L'Eternité
L'Eternité
L'Eternité
Un seul moyen de traverser cette vie et ce monde sans se laisser affecter par eux,
c’est de voir l’invisible, de voir ce qui est éternel. Israël est une clé pour
l’interprétation des Écritures ; c’est une des clés de la foi. Perdre le sens du destin
millénaire et éternel d’Israël, c’est perdre le sens de l’éternité elle-même. Dans les
intentions de Dieu, il n’y a rien de plus motivant pour inspirer une vie de victoire, une
vie héroïque et apostolique, ainsi que l’espérance d’une récompense à venir, dans
l’éternité.
Quoi de mieux pour inspirer une vie pleine de sens, une vie de sacrifice ?
Or c’est précisément là ce qui nous fait le plus défaut ; nous n’y pensons pas, nous
ne nous y attendons pas ; nous n’attendons pas de couronne et ne vivons pas
comme si nous en méritions une. Nous passons à côté de ce que Dieu donne de
plus motivant pour créer une église victorieuse ; nous avons perdu ce que Dieu offre
de plus grand pour réduire à rien la puissance de ce monde, dont le pouvoir de
séduction, dans cette génération, est plus grand qu’il n’a jamais été dans le passé.
Ce monde hypnotise les nations au moyen de ses marchandises, de sa culture.
Tel était le point focal de la vision apostolique de Paul, qui voyait avec tant de netteté
et d’intensité le poids invisible de gloire, que ses souffrances présentes en
devenaient éphémères et légères. Ce que Paul voyait n’avait rien d’un fantasme, il
ne s’agissait en rien de choses hypothétiques ou subjectives : Il s’appropriait
véritablement des réalités qui rendaient légères et éphémères ses souffrances du
moment. Or il ne faut rien de moins pour que nos propres souffrances soient
transformées au même degré. Il est également vrai que si nous acquérons cette
perception-là de l’éternité, nous sommes assurés de souffrir.
Nous ne représentons rien pour les principautés de l’air qui dominent notre nation
jusqu’au jour où nous nous mettons à prendre au sérieux la vision de l’éternité : En
effet, tous les aspects de notre foi passent alors par une transformation. C’est alors
que reprend vie cette bienheureuse espérance de l’Église : L’attente du retour du
Seigneur. Il ne s’agit plus, alors, d’une simple formule doctrinale, mais du désir
brûlant d’un peuple qui va faciliter et hâter la Parousie de Jésus-Christ. Un tel
peuple, qui voit se désintégrer ce monde et ses systèmes, sait par conséquent quelle
devrait être notre conduite, puisque nous attendons et hâtons l’avènement du Jour
de Dieu.
Voilà la vision apostolique et prophétique dans toute sa plénitude. Il s’agit là de bien
autre chose qu’une vague sympathie, une vague empathie pour Israël. Il s’agit de
voir tout autrement, et de voir pourquoi la dévastation doit immanquablement
précéder la restauration. On voit alors que la question des principautés et des
puissances dépasse de loin celle de la délivrance individuelle: il s’agit de cette ultime
collision, aux dimensions épiques, qui doit se produire dans les derniers jours entre
deux systèmes de pouvoir qui se disputent la création. En fin de compte, c’est la foi
elle-même qui est en question.
Nous avons célébré le Saint Esprit de façon « charismatique », sans voir en Lui les
arrhes de la puissance du siècle à venir. Nous L’avons considéré plus ou moins
comme une ressource destinée à améliorer nos situations ecclésiales et
dénominationelles. Entendez-vous bien cela ? Considérez cette seule question : Le
Saint Esprit replacé dans Son contexte éternel, apocalyptique, tel qu’Il fut promis à
Israël. Il y a là une prophétie concernant Israël ressuscité d’entre les morts ; son
accomplissement requiert la puissance divine, les capacités de la vie divine. Et nous
qui cherchions à nous approprier quelque chose afin d’améliorer nos dénominations
et nos réunions d’église ! Avez-vous compris que le Saint Esprit donne l’avant-goût
de la puissance du siècle à venir ? Voilà ce que cela signifie de Le replacer dans la
perspective d’éternité.
Pour traiter cette question, il faudrait bien un séminaire de trois jours... Mais prenons
maintenant le chapitre 11 de l’Épître aux Hébreux. Je vais relire ce passage grâce
auquel Dieu a commencé à ôter le voile de ma propre intelligence, ce chapitre bien
connu sur la foi dans sa plénitude, la foi abrahamique. J’espère vous montrer que ce
chapitre débouche sur une perspective centrale, éternelle. Sinon, il ne s’agirait pas
de la foi d’Abraham.
