La Durabilit Des B Tons Bases Scientifiques Pour La Formulation de B Tons Durables Dans Leur Environnement
La Durabilit Des B Tons Bases Scientifiques Pour La Formulation de B Tons Durables Dans Leur Environnement
La Durabilit Des B Tons Bases Scientifiques Pour La Formulation de B Tons Durables Dans Leur Environnement
LA
DURABILITÉ
DES
BÉTONS
Sommaire Quitter
Avant-propos
Les ouvrages en béton sont conçus et construits pour durer. Pour combien de
temps? Il est difficile de répondre à cette question, même si l’Eurocode 0 précise
des « durées d’utilisation de projet », appelées couramment dans ce livre « durées
de vie », pour différentes catégories d’ouvrages.
Désormais, les ouvrages sont donc dimensionnés pour une durée de vie explicite-
ment prescrite tout en prenant en compte l’environnement dans lequel ils se trou-
vent. Certains pour des durées de vie exceptionnelles comme c’est le cas du tunnel
sous la Manche (120 ans), du pont sur le Tage (120 ans), du viaduc de Millau
(120 ans). Pour respecter de telles prescriptions, le calculateur doit disposer de rè-
gles de dimensionnement basées sur la connaissance des modes de dégradations
du béton (et du béton armé ou précontraint) et sur des modèles prédictifs des dé-
gradations. L’ingénieur matériau doit, lui, apporter des solutions permettant aux
ouvrages de mieux résister aux agressions de l’environnement. La garantie d’une
durée de vie satisfaisante doit être trouvée en associant des matériaux adaptés à
l’environnement, des méthodes de mises en œuvre et de cure soignées, des outils
de calculs prenant en compte les dégradations possibles des ouvrages tout en
maintenant une bonne sécurité.
Si, au-delà de la durée de vie indiquée dans l’Eurocode, l’ouvrage est encore utile
dans des conditions de sécurité acceptables pour les usagers, il continuera à servir,
moyennant toujours un entretien et une maintenance régulière.
En 1992, paraissait aux Presses des Ponts et Chaussées La durabilité des bétons.
Quinze ans plus tard, la rédaction d’un nouveau livre est apparue nécessaire au vu
des connaissances nouvelles ainsi que des fortes évolutions normatives. Ce nou-
veau livre fait toutefois quelques emprunts à la première version, et nous tenons
à remercier ses auteurs qui ont préparé la fondation solide sur laquelle nous nous
sommes appuyés.
Dans le nouveau contexte normatif, le calcul d’un ouvrage en béton doit être pré-
cédé d’une analyse sur les actions dues à l’environnement. Ces actions, réparties
en classes d’exposition, déterminent des valeurs limites applicables à la composi-
tion du béton mais aussi une classe de résistance minimale du béton (norme NF
EN 206-1) et une épaisseur minimale de l’enrobage des armatures (NF EN 1992,
Eurocode 2). À côté de cette approche prescriptive de la durabilité, une approche
5
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
6
Avant-propos
Jean-Pierre OLLIVIER
Angélique VICHOT
A. CAPMAS
11
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
12
Béton et développement durable
que dimension, un commentaire est fait pour le béton, plutôt en tendance qu’en
affirmation, car les données doivent être recalculées pour chaque utilisation.
Consommation d’énergie renouvelable. L’industrie cimentière française
utilise 10 % de l’énergie thermique sous forme de biomasse pour produire du
ciment, et met en place des éoliennes là où cela présente un intérêt. Il faut tout de
même préciser que l’énergie électrique consommée par l’industrie constitue la
demande « de base », régulière et sans « pointe ». La demande électrique régu-
lière ne correspond pas à l’offre aléatoire d’une éolienne. En général, l’investis-
sement d’une éolienne doit être complété par l’investissement d’une centrale
thermique de puissance correspondante.
Consommation d’énergie non renouvelable. L’industrie cimentière repré-
sente une part importante de l’énergie non renouvelable consommée dans le
béton, c’est pourquoi elle s’efforce d’économiser l’énergie fossile en lui substi-
tuant des déchets combustibles : environ le quart de l’énergie provient de cette
filière, économisant ainsi l’importation d’environ 500000 tep/an. Par comparai-
son avec la brique ou l’acier, le béton est assez économe, car seule la partie liante
est cuite.
Consommation de ressources non énergétiques. Le béton est un consom-
mateur de granulats. Cette ressource est abondante, et rien n’en prévoit la dispa-
rition. Il est cependant évident que les granulats pourraient être recyclés si la
construction le prévoyait, à l’image des automobiles actuelles « recyclables par
conception ». Un autre moyen de limiter la consommation de ressources est
l’usage de bétons à hautes performances, qui assurent la même fonctionnalité en
utilisant moins de matériaux. La France est pionnière dans le domaine des bétons
à hautes performances, et la technologie française s’exporte bien. Il faut ajouter
que les bétons à hautes performances ont en général une durabilité supérieure
aux bétons courants.
Consommation d’eau. Le béton utilise de l’eau pour la partie liante, intégrée
dans la structure des hydrates. Par contre, le béton permet de canaliser et contenir
l’eau pour en assurer un meilleur usage. Par cet exemple on voit la complexité de
l’analyse de cycle de vie d’une fonctionnalité comme un réseau d’eau potable ou
usée. Seule la prise en compte complète des éléments de construction, d’usage
permet de caractériser l’impact environnemental.
Un point clé : plus la durabilité de l’ouvrage est importante plus l’impact envi-
ronnemental global diminue.
Déchets valorisés. Seule la construction routière permet aujourd’hui un recy-
clage satisfaisant des déchets produits par le chantier, y compris le recyclage des
enrobés bitumineux. Pour le ciment, quelques sous-produits d’autres industries
13
Béton et développement durable
sont valorisés : le laitier, les cendres volantes, mais aussi une partie des boues
d’aluminerie, des sables de fonderies. Ces produits peuvent faire l’objet d’un
contrôle de qualité satisfaisant pour l’usage en construction.
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Béton et développement durable
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Béton et développement durable
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Béton et développement durable
Confort olfactif. Sans objet : le béton n’a pas d’odeur une fois durci.
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Béton et développement durable
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Béton et développement durable
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Béton et développement durable
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Béton et développement durable
4. CONCLUSION
En conclusion, on constate à l’usage que les concepts du développement durable
se construisent dans une complexité évidente, contraire aux tentatives permanen-
tes de simplification des problèmes. Les analyses de cycles de vie ne sont pas en-
core « mûres », car les données d’entrée restent entachées d’une incertitude forte.
La liste des dimensions à prendre en compte dans ces analyses pour réduire l’em-
preinte écologique des activités humaines est aujourd’hui certainement loin d’être
exhaustive. Pour autant, l’appréciation qualitative du béton dans les dimensions
aujourd’hui référencées montre que ce matériau n’a pas à être cloué au pilori de
l’écologiquement correct. Et, dans tous les cas, sa durabilité est le facteur fonda-
mental pour réduire son impact.
A. NONAT
Résumé
L’objectif de ce chapitre est de rappeler les bases scientifiques et techniques né-
cessaires à la compréhension des phénomènes qui interviennent dès lors que
l’on mélange une poudre de ciment avec de l’eau pour conduire à ce qui consti-
tuera la phase liante du béton. Bien que cette transformation d’une suspension
de particules en un solide dur et résistant soit assez extraordinaire, elle obéit à
des règles simples qu’il convient de bien garder en tête parce qu’elles vont éga-
lement fixer la durabilité du béton.
Après une présentation sommaire du ciment Portland et de ses composés, on dé-
crira le moteur de l’hydratation qui est l’évolution chimique du ciment dans l’eau
et les caractéristiques des produits formés au cours de ces réactions. On montre-
ra comment la microstructure de la pâte de ciment durcie se construit par l’hydra-
tation et pourquoi le solide formé est poreux.
Mots-clés
CIMENT PORTLAND, CINÉTIQUE, CLINKER, DISSOLUTION/PRÉCIPITATION, HYDRATATION,
HYDRATES, MICROSTRUCTURE, THERMODYNAMIQUE.
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
Le ciment est un matériau que tout le monde croit connaître tant il est courant. On
l’emploie en effet pour fabriquer le béton qui est le matériau de construction le
plus utilisé au monde. La raison en est son faible coût, sa facilité de mise en œuvre
et sa disponibilité pratiquement universelle. Il suffit, en effet, de mélanger un peu
de poudre avec de l’eau, du sable et des graviers pour obtenir, à température am-
biante et en quelques heures, un matériau dur. Bien que près de deux milliards de
tonnes de béton soient produites de cette manière par an, tous les processus phy-
sico-chimiques à la base de cette transformation ne sont pas complètement bien
compris et font encore l’objet de recherches. Dans ce chapitre, on s’intéressera es-
sentiellement à l’aspect chimique des transformations, c’est ce qu’on appelle
d’une manière générale l’hydratation. Ce simple nom cache cependant un ensem-
ble de processus physico-chimiques qui obéissent aux lois générales de la thermo-
dynamique et de la cinétique. La complexité de l’hydratation du ciment ne vient
pas de la complexité des processus élémentaires eux-mêmes, ceux-ci sont en gé-
néral bien décrits pour d’autres matériaux, mais de la complexité de la pâte de ci-
ment :
– le ciment est lui-même un matériau polyphasé, chacune des phases constituti-
ves réagissant d’une manière différente ;
– les réactions font intervenir une solution dont le volume est faible et confiné ;
– les phases hydratées formées sont souvent difficiles à caractériser du fait de
leur caractère amorphe ou nanocristallin ;
– l’hydratation de chaque phase modifie la solution dans laquelle réagissent les
autres.
Pour simplifier l’approche, on adopte souvent la démarche d’étudier d’abord sé-
parément chacune des phases qui constituent le ciment. C’est celle que l’on suivra
dans ce chapitre.
26
L’hydratation des ciments
27
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
La notation cimentière
En chimie des ciments, on a l’habitude d’utiliser une nomenclature particulière pour
écrire les transformations chimiques ; celle-ci utilise l’initiale des oxydes en place des
symboles chimiques classiques :
C = CaO S = SiO2 A = Al2O3 F = Fe2O3 M = MgO
S = SO3 C = CO2 H = H2O…
Ainsi les principaux constituants du ciment Portland s’écrivent :
– silicate tricalcique, Ca3SiO5 ou 3CaO, SiO2 : C3S ;
– silicate dicalcique, Ca2SiO4 ou 2CaO, SiO2 : C2S ;
– aluminate tricalcique, Ca3Al2O6 ou 3CaO, Al2O3 : C3A ;
– aluminoferrite tetracalcique, Ca4Al2 O10Fe2 ou 4CaO,Al2O3, Fe2O3 : C4AF ;
– sulfate de calcium, CaSO4 ou CaO, SO3 : C S .
28
Tableau 2.2 : différents types de ciments suivant la norme EN 197-1.
Composition (pourcentage en masse) a
Constituants principaux
Principaux Notation des 27 produits (types Pouzzolanes Cendres volantes Constituants
types de ciment courant) Laitier de Fumée de Schiste secondaires
Clinker naturelle Calcaire
haut-fourneau silice naturelle siliceuse calcique calciné
calcinée
K S Db P Q V W T L LL
CEM I Ciment Portland CEM I 95-100 – – – – – – – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/A-S 80-94 6-20 – – – – – – – – 0-5
au laitier CEM II/B-S 65-79 21-35 – – – – – – – – 0-5
Ciment Portland
à la fumée CEM II/A-D 90-94 – 6-10 – – – – – – – 0-5
de silice
CEM II/A-P 80-94 – – 6-20 – – – – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/B-P 65-79 – – 21-35 – – – – – – 0-5
à la pouzzolane CEM II/A-Q 80-94 – – – 6-20 – – – – – 0-5
CEM II/B-Q 65-79 – – – 21-35 – – – – – 0-5
CEM II/A-V 80-94 – – – – 6-20 – – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/B-V 65-79 – – – – 21-35 – – – – 0-5
CEM II aux cendres
volantes CEM II/A-W 80-94 – – – – – 6-20 – – – 0-5
CEM II/B-W 65-79 – – – – – 21-35 – – – 0-5
Ciment Portland CEM II/A-T 80-94 – – – – – – 6-20 – – 0-5
au schiste
calciné CEM B/T 65-79 – – – – – – 21-35 – – 0-5
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a) Les valeurs indiquées se réfèrent à la somme des constituants principaux et secondaires.
b) La proportion de fumées de silice est limitée à 10 %.
c) Dans le cas des ciments Portland composés CEM II/A-M et CEM II/B-M, des ciments pouzzolaniques CEM IV/A et CEM IV/B et des ciments composés CEM V/A et CEM V/B, les constituants
principaux, autres que le clinker, doivent être déclarés dans la désignation du ciment.
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
3. L’HYDRATATION DU CIMENT
« Hydratation » est un mot utilisé pour décrire de la manière la plus générale, l’en-
semble des réactions qui interviennent dès que l’on mélange le ciment avec de
l’eau. Comme toutes les réactions chimiques, celles- ci obéissent à des lois ther-
modynamiques (voir encadré ci-après) et cinétiques.
3.1. La thermodynamique de l’hydratation
Dès que l’on met un minéral au contact de l’eau, il tend à se dissoudre jusqu’à at-
teindre sa solubilité dans le milieu considéré ; c’est la première étape de l’hydra-
tation. La thermodynamique de la dissolution est définie par le produit de
solubilité : tant que le produit d’activité des ions en solution est inférieur au pro-
duit de solubilité, la solution est sous-saturée par rapport à AB, le minéral AB se
dissout. Au contraire, si le produit d’activité des ions est supérieur au produit de
solubilité, la solution est sursaturée et c’est la réaction inverse, la précipitation,
qui est thermodynamiquement possible. Ce comportement est illustré sur les figu-
res 2.2a et 2.2b.
30
L’hydratation des ciments
Dans le cas de l’hydratation du ciment, les phases anhydres qui le constituent con-
duisent en se dissolvant à une solution sursaturée par rapport à des phases hydra-
tées moins solubles qui vont précipiter (figure 2.2c).
éq
0,02 0,02
État final 1
(B)
uil
(B)
(B)
ibr
0,015
e
0,01 équil 0,01
ibre 0,01 équilib
re
E < 1 : dissolution équilibre 2
État final
0
0 0,01 0,02 0,03 0 0,01 0,02 0,03 0 0,005 0,02 0,025 0,03
État initial État final
État initial (A) (A) (A)
31
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
32
L’hydratation des ciments
Le même enchaînement de réactions entre en jeu dans le cas du C2S pour aboutir
à l’équation bilan :
C2S + H → C-S-H + 0,3 CH
3.2.2. L’hydratation des aluminates de calcium
Le même type de processus que dans le cas des silicates de calcium intervient
lorsque l’aluminate tricalcique est mis au contact de l’eau. Son hydrolyse et sa
dissolution conduisent à :
Ca3Al2O6 + 6 H2O → 3 Ca2+ + 2 Al3+ + 12 OH–
En milieu basique, du fait du caractère amphotère de l’aluminium, celui-ci se
trouve majoritairement sous forme d’anions Al(OH)4–. Contrairement au cas des
silicates de calcium, il existe plusieurs phases aluminates de calcium hydratés
moins solubles que l’anhydre : outre l’hydroxyde d’aluminium, Al(OH)3, il exis-
te, d’une part, Ca2Al2(OH)10,3H2O (C2AH8) et Ca4Al2(OH)14,6H2O (C4AH13)
qui sont en fait les limites d’une solution solide dans laquelle le rapport C/A varie
entre 2 et 4 selon la concentration en hydroxyde de calcium en solution, et, d’autre
part, un hydroxyde mixte Ca3Al2(OH)12 (C3AH6). C’est ce dernier qui est ther-
modynamiquement le plus stable (le moins soluble), c’est donc l’état final vers le-
quel le système C3A-eau doit tendre en l’absence de tout autre constituant.
Pourtant, les premiers se forment d’abord parce que, pour un même degré de sur-
saturation, le temps nécessaire pour former les premiers germes est plus court. Ils
se dissolvent ensuite pour précipiter C3AH6.
On rajoute au clinker du sulfate de calcium sous forme de gypse (CaSO4, 2H2O),
de plâtre ou hémihydrate (CaSO4, 0,5H2O) ou d’anhydrite (CaSO4). Dans ces
conditions, dans une solution contenant les ions Ca2+, Al3+, OH– et SO42–, la pha-
se la moins soluble est le trisulfoaluminate de calcium hydraté
Ca6Al2(SO4)3(OH)12, 26H2O ou ettringite (C6A S 3H32 en notation cimentière).
C’est cette phase qui se forme tant que la concentration en sulfate en solution est
suffisante. Lorsque tous les sulfates sont épuisés, ce sont les hydroaluminates de
calcium comme C4AH13 et ses homologues mono-substitués (monosulfoalumi-
nate de calcium, monocarboaluminate de calcium…) qui précipitent.
En ce qui concerne l’hydratation du C4AF, elle conduit à la précipitation du même
type de composés que ceux qui sont formés à partir de la dissolution du C3A, en
particulier lorsque celle-ci est réalisée en présence d’hydroxyde de calcium. Dans
ce cas, une partie des ions Al3+ dans les hydrates sont substitués par des ions Fe3+.
Dans le cas contraire, une partie importante du fer précipite sous forme d’hy-
33
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
droxyde de fer, Fe(OH)3. C’est pour cette raison que, d’une manière générique,
les hydroaluminates de calcium contenant ou non du fer sont appelés AFm. Une
justification de cette terminologie en relation avec la structure sera donnée au pa-
ragraphe 3.4.3. De même les composés de type ettringite sont appelés AFt.
3.3. La réactivité des autres constituants du ciment
3.3.1. Les ajouts pouzzolaniques
Ces composés sont riches en silice et pauvres en oxyde de calcium ; de ce fait ils
sont très peu solubles dans l’eau. Dans une solution riche en hydroxyde de cal-
cium, du fait du pH élevé, la silice se dissout selon :
SiO2 + 2 OH– → H2SiO42–
En présence des ions calcium de la solution, le C-S-H moins soluble précipite se-
lon la même réaction que dans le cas des silicates de calcium :
x Ca2+ + H2SiO42– + 2(x-1) OH– + y H2O → C-S-H (ou xCaO, SiO2, yH2O)
Cependant en présence de silice solide, le rapport C/S du C-S-H est plus faible que
celui obtenu à partir de la dissolution des silicates calciques. L’équation bilan de ces
réactions de dissolution et précipitation est souvent appelée réaction pouzzolanique
en référence au ciment romain constitué d’un mélange de chaux et de pouzzolannes.
Il convient de se souvenir que ce n’est qu’un bilan de deux réactions et que ce n’est
pas « la portlandite qui réagit avec la silice » comme c’est souvent énoncé.
3.3.2. Les ajouts potentiellement hydrauliques
Les types mêmes de ces ajouts sont les laitiers granulés de haut-fourneau. Ils sont
constitués de CaO, SiO2, Al2O3, MgO. La trempe que le laitier subit à la sortie du
haut-fourneau confère une structure vitreuse à ce matériau. La teneur des diffé-
rents oxydes varie d’un laitier à l’autre ; une fourchette de composition en oxydes
est donnée dans le tableau 2.3.
Tableau 2.3 : composition chimique donnée en pourcentage en poids
des principaux oxydes, d’après [TAY 97].
34
L’hydratation des ciments
cas dans une pâte de ciment Portland dans laquelle le pH est suffisamment basi-
que. La silice contribue à la formation de C-S-H, l’alumine à des aluminates de
calcium et de magnésium. Ces derniers constituent la famille des hydrotalcites
dont la structure dérive de celle de la brucite (Mg(OH)2) selon le même mécanis-
me que les AFm dérivent de celle de l’hydroxyde de calcium.
3.4. Les propriétés des principales phases hydratées
3.4.1. La portlandite
La portlandite est le nom minéralogique de l’hydroxyde de calcium cristallisé.
Son nom vient, bien sûr, du fait qu’on la trouve dans le ciment Portland hydraté.
C’est la phase la plus soluble de la pâte de ciment hydratée.
Sa solubilité dans l’eau est de l’ordre de 22 mmol/L à 25 °C soit environ 1,6 g/L,
ce qui correspond à un pH de 12,6. Sa présence dans la pâte de ciment, par son
équilibre de solubilité maintient le pH élevé de la solution interstitielle. Sa solu-
bilité diminue avec la température.
C’est également une des phases les mieux cristallisées. Elle cristallise sous forme
de cristaux hexagonaux plus ou moins développés dans la pâte de ciment, les po-
res et l’interface pâte/granulat. Sa structure cristalline est de type hexagonal. Elle
est constituée de plans d’ions calcium (plan ab) en environnement octaédrique as-
suré par 3 ions OH– de part et d’autre du plan, ce qui constitue un feuillet d’hy-
droxyde qui est répété selon l’axe c (figure 2.3).
c OH–
Ca++
OH–
a
(a) (b)
35
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
(a) (b)
36
L’hydratation des ciments
par leur morphologie, en particulier, les C-S-H externes (outer product) de morpholo-
gie plutôt fibrillaire, qui se développent à partir de la surface des grains anhydres dans
les pores de la pâte et les C-S-H internes (inner product) de morphologie plus com-
pacte, qui occupent l’espace libéré par le grain d’alite qui se dissout.
30 nm 60 nm
Tétraèdre pontant
Dimère de silicate 5 nm
interfeuillet H C
H
H
Plan de CaO
La densité de sites > Si-OH à la surface est fixée par la structure (4,8 sites/nm2)
[VIA 01].
À haut pH, comme c’est le cas dans la pâte de ciment, la plupart des sites sont
ionisés, ce qui donne une densité de charges de surface parmi les plus élevées des
minéraux. Cette haute densité de charges de surface est à l’origine de la cohésion
du ciment et joue un rôle important dans l’interaction des espèces ioniques avec
la surface [PEL 97, JON 04].
En ce qui concerne sa stabilité le C-S-H est très peu soluble dans une solution sa-
turée par rapport à la portlandite (quelques µmol/L, soit de l’ordre de 1 mg/L), sa
solubilité augmente quand la concentration en hydroxyde de calcium en solution
diminue et si le pH descend en dessous de 10, il se dissout au profit de la silice
qui devient moins soluble [GRE 60].
37
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
(a) (b)
38
L’hydratation des ciments
Par exemple dans C4AH13, qui peut s’écrire encore 2([Ca2Al (OH)6]+OH-,
3H2O), un Ca2+ sur 3 est remplacé par un Al3+, et l’excès de charge est compensé
par un OH-. On obtient le même type de composés avec des ions Fe3+. Pour une
mole d’oxyde Al2O3 ou Fe2O3 substituant deux moles de CaO, il faut une mole
d’anions divalents que l’on peut écrire en notation cimentière : C3A, CX. C’est la
raison pour laquelle on les nomme AFm (A pour Al2O3, F pour Fe2O3 et m pour
mono (1 CX)). Les hydrates les plus stables sont les carboaluminates de calcium
qui se forment dans les ciments contenant des ajouts calcaire ou simplement à par-
tir des carbonates dissous dans la solution interstitielle du fait du contact avec le
CO2 atmosphérique.
Ca (OH)2
interfeuillet
×6
Insertions d'anions
en interfeuillet
pour compenser la charge plans de cations
3.4.4. L’ettringite
La structure de l’ettringite est très différente de celles des AFm. Elle est constituée
de colonnes de cations coordinés par les oxygènes des hydroxydes et des molécules
d’eau (figure 2.8). Les ions sulfate ne participent pas non plus à la coordination des
cations, ils n’assurent que l’électroneutralité. Ils sont accueillis dans les canaux
créés par les colonnes cationiques. Ils peuvent également être remplacés par d’autres
anions tout comme l’aluminium peut également être substitué par du FerIII.
39
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
C6A S 3H32 s’écrit également C3A, 3C S d’où le nom de AFt donné à cette famille
de composés.
octaèdres Al (OH)6
tétraèdres SO42–
molécules H2O
polyèdres CaO8
(a) (b)
Figure 2.8 : (a) structure cristalline de l’ettringite ; (b) image en microscopie électronique
à balayage de cristaux d’ettringite (courtoisie D. Damidot).
40
L’hydratation des ciments
(2)
100
80
% hydratation
60
40 (1)
20
0
0 10 20 30 32 40 50 60
temps (minutes)
41
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Avancement (%)
6
8,0E+04
30 [Ca (OH)2] 22 mmol/L
4 6,0E+04 C–S–H
20
4,0E+04
[Ca (OH)2] 11 mmol/L
2
2,0E+04 10
C–S–H
0 0,0E+00 0
0 200 400 600 800 1 000 1 200 0 200 400 600 800 1 000 1 200
Temps (minutes) Temps (minutes)
(a) (b)
Figure 2.10 : avancement de l’hydratation du C3S.
(a) Dans le cas du C3S, l’avancement de l’hydratation peut facilement être obtenu par intégration du
flux de chaleur dégagé par la réaction et mesuré par calorimétrie. (b) Au cours du processus de dis-
solution du C3S-précipitation du C-S-H, celui-ci se forme par germination hétérogène sur la surface
du C3S [GAR 99] et des particules de C-S-H déjà précipitées, de telle sorte qu’assez rapidement une
couche continue autour du grain d’anhydre va ralentir le processus de dissolution [GAR 01]. Le pour-
centage d’hydratation pour lequel cette couche devient continue dépend de la granulométrie du C3S,
de la température et d’une manière générale de tout ce qui peut faire changer localement la concen-
tration en hydroxyde de calcium.
42
L’hydratation des ciments
premier pic intense observé sur la courbe de flux thermique mesuré par calorimé-
trie présenté sur la figure 2.11a. Une fois que tout le sulfate de calcium a été con-
sommé pour former de l’AFt, on forme à nouveau du C4AH13 très rapidement à
une vitesse contrôlée par la vitesse de dissolution du C3A ; c’est le deuxième pic
sur la courbe de flux thermique de la figure 2.11a. Dans ces conditions, l’ettringite
n’est plus la phase la moins soluble, elle se dissout partiellement, les ions libérés
contribuant à précipiter du mono sulfoaluminate de calcium.
14 1 C 3A
Avancement de l'hydratation
Flux thermique (mW/g)
12
0,8
10
0 0
0 200 400 600 800 1 000 0 500 1 000 1 500
Temps (minutes) Temps (minutes)
(a) (b)
Figure 2.11 : avancement de l’hydratation d’un mélange C3A-gypse.
(a) Évolution du flux thermique libéré au cours de l’hydratation d’un mélange C3A-gypse. (b) Avance-
ment de l’hydratation du C3A seul et du mélange C3A-gypse. On note l’effet ralentisseur introduit par
la formation de l’ettringite. D’après [MIN 03].
43
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
(a) (b)
10 10
8 8
6 6
4 4
2 2
0 0
0 200 400 600 800 1 000 0 200 400 600 800 1 000
Temps (minutes) Temps (minutes)
(c) (d)
De ce fait, l’étude cinétique précise de l’hydratation d’un ciment est toujours dif-
ficile et d’autant plus que l’on y incorpore des ajouts plus ou moins réactifs. Néan-
moins, on peut considérer en première approximation que les mécanismes de
l’hydratation des différentes phases ne sont pas sensiblement modifiés. En parti-
culier en ce qui concerne l’hydratation de l’alite, qui constitue la phase majeure
du ciment Portland, celle-ci suivra le même type d’évolution que celle décrite au
paragraphe 3.2.1. Une partie des C-S-H pourra cependant précipiter sur d’autres
supports solides (fillers…), ce qui modifiera le pourcentage de réaction pour le-
quel l’hydratation est limitée par une couche continue d’hydrate.
En ce qui concerne la nature des phases qui se forment, celles-ci sont les mêmes
que celles qui précipitent lors de l’hydratation de chaque constituant du ciment.
44
L’hydratation des ciments
45
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
hydratation
46
L’hydratation des ciments
(a) (b)
47
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
4. CONCLUSION
L’hydratation du ciment est une somme de processus chimiques qui conduisent à
la transformation de phases anhydres en différentes phases hydratées. Ces trans-
formations chimiques s’accompagnent d’un ensemble de processus physiques qui
participent à la construction de la microstructure de la pâte de ciment. Les lois qui
gouvernent l’hydratation du ciment, c’est-à-dire l’évolution des phases anhydres
au contact de l’eau en phases hydratées, gouvernent de la même manière l’évolu-
tion des phases hydratées si elles sont mises en contact avec un milieu dans lequel
des phases moins solubles sont susceptibles d’exister selon les lois thermodyna-
miques rappelées dans ce chapitre. Dans le premier cas, les réactions entre des
grains en suspension concentrée dans une phase aqueuse conduisent rapidement
à la transformation partielle du produit de départ en phases hydratées et à la for-
mation d’un solide à microstructure complexe. Dans le second cas, c’est-à-dire
l’évolution d’une pâte de ciment durcie soumise à un environnement extérieur,
c’est à travers la surface externe et interne, la surface développée par les pores ca-
pillaires et les nanopores, que les différentes phases hydratées qui constituent le
solide massif vont être en interaction avec le milieu extérieur ; cette interaction
sera donc d’autant plus limitée que la porosité capillaire sera fermée ce qui est une
caractéristique de la microstructure. La durabilité du matériau est donc fortement
liée à la manière avec laquelle il a été élaboré.
48
L’hydratation des ciments
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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Résumé
La structure poreuse des bétons est constituée de pores capillaires et de pores
d’hydrates. Les pores capillaires, les plus gros, influencent fortement les proprié-
tés de transfert des bétons surtout lorsqu’ils sont interconnectés. Pour diminuer
la porosité capillaire et son interconnexion, il faut réduire le rapport E/C et soigner
la cure. La peau du béton est, en outre, particulièrement sensible au séchage pré-
coce, ce qui peut conduire lorsque la cure est insuffisante à un arrêt de l’hydrata-
tion très préjudiciable à l’obtention d’un béton de qualité.
La perméation et la diffusion ionique des bétons sont étudiées et les grandeurs
associées (perméabilité et coefficient de diffusion effectif) sont définies. La mesu-
re de ces grandeurs est délicate, car le domaine de validité des lois qui les défi-
nissent est limité. Dans la pratique, cela conduit à utiliser des protocoles de
mesure bien précis.
La perméabilité et le coefficient de diffusion des espèces ioniques (chlorures par
exemple) sont nettement améliorés lorsque la cure du béton est soignée. La
structure poreuse et les propriétés de transfert du béton, perméabilité et diffusion
des espèces chimiques, peuvent être améliorées en utilisant des additions miné-
rales ou des ciments binaires ou ternaires. Lorsque des additions sont utilisées,
leur effet n’est bénéfique que dans la mesure où la cure est suffisamment longue.
Mots-clés
AURÉOLE DE TRANSITION, BÉTON DE PEAU, CAPILLAIRES, COEFFICIENT DE DIFFUSION,
CURE, DIFFUSION, PERMÉABILITÉ, POROSITÉ, SÉCHAGE.
51
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
La durabilité du béton est en grande partie fonction de la difficulté qu’ont les
agents agressifs à pénétrer dans le réseau poreux du béton.
Dans ce chapitre nous présenterons en premier lieu la structure poreuse des bé-
tons. Deux grandeurs physiques permettent de caractériser l’aptitude des bétons à
résister à l’intrusion des agents agressifs : la perméabilité et la diffusion. Ces deux
grandeurs correspondent à deux mécanismes bien distincts de transport de matiè-
re : la perméabilité décrit un écoulement qui se produit sous gradient de pression
et la diffusion un transport à l’échelle moléculaire sous gradient de concentration.
Nous présenterons les lois qui relient ces deux grandeurs aux caractéristiques po-
reuses des matériaux. C’est grâce à elles que l’ingénieur peut trouver des moyens
d’action, moyens qui concernent le choix des composants, la formulation et les
conditions d’hydratation.
Parmi ces moyens, nous présenterons ceux offerts grâce à la diversité des ciments
en étudiant le rôle des additions minérales. Nous montrerons aussi l’importance
de la qualité de la cure.
Le transport de matière à travers le réseau poreux des bétons dépend aussi de l’état
d’humidité du matériau. Par exemple les espèces ioniques ne peuvent diffuser
dans le béton que par le liquide interstitiel contenu dans les pores alors que le
dioxyde de carbone diffuse beaucoup plus vite dans l’air que dans l’eau. Nous ter-
minerons donc ce chapitre par une présentation du séchage du béton.
Dans certaines dégradations, le transport de matière reste en grande partie interne
au béton (cas de gel-dégel par exemple) : même dans ce cas, les dégradations sus-
ceptibles d’affecter le béton sont surtout dépendantes des possibilités de transfert
interne. Nous montrerons au chapitre 10 qu’une bonne durabilité aux cycles de
gel dégel est assurée par la réalisation d’un réseau de bulles d’air approprié.
52
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
phase liante dense, ceci en conciliant les autres impératifs de fabrication, notam-
ment des propriétés à l’état frais compatibles avec les moyens de mise en œuvre.
2.1. Définitions et caractérisation de la structure poreuse des bétons
2.1.1. Description de la structure poreuse d’un matériau, définitions
Le béton est un matériau polyphasique. Il est composé d’une phase solide, d’une
phase liquide et d’une phase gazeuse. Le solide est constitué des granulats, des
hydrates et des parties du liant non hydratées. La phase liquide est la solution in-
terstitielle et la phase gazeuse est un mélange d’air et de vapeur d’eau.
Schématiquement, le béton, matériau poreux, peut être représenté selon la
figure 3.1.
Solide
Vides fermés
Volume apparent
Figure 3.1 : description schématique d’un matériau poreux.
53
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
54
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
La tortuosité n’est pas mesurable, car il n’est pas possible de mesurer la longueur
Le mais elle peut être calculée dans certains cas simples (sphères empilées de
même diamètre). Dans un milieu poreux, elle est comprise entre 1 et 3 [DUL 79].
Dans les milieux homogènes isotropes, T est une fonction de la porosité ouverte
et peut être prise entre 1 et 3 . Pour la plupart des arrangements compacts, T est
proche de 1,15 [BRA 74] ;
– la constrictivité δ est un paramètre qui rend compte de façon qualitative de la
variation de section qu’offrent les pores à l’écoulement (δ < 1). Elle peut être
définie par le rapport entre la plus grande et la plus petite section efficace. Dans
des arrangements compacts de sphères identiques isotropes, δ est proche de 0,75
[BRA 74] ;
σ
– le facteur de formation F [DUL 79], défini selon la relation F = ------ où σ est
σe
la conductivité électrique de la solution interstitielle contenue dans le milieu
poreux et σe la conductivité électrique du même milieu poreux saturé par cette
solution. Le facteur de formation est relié à la porosité ouverte et à la tortuosité T
pδ- .
du réseau poreux par la relation : --1- = -----
F T
Les grandeurs que nous venons de définir permettent de caractériser globalement
(macroscopiquement) un matériau poreux. Les propriétés de transfert des maté-
riaux (perméabilité, diffusion des ions) dépendent de la porosité, mais elles sont
aussi influencées par la taille des pores et leur connexion.
La connexion des pores peut être décrite au moyen de la théorie de la percolation.
2.1.2. Théorie de la percolation : un outil pour décrire la connexion
des pores
Dans la théorie de la percolation, le milieu est modélisé par un réseau géométrique
régulier, par exemple une structure 2D carrée (figure 3.2). Les éléments de l’es-
pace (liens ou sites) sont occupés de façon aléatoire avec une probabilité p. Par
exemple sur la figure 3.2a, chaque lien, peut représenter un pore avec ici une pro-
babilité de présence de 0,2. Au-delà d’une certaine probabilité pc appelée seuil de
percolation, un amas continu de liens se forme dans le réseau. La proportion γp
des éléments appartenant à l’amas continu est donnée par la figure 3.2c.
En dessous du seuil de percolation, il n’existe pas d’amas continu de liens, le
transport de fluide à travers les pores du matériau n’est pas possible car le réseau
n’est pas interconnecté. Le seuil de percolation correspond au passage d’un réseau
« non conducteur » à un réseau macroscopiquement « conducteur ». Au-dessus
55
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0,6
0,5
0,4
Y(p)
0,3
0,2
Pc = 0,25
0,1
0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6
Percolation de liens Percolation de sites P
2.1.3. L’eau libre dans les bétons, équilibre avec l’air humide
Dans l’air humide, les surfaces solides sont couvertes de molécules d’eau : c’est
le phénomène d’adsorption.
Dans tout milieu gazeux, les solides fixent temporairement des molécules gazeu-
ses selon deux types d’interactions :
– par des liaisons chimiques, c’est l’adsorption chimique ;
– par des liaisons intermoléculaires de Van der Waals, c’est l’adsorption physi-
que.
Lorsque l’espèce adsorbée se trouve en équilibre avec la phase gazeuse, sa con-
centration superficielle sur un solide dépend de la nature du gaz et du solide ainsi
que de la pression du gaz (ou de la pression partielle de la vapeur d’eau dans le
cas de l’air humide) et de la température. À température fixée, le nombre de cou-
ches de molécules de vapeur d’eau adsorbées sur la surface d’un solide dans l’air
humide est une fonction croissante de la pression partielle de l’eau, donc de l’hu-
56
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
10–1
– 1,079 . 10–3
UP§ à 20 °C
Rayon de pores (μm)
ln <
10–2
10–3
10–4
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Humidité relative de l'air < (%)
Figure 3.3 : rayon des pores emplis d’eau à 20 °C en fonction de l’humidité relative
de l’air, d’après [DAÏ 93].
Dans un béton à l’équilibre à la température de 20 °C avec de l’air à 60 % d’humidité relative les pores
de rayon inférieur à 2 nm sont saturés en eau.
57
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
300
100
0 20 40 60 80 100
H.R. (%)
Après la cure, le béton se met à l’équilibre avec l’air humide dans lequel il se trou-
ve. Le séchage du béton est présenté dans la dernière partie de ce chapitre 3. Il
entraîne des départs d’eau et la formation de ménisques de raccordement dans les
pores entre l’eau et l’air. Des tensions capillaires variables avec la taille des mé-
nisques sont créées et engendrent des contraintes responsables du retrait. Ces phé-
nomènes sont décrits dans le chapitre 5 et ses conséquences sur la fissuration dans
le chapitre 6.
L’eau contenue dans les pores du béton est aussi appelée « eau libre » pour la dis-
tinguer de l’eau liée chimiquement dans les hydrates. Il convient toutefois de no-
ter qu’il ne s’agit pas d’eau à proprement parler mais d’une solution interstitielle
contenant de nombreuses espèces ioniques (voir la figure 9.5).
La quantité d’eau liquide dans le béton dépend à la fois de la structure poreuse
du béton et de l’humidité relative de l’air dans lequel il se trouve. La présence
d’eau liquide dans les pores du béton joue un rôle important dans les possibilités
de transfert car elle favorise la pénétration des espèces ioniques alors qu’elle
s’oppose à la pénétration des gaz.
2.1.4. Les méthodes de caractérisation de la structure poreuse
des bétons
La structure poreuse des bétons est complexe et les méthodes de caractérisation
sont nombreuses. Les vides dans les bétons sont ouverts et interconnectés et on
peut donc confondre la porosité avec la porosité ouverte et la porosité ouverte in-
terconnectée. La méthode de mesure la plus utilisée est celle de la « porosité ac-
cessible à l’eau » qui consiste à saturer le matériau sous vide. Le volume apparent
est déterminé au moyen d’une pesée hydrostatique, et le volume des vides est ob-
tenu par différence entre la masse de l’échantillon saturé et celle mesurée après
58
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
59
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
60
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
0,15
Porosimétrie au mercure
Analyse d'images
0,10
0,05
0,00
– 0,01 – 0,1 –1 1 10 100 1 000
Diamètre (μm)
Figure 3.5 : structure poreuse d’une pâte de ciment Portland (E/C = 0,40, 28 jours).
Comparaison entre les données de porosimétrie au mercure et d’analyse d’images,
d’après [DIA 94].
61
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
a été développé pour les ciments de type CEM I. La microstructure poreuse d’une
pâte de ciment peut être classiquement décrite en distinguant deux familles de po-
res (distribution bi-modale) comme le montre la figure 3.6 :
– les pores capillaires (les plus gros). Ce sont les vestiges, à un moment donné
de l’hydratation, des espaces intergranulaires de la pâte initialement emplis
d’eau ;
– les pores des hydrates (les plus petits). Ils se forment à l’intérieur des hydrates.
40
20
' log d
' po
E/C = 0,80
10
0
1 10 102 103
Diamètre des pores (en nm)
Figure 3.6 : mise en évidence, par porosimétrie mercure, des pores capillaires
et des pores des hydrates, d’après [VER 68].
Les pores de plus grande taille (ici environ 0,5 µm) sont les vestiges des espaces granulaires et les
pores les plus petits (ici environ 10 nm) constituent la microporosité des hydrates. Les courbes de fré-
quence porosimétrique permettent de visualiser la répartition en volume des pores d’un matériau po-
reux. La porosité ouverte po du matériau est mesurée par l’aire sous-tendue par la courbe. La porosité
correspondant à une famille de pores particulière est mesurée par l’aire sous-tendue par la courbe
entre les deux diamètres limites de la famille considérée.
62
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
Powers fait l’hypothèse que la porosité des hydrates est indépendante du degré
d’hydratation et du rapport E/C. Elle est constante et égale à 28 %. En outre, au
cours de l’hydratation le volume absolu des hydrates est inférieur à la somme des
volumes absolus du ciment et de l’eau qui se combinent pour les former :
volume des hydrates = 0,9 (volume ciment anhydre + volume d’eau).
Il en résulte une contraction qui a été mise en évidence par Le Chatelier [LEC 04]
au moyen de l’expérience décrite à la figure 3.7. Lorsque la contraction se produit
avant la prise, le volume apparent de la pâte diminue. Après prise, la pâte se struc-
ture et devient moins déformable. La contraction se manifeste par un autre effet :
les petits pores des hydrates néoformés drainent l’eau des capillaires où il se for-
me des espaces vides : il y a autodessiccation de la pâte. Une conséquence impor-
tante de ce phénomène est le retrait endogène qui est présenté au chapitre 5.
Avant Après
Figure 3.7 : mise en évidence de la contraction Le Chatelier et du gonflement,
d’après [AÏT 01].
Dans le flacon où la pâte de ciment hydraté n’est pas recouverte d’eau, la pâte de ciment s’est con-
tractée au bout de quelques jours et n’occupe plus la totalité de la base du vase. Le Chatelier en con-
clut que le volume apparent de la pâte de ciment diminue en durcissant sans qu’elle ne perde de
masse. Par contre, dans le flacon où la pâte de ciment est recouverte d’eau, une baisse progressive
du niveau de l’eau dans le col du flacon est constatée avant que le flacon n’éclate suite au gonflement
de la pâte de ciment. Le Chatelier en conclut qu’en s’hydratant le volume absolu diminue (baisse du
niveau de l’eau dans le col du flacon) mais que, simultanément, le volume apparent de la pâte de ci-
ment hydraté augmente jusqu’à provoquer l’éclatement du flacon. Il avoua très honnêtement être in-
capable d’expliquer les raisons de ce gonflement. Cent ans plus tard, on n’est guère beaucoup plus
avancé pour expliquer ce phénomène de gonflement.
63
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Ciment Ciment
Ciment
0 D 1 0 D 1 0 D DD 1
1
Eau des capillaires
Eau du "gel"
Vol.
"Gel" solide
Ciment
0 D 1
64
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
65
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
E/C
0,4
Volume empli (cm3/g)
0,3
0,4
0,5
0,3
0,6
0,7
0,8
0,2
0,9
0,1
0,0
0
0
0
40 0
0
5
5
0
10
0
0
30
40
80
50
60
20
7
15
60
20
00
50
80
15
4,
12
10
30
1
La figure 3.11 semble contredire les conclusions du modèle de Powers qui montre
que la porosité capillaire n’existe plus à hydratation complète que pour des rap-
ports E/C inférieurs à 0,42 (conditions des essais rapportés ici). Au-dessus de ce
seuil, pour un rapport E/C de 0,50, la figure ne montre néanmoins plus de porosité
capillaire à 28 jours, âge pour lequel l’hydratation est loin d’être achevée. En fait,
cette contradiction n’est qu’apparente et cette différence met en évidence un autre
phénomène important : la connectivité des pores capillaires. Comme indiqué au
paragraphe 2.1.3, les plus gros pores (les pores capillaires dans le cas d’un maté-
riau cimentaire) ne sont accessibles au mercure à la pression correspondant à leur
taille que s’ils sont interconnectés et s’ils communiquent avec l’extérieur. Dans le
66
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
cas de la pâte de rapport E/C = 0,50 âgée de 28 jours, les pores capillaires prédits
par le modèle de Powers ne sont plus interconnectés et ils sont emplis de mercure
à des pressions plus élevées qui correspondent au remplissage des pores d’hydra-
tes. Cette interprétation est confirmée par les résultats de la figure 3.5 obtenus par
analyse d’images et qui montrent la subsistance de pores capillaires au même âge
avec un rapport E/C plus faible.
0,5
E/C = 0,70
28 jours
Volume empli (cm3/g)
0,4
90 jours
1 an
0,3
Dc
0,2
0,1
0,0
0
0
0
0
0
5
5
0
10
0
0
30
40
80
50
60
20
7
15
60
20
00
50
80
15
4,
12
10
40
30
1
L’interconnexion des pores capillaires est une caractéristique importante, car elle
influence les possibilités de transfert dans le béton. Selon que les pores capillaires
sont ou non interconnectés, la dimension des chemins de pénétration des espèces
agressives est fortement modifiée.
Powers avait déjà discuté ce point sur la base de mesures de perméabilités. Ses
résultats sont discutés au paragraphe 3. L’agencement des pores capillaires dans
les pâtes de ciment a été étudié au NIST [BEN 91] grâce au modèle d’hydratation
CEMHYD3D. La figure 3.13a montre la variation de fraction des capillaires in-
terconnectés en fonction du degré d’hydratation pour différents rapport E/C. En
transformant ces données en fonction de la porosité capillaire (figure 3.13b), une
courbe unique est obtenue. L’interconnexion des pores capillaires ne dépend que
de la porosité capillaire. En dessous d’une porosité capillaire de 18 % les pores
capillaires ne sont plus interconnectés. Cette valeur limite correspond à un seuil
67
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
de percolation et elle est voisine de la densité critique [SCH 70] (voir la discus-
sion, figure 3.2).
Fraction interconnectée
Fraction interconnectée
1,0 1,0
0,8
0,6 0,6
E/C = 0,35
E/C = 0,45 E/C = 0,35
0,4 E/C = 0,50 0,4 E/C = 0,45
E/C = 0,60 E/C = 0,50
E/C = 0,70 E/C = 0,60
0,2 0,2 E/C = 0,70
0 0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 0 0,2 0,4 0,6
Degré d'hydratation Porosité capillaire
(a) (b)
Figure 3.13 : interconnexion du réseau des pores capillaires [BEN 91].
La figure (a) montre que, pour des pâtes gâchées avec un rapport E/C supérieur au seuil critique de
0,42, les pores capillaires peuvent être segmentés pour des degrés d’hydratation inférieurs à 1. Ils ne
sont alors plus identifiés au porosimètre à mercure. Plus le rapport E/C augmente, plus le degré d’hy-
dratation conduisant à la segmentation des capillaires est élevé.
La figure (b) montre que la segmentation des capillaires est assurée dès que la porosité capillaire est
inférieure à 18 %. Cette valeur est voisine de la densité critique, 15 %, qui assure la percolation dans
le matériau (voir la figure 3.2).
1. La norme NF EN 206-1 fixe des valeurs seuils sur le rapport E/liant équivalent. Dans la mesure
où ne traitons pas dans cette partie du rôle des additions minérales, nous assimilerons liant équiva-
lent et ciment et nous indiquerons des rapports E/C pour plus de clarté.
68
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
1,0
0,9
0,8
Porosité capillaire
segmentée
Degré d'hydratation 0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
Porosité capillaire
0,1 interconnectée
0,0
0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7
Rapport E/C
69
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1,0
2
0,8
1
Degré d'hydratation
C 3S 4
0,6
0,4
3
0,2
C 2S
0,0
0 20 40 60 80 100
Humidité relative (%)
70
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
71
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Porosité (%)
40
30
20
20
0
30 40 0,4 0,6 0,8 1,0
Porosité de la pâte (%) Degré d'hydratation
30 Pâte pure de ciment ; E/C = 0,50 30 Pâte pure de ciment ; E/C = 0,50
28 jours 28 jours
CEM II 42,5
Porosité (%)
Porosité (%)
20 20 CEM II 52,5
CEM I 42,5
10 10
CEM I 52,5
0 0
100 10 1 0,1 0,01 100 10 1 0,1 0,01
Diamètre des pores ( μm) Diamètre des pores ( μm)
Figure 3.17 : les distributions de la taille des pores d’un CEM I et d’un CEM II
aux calcaires de même classe de résistance sont analogues, d’après [RAN 89].
72
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
20
28 jours
1 an
10
50
CEM I + cendres volantes
40
Porosité ouverte (%)
1 jour s1
30
7 jours s2
20 28 jours
1 an
10
50
CEM I + laitier
40
2 jours s1
s2
30
8 jours
20 28 jours
1 an
10
73
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
74
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
rôle de complément granulaire, ces particules doivent être défloculées, ce qui im-
pose l’utilisation de superplastifiant réducteur d’eau. À titre d’exemple, la figure
3.19 montre l’évolution de la porosité de mortiers dont la maniabilité est réglée à
une même valeur en ajustant la quantité de l’adjuvant réducteur d’eau.
0,30
Porosité à l'état frais
0,25
1
0,20
' = 0,03
2
0
0,4 0,8 1,2 1,6 2,0 2,4 2,8 3,2
Dosage en superplastifiant haut réducteur d'eau (%)
75
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
40
Béton de CEM I, 1 jour
Béton de CEM I, 180 jours
30 Béton avec fumée de silice, 1 jour
Porosité (%) 20
10
0
0 5 10 15 20 25 30 35 40
Distance à la surface du granulat (μm)
Lorsque les auréoles de transition entourant les granulats des mortiers sont inter-
connectées, une nouvelle famille de pores de dimension comparable à celle des
capillaires peut être mise en évidence au porosimètre à mercure (figure 3.21). Ce
résultat traduit la percolation des auréoles de transition qui est possible lorsque
leur épaisseur et leur nombre sont suffisants (figure 3.22).
0,06
0,05
pâte de ciment
Porosité incrémentale (%)
0,04
0,03
0,02
pâte du mortier
0,01
0
0,001 0,01 0,1 1 10 100 1 000
Diamètre des pores (μm)
Figure 3.21 : structure poreuse d’une pâte de ciment de type CEM I et de la pâte
d’un mortier confectionné avec le même ciment (E/C = 0,4, 3 mois) [BOU 95].
Le porosimètre à mercure met en évidence une nouvelle famille de pores de dimension comprise en-
tre 0,1 et 4 µm. Dans la pâte, les pores capillaires ne sont plus interconnectés, mais une famille de
pores interconnectés de taille comparable à celle des capillaires apparaît dans les mortiers, du fait
des auréoles de transition.
76
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
Fraction interconnectée
10 μm
0,8 15 μm
20 μm
25 μm
0,6
30 μm
40 μm
0,4
0,2
0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6
Fraction volumétrique de sable
Figure 3.22 : fraction interconnectée des auréoles de transition dans des mortiers
en fonction de la fraction volumique du sable et pour différentes épaisseurs des auréoles,
d’après [GAR 96].
Les résultats présentés sont obtenus par des simulations. Les grains de sable sont schématisés par
des sphères. La distribution des diamètres est celle des grains de sable et les sphères sont implantées
au hasard dans un élément de volume avec une fraction volumique v. Cet élément de volume est com-
plété par la pâte de ciment et les granulats sont entourés par une « coquille » représentant l’auréole
de transition. Des simulations sont effectuées pour différentes épaisseurs de l’auréole. Pour chaque
fraction volumique de grains et chaque épaisseur de l’auréole, la simulation permet de calculer la frac-
tion volumique des auréoles interconnectées. On voit par exemple que si l’épaisseur de l’auréole est
de 40 µm, en deçà de 25 % de sable en volume, les auréoles ne se recouvrent pas. Quelle que soit
l’épaisseur de l’auréole (entre 10 et 40 µm), les auréoles sont complètement interconnectées pour des
teneurs en sable supérieures à 60 %. Rappelons que dans les bétons il y a environ 2/3 du volume oc-
cupé par les granulats (soit > 60 %).
Dans les bétons âgés de 28 jours, la porosimétrie au mercure (figure 3.23) ne ré-
vèle pas de pores de grande dimension pour les bétons à hautes et très haute per-
formances malgré les auréoles de transition. Dans ce cas, on peut imaginer que la
défloculation des grains favorise la formation d’une structure dense au voisinage
des granulats. Cet effet bénéfique est renforcé par l’utilisation de fumée de silice.
80
dV/d log (r) (mm3 . Å–1 . g–1)
70 M25 CV porosité à
M50 Rc,28
60
M75 E/C l’eau (%)
(MPa)
50 M120 FS (28 j)
40
M25CV 0,84 15,7 23,5
30
Figure 3.23 : structure poreuse des bétons à 28 jours : influence du rapport E/C,
d’après [BAR 05].
77
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Les bétons présentés dans cette étude sont identifiés par leur résistance moyenne à 28 jours. Seul le
béton préparé avec un rapport E/C de 0,84 présente une distribution poreuse bimodale. Le béton M25
CV contient 25 % de cendres volantes, le béton M120 FS contient 10 % de fumée de silice. La réduc-
tion de la teneur en eau grâce à l’’addition de fumée de silice permet d’’obtenir des bétons de très
faible porosité.
C70 FS - 28 jours
40 C70 FS - 90 jours
30
20
10
0
10 100 1 000 10 000 100 000
78
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
(g/cm3)
Densité d
2,60
2,40
2,20 d
25 (%)
Absorption d'eau a
20
Porosité p
15
p
10 a
g/c
6
Rapport granulat/ciment g/c
4
Module de finesse m.f.
5
m.f.
4 2
3
2 0
0
0 1 2 3 4 5
Distance à la surface externe (mm)
Figure 3.25 : variation de la composition d’’un béton dans les premiers millimètres
proches d’une surface exposée, d’après [KRE 84].
Béton (325 kg/m3 de CEM I ; E/C = 0,54, granulat/ciment = 6,1) conservé 7 jours à l’air (21 °C, 65 % HR).
Ces résultats montrent qu’il se crée une peau poreuse, enrichie en pâte, apte à absorber rapidement
l’eau à son contact. La diminution du module de finesse du granulat au voisinage de la surface externe
traduit la plus forte concentration en grains fins dans cette zone.
79
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dans le cas des produits préfabriqués en béton, on observe généralement des dif-
férences entre la microstructure du béton de peau et celle du béton au cœur des
pièces. Elles résultent des spécificités des procédés de fabrication des produits, et
en particulier du mode de mise en place du béton, de la vibration, de l’éventuel
application d’un traitement thermique, de la cure et pour certains produits du trai-
tement de surface.
On distingue souvent pour les produits en béton à démoulage différé deux types
de béton de peau :
– celui correspondant aux faces situées en fond de moule ; le béton est en contact
avec les parois du moule jusqu’au démoulage ;
– celui constituant les faces arasées, en contact immédiat avec l’atmosphère.
Ces effets de paroi peuvent être à l’origine de différences importantes de porosité
entre les zones surfaciques (faces arasées, faces en fond de moule) et le béton de
masse, à la fois en terme de porosité totale et sur la distribution de la taille des po-
res. Pour la plupart des produits en béton vibrés, les faces en fond de moule sont
significativement plus compactes, les pores sont de plus petites dimensions.
Les causes des différences observées au niveau de la microstructure du béton de
peau sont de plusieurs natures :
– l’énergie apportée par les dispositifs vibratoires est différente selon la distance
béton/paroi du moule ; comparativement aux faces arasées, les faces en fond de
moule subissent un compactage plus important du fait de la proximité avec le
moule qui génère la vibration ;
– les conditions de durcissement ne sont pas strictement identiques : présence
d’une paroi généralement métallique et donc imperméable pour les faces situées
en fond de moule (pas d’échange de matière), contact avec l’atmosphère pour les
faces arasées (les transferts hydriques entre le matériau et l’environnement sont
possibles).
Ces propriétés, spécifiques aux bétons dont la mise en œuvre nécessite une vibra-
tion, agissent sur leur comportement vis-à-vis de la carbonatation : les faces en
fond moule se carbonatent généralement plus lentement que le béton de masse et
les faces arasées [MIR 00].
Les caractéristiques et propriétés du béton de peau dépendent également de la fi-
nition apportée à la surface extérieure. Les traitements de surface peuvent être
réalisés par des procédés mécaniques (bouchardage, sablage, gommage, polissa-
ge, grésage…), chimiques (acidage, désactivation…) ou thermiques (flamma-
ge…).
80
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
Dans le cas des BHP, le faible rapport E/C entraîne une autodessiccation (voir titre
2.2.2). Cette autodessiccation peut être responsable d’une fissuration préjudiciable à
la durabilité dans la mesure où elle pourrait constituer un chemin d’accès privilégié
pour les agents agressifs. La caractérisation de la microfissuration des bétons n’est
pas aisée car les moyens d’observation peuvent eux-mêmes induire de la fissuration.
Qu’il s’agisse de méthodes en microscopie électronique utilisant des répliques de sur-
face [YSS 99] ou des observations en microscopie optique montrées ici [BAR 05], les
conclusions sont identiques. La quantification de la microfissuration est difficile car
les bétons sont peu fissurés en l’absence de chargement ; et il faut conduire de nom-
breuses observations. Les données obtenues dans le projet national BHP 2000 mon-
trent que les microfissures apparaissent préférentiellement aux interfaces pâte/
granulat et que les BHP ne sont pas plus microfissurés que les bétons courants, pro-
bablement à cause des résistances en traction plus élevées.
81
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Pour tenir compte des apports respectifs des constituants vis-à-vis de la durabilité,
la quantité de liant équivalent est définie par la formule :
Liant équivalent = C + kA (5)
où :
C est la quantité de ciment (CEM I) exprimée en kg/m3 de béton ;
A est la quantité d’addition en kg/m3 de béton prise en compte dans le liant équi-
valent.
k est le coefficient de prise en compte de l’addition considérée, donnée par la
norme (tableau NA.3 de la norme NF EN 206-1).
La valeur maximale de A est définie pour les différentes classes d’exposition et
pour chaque addition par le rapport A/(A + C).
La norme indique que l’utilisation de la notion de liant équivalent permet de « te-
nir compte des apports respectifs des constituants vis-à-vis de la durabilité ». Les
résultats du tableau 3.2 appuient partiellement cette affirmation, puisque les po-
rosités accessibles à l’eau et les résistances à la compression sont très voisines.
Par contre la perméabilité et la profondeur de carbonatation sont légèrement dif-
férentes. Ces deux dernières propriétés, plus directement liées à la durabilité, se-
ront présentées plus loin dans ce chapitre.
Tableau 3.2 : comparaison des porosités de deux bétons préparés avec le même dosage
en liant équivalent, d’après [ROZ 07].
Perméabilité Profondeur
Rc,28 Porosité à l’eau
Liant Eeff/Leq au gaz de carbonatation
(MPa) (28 jours)
(10-17 m2) (mm)
Béton de
CEM I 0,58 52,1 14,2 6,5 6
référence
Les deux bétons sont fabriqués avec les mêmes granulats et 280 kg de liant équivalent par m3 de
béton. Ils sont testés après 28 jours de conservation dans l’eau. Les deux bétons de cet essai ont des
résistances et des porosités très voisines. Les perméabilités et les profondeurs de carbonatation sont
légèrement différentes. Ceci peut être dû à des tailles de pores et à des natures d’hydrates formés
différentes.
82
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
Pression P + dP A
dx
Pression P
83
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Cette relation suppose que le régime d’écoulement est laminaire dans les pores
du matériau et que le fluide est inerte vis-à-vis du matériau. La perméabilité ainsi
définie est homogène à une aire et s’exprime en m2 dans le système international.
C’est une caractéristique du matériau, elle est donc indépendante de la nature du
fluide utilisé pour sa mesure ainsi que du gradient de pression dans la limite de
validité de la relation de Darcy.
Lorsque le fluide s’écoulant à travers le matériau est l’eau, l’usage a consacré
l’emploi d’une autre grandeur notée Kw et appelée « coefficient de perméabilité ».
Ce terme est défini, lui aussi, à partir de la relation de Darcy : on exprime la vi-
tesse apparente de l’eau ua , rapport entre le débit volumique et la section appa-
dh dp dhρ eau g
rente du matériau, et on introduit le gradient hydraulique : ------ ( ------ = --------------------
dx dx dx
où ρeau est la masse volumique de l’eau).
L’expression (6) peut alors s’écrire :
Q kρ eau g dh dh
u a = ---- = ----------------- ⋅ ------ = K w ------ (7)
A μ eau dx dx
kρ eau g
Kw est défini par la relation : K w = ----------------
- . Le coefficient de perméabilité Kw
μ eau
est homogène à une vitesse et s’exprime en m/s dans le système international. Ce
n’est plus une grandeur intrinsèque puisqu’elle dépend du matériau, mais aussi
des caractéristiques de l’eau.
D’après la définition de Kw, on peut montrer qu’une perméabilité de 1 m2, corres-
pond à un coefficient de perméabilité de 107 m/s à 20 °C.
Les perméabilités des bétons sont faibles et, pour faciliter la mesure, on utilise en
général des gaz car ce sont des fluides de faible viscosité. L’essai recommandé en
France par l’AFREM-AFPC [AFR 97] se fait avec le perméamètre Cembureau à
charge constante (figure 3.27).
Le gaz étant compressible, le débit volumique varie au sein de l’éprouvette et la
perméabilité est calculée par la relation :
2μQ s P s L
k = --------------------------
- (8)
2 2
A ( Pe – Ps )
84
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
Débimètres à bulle
Bouteille d'oxygène
Manomètre Échantillons
Cellules
Régulateur de pression
85
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
10
0,1
0,01
0,001
0 20 40 60 80
86
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
87
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
6.10-16
5.10-16
ka (m²) 4.10-16
3.10-16
2.10-16
Kv = 5,6.10-17
1.10-16
Kv
0
0 1.10-6 2.10-6 3.10-6 4.10-6 5.10-6 6.10-6
1/PM (Pa-1)
où ka est la perméabilité mesurée à une pression d’entrée Pe, PM est la pression moyenne
Pe + Ps
- et β est un coefficient empirique déterminé expérimentalement à partir de la courbe
P M = ------------------
2
1
k a = f ⎛ -------⎞ . La perméabilité intrinsèque est obtenue en extrapolant la courbe expérimentale : l’inter-
⎝ P M⎠
section avec l’axe vertical correspond à une pression d’essai infinie pour laquelle il n’existe plus
d’écoulement moléculaire. On peut remarquer que si les pores du matériau étaient suffisamment gros
pour éviter les écoulements moléculaires, les résultats expérimentaux ne dépendraient plus de la
pression d’essai et la courbe serait une droite horizontale.
88
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
89
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
y
y H
x x
W L L
l
l pe2 pr2
Milieu fissuré : k = Milieu tubulaire : k =
12 8
y
H
x
L
l
pr2
Milieu tubulaire tortueux : k =
8T
Figure 3.30 : modélisation simplifiée de la microstructure pour la prédiction
de la perméabilité, d’après [DUL 79].
La structure poreuse des bétons peut être modélisée simplement par des tubes identiques dont le
rayon r est égal au rayon moyen des pores mesuré au porosimètre à mercure (donc connectés) dans
le cas d’une distribution unimodale. Ces tubes peuvent être considérés comme rectilignes ou présen-
ter une certaine tortuosité. Dans le cas des bétons fissurés, on peut modéliser la structure poreuse
par des failles rectilignes d’ouverture e. Les perméabilités calculées pour chacune des trois micros-
tructures sont indiquées sous chaque schéma, p étant la porosité ouverte des matériaux considérés.
90
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
2 2
p cap r cap + p hyd r hyd
k = ------------------------------------------------
- (13)
8
Dans ce modèle, les grandeurs d’entrée sont déterminées par porosimétrie au mer-
cure : pcap et phyd sont les porosités capillaires et des hydrates mesurées, rcap et
rhyd sont les rayons moyens des pores capillaires et des hydrates. L’application de
ce modèle est illustrée à la figure 3.31.
Le modèle démontre le rôle prépondérant de la porosité capillaire interconnectée
dans la perméabilité.
50 50
Pcap connectée
Perméabilité (10-16m2)
40 Ptot 40
Porosité (%)
30 30
20 20
10 10
0 0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
E/C E/C
(a) (b)
Figure 3.31 : variation de la porosité totale et de la porosité capillaire interconnectée dans
les pâtes de ciment âgées de 28 jours en fonction du rapport E/C (a). Perméabilités
calculées au moyen du modèle capillaire selon la relation 13 (b).
Les porosités de la figure (a) sont déduites des données de porométrie au mercure présentées à la
figure 3.11. Les perméabilités sont calculées à partir du modèle capillaire. Dans la relation (13), le
rayon des pores des hydrates est choisi constant et égal à 10 nm. Le rayon des pores capillaires est
pris égal à la moyenne entre le rayon critique (rayon des plus gros capillaires) et le rayon des plus
petits capillaires (50 nm). Le modèle met en évidence le rôle prépondérant de l’’interconnexion des
capillaires sur la perméabilité.
91
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
(. 10–14)
Coefficient de perméabilité KW (m2 . s–1)
140
120
100
80
60
40
20
0
0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 08
Rapport E/C
Figure 3.32 : relation entre le coefficient de perméabilité à l’eau des pâtes de ciment
totalement hydraté et le rapport E/C, d’après [POW 54].
Au-dessus du rapport critique E/C = 0,70, le réseau capillaire reste toujours interconnecté : la perméa-
bilité de la pâte de ciment augmente rapidement avec le rapport E/C au voisinage de ce seuil.
92
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
(. 10–17)
150
100
Perméabilité (m2)
Rapport E/C
0,70
0,62
50 0,55
0,47
0,40
0
1 4 7 28
Durée de cure (jours)
Figure 3.33 : influence de la durée de cure sur la perméabilité au gaz de bétons gâchés
à différentes teneurs en eau, d’après [DHI 89I].
Les perméabilités des bétons sont mesurées à la même échéance de 28 jours. L’augmentation de la
durée de cure initiale (effectuée ici dans l’eau) se traduit par une diminution de la perméabilité. L’in-
fluence de la durée de cure est bien plus importante pour les bétons préparés avec de fortes teneurs
en eau.
Différents produits de cure peuvent être utilisé pour diminuer les départs d’eau ;
le tableau 3.3 indique l’efficacité de certains d’entre eux. Une cure humide ou
l’utilisation d’une émulsion de cire peut réduire la porosité superficielle d’environ
15 % et diviser pas 2,5 le diamètre moyen des pores.
Tableau 3.3 : influence de différentes techniques de cure sur la porosité totale
et le diamètre moyen des pores de mortiers âgés de trois jours, d’après [GOW 90].
Porosité au mercure Diamètre moyen des pores
Méthode de cure
(%) (nm)
3 jours de cure humide 20,1 80
Émulsion acrylique 22,9 128
Émulsion de cire 20,9 90
Sans cure humide 24,1 228
Conditions de conservations : 35 °C, 45 % HR, vitesse du vent 3 m/s.
Composition : ciment/sable = 1/2,9 – E/C = 0,48.
93
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Au bilan, le résultat global de ces différents effets est a priori incertain. Les don-
nées expérimentales, peu nombreuses, montrent que les perméabilités des bétons
et des mortiers préparés avec le même rapport E/C et des granulats peu poreux
sont du même ordre de grandeur [LOB 03]. Sur le plan pratique, le résultat prin-
cipal concerne l’influence de la taille maximale des granulats sur la perméabilité
des bétons. Pour un Dmax variant de 10 à 20 mm, il n’y a pas de variation signifi-
cative de perméabilité aussi bien pour des bétons courants que pour des bétons à
hautes performances (BHP) formulés en optimisant leur squelette granulaire.
94
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
95
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1 000
Kair (10–18 m2)
100
10
1
0 20 40 60 80 100 120
fc28j (MPa)
96
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
97
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
98
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
99
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
100
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
Le flux dû à ce potentiel de membrane s’exerçant sur un ion i est donné par la re-
lation :
∂ψ
J i, x = – u i c i ------- (16)
∂x
ci étant la concentration de l’espèce i au point considéré et ui sa mobilité ionique.
Le flux total est la somme de la contribution due au gradient de concentration,
donnée par la première loi de Fick, et de celle due au potentiel de membrane soit :
∂c i ∂ψ
J i, x = – D i ------- – u i c i ------- (17)
∂x ∂x
La mobilité ionique est reliée au coefficient de diffusion par l’équation de Nernst-
Einstein :
Di zi F
u i = -------------
- (18)
RT
En portant cette valeur dans la relation précédente on obtient l’équation de
Nernst-Planck :
∂c i z i F ∂ψ
J i, x = – D i ------- – ------- c i D i ------- (19)
∂x RT ∂x
où F est la constante de Faraday, R la constante des gaz parfait et T la température.
Si on considère cette fois la diffusion dans un matériau poreux, la relation donnant
le flux effectif s’établit de façon analogue et on peut écrire :
∂c i z i F ∂ψ
J e, i, x = – D e, i ------- – ------- c i D e, i ------- (20)
∂x RT ∂x
Dans la pratique, le flux d’un ion est généralement exprimé par la première équa-
tion de Fick. Remarquons qu’il s’agit là d’une simplification, puisqu’en procé-
dant ainsi on ne prend pas en compte les interactions électriques créées par les
autres ions de la solution interstitielle. Les erreurs commises en faisant cette sim-
plification ne sont pas très importantes, mais elles expliquent des résultats qui se-
raient inexplicables par la loi de Fick. Nous y reviendrons dans le
paragraphe 4.1.4 consacré à la mesure du coefficient de diffusion effectif. Dans
ce qui suit nous décrivons la diffusion ionique par la loi de Fick.
4.1.3. La cinétique de pénétration d’une espèce par diffusion,
deuxième loi de Fick
L’équation de continuité appliquée à un élément de volume de solution situé à
l’abscisse x et d’épaisseur dx s’écrit :
101
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
∂c ∂J
----- = – -------x- (21)
∂t ∂x
Je (x) Je (x + dx)
102
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
Les espèces que l’on considère dans le domaine de la durabilité des bétons, réa-
gissent souvent avec le solide. Par exemple le béton se carbonate sous l’effet du
dioxyde de carbone. Il se forme aussi des chloroaluminates de calcium hydratés
lorsque les chlorures diffusent dans le béton. Ces réactions retardent la pénétra-
tion des espèces dans le béton et les lois précédentes doivent être modifiées en
conséquence.
L’équation (23) peut être réécrite en considérant que la concentration totale en es-
pèce diffusante C est la somme de deux termes Cl et Cf, respectivement les con-
centrations de l’espèce diffusante à l’état « libre » dans la phase support et à l’état
« fixé » par le solide.
Les concentrations sont généralement rapportées aux quantités qui les contiennent soit
en mole par m3 de solution pour les espèces libres (notation cl) ou en mole par kg de
solide pour les espèces fixées (notation cm,f). L’équation (24) s’écrit alors :
2 2
∂c l De ∂ c ∂ cl
------- = -------------------------------------------------------------- ----------l = D a ---------- (25)
∂t p o + ( 1 – p o )ρ s ∂c m, f ⁄ ∂c l 2 ∂x
2
∂x
Le coefficient de diffusion apparent Da des milieux poreux réactifs dépend du
coefficient de diffusion effectif, de la porosité ouverte po mais aussi des interac-
tions par le biais de la quantité ∂c m, f ⁄ ∂c l , appelée capacité de fixation et qui est
la pente de la courbe cm,f = f (cl) appelée isotherme d’interactions. Dans le cas des
chlorures, cette isotherme est déterminée en mesurant les quantités de chlorures
consommées par le béton dans des solutions à différentes concentrations
[AFG 07]. La figure 3.35 montre que cette isotherme n’est pas linéaire et, par con-
séquent, le coefficient de diffusion apparent Da dépend de la concentration.
103
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
16
12
10
8
E/C = 0,4, pâte de CEM I
6 E/C = 0,6, pâte de CEM I
E/C = 0,8, pâte de CEM I
4 mortier C-S-E = 1-2-0,4
mortier C-S-E = 1-2-0,6
2 mortier C-S-E = 1-2-0,8
0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Chlorures (mol/L de solution)
104
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
La durée permettant d’obtenir le régime permanent est très longue (plus d’un an
pour un béton courant de 3cm d’épaisseur. Le temps de mesure n’est donc pas
compatible avec les exigences de contrôle de qualité ou de mise au point d’une
formule de béton. Dans la pratique et pour les espèces ioniques, on réalise des es-
sais accélérés en appliquant un champ électrique extérieur (figure 3.37).
9
8
7
QL/c0 (10–6 m2)
6
5
4
3
2
1
0
0 50 100 150 200
Durée (jours)
105
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Valve de contrôle
des volumes 3,5
du côté anodique
Gain en Cl– (g)
Anode (+) Cathode (-)
2,5
2
Anions
1,5
Cations Valve d'évacuation
1
2OH– H2O + 1/2O2 + 2e– H2O + e– 1/2H2 + OH– 0,5
Comme pour l’essai de diffusion simple, l’essai sous champ électrique présenté à
la figure 3.37 permet de mesurer le coefficient de diffusion effectif. Du fait de la
simplification adoptée dans le calcul, le résultat obtenu dépend des conditions aux
limites (concentration des solutions, différence de potentiel appliquée). D’autres
essais permettent de déterminer le coefficient de diffusion apparent. Ces essais
sont réalisés en régime non permanent. Les plus utilisés sont l’essai d’immersion
et l’essai de pénétration sous champ électrique et font l’objet d’une normalisation.
L’essai d’immersion (NT Build 443) est basé sur la deuxième loi de Fick. Les
échantillons à tester sont immergés 35 jours à 23 °C dans une solution à 165 g/L
de NaCl (figure 3.38).
106
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
Revêtement
étanche DIFFUSION Csa Profil des chlorures
en chlorures totaux
Concentration
Courbe ajustée
Points
expérimentaux
Béton
Ci
Dans cette relation, t est le temps d’’immersion et les concentrations sont exprimées en mole/m3 de
liquide interstitiel. ct,s et ct,initial sont les concentrations de la solution d’immersion et de la solution in-
terstitielle du béton avant immersion (en général proche de zéro). La fonction erfc(y) est définie par
y
2
2
∫
u du
erfc ( y ) = 1 – ------- e et tabulée dans les bases de données mathématiques classiques.
π
0
Les concentrations mesurées pour la détermination expérimentale du profil sont en général expri-
mées en mole ou kg de chlorure par kg de béton. La relation (27) peut s’écrire avec ces nouvelles
unités :
x
c m, t = c m, t, initial + ( c m, t, s c m, t, initial )erfc ----------------- (28)
( x, t )
aD a t
Le profil expérimental est calé avec la relation (28) et le coefficient de diffusion apparent est obtenu
en recherchant le meilleur calage possible.
Le calcul du coefficient de diffusion apparent selon cette méthode est basé sur un
grand nombre d’hypothèses (première loi de Fick applicable, interactions linéai-
res, matériau homogène dans la direction de pénétration des chlorures). Elle pré-
sente néanmoins l’avantage de fournir un coefficient dans les conditions
naturelles de diffusion et dans un délai raisonnable. Cette méthode est aussi à la
base de modèles de prédiction de la pénétration des chlorures, car elle permet de
107
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
a
b
c
f
d
g
e
h
Figure 3.39 : schéma de principe de la méthode CTH NT BUILD 492, d’après [TAN 96].
La pénétration des chlorures dans l’éprouvette est accélérée par une différence de potentiel. À la fin
de l’essai, l’éprouvette est rompue par fendage, et la profondeur de pénétration est mesurée au
moyen d’un révélateur coloré : du nitrate d’argent. La différence de potentiel est choisie de telle sorte
qu’à la fin de l’essai, qui dure 24 heures, le front de pénétration des chlorures n’atteigne pas la face
de sortie de l’éprouvette. Le réglage de la tension est effectué sur la base de la mesure du courant
traversant l’échantillon au début de l’essai. Le coefficient de diffusion apparent est calculé au moyen
d’une formule empirique.
108
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
50 Pâtes CEM I
10–10 Pâtes CEM I
Pâtes CEM V
40 Pâtes CEM V
De(m2/s)
30 10–11
20
10–12
10
10–13
0 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80
0,20 0,30 0,40 0,50 0,60
Rapport E/C Rapport E/C
(a) (b)
Figure 3.40 : variation de la porosité à l’eau et du coefficient de diffusion effectif de pâtes
de ciments CEM I et CEM V en fonction du rapport E/C, d’après [BEJ 06].
Les porosités à l’eau des pâtes de ciments de type CEM V sont un peu plus grandes que celles des
pâtes de CEM I de même rapport E/C (figure a). Les coefficients de diffusion portés sur la figure b
sont des coefficients de diffusion effectifs de l’eau tritiée mesurés sur des échantillons matures. Pour
un rapport E/C donné, le coefficient de diffusion des pâtes de CEM V est environ 10 fois plus petit que
celui des pâtes de CEM I malgré une porosité plus grande. La figure montre que la géométrie de la
structure poreuse joue un rôle important dans la diffusion.
Plusieurs relations empiriques ont été proposées pour rendre compte de la variation
du coefficient de diffusion des pâtes de ciment avec la porosité mais elles ne pré-
sentent pas de caractère général puisqu’elles dépendent des matériaux (voir la fi-
gure 3.40). S’il n’existe pas de modèles prédictifs satisfaisants pour les pâtes et
bétons, la figure 3.40 montre que le coefficient de diffusion effectif croît avec la
porosité et qu’il est influencé par la structure poreuse : à porosité égale, les pâtes
de ciment de type CEM V contiennent plus de pores de petites tailles. Ce résultat
semble contredire le fait que le coefficient de diffusion effectif est indépendant de
la taille des pores. En fait, c’est la plus grande tortuosité dans les pâtes de ciment
de type CEM V qui serait responsable de la diminution du coefficient de diffusion.
109
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
35
30
De(10-12m2/s)
25
20
15
10
0
0,25 0,35 0,45 0,55 0,65 0,75 0,85
E/C
Figure 3.41 : influence du rapport E/C sur le coefficient de diffusion des bétons,
d’après [TAN 03].
110
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
3
Mortiers E/C=0,32 Mortiers E/C=0,55
2,5 Bétons E/C=0,32 Bétons E/C=0,55
2
De(10-12m2/s)
1,5
0,5
0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22
3,5
2,5 CEM I
De(10-12m2/s)
1,5
1
Bétons de ciments
0,5 composés
0
10 11 12 13 14 15 16 17
111
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Les matériaux pouzzolaniques tels que les cendres volantes ou la fumée de silice
peuvent aussi être utilisés comme addition minérale en substitution partielle au ci-
ment et leur effet est aussi bénéfique que lorsqu’ils sont incorporés dans le ciment
(figure 3.44). Il est intéressant de noter que l’utilisation conjointe de fumée de si-
lice et de cendres volantes peut réduire très fortement le coefficient de diffusion
des bétons.
40 10
CEM I CEM I
De (10-12m2/s)
De (10-12m2/s)
30 FS 8 FS
CV CV
6
20 CV + SF CV + SF
4
10
2
0 0
0,25 0,35 0,45 0,55 0,65 0,75 0,85 0,25 0,3 0,35 0,4 0,45
E/C E/L
Figure 3.44 : influence de l’addition de fumée de silice et de cendres volantes
sur le coefficient de diffusion effectif des chlorures dans le béton [TAN 03].
Les diagrammes sont présentés soit en fonction du rapport E/C soit en fonction du rapport E/L. Les
additions de cendres volantes et de fumée de silice entrainent une diminution du coefficient effectif
des chlorures. On peut noter le très faible coefficient de diffusion obtenu grâce à l’addition d’un mé-
lange de cendres volantes et de fumée de silice.
Au paragraphe 3.3.3, lorsque nous avons présenté l’influence des additions miné-
rales sur la perméabilité des bétons, nous avons indiqué qu’il valait mieux com-
parer des bétons confectionnés à même résistance plutôt que de faire les
comparaisons à même rapport eau/ciment ou eau/liant. Malheureusement, les
données ne sont pas nombreuses dans le cas de la diffusion. Figure 3.43, la com-
paraison peut être faite pour une porosité donnée. Les améliorations obtenues
avec les ciments composés s’expliquent par la segmentation du réseau poreux.
Les résultats sont comparables à ceux obtenus sur pâtes (voir la figure 3.40).
Quelques données permettent toutefois de conclure quant à l’effet bénéfique des
cendres volantes. À titre d’exemple, il a ainsi été montré dans le projet national
BHP 2000, que le coefficient de diffusion effectif d’un béton de résistance à
A
28 jours de 58 MPa préparé avec un taux de cendres volantes -------------- = 0 ,3 est
A+C
deux fois plus petit que celui d’un BHP de 75 MPa confectionné avec du CEM I
sans addition [BAR 05].
4.3.4. Diffusion dans les BHP
Le coefficient de diffusion effectif des bétons diminue lorsque la résistance aug-
mente comme l’illustre la figure 3.45.
112
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
Le coefficient de diffusion des BHP est inférieur à celui des bétons courants d’un
facteur de 100 à 1000. L’autodessiccation des BHP et la microfissuration qui
pourrait en résulter ne conduisent pas à une augmentation du coefficient de dif-
fusion.
Notons qu’au laboratoire les échantillons sont saturés sous vide avant les essais
alors qu’en service, du fait de leur autodessiccation, les BHP sont probablement
moins saturés et les possibilités de diffusion sont plus faibles. Ce point est discuté
au titre suivant.
100
10
De, cl-(10-12m2/s)
0,1
0,01
0,001
0 20 40 60 80 100 120 140
fc28j(MPa)
113
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
certains cas, le matériau est comprimé après coulage. La ductilité est assurée grâce à
l’introduction de fibres métalliques très fines.
Avantage principal : la durabilité
La structure poreuse de ces matériaux se caractérise par une absence de porosité ca-
pillaire et une porosité à très petite échelle non interconnectée : ceci se traduit par des
propriétés de transfert très améliorées par rapport aux bétons courants comme le mon-
trent les résultats du tableau suivant. En outre, l’existence de clinker résiduel en gran-
de quantité peut permettre la « cicatrisation » du matériau.
Comparaison des principaux indicateurs de durabilité pour les différentes familles de
bétons
Béton d’usage courant (BC) ; béton à hautes performances (BHP) ; béton à très hautes
performances (BTHP) ; béton fibré ultraperformant (BFUP) :
Indicateur de durabilité Méthode utilisée BC BHP BTHP BFUP
Porosité à l’eau (%) AFREM-AFGC 14-20 10-13 6-9 1,5-5
Perméabilité
AFREM-AFGC 10– 16 10– 17 10– 18 < 10– 19
à l’oxygène (m2)
Coefficient de diffusion Régime permanent
2 . 10– 11 2 . 10– 12 2 . 10– 13 2 . 10– 14
du tritium (m2/s) – Diffusion libre
Référence : AFGC, Bétons fibrés à ultra hautes performances (BFUP) Recommandations provisoires, jan-
vier 2002.
Encadré rédigé par Myriam Carcassès.
114
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
De(S)
De(S = 1)
1
0,75
0,5
0,25
0 S
0 0,25 0,5 0,75 1
Les transferts gazeux sont aussi influencés par l’état de saturation du matériau. Le
coefficient de diffusion des gaz dans l’air étant environ 10 000 fois plus élevé que
dans l’eau, si le séchage du béton permet l’existence d’un chemin continu empli
d’air au travers des pores, le coefficient de diffusion des gaz augmente fortement.
C’est ce que montre la figure 3.47.
115
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
10 –5
10 –7
10 –13
0 20 40 60 80 100
Humidité relative (%)
116
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
0,55
Coefficient de diffusion effectif
0,55 PM
(10–12 m2/s)
4 7 11 14
Âge (jours)
Figure 3.48 : influence de l’âge d’un béton sur le coefficient de diffusion effectif
des chlorures [TRU 00].
Le béton de l’étude est un béton de CEM I ou de CEM I PM (E/C = 0,55). Le coefficient de diffusion,
mesuré au moyen d’une méthode accélérée sous champ électrique, diminue rapidement dans les pre-
miers jours.
117
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
80 80
28 jours 180 jours
Coefficient de diffusion (. 10–13 m2/s)
Eau à 23 °C Eau à 23 °C
40 40
Air à 23 °C, 55 % HR Air à 23 °C, 55 % HR
20 20
2
2
1
1
0 0
20 30 40 50 60 70 20 30 40 50 60 70
(a) (b)
Figure 3.49 : influence de la cure sur le coefficient de diffusion effectif des chlorures
dans le béton, d’après [DHI 93].
Les coefficients de diffusion sont mesurés au moyen d’une méthode accélérée sous champ électri-
que. Ils sont portés sur l’axe des ordonnées en fonction de la résistance à la compression de bétons
de ciment Portland mesurées à l’âge de 28 jours après conservation dans l’eau à 23 °C.
Deux modes de cure ont été retenus :
– dans l’eau à 23 °C jusqu’au moment de l’essai (courbes 1) ;
– dans l’air à 23 °C et 55 % HR après démoulage à 1 jour (courbes 2).
Les résultats à 28 jours (a) montrent que la cure dans l’eau réduit le coefficient de diffusion et ceci
d’autant plus que la résistance mécanique du béton est faible.
Après 6 mois (b), la valeur du coefficient de diffusion est devenue beaucoup plus petite pour les bé-
tons conservés sous eau, alors que, pour les bétons conservés à l’air sec, elle n’a pas évolué, con-
servant la valeur qu’elle avait à 28 jours.
118
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
5. LE SÉCHAGE NATUREL
5.1. Les processus physiques et leur modélisation
Lorsque l’on fabrique un béton ordinaire, la quantité d’eau utilisée est supérieure
à celle nécessaire à l’hydratation. Le béton contient donc dans sa porosité de l’eau
liquide et a une humidité interne très élevée. Lorsque l’humidité externe est plus
faible que celle du béton, le processus de séchage naturel a lieu.
Le séchage naturel du béton est un phénomène lent (une éprouvette de diamètre
16 cm mettra environ 10 ans pour être en équilibre avec l’atmosphère extérieu-
re) et qui joue un rôle important dans un grand nombre d’autres phénomènes
(carbonatation, retraits, fluage, alcali-réaction…).
