(G)⊗C[G] Un élément général peut être représenté
comme une combinaison linéaire (f ⊗ g) où f est une fonction sur G et g ∈ G.
– Produit : (f1 ⊗ g1 ) · (f2 ⊗ g2 ) = f1 (·)f2 (g1−1 · g1 ) ⊗ g1 g2
En particulier on a (1 ⊗ g) · (δk ⊗ e) = δk (g −1 · g) ⊗ g et (δk ⊗ e) · (1 ⊗ g) = δk ⊗ g.
– Coproduit : ∆(f ⊗ g)(x1 , x2 ) = f (x1 x2 )g ⊗ g
– Antipode : S(f ⊗P g)(x) = f (gx−1 g −1 ) ⊗ g −1
– R-matrice : R = g (δg ⊗ e) ⊗ (1 ⊗ g), en particulier R−1 = g (δg ⊗ e) ⊗ (1 ⊗ g −1 )
P
En principe, pour des raisons de convergence ces définitions ne valent que dans le cas d’un
groupe fini G. Pour un groupe comme SU(2), ces définitions peuvent être traduites en utilisant
l’isomorphisme D(G) = C(G) ⊗ C[G] ∼ C(G × G)
Néanmoins pour maintenir les notations claires, on peut effecture les calculs avec D(G) = C(G)⊗
C[G], en gardant à l’esprit que ceux-ci peuvent être traduits dans une forme rigoureuse à l’aide
de l’isomorphisme.
169
170 Annexe B. Le groupe quantique D(SU(2))
(θ,j)
Une base de V est donnée par les fonctions de Wigner qui sont les éléments de matrices des
représentations de SU(2)
k
{Dmj (x)∀k ≥ j, −k ≤ m ≤ k}. (B.6)
(0,j)
On peut voir V est en fait isomorphe à V j puisqu’une telle fonction f est entièrement
déterminée par sa valeur φ(e) = v ∈ V j .
Les représentations des éléments de D(SU(2)) agissant sur ces espaces sont
(θ,j)
−1 −1
Π (f ⊗ g)[φ] = x → f (xhθ x )φ(g x) (B.7)
(0,j)
j −1
Π (f ⊗ g)[v] = f (e)D (g ) · v (B.8)
Bibliographie
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