Les Symboles Bibliques (M. Cocagnac) PDF

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SYMBOLES
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I,

BIBLIQUES
Lexique théologique
Maurice
Cocagnac
MAURICE COCAGNAC

LES SYMBOLES BIBLIQUES


Lexique théologique

LA LUJli:UÈRE - LE FEU - L'EAU - LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT - LA TERRE - LE CIEL,


LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE - L'ARBRE - LA VIGNE,
LE VIN, LA COUPE, LE SANG- LE PAIN DU CORPS ET CELUI DE L'ESPRIT - LE BESTIAIRE
BIBLIQUE - L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE- LE CŒUR, LE CORPS - LE TRAVAIL
DES HOMMES - LE REPOS DE DIEU - LE GESTE PROPHÉTIQUE - L'HUILE, L'ONCTION
- LES BRUITS, LE CRI, LE SON DES INSTRUMENTS - LA JOIE, LA FÊTE PAR LA DANSE
ETLETAMBOUR-LAMALADIE,LAMORTETLARÉSURRECTION-LATENTE,L'ARCHE
DE L'ALLIANCE, LES PREMIERS SANCTUAIRES - LE TEMPLE.

4e édition

LES ÉDITIONS DU.CERF


PARIS
2009
Estimez le travail immense
des prophètes écrivains d'Israël
pour construire une Bible, livre unique,
en. brochant leurs pages dans le monothéisme,
luttant contre un peuple idolâtre
qui les fait voler dans l'espace,
qui les répand pour en faire un paysage,
jardin perdu ou paradis,
pays où coulent le miel et le lait,
terre promise qui s'abandonne au monde
par angoisse du désert.
MICHEL SERRES
Les cinq sens

Imprlmé en France
© Les Éditions du Cerf, 1993
(29, boulevard Latour-Maubourg
75340 Paris Cedex 07)
www.editionsducerf.fr
ISBN 978-2-204-08156-6
PRÉFACE

Qui ne s'est heurté à ce verset de /'Apocalypse (5, 6) : « Et je vis, au milieu du trône et des
quatre vivants, et au milieu des vieillards, un agneau debout, comme égorgé. Il avait sept cornes
et sept yeux, qui sont les sept souffles de Dieu envoyés vers toute la terre. » À qui penserait que
/'Apocalypse est un livre d'images, des difficultés insolubles s'offriraient. Comment loger sept
yeux sur-le front d'un agneau ? Et les sept cornes, conviennent-elles à une bête née récemment ?
Comment associer la station debout à ce« comme immolé» qui semble la fonder? Et enfin, après
que le ciel nous a été dépeint sous une /orme concentrique, tous les adorateurs entourant un
centre constitué par le trône et Celui qui y siège, comment se représenter la place de cet agneau
« au milieu » de tout ce qui a été situé auparavant ? Ces difficultés risquent de faire reculer ceux
qui tentent d imaginer /!inimaginable; alors que les grincements et les contradictions d'images
1

1 1
ainsi décelés nous montrent que nous n avons pas à imaginer mais à tenter d approcher ce qui
1
1
est au-delà de Firitaginable. Ici chaque image est chargée d un sens, et ce ne sont pas les images
1

mais leurs sens qui ont à l articuler de façon cohérente. Une systématique proprement concep-
tuelle est en jeu, mais elle n'est pas médiatisée par des termes philosophiques abstraits, elle l'est
par des images qui ont pour raison d'être de porter des sens.
Cet exemple nous fait toucher du doigt le vif besoin que nous avons du lexique théologique
des symboles bibliques que Maurice Cocagnac nous offre ici. Celui qui l'aura suivi au long de
cet ouvrage entendra vibrer les symboles de /'Apocalypse et le livre s'animera comme un drame
lyrique englobant Funivers. Est-ce par excès de modestie que l'auteur nous présente cet ouvrage
1
comme un lexique? Certes le copieux index analytique qui Fachève montre qu on peut en /aire
1

usage comme d'un très riche lexique. Mais Cocagnac a une relation trop intime avec timage pour
s'être contenté de nous expliquer la signification des diverses images dont la Bible fait usage. Il
les parcourt dans leur enchaînement dynamique, et il fait bon le suivre en ce parcours, ce qui,
1
d'ordinaire, n est pas le cas lorsqu on aborde un lexique. C'est donc dans leur contexte naturel
1

et dans leur déploiement spontané que ces symboles s'enchaînent. Et l'on a toujours un pied inséré
1
dans le plus concret du réel et l'autre qui s'essaie à trouver une prise dans la transposition d 0ù
s'élance le révélé.
Celui qui se sera engagé dans ce parcours accédera à une vue du monde non formulée mais
éprouvée. Tout commence par la lumière, issue de la toute première parole. Puis viennent les
quatre éléments, sous leur visage biblique, c'est-à-dire en commençant par le feu qui éblouit

5
LES SYMBOLES BIBLIQUES

l'homme quand il tente de fixer les yeux sur Dieu, et en s'achevant par la terre, lieu de l'homme.
L'eau et le sou/fie effectuent la transition. Puis une évocation du ciel dessine une grande verticale
ascensionnelle : montagne, montée vers Dieu, cité de Gloire. Ensuite vient la vie, et d'abord
l'arbre porteur de vie, à la fois glorieux, maudit et bénéfique. En place centrale se situe la vigne,
étroitement associée à la coupe et au sang. Au vin, boisson végétale, fait pendant le pain,
nourriture végétale. Ensuite le monde animal se déploie, certains de ses représentants étant
porteurs d'une charge symbolique plus marquée. Et, dans un drame suscité par l'amour que Dieu
lui porte, l'homme entre en scène, cœur et corps. Un homme à l'œuvre, mais invité à prendre part
au repos du Dieu qui vient. Dans l'homme en mouvement est mise en valeur la portée prophétique
du geste. Portée capitale du geste de l'onction d'huile. Puis la parole et l'ouïe s'éveillent avec tous
les bruits et les sons, de la détresse à l'exultation. La joie et la fête unissent geste et son par la
danse et le tambour. À cette joie font pendant maladie et mort qui appellent la résurrection. Il
est temps alors de nous introduire sous la tente, refuge de l'homme dont Dieu vient partager/e
nomadisme. De là nous tournerons nos regards vers le temple, pôle de la foi d'Israël et lumière
des nations. Que ceux qui veulent se familiariser avec l'imaginaire biblique se·mettent en route.
Du début de la Genèse à la /in de !'Apocalypse, la Bible se mettra à leur parler un langage
nouveau, grâce à tefféta prononcé par Maurice Cocagnac.