Sa compréhension et sa modélisation revêtent donc une grande importance pour
les structures en béton. Mais c’est un phénomène complexe qui fait intervenir
beaucoup de mécanismes : diffusion, perméation, sorption et des couplages avec
d’autres phénomènes : hydratation, comportement mécanique…
Si nous considérons les trois phases présentes dans la porosité du béton, l’eau li-
quide, la vapeur d’eau et l’air sec, nous pouvons écrire [MAI 2001] :
– la conservation de la masse de chacun des constituants ;
– la loi de Darcy appliquée au transport de l’air humide et de l’eau liquide ;
– les équations d’état (l’air sec et la vapeur d’eau sont des gaz parfaits, l’eau
liquide est incompressible) ;
– la succion capillaire pc, différence entre la pression de gaz et celle du liquide,
en fonction de la saturation ;
– la loi de Clapeyron en condition isotherme qui donne une relation entre la pres-
sion de liquide et la pression de vapeur.
Si la pression totale de gaz est égale à la pression atmosphérique, la dernière re-
lation est alors la loi de Kelvin, qui permet de relier la succion capillaire à l’hu-
midité relative. Dans ce cas, on peut montrer que le séchage se réduit à (cf.
[BAZ 72, MEN 88, XI 94, DAI 88] par exemple) :
∂w
------- = div ( D ( w )gradw )
∂t
où w est la teneur en eau du béton. Chez certains auteurs cette relation est expri-
mée en fonction de l’humidité relative interne h du béton. Mais comme h et w peu-
vent être reliés par une relation de sorption (cf. § 2.1.3) les deux écritures sont
équivalentes. La diffusivité D (w) est une diffusivité apparente qui varie de ma-
nière très non linéaire avec la teneur en eau, devenant très faible lorsque w dimi-
nue (le séchage devient de plus en plus lent au cours du temps).
119
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Toutefois, Mainguy a montré que l’hypothèse selon laquelle la pression de gaz est
égale à la pression atmosphérique n’était pas la plus probable : compte tenu de la
faible perméabilité du béton, il semble que la pression totale de gaz devienne plus
forte que la pression atmosphérique [MAI 2001]. Dans ce cas, il a montré égale-
ment que l’essentiel du transport se faisait par l’eau liquide et dépendait donc, de
par la loi de Darcy, de la perméabilité (ce qui fait que le séchage peut être une mé-
thode inverse permettant d’estimer la perméabilité, cf. [BAR 99]). On a donc éva-
poration de l’eau liquide en zone superficielle du béton, ce qui entraîne un
gradient d’eau liquide entre la surface et le cœur ainsi qu’un flux d’eau vers l’ex-
térieur jusqu’à l’équilibre entre les états hydriques externe et interne.
Si l’on ne considère que le transport de l’eau liquide, on retrouve une équation du
type de celle présentée plus haut. La non-linéarité de la diffusivité apparente pro-
vient dans ce cas des relations saturation/pression capillaire, d’une part, et de la
relation saturation-perméabilité relative à l’eau, d’autre part.
Ceci explique pourquoi la plupart des modèles, bien que reposant sur des hypo-
thèses physiques assez différentes, permettent néanmoins de retrouver, dans la
plupart des cas par une approche phénoménologique de l’expression D (w), les
courbes de perte en masse et les profils de teneur en eau. On notera enfin que cette
équation implique un effet d’échelle dans le phénomène de séchage : si on double
l’épaisseur d’une structure, elle mettra quatre fois plus de temps à sécher. Ceci si-
gnifie aussi que, pour des structures très massives, l’état d’équilibre hydrique ne
sera jamais atteint pendant la durée de service de l’ouvrage considéré et que, seule
la peau du béton, aura séché.
5.2. La mesure de suivi du séchage
Le calage de la relation D (w) nécessite au moins la mesure d’une courbe de perte
de masse. Ceci ne présente pas de difficultés tant qu’il s’agit d’une éprouvette si
ce n’est la maîtrise des conditions aux limites. Pour une structure réalisée en la-
boratoire cela reste encore possible (voir par exemple [MUL 04]). Évidemment,
pour une structure réelle, cela devient irréalisable. De plus, cette mesure est glo-
bale et ne donne pas d’information sur l’allure des gradients de teneur en eau qui
se développent au cours du séchage.
Pour cela, on a besoin de mesures locales. On peut, bien sûr, implanter dans la
structure des sondes d’humidité relative ou des sondes capacitives. Les sondes
d’humidité relative sont des sondes placées dans des cavités à l’intérieur du béton
et qui mesurent donc l’humidité relative de l’air contenu dans la cavité [PAR 88,
AND 99, MUL 04]. Les sondes capacitives sont constituées de deux électrodes
cylindriques en acier inoxydable disposées avec un écartement donné (20 mm par
exemple, cf. [GOD 00]). La mesure de la permittivité électrique entre ces deux
120
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
0,0 0,0
– 0,5 – 0,5
– 1,0 – 1,0
Notons enfin que la comparaison de l’intégration des mesures locales (sondes capaci-
tives ou gammadensimétrie) et des pesées montre un bon accord [BAR 94, GOD 00].
121
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
122
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
0,95
0,85
0,8
0,75
0,7
0 1 2 3 4
Perte en masse (%)
35
Résistance en compression (MPa)
30
25
20
15
0 1 2 3 4
Perte en masse (%)
Figure 3.52 : effet du séchage sur la résistance en compression [BUR 05].
123
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
18
16
14
12
10
8
0 20 40 60 80 100
Humidité relative (%)
Figure 3.53 : relation entre le coefficient de dilatation thermique et l’humidité relative
d’une pâte de ciment [NEV 00].
124
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
1,E-16
Béton courant
4,E-17
2,E-17
0,E+00
0 20 40 60 80 100
Taux de saturation moyen (%)
3,E-17
BHP
Perméabilité intrinsèque (m²)
palier de HR
AFPC-AFREM
régression
2,E-17 logarithmique
1,E-17
0,E+00
0 20 40 60 80 100
Taux de saturation moyen (%)
125
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1,2
0,8
f (HR)
0,6
0,4
0,2
0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2
HR
126
La structure poreuse des bétons et les propriétés de transfert
1,2
0,8
f (HR)
0,6
0,4
0,2
0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2
HR
Figure 3.57 : influence de l’humidité relative sur la cinétique de corrosion [PET 00].
6. CONCLUSION
Dans ce chapitre nous avons montré que la perméabilité et la diffusion dépendent
de l’interconnexion des pores capillaires. La porosité capillaire est principalement
liée au rapport E/C et à l’hydratation du ciment. Les effets de la cure sur la dura-
bilité des bétons sont très importants. À titre d’exemple, dans les bétons de
CEM I, la perméabilité à 28 jours peut ainsi être réduite d’un facteur 3 par l’allon-
gement de la durée de cure de 12 à 72 heures. La cure affecte principalement la
peau du béton. Cette partie extérieure est enrichie en ciment et du soin apporté à
ses conditions d’hydratation dépend la qualité du béton, en l’occurrence son apti-
tude à s’opposer à la pénétration des agents agressifs et à retarder la corrosion des
armatures.
La qualité du béton dépend aussi du granulat, et il convient en particulier de soi-
gner la courbe granulaire afin d’optimiser le squelette granulaire.
Le rapport E/C est le facteur principal de la durabilité mais en utilisant des ci-
ments de type CEM II, III, IV ou IV ou des additions minérales, il est possible
d’améliorer encore la structure poreuse en réduisant la dimension des plus gros
pores. Compte tenu de la faible réactivité des cendres volantes ou des laitiers de
haut-fourneau par comparaison à celle du clinker, les bétons préparés avec ces
produits sont encore plus sensibles aux conditions de cure que ceux préparés avec
du ciment de type CEM I : l’allongement de la durée de cure de 12 à 72 heures
réduit la perméabilité d’un facteur 7.
Dans ce chapitre nous avons défini la perméabilité et le coefficient de diffusion
effectif pour rendre compte des transferts. Les lois qui les définissent, loi de Dar-
cy et loi de Fick, ont un champ d’application limité. En pratique, cela complique
la mesure de ces grandeurs et l’élaboration de modèles prédictifs des transferts.
127
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Des méthodes de mesure ont été mises au point en France et il convient de s’y ré-
férer.
Réduire l’interconnexion des pores capillaires peut ne pas toujours réduire la per-
méabilité ou la diffusion autant qu’on l’attendrait : des microfissures apparaissent
qui peuvent court-circuiter le réseau capillaire. Cet effet n’est pas préjudiciable
aux transferts dans les BHP.
En service, le séchage du béton modifie les possibilités de transfert. La diffusion
ionique est ralentie alors que la diffusion gazeuse et la perméabilité au gaz sont
augmentées. Le séchage peut aussi être source de fissuration (voir chapitres 5 et
6) et faciliter la pénétration d’espèces agressives extérieures.
Porosité, perméabilité, coefficient de diffusion sont des critères physiques de du-
rabilité des bétons. Ils pourront être choisis dans une approche performantielle de
la durabilité (chapitre 8). La résistance au gel, comme on le verra au chapitre 10,
appelle un autre critère. Ces critères doivent être complétés en présence des réac-
tions chimiques (chapitres 4, 9, 11 et 12).
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D. DAMIDOT, P. LE BESCOP
Résumé
La stabilité chimique des hydrates est fonction des conditions dans lesquels ils se
trouvent. Elle peut être évaluée à partir d’une approche thermodynamique qui
permet de connaître les états d’équilibre à partir de l’analyse de la solubilité des
phases solides dans l’environnement considéré. L’aspect cinétique de la stabilité
ou de la transformation des hydrates dans le béton est principalement estimé à
travers une approche de transport réactif qui met en jeu les lois classiques de
transport de masse. Généralement, seul un gradient de concentration est pré-
sent, et donc les lois de Fick gouvernent la cinétique de la dégradation, et l’épais-
seur de béton dégradée évolue en fonction de la racine du temps. Les approches
thermodynamiques et les aspects cinétiques sont présentés dans deux cas : l’at-
taque par l’eau pure et l’attaque sulfatique externe. Ces exemples illustrent les
possibilités offertes par la modélisation pour décrire les dégradations du béton
par des attaques chimiques.
Mots-clés
STABILITÉ CHIMIQUE, SOLUBILITÉ, ÉQUILIBRE, DIFFUSION, LIXIVIATION, DIAGRAMMES DE
PHASES, TRANSPORT DE MASSE, LOIS DE FICK, CARBONATATION, EAU DE MER, ATTA-
QUE SULFATIQUE
135
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
Les lois qui gouvernent l’hydratation du ciment, c’est-à-dire l’évolution des pha-
ses anhydres au contact de l’eau en phases hydratées, gouvernent de la même ma-
nière l’évolution des phases hydratées si elles sont mises en contact avec un
milieu dans lequel des phases moins solubles sont susceptibles d’exister. Dans le
premier cas, les réactions entre des grains en suspension dans une phase aqueuse
conduisent rapidement à la transformation partielle du produit de départ en phases
hydratées et à la formation d’un solide de microstructure complexe. Ces réactions
sont alors cinétiquement limitées par des phénomènes de diffusion. Dans le se-
cond cas, c’est-à-dire l’évolution d’une pâte de ciment durcie soumise à un envi-
ronnement extérieur, c’est à travers la surface externe, la surface développée par
les pores capillaires et les nanopores, que les différentes phases hydratées qui
constituent le solide massif vont être en interaction avec le milieu extérieur ; cette
interaction sera donc d’autant plus limitée que la porosité capillaire sera fermée.
Il convient en effet de rappeler qu’un matériau cimentaire a un pH très basique et
donc bien différent de son environnement qui sera le plus souvent de pH neutre
ou acide. L’exemple le plus simple concerne la carbonatation : le gaz carbonique
se dissout dans la solution interstitielle basique contenue dans les pores au contact
de l’atmosphère en donnant des ions carbonate. Ceux-ci précipitent avec les ions
calcium sous forme de calcite moins soluble que la portlandite qui se dissout tant
que le CO2 peut pénétrer dans les pores. Si la porosité de la pâte de ciment est suf-
fisamment faible, la précipitation de calcite tend alors à fermer celle-ci et empê-
che le CO2 de pénétrer la structure : c’est l’effet de peau bien connu. On met ainsi
en évidence les deux facteurs déterminant l’évolution de la pâte de ciment durcie
dans un environnement donné : le facteur thermodynamique qui contrôle la stabi-
lité des hydrates en fonction des conditions extérieures, et le facteur microstruc-
tural, en particulier la structure poreuse, qui contrôle l’accessibilité des agents
extérieurs aux phases hydratées à travers la solution interstitielle. Ces deux as-
pects sont successivement repris dans les deux parties de ce chapitre.
136
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
Si les hydrates sont en interaction avec une solution dans laquelle ils ne sont pas
en équilibre, cela conduit à leur dissolution et à la précipitation possible d’autres
phases moins solubles.
Une approche purement basée sur la thermodynamique, qui ne s’intéresse qu’à
l’état initial et à l’état final sans considération cinétique, peut déjà donner des in-
formations très utiles sur le devenir d’une matrice cimentaire exposée à un envi-
ronnement donné, puisqu’il est possible de savoir si les phases de la matrice
initiale sont stables dans le milieu considéré. Dans le cas contraire, il est aussi pos-
sible de déterminer les phases qui remplaceront les phases initiales. Ainsi, il de-
vient envisageable, par cette première approche, de tester différentes hypothèses
d’une formulation devant résister de façon optimale à un environnement donné.
Par ailleurs, la connaissance des diagrammes de phases qui découlent de l’appro-
che thermodynamique, permet bien souvent d’interpréter de nombreuses expé-
riences de durabilité rapportées dans la littérature qui semblent, a priori,
contradictoires car non réalisées dans les mêmes conditions ou pour les mêmes
compositions. Généralement, la composition de la phase aqueuse représentative
du milieu extérieur et la température seront les deux paramètres majeurs pour fai-
re évoluer les hydrates. Afin d’apporter quelques éléments de réflexion pour les
chapitres suivants, nous allons considérer, à titre d’exemple, ce que prévoit la
thermodynamique quant à l’évolution des phases hydratées de la pâte de ciment
en présence d’eau pure (cas de la lixiviation), d’eau contenant des carbonates (cas
de la carbonatation), puis d’eau contenant des sulfates (cas de l’attaque sulfati-
que). L’effet de la température sera illustré dans ce dernier cas. Dans cette appro-
che, les seules données à connaître sont les constantes d’équilibre
thermodynamiques à prendre en compte c’est-à-dire les produits de solubilité des
hydrates qui se dissolvent mais aussi des hydrates ou solides qui peuvent précipi-
ter à partir de la solution. Nous admettrons ici que la précipitation d’un solide dé-
bute dès que la solution devient sursaturée vis-à-vis de ce solide.
2.1. Simulation thermodynamique de la lixiviation par l’eau pure
Pour illustrer cette approche, nous allons considérer le devenir de C-S-H1 et CH
issus de l’hydratation complète de 10 g de C3S, soient 74,5 mmol de C-S-H (de
rapport C/S de 1,7 noté C-S-H(SII)) et 57 mmol de CH. Le calcul revient à faire
l’expérience suivante : les hydrates finement broyés et initialement placés dans un
litre d’eau pure sous agitation vont se dissoudre pour atteindre leur équilibre de
solubilité. Une fois cet équilibre atteint, la solution est renouvelée, et un nouvel
état d’équilibre est atteint, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’ensemble des phases
137
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0 m n 0
d’où : ΔG r = ΔG r + RT ln ( a M a N … ) = ΔG r + RT ( IAP ) tel que IAP = produit
des activités des ions.
0
À l’équilibre on a ΔG r = – RT ln K avec K la constante de solubilité,
IAP
donc ΔG r = RT ln ⎛ ----------⎞ = RT ln β , tel que β est l’indice de saturation encore
⎝ K ⎠
noté SI.
La valeur de l’indice de saturation des solides permet de savoir si :
– la solution est sous-saturée par rapport au solide (SI < 0) ;
– la solution est en équilibre avec le solide (SI = 0) ;
– la solution est sursaturée par rapport au solide (SI > 0).
138
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
• SH + C-S-H(SI) + aq.
• C-S-H(SI) + C-S-H(SII) + aq.
• C-S-H(SII) + CH + aq.
Les concentrations au niveau des trois plateaux de concentration en calcium cor-
respondent donc bien à celles des trois points invariants. Ainsi, en reprenant le
diagramme de phases à partir du point invariant de départ, C-S-H(SII) + CH + aq.,
puis en suivant le diagramme en allant vers des concentrations plus faibles en cal-
cium, on s’aperçoit qu’il va y avoir une succession de différentes phases en équi-
libre avec la solution. Les quantités des différentes phases peuvent être calculées
(figure 4.1c) permettant ainsi de bien mettre en évidence cette succession d’étapes
de dissolution/précipitation.
En présence d’eau pure, la stabilité des hydrates C-S-H, CH et SH est très diffé-
rente. La portlandite, qui est moyennement soluble, est complètement dissoute
après seulement trois renouvellements. De façon opposée, la silice amorphe reste
présente après avoir équilibré 60 fois le système avec de l’eau pure alors qu’il y
a dissolution complète du C-S-H. La silice amorphe est très peu soluble, ce qui
induit une concentration à l’équilibre proche de l’eau pure, et ainsi elle reste pré-
sente jusqu’à 5183 renouvellements.
0,025
Ca total
Si total
0,02
Concentration (mol/kg)
0,015
0,01
0,005
0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)
139
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
13
12
11
10
pH
9
6
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)
(b) pH.
0,09
0,08 CH
C–S–H (SII)
0,07 C–S–H (SI)
Concentration (mol/kg)
SiO2 amorphe
0,06
0,05
0,04
0,03
0,02
0,01
0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)
140
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
[Si] (mmol/k)g
10
SH
C–S–H (SI)
0,1
C–S–H (SII)
CH
0,01
0 5 10 15 20 25
[Ca] (mmol/lkg)
141
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
142
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
[CO3] (mmol/kg)
0,1
calcite
SH
CH
100 C–S–H (SI)
10
[Ca] (mmol/kg)
C–S–H (SII) [Si] (mmol/kg)
0,09
0,08
Concentration (mol/kg)
0,07
CH
0,06 C–S–H (SII)
0,05 C–S–H (SI)
SiO2 amorphe
0,04 Calcite
0,03
0,02
0,01
0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)
143
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
144
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
[SO4] (mmol/kg)
gypse
10
0,1
CH
0,01
0,1 1
100 C3AH6
[Al] (mmol/kg)
[Ca] (mmol/kg)
Considérons maintenant que les ions sulfate sont apportés par la mirabilite
(Na2SO4.10H2O) dont la solubilité est très grande (plusieurs mol/kg). Il convient
donc de connaître le diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-Na2O-
H2O à 25°C qui avec ses quatre constituants hormis l’eau est plus difficile à re-
présenter. Ainsi, pour comparer plus facilement les résultats au diagramme CaO-
Al2O3-CaSO4-H2O précédent, la concentration en NaOH est fixée à 500 mmol/
kg ce qui permet de rester avec une représentation cartésienne à trois axes ortho-
gonaux (figure 4.6).
145
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
[SO4] (mmol/kg)
NaOH = 500 mmol/l
500
gypse
ettringite
AH3
CH C3AH6
10 25
146
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
[Al] (mmol/kg)
[Ca] (mmol/kg)
[SO4] (mM/kg)
300
250
AH3 + ett. + gypse
200
150
100
ettringite
0
0 10 100 250 500
[Na] mM/kg
147
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
[SO4] (mmol/kg)
gypse 10
ettringite
0,1
0,01 monosulfoaluminate
de calcium
CH
0,01
0,1
AH3
40 C3AH6
[Al] (mmol/kg)
[Ca] (mmol/kg)
148
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
sité totale mais aussi connectivité et distribution des pores. Dans ce contexte, les
phénomènes mis en jeu sont :
– un transport de matière entre le matériau et le milieu aqueux externe, pouvant
s’opérer par diffusion ou/et par convection ;
– des réactions chimiques de dissolution/précipitation provoquées par les varia-
tions de concentration résultant du transport de matière.
3.1. Transports de matière
Si l’on considère dans un premier temps le transport non réactif en milieu saturé,
on peut évoquer la diffusion gouvernée par le gradient local de concentration du
soluté, processus détaillé au paragraphe 4 du chapitre 3, et la convection qui est
un entraînement des espèces en solution par le flux d’eau.
3.1.1. La diffusion moléculaire : les lois de Fick
La première loi de Fick relie le flux à travers une surface et le gradient de concen-
tration ; la seconde loi de Fick relie les variations spatiales et temporelles des con-
centrations.
Dans une direction (équations 1D), ces lois s’écrivent respectivement :
∂c
J e, x = – D e ----- (1)
∂x
∂c De ∂2 c
et ----- = ------ -------- (2)
∂t p ∂x 2
avec, Je le flux (en mol.m–2.s–1), De le coefficient de diffusion effectif de l’espèce
diffusante (en m2.s–1) dans le milieu de porosité p et c (x) la concentration à l’abs-
cisse x (en mol.m–3).
Ces équations peuvent être résolues analytiquement dans certains cas simplifiés
comme :
– la diffusion d’un traceur non réactif à travers une lame mince poreuse (voir la
figure 3.36). En portant la quantité cumulée relâchée en fonction du temps, on
obtient aux temps longs un comportement asymptotique linéaire dont la pente
permet de déterminer le coefficient de diffusion effectif De de l’espèce migrante
dans le matériau de porosité p ;
– la lixiviation d’un traceur non réactif. Aux premiers instants, tout se passe
comme si le milieu solide était semi-infini, puisque le relâchement ne concerne
que les premières couches du matériau. La quantité lixiviée varie initialement
comme la racine carrée du temps. En portant la quantité relâchée dans le lixiviat
149
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
150
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
Q
Si ua est la vitesse de convection ( u a = ---- en m.s–1), le gradient temporel de con-
A
∂c ∂c
centration ----- de la seconde loi de Fick est alors à corriger du terme – u a ----- .
∂t ∂x
3.2. Transport réactif
Les évolutions physico-chimiques d’un béton en interaction avec son environne-
ment dépendent principalement des couplages chimie-porosité-transport. Les dis-
solutions/précipitations de minéraux notamment modifient la surface spécifique
du solide, le volume poreux et la distribution des tailles de pores. Or la porosité
(volume et taille) ainsi que son degré de saturation influent fortement sur les pro-
priétés de transport par convection-diffusion. Le nombre et la nature des sites de
sorption ou d’échanges ioniques peuvent également être modifiés. Les modèles
qui tentent de rendre compte de ces phénomènes couplés peuvent donc devenir
rapidement très complexes.
Dans le cas simplifié d’un transport diffusif unidirectionnel dans un béton saturé,
le bilan matière dans un volume élémentaire représentatif d’épaisseur 2dx peut
s’écrire sous la forme :
2
∂c i ∂ c i 1 ∂C i
------- = D a ---------- – --- -------- (5)
∂t 2 p ∂t
∂x
avec :
ci concentration en phase liquide du constituant i (en mole . m–3 de solution) ;
p porosité ;
Ci concentration en phase solide du constituant i (en mole . m–3 apparent de matériau).
A priori, la quantité de constituant i arrivant ou partant par réaction chimique suit
une cinétique de dissolution ou de précipitation. L’approximation de l’équilibre
local peut être formulée dès lors que ces cinétiques sont infiniment plus rapides
que les vitesses de transport d’espèces en solution. Dans le cas des pâtes de ci-
ment, cette hypothèse a été confirmée par Buil [BUI 90] ainsi que par les travaux
d’analyse dimensionnelle de Barbarulo [BAR 00].
Les moyens mathématiques et numériques permettant de résoudre les équations
de diffusion couplées à des réactions chimiques ont été exposés en particulier par
Lichtner [LIC 85, LIC 96]. Des outils permettant de réaliser ces calculs de trans-
port réactif ont été développés notamment pour des modélisations géochimiques
de systèmes hydrogéologiques [VAN 01]. Ce type de codes a été utilisé par exem-
ple pour simuler l’attaque sulfatique externe d’une pâte de ciment CEM I
[PLA 02, BAR 02].
151
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
l0 l1 lk – 2 lk – 1
152
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
8 0,5
5 4 3 2 1 5 4 3 2 1
Portlandite 0,4
6 Monosulfoaluminate
de calcium
mol/L
0,3
mol/L
4 C–S–H
0,2
2
0,1 Ettringite
0 0
0 0,4 0,8 1,2 1,6 0 0,4 0,8 1,2 1,6
Distance de la surface (mm) Distance de la surface (mm)
Profils minéralogiques modélisés pour 3 mois de lixiviation dans une solution à pH 8,5.
5 4 3 2 1
C–S–H Portlandite
Solution C–S–H C–S–H
Gel C–S–H Ettringite
agressive Ettringite Monosulfoaluminate Ettringite 5 4 3 2 1
de cacium Monosulfoaluminate
de calcium
Distribution expérimentale des phases minérales après 3 mois de lixiviation dans une solution à pH 8,5.
153
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0,5
10 000 6,0e-11
0,4
5 000 3,0e-11
0,3
0 0,2 0,0e-11
0 22 0 22 0 22
cca (mol/m3) cca (mol/m3) cca (mol/m3)
154
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
10
mortier
(mol/dm2)
6 béton
2 } Résultats expérimentaux
} Modélisation Diffu-Ca
0
0 5 10 15
Racine carrée du temps (en jours)
155
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
70 portlandite
C-S-H
60 ettringite
Concentration (g/kg)
hydrogrenat
50 gypse
40
30
20
10
0
0 1 2 3 4 5 6
Position (cm)
Figure 4.14 : distribution des phases solides pour un béton de rapport eau/ciment de
0,65, exposé 20 ans à une solution de sulfate de sodium à 10 mmol/L [MAR 02].
La simulation permet de connaître les profils de concentration des différents hydrates dans le maté-
riau après une durée d’exposition donnée. Comme dans le cas d’une exposition dans l’eau pure, la
portlandite est totalement dissoute dans la partie externe du béton. Une zone riche en gypse est pré-
sente dans la zone externe et coexiste avec de l’ettringite.
156
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
portlandite
monosulfoaluminate
Coups/s
Simulation HYTEC
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 1,6 1,8 2,0
Épaisseur (mm)
Figure 4.15 : comparaison entre les profils minéralogiques expérimentaux et ceux issus
du calcul HYTEC pour une pâte de ciment CEM I immergée pendant 12 semaines dans
une solution contenant 15 mmol.L–1 de sulfate de sodium et maintenue à pH 7 [PLA 02].
Les courbes de la partie supérieure représentent l’évolution de l’intensité relative du pic principal de
diffraction des rayons X (DRX) de la portlandite, du gypse et de l’ettringite en fonction de la profondeur
dans le matériau. Elles font apparaître trois zones successives se recouvrant plus ou moins et pro-
gressant au cours du temps :
– une zone de dissolution totale de la portlandite limitée par un front de dissolution abrupt ;
– une zone assez large de précipitation de l’ettringite qui s’étend un peu au-delà du front de dissolution
de Ca(OH)2 ;
– une zone intermédiaire assez étroite de précipitation du gypse, limitée par le front de dissolution de
la portlandite et se superposant à la zone de précipitation de l’ettringite.
Les profils obtenus par simulation sont reportés sur la partie inférieure de la figure. Ils sont globale-
ment similaires aux données expérimentales même si la zone dans laquelle le gypse précipite n’est
pas tout à fait localisée au même endroit.
157
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Porosité
portlandite
0,16
0,14
0,12
Proportion (%)
0,1
0,08
0,06
calcite ettringite
0,04
brucite
gypse
0,02
AFm
chloroaluminate
0
0,5 1 1,5 2
Profondeur (mm)
Figure 4.16 : évolutions après 4 jours simulés des proportions volumiques des espèces
solides en fonction de la profondeur dans le matériau, pour un ciment CEM I
soumis à de l’eau de mer [GUI 04].
D’autres systèmes multi-ioniques naturels ont été modélisés en vue de prédire les
interactions entre un milieu géologique et des structures souterraines en béton
[TRO 06]. Il reste cependant encore difficile de quantifier l’impact de ces réac-
tions chimiques sur les propriétés physiques des matériaux cimentaires.
158
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
0,45 C1,65SH2,45
C1,1SH1,9
0,4
0,35
Fraction volumique (%)
0,3
Porosité
0,25
0,2
0,15
CH
0,1
AFt
0,05
AFm
0
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500
Temps (h)
Figure 4.17 : évolution de la composition minéralogique et de la porosité
d’une pâte de CEM I en fonction du temps à une profondeur donnée lors d’une lixiviation
par une eau pure [GUI 04].
159
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
3,0E-10
2,5E-10
2,0E-10
D (m2/s)
1,5E-10
1,0E-10
Coefficient de diffusion
5,0E-11
0,0E+00
0,000 0,002 0,004 0,006 0,008 0,010
Distance (m)
Figure 4.18 : évolution de coefficient de diffusion effectif dans les différentes zones
créées lors de la lixiviation de la pâte de ciment [KAM 05].
Les modifications de la structure poreuse consécutives à la lixiviation de la pâte de ciment se tradui-
sent par une augmentation du coefficient de diffusion effectif dans la zone dégradée. Les valeurs por-
tées sur cette courbe sont obtenues par calcul.
Toutefois, cette approche est généralement moins efficace dans le cas par exem-
ple de précipitation d’une couche protectrice qui diminue très peu la porosité glo-
bale totale mais très fortement les paramètres du transport [LAG 00]. Les
principaux moyens qui ont été élaborés pour mieux rendre compte des relations
entre la diffusivité des matériaux cimentaires et leur microstructure sont, d’une
part, des modèles d’homogénéisation qui, à partir des fractions volumiques et des
caractéristiques des constituants élémentaires retenus pour décrire le système hé-
térogène, permettent d’évaluer la diffusivité macroscopique [GAR 98, HAS 02,
CAR 03, PIV 04, BAR 06, STO 06], et, d’autre part, des outils numériques capa-
bles de générer des microstructures 3D [GAR 92, BEN 97, NAV 99, YE 03,
BEJ 06].
Si l’on souhaite avoir une approche la plus représentative possible, il convient de
coupler le code de transport réactif avec un code qui, d’une part, génère, puis,
d’autre part, fait évoluer, une microstructure numérique 3D à l’échelle micromé-
trique ou sub-micrométrique. Il est alors possible d’extraire la porosité ainsi que
la distribution des pores et leur connectivité afin de calculer les propriétés de
transport locales (coefficient de diffusion et perméabilité). Ce type d’approche
nécessite de disposer de puissants moyens de calcul, alors que les méthodes d’ho-
mogénéisation sont actuellement plus accessibles.
160
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
25
20
15
10
0
0 0,2 0,4 0,6 0,8
Porosité capillaire
Figure 4.19 : comparaison pour trois pâtes de ciment CEM I de E/C différents
et dégradées chimiquement, des modules d’élasticité prédits par une relation « modèle »
et par calcul 3D aux éléments finis en fonction de la porosité capillaire noté F-E
dans la figure [GUI 06].
Les conséquences mécaniques des dégradations chimiques ne peuvent être que
partiellement prédites au moment où ce livre est rédigé. Des progrès significatifs
semblent toutefois possibles au vu des travaux en cours.
4. CONCLUSION
Une approche thermodynamique utilisant les conditions d’équilibre permet de
bien comprendre les conditions de stabilité chimique des hydrates et donc de sa-
voir si des évolutions peuvent intervenir quand la composition de la phase inters-
titielle du béton évolue lors d’un échange de matière avec le milieu extérieur. Le
161
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
point crucial pour que l’approche thermodynamique soit pertinente est la qualité
de la base de données thermodynamiques qui est associée aux codes de calcul des
équilibres géochimiques. L’aspect cinétique relatif à la stabilité où la transforma-
tion des hydrates contenus dans la matrice poreuse du béton, dépendra de la vites-
se de transport de la matière dans le réseau poreux du béton qui peut être estimée
à travers les lois classiques de transport de masse en fonction des gradients appli-
qués. Le transport réactif permet de bien rendre compte de dégradations de façon
macroscopique, comme dans le cas de la lixiviation, en reproduisant la zonation
souvent observée.
L’utilisation d’une approche tridimensionnelle du transport réactif sur des mi-
crostructures numériques réalistes permettra d’aller plus loin dans l’étude de l’im-
pact de la stabilité ou de la transformation des hydrates sur la microstructure et
ses propriétés. Ainsi il deviendra possible d’obtenir une évolution espace-temps
de propriétés comme le module élastique et donc de relier dégradation chimique
et propriétés d’usage.
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165
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Retrait et fluage
G. PONS, J.-M. TORRENTI
Résumé
Les déformations différées des bétons, qu’elles soient d’origine physico-chimique
comme le retrait d’hydratation et de dessiccation ou mécanique comme le fluage
sous contrainte peuvent mettre en cause la durabilité des ouvrages et ce pour plu-
sieurs raisons. Les déformations de retrait peuvent induire des risques de fissura-
tion et ainsi créer les conditions d’une propagation des éléments favorisant la
corrosion des armatures. Les déformations de fluage peuvent entraîner, dans le cas
des structures isostatiques, des déformations différées, notamment des flèches, in-
compatibles avec le bon fonctionnement en service des ouvrages. Dans le cas de
structures précontraintes ces déformations génèrent des chutes dans la tension des
câbles très importantes et difficiles à estimer précisément. Dans le cas des structu-
res hyperstatiques, particulièrement celles dont le phasage de construction est com-
plexe, le fluage va provoquer des redistributions d’efforts dont l’évaluation est
indispensable sous peine de mettre en péril la sécurité de l’ouvrage. Pour essayer
de cerner les paramètres gouvernant ces déformations différées nous avons, après
avoir précisé les différentes composantes de ces déformations, mis en évidence les
origines physico-chimiques de ces comportements différés. Nous avons ensuite re-
gardé plus en détail les déformations de retrait puis celles de fluage en les séparant
arbitrairement comme on a coutume de le faire pour les évaluer et ce bien qu’en tout
état de cause il existe un couplage indiscutable entre le retrait et le fluage. Nous
abordons ensuite l’aspect de l’évaluation expérimentale de ces déformations par les
essais de laboratoire. Pour terminer nous regardons la prise en compte de ces phé-
nomènes dans les calculs de structure au travers des aspects normatifs.
Mots-clés
DÉFORMATIONS DIFFÉRÉES, RETRAITS, FLUAGES, RELAXATION, DESSICCATION, AUTO-
DESSICCATION, EUROCODES, ESSAIS DE LABORATOIRE, BÉTONS, BÉTONS À HAUTES
PERFORMANCES.
167
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Ce phénomène avait été découvert de manière indépendante par Hyatt aux USA en 1907. Il avait
montré qu’une poutre chargée voyait sa flèche évoluer de manière significative (elle doublait !)
après deux mois de chargement.
2. La prévision du fluage du béton précontraint par un modèle ne date cependant que de 1965 dans
la réglementation française.
168
Retrait et fluage
L’objet des paragraphes suivants est de présenter les bases physiques des phéno-
mènes à la source des déformations différées, de décrire les paramètres influen-
çant ces déformations différées et d’éclairer l’ingénieur sur le pourquoi des
formules réglementaires.
Nous ne traiterons pas dans cette partie des phénomènes observables avant la pri-
se du béton tels le ressuage et le retrait plastique car, s’ils ont une importance dans
l’aspect architectural et dans la durabilité, ils n’intéressent pas directement le cal-
culateur de structure. Ces aspects seront abordés dans le chapitre 6.
En général, même si, comme nous le verrons au paragraphe 2, la réalité est plus
complexe, on convient en général de séparer les déformations différées εdif en
deux grandes familles liées à l’existence ou non d’un chargement :
169
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Cette définition du fluage est une extension de la définition originelle du fluage pour laquelle la
charge est constante.
170
Retrait et fluage
dans la réalité car le matériau, en vieillissant, voit sa rigidité augmenter : ceci im-
plique que le fluage comprendra une partie de ce vieillissement.
Nous verrons au paragraphe 3 que, sur bien des aspects, cette décomposition sim-
plifie beaucoup trop la réalité et ne rend pas compte des couplages existants entre
les différents phénomènes.
La déformation totale d’un béton de structure est, à un instant donné et dans le
cas général, la somme de 6 déformations plus ou moins arbitrairement décou-
plées qui sont : la déformation élastique instantanée, celle de retrait thermique,
celle de retrait endogène, celle de retrait de dessiccation, celle de fluage endogène
(ou fluage propre) et celle de fluage de dessiccation.
171
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
172
Retrait et fluage
20 % plus faible que le volume du ciment anhydre et de l’eau de départ. Cette con-
traction d’origine chimique se prolonge tout au long de l’hydratation des grains
anhydres mais ralentit au fur et à mesure que la diffusion de l’eau devient plus dif-
ficile de par la densification croissante de la pâte due à la formation continue des
C-S-H. L’eau libre capillaire est ainsi consommée, l’humidité interne diminue ce
qui conduit à une tension interne de la pâte inversement proportionnelle au dia-
mètre des capillaires (loi de Kelvin-Laplace, cf. chapitre 3). Cette tension va pro-
voquer une variation de volume d’autant plus importante que le diamètre des
pores est faible. Ainsi le retrait endogène sera plus marqué pour les BHP que pour
les bétons courants dont les pores sont de plus grand diamètre. Ces tensions inter-
nes peuvent atteindre plusieurs MPa et, de par la présence des granulats, provo-
quer une microfissuration et une redistribution interne des contraintes.
Le retrait de dessiccation est lié à la différence d’hygrométrie entre le cœur du
béton et l’ambiance extérieure (figure 5.1a : répartition des pertes en eau dans une
éprouvette cylindrique). Il y a apparition d’un fort gradient hydrique qui tend à
créer des déformations de retrait différentielles incompatibles entre elles
(figure 5.1b). Dans le cas d’une structure élancée, les sections restent planes et ce
gradient hydrique entraîne donc un gradient de contraintes amenant, par auto-
équilibre, des tractions au voisinage de la surface et des compressions au cœur (fi-
gure 5.1c). Ces tractions en surface peuvent conduire à une fissuration en peau et
donc à une relaxation partielle des contraintes (figure 5.1d). La compression au
cœur amène un fluage de la pâte sous contrainte d’origine purement hydrique : le
retrait de dessiccation peut alors être modélisé en prenant en compte le fluage du
béton [SIC 96, BEN 05].
Le retrait est qualifié d’endogène ou d’autodessiccation en l’absence d’échange
hydrique (sans perte de masse) avec le milieu ambiant, et le retrait est dit de des-
siccation ou de séchage lorsqu’il y a déséquilibre hydrique entre l’intérieur du
béton durci dont l’hygrométrie de départ est de l’ordre de 75 à 100 % selon le
rapport E/C et celle du milieu ambiant.
173
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0
1
2
3
4
%
(a) Répartition des pertes en eau (b) Raccourcissement virtuel
compression
compression
fissuration
traction traction
traction traction
D’un point de vue cinétique, le phénomène se traduit d’abord par une fissuration
de peau puis par une phase de déformation d’ensemble et enfin par une phase de
refermeture des fissures.
La figure 5.2 illustre l’évolution du retrait de dessiccation en fonction de la perte
de masse liée au départ de l’eau libre du béton.
174
Retrait et fluage
400
300
200
100
0
0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50
Perte de masse (%)
Le retrait thermique est une déformation différée de durée relativement courte qui
vient se superposer aux déformations de retrait précédemment analysées mais qui
est due simplement à la contraction de la pâte de ciment et des granulats lors de
leur refroidissement après l’élévation de température lors de la prise exothermi-
que du ciment.
Celui-ci n’a que peu d’influence sur les éléments de faibles dimensions mais peut
devenir très sensible sur les pièces massives. Il faut alors faire intervenir les gra-
dients de température et les effets de structure comme pour le retrait de dessicca-
tion. Son intensité dépend du degré d’exothermie du ciment employé et du
coefficient de dilatation du béton qui peut varier en fonction de la nature des gra-
nulats employés [ACK 04], il varie aussi durant l’hydratation car il est fonction
de la teneur en eau de la pâte.
Le retrait thermique est une déformation différée de durée relativement courte
qui vient se superposer aux déformations de retrait précédemment analysées .
Elle est due simplement à la contraction de la pâte de ciment et des granulats lors
de leur refroidissement après l’élévation de température lors de la prise exother-
mique du ciment. Il doit être impérativement évalué dans le cas des structures
massives.
175
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
appelée fluage εc(t). La réalité physique est plus complexe, car il y a une interac-
tion du chargement sur la valeur du retrait.
Déformation
Hi (Wd)
recouvrance instantanée
Hr (t – Wd)
retrait
Hrecd (t – Wd)
recouvrance différée
Hsc (t)
Hc (t) déformation
fluage sous charge
Hres (t)
déformation résiduelle
Hi (Wc)
Hi (Wc)
retrait
Temps
Wc t Wd
176
Retrait et fluage
177
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
compression
compression
traction traction + =
Figure 5.4 : effet d’un chargement sur un béton en dessiccation [PON 98].
178
Retrait et fluage
3. DÉFORMATIONS DE RETRAIT
Ainsi que nous venons de le voir, en l’absence de chargement, la pâte de ciment,
et donc le béton, subissent des variations dimensionnelles. Celles-ci sont d’autant
plus évidentes aux yeux de l’ingénieur qu’elles provoquent souvent des fissura-
tions précoces qui peuvent mettre en péril la durabilité de l’ouvrage. Ces phéno-
mènes précoces seront développés dans le chapitre 6.
Elles peuvent aussi être la cause de fissuration plus tardive ainsi que d’effets
structuraux qu’il faut prendre en compte dans les calculs. Dans le paragraphe pré-
cédent nous nous sommes attachés à décrire les causes microstructurales des dé-
formations différées de retrait et de fluage.
179
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dans ce paragraphe, pour les déformations de retrait, et dans le suivant, pour cel-
les de fluage, nous nous intéresserons aux différents paramètres influant sur ces
déformations différées afin de sensibiliser l’ingénieur aux conséquences du choix
des matériaux utilisés dans la composition du béton et de la nature du milieu am-
biant indépendamment de tout aspect de calcul réglementaire qui sera abordé au
paragraphe 6.
3.1. Les retraits à court et moyen termes
Dans un premier temps ces retraits sont principalement dus à l’hydratation du ci-
ment (retrait endogène ou d’autodessiccation) et au retrait thermique déjà décrits
au paragraphe 2.
Pour ce qui a trait au calcul des structures, le retrait qui nous intéresse est unique-
ment celui qui intervient après la prise de la pâte de ciment c’est-à-dire que l’on
fera abstraction du retrait plastique. Après la rigidification du squelette, on assiste
à un gonflement d’origine chimique dû à la formation et à la transformation de
gros cristaux (ettringite). Cette déformation différée endogène n’est généralement
pas considérée dans le cas de la modélisation du comportement différé du béton
d’une structure, ceci pour des raisons liées à la complexité de sa prise en compte
par rapport à son amplitude.
À partir du moment où le squelette de la pâte de ciment durcit, le retrait endogène
va être pris en compte par le mécanicien.
L’intensité de ce retrait dépend principalement du rapport E/C.
En effet, plus la quantité de ciment sera élevée plus l’hydratation fera appel à
l’eau libre des pores du béton et augmentera l’autodessiccation et, inversement,
plus la quantité d’eau libre sera grande moins l’autodessiccation se fera sentir car
les besoins en eau pour l’hydratation seront toujours immédiatement satisfaits et
ne créeront pas de dépression capillaire. Compte tenu de cela on peut déjà imagi-
ner que les bétons « courants » de résistance peu élevée (25-30 MPa) qui ont des
rapports E/C élevés, supérieurs à 0,5, auront des retraits d’autodessiccation qua-
siment négligeables alors que les bétons à hautes performances (BHP) de résis-
tance supérieure et de teneur en eau beaucoup plus faible (rapport E/C voisin de
0,3) auront des retraits d’autodessiccation significatifs. Ces retraits sont d’autant
plus accentués que ces bétons présentent des pores plus fins que ceux des bétons
ordinaires et permettent des développements plus importants des dépressions ca-
pillaires. La figure 5.5 montre l’évolution en fonction du temps de l’humidité re-
lative interne dans les bétons sans échange hydrique avec l’atmosphère pour
différents rapports E/C et met en évidence l’autodessiccation des bétons de rap-
port E/C < 0,5. La figure 5.6 montre l’évolution du diamètre des pores en fonction
du même rapport. La figure 5.7 illustre l’évolution la relation entre la déformation
180
Retrait et fluage
100
95
90
n° 0 E/C = 0,75
HR (%)
n° 1 E/C = 0,59
85 n° 2 E/C = 0,44
n° 3 E/C = 0,39
n° 4 E/C = 0,39
80 n° 5 E/C = 0,33
n° 7 E/C = 0,27
75
70
0 50 100 150 200 250 300 350 400
Temps (j)
Figure 5.5 : évolution en fonction du temps de l’humidité relative interne des bétons
sans échange hydrique avec l’atmosphère pour différents E/C [YSS 95].
À l’équilibre, au bout de plus d’un an, les bétons de E/C > 0,5 (bétons courants) ont toujours une
hygrométrie maximale de 100 % alors que l’hygrométrie des BHP peut descendre aux alentours de
75 %.
E/C
0,4
Volume empli (cm3/g)
0,3
0,4
0,5
0,3
0,6
0,7
0,8
0,2
0,9
0,1
0,0
0
0
0
40 0
0
5
5
0
10
0
0
30
40
80
50
60
20
7
15
60
20
00
50
80
15
4,
12
10
30
1
181
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
100 100
99 95
97 85
96 80
95 75
94 70
50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 100 120 140 160 180 200 220
Microdéformations Microdéformations
182
Retrait et fluage
Retrait (μm/m)
Hr50
600
Hrse
400
200
Hr98
0
0 200 400 600 d
– 200 Hreau
Figure 5.8 : évolutions comparées des déformations différées de retrait d’un BHP
dans différentes conditions d’ambiance : se, sans échange, 50, 98 degré hygrométrique
de l’ambiance, (eau) pour immergé [SIC 92].
4
D 11
3 D 16
D 21
2
0
1 4 9 16 25 30 49 64
t
7j 14 j 28 j 56 j
Figure 5.9 : évolution de la perte en eau mesurée dans des éprouvettes de diamètre 11,
16 ou 21cm en fonction de la racine carrée de la durée de séchage [ACK 88].
183
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
2
28 jours
Variation de masse (%)
1 3 mois
Référence t = 0 4 ans
0
–1
–2
BC
–3
–4
–8 –7 –6 –5 –4 –3 –2 –1 0 1 2 3 4 5 6 7 8
Rayon (cm)
2
28 jours
Variation de masse (%)
1
3 mois
Référence t = 0 4 ans
0
–1
–2 BTHP
–3
–4
–8 –7 –6 –5 –4 –3 –2 –1 0 1 2 3 4 5 6 7 8
Rayon (cm)
184
Retrait et fluage
1 600
grès
gravier
basalte
1 200
granite
calcaire
quartz
Retrait 10–6
800
400
0
10 28 90 1 2 5 10 20 30
Jours Années
Temps (échelle log)
Figure 5.11 : influence de la nature minéralogique du granulat
sur le retrait de dessiccation [NEV 96].
1,0
0,8
Retrait relatif
0,6
0,4
0,2
0 20 40 60 80 100 %
Volume relatif des granulats
Figure 5.12 : influence du volume relatif des granulats d’après Pickett cité dans [NEV 96].
185
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
4. DÉFORMATIONS DE FLUAGE
Dans le paragraphe 2 nous avons détaillé les causes microstructurales des défor-
mations de retrait et de fluage. Regardons maintenant à une échelle plus globale
les paramètres influant sur ces déformations de fluage qui peuvent être, comme
indiqué précédemment, divisées en fluage endogène ou « propre » et en fluage de
dessiccation.
4.1. Les facteurs d’influence
4.1.1. Le chargement
Quelle qu’en soit la cause microstructurale la déformation de fluage est liée à l’in-
tensité de la charge constante appliquée.
Si à l’instant t0, on applique un échelon de chargement en compression au béton,
le comportement rhéologique change et on a une accélération importante de la dé-
formation différée (figure 5.13).
186
Retrait et fluage
H (μm/m)
700
600
Hdiff
Déformation
500
400
Hfse
300
Hrse
200
j – t0
100
V (MPa)
Contrainte
40
V = 37 MPa
30
20
10
187
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
V0
0 t
`
H
Retard
Déformation instantanée
0 t
8 28 60 91 120 Jours
Figure 5.14 : échelons de contrainte de même intensité appliqués sur un même béton
à des âges croissants.
Plus l’éprouvette est soumise tardivement au fluage moins la déformation différée est importante.
On constate que plus l’éprouvette est soumise tardivement à une charge moins la
déformation différée est importante. Cela est dû au comportement « vieillissant »
du béton, le « vieillissement » étant pris dans son sens le plus noble.
On dira ainsi que le comportement en fluage du béton est viscoélastique vieillis-
sant.
Sous contrainte permanente modérée (c’est le cas de la plupart des ouvrages) la
déformation différée de fluage du béton est proportionnelle à la contrainte per-
manente appliquée. Il peut donc être classifié comme matériau « viscoélastique
linéaire ». De plus, si l’âge du béton augmente sa réponse en déformation dimi-
nue, il est donc « viscoélastique linéaire vieillissant ».
Dans tout ce qui précède nous avons supposé implicitement que le chargement de
fluage était modéré, c’est à dire qu’il ne dépassait pas la moitié de la charge de
rupture sous chargement instantané σR. Si l’on applique des charges plus élevées
(au-delà de 0,7 σR par exemple) le comportement viscoélastique change de
nature: la vitesse de fluage qui était décroissante (fluage primaire) peut devenir
constante (fluage secondaire) et pourra amener à terme à la rupture après accélé-
ration de la vitesse de fluage (fluage tertiaire) (figure 5.15).
188
Retrait et fluage
fluage
rupture
tertiaire
Déformation de fluage 2
fluage
secondaire
fluage
primaire
1
fluage primaire
t
0
Durée de chargement
Nous venons de voir que le comportement rhéologique des bétons sous charge
semblait être du type viscoélastique vieillissant. Nous verrons (§ 6.2.1) que le trai-
tement mathématique du caractère viscoélastique n’est aisé, pour le calcul des
structures soumises à des histoires de chargement complexes, que dans le cas de
la viscosité dite « linéaire ».
La linéarité suppose, d’une part, que la réponse en déformation à un échelon de
contrainte soit proportionnelle à l’intensité de cet échelon et d’autre part, que le
principe de superposition soit vérifié, i.e. si l’on superpose deux histoires de sol-
licitations, la réponse est la superposition des réponses.
Qu’en est-il de ces deux principes pour le béton ?
Acker et Barral [ACK 83] ont confirmé (figure 5.16) que la proportionnalité de la
déformation à la contrainte appliquée était respectée tant que la contrainte appli-
quée ne dépassait pas 40 % à 50 % de la charge de rupture. La valeur exacte de ce
seuil dépend de l’âge du béton au chargement et augmente avec celui-ci.
189
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Déformation
différée
totale
H(t)
h
0 Domaine
00
Domaine 00 de rupture
s5
de proportionnalité rè
ap
0h
0 00
rè s1
ap
h
00
10
ès
apr
Retrait pur
^ Contrainte appliquée
V0/Vrupture
Le domaine de linéarité des bétons à hautes performances paraît être plus impor-
tant que celui des bétons ordinaires. Cette linéarité se poursuivrait jusqu’à des
taux de contraintes voisins de 60 % à 70 % même pour des bétons chargés aux
jeunes âges.
On verra, ci-dessous lors de l’étude de la recouvrance, que ce principe de super-
position est caduque dans le cas de déchargements.
Tant que le chargement stationnaire est modéré, environ 50 % de la charge de
rupture en compression, la déformation de fluage est proportionnelle à la con-
trainte permanente appliquée. Pour l’Eurocode 2 la valeur limite est de 45 %.
190
Retrait et fluage
1,8
1,6
Fluage HR/fluage 75 %
1,4
1,2
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
0 50 75 99
Humidité relative (HR)
191
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Retrait Fluage
Humidité relative 0 0 + ++ 0 0 + ++
Effet d’échelle 0 0 ++ + 0 0 ++ +
Âge au chargement 0 0 = = ++ ++ = ++
192
Retrait et fluage
Plus le volume relatif des granulats est grand, plus le fluage est faible (comme nous
l’avons illustré pour le retrait). Mais tout doit être relativisé car la marge de fluctua-
tion de la quantité de granulats dont l’ingénieur dispose pour réaliser un bon béton
de structure n’est pas très grande. On peut retenir comme ordre de grandeur que pas-
ser de 65 à 75 % de granulats en volume amène une diminution de fluage de 10 %.
De par la grande variété des granulats utilisés en génie civil, variété liée à leur na-
ture minéralogique et qui a des conséquences à la fois mécaniques (rigidité varia-
ble) et physiques (porosités différentes), il est, à l’heure actuelle, très difficile de
tirer des conclusions sur l’effet des granulats.
Toutefois, il faut signaler que l’influence de la nature des granulats est très nette, les
déformations de fluage peuvent être, pour des bétons de compositions semblables,
mais de granulats différents dans un rapport de 2, voire de 5 pour certains auteurs.
D’après Rusch cité par Neville [NEV 96] l’ordre de qualité décroissante pour les
granulats vis-à-vis du fluage du béton serait le basalte, le quartz, le marbre, le gra-
nit puis le grès (la figure 5.18 donne un exemple de ces variations). Mais cet ordre
n’est valable que pour la variété des matériaux qu’il a effectivement testée. En ef-
fet on peut trouver deux granulats de même nature minéralogique entraînant des
comportements totalement différents [CUB 96].
10–4
16
grès
basalte
gravier
Déformation de fluage
12
granit
quartz
calcaire
0
10 28 90 1 2 5 10 20 30
jours années
Durée de chargement
Figure 5.18 : déformation de fluage en fonction du temps pour divers types de granulats.
Ce diagramme montre toute l’importance du choix du granulat
pour optimiser le comportement, d’après [NEV 96].
La déformation finale de fluage serait 4 fois plus forte pour des bétons de granulats de grès que pour
ceux de calcaire. L’ordre décroissant de performance vis-à-vis du fluage étant, pour ces granulats tes-
tés, le grès, le basalte, les granulats roulés, le granit, le quartz et le calcaire.
193
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
La figure 5.19 (travaux de Hummel et al. cité par [CEB 90]) traduit nettement la
liaison entre la déformation totale de fluage, la cinétique et la résistance en com-
pression du béton. On peut imaginer de faire abstraction des autres paramètres de
composition des bétons (rapport E/C, nature du ciment, etc.) pour ne conserver
que ce paramètre traduisant le fluage de la composition utilisée.
Fonction fluage (10–4/MPa)
2
19 MPa
26,9 MPa
1 35,3 MPa
43,1 MPa
0 Jours
1 10 102 103 104
Durée de chargement
Figure 5.19 : valeur de la fonction fluage (ou fluage spécifique) en fonction de la durée
de chargement pour des bétons de résistance croissante, d’après [CEB 90].
La fonction fluage est le coefficient multiplicateur de la contrainte appliquée pour obtenir la déforma-
tion différée de fluage. On constate que ce coefficient décroît de manière importante avec la résistan-
ce du béton.
Nous avons vu lors de l’étude sur le retrait que le rapport E/C avait une grande
importance sur l’intensité de la déformation différée. Il en est de même pour le
fluage. Comme pour le retrait, les bétons fermes (de rapport E/C réduit) présen-
tent un fluage de dessiccation plus modéré.
La nature du ciment a une influence minime sur la valeur finale du fluage qui di-
minue très légèrement avec les ciments de type R. C’est donc un comportement in-
versé par rapport au retrait. Cependant, le type de ciment influe sur la valeur finale
du fluage à cause du degré d’hydratation au moment d’application de la charge.
L’influence de la nature du ciment est forte pour les bétons chargés jeunes alors
que pour les bétons chargés plus tard l’influence s’atténue.
En conclusion, on peut constater que les paramètres de composition influencent
la valeur finale du fluage. Toutefois, ils ne peuvent pas être pris en compte par le
calculateur qui n’en est pas maître (du moins c’est encore exceptionnel). C’est
pourquoi nous verrons que les codes font généralement l’impasse sur ces para-
mètres lors de l’établissement de leur modèle de retrait et de fluage. Toutefois, si
le nombre d’ouvrages pour lesquels le projeteur ou le concepteur pense à utiliser
194
Retrait et fluage
les potentialités des bétons et l’intègre à sa démarche est encore faible, celui-ci
croît très vite car il s’agit d’une voie de progrès de plus en plus utilisée.
Les paramètres de composition influencent grandement l’amplitude du fluage,
l’utilisation de certains granulats peut multiplier la déformation différée par 2
voire 3, la nature du ciment influe sur le comportement des bétons chargés jeunes.
195
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
ce, on peut donc affirmer que les BHP présentent en dessiccation des fluages
totaux beaucoup plus faibles que les bétons courants.
Cette diminution du fluage de dessiccation est intéressante pour des pièces mas-
sives, et surtout pour des ouvrages à zones d’épaisseurs différentes, car elle va at-
ténuer grandement l’effet d’échelle.
Pour les BHP, la vitesse de développement du fluage propre est beaucoup plus
grande que pour les bétons courants, la stabilisation étant, dès lors, plus rapide.
Le fluage de dessiccation est très atténué, l’utilisation de fumée de silice augmen-
te encore cette atténuation.
Cas des bétons autoplaçants (BAP)
Les résultats du projet national BAP ont montré que ces bétons n’avaient pas une
sensibilité particulière vis-à-vis des déformations différées. Ils se comportent
donc comme les autres bétons.
4.2. La recouvrance
Si l’on cesse l’application de la charge stationnaire (le programme de chargement
est dit alors en créneau) on constate que, d’une part, il y a diminution instantanée
de la déformation du matériau due à son élasticité et, d’autre part, cette diminution
peut se poursuivre dans le temps avec plus ou moins d’intensité. Ces déformations
correspondent à la recouvrance instantanée et différée (figure 5.20).
V H
1
V0
2
0 u0 u1 t 0 u0 u1 t
1 - Recouvrance instantanée
2 - Recouvrance différée
3 - Déformation résiduelle
196
Retrait et fluage
1 000
E2
E1 800
15
E2 600 E3
11,25 E4
E3 400
7,50
E4 E5
200
3,75
E5 0
0
72 272 472 672 872 1 072 1 272 Âge (heures)
Figure 5.21 : cinq bétons ont été soumis initialement à un palier de charge commun E3
ensuite de quoi 2 ont subi des échelons de contrainte positifs E2 et E1, et 2 négatifs E4
et E5, E5 amenant au déchargement complet. Les échelons de contraintes
étant tous égaux en valeur absolue.
Pour les échelons de contrainte positifs la réponse en déformation est proportionnelle. On constate,
a contrario, que les réponses en déformation pour les échelons négatifs ne suivent plus le principe de
proportionnalité.
197
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
198
Retrait et fluage
– et, enfin, une phase 3 qui traduit le comportement à très long terme et qui n’est
visible que pour des taux de charge importants. Cette phase 3 n’est en aucun cas
un fluage tertiaire, elle signifie simplement que la déformation sous charge con-
tinue de progresser alors que celle de retrait s’arrête faute d’un potentiel interne
trop faible.
Cette décomposition est validée aussi bien pour les déformations totales que pour
le conditionnement sans échange hydrique.
3 500
Déformation sous charge (1.e-6)
3 000
2 500
2 000
1 500 B1
B2
1 000 B3
B4
B5
500 B6
Déformation de retrait (1.e-6)
0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
La première phase de comportement sous charge présente une similitude avec les
déformations de recouvrance ce qui tend à indiquer son caractère réversible. Ces
déformations suggèrent un mécanisme diffusif de l’eau libre dans les espaces ca-
pillaires induit et amplifié par l’application de la contrainte due au chargement.
La seconde phase peut s’expliquer en assimilant le retrait à un fluage sous con-
trainte hydrique. Acker [ACK 01] a montré que le fluage, dans sa partie visqueu-
se, ne dépend que des C-S-H. La partie réversible est due à l’élasticité des autres
constituants. Il a introduit la notion de « potentiel de fluage ». Ce potentiel est une
donnée intrinsèque au matériau une fois que celui-ci est fabriqué. Il est fonction
des C-S-H. Mais, ce potentiel peut être consommé par le retrait qui est considéré
comme un fluage sous charge hydrique. C’est pour cette raison qu’à même taux
de chargement, l’âge de mise en charge influe : plus on repousse la date de char-
gement, moins les déformations de fluage seront importantes. En fait, cela traduit
le fait que le béton aura épuisé un peu de son « potentiel », puisque le retrait aura
été plus grand.
199
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Les déformations de retrait et celles de fluage ont, pour partie, la même origine
physique, c’est pour cela que certains modèles réglementaires (i.e. l’Eurocode 2
partie ponts [EC2 04-2]) proposent de déduire les unes des autres (fluage de des-
siccation exprimé en fonction du retrait de dessiccation).
200
Retrait et fluage
La mise en place des moyens de mesure doit être rapide pour éviter toute pertur-
bation de l’équilibre hygrothermique de l’éprouvette.
La première mesure de retrait sera généralement effectuée immédiatement après
le moulage.
On utilisera trois échantillons pour mesurer la résistance en compression au jour
de l’application de la contrainte de fluage. Si l’appareillage de fluage n’est pas
équipé pour mesurer les déformations instantanées ces trois éprouvettes serviront
aussi à déterminer le module d’élasticité du béton.
Les mesures après le chargement de fluage doivent être très rapprochées : durant
le début du chargement stationnaire, on pourra adopter une échelle de temps lo-
garithmique (par exemple 0,5 ; 1 ; 2 ; 4 min, puis 1, 2, 4, 2n jours).
On doit également effectuer des mesures de perte en eau pour les essais de retrait
et de fluage en dessiccation.
Les dimensions des éprouvettes recommandés sont : diamètre 7,5 ; 10 ; 15 ; 20 cm
et longueur 37,5 ; 50 ; 75 ; 100 cm.
L’âge d’exposition au séchage peut être de 1, 3, 7, ou 14 jours.
Les âges recommandés pour le chargement sont 1, 3, 7, 28, 90, jours et 1 an, la
contrainte de compression σ = k.σR, ou σR est la résistance en compression à l’âge
du chargement, avec k = 0,20 ; 0,40 ; 0,60. Les valeurs en italique sont les plus
usuelles. La durée des essais comparatifs est de 6 mois en endogène et n ans en
dessiccation avec n = (d/0,16)2, où d représente le diamètre en mètre. Pour une
extrapolation à long terme 1 an en endogène et 2n années en dessiccation. Les bâ-
tis d’essais peuvent être munis de ressorts, de systèmes oléopneumatiques ou de
systèmes hydrauliques.
Il est à noter que les mesures des déformations différées des bétons, retraits et
fluages, présentent généralement des dispersions importantes. La dispersion esti-
mée par rapport aux valeurs habituelles déterminées à partir des règlements est de
+/– 30 %. Sur un même béton les mesures présentent, malgré tous les soins ap-
portés à la réalisation des manipulations des variations de l’ordre de +/– 10 %.
Une méthode d’estimation statistique peut être utilisée [CLE 01].
201
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
202
Retrait et fluage
centrale en acier supportée par deux fléaux en béton précontraint et qui présentent
un fluage inhabituel [SET 04].
Un autre type de structure sensible au fluage est constitué par les enceintes de con-
finement des centrales nucléaires. En effet, l’enceinte interne de ces centrales est
constituée de béton précontraint biaxialement (figure 5.24). La précontrainte est
dimensionnée afin que, en cas d’accident et de montée en pression de l’enceinte,
le béton en zone courante reste comprimé et que le niveau d’étanchéité de l’en-
ceinte soit préservé. Cette propriété est mesurée régulièrement et est une condi-
tion sine qua non au redémarrage des centrales. On voit donc ici l’intérêt d’une
modélisation correcte du phénomène.
6.2. La modélisation
Nous avons vu aux paragraphes 4.1 et 4.2 que, si l’on fait abstraction du phéno-
mène de retour de fluage, le béton avait un comportement viscoélastique vieillis-
sant. Intéressons-nous au modèle correspondant.
203
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
204
Retrait et fluage
t t
ε(t) = ∫0 J ( t – u )dσ ( u ) et σ(t) = ∫0 R ( t – u )dε ( u )
en viscoélasticité linéaire sans vieillissement, et
t t
ε(t) = ∫0 J ( t, u )dσ ( u ) et σ(t) = ∫0 R ( t, u )dε ( u )
en viscoélasticité linéaire avec vieillissement.
Compte tenu du comportement expérimental du béton décrit précédemment, ce-
lui-ci est viscoélastique vieillissant, il ne pourrait être considéré comme non
vieillissant que dans le cas d’un chargement à un âge élevé. De plus, si nous avons
vu que l’hypothèse de linéarité entre la déformation différée et la contrainte ap-
pliquée pouvait être raisonnablement admise pour des bétons chargés à moins de
50 % de la charge de rupture, ce qui est souvent le cas, par contre elle n’était pas
vérifiée lors des déchargements.
L’application au béton du formalisme de la viscoélasticité linéaire avec ou sans
vieillissement donnera, sauf cas très particuliers, des résultats approchés du
comportement réel du béton. Toutefois, les modèles actuels les plus courants
sont, pour des raisons évidentes de simplification, du type linéaire.
205
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Contrainte de
B
compression (MPa)
10 A C
B D
D
5
A
0
4 10 20 40 100 200 400 1000 4 000
Âge du béton (j)
J ( t, τ ) = J 1 + ∑ Js [ 1 – exp ( –λs ( t – τ ) ) ]
s=2
Cette méthode respecte le principe de superposition et ne nécessite pas de stocker
toute l’histoire des sollicitations, l’état de déformation de chaque élément étant
suffisant pour représenter cette histoire [BAZ 82, GRA 97, BEN 05].
6.2.3. Le modèle incrémental
L’application du principe de superposition lors d’un déchargement conduit à une
déformation de retour de fluage beaucoup trop importante par rapport aux obser-
vations expérimentales. Bien sûr, on pourrait imaginer avoir une fonction de com-
plaisance de déchargement différente de celle du chargement. Mais ceci violerait
le principe de superposition et l’application de cette méthode à une succession de
charges-décharges conduirait à des résultats erronés.
206
Retrait et fluage
C’est pourquoi a été développé la méthode du temps équivalent [ACK 89] ou mo-
dèle incrémental [ACK 92]. Supposons que nous ayons un chargement constitué
de deux paliers de contraintes σ1 appliquée à l’instant τ1 et σ2 à l’instant τ2. La
fl ϕ ( t, τ eq )
déformation de fluage, pour un instant t > τ2 sera ε ( t ) = --------------------- σ 2 où τeq est
E ( τ eq )
fl ϕ ( τ 2, τ eq ) ϕ ( τ 2, τ 1 )
le temps équivalent tel que ε ( t eq ) = ------------------------ σ 2 = ---------------------- σ 1 .
E ( τ eq ) E ( τ1 )
La déformation de fluage du béton est celle qu’elle aurait pu être si l’on avait char-
gé le béton directement avec la contrainte σ2 à un instant τeq. L’évolution de la
déformation de fluage ne dépend alors que de cette unique variable et de l’état de
contrainte et de déformation à l’instant τ2.
La méthode du temps équivalent présente bien sûr aussi des défauts. Lors d’une
décharge totale ou au moins importante, il peut ne pas y avoir de temps équivalent
solution. Dans ce cas là, la méthode initiale prévoyait un retour de fluage nul, ce
qui n’est pas la réalité non plus. Une amélioration de la méthode est possible en
utilisant des résultats d’essais de recouvrance pour compléter l’espace des solu-
tions [ACK 92].
La méthode du temps équivalent consiste à substituer à une histoire de charge-
ment complexe et non modélisable simplement un temps de chargement équiva-
lent tel que le béton aurait, à cet instant donné, la même déformation différée
que s’il avait été soumis à un chargement d’intensité constante égale au charge-
ment présent.
207
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
–6 0 ,5
avec ε ca ( ∞ ) = 2 ,5 ( f ck – 10 ) ⋅ 10 et β as ( t ) = 1 – exp ( – 0 ,2t ).
Le retrait de séchage est, de plus, fonction de la géométrie de la pièce (h0) et de
l’humidité relative de l’environnement (RH) : ε cd ( t ) = ε cd, 0 β ds ( t – t s )k h .
⎛ f cm ⎞ –6
ε cd, 0 = 0 ,85 ( ( 220 + 110α ds1 )exp ) ⎜ – α ds2 ----------⎟ 10 β RH étant le retrait de
⎝ f cm0⎠
référence.
3
Avec β RH = – 1 ,55 ( 1 – ( RH ⁄ RH 0 ) ) ,
( t – ts )
la fonction β ds ( t, t s ) = ------------------------------------------- représente la cinétique et kh est
3
0 ,04 h 0 + ( t – t s )
fonction de h0, rayon moyen :
h0 kh
100 1,00
200 0,85
300 0,75
>500 0,70
208
Retrait et fluage
On peut constater que l’amplitude du retrait de séchage décroît très fortement en fonction de la résis-
tance du béton (elle est divisée par plus de 2) et que, bien évidemment elle est grandement dépen-
dante de l’hygrométrie ambiante.
6.3.2. Le fluage
L’Eurocode 2 permet d’obtenir le coefficient de fluage φ(t – t0) = εcc(t, t0)/εci(t0),
rapport des déformations de fluage à l’instant t d’un béton chargé à t0 par rapport
à la déformation initiale élastique. La déformation initiale élastique εci(t0) est le
rapport entre la contrainte appliquée au béton σc et le module d’élasticité tangent
du béton Ec qui peut être pris égal à 1,05 Ecm. Si l’on ne recherche pas une préci-
sion extrême l’EC 2 propose un abaque pour déterminer le coefficient de fluage
(figure 5.26) Dans ce cas ne sont pris en compte que la résistance du béton,
l’hygrométrie de l’ambiance pour RH = 0 ou 80 %, l’âge au chargement et le
rayon moyen.
Ainsi la déformation de fluage pour t = ∞ sera donnée par εcc(∞, t0) = ϕ(∞, t0) (σc/Ec).
209
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
t0
1
R
2
N
3
S
5 C20/25
C25/30
C30/37
10 C35/45
C40/40
C45/55
20 C50/60 C55/67
C60/75
C70/85
30 C80/95
C90/105
50
100
7,0 6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0 100 300 500 700 900 1 100 1 300 1 500
MW0) h0 (mm)
(a) Environnement intérieur : RH = 50 %
Note :
1 – le point d'intersection des droites 4 et 5
4 peut également se situer au-dessus du point 1 ;
– pout t0 > 100, il est suffisamment précis
5 de supposer t0 = 100 (et d'utiliser la tangente).
3
2
t0
1
R
2
N
3
S
5 C20/25
C25/30
C30/37
10 C35/45
C40/40 C45/55
C50/60
20 C60/75 C55/67
C70/85
C80/95
30 C90/105
50
100
6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0 100 300 500 700 900 1 100 1 300 1 500
MW0) h0 (mm)
(b) Environnement extérieur : RH = 80 %
Figure 5.26 : abaque pour la détermination du coefficient de fluage, d’après [EC2 04-1].
Sur le diagramme de gauche, en partant de t0 âge du béton lors du chargement on trace l’horizontale
1 qui coupe la courbe caractéristique du ciment employé (S lent, N, normal, R rapide). On trace en-
suite la droite 2 reliant l’origine 0 à ce point d’intersection. On passe ensuite au diagramme de droite,
partant du rayon moyen h0 on remonte verticalement par la droite 3 qui coupe la courbe caractéristi-
que de la résistance du béton. À partir de ce point d’intersection on trace, vers le diagramme de gau-
che, l’horizontale 4 qui vient couper la droite 2 précédemment tracée. En redescendant verticalement
à partir de ce point d’intersection par la droite 5, on coupe l’axe des abscisses en un point qui donne
la valeur recherchée du coefficient de fluage ϕ(∞,t0).
210
Retrait et fluage
Dans ce cas des paramètres complémentaires sont pris en compte : l’humidité am-
biante est prise à sa valeur réelle estimée , on prend en compte la maturité du béton
au moment du chargement (β(t0)), les caractéristiques du ciment employé etc.
φ ( t, t 0 ) = φ 0 β c ( t, t 0 ) où φ 0 = φ RH β ( f cm )β ( t 0 ) est le coefficient de fluage à
⎛ 1 – RH ⁄ 100-⎞
long terme avec φ RH = ⎜ 1 + ----------------------------- ⎟ pour fcm ≤ 35 MPa et
⎝ 0 ,1 3 h ⎠ 0
⎛ 1 – RH ⁄ 100 ⎞
φ RH = ⎜ 1 + ------------------------------ α 1⎟ α 2 pour fcm > 35 MPa, β ( f cm ) = 16 ,8 ⁄ ( f cm )
⎝ 0 ,1 3 h ⎠
0
2A
tient compte de la résistance du béton, h 0 = --------c- est le rayon moyen de l’élément
u
en mm, avec Ac aire de la section droite et u périmètre en contact avec l’atmosphère.
0 ,2
β ( t 0 ) = 1 ⁄ ( 0 ,1 + t 0 ) tient compte de l’âge du béton au moment du chargement.
0 ,3
( t – t0 )
β ( t, t 0 ) = ------------------------------ donne l’évolution du fluage dans le temps. Il dé-
( βH + t – t0 )
pend de βH qui fait intervenir la résistance mécanique par le biais de α3 :
βH = 1,5(1 + (0,012RH)18) h0 + 250 ≤ 1500 pour fcm ≥ 35 MPa;
βH = 1,5(1 + (0,012RH)18) h0 + 250α3 ≤ 1500 α3 pour fcm ≤ 35 MPa.
Les différents coefficients α dépendent de la résistance moyenne en compression
35 0 ,7 35 0 ,2 35 0 ,5
du béton à 28 jours fcm : α 1 = ------- ; α 2 = ------- ; α 3 = -------
f cm f cm f cm
L’influence du type de ciment et des conditions de maturation sur le coefficient
de fluage peut être pris en compte en modifiant l’âge du chargement t0 par :
⎛ 9 ⎞α
t 0 = t 0, T ⎜ ------------------ + 1⎟ ≥ 0 ,5
⎝ 2 + t 1 ,2 ⎠
0, T
n
– ( 4000 ⁄ 273 + T ( Δt i ) ) – 13 ,65 )
avec, pour t ou t0, t T = ∑e ⋅ Δt i avec t0,T âge du bé-
i=1
ton « ajusté » en jours, α = – 1 ciments à prise lente (S), 0 normaux (N), 1 rapides
211
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
800
Déformations différées (μm/m)
700
600
500
400
300
200
100
0
0 5 10 15 20 25
Temps depuis la fin de mise en précontrainte (années)
212
Retrait et fluage
L’analyse de ces bétons montre que ceux pour lesquels les déformations différées
sont les plus importantes ont un module d’élasticité faible, ceci provenant de gra-
nulats plus déformables. Il convient donc pour des structures dans lesquelles le
fluage sera un critère important vis-à-vis de leur durée de vie de réaliser des essais
de fluage sur éprouvette lors de l’étude de formulation des bétons.
7. CONCLUSION
Si les causes extérieures des déformations différées des bétons, les retraits et flua-
ges, sont maintenant bien connues, il s’agit principalement de la dessiccation et
du chargement permanent, les mécanismes microstructuraux dictant leur cinéti-
que et leur amplitude ne sont toujours pas parfaitement élucidés. Si les hypothèses
sur le comportement visqueux des C-S-H sont établies, les paramètres régissant
l’évolution de ce comportement sont encore inconnus puisque à même matrice ci-
mentaire de base on peut avoir une très grande variété de réponses différées.
Il en résulte une grande difficulté à proposer des modèles de comportement adap-
table à tous les bétons réalisables. En effet pour une résistance mécanique en com-
pression donnée à l’instant t (28 jours) il existe une variété quasi infinie de
comportements différés.
Les points permettant de penser que les modèles proposés par les différents règle-
ments, normes ou recommandations donneront des valeurs proches de celles du
béton utilisé (et encore à +/– 30 % comme on l’a mentionné) sont d’utiliser des
granulats de bonne compacité (porosité faible), de module élevé et d’avoir des
compositions de béton élaborées soigneusement. Dans le cas contraire, il faut,
dans les formules réglementaires, toujours utiliser le module de déformation ins-
tantanée mesuré expérimentalement sur le béton pour avoir une estimation un peu
plus précise des déformations différées. La quantité de pâte est aussi un facteur
d’amplification des déformations différées.
Dans le cas de doute, et sans recourir à de longs essais de fluage, des mesures de
retrait des bétons réalisés couplées avec des essais de fluages de durée réduite (1 à
3 mois) peuvent donner des indications précieuses sur le comportement futur du
béton.
213
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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Retrait et fluage
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La maîtrise de la fissuration
au jeune âge: condition de durabilité
des ouvrages en béton
Résumé
Maîtriser la fissuration au jeune âge du béton est un problème industriel pour les
structures massives, celles pour lesquelles les déformations sont gênées, celles
qui présentent des variations importantes d'épaisseurs et celles à grandes surfa-
ces libres. Avant la prise, il convient de limiter le ressuage trop important et d'évi-
ter le retrait plastique. Après prise, les effets du retrait endogène et de la
température (gradients, retrait thermique) doivent être pris en compte. Compte
tenu du caractère exothermique et thermoactivé de la réaction d'hydratation du
ciment, les élévations de température peuvent en effet être très importantes. La
prédiction de ces élévations de température est possible si le problème industriel
le justifie.
Mots-clés
JEUNE ÂGE, FISSURATION, RETRAIT PLASTIQUE, RESSUAGE, AUTODESSICCATION,
CHALEUR D'HYDRATATION, RETRAIT ENDOGÈNE, RETRAIT THERMIQUE.
217
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
218
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
Ces règles de l’art, cependant, sont anciennes, elles n’ont pas été fixées sur des
bases scientifiques (en tout cas, pas sur les connaissances dont on dispose
aujourd’hui), mais sur des bases empiriques, sur l’observation et sur l’expérience.
Pour les ouvrages courants, elles sont tout à fait efficaces. Mais l’ingénieur ne
construit pas seulement des ouvrages courants: de nouvelles applications appa-
raissent, la taille des constructions est toujours plus grande, la gamme des perfor-
mances et des formulations du matériau ne cesse de s’élargir, et on ne peut pas
toujours s’appuyer sur les seules règles de l’art. Il est alors essentiel de bien con-
naître leurs limites et, surtout, de savoir utiliser les connaissances scientifiques et
les outils de simulation qu’offre l’ingénierie moderne. Pour chaque nouvelle ap-
plication, l’ingénieur doit se poser la question de ces effets et, le cas échéant, en
refaire l’analyse quantitative.
Maîtriser la fissuration au jeune âge du béton est un problème industriel pour
les structures massives, celles dans lesquelles les déformations sont gênées, celles
qui présentent des variations importantes d’épaisseurs et celles à grandes surfa-
ces libres.
Quatre configurations sont particulièrement critiques, et sortent du domaine cou-
vert par les règles de l’art :
• celles des pièces massives, dans lesquelles la chaleur d’hydratation du ciment
conduit à des élévations de température qui peuvent atteindre, à cœur, 50 °C, ce
qui entraîne, en surface, des contraintes de traction qui vont largement dépasser
au cours du refroidissement la résistance en traction du matériau; c’est pourquoi,
quel que soit leur ferraillage, ces pièces sont toujours fissurées en surface;
• celles des pièces encastrées ou à déformation fortement gênée (chaussées et
dallages de grandes dimensions, glissière en béton armé, cf. figure 6.1, chapes
adhérentes, enduits, reprise de bétonnage sur un voile, sur une semelle continue,
sur un radier, sur des pieux bloqués par des chevêtres, dans une pile de pont, dans
un revêtement de tunnel, cf. figure 6.2…), dans laquelle la contrainte de traction
qui équilibre la somme des retraits s’ajoute aux autocontraintes de surface;
• celles des pièces ayant des parties d’épaisseurs très différentes (caissons à âme
épaisse, poutres à talon, à blochet… cf. figure 6.3) soit parce que ces différentes
parties montent à des températures différentes, soit, quand les pièces subissent
un traitement thermique, parce que les zones de moindre épaisseur refroidissent
plus vite que les autres et se trouvent alors dans la configuration des pièces
encastrées, décrite au point précédent;
• celles des pièces à grande surface libre (dalles flottantes, poutres à table de
compression, voussoirs…) dont la face supérieure n’est pas ou est insuffisam-
ment curée (dans ce cas, cependant, les fissures de dessiccation n’apparaissent
que par temps sec et vent frisant; on peut dire que, dans ces conditions, ne pas
219
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
faire de cure, c’est jouer aux dés avec la météo…) ; ces désordres sont spécifi-
ques aux bétons riches en fines, ce qui est systématiquement le cas des bétons à
hautes performances (BHP) et des bétons autonivelants (BAP) ; ces désordres ne
sont pas traités dans cet ouvrage, car la solution est bien connue, et elle est
simple: il s’agit de la cure (cf. figures 6.4 et 6.5).
Figure 6.1 : fissuration par retrait gêné d'une glissière en béton armé. La fissuration est
traversante et conduit souvent à une rupture des aciers (photo J.-M.Torrenti)
Figure 6.2 : fssuration des revêtements de tunnel en béton non armé par retrait gêné.
L'existence de cette fissuration est traversante et rend le revêtement non étanche,
ce qui conduit à la mise en place d'une étanchéité à l'intrados (photo J.-M.Torrenti).
220
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
Figure 6.3 : vue d'un voussoir. Les différences d'épaisseurs entraînent des retraits
thermiques différentiels et des variations locales des caractéristiques mécaniques qui
vont modifier la diffusion de la précontrainte (photo Eiffage).
Figure 6.4 : exemple de cure à l'eau du tablier d'un pont (photo Eiffage).
221
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Figure 6.5 : exemple de cure de piles. Une jupe, accrochée au coffrage grimpant, permet
de protéger du vent, du soleil et du froid le béton pendant 3 levées dans cet exemple, soit
ici 9 jours (photo Eiffage).
Les contraintes de traction qui se développent dans les trois premières configura-
tions peuvent dépasser, selon la géométrie du produit fini et, surtout, selon les
conditions d’encastrement, celles qui sont dues au chargement mécanique classi-
que (poids propre et charges de service). Si elles ne sont pas prises en compte et
traitées de manière correcte par l’ingénieur, elles conduisent alors toujours à une
fissuration du matériau.
Concernant la fissuration, le seul paramètre qui compte, à l’usage, c’est l’ouver-
ture des fissures, pour des raisons esthétiques parfois, mais surtout pour des rai-
sons de durabilité de l’ouvrage. On sait aujourd’hui que, sauf peut-être en cas
d’immersion permanente, la peau d’un béton est toujours fissurée, simplement
cette fissuration est le plus souvent invisible (lorsque son ouverture est inférieure
à 20 μm, pouvoir de résolution de l’œil humain, la fissure ne se voit pas). Mais on
sait aussi, à la fois par nos connaissances scientifiques sur la corrosion et par l’ex-
222
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
périence (un siècle de recul sur la pérennité des ouvrages en béton armé), qu’une
fissure de faible ouverture est sans conséquence sur la durabilité de l'ouvrage. En
effet, en dessous d’une certaine ouverture (de l’ordre de 0,3 mm) les forces de ten-
sion superficielle sont supérieures aux forces de gravitation et empêchent tout
mouvement d’eau en phase liquide, si bien que l’eau qui peut y pénétrer (soit par
absorption capillaire de l’eau qui peut ruisseler en surface, soit par condensation
de l’humidité de l’air ambiant), et qui va alors dissoudre certains ions, ne peut en
ressortir que par évaporation et, par conséquent, sans aucun départ d’ions (il y a
tout au plus un déplacement vers le cœur de la pièce, car l’évaporation s’accom-
pagne d’une augmentation locale de la concentration), et surtout aucun départ de
la chaux qui assure le maintien d’un pH élevé, clé de la protection des aciers con-
tre toute corrosion. C’est la raison pour laquelle les méthodes de calcul du béton
armé n’ont pas fondamentalement changé depuis l’édition des tout premiers rè-
glements, car les coefficients qui entrent dans les formules de calcul ont été fixés,
in fine, sur la base des observations expérimentales, et ces formules sont très pro-
ches des formules actuelles qui se fondent sur un critère d’ouverture maximale de
fissure. C’est aussi une des raisons de l’exceptionnel succès, d’une part, du maté-
riau de construction qu’est le béton armé, et, d’autre part, des principes qui sont à
la base de sa méthode de calcul, principes qui ont été élaborés au début du
XXe siècle et qui sont toujours valables.
Si le calcul d'une structure en béton armé est, fondamentalement, lié au contrôle
de l’ouverture des fissures par les armatures (par celles qui constituent le ferrailla-
ge passif), il faut bien comprendre, par contre, que la fissuration dont on parle
dans ce chapitre, la fissuration due aux gradients de température ou de séchage,
est du type « déformation empêchée », et que cette fissuration ne mobilise pas les
armatures de la même manière que les sollicitations dues au chargement extérieur,
pour lesquelles la structure a été dimensionnée, pour lesquelles son ferraillage a
été conçu, dessiné, calculé et vérifié. On peut dire que la fissuration par retrait em-
pêché mobilise les aciers du béton armé de manière indirecte, en tout cas avec un
rendement mécanique nettement plus faible.
Dans la fissuration par retrait empêché, notamment, les caractéristiques de la
liaison acier-béton ne constituent plus le paramètre premier qui contrôle le pas de
fissuration (i.e. la distance moyenne entre deux fissures consécutives). Ceux qui
contrôlent in fine l’ouverture des fissures sont la géométrie locale (l’épaisseur de
la zone, notamment) et le gradient local de retrait (via le gradient de température
ou le gradient de teneur en eau, gradients qui sont toujours maximaux en surface).
Heureusement, la compréhension de ces mécanismes est aujourd’hui très avan-
cée, elle va jusqu’à la possibilité de simuler numériquement les champs de défor-
mation et de contrainte, ce qui a permis d’améliorer l’efficacité des moyens de
223
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Ce phénomène ne doit pas être confondu avec la ségrégation, phénomène au cours duquel les
grains ont un mouvement relatif entre eux. Ce phénomène dépend de la granulométrie et des condi-
tions de mise en place du béton [NEV 2000].