Au chapitre 10, relisez le verset 34, qui parle de la joie de ceux qui avaient été
dépouillés de leurs biens. Il se peut bien que nous devions en passer par là aussi, si
les jours à venir sont bien les derniers, les temps du conflit entre les puissances des
ténèbres et celles de la lumière, les temps des persécutions annoncées et du
martyre de l’Église. Sommes-nous capables de nous laisser dépouiller avec joie ? Je
ne saurais souligner assez l’importance de cette capacité-là : Elle est la
manifestation des intentions de Dieu pour l’Église : En effet c’est par l’Église que doit
être manifestée la sagesse infiniment variée de Dieu, qui a créé toutes choses. Le
but éternel de Dieu pour nous qui sommes dans le Christ Jésus, c’est la
manifestation collective d’une sagesse toute autre que celle qui gouverne les
hommes en ce monde, ces hommes qui présentement s’accrochent jalousement à
leurs biens, leurs honneurs, leurs distinctions. Savoir se laisser dépouiller de ces
choses tout en restant joyeux, c’est manifester une sagesse plus haute, c’est
accomplir le but éternel de Dieu pour l’Église en Christ Jésus. Ceux qui voient le
caractère éphémère de ce monde, ceux qui voient qu’il est passible d’un jugement
divin, voient aussi qu’il ne peut être réformé ou amélioré. Chaque jour ce monde
révèle sa corruption innée, corruption qui finira par attirer sur la terre le feu du
jugement divin.
Cette attente apocalyptique est inséparable du jugement divin. Le croyez-vous
réellement ? Recevez-vous ces paroles ? Et si vous parlez de ce jugement, êtes-
vous encore accueillis dans une assemblée ? Vous serez plus tranquilles si vous
vous contentez d’avoir des doctrines correctes, sans trop vous occuper de les
appliquer à votre vécu, sans faire de vagues en parlant trop souvent de cette vérité
qu’est l’attente apocalyptique d’un jour de jugement. Mais taire ces choses, c’est
perdre Dieu Lui-même, car Il n’est pas seulement le Dieu de la miséricorde, il est
aussi le Dieu du jugement.
En effet, que serait Sa miséricorde s’il n’y avait pas Son jugement ? Dieu est Un et
indivisible ; omettre l’un des éléments qui Le caractérisent reviendrait à omettre Dieu
en Personne et à se retrouver avec un Dieu fabriqué à notre propre image, un Dieu
qu’il ne suffit pas d’affubler du Nom de Jésus pour faire de lui le Dieu de Vérité. Nous
avons perdu de vue cette attente apocalyptique du jugement, qui pourtant sera
dévastateur au point d’entraîner la création de nouveaux cieux et d’une nouvelle
terre...
Si ces choses sont imminentes, si elles doivent arriver bientôt, quelle ne devrait pas
être notre conduite aujourd’hui ? Quelle ne devrait pas être notre attente ? En réalité,
quelles sont les choses qui retiennent notre attention ? Celles qui nous prennent du
temps, de l’énergie, de l’argent ? Je me demande si là n’est pas la clé de la
magnanimité de l’Église apostolique primitive : Ceux qui possédaient maisons et
terres les vendaient et en apportaient le prix aux pieds des apôtres. À quoi bon
accumuler, épargner ? Le juge est à la porte ; la fin est imminente ; le Seigneur vient.
Voilà ce qui donnait à l’Église primitive ce sens d’une urgence, d’une expectative.
Paul a cultivé cette espérance-là, cette attente-là dans l’Église, deux mille ans avant
qu’elle ne s'accomplisse. Se livrait-il à quelque petit jeu psychologique, exploitait-il la
naïveté de l’Église ? Ou bien cette Église connaissait-elle ce sens de l’urgence, cette
attente qui sont la norme que Dieu veut pour l’Église à chaque génération ? Nous
avons perdu cette vision-là ; nous l’avons ramenée à une déclaration doctrinale qui
reste tolérée, mais nous n’avons pas ce sens d’une urgence, nous n’avons pas cette
vivante expectative, nous n’avons pas cette attente d’une récompense, qui rendrait à
l’Église sa capacité de sacrifice. Or sans cette capacité de sacrifice, elle cesse d’être
l’Église.