6 DOMINIQUE BARTHÉLEMY.
INTRODUCTION

Le symbole est, pour la Bible, la chair même de son langage. La langue hébraïque se prête
admirablement à cette incarnation : la parole de Dieu est ainsi proférée sur tous les tons. Le
grand miroir du monde et toutes les facettes du cœur humain déploient leurs richesses pour
mettre l'homme en présence de son Dieu.
Le Seigneur qui a créé le monde par sa Parole fait de toutes choses une parole et peut ainsi
articuler un message qui s'adresse à -l'homme tout entier, à son intelligence, à son ardeur
émotionnelle, à son seris de la beauté. Cet appel passe aussi par l'horreur et la violence, tissées
comme la toile de fond du destin tragique de l'humauité.

· Des recherches actuelles sur la symbolique, on ne retiendra ici que la formule de Paul Ricœur:
« Le symbole donne à penser. » Cette proposition révèle la générosité de tout ce qui existe, sa
force significative et sa puissance d'évocation. C'est en les conduisant au cœur des choses que
Dieu fait entrer le théologien et l'esprit contemplatif dans son mystère.
La symbolique biblique n'est pas un système de formules codées. Le verbe de Dieu n'est pas
gardé sous clef, une clef que conserveraient jalousement les initiés d'une religion à mystères. Elle
ressemble plutôt à la graine que le semeur jette dans le champ, sans trop se soucier de la
rentabilité de son investissement. Tel est le Père du Ciel qui fait pleuvoir sa parole sur les cœurs
fertiles comme sur les esprits secs.

Cet ouvrage ne relève pas d'une philosophie particulière et ne propose pas davantage une
méthode pédagogique déterminée. Ils' efforce de regrouper les principaux symboles pour leur
permettre de s'éclairer mutuellement, par affinité ou par contraste.
Par affinité, les symboles peuvent se regrouper en constellations. Ces ensembles célestes
tiennent leur cohérence de l' œil qui les réunit. Le regard spirituel, pour sa part, assemble les
symboles de mauière très originale. Il révèle leur affinité naturelle quand les choses s'assemblent
selon leurs essences: la vigne, le vin, le pressoir, la coupe sont des réalités d'ordre vinicole. Le
regard peut cependant briser cette chaîne et s'intéresser à la vigne en tant que champ, au vin
comme liqueur d'ivresse et de folie. Le pressoir peut être le lieu de la vinification mais aussi le
lieu de la vengeance sanglante. Un symbole particulier peut entrer en composition dans des
séries fort diverses, voire opposées.

7
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Par contraste, le fond et la forme peuvent révéler la richesse secrète de réalités ainsi affron-
tées. Sur fond d'eau, par exemple, se dessinent des images de significations opposées : l'eau
peut être signe de vie et de fécondité, elle peut aussi évoquer la mort. Cette divergence est
sensible dès le début de la Genèse : les eaux du ciel et les eaux abyssales ne sont pas de même
nature : la pluie et la rosée pourront symboliser la Parole divine vivifiante, alors que les eaux
du gouffre, repaires de monstres marins et de démons malins, deviendront l'espace de la
dévoration et de la mort.
Les symboles jouent ainsi sur le contraste. Sur l'horizon du désert brûlant ou dans
l'ardeur d'une fournaise, un peu d'eau, un vent frais ne peuvent être que miraculeux ou divins.
Planant sur un peuple fidèle ou infidèle, l'ombre de l'épée devient successivement signe de
protection, image de la Parole, ou menace de destruction. À l'extrême limite de cette
ambivalence, des assemblages contradictoires deviendront significatifs : eau qui brûle, feu qui
rafraîchit.
Le symbole, en effet, jongle parfois avec le paradoxe et l'étonnement. Il ne craint pas le
scandale. Il se transmute : le feu dévorant de la colère devient l'ardeur del' amour et le sentiment
cuisant de la jalousie. La Parole est un feu, !'Esprit de la Pentecôte retombe en flammes et
l'embrasement de !'Apocalypse révèle le sens de l'histoire et l'ultime réalité des choses. Le feu
des heures sombres s'illumine et !'Agneau réfracte dans sa splendeur une nouvelle création
préservée de toute opacité.
La poésie inspirée de la Bible maintient ainsi un fù conducteur entre les diverses étapes de
la Révélation. Cette conduite est un trait d'union entre les différents genres littéraires, elle
conserve la permanence de leur propos.

Les symboles bibliques sont ici présentés par des thèmes qui suscitent de multiples variations.
Ces ensembles de signes se recoupent ou se distinguent pour assurer le rayonnement et la
fascination du texte. C'est dans cette organisation inspirée que la symbolique biblique révèle
la vie intense et l'ardeur de la Parole qui sauve.
Cet ouvrage espère être utile à l'analyse théologique ; il voudrait aussi aider la lecture
savoureuse de la Bible, la Lectio divina - la lecture du texte assistée par !'Esprit - qui touche
le cœur de l'homme au point exact où se retrouvent tous les pouvoirs de son âme.

Ce lexique n'est pas un dictionnaire quel' on consulte occasionnellement. On peut certes s'y
référer pour répondre à une question particulière, mais son usage est plus large.
La présentation et la citation de textes bibliques ne font qu'un. Elles doivent induire un désir
d'aller plus loin. Cette recherche peut utiliser des moyens analytiques ; elle peut aussi s'orienter
vers la perception de significations cachées que seul le cœur est capable de révéler.
L'expérience de ceux qui lisent la Bible depuis longtemps montre bien que des textes lus et
relus livrent un jour un sens entièrement nouveau. L'intelligence, par une intervention de
l'Esprit, s'est alors curieusement accordée aux exigences d'une lucidité profonde qui manquait
jusque-là de moyens d'expression. La juxtaposition des textes prépare cet élargissement du
sens.