224
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
225
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
226
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
Ce retrait est dû aux tensions capillaires, de même que le retrait d’autodessiccation (cf.
chapitre 5), à la différence près que, dans le cas présent, il ne s’agit plus d’une dessic-
cation au sein du matériau (autodessiccation), mais d’un séchage avec départ d’eau
vers l’extérieur. Le retrait plastique est donc principalement limité à la surface du bé-
ton (quelques centimètres sur un béton HP, 10 à 20 cm dans un béton ordinaire), con-
trairement au retrait d’autodessiccation qui se manifeste dans l’ensemble de la pièce.
Le retrait plastique dépend largement des conditions climatiques et notamment de
la vitesse de dessiccation au niveau des surfaces non coffrées de l’ouvrage. Ainsi,
par exemple, un béton mis en œuvre suivant des procédures adéquates, un jour où
la vitesse du vent est relativement faible, ne sera pas ou peu affecté par ce phéno-
mène. En revanche, la couche d’eau à la surface du béton s’évaporera rapidement
par vent fort, et la déformation pourra commencer à se manifester quelques minutes
après sa mise en place. Des abaques, établis par l’ACI [ACI 99] et basés sur des
données thermodynamiques et expérimentales, permettent d’estimer le taux d’éva-
poration de l’eau à la surface du béton en fonction de la température et de l’humidité
relative de l’air, de la vitesse du vent et de la température du béton (figure 6.6).
4
30
3 25
20
2
15
10
1 5
0
0
Figure 6.6 : abaque permettant d'estimer la perte en eau du béton jeune sans protection
à partir des données climatiques ambiantes. Au-delà de 1 kg/m2/h la cure est
indispensable. En deçà elle reste conseillée [ACI 99].
227
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Figure 6.7 : retrait plastique d'un béton à bas E/C sur un tablier de pont
(photo J.-M.Torrenti).
La dessiccation peut parfois être aggravée par la succion de l’eau par le coffrage,
si celui-ci est poreux et absorbant, et s’il n’a pas été humidifié avant que le béton
soit coulé. Des coffrages non absorbants constituent une protection efficace con-
tre cet effet.
b) la pièce est fine. Ce type de retrait se manifeste essentiellement sur des pièces
qui présentent de grandes surfaces d’évaporation par rapport à leur volume (en-
duit, revêtement routier, dalle), donc des pièces fines, où il peut alors engendrer
une fissuration importante. Sur des surfaces horizontales larges, les fissures cons-
tituent en général un maillage, dont la maille varie de quelques centimètres à quel-
ques décimètres. À la surface des pièces verticales (voiles, poutres, longrines)
elles constituent un réseau de fissures transversales parallèles. Ces fissures n’ap-
paraissent que si les déformations sont empêchées soit par une partie de la pièce
(plus massive ou plus ancienne), soit par des conditions aux limites (cas des revê-
tements routiers ou des enduits de façade), ou si la géométrie de la pièce et sa taille
peuvent conduire à la localisation de l’endommagement en une ou plusieurs fis-
228
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
sures principales. Ces fissures n’apparaissent pas dans une chape désolidarisée,
par exemple.
Dans des pièces plus épaisses (radier, chevêtre, semelle épaisse, tête de pieu), la
profondeur de la zone affectée par la dessiccation, et donc par le retrait, est très
faible. Par conséquent, la fissuration est peu profonde. Elle est également peu
ouverte.
c) la prise est lente et la rétention de l’eau de gâchage est mauvaise. Une tempé-
rature ambiante basse, des constituants secondaires (laitiers, cendres volantes…),
un excès d’eau de gâchage, ou encore l’utilisation d’adjuvants ayant un effet re-
tardateur, allongent la période de prise et ainsi accentuent le retrait plastique.
2.2.2. Moyens de prévention
Ce type de fissuration peut être évité :
– en assurant une cure efficace, c’est-à-dire en humidifiant la surface du béton,
en projetant un produit de cure efficace ou, encore, en recouvrant la surface du
béton d’une feuille de polyane, et ce le plus tôt possible après la mise en place du
béton;
– en fermant les ouvertures si le béton est coulé en intérieur ;
– en érigeant temporairement des paravents et des pare-soleil pour réduire res-
pectivement la vitesse du vent et la température à la surface du béton frais;
– en humidifiant les coffrages ou en utilisant des coffrages non absorbants;
– en évitant les trop forts écarts entre la température du béton et la température
de l’air ambiant.
Une technique nouvelle pour maîtriser la fissuration par retrait plastique consiste
à utiliser des fibres de polypropylène. Ces fibres (résistance à la traction de
600 MPa, module d’Young de 3,5 GPa) sont utilisées pour cette application en
faible proportion (de l’ordre de 0,1 à 0,5 % en volume). Elles réduisent l’ouvra-
bilité des bétons, mais la mise en place sous vibration peut s'effectuer normale-
ment [ALT 88]. Ces fibres réduisent le retrait dans des proportions qui ne sont pas
très importantes, tout au plus 10 % [HAN 78], mais elles diminuent considérable-
ment la fissuration qui est associée au retrait plastique. Le mécanisme est encore
mal compris, mais de nombreux essais de retrait empêché ont montré que les fi-
bres de polypropylène à la fois retardent l’apparition des fissures, mais aussi di-
minuent (jusque dans un rapport 10) l’ouverture de ces fissures [GRZ 90],
[KRA 85]. Ce dernier point, qui permet un contrôle de l’ouverture des fissures,
est particulièrement intéressant en ce qui concerne la durabilité. Ainsi, dans des
conditions climatiques sévères (température de 40 à 46 °C en surface avec une vi-
tesse de vent de 16 à 24 km/h) des échantillons possédant 0,2 % de fibres n’ont
présenté aucune fissure visible, alors que les échantillons non armés présentaient,
229
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
230
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
béton ordinaire
2,34
(E/C = 0,42) 2,16
béton à hautes performances
Clinker
0 Degré d'hydratation 1
Figure 6.8 : évolution des volumes relatifs (cumulés) du ciment, des hydrates, de l'eau
évaporable et de l'air au cours de l’hydratation, en fonction du taux de ciment consommé,
pour trois valeurs types du rapport E/C initial : en-dessous de 0,42, l'hydratation s'arrête
par épuisement de l'eau disponible, et les tensions dans la phase liquide génèrent un
retrait; dans un BFUP, l'hydratation et l’autodessiccation s'arrêtent très tôt.
231
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
232
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
233
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
leur d’hydratation et à fort retrait endogène. Il ne faut pas confondre cette cause de
fissuration avec le mécanisme de formation différée d’ettringite (cf. chapitre 11).
4.2. Cas des bétons traités thermiquement
Les traitements thermiques sont aujourd’hui soigneusement contrôlés, car ils pré-
sentent un risque particulier: lorsque l’apport de chaleur coïncide avec la fin de la
période dormante et que la montée en température est rapide, il y a un effet de cou-
plage entre l’apport extérieur d’énergie calorifique et la chaleur d’hydratation,
couplage qui peut conduire, au cœur de la pièce, à des élévations de température
largement supérieures à la température programmée. Contrairement au cas des
bétons de masse, c’est dans les ouvrages de faible épaisseur (plus petite dimen-
sion inférieure à 15 cm, ce qui est fréquent en préfabrication) que ce risque est le
plus élevé. Dans des petits éléments préfabriqués traités à la vapeur juste avant ou
au tout début de la prise, et chauffés en une heure à 80 °C par exemple, on a me-
suré des températures à cœur supérieures à 90 °C [ACK 86].
4.3. Facteurs aggravants
Dans le cas des bétons non traités thermiquement, les principaux facteurs aggra-
vants sont les suivants.
L’augmentation de la taille des pièces en béton
Inexistantes en deçà de 50 cm d’épaisseur dans le cas de bétons non traités ther-
miquement, les fissures d’origine thermique sont pratiquement inévitables lors-
que l’épaisseur du béton est supérieure à 80 cm. Elles peuvent même apparaître
dans des ouvrages d’épaisseur plus modeste (dès 20 cm) lorsqu’une face est isolée
thermiquement, si l’ouvrage est soumis à des conditions aux limites de déplace-
ment empêché. L’expérience acquise sur les chantiers montre clairement que, dès
qu’il existe une zone de béton dont la distance à la plus proche surface refroidie
dépasse 50 cm, la température du béton peut s’y élever de 30 à 50 °C. Il est alors
indispensable de traiter les coffrages si l’on veut éviter une fissuration intense et
ouverte au cours du refroidissement, par exemple avec un flocage ou une isolation
thermique dans les zones moins épaisses, pour diminuer les écarts de température
entre zones.
Un dosage élevé en ciment et l’utilisation de ciment réactif
Ceci est caractéristique des bétons de hautes performances qui montrent souvent
des chaleurs d’hydratation plus élevées, mais aussi et surtout des cinétiques d’hy-
dratation plus rapides que celles des bétons classiques. Des observations sur chan-
tiers où sont mis en œuvre ces types de béton montrent que l’on peut avoir, avec
des bétons HP, des effets thermiques non négligeables, même pour des épaisseurs
inférieures à 30 cm.
234
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
235
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Le fait que l’on utilise un ciment à faible chaleur d’hydratation ne garantit pas que l’élévation de
température dans le béton soit modérée, les autres facteurs comme le dosage en ciment étant évi-
demment aussi importants.
236
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
1. Un couplage existe: les dissipations mécaniques se font en partie sous forme thermique. Cet
apport est toutefois négligeable devant l’apport dû aux réactions chimiques.
237
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
d’autre part, des calculs sur structures montrent qu’en faisant varier ces paramè-
tres, cela n’entraîne que des différences marginales sur les températures calcu-
lées. On peut donc garder constante la valeur de la conductivité thermique (autour
de 2 W/m/K).
Il est cependant un paramètre à considérer dans le calcul de la conductivité ther-
mique, c’est le pourcentage d’armatures. En effet, l’acier est beaucoup plus con-
ducteur que le béton et, dans les structures très ferraillées, il importe d’en tenir
compte (k peut atteindre jusqu’à 3 W/m/K [ACK 90]).
La capacité calorifique ρc
Elle est égale au produit de la masse volumique par la capacité thermique massi-
que du béton. Elle dépend donc de la composition du béton et, notamment, du
type de granulats, mais aussi de la teneur en eau, du degré d’avancement de la
réaction d’hydratation, de la température [WAL 00].
Pour les besoins de la pratique, on peut la considérer constante, égale à 2,4 J/cm3/°C,
ou bien la calculer à partir de la composition du béton. Le tableau 6.1 rassemble les
capacités thermiques massiques de chaque composant, issues de différentes sources.
Tableau 6.1 : capacités thermiques massiques des composants du béton (J/°C/g)
[WAL 2000].
La chaleur d'hydratation
Il faut ici s’intéresser à deux aspects du problème: la quantité finale Q(∞) de cha-
leur dégagée et Q· ( t ) qui donne la cinétique de dégagement de chaleur.
La quantité finale dépend de nombreux facteurs. Les principaux sont :
– la composition du clinker. Tous les constituants du ciment n’apportent pas la
même contribution en termes de dégagement de chaleur. On notera l’influence
du C3A et du C3S (tableau 6.2). En général, ce dernier étant prépondérant dans
les ciments, la chaleur d’hydratation en sera largement dépendante.
238
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
– les ajouts. Lorsque l’on remplace une partie du clinker par des fillers inertes,
une cendre volante, des fumées de silice, etc., la chaleur finale en est modifiée.
La valeur de Q(∞) doit alors être estimée en tenant compte des différentes réac-
tions, qui de plus peuvent être couplées [SCH 92, WAL 00] ;
– la composition du béton, le dosage en ciment et le rapport E/C, notamment. La
chaleur dégagée dépend évidemment du dosage en ciment. Dans le cas des
bétons à faible E/C, l’hydratation peut être incomplète, ce qui réduira la quantité
de chaleur dégagée;
– le pourcentage d’armatures. Pour des pièces très ferraillées, la quantité de cha-
leur dégagée peut être réduite de manière significative.
La cinétique de réaction est, quant à elle, fonction :
– de la composition du clinker: tous les composants ne réagissent pas à la même
vitesse. On notera cependant que C3S et C3A qui réagissent le plus rapidement
sont également les hydrates dont la réaction dégage le plus de chaleur [COP 60];
– de la surface spécifique du ciment. Plus cette surface est importante plus le
ciment sera réactif;
– des ajouts. Les réactions pouzzolaniques sont plus lentes que l’hydratation du
ciment. On a donc une modification de la cinétique de dégagement de chaleur;
– des adjuvants. Sans parler des accélérateurs et retardateurs de prise, les fluidi-
fiants, par exemple, ont un effet d’écran vis-à-vis de l’hydratation du ciment
[BUI 84];
– de la quantité de chaleur déjà dégagée Q(t) et de la température absolue T(t).
Cette dépendance s’exprime au moyen de la loi d’Arrhénius qui traduit le carac-
tère thermoactivé de la réaction [REG 80, BYF 80]:
Ea ⎞
Q· ( t ) = f ( Q ( t ) ) exp ⎛ – -------------
- (2)
⎝ RT ( t )⎠
où Ea est l’énergie d'activation de la réaction et R la constante des gaz parfaits.
Cette loi est fondamentale dans la modélisation du béton au jeune âge. Elle a deux
conséquences. La première est que le paramètre Q ne peut pas être éliminé entre
239
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. On parle ici d’un degré d’hydratation alors qu’il y a en fait plusieurs réactions liées à chaque
espèce anhydre; l'expérience montre toutefois que cette simplification n'est pas outrancière, sauf
dans le cas des ciments avec ajouts pouzzolaniques.
240
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
teindre, à 20 °C, son état actuel (mesuré par exemple par le degré d’hydratation
ξ = Q(t)/Q(∞) ):
t Ea Ea
te = ∫ exp ⎛ – -------------- -⎞ dτ
- + ----------------------------- (3)
0
⎝ RT ( τ ) R ( 273 + 20 )⎠
Suivant ce concept, on peut, à partir d’une courbe maîtresse (relation résistance-
temps équivalent) prévoir les résistances au jeune âge du béton [BYF 80,
CAR 83, TOR 92, DAL 93]. C'est ce principe qui est utilisé sur chantier dans les
maturomètres pour prédire les résistances à court terme [CHA 96].
Dans la loi d’Arrhénius le paramètre fondamental est l’énergie d’activation Ea. Il
a été mis en évidence aussi bien expérimentalement que par modélisation et simu-
lations, que Ea dépend d'abord du ciment [BRE 82, DAL 02], puis de l’adjuvan-
tation, de la température, de l’avancement de la réaction d’hydratation [BRE 82,
DAL 93], de la durée de la période dormante (notamment si elle très longue)
[DAL 04].
Comme ce paramètre est absolument fondamental dans la prévision de la résistan-
ce, des efforts particuliers ont été faits pour sa détermination. Les travaux de
[DAL 04] ont permis de définir une méthode de détermination de Ea. Ce paramè-
tre peut être également déterminé sur MBE (mortier de béton équivalent) à l’aide
de calorimètres Langavant [DAL 98]. Enfin, une réflexion collective a également
abouti à des recommandations applicables aux chantiers utilisant la méthode
[DAL 04]. Ces recommandations portent sur: la régularité de la fabrication, le
choix des points de mesures de la température dans l’ouvrage, le choix de l’ins-
trumentation, l’étalonnage au laboratoire et sur chantier, et la mise en place de
contrôles de conformité. Plus récemment, des travaux ont été conduits afin d’étu-
dier l’influence de la maturité au décoffrage sur la qualité des parements en béton
et la durabilité du béton de peau [NAC 02].
Le problème thermique fait également intervenir des conditions aux limites. En
général, celles-ci s'expriment comme un flux de chaleur à travers les surfaces
d’échanges:
Q = – λ ( T s – T ext ) (4)
où Ts est la température de surface et Text la température du milieu ambiant. Le
coefficient λ modélise globalement le processus d'échange avec le milieu exté-
rieur, en caractérisant la plus ou moins grande isolation du béton en fonction du
type de coffrage choisi (bois, métal, bâche isolante, surface libre) et des données
climatiques (surface ventilée ou abritée) [LAP 82]. λ peut ainsi varier de 0,5 à
6 W/m2/K [ACK 88]. Pour des structures très élancées (comme les dalles de pont
par exemple), une estimation correcte de la valeur des coefficients d'échange est
241
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
5. CONCLUSION
La fissuration la plus pénalisante pour la durabilité des ouvrages en béton est la
fissuration précoce. Elle donne, en effet, des fissurations ouvertes. Elle est, en
pratique, toujours évitable. Voici cinq précautions élémentaires pour prévenir
presque toutes les fissurations précoces (il faut noter que les quatre premières re-
lèvent des règles de l’art qui devraient être toujours appliquées):
– composer le béton de manière à ce que son dosage en éléments fins (ciment
compris) soit optimal (mélange à porosité minimale), et choisir la dimension du
plus gros granulat compatible avec la dimension du coffrage et l’encombrement
de l’armature. On réduit ainsi le risque de fissures par tassement du béton frais et
on assure une rétention correcte de l’eau de gâchage;
– appliquer une brumisation ou choisir un produit de cure efficace; l’appliquer
correctement et en temps voulu au dosage recommandé. On réduit et parfois
même on supprime ainsi le risque de fissuration plastique;
– veiller à la régularité des approvisionnements et de toutes les opérations de la
chaîne de mise en œuvre;
– prendre en compte, dès la conception de l’ouvrage, le risque de retrait thermi-
que après prise dans le cas des ouvrages de masse;
– s’affranchir du risque de retrait thermique dans le cas d’ouvrages traités ther-
miquement en soignant le procédé de préfabrication et, notamment, la durée de
1. Il peut exister un écart très important entre la valeur théorique d’un coefficient d’échange et sa
valeur réelle, notamment à cause de la mise en œuvre sur chantier: du polystyrène maintenu par
des poutres métalliques tous les 20 cm ne pourra pas être aussi isolant que prévu…
242
La maîtrise de la fissuration au jeune âge: condition de durabilité des ouvrages en béton
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P. ROUGEAU, P. GUIRAUD
Résumé
Les ouvrages en béton disposent aujourd’hui d’un nouveau support normatif très
complet, constitué de normes européennes et de référentiels français. Cet en-
semble de textes couvre le dimensionnement des ouvrages en béton (avec les
Eurocodes), les constituants du béton (dont la norme NF EN 197-1 pour les ci-
ments, les normes NF EN 12620 et XP P18-545 pour les granulats et la norme
NF EN 934-2 pour les adjuvants), le béton et en particulier sa durabilité (norme
NF EN 206-1, fascicule de documentation FD P18-011, recommandations sur
l’alcali-réaction, le gel-dégel, la réaction sulfatique interne), les produits en béton
(dont la norme NF EN 13369) et leur utilisation dans les ouvrages (Fascicule 65A,
DTU…). Ces normes et référentiels se complètent de manière cohérente et per-
mettent in fine de mieux appréhender et de mieux maîtriser la durabilité des struc-
tures en béton.
Mots-clés
CONTEXTE NORMATIF, NORMES, RECOMMANDATIONS, EUROCODES, NF EN 206-1,
NF EN 13369, FD P18-011, FASCICULE 65A, MARQUAGE CE
249
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Définitions
Directive
Une directive européenne ou directive communautaire est un texte législatif voté
par le parlement européen et qui rentre en vigueur après transposition obligatoire
dans la réglementation de chaque État membre de l’Union européenne.
Norme - Généralités
Une norme est un « document établi par consensus, qui fournit, pour des usages
communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques, pour
des activités ou leurs résultats, garantissant un niveau d’ordre optimal dans un
contexte donné. » (extrait du Guide ISO/CEI 2)
La norme propose des solutions à des questions techniques et commerciales con-
cernant les produits, les biens d’équipement et les services. Elle établit un com-
promis entre l’état de la technique et les contraintes économiques à un moment
donné. La norme peut ainsi s’entendre comme un document de référence sur un
sujet donné, dont elle reflète l’état de l’art, de la technique et du savoir-faire.
En règle générale, la norme est d’application volontaire. Elle peut être rendue
d’application obligatoire par les pouvoirs publics, notamment lorsqu’elle porte
sur des aspects liés à la sécurité et les conditions liées aux marchés publics.
C’est un document de référence utilisé notamment dans le cadre des marchés pu-
blics ou dans celui du commerce international et sur lequel s’appuie la plupart des
contrats commerciaux. Elle est utilisée comme la référence incontestable simpli-
fiant et clarifiant les relations contractuelles entre partenaires de la vie économi-
que. C’est un document pouvant être utilisé pour étudier la jurisprudence.
Norme harmonisée
Les spécifications techniques qui servent de référentiel pour mettre sur le marché
des produits satisfaisant aux exigences essentielles définies dans une directive
sont établies au travers de normes dites harmonisées. Une annexe nommée « ZA »
énumère les parties harmonisées (articles) de la norme volontaire. Cette annexe
est reprise dans les réglementations des États membres et permet par son respect
l’apposition du marquage CE sur les produits, les articles concernés par cette an-
nexe deviennent réglementaires tandis que le reste de la norme demeure volontai-
re. L’annexe ZA précise également, pour chaque caractéristique et usage du
produit, le rôle et les tâches respectives du fabricant et de l’organisme notifié
(lorsqu’il est prévu).
Norme française homologuée
Une norme française homologuée est un document à contenu normatif dont la va-
leur technique est suffisamment reconnue, et pour lequel une officialisation des
pouvoirs publics est nécessaire ou souhaitable en raison de sa destination (réfé-
250
La durabilité dans le contexte normatif européen
rence dans la réglementation, secteur des marchés publics, base pour l’attribution
de la marque NF, intérêt public…).
Un projet de norme non homologué peut être publié sous forme de norme expéri-
mentale lorsqu’il est nécessaire de le soumettre à une période de mise à l’épreuve
avant d’en conserver son contenu, tel quel ou révisé.
Fascicule de documentation
Un fascicule de documentation est un document de référence à caractère essen-
tiellement informatif. Il a pour but la diffusion des connaissances auprès des pro-
fessions.
Recommandation
Il existe des textes qui énoncent des dispositions relevant de l’état de l’art mais
qui ne sont ni réglementaires, ni normatifs. Ces textes sont publiés notamment par
l’AFNOR (fascicules de documentation), le LCPC et/ou le SETRA.
1. INTRODUCTION
Un ouvrage doit résister au cours du temps aux diverses agressions ou sollicita-
tions (physiques, mécaniques, chimiques…), c’est-à-dire aux charges auxquelles
il est soumis, ainsi qu’aux actions diverses telles que le vent, la pluie, le froid, la
chaleur, le milieu ambiant… tout en conservant son esthétique. Il doit satisfaire,
avec un niveau constant, les besoins des utilisateurs au cours du temps.
Il est possible désormais de définir des objectifs de durabilité et de choisir avec
précision les caractéristiques du béton en fonction de l’agressivité du milieu dans
lequel se trouve l’ouvrage et d’optimiser ses caractéristiques afin de les adapter à
la durée d’utilisation souhaitée. Les spécifications concernent la nature et le do-
sage minimal en ciment, la compacité minimale, la valeur maximale du rapport
Eau/Ciment, l’enrobage minimal des armatures et la teneur maximale en chloru-
res dans le béton.
Les connaissances actuelles sur les ciments et les bétons permettent d’optimiser
et d’adapter la composition et la formulation des bétons aux contraintes environ-
nementales auxquelles ils seront soumis, tout en respectant les critères de perfor-
mances mécaniques.
Un contexte normatif et réglementaire encadre désormais l’utilisation du matériau
béton. Les normes pour le béton, d’une part, et les normes pour les produits en
béton, d’autre part, ainsi que les recommandations constituent un ensemble cohé-
rent, homogène, logique et complet (voir figure 7.1) qui permet de prendre en
compte, dès la conception, tous les critères de durabilité.
251
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Cette évolution s’inscrit dans une logique de progrès visant à optimiser la qualité
des bétons et à maîtriser la durabilité des ouvrages.
STRUCTURE EN BÉTON
NORMES DE NORMES
DIMENSIONNEMENT D'EXÉCUTION
Normes Fascicules
sur les constituants de recommandations
du béton
252
La durabilité dans le contexte normatif européen
truction en conformité avec les exigences essentielles de la directive sur les pro-
duits de construction (DPC : CCE 89/106, directive du 21 décembre 1988).
Les Eurocodes constituent un ensemble de 58 normes regroupées en 10 docu-
ments (EN 1990 à EN 1999), parmi lesquelles on trouve :
• NF EN 1990 Eurocode 0 : Bases de calcul des structures ;
• NF EN 1991 Eurocode 1 : Actions sur les structures ;
• NF EN 1992 Eurocode 2 : Calcul des structures en béton ;
• NF EN 1996 Eurocode 6 : Ouvrages en maçonnerie ;
• NF EN 1997 Eurocode 7 : Calcul géotechnique ;
• NF EN 1998 Eurocode 8 : Calcul des structures pour leur résistance aux séismes.
Les normes françaises Eurocodes (NF EN 1990 par exemple) sont constituées de
la norme européenne (EN 1990), complétée par l’annexe nationale française. Cet-
te annexe précise en particulier les paramètres, les valeurs, les procédures et les
données climatiques à utiliser pour le calcul des structures en France (paramètres
déterminés au niveau national, NDP, laissés au libre choix de chaque pays).
Nota. En France, pour les ouvrages en béton, elles vont se substituer progressive-
ment aux règles actuelles de dimensionnement (règles BAEL et BPEL).
253
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
2.1.2. L’Eurocode 0
L’Eurocode 0 (norme NF EN 1990 « Bases de calcul des structures ») décrit les
principes et les exigences pour la sécurité, l’aptitude au service et la durabilité des
structures. Il est appliqué conjointement avec les autres Eurocodes.
Le dimensionnement d’une structure est associé à la notion de durée d’utilisation
de projet (durée pendant laquelle la structure ou une de ses parties est censée pou-
voir être utilisée comme prévu en faisant l’objet de la maintenance escomptée,
mais sans qu’il soit nécessaire d’effectuer des réparations majeures) et de fiabilité
(capacité d’une structure ou d’un élément structural à satisfaire aux exigences
spécifiées, pour lesquelles il ou elle a été conçu(e)).
La fiabilité de la structure suppose un dimensionnement conforme aux normes
Eurocodes et la mise en œuvre de mesures appropriées en matière d’exécution et
de gestion de la qualité. Elle s’exprime en terme de probabilité.
La maintenance couvre l’ensemble des opérations effectuées pendant la durée
d’utilisation de la structure, afin de lui permettre de satisfaire aux exigences de
fiabilité.
L’Eurocode 0 pose comme exigences de base :
• Article 2.1.1 (P)
« Une structure doit être conçue et réalisée de sorte que, pendant la durée d’utili-
sation de projet (cf. tableau 7.1) escomptée, avec des niveaux de fiabilité appro-
priés et de façon économique :
– elle résiste à toutes les actions et influences susceptibles d’intervenir pendant
son exécution et son utilisation ;
– elle reste adaptée à l’usage pour lequel elle a été conçue. »
Tableau 7.1 : durée indicative d’utilisation de projet selon norme NF EN 1990
(Tableau 2.1 NF).
Durée indicative
Catégorie de durée
d’utilisation de projet Exemples
d’utilisation de projet
(années)
1 10 Structures provisoires
254
La durabilité dans le contexte normatif européen
255
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
2.1.4. L’Eurocode 2
La norme de base pour le calcul des structures en béton est l’Eurocode 2 (norme
NF EN 1992 « Calcul des structures en béton »).
L’Eurocode 2 comprend quatre normes :
• NF EN 1992-1-1 : Règles générales et règles pour les bâtiments ;
• NF EN 1992-1-2 : Règles générales - Calcul du comportement au feu ;
• NF EN 1992-2 : Ponts - Calcul et dispositions constructives ;
• NF EN 1992-3 : Silos et réservoirs.
Ces normes permettent le calcul des bâtiments et des ouvrages de génie civil en
béton non armé, en béton armé ou en béton précontraint. Elles s’appliquent aussi
pour le dimensionnement des produits préfabriqués en béton.
Elles traitent, en conformité avec l’Eurocode 0, des principes et des exigences
pour la sécurité, l’aptitude au service, la durabilité et la résistance au feu des struc-
tures en béton. Les autres exigences, telles que celles relatives aux isolations ther-
miques et acoustiques, par exemple, n’y sont pas traitées.
2.1.4.1. Eurocode 2 partie 1-1
La norme NF EN 1992-1-1 définit les principes généraux du calcul des structures
et les règles spécifiques pour les bâtiments.
Les principes relatifs à la durabilité font l’objet de la section 4 (durabilité et enro-
bage des armatures). Ces principes conformes à ceux de la section 2 de la norme
NF EN 1990 introduisent pour la conception vis-à-vis de la durabilité, la prise en
compte des actions environnementales et de la durée d’utilisation de projet.
Article 4.1 (1) (P): « Une structure durable doit satisfaire aux exigences d’aptitu-
de au service, de résistance et de stabilité pendant toute la durée d’utilisation de
projet, sans perte significative de fonctionnalité ni maintenance imprévue
excessive. »
L’article 4.2 reprend les classes d’exposition définies dans la norme NF EN 206-1.
Cette classification est fonction des actions environnementales auxquelles sont sou-
mis l’ouvrage ou les parties d’ouvrages.
Les exigences relatives à la durabilité (article 4.3) sont basées sur la mise en œu-
vre de dispositions appropriées afin de protéger chaque partie d’ouvrage des ac-
tions environnementales. Ces dispositions sont à prendre tout au long du cycle de
conception jusqu’à la réalisation de l’ouvrage, en passant par le choix des maté-
riaux, des dispositions constructives, des procédures de maîtrise de la qualité et
de contrôles d’inspection.
256
La durabilité dans le contexte normatif européen
257
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
258
La durabilité dans le contexte normatif européen
259
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
agressions dues aux milieux marins ou aux eaux sulfatées, on utilisera respective-
ment des ciments prise mer (PM) ou résistant aux eaux sulfatées (ES).
Pour certaines classes d’exposition ou certains ouvrages particuliers, des exigen-
ces relatives aux caractéristiques des ciments peuvent être requises. Les ciments
possédant ces caractéristiques font l’objet de normes spécifiques.
• Ciments pour travaux à la mer (PM) NF P15-317
Ces ciments présentent des teneurs limitées en aluminate tricalcique (C3A) qui
leur permettent de conférer au béton une résistance accrue à l’agression des ions
sulfate en présence d’ions chlorure, au cours de la prise et ultérieurement.
• Les ciments pour travaux en eaux à haute teneur en sulfates (ES) NF P15-319
Ces ciments présentent des teneurs limitées en aluminate tricalcique (C3A).
• Les ciments à teneur en sulfures limitée (CP) NF P15-318
Ces ciments ont une teneur en sulfures limitée. La norme prévoit deux classes no-
tées CP1 et CP2 : cette limitation permet d’éviter un risque de réaction provo-
quant un dégagement d’hydrogène pouvant fragiliser l’acier sous contrainte.
• Les ciments de haut-fourneau à faible résistance à court terme NF EN 197-4.
Le processus d’hydratation de ces ciments est ralenti à court terme du fait de la
composition, la finesse ou la réactivité des constituants. Ces ciments sont en parti-
culier adaptés pour le bétonnage en période estivale ou la réalisation de pièces
massives car ils permettent de limiter la valeur de la température au cœur du béton.
3.2. Les normes granulats
3.2.1. La norme NF EN 12620 (granulats pour béton)
La norme NF EN 12620 définit les termes relatifs aux granulats pour béton rele-
vant de la Directive sur les Produits de Construction. Elle prescrit des catégories
de valeurs maximales pour chaque caractéristique physique ou mécanique, spéci-
fiant les granulats et les fillers utilisés dans la fabrication des bétons. Elle concer-
ne en particulier les bétons conformes à la norme NF EN 206-1, les granulats
entrant dans la composition des produits préfabriqués en béton et les bétons rou-
tiers. Elle précise les caractéristiques physiques et chimiques relatives à l’évalua-
tion de la conformité des granulats et au système de maîtrise de la production.
Elle spécifie des exigences relatives à la durabilité (article 5.7) concernant :
– la résistance des gravillons au gel-dégel ;
– la stabilité volumique et le retrait au séchage ;
– la réaction alcali-silice.
260
La durabilité dans le contexte normatif européen
261
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Classe Environnement
1 Sec ou peu humide (hygrométrie inférieure à 80 %)
2 Hygrométrie supérieure à 80 % ou en contact avec l’eau
3 Hygrométrie supérieure à 80 % et avec gel et fondants
4 Marin
Classe d’exposition
Types d’ouvrages
1 2 3 4
I A A A A
II A B B B
III C C C C
262
La durabilité dans le contexte normatif européen
263
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Niveau de gel
Niveau de salage
Modéré Sévère
Peu fréquent Béton adapté* Béton G
Béton adapté* avec :
Fréquent teneur en air minimale = 4 % Béton G + S
ou essais de performance
Très fréquent Béton G + S Béton G + S
* Béton adapté : béton conforme aux normes en vigueur, (norme NF EN 206-1, normes de produit)
et possédant une bonne compacité.
264
La durabilité dans le contexte normatif européen
La norme NF EN 206-1 spécifie, dans les tableaux NA.F.1 et NA.F.2, des exigen-
ces relatives aux bétons en fonction des classes d’exposition. Elle précise, pour
les classes d’exposition XA1, XA2 et XA3 qu’il convient de se référer au fasci-
cule P18-011 pour le choix du ciment.
Le fascicule de documentation FD P18-011 distingue trois types d’environne-
ments agressifs :
– les milieux gazeux : gaz, vapeurs ;
– les milieux liquides : eaux pures, eaux de mer, solutions de sels, d’acides ou de
bases, eaux résiduaires, liquides organiques (huiles, pétrole, solvants) ;
– les milieux solides : sols naturels ou remblais dont l’agressivité, conditionnée à
la présence d’eau, est fonction de la composition de la solution intergranulaire et
de sa circulation éventuelle.
Pour chaque niveau d’agressivité, le fascicule donne des recommandations sur le
choix du type de ciment pour les milieux contenant des sulfates, l’eau de mer et
les solutions acides (voir aussi chapitre 12).
4.4. Les recommandations pour la prévention des désordres
dus à la réaction sulfatique interne (ou formation différée d’ettringite)
Un document synthétisant les recommandations à mettre en œuvre pour éviter les
phénomènes de gonflement interne sulfatique a été publié en 2007 par le LCPC.
Il propose une démarche préventive en matière de protection contre des risques
de formation différée d’ettringite, adaptée de celle qui a été mise au point pour la
prévention des désordres dus à l’alcali-réaction.
La démarche se fait en deux temps :
– détermination du niveau de prévention à atteindre en fonction de la catégorie
d’ouvrage et de sa classe d’exposition ;
– orientation vers la (ou les) solution(s) possible(s) en fonction du niveau de pré-
vention retenue (voir chapitre 11).
5. LA NORME NF EN 206-1
5.1. Présentation générale
La résistance du béton aux diverses conditions environnementales auxquelles il
est soumis pendant la durée d’utilisation prévue de la structure est conditionnée
notamment par le respect de spécifications sur le béton.
Ces exigences concernent en particulier les bétons structuraux de bâtiments et
d’ouvrages de génie civil. Pour ces bétons, les spécifications sont définies dans la
norme NF EN 206-1 ou dans les normes de produit :
265
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
« Les bétons coulés en place qu’ils soient réalisés par un producteur de béton prêt
à l’emploi ou sur le chantier, destinés aux bâtiments et ouvrages de génie civil
sont gouvernés par la norme NF EN 206-1, dont l’édition française est parue en
avril 2004 et qui est d’application effective depuis le 1er janvier 2005, pour les
produits préfabriqués structuraux en béton, autres que les blocs, les normes euro-
péennes harmonisées s’appuient sur la norme NF EN 13369, laquelle précise et
complète, pour les aspects concernant les produits préfabriqués structuraux, la
norme NF EN 206-1. »
Pour les autres produits préfabriqués, dont les blocs, il existe des normes euro-
péennes harmonisées qui contiennent en elles-mêmes toutes les spécifications né-
cessaires. Les produits en béton sont conformes à leurs normes respectives.
La norme NF EN 206-1 (Béton, partie 1 « Spécifications, performances, produc-
tion et conformité ») définit pour les bétons de structures en plus des spécifica-
tions relatives au béton, les responsabilités du prescripteur (responsable de la
spécification du béton) et du producteur (responsable de la conformité et du con-
trôle de la production).
Elle fournit des règles précises concernant la spécification, la production, la li-
vraison et le contrôle de la conformité des bétons. Elle s’applique lorsque le lieu
d’utilisation du béton est la France.
Elle est composée de la norme européenne EN 206-1 et de l’Annexe nationale
française indispensable pour son utilisation en France, qui spécifie les disposi-
tions complémentaires à respecter en tenant compte des spécificités climatiques
et géographiques françaises.
Le respect de la norme NF EN 206-1 est exigé par les textes concernant l’exécu-
tion des ouvrages et des structures en béton, en particulier le fascicule 65 et le
DTU 21 (norme NF P18-201) mis à jour et adaptés pour en préciser les modalités
d’application. Pour les produits préfabriqués, le respect des normes européennes
harmonisées est exigé par les textes concernant l’exécution des ouvrages et des
structures en béton, en particulier les fascicules (29, 31, 62, 64, 65, 70) et les nor-
mes DTU. Le code des assurances précise que leur non-respect déchoit l’assuré
de ses droits.
Elle prend en compte la notion de durabilité en s’appuyant sur la notion de classe
d’exposition.
Elle impose au prescripteur de définir les risques d’agressions et d’attaques aux-
quels le béton de l’ouvrage ou de chaque partie d’ouvrage va être exposé pendant
la durée d’utilisation de la structure.
Elle permet, en combinant les classes d’exposition, de définir avec précision l’en-
vironnement de chaque partie d’ouvrage et donc de prescrire un béton parfaite-
266
La durabilité dans le contexte normatif européen
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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La durabilité dans le contexte normatif européen
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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La durabilité dans le contexte normatif européen
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
6.2. Le marquage CE
Les normes de produits comportent une partie harmonisée dont le respect, attesté par
le marquage obligatoire CE, permet la libre circulation du produit au sein de l’Union
européenne (l’annexe ZA de la norme définit les clauses harmonisées et les modali-
tés du marquage CE). Des annexes informatives fournissent des informations com-
plémentaires destinées généralement à la conception de l’ouvrage. Cette conformité
des produits est attestée par le marquage réglementaire CE, le cas échéant complété
par une certification volontaire. La certification volontaire complémentaire (NF par
exemple) attestera que le produit est conforme à la norme produit et apte à être mis
en œuvre selon la norme NF DTU ou le document d’application.
6.3. La norme NF EN 13369
La norme NF EN 13369 « Règles communes pour les produits préfabriqués en
béton » est la norme de base pour toutes les normes de produits structuraux. Elle
précise les exigences relatives aux constituants et au béton, ainsi que les condi-
tions générales d’application des Eurocodes pour le dimensionnement des pro-
274
La durabilité dans le contexte normatif européen
275
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
276
La durabilité dans le contexte normatif européen
277
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
278
7.4. Autres référentiels pour la réalisation des ouvrages
avec des produits en bétons
Les autres référentiels utilisés pour la réalisation des ouvrages avec des produits
préfabriqués sont :
• pour la fondation
– DTU 13.12 Règles pour le calcul des fondations superficielles (P 11-711),
– DTU 13.11 Fondations superficielles (P 11-211),
– DTU 13.2 Fondations profondes (P 11-212-2) ;
• pour la maçonnerie
– DTU 20.1 Ouvrages en maçonnerie de petits éléments - Parois et murs (P
10-202),
– DTU 20.12 Gros œuvre en maçonnerie des toitures destinées à recevoir un
revêtement d’étanchéité (P 10-203),
– DTU 26.1 Enduits aux mortiers de ciment, de chaux… (P 15-201),
– Fascicule 64 ;
• pour les murs et façades
– DTU 21 Exécution des ouvrages en béton (P 18-201),
– DTU 22.1 Murs extérieurs en panneaux préfabriqués de grandes dimen-
sions (P 10-210) ;
• pour les éléments de structure
– DTU 23.2 Planchers à dalles alvéolées préfabriqués en béton (P 19-201),
– DTU 23.3 Ossatures en éléments industrialisés en béton,
– prDTU 23.5 Planchers à poutrelles et entrevous préfabriqués en béton,
– prDTU 23.4 Planchers à pédalles préfabriquées en béton,
– Fascicule 62 ;
• pour la fumisterie
– DTU 24.1 Travaux de fumisterie (P 51-201),
– DTU 24.2 Travaux d’âtrerie (P 51-202);
• pour la couverture
– DTU 40.24 Couvertures en tuiles en béton à glissement et à emboîtement
longitudinal (P 31-207-1),
– DTU 40.241 Couvertures en tuiles plates en béton à glissement et à emboî-
tement longitudinal (P 31-205),
– DTU 40.25 Couvertures en tuiles plates en béton (P 31-206) ;
• pour l’épuration
– DTU 64.1 Mise en œuvre des dispositifs d’assainissement autonomes -
Maison d’habitation (P 16-603),
279
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
8. CONCLUSION
Les ouvrages en béton disposent aujourd’hui d’un nouveau support normatif
complet constitué majoritairement de normes européennes complétées par des ré-
férentiels nationaux. S’appuyant sur le retour d’expérience et sur les travaux
d’études et de recherches menées durant ces dernières décennies, ce nouveau con-
texte normatif est une réelle avancée pour les utilisateurs. Cet ensemble de textes
couvre en effet les différents aspects liés à la construction des ouvrages, depuis le
dimensionnement des structures jusqu’au choix des constituants du béton, sa for-
mulation et sa mise en place.
Dans le domaine de la durabilité, les normes NF EN 206-1 et NF EN 13369, en
particulier, constituent une évolution importante dans la manière de prescrire, de
formuler et fabriquer les bétons et produits structuraux. Le fascicule de documen-
tation FD P18-011 et les recommandations du LCPC sont des documents de réfé-
rence incontournables pour appréhender la durabilité des bétons exposés aux
environnement chimiquement agressifs, au gel-dégel ou susceptibles de présenter
un risque vis-à-vis de l’alcali-réaction ou de la réactions sulfatique interne.
Bien entendu, ces normes et ces référentiels sont amenés à évoluer au cours des
prochaines années pour tenir compte, notamment, des nouvelles propriétés et per-
formances des bétons.
L’approche performantielle
de la durabilité des bétons
Résumé
Parallèlement à l’approche prescriptive basée sur des obligations de moyens, de
nouvelles méthodes reposant sur une approche performantielle de la durabilité
sont développées aujourd’hui. L’approche performantielle est une démarche glo-
bale qui permet de prendre en compte tous les aspects technico-économiques
spécifiques à chaque ouvrage (importance de l’ouvrage, environnement, sollici-
tations physico-chimiques et mécaniques, risques induits, durée de vie deman-
dée). Ces approches reposent sur de nouveaux concepts (méthodologie
« comparative » ou « complète ») et outils (indicateurs de durabilité, essais de
performance et de caractérisation). Elles sont d’ores et déjà intégrées à des de-
grés variables dans les normes européennes et dans d’autres textes couramment
utilisés (« Recommandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au
gel », « Recommandations pour la prévention des désordres liés à l’alcali-
réaction »). La constitution de bases de données et la définition de modèles phy-
sico-chimiques pertinents sont deux facteurs clé pour une plus grande utilisation
de l’approche performantielle.
Mots-clés
APPROCHE PERFORMANTIELLE, INDICATEURS, ESSAI DE PERFORMANCE, RECOMMAN-
DATIONS, MODÈLES.
281
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
Les méthodologies mises en œuvre afin de maîtriser la durabilité des ouvrages en
béton peuvent revêtir quatre niveaux de complexité [AND 06] :
– le niveau 1 correspond à une approche prescriptive essentiellement basée sur
des obligations de moyens ;
– le niveau 2 repose sur l’utilisation d’indicateurs de durabilité ou d’essais de
performance ; à ce stade, la durée de vie1 n’est pas encore quantifiée ;
– le niveau 3 implique l’utilisation de modèles de durabilité déterministes ;
– le niveau 4 correspond à l’utilisation de modèles probabilistes2.
Ce classement relatif à la complexité de la méthodologie n’est valable que pour
un type de modèle donné (modèle empirique ou physico-chimique). Les modèles
empiriques probabilistes sont d’un niveau de complexité supérieur (niveau 4) aux
modèles empiriques déterministes (niveau 3). Ils ne sont pas nécessairement et
même rarement plus complexes que les modèles déterministes physico-chimiques
qui permettent d’appréhender plus finement les mécanismes.
La durabilité du béton a longtemps été appréhendée sur le plan normatif en adop-
tant une approche de niveau 1, c’est-à-dire en ne considérant principalement que
les paramètres liés à la formulation du béton et certaines propriétés mécaniques
telles que la résistance caractéristique à la compression. L’application de valeur
limite à des paramètres de formulation constitue des obligations de moyens. Cel-
les-ci portent le plus souvent sur le rapport Eau/Ciment (ou Eeff/Liantéq3 dans la
norme NF EN 206-14), le dosage en ciment ou Liantéq, la nature et la proportion
d’additions par rapport à la quantité de ciment. Les avantages de l’approche basée
sur des obligations de moyens sont de bénéficier d’un retour d’expérience consé-
quent et d’être utilisable facilement par les industriels. Les paramètres pour les-
quels des exigences sont requises sont compatibles avec le suivi effectué lors de
la fabrication des bétons tels que les pesées des constituants, l’acquisition des
données sur leur teneur en eau et les contrôles sur le béton durci.
Les limites de l’approche basée sur des obligations de moyens sont de ne pas lais-
ser suffisamment la porte ouverte à l’innovation et à des préoccupations émergen-
tes comme le développement durable. Contrairement à l’approche perfor-
mantielle, elle ne permet pas non plus de prendre en compte l’ensemble des fac-
282
L’approche performantielle de la durabilité des bétons
teurs liés aux formules de béton et aux procédés de fabrication. Enfin, le domaine
d’application de ce type d’approche concerne essentiellement les ouvrages tradi-
tionnels pour lesquels des durées de vie conventionnelles s’appliquent. Dans le
cas des ouvrages soumis à des sollicitations particulières ou lorsqu’une durée de
vie significativement plus importante est souhaitée par le maître d’ouvrage, il
peut être utile, voire nécessaire, de mettre en œuvre une démarche plus complète
s’appuyant sur une approche performantielle.
L’approche performantielle consiste à appréhender la durabilité des bétons en
considérant non pas les seules données liées à la formulation mais certaines ca-
ractéristiques ou propriétés du matériau dont on sait qu’elles présentent un intérêt
pour prévoir l’évolution de celui-ci lorsqu’il est exposé à des conditions environ-
nementales données. Différents concepts sont aujourd’hui développés afin de
pouvoir mettre en œuvre une approche performantielle de la durabilité. Les deux
principaux concepts correspondent, d’une part, à la méthode basée sur des indica-
teurs de durabilité et, d’autre part, au système reposant sur l’utilisation des essais
de performance. Notons que ces concepts ne sont pas opposés ni contradictoires,
mais bien au contraire très complémentaires. Certains textes couramment cités
dans les cahiers des charges des maîtres d’ouvrage, telles que les recommanda-
tions du LCPC pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel [REC 03] et la
prévention des désordres liés à l’alcali-réaction [REC 94], utilisent de manière
conjointe ces deux concepts ainsi que certaines obligations de moyens (voir § 2.3
et 2.4), on parle alors d’approche mixte.
Le paragraphe 2 a pour objectif de présenter les outils (indicateurs de durabilité,
essais de performance, modèles de durabilité) déjà utilisés dans le cadre de l’ap-
proche performantielle. Le paragraphe 3 expose des exemples d’approches déve-
loppées en France et à l’étranger. Enfin, des cas d’ouvrages pour lesquels une
approche performantielle de la durabilité du béton a été utilisée sont exposés au
paragraphe 4.
283
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
284
L’approche performantielle de la durabilité des bétons
méthodes d’essai pratiquées plus couramment ou plus facilement dans certains la-
boratoires, pour des paramètres plus adaptés au problème posé ou aux modèles
mis en oeuvre, ou lorsque des méthodes fournissant des données plus complètes
sont requises. Les indicateurs de substitution pourront être utilisés directement
(notamment pour un simple classement de bétons, à condition bien entendu qu’un
système de classement soit disponible) ou permettre, via des méthodes indirectes,
d’accéder aux indicateurs de durabilité généraux.
On trouvera donc parmi les indicateurs de substitution :
– la porosité accessible au mercure (mode opératoire RGCU Grandubé, 2007
[GRA 07]) ;
– la résistivité électrique [AND 01] ; à noter que ce paramètre est considéré
comme un des indicateurs de base dans l’approche performantielle développée
par l’Institut des sciences de la construction Eduardo Torroja (voir § 8.2.5) ;
– la quantité d’électricité selon l’essai AASHTO (norme ASTM C1202) ;
– le coefficient de diffusion du CO2 [PAP91] (mode opératoire LPC, 2006) ;
– le coefficient de diffusion de l’eau tritiée ;
– le coefficient d’absorption capillaire (mode opératoire AFPC-AFREM, 1997
[AFP 97]).
2.2. Les essais de performance et de caractérisation
Les essais de performance permettent d’évaluer le comportement d’un béton sou-
mis à des sollicitations physico-chimiques du même type que celles auxquelles
l’ouvrage sera exposé, mais souvent amplifiées. Ces essais ont pour vocation pre-
mière de permettre un classement pertinent des bétons vis-à-vis de leur résistance
à une agression particulière.
Les essais sont conçus pour accroître l’intensité de la sollicitation, qu’elle soit
physique ou chimique. La difficulté dans la mise au point de ces essais est de ne
pas provoquer de phénomènes parasites du fait de la méthode d’accélération. Des
essais reposent sur la répétition de cycles pour lesquels les conditions varient de
manière importante: cycle de gel-dégel, cycles d’humidification/séchage…
D’autres consistent à disposer les échantillons de béton dans un milieu tel que la
quantité de béton qui réagit par unité de temps est importante : carbonatation ac-
célérée, essai de performance pour l’alcali-réaction, essai de lixiviation à pH
constant. Certains essais utilisent les deux principes. C’est le cas pour le mode
opératoire développé par le LCPC dont l’objectif est de caractériser le comporte-
ment d’un béton soumis à un échauffement vis-à-vis des risques liés à la réaction
sulfatiqus interne [LPC 07, PAV 03].
285
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Normes NF P18-424 « Bétons - Essais de gel sur béton durci. Gel dans l’eau, dégel dans l’eau »,
NF P18-425 « Bétons - Essais de gel sur béton durci. Gel dans l’air, dégel dans l’eau » et XP P18-
420 « Bétons - Essais d’écaillage des surfaces de béton durci exposées au gel en présence d’une
solution saline ».
2. Norme FD P 18-456 « Réactivité d’une formule de béton vis-à-vis de l’alcali-réaction ».
286
L’approche performantielle de la durabilité des bétons
d’une part, de la fidélité avec laquelle les mécanismes qui opèrent in situ sont re-
produits et, d’autre part, des conditions aux limites retenues qui ne doivent pas
trop s’éloigner de la réalité. Les essais de performance pour le gel interne reposent
ainsi sur la réalisation d’une succession de cycles de gel-dégel à des températures
susceptibles d’être rencontrées plutôt que sur un nombre de phase de gel réduit
mais à une température excessivement basse. On retiendra toutefois que la repré-
sentativité des essais de performance basés sur un vieillissement « accéléré » vis-
à-vis des phénomènes en conditions réelles peut être discutée dans la mesure où
ces essais sont susceptibles d’induire une évolution de la microstructure et des
propriétés du matériau différente par rapport à un vieillissement naturel. Des mo-
difications microstructurales ont été observées sur des matériaux soumis à un es-
sai de carbonatation accéléré à forte teneur en CO2. Une gangue de CaCO3 se
forme autour des cristaux de Ca(OH)2 empêchant une carbonatation totale
[RAF02]. La sévérité d’un essai ne peut être évaluée qu’en étudiant la réponse de
l’essai de performance pour des formules de béton dont on connaît le comporte-
ment in situ avec suffisamment de recul (au moins 10 ans). Cela implique de met-
tre en oeuvre l’essai avant même de connaître son degré de sévérité, d’où
l’importance des études qui précèdent l’incorporation des essais de performance
dans les textes.
Qu’ils soient utilisés seuls ou en complément avec des obligations de moyens ou
des indicateurs de durabilité, les essais de performance peuvent s’insérer dans
deux types de méthodologie : une méthodologie qui peut être qualifiée de
« comparative » et une méthodologie « complète » au sens où elle intègre l’apport
des modèles de durabilité.
La méthodologie « comparative » consiste à tester deux formules de béton. L’une
est conforme aux obligations de moyens définies dans les normes actuelles.
L’autre, pour laquelle on cherche à statuer sur sa durabilité, déroge à une ou plu-
sieurs obligations de moyens. L’essai de performance permet de comparer les
comportements des deux bétons et de s’assurer que la nouvelle formule ne pré-
sente pas de risque de moindre durabilité plus important que celle répondant aux
exigences habituelles.
La méthode « complète » repose sur le fait de définir pour un essai de performan-
ce la valeur limite permettant de distinguer les bétons durables des bétons moins
durables. Cette méthode nécessite de disposer de données issues du terrain en
nombre suffisant pour pouvoir apprécier la sévérité de l’essai. Elle est utilisée ac-
tuellement pour la résistance des bétons au gel. Ainsi, les recommandations pour
la durabilité des bétons durcis soumis au gel précisent que le gonflement mesuré
lors des essais P18-424 ou P18-425 ne doit pas dépasser 400 µm/m lors des épreu-
ves d’étude et de convenance. En ce qui concerne la résistance du béton en pré-
287
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
288
L’approche performantielle de la durabilité des bétons
289
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
290
L’approche performantielle de la durabilité des bétons
d’environnement
à 120 ans à 100 ans à 50 ans
Type
→
exceptionnels ouvrages et ouvrages
de génie civil
carbonatation (e = 30 mm)
Corrosion induite par
peau < 9 peau < 12
peau < 14 (6) peau < 16 peau < 16 Humide (HR > 80 %) 2
kliq < 0,01 kgaz < 100
peau < 9
peau < 9 peau < 12 (7) Modérément humide
kgaz < 10 peau < 14 (5) peau < 15 3
kgaz < 10 (4) kgaz < 100 (8) (65<HR< 80 %)
kliq < 0,01
peau < 9
peau < 9
Da(mig) < 1 peau < 12 (7) Cycles fréquents
kgaz < 10 peau < 14 (6) peau < 16 4
kgaz < 10 kliq < 0,1 (9) d’humidification/séchage
kliq < 0,01
kliq < 0,01
peau < 9 peau < 12
5.1
Da(mig) < 10 Da(mig) < 20
[Cl−]
Corrosion induite par les chlorures
peau < 14 peau < 15 peau < 16
kgaz < 10
faible(1) Exposition
kliq < 0,01 kliq < 0,1 (3) aux sels marins
5
peau < 9 peau < 9 ou de dévergla-
peau < 11 5.2 çage
Da(mig) < 1 Da(mig) < 1
(e = 50 mm)
(1) Concentration en Cl libres à la surface Cs ≤ 10 g.L–1. (2) Concentration en Cl libres à la surface Cs ≥ 100 g.L–1.
(3) Alternative kgaz < 100·10–18 m2. (4) Alternative : kliq < 0,01·10-18 m2. (5) Alternative p < 15 % et [Ca(OH)2] ≥ 25 %.
(6) Alternative p < 16 % et [Ca(OH) 2] ≥ 25 %. (7) Alternative p < 14 % et [Ca(OH) 2] ≥ 25 %.
(8) Alternative kgaz < 300·10–18 m2 et [Ca(OH)2] ≥ 25 %.
(9) Alternatives a) kgaz < 100·10-18 m2; b) kgaz < 300·10-18 m2 et [Ca(OH) 2] ≥ 25 %.
291
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
10
Coefficient de diffusion effectif des chlorures
M
1
(10–12 m2 . s–1)
0,1
292
L’approche performantielle de la durabilité des bétons
293
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
294
L’approche performantielle de la durabilité des bétons
3 000
2 750
Allongement (μm/m) après 300 cycles
2 500
2 250
2 000
1 750
1 500
1 250
1 000
750
500
400
250
Lcrit
0
0 200 400 600 800
Facteur d'espacement L (μm)
295
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Essai qui, selon le FD P18-452, met en œuvre une procédure fortement accélérée capable de dia-
gnostiquer, en moins d’une semaine, la réactivité aux alcalins d’un granulat en NR, PR ou PRP.
296
L’approche performantielle de la durabilité des bétons
toire ou sur ouvrages existants, afin de ré-évaluer par exemple la durée de vie
[SIL 06].
Le troisième niveau repose sur l’utilisation de modèles de carbonatation ou de pé-
nétration des chlorures. Le principe est de s’assurer que tout au long de la durée
de vie de l’ouvrage, la résistance (R) restera supérieure à la sollicitation (S). Il est
important de distinguer les modèles relevant d’une approche empirique des mo-
dèles plus complexes intégrant les mécanismes physico-chimiques. Les modèles
les plus simples sont basés sur les lois de Fick. Les profondeurs de carbonatation
ou concentration en chlorures sont donc fonction de la racine du temps. Le
niveau 3 est généralement utilisé aujourd’hui lorsque la durée de vie visée est par-
ticulièrement élevée, c’est-à-dire au-delà de 100 ans (exemple du pont sur le Ta-
ge). Les modèles de durabilité utilisent pour la plupart des paramètres de calage
permettant de prendre en compte des facteurs telles que la cure, l’évolution des
propriétés des bétons au cours du temps, des conditions environnementales diffi-
ciles à modéliser (cycles d’humidification/séchage par exemple). Des études sont
encore nécessaires aujourd’hui pour calibrer les modèles de durabilité.
La méthodologie mise en œuvre pour le niveau 4 est plus sophistiquée puisqu’elle
fait intervenir des modèles probabilistes. La démarche probabiliste, pour appré-
hender la durabilité des ouvrages en béton, commence à être utilisée dans le cadre
de la normalisation (exemple de l’Eurocode 2 « Enrobage des armatures »).
Contrairement à l’approche déterministe où des valeurs uniques (les moyennes)
sont attribuées aux paramètres d’entrée des modèles, l’approche probabiliste
prend en compte la variabilité des phénomènes en représentant certaines gran-
deurs par la loi de distribution de sa valeur (densité de probabilité de la variable
aléatoire). Selon l’approche probabiliste, un ouvrage est réputé sûr si sa probabi-
lité de défaillance, Pf, est inférieure à une valeur donnée à l’avance, la probabilité
cible Pfcible (risque de défaillance acceptable). La probabilité de défaillance de
l’élément est liée au dépassement de la résistance par la sollicitation selon la re-
lation :
Pf (t) = P (R(t) < S(t)) = P ( R(t) – S(t) < 0 )
Les fonctions R(t) et S(t) correspondent respectivement à l’évolution dans le
temps de la résistance de la structure et des sollicitations extérieures.
La valeur de la probabilité cible est conditionnée par de nombreux facteurs, va-
riant selon l’ouvrage, ses caractéristiques d’implantation et ses propriétés de ser-
vice, tels que :
– la durée de vie escomptée ;
– les risques de vieillissement ;
– les conséquences engendrées par la dégradation de l’ouvrage ;
297
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Indice de fiabilité
1,5 2,3 3,8 4,26 4,8
(β)
Probabilité de
défaillance (Pf)
0,067 10-2 7.10-5 10-5 10-6
298
L’approche performantielle de la durabilité des bétons
de la durée de vie visée, ou bien de quantifier pour un béton donné et une durée
de vie fixée quelle doit être l’enrobage minimal. Ces valeurs sont calculées en ad-
mettant une probabilité de défaillance de 10 % ce qui correspond à un indice de
fiabilité (β) de 1,3. Notons que dans le cas d’une approche purement déterministe,
la probabilité de défaillance admise par défaut est égale à 50 %.
À titre d’exemple, l’application de cette approche à un ouvrage pour lequel une
durée de vie souhaitée est de 100 ans, relevant des classes d’exposition XS2 ou
XD2, constitué d’un béton à base de ciment CEM I et pour lequel l’enrobage est
inférieur ou égal à 50 mm conduit à un coefficient de diffusion apparent des chlo-
rures (D0) maximal de 6.10–12 m2.s–1.
299
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
5. CONCLUSION
La démarche performantielle est une démarche globale qui permet de prendre en
compte tous les aspects technico-économiques spécifiques à chaque ouvrage (im-
portance de l’ouvrage, environnement, sollicitations physico-chimiques et méca-
niques, risques induits, durée de vie demandée).
Le fait que des durées de vie élevées soient requises pour de plus en plus d’ouvra-
ges, l’utilisation croissante de nouveaux bétons, la nécessité d’accroître la diver-
sité des réponses possibles pour les constructeurs de manière à répondre mieux
aux défis que pose le développement durable renforcent l’intérêt d’appréhender
la durabilité des bétons selon une approche davantage performantielle. Parallèle-
300
L’approche performantielle de la durabilité des bétons
ment, les travaux menés depuis une quinzaine d’années dans les laboratoires ont
permis de développer des méthodologies et des modes opératoires fiables adaptés
aux besoins des utilisateurs.
On le voit à travers les exemples de démarches proposées, il n’existe pas un type
d’approche performantielle mais plusieurs. Ces approches diffèrent par les outils
utilisés, les thématiques de durabilité traitées, par les durées de vie qu’elles se don-
nent comme objectif de maîtriser et bien entendu par leur domaine d’application.
L’approche performantielle est d’ores et déjà citée et utilisée dans des textes nor-
matifs couramment repris dans les cahiers des charges des ouvrages en béton. Il
est nécessaire cependant de préciser encore davantage, notamment dans des nor-
mes, comment les différentes méthodologies peuvent être mises en place. Des
modes opératoires fiables ont ainsi été élaborés et on dispose pour nombre d’entre
eux d’un retour d’expérience significatif. Les plus pertinents d’entre eux au re-
gard de leur intérêt pour l’approche performantielle feront prochainement l’objet
de normes européennes ou nationales.
La constitution de bases de données est un facteur clé pour l’utilisation de l’ap-
proche performantielle dans un contexte normatif. Cette étape est nécessaire pour
statuer sur la pertinence des valeurs seuils associés aux indicateurs de durabilité
ou aux essais de performance.
Une autre condition nécessaire réside dans le fait de disposer de modèles de du-
rabilité rendant compte des phénomènes intervenant in situ. Les modèles physico-
chimiques sophistiqués développés récemment, couplant plusieurs processus,
oeuvrent dans ce sens. Une description probabiliste contribuera de plus à une bon-
ne prise en compte de la variabilité des paramètres d’entrée des modèles in situ.
Bibliographie
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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19-21 mars 2006.
Résumé
Développé sans cesse depuis la fin du XIXe siècle, le béton armé est aujourd’hui
le matériau de construction le plus répandu dans le monde. Si le béton a la capa-
cité d’empêcher la corrosion des armatures, encore faut-il connaître à quelles
conditions.
La corrosion des armatures a lieu à la suite de la carbonatation du béton d’enro-
bage et/ou de la pénétration des chlorures. Le processus de corrosion est un phé-
nomène électrochimique qui se produit au sein du béton. La détérioration se
déroule en deux étapes, dans la première phase, dite d’amorçage, l’acier est pro-
tégé initialement par l’alcalinité élevée de la solution interstitielle régnant à l’inté-
rieur du béton : il se forme une couche passive mince d’oxydes protecteurs. La
carbonatation du béton en diminuant le pH et/ou une quantité suffisante de chlo-
rures peuvent détruire cette passivité et amorcer la deuxième étape, à savoir la
propagation de la corrosion. L’apport d’oxygène et surtout l’humidité ambiante rè-
glent alors la vitesse de corrosion. La propagation de la corrosion conduit pro-
gressivement à la formation de fissures et au décollement du béton d’enrobage.
Pour améliorer la durabilité des ouvrages en béton armé, il faut autant que pos-
sible allonger la période d’amorçage en utilisant des bétons compacts et peu per-
303
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
304
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
305
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
vie estime les coûts indirects pour l’usager, dus aux retards et à la perte de pro-
ductivité, à plus de dix fois les coûts directs de maintenance, réparation et réhabi-
litation des ouvrages corrodés. Dans le cas cité, la corrosion est principalement
induite par les ions chlorure provenant des sels de déverglaçage et de l’exposition
marine.
Au Canada, environ 40 % des ponts autoroutiers ont plus de 40 ans de service. Un
grand nombre d’entre eux exigent un renouvellement ou un remplacement en rai-
son des dommages causés par la corrosion. Ces travaux sont estimés à 10 mil-
liards de dollars canadiens (≈ 6 500 M€) [LAF 05, CUS 04], dont 30 à 50 %
devraient être affectés à la remise en état des tabliers de ponts [LOU 03]. Au Qué-
bec, la majorité des 4000 ponts gérés par le ministère des Transports sont en béton
armé. Un grand nombre d’entre eux ont une durée de service supérieure à 50 ans
et se trouvent dans un état de détérioration avancé. En 1998, on estimait que 25 %
de ces ouvrages souffraient, à des degrés divers, de corrosion des armatures
[VEZ 98]. En Amérique du Nord, le coût total des dégradations de l’infrastructure
en béton liées à la corrosion par les sels de déverglaçage est estimé à 150 milliards
de dollars [BRO 00].
Au Royaume-Uni, le département des transports estime que le coût de réparations
des ponts routiers inventoriés et endommagés par la corrosion, soit environ 10 %,
s’élève à environ 617 millions de livres sterling (≈ 900 M€) [LAF 05, BRO 00].
Le réseau autoroutier suisse compte 1043 ponts routiers, 1096 passages supé-
rieurs et 1095 passages inférieurs (total de 3 234), dont 53 % sont en béton pré-
contraint, 45 % en béton armé et 2 % en acier [CON 00]. Les coûts d’entretien du
réseau autoroutier sont en augmentation durant ces dernières années mais les
montants exacts imputables aux dégâts issus de la corrosion ne sont pas connus.
En France, la direction des Routes du ministère de l’Équipement a conduit en
1997 des enquêtes d’image qualité des ouvrages d’art (enquête IQOA) qui sont
des évaluations précises du patrimoine national [DAL 99]. Il ressort de ces études
que les dégradations observées sur les ouvrages d’art en béton armé sont essen-
tiellement dues à la corrosion des armatures. Sur un échantillon de 315 ponts du
réseau national (hors ponts métalliques et en maçonnerie), la base IQOA indique
que 89 d’entre eux sont atteints de corrosion, soit 28 % de l’échantillon. De plus,
la plupart des désordres touchant les bâtiments est également liée à la corrosion
des aciers.
Les interventions de maintenance engendrent également des coûts indirects impu-
tables à l’utilisateur. Ces coûts comprennent les pertes dues aux ralentissements
et aux attentes, les surcoûts d’exploitation des véhicules et les coûts d’atteinte à
306
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
l’environnement. Ces coûts indirects sont estimés à plus de dix fois les coûts de
maintenance et de remplacement des ouvrages corrodés [YUN 06].
À l’heure actuelle, une période de restriction économique limite les budgets d’en-
tretien et les travaux de réparation accusent des retards. Cette constante pression
sur la disponibilité des budgets de maintenance favorise le développement de
nouvelles technologies de monitoring d’ouvrages, le développement de modèles
plus fiables et la mise en place de surveillances et d’auscultations permettant de
répertorier, de suivre et de prédire l’évolution des détériorations. L’analyse de
l’évolution des détériorations permet de mieux planifier la maintenance et de pro-
céder à un échelonnement optimal des interventions dans le temps et dans l’espa-
ce en maintenant une sécurité adéquate.
Les catastrophes majeures d’ouvrages engendrées par la corrosion sont heureuse-
ment relativement rares mais l’éventualité de telles défaillances ne doit pas être
sous-estimée. La figure 9.1 illustre un effondrement d’ouvrage provoqué par la
corrosion des aciers du béton à l’université Syracuse de New York (rupture d’une
dalle portante de parking en porte-à-faux). L’enquête a conclu que la capacité por-
tante des aciers supérieurs a été réduite par la corrosion provoquée par les sels de
déverglaçage apportés par les voitures en stationnement.
Figure 9.1 : rupture d’une dalle de parking due à la corrosion des aciers.
Le tableau 9.1 recense quelques exemples de défaillances avec les durées de ser-
vice associées. Bien que les évènements survenus sur ces ouvrages aient été en-
gendrés en partie par la corrosion, ils sont souvent dus à la conjonction d’une série
d’évènements critiques.
307
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Tableau 9.1 : défaillances survenues sur des structures par l’action de la corrosion
[CON 06].
Année Durée
Événements Lieu
d’occurrence de service
Berlin Ouest
Effondrement de la halle de congrès de Berlin Ouest 1980 23 ans
(Allemagne)
Massachusetts
Effondrement du pont Mianus River 1983 26 ans
(États-Unis)
canton d’Uri
Démolition du pont autoroutier Elmenrüti 1984 14 ans
(Suisse)
canton de Zurich
Effondrement du plafond de la piscine d’Uster 1985 13 ans
(Suisse)
Harrisburg, Pennsylvanie
Effondrement du pont de Walnut Street 1996 96 ans
(États-Unis)
Effondrement d’une dalle de parking Minnesota (États-Unis)
Effondrement d’une dalle dans la cour d’un collège Yverdon (Suisse) 2005 30 ans
308
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
Fe
Fe3O4
Fe(OH)2
Fe(OH)3
Fe(OH)3, 3H2O
0 1 2 3 4 5 6
Volume (cm3)
309
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
La figure 9.3 illustre les différentes phases précédentes selon le modèle de Tuutti
[TUU 82].
I II
Temps
Figure 9.3 : schéma de dégradation des armatures au cours du temps, d’après [TUU 82].
Après une période d’amorçage, ou d’incubation (zone I), la corrosion débute (point A). Elle se poursuit
dans une phase de propagation (zone II) et conduit à une dégradation progressive du béton qui s’ac-
célère après la destruction de l’enrobage (point D).
310
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
311
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
103
OH–
K2O
102
Teneur (mmol/kg)
Na2O
SO3
10
CaO
1
10 15 30 60 min 5h 2 7 28 90 j 6 mois 2 ans
Temps
312
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
La phase aqueuse est extraite par compression de pâtes pures de rapport E/C = 0,5. Sa basicité croît
rapidement et devient alcaline, alors que la teneur en chaux décroît de façon significative.
Après environ 6 mois, l’évolution des différentes espèces devient faible et les valeurs atteintes sont
alors celles du milieu dans lequel baignent les armatures métalliques. Soumises à un environnement
basique formé par la phase aqueuse fortement chargée en ions (provenant de l’hydratation du ciment
ou ayant pénétré depuis l’extérieur dans le béton par l’intermédiaire du réseau poreux), ces armatures
vont être soumises à des réactions électrochimiques.
313
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Atmosphère
O2 H2O
e– Armature en acier
Figure 9.6 : schéma de formation des produits de corrosion, d’après [DUV 92].
La création d’une pile électrochimique locale sur l’acier entre les zones cathodique et anodique en
présence d’eau et d’oxygène conduit à la dissolution du métal au niveau de l’anode et la précipitation
de différents oxydes ferreux.
Selon les études réalisées à l’Université de Nancy sur les différents types de
rouilles vertes [REF 93, GEN 96, GEN 98, GEN 01, LEG 01], la formation des
différents produits de corrosion comprend les étapes suivantes :
– dissolution du fer sous forme d’ions ferreux Fe2+ ;
– formation d’hydroxyde ferreux Fe(OH)2 ;
– formation de rouille verte stable en l’absence d’oxygène ([FeII3 FeIII (OH)8] +
[Cl.H2O]– en présence de chlorures ou [FeII4 FeIII2 (OH)12]2+ [CO3 2H2O]2–
dans un béton carbonaté) ;
– formation de ferrihydrite 5Fe2O3.9H2O;
– formation d’autres oxydes (goethite (α - FeOOH), lépidocrocite (γ - FeOOH),
akagénite (β - FeOOH), magnétite (Fe3 O4)) qui correspondent à la rouille rouge
et gonflante connue classiquement, ou stabilisation de la ferrihydrite.
Ces études ont également conduit à proposer, pour ces composés intermédiaires,
la formule générale :
[FeII(1-x) FeIIIx (OH)2]x+· [(x/n) An–·(m/n) H2O]x–
dans laquelle x est le rapport FeIII/Fetotal et An–, l’anion considéré (OH–, Cl–,
SO42– ou CO32–).
314
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
315
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Pour mesurer le potentiel d’une électrode, il est nécessaire d’introduire dans la so-
lution un second conducteur électronique qui constitue une deuxième électrode ;
c’est la différence des potentiels internes des deux conducteurs électroniques qui
représente le potentiel de l’électrode.
Le passage en solution des ions métalliques lors de la réaction anodique d’un mé-
tal M est soumis à un équilibre dynamique :
M ↔ Mn+ + ne–
Cet équilibre correspond à un potentiel E représentant la différence de potentiel
entre le métal M et la solution contenant les ions Mn+. E est le potentiel réversible
de la réaction d’électrode. Ce potentiel peut être calculé par la relation de Nernst :
n+
E = E 0 + RT-------- ln [ M ] (V)
nF
avec :
E0 potentiel standard de l’électrode de métal M (potentiel du métal en équilibre
avec une solution de ses ions de concentration égale à 1 mol/L) (V);
R constante des gaz parfaits (8,314 J/mol/K);
T température (K);
n valence du métal;
F nombre de Faraday (96500 coulomb);
[Mn+] : concentration en ions métalliques dans la solution (mol/L).
Une quantité telle que E n’est pas mesurable directement. Pourtant, la connaissan-
ce et la comparaison des potentiels d’équilibre de différentes réactions d’électro-
de s’avèrent nécessaires en électrochimie et en corrosion. Dans ce but, on mesure
les potentiels d’équilibre E par rapport à une autre électrode, désignée sous le nom
d’électrode de référence, à l’équilibre et en contact électrique avec la première
par l’intermédiaire de la solution.
L’électrode de référence arbitrairement choisie est l’électrode standard à l’hydro-
gène (ENH). Elle est constituée d’un métal inerte (platine) plongé dans une solu-
tion d’acide normale à 25 °C dans laquelle on effectue un barbotage d’hydrogène
sous une pression d’une atmosphère. La tension mesurée correspond donc à la dif-
férence de potentiel entre le métal et l’électrode standard à hydrogène. Par con-
vention, le potentiel EENH de cette électrode est arbitrairement pris comme égal à
zéro. On utilise également d’autres électrodes de référence telles que l’électrode
au calomel saturé (ECS, mélange Hg/Hg2Cl2 immergé dans du chlorure de potas-
sium saturé, à 20 °C, E Hg ⁄ H g Cl = EENH + 0,25 V) ou l’électrode cuivre/sulfate
2 2
de cuivre (Cu/CuSO4).
316
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
1,4
pH = 13,5
1,2
Fe3+ (b)
0,8
Potentiel (V) EENH
0,4
Fe2O3
Fe2+
0
Immunité
– 1,2
Fe
– 1,6
0 2 4 6 8 10 12 14
pH
Figure 9.7 : diagramme de Pourbaix du système Fe-H2O à 25 °C.
Dans un béton sain (pH de l’ordre de 13,5 et température de 25 °C), les armatures sont dans un état
électrochimique qui empêche la corrosion (immunité ou création d’un film passif qui empêche la cor-
rosion). Si le pH descend en dessous d’une valeur limite d’environ 9, la corrosion peut se déclencher
selon le potentiel de l’acier. Un béton sain est donc un milieu protecteur pour les armatures en acier,
toute baisse de pH significative va rendre possible une corrosion des aciers.
317
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
– tous les métaux dont le potentiel d’équilibre est situé entre les droites (a) et (b)
ne sont attaqués qu’en présence d’oxygène ;
– tous les métaux dont le potentiel d’équilibre est situé au dessus de la droite (b)
sont thermodynamiquement stables.
Selon la disponibilité en oxygène, le potentiel de l’acier passivé peut varier sur
une plage relativement étendue. Expérimentalement, on peut mesurer le poten-
tiel d’une armature noyée dans le béton, c’est le potentiel de corrosion.
Pour des structures exposées à l’air dans des conditions normales, les mesures de
potentiel de corrosion donnent des valeurs variant entre – 200 mV et + 100 mV
s’inscrivant nettement dans la partie supérieure du domaine de passivité présenté
par le diagramme de Pourbaix. L’analyse de la couche passive montre que l’acier
dans le béton est effectivement recouvert d’une pellicule fine d’une solution soli-
de Fe3O4–Fe2O3 γ dont l’épaisseur varie entre 10–3 et 10–1 µm [SAG 90]. Lors-
que la couche passive se détruit et que la corrosion se développe, le potentiel
évolue vers des valeurs nettement négatives.
Bien que les diagrammes de Pourbaix ne fassent pas intervenir de considérations
cinétiques et qu’ils supposent que la composition du milieu électrolytique au voi-
sinage du métal est connue, ce qui est rarement le cas, on peut affirmer que la for-
mation d’une couche passive à la surface de l’acier dans un béton sain est la règle
générale et que le développement de l’hydratation qui se traduit par un enrichis-
sement en ions OH– au cours du temps, et donc par une augmentation du pH, ne
peut avoir que des effets bénéfiques sur la stabilité de cette couche.
3.3. Influence des additions minérales sur le pH du liquide interstitiel
L’utilisation d’additions minérales (laitiers de haut-fourneau, cendres volantes,
fumées de silice, fillers) modifie les équilibres chimiques au sein du béton et peut
avoir des conséquences sur le pH du liquide interstitiel et donc sur la stabilité de
la couche passive.
Les cendres volantes et le laitier de haut-fourneau conduisent à une teneur en port-
landite plus faible dans le béton. En effet, les cendres volantes réagissent avec la
portlandite (réaction pouzzolanique) pour former des C-S-H supplémentaires.
Quant aux laitiers de haut-fourneau, leur hydratation ne conduit pas à la formation
de portlandite. On peut donc s’attendre à une légère diminution du pH du liquide
interstitiel en sachant toutefois que ce sont les alcalis qui deviennent prépondé-
rants au bout de quelques heures.
Le pH de la phase liquide est déterminé par le taux initial d’alcalins présents dans
les cendres volantes utilisées qui peut atteindre 3 à 4 % suivant leur origine. Pour
318
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
Na2O = 0,23
CEM I 0,69 0,65 13,9
K2O = 1,16
14
0%
pH de la solution interstitielle
10 %
13
20 %
12 30 %
11
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Temps de cure (jours)
319
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Le faible rapport C/S dans les C-S-H formés en présence de fumées de silice serait
responsable de l’épuisement en alcalis par adsorption de ceux-ci sur les silicates
hydratés [DIA 83]. Les fumées de silice diminuent le pH de la solution mais comp-
te tenu du fait que, pour d’autres impératifs, le taux de substitution ne dépasse pas
10 %, cette diminution ne doit pas altérer la passivité de l’acier dans le béton.
Quel que soit le type de ciment utilisé, il se forme une couche passive d’oxydes à
la surface de l’armature qui maintient le métal dans un état stable.
320
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
321
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
322
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
17
16
15
Porosité (%) 14
13
12
M25 : porosité (Hg)
11 M25 : porosité (J)
10
0 20 40 60 80
h (mm)
Figure 9.10 : profils de porosité d’un béton déterminés par gammadensimétrie (γ)
et par intrusion de mercure (Hg) d’après [THI 06a].
Le béton étudié a une résistance moyenne de 25 MPa à 28 jours. Les porosités sont mesurées après
14 jours de carbonatation accélérée (à l’issue de 3 mois de conservation dans l’eau et d’1 mois d’étu-
vage à 45 °C), le transfert de CO2 à travers le béton se faisant de la gauche vers la droite, La préci-
pitation de la calcite au sein de la matrice cimentaire a pour conséquence une diminution de la
porosité. Ceci rend plus difficile la pénétration des espèces agressives dans le béton.
La carbonatation n’est pas, en soi, nocive pour le béton et, au contraire, il a sou-
vent été mentionné dans la littérature scientifique que la résistance mécanique
et le module d’élasticité augmentaient après carbonatation.
Cependant, il est à noter que les bétons fabriqués avec des ciments contenant des
laitiers de haut-fourneau voient leurs caractéristiques mécaniques se détériorer
après carbonatation en raison de l’augmentation de leur porosité dans ce cas par-
ticulier [DEC 93].
Par ailleurs, la réaction chimique de carbonatation de la portlandite libère l’eau
qui était liée chimiquement dans cet hydrate. Cette eau relarguée participe aux
transferts hydriques dans le matériau [THI 06a]. La progression de la carbonata-
tion diminue avec le temps, d’autant plus que la formation de carbonates de cal-
cium et le relargage d’eau libre remplissent partiellement les pores
(autoprotection par ralentissement de la diffusion du dioxyde de carbone) et ren-
dent les hydrates moins accessibles à la dissolution (formation d’une gangue de
carbonate de calcium à la surface de la portlandite, par exemple [GRO 90]).
4.1.3. Mesure de la profondeur de carbonatation
La carbonatation du béton s’accompagne d’une diminution progressive du pH comme
le montre schématiquement la figure 9.11. Il est utile de connaitre la profondeur à la-
quelle le pH atteint une valeur de l’ordre de 9 car une armature d’acier située à cette
profondeur est dans la zone de corrosion du diagramme de Pourbaix (figure 9.7). La
323
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
technique la plus simple à mettre en œuvre est le test à la phénolphtaléine qui consiste
à mesurer le changement de couleur de cet indicateur coloré en fonction du pH
(figure 9.12). Le virage de la phénolphtaléine est représentatif d’une zone de pH de
l’ordre de 9,5. La mesure de la profondeur de carbonatation s’effectue de manière
normalisée en faisant la moyenne des valeurs mesurées en différents points [CEN 03].
12
11
10
Virage de la 9
phénolphtaléine
8
– 24 – 18 – 12 –6 0 6 12 18 24 30
Distance du front de neutralisation (mm)
324
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
325
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
30
(1)
10
0
30 40 50 60 70 80 90 100
Humidité relative (%)
326
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
La relation (1) est celle que l’on obtient théoriquement en faisant l’hypothèse que
les réactions chimiques liées à la carbonatation (passage en solution du CO2, dis-
solution de Ca(OH)2, précipitation de CaCO3…) sont infiniment plus rapides que
la diffusion du CO2 gazeux à travers la matrice cimentaire, qui est supposée ne
pas évoluer au cours du temps. La diffusion du CO2 devient alors l’étape limitante
et l’évolution de la carbonatation du matériau est régie par ce seul processus (dif-
fusion « pure ») [THI 07].
4.1.6. Influence de la composition et des conditions de mise en œuvre
sur la carbonatation du béton
Rapport E/C
Les courbes de la figure 9.14 illustrent l’influence du rapport E/C sur la profon-
deur de carbonatation.
15
3URIRQGHXUGHFDUERQDWDWLRQPP
1
,80
10 =0
C
E/
,60 2
=0
E/C
,45
E/C = 0 3
0
0 1 2 3 4 6 10 15
¥WDQQpHV
327
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
30 2
3
/m
3
4
350
10 5
400
500
0
1 mois 3 6 mois 1 an 3 ans 5 ans
Figure 9.15 : relation entre épaisseur carbonatée et dosage en ciment, d’après [VEN 69].
Éprouvettes 7 × 7 × 28 cm de béton préparé avec du CEM I et des granulats 0/20 mm, de même ma-
niabilité, conservées à 20 °C et 50 % HR pendant 5 ans. Les courbes 1 à 5 correspondent à des do-
sages en ciment respectifs de 200, 300, 350, 400 et 500 kg/m3. Pour des bétons fabriqués à même
maniabilité, l’épaisseur carbonatée est d’autant plus faible que le dosage en ciment est plus élevé.
Conditions de cure
La figure 9.16 représente l’influence des conditions de cure sur la carbonatation.
De manière générale, la réduction du temps de cure accroît de façon significative
la profondeur de carbonatation.
Une cure inadaptée conduit à une hydratation insuffisante de la couche superficielle
de béton par manque d’eau ce qui augmente la porosité et, par conséquent, la sensi-
bilité à la carbonatation. La réduction du temps de cure peut donc avoir des consé-
quences néfastes à long terme alors qu’une cure humide prolongée limite la
profondeur de carbonatation. En pratique, l’effet de la cure est particulièrement sen-
sible dans les premiers jours. Ceci est illustré par la figure 9.17 relative à des éprou-
vettes de béton confectionnées avec un ciment Portland renfermant 12 % de C3A
(courbe 1) et un ciment contenant 70 % de laitier de haut-fourneau (courbe 2), con-
servées après une cure initiale dans l’eau, pendant un an à l’air à l’abri de la pluie.
Outre les caractéristiques « intrinsèques » du matériau, les conditions de mise en
œuvre influencent également la vitesse de carbonatation (coffrage, vibration, fi-
nition…). Miragliotta [MIR 00] a notamment étudié les effets de parois.
328
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
40
(1)
20
10
0
0,4 0,6 0,8 1,0 1,2
Rapport E/C
(2)
(1)
0
1 3 7 28 360
Temps de cure dans l'eau (jours)
Figure 9.17 : influence de la cure sur la profondeur carbonatée, d’après [MEY 68].
Éprouvettes de béton confectionnées avec un ciment Portland renfermant 12 % de C3A (courbe 1) et
un ciment contenant 70 % de laitier (courbe 2), conservées après une cure dans l’eau, pendant un an
à l’air, à l’abri de la pluie. Une cure humide prolongée limite la profondeur de carbonatation. L’effet est
particulièrement sensible pour les premiers jours de conservation.
Résistance à la compression
Dans la pratique des ingénieurs, la résistance à la compression est l’indicateur le
plus couramment utilisé pour caractériser un béton durci. La figure 9.18 représen-
329
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
(1)
6
0
20 30 40 50
Résistance à la compression (MPa)
2
50
0,2 % CO2
40
Profondeur de carbonatation (mm)
30
1
20
Atmosphère normale
10
0
10 20 30 40 50 60
Résistance à la compression (MPa)
330
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
Les variations de teneur en CO2 de l’air (figure 9.19), ont une influence sur les
bétons de résistance modérée (≤ 30 MPa environ). Au-delà, la teneur en CO2 n’a
plus d’influence sur la carbonatation et la relation linéaire entre résistance et car-
bonatation est de nouveau observée.