Suis-je en train de vous en dire trop, trop à la fois, trop tôt ? Pouvez-vous recevoir
mes paroles ? Êtes-vous saturés, ou bien avez-vous encore l’esprit clair ? C’est une
question tellement essentielle pour l’Église que j’en pleurerais : Car si nous perdons,
dans l’Église, cette dynamique divine, comment susciterons-nous la jalousie des
Juifs ? Ce sera impossible tant que l’éternité ne se trouvera pas au cœur même des
préoccupations de l’Église, tant que l’Église ne manifestera pas dans sa vie
quotidienne cette influence libératrice.
Vous identifiez aux Juifs, le jour où ils seront en butte à la haine dans les derniers
temps, peut vous coûter votre sécurité et même votre vie. Personne ne sera à la
hauteur d’un tel accomplissement s’il n’est motivé que par le devoir religieux : Car
nous vivrons ces choses dans la joie, ou bien nous ne les vivrons pas du tout. Il
s’agira là de l’ultime témoignage de Dieu envers Son peuple Juif, et il sera manifesté
au travers de l’Église des Gentils. Dieu va manifester Sa propre miséricorde, Sa
propre nature, à travers ceux qui ne regarderont pas à ce que ce témoignage leur
coûtera. Et qui dit « coût » (oui, il y aura un coût, cela coûtera même la vie, et cela se
passera dans toutes les nations y compris celle-ci) dit aussi espérance, l’espérance
qui vous rendra capables de payer ce prix, l’espérance d’une récompense et d’une
couronne éternelles.
« Car encore un peu de temps, et celui qui doit venir viendra, il ne tardera pas
(Hébreux 10 : 37) ». Toutes choses dépendent de cet avènement-là, de cet «
eschaton », de cette grande conclusion ; cet apogée eschatologique. Jusque-là,
nous sommes pèlerins, étrangers, et voyageurs sur la terre. Nous « tabernaclons »
dans des tentes. L’héritage, nous le recevrons plus tard. C’est nous qui sommes
passés à côté de l’essentiel, en nous figurant que l’Église du moyen-âge était naïve,
elle qui regardait la vie présente comme une sorte de préparation à ce qui doit venir
plus tard. Oui, cette vie est une mise à l’épreuve, une préparation de notre
personnalité, de nos traits de caractère. Hélas, nous autres modernes, avons « fait
des progrès » : La vie présente est considérée pour elle-même ; elle nous domine,
nous séduit, nous prive de toute expectative, de la foi biblique dans les choses qui
doivent venir plus tard.
Maintenant, « le juste vivra par la foi (Hébreux 10 : 38) ». Nous lisons, après cet
exposé sur l’éternité, que « tous sont morts dans la foi, sans avoir obtenu les choses
promises (Hébreux 11 : 13) ». C’est aujourd’hui que le juste doit vivre par la foi. Vivre
ainsi, c’est vivre vraiment. Mais cette foi là est d’un autre ordre ; elle a un caractère
éternel. Elle est une puissance de libération, et elle confère à l’Église une
authenticité, cette authenticité qui est la norme voulue par Dieu.
Je suis convaincu que faute d’avoir cette vision-là, nous nous étiolons et nous
mourons. Nous sommes attirés vers le bas, vers la terre ; nous sommes superficiels.
Voilà qui plaît aux puissances des ténèbres. Les gens s’ennuient : Alors on cherche
à mettre sur pied des programmes pour pallier cet ennui. On demeure à l’affût de
quelque nouveauté, de quelque accent nouveau venu d’outre-Atlantique sans doute :
« L’évangélisation de puissance » ; quelque mode nouvelle. Cela ne durera pas, cela
ne peut pas durer, car cela ne fait pas partie des plans de Dieu ; en revanche, cette
vision de l’éternité en fait partie.
J’ai l’impression d’être entré dans cette dimension maintenant, et qu’il ne m’est pas
nécessaire d’attendre de mourir pour goûter cette expérience. C’est merveilleux de
parcourir le monde entier, et de ne se laisser impressionner ni par lui, ni par les
hommes, fussent-ils chrétiens ; en effet on voit plus loin, on voit ce qui est à venir, on
en a un avant-goût. Dans l’attente de la récompense, on vit une existence digne du
Royaume et de la gloire à laquelle nous sommes appelés. Loin de regarder en
arrière, on lutte et on court en avant avec Paul pour atteindre le but, pour être digne
de cette résurrection meilleure, à laquelle tous n’auront point part. Si ma lecture de
l’Écriture est juste, je vois qu’il y est question de deux résurrections. Il y en a une à
laquelle prendront part seulement les « saints et bienheureux », ceux qui sont prêtres
et rois pour Dieu, ceux dont le caractère a une certaine qualité, et qui auront
combattu au cours de cette existence.