8
INTRODUCTION

Les vingt et un chapitres de cet ouvrage constituent un cadre de recherche, mais la


proposition symbolique de la Bible se prolonge à l'infini.
Un index peut assurer les coordonnées d'un travail personnel susceptible d'élargir le champ
de la réflexion. Les concordances, les oppositions de sens, l'étonnement suscité par les
ambiguïtés, l'émergence d'une logique paradoxale permettent de pénétrer dans l'épaisseur de
la proposition divine. Les thèmes et les symboles s'entrecroisent, le tissu biblique devient
parfois trop serré. Le recours à un index peut être alors utile, il détaille les composantes d'un
texte qui use des images à profusion, selon un schéma qui lui laisse la plus grande liberté.

Je remercie Alice COLLET pour son aide. Elle a révisé le texte de cet ouvrage et en a assuré
la mise en place informatique.
9
LA LUMIÈRE
Dieu est lumière. pour les humains, mais le visage du roi en
gardait le reflet : « Dans la lumière du visage
L'éclat du Seigneut Sabaot. royal est la vie» (Pr 16, 15).
Le Dieu des armées. Dans les mythologies anciennes, les
Les astres glorieux et déchus. concurrents de la divinité principale ten-
La face de Dieu. taient de s'élever au rang du Dieu suprême
pour s'emparer de sa splendeur.
La lumière perdue et retrouvée. Le Seigneur d'Israël est unique et sans
L'aveuglement d'Israël. rival :
Les yeux de Tobit l'ancien.
SEIGNEUR, mon Dieu, tu es si grand !
Vêtu de faste et d'éclat,
La lumière de Dieu brille en Jésus Christ. drapé de lumière comme d'un manteau.
«Je suis la lumière du monde». [Ps 104, 2.]
La lumière à l' œuvre.
Le commandement nouveau. Sa majesté voile les cieux
la terre est pleine de sa gloire.
Son éclat est pareil au jour,
Les objets de lumière.
des rayons jaillissent de ses mains,
La lampe. c'est là que se cache sa force. [Ha 3, 3-4.J
Le candélabre sacré.
La couronne de lumière. Dieu s'entoure d'une splendeur redoutable;
Les pierres précieuses. lui, Shaddaï, nous ne pouvons l'atteindre.
(Jb 37, 22-23.J
La lumière réside auprès de lui. [Dn 2, 22.]

DIEU EST LUMIÈRE Dans la fantastique apparition du « Char


du Seigneur», Ézéchiel discerne, après le
feu, une lumière qui est Dieu lui-même. Le
Les religions du Proche-Orient asiatique thème de la lumière devient ici le moyen
ont souvent doté les dieux d'une auréole de extrême de dire Dieu :
splendeur. Cet éclat demeurait insoutenable Et je vis comme l'éclat du vermeil, quelque chose

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LES SYMBOLES BIBLIQUES

comme du feu près de lui, tout autour, depuis ce Le Verbe était la lumière véritable
qui paraissait être ses reins et au-dessous, je vis qui éclaire tout homme. [Tn 1, 4-5 et 9.]
quelque chose comme du feu et une lueur tout
autour. L'aspect de cette lueur, tout autour, était Quant à l'épître aux Hébreux, elle renoue
comme l'aspect de l'arc qui apparaît dans les avec la tradition du livre de la Sagesse : le
nuages, les jours de pluie. Verbe, fils du Père, tient de ce Père la
C'était quelque chose qui ressemblait à la gloire lumière créatrice et conservatrice du monde:
du SEIGNEUR. Je regardai et je tombai la face « Resplendissement de sa gloire, effigie de
contre terre; et j'entendis la voix de quelqu'un sa substance, ce Fils qui soutient l'univers
qui me parlait. [Ez 1, 27-28.] par sa parole puissante ... » [He 1, 3].
Pour le livre de la Sagesse, la lumière est Paul invoque :
éternelle, c'est-à-dire qu'elle est un attribut
Le Roi des rois et Seigneur des seigneurs
de Dieu. On dit de la Sagesse :
le seul qui possède l'immortalité,
Elle est un reflet de la lumière éternelle, qui habite une lumière inaccessible,
un miroir sans tache de l'activité de Dieu, que nul d'entre les_ hommes n'a vu ni ne peut
une image de sa bonté. [Sg 7, 26.J voir. [1 Tm 6, 16.]
La lumière est ici plus qu'un rayonnement Et Jacques de conclure :
perceptible par la vue, c'est l'énergie infinie,
débordante de la nature divine, son être Tout don excellent, toute donation parfaite vient
essentiellement généreux. d'en haut et descend du Père des lumières, chez
qui n'existe aucun chà.ngement, ni l'ombre d'une
Dieu n'aime que celui qui habite avec la Sagesse. variation. [Tc 1, 17].
Elle est, en effet, plus belle que le soleil,
elle surpasse toutes les constellations,
comparée à la lumière, elle l'emporte;
car celle-ci fait place à .la nuit,
mais contre la Sagesse, le mal ne prévaut pas. L'ÉCLAT DU SEIGNEUR SABAOT
[Sg 7, 28-30.l
Les hommes peuvent participer à la lu-
mière divine et, par là même, à une vie Le Dieu des armées.
pleine de bonheur, d'intelligence et de sa-
La liturgie chrétienne invoque le Seigneur
gesse :
Sabaot. Elle se réfère ainsi à la grande vision
En toi est la source de vie, qui sert de cadre à la vocation du prophète
par ta lumière, nous voyons la lumière. Isaïe.
[Ps 36, 10.]
Je vis le SEIGNEUR assis sur un trône grandiose et
L'évangile de Jean commence par la
surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des
même affirmation : séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant
La vie était la lumière des hommes chacun six ailes, deux pour se couvrir la face,
et la lumière luit dans les ténèbres deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler.
et les ténèbres ne l'ont pas saisie. [ ... ] Ils se criaient l'un à l'autre ces paroles :