4.1.7. Influence des additions minérales sur la carbonatation
Les bétons contenant des additions minérales telles que les laitiers de haut-four-
neau et les cendres volantes montrent une sensibilité accrue à la carbonatation par
rapport aux bétons de ciment Portland [SKJ 86, MEY 68, FAT 86, HAM 68,
MAT 84, TSU 80, BIE 86, PAI 86, LIT 86]. Dans les bétons incorporant du laitier
de haut fourneau, la profondeur de carbonatation s’accroît avec le pourcentage de
laitier ajouté ; en moyenne, elle est une fois et demie plus élevée pour un béton
fabriqué avec un ciment contenant 50 % de laitier de haut-fourneau par rapport à
un béton de ciment Portland. Pour les cendres volantes, l’accroissement de la car-
bonatation n’est sensible que si le pourcentage de cendres dépasse 30 %. Certains
auteurs affirment même que les différences par rapport au ciment Portland sont
mineures lorsque l’on compare des bétons ayant de mêmes résistances. Il convient
de rappeler ici que la vitesse et le degré d’hydratation des bétons contenant du lai-
tier ou des cendres volantes sont davantage affectés par une cure insuffisante que
les bétons de ciment Portland.
Les ciments Portland composés aux fillers sont une spécificité française. Des étu-
des [RAN 89] montrent que l’ajout de fillers calcaires (15 et 20 % en masse par
rapport au ciment) et de fillers siliceux (10 et 25 %) à des clinkers conduit à des
épaisseurs de carbonatation du même ordre de grandeur que celles obtenues avec
des ciments Portland de même classe de résistance. Par contre, avec un CEM II à
15 % de laitier de haut-fourneau, les bétons se carbonatent plus qu’avec des CEM
II aux fillers calcaires ou siliceux de même classe.
Les fumées de silice ont une place particulière puisqu’elles permettent de confec-
tionner des bétons à hautes performances. Or, l’ajout de fumées de silice consom-
me la portlandite et ceci peut donc modifier la vitesse de carbonatation. On peut
retenir les éléments suivants :
– les bétons contenant des fumées de silice sont plus sensibles que les bétons de
ciment Portland aux effets d’une cure médiocre ;
– la présence de fumées de silice ne donne lieu à une carbonatation importante
que dans le cas des bétons de résistance à la compression moyenne ou médiocre.
L’influence des ajouts minéraux sur la carbonatation peut s’interpréter par leur
action sur la structure microporeuse du béton, sur la porosité globale et sur la po-
rosité de la couche carbonatée. La carbonatation de la portlandite donne essentiel-
lement du carbonate de calcium, dont il existe trois variétés : la calcite, la vatérite
331
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
332
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
des chlorures dépend donc des caractéristiques du matériau et des cycles d’humi-
dification/séchage qu’il subit (durée, conditions climatiques).
Les ions chlorure interagissent également avec la matrice cimentaire (voir le cha-
pitre 3) : ils peuvent s’adsorber sur les C-S-H ou réagir chimiquement avec cer-
tains composés pour donner de nouveaux produits (les chloroaluminates de
calcium, en particulier le monochloroaluminate de calcium hydraté, ou sel de
Friedel, C3A.CaCl2.10H2O). Ces chlorures sont appelés « chlorures fixés » ou
« chlorures liés ». Les interactions complexes ions-matrice sont souvent décrites
par une isotherme d’interactions non linéaire de type Freundlich [BIG 96,
FRA 98]. La fixation des ions chlorure dépend fortement de la nature du ciment
utilisé et principalement de sa teneur en C3A mais l’alumino-ferrrite de calcium
C4AF ainsi que les sulfates jouent également un rôle.
On peut alors définir :
– les chlorures libres qui se trouvent sous forme ionique dans la solution intersti-
tielle. Ils sont extractibles à l’eau et sont de ce fait appelés également « chlorures
solubles dans l’eau » ;
– les chlorures totaux, qui incluent, outre les précédents, ceux fortement adsor-
bés sur les C-S-H et ceux chimiquement liés dans la matrice cimentaire sous
forme de chloroaluminates de calcium.
On considère que seuls les chlorures libres peuvent diffuser et jouer un rôle actif
dans le processus de dépassivation et de corrosion des armatures. Ces constata-
tions expliquent le fait que les bétons à base de CEM I à teneur relativement éle-
vée en C3A soient plus résistants à la corrosion induite par les chlorures en
raison de leur capacité à fixer une quantité importante de chlorures qui ne se-
ront plus disponibles pour dépassiver les aciers.
Le profil de concentration en chlorures (libres ou totaux) dans un béton est une
courbe concentration-profondeur qui est strictement décroissante (« profil de
diffusion ») si le béton est saturé ou si les cycles d’humidification/séchage sont
négligeables. Dans le cas contraire, ce profil n’est décroissant qu’à partir de la
profondeur où les ions peuvent migrer dans un réseau constamment saturé d’eau
(zone de diffusion), c’est-à-dire au delà de la zone de convection (figure 9.20). Ce
phénomène peut être pris en compte de façon simplifiée en définissant, pour un
type d’environnement donné, une concentration en surface équivalente qui est
l’extrapolation par la solution de la deuxième loi de Fick, au niveau de la surface
de la structure, du profil obtenu au-delà de la zone de convection.
Par rapport au mécanisme induit par la carbonatation, le mécanisme de corrosion
électrochimique en présence de chlorures est différent dans le sens où la corrosion
n’est plus une corrosion généralisée mais une corrosion locale sous forme de pi-
333
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
qûres. Si l’on observe que la vitesse de corrosion est, en général, plus élevée en
présence d’ions chlorure, les mécanismes physico-chimiques sous-jacents ne sont
pas encore parfaitement expliqués. Toutefois, il apparaît qu’une conséquence de
la présence des ions chlorure est la dissolution locale de la couche passive et une
migration à travers celle-ci. De très faibles concentrations en chlorures (> 0,01 %)
modifieraient la morphologie de la couche passive en formant le composé
FeOOH [SAG 90], puis des ions complexes instables FeCl3- qui consomment les
ions hydroxyles présents selon les réactions :
Fe + 3 Cl– → FeCl3– + 2e–
FeCl3– + 2 OH–→ Fe(OH)2 + 3 Cl–
Les électrons libérés par la réaction d’oxydation se déplacent à travers le métal
jusqu’aux sites cathodiques. Selon les réactions ci-dessus, le processus conduit à
une diminution du pH et à un recyclage des ions chlorure (figure 9.21).
Figure 9.20 : illustration de la zone de convection dans une structure en béton armé
soumise à des transferts hydriques et de chlorures.
La création de piles électrochimiques sur l’armature conduit progressivement à la dissolution du métal
dans les zones anodiques.
334
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
Béton d'enrobage
Fe(OH)2, Cl–, H+
Anode (–) e–
e–
Armature en acier
Les piqûres constituant les sites anodiques et le film passif les surfaces cathodi-
ques, on observe des micropiles dont le rapport des surfaces cathode/anode est
élevé. Cela conduit à des densités de courant de corrosion localement très gran-
des. Au niveau des aires cathodiques, la production des ions OH– relève le pH, ce
qui réduit les possibilités d’attaques ultérieures sur ces surfaces. Pour que les
réactions se poursuivent, il faut que les ions Cl– soient toujours disponibles au dé-
triment des ions OH– afin de maintenir le rapport Cl–/OH– au-dessus de la valeur
critique de dépassivation. Or, la formation des produits de corrosion intermédiai-
res contenant du chlore diminue temporairement la concentration en chlorures. En
outre l’apport d’ions OH– à partir de la réserve alcaline du liquide interstitiel tend
à repassiver les zones attaquées et limite la propagation de la corrosion. Si l’ap-
port en chlorures se maintient, la concentration de ces derniers augmente dans les
aires anodiques, puis se redistribue grâce aux courants de corrosion sur toute l’ar-
mature. Les variations d’humidité et les gradients de concentration en chlorures
créent de nouvelles anodes qui finissent par se rassembler en larges zones corro-
dées. La corrosion est d’autant plus élevée que la quantité de chlorures disponible
au niveau de l’armature est importante.
Il est difficile de connaître exactement la concentration en chlorures libres
« critique » (appelée encore « seuil ») susceptible de permettre l’amorçage de la
corrosion des armatures. En effet, cette concentration dépend de nombreux para-
mètres tels que, notamment, la microstructure au contact des armatures. De plus,
335
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
336
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
CaCl2) soit plus rapide que celle des cations monovalents comme NaCl [RAN 89,
ARY 90, ALH 90, SHO 82]. Par contre, les chloroaluminates se forment en quan-
tité plus importante à partir de CaCl2 et les chlorures libres sont moins abondants
[ARY 90]. Il apparaît aussi que la fixation des chlorures réduit la dimension des
pores les plus petits en modifiant la morphologie des fibres de C-S-H. Le chlorure
de calcium conduirait ainsi à une structure plus ouverte au niveau des pores capil-
laires que le chlorure de sodium, ce qui faciliterait la diffusion des espèces chimi-
ques libres [MID 84, REG 78, HAN 85]. Ainsi, les chlorures libres, mais aussi les
chlorures liés, en modifiant la géométrie des pores, influent sur le processus de
pénétration. Ces considérations montrent la complexité des interactions entre les
différents facteurs qui interviennent dans la diffusion des chlorures.
Concernant l’incorporation d’additions minérales dans les ciments, on peut rele-
ver trois conséquences relatives à la pénétration des chlorures :
– la capacité de fixation des chlorures est déterminée par la concentration en (C3A
+ C4AF) du liant. Or la teneur de ces composés diminue par effet de dilution en
présence de laitiers de haut-fourneau ou de cendres volantes puisque les alumina-
tes proviennent du clinker. La quantité de chloroaluminates formée étant réduite,
la teneur en chlorures libres devrait être plus élevée pour des ciments incorporant
des additions minérales. Or, certains auteurs [ARY 90, BYF 87] montrent qu’au
contraire, la quantité de chlorures liés est plus élevée dans les ciments composés
au laitier et aux cendres volantes que dans les ciments Portland. Ce résultat est
assez controversé car Nguyen [NGU 06] trouve que les isothermes d’interactions
sont très proches pour les mortiers à base de ciments de types CEM I et CEM V.
Par contre, la quantité de chlorures liés, mais aussi de chlorures libres, est moindre
dans un béton renfermant des fumées de silice. Selon les travaux de Short et Page
[SHO 82], la diminution de capacité de fixation proviendrait de l’accroissement de
la solubilité des chloroaluminates provoquée par l’abaissement du pH de la solu-
tion interstitielle en présence de fumées de silice ;
– les additions minérales réduisent le pH de la solution interstitielle (tableau 9.2
et figure 9.8), l’effet étant davantage marqué avec les fumées de silice. Cette
diminution conduit à admettre un seuil de concentration en chlorures au niveau
de l’armature plus faible si l’on considère le rapport caractéristique Cl–/OH– ;
– le coefficient de diffusion apparent des chlorures est dépendant des additions
minérales. À condition de respecter une cure humide adaptée, l’ajout de laitiers
de haut-fourneau, de cendres volantes ou de fumées de silice réduit dans des pro-
portions notables les coefficients de diffusion des chlorures dans le béton. Les
valeurs moyennes de ces coefficients sont reportées dans le tableau 9.3 [SHO 82,
BRO 82]. Des données supplémentaires sont fournies dans le chapitre 3 de ce
livre.
337
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Tableau 9.3 : Coefficient de diffusion apparent moyen, Da, de différentes pâtes de ciment
avec additions minérales.
Ciment Portland 5
Ciment au laitier de haut-fourneau 0,5
Ciment aux cendres volantes 1,5
338
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
Xc profondeur de carbonatation ;
A, B paramètres de calages ;
t temps.
Ces modèles ne reposent pas sur des bases physiques et nécessitent des données
de calage afin de prédire le comportement futur. Ils ne prennent pas en compte les
cycles humidification/séchage qui ont une influence non négligeable sur le niveau
de carbonatation et ont donc un intérêt prédictif limité.
Les modèles analytiques et semi-analytiques
Ces modèles considèrent la diffusion comme le facteur limitant de la réaction de
carbonatation et prennent en compte de manière simplifiée la dépendance vis-à-
vis des matériaux et des facteurs environnementaux :
X c = A ( HR, T, Rc, [ CO 2 ]… ) t
avec :
Xc profondeur de carbonatation ;
A(HR, T, Rc,[CO2]…) : fonction prenant en compte la dépendance à des fac-
teurs physiques tels que l’humidité relative, la température, la résistance à la
compression, la teneur en CO2… par l’intermédiaire de lois simplifiées ;
t temps.
Ces modèles analytiques ou semi-analytiques intègrent comme données d’entrée,
de manière directe ou indirecte, des indicateurs performantiels de durabilité phy-
sico-chimique tels que la porosité, la perméabilité, l’état hydrique et la teneur en
matières carbonatables. Ils ont l’avantage de la simplicité et d’une bonne repré-
sentativité globale des phénomènes (modélisation de la pénétration de la carbona-
tation par un front raide) mais ne peuvent pas représenter de manière fine les
réactions. Ils sont bien adaptés à une utilisation de type ingénieur qui cherche à
obtenir l’ordre de grandeur de l’évolution de la dégradation avec le temps.
Dans cette famille, on peut citer, par exemple, les modèles de Papadakis
[PAP 91], Bakker [BAK 94], Duracrete [DUR 00], Petre-Lazar [PET 01].
Les modèles numériques
Ces modèles s’attachent à décrire finement la physique des phénomènes en pre-
nant en compte notamment les transferts en milieu poreux non saturé, les équili-
bres chimiques, les cinétiques des réactions et les modifications de porosité du
matériau. Leur degré de complexité nécessite une implantation numérique consé-
quente.
La prise en compte des phénomènes physico-chimiques de façon plus exhaustive
dans les modèles permet de décrire de mieux en mieux la carbonatation des bé-
tons. Le modèle de Bary et Sellier [BAR 03], prend notamment en compte le rôle
339
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
340
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
avec:
Da coefficient de diffusion apparent des ions chlorure dans le matériau (m2.s–1).
Cette relation est généralement utilisée pour décrire la pénétration des chlorures
par diffusion dans le béton saturé en régime non stationnaire. Dans le cas ou l’on
considère des interactions électriques entre les ions, l’équation de Nernst-Planck
peut être alors utilisée.
341
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
342
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
343
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
On peut citer dans cette catégorie les travaux de Dridi [DRI 06] qui prend en
compte la diffusion, la convection et les interactions ioniques entre les différents
constituants de la phase interstitielle. La corrosion à la surface du métal est con-
trôlée par l’oxydation du fer et la réduction de l’oxygène. Ces travaux tiennent
compte de la polarisation de l’acier et des transferts de masse dans la porosité.
Ces modélisations restent aujourd’hui cantonnées au niveau du matériau et néces-
sitent encore des développements pour être appliquées au niveau de la structure.
Néanmoins, des modélisations de l’impact structural de la corrosion sur des élé-
ments de structure réels existent. On peut citer par exemple le projet national du
« Benchmark des poutres de la Rance » qui, à partir de poutres en béton armé et
précontraint ayant séjournées 40 ans dans l’estuaire de la Rance, a permis de com-
parer différentes modélisations du comportement mécanique de poutres corro-
dées. Les résultats ont montré qu’il est possible de prévoir de manière réaliste le
comportement force/déplacement de poutres corrodées sollicitées en flexion et en
traction. Les différents modèles appliqués allaient de l’approche règlementaire
analytique à la simulation des poutres par éléments finis 3D. L’impact de l’adhé-
rence acier/béton, dégradée par la corrosion, a été pris en compte dans certaines
modélisations de même que la perte de ductilité des aciers [OUG 04].
La figure 9.22 illustre le champ d’endommagement d’une poutre en béton armé,
soumise à une flexion 4 points, obtenu par simulation numérique par éléments fi-
nis [CAP 06].
344
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
345
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Durées de vie
selon l'état de fissuration
Corrosion
de l'élément de structure
inacceptable
Niveau
nte
uré
rsa
iss
ve
nf
tra
no
on
ton
faç
Bé
de
rsante
ré
non trave
su
de façon
fis
suré
Béton fis
ton
Bé
Temps
Amorçage Propagation
Figure 9.23 : comparaison entre les processus de corrosion du béton armé fissuré
et non-fissuré [FRA 94].
La fissuration du béton modifie le schéma classique de la corrosion (phase d’incubation et de propa-
gation). Une fissure traversant un élément en béton armé permet un démarrage plus rapide des dé-
gradations alors qu’une fissure non traversante va se colmater (débris, produits de corrosion) avec le
temps et l’accélération des désordres est moindre que dans le cas d’une fissure traversante.
346
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
Effets climatiques
Effets (température, Attaque chimique
Eau mécaniques humidité) et biologique
Surface du béton
Béton dégradé
par carbonatation
et chlorures
Béton sain
Figure 9.24 : influence de la fissuration sur la dégradation du béton armé [LAU 99].
Une fissuration d’origine mécanique accélère la pénétration des agents agressifs au niveau de la fis-
sure mais également dans les zones avoisinantes (microfissuration). La période d’incubation diminue
donc par un développement plus rapide de la carbonatation et de la pénétration des chlorures.
FISSURATIONS
Armature en acier
ÉCLATEMENTS
Armature en acier
DÉLAMINATION
Armature en acier
347
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
348
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
Pour concevoir une structure durable avec ces approches probabilistes, il est né-
cessaire de définir :
– un modèle de conception qui prenne en compte les modèles de dégradation des
matériaux, pour décrire l’évolution dans le temps de la résistance de la structure
et de la sollicitation appliquée par l’environnement ;
– des états limites bien identifiés par des critères ;
– la probabilité de défaillance maximale acceptable, associée à l’état limite iden-
tifié précédemment et définie par le maître d’ouvrage ;
– la durée de vie minimale exigée par le maître d’ouvrage pour une probabilité
de défaillance donnée.
En ce qui concerne les structures en béton armé, il est possible de définir des états-
limites de durabilité pour chacun des désordres liés à la corrosion des armatures
(dépassivation, fissuration, éclatement…). Les états limites de service suivants
peuvent être considérés :
– ELS 1 : dépassivation des armatures due à une carbonatation du béton ou à une
pénétration des chlorures (frontière entre périodes d’incubation et de propaga-
tion) ;
– ELS 2 : apparition des premières fissures dues à la formation de produits de
corrosion ;
– ELS 3 : éclatement du béton en parement (si la chute de pièces en béton
n’induit pas la mise en danger de l’usager).
Habituellement, c’est l’ELS 1 qui est considéré comme état limite car la modéli-
sation de la fissuration du béton due à la corrosion est complexe à modéliser.
La durée de vie par rapport à la corrosion des aciers peut alors être définie comme
le temps nécessaire pour que l’ELS1 soit atteint :
– environnement sans chlorure : temps mis pour que la profondeur de carbonata-
tion soit égale à l’enrobage ;
– en présence de chlorures : temps mis pour que la concentration en chlorures
libres [Cl–libres] atteigne une concentration critique [Cl–libres]crit au niveau du
premier lit d’armatures.
Les témoins de durée de vie associés sont [BAR 04b, GUI 04] :
– environnement sans chlorure : profondeur de carbonatation (i.e. zone où pH 9)
et évolution en fonction du temps (cinétique), ou évolution du profil de teneur en
CaCO3 (ou en Ca(OH)2 résiduelle) en fonction du temps ;
– en présence de chlorures : profondeur de pénétration des chlorures (i.e. zone où
[Cllibres] ≥ [Cllibres]crit) et évolution en fonction du temps (cinétique), ou évolu-
tion du profil de [Cllibres] en fonction du temps.
349
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
350
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
351
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Valeurs moyennes
de R (t) et S (t)
Densités de probabilité
des fonctions R (t) et S (t)
R (t) fR (t1)
fR (t2)
S (t)
fs (t2)
fs (t1)
Densité de probabilité
conjointe fR,s (t)
t1 tk t2 tm Temps d'exposition
Durée de vie Durée de vie
visée moyenne
352
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
L’approche performantielle, [GUI 04, BAR 06], est une voie nouvelle par rapport à
l’approche classique de la durabilité des structures qui considère uniquement la ré-
sistance à la compression mécanique du béton comme indicateur de la durabilité.
Afin d’aider le concepteur, des spécifications-types pour le matériau béton peuvent
être proposées pour différents types d’environnement et différentes valeurs de durée
de vie visée. L’approche performantielle permet de définir des indicateurs perti-
nents, avec leurs valeurs limites, pour différents types d’environnement. À terme,
cette approche pourra être intégrée dans des approches de type probabiliste.
Les spécifications types proposées dans le guide AFGC [GUI 04] pour la durabi-
lité vis-à-vis de la corrosion des armatures induite par la carbonatation ou par les
chlorures sont basées sur les classes d’exposition proposées dans l’EN 206-1
[EN 00] (voir paragraphe 7) et l’Eurocode 2 et sur les enrobages minimaux impo-
sés par les règlements français et européen. Les différents types d’environnement
retenus sont définis comme suit à partir des classes d’expositions.
Type d’environnement
1 : X0 et X1 ; 2 : XC2 ; 3: XC3 ; 4 : XC4 ; 5 : XS1, XD1, XD3 ; 6 : XS2 et XD2 ;7 : XS3
X0 : aucun risque de corrosion, ni d’attaque ;
XC1 à XC4 : corrosion induite par carbonatation ;
XD1 à XD3 : corrosion induite par les chlorures ayant une origine autre que marine ;
XS1 à XS3 : corrosion induite par les chlorures présents dans l’eau de mer.
Différents niveaux d’exigence (1 à 5) sont définis en tenant compte de la durée de
vie exigée et de la catégorie de l’ouvrage. Enfin, des valeurs limites concernant
les quatre indicateurs pertinents pour la corrosion sont données :
– Peau porosité à l’eau du béton ;
– Dapp(mig) coefficient de diffusion apparent des ions chlorure par essai de
migration électrique ;
– kgaz perméabilité au gaz ;
– kliq perméabilité à l’eau.
Les spécifications ont été établies sur la base de données expérimentales et ont été
vérifiées par des simulations numériques effectuées à l’aide de modèles empiri-
ques (approche déterministe ou probabiliste) et physiques. Les spécifications cor-
respondent à des mesures réalisées selon les méthodes décrites dans le guide
AFGC [GUI 04] sur des éprouvettes conservées dans l’eau pendant 3 mois au plus
après le coulage. Les spécifications types proposées se présentent sous la forme
de tableau (carbonatation cf. tableau 9.4 et chlorures cf. tableau 9.5). Pour chaque
niveau d’exigence (par exemple, la durée de vie) et pour chaque type d’environ-
nement, une série d’indicateurs doit être quantifiée et des critères doivent être sa-
tisfaits [GUI 04, BAR 06]. Ces spécifications permettent de garantir des durées
de vie (par exemple 30, 50, 100, 120 ans ou plus) pour les ouvrages en béton, sur
la base de 1, 2, 3 ou 4 grandeurs physiques mesurées.
353
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
354
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
355
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. La classe d'exposition XS3 correspond au cas des bétons contenant une armature ou des pièces
métalliques noyées, soumis au contact des chlorures présents dans l’eau de mer en zone de mar-
nage ou à l’action de l’air véhiculant du sel marin ou en zone soumise à des projections de sels.
356
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
357
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
⎧ 2
--- f e
⎪ 3
⎪
σ s ≤ ξ = min ⎨ 0 ,5f e avec ξ, fe et ftj en MPa
⎪ max ⎧
⎪ ⎨
⎩ ⎩ 110 ηf tj
Pour une fissuration très préjudiciable (article 4.5.34), les conditions de travail de
l’acier sont plus sévères :
σ s ≤ 0 ,8ξ
D’autres spécifications concernent également l’écartement maximal des fers pour
des éléments minces (dalles et voiles).
7.2.2. Eurocode 2
Dans le cadre de l’Eurocode 2, les classes d’exposition sont définies conformé-
ment à la classification de l’EN 206-1. Les valeurs minimales d’enrobage, don-
nées dans le tableau 9.7, sont liées aux classes d’exposition et à la classe
structurale de l’ouvrage (définie dans l’annexe nationale).
L’enrobage nominal Cnom est égal à un enrobage minimal Cmin additionné d’une
marge pour tolérances d’exécution ΔCdev :
Cnom = Cmin + ΔCdev
358
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
C min, b
C min = max C min, dur + ΔC dur, y – ΔC dur, st – ΔC dur, add
10 mm
avec :
ΔCdev marge pour tolérances d’exécution : valeur recommandée 10 mm. Cette
valeur peut être réduite si un contrôle qualité de l’enrobage est effectué ou dans
la cadre de la préfabrication ;
Cmin,b enrobage minimal vis-à-vis des exigences d’adhérence : diamètre de la
barre ; dans le cas d’une armature individuelle ou diamètre équivalent dans le
cas d’un paquet ;
Cmin,dur enrobage minimal vis-à-vis des conditions d’environnement ;
ΔCdur,y marge de sécurité : 0 mm en général ;
ΔCdur,st réduction d’enrobage dans le cas de l’acier inoxydable : 0 mm si pas de
précision supplémentaire ;
ΔCdur,add réduction d’enrobage dans le cas d’une protection supplémentaire :
0 mm si pas de précision supplémentaire ;
La valeur de Cmin,dur dépend de la classe structurale et de la classe d’exposition
de l’ouvrage :
Tableau 9.7 : valeurs de Cmin,dur requis vis-à-vis de la durabilité
dans le cas des armatures de béton armé.
S1 10 15 25 30 35 40
S2 15 25 30 35 40 45
S3 Sans 20 30 35 40 45 50
S4 objet 25 35 40 45 50 55
S5 30 40 45 50 55 60
S6 35 45 50 55 60 65
359
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Classe d’exposition
Critère
X0 XC1 XC2/XC3 XC4 XD1/XS1 XD2/XS2 XD3 /XS3
Durée
d’utilisation 100 ans : majoration de 2 classes
de projet
de 100 ans 25 ans et moins : minoration d’1 classe
Enrobage minoration
compact (2) de 1 classe
(1) Par souci de simplicité, la classe de résistance joue ici le rôle d’un indicateur de durabilité. Il
peut être judicieux d’adopter, sur la base d’indicateurs de durabilité plus fondamentaux et des
valeurs de seuil associées, une justification spécifique de la classe structurale adoptée, en se réfé-
rant utilement au guide AFGC Conception des bétons pour une durée de vie donnée des ouvrages,
ou à des documents normatifs reposant sur les mêmes principes.
(2) Ce critère s’applique dans les éléments pour lesquels une bonne compacité des enrobages peut
être garantie :
– face coffrée des éléments plans (assimilables à des dalles, éventuellement nervurées), coulés
horizontalement sur coffrages industriels ;
– éléments préfabriqués industriellement : éléments extrudés ou filés, ou faces coffrées des élé-
ments coulés dans des coffrages métalliques ;
– sous face des dalles de pont, éventuellement nervurées, sous réserve de l’accessibilité du fond de
coffrage aux dispositifs de vibration.
360
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
(1) L’attention est attirée sur le fait que wmax est une valeur conventionnelle servant pour le calcul.
(2) Sauf demande spécifique des Documents Particuliers du Marché, la maîtrise de la fissuration
est supposée assurée par les dispositions constructives, le calcul de wmax n’est alors pas requis.
(3) Dans le cas des bâtiments des catégories d’usage A à D (voir NF EN 1991-1-1), sauf demande
spécifique des documents particuliers du marché, la maîtrise de la fissuration est supposée assurée
par les dispositions constructives minimales, le calcul de wmax n’est alors pas requis.
En fonction de l’ouverture maximale de fissure recommandée, la norme
NF EN 1992-1-1 permet de déterminer le diamètre des barres qui correspond à
une contrainte donnée dans l’acier, et permet d’en déduire l’espacement maximal
des barres.
8. DIAGNOSTIC DE LA CORROSION
Le diagnostic de l’activité de corrosion des armatures dans le béton peut se dé-
composer en plusieurs niveaux d’objectifs [GUI 03] :
– déceler l’activité de corrosion et évaluer son intensité ;
– identifier l’origine de la corrosion : carbonatation, chlorures (internes ou exter-
nes) ;
– évaluer l’étendue spatiale des désordres observés ou mesurés ;
– prédire l’évolution probable dans le temps et dans l’espace ;
361
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
362
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
Lignes Lignes
Éponge
de courant de potentiel
– 200 mV – 200 mV
– 300 mV
Béton
– 400
– 500
Figure 9.27 : mesure du potentiel d’électrode le long d’une armature, d’après [ELS 03].
La mesure du potentiel d’une armature nécessite de relier électriquement l’armature, un millivoltmètre
à haute impédance et l’électrode de référence. Il est aussi nécessaire de soigner le couplage électri-
que entre le béton et l’électrode au moyen d’une éponge humide. Les zones à fort risque de corrosion
sont matérialisées par les plus basses valeurs de potentiel (de l’ordre de – 300 mV dans le cas du
schéma ci-dessus).
Le tableau 9.10 donne quelques ordres de grandeur des valeurs rencontrées selon
l’environnement dans le cas de la corrosion uniforme [ELS 03] :
363
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
On note que, par rapport à un béton humide sain (+ 0,1 à – 0,2 V/ESC), la présence
de chlorures a tendance à diminuer fortement le potentiel (– 0,4 à – 0,6 V/ESC).
La carbonatation conduit également, mais dans une moindre mesure, à une dimi-
nution de la valeur du potentiel (+ 0,1 à – 0,4 V/ESC). L’état d’humidité du béton
d’enrobage influence aussi considérablement les valeurs de potentiel. Ainsi, les
cycles d’humidification/séchage résultant par exemple d’une exposition aux in-
tempéries peuvent rendre délicate l’interprétation d’un relevé de potentiel. Néan-
moins, si cette influence modifie la valeur du potentiel, les gradients ne sont pas
affectés. Ainsi, une recommandation récente préconise de représenter les gra-
dients et non les valeurs brutes du potentiel pour déterminer les zones à risque de
corrosion maximal (potentiels les plus électronégatifs) [ELS 03].
La norme américaine ASTM C876-91 quantifie la probabilité de corrosion (ta-
bleau 9.11) en fonction des niveaux de potentiel mesurés [AST 99]. Cependant, il
peut être hasardeux d’appliquer ces critères sans discernement, car les valeurs de
potentiels sont difficilement exploitables de manière absolue. C’est pourquoi il
est vivement conseillé de coupler les mesures de potentiel avec des essais supplé-
mentaires (teneur en ions chlorure, profondeur de carbonatation, relevés de zones
de délamination et d’humidité du béton…) afin de mieux cerner le contexte de
corrosion. La figure 9.28 présente les résultats d’une campagne expérimentale
réalisée sur un corpus de 6 ouvrages réels [ELS 03]. Dans cet exemple, les seuils
de potentiel relatifs aux 3 niveaux de risque définis par la norme américaine ont
été évalués expérimentalement sur chaque ouvrage. On peut noter une grande dis-
parité des seuils de potentiels d’un ouvrage à l’autre, montrant ainsi les limites de
l’interprétation du potentiel en termes de valeur absolue.
364
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
0
Potentiel (volt vs Cu/CuSO )
4
– 0,1
– 0,2
– 0,3
– 0,4
– 0,5
– 0,6
1 2 3 4 5 6 7
Zone passive (Prob. > 95 %)
Zone intermédiaire
Zone corrodée (Prob. > 95 %)
Figure 9.28 : mise en évidence expérimentale sur différents ponts (1 à 6) des variations
de seuils de potentiel relatifs aux 3 niveaux de risque ASTM
et comparaison avec les seuils ASTM (7) [ELS 03].
Les seuils de potentiel établis par la norme ASTM C876-91, définissant les zones à probabilité faible
ou forte de corrosion ne sont qu’indicatifs et, même s’ils permettent de définir des tendances généra-
lement observées, ils ne permettent pas de garantir, sur la simple mesure de potentiel, une corrosion
avérée ou non.
365
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Tableau 9.12 : valeurs indicatives de résistivité et des risques associés [AND 04].
La résistivité électrique est influencée par la teneur en eau du béton mais égale-
ment par la porosité et la composition de la solution interstitielle (présence de
sels). Cette mesure devrait être mise en œuvre systématiquement en complément
des mesures de potentiel afin d’affiner le diagnostic de la corrosion. Le couplage
de ces deux techniques se révèle intéressant puisqu’il permet d’accéder à une in-
formation qualitative sur la cinétique de corrosion, de larges gradients de potentiel
associés à de faibles résistivités pouvant en effet être associés à de fortes vitesses
de corrosion.
8.3. Mesure de la résistance de polarisation
La technique de la résistance de polarisation vise à mesurer la densité de courant
de corrosion anodique et, par conséquent, la vitesse de corrosion de l’acier à un
instant donné de la vie de l’élément testé. Cette technique se positionne donc com-
me la seule à être en mesure de fournir une information quantitative sur la cinéti-
que du processus électrochimique. Cette méthode est basée sur la linéarité des
courbes intensité (I)/potentiel (E) au voisinage du potentiel « libre » (ou
« spontané »). La pente de la droite ΔE/ΔI exprime la résistance de polarisation
Rp (Ω.cm²) qui est reliée à la densité de courant de corrosion icorr selon la relation
de Stern-Geary [STE 57] :
B-
i corr = -----
Rp
où B est une constante (exprimée en mV).
Malgré certaines contraintes théoriques et expérimentales (polarisation, confine-
ment du champ électrique, humidité suffisante, contact électrique), en mesurant
Rp périodiquement, il est possible de contrôler l’évolution du processus de corro-
sion, d’identifier les zones de corrosion active et d’utiliser les résultats pour pré-
dire la durée de vie résiduelle de la structure.
Le benchmark des poutres de la Rance portant sur des corps d’épreuve de plus de
40 ans stockés en zone de marnage [POU 06] a cependant montré des disparités
importantes entre les dispositifs expérimentaux testés (de laboratoires ou com-
merciaux). De même, il faut garder à l’esprit que ces mesures traduisent un état
366
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
367
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
9. PRÉVENTION ET RÉHABILITATION
9.1. Prévention. Mesures constructives
Pour se prémunir des problèmes liés à la corrosion, il est possible d’utiliser des
armatures en acier inoxydable. Le coût d’investissement initial est plus élevé que
celui des armatures classiques, mais il faut considérer le coût global de la structure
en incluant les actions de maintenance sur toute la durée de vie. Dès lors, les dif-
férences sont moindres et le choix de l’inox peut s’avérer économique. Le déve-
loppement d’armatures en matériaux composites (fibres de verre) est également
en cours mais pas encore en phase opérationnelle à grande échelle.
La conception générale d’un ouvrage n’est pas non plus sans influence sur la du-
rabilité générale du béton. Un certain nombre de règles de l’art simples doivent
être respectées afin de réduire au maximum les effets de la corrosion [DUV 92].
• En premier lieu, l’ouvrage doit être dimensionné de telle sorte que les charges ne
donnent lieu au cours du temps qu’à des déformations acceptables de façon à éviter
l’apparition de fissures macroscopiques préjudiciables à sa durabilité. Il apparaît
ainsi que la carbonatation et la pénétration des chlorures sont plus importantes dans
les zones tendues des éléments de structure que dans les zones comprimées [FRA
88]. C’est pourquoi la répartition des armatures doit être étudiée de façon à minimi-
ser la formation éventuelle de fissures : tout ce qui contribue à réduire la concentra-
tion des contraintes a un impact favorable sur la pénétration des agents agressifs.
368
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
• Au niveau des aspects géométriques des ouvrages, les éléments aux formes
simples assorties de dimensions suffisantes permettent un positionnement et un
enrobage correct des armatures. On évitera les structures trop minces où la péné-
tration des agents agressifs s’effectue suivant deux directions opposées. Une
attention particulière est à porter aux angles dans la mesure où l’attaque suivant
deux directions perpendiculaires peut décoller prématurément le béton d’enro-
bage (figure 9.29).
Armatures
eui
uie
Pl
369
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Ainsi les ponts, les aires de stationnement, les routes, les balcons et terrasses doi-
vent être conçus de façon à d’éviter la stagnation d’eau. Cependant les zones les
plus exposées des surfaces horizontales soumises à une humidité fréquente, à des
éclaboussements répétés avec des sels en ambiance hivernale sont à traiter de fa-
çon spécifique et nécessitent souvent un revêtement imperméable.
9.2. Requalification des ouvrages en béton armé
Si, comme nous l’avons vu, les ruines d’ouvrages directement liées à la corrosion
sont rares, il faut garder à l’esprit que, selon le degré d’avancement des réactions,
la structure atteinte perd une partie de sa capacité portante. Il est donc essentiel de
garder à l’esprit le respect de la sécurité de l’ouvrage en service.
Si la perte de section des armatures est manifeste, il est nécessaire de réévaluer la
capacité portante de l’ouvrage par un calcul mécanique. L’estimation de la section
n’est toutefois pas toujours aisée car elle ne peut se faire que de manière discrète
par l’intermédiaire de sondages, et il est parfois difficile de remonter à des moyen-
nes statistiques.
Si la perte de section est supérieure à 10 %, il convient de renforcer les armatures
[GUI 03]. L’apport de nouvelles armatures peut se faire dans la masse, après dé-
molition des zones atteintes et reconstitution du béton, soit par un apport externe
enrobé dans un béton projeté connecté à la structure, soit par des armatures addi-
tionnelles collées sous forme de plaque de tôles ou de tissus de fibres de carbone.
La corrosion entraîne également une perte d’adhérence qui nécessite la dépose du
béton dégradé puis la reconstitution de l’enrobage. Il est à noter que cette opéra-
tion libère totalement les ancrages des barres. Il faut généralement étayer l’ouvra-
ge pour ce type d’opération car le risque de modification du comportement et de
mauvais fonctionnement des matériaux en tant que béton armé, peut alors être im-
portant.
Si les aciers sont la partie dégradée la plus naturelle quand on parle de corrosion,
il ne faut pas négliger la diminution de la section efficace de béton qui joue un rôle
dans le fonctionnement du béton armé notamment en compression. Comme pour
les problèmes d’adhérence, il faut s’assurer du bon fonctionnement des matériaux
acier et béton ce qui peut nécessiter un étayement. Les produits de réparation doi-
vent être compatibles avec les matériaux en place et assurer une adhérence suffi-
sante à défaut de quoi le comportement mécanique initial ne sera pas restauré.
9.3. Méthodes de réhabilitation
L’objectif de ce paragraphe n’est pas de recenser de manière exhaustive toutes les
techniques existantes mais plutôt de passer en revue les grandes familles de mé-
thodes. Des informations plus précises concernant le domaine d’action, la mise en
370
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
œuvre ou les limites et précautions d’emplois sont données dans les tableaux 9.14
à 9.21. Pour des informations plus détaillées, le lecteur pourra consulter le guide
AFGC Réhabilitation du béton armé dégradé par la corrosion [GUI 03].
Les différentes méthodes de réhabilitation des ouvrages en béton armé
concernent:
• la reconstitution de l’enrobage. Elle permet de réparer et d’arrêter la progres-
sion des dégradations d’un parement. Après élimination des zones dégradées,
remplacement des armatures trop corrodées et protection directe des armatures si
l’enrobage reconstitué est trop faible par rapport aux normes actuelles, un béton
de réfection est appliqué. Celui-ci devra montrer une bonne adhérence avec les
matériaux en place ;
• l’imprégnation. Les produits appliqués par imprégnation sont des consolidants
(consolidation locale et peu profonde d’une zone faiblement altérée) ou des
hydrofuges (constitution d’une barrière interne vis-à-vis de l’eau liquide mais
pas de la vapeur d’eau, ce n’est donc pas un imperméabilisant). Ces produits
n’ont pas d’action directe sur la corrosion mais sont des traitements complémen-
taires ;
• les inhibiteurs de corrosion, composés chimiques ajoutés en faible concentra-
tion au milieu cimentaire ralentissant, ou stoppant, le processus de corrosion.
Ces produits ont pour fonction de pénétrer l’enrobage du béton, d’abaisser la
vitesse de corrosion de l’acier sans altérer ce dernier. Ils doivent être stables et
compatibles avec le milieu cimentaire et ne pas être toxiques. On distingue les
inhibiteurs anodiques (diminution du courant sur la partie anodique du métal),
les inhibiteurs cathodiques (augmentation de la surtension cathodique) et les
inhibiteurs mixtes. Actuellement, l’efficacité de ces produits est de l’ordre d’une
dizaine d’années ;
• les revêtements de surface. La mise en peinture des ouvrages a pour objectif
d’améliorer l’esthétique, de contribuer à la protection du béton (l’amélioration
de l’imperméabilité du support ralentit la pénétration de l’humidité, de la vapeur
d’eau et des agents agresseurs) et à la correction des défauts de surface (porosité,
fissures). Les ouvrages concernés sont les bâtiments, les tunnels, les murs de
soutènement, les écrans acoustiques et certains ponts. Un critère important de
tenue dans le temps est la bonne adhérence au support ;
• le béton projeté, mélange de granulats, de ciment et d’eau, contenant parfois
des ajouts, projeté sous pression d’air comprimé sur une paroi. Il existe deux
techniques de projection : la voie sèche (eau introduite au niveau de la lance) et
la voie humide (eau introduite au malaxage du béton). Les ajouts peuvent être à
la fois :
– des adjuvants, qui confèrent des propriétés spécifiques à la mise en œuvre
(fluidité, résistance initiale),
371
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
– des fibres, qui selon leur type et dosage permettent une meilleure cohésion,
des effets de retrait réduits, une amélioration possible des caractéristiques
mécaniques,
– des fumées de silice qui améliorent l’aptitude à la projection (meilleure
accroche) ainsi que la durabilité (béton moins poreux) ;
• les traitements électrochimiques. Il en existe deux types :
– la ré-alcalinisation et l’extraction des chlorures. Ces traitements consistent
à polariser l’armature à l’aide d’une anode enrobée d’une pâte saturée d’un
électrolyte approprié et recouvrant le parement. Le courant de polarisation
circule de l’anode vers l’armature (cathode). Les armatures plus profondes
doivent être reliées électriquement à celle qui est directement polarisée. Ces
traitements durent environ de une à six semaines et sont temporaires. On
distingue la technique suivant laquelle un générateur électrique (technique
du courant imposé) est placé entre l’anode et l’armature et la technique sui-
vant laquelle l’anode, en alliage judicieusement choisi, est directement
reliée à l’armature (courant galvanique). L’objectif de ces méthodes est de
redonner au béton d’enrobage sa capacité à protéger les armatures. La ré-
alcalinisation permet d’augmenter le pH d’un béton qui a été carbonaté ; la
déchloruration permet d’extraire les ions chlorure qui ont pénétré l’enro-
bage,
– la protection cathodique. La protection cathodique des armatures permet de
ralentir, voire d’arrêter la corrosion. Elle consiste à abaisser le potentiel
électrochimique de l’armature jusqu’à une valeur seuil, dite potentiel de
protection, qui est telle que la vitesse de corrosion de l’acier devient négli-
geable. Le principe de la protection cathodique consiste à polariser l’arma-
ture dans le béton à l’aide d’une anode placée de façon permanente sur le
parement, ou parfois dans l’enrobage. Le courant de polarisation, qui cir-
cule de l’anode vers l’armature, se situe entre 2 et 50 mA/m2 de surface
d’armature. Il existe deux techniques de protection cathodique :
– par courant imposé : un générateur électrique est placé entre l’anode et
l’armature,
– par anode sacrificielle (courant galvanique) : l’anode, en alliage correcte-
ment sélectionné, est directement reliée à l’armature.
Une installation de protection cathodique est efficace tant que les éléments les
moins durables que sont les électrodes de références et l’anode, sont fonctionnels.
Ces éléments sont facilement remplaçables et, dans le cas d’une électrode de tita-
ne, la durée de vie peut atteindre 20 ans.
Ce survol rapide des différentes méthodes de réparation et de protection montre
qu’il existe aujourd’hui un large éventail de techniques permettant de prolonger
372
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
la durée de vie des ouvrages dégradés. Le choix de la technique repose sur des as-
pects technico-économiques liés à la structure et nécessite une étude au cas par
cas de manière à optimiser les coûts.
Tableau 9.14 : reconstitution de l’enrobage.
Domaine d’action Restauration de l’apparence du parement
Enlèvement béton dégradé, remplacement d’armatures
Mise en œuvre
de préférence par des armatures inox), protection éventuelle
Limites et précautions d’emploi Attention au risque de déséquilibre de la structure
Efficacité, contrôle, durée Contrôle des renforcements
Effets secondaires, Risque de récidive si la partie corrodée n’est pas parfaitement
incidences sur l’ouvrage enlevée. Effets cathodiques adjacents
373
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
374
La durabilité des armatures et du béton d’enrobage
10. CONCLUSION
L’examen des ouvrages affectés par une détérioration du béton d’enrobage recou-
vrant les armatures révèle que les dommages résultent presque toujours d’une
épaisseur d’enrobage trop mince et/ou d’un béton défectueux, poreux et peu résis-
tant. La corrosion des armatures du béton armé est aujourd’hui la pathologie qui
coûte le plus cher à la collectivité. Les paramètres dégagés lors des observations et
des études montrent que la durabilité des armatures passe en premier lieu par la
réalisation d’un béton compact et d’une épaisseur d’enrobage adaptée. Les bétons
préparés avec des additions minérales (laitiers de haut-fourneau, cendres volantes,
fumées de silice, fillers) limitent en général la diffusion des ions chlorure.
Les approches modernes ne se basent plus uniquement sur la simple résistance à
la compression comme indicateur de durabilité mais sur des approches où les ca-
ractéristiques du matériau sont définies en fonction d’une durée de vie visée dans
un environnement donné (normes Eurocodes, approche performantielle).
Les progrès réalisés dans la modélisation numérique et la prise en compte des in-
certitudes, dans les approches fiabilistes notamment, permettent de calculer des
durées de vie par rapport à des états limites donnés (initiation de la corrosion, per-
te d’un pourcentage de section d’acier). La requalification mécanique de l’ouvra-
ge permet alors de définir la maintenance adéquate (réparation, confortement,
remplacement). Afin d’éviter des interventions lourdes, il est toujours préférable
d’identifier les désordres le plus tôt possible par des inspections ciblées.
375
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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R. GAGNÉ, L. LINGER
Résumé
L’ambiance hivernale rigoureuse n’est pas spécifiquement définie dans les princi-
paux documents normatifs et techniques internationaux. Dans le cadre de cet
ouvrage, l’ambiance hivernale rigoureuse correspond à un environnement de gel
sévère où le béton est exposé à des conditions de saturation forte ou modérée
avec ou sans exposition aux sels de déverglaçage. La durabilité des bétons en
ambiance hivernale rigoureuse dépend des caractéristiques physico-chimiques
du matériau et de la sévérité de l’exposition au gel (température minimale, satura-
tion en eau, fréquence des épandages de sels fondants). L’action des cycles de
gel-dégel peut produire deux types de détérioration du béton : la fissuration interne
et l’écaillage des surfaces en présence de sels fondants. Ces deux types de dété-
rioration ont pour origine des processus différents et ne surviennent pas nécessai-
rement en même temps. La mise en relation des propriétés thermodynamiques de
la phase liquide, des propriétés de la structure poreuse de la pâte de ciment hy-
draté et des caractéristiques de l’exposition environnementale ont conduit au dé-
veloppement de modèles plus ou moins détaillés permettant d’expliquer, de
prévoir et de quantifier l’endommagement des bétons soumis aux cycles de gel-
dégel. Les résultats de très nombreuses expérimentations en laboratoire et d’étu-
387
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
388
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
1. INTRODUCTION
Les gestionnaires d’ouvrages sont souvent confrontés aux conséquences, quel-
quefois très pénalisantes, des cycles gel-dégel sur la durabilité du béton. Les
structures construites dans des régions froides ou en altitude sont évidemment les
plus exposées, mais l’utilisation de plus en plus intensive et systématique de sels
de déverglaçage en préventif dans les réseaux structurants nécessite de prendre
des précautions adaptées pour les régions classées en gel modéré. Il est donc fon-
damental de définir le plus précisément possible cette agression climatique afin
de la prendre en compte dans le dimensionnement des ouvrages.
La sévérité de l’exposition au gel est fonction de certaines caractéristiques clima-
tiques et géographiques. De nombreux pays nordiques ont développé des docu-
ments normatifs et des guides techniques qui définissent la sévérité de
l’exposition au gel en fonction, notamment, du nombre de cycles de gel-dégel an-
nuel, de la température minimale atteinte, de l’altitude et de la fréquence de
l’épandage de sels de déverglaçage (norme française NF EN 206-1, norme cana-
dienne CSA A23.1). Par exemple, la norme NF EN 206-1 définit trois classes
d’environnement de gel (faible, modéré et sévère) sur la base des températures
moyennes annuelles (voir la carte de la zone de gel en France au paragraphe 5.2.1,
figure 10.43). Un environnement de gel faible ne comporte pas plus de deux jours
ayant atteint une température inférieure à – 5 °C. Un environnement de gel sévère
comporte plus de dix jours ayant atteint une température inférieure à – 10 °C.
L’environnement de gel modéré est une condition intermédiaire entre les niveaux
faible et sévère. En plus des températures minimales atteintes, la sévérité du gel
dépend aussi de la condition de saturation du béton et de la fréquence des épan-
dages de sels de déverglaçage [LCP 03]. Les conditions de forte saturation sont
plus agressives (surfaces horizontales de béton exposées à la pluie et au gel, sur-
faces verticales exposées au gel et directement exposées aux projections humi-
des), en comparaison avec les conditions de saturation modérées (surfaces
verticales de béton exposées à la pluie ou au gel). Le salage est considéré très fré-
quent lorsque le nombre n de jours de salage est supérieur ou égal à 30 ; il est mo-
déré lorsque n est compris entre 10 et 30; il est faible lorsque n est inférieur à 10.
L’ambiance hivernale rigoureuse n’est pas spécifiquement définie dans les prin-
cipaux documents normatifs et techniques internationaux. Dans le cadre de cet
ouvrage, l’ambiance hivernale rigoureuse correspond à un environnement de gel
sévère où le béton est exposé à des conditions de saturation forte ou modérée avec
ou sans exposition aux sels de déverglaçage.
Ce présent chapitre s’attache à dresser un état de l’art des connaissances actuelles
sur le sujet et proposer des recommandations pour la réalisation de bétons dura-
bles au gel. Les mécanismes fondamentaux responsables des dégradations asso-
389
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
ciées aux cycles de gel-dégel sont décrits en mettant en évidence l’influence des
différents paramètres impliqués dans la fissuration interne et l’écaillage de surfa-
ce, associée à l’utilisation des sels de déverglaçage. Une seconde partie s’attache
à analyser l’entraînement d’air dans les bétons qui reste globalement la meilleure
parade pour formuler des bétons résistants aux cycles de gel-dégel sévères et à
l’écaillage. L’aspect normatif est ensuite abordé en mettant l’accent sur les textes
européens et français, mais également canadiens.
390
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
bétons [MAR 96, YAN 06]. Elle peut diminuer la performance du béton d’enro-
bage en augmentant sa perméabilité et en diminuant sa résistance à la pénétration
des agents externes potentiellement agressifs.
Parmi les deux principaux types d’attaque par le gel, la fissuration interne est re-
lativement peu fréquente en raison des mécanismes d’attaque particuliers qui ne
produisent des dommages significatifs que dans les bétons les plus sensibles aux
effets des cycles de gel-dégel.
2.2. Écaillage
Comme son nom l’indique, l’écaillage des surfaces est un mode de dégradation
qui n’affecte que les surfaces de béton exposées à un environnement externe com-
portant des cycles de gel-dégel et des sels fondants. En l’absence de sels fondants,
l’écaillage du béton ne se produit pas.
L’écaillage se manifeste par le détachement progressif de petits fragments ou de pe-
tites écailles de pâte ou de mortier dont l’épaisseur ne dépasse pas quelques milli-
mètres. La surface d’un béton attaqué par l’écaillage n’est endommagée que sur
quelques millimètres de profondeur (figure 10.2). Par conséquent, la problématique
des surfaces de bétons qui s’écaillent est principalement d’ordre esthétique. Toute-
fois, dans les cas les plus sévères, les surfaces horizontales peuvent devenir raboteu-
ses et très inégales, ce qui peut engendrer un inconfort pour les piétons. Un écaillage
sévère peut aussi diminuer significativement l’épaisseur du béton d’enrobage
La dégradation de la pâte de ciment et du mortier de surface contribue à exposer
les gros granulats localisés tout juste sous la surface exposée aux sels fondants.
L’aspect visuel de ce type de dégradation peut, à tort, suggérer que l’écaillage est
essentiellement causé par l’utilisation de granulats de mauvaise qualité. Dans cer-
391
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
tains cas, les granulats peuvent effectivement jouer un rôle dans les mécanismes
d’écaillage. Cependant, l’écaillage peut aussi se produire en présence de granulats
d’excellente qualité. L’écaillage ne doit pas être confondu avec la délamination
de surface. La délamination est principalement associée à la corrosion des aciers
d’armature qui, en gonflant, forcent le détachement de gros fragments de béton
d’enrobage de plusieurs centimètres d’épaisseur.
Sous les climats nordiques rigoureux, l’écaillage se produit principalement à la
surface des structures de béton associées aux réseaux de transport routier (ponts
et viaducs, pavages en béton, trottoirs, etc.). En hiver, ces structures sont les plus
fréquemment atteintes car elles sont souvent exposées à de grandes quantités de
sels fondants utilisés pour le dégagement des voies de circulation. L’écaillage est
parfois très localisé dans des zones de quelques m2 alors que les surfaces de béton
avoisinantes sont en parfait état. Ce phénomène est généralement dû à la variabi-
lité, au niveau local, des caractéristiques de surface du béton (porosité, réseau de
bulles d’air, microfissuration) et des conditions d’exposition (saturation, niveau
de contamination par les ions chlorure).
L’écaillage des surfaces est le type de destruction par le gel le plus fréquent car
les mécanismes spécifiques d’attaque sont relativement sévères. Sous des condi-
tions d’exposition rigoureuses, l’écaillage peut endommager la surface de la plu-
part des bétons qui ne sont pas spécifiquement formulés et protégés contre ce type
d’attaque.
Figure 10.2 : aspect visuel typique d’un élément de béton attaqué par l’écaillage
en présence de sels fondants (photo R. Gagné).
L’écaillage des surfaces et la fissuration interne sont les deux principaux types
de dégradations associés aux cycles de gel-dégel. Ces deux types de dégradations
ne surviennent pas nécessairement en même temps lorsque le béton est exposé à
des cycles de gel-dégel.
392
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
393
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
tains processus physico-chimiques dont les plus importants sont: transport par
diffusion et perméabilité, dissolution/précipitation dans la solution interstitielle,
nucléation, pressions osmotiques, abaissements cryoscopiques du point de congé-
lation et dessiccation de la pâte de ciment hydraté.
3.1.1. La gélivité de l’eau dans la pâte de ciment
C’est la phase liquide interstitielle contenue dans la porosité de la pâte de ciment
qui est principalement à l’origine des mécanismes d’attaque par les cycles de gel-
dégel. Par conséquent, la pâte de ciment sèche (ou faiblement saturée) n’est pra-
tiquement pas affectée par les cycles de gel-dégel [RAM 81].
3.1.1.1. Eau gelable
La progression du front de gel dans la pâte de ciment plus ou moins saturée engendre
la formation de glace dans le réseau poreux. La quantité et la localisation des sites de
nucléation est notamment fonction de l’état de l’eau dans la pâte de ciment hydraté.
L’eau libre contenue dans les pores capillaires (et sur les parois internes des bulles
d’air) est qualifiée de « gelable ». Cette eau se transforme en glace à une température
qui dépend, notamment, de la dimension du pore [KUB 32, DEF 66]. Plus le pore est
petit, plus la température de fusion de la glace est basse. Dans le cas de l’eau très
structurée contenue dans des pores de quelques nanomètres (pores des C-S-H), la
température de cristallisation sous forme de glace est de – 78 °C (figure 10.3). En pra-
tique, l’eau des pores de C-S-H est donc qualifiée de « non gelable ».
– 0,1
10– 7 10– 5 10– 3 1
Rayon (mm)
Température (°C)
–1
– 10
– 100
394
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
La proportion d’eau gelable (eau gelable/eau évaporable) dans la pâte de ciment est
fonction de son rapport E/C (figure 10.4). L’eau évaporable est l’eau contenue dans
les pores capillaires et les pores du gel de C-S-H. À une température de – 55 °C, la
proportion d’eau gelable passe d’environ 80 %, pour un rapport E/C de 0,60, à en-
viron 60 % pour un rapport E/C de 0,35 [BAG 80]. Les pâtes ayant un faible rapport
E/C contiennent une plus faible proportion d’eau gelable, d’une part, parce que le
volume total du réseau poreux est plus faible et d’autre part, parce que le réseau po-
reux est constitué de pores plus petits [FAG 93]. Des mesures calorimétriques sur
des pâtes de ciment soumises à un refroidissement lent indiquent que la formation
de la glace est un processus graduel qui s’amorce à une température d’environ – 5
°C (figure 10.5). Les courbes de la figure 10.5 démontrent que la quantité totale de
glace formée à – 50 °C diminue très significativement lorsque le rapport E/C passe
de 0,45 à 0,25 [MAR 99]. Ce phénomène est confirmé par le fait que les bétons à
hautes performances peuvent avoir une bien meilleure résistance à la fissuration in-
terne que celle des bétons ordinaires (§ 3.1.6.5)
Le béton sans air entraîné, comme de nombreux matériaux poreux, augmente de
volume en gelant. Avant de décrire ce phénomène plus en détails, il est bon de
rappeler les quelques faits suivants :
– en gelant, le volume massique de l’eau augmente de 9 %. Cet effet n’est cepen-
dant pas la cause principale des gonflements observés ;
– la thermodynamique montre que, sous l’effet d’un gel suffisamment lent pour
que l’on soit à chaque instant proche de l’équilibre, la glace se forme à l’exté-
rieur du corps poreux. La conséquence est alors une contraction de ce corps
poreux, liée au départ d’eau (figure 10.6) ;
– le gonflement du béton n’est pas lié directement à la baisse de température
sous zéro degré, mais à la vitesse à laquelle cette baisse se produit ;
– la dilatation volumique apparente liée au refroidissement est utilisée comme
critère servant à apprécier la résistance au gel des bétons dans certains essais de
durabilité aux cycles de gel-dégel.
395
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0,4
0,2
0,0
0,35 0,40 0,45 0,50 0,60
Rapport E/C
Figure 10.4 : eau totale et eau non gelable dans une pâte de ciment hydraté,
traitée à la vapeur, d’après [BAG 80].
Une partie de l’eau d’une pâte, qui varie avec le rapport E/C mais qui est toujours importante, ne gèle
pas lorsque la température est abaissée jusqu’à – 55 °C. Le rapport (eau gelable/eau totale) passe
de 80 % pour un rapport E/C de 0,60 à environ 60 % pour un rapport E/C de 0,35. L’eau totale cor-
respond à l’eau évaporable (pores capillaires + pores du gel de C-S-H).
Capacité calorifique apparente (J . °K– 1 . gssd– 1)
3,0
2,0
E/C = 0,45
1,5
E/C = 0,35
1,0
E/C = 0,25
0,5
0
– 60 – 50 – 40 – 30 – 20 – 10 0 10
Température (°C)
396
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
Dilatation relative
(.10– 4)
Pâte normale
10
2
– 30 – 20 – 10
0
Température (°C)
–2
Contraction thermique –4
(calculée)
–6
397
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
398
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
(.10– 4)
100 %
Dilatation
98 %
2
Déformation relative 93 %
–2
Contraction
90 %
–4
–1 88 %
Vitesse du gel : 2,8 °C.h
–6
+ 20 + 10 0 – 10 – 20
Température (°C)
Figure 10.7 : influence du degré de saturation d’un mortier (rapport E/C = 0,6)
sur son comportement dimensionnel au cours du gel, d’après [RAM 81].
Les mortiers ayant un degré de saturation inférieur ou égal à 90 % subissent une contraction régulière
pendant tout le refroidissement. Par contre, les mortiers saturés à plus de 90 % se dilatent dès que
l’eau gèle dans les capillaires. Ceci indique qu’un mortier ou un béton, lorsqu’il est abrité des venues
d’eau extérieures, est naturellement résistant à un régime de gels lents.
399
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Figure 10.8 : aspect visuel typique d’un réseau de bulles d’air entraîné dans un béton.
Cette photo a été obtenue à partir d’une plaque de béton polie observée à l’aide d’un microscope op-
tique sous un grossissement de 100 ×. Les bulles d’air de forme sphérique sont réparties dans le mor-
tier qui enrobe les grains de sable.
400
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
2 000
1 800
1 600
1 200
1 000
800
600
400
0
0 1 2 3 4 5 6
Teneur en air (%)
Figure 10.9 : influence du volume d’air entraîné sur la résistance du béton face aux
cycles de gel-dégel, d’après [KOS 04].
Ces résultats ont été obtenus avec des bétons fabriqués avec des ciments, des dosages en ciment
et des rapports E/C différents. La durabilité des bétons est exprimée par le nombre de cycles de gel-
dégel nécessaires pour produire une diminution de 50 % du module d’élasticité dynamique. Plus ce
nombre de cycles est élevé meilleure est la durabilité au gel du béton. Les résultats démontrent que
l’augmentation du volume d’air entraîné améliore la résistance au gel des bétons.
Les bulles d’air entraîné offrent des interfaces gazeuses (vases d’expansion) per-
mettant à la phase liquide en mouvement de s’y accumuler ou d’y geler sans
créer de dommage. Pour protéger la pâte, il faut que les bulles d’air soient suffi-
samment rapprochées pour faire en sorte que les contraintes internes générées
par le gel soient inférieures à la capacité ultime de la pâte. On peut moduler l’es-
pacement des bulles d’air en variant le volume d’air entraîné dans le béton.
3.1.3. Le modèle des pressions hydrauliques
Ce modèle a été proposé par Powers en 1949 [POW 49] alors que l’efficacité de
l’air entraîné comme moyen d’accroître la durabilité des bétons soumis à des cy-
cles répétés de gel-dégel était déjà reconnue.
Lorsque l’eau commence à geler dans un pore capillaire, son volume augmente de
9 %, de sorte que l’eau en excès est expulsée. Lors de l’abaissement de la tempé-
rature, la formation de la glace est graduelle à cause de la présence d’ions dissous
dans la solution interstitielle. La vitesse de refroidissement détermine la quantité
d’eau poussée à l’extérieur du pore sous l’effet de l’expansion de la glace. Il s’éta-
blit une pression hydraulique qui est fonction de la résistance à l’écoulement. Cette
401
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
rb Lmax 2L
a) Bulle de rayon rb recouverte d’une coquille b) Distance 2 L séparant deux bulles voisines.
de pâte d’épaisseur Lmax.
Figure 10.10 : modélisation simplifiée des bulles d’air dans la pâte de ciment.
Si la distance à parcourir par l’eau est supérieure à cette valeur Lmax, la pression
hydraulique surpasse la résistance à la traction de la pâte de ciment. La pâte se fis-
sure et on mesure alors une dilatation résiduelle. L’intensité de la dilatation rési-
duelle permet de déterminer le degré d’endommagement (figure 10.6).
Suite à ces travaux, la notion de facteur d’espacement des bulles d’air L a été
adoptée. Elle est définie par la norme nord-américaine ASTM C457 comme étant
402
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
la demi-distance moyenne qui sépare les parois de deux bulles d’air adjacentes ap-
partenant à un réseau supposé régulier (4.2).
L’intérêt majeur de cette théorie est d’avoir permis le calcul des dimensions à
donner à un réseau protecteur efficace d’air entraîné. Les valeurs calculées par
Powers sont tout à fait comparables à celles retenues par les normes les plus ré-
centes. L’inconvénient est que Powers accordait beaucoup d’importance à l’ex-
pulsion de l’eau hors des capillaires, alors que l’expérience a établi que la majorité
des transports d’eau se font des pores des C-S-H vers les pores capillaires, et que
le gel d’une pâte bien protégée s’accompagne d’un retrait (figure 10.6). Powers a
alors essayé de tenir compte de ces observations expérimentales et il a proposé,
en association avec Helmuth, le modèle des pressions osmotiques [POW 53].
3.1.4. Le modèle des pressions osmotiques
Comme on l’a vu précédemment, la solution interstitielle d’un pore gèle à des
températures d’autant plus basses que celui-ci est petit. Il en résulte que l’eau gèle
en premier dans les gros capillaires. La formation de glace dans un gros capillaire
engendre une augmentation de la concentration ionique de la solution non gelée
en équilibre avec le cristal de glace. La solution interstitielle des pores voisins,
lorsqu’ils sont plus petits (par exemple les pores des C-S-H), n’a pas encore gelé.
Par conséquent, la concentration ionique de la solution interstitielle des petits po-
res n’a pas augmenté et est alors largement inférieure à celle du gros pore. Ceci a
pour effet de créer un afflux d’eau des petits pores vers les plus gros suivant les
lois de l’osmose. Ces transferts, s’effectuant par des cheminements déjà saturés,
vont créer des pressions qualifiées d’osmotiques (figure. 10.11). De plus, à mesu-
re que l’eau arrive dans les gros pores, la concentration de la solution diminue, ce
qui entraîne la formation de glace supplémentaire.
Là aussi, lorsque ces pressions surpassent la résistance à la traction de la pâte elles
fissurent cette dernière. Le rôle des bulles, selon les auteurs, est d’entrer en compé-
tition avec les plus gros pores où la glace s’est formée. Les bulles d’air comportent
un peu de solution interstitielle adsorbée sur les parois internes. En raison de leur
grande taille, la glace s’y forme très tôt lorsque la température s’abaisse sous 0 °C.
La glace étant constituée d’eau pure, la solution non gelée sur la paroi des bulles
devient plus concentrée en ions et elle attire l’eau des pores plus petits. Si les bulles
sont suffisamment rapprochées, elles offrent une bonne protection contre le gel car
elles peuvent accueillir l’eau qui arrive sans créer de contraintes trop importantes.
Cette théorie est bien adaptée à la description des phénomènes de gel en milieu
enrichi en sels (cas de l’écaillage, sous l’action des sels fondants) et explique le
retrait observé lors du gel des pâtes bien protégées par des bulles d’air rappro-
chées.
403
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Cristal de glace
et solution saline
Cristal de glace
et solution saline
404
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
405
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Béton 10
gélif
Pas de
Protection protection
efficace
Béton
non gélif 0
200 400 600 800
Facteur d'espacement des bulles L (μm)
406
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
407
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1 000
600
400
200
0
2 4 6 8 10 12
Vitesse de refroidissement (°C / h)
408
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
Ce sont les parties d’ouvrages dont le béton a le plus fort degré de saturation qui
se dégradent le plus : elles correspondent soit à des parties qui, fonctionnelle-
ment, sont au contact de l’eau, soit à des parties qui, par leur géométrie, retien-
nent préférentiellement les eaux de précipitation (surfaces horizontales).
100
Bétons résistants
Résistance au gel (%)
80
60
40
Bétons attaqués
20
0
60 70 80 90 100
Degré de saturation (%)
409
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
E/C aussi élevé que 0,80. Pour parvenir à un niveau de durabilité acceptable, il
faut abaisser le rapport E/C à des valeurs plus faibles, voisines de 0,50.
100
60
20
0
0 10 20 30 40 50 60
Il faut noter que l’air entraîné n’est pas toujours justifié dans le cas des bétons en
ambiance hivernale non rigoureuse. Les caractéristiques d’un environnement de
gel non rigoureux (gel modéré) sont notamment définies dans le guide technique
Recommandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel [LCP 03].
Pour ce type d’exposition, l’air entraîné peut inutilement pénaliser la résistance à
la compression tout en contribuant à augmenter les coûts de production et de con-
trôle de la qualité du béton.
En ambiance hivernale rigoureuse, la durabilité au gel des bétons ayant un rap-
port E/C relativement élevé (0,7-0,8) est inacceptable, même lorsqu’ils contien-
nent un réseau de bulles d’air entraîné. Pour parvenir à un niveau de durabilité
acceptable des bétons à air entraîné, il faut abaisser le rapport E/C à des valeurs
plus faibles, au moins inférieures à 0,50.
Le volume d’air requis pour protéger un béton contre les cycles de gel-dégel en am-
biance hivernale rigoureuse est aussi fonction de la proportion volumique de pâte
dans le mélange. Puisque le rôle des bulles d’air est de protéger la pâte de ciment
410
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
durci contre les effets du gel, les bétons contenant un plus grand volume de pâte re-
quièrent donc un volume d’air entraîné plus important. D’un point de vue pratique,
la proportion volumique de pâte dans un béton est surtout fonction de la dimension
maximale du gros granulat. En général, lorsque la dimension maximale augmente,
la fraction volumique de pâte diminue, tout comme le volume d’air nécessaire pour
protéger le béton contre le gel. La figure 10.16 présente des relations entre l’expan-
sion d’un béton après 300 cycles de gel-dégel et la dimension maximale du gros
granulat [KLE 52]. Chacune des courbes permet d’identifier un volume d’air opti-
mal. Pour un volume d’air inférieur à la valeur optimale, l’expansion après 300 cy-
cles évolue très rapidement vers des valeurs inacceptables (> 0,02 %) alors qu’un
volume d’air supérieur à la valeur optimale ne produit pas d’amélioration significa-
tive de la tenue au gel. Plus la dimension maximale est grande, plus le volume d’air
requis est faible. Puisqu’en pratique, il est assez rare que l’on fabrique des bétons
dont la dimension maximale du granulat soit inférieure à 10 mm, on constate que
les volumes d’air optimaux sont généralement compris entre 4 % et 9 %. Le para-
graphe 5 présentera plus en détails certaines exigences normatives (européennes et
canadiennes) concernant le volume d’air entraîné nécessaire pour assurer la protec-
tion des bétons contre les effets des cycles de gel-dégel.
0,20
0,16
0,14
64 19 5
0,12
0,10
38 10
0,08
0,06
0,04
0,02
0
0 2 4 6 8 10 12 14 16
Teneur en air (%)
Figure 10.16 : relation entre l’expansion au gel, la teneur en air et la dimension maximale
du granulat, d’après [KLE 52].
Chacune des courbes permet d’identifier un volume d’air optimal. Pour un volume d’air inférieur à la
valeur optimale, l’expansion après 300 cycles évolue très rapidement vers des valeurs inacceptables
(> 0,02 %) alors qu’un volume d’air supérieur à la valeur optimale ne produit pas d’amélioration signi-
ficative de la tenue au gel. Plus la dimension maximale est grande, plus le volume d’air requis est faible.
411
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
412
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
100
k
Traproc
60
ite
an
40 Gr
cke
wa
au
20 Gr
mie
Dolo
h.m
0
20 40 60 80 90 95 98 99
Lorsqu’un granulat poreux et saturé gèle, il s’y développe des pressions hydrau-
liques internes qui peuvent le fissurer. Le gel des granulats dans un béton se ma-
nifeste avec plus d’intensité en surface : il se traduit par des éclatements locaux et
par la formation de petits cratères (popouts des Anglo-Saxons) (figure 10.18). La
présence de granulats gélifs peut aussi occasionner de la fissuration dans la masse
des bétons.
G G
1 2 3
413
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
particule. À l’inverse, une pâte de ciment plus perméable et à air entraîné a des
effets positifs sur la durabilité au gel du granulat. Ces deux exemples indiquent
que la plupart du temps, des interactions importantes entre les deux phases inter-
viennent dans le comportement global. On peut retenir trois cas de figure d’après
les granulats considérés.
Granulats à forte porosité et forte perméabilité (gros pores)
Ils peuvent inclure la famille des grès et des calcaires crayeux. Par eux-mêmes,
ils ne sont pas gélifs puisqu’ils expulsent rapidement l’eau absorbée. Par contre,
ils rendront le béton gélif, car la pâte sera envahie par un grand volume d’eau qui
ne pourra se déplacer que de quelques centaines de micromètres dans la pâte sans
créer de tensions néfastes.
Granulats à faible porosité et faible perméabilité (par exemple les granites)
Ils ne peuvent emmagasiner que de très faibles quantités d’eau. Ne se saturant pas,
ils ne rejetteront donc que très peu d’eau dans la pâte. Ils n’affectent généralement
pas la durabilité au gel des bétons. En général, les granulats possédant une poro-
sité totale inférieure à 0,015 cm3/g (absorption totale inférieure à 1,5 %) n’altèrent
pas la durabilité au gel des bétons [KAN 80].
Granulats à porosité et perméabilité intermédiaires
Ces roches ne sont généralement pas saturées si elles sont enrobées d’une pâte de
bonne qualité. Si elles sont saturées, les risques qu’elles feront courir à la pâte de
ciment dépendront de la granularité des granulats, les plus grossiers étant les plus
nocifs puisqu’ils amènent à l’interface pâte/granulat le plus grand volume d’eau
par unité de surface. De plus, si la pâte est de bonne qualité et très compacte, elle
ne pourra pas accueillir facilement l’eau provenant des granulats, même si elle
contient de l’air entraîné.
3.1.6.5. Influence du rapport E/C
Parmi tous les paramètres de formulation du béton, le rapport E/C est certaine-
ment un de ceux ayant la plus grande influence sur la résistance à la fissuration
interne du béton. L’influence du rapport E/C découle principalement de ses effets
sur la quantité d’eau gelable (§ 3.1.1.1) et sur la perméabilité de la pâte. La baisse
du rapport E/C engendre une diminution de la quantité d’eau gelable consécutive
à la diminution du volume poreux total et au raffinement de la taille des pores.
C’est cette plus faible quantité d’eau gelable qui tend à diminuer l’intensité des
pressions internes dans les bétons ayant un faible rapport E/C.
La baisse de la perméabilité consécutive à une diminution du rapport E/C s’oppo-
se, d’une part, aux transferts internes de l’eau dans le volume poreux et d’autre
part, à l’absorption d’eau externe lors des cycles de gel-dégel. Ces deux phéno-
mènes ont des effets opposés sur l’intensité des pressions internes engendrées par
414
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
les cycles de gel-dégel. Une pâte faiblement perméable peut contribuer à augmen-
ter l’intensité des pressions internes car les mouvements d’eau vers les bulles d’air
sont plus fortement empêchés. À l’inverse, cette même pâte faiblement perméable
peut contribuer à abaisser l’intensité des pressions internes en diminuant l’absorp-
tion d’eau externe et, par conséquent, le degré de saturation du réseau poreux.
Globalement, l’influence du rapport E/C sur la résistance à la fissuration interne
du béton est donc relativement complexe en raison des effets superposés de plu-
sieurs mécanismes physico-chimiques mis en jeux lors des cycles de gel-dégel.
L’analyse de l’influence du rapport E/C sur le facteur d’espacement critique per-
met de mieux comprendre son influence globale sur la résistance à la fissuration
des bétons. Le tableau 10.1 présente quelques valeurs du facteur d’espacement cri-
tique de différents bétons, avec et sans fumée de silice, soumis à des cycles accé-
lérés de gel-dégel dans l’eau [PIG 87]. Ces valeurs s’appliquent à des bétons
conservés 14 jours dans l’eau avant la première exposition aux cycles de gel-dégel.
Le rapport E/C est la caractéristique de composition ayant la plus grande in-
fluence sur la résistance à la fissuration interne du béton. D’une part, la baisse
du rapport E/C engendre une diminution de la quantité d’eau gelable consécu-
tive à la diminution du volume poreux total et au raffinement de la taille des po-
res. D’autre part, lorsque le rapport E/C diminue, les résistances mécaniques
augmentent, ce qui produit un béton plus résistant aux contraintes internes en-
gendrées lors du gel.
Les données du tableau 10.1 indiquent que le facteur d’espacement critique d’un
béton sans fumée de silice avec un rapport E/C de 0,5 est de 500 µm. Rappelons
que cette valeur indique que pour être durable, ce béton doit être protégé par un
réseau de bulles d’air dont le facteur d’espacement est au moins inférieur à
500 µm. Le facteur d’espacement critique du béton avec un rapport E/C de 0,30
est de 400 µm. Cette valeur plus faible montre que, dans ce cas, l’abaissement du
rapport E/C de 0,50 à 0,30 a provoqué une légère diminution de la durabilité au
gel. Selon Pigeon et al. [PIG 87] cette baisse de la résistance à la fissuration in-
terne est probablement due à la forte baisse de la perméabilité de la pâte. Dans ce
415
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
cas, les effets favorables de la baisse de la quantité d’eau gelable ont été proba-
blement partiellement ou complètement annulés par les effets défavorables de la
plus faible perméabilité de la pâte.
Considérons maintenant le cas du béton sans fumée de silice ayant un rapport E/C
de 0,25. Le facteur d’espacement critique de 750 µm indique que ce type de béton
possède une bien meilleure résistance à la fissuration interne que celle du béton de
rapport E/C de 0,50. La forte baisse du rapport E/C a probablement engendré une
très forte baisse de la quantité d’eau gelable. Dans ce cas, les mouvements d’eau
lors du gel sont très limités, si bien que les effets défavorables de la faible perméa-
bilité deviennent alors mineurs.
Les données du tableau 10.1 montrent que le facteur d’espacement critique des
bétons avec 8 % de fumée de silice est systématiquement inférieur à celui des bé-
tons sans fumée de silice. Par conséquent, l’utilisation de 8 % fumée de silice con-
tribue à diminuer la résistance à la fissuration interne du béton. Selon les auteurs,
cette plus faible durabilité est due au fait que la fumée de silice diminue relative-
ment peu le volume poreux total mais diminue fortement la perméabilité de la pâ-
te. Lors du gel, les mouvements d’eau vers les bulles d’air sont plus lents, ce qui
diminue la protection offerte par les bulles d’air et augmente l’intensité des pres-
sions internes.
Marchand et al. [MAR 96] ont réalisé une importante revue de la documentation
technique sur l’influence du rapport E/C sur la résistance à la fissuration interne
des bétons. Cette synthèse regroupe de nombreux résultats de durabilité obtenus
à partir de bétons avec ou sans fumée de silice fabriqués avec des rapports E/C
compris entre 0,25 et 0,55. La figure 10.19 présente l’ensemble des résultats qui
regroupent des bétons à air entraîné ayant des facteurs d’espacement inférieurs à
250 µm et des bétons sans air entraîné ayant des facteurs d’espacement supérieurs
à 500 µm. Globalement, les résultats peuvent être regroupés en deux grandes fa-
milles. Une première famille regroupe des bétons courants ayant un rapport E/C
supérieur à 0,40 (zone II). Les résultats démontrent que ce type de béton doit tou-
jours être protégé par un bon réseau de bulles d’air entraîné pour pouvoir déve-
lopper une bonne résistance à la fissuration interne.
La seconde famille regroupe les bétons ayant un rapport E/C de 0,40 ou moins
(zone I). Les résultats montrent que l’utilisation d’un rapport E/C faible (≤ 0,35)
tend à améliorer la résistance à la fissuration interne puisque certains bétons de
cette famille peuvent avoir une durabilité au gel acceptable malgré l’absence d’air
entraîné. Il faut cependant noter que la résistance à la fissuration interne des bé-
tons à faible rapport E/C sans air entraîné est très variable. Certains sont parfaite-
ment durables alors que d’autres ne le sont pas. Pour un même rapport E/C, la
durabilité au gel des bétons sans air entraîné peut varier fortement en fonction du
416
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
Zone I Zone II
120
100
Facteur de durabilité (%)
80 L < 250 μm
L > 500 μm
60
40
20
0
0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45 0,50 0,55
Rapport E/C
Figure 10.19 : influence du rapport E/C sur la résistance à la fissuration interne du béton,
d’après [MAR 96].
La durabilité au gel est exprimée à l’aide du facteur de durabilité calculé après 300 cycles accélérés
de gel-dégel selon la procédure ASTM C666 (gel et dégel dans l’eau). La durabilité est considérée
non satisfaisante lorsque le facteur de durabilité est inférieur à 60 %.
417
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
418
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
En général, les fumées de silice, les cendres volantes et les laitiers n’améliorent
pas significativement la résistance à la fissuration interne du béton. Dans le cas
des bétons de résistance normale, exposés aux cycles de gel-dégel sans sels fon-
dants, on peut généralement profiter des nombreux avantages offerts par les ad-
ditions minérales en imposant une limite sur le taux de remplacement du ciment,
en s’assurant d’un niveau de maturité suffisant avant la première exposition au
gel et en prévoyant toujours un réseau de bulles d’air entraîné de bonne qualité.
L’influence des laitiers sur la résistance à la fissuration interne a fait l’objet d’un
relativement petit nombre d’études. Quelques études ont démontré que des bétons
à air entraîné fabriqués avec des liants composés uniquement de laitiers activés
par des silicates de sodium peuvent développer une bonne résistance à la fissura-
tion interne [DOU 92, GIF 96]. Ces performances satisfaisantes suggèrent que le
laitier est en mesure de produire des bétons durables lorsque adéquatement proté-
gés par un bon réseau de bulles d’air. Quelques études en laboratoire tendent à
monter que le remplacement du ciment Portland par des laitiers a relativement peu
d’effet sur la résistance à la fissuration interne des bétons à air entraîné. Saric-Co-
ric et Aïtcin ont étudié la résistance à la fissuration interne de bétons à hautes per-
formances à air entraîné fabriqués avec un rapport E/L de 0,35 et des liants
ternaires contenant tous 5 % de fumée de silice mais des teneurs variables en lai-
tier (20 %, 30 %, 50 % et 80 %) [SAR 03]. Tous ces bétons ont pu développer une
excellente résistance à la fissuration après 300 cycles de gel-dégel en laboratoire.
Au Canada, des ciments ternaires contenant environ 25 % de laitier et 3 % de fu-
mée de silice sont commercialisés depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Les
performances en service de ce type de liant indiquent une excellente résistance à
la fissuration interne des bétons à air entraîné protégés par un bon réseau de bulles
d’air [BOU 05, HOO 00].
3.1.7. Résistance à la fissuration interne des bétons spéciaux
La résistance à la fissuration interne des bétons spéciaux (bétons autoplaçants et
bétons à hautes performances, etc.) est, tout comme celle des bétons courants,
gouvernée par les mêmes principaux paramètres de formulation soit : les caracté-
ristiques du réseau de bulles d’air, le rapport E/C et le type et le dosage des addi-
tions minérales. Les bétons spéciaux sont généralement fabriqués avec les mêmes
matériaux cimentaires que ceux qui peuvent être utilisés pour la fabrication des
bétons conventionnels : ciment Portland, cendres volantes, laitiers, fumées de si-
lice, etc. Cependant, leur formulation se distingue généralement de celle des bé-
tons conventionnels au niveau du dosage des matières cimentaires, du rapport Eau
/Liant (E/L) et des adjuvants. Les effets des matériaux cimentaires et du rapport
E/L sur la résistance à la fissuration interne des bétons spéciaux sont fondamen-
talement les mêmes que ceux qui ont déjà été présentés aux paragraphes 3.1.6.5
419
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
420
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
100
60
Valeur minimale acceptable
20
Facteur d’espacement
0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
Figure 10.20 : influence de deux types d’agents de viscosité sur le facteur d’espacement
critique de bétons autoplaçants, d’après [KHA 95].
Deux types de bétons autoplaçants ont été fabriqués avec des agents de viscosité à base de polysac-
charides (Welan gum) et à base de cellulose (HPMC). La durabilité est considérée non satisfaisante
lorsque le facteur de durabilité est inférieur à 60 %.
Plusieurs types de bétons autoplaçants à air entraîné fabriqués avec des liants ter-
naires contenant des fumées de silice (3 %) et des cendres volantes (20 %) ou des
fumées de silice (3 %) et des laitiers (40 %) ont fait l’objet d’une étude très dé-
taillée comportant notamment la mesure de leur résistance à la fissuration interne
[KHA 00]. Les dosages en matières cimentaires et les rapports E/L étaient respec-
tivement compris entre 340 et 535 kg/m3 et 0,41 et 0,50. Les résultats montrent que
des teneurs en air comprises entre 4,0 % à 8,0 % ont permis de produire des fac-
teurs d’espacement inférieurs à 220 µm. Tous ces bétons autoplaçants à air entraî-
né ont pu développer une excellente résistance à la fissuration interne. D’une
manière plus générale, ces résultats suggèrent que les bétons autoplaçants sont en
mesure de développer une résistance à la fissuration interne similaire à celle d’un
béton conventionnel ayant le même rapport E/L et les mêmes caractéristiques du
réseau de bulles d’air entraîné. Ils montrent également qu’il est possible de stabi-
liser le réseau de bulles d’air malgré la grande fluidité des bétons autoplaçants
(§ 4.5.2).
3.1.7.2. Bétons à hautes performances
La résistance à la fissuration interne des bétons à hautes performances a fait l’ob-
jet d’un très grand nombre d’études. Une synthèse détaillée de Pigeon et Pleau
421
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
422
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
qu’une procédure d’essai moins sévère est utilisée (gel dans l’air et dégel dans
l’eau selon la procédure P18-425), tous les BHP sans air entraîné sont alors en
mesure de résister à l’attaque de ce type de cycles de gel-dégel.
En pratique, avant d’autoriser la mise en place d’un béton sans air entraîné forte-
ment exposé aux cycles de gel-dégel, il convient de valider la durabilité au gel par
des essais de laboratoire. Dans le cas des bétons à hautes performances ayant un
très faible rapport E/L (0,25), il apparaît prudent de recommander un volume d’air
entraîné minimal (3 à 4 %) afin d’éviter d’obtenir un facteur d’espacement supé-
rieur à 600 ou 700 µm. Ce faible volume d’air entraîné aura peu d’effets défavo-
rable sur les propriétés mécaniques. Il procure cependant une garantie
supplémentaire contre l’attaque par les cycles de gel-dégel, tout en améliorant si-
gnificativement la maniabilité du béton frais.
100
80
60
L < 250 μm
40 L > 500 μm
20
0
20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120
423
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
424
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
ment associée à une attaque physique plutôt qu’à une attaque chimique [VER 57].
Cependant, certains sels fondants contenant des sulfates solubles peuvent chimi-
quement endommager les éléments en béton.
Les sels fondants (NaCl) sont hygroscopiques, car ils abaissent la pression de va-
peur saturante de la solution interstitielle. Par conséquent, en pénétrant dans la po-
rosité capillaire des bétons, ils contribuent à augmenter le degré de saturation du
réseau poreux, ce qui accroît l’intensité des mécanismes de destruction par
écaillage [PIG 95, MAC 79]. Les sels fondants en solution dans la solution inters-
titielle ont aussi pour effet de diminuer la température de formation de la glace
(figure 10.22). Les sels fondants peuvent donc produire des effets favorables et
défavorables en regard des principaux mécanismes de destruction par écaillage.
–5
Température (°C)
– 10
– 15
– 20
0 5 10 15 20 25
Concentration de la solution de NaCl (%)
425
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
5
Chlorure de sodium
4
Béton sans air entraîné après 25 cycles
Sévérité de l'écaillage
1
Béton avec air entraîné
après 50 cycles
0
0 4 8 12 16
Concentration de la solution saline (% massique)
Figure 10.23 : influence de la concentration en NaCl sur l’écaillage, d’après [VER 57].
La sévérité de l’écaillage est exprimée à l’aide d’une cote visuelle. Une cote de 0 indique qu’il n’y a
aucun écaillage. Une cote de 5 indique un écaillage très sévère.
426
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
Hydraulique + osmotique
Pression
Hydraulique
Osmotique
Rösli et Harnik ont émis l’hypothèse que l’écaillage pourrait être engendré par un
mécanisme de choc thermique [RÖS 80]. Lorsque le sel est appliqué sur une surface
déjà glacée, il provoque une fusion brutale de la glace. C’est une réaction endother-
427
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
mique (335 kJ/kg) qui va puiser sa chaleur dans le matériau au contact, c’est-à-dire
dans la peau du béton. Celle-ci se refroidit brutalement et il apparaît un important
gradient thermique. En laboratoire, on a enregistré des chutes de température de 3,5
à 7,5 °C dans la peau de dalles de béton recouvertes de 1 à 4 mm de glace, et ceci
dans les cinq minutes suivant l’application du fondant (NaCl) [BER 71]. Des me-
sures effectuées in situ ont établi que ces chutes de température existent bien dans
les ouvrages mais que leur amplitude est plus faible. Dans la région de Zurich, les
chutes de température s’échelonnent de 0 à 4,3 °C [RÖS 77].
L’existence de ce gradient de température entraîne, puisque les raccourcissements
différentiels sont quasiment empêchés, l’apparition de contraintes internes répar-
ties suivant le schéma de la figure 10.25 [RÖS 80]. Dans ces conditions, des con-
traintes de traction atteignant 1,1 à 1,4 MPa peuvent s’établir en surface, et sont
susceptibles de créer des microfissures.
y
– 'T
y
Tension
Gradient thermique
Contraintes
internes
b=
1
Compression
Tension
428
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
sont situées, d’une part, tout près de la surface et, d’autre part, plus en profondeur.
Par conséquent, il existe une couche intermédiaire qui, à cause de sa forte teneur
en ions, gèle après les deux autres. Ce phénomène peut provoquer des tensions in-
ternes en raison de la dilatation différente des couches gelées et non gelées. De
plus, lorsque le gel parvient à la couche intermédiaire, une certaine quantité d’eau
ne peut être expulsée en raison de la faible perméabilité des deux couches voisines
qui sont déjà gelées.
Ce modèle du gel couche par couche n’explique pas tous les mécanismes associés
à l’écaillage. Il propose cependant une explication plausible qui fait intervenir la
présence prépondérante des ions en solution. Cependant, comme le modèle du
choc thermique, il ne parvient pas à expliquer le rôle protecteur des bulles d’air
entraîné.
0 Concentration en Cl–
§FP M
Profondeur
429
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
sels fondants. De nombreuses études en laboratoire ont montré que les bétons nor-
maux doivent toujours être protégés par un bon réseau de bulles d’air entraîné
pour pouvoir développer une bonne résistance à l’écaillage.
Les courbes de la figure 10.27 présentent des relations typiques entre le volume
d’air entraîné et la résistance à l’écaillage de bétons fabriqués avec un rapport E/C
compris entre 0,43 et 0,47. Ces données démontrent que la résistance à l’écaillage
du béton augmente avec le volume d’air entraîné. Un volume d’air entraîné compris
entre 4 % et 6 % est nécessaire pour pouvoir développer une résistance à l’écaillage
acceptable.
10
A
B Type d’agent
C entraîneur d’air
8
D
Écaillage après 56 cycles (kg/m2)
0
2 3 4 5 6 7
Les courbes de la figure 10.27 indiquent que, pour un même volume d’air entraî-
né, la protection offerte par le réseau de bulles d’air peut varier en fonction du
type d’agent entraîneur d’air. Les agents entraîneur d’air les plus efficaces (types
A et B de la figure 10.27) produisent des bulles d’air plus petites. Le réseau de
430
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
bulles d’air offre alors une meilleure protection contre le gel, car les bulles d’air
sont plus nombreuses et plus rapprochées les unes des autres.
Le facteur d’espacement permet de prendre en compte la taille des bulles, car il ca-
ractérise la demi-distance moyenne séparant les bulles d’air. Comme dans le cas
de la fissuration interne, le facteur d’espacement est le meilleur indicateur du ni-
veau de protection du réseau de bulles d’air entraîné contre l’attaque par les sels
fondants. La figure 10.28 présente la résistance à l’écaillage des bétons de la figure
précédente en fonction du facteur d’espacement. On constate qu’il existe une rela-
tion beaucoup plus nette entre le facteur d’espacement des bulles d’air et la résis-
tance à l’écaillage : plus il est faible, meilleure est la résistance à l’écaillage.
Les données de la figure 10.28 montrent également que, dans le cas de l’écaillage,
il n’existe pas de facteur d’espacement critique en deçà duquel la destruction ne
se produit plus. On observe plutôt que l’efficacité de la protection augmente gra-
duellement à mesure que le facteur d’espacement diminue. Cependant, aussi fai-
ble soit-il (< 150 µm), l’écaillage n’est jamais nul.
7
6 1
Écaillage après 56 cycles (kg/m2)
2 Type d’agent
entraîneur d’air
5 3
0
0 50 100 150 200 250 300
Pour des valeurs usuelles du rapport E/C (0,40-0,50), on trouve qu’un facteur
d’espacement inférieur à environ 200 µm offre généralement un niveau de protec-
tion suffisant pour prévenir la destruction par écaillage. En pratique, la validité de
cette limite de 200 µm a déjà été confirmée par de nombreux relevés de terrains
(figure 10.29).
431
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Détruit
5
4
Échelle de dégradation
12 Béton sain
2 8
4
1
0 0
Intact 200 400 600 800 200 400 600
Facteur d'espacement des bulles (μm) Facteur d'espacement des bulles (μm)
Il faut noter que, dans le cas des bétons normaux (rapport E/C = 0,40-0,50), la pro-
tection contre l’écaillage requiert un facteur d’espacement inférieur à 200 µm
alors que la protection contre la fissuration interne requiert un facteur d’espace-
ment inférieur à 400 µm (tableau 10.1). Cette différence démontre, d’une part, la
plus grande sévérité des mécanismes d’attaque par écaillage et, d’autre part, que
la protection contre l’écaillage requiert généralement un réseau de bulles d’air de
meilleure qualité que celui requis pour la protection contre la fissuration interne.
Pour des valeurs usuelles du rapport E/C (0,40-0,50), un facteur d’espacement
inférieur à environ 200 µm offre généralement un niveau de protection suffisant
pour prévenir la destruction par écaillage. La plus grande sévérité des mécanis-
mes d’attaque par écaillage fait en sorte que la protection contre l’écaillage re-
quiert généralement un réseau de bulles d’air de meilleure qualité que celui
requis pour la protection contre la fissuration interne.
432
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
433
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
4 2
0 0
0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60
Rapport E/C
Figure 10.30 : influence du rapport E/C et de l’air entraîné sur la résistance à l’écaillage
du béton, d’après [GAG 93].
La résistance à l’écaillage des bétons sans additions minérales est exprimée par la masse des débris
après 50 cycles de gel-dégel en présence de sels fondants. La résistance à l’écaillage est considérée
acceptable lorsque la masse de débris est inférieure à 1 kg/m2. Les bétons à air entraîné sont regrou-
pés en deux familles définies selon la qualité du réseau de bulles d’air entraîné :
L < 250 µm : bon réseau de bulles d’air entraîné ;
L > 250 µm : moins bon réseau de bulles d’air entraîné.
434
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
0,25 et 0,30 peuvent développer une bonne résistance à l’écaillage sans la protec-
tion d’un réseau de bulles d’air entraîné (figure 10.31) alors que ce n’est pas le cas
des bétons similaires mais ne contenant pas de fumée de silice (figure 10.30).
> 10 kg/m2
Masse des débris (kg/m2)
0
0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45
Rapport E/L
Figure 10.31 : influence du rapport E/L et de l’air entraîné sur la résistance à l’écaillage
de bétons, avec fumée de silice [GAG 93].
La résistance à l’écaillage des bétons avec 8% de fumée de silice est exprimée par la masse des dé-
bris après 100 cycles de gel-dégel en présence de sels fondants. La résistance à l’écaillage est con-
sidérée acceptable lorsque la masse de débris est inférieure à 1 kg/m2. Ces résultats expérimentaux
indiquent que plusieurs bétons avec fumée de silice ayant un rapport E/L compris entre 0,25 et 0,30
peuvent développer une bonne résistance à l’écaillage sans la protection d’un réseau de bulles d’air
entraîné alors que ce n’est pas le cas des bétons similaires mais ne contenant pas de fumée de silice
(figure 10.30).
De nombreuses études en laboratoire indiquent que les bétons avec cendres vo-
lantes (ASTM C618 Type F – obtenues de la combustion de l’anthracite ou du
charbon bitumineux ou ASTM C618 Type C – produites à partir de lignite ou de
charbon sub-bitumineux) ont une moins bonne durabilité à l’écaillage que les bé-
tons de référence ne contenant pas de cendres volantes [WHI 87, BIL 91,
KLE 87]. Une étude exhaustive de Bouzoubaâ et al. a montré que les taux de rem-
placement de 25 % et 35 % produisent une durabilité à l’écaillage inacceptable
(débris > 2,5 kg/m2) lorsque les bétons sont soumis à l’essai d’écaillage en labo-
ratoire selon la norme ASTM C672 (figure 10.32) [BOU 03]. Leurs résultats mon-
trent aussi que la méthode d’essai en laboratoire a une grande influence sur la
résistance à l’écaillage des bétons avec cendres volantes. Par exemple, la méthode
d’essai accélérée de la norme québécoise B NQ 2621-900 (§ 5.3.1) produit une
durabilité à l’écaillage satisfaisante, même pour des teneurs en cendres volantes
de 25 % et de 35 % du liant [BOU 03]. L’étude de Bouzoubaâ et al. a clairement
435
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Produit de cure
Écaillage après 50 cycles (kg/m2)
3
2
Limite de 0,8 kg/m2
(Ontario, Canada)
0
Béton 25 % 35 % 25 % 35 %
de cendres cendres laitier laitier
référence volantes volantes
Les causes de la moins bonne résistance à l’écaillage des bétons avec cendres vo-
lantes ne sont pas encore parfaitement comprises. Deux principales hypothèses
ont été proposées pour tenter d’expliquer cette moins bonne durabilité. Les essais
accélérés normalisés en laboratoire (ASTM C672) recommandent une durée de
mûrissement humide relativement courte (14 jours) ne permettant pas aux cendres
de participer à la densification de la pâte avant la première exposition au gel et
aux sels fondants. Par conséquent, au cœur du béton et particulièrement près de
la surface, seul le ciment Portland participe à l’hydratation durant les premiers
jours ou les premières semaines. Lorsque le taux de remplacement dépasse envi-
ron 25 %, il semble que l’hydratation du ciment Portland, à lui seul, ne permette
pas de produire une pâte de ciment en mesure de développer une bonne résistance
à l’écaillage, même en présence d’un bon réseau de bulles d’air. L’allongement
de la période de mûrissement (28 jours) avant la première exposition aux sels fon-
dants ne produit pas nécessairement une amélioration significative de la résistan-
ce à l’écaillage [BOU 03]. Cependant, un mûrissement humide de 180 jours
436
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
437
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
438
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
L’influence des produits de cure sur la résistance à l’écaillage peut être très varia-
ble en fonction du type de produit et du type de bétons sur lequel ils sont appli-
qués. Les travaux de Bouzoubaâ et al. ont montré que dans le cas d’un béton
normal, l’utilisation d’un produit de cure engendre une masse des débris environ
deux fois plus importante que celle obtenue avec un mûrissement humide de
14 jours (figure 10.32). Comparativement au mûrissement humide, il diminue
également la durabilité à l’écaillage des bétons avec laitiers. À l’inverse, le pro-
duit de cure peut avoir des effets très favorables sur la résistance à l’écaillage des
bétons avec cendres volantes [BIL 98, KLE 87].
3.2.3. Résistance à l’écaillage des bétons spéciaux
La formulation des bétons spéciaux se distingue généralement de celle des bétons
conventionnels au niveau du dosage des matières cimentaires, du rapport E/L et
des adjuvants. Les effets des matériaux cimentaires et du rapport E/L sur la résis-
tance à l’écaillage des bétons spéciaux sont fondamentalement les mêmes que
ceux déjà été présentés aux paragraphes 3.2.2.1 à 3.2.2.3. Quelques résultats spé-
cifiques permettant de mieux comprendre la résistance à l’écaillage des bétons
autoplaçants et des bétons à hautes performances sont présentés ci-après.
3.2.3.1. Bétons autoplaçants
Comme nous l’avons déjà écrit au paragraphe 3.1.7.1, la formulation des bétons
autoplaçants a comme principale particularité de comporter une plus grande pro-
portion volumique de pâte. Cette caractéristique de formulation n’est pas un pa-
ramètre majeur des mécanismes fondamentaux de destruction par écaillage. Par
conséquent, la durabilité à l’écaillage des bétons autoplaçants n’est pas fonda-
mentalement différente de celle des bétons d’usage courant [PER 03, KHA 00].
Il faut cependant noter que certains agents de viscosité peuvent diminuer légère-
ment la résistance à l’écaillage de bétons autoplaçants fabriqués avec un ciment
Portland normal [KHA 95].
Des études en laboratoire ont confirmé que des bétons autoplaçants à air entraîné
fabriqués avec différent types de liants (ciment Portland normal, liant avec 3 %
de fumée de silice, liant avec 3 % de fumée de silice et 20 % de cendres volantes)
possèdent une excellente résistance à l’écaillage lorsque le rapport E/L est infé-
rieur à 0,41 [KHA 00, BEA 99]. Depuis 1997, le ministère des Transports du Qué-
bec a utilisé de nombreuses formulations de bétons autoplaçants pour la
construction d’ouvrages routiers en béton armé exposés aux cycles de gel-dégel
en présence de sels fondants [HOV 00]. Tous les bétons autoplaçants avaient une
résistance à la compression à 28 jours d’au moins 35 MPa et un volume d’air en-
traîné compris entre 5 % et 8 %. Le facteur d’espacement des bulles d’air était in-
férieur à 250 µm. Les rapports E/L étaient compris entre 0,35 et 0,40. Plusieurs
439
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
types de liants ont été utilisés dont notamment un ciment Portland normal, un liant
avec 8% de fumée de silice, un liant avec 5 % de fumée de silice et 30 % de laitier
et un liant avec 5 % de fumée de silice 20 % de cendres volantes. Tous les bétons
autoplaçants contenant de la fumée de silice ont développé une excellente résis-
tance à l’écaillage selon la procédure ASTM C672. Seul le béton autoplaçant fa-
briqué avec le ciment Portland normal s’est fortement écaillé en laboratoire
(débris = 1,8 kg/m2). En service, tous ces bétons ont développé une excellente du-
rabilité à l’écaillage [HOV 00].
3.2.3.2. Bétons à hautes performances
Les bétons à hautes performances ont un rapport E/L plus faible qui contribue à
produire une pâte de ciment peu poreuse et imperméable généralement en mesure
de développer une très bonne résistance à l’écaillage. La résistance à l’écaillage
des bétons à hautes performances à air entraîné (rapport E/L ≤ 0,35) est habituel-
lement excellente [GAG 93, GAG 91, BAR 05].
L’effet bénéfique de la baisse du rapport E/L sur la résistance à l’écaillage a déjà
été présenté au paragraphe 3.2.2.2. On a notamment montré qu’un facteur d’espa-
cement inférieur à 200 µm est généralement nécessaire pour protéger un béton
d’usage courant (rapport E/C = 0,45) contre l’écaillage. Pour un rapport E/L de
0,30, un facteur d’espacement de 500 µm peut être suffisant pour obtenir une du-
rabilité à l’écaillage acceptable (figure 10.33). Certains bétons à hautes perfor-
mances, notamment ceux contenant de la fumée de silice, sont même en mesure
de résister à l’écaillage malgré un facteur d’espacement supérieur à 750 µm
[GAG 96, GAG 90].
La durabilité à l’écaillage de plusieurs types de BHP utilisés pour la construction
d’ouvrages d’art en France a fait l’objet d’une étude approfondie par le groupe
« Durabilité BHP 2000 » [BAR 02, BAR 99]. Les résultats indiquent que, dans la
plupart des cas, les BHP ne nécessitent pas l’utilisation d’un entraîneur d’air pour
présenter un bon comportement vis-à-vis des cycles accélérés de gel en présence
de sels de déglaçage (procédure XP P18-420). Cependant, certaines formulations
de BHP sans air entraîné se sont avérées non durables. Ces résultats tendent à con-
firmer le caractère non systématique de la durabilité à l’écaillage des BHP sans air
entraîné [BAR 05]. La comparaison de la durabilité à l’écaillage de BHP sans air
entraîné en condition in situ avec celle obtenue par des essais normalisés en labo-
ratoire (XP P18-420) a montré que le comportement (classement) en laboratoire
correspond plutôt bien à celui observé après cinq ans en condition in situ
[BAR 00].
440
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
8
E/L = 0,30
7 E/C = 0,43-0,47 [Petersson, 1993]
Masse des débris (kg/m2)
6
0
0 250 500 750 1 000 1 250 1 500
Facteur d’espacement (μm)
En pratique, avant d’autoriser la mise en place d’un béton sans air entraîné forte-
ment exposé à des cycles de gel-dégel en présence de sels fondants, il convient de
toujours de valider la durabilité à l’écaillage par des essais de laboratoire.
Figure 10.33 : influence du rapport E/L et du facteur d’espacement sur la résistance
à l’écaillage de bétons avec sans fumée de silice [GAG 96].
Les bétons à hautes performances ont été fabriqués avec un rapport E/L de 0,30. Certains bétons à
hautes performances ont été fabriqués avec un ciment contenant 8% de fumée de silice. La résistance
à l’écaillage, mesurée selon la procédure ASTM C672, est considérée comme acceptable lorsque la
masse des débris après 50 cycles est inférieure à 1 kg/m2. Pour un rapport E/L de 0,30, un facteur
d’espacement de 500 µm est tout à fait suffisant pour obtenir une durabilité à l’écaillage acceptable.
441
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
E/C = 0,70
Volume d'air en % du volume total
40
30
E/C = 0,50
20
10 E/C = 0,40
0
0,2 0,4 0,6 0,8 1,0
442
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
– – – –
– – + – –
+ +
–+ C –
+ Air
Air + + –
– – – –
– –
– – – – –
– ++ + + –
+ + – Air
– –+ C + –
C
– + +– – ++–
+ –
– –
Figure 10.35 : bulles d’air ancrées aux grains de ciment sous l’action des molécules
d’un adjuvant entraîneur d’air anionique, d’après [KRE 67].
443
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
L’autre mécanisme de stabilisation des bulles d’air se fonde sur le principe que
certains types d’adjuvants entraîneurs d’air produisent, au contact de la solution
interstitielle de la pâte de ciment, un précipité insoluble et hydrophobe, qui forme
une membrane à l’interface eau/air [MIE 58]. Les bulles d’air sont alors recouver-
tes d’un film suffisamment épais et solide pour engendrer un effet stérique qui fa-
vorise la dispersion et qui s’oppose à la coalescence des bulles.
La formation d’un film continu et plus ou moins imperméable à la surface des bul-
les pourrait également favoriser la formation des plus petites bulles d’air (5 à
10 µm de diamètre). Ces très petites bulles d’air sont thermodynamiquement plus
instables car leur petit diamètre engendre une forte pression capillaire qui favorise
la dissolution du gaz dans la solution interstitielle. Ramachandran a calculé que
les bulles d’air ayant un diamètre de moins de 4 µm ne peuvent exister car elles
sont complètement dissoutes dans la solution [RAM 95]. La formation d’un film
à la surface des bulles diminue la perméabilité et ralentit la diffusion du gaz au
travers de la paroi de la bulle. Les très petites bulles d’air sont alors thermodyna-
miquement plus stables. L’analyse microscopique du béton durci tend à confirmer
que les plus petites bulles d’air ont un diamètre de l’ordre de 5 µm.
4.2. Caractéristiques du réseau de bulles d’air
4.2.1. Principales caractéristiques du réseau de bulles d’air
Nous avons déjà vu que la qualité d’un réseau de bulles d’air entraîné peut être
évaluée à partir de trois paramètres principaux : le volume total, la surface volu-
mique moyenne et l’espacement des bulles d’air dans le réseau. La mesure du vo-
lume total des bulles (V), exprimé en pourcentage du volume total du béton,
permet d’apprécier la qualité générale du réseau de bulles d’air entraîné. Des mé-
thodes d’essais normalisées peuvent être utilisées pour déterminer le volume d’air
total à partir d’échantillons de béton frais ou durci (§ 4.2.2). Par exemple, avant
la mise en place du béton au chantier, l’utilisation d’un aéromètre permet de vé-
rifier rapidement si le volume d’air contenu dans le béton frais est conforme aux
exigences du devis. Le volume d’air contenu dans un béton sans air entraîné est
généralement inférieur 3 % du volume total. Celui des bétons à air entraîné est va-
riable en fonction des exigences spécifiques de durabilité. Il est généralement
compris entre 4 % et 10 %.
Le volume total d’air ne donne aucune mesure directe de la dimension et de l’es-
pacement des bulles d’air. Par exemple, un vide de 50 litres rempli d’air situé au
centre d’un cube de 1m de côté ne protège évidemment pas ce m3 de béton contre
les effets des cycles de gel et dégel. L’espacement des bulles d’air est un paramè-
tre très important gouvernant l’intensité des pressions internes engendrées par le
gel de la pâte de ciment (§ 3.1.5). La mesure du facteur d’espacement des bulles
444
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
Bulle d'air
–
L
– –
L L –
L
Pâte de ciment
445
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
50
40
Surface volumique D (mm–1)
30
–
DPP–1 L 200 μm
20
10
0
0 200 400 600 800
–
Facteur d’espacement des bulles d’air L (μm)
Le facteur d’espacement d’un béton sans air entraîné est généralement supé-
rieur à 700 µm. Celui d’un béton bien protégé par un bon réseau de bulles d’air
entraîné est généralement compris entre 100 et 200 µm.
446
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
sure du volume d’air total qui exclut l’air pouvant être contenu dans la porosité
connectée des granulats. Elle est fréquemment utilisée pour mesurer le volume
d’air dans les mortiers.
Certaines caractéristiques du réseau de bulles d’air (surface volumique, facteur
d’espacement) ne peuvent être obtenues directement à partir d’un échantillon de
béton frais. On peut cependant les déterminer à partir d’observations au micros-
cope de sections polies taillées dans le béton durci (environ 100 × 100 × 20 mm).
En général, un béton âgé d’au moins trois jours permet de produire des surfaces
polies adéquates pour l’observation microscopique. La procédure normalisée
ASTM C457 décrit le mode opératoire et les méthodes de calcul du volume d’air
total (V), de la surface spécifique moyenne des bulles d’air et du facteur d’espa-
cement des bulles d’air ( L ). L’observation microscopique des sections polies doit
être effectuée par un opérateur confirmé. Celui-ci doit pouvoir identifier rapide-
ment, de manière objective et répétitive, les différentes phases du béton (pâte de
ciment, granulats et bulles d’air) apparaissant derrière un repère gravé dans un des
oculaires du microscope. La qualité du polissage a une importance majeure sur la
fiabilité des résultats. L’ouvrage de Pigeon et Pleau [PIG 95] présente en détail le
principe de la mesure, le mode opératoire, les procédures de calcul ainsi qu’une
discussion sur la variabilité et la reproductibilité des résultats.
Cette brève revue des méthodes d’essais montre que deux types d’approches peu-
vent être utilisés pour déterminer le volume d’air entraîné : les méthodes pressio-
métriques, à partir du béton frais, et la méthode microscopique à partir du béton
durci. Les travaux de Saucier et al. ont permis de comparer les volumes d’air me-
surés dans le béton frais et dans le béton durci [SAU 91]. Les données de leur étu-
de proviennent de plus de 80 formulations de bétons fabriqués en laboratoire et
en chantier (rapport E/C = 0,45). Les données de la figure 10.38 montrent qu’il
peut exister fréquemment des écarts de 2 % entre les valeurs mesurées dans le bé-
ton frais et dans le béton durci. L’écart tend à s’accroître lorsque le volume d’air
devient supérieur à environ 8 %.
447
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
16
lité
'éga
Volume d'air du béton frais (%)
ned
12 Lig
0 4 8 12 16
Figure 10.38 : comparaison des volumes d’air entraîné mesurés sur le béton frais,
puis sur le béton durci, d’après [SAU 91].
La courbe moyenne (M), obtenue par la méthode des moindres carrés, coïncide assez bien avec la
ligne d’égalité dans le domaine le plus courant (5-7 %), mais peut s’en écarter notablement aux va-
leurs extrêmes.
448
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
449
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
800
600
I II III
400
200
0
0 3 4,5 6 8,5 9 12
Le type et le dosage de l’adjuvant entraîneur d’air ne sont pas les seuls paramè-
tres contrôlant la production du réseau de bulles d’air. Deux groupes de facteurs
ont une influence décisive : les paramètres de composition du béton et les condi-
tions de fabrication.
450
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
10
222 kg/m3
6
306 kg/m3
4
388 kg/m3
2
0
10 14 20 28 40 56
Diamètre maximal du gros granulat (mm)
451
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Pour certains auteurs, ce n’est pas le dosage en ciment qui importe, mais le rapport
E/C (figure 10.34). L’influence du rapport E/C est notamment reliée à la consis-
tance du béton. La baisse du rapport E/C provoque une augmentation du seuil de
cisaillement et de la viscosité de la pâte. Selon Du et Folliard, l’augmentation du
seuil de cisaillement et de la viscosité de la pâte engendre une « barrière énergique
» qui s’oppose à la formation des bulles d’air [DU 05].
4.3.1.3. Consistance et superplastifiant
Dans le cas des bétons sans superplastifiant, les variations de consistance sont es-
sentiellement dues aux modifications du rapport E/C. À quantité constante d’ad-
juvant entraîneur d’air, le volume d’air entraîné augmente lorsque l’affaissement
passe de 75 mm à 150 mm. Au-delà de 150 mm, il peut diminuer en raison de
l’instabilité croissante des grosses bulles d’air qui remontent vers la surface
[DOD 90].
Les superplastifiants peuvent augmenter ou diminuer le volume d’air entraîné en
fonction de la nature chimique de l’adjuvant et de l’affaissement du béton. Les su-
perplastifiants à base de naphtalène tendent à augmenter le volume d’air alors que
ceux à base de mélamine peuvent diminuer ou n’avoir pas d’effet sur le volume
d’air entraîné [KOS 04]. Des essais de chantier ont montré que certains superplas-
tifiants à base de polycarboxylates possèdent une fonction secondaire d’entraîne-
ment d’air. Ils peuvent augmenter très fortement le volume d’air entraîné
(> 10 %), notamment lors de l’agitation durant le transport [GAG 04].
Les superplastifiants tendent généralement à augmenter la dimension moyenne
des bulles d’air entraîné [PIG 89, PLA 89]. Par conséquent, pour un volume d’air
donné, l’ajout de superplastifiant tend à augmenter le facteur d’espacement du ré-
seau de bulles d’air. Pour certaines combinaisons ciment/adjuvant entraîneur
d’air, le facteur d’espacement peut passer de moins de 200 µm, avant l’ajout de
superplastifiant à près de 400 µm, après l’ajout de superplastifiant [PLA 89]. Cela
confirme bien que des études préalables en laboratoire ou des essais sur le site de
production en usine sont indispensables.
4.3.1.4. Addition minérales
L’influence des additions minérales sur la production du réseau de bulles d’air en-
traîné varie considérablement en fonction de la dimension des particules, de leur
réactivité, de leur composition chimique et de leur taux d’addition dans le béton.
La fumée de silice, lorsque utilisée à des dosages de 5 % et 10 % de la masse du
liant, a relativement peu d’effet sur la production du réseau de bulles d’air entraî-
né [PIG 89]. La fumée de silice peut provoquer une légèrement augmentation de
la surface volumique (bulles plus petites) et une légère augmentation du volume
452
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
453
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
du gros granulat engendre une diminution du volume d’air entraîné (figure 10.40).
Pour un dosage constant en ciment et en adjuvant entraîneur d’air, le volume d’air
entraîné augmente avec l’accroissement de la proportion de granulats fins dans le
béton. Les particules ayant un diamètre compris entre 160 µm et 630 µm ont un
effet favorable sur l’entraînement d’air. L’augmentation de la proportion de parti-
cules de moins de 160 µm diminue significativement le volume d’air entraîné
[DU 05]. Les granulats fins contaminés par des huiles ou des matières organiques
peuvent engendrer d’importantes variations du volume d’air entraîné (§ 4.3.1.6).
4.3.1.6. Eau de gâchage et contaminants
L’eau potable, utilisée comme eau de gâchage, n’a pas d’effet significatif sur l’en-
traînement d’air car elle contient relativement peu d’impuretés. En revanche, les
eaux de gâchage contenant certaines impuretés organiques ou inorganiques peu-
vent avoir des effets favorables ou défavorables sur l’entraînement d’air. Par
exemple, les eaux contenant des algues favorisent l’entraînement et la stabilisa-
tion des bulles d’air alors que les fortes teneurs en ions Ca2+ et Mg2+ que l’on re-
trouve dans les eaux de lavage des camions malaxeur et dans les eaux très dures
nuisent à l’entraînement d’air [DU 05].
Les réseaux de bulles d’air partiellement ou entièrement produits par des conta-
minants (dans l’eau de gâchage ou dans les granulats) offrent généralement une
mauvaise protection contre les cycles de gel-dégel. Malgré un volume d’air par-
fois acceptable (> 5 %), ces réseaux de bulles d’air sont constitués de grosses bul-
les d’air instables et dont le facteur d’espacement peut être très supérieur à la
valeur de 200 µm généralement recommandée pour la protection contre les effets
des cycles de gel-dégel. Dans un tel cas, il faut commencer par désentraîner ces
grosses bulles pour ensuite entraîner de petites bulles.
4.3.1.7. Autres adjuvants
Les adjuvants entraîneur d’air peuvent entrer en interaction physico-chimique
avec d’autres adjuvants du béton (réducteur d’eau, superplastifiant, retardateur et
accélérateur de prise). Les interactions sont souvent associées à l’apport d’élec-
trolytes inorganiques ou de molécules organiques polaires contenus dans les ad-
juvants pouvant être utilisés simultanément avec l’entraîneur d’air [DU 05]. Les
travaux de Pigeon et al. [PIG 89], Plante et al. [PLA 89] et Saucier et al. [SAU 91]
ont démontré que des incompatibilités chimiques peuvent diminuer très significa-
tivement l’efficacité de l’adjuvant entraîneur d’air, tant du point de vue de la pro-
duction que de la stabilité du réseau de bulles d’air. La grande complexité et la
diversité des structures moléculaires des adjuvants ne permettent pas de formuler
des recommandations spécifiques permettant d’éviter les combinaisons incompa-
tibles. Néanmoins, les fiches techniques des adjuvants peuvent indiquer des in-
454
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
455
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
4.3.2.2. Température
L’augmentation de la température du béton engendre une diminution du volume
d’air entraîné. Pour pouvoir maintenir le volume d’air constant, il faut augmenter
le dosage de l’adjuvant entraîneur d’air. Le facteur d’espacement tend alors à di-
minuer. Par contre, si le dosage de l’adjuvant est diminué pour tenir compte d’une
diminution de température du béton, le facteur d’espacement risque d’augmenter.
Des mécanismes physico-chimiques relativement complexes ont été proposés
pour tenter d’expliquer la perte d’efficacité des adjuvants entraîneur d’air consé-
cutive à une augmentation de la température [DU 05]. Ce phénomène, encore mal
compris, fait l’objet d’explications parfois discordantes.
4.4. Stabilité du réseau de bulles d’air entraîné
La stabilité est une caractéristique importante du réseau de bulles d’air initiale-
ment entraîné lors du malaxage. L’agitation durant le transport du béton frais, les
ajouts d’eau et d’adjuvants sur chantier, le pompage et la vibration peuvent pro-
voquer l’échappement des bulles vers la surface et le fusionnement des petites
bulles pour en former de plus grosses. La perte d’air et la formation de grosses
bulles diminuent la protection offerte par le réseau de bulles d’air en augmentant
le facteur d’espacement des bulles. En pratique, pour pouvoir assurer une protec-
tion au gel adéquate du béton en place, il est important que les caractéristiques du
réseau de bulles d’air (volume total, surface volumique et facteur d’espacement)
soit stables, de la fin du malaxage jusqu’à la prise du béton.
4.4.1. Influence du transport du béton frais
L’agitation et les chocs imposés lors du transport du béton frais peuvent engen-
drer des variations du volume et du facteur d’espacement du réseau de bulles d’air
entraîné. Les agents entraîneur d’air commerciaux sont conçus pour pouvoir pro-
duire et stabiliser le réseau de bulles d’air durant les opérations normales de trans-
port et de mise en place du béton. Saucier et al. ont mesuré l’évolution des
caractéristiques du réseau de bulles d’air de bétons à air entraîné entre la fin du
malaxage à la centrale de béton prêt à l’emploi et la mise en place sur le chantier
[SAU 90]. Les caractéristiques du réseau de bulles d’air ont été mesurées dans le
béton durci après 15, 25, 70 et 90 minutes suivant le premier contact eau/ciment.
Les bétons ont été produits dans un malaxeur stationnaire ou dans des camions
malaxeurs. Deux types d’adjuvants entraîneur d’air, deux types de superplasti-
fiants et trois ciments ont été étudiés. Leurs résultats montrent qu’en l’absence de
superplastifiant, les deux types d’adjuvants entraîneur d’air ont produit des ré-
seaux de bulles d’air stables durant le transport (malaxage à vitesse lente) et la
mise en place. L’ajout de superplastifiant à l’usine peut parfois déstabiliser le ré-
456
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
7 400 Superplastifiant A
Facteur d'espacement (μm)
Superplastifiant B
Volume d'air (%)
6 Sans superplastifiant
Superplastifiant A
5 300
Superplastifiant B
4
Sans superplastifiant
3 200
0 15 30 45 60 75 90 0 15 30 45 60 75 90
Temps d’échantillonage (min) Temps d’échantillonage (min)
457
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
le béton frais et durci indiquent que les méthodes de mise en place ont relativement
peu d’effet sur le volume d’air. Les variations du volume d’air sont exprimées par
rapport au volume d’air mesuré dans le béton prélevé à la chute du camion malaxeur.
Le pompage à l’aide d’une configuration permettant la chute libre du béton dans la
dernière section verticale engendre une perte d’air comprise entre 0,5 % et 2 % (va-
leur absolue). L’utilisation d’un conduit souple, formant une demi-boucle à l’extré-
mité de la partie verticale du conduit de la pompe, permet de diminuer la perte d’air.
L’utilisation d’une benne engendre une perte d’air comprise entre 0,5 % et 1 %. La
perte d’air associée à l’utilisation d’un convoyeur est comprise entre 1 % à 1,5 %.
L’arasement de la surface à l’aide d’une règle vibrante ajoute une perte d’air d’en-
viron 0,5 %. Malgré ces pertes, dans tous les cas, le réseau de bulles d’air dans les
dalles de béton possédait un facteur d’espacement inférieur à 200 µm.
Lessard et al. ont montré qu’une configuration de pompage utilisant des tubes repo-
sant sur un sol horizontal n’affecte pas significativement le volume d’air et le facteur
d’espacement [LES 96]. L’utilisation de tronçons verticaux, permettant une chute li-
bre du béton dans le tube, engendre des pertes d’air relativement faibles (1 %) mais le
facteur d’espacement peut fortement augmenter en passant de 180 µm à plus de
300 µm. L’utilisation d’un étranglement à l’extrémité du dernier tronçon vertical em-
pêche la chute libre du béton dans le tube. Cette approche permet de diminuer consi-
dérablement l’accroissement du facteur d’espacement lors des opérations de
pompage. L’augmentation du facteur d’espacement mesuré avec les configurations
comportant des tronçons verticaux résulte principalement de la coalescence des bulles
et des forces d’impact générées lors de la décompression et de la chute libre du béton
dans la section verticale du tube de pompage. De plus, les fortes pressions de pompage
favorisent la dissolution des plus petites bulles d’air dans la solution interstitielle
[PLE 95].
Les bulles d’air entraîné d’un réseau stable sont en équilibre dans le béton frais.
Le pompage et les méthodes de mise en place peuvent créer des pressions, des
vibrations et des déformations qui modifient l’état d’équilibre des bulles d’air.
Des bulles peuvent alors fusionner ou s’échapper vers la surface, ce qui diminue
la protection offerte par le réseau de bulles d’air en contribuant à augmenter son
facteur d’espacement.
Le volume d’air entraîné diminue avec la durée de vibration interne
(figure 10.42). La perte d’air est plus importante dans les bétons ayant un plus
grand affaissement et un plus grand volume d’air initial. Une vibration bien utili-
sée engendre généralement une perte d’air relativement faible. Dans ce cas, l’air
perdu résulte de l’échappement de grosses bulles habituellement indésirables du
point de vue de la résistance mécanique et de la durabilité au gel-dégel. La perte
458
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
des grosses bulles a relativement peu d’effet sur le facteur d’espacement des bul-
les d’air.
9
7
Volume d'air entraîné (%) Affaissement 140 mm
6
5
95 mm
4
3
45 mm
2
1
0 10 20 30 40 50
Durée de la vibration (s)
Figure 10.42 : relation entre l’affaissement, la durée de vibration et la teneur en air
du béton, d’après [KOS 04].
Les bétons à air entraîné ont été consolidés à l’aide d’un vibrateur de 25 mm de diamètre. Ils ont tous
été fabriqués avec le même dosage d’adjuvant entraîneur d’air. Plus la durée de vibration est longue,
plus la perte d’air est importante. La perte d’air s’accroît avec l’affaissement.
459
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
sont nécessaires pour déterminer les dosages et vérifier la compatibilité des adju-
vants (entraîneur d’air, superplastifiant, retardateur de prise). Les dosages d’adju-
vants entraîneur d’air peuvent être de 2 à 3 fois plus élevés que ceux qui sont
normalement recommandés dans les bétons de résistance courante. L’agent entraî-
neur d’air doit être introduit en même temps que le sable et l’eau, au tout début de
la séquence de malaxage. L’ouvrage de Aïtcin contient de nombreuses recomman-
dations sur la production des bétons à hautes performances à air entraîné [AÏT 01].
Aïtcin et Lessard ont suivi la production de deux bétons à hautes performances à
air entraîné utilisés pour construire deux ponts au Québec [AÏT 94]. Les bétons
ont été dosés en usine puis malaxés dans des camions à toupie. Dans les deux cas,
la résistance caractéristique spécifiée était de 60 MPa. Les bétons ont été fabri-
qués avec un liant contenant 8 % de fumée de silice et avec un rapport E/L com-
pris entre 0,29 et 0,30. Les résistances moyennes à 28 jours sont comprises entre
75 et 81 MPa. Les spécifications incluaient notamment un volume d’air entraîné
de 5,5 ± 1,5 %, un facteur d’espacement moyen inférieur à 230 µm (aucune valeur
supérieure à 260 µm) et un affaissement de 180 ± 40 mm. L’analyse des résultats
porte sur 23 échantillonnages pour le premier pont et 43 pour le second. Pour les
deux projets, toutes les spécifications préconisées ont pu être respectées. Les fac-
teurs d’espacement moyens étaient de 190 µm et 185 µm avec des coefficients de
variation de 17 % et 19 % respectivement.
4.5.2. Bétons autoplaçants
De nombreuses études en laboratoire et plusieurs projets de construction ont dé-
montré qu’il est possible de produire des bétons autoplaçants à air entraîné com-
portant un réseau de bulles stable et pouvant offrir une protection adéquate contre
l’attaque par les cycles de gel-dégel [KHA 95, KHA 00, HOV 00]. Cependant,
certaines formulations de bétons autoplaçants peuvent produire un réseau de bul-
les d’air instable en raison de leur grande fluidité et d’une viscosité parfois trop
faible [KHA 02]. L’agitation (durant le transport) ou le pompage favorisent
l’échappement ou le fusionnement des bulles, ce qui peut produire un facteur
d’espacement supérieur aux spécifications habituelles.
Khayat et Assaad ont démontré qu’il est possible de stabiliser un réseau de bulles
d’air entraîné dans différents types de bétons autoplaçants produits avec ou sans
agents de viscosité [KHA 02]. La stabilité a notamment été évaluée durant une pé-
riode de 95 minutes suivant le premier contact eau ciment. L’utilisation d’un
agent de viscosité peut augmenter par un facteur de 2 à 4 la demande en adjuvant
entraîneur d’air nécessaire pour produire un facteur d’espacement stable et infé-
rieur à 200 µm. Les liants contenant des cendres volantes peuvent aussi contribuer
à augmenter la demande en adjuvant entraîneur d’air. Des réseaux de bulles d’air
instables ont été obtenus avec les bétons contenant un dosage en matières cimen-
460
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
5. DISPOSITIONS NORMATIVES
De nombreux organismes internationaux et nationaux (CEN, Comité européen de
normalisation; CSA, Association canadienne de normalisation; ACI, American
Concrete Institute; ASTM, American society for testing and materials) établissent
des normes pour la construction des structures en béton encadrant la conception
structurale (EN 1992, CSA A23.3, ACI 318), la formulation, les spécifications et
le contrôle du béton (EN 206-1, CSA A23.1), l’exécution des structures en béton
(ENV 13670-1) et les matériaux et procédures d’essais (EN, CSA A23.2, ASTM).
Toutes ces normes contiennent notamment de nombreuses exigences et recom-
mandations spécifiques pour la conception et la construction des structures en bé-
ton exposées à une ambiance hivernale rigoureuse. L’ensemble des dispositions
normatives applicables à la durabilité au gel des structures en béton peut être re-
groupé en trois familles :
1) des normes de conception qui formulent des exigences et des recommandations
sur la géométrie des éléments structuraux dans le but de minimiser l’action de
l’environnement sur la structure ;
2) des normes matériaux qui comprennent des recommandations spécifiques sur
la formulation du béton, la spécification, la production et le contrôle de la qualité
des bétons exposés au gel ;
3) des normes d’essais permettant de vérifier certains critères clés de la perfor-
mance des bétons exposés à des cycles de gel-dégel (gélivité des granulats, volu-
me d’air entraîné, essais normalisés de durabilité, etc.).
5.1. Normes de conception, disposition constructives
Une structure en béton mal conçue peut avoir une durabilité déficiente malgré
l’utilisation de matériaux durables et de bonne qualité. La durabilité vis-à-vis du
461
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
gel d’une structure de béton peut être influencée par des paramètres de conception
liés à la géométrie des éléments structuraux. Par exemple le choix du type, du
nombre et du positionnement des joints de dilatation peut influencer la durabilité
au gel des éléments en béton de la sous-structure. Les joints de dilatation sont des
composantes relativement fragiles. Ils sont soumis à des sollicitations mécaniques
et environnementales importantes qui peuvent engendrer des pertes d’étanchéité.
Les joints de tablier qui fuient peuvent permettre à l’eau et aux sels de déglaçage
de saturer et de contaminer le béton des poutres chevêtres, des poutres caisson,
des piles et des murs de soutènement. Ces éléments en béton, fortement contami-
nés par les chlorures et maintenus dans un état de saturation plus élevé, sont plus
fortement attaqués par les cycles de gel-dégel (fissuration interne et écaillage). La
norme canadienne de conception des ponts (CSA S6) recommande de minimiser
le nombre de joints structuraux et de les concevoir en fonction de la durabilité de
la structure.
La conception des systèmes de drainage des eaux de fonte contaminées par les
chlorures peut aussi influencer la durabilité au gel des éléments de béton. Des dé-
pressions mal drainées à la surface des tabliers ou à la surface des ailes inférieures
des poutres caisson contribuent à maintenir le béton saturé et fortement contaminé
par les chlorures. Ces zones sont alors plus fréquemment dégradées par l’écaillage
de surface. Pour diminuer la saturation et la contamination des éléments de sous
structure, les conduits d’évacuation des eaux de ruissellement et de fonte doivent
se prolonger à une distance d’au moins 150 mm sous la surface du tablier (norme
CSA S6). Le positionnement des drains doit être conçu pour que les eaux éva-
cuées n’entrent pas en contact avec le béton.
5.2. Normes sur le matériau béton
La durabilité au gel du béton est fortement influencée par plusieurs de ses para-
mètres de composition et de mise en œuvre. Des normes nationales adaptées à
chaque contexte climatique national encadrent précisément le choix des consti-
tuants, la formulation, la mise en œuvre et le contrôle de la qualité des bétons ex-
posés à des cycles de gel-dégel. De nombreuses exigences normatives peuvent
s’appliquer au prescripteur, au producteur et à l’utilisateur du béton.
5.2.1. Norme NF EN 206-1
En ce qui concerne la production du béton, la norme européenne EN 206-1 indi-
que les tâches et responsabilités techniques respectives du prescripteur, du pro-
ducteur et de l’utilisateur, dans les différents types de spécifications qu’elle
prévoit. Le tableau 1 de la norme EN 206-1 définit ainsi quatre classes d’exposi-
tion concernant le gel (tableau 10.2).
462
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
463
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Station météorologique
Figure 10.43 : carte des zones de gel en France (norme NF EN 206-1, figure NA.2).
Pour chaque classe d’exposition, la norme NF EN 206-1 définit des limites appli-
cables à la composition et aux propriétés du béton. Cette approche impose, pour
chaque classe d’exposition, un rapport E/Léquivalent maximal (le terme « liant
équivalent » correspond à la masse de (ciment + k × additions minérales), une
classe de résistance minimale, une teneur minimale en liant équivalent et une te-
neur en air minimale. Ces paramètres, qui ont une influence directe sur la quantité
d’eau gelable, la perméabilité et le niveau de protection du réseau de bulles d’air,
permettent de moduler le potentiel de durabilité du béton en fonction de la sévé-
rité des conditions d’exposition au gel. Il faut noter que le facteur d’espacement
des bulles d’air ne fait l’objet d’aucune spécification dans la norme. Il est toute-
fois possible de déroger à certaines limites imposées (notamment le volume d’air
entraîné) si des essais de validation démontrent l’équivalence de performance.
Le tableau 10.3 résume les limites de composition de la norme française. Certai-
nes limites imposent notamment une proportion maximale d’additions minérales
dans le liant. Ces proportions sont variables en fonction du type d’addition et de
la sévérité des conditions d’exposition au gel. Des essais de validation de la dura-
bilité sont également recommandés dans le cas des expositions au gel les plus sé-
vères. Dans le cas des classes d’expositions XF3 et XF4, il est notamment suggéré
de mesurer le facteur d’espacement des bulles d’air entraîné.
464
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
Tableau 10.3 : valeurs limites applicables pour la composition et les propriétés du béton
soumis au gel-dégel en fonction de la classe d’exposition. D’après la norme NF EN 206-1.
NF EN 206-1 (valeurs limites applicables en NF EN 206-1 (valeurs limites applicables en
Norme applicable France pour les bétons coulés en place) France pour les produits de béton
selon tableau NA.F.1 préfabriqués en usine) selon tableau NA.F.2
Classe d’exposition
XF1 XF2 XF3 XF4 XF1 XF2 XF3 XF4
au gel-dégel
Rapport E/C maximal – – – – – – – –
Rapport Eeff/liant éq
0,60 0,55 0,55 0,45 0,50 0,50 0,45 0,40
maximal
Classe de résistance
C25/30 C25/30 C30/37 C30/37 C35/45
minimale
Teneur minimale en
– – – – – – – –
ciment (kg/m3)
Teneur minimale en
280 (2) 300 315 340 – – – –
liant éq (kg/m3)
Teneur minimale en
air (%)
– 4 (3) 4 (3) 4 (3) – 4 (8) 4 (8) 4 (8)
Essai(s) de perfor-
– – – – – – (1) (4) (1) (4) (5)
mances
Absorption d’eau
maximale (%)
– – – – 6 5 (7) 5 (7) 4 (7)
Cendres
0,15 (6) 0,15 (6)
Rapport maximal A/(A+C)
465
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
(7) L’exigence d’absorption maximale est retenue uniquement lorsque le béton doit respecter les
seuils associés aux essais de performance (XP P18-424, XP P18-425, XP P18-420) et qu’il est réa-
lisé sans agent entraîneur d’air. Lorsque le béton est réalisé avec un agent entraîneur d’air, il n’y a
pas d’exigence sur l’absorption d’eau maximale, compte tenu du fait qu’une teneur en air élevée
peut conduire à une absorption d’eau plus importante.
(8) Le respect de cette valeur nécessite l’utilisation d’un agent entraîneur d’air. Il est possible de
déroger à la teneur minimale en air en utilisant les essais de performance (XP P18-424, XP P18-
425, XP P18-420) et les seuils correspondants (allongement relatif, fréquence de résonance, perte
de matière) définis dans les recommandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel.
N.B. Dans le cas des produits de structure préfabriqués, le préfabricant a la possibi-
lité d’utiliser au choix les exigences de l’un ou de l’autre des deux tableaux. Pour
chaque type de produit préfabriqué, une procédure documentée doit mentionner le
tableau auquel il est fait référence.
5.2.2. Fascicule 65A
En ce qui concerne la mise en œuvre du béton, le fascicule 65A applicable aux
ouvrages d’art, en cours de révision (au moment de la publication de cet ouvrage)
afin de le rendre cohérent avec l’ensemble du contexte normatif dont la norme NF
EN 206-1, précise des exigences complémentaires, notamment en ce qui concerne
les bétons soumis aux cycles de gel-dégel avec ou sans agents de déverglaçage,
en se référant notamment aux recommandations pour la durabilité des bétons sou-
mis au gel du LCPC de 2003 (qui stipulent des exigences en terme de respect du
réseau de microbulles d’air ou de performances vis-à-vis d’essais de gel-dégel)
[LCP 03].
5.2.3. Approche canadienne : la norme CSA A23.1-04
Certaines prescriptions de la norme CSA A23.1-04 Bétons : constituants et exé-
cution des travaux méritent d’être citées car elles concernent un pays où les con-
ditions climatiques font que les agressions hivernales, aussi bien par le nombre et
la sévérité des cycles de gel-dégel que par l’utilisation intensive de sels fondants
durant quatre ou cinq mois par an, sont beaucoup plus dommageables pour les
ouvrages qu’elles ne le sont en France. Cette norme, disponible en français, a fait
l’objet d’une modification majeure en 2004.
Depuis le début des années 1980, la norme CSA A23.1 prescrit une composition
de béton qui dépend du type et de la sévérité des conditions d’expositions. Tout
béton soumis à des cycles de gel-dégel et/ou à l’action des sels fondants ou des
ions chlorure doit :
– développer une résistance à la compression minimale à 28 ou 56 jours ;
– être caractérisé par un rapport E/L inférieur à une valeur imposée (les additions
minérales conformes à la norme CSA A3000 sont permises et prises en compte
dans le calcul du rapport E/L) ;
466
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
467
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
C-XL 0,37 50 (56 jours) < 230 6-9 5-8 4-7 3 < 1000
C-1 0,40 35 < 230 6-9 5-8 4-7 2 < 1500
(a) Pour un rapport E/L supérieur à 0,36, le facteur d’espacement moyen doit être inférieur à
230 µm sans qu’aucune valeur n’excède 260 µm. Pour un rapport E/L égal ou inférieur à 0,36, le
facteur d’espacement moyen doit être inférieur à 250 µm sans qu’aucune valeur n’excède 300 µm.
(b) Type de cure 1 : 3 jours à une température 10 °C ou pendant le temps nécessaire pour atteindre
40 % de la résistance spécifiée.
Type de cure 2 : 7 jours à une température 10 °C et pendant le temps nécessaire pour atteindre
70 % de la résistance spécifiée. Lorsqu’on utilise du béton à la fumée de silice, on doit recourir à
des méthodes de cure additionnelles.
Type de cure 3 : Période de cure par voie humide de 7 jours. Les types de cure acceptables sont les
suivantes : nappe d’eau, arrosage continu, matériau absorbant ou toile maintenue continuellement
mouillée.
468
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
469
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
470
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
471
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
2
Degré de détérioration
6 1
0 0
10 20 30 40 60 100 120
Âge de l'ouvrage (année) Nombre de cyles/an
(a) (b)
Figure 10.44 : relations entre l’âge d’un ouvrage et son degré de détérioration (a),
et entre le nombre de cycles de gel-dégel et l’état de détérioration (b), d’après [GEB 96].
On rapporte ici le résultat d’observations faites sur des ouvrages subissant tous les ans un hiver ri-
goureux. La détérioration augmente régulièrement avec l’âge de l’ouvrage (a), sans qu’il soit possible
de la corréler avec le nombre de cycles (b).
472
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
3
État de détérioration
0
0 50 100
Produit : nombre de cycles x S
Figure 10.45 : relation entre le degré de détérioration d’un ouvrage, le nombre de cycles
de gel-dégel et le coefficient climatique de saturation, d’après [GEB 96].
Cette figure est la transformée de la figure 10.43b où l’on a porté en abscisse, non plus le nombre de
cycles de gel-dégel, mais son produit par un coefficient climatique de saturation, S (rapport de la hau-
473
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
teur des précipitations affectant l’ouvrage à la valeur moyenne de l’ensemble du district étudié). On
obtient une assez bonne corrélation.
Les différentes parties d’un ouvrage peuvent être exposées à des conditions de mi-
lieu variables par l’humidité (air, eau, aspersions) ou par la température (ombre,
soleil, orientation nord ou sud). Une illustration en est fournie par les résultats
d’une étude du comportement de bétons de barrages canadiens dont les durées de
service s’échelonnaient de 13 à 52 ans [BOU 03]. Les conclusions indiquent que
les surfaces verticales des ouvrages poids et des superstructures sont généralement
en excellente condition. Les surfaces horizontales des superstructures où l’eau
peut s’accumuler sont fréquemment détériorées (béton sans air entraîné et non ex-
posé aux sels fondants). La conduite plus uniforme des bétons à air entraîné, com-
parativement à celle des bétons sans air entraîné, est évidente. Les bétons exposés
à l’air montrent systématiquement un peu moins de dégâts que ceux au contact de
l’eau, ou les problèmes les plus sérieux sont un écaillage modéré. Les auteurs ci-
tent aussi, pour ces mêmes barrages, l’influence possible de l’orientation par rap-
port au soleil sur la gravité des dégradations. On peut effectivement supposer avec
d’autres auteurs, comme Hudec et al. [TOU 04], que les cycles de mouillage/sé-
chage sont plus marqués sur les faces exposées au soleil : ils y induisent une fissu-
ration superficielle plus dense qui favorise les attaques ultérieures par
accroissement du degré de saturation et affaiblissement de la pâte interstitielle.
Il n’est pas possible d’exprimer, à l’aide d’une seule cote, la sévérité d’une expo-
sition aux cycles de gel-dégel. L’évaluation de la sévérité de cycles de gel repose
donc sur une approche qualitative basée sur la comparaison avec des environne-
ments reconnus comme sévères ou modérés. Considérons les caractéristiques des
cycles de gel-dégel d’un environnement reconnu comme très sévère du point de
vue de la durabilité au gel. L’expérience pratique canadienne démontre que le cli-
mat des régions du sud est du Canada (Ontario, Québec et Provinces maritimes)
est très agressif du point de vue de la durabilité au gel. Pour êtres durables au gel,
les bétons exposés aux précipitations climatiques (environnement humide) doi-
vent clairement faire l’objet de règles de composition spécifiques dont notam-
ment comporter un réseau de bulles d’air entraîné de bonne qualité ( L < 230 µm).
Des mesures de températures in situ dans des poutres et des dalles exposées dans
la région de Kingston au Canada ont montré que les températures minimales
moyennes mensuelles (janvier) à 50 mm sous la surface du béton sont de – 24 °C
dans une poutre et de – 14 °C dans une dalle sur sol [NOK 04]. Le nombre de cy-
cles de gel-dégel annuel varie en fonction de la température minimale atteinte lors
d’un cycle, de la profondeur sous la surface du béton et du type d’exposition. Pour
fin de comparaison, le climat de la région de Kingston (Ontario) comporte en
moyenne 96 cycles annuels de gel-dégel (nombre de fois où la température de
474
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
l’air est passée sous 0 °C). Dans le cas d’une poutre dont toutes les faces sont ex-
posées à l’air, le nombre de cycles de gel-dégel annuel (température minimale des
cycles au moins inférieure à – 5 °C), varie de 30 à une profondeur de 50 mm à 8
à une profondeur de 300 mm. Dans le cas d’une dalle sur sol, le nombre de cycles
varie de 12 à une profondeur de 50 mm à 4 à une profondeur de 100 mm [NOK
04]. Les mesures de Cortez et Gerlach [COR 90] ont montré que le nombre de cy-
cles de gel mesuré immédiatement à la surface de pavages en béton est environ
deux fois plus élevé que le nombre de cycles mesuré à environ 50 mm de profon-
deur. Le taux de gel médian mesuré à 50 mm de profondeur dans des éléments en
béton de la région de Kingston varie de 0,88 °C/h (dans une poutre) à 0,34 °C/h
(dans une dalle sur sol). Des taux de gel supérieurs à 2 °C/h ont été mesurés dans
moins de 30 % du nombre total de cycles. D’autres études effectuées au Québec
[PIG 81] ont permis de dégager des conclusions similaires.
L’évaluation de la sévérité de l’exposition au gel doit prendre en compte la pré-
sence d’ions chlorure d’origine marine ou apportés par les sels fondants. Les ions
chlorure sont la principale cause de l’écaillage des surfaces de bétons exposées
aux cycles de gel-dégel. Dans le cas des structures routières, les eaux de fontes
contenant les sels fondants peuvent fortement contaminer les dalles, les tabliers,
les trottoirs et les parapets. Des éléments de la sous-structure (piles, poteaux, che-
vêtres, extrados des poutres et des dalles) peuvent aussi être contaminés par les
projections générées par le passage des véhicules. En milieu côtier, les surfaces
de bétons peuvent être soumises au contact des chlorures présents dans l’eau de
mer ou dans les embruns marins.
Il n’est pas possible d’exprimer, à l’aide d’une seule cote, la sévérité d’une expo-
sition aux cycles de gel-dégel. L’évaluation de la sévérité de cycles de gel repose
donc sur une approche qualitative basée sur la comparaison avec des environne-
ments reconnus comme sévères ou modérés.
475
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
476
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
Dans le cas d’une exposition à un gel sévère, les formulations spécifiées dans les
normes imposent un volume d’air au moins supérieur à 4%. L’air entraîné diminue
la résistance à la compression. Pour obtenir la résistance spécifiée, tout en satisfai-
sant le volume d’air minimal, il peut être nécessaire de prévoir un rapport E/L re-
lativement faible (< 0,35), ce qui rend parfois le béton difficile à produire en
centrale. Par exemple, dans certaines régions, la production d’un béton C60/70
avec 5 % d’air entraîné relève d’un « pari impossible ». Dans ce cas, une approche
de formulation basée sur la performance pourrait démontrer qu’un volume d’air
entraîné plus faible (< 4 %) ou qu’un facteur d’espacement plus élevé (> 250 µm)
peuvent être adéquats pour assurer une bonne protection contre l’attaque par les
cycles de gel-dégel.
Dans le cas d’une exposition à un gel modéré, il est plus difficile d’utiliser l’ap-
proche de formulation basée sur la performance. Par exemple, un environnement
de gel modéré peut n’engendrer que très rarement des températures inférieures à
– 5 °C à quelques mm sous la surface exposée ; le béton n’est généralement pas
saturé lors du gel ; les sels fondants ne sont pas systématiquement utilisés à cha-
que saison froide. Dans le cas d’un gel modéré, les essais accélérés utilisés com-
me indicateurs de performance (§ 5.3.1) sont tous considérés comme très sévères
et peu représentatifs des conditions réelles d’exposition. Il est par conséquent dif-
ficile de les utiliser pour spécifier des niveaux de performance au gel-dégel. Des
travaux de recherche sont nécessaires pour pouvoir développer de nouveaux es-
sais de laboratoire mieux adaptés pour la spécification de critères de performance
au gel de bétons exposés à un environnement de gel modéré.
L’atteinte du niveau de performance spécifié vis-à-vis du gel d’une formulation
de béton est basée sur le choix du rapport E/L, du type et due dosage en additions
minérales et des caractéristiques du réseau de bulles d’air.
477
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
soit parce qu’une mauvaise organisation du chantier aboutit à une attente prolongée
du transporteur avant qu’il ne déverse le béton peut déstabiliser le réseau de bulles
et diminuer l’efficacité de la protection contre les cycles de gel-dégel.
Les bétons à air entraîné peuvent être mis en place par vibration. La vibration, si
elle est effectuée correctement, a l’avantage d’éliminer les grosses bulles d’air
(inefficaces pour la protection au gel et pénalisantes pour les résistances mécani-
ques). Il faut éviter un excès de vibration qui risque de déstabiliser le réseau de
bulles d’air, notamment au niveau de la peau du béton.
Une finition trop poussée des surfaces est à proscrire car, plus encore que ne le
fait une vibration prolongée, elle favorise le ressuage et crée une couche superfi-
cielle riche en eau, fissurable, qui résistera très mal à l’écaillage. Une finition trop
poussée risque aussi de détériorer le réseau de bulles en surface. Les truelles ou
les taloches métalliques sont à proscrire car elles ont un effet encore plus défavo-
rable sur le réseau de bulles à la surface du béton.
La cure est un paramètre clé de la durabilité des bétons exposés aux cycles de gel-
dégel. La méthode de cure doit notamment permettre à la peau du béton de déve-
lopper tout son potentiel de durabilité. Par temps normal ou chaud la cure doit
protéger les surfaces de béton contre une dessiccation excessive et trop rapide. Le
fascicule 65A contient plusieurs recommandations sur la méthodologie de cure
des bétons.
S’il y a des risques de gel, le béton doit en être protégé durant une période suffi-
sante. Le béton ne doit pas être exposé à des températures négatives avant d’avoir
atteint une résistance à la compression égale ou supérieure à 15 MPa. Une longue
période de maturation avant exposition aux conditions hivernales est souhaitable
pour que la résistance au gel du béton ait atteint son meilleur niveau (degré d’hy-
dratation élevé qui a rempli la porosité capillaire par des hydrates, diminué la per-
méabilité et accru la résistance à la traction).
La peau des éléments en béton (0-50 mm) est la plus fréquemment et sévèrement
exposée aux cycles de gel-dégel. Les caractéristiques de la peau sont étroitement
dépendantes de nombreux paramètres de mise en œuvre du béton (vibration,
mûrissement, finition de surface).
L’expérience pratique montre que la fissuration n’a pas ou peu d’effet sur la du-
rabilité au gel des éléments en béton exposés à des cycles de gel-dégel. Par exem-
ple, au Canada, de très nombreuses structures en béton à air entraîné présentant
des fissures (retraits empêchés) sont en bonne condition malgré plus de 20 années
d’exposition à de nombreux cycles de gel-dégel en présence de sels fondants.
Dans ce type d’environnement, la fissuration du béton d’enrobage a surtout des
effets défavorables sur la corrosion des aciers d’armature. Du point de vue de la
478
La durabilité des bétons en ambiance hivernale rigoureuse
durabilité au gel, les fissures ont pour effet d’augmenter localement le degré de
saturation et la profondeur de pénétration des ions chlorure. Un béton conçu pour
résister à une ambiance hivernale rigoureuse (air entraîné, matrice cimentaire
compacte) est normalement durable même lorsque la pâte est complètement satu-
rée. Dans le cas des bétons à air entraîné, les pressions engendrées par l’expansion
de la glace contre les parois internes des fissures ne semblent pas suffisantes pour
endommager localement le béton au voisinage de la fissure.
7. CONCLUSION
Il ne faut pas exagérer l’importance des agressions en ambiance hivernale, même
rigoureuses, sur les ouvrages en béton courant. On constate, en effet, que les sur-
faces verticales des ouvrages, lorsqu’elles ne sont pas au contact direct de l’eau,
ne présentent pas de détérioration particulière dans la mesure où le béton a été for-
mulé et mis en oeuvre suivant les règles de l’art. Pour les autres parties d’ouvra-
ges, notamment les surfaces horizontales ou à contact prolongé avec l’eau,
l’obtention d’une durabilité convenable demande que le béton renferme de l’air
entraîné. Pour des parties d’ouvrages peu sollicitées mécaniquement et/ou, sur-
tout, sans contact avec des sels fondants, une simple incorporation d’entraîneur
d’air, au dosage requis, dans la bétonnière, conduit à livrer un béton satisfaisant,
sans aucune complication de fabrication. Par contre, pour les situations les plus
sévères, celles des surfaces horizontales en contact avec des sels fondants, la pro-
tection par entraînement d’air dans le béton n’est assurée que si des conditions
supplémentaires de malaxage, de mise en place et de cure sont scrupuleusement
respectées.
L’obtention de bétons résistants aux cycles de gel-dégel éventuellement associés
à l’action des sels de déverglaçage nécessite l’implication de tous les acteurs in-
tervenant dans la construction des structures : prescripteur, producteur de béton et
entrepreneur. Outre une conception adéquate, il est primordial de définir des for-
mules de béton adaptées et validées par le biais d’essais, notamment en ce qui
concerne la quantité d’agent entraîneur d’air permettant de garantir l’obtention
d’un réseau de bulles d’air adéquat dans le béton durci, ou une valeur du rapport
Eau/Liant permettant une résistance aux cycles de gel-dégel pour les bétons ne
comportant pas nécessairement d’adjuvant entraîneur d’air (BHP).
Les mécanismes de dégradation des bétons ont été largement étudiés ces dernières
années, notamment au Canada, et ont conduit à la rédaction de normes et de re-
commandations pertinentes pour la définition de béton adaptés à des ambiances
hivernales rigoureuses.
En revanche, même si les normes et règlements en vigueur (telle que la NF EN
206-1 et le fascicule 65A) définissent des règles de formulation pour les bétons
479
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
soumis à des gels faibles ou modérés avec ou sans sels de déverglaçage, les essais
performantiels actuellement disponibles (gel-dégel et écaillage), par nature accé-
lérés, ne sont pas adaptés à la qualification de formules de béton destinées à des
ambiances hivernales peu rigoureuses et des besoins de recherches existent sur ce
sujet.
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A. CARLES-GIBERGUES, H. HORNAIN
Résumé
Deux types de réactions endogènes, c’est-à-dire des réactions d’origine interne
au béton, sans apport d’agents agressifs extérieurs, sont décrites : alcali-réac-
tion, d’une part, et formation différée d’ettringite, d’autre part.
Le terme d’alcali-réaction désigne un ensemble de réactions chimiques qui se
produisent entre la solution interstitielle du béton, hyperbasique et alcaline, et cer-
taines phases, réactives, des granulats. Mais pour que le processus se déclen-
che il faut que trois conditions soient simultanément remplies : granulats réactifs,
humidité relative supérieure à 80-85 % et concentration en alcalins excédant un
seuil critique.
L’alcali-réaction peut provoquer, à plus ou moins long terme (en général au bout
de plusieurs années), des désordres variés dans les ouvrages [1] : fissuration,
gonflement, exsudations, chute des performances mécaniques. Les retours d’ex-
périences en laboratoire associés aux observations in situ ont montré :
1) que la présence des armatures dans les ouvrages réduit la gravité des désor-
dres par rapport au niveau mesuré dans la matrice « béton seul »;
2) que l’incorporation d’additions minérales conduit à une diminution voire à une
élimination de ces désordres.
487
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
488
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
1. INTRODUCTION
1.1. Définition des réactions endogènes
On appellera réactions endogènes1 des réactions chimiques « générées de
l’intérieur » pour lesquelles les composés nécessaires aux réactions sont présents
dans la formule initiale du béton. Ces réactions se produisent sans apport d’agents
agressifs extérieurs, dans des conditions données de température et d’humidité re-
lative.
1.2. Les deux principaux types de réactions endogènes
Les deux principaux types de réactions endogènes sont :
– l’alcali-réaction pour laquelle les produits nécessaires à la réaction préexistent
dans le béton : des granulats potentiellement réactifs et une source d’alcalins
(ciment, additions, granulats, adjuvants) ;
– la formation différée d’ettringite (Delayed Ettringite Formation ou DEF selon
la terminologie anglo-saxone). Cette réaction, également désignée par les termes
« réaction sulfatique interne » ou RSI selon la terminologie du LCPC [24], peut
se produire dans les bétons étuvés ou les bétons de masse à forte exothermie. La
réaction se manifeste dans des conditions très spécifiques de température (inten-
sité et durée déchauffement) et d’hygrométrie. Elle dépend également de la com-
position chimique du béton et du ciment (teneurs en alcalins, SO3, aluminates),
ainsi que de la formulation du béton (dosage en ciment, E/C).
Ces deux réactions sont traitées séparément respectivement dans les para-
graphes 2 et 3 du présent chapitre.
2. L’ALCALI-RÉACTION
2.1. Les différents types d’alcali-réaction
Il est admis que les alcali-réactions se présentent sous trois types : réaction alcali-
silice (les plus fréquentes), réaction alcali-silicate, réaction alcali-carbonate.
2.1.1. Réaction alcali-silice (RAS)
Certains granulats siliceux, lorsqu’ils sont constitués de silice amorphe, mal cris-
tallisée ou microcristalline (par exemple des verres, de l’opale, de la calcédoi-
ne…) sont attaqués par la solution interstitielle qui occupe les pores du béton. La
silice libérée réagit ensuite avec les alcalins Na+, K+ de cette solution interstitielle
et l’on observe finalement, l’apparition de gels silico-alcalins s’ils renferment Si,
489
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
490
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
491
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
492
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
493
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1 000
H
60
800 8
600
H (10– 6)
6 40
Rc
400 4
Rc, MPa
Rt, MPa
200
Rt 2
0 0
0 200 400 600
Temps (jours)
Figure 11.1 : expansion et performances mécaniques d’un béton fabriqué avec un gravier
réactif, conservé à 38 °C et 100 % H.R, d’après [BOY 00].
On note que les résistances mécaniques semblent avoir atteint une valeur plancher lorsque l’expan-
sion a atteint son maximum. On voit très nettement que la résistance à la traction (Rt) est beaucoup
plus affectée que la résistance à la compression (Rc).
Dans la majorité des cas, on note que les chutes de résistance à la traction sont
bien plus fortes que celles qui affectent la résistance à la compression : ce fait,
déjà signalé par [NIX 85] a été confirmé par de nombreux auteurs. Il peut être ex-
pliqué par la fermeture des fissures, engendrées par l’alcali-réaction, sous l’action
des contraintes de compression alors que, au contraire, les efforts de traction amè-
nent rapidement la propagation de ces fissures.
Le module d’élasticité est un indicateur très sensible du développement de l’alca-
li-réaction : il peut subir des chutes importantes avant l’apparition d’expansions
significatives et continuer à chuter avec le temps alors que la résistance à la com-
pression continue de croître. C’est ce que montre la figure 11.2, tirée de
[MON 00].
494
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
147 j
40
Contrainte (MPa)
30
28 j
20
10
Déformation (10– 6)
En outre, comme on peut également l’observer sur cette même figure, l’alcali-
réaction modifie le comportement sous charge du béton : on note une augmenta-
tion de la déformabilité (le module statique chutant de 20 GPa à 28 j à 6,45 GPa
à 147 j) et de la déformation ultime.
Par ailleurs, le caractère viscoplastique du béton endommagé est accru : les défor-
mations de fluage sont multipliées par 2,5 à 4 [BLI 81].
Concernant le comportement à la fatigue, la littérature fournit des résultats con-
troversés. Des essais de chargement oligo-cycliques sur carottes prélevées dans
des ouvrages atteints [WOO 89] ont montré que le béton se déforme plastique-
ment sous des niveaux de chargement faibles : c’est ce qui apparaît dans la
figure 11.3.
495
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
A B
5
Contrainte (MPa) 4
0
– 100 0 100 200 300 400 500
Déformation (μm/m)
Figure 11.3 : essais de fatigue sur des carottes de béton de même formulation mais
prélevées dans des éléments superficiellement fissurés (B) et non fissurés (A)
d’une même structure, d’après [WOO 04].
Le béton déjà fissuré par l’alcali-réaction (B) présente un module d’élasticité plus faible que celui qui
ne l’est pas encore (A), tout en accumulant des déformations plastiques.
Dans des essais poursuivis jusqu’à rupture les avis divergent. Pour [FUJ 87], l’al-
cali-réaction ne raccourcit pas la durée de vie alors que pour [AHM 99], le con-
traire est observé : la diminution du nombre de cycles entraînant la rupture varie
de 20 à 86 % suivant le mode de sollicitation.
2.2.2.2. Influence des armatures
La présence des armatures passives ou actives dans les bétons armés ou bétons
précontraints est bénéfique : elles ont un effet, anisotrope, de restriction des dé-
formations engendrées par l’alcali-réaction. Cette constatation, faite par de très
nombreux auteurs, est bien visible dans la figure 11.4 [ABE 89].
496
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
0,6
B
0,5
0,4
Expansion (%)
BA ŏ
0,3
0,2
0,1
BAII
0
100 200 300 400 500
Âge (jours)
Figure 11.4 : influence des armatures d’un béton sur l’expansion provoquée
par l’alcali-réaction, d’après [ABE 89].
Les expansions mesurées sur des carottes extraites de poutres en béton armé soit parallèlement (BA//)
soit perpendiculairement (BA⊥) à l’axe des poutres sont plus faibles que celles d’éprouvette de béton non
armé (B) conservées dans la même ambiance. Les armatures créent ainsi une forte anisotropie de l’ex-
pansion du béton armé.
En second lieu, on note une influence manifeste des armatures sur les performan-
ces mécaniques des bétons atteints par l’alcali-réaction et ceci aussi bien dans des
essais en laboratoire qu’à partir de mesures in situ. Les performances des élé-
ments en béton armé (résistance à la compression, résistance à la traction, module
d’élasticité) sont très peu affaiblies par l’alcali-réaction comparativement à celles
de carottes prélevées dans les mêmes unités ou d’éprouvettes fabriquées avec le
même béton [OKA 89b, INO 89].
Dans le cas d’éléments en béton précontraint, on arrive aux mêmes conclusions,
à savoir que le béton peut être fortement dégradé sur le plan mécanique, par l’al-
cali-réaction, alors que l’élément précontraint n’est pas affecté. On peut citer ici
les observations de [HAM 89] : après dix ans d’exposition en ambiance marine,
des poutres de bétons précontraints fabriqués avec des granulats réactifs ont vu
leur moment de flexion à la rupture accru de 2 à 8 % alors que la résistance à la
compression des cylindres de béton non armé, de même composition et conservés
dans la même ambiance, a chuté de 60 %.
2.2.2.3. Influence du chargement
Le maintien sous charge d’un élément de béton réduit son expansion ; ses perfor-
mances mécaniques sous chargement rapide sont améliorées. Par ailleurs,
[AHM 99] signalent que des éprouvettes maintenues sous charge depuis leur fa-
497
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
brication jusqu’au début d’essais de fatigue ont des durées de vie supérieures de
50 à 60 % à celles d’éprouvettes de mêmes compositions mais non chargées.
Si l’on fait une synthèse des nombreuses études consacrées au rôle joué par les
armatures et le niveau de chargement dans le comportement d’un ouvrage, en bé-
ton armé ou précontraint, endommagé par l’alcali-réaction, on peut retenir la con-
clusion suivante: l’affirmation « l’application d’une contrainte (armature, charge-
ment) à un béton atteint d’alcali-réaction minimise son expansion et sa perte de
résistance » est une affirmation triviale, certes pas erronée mais ambiguë dans sa
formulation. En effet, globalement parlant, l’état de contrainte appliqué à un tel
béton ne joue que très peu sur le gonflement volumique, par contre, la présence
d’un déviateur dans le champ de contraintes crée une anisotropie des déforma-
tions et des performances mécaniques du béton : il y a un report du gonflement
dans la direction la moins chargée.
2.2.3. Signes microscopiques, observables en laboratoire
2.2.3.1. Microfissuration du béton
L’alcali-réaction crée progressivement un réseau de microfissures dans le béton.
Ces microfissures résultent des pressions de gonflement engendrées au sein des
particules réactives, le long des plans de clivage ou de schistosité ; elles peuvent
également apparaître à la périphérie des grains. Avec le temps, ces microfissures
se propagent dans toutes les directions et peuvent alors recouper plusieurs granu-
lats ainsi que la pâte.
La microfissuration peut être étudiée soit sur des surfaces de fractures, soit sur des
sections polies, soit sur des lames minces ; les grossissements vont de quelques
fois ou dizaines de fois si l’on utilise un stéréomicroscope, à plusieurs centaines
pour les microscopes optiques et plusieurs milliers pour les observations au MEB.
On ne doit pas perdre de vue le fait que la détection d’une microfissuration n’est
effective que si la dimension des microstructures est accessible au pouvoir de ré-
solution de l’instrument d’observation : il en résulte que la quantification d’un ré-
seau microfissural (en termes de densité de fissuration ou de pourcentage de
grains fissurés) n’est exploitable que si on la rapporte à l’échelle d’observation.
La mise en évidence des microfissures est facilitée par des traitements préalables
tels que l’imprégnation par des résines colorées ou par des pigments fluorescents.
2.2.3.2. Gels et autres produits réactionnels
Il est établi depuis longtemps que les alcali-réactions de types alcali-silice ou al-
cali-silicates engendrent des produits amorphes (gels) ou microcristallins, de
composition silico-alcaline ou calco-silico-alcaline [6] et de faciès extrêmement
variables.
498
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
(a) (b)
(c) (d)
499
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
(e) (f)
Figure 11.5 : quelques aspects caractéristiques (observables au MEB)
de produits d’alcali-réaction, d’après [CYR].
(a) L’observation à faible grossissement (ici x 25) de bétons atteints d’alcali-réaction montre souvent,
en premier lieu, de larges plages, lisses, de gel (les fissures sont surtout provoquées par le vide ré-
gnant dans le microscope).
(b) Lorsqu’on travaille à grossissement plus important, on perçoit l’existence de plusieurs faciès pour
les produits réactionnels : cette vue est particulièrement démonstrative.
(c) Le gel peut se présenter, même à fort grossissement, comme un dépôt, plus ou moins épais, à surface lisse.
(d) La surface du gel présente des protubérances isolées (en haut de la plage) ou jointives (bas de la
plage) : on parle alors de gel mameloné.
(e) Les produits réactionnels perdent une apparence amorphe et acquièrent des faciès plus ou moins
cristallisés : ici une microtexture alvéolaire qui n’est pas très éloignée de celle des C-S-H ordinaires.
(f) La texture cristallisée peut être très nette : ici des rosettes formées de cristaux lamellaires.
500
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
Les relations entre ces deux groupes de paramètres sont, de fait, très nombreuses
et peuvent être représentées, pour l’essentiel par la figure 11.6.
Formulation Granulats
du béton réactifs
Ciments
Additions
Adjuvants
E/C
Type et fonction
de l'ouvrage Alcalins > seuil
501
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Tableau 11.1 : principales roches pouvant contenir des phases siliceuses sensibles
en milieu alcalin, d’après [18].
502
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
1,6
1
Expansion (10– 3)
1,4
1,2
1,0
0,8 2
0,6
0,4
I I' 3
0,2
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Âge (mois)
Figure 11.7 : influence des granulats sur la cinétique d’expansion de bétons, dopés en
alcalins et conservés à 60 °C, d’après [19].
Courbe 1 : sable et gravier à cinétique rapide, réactifs ;
Courbe 2 : sable non réactif et gravier réactif à cinétique rapide ;
Courbe 3 : sable non réactif, gravier réactif à cinétique rapide et fumée de silice;
ll’ = limite de gonflement admissible.
On observe :
– que les courbes ont une forme en S ;
– qu’elles diffèrent considérablement par la valeur finale et par la vitesse maximale d’expansion ;
– qu’une addition minérale peut minorer le gonflement.
503
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
2,0
2
0,4 3
Expansion (%)
0,3
0,2
0,1
0 20 40 60 80 100
504
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
1 2 3 4
100
60
40
1 : opale
20 2 : silice vitreuse
3 : chert
4 : mylonite
0,01 0,1 1 10
505
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0,7
0,6
0,5
Expansion à 200 jours (10–3)
0,4
0,3
0,2
Réaction sans
macrofissuration
0,1
Fissures visibles
0,0
0 1 2 3 4 5 6 7
Na2O éq. (kg/m3)
Cette figure, qui exploite des résultats obtenus avec un seul type de granulats, est
citée dans de multiples publications car elle a une véritable valeur pédagogique
en montrant l’existence d’un seuil extrêmement net. Mais si l’on veut rendre
compte des phénomènes tels qu’ils apparaissent sur des bétons, variables notam-
ment par la nature de leurs granulats, la figure 11.11 est plus riche de renseigne-
ments : Berra et al. [BER 05] ont mesuré l’influence de la teneur en alcalins et de
la nature des granulats sur l’expansion à 1 an de prismes de bétons testés suivant
une procédure Rilem AAR-3 modifiée [29]. Les expansions ainsi mesurées sont
comparées au comportement in situ des granulats.
506
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
2 O
1,5
O, C
Expansion à 1 an (10–3)
F toujours réactifs
in situ
C D
F, D
parfois réactifs
1
M, N, A, B
jamais réactifs
N
A
B
0,5
0 2 4 6 8 10
Na2O éq. (kg/m3)
507
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Tous les alcalins ne participent pas à l’alcali-réaction car une partie peut rester
piégée dans le réseau cristallin : on appelle « alcalins actifs » ceux qui peuvent
passer en solution. Pour chaque constituant du béton, on calcule ainsi la teneur en
alcalins actifs A : A = ma où a = alcalins totaux et m un coefficient compris entre
0 et 1.
Le document [18] indique les valeurs à prendre pour m : laitiers m = 0,5 ; fines
calcaires m = 0,5 ; cendres volantes m = 0,17 ; pouzzolanes m = 0,17 ; clinker
m = 1 ; gypse m = 1. Pour les granulats m sera déterminé expérimentalement.
On recommande de rester sous une valeur plafond de 3 kg/m3. Mais, étant donné
que dans certains cas cette teneur limite s’est montrée trop élevée, on préconise
plutôt actuellement une approche performantielle basée sur des essais de gonfle-
ment.
Le ciment Portland
Une des sources principales, même si ce n’est pas la seule, des alcalins disponi-
bles dans un béton. Dans le clinker, les alcalins se trouvent surtout sous forme de
sulfates solubles ; ils peuvent aussi, en de plus faibles proportions, être intégrés
dans les réseaux des autres constituants. Leur teneur, dans un ciment, est situé
dans une plage 0,3-1,2 %. Elle dépend tout d’abord de la composition mais aussi
du process de fabrication (notamment du combustible).
Les autres caractéristiques du ciment comme sa composition minéralogique, sa fi-
nesse de broyage joueraient un rôle beaucoup plus modeste que celui de la teneur
en alcalins sur l’alcali-réaction. Assez peu de publications se rapportent à ces pa-
ramètres : Berra [BER 94] signale toutefois que la finesse du ciment joue sur les
résultats du test NBRI modifié Berra et Krell [KRE 87] indiquent que l’expansion
augmente avec la finesse.
Le ciment à base de laitier de haut-fourneau
Le laitier granulé de haut-fourneau, moulu, est doué de propriétés hydrauliques,
ce qui le différencie des additions minérales telles que les cendres volantes et les
fumées de silice, qui se comportent comme des pouzzolanes. C’est la raison pour
laquelle ce laitier granulé, dans certains pays, dont la France, peut entrer dans la
constitution de ciments normalisés à de très fortes teneurs. C’est le cas des
CEM III/C dans lesquels il représente de 66 à 95 % du produit.
Le laitier granulé moulu est reconnu depuis longtemps comme efficace dans la
prévention de l’alcali-réaction [HOG 83].
508
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
0,50
0,40
Expansion à 2 ans (%)
0,30
1 : calcaire siliceux
0,20 1 2 : grès
3 : grauwacke
2
4 : granite
3 5 : calcaire dolomitique
0,10 4 argileux
0,04
0,00
0 10 20 30 40 50 60 70
Pourcentage de laitier
La figure 11.12, d’après [THO 98], résume bien les conclusions de nombreuses
recherches, à savoir que les expansions sont pratiquement supprimées dès que le
dosage du liant en laitier granulé excède 50 %. L’emploi du ciment CEM III/C
peut donc être bénéfique si la composition du béton inclut des granulats potentiel-
lement réactifs : le choix de ce type de liant peut également s’appuyer sur sa bonne
tenue en milieu chimiquement agressif, mais doit prendre en compte la lenteur du
durcissement initial.
Le rapport E/C
Un faible rapport E/C accroît les performances mécaniques du béton et densifie
sa structure, ce qui le protège mieux contre les agressions exogènes. Concernant
l’influence de E/C sur le comportement du béton vis-à-vis de l’alcali-réaction on
peut noter qu’un abaissement de E/C :
a) accroît la concentration des alcalins dans la solution interstitielle (son volume
étant réduit) et donc l’agressivité de cette dernière ;
b) diminue la porosité, donc l’espace disponible pour l’expansion des gels ;
c) diminue la perméabilité, donc la vitesse de diffusion ionique et en conséquence
la vitesse d’alcali-réaction ;
d) accroît la résistance et la rigidité du béton qui est alors plus apte à s’opposer
aux efforts d’expansion.
509
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Les deux premiers facteurs, aggravants, s’opposent aux deux derniers. Au final le
résultat global peut pencher dans un sens ou dans l’autre : c’est ce qui semble res-
sortir de la littérature qui présente des résultats très variés, non concordants
[KRE 87, BER 92a, BER 92b, HOB 88].