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LA LUMIÈRE

« Saint, saint, saint est le SEIGNEUR Sabaot. pouvoir vivifiant de Dieu, capable de rendre
Sa gloire remplit toute la terre.» [Is 6, 1-3.] vie à la poussière :

« Sabaot » apparaît pour la première fois Réveillez-vous, criez de joie


comme le nom du Seigneur invoqué dans vous qui demeurez dans la poussière,
car ta rosée est une rosée de lumière.
l'antique sanctuaire de Silo. De ce Seigneur
[Is 26, 19.]
il est dit qu'il« trône sur les chérubins ».
(1 S 1, 3 ; 4, 4.) Les astres constituent donc la garde
Cette formule met surtout en relief la d'honneur du Maître de toutes choses. C'est
puissance de Dieu sur les anges, les astres, dans ce déploiement que le Seigneur mani-
les éléments qui composent le monde. feste sa gloire :
« Ainsi furent achevés le ciel et la terre et
Qui est ce roi de gloire ?
toute leur armée» (Gn 2, 1). C'est le SEIGNEUR Sabaot,
La réalité sous-jacente à l'image d'une c'est lui le roi de gloire. [Ps 24, 10.]
armée est moins celle du combat que celle du
déploiement de la force du prince : Mais le Dieu des armées célestes n'est pas
un Seigneur que sa transcendance confine
Il tend les cieux comme une toile, dans sa gloire. S'il cache son visage aux yeux
les déploie comme une tente où il habite. [... ] des pécheurs, il demeure miséricordieux et
Levez les yeux là-haut et voyez : peut irradier son pardon :
Qui a créé ces astres ?
Il déploie leur année en bon ordre, SEIGNEUR Sabaot, reviens rnfin,
il les appelle tous par leur nom. observe des cieux et vois,
Sa vigueur est si grande et telle est sa force visite cette vigne, protège-la [. .. ]
que pas un ne manque. [Is 40, 22 et 26.] SEIGNEUR Sabaot, fais-nous revenir,
fais luire sur nous ta face et nous serons sauvés.
La force des années c'est l'obéissance. Les [Ps 80, 15 et 20.]
astres doivent à leur Seigneur tout-puissant Et Paul, tourmenté par un mal inconnu
l'humble obéissance des créatures. qui le déroute, s'entend dire : « Ma grâce te
suffit, car la puissance se déploie dans la
Il envoie la lumière, elle part,
faiblesse.» (2 Co 12, 9).
il la rappelle, elle obéit en tremblant ;
les étoiles brillent à leur poste, joyeuses :
L'épître aux Romains contient la seule
les appelle-t-il, elles répondent : Nous voici! référence du Nouveau Testament au Dieu
elles brillent avec joie pour leur Créateur. Sabaot. li s'agit d'une citation d'Isaïe
[Ba 3, 33-35.l (Is 1, 9), qui évoque la miséricorde de Dieu
qui ne détruit pas entièrement le peuple
Le serein est l'humidité qui se manifeste d'Israël devenu pécheur, pour pouvoir le
après une belle journée. Le soleil a brillé, les régénérer : « Si le SEIGNEUR Sabaot ne nous
étoiles maintenant resplendissent, il est donc avait pas laissé une descendance, nous se-
naturel d'allier l'eau du ciel à la luruière. rions devenus comme Sodome, semblables
C'est aînsi que le symbole de la lumière et à Gomorrhe» [Rrn 9, 29].
celui de l'eau s'unissent pour signifier le Le déploiement de la force du Dieu très-

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LES SYMBOLES BIBLIQUES

haut n'est donc pas seulement une démons- sont donc pas des rivaux du Seigneur et la
tration dissuasive, l'étalage d'un pouvoir jalousie qu'il peut manifester porte sur le
redoutable. Paradoxalement, c'est dans le culte des astres, fréquent dans les religions
pardon et la restauration que cette force du Proche et du Moyen-Orient.
proprement divine se manifeste : Quand le roi Josias entreprend la réforme
spirituelle de son peuple, ils' attaque au culte
Car ta force est le principe de ta justice,
idolâtrique des Baals, des stèles et des pieux
et de dominer sur tout te fait ménager tout.
sacrés, ainsi qu'à l'armée des deux, conçue
[Sg 12, 16.J
comme l'ensemble des astres. Le soleil, la
Le Seigneur Sabaot n'est donc pas, lune et les étoiles pouvaient, en effet, sous
comme Arès ou Mars, un dieu de la guerre. l'influence des cultes païens, exercer sur
Il n'est pas davantage une divinité apparen- Israël une fascination et susciter des prati-
tée à une dynastie solaire, lunaire ou stel- ques coupables.
laire. Créateur du ciel et de la terre, la splen-
Le roi supprima les faux prêtres que les rois de
deur de sa face est d'un autre ordre. La Juda avaient installés et qui sacrifiaient dans des
cacher ou la dévoiler relève de la liberté hauts lieux, dans les villes de Juda et les environs
transcendante du Dieu vivant. de Jérusalem, et ceux qui sacrifiaient à Baal, au
C'est en vertu de cette liberté proprement soleil, à la lune, aux constellations, et à toute
divine que le Seigneur des armées, le chef de l'armée du ciel. [2 R 23, 5].
guerre, celui qui jadis sortait avec les armées
L'écho de cette détermination se retrouve
d'Israël, se convertit en Seigneur désarmé et
ouvre la perspective d'un Messie qui sera le dans le Deutéronome :
Prince de la paix. Quand tu lèveras les yeux vers le ciel, quand tu
verras le soleil, la lune et les étoiles et toute
Allez, contemplez les hauts faits du SEIGNEUR, l'armée des cieux, ne va pas te laisser entraîner
lui qui remplit la terre de stupeurs. à te prosterner devant eux et à les servir. Le
Il met fin aux guerres jusqu'au bout de la terre; SEIGNEUR ton Dieu les a donnés en partage à
l'arc, il l'a rompu, la lance, il l'a brisée, tous les peuples qui sont sous le ciel.
il a brûlé les boucliers au feu. [Dt 4, 19.]
Arrêtez, connaissez que moi je suis Dieu.
[Ps 46, 9-10.J Et le livre de la Sagesse déplore ces
hommes
qui, partant des biens visibles, n'ont pas été
Les astres glorieux et déchus. capables de connaître Celui-qui-est
et qui, considérant les œuvres, n'ont pas reconnu
Dieu n'a pas à lutter contre les astres qu'il !'Artisan.
a créés. Même si les hommes ont tendance Mais c'est le feu, ou le vent, ou l'air rapide,
à leur prêter une âme plus ou moins divine, ou la voûte étoilée, ou l'eau impétueuse,
la Bible parle d'eux comme des choses : ils ou les luminaires du ciel qu'ils ont considérés
sont des luminaires ou des flambeaux (ma- comme des dieux gouverneurs du monde !
hôrot), fixés au firmament pour briller de Que si, charmés de leur beauté, ils les ont pris
jour et de nuit (Gn 1, 14-19). Les astres ne pour des dieux,