Les adjuvants
L’utilisation d’entraîneurs d’air peut-elle réduire les expansions dues à l’alcali-
réaction en fournissant aux gels siliceux plus d’espace (bulles d’air) pour se
loger? Des expériences réalisées au Canada sur des granulats de calcaire siliceux
très réactifs des régions de Trois-Rivières (Québec) et d’Ottawa (Ontario) indi-
quent qu’un dosage en air entraîné de 6 à 9 % n’a pas d’effet significatif sur les
expansions obtenues. Mais dans ce type de granulats, les désordres se manifestent
principalement le long de microfissures préexistantes au sein des particules et il
semble que la présence d’un plus grand nombre de bulles d’air à proximité immé-
diate des particules réactives soit effectivement bénéfique dans le cas de granulats
dont l’attaque chimique se fait plutôt à l’interface pâte/granulats [VIV 47],
[JEN 84]. C’est d’ailleurs ce qui a été observé avec des grès de Potsdam et des
tufs rhyolitiques [BER 92a].
Somme toute, il y a peu de données disponibles sur l’influence des adjuvants face
à l’alcali-réaction. Mentionnons, toutefois, que des études suggèrent que certains
superplastifiants peuvent accroître la teneur en alcalins et le pH de la solution in-
terstitielle [ZEL 89, MAT 91].
Wang et Gillott [WAN 89] ont remarqué que des superplastifiants de type naph-
talène sulfoné ou mélamine sulfonée accroissent l’expansion de mortiers renfer-
mant de l’opale : l’adjuvant agirait et sur la réactivité du granulat et sur les
caractéristiques du gel expansif.
Les additions minérales
Compte tenu de l’importance et de la spécificité de leur rôle préventif de l’alcali-
réaction, elles sont examinées au paragraphe 2.3.3.
2.3.1.2. Type et fonctionnalité de l’ouvrage
Peu de cas d’alcali-réaction dans le domaine du bâtiment ; cet état de fait est at-
tribué [19] : à un assez faible dosage en ciment (donc en alcalins), à la protection
des murs extérieurs par des enduits, à la faible humidité des éléments intérieurs.
L’alcali-réaction se produit donc essentiellement dans les ouvrages d’art, mais
avec des fréquences variables suivant la catégorie.
Les bétons de masse, comme les barrages, semblent particulièrement vulnérables
[BER 00]; d’après [LAL 00] sur 127 barrages en béton exploités en France par
EDF, 37, soit 30 %, montreraient des signes d’alcali-réaction. Cette vulnérabilité
510
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
importante est explicable par diverses raisons. Certains barrages, comme celui de
Mactaquac (Canada) sont assez gravement affectés bien que l’apport d’alcalins à
partir du ciment n’excède pas 2 kg/m3 ; dans ce cas on peut envisager que les al-
calins proviennent d’autres sources, hypothèse vérifiée dans le barrage de Cham-
bon [DEL 94]. Un béton de masse ne dissipe que très lentement la chaleur
d’hydratation du ciment : la température demeure élevée pendant plusieurs semai-
nes ce qui peut accélérer le démarrage de l’alcali-réaction. Toute fissuration, due
par exemple à des gradients thermiques, peut favoriser la pénétration d’humidité
dans certaines zones et ce d’autant plus qu’un parement de l’ouvrage est au con-
tact permanent de l’eau. Dans ces conditions, les différentes parties présentent des
taux d’humidité très variables et l’on observe alors que les plus humides sont aus-
si celles ou l’alcali-réaction a les effets les plus marqués : ainsi à l’usine hydro-
électrique de Saunders G.S., Grattan-Bellew [GRA 95] a mesuré des damage in-
dex de 20 à 25 dans les parties sèches, et 95 à 140 dans les zones humides.
Des observations sur un autre type d’ouvrages bien particuliers, des tunnels fer-
roviaires, montrent un comportement qui n’est pas facile à expliquer. Leeman et
al. [LEE 05] ont examiné des carottes prélevées dans les revêtements de béton
projeté ou de béton coffré et ceci pour huit tunnels âgés de 19 à 44 ans. Bien que
certains granulats soient potentiellement réactifs et que la majorité des éprouvet-
tes montrent qu’une alcali-réaction s’est produite, il n’est apparu aucun dégât à
l’examen visuel. Les auteurs du rapport attribuent ceci aux faibles variations cli-
matiques ; ils concluent que « des granulats réactifs peuvent être employés dans
les bétons de tunnel sans causer de dommage consécutif à l’alcali-réaction ». Par
contre, un avis diamétralement opposé est formulé par Wood [WOO 04] : « cela
nécessite les plus rigoureuses spécifications d’emploi des granulats non réactifs
pour les tunnels ».
2.3.1.3. Conditions environnementales
Conditions d’humidité ; cycles de mouillage/séchage
L’humidité ambiante a un rôle fondamental sur le développement de l’alcali-
réaction : c’est pourquoi les essais accélérés de réactivité des granulats et (ou)
des bétons sont réalisés à 100 % H.R. ou en immersion. En fait, on considère
qu’une alcali-réaction ne pourra endommager un béton à température ordinaire
( 20 °C) que si l’humidité relative moyenne est au-dessus d’une valeur seuil égale
à 80-85 %.
Une revue bibliographique récente de Poyet [POY 03] nous permet de préciser
ces affirmations :
– le gonflement libre dû à une réaction alcali-silice augmente bien avec l’humi-
dité relative extérieure (figure 11.13a) ;
511
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
100 90 %
N, L
80 80 % K
O
Seuil HR
60 70 %
O
40 60 % T
20 50 % T
0 40 %
50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % 0 20 40 60
Humidité relative extérieure Température d'essai (°C)
Les points expérimentaux de la figure 11.13b sont repris de publications dues à : N [NiL 83] ; L
[LUD 89] ; O [OLA 87] ; T [TOM 89] ; P [POY 03] ; K [KUR 89].
512
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
Coque mince
moins expansive
(souvent sèche,
alcalis lessivés par la pluie)
Soleil
Vent
Pluie
Humidification/séchage Fissuration plus sévère
Gel/dégel côté sud
Variations de température
Gonflement
volumique
Milieu humide
Milieu saturé
513
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
514
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
8 8
Expansion (10– 3)
700
Expansion (10– 3) 6 6
a
4 4 c
2 2 d
400
b
0 3 5 6 0 1 2 3 4 5 6
1 2 4
Temps (années) Temps (années)
8 8
Expansion (10– 3)
Expansion (10– 3)
6 e 6
g
4 4
f h
2 2
0 1 2 3 4 5 6 0 1 2 3 4 5 6
Temps (années) Temps (années)
515
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dans nombre d’études réalisées sur des bétons armés fabriqués aussi bien en la-
boratoire que sur chantier avec des granulats réactifs, on n’a observé que de fai-
bles chutes de capacité portante et de capacité de chargement statique, et ce,
malgré la présence d’un important motif de fissuration à la surface des éléments
en béton étudiés, et bien que des chutes importantes de résistance à la compres-
sion uniaxiale, au fendage, à la flexion ou du module d’élasticité aient été obser-
vées sur des carottes de béton prélevées dans ces éléments [BLI 81, FUJ 87,
HIM 87, KOY 87].
Par exemple, les modules de rigidité et d’élasticité calculés à partir des déflexions
observées lors d’essais de chargement sur les membrures des piliers en T suppor-
tant une importante autoroute du Japon sont peu affectés (chutes de moins de
15 %), et sont incompatibles avec les faibles valeurs du module d’élasticité (chute
de plus de 70 %) et de la résistance à la compression uniaxiale obtenus sur des
carottes de béton [ONO 89].
Les essais de chargement in situ (mesure des déflexions) sont, sans contredit, les
meilleurs tests pour déterminer la capacité portante de certains types de compo-
santes (dalles, piliers, colonnes, etc.). Dans tous les cas observés, l’évaluation du
béton par de tels essais a conduit à des conclusions nettement moins alarmistes
sur la performance mécanique (module d’Young, module de rigidité, capacité
516
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
portante) du béton atteint par l’alcali-réaction que celles issues d’essais en labo-
ratoire sur des carottes de béton prélevées dans ces mêmes composantes.
Pour conclure et afin de ne pas tirer de conclusion alarmiste au seul examen visuel
d’un ouvrage, citons les propos de B. Mather [MAT 99] « Tuscaloosa Lock, dans
l’Alabama, une des structures atteintes par la réaction alcali-silice la plus étudiée
par le corps des ingénieurs, fut déclarée après un premier examen “tellement fis-
surée que l’on a l’impression qu’elle est sur le point de s’effondrer” ; trente ans
plus tard, on l’a trouvée “d’une qualité généralement bonne” ».
2.3.3. Protection apportée par les additions minérales et les inhibiteurs
2.3.3.1. Les additions minérales
De nombreuses études ainsi que les observations portant sur les comportement
des ouvrages ont établi que l’introduction d’additions minérales dans les bétons,
soit en addition soit en remplacement partiel du ciment, réduit ou supprime l’ex-
pansion provoquée par l’alcali-réaction. Cet effet bénéfique exige que soient res-
pectées certaines conditions d’utilisation.
On remarquera que ces additions minérales, qu’elles entrent ou non dans un cadre
normatif, sont toutes des pouzzolanes. Les pouzzolanes artificielles résultent du
traitement thermique, suivi de broyage, de produits naturels ou de déchets indus-
triels ; les pouzzolanes naturelles sont des matériaux naturels ayant subi un simple
broyage.
Fumées de silice
Dès lors que ces matériaux (pouzzolanes artificielles) sont pauvres en alcalins
(moins de 1 % de Na2Oéq.) et que leur dosage est suffisant, leur emploi conduit
à de bons ou très bons résultats. Le dosage optimal est généralement compris entre
10 et 15 % mais cette fourchette peut être déplacée vers des valeurs plus faibles
ou plus fortes, essentiellement en fonction des granulats réactifs. C’est ainsi que
l’emploi de ciment renfermant 7,5 % de fumées de silice s’est révélé un moyen
bénéfique en Islande, depuis 1979, pour empêcher l’apparition de toute alcali-
réaction nocive dans les bétons de bâtiment alors que le clinker est riche en alca-
lins et que certains granulats sont réactifs [GUD 96]. La figure 11. 16 montre qu’à
ce même dosage de 7,5 % de fumée de silice, dans d’autres situations, la réduction
du gonflement est négligeable [CHE 90].
Toutefois, quelques réserves ont été formulées quant à l’efficacité des fumées de
silice pour contrer l’alcali-réaction dans des cas particuliers.
517
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
FS1
1,0
Expansion à 1 an (10– 3)
CHA
0,5
FS2
CBA
0 10 20 30
Fumée de silice (%)
Cendres volantes
Là aussi l’efficacité de ces matériaux (pouzzolanes artificielles) dépend de plu-
sieurs paramètres : dosage, finesse, composition chimique, teneur en alcalins mais
aussi nature du granulat réactif. On peut retenir deux cas de figure où les cendres
volantes sont inopérantes : la réaction alcali-carbonate et l’utilisation de certaines
variétés de cendres volantes très riches en alcalins qui peuvent augmenter l’ex-
pansion due à une réaction alcali-silice.
Ceci étant dit, on reconnaît généralement que les cendres volantes, surtout celles
de composition silico-alumineuse, dès lors qu’elles sont de bonne qualité, que
leur teneur en alcalins est inférieure à 2 ou 3 % en Na2Oéq. et que leur dosage est
d’au moins 30 %, constituent un bon moyen de prévention de l’alcali-réaction.
518
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
8 8
Cendre A 84 j Cendre B
6 6
Expansion (10– 3)
Expansion (10– 3)
84 j 4
4 7j
7j
2 2 3j
3j
0 10 20 30 0 10 20 30
519
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
pour que l’expansion à 2 ans s’abaisse sous le seuil sécuritaire de 0,04 % proposé
par la norme CAN/CSA A23.2-14A (la réduction de gonflement apportée par le
métakaolin atteint 88 %).
Brique pilée
Bektas et al. [BEK 04] ont montré que ce matériau, déjà utilisé par les Romains
comme pouzzolane artificielle, est également apte à contrecarrer les effets de l’al-
cali-réaction : les remplacements de 35 % du ciment par de la brique broyée dans
des mortiers renfermant des sables réactifs ont provoqué des réductions de gon-
flement de 78 à 81 %.
Pouzzolanes naturelles
Les pouzzolanes naturelles proviennent de roches consolidées ou non, d’origine
volcanique pour la plupart, dont la composition est essentiellement silico-alumi-
neuses et la structure majoritairement amorphe. Il en existe une grande variété :
tufs, terre de Santorin, Trassrhénan, rhyotites, zéolite, etc.
Feng et Feng [FEN 02] ont montré que le remplacement de 15 % du ciment d’un
mortier par une zéolite finement broyée (d50 ≈ 12 µm), testé suivant la procédure
ASTM C1260, suffisait à ramener l’expansion au seuil sécuritaire de 0,1 %.
Niu et Feng [NIU 04] en modifiant une zéolithe naturelle par échange ionique
(choix d’une NH4-zéolite) ont accru son activité : cette addition (testée suivant
ASTM C441) au faible taux de substitution de 5 % réduit déjà le gonflement de
74 %.
Fines minérales obtenues par broyage des granulats réactifs
En partant de la constatation qu’un granulat réactif aux alcalins peut devenir une
pouzzolane très active lorsqu’il est finement broyé, des tentatives ont été faites
pour réduire ou supprimer le gonflement provoqué par un granulat réactif en ajou-
tant dans le béton des fines résultant d’un broyage poussé de ce même granulat.
Bian et al. [BIA 96] sur des mortiers, Guedon-Dubied et al. [GUE 00] sur des bé-
tons, Pedersen [PED 04]. Moisson, Moisson et al. [MOI 04, MOI 05] ont montré
que cette piste était probablement intéressante : sur des bétons confectionnés avec
cinq types de granulats (opale, quartzite, calcaire siliceux, gravier du Nouveau-
Mexique, verre à vitre), ils ont noté, consécutivement à l’introduction de fines de
broyage des granulats respectifs, des réductions importantes de l’expansion, com-
prises entre 30 et 100 %, pour 4 granulats avec un seul échec (Nouveau-Mexique).
520
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
521
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1,5
Taux de Li (10– 4)
1
0,5
2
0 1 2 3 4 5
Profondeur (cm)
C’est la réaction alcali-silice qui a été la plus étudiée. En ce qui concerne la réac-
tion alcali-silicate, on penserait que le gonflement n’est pas exclusivement provo-
qué par la formation d’un gel mais qu’il résulterait de possibles phénomènes
d’expansion et d’exfoliation liés à la présence de phases phylliteuses [JEH 96].
2.4.1. Réactions chimiques de la silice des granulats et de la solution
interstitielle
La raison première de la réactivité des minéraux du groupe de la silice est qu’ils
se retrouvent en déséquilibre thermodynamique par rapport à leurs conditions de
formation et de gisement lorsqu’ils sont introduits comme granulats dans un bé-
ton. Ce dernier est en effet un milieu hyperbasique puisque des pH supérieurs à
12,5 caractérisent la solution interstitielle. Dans ces conditions, on sait que pour
522
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
la silice amorphe – et il pourrait en aller de même pour les autres formes de silice
– la solubilité qui est pratiquement constante (100 à 150 mg/l) entre pH 1 et pH 8
s’accroît brutalement et dépasse déjà 1100 mg/l à pH 10,6 [KRA 56]. Depuis les
travaux de Dent-Glasser et Kataoka [DEN 81], même s’il subsiste quelques dé-
saccords sur des points de détail, on admet le schéma suivant pour les phases
initiales:
(i) une réaction acide-base entre les groupements acides silanols et les OH– de la
solution interstitielle crée une charge négative sur l’oxygène
Ñ Si – OH + OH– + →Ñ Si – O– + H2O
Cette charge va être équilibrée par un ion Na+ de la solution
Ñ Si – O– + Na+ → NaSiO (3)
En fait, la stoechiométrie de la réaction → Na0,38SiO2,19
(ii) les ponts siloxane de la silice sont à leur tour attaqués par les ions OH–
Ñ Si – O – Si Ò+ 2OH– →ÑSi – O– + O – Si Ò+ H2O
Cette réaction affaiblit encore plus la structure siliceuse qui devient de plus en
plus accessible aux molécules d’eau et aux ions Na+. A la limite, tout le réseau se
désintègre et la silice passe entièrement en solution, ce qui peut être ainsi
schématisé:
Na0,38SiO2,19 + 1,62 NaOH → 2Na+ + H2SiO4= (4)
De fait et en fonction de l’alcalinité de la solution interstitielle [DRO 97], il appa-
raît également des groupements H4SiO4 ou H3SiO4–.
Que se passe-t-il ensuite ? Les avis divergent suivant les auteurs : soit par des
réactions topochimiques, soit par des réactions transolution, il se forme un gel si-
lico-alcalin.
L’évolution du système SiO2 (granulats)/alcalins (solution interstitielle) ou, en
d’autres termes, la formation du gel, dépend fortement du rapport initial des concen-
trations en SiO2 et Na2O. Dent-Glasser [DEN 81] avait montré que la courbe de va-
riation de la concentration en silice dissoute dans une solution de soude en fonction
de la quantité initiale de silice n’est pas croissante/monotone mais présente un maxi-
mum. Ce maximum, qui expliquerait l’existence du pessimum observé sur certains
bétons atteints de réaction alcali-silice, rapporté au paragraphe 2.3.1, se situe, sui-
vant les conditions expérimentales à des valeurs de 3 ou 5 pour les rapports molaires
SiO2/Na2O. Wen [WEN 89] a confirmé ces résultats, avec un maximum pour le rap-
port molaire SiO2/Na2O = 5, rejoignant ainsi les conclusions de Hobbs [HOB 88].
Dans un béton la solution interstitielle, outre les alcalins et les ions OH–, renferme
523
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
également des ions calcium. Il ne fait plus de doute actuellement que le calcium joue
un rôle dans la formation du gel [DIA 89]; en effet, il est toujours trouvé, en plus ou
moins grande quantité dans les gels [BER 86]. On peut, par contre, penser que les
gels fraîchement formés, même s’ils sont déjà calciques, s’enrichissent par la suite
en calcium au contact de la pâte de ciment. Ils peuvent dans certains cas atteindre
des rapports Ca/Si du même ordre que ceux des C-S-H. C’est ce qui apparaît dans la
figure 11.19, tirée des travaux de [THO 00]. Elle montre, d’une part, que les gels for-
més dans les fissures des granulats renferment moins de calcium que ceux localisés
dans la pâte et, d’autre part, l’enrichissement en calcium, allant de pair avec l’appau-
vrissement en alcalin, dans les bétons âgés.
K/Si
0,3 Gels dans les granulats âge (7 ans)
0 1 2
Ca/Si
Figure 11.19 : variations de la composition des gels de béton en fonction de l’âge
et de leur situation, d’après [THO 00].
Toutefois, concernant l’enrichissement des gels en calcium avec le vieillissement, il n’y a pas unani-
mité des chercheurs. Freyburg et Berninger [FRE 04] ayant analysé 110 gels prélevés dans des
ouvrages âgés de 6 à 60 ans, concluent que leurs compositions sont dans une même fourchette et
que les plus riches en calcium ne sont pas toujours liés aux bétons les plus anciens.
524
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
525
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Le lecteur pourra prendre connaissance en annexe 1 d’un autre schéma synthétique, proposé par
Hou, Struble et Kirkpatrick.
526
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
C’est parce qu’elles sont des pouzzolanes que les fines minérales introduites
dans un béton modifient :
– la teneur en portlandite,
– le rapport Ca/Si des C-S-H, ce qui accroît la fixation d’alcalins ;
– la microstructure de la pâte durcie qui devient plus compacte, avec une double
conséquence sur sa perméabilité et sur ses performances mécaniques [MAS 98].
En outre, ces fines minérales, lorsqu’elles ont employées en remplacement par-
tiel du ciment, peuvent causer un effet de dilution des alcalins.
527
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
ciment LTS 14
ciment
60
opale
40
10
cendre
volante 20
0 0
0 10 20 30 40 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6
Remplacement du ciment par la pouzzolane (%) Rapport molaire Ca/Si dans les différents C–S–H
(a) (b)
Figure 11.20 : influence d’additions minérales sur la composition de pâtes de ciment,
après 14 ans d’hydratation, d’après [BHA 87].
Ces pâtes ont été fabriquées avec un ciment à 0,92 % de Na2Oéq., avec des remplacements partiels
d’opale, de schiste calciné et de cendres volantes. Après 14 ans de conservation à 23 °C et 100 %
HR, elles ont été analysées. La figure (a) montre qu’elles ont fixé d’importantes quantités de portlan-
dite par réaction pouzzolanique. La figue (b) indique, d’une part, l’abaissement du rapport Ca/Si dans
les C-S-H pouzzolaniques, d’autre part, l’augmentation des alcalis fixés dans leur réseau.
Hong et Glasser [HON 99] ont confirmé ces résultats en opérant sur des C-S-H de
synthèse qu’ils ont placés dans des solutions alcalines de concentrations compri-
ses entre 0,1 et 300 mM, sur des durées de 1 jour à 1 an. Ils ont défini un coeffi-
cient de partage RD = (alcalins fixés dans le C-S-H)/(alcalins restant en solution)
et montré que RD est multiplié par 4 lorsque Ca/Si passe de 1,8 à 1,2 et par 10
lorsque Ca/Si atteint la valeur de 0,85.
On peut donc retenir de ce qui vient d’être dit que les additions minérales forment
des C-S-H « pouzzolaniques » : ces derniers extraient des quantités accrues d’al-
calins de la solution interstitielle, abaissent donc son alcalinité et réduisent ainsi
son agressivité vis-à-vis des granulats réactifs.
528
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
529
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
2
Expansion
a1 a2
0
Addition minérale (%)
Efficacité d’une même addition minérale comme réducteur de l’expansion d’un béton atteint d’alcali-
réaction.
Courbe 1 : lorsqu’il est conservé à 40 °C et 100 % HR.
Courbe 2 : lorsqu’il est conservé in situ.
Pour obtenir la même réduction de l’expansion le béton conservé in situ exige un dosage en addition
minérale (a2) beaucoup plus important – quasiment le double – que le béton testé à 40 °C et 100 %
HR (a1).
(Schéma pédagogique avec des unités arbitraires)
530
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
531
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
532
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
1. On doit noter que toutes les courbes d’expansion en fonction du temps, surtout lorsqu’il s’agit de
mesures in situ, ne présentent pas nécessairement cette forme en S : d’après Wood [WOO 04] « la
plupart des structures du Royaume-Uni atteintes par l’alcali-réaction montrent des élargissements
de fissures qui se font progressivement, d’une façon linéaire, après 30 à 75 ans. Le ralentissement
de la courbe en S trouvé en laboratoire n’est pas visible in situ au Royaume-Uni ».
533
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
B
H
Expansion
A
WL 2Wc Temps
Figure 11.21 : modélisation d’une courbe de gonflement libre, d’après [LAR 98].
Une courbe est caractérisée par les paramètres suivants :
ε∞ = expansion maximale ;
τL = temps de latence qui correspond à la phase d’initiation puis d’accélération du phénomène ;
2τc = temps caractéristique qui indique la décélération de l’expansion, en A.
On a pu remarquer à de nombreuses reprises dans la littérature que la partie finale de la courbe d’ex-
pansion est un pseudo- plateau, c’est-à-dire une droite à pente très faible, mais non nulle [CAR 02].
Un autre résultat des travaux de Larive est la mise en évidence du caractère ani-
sotrope du gonflement libre dû à l’alcali-réaction : le rapport (gonflement longi-
tudinal)/(gonflement transversal) avoisine 2 dans les expériences rapportées.
Par la suite, l’évolution des modélisations a obéi à deux impératifs :
1) tenir compte du caractère anisotrope de l’endommagement ;
2) s’approcher au mieux du comportement rhéologique du béton sous charge : ce
matériau a été successivement assimilé à un corps élastique, puis élastoplastique,
élastoplastique avec endommagement et, enfin, viscoélasto-plastique avec en-
dommagement [LAR 96, SEL 97, CAP 03, LIK 04]. En outre, certains modèles
ont pris en compte le fait que toutes les grandeurs caractéristiques du matériau
évolutif ne sont pas déterministes mais doivent relever d’une approche probabi-
liste [SEL 06].
À la date de la rédaction de ce chapitre, la littérature montre que plusieurs mo-
délisations rendent compte du caractère complexe des interactions entre l’alcali-
réaction, l’anisotropie des endommagements et le fluage du béton. À l’échelle
des temps, la pression engendrée par le gel se développe en une ou plusieurs dé-
cennies ; le béton manifeste dans son comportement rhéologique une composan-
te visqueuse importante, surtout lorsqu’il est très humide comme c’est le cas des
structures atteintes par l’alcali-réaction. Il en résulte que sur ces longues pério-
des les gonflements provoqués par l’alcali-réaction et les déformations de fluage
sont intimement liés : le béton étant endommagé par la réaction voit sa vitesse
de fluage augmenter. Les déformations de l’ouvrage peuvent alors se poursuivre
sous l’action concomitante des deux phénomènes.
534
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
La modélisation décrite par Grimal et al. [GRI 05] intègre ces données et a permis
de retrouver les fortes anisotropies, rapportées par plusieurs chercheurs, dont
Multon et al. [MUL 05] dans des expériences de chargement en laboratoire sur
cylindres ou sur poutres armées.
2.6.3. Validation des modèles
Il est évidemment nécessaire de s’assurer de la pertinence du modèle à décrire un
cas d’endommagement donné. Pour ce faire, chaque modélisation a utilisé une
méthodologie qui lui est propre. On peut, toutefois retrouver des points communs
dans les procédures de validation :
– la calibration du modèle se fait à partir de courbes de gonflement obtenues en
laboratoire en utilisant les paramètres caractéristiques ;
– la validation s’effectue le plus souvent en deux étapes :
– par comparaison de la courbe prédite et de celle qui est obtenue expérimen-
talement, soit par un test de gonflement (par exemple un essai de perfor-
mance béton NF P18-454) soit par un essai de mesure de gonflement
résiduel de carottes prélevées dans un ouvrage,
– par comparaison avec les mesures in situ. On essaie de reconstituer l’his-
toire hydrique, thermique, mécanique de la structure puis on effectue une
analyse inverse qui conduit aux valeurs les plus satisfaisantes des paramè-
tres caractéristiques.
2.7. Ouvrage en service atteint par l’alcali-réaction
Dans ce cas se pose le problème de bien évaluer le niveau de risque qu’il y a à
garder en service une structure atteinte par l’alcali-réaction. Même si l’affirma-
tion de la première édition de ce livre (§ 3.3.4) « aucun ouvrage ou partie d’ouvra-
ge ne s’est effondré jusqu’à maintenant (en 1991) par suite du seul phénomène de
d’alcali-réaction » est toujours vraie, il ne faut pas sous-estimer l’importance du
problème. En effet, au moins une dizaine de ponts et passerelles ont été démolis
en France [24], toutefois, Godart [GOD 93] fait remarquer que les structures abat-
tues présentaient d’autres défauts majeurs. Par ailleurs, même s’ils ne sont pas
gravement atteints, la même source [24] indique que 400 ouvrages environ sont
concernés par l’alcali-réaction, alors que, de son côté, Électricité de France dé-
nombre dans son parc de barrages en béton environ 30 % de barrage atteints.
Dès lors qu’on a constaté qu’un ouvrage est atteint par l’alcali-réaction, se pose
la question de déterminer le niveau de risque qu’il y a à garder la structure telle
quelle en service.
La réponse à cette question demande que :
– l’on évalue précisément l’état d’endommagement actuel ;
535
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
536
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
Stiffness Damage Test [CHR 93]. Une carotte est soumise à 5 cycles de charge-
ment/déchargement entre 0 et 5,5 MPa. Les deux paramètres représentatifs du de-
gré d’endommagement sont (a) le module d’élasticité correspondant au premier
chargement, (b) l’énergie dissipée durant les quatre derniers cycles (on peut revoir
la figure 11.3).
537
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
538
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
539
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dès lors que le degré de fissuration du béton est le facteur essentiel qui commande
la profondeur de pénétration du lithium, il se pose la question suivante : à quel
moment faut-il traiter un ouvrage dont la fissuration progresse avec le temps?
1 2
Âge
Figure 11.22 : schématisation des évolutions comparées de la dégradation (2)
et de la résistance à la pénétration de lithium (1), d’après [THO 04].
Si le traitement est appliqué trop tôt, il est inefficace car non pénétrant : trop tard implique que les dé-
gâts sont irréversibles donc incurables.
Thomas et Stokes résument la situation sur la figure 11.22 et suggèrent que l’op-
timum correspond à une expansion de l’ordre de 1.10–3.
2.7.3.3. Relâchement des contraintes
Un traitement propre aux barrages, consiste à relâcher les contraintes en réalisant
des saignées par sciage. Il a été appliqué, notamment, aux barrages de Beauhar-
nois et Mactaquac (au Canada), du Chambon (en France) : dans ce dernier cas,
trois campagnes de sciage (1995-1997) ont permis de réduire une contrainte de
compression parasite, évaluée à 5 MPa, en diminuant l’effet « voûte » exercé sur
les appuis et en redonnant à cet ouvrage son fonctionnement de barrage-poids
[DEL 00].
2.7.3.4. Renforcement par des armatures
Une structure endommagée par l’alcali-réaction peut être renforcée par la pose
d’armatures actives ou passives. Ces armatures constituent un réseau soit unidi-
rectionnel, soit bi ou tridirectionnel suivant l’effet recherché : une armature agit
en effet de façon anisotrope et ne s’oppose qu’au gonflement suivant sa direction.
Cette technique a été employée dans des ouvrages variés : appuis de pont [24], pi-
les du barrage du Temple-sur-Lot [DEL 00], massifs de fondation de pylônes de
lignes électriques [DUR 00]. Dans ces derniers cas, les massifs ont été épinglés
par des barres d’acier ∅ 25 mm et recouverts par une couche de nouveau béton ;
dans les deux ans suivant la réparation la vitesse moyenne d’expansion est passée
540
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
Le document récent Conception des bétons pour une durée de vie donnée des
ouvrages, [19, p. 26] propose un déroulement d’une telle approche performantielle :
1) définition de la catégorie de l’ouvrage : fonction, durée de vie ;
2) définition des conditions environnementales ;
3) définition des risques de dégradation : par exemple alcali-réaction ;
4) choix des indicateurs de durabilité en fonction de 1, 2 et 3 ;
5) sélection des spécifications relatives à ces indicateurs de durabilité ;
6) formulation des bétons devant satisfaire à ces spécifications ;
7) qualification des formules par des essais en laboratoire ;
8) choix d’un modèle prédictif de durée de vie.
541
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
542
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
Classe 3
Parties intérieures et extérieures exposées au gel et aux fondants
Environnement humide
salins.
avec gel et fondants
Classe d’environnement
Catégorie d’ouvrage
1 2 3 4
I A A A A
II A B B B
III C C C C
Le niveau A, correspondant aux risques les plus faibles, ne demande pas de pré-
caution particulière pour contrer l’alcali-réaction : la mise en œuvre du béton doit
simplement respecter les règles de l’art pour bétons usuels.
543
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
544
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
biais de ciments composés (CEM II, CEM III, CEM V), soit par introduction di-
recte dans le malaxeur à béton.
L’appréciation de leur efficacité dans la formulation proposée revient la plupart
du temps à déterminer la quantité à employer : elle se fait, soit par application
d’un critère analytique (démarche possible dans le cas de bétons dont le liant a une
composition de CEM II, CEM III, CEM V), soit par mesure d’expansion sur béton
(procédure recommandée, notamment pour les fumées de silice).
Tableau 11.5 : schéma méthodologique de prévention de l’alcali-réaction
pour un niveau de prévention donnée, d’après [18].
NIVEAU DE PRÉVENTION
A B C
Est-elle acceptable ?
Une seule réponse positive aux cinq questions posées est nécessaire et suffisante
pour que la formulation soit satisfaisante.
Pour déborder du cadre français, on citera le projet d’édicter des spécifications in-
ternationales, confié à la Rilem. Cet organisme a publié un brouillon de ses pro-
positions [31] qui est reproduit en annexe 5. La démarche proposée s’apparente
545
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
546
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
chiffrés, pour ces indicateurs. En outre, les indications des tests peuvent traduire
la cinétique du phénomène de gonflement, et sont, de ce fait, utilisables dans les
modélisations prédictives mentionnées en 2.6.
2.8.3.1. Qualification des granulats vis-à-vis de l’alcali-réaction
Face aux alcalins dans un béton, un granulat peut manifester trois types de com-
portement, définis en ces termes par le fascicule FD P18-542 (ainsi que XP P18-
540) :
– granulats NR. Quelles que soient les conditions d’utilisation, ces granulats sont
non réactifs et ne conduiront pas à des désordres par alcali-réaction ;
– granulats PR. Dans certaines conditions, ces granulats sont potentiellement
réactifs et donc susceptibles de conduire à des désordres par alcali-réaction ;
– granulats PRP. Ces granulats sont potentiellement réactifs avec effet de pessi-
mum. Bien que riches en silice réactive, ils n’entraîneront pas de désordre si on
les utilise en tenant compte des conditions du document [18].
Il existe plusieurs groupes de méthodes pour classifier un granulat :
– méthodes pétrographiques couplant diagnose macroscopique, examen de
lames minces, analyse chimique ;
– essai de cinétique chimique, dans lequel on mesure l’évolution des concentra-
tions en SiO2 et Na2O d’une solution alcaline renfermant le granulat à tester ;
– essai de stabilité dimensionnelle. On mesure les variations dimensionnelles de
mortiers ou bétons renfermant les granulats à tester, conservés suivant des condi-
tions et des âges variables suivant l’essai.
Toute qualification de granulat doit obligatoirement débuter par son
identification : composition chimique, constitution minéralogique quantitative.
Dans certains cas, la classification du matériau est possible au terme de cette pre-
mière étape. Sinon, elle demande des essais supplémentaires à pratiquer suivant
le cheminement illustré par la figure 11.23 tirée du fascicule FD P18-542.
547
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
IDENTIFICATION
Roches OUI
carbonatées avec
SiO2 < 4 %
ÉTUDE PÉTROGRAPHIQUE
Espèces OUI
minérales réactives
<4%
OUI NON*
Silex > 70 %
PR
NR
ESSAI CRIBLE
Qualification
PRP
ESSAI À LONG TERME
PR
OUI
Expansion > Seuil
OUI NON
40 % < silex < 70 %
Plusieurs essais sont envisageables, qui n’ont pas la même valeur ni la même du-
rée. C’est ainsi qu’un essai crible est un essai fortement accéléré qui, en moins
548
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
d’une semaine, classifie un granulat NR, PR ou PRP, mais avec un certain degré
d’incertitude.
En cela, il diffère d’un essai à long terme, qui étant moins accéléré, se rapproche
plus des conditions réelles des ouvrages et qui, de ce fait en cas de désaccord avec
la qualification d’un essai crible, emporte la décision. Enfin dans les essais crible,
il existe un essai de référence, dont l’emploi doit être privilégié, à côté d’essais
alternatifs.
Essai accéléré à l’autoclave, sur mortier - Norme XP P18-594
C’est l’essai crible de référence. Il mesure les variations dimensionnelles d’éprou-
vettes 4 × 4 × 16 cm de mortiers, gâchés avec une eau renfermant NaOH pour ob-
tenir une teneur en Na2Oéq. égale à 4 % de la masse de ciment, et autoclavés
durant 5 h à 127 °C et 0,15 MPa.
La durée totale de l’essai est de 5 jours ; il permet l’étude de sables, de gravillons
(préalablement amenés par broyage à une granulométrie 0-5mm) ou de mélanges.
On confectionnera un seul ou trois mélanges de rapports ciment/granulat égaux à
0,5-1,25 et 2,5 (selon les résultats de l’analyse pétrographiques préalable).
Le critère de non-réactivité est une expansion moyenne inférieure à 0,15 %.
Essai long terme - Norme XP P18-594
C’est un essai de référence, sur béton. Il mesure les variations dimensionnelles
d’éprouvettes 7 × 7 × 28 cm de bétons, fabriqués avec une classe granulaire à tes-
ter couplée à une classe de granulat non réactive (soit sable à tester + gravillon
NR soit sable NR + gravillon à tester) ; le ciment CEM I, qui doit avoir une teneur
en Na2Oéq. comprise entre 0,6 et 1 %, est dosé à 410 kg/m3. Les éprouvettes sont
conservées dans des conteneurs placés dans un réacteur à 38 °C et 100 % HR. El-
les sont pesées et mesurées aux échéances de : 0, 1, 2, 3, 6 et 8 mois.
Le critère de non-réactivité est un allongement relatif moyen inférieur à 0,04 % à
8 mois.
Essais crible alternatif : essai accéléré « Microbar » - Norme XP P18-594
Cet essai mesure l’expansion d’éprouvettes 10 × 10 × 40 mm de mortiers confec-
tionnés avec le granulat amené à l’état de sable 0,16-0,63 mm, un ciment CEM I
renfermant de 0,6 à 1 % de Na2Oéq. Ce mortier est dopé en alcalins, par un ajout
de NaOH tel que la teneur en Na2Oéq. atteigne 1,5 % de la masse de ciment. Trois
mélanges sont préparés aux rapports ciment/granulat égaux à 2, 5 et 10. Après dé-
moulage, les éprouvettes subissent une cure à la vapeur d’eau durant 4 heures,
puis sont placées durant 6 heures dans une solution de KOH à 10 % à une tempé-
rature de 150 °C. Au terme de ce traitement, les éprouvettes sont mesurées :
549
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
2,0
SiO2/Na2O (μmol/l)
1,5 PRP
1,0 PR
0,5
NR
0,0
0 24 48 72 96
Temps (heures)
Figure 11.24 : qualification des granulats suivant les valeurs du rapport SiO2/Na2O
déterminées par l’essai cinétique chimique XP18-594, d’après [14].
550
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
dients et les dosages de la formulation prévus pour le béton d’ouvrage, avec deux
petites modifications éventuelles : les gravillons sont limités à 22,4 mm 1 et la te-
neur en alcalins pourra être légèrement augmentée, pour tenir compte de la varia-
bilité des teneurs en alcalins dans les différents lots de ciments (suivant des
formules citées dans la norme). Les mesures dimensionnelles et les pesées se font
aux échéances de 0, 4, 8, 10, 12 semaines, puis toutes les 4 semaines.
La durée de l’essai et les critères d’interprétation varient suivant la nature des gra-
nulats, la présence ou non d’additions minérales et le type de ciment. Ces critères
sont indiqués au titre 3 du fascicule FD P 18-456.
• 1er cas : bétons avec ciment CEM I et sans addition minérale
a) Les granulats sont soit des roches massives (calcaires, grès, quartzites) soit des
roches meubles (alluvions calcaires ou silico-calcaires, silex, chailles, cherts) :
l’expansion longitudinale moyenne doit être inférieure à 0,02 % à 3 mois et aucu-
ne valeur ne doit dépasser 0,025 %.
b) Autres granulats ou granulats mal identifiés : même seuil critique de 0,02 %
mais à 5 mois.
• 2e cas : autres formules de béton
a) Le gonflement est défini à la fois par sa valeur à 5 mois et par la pente de la
courbe. Les deux prescriptions suivantes doivent être respectées simultanément:
1. l’expansion longitudinale moyenne est inférieure à 0,02 % et aucune valeur
ne dépasse 0,025 % ;
2. les évolutions mensuelles des déformations longitudinales moyennes mesu-
rées au cours des 3e, 4e et 5e mois respectent les conditions suivantes :
– deux de ces trois valeurs sont inférieures à 0,0025 %,
– la somme de ces trois valeurs est inférieure à 0,01 %.
b) Une formulation qui ne respecterait pas ces critères à 5 mois peut être néan-
moins acceptée si la déformation longitudinale moyenne à 1 an est inférieure à
0,03 %, aucune valeur ne devant dépasser 0,035 %.
2.9. Conclusion
Trois conditions sont absolument nécessaires pour que l’alcali-réaction génère de
la microfissuration et de l’expansion dans un ouvrage en béton :
– le granulat est réactif ;
– la concentration en alcalins est élevée dans la solution interstitielle ;
– les conditions d’humidité relative excèdent 80-85 %.
1. Si D > 22,4 mm, on peut concasser la fraction > 22,4 mm et l’inclure dans le granulat.
551
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Si une seule de ces conditions n’est pas satisfaite, il ne sert alors à rien de s’alar-
mer.
L’analyse des données de l’observation des ouvrages et des expériences de labo-
ratoire associées à un examen des normes et règlements préexistants ont conduit
la France, comme d’autres pays, à se doter d’un ensemble cohérent de prescrip-
tions (allant des recommandations aux normes d’essai) qui permet de formuler
des bétons conciliant au mieux la durabilité et l’économie.
S’agissant d’un ouvrage à construire le concepteur est confronté à trois situations :
– pas de précaution autre que celle de suivre les règles de l’art pour les ouvrages
en environnement sec, les bétons de classe inférieure à B16, les ouvrages provi-
soires, les produits en béton manufacturé…
– nécessité d’employer des granulats non réactifs pour les ouvrages exception-
nels (centrales nucléaires, certains ouvrages d’art, monuments), sauf exception
justifiée par une étude expérimentale approfondie ;
– pour la majorité des bâtiments et des ouvrages de génie civil, et si l’on ne dis-
pose pas de granulats non réactifs, il existe des règles et des méthodes qui per-
mettent de composer les bétons pour éviter tout désordre.
S’agissant d’un ouvrage en service atteint par l’alcali-réaction le gestionnaire
d’un ouvrage en service atteint par l’alcali-réaction ne dispose pas à l’heure ac-
tuelle de méthode qui aboutisse à la suppression définitive du phénomène et de
ses effets. Il existe par contre des traitements qui permettent de prolonger la durée
de service de la structure malade. Ces traitements sont à choisir en fonction du
diagnostic des causes des désordres existants et du pronostic de l’évolution de
l’ouvrage, pronostic devenu fiable dans la décennie écoulée, grâce aux apports
couplés de la modélisation et du calcul numérique.
Ce n’est que rarement que l’on est contraint de démolir l’ouvrage.
552
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
Il s’agit d’une réaction sulfatique d’origine interne qui peut se produire dans le
béton durci, sans apport de sulfates extérieurs. Elle est consécutive à une élévation
initiale de température du béton supérieure à 65 °C environ, due soit à un traite-
ment thermique inadapté à la composition du béton (préfabrication), soit à l’exo-
thermie naturelle du matériau. Cette forme d’attaque sulfatique, dont les
conséquences ne se manifestent souvent qu’après plusieurs années lorsque le bé-
ton est soumis à un environnement humide, peut provoquer le gonflement et la fis-
suration du matériau.
Différents cas d’ouvrages dégradés par formation différée d’ettringite sont signa-
lés dans la littérature. Les premiers travaux sur le sujet sont ceux de Ghorab,
Heinz et Ludwig [GHO 81, HEI 86, HEI 89], confirmés par la suite par ceux de
Lawrence [LAW 95], Scrivener [SCR 93] et Johansen [JOH 93] qui ont montré
que l’ettringite primaire formée au cours de l’hydratation du ciment était détruite
par traitement thermique aux températures supérieures à 70 °C, et qu’à ces tem-
pératures sa formation était inhibée. Les cas de dégradation les plus connus sont
ceux de traverses de chemin de fer traitées par étuvage [SCRI 96]. En France, le
Laboratoire des ponts et chaussées a recensé assez récemment quelques ponts,
dont certains éléments (piles, chevêtres) étaient affectés par une réaction sulfati-
que interne [DIV 03, LCPC 07b].
Bien que les cas recensés restent rares, le risque de formation différée d’ettrin-
gite doit être pris en compte chaque fois que le béton subit une élévation de tem-
pérature supérieure à 65 °C et qu’il est placé en environnement saturé
d’humidité. Mais l’élévation de température n’est pas la seule cause de déclen-
chement du phénomène et les autres paramètres tenant au cycle thermique, à la
composition du ciment, à la formulation du béton et à l’environnement, sont à
prendre en considération. Les mesures permettant de limiter les risques de dé-
gradation par formation différée d’ettringite sont examinées au paragraphe 3.7.
553
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Figure 11.25 : réseau de fissures dans une pile de pont en contact avec l’eau,
endommagée par formation différée d’ettringite (photo LCPC extraite de [DIV 03]).
Les désordres qui se manifestent par un réseau de fissures de maille pluridécimétrique, ne sont ap-
parus qu’au bout de 10 ans. Ils sont localisés dans les parties massives de l’ouvrage où des tempé-
ratures de l’ordre de 80 °C ont pu être atteintes. Le béton est en contact direct avec l’eau
indispensable à la formation différée d’ettringite.
554
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
555
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Figure 11.26 : grains de Hadley (H) Figure 11.27 : grains de Hadley comblés
dans un béton de ciment Portland. par l’ettringite (E) Section polie vue au
Fractographie au MEB [HOR 96]. MEB en électrons rétrodiffusés [BRU 05].
La forme primitive des grains de ciment est con- L’ettringite transitoire formée dans la porosité
servée. Les vacuoles sont vides ou contiennent fine des C-S-H recristallise dans les vacuoles
des monosulfoaluminates de calcium hydratés correspondant aux grains de Hadley sous for-
(M) et peuvent contenir également des résidus mes de « pelotes » massives, mal cristallisées.
anhydres (non visibles sur la photographie). Les Sur la photographie sont visibles également :
C-S-H constitutifs de la coquille résiduelle sont les grains de C3S en cours d’hydratation (C)
denses. La cristallisation au refroidissement de avec leur auréole de C-S-H ainsi que les pha-
nanocristaux d’ettringite y développe des pres- ses aluminates et aluminoferrites de calcium
sions très élevées. C3A et C4AF mélangées (F).
Figure 11.28 : veines d’ettringite secon- Figure 11.29 : veine d’ettringite secon-
daire « palissadique »(E). P = pâte de daire (E) dans une canalisation d’amiante
ciment ; G = granulat. Section polie. MEB. étuvée. Fractographie au MEB
Électrons secondaires (photo LERM). (photo LERM).
L’ettringite a recristallisé librement au cours du temps dans les fissures et au contact de granulats
déchaussés à partir de l’ettringite microcristalline expansive formée dans les C-S-H. La disposition
en cristaux plus ou moins parallèles, orientés perpendiculairement aux lèvres de la fissure, est fré-
quemment observée dans les cas de formation différée d’ettringite. Cette ettringite secondaire ne
provoque pas d’expansion.
556
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
557
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
558
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
différée d’ettringite. Les sulfates peuvent provenir du clinker lui-même mais sur-
tout des régulateurs de prise ajoutés au ciment (gypse, hémihydrate ou anhy-
drite). Les solubilités de toutes ces formes de sulfate sont différentes : les
sulfates alcalins sont plus rapidement mis en solution que le gypse et l’anhydrite;
les sulfates contenus en solutions solides dans les minéraux du clinker C3S et
C2S sont libérés plus lentement au cours de l’hydratation du ciment [TAY 98].
Bien que non évaluée aujourd’hui, une influence possible de ces différences de
solubilité sur le processus de formation différée d’ettringite, ne peut être écartée
a priori.
• La teneur en Al2O3 du ciment est souvent associée à la teneur en SO3 sous la
forme du rapport SO3/Al2O3. Certains auteurs [DAY 92] ont constaté que, dans
certaines conditions de traitement thermique et de conservation, des ciments
ayant un rapport SO3/Al2O3 > 0,7 pouvaient conduire à la formation différée
d’ettringite. D’autres auteurs [HEI 89] qualifient l’aptitude au gonflement par
formation différée d’ettringite à l’aide du rapport (SO3)2/Al2O3 où l’alumine est
celle qui est contenue dans C3A. Ils proposent pour ce rapport une valeur sécuri-
taire de 2 en dessous de laquelle il n’y aurait pas de gonflement. Au-delà de cette
valeur les gonflements augmenteraient fortement pour diminuer ensuite lorsque
le rapport atteindrait des valeurs très élevées. Il reste toutefois difficile de définir
un seuil critique fiable pour ces deux rapports, et on n’observe pas de véritable
corrélation entre la valeur de ces rapports et les gonflements comme l’ont montré
les travaux de Odler et al. [ODL 95]. La raison en est que l’alumine dans les
ciments anhydres ou hydratés peut être combinée de différentes manières. La
quantité disponible pour la formation d’ettringite peut être variable d’un ciment à
l’autre en fonction de sa composition chimique et minéralogique. Par exemple, la
formation différée d’ettringite est insignifiante avec les ciments PM ES à haute
résistance aux sulfates, mais elle peut se produire avec des ciments dont la teneur
est aussi basse que 7 % (cf. tableau 11.7). Tout au plus, peut-on constater que les
gonflements peuvent être plus élevés quand les teneurs en sulfates et en C3A
augmentent.
Comme on le voit, les paramètres liés à la composition chimique du béton et du
ciment sont nombreux et interactifs. Il n’est pas possible de les considérer sépa-
rément sachant que leur influence dépend également des autres paramètres liés
au cycle thermique subi par le béton, à la formulation de ce dernier ainsi qu’à
son environnement.
3.3.3. Paramètres liés à la formulation du béton
Le dosage en ciment intervient sur trois facteurs :
– l’exothermie du béton qui détermine la température atteinte par le matériau, les
forts dosages, pour un ciment donné, induisant les échauffements les plus élevés.
559
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
560
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
561
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
[STA 00], qui montre que les cristaux d’ettringite sont formés de colonnes de ca-
tions {Ca3[Al(OH)6].12H2O} où les octaèdres Al(OH)63– sont reliés aux polyè-
dres CaO8, chaque ion aluminium étant lié aux ions Ca2+ avec lesquels il partage
les ions OH-. Les canaux entre les colonnes contiennent les tétraèdres SO42- ainsi
que les molécules d’eau faiblement liées.
Les travaux de Ghorab et al. [GHO 80] montrent qu’à pression et humidité nor-
males la déshydratation de l’ettringite s’effectue selon le schéma suivant :
– entre 45 °C et 50 °C, perte de 1,4 molécule d’eau ;
– entre 50 °C et 125 °C, perte de 22 molécules d’eau. Entre 110 et 146°C un
hydrate contenant 8 molécules d’eau est identifié ;
– entre 160 °C et 180 °C, perte de 2 molécules d’eau. Un hydrate contenant
6 molécules d’eau est identifié dans cet intervalle de température ;
– entre 180 °C et 900 °C, perte progressive de l’eau résiduelle.
D’autres études ont montré que la plus grande partie de l’eau était perdue à envi-
ron 70 °C où la teneur passe de 32 molécules à 10 molécules [DAE 77]. Entre
70 °C et 85 °C, l’ettringite perd les molécules d’eau disposées entre les colonnes
de cations {Ca3[Al(OH)6].12H2O} et devient amorphe [POE 89].
3–
Octaèdres Al (OH)6
2–
Tétraèdres SO4
Molécules H2O
Polyèdres CaO8
562
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
90
80
Température (°C)
70
60
t1
50
t2
40
t3
30
20
10
0
0 50 100 150 200
Temps (heures)
Fig. 11.31 : échauffement d’une pièce massive de béton calculé en différents points
à l’aide du programme CESAR-LCPC au moment de l’échauffement maximal
t1 = cœur ; t3 = peau ; t2 = zone médiane (d’après [DIV 03]).
Des essais adiabatiques ont été réalisés avec des matériaux identiques à ceux utilisés au moment de
la construction en 1980. La pièce de béton d’un volume de 77 m3 a été coulée en une seule fois en
période estivale. Les mesures à l’aide de thermocouples indiquent que la température au cœur du
matériau est restée supérieure à 70°C pendant 5 jours, que le refroidissement de la pièce était très
lent et que le gradient maximal de température entre la peau et le cœur du béton était de 30 °C.
Cet élément du viaduc, soumis à des venues d’eau, a subi des dégradations par
formation différée d’ettringite suivant le mécanisme décrit au paragraphe 3.5.
Des travaux récents [BRU 05] montrent que la durée de l’échauffement est aussi
un paramètre important. Pour une même formule de béton, il n’a pas été observé
de gonflement pour un échauffement de 2 heures à 80 °C (correspondant à un trai-
tement thermique utilisé en préfabrication) ni pour un échauffement de 10 jours à
85 °C alors qu’une forte expansion par formation différée d’ettringite était obser-
vé pour un échauffement de 48 heures à 85 °C. Cet effet, d’une durée d’échauffe-
ment très courte ou très longue (effet pessimum), a aussi été mentionné dans les
travaux de thèse de Pavoine [PAV 03] et de Famy [FAM 99].
3.4.2. Influence des alcalins
L’étude du diagramme CaO-Al2O3-CaSO4-Na2O-H2O à 25°C (cf. chapitre 4)
montre que la solubilité de l’ettringite augmente considérablement avec la con-
563
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
AFt-Ca(OH)2-C3AH6
[Na] =
0 0,015 22,0 0,010
25 °C
250 0,384 1,98 0,060
500 1,98 0,99 0,122
1000 11,22 0,44 0,189
AFt-Ca(OH)2-AFm
[Na] =
0 0,042 16,0 0,042
50 °C
250 17,94 1,35 0,103
500 66,93 0,841 0,155
1000 222 0,547 0,199
AFt-Ca(OH)2-AFm
[Na] =
0 0,41 11,33 0,016
85 °C
250 76,7 2,48 0,283
500 184 2,06 0,354
1000 421 1,70 0,377
564
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
de l’ettringite à partir de la phase liquide est limitée par la faible solubilité du cal-
cium et de l’aluminium. Néanmoins, celle-ci se produit nécessairement au contact
des phases solides du ciment qui contiennent Ca et Al.
3.5. Les mécanismes de gonflement liés à la formation différée
d’ettringite
Le processus d’expansion par formation d’ettringite différée n’est pas encore
complètement élucidé. Toutefois, le mécanisme proposé par Scrivener et al.
[SCR 93, SCR 97, TAY 01] semble assez bien correspondre à la réalité. Ce mé-
canisme, schématisé par la figure 11.32, est le suivant : l’échauffement du béton
(dû à la chaleur d’hydratation ou à l’étuvage) et son maintien pendant une durée
relativement longue à une température supérieure à 65 °C, dans des conditions
physico-chimiques données (teneurs en SO3, Na2O, C3A) inhibe la formation
d’ettringite ou entraîne sa décomposition. Les ions SO42– libérés au cours de cette
décomposition sont fixés dans la pâte de ciment en cours d’hydratation, et, plus
particulièrement, dans les C-S-H, sous forme d’ions physisorbés et, surtout, sous
forme de cristaux nanométriques de monosulfoaluminate de calcium. L’alumine
peut être également fixée sous forme d’hydrogrenats. Éventuellement, des phases
de type syngénite K2Ca(SO4)2.H2O peuvent aussi être présentes. Les monosul-
foaluminates, stables à température élevée, formés aux premiers stades de l’hy-
dratation au cours du cycle thermique subi par le matériau, sont intimement inclus
dans les C-S-H externes.
Lorsque le béton, en conditions humides, revient à la température ordinaire, la so-
lution interstitielle devient sursaturée par rapport à l’ettringite. Cette dernière peut
alors recristalliser sous forme de cristaux nanométriques à micrométriques disper-
sés dans la pâte de ciment et, en particulier, dans les C-S-H externes. Dans ces C-
S-H, qui se distinguent des C-S-H internes « pseudomorphiques » immédiate-
ment en contact avec le grain de C3S en cours d’hydratation, la fine porosité, le
confinement des cristaux ainsi que les conditions locales de sursaturation, favori-
sent le développement de pressions de cristallisation élevées lors de la formation
différée de l’ettringite. Ceci entraîne un gonflement homogène de la pâte de ci-
ment. Ce gonflement provoque la microfissuration de la pâte de ciment et le dé-
chaussement des granulats. Au cours du temps, du fait de la percolation de l’eau
à travers les microfissures, les microcristaux d’ettringite sont redissous et recris-
tallisent dans les espaces libres :
– d’abord dans les cavités correspondant aux grains de Hadley qui pourraient
constituer de petits vases d’expansion où les microcristaux d’ettringite formés
transitoirement dans la très fine porosité des C-S-H en développant des pressions
565
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Après échauffement
Pores AFm
AFt
Le mécanisme proposé par Scrivener et al. est confirmé par les analyses ponctuel-
les élémentaires par spectrométrie X à dispersion d’énergie associée à la micros-
copie électronique à balayage, de la pâte de ciment de deux mortiers A et B traités
thermiquement, l’un non expansif, l’autre expansif. Ces analyses, effectuées,
d’une part, juste après un traitement thermique à 90 °C et, d’autre part, après
566
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
200 jours de cure humide à température ordinaire, sont illustrées par les
figures 11.33a et 11.33b d’après Taylor et al. [TAY 01].
Glasser et al. [GLA 95] propose un mécanisme assez voisin de celui de Scrivener:
le gonflement du béton résulte d’une redistribution des sulfates. À haute tempé-
rature, la solution interstitielle concentre la majeure partie des alcalins qui, asso-
ciés à l’effet de la température, permettent la dissolution de la quasi-totalité des
sulfates initialement présents dans le ciment. Au refroidissement, la diffusion des
ions sulfate dans la porosité provoque la précipitation d’ettringite quand la solu-
tion vient en contact des solides contenant Ca et Al. Ils admettent également que
l’expansion est en relation avec la diffusion des ions sulfate et la précipitation
d’une ettringite de faible densité dans des régions relativement denses de la pâte
de ciment.
S/Ca 0,2 S/Ca
0,2 AFt
AFm
AFm
0,15 0,15
0,1 0,1
0,05 0,05
Phases exemptes Phases exemptes
de sulfates de sulfates
Al/Ca Al/Ca
0 0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3
Microanalyse ponctuelle par spectrométrie X à dispersion d’énergie des C-S-H externes dans deux
mortiers après traitement thermique 12 heures à 90 °C, puis après cure humide de 200 jours à tem-
pérature ordinaire (d’aprèsTaylor et al. [TAY 01]).
AFm = monosulfoaluminate ; AFt = ettringite ; z = après traitement thermique ; = après 200 jours
de cure humide.
Dans le mortier A, immédiatement après traitement thermique (ronds grisés), les C-S-H contiennent
S et Al en proportions variables, soit seuls soit en mélange avec le monosulfoaluminate. Au terme de
la cure humide (losanges), le mortier A ne manifeste aucun gonflement, les C-S-H ont un rapport S /
Ca plus faible (remobilisation des ions sulfate dans la solution interstitielle) et quelques phases telles
que les monocarboaluminates ou des hydrogrenats contenant ou non des sulfates, sont observées.
Aucune tendance vers la formation d’ettringite n’est observée.
Dans le mortier B, immédiatement après traitement thermique (ronds grisés), le rapport S /Ca des C-S-H
(0,07) est significativement plus élevé que celui du mortier A (0,05). Au terme de la cure humide (losan-
ges), le mortier montre un gonflement important. Les rapports S /Ca plus élevés correspondent à la for-
mation d’ettringite intimement mélangée aux C-S-H. La partie basse de la figure 11.33b correspond aux
C-S-H seuls (rapport S/Ca ~ 0,02) ; la partie intermédiaire correspond aux mélanges C-S-H/ettringite où
la proportion d’ettringite peut parfois être élevée. Par ailleurs des dépôts d’ettringite sont observés dans
les fissures ou les pores.
567
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Bien que ces mécanismes correspondent probablement assez bien à la réalité, ils
sont vraisemblablement plus complexes dans le détail et un certain nombre de
questions qui pourraient expliquer le comportement particulier de certains bétons,
restent en suspens :
– la composition des phases AFt, AFm et C-S-H s’écarte généralement des com-
positions théoriques prises en compte et la substitution des ions sulfate par des
ions silicate, carbonate ou hydroxyle dans l’ettringite, peut modifier ses condi-
tions de stabilité. De même, dans les phases AFm, des substitutions d’ions sul-
fate par des ions OH– pourraient également se produire ;
– il est possible également que les phases AFm préexistantes ou formées lors de
la décomposition de l’ettringite soient altérées par le traitement thermique et que
leur restauration au refroidissement puisse être source d’expansion ;
– la possibilité de l’existence d’ettringite amorphisée ayant perdu son eau de
structure lors de l’échauffement du béton est également évoquée. La reprise
d’eau par le produit amorphe pourrait provoquer un gonflement suivant un pro-
cessus de répulsion électrostatique entre les particules colloïdales d’ettringite tel
que celui qui a été proposé par Mehta [MEH 73].
La figure 11.34 résume le mécanisme de dégradation par formation différée d’et-
tringite.
568
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
eFKDXIIHPHQWGXEpWRQW&
étuvage ou exothermie naturelle du béton
Dissolution de l'ettringite
Ɣ)RUPDWLRQGHQDQRFULVWDX[GHPRQRVXOIRDOXPLQDWH$)P
Ɣ$GVRUSWLRQGHVLRQVVXOIDWHHWDOXPLQDWHSDUOHV&±6±+
Milieu humide
3pULRGHGHODWHQFHGHSOXVLHXUVPRLVjSOXVLHXUVDQQpHV
SpQpWUDWLRQGHO
HDXGLIIXVLRQLRQLTXH
Ɣ5HFULVWDOOLVDWLRQGHPLFURFULVWDX[G
HWWULQJLWH
Ɣ3UHVVLRQVGHJRQIOHPHQWFRQWHQXHVSDUOHPDWpULDX
Période d'accélération
Ɣ*RQIOHPHQWKRPRJqQHHWPLFURILVVXUDWLRQGHODSkWHGHFLPHQW
Ɣ'pFKDXVVHPHQWGHVJUDQXODWV
Ɣ([SDQVLRQHWILVVXUDWLRQGXPDWpULDX
Période de stabilisation
ƔeSXLVHPHQWGHVUpDFWLIV
Ɣ5HFULVWDOOLVDWLRQG
HWWULQJLWHVHFRQGDLUHGDQVOHVILVVXUHV
HWDX[LQWHUIDFHVSkWHJUDQXODWV
569
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Année de construction 1955 1967 1980 1988 1990 1982 1988 1989
Paramètres liés
à la température
– T max (°C) > 80 > 80 > 80 > 75 > 80 > 70 > 75 > 75
– période août inconnue août-sept. juillet août juillet juillet juillet
de bétonnage août sept. août août août
Paramètres liés au
ciment :
– SO3 (% massique) 2,5 2,7 2,6 2,5 2,8 3,2 2,2 3,5
– C3A (% massique) 11,2 9,6 9,8 7,0 8,2 11 7,1 10,1
Paramètres liés
au béton :
– dosage en ciment
(kg/m3) 430 430 400 380 410 350 385 400
– rapport E/C 0,50 0,50 0,47 0,54 0,46 0,49 0,48 0,50
– nature des granulats siliceux siliceux silico- siliceux siliceux silico- siliceux silico-
– teneur en Na2O calcaire calcaire calcaire
équivalent (kg/m3) 2,0 4,3 4,0 4,1 2,3 3,0 3,9 4,6
Condensation
Paramètre lié Absence Soumis Soumis Absence
Problème Alternance Zone de Zone de
à l’environnement de aux aux de
étanchéité humidification/ marnage marnage
– humidité drainage intempéries intempéries drainage
séchage
570
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
Les deux autres bétons montrent un gonflement important significatif d’un poten-
tiel de dégradation ultérieur.
Des mesures sont fréquemment effectuées sur l’ouvrage lui-même dont certaines
parties peuvent être équipées de plots scellés permettant de suivre les déforma-
tions en fonction du temps dans différentes directions. Les techniques utilisées
sont la distancemétrie par fil d’invar et par infrarouge ou l’extensométrie
[LCP 03].
0,4
0,368 %
0,3
Expansion (%)
0,278 %
0,025 %
0
0 50 100 150 200 250 350
Temps (jours)
3.7.1. Réglementation
La norme NF EN 206-1 Béton, Partie 1 : « Spécification, performances, produc-
tion et conformité » qui définit, en fonction des classes d’exposition, les prescrip-
tions censées garantir la durabilité des structures ou des éléments de structure en
béton, ne prévoit aucune disposition spécifique en ce qui concerne les risques de
formation différée d’ettringite.
La norme NF EN 13230 Applications ferroviaires - Voie - Traverses et supports
en béton, Partie 1 : « Prescriptions générales » précise les modalités à respecter
en termes de traitement thermique pour éviter les risques de gonflement par for-
571
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
mation différée d’ettringite. Les prescriptions de cette norme sont rappelées suc-
cinctement dans le tableau 11.9 plus loin.
La norme NF EN 13369 Règles communes pour les produits préfabriqués en bé-
ton, relative au traitement thermique et à la cure des produits structuraux préfabri-
qués donne les recommandations suivantes :
« Dans le cas où un traitement thermique à pression atmosphérique est appliqué
au béton pendant sa fabrication afin d’accélérer son durcissement, il doit être dé-
montré par des essais initiaux que la résistance requise est obtenue pour chaque
famille de béton » ;
« Pour éviter la microfissuration et/ou une mauvaise durabilité, les conditions sui-
vantes doivent être remplies à moins qu’une expérience antérieure positive n’ait
montré que ces prescriptions ne sont pas nécessaires : une période de préchauffa-
ge adéquate doit être appliquée lorsque le traitement thermique implique une tem-
pérature maximale moyenne supérieure à 40 °C. Quand la température moyenne
maximale dépasse 40 °C, les différences de températures entre parties adjacentes
des éléments doivent être limitées à 20 °C pendant les périodes de montée en tem-
pérature et de refroidissement » ;
« La période de préchauffage et la vitesse de montée en température doivent être
documentées » ;
« Pendant le chauffage et le refroidissement la température maximale moyenne
ne doit pas dépasser les valeurs du tableau 11.8 ci-dessous. Toutefois, des tempé-
ratures supérieures peuvent être acceptées sous réserve que la durabilité du béton
sous les conditions environnementales prévues ait été démontrée par une expé-
rience positive à long terme. »
Tableau 11.8 : conditions à respecter lors d’une hydratation accélérée
suivant la norme NF EN 13369.
(a) T est la température maximale moyenne dans le béton, les valeurs individuelles peuvent être su-
périeures de 5 °C.
(b) quand 70 °C < T ≤ 85 °C des essais initiaux doivent avoir démontré que la résistance requise est
respectée à 90 jours.
« Pour les environnements humide ou alternance d’humidité et de séchage, en l’ab-
sence d’expérience positive à long terme, la pertinence du traitement à plus haute
température doit être démontrée. Les limites suivantes peuvent servir de base pour
cette démonstration : pour le béton teneur en Na2O équivalent 3,5 kg/m3 ; pour le
ciment : teneur en SO3 3,5 % en masse. Dans ce cas, selon le matériau et les condi-
572
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
tions climatiques, des prescriptions plus sévères peuvent être appliquées au traite-
ment thermique des éléments destinés, dans certaines zones, à être placés à
l’extérieur. Les limites précédentes sur Na2O éq. et sur la teneur en SO3 peuvent
évoluer ou, des limites sur d’autres composants peuvent être instituées selon les ac-
quis de l’expérience scientifique ou technique. Il convient que les toutes dernières
connaissances soient prises en compte. »
Le tableau 11.9 publié par Divet [DIV 00] résume les recommandations profes-
sionnelles de différents pays en ce qui concerne le traitement thermique. Ces re-
commandations sont destinées à éviter les fissurations d’origine thermique ainsi
que celles qui pourraient être provoquées par la formation différée d’ettringite. Ces
règles, très restrictives, s’appliquent quel que soit le type de ciment et de béton.
Tableau 11.9 : recommandations de différents pays pour la réalisation
des traitements thermiques, d’après Divet [DIV 00].
Département anglais
T° ambiante, 4 heures < 20 70 du Transport
[Law 90]
573
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
574
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
Quatre niveaux de prévention As, Bs, Cs et Ds sont définis. Leur choix, de la res-
ponsabilité du maître d’ouvrage, peut se faire à l’aide du tableau 11.12. Chaque
niveau de prévention correspond à un type de précaution à appliquer, la plus im-
portante étant la limitation de la température maximale atteinte par le béton et
éventuellement sa durée de maintien. Le tableau 11.13 résume les précautions à
prendre pour chacun des niveaux de prévention.
575
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
* Le traitement thermique maîtrisé peut être réalisé en usine de préfabrication ou dans des installa-
tions adéquates sur chantier.
576
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
– éviter les contacts prolongés avec l’eau de la pièce critique1 pendant la durée
d’utilisation de la structure ;
– limiter la température maximale atteinte au sein du béton des pièces critiques ;
– maîtriser le traitement thermique des éléments préfabriqués.
Dispositions liées à la conception et au dimensionnement des ouvrages
pour éviter les contacts prolongés avec l’eau
L’ouvrage doit être conçu de manière à éviter, dans la mesure du possible, de
créer des zones d’accumulations et de stagnations d’eau et des cheminements pré-
férentiels dus aux ruissellements, ce qui nécessite de prévoir des profils et des for-
mes de pente permettant une évacuation rapide des eaux.
Il est aussi possible de mettre en œuvre des dispositions pour éviter la pénétration
d’eau et d’humidité au sein des structures en béton :
– soit en assurant l’étanchéité de la pièce critique,
– soit en assurant l’étanchéité des éléments de structure abritant la pièce critique
et en prévoyant des dispositifs d’évacuation des eaux.
C’est notamment le cas avec les tabliers de ponts où il est exigé de mettre en œu-
vre une chape d’étanchéité2 et de prévoir des dispositifs d’évacuation des eaux
qui soient efficaces et entretenus régulièrement. L’application d’un système
d’étanchéité (chape) adapté peut permettre de classer l’ouvrage ou la partie
d’ouvrage en XH1, mais il faut bien considérer que la pérennité de ce système
d’étanchéité nécessite un remplacement régulier de celui-ci.
Parmi les autres revêtements susceptibles de limiter la pénétration d’humidité et/
ou d’eau, les plus utilisés sont les revêtements de protection : peintures, revête-
ments minces, imprégnation… (cf. Guide LCPC Protection des bétons [LCP 02]).
L’application d’une peinture est une solution qui n’a qu’une très faible efficacité
pour lutter contre les effets de la réaction sulfatique interne et n’est donc pas re-
commandée. L’application d’un revêtement de protection du béton d’épaisseur
plus importante (quelques millimètres) constitue une voie de protection, à condi-
tion de faire appel à des systèmes suffisamment étanches (y compris à la vapeur
d’eau). Cependant, ce type de revêtement garde son efficacité pendant une durée
de vie limitée (de l’ordre de la dizaine d’années…), ce qui nécessite plusieurs
1. Pièce critique : pièce en béton pour laquelle la chaleur dégagée n’est que très partiellement éva-
cuée vers l’extérieur et conduit à une élévation importante de la température du béton.
2. Pour les parties horizontales des tabliers des ponts supportant un trafic routier, le document de
référence est le fascicule 67 du CCTG , titre I qui est complété par la procédure d’avis technique du
SETRA. Sur les dispositions techniques à mettre en œuvre, le guide STER 81, publié par le
SETRA, et ses deux mises à jour sont les documents à utiliser.
577
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
578
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
Sable silico-calcaire
750 0,80 600
(secs)
Total 2 618
Ce tableau montre qu’en raison de leur présence en grande quantité les granulats
(gravillons + sable) pèsent lourdement en terme de capacité calorifique dans le
mélange ; cela signifie qu’un changement de température des granulats provoque-
ra le changement de température le plus important au niveau du mélange. Ce ta-
bleau montre également que l’eau de gâchage a un poids important dans la chaleur
du mélange, et que sa substitution par de la glace peut entraîner un abaissement
579
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
significatif de la chaleur du mélange (il faut dans ce cas prendre en compte la cha-
leur de fusion de la glace qui est de 334 kJ/kg).
La température du béton à la mise en œuvre doit être tenue sous contrôle et peut
être abaissée par différentes méthodes :
– utilisation d’eau de gâchage froide ou réfrigérée ;
– refroidissement des granulats (pulvérisation d’eau sur les gravillons) ;
– protection des stocks de granulats vis-à-vis de l’ensoleillement ;
– substitution d’une partie de l’eau de gâchage par de la glace.
Les deux premières méthodes sont relativement simples à mettre en œuvre même
si elles nécessitent un matériel adapté qui n’est pas présent en général sur les cen-
trales de béton prêt à l’emploi. L’utilisation de glace est plus délicate et nécessite
des installations lourdes. Il faut en particulier recourir à un temps de malaxage
prolongé pour garantir une fusion complète.
La technique d’injection d’azote liquide dans le malaxeur à béton ou dans la tou-
pie peut être intéressante mais elle est très peu utilisée car très onéreuse et techni-
quement compliquée.
À titre d’exemple, les ordres de grandeur de l’impact potentiel des différents pa-
ramètres évoqués ci-dessus sur la température maximale atteinte sont :
– avec un gâchage à l’eau froide à 4 °C au lieu de 20 °C, le refroidissement est de
3 °C environ ;
– l’arrosage des gravillons avec de l’eau froide permettant d’abaisser leur tempé-
rature de 10 °C, conduit à un refroidissement de 3 °C environ.
Note. Il convient de tenir compte de la température du ciment lors de sa livraison.
En effet, un ciment qui vient d’être fabriqué en usine peut atteindre une température
élevée (à titre indicatif supérieure à 50 °C). À titre d’exemple, une augmentation de
10 °C du ciment élève de 1 °C la température du béton.
580
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
581
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Tp
Gm Gr
To
t1 t2 t3 t4
Pré- Montée Phase de palier Refroidissement
traitement en
température
582
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
• Phase de prétraitement
La phase de prétraitement est destinée à procurer au béton une cohésion suffisante
pour qu’il puisse absorber les efforts internes occasionnés par la dilatation ther-
mique de ses constituants, en particulier de l’eau et de l’air, au moment de l’élé-
vation en température. La période de prétraitement doit être d’autant plus longue
que la vitesse de montée en température de la phase qui va lui succéder est élevée
et que la prise du béton est lente (figure 11.37).
Durée du prétraitement (heure)
5h
°C
e 15
4h ag
lax
e ma
find Ciment CEM I 52,5 N
3h
en °C
e 20
ratur
C
2h mpé 30 °
Te
30 °C Ciment CEM I 52,5 R
1h
10 20 30 40
Vitesse de montée en température de la seconde phase (°C/h)
Figure 11.37 : influence du type de ciment et de la vitesse de montée en température
sur la durée de la phase de prétraitement.
583
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
40
30
Gm max (°C/h) 20
10
0
0 5 10 15 20 25 30 35 40
Re max (cm)
Définition de Remax : considérant l’ensemble des distances les plus courtes qui séparent chaque point
du béton du parement chauffé, le Remax correspond à la plus grande de ces distances (figure 11.39).
Remax
a
Remax
10 cm
T 40
b
T
20
R (e)max = a (a > b)
584
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
60
T (°C)
40
Consigne étuve
Cœur éprouvette
20
0
0 5 10 15
t (heures)
Figure 11.40 : exemple de cycle thermique.
585
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Cet essai de « réactivité potentielle d’une formule de béton vis-à-vis d’une réaction
sulfatique interne » proposé dans le cadre du travail de thèse d’A. Pavoine
[PAV 03], fait l’objet d’un mode opératoire réalisé par le Laboratoire central des
ponts et chaussées [LCP 07a]. Il a également donné lieu à des tests interlaboratoi-
res.
Pour un cycle thermique donné, la sensibilité d’une formule de béton vis-à-vis de
la réaction sulfatique interne est mesurée par un essai de gonflement. Cet essai
comporte quatre phases :
– fabrication des corps d’épreuve : soit des cylindres de dimensions Φ = 110 × L
= 220 mm, soit des prismes de dimensions 70 × 70 × 282 mm ;
– traitement thermique : simulation en laboratoire de l’échauffement auquel sera
soumis le béton dans la réalité (traitement thermique en préfabrication ou
échauffement lié à l’hydratation du ciment dans le cas des pièces massives) ;
– cycles de séchage (température = 38 ± 2 °C et d’humidité relative < 30 %) et
humidification (immersion dans de l’eau à 20 ± 2°C). Cette phase a pour but
d’accélérer les transferts de matières dans les éprouvettes et l’avancement des
réactions ;
– immersion définitive dans de l’eau à 20 ± 2 °C au cours de laquelle les mesures
de gonflement sont effectuées permettant d’évaluer le caractère potentiellement
réactif ou non du couple béton/échauffement.
Tableau 11.15 : composition Tableau 11.16 : formulation des bétons
des deux ciments utilises soumis aux tests interlaboratoires
dans les bétons soumis aux tests (en kg/m3).
interlaboratoires (% massiques).
Ciment A Ciment C Béton A Béton C
Les premiers résultats des tests interlaboratoires réalisés sur deux bétons de for-
mule identique fabriqués avec deux ciments différents (tableaux 11.15 et 11.16)
ont montré que l’essai permettait de discriminer la formule où un risque de for-
mation différée d’ettringite existait, l’autre formule étant a priori non réactive.
Les résultats bruts de 13 laboratoires, présentés lors du colloque de clôture des tra-
vaux du groupe de travail AFGC-RGCU « GranDuBé » [AFG 07b] sont schéma-
586
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
tisés par la figure 11.41. Les deux bétons se distinguent essentiellement par leur
teneur en alcalins, en SO3 et en aluminates, beaucoup plus élevées dans le béton
potentiellement expansif.
0,6
0,5
Allongement (%)
0,4
0,3
Béton A
0,2
0,1
Béton B
0
0 600
Temps (jours)
En résumé :
L’ettringite de formation différée ou réaction sulfatique interne (RSI) doit être
distinguée des autres formes d’ettringite (ettringite primaire et ettringites secon-
daires) en raison des conditions très spécifiques de sa formation : décomposition
thermique lors de la prise et du durcissement, recristallisation différée (échelon-
née sur plusieurs années) au sein des C-S-H avec expansion et fissuration de la
pâte de ciment.
Les paramètres dont dépend la formation différée d’ettringite sont nombreux et
interdépendants :
– environnement : présence d’eau ou humidité relative élevée, température ex-
térieure lors de la mise en œuvre du béton frais ;
– échauffement du béton : T > 65 °C et temps de maintien à la température maxi-
male significatif ;
– composition chimique et minéralogique du ciment et du béton : teneurs en SO3
et C3A du ciment, Na2O équivalent du béton ;
– formulation du béton qui détermine son exothermie : type de ciment, usage
éventuel d’additions, dosage en ciment.
587
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Pour la reconnaissance des différents faciès de l’ettringite et des gels d’alcali-réaction on pourra
se reporter au document élaboré par le groupe de travail AFGC-RGCU « Dégradations du béton
liées à laction des sulfates et aux phénomènes d’alcali-réaction » [AFG 07a].
588
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
589
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
590
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
conduit à la formation des mêmes produits amorphes. Ils en concluent que dans
les bétons contenant des granulats potentiellement réactifs et ayant une teneur en
alcalins élevée (au moins 1 % de Na2O équivalent), les sulfoaluminates ne peu-
vent pas être stables au contact de la solution concentrée en ions silicate générée
par l’attaque de la silice réactive des granulats. Suivant ces mécanismes, les ions
sulfate restent libres dans la solution interstitielle et peuvent diffuser dans le ma-
tériau où ils sont susceptibles de donner lieu à formation d’ettringite, si locale-
ment la concentration en ions silicate est suffisamment basse et si des ions
calcium et aluminate sont disponibles.
Mais, dans les systèmes cimentaires réels les phénomènes d’échanges dynami-
ques entre phases solides et liquides sont importants et peuvent se produire dans
des conditions locales de concentration qui s’écartent plus ou moins des condi-
tions moyennes. On ne connaît pas non plus l’influence de la nature de l’ion sili-
cate dont les degrés d’ionisation et de polymérisation sont variables, sur la
dissolution de l’ettringite. Par ailleurs, la mise en contact d’une solution de silica-
te avec l’hydroxyde de calcium provoque instantanément la coagulation de la so-
lution et la formation d’un gel [WEN 89]. Dans un béton de ciment Portland où
la teneur en Ca(OH)2 est relativement élevée, cela entraîne la consommation ra-
pide des ions silicate. Sauf peut-être au contact direct du granulat, la concentration
en silice de la solution est alors vraisemblablement suffisamment faible pour per-
mettre à l’ettringite de cristalliser. C’est ce qui est observé dans les bétons endom-
magés où l’ettringite peut se trouver en contact et même prendre naissance sur les
gels d’alcali-réaction.
En résumé :
L’ettringite est presque toujours observée dans les bétons atteints d’alcali-réac-
tion. Suivant son origine, cette ettringite peut générer ou non de l’expansion :
– ettringite primaire non expansive provenant de la réaction du gypse avec le
C3A aux premiers stades de l’hydratation ;
– ettringite secondaire non expansive résultant de la recristallisation d’ettringite
primaire ou d’autres formes d’ettringite au cours de l’histoire du béton ;
– ettringite secondaire résultant d’une attaque sulfatique externe associée à l’al-
cali-réaction ;
– ettringite secondaire observée dans des bétons de masse ou dans les bétons
ayant subi une cure thermique : sa distribution autour des granulats déchaussés
par l’expansion de la pâte de ciment peut être un signe de reconnaissance des
réactions sulfatiques internes. Bien qu’associée à l’ettringite de formation diffé-
rée à l’origine du gonflement de la pâte de ciment , elle ne doit pas être confondue
avec cette dernière, difficilement détectable par les méthodes microscopiques
traditionnelles. Cette ettringite secondaire intervient peu sur l’expansion.
591
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
5. CONCLUSION GÉNÉRALE
Les deux principaux types de réactions endogènes ont été présentés : alcali-réac-
tion, d’une part, et réaction de formation différée d’ettringite, d’autre part. Il s’agit
de réactions complexes mettant en jeu de nombreux paramètres interdépendants :
conditions d’échauffement, caractéristiques chimiques et minéralogiques du ci-
ment et du béton, formule du béton, environnement.
En ce qui concerne l’alcali-réaction et, en particulier, les réactions alcali-silice,
qui sont les plus fréquentes en France, les mécanismes commencent à être assez
bien connus ou, tout au moins, les normes et recommandations existantes permet-
tent-elles de concevoir des bétons durables de ce point de vue et de minimiser
autant que possible les risques potentiels.
Le problème le plus important reste certainement le traitement des ouvrages at-
teints pour lesquels se pose la question des moyens de traitement et de réparation.
Mais, là aussi, bien que cette question ne soit pas résolue, la mise en œuvre de so-
lutions simples de protection contre les venues d’eau permet, si ce n’est d’inhiber
la réaction, tout au moins de la ralentir.
De plus, le développement des méthodes de diagnostic associées à l’utilisation de
modèles mathématiques intégrant à la fois les paramètres physico-chimiques de
la réaction à l’échelle du matériau et leurs effets sur le comportement mécanique
de la structure, permettent des prédictions de plus en plus raisonnables et appor-
tent aux gestionnaires d’ouvrage la possibilité d’une gestion rationnelle et écono-
mique des problèmes qu’ils peuvent rencontrer.
En ce qui concerne la formation différée d’ettringite, malgré l’existence de nom-
breuses publications sur le sujet, les mécanismes mis en jeu ainsi que les valeurs
seuils à adopter pour les paramètres déterminants de cette réaction, font encore
l’objet de discussions. La difficulté est due à la grande complexité et à l’interac-
tivité des phénomènes qui interviennent.
Toutefois, des efforts importants ont été faits dans le domaine de la recherche et
du diagnostic qui ont abouti à la publication, en 2007, par le LCPC, de Recom-
mandations pour la prévention des désordres dus à la réaction sulfatique interne.
592
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
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606
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
ANNEXES
A.1. Séquence des réactions de formation d’un gel d’alcali-réaction,
d’après [HOU 04]
Hou et al. proposent la séquence ci-après :
– l’hydratation du ciment forme de la portlandite et un C-S-H riche en Ca dépo-
lymérisé (I) ;
– augmentation des alcalins et du pH, attaque du granulat réactif par les OH– ;
– épuisement de la silice relarguée par combinaison à la portlandite, ce qui
entraîne la formation de C-S-H jusqu’à ce qu’il ne reste plus localement de port-
landite ;
– consommation de la silice qui continue à être libérée, par réaction avec le C-S-H (I)
et formation conséquente d’un C-S-H riche en Si, polymérisé ;
– enfin, accroissement de la concentration de la solution interstitielle en silice et
gélification en un gel A-S-H (gel contenant des alcalins A).
En fait, jusqu’à la formation du gel silico-alcalin A-S-H, cette séquence est iden-
tique à celle de la réaction pouzzolanique.
A.2. Stratégie ISE de détermination du niveau de détérioration
structurale et des mesures à prendre, d’après [DOR 89]
Classe Niveau d’expansion due à l’alcali-réaction, en 10–3
Conditions
de I II III IV V
d’humidité
ferraillage < 0,6 0,6 à 0,9 0,9 à 1,5 1,5 à 2,5 > 2,5
1 A A A B B B C C D E
Sèches 2 A A A B B B C D E E
3 A A A B B C C D E E
1 A A A B B C C D E E
Intermédiaires 2 A A B B C C D E E E
3 A A B B C D D E E E
1 A A B C C D D E E E
Humides 2 A A C C D D E E E E
3 A B C C D D E E E E
Faible Sign. Faible Sign. Faible Sign. Faible Sign. Faible Sign.
Niveau de conséquence des détériorations
607
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
608
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
O O
N
Cause connue ? RECHERCHE des causes
RESULTATS
O
Même
comportement N (incident)
d'autres
ponts ?
(problème
O structural)
Problème Problème
N N
possible de sécurité possible de sécurité
de l'ouvrage de l'ouvrage
Inspection détaillée
PAS D'ACTION O
des autres ponts
O MESURE DE O
RÉHABILITATION
609
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
610
La durabilité des bétons face aux réactions de gonflement endogènes
DÉBUT
S1 S2 S3
Risque faible Risque normal Risque élevé
Caractériser l'environnement 2
E1 E2 E3 E3 E2 E1
Protégé Exposé Exposé+ Exposé+ Exposé Protégé
P2 P2 P3 P3 P2*
P1 Normal Normal Spécial Spécial Normal+
M4
Modifier les propriétés du gel
M3
Réduire l'accès d'humidité
M2
Eviter le taux critique
de silice réactive
M1
Restreindre les alcalins
G. ESCADEILLAS, H. HORNAIN
Résumé
L’attaque chimique du béton résulte essentiellement des réactions de dissolution/
précipitation qui se produisent lorsque les éléments agressifs, par diffusion ioni-
que ou par perméation de la solution, viennent en contact avec les hydrates cal-
ciques du ciment : dissolution de l’hydroxyde de calcium ou lixiviation de la chaux
des C-S-H, précipitation de composés nouveaux nocifs ou non. Les paramètres
qui régissent ces phénomènes sont nombreux et complexes : chimie et minéra-
logie du béton, sa microstructure dont dépendent les propriétés de transfert (per-
méabilité, diffusivité), conditions environnementales.
Les principaux milieux agressifs ainsi que les mécanismes d’attaque qui leur sont
associés, sont passés en revue. Un développement relativement important est
consacré aux milieux les plus courants : eau pure, acides, sulfates, eau de mer
et eaux usées. Les autres milieux : nitrates, chlorures, substances organiques
sont également abordés.
613
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
614
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
1. INTRODUCTION
Ce chapitre concerne les bétons élaborés à partir des ciments courants au sens de
la norme NF EN 197-1 : ciments dont le constituant de base est le clinker Portland
associé à d’autres constituants minéraux naturels (pouzzolanes, calcaires) ou ar-
tificiels (cendres volantes, laitier, fumée de silice).
S’ils sont bien adaptés à leur usage et à leur environnement, et s’ils sont fabriqués
et mis en œuvre suivant les règles de l’art (norme NF EN 206-1, normes de pro-
duits préfabriqués et fascicule 65), ces bétons sont résistants chimiquement et du-
rables. Leur durée de vie1 présumée est d’au moins cinquante ans.
Dans le cas des durées de vie supérieures, de l’ordre de 100 à 120 ans, exigées
pour les grands ouvrages tels que le pont sur le Tage à Lisbonne mis en service en
1998 [HOR 98] ou le viaduc de Millau en France ouvert au trafic en 2004, l’ap-
plication de prescriptions plus sévères ainsi que la mise en œuvre d’une approche
performantielle (traitée au chapitre 8), permettent de concevoir des bétons dura-
bles avec un bon degré de fiabilité.
Du point de vue chimique, le matériau béton constitue un système très complexe
formé d’un squelette granulaire plus ou moins inerte, solidarisé par des hydrates
(C-S-H, hydroxyde de calcium, aluminates…) dont la porosité est irriguée par une
phase liquide interstitielle fortement basique, de pH de l’ordre de 13. La compo-
sition et la structure microporeuse du matériau sont illustrées par la figure 12.1.
20 µm
Figure 12.1 : illustration de la microstructure d’un béton (ciment de type CEM I, granulats
siliceux, E/C = 0,50). Fractographie au microscope électronique à balayage
(photo LERM).
1. Suivant la norme NF EN 206-1, la durée de vie est la période durant laquelle le comportement
du béton dans la structure demeurera à un niveau compatible avec les exigences de performance de
la structure si celle-ci est correctement entretenue.
615
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1 : granulat siliceux de surface plus ou moins rugueuse ; 2 : portlandite Ca(OH)2 en cristaux massifs
précipités au contact du granulat (empilement de cristaux de structure hexagonale vus perpendiculai-
rement au plan principal) ; 3 : C-S-H microgranuleux, microporeux ; 4 : aiguilles d’ettringite non ex-
pansive dans un pore ; 5 : empreinte lisse d’un granulat déchaussé.
La porosité (nanoporosité des C-S-H et porosité capillaire (espaces intergranulaires, vides aux inter-
faces liant/granulats)) conditionne le transfert des agents agressifs dans le matériau par diffusion, per-
méation et capillarité.
Le lecteur se reportera avantageusement au chapitre 3 où sont traitées en détail les questions relati-
ves à la structure poreuse des bétons et à leurs propriétés de transfert.
Par définition, le béton est un matériau évolutif qui, tout au long de son existence,
est le siège de réactions physico-chimiques (présentées en détail dans le chapitre 2),
certes de plus en plus lentes : hydratation des composés anhydres résiduels, échan-
ges ioniques entre phases solides et liquides, phénomènes de dissolution et recris-
tallisation, migration d’ions… En conditions normales de température et
d’humidité, ces transformations n’ont aucun caractère nocif et contribuent plutôt à
la pérennité du matériau.
Toutefois, les équilibres chimiques plus ou moins établis à long terme peuvent
être perturbés sous l’influence du milieu extérieur, en particulier par l’action
d’agents agressifs externes dont il sera principalement question ici. Face à ces
agents agressifs plus acides (eaux pures, sels, acides…), le béton, matériau forte-
ment basique (pH de l’ordre de 13), se trouve en déséquilibre thermodynamique.
À leur contact, des réactions susceptibles de conduire à des dégradations plus ou
moins importantes peuvent se produire.
Dans toutes les réactions de dégradation, l’eau joue un rôle primordial. Indépen-
damment de l’eau normalement contenue dans le béton (solution interstitielle en
équilibre chimique avec les hydrates), un apport d’eau extérieur est nécessaire
(eau liquide ou humidité atmosphérique). D’une part, l’eau est le vecteur des ions
agressifs ; d’autre part, elle est à l’origine du renouvellement de la solution inters-
titielle qui permet aux phénomènes de dissolution/précipitation de se produire.
Par ailleurs, on sait que l’agressivité des gaz dépend de l’humidité relative du mi-
lieu ambiant et que celle des sols est directement en relation avec la percolation
d’eau qui permet d’en dissoudre les éléments nocifs (sols gypseux, par exemple).
Le transport des ions agressifs se fait principalement par perméation des gaz et
des liquides et par diffusion ionique à travers la veine liquide.
Le transport des ions agressifs dans les bétons se fait suivant deux processus prin-
cipaux, superposés, présentés en détail dans le chapitre 3 :
– processus de diffusion sous gradient de concentration, régi par les lois de Fick
(diffusion sans interactions entre les ions diffusant) complétées par la relation de
Nernst-Planck qui prend en compte les interactions entre ions ;
616
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
617
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
et une partie sous forme d’ions CH3CO2– et H+ (ou plus précisément H3O+). La
dissociation sera totale pour un acide fort tel que HCl.
Pour un sel AxBy ↔ xA+(aq)+ yB–(aq) l’équilibre de solubilité (ou la constante
de dissociation) est défini par :
Ks = [A+]x . [B–]y / [AxBy] ou encore par pKs = – log Ks
où [A+] et [B–] représentent les activités1 des ions en solution (assimilables, en
première approximation, à leurs concentrations dans le cas des solutions diluées).
[A+]x . [B–]y représente le produit de solubilité du composé AxBy à l’équilibre, à
la température et à la pression considérées (les pK sont généralement donnés pour
25 °C (298 °K) dans les tables). Si le produit [A+]x . [B–]y est supérieur au produit
de solubilité, la solution est sur-saturée et il y a précipitation de AxBy ; s’il est
inférieur, la solution est sous-saturée et AxBy se dissout.
Par exemple, pour la portlandite Ca(OH)2, base forte dont la dissociation dans
l’eau est complète, la réaction à l’équilibre s’écrit (en négligeant les ions CaOH–
résultant de la complexation du calcium par les ions OH–) :
Ca(OH)2 ↔ Ca2+ + 2OH–
et pKs = – log [Ca2+] [OH–]2 = 5,25 [ADE 96]
soit Ks = 10–5,25 = 5,6.10–6
Les conditions de dissolution et de précipitation d’un composé dépendent égale-
ment des autres espèces ioniques présentes. Par exemple, en présence d’alcalins,
l’apport d’ions OH– modifie l’équilibre ci-dessus et entraîne le précipitation de
Ca(OH)2, ce qui explique la très faible concentration en ions calcium de la solu-
tion interstitielle des bétons, qui contient généralement des hydroxydes alcalins.
La dissolution d’un composé dans l’eau peut être accompagnée du phénomène
d’hydrolyse qui est une réaction particulière qui se produit lors de la dissolution
dans l’eau d’un sel d’acide fort et de base faible (chlorure d’ammonium NH4Cl
par exemple) ou d’un sel de base forte et d’acide faible (C-S-H par exemple) : cet-
te réaction conduit à la décomposition chimique du sel par l’eau et à la dissocia-
tion de l’eau elle-même. Schématiquement, dans le cas d’un sel AB de base forte
et d’acide faible on peut écrire :
AB + H2O ↔ B(OH) + AH
1. L’activité d’un ion est égale à sa concentration molaire affectée d’un coefficient d’activité qui
dépend des interactions ion/solvant.
618
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Dans ce cas, la dissociation de l’eau (H2O ↔ H+ + OH–) n’est pas négligeable par
rapport à celle de l’acide faible AH et, lors de la dissolution du sel AB, on ne pour-
ra éviter la coexistence de AH et OH-, ces derniers primant sur l’acide faible peu
ionisé. La solution résultante aura un caractère basique.
Ainsi, en présence d’eau, les C-S-H se décomposent en Ca(OH)2, base forte, et en
acide silicique H4SiO4, avec dissociation de l’eau : la base forte est complètement
dissociée en Ca2+ et OH–, l’acide silicique est faiblement dissocié en H2SiO42– et
H+ (ou H3O+). Du fait de la dissociation de l’eau, la concentration des ions H+ est
inférieure à celle des ions OH–, ce qui confère un pH basique à la solution. On
peut schématiser le processus de la manière suivante : l’équilibre entre un C-S-H
de rapport CaO/SiO2 = 1,5 et les ions de la solution peut s’écrire par exemple
[FUJ 81] :
1,5CaO.SiO2.2,3H2O ↔ 1,5Ca2+ + H2SiO42– + OH– + 0,8H2O
L’acide silicique étant un acide faible, les ions H2SiO42– déplacent l’équilibre io-
nique de l’eau suivant la réaction :
H2SiO42– + H2O ↔ H3SiO4– + OH– la solution est basique.
En ce qui concerne le béton on parle plus généralement de lixiviation qui, dans sa
définition première, est une opération qui consiste à faire passer lentement un sol-
vant à travers un matériau en couche épaisse afin d’en extraire un ou plusieurs
constituants solubles. C’est le terme souvent employé pour décrire le phénomène
d’extraction progressive des ions calcium (dissolution de Ca(OH)2 et décalcifica-
tion des C-S-H) lors de la percolation des solutions agressives dans le béton. La
lixiviation peut être décrite comme une dissolution progressive résultant d’une
succession d’états d’équilibre entre les hydrates et la solution : au fur et à mesure
que les ions agressifs arrivent au contact des hydrates, l’équilibre entre ces hydra-
tes et la solution interstitielle est rompu ; mais il est aussitôt rétabli par une nou-
velle dissolution des hydrates et/ou par la précipitation d’un nouveau composé
selon que la solution est sous-saturée ou sursaturée par rapport à ce composé. Le
terme de « lessivage » parfois employé, a un sens analogue.
Les composés précipités peuvent être nocifs ou non vis-à-vis de la durabilité du
béton.
À titre d’exemple, la précipitation du carbonate de calcium CaCO3, due à l’action
de l’acide carbonique sur les composés calciques du béton Ca(OH)2 et C-S-H, ré-
duit la porosité de la peau du béton et peut constituer une barrière plus ou moins
protectrice vis-à-vis de la pénétration des substances agressives dans le matériau
[REG 76].
619
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
620
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Actions environnementales
1. Expansion du béton par formation Stade 2
de composés gonflants en relation avec :
Ɣ3pQpWUDWLRQGHO
HDX
±O
DWWDTXHSDUOHVVXOIDWHV
Ɣ3pQpWUDWLRQGHVJD]
±O
DOFDOLUpDFWLRQ
Ɣ3pQpWUDWLRQGHVLRQVDJUHVVLIV
±OHVF\FOHVGHJHOGpJHO 2–
&O–, SO4 )
– la corrosion des aciers
2. Perte de raideur et de résistance
du béton
Fissuration, fragmentation,
perte de masse
1. Holistique : du grec holos qui signifie « tout ». Approche globale proposée par P.K. Mehta
[MEH 94].
621
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
622
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
compacité maximale est obtenue par une large étendue granulaire associée à l’uti-
lisation de fines (calcaires, laitiers, cendres volantes, fumées de silice) venant en
complément ou en substitution du ciment [BAR 99a].
2.3.2. Paramètres liés à l’environnement
Les principaux paramètres à prendre en compte sont les suivants :
• la nature physique de l’agent agressif qui peut être liquide, gazeux ou solide, le
vecteur des composés agressifs pour ces deux derniers étant toujours l’eau apportée
par le milieu extérieur, sans laquelle il n’y a pas de dégradation notable possible.
Les milieux liquides sont essentiellement les eaux pures ou plus ou moins chargées
et des solutions d’acides, de bases et de sels d’origine naturelle ou artificielle.
Les milieux gazeux sont d’origine naturelle, industrielle ou domestique. Il s’agit
par exemple de CO, CO2, SO2, NOx, H2S dans les ouvrages d’assainissement ou
encore le chlore dégagé lors d’incendies. Ces gaz s’oxydent en présence d’humi-
dité. Par condensation dans des conditions données de température et d’humidité,
des solutions agressives peuvent se former lorsqu’on descend en dessous du point
de rosée. Selon le fascicule de documentation FD P18-011, l’agressivité des gaz
est généralement faible dans les environnements d’humidité relative inférieure à
65 %. D’un autre point de vue, il faut rappeler que la diffusion des gaz est faible
dans les bétons saturés. Le cas du CO2 à l’origine de la carbonatation, faible lors-
que l’humidité relative du béton est élevée et maximale lorsque le taux d’humidité
est de l’ordre de 65 %, en est une illustration (voir le chapitre 9).
Les milieux solides sont les sols ou les remblais contenant des substances nocives.
Ici encore, c’est la présence d’eau plus ou moins en mouvement dans le sol qui
permet le passage en solution de l’agent agressif et son transfert dans le béton ;
• la nature chimique de l’agent agressif, sa concentration, son mode d’action
(dissolution/hydrolyse/lixiviation, dissolution/précipitation de composés néofor-
més expansifs ou non) ;
• les conditions climatiques naturelles ou artificielles, générales et locales :
exposition atmosphérique, immersion totale, semi-immersion, zone de marnage
ou encore enfouissement ;
• l’humidité relative du milieu, les atmosphères « sèches » (humidité relative
< 65 % suivant le fascicule de documentation FD P18-011) étant peu favorables
au développement des réactions ;
• la température qui est généralement un facteur d’accélération des réactions1 ;
1. On peut rappeler toutefois que la solubilité de la portlandite Ca (OH)2 diminue quand la tempé-
rature augmente (cf. tableau 12.2).
623
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
624
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
À 25 °C, cette constante vaut 10–1,47, soit [CO2]aq. = 1,22 × 10–5 mol/kg, où
[CO2]aq représente le CO2 moléculaire dissous et le CO2 hydraté (molécule
H2CO3).
Les autres équilibres mis en jeu peuvent s’écrire :
H2O + CO2(aq.) ' HCO3– + H+ pKa1 = 6,345
H2O + HCO3– ' CO32– + H+ pKa2 = 10,33
Ces différentes relations permettent de calculer le pH d’une eau ultra pure en
équilibre avec l’air : pH = 5,63.
625
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
CO2 total
CO2 agressif CO2 équilibrant CO2 des bicarbonates CO2 des carbonates
1. Le milliéquivalent est la masse d’une millimole divisée par la valence : pour CaO par exemple le
milliéquivalent est égal à 56 (masse molaire de CaO) divisé par 2 (valence du calcium) = 28. Le
milliéquivalent correspond à 5 ° hydrotimétrique français.
626
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Eau agressive
pH 6,1 6,3 6,5
10
Courbe d'équilibre
CO2 (mmol/l)
8
de la calcite à 15 °C
Eau incrustante
6 A 6,6
4 6,9
2 7,2
B
0 10 20 30 40 50
TAC (°F)
627
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Portlandite 5,2
Monosulfoaluminate 29,25
Ettringite 43,9
Température (°C) 0 15 20 30 40 50 60
Solubilité (g/L) 1,31 1,29 1,23 1,13 1,04 0,96 0,86
628
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Dans les bétons, le processus d’attaque reste globalement le même que celui décrit
par la figure 12.4. Il dépend beaucoup des propriétés de transfert du matériau mais
aussi de la mobilité du milieu agressif et de son taux de renouvellement. Les silica-
tes et les aluminates, moins solubles, sont attaqués plus tardivement lorsqu’une
grande partie de Ca(OH)2 a déjà été dissoute et que la composition de la solution
interstitielle du béton n’est plus déterminée par l’équilibre avec la portlandite, mais
par l’équilibre avec les autres composés hydratés. La dissolution sélective du cal-
cium de ces derniers provoque un accroissement de la microporosité, en même
temps que le rapport molaire CaO/SiO2 des C-S-H décroît. Les ions alcalins Na+ et
K+, particulièrement mobiles, sont également rapidement lixiviés [KON 91].
Fronts de dissolution
1 2 3 4 5
La dégradation éventuelle peut être due, soit à une érosion superficielle provo-
quée par la circulation d’eau à la surface du béton, soit à une percolation du liqui-
de sous gradient de pression hydraulique à travers le matériau (cas des tunnels,
par exemple). Elle peut conduire à des pertes de masse et d’alcalinité dues en par-
ticulier à la lixiviation du calcium des hydrates, qui induit une augmentation de la
porosité et de la perméabilité. La dégradation peut se traduire également par une
diminution des résistances mécaniques. Le lessivage des ions calcium se manifes-
te souvent visuellement, par la formation de concrétions, de stalactites, de coulu-
res ou d’efflorescences blanchâtres. Ces formations sont dues à la précipitation, à
la surface du béton, de carbonate de calcium à partir de la solution percolante ri-
che en calcium venue au contact du CO2 atmosphérique.
629
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
12
Perte de masse (%)
0
0 3 6 14
Temps (années)
630
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
tant. Le ciment au laitier de haut-fourneau CEM III/A qui donne peu de portlandite et produit des C-S-
H abondants, denses et de rapport molaire C/S relativement faible est plus résistant que le ciment de
type CEM I qui donne beaucoup de portlandite et des C-S-H de rapport C/S plus élevé ( 1,5) plus sen-
sibles au phénomène de lixiviation.
631
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
les pluies dites « acides », dont le pH peut descendre jusqu’à 4 et parfois moins,
sont agressives. L’occurrence de ce type de pluies est en relation principalement
avec la pollution par les oxydes de soufre SOx d’origine industrielle ou domesti-
que (combustion des charbons, fiouls, carburants) qui représentent environ un
tiers de tous les oxydes de soufre de l’atmosphère. Le résultat est la formation
d’acide sulfurique très hygroscopique qui se condense rapidement en gouttelettes
susceptibles de contenir des métaux lourds (mercure, plomb, argent, cadmium) et
des sulfates (d’ammonium, de sodium). Les oxydes d’azote NOx également pré-
sents se transforment en acide nitrique. La composition et le pH des pluies peu-
vent varier en fonction de la saison et des conditions locales. Le tableau 12.3
emprunté à Kreijger [KRE 81] donne quelques exemples de compositions d’eaux
de pluie, relevées en Europe.
Les pluies acides peuvent provoquer des dégradations superficielles suivant des
processus plus ou moins complexes faisant entrer en jeu des phénomènes de dis-
solution dus aux acides (sulfurique, nitrique, carbonique) et d’expansion dus à la
cristallisation de sels, tels que le gypse (salissures des façades) ou l’ettringite.
En ce qui concerne les acides minéraux
Les acides chlorhydrique et nitrique, acides minéraux forts qui par réaction avec
la chaux du ciment donnent naissance respectivement, au chlorure de calcium
CaCl2 et au nitrate de calcium (NO3)2Ca, sels très solubles, sont très agressifs vis-
à-vis des ciments Portland [ZIV 01, ZIV 02].
L’acide sulfurique H2SO4, formé, par exemple, lors de l’oxydation de l’hydrogè-
ne sulfuré produit dans les réseaux d’assainissement [DUG 73] ou par condensa-
tion à partir du SO2 atmosphérique, est doublement agressif par son acidité et par
l’anion SO42– qui peut conduire à la formation de sels expansifs tels que le gypse
et l’ettringite (cf. § 3.5).
L’acide phosphorique H3PO4, qui entraîne la précipitation de phosphates de cal-
cium très peu solubles, est modérément agressif, mais provoque une désintégra-
tion lente du béton.
632
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Tableau 12.3 : compositions d’eaux de pluie en mg/L, d’après Kreijger [KRE 81].
Nombre
180 180 189 138 83
d’échantillons
Période 1955-1969 1955-1969 1956-1969 1960-1961 1956-1962
1. Les acides forts tels que HCl sont complètement dissociés en ions H+ et Cl–. Les acides faibles
tels que l’acide acétique CH3COOH sont faiblement dissociés en ions CH3COO– et H+ et leur
solution renferme le composé sous forme moléculaire.
633
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
dans des porcheries [DEB 97] ont montré que le matériau était fortement attaqué
par l’acide lactique et l’acide acétique provenant des aliments fermentés. Selon
Bertron et al. [BER 04b, BER 05c, BER 07] le processus d’attaque est de même
nature que celui qui est observé avec les acides forts : essentiellement dissolution
des composés calciques avec production de sels de calcium solubles, l’anion
n’ayant aucun effet spécifique. Il faut ajouter qu’aux dégradations d’origine chi-
mique peuvent s’ajouter des phénomènes d’abrasion dus à la circulation des ani-
maux.
Les déjections animales (purins, fumiers) contiennent également les acides acéti-
que, propionique, butyrique, iso-butyrique, tous agressifs [BER 05a]. Bertron et
al. signalent également la présence d’acides gras volatiles très agressifs vis-à-vis
du béton dans les cuves à purins ou à lisiers [BER 04b].
Dans les tourbières et les marécages, les acides humiques sont susceptibles d’at-
teindre des concentrations élevées. Ils peuvent échanger leurs ions H+ avec des
cations de sels neutres et former des acides libres minéraux. Le pH peut s’abaisser
jusqu’à 4.
Indépendamment des moyens supplémentaires de protection qu’il peut être néces-
saire de mettre en œuvre (résines, bitumes et autres revêtements), les mesures à
prendre pour réduire les risques d’attaque par les acides, sont les suivantes :
– bien identifier les risques : nature de(s) (l’)acide(s), concentrations, mode
d’action (mobilité, renouvellement, température…), actions extérieures (piétine-
ment, abrasion…) ;
– utiliser des ciments à faible teneur en chaux, en particulier des ciments avec
ajouts minéraux consommateurs de chaux (laitiers, cendres volantes silico-alu-
mineuses, pouzzolanes réactives, fumées de silice).
Les travaux de Mehta [MEH 85] effectués sur des bétons de faible rapport E/C
contenant soit des fumées de silice soit un ajout de latex styrène-butadiène et sou-
mis à des solutions d’acides chlorhydrique (1 %), sulfurique (1 %), lactique (1 %)
et acétique (5 %), concluent à la meilleure tenue générale des bétons avec fumées
de silice. L’effet du latex se traduirait par un enrobage des hydrates qui les protè-
gerait des agressions chimiques.
Les expériences de Bertron et al. [BER 04a] sur des pâtes de ciments (deux
CEM I dont l’un à faible teneur en C3A, et un ciment au laitier de haut-fourneau)
soumises à un mélange d’acides organiques à pH 4 simulant l’agression accélérée
d’un lisier, montrent l’effet bénéfique du laitier sur les pertes de masse des échan-
tillons et confirment la nécessité de réduire la quantité de chaux et d’augmenter
celle de la silice (figure 12.6). D’autres tests ont été effectués par les mêmes
auteurs sur un ciment au laitier de haut-fourneau et trois ciments Portland ordinai-
634
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
res, le premier sans ajout, le deuxième avec ajout de fumée de silice, le troisième
avec ajout de cendres volantes : l’analyse du comportement des éléments chimi-
ques Ca, Si, Al, Fe et Mg dans chacune des pâtes de ciments, montre l’influence
favorable des éléments Si, Al et Fe sur la résistance chimique des liants vis-à-vis
des acides organiques acétique, propionique, butyrique, iso-butyrique et lactique,
ce dernier étant le plus agressif [BER 05a].
0,35
0,30
1,6
Perte relative de masse
0,25 1
Expansion (10– 3)
1,4
0,20 1,2
1,0
0,15 0,8 2
0,6
0,10 0,4
I I' 3 CEM I
0,2
0,05 CEM I PM/ES
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 CEM
22 III/B
24
0,00 Âge (mois)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Durée d'immersion (semaines)
Des conclusions semblables ont été avancées par De Bélie et al. [DEB 96,
DEB 97], qui classent la résistance des ciments aux attaques par les acides lacti-
que et acétique dans l’ordre suivant, du plus résistant au moins résistant : ciment
au laitier de haut-fourneau, ciment aux cendres volantes, ciment Portland ordinai-
re et ciment Portland sans C3A.
Cependant, il convient de faire attention au choix des critères de durabilité utilisés
pour qualifier un matériau ou un liant (profondeur dégradée, perte relative de
635
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
masse, taux de dissolution des éléments chimiques…) car cela peut conduire à des
classements différents en terme de performances [BER05a, BER06].
Par ailleurs, les études réalisées par Monteny et al. [MON 01] ont montré l’effet
bénéfique de l’addition d’un polymère de type ester styrène-acrylique sur la tenue
des bétons soumis à l’acide sulfurique d’origine biogénique.
La mise en œuvre de béton de haute compacité, susceptible de ralentir de manière
importante le transport des acides au sein du béton, constitue également une bon-
ne mesure de protection.
Toutefois, en cas de risque d’attaque très sévère, il peut être nécessaire d’appli-
quer une protection supplémentaire, les phénomènes de dissolution et d’érosion
superficielle ne pouvant être évités.
3.3. Milieux sulfatiques : dissolution/précipitation/risques d’expansion
3.3.1. Considérations générales
L’action des sulfates sur le béton fait intervenir un certain nombre de phénomènes
physico-chimiques complexes, dépendant de nombreux paramètres (type de sul-
fate, type de ciment, formule du béton, classe d’exposition…). Les réactions chi-
miques auxquelles elle conduit ainsi que leurs conséquences physiques
(augmentation de la porosité, expansion…), peuvent provoquer des dégradations
plus ou moins importantes. Bien que les cas réels d’ouvrages atteints soient rela-
tivement restreints [NEV 04], l’action des sulfates est généralement considérée
comme un risque sérieux. Elle a été l’objet des préoccupations de nombreux cher-
cheurs depuis Vicat, Le Chatelier [LEC 1887], Candlot [CAN 1898], Lafuma
[LAF 29], Thorvaldson [THO 68] et tous ceux qui ont suivi ces pionniers.
Si l’application stricte des normes et des recommandations en la matière (norme
NF EN 206-1, normes des produits préfabriqués et fascicule de documentation FD
P18-011) permet de maîtriser les risques dans la plupart des cas, des questions re-
latives aux différentes réactions mises en jeu, à leur couplage ainsi qu’aux méca-
nismes d’expansion induits, restent posées. Ces questions restent cruciales dans
le contexte actuel où les contraintes écologiques conduisent à utiliser des formu-
les de béton plus complexes incorporant de plus en plus d’additions minérales de
toutes natures. Par ailleurs les exigences de durée de vie de plus en plus longues
demandent une connaissance plus approfondie de tous les mécanismes physico-
chimiques mis en jeu, connaissance qui permettra de fiabiliser les modèles indis-
pensables à la prédiction du comportement des ouvrages à très long terme. Parmi
les modèles en cours de développement on peut citer à titre d’exemple le modèle
déterministe de Marchand et al. [MAR 02, MAL 04]. Par ailleurs le besoin de
connaissances est particulièrement évident dans l’élaboration des barrières ouvra-
636
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
gées destinées à empêcher le relargage des radioéléments issus des déchets ra-
dioactifs [LEB 06].
3.3.2. Origine des sulfates
Les sulfates peuvent avoir différentes origines:
• ils peuvent d’abord provenir du régulateur de prise ajouté au ciment (gypse,
hémi-hydrate, anhydrite) auquel s’ajoutent, en proportions variables, les sulfates
contenus dans le clinker lui-même : sulfates alcalins (arcanite K2SO4, aphtitalite
K3Na(SO4)2, langbeinite Ca2K2(SO4)3) et solutions solides dans les silicates de
calcium [TAY 96]. La teneur en SO3 des ciments est limitée par la norme NF EN
197-1 à 3,3 % ou 4 % selon la classe de résistance du ciment. Sauf dans le cas,
très spécifique, de formation différée d’ettringite traitée au chapitre 11, les sulfa-
tes contenus dans le ciment n’ont pas d’effet nocif ;
• ils peuvent également provenir de l’utilisation de granulats pollués par des sul-
fates d’origine naturelle ou artificielle (gypse, plâtre, anhydrite ou encore pyri-
tes). La norme NF XP P18-545 limite la teneur en soufre total et la teneur en
sulfates solubles dans l’acide des granulats naturels pour béton : les valeurs spé-
cifiées supérieures (vss), fonction de la classe de béton et des autres caractéristi-
ques des granulats. Pour les bétons d’ouvrages d’art et de bâtiment cette valeur
est de 0,4 % exprimée en soufre ou 0,8 % exprimée en SO3 ;
• ils peuvent venir du milieu extérieur où ils se trouvent sous forme solide (sols
gypseux), liquide (eaux naturelles percolant à travers les sols et solutions plus ou
moins concentrées d’origine diverses), ou gazeuse (pollution atmosphérique par
le SO2):
– dans les sols où ils constituent un élément nutritif des plantes, leur concen-
tration moyenne est comprise entre 0,01 % et 0,05 % en masse de sol sec.
Des concentrations beaucoup plus importantes (> 5 %) peuvent se rencon-
trer dans les sols contenant du gypse CaSO4.2H2O ou de l’anhydrite
CaSO4. C’est le cas du bassin parisien par exemple. La décomposition bio-
logique aérobie des matières organiques et l’utilisation d’engrais sont éga-
lement une source possible de sulfates. Le sulfate d’ammonium
SO4(NH4)2, provenant des engrais, est particulièrement agressif. Les sols
peuvent parfois contenir des sulfures de fer (pyrites) qui, par oxydation,
peuvent donner naissance à l’acide sulfurique H2SO4, puis au gypse s’ils
sont en contact de carbonate de calcium ou de chaux. Certains granulats
peuvent également renfermer des inclusions de pyrite susceptibles de con-
duire à la formation de «pustules» inesthétiques sur les parements de béton.
La fiche technique du producteur doit signaler la présence de ces pyrites ou
637
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
638
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
1. C4AF est un terme de la série de solutions solides entre C2F et C6A2F. Les termes proches de
C6A2F qui peuvent être présents dans certains clinkers, sont plus sensibles aux solutions sulfati-
ques.
639
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
La figure 12.7, établie à partir des travaux de Le Bescop et al. [LEB 06] réalisés
sur des pâtes de ciment au contact de solutions très faiblement concentrées en sul-
fate, schématise assez bien le processus de dégradation et confirme bien les deux
mécanismes fondamentaux de dissolution de la chaux et de précipitation de gypse
et d’ettringite.
Toutes ces réactions, qui se produisent à l’échelle microscopique, se traduisent
sur l’ouvrage par l’endommagement du béton, la formation de fissures plus ou
moins importantes et des pertes de raideur et de résistances mécaniques. L’ac-
croissement de la perméabilité dû à la fissuration du matériau peut accélérer les
dégradations.
100
Portlandite
Gypse
80
Ettringite
60
Intensité
40
20
0
0 0,3 0,5 0,8 1,1 1,3 1,5 1,7 1,9 2,5
Profondeur (mm)
Figure 12.7 : distribution de la portlandite, du gypse et de l’ettringite
en fonction de la profondeur dans une pâte de CEM I contenant 10 % de C3A,
au contact d’une solution à 10.10–3 mol/L de Na2SO4, d’après Le Bescop et al. [LEB 06].
Les courbes qui représentent l’évolution de l’intensité relative du pic principal de diffraction des rayons
X (DRX) de la portlandite, du gypse et de l’ettringite en fonction de la profondeur dans le matériau,
font apparaître trois zones successives se recouvrant plus ou moins et progressant au cours du
temps:
– une zone de dissolution totale de la portlandite limitée par un front de dissolution abrupt ;
– une zone assez large de précipitation de l’ettringite qui s’étend un peu au-delà du front de dissolution
de Ca(OH)2 ;
– une zone intermédiaire assez étroite de précipitation du gypse, limitée par le front de dissolution de
la portlandite et se superposant à la zone de précipitation de l’ettringite.
La couche superficielle entre 0 et 0,5 mm est constituée d’un gel de silice hydratée
amorphe qui se traduit par un halo en DRX.
Dans les bétons d’ouvrages qui ont été en contact avec des solutions plus concen-
trées en sulfate, les différents fronts de dégradation peuvent ne pas être aussi bien
différenciés, mais le mécanisme reste globalement le même.
640
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
641
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
642
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Bien que réalisés sur des systèmes chimiques s’éloignant de ceux des ciments
Portland, les travaux de Nikitina et al. [NIK 80], illustrés par les figures 12.8a et
12.8b, montrent bien l’influence de la chaux sur le caractère expansif ou non de
l’ettringite : des mélanges aluminate monocalcique + gypse avec et sans addition
de chaux, ont été testés. En présence de chaux la formation d’ettringite provoque
un gonflement important ; en l’absence de chaux et pour une même quantité d’et-
tringite formée, aucun gonflement n’est observé.
60 8
7
Gonflement (%)
50
Ettringite (%)
6
40
5
30 4
3
20
2
10 1
0 0
0 0,04 0,25 1 2 3 7 28 0 0,04 0,25 1 2 3 7 28
Temps (jours) Temps (jours)
Les essais ont été réalisés sur deux mélanges : 70 % d’un ciment alumineux + 30% de gypse, d’une
part, et 65 % de ciment alumineux + 30 % gypse + 5 % CaO, d’autre part. La mesure des déformations
linéaires des éprouvettes et des quantités d’ettringite formée, montre que pour des quantités égales
643
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
d’ettringite formée, le gonflement du premier mélange sans addition de chaux est extrêmement faible
alors que le gonflement du second mélange est très élevé. La différence de comportement réside
dans le mode de cristallisation de l’ettringite : précipitation dans les espaces libres du liant dans le
premier cas, réaction topochimique au contact des grains d’aluminate, en milieu confiné dans le se-
cond cas. La solubilité de l’ettringite est fortement diminuée par la présence de chaux (cf. tableau
12.5) qui permet l’établissement des conditions particulières de sursaturation locales à l’origine de la
formation de l’ettringite à caractère expansif.
644
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
2
1
Figure 12.9 : ettringite primaire bien Figure 12.10 : 1 = ettringite massive dite
cristallisée ne provoquant pas d’expansion : «mal cristallisée» formée en milieu confiné;
précipitation dans les espaces vides à partir 2 = ettringite secondaire recristallisée à
de la solution (photo LERM). partir de 1 (photo LERM).
Ettringite précoce résultant de la réaction entre le Formation au contact d’un site réactif en milieu
gypse et le C3A. Précipitation en milieu normale- confiné fortement sursaturé. Pression de cristalli-
ment saturé et croissance libre dans la porosité du sation élevée, développement de contraintes loca-
béton. Pression de cristallisation faible. lisées, fissuration du matériau par « effet de coin ».
645
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
646
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
647
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0,4 D 12 %
E/C = 0,80 0,5
0,4
0,3
Expansion (%)
Expansion (%)
0 3 0
1 2 4 2 4 6 8 10
Âge (mois) Âge (mois)
Figure 12.11 : relation entre le rapport E/C Figure 12.12 : relation entre la teneur
d’un mortier et l’expansion en milieu en C3A du ciment et l’expansion
sulfatique, d’après Ouyang [OUY 88]. de mortiers, d’après Ouyang [OUY 88].
Les essais sont réalisés conformément à la norme ASTM C1012 : mortiers contenant 20 % de ciment
et 80 % de sable, immergés dans une solution à 4,3 % de MgSO4 + 2,5 % de Na2SO4. Sur la
figure 12.12 les mortiers ne diffèrent que par leur rapport E/C. Sur la figure 12.13, les mortiers diffèrent
par la teneur en C3A du ciment.
Un rapport E/C élevé entraîne une porosité élevée qui facilite la lixiviation de la chaux et le transfert des
ions sulfates dans le matériau dont le degré d’attaque et le gonflement sont également plus élevés. Le
gonflement du mortier de E/C = 0,80 est environ trois fois plus élevé que celui du mortier de E/C = 0,45.
Plus la teneur en C3A du ciment est élevée plus le gonflement est important. S’agissant ici d’un milieu
très fortement agressif (classe d’exposition XA3 de la norme NF EN 206), seul le ciment à 4% de C3A
donne un gonflement faible.
Bien que le comportement de mortiers ne puisse être extrapolé à celui de bétons, ces essais montrent
bien l’influence des deux paramètres : rapport E/C, dont dépend la compacité du béton, et teneur en
C3A du ciment, dont dépend la formation d’ettringite. Dans un environnement tel que celui qui a été
utilisé ici, la norme NF EN 206-1 prescrirait un béton de rapport E/C 0,45 dosé au moins à 360 kg/m3
d’un ciment résistant aux sulfates selon la norme NF P15-319.
648
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
1. Normes NF EN 15167-1 et 15167-2 pour les laitiers de haut-fourneau ; norme NF EN 450 pour
les cendres volantes ; normes NF EN 12263-1 et 12263-2 pour les fumées de silice ; norme NF
P18-508 pour les additions calcaires ; norme NF P18-509 pour les additions siliceuses.
649
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Figure 12.13 : exemple de microstructure très compacte d’un liant à base de laitier.
1 = laitier anhydre ; 2 = C-S-H denses au contact du grain de laitier.
Fractographie au MEB (Photo LERM).
Au terme de plusieurs dizaines d’années, le béton à base de ciment de type CEM III possède une
compacité très élevée. La surface de rupture de l’échantillon, obtenue par choc à l’aide d’un burin, est
franche et relativement lisse. Le grain de laitier central non complètement hydraté est pseudomorpho-
sé par des C-S-H très denses. La porosité capillaire est extrêmement faible et explique les faibles
coefficients de diffusion des chlorures tels qu’illustrés par la figure 12.14.
650
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Cette propriété est bien illustrée par la figure 12.14 due à Smolczyck [SMO 80]
qui montre que le coefficient de diffusion de l’ion Cl– diminue lorsque la teneur
en laitier augmente.
Laitier/clinker = 0/100 Laitier/clinker = 40/60 Laitier/clinker = 70/30
4
0,7 0,6
Cl– % pondéral
3 0,5
1 0,6
0,7
0,5
0
0 0,5 1 2
Temps (année)
Figure 12.14 : pénétration des chlorures dans des bétons en fonction de la teneur
en laitier du ciment et du rapport E/C, d’après Smolczyck [SMO 80].
Les essais ont été réalisés sur des prismes de béton 100 × 100 × 500 mm conservés dans une solution
de NaCl à 3 mol/L pendant deux ans. Chaque béton est gâché à trois rapports E/C, respectivement
0,70, 0,60 et 0,50. Les mesures de la concentration en ions chlore ont été effectuées dans la tranche
de béton comprise entre 20 et 30 mm. Les quantités de chlorures les plus élevées sont mesurées dans
les bétons sans laitier. Ces quantités sont d’autant plus importantes que le rapport E/C est plus élevé.
À partir de 40 % de laitier la pénétration des chlorures est très fortement réduite et l’influence du rapport
E/C devient faible. Pour 70 % de laitier la pénétration est extrêmement faible, quel que soit le rapport
E/C. Ce comportement est dû au développement d’une microstructure très compacte.
1. Le tableau NA.F.1 de la norme NF EN 206-1 autorise des additions de cendres volantes jusqu’à
30 % dans les bétons soumis aux classes d’environnement XA1 et XA2. Elle ne les autorise pas
pour les environnements de classe XA3. Toutefois la norme NF P18-319 relative aux ciments pour
travaux en milieu à haute teneur en sulfate autorise l’emploi des ciments CEM II/A et II/B pouvant
contenir respectivement jusqu’à 20 % et 35 % de cendres volantes.
651
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
le béton. Il y a lieu de rappeler que les cendres volantes ont une cinétique d’hydra-
tation lente et que leurs effets ne se manifestent pas avant au moins 28 jours d’hy-
dratation mais qu’à long terme elles peuvent avoir des performances très élevées
tant du point de vue des propriétés de transfert que du point de vue des résistances
mécaniques. L’exemple du pont Vasco de Gama construit sur l’estuaire du Tage à
Lisbonne constitue un bon exemple : les bétons dosés à 430 kg/m3 d’un ciment
contenant 22 % de cendres silico-alumineuses peuvent atteindre des coefficients
de diffusion proches de 10–13m2.s–1 et des perméabilités à l’oxygène inférieures à
10–18m2 [LIN 05], valeurs correspondant à des bétons de durabilité élevée selon le
guide AFGC pour la mise en œuvre d’une approche performantielle sur la base
d’indicateurs de durabilité [AFG 04].
En ce qui concerne les fumées de silice, leur emploi a également un impact favo-
rable sur la tenue des bétons vis-à-vis des attaques sulfatiques. La figure 12.16,
établie à partir des travaux de Tang et al. [TAN 92], montre une diminution im-
portante du coefficient de diffusion des ions chlorure en fonction de la teneur en
fumées de silice. Comme dans le cas du laitier de haut-fourneau et des cendres vo-
lantes, l’action bénéfique de cette addition est due à la consommation rapide de la
chaux libérée par l’hydratation du ciment et à la formation concomitante de C-S-
H de rapport CaO/SiO2 plus faible, d’une part, et à l’accroissement important de
compacité du matériau, d’autre part. Cet accroissement est en relation avec l’éten-
due granulaire très large des formulations incorporant des particules aussi fines
que les fumées de silice ( 0,1 µm en moyenne), pourvu bien entendu que la teneur
en fines soit optimisée [BAR 99a].
652
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
100
25 MPa
35 MPa
50 MPa
60 MPa
70 MPa
100
10
Log D (.10–13 m2/s)
2
1 3
Fumées de silice 3
1 1 0%
2 6%
3 12 % 4
0,3
4 24 %
0,1 0,1
0 10 20 30 40 50 1 2 5 10 20 50 100 200
Teneur en cendres volantes (%) Âge (jours)
Figure 12.15 : coefficient de diffusion à Figure 12.16 : évolution du coefficient
28 jours des ions chlorure en fonction de diffusion des ions chlorure en fonction
de la teneur en cendres, de différentes du temps dans des BHP contenant des
classes de béton, dosages croissants en fumées de silice,
d’après Dhir et al. [DHI 93]. d’après Tang et al. [TAN 92].
Les coefficients de diffusion sont mesurés par un essai accéléré de migration sous champ électrique.
Quelle que soit la classe de béton, l’addition de cendres volantes réduit de façon notable le coefficient
de diffusion bien que la mesure à l’échéance de 28 jours soit peu favorable aux cendres qui ne libèrent
leur potentiel hydrauliques que tardivement ( 90 jours). La réduction est de près de deux ordres de
grandeur dans le cas du BHP (70 MPa) à 30 % de cendres. Elle est également importante pour les
bétons courants ( 35 MPa). Les fumées de silice réduisent également fortement le coefficient de dif-
fusion des ions chlorure : par exemple, dans le cas présenté, l’addition de 12 % de fumées de silice
réduit le coefficient de diffusion à 28 jours d’un ordre de grandeur ; l’addition de 24 % de fumées de
silice réduit le coefficient de diffusion à 200 jours de deux ordres de grandeur.
653
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
654
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
655
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
656
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Thaumasite Ettringite
2θ Cu kα Intensité relative 2θ Cu kα Intensité relative
Bien que les cas de dégradation recensés en France jusqu’à présent soient très ra-
res, le risque « thaumasite » est à prendre en considération dans des situations bien
précises.
La formation de thaumasite a été constatée dans des maçonneries anciennes où,
lors de réparations, ont été utilisés des liants à base de chaux et de pouzzolanes ou
des ciments Portland : l’hydratation de ces liants et leur carbonatation donne lieu
à formation de C-S-H, d’aluminates hydratés et de CaCO3. En présence d’eau et
de sulfates, ces composés peuvent conduire à la formation d’ettringite et/ou de
thaumasite [COL 99].
La thaumasite a été identifiée également dans les piles de béton d’un bâtiment
scientifique construit dans l’Arctique [BIC 99] : l’environnement sulfatique et la
657
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Permagel : sol des régions froides gelé en permanence à une certaine profondeur.
658
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
659
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
660
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
661
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Condensation
de l'acide
Transfert H2S sur les parois
Oxydation en H2SO4
AIR
H2S diffusant dans l'air
Biofilm
662
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
663
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Compte tenu des différences de pH finaux des jus obtenus, les attaques acides vis-
à-vis des matériaux cimentaires vont conduire à des résultats sensiblement diffé-
rents [BER 05b] :
– dans le cas du lisier, l’altération se traduit par la combinaison de deux phéno-
mènes : une progressive dissolution des phases initiales de la pâte de ciment avec
une décalcification partielle liée à l’exposition de la matrice à la solution de pH
6-8, et une carbonatation intense de la matrice liée à la respiration des bactéries.
La carbonatation des échantillons, rendue possible par les niveaux de pH, permet
de limiter les cinétiques de dégradation et l’intensité de la décalcification de la
matrice ;
– pour les lactosérums, ou les jus d’ensilage, pour lesquels le pH est de 4, les
mécanismes d’altération se traduisent par une décalcification quasi-totale de la
matrice (figure 12.20) et sont très similaires à ceux obtenus au cours de l’agres-
sion par les acides organiques à pH 4. La zone dégradée des échantillons est
constituée d’oxydes de silicium, aluminium et fer et sa structure est quasi amor-
phe. Ainsi, l’action des acides organiques est prépondérante et les bactéries ne
semblent pas d’avoir d’effet spécifique majeur.
Pour ces environnements, la portlandite étant le premier hydrate attaqué, il con-
vient d’en limiter la teneur en privilégiant les ciments à forte teneur en C2S et les
additions à caractère hydraulique latent (laitier) ou pouzzolanique (cendres volan-
tes, fumées de silice…). Par ailleurs, il convient de fabriquer des bétons compacts
peu perméables, de diffusivité faible, incorporant des granulats résistants aux aci-
des (voir § 3.2 « acides organiques »).
664
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Échantillon
90 Échantillon immergé 35
témoin
Zone dégradée Zone saine
80
30
70
% Oxydes Tot, CaO, SiO2
50 20
% Tot
40 % CaO 15
% SiO2
30 % Al2O3
% Fe2O3 10
% SO3
20
5
10
0 0
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000
Distance à la surface (micromètres)
Figure 12.20 : composition chimique en CaO, SiO2, Al2O3, Fe2O3, SO3 et oxydes totaux,
d’une pâte de CEM I immergée dans le lactosérum (pH 4) pendant 4 semaines
en fonction de la distance par rapport à la surface, et de l’échantillon témoin,
d’après [BER 05b].
Les échantillons cylindriques (φ = 25 mm, h = 75 mm) de pâtes de ciment (E/C = 0,27), ont été con-
servés dans l’eau pendant 27 jours après le démoulage. Ils ont ensuite été immergés dans du lacto-
sérum prélevé en laiterie (rapport massique solide/liquide = 1/30, T° = 20 °C). Les analyses chimiques
ont été effectuées par microsonde électronique sur une section polie. Les diagrammes ont été corri-
gés par rapport à un témoin (titane).
La limite entre les zones 2 et 3 est caractérisée par une chute brutale de la teneur en calcium et de la
somme des teneurs en oxydes. La zone dégradée est constituée quasi exclusivement d’oxydes de
silicium, d’aluminium et de fer. Les teneurs absolues en aluminium et fer sont comparables à celles
du cœur dans la partie interne de la zone dégradée puis deviennent nulles dans la partie externe.
L’échantillon est alors constitué presque exclusivement de silice dans cette zone.
665
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
666
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
les mêmes conditions. Les mêmes bétons conservés dans des solutions de chlo-
rure de potassium demeurent intacts.
Les différences de comportement entre chlorures dépendent du coefficient de dif-
fusion des ions Cl–, lui-même en relation avec le type de cation auquel ils sont
liés. Elles dépendent également du coefficient de diffusion des cations solvatés.
Ces coefficients de diffusion D se classent de la manière suivante [CAL 80] :
– en ce qui concerne les ions Cl– : DCl (MgCl2) > DCl (CaCl2) > DCl (LiCl) > DCl
(KCl) > DCl (NaCl) ;
– en ce qui concerne les cations : D (Mg2+) < D (Ca2+) < D (Na+) < D (K+).
Les mécanismes de dégradation mis en jeu sont essentiellement les suivants :
– dans le cas des chlorures de sodium et potassium : lixiviation du calcium de la
portlandite et des C-S-H et formation de monochloroaluminate de calcium ;
– dans le cas des chlorures de calcium et de magnésium : lixiviation du calcium
de la portlandite et des C-S-H et formation d’oxychlorures expansifs [SMO 68]
accompagnés de brucite Mg(OH)2 et de monochloroaluminate de calcium dans
le cas de MgCl2.
À la dégradation d’origine chimique peut s’ajouter une dégradation d’origine
physique due à la recristallisation des sels lorsque le béton est soumis à des cycles
de séchage/humidification, ou aux pressions osmotiques engendrées par les diffé-
rences de concentrations ioniques au sein du béton. Ce dernier mécanisme, obser-
vé dans les bétons en contact avec des sels de déverglaçage [PIG 95] et
accompagnant le phénomène d’écaillage est traité dans le chapitre 10 consacré au
béton en ambiance hivernale rigoureuse.
• Les phosphates, hormis les phosphates d’ammonium, forment avec la chaux
des sels insolubles et sont peu ou pas agressifs.
• Les oxalates, qui forment également des sels insolubles, n’attaquent pas le
béton.
• Les hydroxydes alcalins. Les solutions à 10 % d’hydroxyde de potassium, de
sodium ou d’ammoniac ne sont pas agressives vis-à-vis du béton de ciment Port-
land. Toutefois, l’accumulation par évaporation de sels sur la face opposée à la
face en contact avec la solution peut provoquer des dégradations par écaillage ou
desquamation. Le risque est faible pour les bétons compacts imperméables.
• Divers. Le tableau 12.9 résume l’action de quelques milieux peu courants.
667
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dans les zones aériennes (XS1), le béton est exposé à l’air véhiculant du sel marin
mais n’est pas en contact avec l’eau de mer.
Béton
Réaction alcali-granulat
et décomposition chimique
des hydrates Marée basse
Armature
Attaques chimiques :
– attaque par le CO2 Zone immergée
– attaque par les ions Mg
– attaque par les sulfates
670
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Les principaux sels qui composent l’eau de mer sont les suivants :
– le chlorure de sodium (NaCl) qui est prépondérant ;
– le chlorure de magnésium (MgCl2) ;
– le sulfate de magnésium (MgSO4) ;
– le sulfate de calcium (CaSO4) ;
– le chlorure de calcium (CaCl2) ;
– le carbonate acide de potassium (KHCO3).
Tableau 12.10 : salinité des différentes eaux de mer.
Origine Salinité en g/L
Mer Baltique 3à8
Mer Noire 18,3 à 22,2
Mer Blanche 26,0 à 29,7
Océan Atlantique 33,5 à 37,4
Océan Pacifique 34,5 à 36,9
Océan Indien 35,5 à 36,7
Mer Méditerranée 38,4 à 41,2
Mer Rouge 50,8 à 58,5
Lac Ontario 72
Mer Caspienne 126,7 à 185
Mer Morte 192,2 à 260
Lac Elton 265
Le tableau 12.11 indique la concentration de ces différentes espèces pour l’océan At-
lantique et la mer Méditerranée où le pH, légèrement basique, est compris entre 8 et 9.
Les observations sur le comportement des ouvrages à la mer sont extrêmement nom-
breuses : elles concernent aussi bien des éprouvettes immergées en eau de mer, dans
diverses stations expérimentales (La Rochelle [REG 75], Treat Island (USA) [MAL
87]) que des constructions en bordure de mer ou en pleine mer (plates-formes pétro-
lières). Voici les conclusions essentielles que l’on peut retenir des synthèses et des
rapports généraux établis lors de récents colloques [MEH 89, MEH 91].
Tableau 12.11 : composition des eaux de l’Atlantique, de la Méditerranée
et d’une eau de mer standard [WIL 75].
Atlantique Méditerranée Eau de mer standard
Espèce ionique
(g/L) (g/L) (g/L)
Cl– 17,8 21,4 20,06
Br– 0,2 0,07
SO42– 2,5 3,06 2,81
CO32– 0,14
Na+ 10 11,6 11,16
K+ 0,3 0,4 0,41
Ca2+ 0,4 0,47 0,42
Mg2+ 1,5 1,8 1,34
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
NaCl MgCl2
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
L’effet global n’est ni la somme des effets individuels, ni proportionnel à une ac-
tion isolée donnée.
Par exemple l’eau de mer est moins agressive qu’une solution de même concen-
tration en sulfate de magnésium en raison de la plus grande solubilité de l’ettrin-
gite et du gypse dans les solutions chlorurées ainsi qu’en raison de la formation
de chloroaluminates de calcium qui consomme une partie de l’alumine (du C3A
et des aluminates hydratés) et de la chaux nécessaires à la formation d’ettringite.
Les principaux mécanismes mis en jeu, fortement imbriqués, sont les suivants :
– dissolution et lixiviation du calcium des composés calciques du béton Ca(OH)2
et C-S-H ou redissolution de composés néoformés à différents niveaux du front
de dégradation (chloro-aluminates, sulfo-aluminates, gypse…). Ces réactions
provoquent un accroissement de la porosité du béton ;
– précipitation de produits pouvant être expansifs (ettringite), de composés inso-
lubles plus ou moins protecteurs (CaCO3, Mg(OH)2) ;
– échange de bases Ca++ ↔ Mg++ avec formation de brucite Mg(OH)2 insolu-
ble, et transformation des C-S-H initiaux en C-M-S-H plus ou moins riches en
magnésium.
L’action des différents sels considérés individuellement est schématisée ci-après.
Action du chlorure de sodium
Ce sel constitue 75 % à 85 % de la salinité respectivement pour l’océan Atlantique
et la mer Méditerranée. Son action est double :
– consommation des ions calcium de la portlandite et des C-S-H, par formation
de chlorure de calcium soluble complètement ionisé, schématisée par la réaction:
Ca(OH)2 + 2NaCl ↔ CaCl2 + 2NaOH
La dissolution de la chaux et la déstructuration des C-S-H provoquent un accrois-
sement de la porosité du matériau ;
– formation de monochloroaluminate de calcium C3A.CaCl2.10H2O, par réac-
tion des chlorures avec l’aluminate tricalcique C3A et les aluminates hydratés,
schématisée comme suit :
C3A + CaCl2 + 10H2O ↔ C3A.CaCl2.10H2O
La formation de monochloroaluminates, illustrée par la figure 12.23, n’est pas no-
cive en elle-même. Elle peut même jouer un double rôle atténuateur des réactions
de dégradation dans le béton : d’une part elle consomme une partie du C3A et des
aluminates hydratés qui ne sont alors plus disponibles pour la formation d’ettrin-
gite, composé pouvant être à l’origine du gonflement et de la fissuration du maté-
riau ; d’autre part, cette réaction également consommatrice de chlorures, permet
de réduire la concentration de cet ion au niveau des aciers et de diminuer ainsi les
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Figure 12.24 : pont sur le Tage à Lisbonne. Béton à base de cendres volantes en milieu
marin. Fractographie au MEB. Liant compact : C-S-H denses, grain sphérique de cendre
(V) recouvert d’hydrates (C-S-H) et cristaux de portlandite lamellaires (P) (photo LERM).
Le pont construit sur l’estuaire du Tage à Lisbonne constitue un bon exemple d’utilisation de ciment
aux cendres volantes en environnement marin [LIN 05]. Pour cet ouvrage, dont la durée de vie prévue
est de 120 ans, un béton confectionné avec des granulats calcaires, dosé à 430 kg/m3 de ciment de
type CEM IV/A 32,5 prise mer contenant 22 % de cendres et de rapport E/C = 0,33 a été mis en œuvre
dans toutes les zones exposées (zones immergées, zones de marnage, zones d’embruns). Le suivi
de l’ouvrage depuis sa mise en service en 1998, montre que, sauf dans quelques zones d’importance
limitée par rapport à la dimension de l’ouvrage, le béton ne présente aucune dégradation chimique
significative. Les résistances mécaniques après 1 an dépassent fréquemment 60 MPa. La porosité à
l’eau est de l’ordre de 9 à 13%, la perméabilité à l’oxygène peut atteindre des valeurs aussi basses
que 10–19 m2 et le coefficient de diffusion des chlorures est de 0,5.10–12 après 36 mois.
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La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
– le modèle STADIUM de Marchand [MAR 02] et Maltais et al. [MAL 04] qui
permet de rendre compte des attaques sulfatiques externes ;
– le modèle CHEMHYD3D [BEN 00] utilisé par Guillon [GUI 04], qui est un
modèle de transport multi-espèces qui génère les microstructures et permet
d’accéder au réseau poreux de la pâte de ciment. Il a été appliqué aux cas de
l’eau déminéralisée et minéralisée ainsi qu’à l’attaque par l’eau de mer.
L’ensemble de ces modèles permet une approche prédictive des phénomènes
d’attaque chimique et trouvent leur utilité dans la conception, le suivi et la gestion
des ouvrages à durée de vie longue.
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
7. DISPOSITIONS NORMATIVES
Du point de vue normatif, les principales dispositions à prendre vis-à-vis des eaux
agressives sont édictées dans la norme béton NF EN 206-1 pour les bétons de
structure, dans les normes des produits préfabriqués et dans le fascicule de docu-
mentation FD P18-011 spécifique des environnements chimiquement agressifs1.
La norme européenne NF EN 206-1 définit des classes d’exposition en fonction
des actions dues à l’environnement et donne des règles d’utilisation des consti-
tuants dans ces environnements préalablement définis.
En ce qui concerne les environnements chimiquement agressifs, la plupart des ca-
hiers des charges pour la construction des ouvrages y compris la norme béton NF
EN 206-1 renvoient au fascicule de documentation FD P18-011.
Norme NF EN 206-1
Cette norme s’applique aux bétons de structure qu’ils soient coulés en place ou
préfabriqués. Les exigences normatives sont basées sur une durée de vie présu-
mée d’au moins 50 ans dans des conditions d’entretien anticipées. Pour des durées
de vie inférieures ou supérieures, des valeurs limites moins sévères ou plus sévè-
res peuvent être nécessaires.
Fascicule de documentation FD P 18-011
Ce fascicule a pour but :
– de compléter la définition des environnements chimiquement agressifs les plus
courants pour les bétons non armés, armés et précontraints ;
– de fournir des recommandations pour la fabrication des bétons destinés à des
structures soumises à ces environnements chimiquement agressifs, en particulier
pour le choix des ciments.
7.1. Classification des environnements agressifs
Norme NF EN 206-1
Cette norme définit 18 classes d’exposition en fonction des actions dues à l’envi-
ronnement dont certaines classes particulières correspondant à des expositions
spécifiques telles que l’eau de mer ou les milieux chimiquement agressifs. Cepen-
dant cette classification n’exclut pas la prise en compte de conditions particulières
ni l’application de mesures de protection supplémentaires (revêtements protec-
teurs par exemple).
690
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
SO42– en mg/L ≥ 200 et ≤ 600 > 600 et ≤ 3000 > 3 000 et ≤ 6 000
Sols
SO42– en mg/kg ≥ 2000 et ≤ 3000 > 3000 et ≤ 12000 > 12000 et ≤ 24000
Acidité en ml/kg > 200 Baumann Gully N’est pas rencontré dans la pratique
Il est à noter que ces valeurs sont relatives à des sols et eaux à une température
eau/sol comprise entre 5 °C et 25 °C et où la vitesse d’écoulement de l’eau est suf-
fisamment faible pour être assimilée à des conditions statiques. De même, les va-
leurs limites peuvent être différentes pour certains sols argileux et en cas de risque
d’accumulation d’ions sulfate dans le béton.
Par ailleurs, dans un certain nombre de cas, une étude spécifique est nécessaire
pour préciser l’agressivité de l’environnement du béton :
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
CEM II/B-S, CEM II/B-V, CEM II/B-P, CEM II/B-Q, CEM II/B-M (S-V), CEM III/A
conformes à la norme NF EN 197-1, CEM III/A conforme à la norme NF EN 197-4,
XA1
ciments conformes à la norme NF P15-317 (PM) ou NF P15-319 (ES), et CEM IV/A
et B conformes à la norme NF EN 197-1
CEM II/B-S, CEM II/B-V, CEM II/B-P, CEM II/B-Q, CEM II/B-M (S-V), CEM III/A
Milieux acides conformes à la norme NF EN 197-1, CEM III/A conforme à la norme NF EN 197-4
XA2
ciments conformes à la norme NF P15-319 (ES) et CEM IV/Aet B conformes à la
norme NF EN 197-1
694
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
long terme des pratiques et des matériaux, soit sur des résultats d’essais approuvés
représentatifs des conditions réelles, soit sur des méthodes basées sur des modèles
analytiques étalonnés par rapport à des résultats d’essais représentatifs des condi-
tions réelles.
Ce concept, présenté de façon générale au chapitre 8, peut être appliqué aux am-
biances agressives chimiques sévères mais la difficulté essentielle est de définir
les essais permettant de qualifier de manière univoque les bétons équivalents et
les bétons témoins vis-à-vis des différentes ambiances agressives. En effet, il con-
vient de faire attention aux impacts de certains facteurs d’accélération (concentra-
tion en agents agressifs, humidité, température) et aux erreurs possibles dans
l’interprétation des résultats obtenus. Il est évident que la modélisation numérique
de l’agression est un outil important dans la prévision du comportement des bé-
tons à long terme.
Du point de vue normatif et pour les bétons de structure, la classification des en-
vironnements agressifs (ou classes d’exposition) et les dispositions associées sont
présentées dans la norme béton européenne NF EN 206-1 (2004), et son annexe
nationale, et dans le fascicule de documentation FD P18-011 :
– la norme NF EN 206-1 permet de définir une classe d’exposition pour chaque
partie d’ouvrage et fournit principalement des recommandations générales (do-
sage minimum en liant, rapport maximum eau efficace sur liant équivalent, clas-
se de résistances pour chaque classe d’exposition) ;
– le fascicule FD P18-011 apporte des dispositions spécifiques comme le choix du
ciment.
Ces dispositions permettent d’assurer normalement une durée de vie minimale
de 50 ans1 à l’ouvrage, sous réserve que les classes d’expositions aient été bien
définies par le maître d’ouvrage. Pour des durées de vie supérieures, il convient
de retenir des approches performantielles basées sur des indicateurs de durabi-
lité généraux ou spécifiques de l’agression considérée.
1. La norme NF EN 206-1 précise que les prescriptions sont fondées sur l’hypothèse d’une durée
de vie de la structure de 50 ans (annexe F). L’Eurocode 0 indique que cette durée de vie de 50 ans
concerne les structures de bâtiment et autres structures courantes. Dans le cas des ouvrages d’art
par exemple, l’Eurocode permet de dimensionner des ouvrages avec des durées de vie de 100 ans
en association avec des bétons simplement conformes à la norme NF EN 206-1.
695
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs
Compte tenu des multiplicités des types d’agressions chimiques d’une part, et
des similitudes des dégradations constatées d’autre part, il est souvent très diffi-
cile d’établir un diagnostic simple et univoque. De plus, dans la plupart des cas,
les dégradations observées ne sont pas la conséquence d’une seule agression mais
la somme d’agressions multiples, chimiques, physiques et mécaniques.
L’approche holistique, réalisée par des spécialistes du diagnostic, représente une
méthode sûre et efficace pour analyser et comprendre la genèse des dégradations
observées, phases indispensables pour proposer ensuite des solutions réparatri-
ces durables.
9. CONCLUSION
Le béton est un système chimique fortement basique, évolutif, plus ou moins réac-
tif au contact du milieu extérieur souvent plus « acide » (atmosphère, eaux, solu-
tions salines, acides) mais qui, pour les durées de vie prévues par les normes, est
durable s’il est fabriqué conformément aux règles de l’art.
Pour les milieux chimiquement agressifs, le vecteur commun à tous les agents
agressifs est l’eau qui dissout les composés gazeux ou solides. Le transport des
substances agressives se fait essentiellement par perméation et par diffusion, in-
dicateurs majeurs de durabilité dépendant de la compacité du béton.
D’une manière générale, les attaques chimiques des bétons mettent en jeu deux
mécanismes couplés que sont la dissolution des hydrates (essentiellement la lixi-
viation des ions Ca2+ de la portlandite Ca(OH)2 et des silicates de calcium hydra-
tés C-S-H) et la précipitation de sels, nocifs ou non. Les conséquences générales
sont un accroissement de la porosité et de la fissuration, une augmentation de la
perméabilité et de la diffusivité, des pertes de raideur et de résistances mécani-
ques.
De manière synoptique, les différents paramètres de la durabilité chimique sont :
– les paramètres liés au matériau : chimie et minéralogie du ciment (type de
constituants, Ca(OH)2 potentiel, C3A, C3S…), formulation et propriétés de
transfert du béton (compacité) ;
– les paramètres liés à l’environnement : nature physique (solide, liquide, gaz) et
chimique (acide, base, sel) de l’agent agressif, conditions climatiques générales
et locales (immersion, semi-immersion, marnage, aérien, H.R., t°, cycles, mobi-
lité) ;
– les paramètres liés à la structure : contraintes de fonctionnement (charges, fati-
gue), fissuration.
Pour la plupart des agressions chimiques, l’utilisation d’additions minérales con-
sommatrices de chaux (laitier, cendres silico-alumineuses, fumées de silice,
697
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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Résumé
La tenue au feu d’un béton dépend de certaines de ses caractéristiques comme
la nature des composants utilisés pour sa formulation, la perméabilité, la teneur
en eau, la résistance mécanique. Elle dépend aussi des caractéristiques du feu :
vitesse de montée en température, température maximale atteinte, durée d’expo-
sition à une température élevée.
L’action d’un incendie sur une structure en béton peut conduire à la perte graduel-
le de la résistance mécanique et dans certains cas à l’écaillage des surfaces les
plus exposées au feu. Ces détériorations varient aussi selon le type de béton con-
sidéré : un béton à hautes performances par exemple sera plus sensible au phé-
nomène d’écaillage qu’un béton courant si des précautions ne sont pas prises lors
de sa formulation. La considération des processus physiques, chimiques et méca-
niques qui ont lieu à l’intérieur du matériau béton du fait des hautes températures
permet de comprendre les phénomènes en jeu. De récents essais ont permis
d’appréhender le rôle des paramètres les plus importants de la composition du bé-
ton dans son comportement lors d’une sollicitation au feu, ainsi que l’efficacité des
fibres de polypropylène pour la prévention de l’écaillage. L’ensemble des résultats
présentés permet de mieux maîtriser les facteurs permettant de construire des
structures en béton offrant une résistance accrue en cas d’incendie.
Mots-clés
BÉTONS, INCENDIE, RÉSISTANCE MÉCANIQUE, ÉCAILLAGE, GRANULATS, ADDITIONS, AD-
JUVANTS, FIBRES DE POLYPROPYLÈNE, RECOMMANDATIONS, NORMES.
707
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
Le bon comportement des bétons face aux hautes températures constitue leur
atout majeur pour la réalisation de structures porteuses stables vis-à-vis des incen-
dies, avec des effets mineurs sur les éléments principaux, permettant des répara-
tions susceptibles de prolonger convenablement la durée de vie des ouvrages.
L’incendie du tunnel sous la Manche a soulevé la question du comportement des
bétons à hautes performances vis-à-vis du feu, notamment sur les aspects écailla-
ge/éclatement et d’évolution des résistances. Suite à cet événement, d’importants
programmes de recherche ont permis de préciser les paramètres clés influençant
le comportement au feu des bétons. Aujourd’hui, il est possible, dans la plupart
des cas, de connaître le comportement de différents types de bétons face au feu.
Les bétons évoluent, les recherches sur leur comportement en température se
poursuivent parallèlement. Ce chapitre fait un point après une période riche en
évolutions. Il pose le lien entre la formulation de béton et son comportement face
à de hautes températures.
Dans un premier temps, sont présentés deux types de dégradations associées à
l’action du feu sur le béton : la perte de résistance mécanique et le détachement
de matière. Dans un deuxième temps, sont rapportées les connaissances de base
qui permettent de comprendre le comportement du béton face aux hautes tempé-
ratures. Dans un troisième temps, sont détaillés les effets sur la tenue au feu des
différents paramètres de formulation des bétons. Cette partie est construite à partir
d’une expérience française dont les résultats sont confrontés aux données de la bi-
bliographie. Enfin, sont données les références aux normes et recommandations.
708
La durabilité des bétons face aux incendies
1
Résistance relative
0,8
3 6 5 2
0,6
0,4
0,2
0
0 200 400 600 800 1 000 1 200
Température (°C)
Figure 13.1 : résistance relative du béton à la compression en fonction de la température.
Courbe 1 : résistance à la compression, DTU FB (norme P 92-701) ;
Courbes 2 : courbes extrêmes pour marquer la dispersion, ces courbes représentant déjà des moyen-
nes d’après leurs auteurs, DTU FB (norme P92-701) ;
Courbe 3 : résistance à la compression pour les bétons de résistance caractéristique supérieure à
60 MPa et inférieure ou égale à 80 MPa, DTU FB (norme P92-701 et amendement XP P 92-701/A1) ;
Courbe 4 : courbe donnant les valeurs de réduction de la résistance caractéristique à la compression
du béton, pour un béton de densité normale réalisé avec des granulats calcaires, norme NF EN 1992-
1-2, Eurocode 2 partie comportement au feu ;
Courbe 5 : courbe donnant les valeurs de réduction de la résistance caractéristique à la compression
du béton, pour un béton de densité normale réalisé avec des granulats siliceux, norme NF EN 1992-
1-2, Eurocode 2 partie comportement au feu ;
Courbe 6 : courbe donnant les valeurs de réduction de la résistance caractéristique à la compression
du béton, pour un béton appartenant à la classe 2 (béton C 70/85 et C 80/95), norme NF EN 1992-1-
2, Eurocode 2 partie comportement au feu.
709
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1 400
1 200
Température (°C)
1 000
0
0 30 60 90 120 150 180 210
Temps (min)
Figure 13.2 : exemples de courbes « conventionnelles » de montée en température.
710
La durabilité des bétons face aux incendies
La courbe normalisée « feu ISO » (ISO 834) est considérée plus particulièrement
pour le dimensionnement des bâtiments, la courbe hydrocarbure est utilisée pour
des cas particuliers d’élévation rapide de la température, les tunnels sont dimen-
sionnés avec la courbe hydrocarbure majorée. L’Eurocode 1 partie 1.2 introduit
les courbes de feux naturels (l’Eurocode 2 partie 1.2 autorise la prise en compte
de ces courbes mais les conditions d’emploi des différents modèles de calculs,
que ce soit pour la quantification de l’action thermique ou pour la réponse méca-
nique des structures, sont encadrées par un arrêté émanant du ministère de l’Inté-
rieur (voir partie 5 de ce présent chapitre)).
L’écaillage ne se produit pas pour tous les bétons. Néanmoins lorsqu’il apparaît,
il peut influencer directement la tenue au feu des éléments structurels car les ar-
matures en acier peuvent atteindre plus rapidement leur température critique puis-
que dans ce cas, elles perdent totalement ou partiellement le bénéfice de la
protection thermique apportée par le béton d’enrobage.
De manière plus détaillée on distingue trois types de désordre :
– des éclatements locaux du béton sur des points singuliers comme les bords ou
les angles, ou sur certaines parties de la surface. Ces éclatements peuvent déta-
cher des morceaux de béton de tailles différentes et parfois être explosifs dans le
cas d’éclatements localisés qui se produisent en surface [NOU 95]) ;
– un écaillage régulier qui consiste en un détachement progressif et continu de
petits morceaux de béton qui sont expulsés avec force du parement exposé au
feu;
– un écaillage dû aux granulats qui ne sont pas thermiquement stables aux tem-
pératures atteintes et présentant un fort coefficient de dilatation thermique, tel le
silex par exemple.
Schématiquement, les éclatements apparaissent durant les trente premières minu-
tes d’exposition au feu, alors que l’écaillage régulier qui démarre au même mo-
ment se poursuit sous l’effet de la température [FIB 07, KAL 01, PHA 05]. Bien
que l’éclatement puisse présenter un aspect plus impressionnant que l’écaillage
(les morceaux détachés par éclatement peuvent avoir des dimensions de quelques
centimètres), ce dernier peut devenir plus dangereux pour la structure du fait que,
lors d’un incendie de longue durée, sa progression risque de mettre à nu les arma-
tures de l’élément structurel.
Les règles de dimensionnement intègrent implicitement ces comportements pour
les bétons courants. Mais les essais et retours sur sinistres montrent que certains
bétons à hautes et très hautes performances sont plus sensibles à l’écaillage régu-
lier que les bétons courants. Il semble que ce phénomène soit lié à la capacité de
transfert de l’eau et de la vapeur sous gradient de température au sein du béton.
Ainsi la structure poreuse (volume poreux et connectivité) du matériau et son état
711
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
hydrique jouent un rôle important. Le paragraphe 3.2 décrit les phénomènes phy-
siques qui interagissent lors du chauffage. Ils permettent d’expliquer pourquoi la
plupart des cas d’écaillage observés correspondent à des bétons à très hautes per-
formances et que certains cas ont pu être observés pour des bétons ayant une ré-
sistance comprise entre 60 et 80 MPa. L’approfondissement des connaissances
sur ce phénomène et les études réalisées dans le sens de sa prévention ont permis
de disposer de solutions très efficaces, telles que l’utilisation de fibres de polypro-
pylène.
Globalement, il est établi que les détachements de matière des bétons portés à
hautes température sont à relier à l’humidité interne contenue dans le matériau, à
la vitesse de chauffage, aux contraintes de compression dues aux charges exté-
rieures, à l’épaisseur de l’élément, au renforcement, au type de granulats, aux
constituants et enfin à la présence ou pas de fibres de polypropylène, qui permet-
tent d’éviter éclatement et écaillage dans la plupart des cas. L’influence des para-
mètres de composition du béton sur l’écaillage est étudiée en détail au paragraphe
4 du présent chapitre.
Après l’incendie, les éléments où des morceaux de béton ont été expulsés par
éclatement sont, en général, facilement réparables si la stabilité structurelle n’a
pas été amoindrie. Dans le cas d’un écaillage généralisé, la réparation dépend
principalement de la mise à découvert ou non des armatures et le cas échéant de
leur possible endommagement.
Les observations, relevées sur des éléments en béton exposés à une sollicitation
thermique de type incendie, peuvent être classées en deux grandes familles :
– éclatements ponctuels (bords, angles…)
– écaillage continu observable pour les bétons à hautes performances et très hau-
tes performances.
712
La durabilité des bétons face aux incendies
713
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
La figure montre qu’à des températures inférieures à 100 °C la perte de masse est
sensible dans le béton, elle est due principalement au départ de l’eau occupant les
pores les plus gros. Au-delà de 100 °C, le départ de l’eau capillaire, de l’eau des
pores les plus fins, de l’eau retenue par adsorption et de l’eau faiblement liée dans
des hydrates se poursuit. Les quantités d’eau évacuées jusqu’à 500 °C sont de 2 à
4 % en masse (soit environ 50 à 100 litres d’eau par m3 de béton). Entre 500 °C
et 700 °C approximativement, la perte de masse s’accélère, ceci n’est pas seule-
ment dû à la décomposition de la portlandite (Ca [OH]2 → CaO + H2O) entre
450 °C et 500 °C, mais aussi à la suite de la décomposition des C-S-H qui précède
la formation de α-C2S et β-C2S. Ces deux réactions s’accompagnent d’une perte
en eau de 3 % en masse (environ 75 litres d’eau par m3 de béton). Le béton réalisé
avec des granulats calcaires présente une perte en masse additionnelle à partir de
600 °C due à la décomposition du carbonate de calcium (CaCO3 → CaO + CO2),
au cours de laquelle 44 % en masse du CaCO3 est relâché en CO2. La perte en
masse du béton à base de calcaire testé est de 34 %, avec seulement 5 à 6 % attri-
buable au départ de l’eau. Entre 900 °C et la phase de fusion pâteuse à environ
1150 °C ou 1200 °C, il n’apparaît pas de perte en masse notable.
Les éléments rapportés ici donnent des informations générales qui peuvent être
complétées par des éléments complémentaires disponibles auprès des références
suivantes : [JAN 05, GEO 05, KHO 02, PEN 06, ROS 80, PIA 84, VER 72].
Les évolutions de la microstructure de la pâte de ciment en fonction de la tempé-
rature ne sont pas toujours faciles à suivre, et ce d’autant plus si les analyses se
font sur des échantillons refroidis.
La température fait évoluer la porosité totale et la distribution porale du béton, et
ceci de manière plus marquée sur les pâtes de ciment des bétons à hautes perfor-
mances [YE 07]. Schématiquement, X. Liu et al. [LIU 06] soulignent les points
suivants :
– la macro-porosité (> 1,3 mm) reste pratiquement stable jusqu’à 400 °C et aug-
mente ensuite ;
– la porosité capillaire (0,02-0,3 mm) augmente lentement jusqu’à 400 °C et pré-
sente une sévère augmentation à 500 °C ;
– la microporosité (< 0,02 mm) augmente avant 400 °C puis diminue ensuite à
500 °C.
La variation de la masse volumique selon la température est influencée par cette
variation de porosité et par la perte en eau. Elle correspond à une perte d’environ
10 % à 1 000 °C (NF EN 1992-1-2, Eurocode 2 partie comportement au feu).
714
La durabilité des bétons face aux incendies
16 40
10 Calcaire 25
échelle
8 20
6 15
échelle
4 10
2 5
0 0
10 200 300 400 500 600 700 800 820 900 1 000 1 100 1 200
Température en °C
Figure 13.3 : thermogrammes de bétons courants réalisés avec du ciment Portland, sur
des éprouvettes cylindriques (Ø = 12 mm, L = 40 mm), cure à 20 °C et 65 % d’humidité
relative pendant 100 jours avant l’essai, la vitesse de chauffage étant de 5 °C par minute.
715
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
716
La durabilité des bétons face aux incendies
717
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
718
La durabilité des bétons face aux incendies
cristallines qu’ils subissent. Après 700 °C, la majorité des granulats ne présentent
plus qu’une faible expansion thermique.
Les déformations thermiques différentielles entre la pâte et les granulats engen-
drent au-delà de 150 °C une microfissuration au sein du béton [BLU 76].
La déformation totale d’une éprouvette en béton non chargée soumise à une élé-
vation de température très lente est due aux effets composés suivants :
– expansion thermique des granulats ;
– retrait de la matrice cimentaire ;
– microfissurations et contraintes engendrées par l’incompatibilité entre ces
deux premiers effets ;
– transformations et décompositions chimiques des constituants du béton s’ac-
compagnant de variations dimensionnelles.
Il est à noter que la vitesse de montée en température peut modifier les observa-
tions relevées et que les déformations thermiques d’un béton pré-séché restent
inférieures à la déformation thermique du matériau de référence.
719
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
dans l’eau avant d’être porté en température [GAW 04]. Enfin, d’autres auteurs
[COL 04, SAB 06] considèrent que le phénomène est dû à l’ensemble de processus
physico-chimiques irréversibles qui ne sont mis en route que par l’augmentation
de la température pendant le régime transitoire; lors d’un nouveau chauffage d’un
élément déjà chauffé, le fluage thermique transitoire ne se reproduit plus sauf dé-
passement de la dernière température maximale déjà atteinte.
İÅ
Béton courant
16 JUDQXODWGHTXDUW]LWH
D = 0,0
%pWRQOpJHU
DUJLOHH[SDQVpH
12
D = 0,10
8
D = 0,0
4
D = 0,30
0 ș&
200 400 600 800 1 000
–4
D = 0,60
D = 0,15
D = 0,70
–8
720
La durabilité des bétons face aux incendies
450
400
350
Température (°C)
300
250
Régime Régime
200 transitoire permanent
150
100
50
0
0 1 2 3 4 5 6 7
Temps (h)
721
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
4.E-03
Déformation axiale
3.E-03
A
2.E-03
1.E-03
0.E-03
0 1 2 3 4 5 6 7
– 1.E-03 Temps (h)
B
– 2.E-03 Cas n° 2 : éprouvette n° 1
Application de la charge chauffée, puis chargée
à l'éprouvette n° 2 sous charge constante
722
La durabilité des bétons face aux incendies
723
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
des pressions sont assez faibles [KAL 00, PHA 05] (difficultés à localiser les pri-
ses de pression, et système de mesure peu fiable) ;
– la deuxième hypothèse propose des éclatements dus aux dilatations thermiques
empêchées. Celles-ci génèrent des contraintes thermiques très élevées (contrain-
tes de compression parallèles à la surface chauffée). Selon les auteurs
[ULM 99b], ces contraintes de compression sont relâchées par une rupture fra-
gile du béton, la pression dans les pores ne jouant qu’un rôle secondaire initia-
teur de l’instabilité. La fissuration empêcherait une mise en pression critique
dans le matériau. Garwin et al. [GAW 06], après avoir mené une analyse quanti-
tative, affirment que l’énergie élastique accumulée par ces contraintes de com-
pression est suffisante pour développer un réseau de fissures et donner une
énergie cinétique aux éléments de béton éclatés. Pour mener ces approches fine-
ment, l’effet du fluage thermique transitoire devrait être pris en compte mais il
reste mal connu.
Pour conclure, il semble que l’éclatement soit en fait le résultat de la combinaison
de la pression des fluides dans les pores, des contraintes de compression au niveau
de la surface exposée, mais aussi de la fissuration interne qui provient des dilata-
tions différentielles entre la pâte et les granulats (au-delà de 140 °C, la pâte de ci-
ment se rétracte du fait de la déshydratation alors que les granulats se dilatent).
Msaad [MSA 05] a étudié numériquement dans sa thèse la contribution de l’effet
mécanique et de l’effet hydraulique dans le phénomène d’éclatement. Il conclut
que les deux effets sont du même ordre de grandeur sur ses indicateurs d’endom-
magement. Gawin et al. [GAW 06] recherchent la possibilité de caractériser le ris-
que d’éclatement à l’aide d’indices obtenus par calcul. Cette démarche peut faire
avancer les modélisations. D’autres, comme Hertz et Sorensen [HER 05], es-
sayent de mettre au point des appareillages simples permettant une bonne carac-
térisation du risque d’éclatement d’un béton donné.
Les causes de l’éclatement du béton ne sont pas encore aujourd’hui parfaite-
ment comprises. Cependant la recherche a permis de mettre en avant des fac-
teurs favorisant ce phénomène (HER 03) :
– la densification de la matrice cimentaire ;
– la faible perméabilité ;
– les contraintes thermiques ;
– le chauffage asymétrique ;
– la montée rapide en température ;
– la présence d’eau libre et d’humidité dans le béton ;
– les déformations thermiques empêchées.
724
La durabilité des bétons face aux incendies
T T
température
x x
contrainte P
ı pression
x Champ d'humidité :
x
(2) Zone de
vaporisation
725
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
726
La durabilité des bétons face aux incendies
Enfin des essais de résistances mécaniques et d’écaillage ont été réalisés afin
d’identifier l’impact de la nature du granulat. Aucune corrélation probante n’a pu
être établie entre les résultats et la stabilité thermique des granulats (caractérisée
par les pertes en masse, les réactions endo- et exothermiques, la dilatation). Au vu
de ces résultats on peut conclure qu’il est difficile d’établir a priori l’influence de
la stabilité thermique des granulats sur le comportement au feu des bétons. Pour
une même famille géologique, il est délicat d’établir une prédiction des compor-
tements.
4.1.1.1. Influence des granulats sur les résistances mécaniques
Dans l’étude Feu-Béton, cinq formules de bétons M60 avec cinq types de granu-
lats différents ont été réalisées : siliceux Garonne et éruptif cornéenne, silico-cal-
caire Basse Seine et calcaires Jurassique Bathonien et Beauce. Des éprouvettes
cylindriques de 10 cm de diamètre et 30 cm de hauteur pour les tests à la compres-
sion et des diabolos de 8 cm de diamètre au centre pour les tests de traction directe
ont été confectionnées. Les recommandations de la Rilem [RIL 95, RIL 00c] ont
été suivies pour la réalisation de ces tests de résistance à la compression et à la
traction directe à chaud. Les dimensions des éprouvettes sont conformes à ces re-
commandations. En particulier l’élancement des éprouvettes de compression doit
être compris entre 3 et 4 pour permettre une rupture dans une zone homogène en
température (les extrémités de l’éprouvette sont plus froides car elles sont en con-
tact avec les éléments d’interface pour le chargement). Les figures 13.8 et 13.9
montrent les dispositifs d’essai spécifiquement conçus pour ces tests.
727
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Figure 13.9 : dispositif d’essai en traction directe à hautes températures [FEU 06].
1,1
M60 Garonne
1,0
0,9 M 60 Cornéenne
Résistance (20 °C)
0,0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
Température en °C
728
La durabilité des bétons face aux incendies
729
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
doit être attirée sur le fait que les dispersions des résultats sont telles que la géné-
ralisation à des familles distinctes calcaires/siliceux n’est peut-être pas appropriée
(figures 13.13 et 13.14).
Pour une même classe de résistance des bétons, la nature des granulats n’a pas
d’influence significative sur l’évolution des résistances à la compression avec la
température (la variabilité des résultats au sein d’une même famille géologique
peut être plus importante qu’entre deux familles distinctes).
M75SC M100C
Résistance en compression
120
DTU
00 Fuseau
100
Mortier léger V
75
fcT/fc20°C (%)
80
Béton siliceux III
60
50
40
Chargé à 0,4 f'c
25
20
Résistance initiale = f'c
Moy f'c = 3 99 psi (275 kg/cm2)
0
0
0 200 400 600 800
70F 400F 800F 1 200F 1 60
Température (°C)
Température
Figure 13.11 : Influence du type de granu- Figure 13.12 : Influence du type de granu-
lat sur la résistance à la compression en lat sur la résistance à la compression en
fonction de la température selon Abrams fonction de la température – essais réali-
[ABR 71]. sés dans le cadre du projet national
BHP 2000 [PIM 05].
C = granulat calcaire, SC = granulat silico-
calcaire
ıș
Ratio de résistance en compression (%)
ı20
1
125
Bétons ı20 Béton ordinaire
0,9 Porphyre..................................420 bars
Limite
Quartzite..................................350
100 supérieure
Roulés siliceux (Loire)..............470
0,8 Roulés silico-calcaire (Seine)...420
Argile expansée........................320
0,7 75
0,6 Granulats
50 Granulat siliceux
Grès Limite
0,5 inférieure
Calcaire
25 Gravier calcaire
0,4 Dolérite
Schiste amphibole
0,3 0
20 100 200 300 400 500
0,2 Température (°C)
100 200 300 400 600
Température (°C)
Figure 13.13 : Influence du type de granu- Figure 13.14 : Influence du type de granu-
lat sur la résistance à la compression en lat sur la résistance à la compression en
fonction de la température selon Maréchal fonction de la température selon Bazant
[MAR 70]. [BAZ 96].