16
LA LUMIÈRE

qu'ils sachent combien leur Maître est supérieur, sont mentionnées comme de simples ins-
car c'est la source même de la beauté qui les a truments de Dieu.
créés. [Sg 13, 1-3.] Déjà, dans le livre de Josué, on voit le
Au cœur de la grande louange cosmique, Seigneur bombarder les adversaires de la
les astres entrent dans le concert des créa- coalition qui unit Israël à Gabaôn. Mais, par
tures : la suite, Josué parle à Dieu et lance un ordre
aux astres :
Louez le SEIGNEUR depuis les cieux,
louez-le dans les hauteurs [ ... ] Soleil arrête-toi sur Gabaôn,
Louez-le, toutes ses armées ! et toi, lune, sur la vallée d'Ayyalôn.
Louez-le, soleil et lune,
Le miracle a lieu mais le texte conclut :
louez-le, tous les astres de lumière !
[Ps 148, 1-3.] Ni avant, ni après, il n'y eut de jour comparable
à ce jour où le SEIGNEUR obéit à un homme
Le livre de la Sagesse va découvrir le lien Gos 10, 12 et 14].
entre la beauté et la lumière. Comparée aux
réalités créées, la Sagesse qui les revêt de Dans ce récit, les astres apparaissent
beauté brille d'un éclat singulier : comme des serviteurs d'autant plus modes-
tes qu'ils se conforment à un ordre humain.
La Sagesse surpasse toutes les constellations ;
Le thème de la déchéance des astres qui
comparée à la lumière, elle l'emporte;
se sont dressés contre la divinité principale
car celle-ci fait place à la nuit,
mais contre la Sagesse, le mal ne prévaut pas.
a connu plusieurs variations. En Isaïe, on
[Sg 7, 29-30.] trouve cependant un texte inspiré par
l'étonnement que suscite la chute du roi de
Au concours des splendeurs, la lntnière Babylone. Le Fils de l'Aurore dont on
créatrice de Dieu l'emporte parce que son constate la défaillance spectaculaire devien-
éclat s'impose aussi bien dans l'ordre du dra, dans la Bible latine, Lucifer, l'astre
bien que dans celui du beau. brillant par excellence. Cet être de lumière
Les astres apparaissent parfois comme prendra alors la tête de la rébellion angé-
des auxiliaires de l'action divine. Dans le lique :
cantique de Débora, un des plus anciens
textes de la Bible, on célèbre la victoire Comment es-tu tombé du del,
Astre brillant, Fils de !'Aurore? [... ]
d'Israël sur les rois de Canaan et la mort de
Toi qui disais : je monterai aux cieux,
Sisera, chef des troupes de Yavin. Les étoiles
je hausserai mon trône au-dessus des étoiles de
se montrent comme les alliées du peuple de Dieu,
Dieu: je siégerai sur la montagne del' assemblée divine.
Du haut, les étoiles ont combattu [Is 14, 12-13.J
de leurs orbites, elles ont combattu contre
Une séquence poétique du même ordre
Sisera.Ug 5, 20.] se trouve en Ézéchiel (Ez 28, 11-19). Il
D'anciens textes d'Ougarit faisaient des s'agit d'une prophétie contre le Prince de
étoiles des divinités combattantes. Ici, elles Tyr, mais l'astre déchu est ici le chérubin

17
LES SYMBOLES BIBLIQUES

étincelant qui gardait le paradis de !'Éden. La face épouvante aussi parce qu'elle
Sa chute devient un objet d'épouvante. irradie une lumière qui révèle la- vérité et
Avec la troisième trompette qui annonce manifeste la misère et le péché des hommes,
des grands fléaux de l' Apocalypse, on assiste leur nudité et leur faute. Adam dit à Dieu :
à la chute d'un astre nocif : «J'ai entendu ton pas dans le jardin ; j'ai eu
peur parce que je suis nu et je me suis
Du ciel un astre immense tomba, brûlant caché» (Gn 3, 10).
comme une torche. Il tomba sur le tiei:s des
Le reflet de la lumière divine sur le visage
fleuves et sur les sources des eaux. Son nom
est : Absinthe. Le tiers des eaux devint de de Moïse l'incite à se voiler la face pour ne
!'absinthe et beaucoup d'autres hommes mou- pas éblouir dangereusement les Israélites
nuent à cause des eaux qui étaient devenues (Ex 34, 29-35).
amères. [Ap 8, 10-11.] Et pourtant, loin de la face de Dieu,
l'homme se trouve plongé dans les ténèbres.
C'est aussi dans !'Apocalypse que !'Etoile Le texte de cette bénédiction implore l'illu-
du matin est réhabilitée : elle devient le mination divine :
symbole de la puissance retrouvée avec la
gloire du Christ ressuscité (Ap 2, 28). C'est Que le SEIGNEUR te bénisse et te garde !
finalement le Christ lui-même qui peut dire : Que le SEIGNEUR fasse pour toi -rayonner son
visage et te fasse grâce !
«Je suis le rejeton de la race de David,
Que le SEIGNEUR te découvre sa face et t'apporte
!'Étoile radieuse du matin» (Ap 22, 16).
la paix ! [Nb 6, 24-26.J
La prière du peuple reprend le même
La face de Dieu. thème:
Pour ton serviteur, illumine ta face,
Le visage d'un roi reflète, de droit, quel- apprends-moi à faire tes volontés. [Ps 119, 135.]
que chose de cette splendeur divine. On
retrouve cette idée dans le livre des Prover- SEIGNEUR) fais-nous revenir,
bes de la Bible : « Dans la lumière du visage fais luire sur nous ta face et nous serons sauvés.
[Ps 80, 4].
royal est la vie» (Pr 16, 15).
Le mot hébreu qui signifie « face » peut, La lumière de la face divine accorde au
comme en français, former la locution « en peuple la grâce d'une puissance particulière:
face de ». Il s'agit donc de la présence. La
Heureux le peuple qui sait l'acclamation,
luminosité plus ou moins grande d'un visage
SEIGNEUR, à la clarté de ta face ils iront. [. .. ]
peut moduler l'intensité de la présence de-
L'éclat de leur puissance, c'est toi,
puis l'éblouissement mortel jusqu'à la douce en ta faveur tu exaltes notre vigueur.
clarté d'une intimité sereine. [Ps 89, 16 et 18.]
La« face de Dieu » manifeste sa splendeur
d'une manière intolérable; Jacob C'est ainsi que Dieu peut ranimer la gloire
considère comme un miracle d'avoir échappé du sanctuaire ravagé par sa colère : « Que ta
à ce rayonnement : «J'ai vu la face de Dieu face illumine ton sanctuaire, désolé par toi-
et j'ai eu la vie sauve.» (Gn 32, 31.) même, Seigneur» (Dn 9, 17).

18
LA LUMIÈRE

Le psaume 31 utilise le terme de « face » Mais tu as pitié de tous parce que tu peux tout,
en deux passages conjoints, mais dans Tu fermes les yeux sur le péché des hommes
deux sens différents:« l'être-au-monde» et pour qu'ils se repentent. [Sg 11, 23.]
«l'être-en-Dieu» : Quand Dieu ferme les yeux, c'est aussi
Tu combles, face au monde, pour refuser une offrande inacceptable :
ceux qui eont pris pour refuge.
Quand vous étendez les mains, je détourne les
Tu les caches là où se cache ta face yeux. [._.]
loin des intrigues des hommes, [Ps 31, 20-21.]
Vos mains sont pleines de sang,
La Bible ne dessine pas des yeux sur la lavez-vous, purifiez-vous! [ls 1, 15-16.]
face de Dieu, Le symbolisme des yeux est Le roi Ézéchias, par contre, outré des
tout autre : il signifie l'omniprésence active blasphèmes de Sennachérib, s'adresse ainsi
du Seigneur auprès des hommes et dans sa à Dieu:
création tout entière.
Nul ne peut échapper aux yeux de Dieu : Prête l'oreille, SEIGNEUR, et entends,
ouvre les yeux, SEIGNEUR, et vois.
S'ils se dérobent à mes yeux au fond de la mer Entends les paroles de Sennachérib
là, je commanderai au serpent de les mordre. [ .. .] qui a envoyé dire des insultes au Dieu vivant.
Je fixerai les yeux sur eux pour leur malheur [Is 37, 17.l
et non pour leur bonheur. [...]
Voici, les yeux du SEIGNEUR sont sur le royaume << Ouvre les yeux » veut dire : occupe-toi
du pécheur. [Am 9, 3-4 et 8,] sérieusement de cet imf}ie, il en va de ta
gloire.
Celui qui redoute trop le regard des
hommes
ne sait pas que les yeux du SEIGNEUR
sont dix mille fois plus lumineux que le soleil, LA LUMIÈRE PERDUE
qu'ils observent les actions des hommes ET RETROUVÉE
et pénètrent dans les recoins les plus secrets.
[Si 23, 19.]

Mais le regard de Dieu n'est pas que L'aveuglement d'Israël.


surveillance ; il est aussi un bienfait, il com-
munique sa lumière : Face à Moïse qui émet des doutes sur ses
dons d'orateur,le Seigneur s'exclame:« Qui
Les regards du SEIGNEUR sont fixés sur ceux qui
rend muet ou sourd, clairvoyant ou aveugle ?
l'aiment,
puissante protection, soutien plein de force. [. .. ] N'est-ce-pas moi, le SEIGNEUR?»
Il élève l'âme, il illumine les yeux_ [Si 34, 19-20_] (Ex 4, 11).
Il s'agit sans doute ici de la clairvoyance
Illumine mes yeux, que dans la mort je ne et de la cécité physiques, mais très vite la
m'endonne pas. [Ps 13, 4.]
Bible donne à la vision et à l'aveuglement
Le Seigneur n'est pas un surveillant per- une valeur spirituelle. Le voyant deviendra le
vers, aux aguets des infractionS : prophète et, plus simplement, celui qui laisse