730
La durabilité des bétons face aux incendies
Pour la résistance à la traction, une tendance similaire a été observée: une dimi-
nution autour de 150 °C, suivie d’une reprise, laquelle dépasse les valeurs des nor-
mes. La figure 13.15 montre ces résultats pour les deux formules testées, l’une
avec un granulat siliceux (Garonne) et l’autre avec un granulat calcaire (Batho-
nien). Dans ce cas, la comparaison a été faite entre béton vibré et béton autopla-
çant, dont une analyse plus détaillée est faite en 4.1.3.1.
1,1
1,0 M60 BAP Bathonien
M60 Garonne
0,9 EC2-1.2 et DTU
0,8
Résistance (20 °C)
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
Température en °C
731
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Les figures 13.17 à 13.19 permettent de visualiser l’état des éprouvettes à la sortie
du four. Pour l’essai d’étude de l’influence des granulats sur l’écaillage, l’enroba-
ge des armatures transversales était de 1,5 cm.
(a) granulats de Basse Seine (b) granulats Garonne siliceux. (c) granulats Rhône calcaires.
silico-calcaires.
Figure 13.17 : influence des granulats. État des prismes après 90 minutes d’essai
et refroidissement du four. Granulats alluvionnaires [FEU 06].
732
La durabilité des bétons face aux incendies
(a) (b)
Figure 13.19 : influence des granulats. État des prismes après 90 minutes d’essai
et refroidissement du four. Granulats éruptifs [FEU 06].
Les granulats éruptifs utilisés sont : (a) éruptif cornéenne et (b) éruptif andésite.
733
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
De façon générale, on remarque qu’il n’y a pas d’écaillage significatif quel que
soit le granulat utilisé. Les pertes de masse mesurées lors des essais ont fluctué en
moyenne entre 6 % pour les bétons avec granulats siliceux à 8 % pour ceux avec
granulats calcaires. En tenant compte d’une teneur en eau initiale d’environ 4 %,
les pertes de masse durant le chauffage, non liées au départ de l’eau libre, ont été
comprises entre 2 % et 4 %. Elles correspondent au départ de l’eau physiquement
et chimiquement liée ainsi qu’au CO2 produit lors de la décarbonatation et, le cas
échéant, aux éclats. Les pertes de masse globales ne sont donc pas directement des
estimations de la propension à l’écaillage/éclatement.
Pour les différents granulats considérés dans cette étude, représentatifs de la
production française, aucune corrélation n’a pu être établie entre leur stabilité
thermique et le comportement à l’écaillage du béton correspondant.
Khoury [FIB 07] a quant à lui proposé d’établir un lien entre comportement au
feu et stabilité thermique (meilleure est cette dernière, meilleur sera le comporte-
ment au feu) en indiquant cependant que la combinaison de facteurs tels que les
faibles valeurs du coefficient de dilatation thermique ou les surfaces rugueuses
des granulats peuvent renforcer la résistance des bétons à l’écaillage.
Nous pouvons conclure que des bétons d’usage courant jusqu’aux M60 considé-
rés ici, pour une sollicitation du type Feu ISO (figure 13.2) ne présentent pas
d’écaillage significatif et que l’influence du type de granulat est très modérée.
Enfin, l’état final de la majorité des éléments testés montre que la possibilité de
réparation des ouvrages en béton après un incendie est très grande, ce qui est un
atout pour la durabilité de ces ouvrages.
L’expérience a montré que ce bon comportement face à l’écaillage est également
observé dans les bétons courants, de type M30. En revanche, du fait de la diminu-
tion de la perméabilité, comme indiqué en 3.2, les bétons à hautes et très hautes
performances ont plus tendance à s’écailler de manière plus ou moins marquée
quel que soit le granulat. Cependant, des solutions très efficaces pour la préven-
tion de l’écaillage dans ce type de bétons ont été développées, ce qui est considéré
en détail en 4.2.
4.1.2. Influence des additions
L’influence des additions sur le comportement des bétons face aux hautes tempé-
ratures a déjà été étudiée par Khoury [FIB 07], Hertz et al. [HER 05], Féron et al.
[FER 06], Poon et al. [POO 01]. Pour compléter les recherches sur le rôle des ad-
ditions vis-à-vis de l’écaillage, l’étude Feu-Béton a comparé des performances de
bétons de même résistance, confectionnés avec diverses additions minérales uti-
lisées en substitution du ciment. Un béton M60 avec granulat alluvionnaire Ga-
ronne (siliceux), a été retenu comme formulation de référence et quatre types
734
La durabilité des bétons face aux incendies
d’additions ont été sélectionnés : cendres volantes, laitier moulu, fillers calcaires
et fumée de silice. Un béton de résistance identique à celle du béton de référence
M60 a été aussi réalisé avec du ciment CEM II/A-S contenant 11 % de laitier, te-
neur identique à celle du laitier utilisé comme addition minérale (en substitution
du ciment) dans cette même étude.
Dans la suite, nous présentons les résultats relevés dans la bibliographie et ceux
de l’étude Feu-Béton.
4.1.2.1. Influence des additions sur les résistances mécaniques
L’influence des additions minérales sur l’évolution des résistances mécaniques à
hautes températures est controversée. Les travaux de Sarshar et Khoury [SAR 93]
effectués sur des pâtes de ciment indiquent un impact important du type de ci-
ment. Les résultats de Poon et al. [POO 01] indiquent que le comportement des
bétons est peu influencé par la nature des additions en dessous de 600 °C aussi
bien pour les bétons courants (figure 13.20) que pour les BHP (figure 13.21). En-
tre 600 °C et 800 °C, les résistances des bétons avec additions diminuent un peu
plus que celles des bétons de référence.
Il faut noter que les bétons utilisés dans les travaux de Poon et al. [POO 01] ont
des résistances initiales comprises entre 40 et 65 MPa pour les bétons courants et
entre 90 et 125 MPa pour les BHP.
160
Résistance à la compression
BO
140
BO-CV30
120
résiduelle (MPa)
BO-CV40
100
BO-LHF30
80
BO-LHF40
60
40
20
0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900
Température d'exposition (°C)
735
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
BHP
160 BHP-FS5
Résistance à la compression
BHP-FS10
140
BHP-CV20
BHP-CV30
120
résiduelle (MPa)
BHP-CV40
BHP-FS+CV
100
BHP-LHF30
BHP-LHF40
80
60
40
20
0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900
Température d'exposition (°C)
Figure 13.21 : influence des additions sur la résistance à la compression résiduelle
en fonction de la température pour des bétons à hautes performances,
d’après Poon et al. [POO 01]
BHP : béton à hautes performances de référence, FS : fumée de silice, CV : cendres volantes,
LHF : laitier de haut-fourneau
Les nombres donnent la teneur en addition.
Perte de masse
Type d’addition Épaisseur maximale des éclats (cm)
par éclats (%)
Aucune 1,0 e < 2 cm (éclats d’angle)
Cendres volantes (11 %) 1,0 e < 2 cm (éclats d’angle)
Filler calcaire (11 %) 0,0 –
Laitier moulu (11 %) 2,0 e < 2 cm (éclats d’angle)
Fumée de silice 2,5 e < 2 cm (éclats distribués dans la surface)
CEM II à 11 % de laitier 1,5 e < 3 cm (éclats d’angle)
736
La durabilité des bétons face aux incendies
Figure 13.22 : influence des additions. État final des éprouvettes après essai d’écaillage
et refroidissement [FEU 06].
(a) béton de référence sans addition ; (b) avec 11 % de cendres volantes ; (c) avec 11 % de filler cal-
caire ; (d) avec ciment CEM II à 11 % de laitier ; (e) avec 11 % de laitier moulu et (f) avec 8 % de
fumée de silice.
L’analyse de ces résultats conduit à conclure que, dans les proportions utilisées,
les additions calcaires tendent à améliorer le comportement du béton face à
l’écaillage (aucun éclat n’a été observé) tandis que la fumée de silice semble pro-
voquer une dégradation plus prononcée que celle du béton de référence, avec des
résultats intermédiaires pour les autres additions.
737
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dans aucun cas, les éclats n’ont mis à nu les armatures. Lorsqu’il y a eu écaillage,
la dimension des éclats est restée inférieure à l’épaisseur de l’enrobage des arma-
tures transversales. La plupart des éclats observés étaient des éclats d’angles.
Une étude finlandaise a mis en doute l’utilisation des fillers calcaires dans des
proportions supérieures à 25 %, qui conduirait à un écaillage systématique. Cette
tendance n’a pas été observée dans l’étude française [FEU 06]. En effet, des tests
avec des teneurs supérieures (allant jusqu’à 43 %) ont été réalisés : des dégrada-
tions plus importantes qu’avec la teneur de 11 % ont été observées mais elles res-
tent dans des proportions identiques à celles observées avec les autres additions
dosées à 11 %, sans mettre à nu les armatures. L’utilisation de filler calcaire dans
les proportions habituelles n’est donc pas contre-indiquée vis-à-vis du comporte-
ment au feu ; elle tendrait même à améliorer ce dernier.
En ce qui concerne l’utilisation de fumée de silice, Hertz [HER 05] a testé un bé-
ton à hautes performances avec différentes teneurs en cette addition (0 %, 5 %,
10 % et 15 %) et avec différentes teneurs en eau. Il arrive à la conclusion que les
bétons avec fumées de silice et avec des teneurs en eau élevées ont une tendance
à l’écaillage plus prononcée et il propose une limite supérieure de 10 % de fumée
de silice par rapport à la masse de ciment pour éviter l’écaillage. Sarshar et Khou-
ry [SAR 93] ont trouvé que la substitution du ciment Portland par 10 % de fumée
de silice ne modifie pas le comportement du béton face aux hautes températures.
Felicetti et Gambarova [FEL 98] sont arrivés à des conclusions similaires avec
des teneurs en fumée de silice de 6,7 % et 9,7 %. Feron et al. [FER 06] signalent
que l’effet des fumées de silice peut être défavorable à cause d’une augmentation
de la compacité mais qu’il existe des cas où l’effet peut être favorable.
De manière générale, il convient de limiter à 10 % la teneur en fumée de silice
pour limiter l’écaillage du béton à hautes températures lorsqu’aucune précau-
tion n’est prise par ailleurs (par exemple ajout de fibres de polypropylène).
738
La durabilité des bétons face aux incendies
Nous présentons ici les résultats de l’étude Feu-Béton dans laquelle les types
d’adjuvants suivants ont été testés :
– un superplastifiant polycarboxylate ;
– un entraîneur d’air minéral ;
– un entraîneur d’air organique ;
– un agent de viscosité.
Pour une formule de base M60, deux types de béton ont été considérés : avec gra-
nulat siliceux Garonne et avec granulat calcaire Bathonien (plus sensible à
l’écaillage, voir § 4.1.1).
Pour le béton M60 Garonne, sont comparés :
– un béton vibré, avec superplastifiant ;
– un BAP, avec un fort dosage en filler calcaire et superplastifiant ;
– un BAP, avec un faible dosage en filler calcaire, superplastifiant et agent de
viscosité.
Pour le béton M60 Bathonien, sont comparés :
– un béton vibré, avec superplastifiant ;
– un béton vibré, avec superplastifiant et entraîneur d’air minéral ;
– un béton vibré, avec superplastifiant et entraîneur d’air organique ;
– un BAP, avec un faible dosage en filler calcaire, superplastifiant et agent de
viscosité.
4.1.3.1. Influence des adjuvants sur les résistances mécaniques
Pour cette partie de l’étude Feu-Béton le même dispositif expérimental et le même
type d’éprouvettes décrits en 4.1.1.1 ont été utilisés. Les éprouvettes pour les tests
de résistances mécaniques ont été réalisées avec les formules correspondant aux
bétons vibrés avec superplastifiant et celles des BAP avec un faible dosage en ad-
ditions calcaires, superplastifiant et agent de viscosité. Les autres formules n’ont
été testées qu’à l’écaillage.
La figure 13.23 présente les variations de la résistance à la compression en fonc-
tion de la température pour les bétons M60 vibrés et BAP testés. Les éprouvettes
ont été chargées à 20 % de leur résistance à 20 °C dès le début de l’essai et jus-
qu’au test de résistance proprement dit (température stabilisée, augmentation de
la charge jusqu’à rupture). Les valeurs extrêmes obtenues pour chaque point sont
indiquées dans le but d’évaluer la dispersion des résultats.
La figure 13.24, correspond aux résultats des tests de résistance à la traction à
chaud obtenus avec le dispositif illustré à la figure 13.8. Dans ce cas, les éprou-
vettes n’ont été confectionnées qu’avec le béton vibré Garonne et le BAP Batho-
nien avec agent de viscosité. L’analyse de ces résultats par rapport aux courbes de
référence de l’Eurocode 2, 1-2 et DTU Feu-Béton, a été déjà réalisée en 4.1.1.1.
739
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
65
60
55
50
Résistance (MPa)
45
40
35
30
M 60 Bathonien
25
20 M 60 BAP Bathonien
15 M 60 Garonne
10
M 60 BAP Garonne
5
0
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800
Température (°C)
5,5
5,0
M 60 BAP Bathonien
4,5
M 60 Garonne
Résistance (MPa)
4,0
3,5
3,0
2,5
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800
Température (°C)
740
La durabilité des bétons face aux incendies
100
NSC, Fc20 = 51 MPa
HPC, fc20 = 82 MPa
75
HSC, fc20 = 90 MPa
fcT (MPa)
50
25
0
0 200 400 600 800
Température (°C)
Dans la même étude [BAM 07], la résistance à la traction résiduelle a été égale-
ment déterminée à partir de l’essai de flexion. Les valeurs pour le béton autopla-
çant de résistance courante (NSC) ont été de 3,6 MPa à 20 °C, de 3,4 MPa à
200 °C, de 2,5 MPa à 400 °C et de 1 MPa à 600 °C, proches de celles trouvées
dans l’étude Feu-Béton.
4.1.3.2. Influence des adjuvants sur l’écaillage
Nous abordons en premier lieu l’influence des entraîneurs d’air à partir des résul-
tats obtenus [FEU 06] sur des bétons M60 avec des granulats calcaires Batho-
niens. Ces granulats ont été choisis car ils étaient plus sensibles à l’écaillage que
les autres granulats testés (voir § 4.1.1). Deux types d’entraîneurs d’air ont été uti-
lisés : l’un minéral et l’autre organique. Le même dispositif expérimental et le
même type d’éprouvettes (à la différence près d’un enrobage d’armatures de
3 cm) qui ont été décrits en 4.1.1.2 ont été utilisés pour réaliser les tests.
Le tableau 13.2 donne les caractéristiques des éclats selon le type d’entraîneur
d’air utilisé, comparées à celles des éclats d’une éprouvette sans aucun entraîneur,
et la figure 13.26 permet de visualiser l’état final des éprouvettes.
Tableau 13.2 : caractéristiques des éclats après essai d’écaillage,
selon le type d’entraîneur d’air [FEU 06].
Type d’entraîneur d’air Perte de masse par éclats (%) Épaisseur maximale des éclats (cm)
e < 5 cm (éclats d’angle)
Aucun 7,5
et e < 2 cm (éclats de surface)
1,0
Minéral e < 2 cm (éclats d’angle)
1,5
–
0,0
Organique e < 2 cm (éclats d’angle)
2,0
et e < 1 cm (éclats de surface)
741
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dans le cas d’un béton M60, réalisé avec un granulat plus sensible à l’écaillage
(calcaire Bathonien, voir § 4.1.1) et avec un enrobage des armatures transversales
de 3 cm (facteur aussi défavorable par rapport à l’écaillage [FEU 06]), qui présen-
te des éclats localisés, l’amélioration est notable pour les deux types d’entraîneur
d’air utilisés.
Feron et al. [FER 06] mentionnent aussi que les entraîneurs d’air sont favorables
pour la prévention de l’écaillage. Des résultats similaires pour les bétons à hautes
performances ont été déjà signalés lors du programme européen HITECO
[HIT 99].
Dans ce qui suit, nous présentons l’influence sur l’écaillage des agents de visco-
sité ajoutés en plus du superplastifiant et du filler calcaire pour obtenir des bétons
autoplaçants [FEU 06]. Les tests ont été menés sur le même type d’éprouvettes et
le même dispositif expérimental que pour l’étude de l’effet des entraîneurs d’air.
Des bétons M60 avec des granulats siliceux Garonne et avec des granulats calcai-
res bathoniens ayant les caractéristiques signalées au début du paragraphe 4.1.3
ont été utilisés. La figure 13.27 présente les résultats obtenus pour les deux for-
mulations testées.
742
La durabilité des bétons face aux incendies
Figure 13.27 : influence de l’agent de viscosité. État final des éprouvettes après essai
d’écaillage et refroidissement [FEU 06].
Les bétons testés sont : un béton M 60 siliceux Garonne (a1) béton vibré, (a2) BAP à forte teneur en
filler calcaire, (a3) BAP à faible teneur en filler calcaire avec agent de viscosité ; un béton M60 calcaire
Bathonien (b1) béton vibré, (b2) BAP à faible teneur en filler calcaire avec agent de viscosité.
743
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
744
La durabilité des bétons face aux incendies
745
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Pimienta [PIM 05], lors des études réalisées pour le Projet national BHP 2000,
évoque de très bonnes performances mécaniques à chaud des BHP avec des fibres
de polypropylène. Il a testé deux BTHP M100, l’un avec 0,9 kg/m3 et l’autre avec
1,75 kg/m3 de fibres de polypropylène et les a comparé avec des bétons M100,
M75 et M30 non fibrés. La figure 13.29 illustre les résultats trouvés.
1,1
M100 Garonne fibré à 1,2 kg/m3
1,0
EC2 classe 3 - C90 MPa
0,9 M100 Garonne 1,2 kg/m3 - résistance résiduelle
0,8
0,7
fcT/fc20°C (%)
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000
Température (°C)
100
M30C
50
M75C
25 M75SC
M100C
0
0 100 200 300 400 500 600
Température (°C)
746
La durabilité des bétons face aux incendies
747
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Nous pouvons observer que, même pour la formulation plus sensible à l’écaillage
(béton M100 Bathonien), l’action des fibres de polypropylène est remarquable.
Dans le cas du M100 Garonne, dès l’addition de 0,9 kg/m3 le résultat est excellent
(ce qui est très en deçà de la limite proposée de l’Eurocode 2, 1-2 de 2 kg/m3).
L’utilisation de fibres de polypropylène monofilaments permet d’obtenir un ex-
cellent comportement vis-à-vis de l’écaillage des bétons à hautes performances.
Dans certains cas, ce résultat peut être aussi obtenu avec des dosages plus faibles
que la limite inférieure spécifiée par la norme Eurocode béton. La stabilité au
feu des ouvrages réalisés avec un béton à hautes ou très hautes performances est
donc assurée avec l’incorporation de fibres de polypropylène monofilaments
dans les dosages préconisés par l’Eurocode 2, 1-2.
Les essais réalisés dans le cadre de BHP 2000 [PIM 05] ont également indiqué
une efficacité des fibres dès de très faibles dosages comme indiqué sur la
figure 13.31. À dosage en fibres croissant, on observe une nette diminution de la
pression maximale mesurée au sein des bétons.
748
La durabilité des bétons face aux incendies
0
0 1 2 3
Park et al. [PAR 07] ont déterminé que le volume optimal de fibres pour éviter
l’écaillage est de 0,1 % pour des BHP ayant un rapport E/L1 de 0,30 et de 0,2 %
pour des BHP avec rapport E/L de 0,25, ce qui les amène à conclure que le volume
nécessaire de fibres doit augmenter avec la résistance du béton. Des études con-
duites sur des BFUP [DEC 07, MIN 07], ayant des résistances à la compression
de l’ordre de 150 MPa, confirment d’une certaine façon cette hypothèse car la te-
neur idéale de fibres pour ces bétons est de 3 kg/m3 (environ 0,15 % en volume)
et non de 2 kg/m3 (moins de 0,1 % en volume) ou moins comme estimée dans
l’étude Feu-Béton pour des bétons moins résistants.
Les résultats obtenus par Phan [PHA 07] concernant les pressions dans les pores
en fonction de la température montrent clairement l’effet positif des fibres de po-
lypropylène monofilaments (figure 13.32). La pression dans les pores, laquelle
provoque l’écaillage explosif dans le cas du béton sans fibres (à la température de
250 °C au point de mesure), est très supérieure à celle mesurée dans le béton fibré
qui n’a pas présenté d’écaillage.
1. E/L représente ici le rapport des masses d’eau et de liant (ciment + fumée de silice).
749
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
2,5
1,0
3,0 kg/m3 de fibres
0,5
0
0 100 200 300 400 500
Température à 25 mm de la surface chauffée
Figure 13.32 : efficacité des fibres de polypropylène pour des bétons conservés dans
l’eau. Pression de vapeur en fonction de la température à 25 mm de la surface chauffée,
pour des BHP(fck 75 MPa) sans fibre, avec 1,5 kg/m3 et 3,0 kg/m3 de fibres de
polypropylène monofilaments, d’après Phan [PHA 07].
Les éprouvettes testées sont prismatiques (100 mm × 200 mm × 200 mm).
Les résultats que nous venons de présenter permettent d’assurer qu’un béton à
hautes ou très hautes performances, formulé avec des teneurs adéquates en fibres
de polypropylène monofilaments, répond parfaitement aux objectifs du dimen-
sionnement vis-à-vis de l’incendie.
5. RECOMMANDATIONS ET NORMES
La tenue au feu des structures en béton fait l’objet de recommandations et de nor-
mes spécifiques qui sont élaborées par différents organismes internationaux et na-
tionaux. Au niveau international, les normes issues des groupes de travail de
l’ISO (International Organization for Standardization) et du CEN (Comité euro-
péen de normalisation) sont la référence en ce qui concerne la conception des
structures, les essais de structure, la formulation et les spécifications des bétons,
tandis que pour les procédures d’essai « matériau », les recommandations de la
Rilem (Réunion internationale des laboratoires et experts des matériaux, systèmes
de construction et ouvrages) sont les plus répandues. En France, des commissions
de normalisation et groupes de travail sous la coordination de l’Afnor (Associa-
tion française de normalisation) rédigent des normes qui sont d’application uni-
quement sur le territoire français : annexes nationales des Eurocodes, NF DTU
750
La durabilité des bétons face aux incendies
751
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
structures béton). Les Eurocodes doivent être utilisés avec leur annexe nationale
dans lesquelles figurent en préambule les niveaux d’approches possibles indiqués
ci-avant.
À l’heure actuelle, les développements en terme de dimensionnement des ouvra-
ges tendent à utiliser des approches d’ingénierie de la sécurité incendie incluant
des analyses de risques, la détermination de scénarios incendie, l’étude de la pro-
pagation de la chaleur et des effluents et la détermination du comportement global
des structures (non pas un élément de structure de manière isolée mais un élément
de structure en interaction avec la structure froide environnante). Les travaux de
l’ISO TC 92 « sécurité au feu », SC4 « ingénierie de la sécurité incendie », WG 12
« structures en feu » évoluent vers des recommandations sur les performances
globales des structures en cas d’incendie (ISO/WD 24679), mais ces travaux en
cours d’élaboration ne rentrent pas à ce jour dans le cadre normatif.
5.1.1.DTU Feu-Béton
La version 1987, complétée en 1993, de la NF P 92-701 [DTU 93] correspond au
DTU FB considéré pour les bétons courants avec résistance à la compression ca-
ractéristique inférieure à 60 MPa. En 2000, le DTU FB a été amendé [DTU 00]
pour tenir compte des bétons à hautes performances avec des résistances nomina-
les comprises entre 60 et 80 MPa.
Ce DTU permet la vérification de la sécurité à partir d’un certain nombre de cal-
culs conventionnels, qui prennent en compte, notamment, une courbe convention-
nelle de montée en température (courbe ISO 834) et une baisse forfaitaire des
résistances mécaniques de l’acier d’armature et du béton en fonction des tempé-
ratures atteintes (voir courbes DTU FB des figures 13.11 et 13.14 pour les bétons
courants et 13.29 pour les BHP). Les courbes relatives au béton sont à l’intérieur
d’un fuseau de valeurs extrêmes correspondant à la dispersion des résultats de la-
boratoire qui ont servi pour leur détermination.
Outre les caractéristiques de la variation des résistances avec la température, le
DTU FB prend en compte trois critères permettant de déterminer le degré de ré-
sistance au feu des éléments de construction :
1°) la résistance mécanique du béton ;
2°) l’étanchéité aux flammes et aux gaz chauds ou inflammables ;
3°) l’isolation thermique dans le cas d’éléments séparatifs : limitation de l’échauf-
fement de la face non exposée au feu à 140 °C en moyenne ou 180 °C en un point.
Les éléments résistants au feu sont alors classés en trois catégories :
– SF (stable au feu) : le critère 1 est le seul requis ;
– PF (pare-flammes) : les critères 1 et 2 sont requis ;
– CF (coupe-feu) : les critères 1, 2 et 3 sont requis.
752
La durabilité des bétons face aux incendies
753
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
754
La durabilité des bétons face aux incendies
Résistance en traction – –
Module d’élasticité – –
755
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
756
La durabilité des bétons face aux incendies
757
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
6. CONCLUSION
La très longue durée de vie des ouvrages en béton impose de ne pas négliger l’oc-
currence d’un incendie.
La longue antériorité historique du matériau béton témoigne de son très bon com-
portement face à des incendies. Toutefois, certains incidents récents, conjugués
au caractère de plus en plus protéiforme des types de béton justifient la validation
scientifique de la tenue au feu des bétons.
L’utilisation de formulations nouvelles de bétons dans les structures a nécessité
une analyse plus détaillée des performances des bétons face aux incendies. Le
présent chapitre illustre tout d’abord la nature des dégradations constatées sur le
béton en présence d’incendie, ainsi que les phénomènes qui sont à l’origine de ces
dégradations.
Ces phénomènes, la plupart du temps irréversibles, sont d’autant plus complexes
qu’ils se déroulent progressivement et mettent en jeux différentes transformations
physico-chimiques.
Les recherches permettent de mieux comprendre l’influence des différents cons-
tituants du béton. Notamment, une étude française de référence, intitulée « étude
feu-béton » menée en partenariat avec l’ensemble des intervenants concernés a
conduit aux principales conclusions suivantes :
– sur les résistances, il apparaît que toutes les formules testées sont bien en cohé-
rence avec les valeurs retenues dans la norme NF EN 1992-1-2 et que l’évolution
des performances mécaniques avec la température est similaire pour tous les gra-
nulats utilisés et pour tous les types de béton étudiés. De plus, les résistances à la
compression des bétons à très hautes performances contenant des fibres de poly-
propylène sont supérieures à celles données par la norme NF EN 1992-1-2 pour
la classe 3 ;
– sur l’écaillage, les effets bénéfiques des entraîneurs d’air et encore plus des
fibres de polypropylène (à un dosage de 2 kg/m3) ont été mis en évidence.
Concepteurs et constructeurs disposent d’une palette de solutions techniques leur
permettant d’optimiser leurs structures en conformité avec les normes et règle-
ments en vigueur.
758
La durabilité des bétons face aux incendies
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Résumé
Les ciments d’aluminates de calcium offrent de bonnes solutions pour réaliser
des bétons résistant à des conditions extrêmes. C’est le cas des abrasions fortes,
des corrosions acides, bactériennes ou par l’eau de mer, des températures éle-
vées et cycles thermiques et hydriques importants, de l’action du gel-dégel, ou
encore de combinaisons de ces agressions. La bonne résistance de ces ciments
aux agressions chimiques est surtout liée à leur faible basicité, leur hydratation
ne libérant pas de portlandite, ainsi qu’à la formation d’alumine hydratée stable
jusqu’à des pH relativement acides (3 à 4). Ces ciments permettent aussi une
mise en service extrêmement rapide des ouvrages, grâce à une hydratation par-
ticulière dont le mécanisme est aujourd’hui bien compris et bien documenté. Le
mode d’emploi de ces ciments est très proche de celui des ciments Portland et,
moyennant quelques précautions particulières, permet de résoudre de nombreux
problèmes spécifiques de durabilité. La principale précaution est de prendre en
compte le phénomène de conversion en modérant le dosage en eau (usuelle-
ment E/C ≤ 0,40) tout en vérifiant que les propriétés du matériau après conversion
(notamment la résistance mécanique) satisfont les exigences de durabilité de
l’ouvrage. La norme européenne EN 14647 couvre les ciments d’aluminates de
calcium destinés à la fabrication de bétons pour la construction.
Mots-clés
ABRASION, ACIDE, ADJUVANT, ALUMINATE DE CALCIUM, ALUMINEUX, BASE, CIMENT, CONVER-
SION, CORROSION, CYCLE THERMIQUE, EAU DE MER, EAU PURE, ÉROSION, GRANULAT, SEL.
767
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
1.1. L’apport des ciments d’aluminates de calcium,
compléments du ciment Portland
Aujourd’hui, les principales applications des ciments d’aluminates de calcium
(CAC) sont les bétons réfractaires, la formulation de mortiers prêts à l’emploi ain-
si que l’accélération du ciment Portland pour les petits travaux de scellement.
En parallèle, les bétons à base de ciment d’aluminates de calcium continuent à
être utilisés dans une large gamme d’applications spéciales où leur rapidité de
durcissement et de séchage ainsi que leur durabilité sont jugées supérieures à cel-
les du béton de ciment Portland. À titre d’exemple, on mentionnera les réparations
rapides, les sols péri-réfractaires et d’industries chimiques, la protection des ré-
seaux d’égouts, ou encore le renforcement des zones soumises à des abrasions in-
tenses dans les ouvrages hydrauliques ou les mines.
L’étude de la durabilité de ces bétons nécessite :
– d’une part, de bien connaître les spécificités de la chimie des ciments alumi-
neux afin de comprendre leur comportement face aux différents environnements
agressifs ;
– d’autre part, parce qu’on utilise souvent ces bétons comme protection dans des
environnements sévères, voire extrêmes, de faire appel à des méthodes spéciales
pour la caractérisation de leur durabilité.
1.2. Un ciment inventé pour améliorer la résistance aux sulfates
L’invention des ciments alumineux, au début du XXe siècle, s’explique par la vo-
lonté d’améliorer la durabilité des ouvrages exposés aux sols chargés en sulfates.
Il était, en effet, déjà établi que la faible résistance des mortiers et bétons de ci-
ment Portland aux milieux agressifs acides s’expliquait en grande partie par le ca-
ractère très basique de ce ciment et de ses hydrates (voir chapitres 2 et 12).
On peut considérer que les ciments résultent en général de la combinaison d’une
base, la chaux, et d’oxydes acides ou amphotères comme la silice, l’alumine ou
les oxydes de fer. Il est ainsi possible d’évaluer le caractère basique d’un ciment
par le rapport pondéral oxydes acides/oxydes basiques, ou [(SiO2)+ (AI2O3) +
(Fe2O3)]/[(CaO) + (MgO)].
Ce rapport est nettement inférieur à 1 dans les ciments Portland dont l’hydratation
conduit à la libération d’un excès de chaux hydratée Ca(OH)2 ou portlandite, sus-
ceptible d’être directement attaquée par les acides. En 1847, Vicat émet l’idée
qu’un ciment dans lequel le rapport « oxydes acides »/« oxydes basiques » serait
supérieur à 1, résisterait à l’action des sulfates. Au début du XXe siècle, Bied, di-
768
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
769
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
chimique globale des matières premières. La fusion peut aussi se faire dans un
four électrique à arc mais le rendement thermique est moindre.
Le procédé de frittage est pratiquement identique à celui utilisé pour le ciment
Portland, si ce n’est la taille réduite du four rotatif. Les matières premières, alu-
mine et calcaire, sont broyées et homogénéisées avant d’être introduites et chauf-
fées dans le four. La température requise pour la fusion partielle augmente avec
la teneur en alumine, jusqu’à 1600 °C pour un ciment à 70 % d’alumine. A la sor-
tie du four, le ciment est refroidi puis broyé.
Il est d’usage aujourd’hui de distinguer les ciments d’aluminates de calcium par
leur teneur en alumine et cette terminologie sera utilisée par la suite. Il est cepen-
dant important de noter que cette terminologie ne présume pas du rôle du pour-
centage d’alumine sur les propriétés. C’est plutôt la minéralogie et la finesse qui
sont les caractéristiques déterminantes pour l’hydratation et la durabilité.
Le tableau 14.1 et la figure 14.1 illustrent la vaste plage de compositions chimique
et minéralogique couverte par les différents ciments d’aluminates de calcium
commercialisés aujourd’hui. Une plage de composition pour les ciments Portland
est également donnée en référence pour illustrer les principales différences. Pour
la confection des bétons utilisés dans le monde de la construction, on utilise es-
sentiellement du ciment alumineux à 40 % d’alumine, comme par exemple
« Ciment Fondu ».
Tableau 14.1 : exemple de composition chimique.
40 % 38 % 3% 16 % < 0,5 %
50 % 38 % 3% 2% < 0,5 %
70 % 29 % 0,30 % 0,20 % < 0,5 %
4à6% 62 à 67 % 20 à 23 % 3% 2à4%
770
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
SiO2 Fe2O3
Pléochroïte Spinel
(fibre)
C 2S
Gehlenite
Ferrite
(C2AS)
(C4AF)
Figure 14.1 : phases minéralogiques pouvant être présentes dans les ciments
d’aluminates de calcium.
La phase majoritaire est toujours la phase CA (CaO.Al2O3), mais selon les teneurs des autres miné-
raux, on observera une ou plusieurs des autres phases illustrées.
771
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
772
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
25
CaO
20
Concentration (mmol/l)
Al2O3
15
10
0
0 360 720 1 080 1 440
Temps (minutes)
773
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
CAC
Résistance mécanique
Portland
heures jours
Figure 14.3 : l’hydratation rapide des CAC est due à l’absence de barrière diffusionnelle
774
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
775
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
CAH10
Température durant l'hydratation Ti ~ < 30 °C
Froid
+ 10 H
197 cm3
E/C* = 0,80
Hydrates
[0,5C2AH8 + 0,5AH3] métastables
Ti ~ > 30 °C
+ 5,5 H
E/C*= 0,44 124 cm3
C2AH8
CA
CA Conversion
+4H
E/C* = 0,32 93 cm 3
Hydrates
stables
[0,5C2ASH8 + 0,5AH3]
+ SiO2 + 5,7 H
E/C* = 0,45 140 cm3
Réactions de conversion
3CAH10 C3AH6 + 2AH3 + 18H L'eau libérée lors de la conversion
3C2AH8 2C3AH6 + AH3 + 9H est consommée par l'anhydre résiduel.
776
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
pend donc, comme pour le ciment Portland, du rapport E/C, mais également de
l’état de conversion du système (figure 14.5).
La principale conséquence pratique de la conversion est une réduction de la ré-
sistance mécanique due à l’augmentation de la porosité du matériau et non à la
différence de résistance intrinsèque des hydrates eux-mêmes. Seule la résistance
mécanique après conversion doit être prise en compte lors de la conception des
ouvrages.
100
[GEO 90] - Avant conversion
90 [GEO 90] - Après conversion
Résistance à la compression sur cubes (MPa)
50
40
30
20
10
0
0,25 0,35 0,45 0,55 0,65 0,75 0,85
Eau totale/ciment
777
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
90
30 °C
80
70
60 38 °C
50 50 °C
40
30 80 °C 30 °C
38 °C
20
50 °C
10 80 °C
0
0,001 0,01 0,1 1 10 100 1 000
Âge (jours)
778
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
bérée forment directement les hydrates cubiques puisqu’il s’agit de la forme ther-
modynamiquement stable et que l’étape de nucléation a désormais été franchie.
2.3. Un bilan volumique plus favorable en présence de silice réactive
En présence de silice soluble, un autre hydrate stable est susceptible de se former:
la géhlénite hydratée ou strätlingite C2ASH8. Tout comme C3AH6, la nucléation
de ce composé est relativement difficile, si bien que les premiers hydrates qui se
forment sont toujours les hydrates métastables. En revanche, sa densité étant plus
faible que celle de C3AH6, sa formation réduit considérablement l’impact de la
conversion sur la porosité. Les ciments alumineux contiennent assez peu de silice
(~ 5 %), mais l’ajout de laitier, de fumée de silice ou d’autres sources de silice
réactive est susceptible de conduire à la formation de cette phase.
2.4. De nombreuses interactions possibles
Les aluminates de calcium peuvent conduire à différents types d’hydrates par in-
teraction avec d’autres composants.
Il existe une famille d’hydrates souvent nommée famille des phases AFm dans le
langage de la chimie des ciments. Il s’agit de phases dont le réseau cristallin est
caractérisé par l’empilement de feuillets composés de calcium et d’aluminium, et
d’espaces interfeuillets pouvant accueillir un grand nombre d’anions minéraux
tels que les sulfates, les phosphates, les nitrates, les chlorures, les carbonates, mais
aussi des molécules organiques. Par exemple, dans le cas des sulfates, il s’agit de
la phase monosulfoaluminate de calcium: 3CaO.Al2O3.CaSO4.12H2O. Dans le
cas spécifique des sulfates, il peut également se former des phases AFt telle que
l’ettringite 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O dont la structure cristalline est différente
de celle de la famille des AFm (voir le chapitre 2).
Ces interactions sont très souvent exploitées dans le domaine des mortiers prêts à
l’emploi où l’hydratation combinée des ciments alumineux avec d’autres liants
tels le ciment Portland ou le plâtre permet l’obtention de propriétés spécifiques
telles qu’une prise, un durcissement et un séchage rapides, ou encore la compen-
sation du retrait.
Une autre exploitation possible de ces interactions est le traitement de déchets où
ces mélanges de liants permettent un piégeage chimique des composés nocifs par
les phases AFt ou AFm [AUE 95].
Un autre type d’interaction possible est la réaction du ciment alumineux avec des
silices réactives qui peut, sous certaines conditions, conduire à la formation de
phases de type zéolite. Ces phases se caractérisent par un squelette aluminosilica-
te en trois dimensions avec l’existence de canaux pouvant accueillir différents ca-
779
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
tions. Ainsi, il a été montré que ce type de phase pouvait piéger très efficacement
le césium [FRY 95, BAG 98] aussi bien à froid qu’après un traitement thermique
de céramisation, alors que cet élément est réputé non piégeable par les hydrates
de ciment Portland.
D’autres propriétés comme la résistance aux acides ou la capacité à durcir en pré-
sence de certains déchets font du ciment alumineux une alternative envisageable
pour l’industrie de traitements des déchets.
2.5. Structure poreuse des ciments d’aluminates de calcium hydratés
Comme pour tout liant hydraulique, la porosité d’une pâte de CAC dépend du rap-
port eau/ciment. Mais dans le cas des CAC, elle dépend également fortement de
l’assemblage des hydrates en présence.
La figure 14.7 illustre la relation entre porosité et rapport E/C, selon le type de
cure et d’hydrates formés. Elle montre l’accroissement de porosité entre l’état
« non converti » et l’état « converti », accroissement responsable de la diminution
de résistance mécanique.
On voit bien sur cette figure qu’il n’est pas possible de prévoir les propriétés du
matériau converti uniquement à partir de celles du matériau non converti, et ce
pour deux raisons :
– l’accroissement de porosité dépend du rapport E/C. Par exemple, lors de la
transformation de CAH10 en [C3AH6 + AH3], la porosité passe de 10 % à 20 %
pour le rapport E/C = 0,30, soit un doublement ; elle passe de 11 % à 30 % pour
le rapport E/C = 0,40, soit un triplement. Les accroissements différents de poro-
sité en fonction du rapport E/C sont dus aux différences de rapport E/C critiques
entre ces deux assemblages d’hydrates ;
– il existe deux états non convertis : CAH10 ou [C2AH8 + AH3] dont les porosi-
tés sont respectivement de 15 % et de 23 % à rapport E/C = 0,50, alors que la
porosité est d’environ 40 % à l’état converti.
On ne peut donc appliquer un facteur correctif unique qui permettrait de prévoir
l’état après conversion en partant de l’état avant conversion. Finalement, comme
on le voit à la figure 14.7, la relation porosité-rapport E/C d’un CAC encadre celle
d’un ciment Portland selon l’état d’hydratation ; à même rapport E/C, la porosité
d’un CAC est plus faible avant conversion et plus élevée après.
780
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
25 %
20 %
15 %
10 %
5%
0,2 0,25 0,3 0,35 0,4 0,45 0,5 0,55 0,6 0,65
Eau/ciment
Figure 14.7 : porosité mesurée sur pâte de ciment [COT 70, CAP 94, TAY 91].
Les courbes correspondent à un calcul théorique (données du tableau 14.2) en considérant que le
ciment contienne 70 % de phase CA estimée être la seule phase réactive. Lorsque le rapport E/C est
inférieur au rapport E/C critique, le degré d’hydratation de la phase CA est arrêté à la valeur qui cor-
respond à la consommation totale de l’eau libre ; au-dessus il est égal à 100 % (suffisamment d’eau
pour hydrater tout le CA). 7j à 10 °C → hydratation en CAH10 / 7j à 70 °C → hydratation en
C3AH6+AH3.
La figure 14.8 illustre l’effet de la conversion sur la taille des pores pour un rap-
port E/C = 0,40. Une hydratation à 20 °C conduit à la formation de CAH10. Avec
un rapport E/C = 0,40, bien inférieur au rapport E/C critique pour cet hydrate,
l’essentiel des vides a été comblé par les hydrates, et la porosité capillaire corres-
pondant aux pores entre 100 et 1000 nm (0,1 à 1 µm), est très faible. Une cure à
50 °C conduit à la formation de C3AH6 + AH3. Le rapport E/C de 0,4 étant supé-
rieur au rapport E/C critique de ces hydrates, il y a création d’une porosité capil-
laire. Celle-ci devient majoritaire car la porosité intrinsèque des hydrates de CAC
convertis est très faible (hydrates très denses).
781
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0,12
Converti
24 h 50 °C
0,1
Non converti
24 h 20 °C
0,08
Volume (cm3/g)
0,06
0,04
0,02
0
1 10 100 1 000 10 000
Taille des pores (nm)
Figure 14.8 : répartition de la taille des pores d’une pâte de Ciment Fondu gâchée
avec un rapport E/C = 0,40.
Mesures au porosimètre à mercure. La conversion entraîne non seulement une augmentation de la
porosité, mais également une augmentation importante de la taille des pores.
782
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
60 en surface
[BRE 98], cas 5 Carottes dans quai Halifax 65 ans 0,7 29
2600 à cœur
Carottes sur pont
[BRE 98], cas 6 de Frangey, 30 ans 0,32 54 1à3
béton précontraint
70 à 140
Carottes sur poutres
[BRE 98], cas 7 28 ans 0,46 41 (sur cube) pas de différence sur-
avec démoulage à 24 h
face / cœur
Carottes sur poutres
de l’usine LCA, projection 30 en surface
[BRE 98], cas 7 28 ans 0,56 19 (sur cube)
d’eau froide en surface 250 à cœur
dès 5 h
24 à 28 (sur cube)
Carottes pile de pont 3 en surface (0-50 mm)
[BRE 05] 70 ans ~ 0,50 (60 à 70 lors de la
Montrose bridge 46 à cœur (300-350 mm)
construction)
783
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
7 . 10– 3
Précipitation
Al(OH)3
10– 3
4 8 10 pH
C’est la stabilité de l’hydrate AH3 jusqu’à pH 3 à 4 qui explique principalement la capacité du ciment
d’aluminates de calcium à résister aux attaques acides.
La durabilité des ciments alumineux dans les milieux de pH acide est, d’une ma-
nière générale, supérieure à celle des ciments Portland. Cela s’explique par la
stabilité de l’alumine hydratée AH3 jusqu’à des pH de 3 à 4. Cette propriété con-
fère au ciment alumineux un bon comportement dans des environnements
agressifs tels que ceux rencontrés dans les domaines de l’assainissement ou des
effluents industriels.
784
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
14
Ciment Portland
12
10
8
pH
6
Ciment alumineux
4
0
0 10 20 30 40 50
Capacité de neutralisation (mg/g)
785
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
13 12
Ca Ca
3,5
~ 3,5
Al
Acide
Gel d'alumine
Acide
Acide
pH pH
pH
786
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
La valeur du pH, facile à mesurer, est très souvent utilisée pour caractériser la
concentration d’une solution acide. Sur un plan pratique, il serait donc intéressant
de définir les limites de pH acceptables sans attaque exagérée. Mais, en réalité,
c’est la concentration de l’acide qui est le paramètre prépondérant. Or, il n’y a pas
de relation universelle entre la concentration de l’acide et le pH, la relation entre
ces deux paramètres dépendant de la force de l’acide.
La force de l’acide peut être caractérisée par son pKa (tableau 14.4) : plus le pKa
est faible et plus l’acide est fort. La figure 14.12, relative à des pâtes de ciment
alumineux hydratées à 20 °C et converties à 50 °C, montre clairement qu’on ne
peut définir de limites de pH dans l’absolu, mais que celles-ci sont seulement va-
lables pour un acide donné : les limites de pH sont plus basses pour les acides forts
(comme les acides chlorhydrique et nitrique) que pour les acides faibles (comme
les acides lactique et acétique) parce que, à pH égal, les solutions d’acides faibles
ont une concentration plus élevée que les solutions d’acides forts. Par exemple,
l’acide acétique 0,1 N a un pH de 2,9 alors que l’acide chlorhydrique, à la même
concentration, a un pH de 1.
Acides
3
chlorhydrique maléique lactique
orthophosphorique
Perte de masse (%)
citrique
acétique
pyrophosphorique
2
nitrique
succinique
1
sulfurique
0
oxalique
–1
0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5
pH
Figure 14.12 : perte de masse d’une pâte de Ciment Fondu hydratée à 20 °C,
et convertie à 50 °C, en fonction du pH et de différents acides.
La force de l’acide est un paramètre important pour définir les limites acceptables. Le pH est facile à
mesurer, mais c’est plutôt la concentration de l’acide qui permet de prévoir l’intensité de l’attaque: très
faible à 0,01 N, celle-ci devient sensible à 0,1 N et forte à 1 N. C’est pourquoi pour un pH donné l’at-
taque est plus sévère avec un acide faible qu’avec un acide fort.
Une autre notion importante à considérer est la solubilité des sels issus de l’atta-
que acide (tableau 14.4). D’une manière générale, les sels formés en surface à la
787
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
suite des réactions d’attaque chimique peuvent, selon leurs produits de solubilité
respectifs, précipiter et former une couche protectrice sur la surface d’attaque ou,
au contraire, se dissoudre et renouveler le front d’attaque.
À titre d’exemple, dans le cas de l’acide sulfurique, on estime que la mise en con-
tact brutale d’une pâte de ciment et d’une solution de pH inférieur à 1,8 suffit à
former en surface une couche de sulfate de calcium qui bloquera la pénétration de
la solution. C’est pourquoi les acides sulfurique et phosphorique, qui sont pour-
tant des acides forts, sont souvent moins agressifs qu’on pourrait le penser. Par
contre l’acide chlorhydrique et l’acide nitrique, qui sont tous deux également des
acides forts, sont très agressifs pour les ciments alumineux car la solubilité de
leurs sels est très élevée.
Ce mécanisme de couche protectrice dû à la précipitation de sels est particulière-
ment important en système fermé non évolutif. Dans le cas de milieux régulière-
ment renouvelés ou agités, les phénomènes de dilution et d’érosion mécanique
modifient le comportement du système.
Tableau 14.4 : pK des acides étudiés et solubilités des sels de calcium et d’aluminium.
788
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
789
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
12
Portland - Sable siliceux
0
0 10 20 30 40
Nombre d'immersions
Figure 14.13 : résistance relative de divers mortiers soumis à des cycles d’immersion
dans l’acide sulfurique à pH = 2.
À chaque immersion, les prismes 2 × 2 × 10 cm sont plongés dans 250 ml de solution. L’expérience
montre que le béton de Ciment Fondu résiste bien dans plusieurs milieux de forte corrosion acide.
Cette résistance peut être encore renforcée par le choix de granulats alumineux Alag [ESP 96].
790
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
791
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
– 300
– 400
– 500
– 600
– 700
– 800
– 900
0,1 1 10 100 1 000
Temps (jours)
Figure 14.15 : retrait de prismes béton 75 × 100 × 200 mm démoulés 3 h ou 24 h
après gâchage.
Bien que les changements volumétriques soient importants pendant les 24 premières heures, en rai-
son de la progression rapide de l’hydratation, on constate que le retrait à 28 jours est du même ordre
de grandeur pour les deux séries de mesures (entre 500 et 650 µm/m).
792
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
793
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Rc = 65 MPa après
4,50 90 jours de fluage
Rc = 50 MPa après
21 jours de fluage
4,00 Taux de charge
50 % / 30 MPa
3,50
Taux de charge
3,00 40 % / 24 MPa
Fluage (‰)
2,50 Rc = 60 MPa
à la mise Taux de charge
sous contrainte 30 % / 18 MPa
2,00
1,50
Taux de charge
20 % / 12 MPa
1,00
0,50
0,00
0,1 1 5 8 14 28 56 100 1 000
Durée (jours)
794
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
0
Ciment à 40 % d'alumine
– 0,01 Ciment à 50 % d'alumine
– 0,02
– 0,04
– 0,05
– 0,06
– 0,07
0 20 40 60 80 100
Temps de séchage (jours)
795
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
100
1,2 m
90
0
0 4 8 12 16 20 24
Temps (heures)
Figure 14.18 : exemple du régime thermique en fonction du temps pour des éléments
en béton de ciment alumineux de différentes épaisseurs (mesures in situ).
Bien que la chaleur d’hydratation du CAC soit similaire à celle d’un ciment Portland, son dégagement
est plus précoce en raison de l’hydratation plus rapide, et l’élévation de température en fonction de
l’épaisseur est plus importante. Sur la courbe enregistrée dans le massif de 1,2 m d’épaisseur, le dé-
crochement observé entre 5 et 6 heures indique que la conversion des hydrates a débuté : le ralen-
tissement du flux chaleur est dû à un manque d’eau pour réagir avec l’anhydre, puis le flux accélère
à nouveau car la conversion, induite par la température élevée, libère de l’eau qui permet de repren-
dre l’hydratation de l’anhydre restant, et donc sa dissolution, principale source de chaleur.
796
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
Concentration en mmol/l
pH
Na K Ca Al Si Cl S
Ciment Portland 13,4 121,4 286,4 2,0 0,6 1,2 10,4 6,3
CAC converti 12,8 42,2 46,3 0,1 26,3 0,0 6,2 0,0
CAC non converti 12,7 53,9 94,5 0,2 89,1 0,7 6,0 0,0
CAH10 + CO2 → CaCO3 + AH3 + 7H 1/3 C3AH6 + CO2 → CaCO3 + 1/3 AH3 + H
Masse (g) 338 100 156 Masse (g) 126 100 52
Volume (cm3) 196 37 22 Volume (cm3) 50 37 22
Une étude menée sur dix ans [DUN 00, DUN 05] a montré que la cinétique de
carbonatation et la corrosion induite des armatures au sein d’un béton de CAC
sont globalement les mêmes que celles qui se produisent dans un béton de ciment
Portland, à rapport E/C identique. Les résultats suivants ont pu être obtenus à par-
tir de cette étude.
Carbonatation : la vitesse de carbonatation d’un béton de CAC est davantage dé-
pendante de l’état de conversion que du rapport E/C (figure 14.19). La carbona-
tation est moins rapide dans un béton de CAC converti que dans un béton non
converti hydraté en CAH10, ceci malgré la porosité et la perméabilité supérieures
du béton converti. Deux éléments permettent de mieux comprendre ce résultat :
d’une part la carbonatation des hydrates non convertis conduit à une augmenta-
tion de porosité du béton, alors que le contraire est observé dans le cas des hydra-
tes convertis (tableau 14.6). Par ailleurs, la plus grande stabilité thermo-
797
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
dynamique des hydrates convertis se traduit par une plus faible solubilité et une
moindre disponibilité en ions calcium pour alimenter la formation de calcite.
Corrosion des armatures induite par la carbonatation : une fois le béton carbo-
naté jusqu’à l’armature, la relation entre vitesse de corrosion et humidité relative
est sensiblement la même dans un béton de CAC et un béton de ciment Portland
(figure 14.20). On note, toutefois, que la vitesse de corrosion est plus importante
dans un béton converti par rapport à un béton non converti.
Profondeur de carbonatation (mm)
50
40
Carbonatation totale Ciment fondu E/C = 0,55 C
(cube 100 mm)
35 Ciment fondu E/C = 0,37 NC
30
Ciment fondu E/C = 0,55 NC
25
Ciment fondu E/C = 0,8 NC
20
Ciment Portland E/C = 0,49
15
a) Cinétique de carbonatation avec Ciment Fondu non converti (extension « NC », CAH10) et converti
(extension « C », C3AH6+AH3) à différents rapports E/C. Comparaison avec un ciment Portland.
Profondeur de carbonatation à 10 ans (mm)
50
45
40 Carbonatation totale
(cube 100 mm)
35
30
25
20
CAC non converti
15
CAC converti
10
Portland
5
0
0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8
E/C
b) Profondeur de carbonatation à 10 ans en fonction du rapport E/C.
Figure 14.19 : mesure du front de carbonatation dans des cubes de 100 mm conservés
à l’air ambiant à 20 °C et 65 % d’humidité relative pendant 10 ans [DUN 05].
Ces données montrent que la vitesse de carbonatation des bétons de CAC est similaire à celle d’un
béton de ciment Portland.
798
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
1 000
Cure à l'eau, 1 % CO2 Cure à l'eau, 4 % CO2 Cure à l'eau, 10 % CO2
Cure à l'air, 1 % CO2 Cure à l'air, 4 % CO2 Cure à l'air, 10 % CO2
10
Limite de corrosion
1
0,1
0,01
40 50 60 70 80 90 100
Humidité relative (%)
Figure 14.20 : vitesse de corrosion des armatures au sein de bétons de Ciment Fondu
et de ciment Portland complètement carbonatés artificiellement en atmosphère
à 1 %, 4 % et 10 % CO2.
Dosage 400 kg/m3 de Ciment Fondu, rapport E/C = 0,40. Cure Ciment Fondu : « à l’air » = 100 % HR
24 h puis 65 % H.R. 20 °C avant carbonatation/« à l’eau » = 100 % H.R. 24 h puis sous eau à 38 °C
28 jours puis 65 % H.R., 20 °C avant carbonatation [DUN 05]. La vitesse de corrosion d’un béton de
CAC complètement carbonaté est similaire à celle d’un béton de Portland.
Les aluminates de calcium peuvent réagir avec les ions chlorure et conduire à la
formation de monochloroaluminate de calcium 3CaO.Al2O3.CaCl2.10H2O.
Certaines études montrent que l’interaction entre une matrice de CAC hydratée et
une solution contenant des chlorures, conduit à la formation d’une peau très dense
et imperméable. Cette peau est principalement formée de monochloroaluminate
et de gel d’alumine. Les conditions de sa formation ne sont pas complètement élu-
cidées. Elle pourrait être due à un comblement de la porosité par le chloroalumi-
nate et le gel d’alumine résultant du processus de dissolution des aluminates...
Une telle observation a déjà été faite par Kurdowsky [KUR 90, KUR 03] sur des
échantillons de pâte pure en contact avec des solutions concentrées de chlorures,
et par Dunster [DUN 97] sur des bétons de structures en contact avec de l’eau de
mer.
799
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
800
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
801
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
3,5
% Cl– en masse/masse de ciment
Cl– Halifax
3
Cl– Dagenham
1,5
0,5
0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180
Profondeur dans l'ouvrage (mm)
802
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
2,5
2 SO3 Dagenham
SO3 Montrose
1,5
0,5
0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180
Profondeur dans l'ouvrage (mm)
803
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
PAROIS BÉTON
Bactérie
EFFLUENT TROU D'HOMME aérobique S H
(Thiobacillus) S H2SO
2SO
0
4
4
O2O2
H2SHS
SULFATES
2
DANS EFFLUENT
Bactérie anaréobiques
sulfato-réductrices
H2S
H2S EFFLUENT
H2S DÉGAGEMENT
H2 S
Bactérie aréobiques
Thiobacillus
Ɣ7HPSVGHUpWHQWLRQORQJ GÉNÉRATION
H
H2SS
2 Ɣ7HPSpUDWXUHVpOHYpHV H2SO4
Les turbulences favorisent Ɣ(IIOXHQWULFKHHQVXOIDWHV
le dégagement de H2S Ɣ9HQWLODWLRQIDLEOH
SO4
2– 2- Ɣ7XUEXOHQFH
H SO
HS S 2 ATTAQUE ACIDE
HS 4
-2–
SS2- S MATRICE CIMENTAIRE
CC
Bactérie sulfato-réductrice
804
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
4
pH
0
0 100 200 300 400
Temps (jours)
Des observations réalisées sur le terrain dans des ouvrages en services depuis de
nombreuses années viennent confirmer ces données. Par ailleurs l’étude, en con-
ditions réelles de service, d’un mortier combinant ciment alumineux et granulat
alumineux (Alag) a abouti au même résultat, à savoir, une stabilisation du pH à
une valeur voisine de 3 (figure 14.24).
12
10
8
pH
0
0 2 4 6 8 10
Temps de service (année)
805
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Les observations et les mesures réalisées dans un trou d’homme en service depuis
10 ans, et présentant la particularité d’être protégé pour partie par un revêtement
époxy, et pour l’autre partie par un mortier de ciment alumineux + granulats Alag,
ont confirmé des différences de pH en surface du matériau de protection selon de
la nature de celui-ci. Un pH = 4 a été mesuré sur la surface du mortier alumineux,
comparativement au pH = 1 mesuré sur la surface du matériau époxy (fi-
gure 14.25). Ceci vient confirmer l’existence d’une interaction entre le matériau
fait de 100 % de ciment alumineux et l’effluent, conduisant à réduire la chute de
pH en surface de ce matériau.
806
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
Bien que ce phénomène ne soit pas totalement expliqué, il a été constaté à maintes
reprises dans différents réseaux d’assainissement à travers le monde, et ce depuis
de nombreuses années.
En raison de leur résistance à la corrosion d’origine bactérienne, les aluminates
de calcium ont été employés dans le domaine de l’assainissement depuis le début
de leur commercialisation, soit en tant que revêtements protecteurs de tuyaux mé-
talliques soit dans des travaux de réhabilitation.
La raison de la bonne durabilité des bétons de ciment alumineux vis-à-vis de la
corrosion d’origine bactérienne réside principalement dans leur capacité à limi-
ter l’abaissement du pH, celui-ci se stabilisant aux alentours de pH = 3 à 4, plage
de stabilité de l’alumine hydratée AH3.
807
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Les mécanismes précis mis en jeu n’ont pas à ce jour été clairement identifiés.
Une hypothèse de mécanisme avancé jusqu’à présent est une carbonatation en
présence d’alcalins. Si ce mécanisme est probable dans le cas des bétons réfrac-
taires isolants, il ne semble pas être approprié au cas précédent conduisant à un
ramollissement. En effet, des expériences récentes menées par les auteurs ont
montré qu’il peut y avoir carbonatation en présence d’alcalin sans ramollisse-
ment. De même, il peut y avoir ramollissement sans carbonatation. Le fait que la
carbonatation se soit systématiquement développée dans les pathologies de ter-
rain est probablement une conséquence de la forte porosité des bétons sans qu’il
n’y ait nécessairement un rapport direct avec la pathologie. Quelques résultats ré-
cents suggèrent un rôle possible de certains types de sables. Ce point est actuelle-
ment en cours d’étude.
4.6. Durabilité en ambiance hivernale
D’une façon générale, le béton de ciment alumineux montre une bonne durabilité
au gel autant dans les tests de laboratoire que sur des ouvrages réels.
Le tableau 14.7 présente des résultats de tenue au gel de bétons de ciment d’alu-
minates de calcium soumis en laboratoire aux essais de gel-dégel rapide (ASTM
C666) et de résistance à l’écaillage en présence de sels fondants (ASTM C672).
L’ensemble des résultats est satisfaisant, les modules d’élasticité dynamiques re-
latifs demeurant tous supérieurs à 100 % après 300 cycles de gel-dégel. Les bé-
tons ayant été testés « avant » et « après » conversion (la conversion a été
accélérée par un traitement thermique), il est possible de conclure que la tenue au
gel n’est pas dégradée par l’évolution des hydrates.
Tableau 14.7 : exemple de résultats d’essais de cycles de gel-dégel et d’écaillage
en présence de sels de déverglaçage.
Avant 104,6 % 0
2,7 %
Après 101,6 % 2
100 % CAC 0,40
Avant 117,2 % 0
4,5 %
Après 104,8 % 0
808
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
Avant 104,1 % 1
2,5 %
Après 104,6 % 3
70 % CAC
0,40
30 % Laitier
Avant 104,9 % 1
6,0 %
Après 122,0 % 1
0,5
NaCl avant conversion NaCl après conversion
Masse des débris d'écaillage (kg/m2)
0,2
0,1
0
0 10 20 30 40 50 60
Nombre de cycle gel-dégel
Figure 14.26 : masse des débris d’écaillage en fonction du nombre de cycle de gel-dégel
pour un béton de ciment alumineux exposé à 4 sels fondants différents
(procédure ASTM C672).
Bétons dosés à 400 kg/m3 de Ciment Fondu ; E/C = 0,40. Sachant que le critère d’acceptation varie
entre 0,50 et 1 kg/m2 après 50 cycles de gel-dégel, les 8 séries d’éprouvettes illustrées ici montrent
un écaillage très limité. Les bétons convertis ne montrent pas plus d’écaillage que les bétons non-
convertis.
809
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dans le port d’Halifax, au Canada, certains quais ont été construits en Ciment
Fondu dans les années trente. Ces segments de quai sont exposés à l’eau de mer,
à l’action des marées et à environ 100 cycles de gel-dégel par année. Un diagnos-
tic fait en 1992, après environ de 60 ans d’exposition, a conclu à une bonne dura-
bilité [DUN 97].
Les essais de laboratoire, indiquent une bonne tenue à l’action du gel malgré des
facteurs d’espacement des bulles d’air aussi élevés que 600 µm, alors que dans le
cas des bétons de ciment Portland l’espacement moyen recommandé pour une
bonne résistance à l’écaillage est de l’ordre de 250 µm.
Des recherches complémentaires seraient nécessaires pour déterminer si la distri-
bution spécifique de la porosité de la pâte de ciment alumineux réduit les con-
traintes développées lors du gel, ou encore si la fixation des chlorures dans la
phase chloroaluminate participe à cette bonne tenue. En l’absence de réponses
claires à ces questions, il est recommandé d’utiliser un adjuvant entraîneur d’air
pour les bétons devant être exposés à des conditions de gel sévère.
4.7. Durabilité face aux agressions thermiques
Les bétons de ciments alumineux sont particulièrement adaptés aux industries où
l’on est confronté à des températures élevées, de cycles thermiques répétés et/ou
à de chocs thermiques violents. La bonne tenue aux cycles thermiques et hydri-
ques s’explique en particulier par l’absence de portlandite Ca(OH)2, présente
dans la pâte hydratée de ciment Portland.
Suivant leur nature, les hydrates des bétons de CAC (CAH10, C2AH8, C3AH6) et
de ciments Portland (essentiellement C-S-H et Ca(OH)2) se décomposent et per-
dent leur eau de cristallisation à des températures comprises entre 200 °C et
500 °C. Dans le cas d’un feu violent, la pression de vapeur ainsi générée peut
d’ailleurs conduire à l’éclatement du béton. Après refroidissement, la reprise
d’humidité par le béton, peut permettre la réhydratation des composés déshydra-
tés. Dans le cas des ciments Portland, la décomposition de la portlandite Ca(OH)2
vers 450 °C, conduit à la formation de chaux CaO. La réhydratation de la chaux
conduit à la cristallisation de chaux hydratée accompagnée d’un gonflement qui
peut provoquer l’éclatement de la pâte de ciment. Ainsi, les bétons de ciment
Portland peuvent offrir une bonne tenue au feu, mais en raison de la présence de
portlandite, ils ne supportent pas les cycles thermiques et hydriques répétés. La
bonne tenue aux cycles thermiques des bétons de ciment alumineux est illustrée
par la figure 14.27 qui compare l’évolution de la résistance à la compression de
cylindres de différents bétons soumis à des cycles thermiques entre 25 °C/90 %
d’humidité relative et 500 °C.
810
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
60
Ciment fondu + granulats Alag
30
20
10
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Nombre de cycles thermiques (25 °C-500 °C)
811
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
* Les trois formules ont été testées au cours du même programme d’essai avec le même appa-
reillage.
Dans les conditions d’usure les plus sévères, l’utilisation de granulats Alag permet
d’obtenir des résistances à l’usure fortement majorées. Avec un béton de Ciment
Fondu + Alag, l’essai AFNOR P 61-302 d’usure au sable a donné un indice de ré-
812
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
sistance de 34,2 après 200 tours (au lieu de 75 tours dans la norme). L’essai ASTM
C704 donne de même une abrasion de 5,4 cm3, résultat considéré comme excellent.
Les bétons de ciment alumineux sont aussi utilisés dans les ouvrages hydrauliques
tels que les déversoirs, les vannes de purge, les égouts, dans lesquels l’effluent est
chargé en matière solide. L’utilisation de béton de Ciment Fondu + Alag pour la
réalisation en 1989 d’un radier anti-usure sur le barrage EDF de Saint-Egrève,
constitue un bon exemple : les sables et les cailloux charriés par le fleuve arrivent
sur cet ouvrage à une vitesse de un à quatre mètres par seconde. Une étude d’éro-
sion réalisée par la Compagnie nationale du Rhône a donné un indice de 0,5 pour
le béton de Ciment Fondu + Alag à comparer aux valeurs de 4 à 8 mesurées sur
béton courant (indice de référence = 1 pour le verre). Un essai de résistance à la
cavitation réalisé au CERG de Grenoble en 1999 avait mis également en évidence
la meilleure tenue du béton combinant Ciment Fondu et Alag. Un inventaire fait
en 2001 montrait plus d’une centaine d’ouvrages hydrauliques, en France et à
l’étranger, étaient revêtus de ce type de béton dans les zones où l’usure est la plus
intense.
La résistance aux chocs est une autre propriété spécifique où les bétons de CAC.
On utilise cette propriété, par exemple, dans les ouvrages torrentiels en montagne,
souvent soumis à d’importants charriages de graviers et de blocs rocheux. Les
puits de chute de minerai dans les mines sont un autre exemple d’application : les
blocs de minerai sont déversés dans des boyaux à forte pente que l’on doit recou-
vrir de béton pour en éviter l’usure prématurée. Ce béton de protection est soumis
continuellement aux impacts des blocs et à l’usure par abrasion.
Au-delà des différents tests de laboratoire, ce sont les nombreuses applications
en conditions réelles qui démontrent le mieux la très grande de résistance à
l’abrasion, à l’érosion et aux chocs des bétons de CAC. Afin d’éviter des répara-
tions répétées, on les utilise pour protéger des infrastructures industrielles, des
ouvrages hydrauliques, des puits de chute de minerai, des aires de brûlage, etc.
Afin de comparer les performances relatives de différentes formules de béton
dans ces conditions extrêmes, une version modifiée du test SABS 541 a été déve-
loppée en Afrique du Sud [VAN 04]. Quatre plaques de béton de 300 mm de coté
sont fixées sur les ouvertures d’une boite rotative chargée avec des boulets d’acier
de 40 mm de diamètre. L’appareil est mis en rotation (60 tr/min). La perte de vo-
lume des plaques après 24 et 48 heures est mesurée. La figure 14.28 illustre les
résultats obtenus dans le cadre d’un important programme comparatif réalisé en
2002. Sur les 41 formules testées, 13 ont résisté 48 heures : les 6 formules à base
de ciment alumineux ont montré une usure moindre que 7 formules à base de bé-
ton de ciment Portland. Les résultats détaillés de cette étude mettent en évidence
qu’à résistance en compression égale, la résistance au choc des bétons de CAC,
813
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
mesurée par ce test sur une plage de résistances comprise entre 60 et 110 MPa, est
supérieure. Les retours d’expérience montrent la bonne tenue des bétons d’alumi-
nates utilisés pour protéger les puits de chute de minerais, à l’exemple du puits
n° 5 de la mine Free State Gedult (Welkom, Afrique du Sud) qui était toujours en
service après avoir conduit 25 millions de tonnes de minerai.
1332
1319
1 400
1268
Formules
1203
comparables
Volume perdu par abrasion (cm3)
1 200
1049
1039
950
1 000
838
796
770
753
740
724
800
709
700
653
647
631
546
600
469
441
436
413
370
339
400
236
CAC OPC
200
CAC OPC
0
24 h 48 h
Figure 14.28 : volume de béton érodé après 24 et 48 heures d’abrasion
pour 13 formules de bétons.
Version modifiée du test SABS 541 : des plaques de bétons sont fixés sur les 4 côtés d’une « boîte
rotative » contenant des boulets d’acier ; le volume perdu par abrasion est mesuré après 24 h et 48 h
de rotation à 60 tr/min. Étant donné la sévérité du test, les plaques sont parfois détruites en cours d’es-
sai.
Pour cette étude, 41 formules ont été testées en variant notamment le type de liant (CAC vs OPC), le
type de granulats, le rapport E/C, le type et la quantité de fibres. Seulement 13 séries d’éprouvettes
ont résisté à 48 heures d’abrasion avec la méthode utilisée. Les six formules à base de ciment alumi-
neux ont montré une usure moindre que 7 formules à base de béton de ciment Portland.
814
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
Les CAC destinés aux produits formulés en usine (mortiers prêts à l’emploi) ne
sont pas couverts par la norme EN 14647, de même que les ciments à haute teneur
en alumine destinés aux applications réfractaires, chacun de ces domaines possé-
dant ses propres référentiels normatifs.
Le tableau 14.9 résume les exigences de la norme EN 14647 pour les ciments alu-
mineux.
Tableau 14.9 : exigences physiques et chimiques de la norme EN 14647.
Paramètres physiques
Paramètres chimiques
815
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
816
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
L’eau de mer provoque des retards de prise et ne doit pas être utilisée pour les bé-
tons de structure.
5.3. Un choix de granulats mettant en valeur les propriétés
des ciments alumineux
Le choix des granulats est évidemment important. D’une manière générale, on
proscrira les granulats susceptibles de libérer des alcalins comme, par exemple,
les granites altérés, les roches contenant des éléments schisteux, micacés, felds-
pathiques et les granulats de laitier.
La nature des granulats sera choisie en fonction des propriétés finales recherchées
pour le béton ou le mortier. Ainsi, les granulats calcaires durs seront les plus ap-
propriés pour répondre à des critères de résistance mécanique traditionnelle. Ce-
pendant, on utilisera plutôt des granulats de dureté supérieure tels que le basalte
ou, mieux, Alag ou le corindon pour garantir une bonne durabilité des bétons dans
des conditions d’abrasion exceptionnelles. Dans le cas d’environnements déve-
loppant des contraintes différentielles importantes (chocs thermiques, impacts,
poinçonnement, etc.), on privilégiera Alag, car il permet une meilleure liaison
chimique pâte/granulat et confère au béton une grande homogénéité de compor-
tement mécanique, thermique et chimique.
La courbe granulaire optimale des granulats utilisés dépend essentiellement du
mode de mise en place utilisé. D’une manière générale, la présence de fines infé-
rieures à 0,160 mm est très préjudiciable aux résistances mécaniques; on utilisera
par conséquent des sables lavés pour les bétons de structure
5.4. Une mise en œuvre usuelle prenant en compte les flux thermiques
Les règles de mise en œuvre sont celles des bétons conventionnels. Comme pour
tous les bétons, il est essentiel d’assurer pour les bétons de ciment alumineux une
bonne compacité. Etant donné l’ouvrabilité modérée et le caractère thixotropique
des bétons de ciment alumineux en l’absence de superplastifiant, il est nécessaire
d’utiliser les moyens de serrage mécaniques (aiguilles vibrantes ou coffrage vi-
brant).
La cure demande une attention particulière en raison de l’autoéchauffement plus
important du béton de CAC, spécialement pour les sections supérieures à
100 mm. D’une part, on doit utiliser des moyens appropriés pour éviter la dessic-
cation précoce du béton en surface. D’autre part, on ne doit pas favoriser le diffé-
rentiel thermique entre la peau et le cœur du béton, ce qui augmente le risque de
fissuration d’origine thermique. Une méthode de cure contraignante utilisée dans
le passé consistait à retirer les coffrages non porteurs dès l’échauffement du béton
(environ quatre heures après le bétonnage) et d’arroser en permanence pendant au
817
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
moins vingt-quatre heures. Cet arrosage ne visait pas tant à refroidir l’ouvrage
dans sa masse qu’à maintenir une humidité permanente en surface. L’utilisation
de produit de cure (pour autant qu’il demeure efficace malgré l’auto-échauffe-
ment) ou la couverture avec des bâches plastique étanches élimine avantageuse-
ment les contraintes liées à la cure par arrosage.
Pour le bétonnage par temps froid, les ciments alumineux, en raison de leur exo-
thermicité précoce et rapide, offrent des possibilités de bétonnage supérieures à
celles des ciments Portland. Il est possible, en effet, de les mettre en œuvre jus-
qu’à – 10 °C. Toutefois, pour garantir au béton une qualité indispensable à sa bon-
ne durabilité, il est important de ne pas utiliser de granulats gelés, de gâcher à
l’eau tiède (voire chaude), et de protéger le béton pour qu’il ne gèle pas durant les
quatre à cinq premières heures qui suivent la fin de la mise en place, le temps que
l’hydratation débute.
Pour le bétonnage par temps chaud, on doit éviter une température élevée du bé-
ton plastique non seulement pour maintenir une ouvrabilité et une durée pratique
d’utilisation correctes, mais aussi pour minimiser les impacts d’un autoéchauffe-
ment trop important. On appliquera les précautions nécessaires pour réduire la
température du béton : ne pas stocker au soleil les constituants du béton, arroser
les granulats, utiliser une eau de gâchage la plus froide possible, etc. L’utilisation
d’un retardateur est toujours souhaitable (voir titre suivant). L’anomalie de temps
de prise, phénomène spécifique des ciments alumineux observé entre 26° et 30°,
induit à la fois une perte d’ouvrabilité du béton plastique et un retard de prise de
quelques heures. Cette anomalie ne doit jamais être corrigée par un ajout d’eau
mais plutôt en prenant des mesures assurant une température du béton frais infé-
rieure à 25 °C (eau froide ou ajout de glace, granulats à l’abri du soleil, etc.)
5.5. Une adjuvantation simple… mais spécifique
Le choix des adjuvants doit permettre de répondre aux contraintes de mise en pla-
ce en termes de délais, de fluidité, etc., et de garantir, malgré ces contraintes, l’ob-
tention d’un produit final de bonne qualité en termes de structure et de résistances
mécaniques et chimiques. En première approche, on retiendra que les adjuvants
usuels du ciment Portland sont peu ou pas efficaces avec le ciment alumineux.
Les plastifiants les plus efficaces des ciments alumineux sont aussi des retardateurs;
il s’agit essentiellement de produits en poudre utilisés par les manufacturiers de mor-
tiers en sac : les acides, les citrates, les tartrates, les complexants tels que les sels
d’EDTA, les tripolyphosphates, l’hexamétaphosphate de sodium, le carbonate et le
bicarbonate de sodium. Ces produits agissent principalement comme complexants du
calcium, leurs effets respectifs sur la rhéologie des bétons sont légèrement différents,
mais très efficaces et peuvent être optimisés par mélange.
818
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
6. CONCLUSION
Le ciment alumineux a été conçu depuis son origine pour présenter une excellente
résistance aux agressions extérieures. L’usage a montré qu’il accroît la durabilité
des bétons et mortiers dans des environnements réputés difficiles tels que les sols
chargés en sulfates, les milieux marins, les réseaux d’assainissement ou les sites
industriels.
Ces milieux présentent rarement un seul facteur agressif, chimique ou mécanique,
et rassemblent un ensemble de contraintes aussi diverses que corrosion chimique,
érosion, poinçonnements et impacts, compression et flexion, chocs thermiques
d’intensité variable dans le temps et souvent mal déterminées, ce qui les rend
complexes à étudier. De nombreuses études de laboratoire ont permis d’appréhen-
der les mécanismes mis en jeu lors de ces agressions et, par là même, de mieux
répondre pour chaque cas aux attentes de durabilité, par un choix approprié des
granulats et par une attention particulière portée aux conditions de mise en place.
Le phénomène de conversion doit en particulier être pris en compte dès la con-
ception des ouvrages en vérifiant que les propriétés du béton après conversion
sont en adéquation avec les propriétés attendues.
Le ciment alumineux est un ciment spécial dont les propriétés de durabilité spé-
cifiques peuvent être avantageusement valorisées dans certaines applications
exigeantes. Cette bonne durabilité en milieux agressifs est confirmée depuis de
nombreuses années par l’expérience pratique.
Souvent, le ciment alumineux, sans être nécessairement la solution la mieux adap-
tée pour un type d’environnement ou de contrainte considéré individuellement,
819
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
constitue une solution durable parce qu’il présente une grande résistance vis-à-vis
de la plupart des agressions mécaniques et physico-chimiques qui sont souvent
présentes simultanément dans les environnements agressifs. Cette résistance par-
ticulière est confirmée depuis de nombreuses années par l’expérience pratique.
Le développement durable devient aujourd’hui une approche incontournable
d’évaluation des choix des méthodes et des matériaux de construction. La capaci-
té des bétons d’aluminates de calcium à protéger les ouvrages et à en augmenter
la longévité est une option à la disposition des concepteurs pour améliorer le bilan
global de la construction à réaliser. Ainsi, une plus longue tenue à l’usure, une
bien meilleure résistance à la corrosion bactériogénique ou encore le piégeage ef-
ficace d’ions toxiques autrement libérés dans l’environnement sont autant de
moyens d’augmenter la durabilité des ouvrages.
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822
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium
D. SOMMAIN
Résumé
Le ciment prompt naturel d’une composition chimique proche des ciments Port-
land se distingue de ceux-ci de par une composition minéralogique spécifique.
Cette dernière formée à une température comprise entre 800 et 1200 °C procure
à ce ciment naturel une prise rapide de l’ordre de quelques minutes. La prise est
suivie immédiatement d’une montée en résistance qui s’effectue en deux temps:
rapide de la fin de prise à quelques heures puis continue dans le temps pendant
de nombreux mois. Cette composition minéralogique spécifique avec une quasi
absence de portlandite confère une bonne tenue aux eaux agressives et à la pol-
lution urbaine prouvée sur plus de 150 ans.
Mots-clés
ATTAQUE SULFATIQUE, BÉLITE, CHAUX ROMAINE, CIMENT NATUREL, CIMENT ROMAIN,
CUISSON BASSE TEMPÉRATURE, EAUX AGRESSIVES, HYDRATATION RAPIDE, MAYÉNITE,
POLLUTION URBAINE.
825
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
Le ciment prompt naturel (CNP) ne se distingue pas des ciments Portland par sa
composition chimique mais par sa composition minéralogique spécifique lui con-
férant un temps de début de prise très rapide (2 minutes) suivi une minute après, dès
la fin de prise, par un durcissement immédiat, rapide et progressif dans le temps.
Les applications qui découlent de ces propriétés de rapidité sont celles qui récla-
ment une remise en service tout aussi rapide, telles que : des mortiers de scellement,
de réparation et de maçonnerie rapide, d’étanchéité, d’arrêt de venue d’eau…
Ces propriétés ont donné satisfaction aux utilisateurs au cours du temps. Ce ci-
ment est fabriqué depuis plus de 150 ans; de nombreux ouvrages anciens à base
de ce liant sont encore en service et visitables à l’heure actuelle. À une époque où
il est souvent exigé une durée de service de 100 à 120 ans, le ciment prompt na-
turel est une solution originale de durabilité.
Dans ce chapitre, il sera abordé la composition minéralogique assurant les pro-
priétés de rapidité et de durabilité du CNP. Un exemple de comportement sur plus
de 120 ans face aux agressions urbaines sera explicité. La tenue aux eaux agres-
sives sera développée. Nous verrons que pour une application de qualité durable
des dosages spécifiques doivent être utilisés.
826
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
1 500
ciment
chaux faiblement prompt
1 300 ciment Portland
hydraulique naturel
naturel
1 100
ciment naturel
chaux chaux chaux
900 grasse moyennement
hydraulique
700
chaux éminemment chaux limite
hydraulique
500
0 5 10 15 20 25 30 35
Argile (%)
827
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
10 90
20 80 Pouzzolanes
30 70
O
Ca
60
SiO
Al2O2
828
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
829
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
830
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
831
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
832
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
833
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Cristaux
de gypse
834
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
qui provient certainement d’un apport de soufre externe probablement causé par
la pollution urbaine ;
• zone 2: zone très microfissurée d’environ 500 µm d’épaisseur localisée en sub-
surface, les cristallisations de gypse sont localisées dans des microfissures paral-
lèles à la surface. Ce gypse est de type palissadique avec une croissance perpen-
diculaire à la surface ;
• zone 3: zone plus compacte d’environ 2,5 mm d’épaisseur, de nombreuses
cristallisations de gypse ont été observées dans les microporosités de la pâte ;
• zone 4: elle correspond au béton carbonaté. Sa morphologie est représentative
des zones non écaillées. Les cristallisations de gypse ne sont plus détectées sauf
dans le cas de fissures se propageant depuis la surface.
Ces formes cristallines du gypse ainsi que leurs localisations présentent de nom-
breuses similitudes avec les mécanismes d’altération des pierres liés à la présence
de croûte noire [BRO 96]. Cette dernière correspond à un dépôt de surface cons-
titué de gypse cimentant d’autres particules apportées par l’environnement exté-
rieur telles que les cendres volantes, des suies. Les cristallisations internes de
remplissage de type palissadique constatées dans les microfissures et les porosités
des pierres altérées sont du même type que celles observées dans la zone 2.
3.2.2. Les phénomènes d’érosion
(exemple de l’église Saint-Bruno datant de 1874)
Bien qu’un faible enrichissement en soufre ait été constaté sur les 5 premiers mil-
limètres, sans doute lié à un apport externe causé par la pollution urbaine, le phé-
nomène d’érosion semble principalement lié à une dissolution associée à l’eau de
pluie.
3.2.3. Carbonatation
Les différentes mesures ont montré une profondeur de carbonatation variant de 15
à 30 mm seulement.
Sur une soixantaine d’édifices recensés (en béton âgé de plus d’une centaine
d’années), quelques-uns présentent une altération conséquence d’une attaque
sulfatique due à la pollution urbaine. Ces altérations, qui n’affectent le béton
que sur quelques millimètres, sont tout à fait comparables à celles observées sur
les pierres d’après [BRO 96]. Étant donné l’âge plus que centenaire des bétons
étudiés, leur faible profondeur de carbonatation confirme leur bonne tenue dans
le temps.
835
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1 000
Expansion (μm/m)
800
600
400
200
0
0 50 100 150 200 250 300 350
Jours
n° 1 n° 2 n° 3 n° 4
836
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
Perméabilité
1,E-10
1,E-11
Coefficient 1,E-12
de perméabilité
(m/s) 1,E-13
1,E-14
1,E-15
CEM II 42.5 1/3 CNP 1/1
Composition
28 jours 3 mois 6 mois 12 mois
Le ciment prompt naturel est utilisé dans les mortiers et bétons. Le maximum de
compacité pour une bonne durabilité est obtenu comme avec les autres liants en
optimisant le squelette granulaire des granulats (voir le chapitre 3).
4.1. Un dosage spécifique et compatibilité de l’adjuvantation
Afin que les résistances aux jeunes âges se développent de manière optimale et
que la durabilité soit maximum, il est conseillé d’utiliser un rapport eau/ciment
inférieur à 0,5, idéalement à 0,4. Afin d’avoir une maniabilité acceptable par les
utilisateurs, cela implique des dosages recommandés [VIC 03, BAR 96] plus éle-
vés que ceux des ciments Portland, de l’ordre de 600 à 900 kg/m3 pour les mor-
tiers et de 400 à 600 kg/m3 pour les bétons.
Même à ces dosages élevés, le retrait du ciment prompt naturel n’est pas supérieur
à ceux des ciments Portland à leur dosage usuel. Il est possible d’utiliser le ciment
prompt naturel à des dosages inférieurs et des E/C supérieurs à ceux recomman-
837
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
dés pour des usages peu sollicités mécaniquement et ne nécessitant pas une dura-
bilité maximum.
L’emploi d’adjuvant réducteur d’eau peut permettre de baisser ces dosages re-
commandés en respectant le rapport eau/ciment optimum. Les familles de plasti-
fiant et superplastifiant adaptées sont par ordre d’efficacité : les polycarboxylates
spécifiques aux liants rapides, les lignosulfonates, les polynaphtalènes sulfonates
et les polymélamines sulfonées. Pour les autres adjuvants, leur compatibilité avec
le ciment prompt naturel doit être vérifiée par des essais préalables.
4.2. Maîtrise du temps de prise, emploi
La prise rapide du ciment prompt naturel ne laisse du temps disponible que
pour mettre en œuvre de faibles quantités (de l’ordre de quelques litres). L’em-
ploi de retardateur devient donc évident pour gâcher de grands volumes de bé-
tons.
Le retardateur le plus efficace est l’acide citrique. Comme autre facteur influant
sur le temps de prise, la température est à prendre en considération (tableau 15.3).
Tableau 15.3 : facteurs modifiant le temps de prise (pâte pure, E/C = 0,36).
Température (°C) 5 10 20 30
5. CONCLUSION
Fabriqué depuis plus d’un siècle et demi, le ciment prompt naturel offre des réfé-
rences sur toute cette période. Son comportement vis-à-vis des agressions indus-
trielles et urbaines a été étudié. L’attaque sulfatique due aux ambiances urbaines
n’affecte que la peau du béton sur quelques millimètres. En profondeur le béton
reste sain. Cela explique que de nombreux ouvrages et édifices soient encore en
service à l’heure actuelle.
Bien qu’ayant une composition chimique proche des clinkers de ciment Portland,
il en diffère au niveau de sa composition minéralogique du fait de sa cuisson à une
838
La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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[VIC 03] VICAT, Liants spéciaux, CD-Rom, 2003.