19
LES SYMBOLES BIBLIQUES

la lumière de la parole divine pénétrer dans disant : « lis cela». Maîs il répond « je ne sais
son cœur. pas lire».
La cécité spirituelle peut être un erùise- [Is 29, 9-12.l
ment dans les affaires matérielles. L'usage << Barbouiller les yeux » pour aveugler est
des cadeaux, par exemple, corrompt l'esprit une expression bien concrète de la langue
de justice:« Tu n'accepteras pas de présent, hébraïque, qui dispose en l'occurence d'un
car le présent rend aveugles les gens clair-
terme particulier. C'est ainsi que le prophète
voyants et ruine la cause des justes. » [Ex doit transmettre au peuple ce rude message :
23, 8; voir aussi Dt 16, 19].
Cet aveuglement peut devenir un vérita- Écoutez, écoutez et ne comprenez pas,
ble refus des injonctions divines, lorsque regardez, regardez et ne discernez pas.
celles-ci dérangent l'ordre établi par les Appesantis le cœur de ce pèuple,
hommes. Les idolâtres qui ne se rendent pas rends-le dur d'oreille> barbouille-lui les yeux,
compte de l'inanité de l'objet de leur culte de peur que ses yeux ne voient,
sont aussi des aveugles. que ses oreilles n'entendent. [Is 6, 9-10.J
Le Seigneur laisse souvent l'aveugle obs- Ce texte ne peut être compris qu'en te-
tiné s'enfoncer dans .les ténèbres jusqu'au nant compte de la rhétorique propre aux
seuil de l'épouvante : il trouvera peut-être là prophètes. Le Seigneur prévoit l'aveugle-
l'occasion de sa conversion. Un psaume ment d'un Israël rétif à sa parole. Il l'an-
affirme que : nonce ici par une forme impérative dérou-
Le SEIGNEUR rend la vue aux aveugles tante, mais qui signifie à peu près : « Vous
et redresse ceux qui fléchissent. [Ps 146, 8.] pouvez toujours écouter et regarder, vous
n'entendez et ne voyez rien : vous avez de la
Le livre d'Isaïe contient une longue des- boue sur les yeux ».
cription de la cécité spirituelle, de ses effets Quand viendra un roi juste, capable de
désastreux et du pouvoir divin d'illuminer remettre Israël sur le chemin de Dieu, les
les cœurs. yeux seront débarbouillés :
Sur Jérusalem infidèle, Dieu fait tomber
un voile de torpeur, un brouillard spirituel Voici qti'un roi règnera sur toi avec justice
paralysant : et des princes gouverneront. selo,n le droit. [ ... ]
Les yeux des voyants seront débarbouillés,
Soyez stupides et devenez stupéfaits, les oreilles des auditeurs seront attentives.
barbouillez-vous les yeux, aveuglez-vous, [Is 32, 1 et 3.]
soyez ivres, mais non de vin,
tintbants, mais non de boisson. Et quand viendra le temps de la restaura-
Car le SEIGNEUR a répandu sur vous un esprit de tion, "le désert et la terre aride pourront
torpeur, exulter :
vous les prophètes, il a fermé vos yeux,
vous les voyants, il a voilé vos têtes. C'est eux qui verront la gloire du SEIGNEUR,
Et toutes les vîsions sont devenues pour vous la splendeur de notre Dieu, [. ..]
comme les mots d'un livre scellé_ Alors se dessilleront les yeux des aveugles.
que l'on remet à quelqu'un qui sait lire en [Is 35, 2 et 5.]

20
LA LUMIÈRE

Le chapitre 42 d'Isaïe est consacré à l'an- conversion qui ramène l'esprit dans la lu-
nonce du Serviteur de Dieu, mais aussi à mière divine. Ce psaume de pénitence est un
l'aveuglement d'Israël. Dieu s'adresse à ce acte de lucidité prophétique :
mystérieux serviteur : Nous attendions la lumière et voici les ténèbres,
J'ai fait de toi l'alliance du peuple, la clarté, et nous marchons dans l'obscurité.
la lumière des nations Nous tâtonnons comme des aveugles cherchant
pour ouvtir les yeux des aveugles. [ls 42, 6-7.l un mur,
comme privés d'yeux, nous tâtonnons.
et Dieu sera leur guide : Nous trébuchons en plein soleil comme au cré-
Je conduirai les aveugles par un chemin qu'ils puscule,
ne connaissent pas, parmi les bien-portants nous sommes comme des
par des sentiers qu'ils ne connaissent pas je les morts.
ferai cheminer. Nous grognons tous comme des ours.
Devant eux, je changerai l'obscurité en lumière [ls 59, 9-11.]
et les fondrières en terrain aplani. [Is 42, 16.]
Le peuple, purifé par l'épreuve, a retrouvé
Israël qui devrait être le serviteur parfait, sa vision spirituelle. Revenu de son aveu-
les yeux rivés sur son Dieu, attentif à sa glement, il pourra revenir dans sa terre :
parole, mérite ce reproche : « Fais sortir un peuple aveugle qui a des
Aveugles, regardez et voyez ! yeux» (Is 43, 8).
Qui est aveugle si ce n'est mon serviteur? [.. ]
Qui est aveugle comme celui dont j'avais fait
mon ami? [ ... ] Les yeux de Tobit l'ancien.
Tu as vu bien des choses sans y faire attention !
[ls 42, 18-20.] La lumière baigne l'espace des vivants,
La fidélité est le fruit de l'attention et de elle est au cœur de l'homme ce quel' oxygène
la vigilance. Israël est perpétuellement dis- est à ses poumons : « Douce est la lumière
trait par ses affaires mondaines ou ses tenta- et il plaît aux yeux de voir le soleil» (Qo
tîons idolâtriques. Cette diversion entraîne la 11, 7).
perversion de la foi. La distraction des yeux L'homme mott est celui qui est privé de
du cœur empêche de percevoir Dieu et le la lumière : « Pleure un mort : il a perdu la
réalisme de sa conduite. En cela, les chefs lumière» (Si 22, Il).
sont patticulièrement coupables: L'homme peut s'enrichir mais à l'heure de
la mort, sa gloire, sa réputation ne descen-
Ses guetteurs sont tous des aveugles, dent pas avec lui dans la tombe :
ils ne savent rien ;
ce sont tous des chiens muets, Il ira rejoindre la lignée de ses pères
incapables d'aboyer. qui, plus jamais, ne vetront la lumière.
Ils rêvent, restent couchés, [Ps 49, 20.]
ils aiment dormir. [Is 56, 10.] L'histoire de Tobit l'ancien et de Tobie le
L'examen de conscience est le premier jeune n'est pas seulement un conte édifiant
effort pour sortir de cette nuit. Il patte à la qui présente le récit d'une guérison miracu-

21
LES SYMBOLES BIBLIQUES

leuse. Le vieil homme aveugle retrouve certes LA LUMIÈRE DE DIEU BRILLE


la vue en récompense de ses mérites, mais les EN JÉSUS CHRIST
yeux de son esprit s'ouvrent à la lumière pro-
phétique qui éclairele cantique final. Le cadre
familial de l'histoire s'ouvre brusquement et « Je suis la lumière du monde. »
révèle une perspective nouvelle : Jérusalem
rayonne comme la lumière des nations. L'évangile de Jean révèle le Christ lu-
Aux yeux fermés de Tobit, la cécité appa- mière. Les formules de ce témoin incompa-
raît comme une sorte de mort : rable ne livrent leur sens profond qu'au
terme d'une méditation. Tout n'est pas dit
Puis-je encore avoir du bonheur? Je suis uh
en paroles : des épisodes comme celui de la
aveugle, je ne vois plus l'éclat du ciel, je suis
femme adultère et del'aveugle-né ont leur
plongé dans l'obscurité comme les morts qui ne
contemplent plus la lumière. Je suis iJn enterré mot à dire. Le récit rejoint le symbole et le
vivant. [Tb 5, 10.] silence même parle, quand se taisent, stupé-
faits et inquiets, les accusateurs qui se re-
Le départ de Tobie le jeune plonge sa trouvent en situation d'accusés.
mère, elle aussi, dans une nuit profoùde : La première déclaration de Jésus se situe
« Quel malheur ! Mon enfant, je t'ai laissé dans le cadre de sa rencontre avec l'honnête
partir, toi la lumière de mes yeux ! » Pharisien Nicodème.
(Tb 10,5).
L'ange Raphaël a été envoyé pour enlever Tel est le jugement :
les taches blanches des yeux de Tobit« pour la lumière est venue dans le monde,
qu'il voie de ses yeux la lumière de Dieu » et les hommes ont préféré
(Tb 3, 17). les ténèbres à la lumière,
Le cri du père guéri fait écho au cri de la car leurs œuvres étaient mauvaises.
Quiconque, en effet, commet le mal
mère angoisSée par l'absence de son fils :
hait la lumière et ne vient pas à la lumière
«Je te vois mon fils, lumière de mes yeux ! »
de peur que ses œuvres ne soient démontrées
(Tb 11, 14). coupables.
Le cantique final cl' action de grâces prend Mais celui qui fait la vérité vient à la lumière,
une dimension prophétique. C'est dans une afin que soit manifesté que ses œuvres sont faites
vision que Tobit discerne la gloire de Jérusa- en Dieu. (Jn 3, 19-21.]
lem restaurée. Si les yeux de chair ont re-
trouvé la lumière du jour, les yeux del' esprit La justice des hommes demande que
voient la clarté future de la cité idéale, « toute lumière soit faite sur une affaire».
vétitable phare du monde : La police procède à l'enquête et le juge
appréciera la responsabilité du prévenu. La
Une vive lumière illuminera
toutes les contrées de la terre. lunùère que Jésus apporte dans le monde a
Des peuples nombreux viendront de loin, de multiples effets : elle montre le chemin
de toutes les extrémités de la terre vers le Père, elle éclaire les prophéties, révèle
séjourner près du Saint Nom du Seigneur Dieu. le sens des miracles, mais elle peut aussi
[Tb 13, 11.l dévoiler le secret des cœurs.

22
LA LUMIÈRE

Les ministres de la justice-humaine doi- pourtant baisser et s'éclipser à l'heure de sa


vent poser de nombreux actes avant de se Passion.
prononcer, mais tel n'est pas le cas de Jésus:
Tant qu'il fait jour, il me faut travailler
il est la lumière et sa seule présence démon- aux œuvres de celui qui m'a envoyé.
tre ou manifeste « ce qu'il en est» d'un La nuit vient
homme. Le bien et le mal apparaissent im- où nul ne peut travailler.
médiatement, le jugement est instantané. Tant que je suis dans le monde,
Un psaume décrit ainsi le discernement je suis la lumière du monde. (Jn 9, 4-5.]
opéré par la lumière divine -:
Jésus enduit les yeux de l'aveugle avec-de
Tu as mis nos torts devant toi, la boue et lui ordonne d'aller se laver à la
nos secrets sous l'éclat de ta face. [. ..] piscine de Siloé. On retrouve ici le « bar-
Paraisse ton œuvre pour tes serviteurs,
bouillage pour aveugler », mentionné par les
ta splendeur sur tes enfants. [Ps 90, 8 et 16.]
prophètes dans leurs envolées rhétoriques.
L'épisode de la femme adultère pardon- La mise en scène de ce miracle a pour but de
née n'est peut-être pas de Jean, mais il est manifester l'aveuglement de ceux qui refu-
situé dans son évangile de façon tout à fait sent les signes du Royaume :
heureuse.
C'est pour un discernement que je suis venu
Après avoir déclaré « que celui d'entre
dans le monde :
vous qui est sans péché lui jette la première pour que ceux qui ne voient pas voient
pierre>>, Jésus projette sur les assistants un et que 'ceux qui voient deviennent aveugles.
éclairage qui les contraint à une évaluation (Jn 9, 39.l
intime de leur comportement. Sa déclaration
illustre ce miracle silencieux : Et aux Pharisiens qui lui demandent si ce
discours s'adresse à eux, Jésus répond:
Je suis la lumière du monde.
Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres Si vous étiez des aveugles,
mais aura la lumière de la vie. (Jn 8, 12.l vous seriez sans péché ;
mais vous dites : « Nous voyons ! »
Votre péché demeure. (Jn 9, 41.]
La lumière à l'œuvre. Avant de ressusciter Lazare, Jésus s'ex-
clame:
Jésus a déclaré après la guérison du para-
lytique de Béthesda : « Mon Père est à N'y a-t-il pas douze heures de jour?
l' œuvre jusqu'à présent et j' œuvre moi Si quelqu'un marche de jour, il ne bute pas
aussi» (Jn 5, 17). parce qu'il voit la lumière de ce monde;
mais s'il marche la nuit, il ·bute
En effet, on travaille de jour et le jour de
parce que 1a lumière n'est pas avec lui.
Dieu est sans déclin. Pour lui, le repos et le
(Jn 11, 9-10.]
sabbat n'ont pas de raison d'être. Jésus
travaille à la lumière du jour du Père : « Marcher dans le monde» ne doit pas
l' œuvre de la parole et de la miséricorde ne uniquement s'entendre de la déambulation
connaît pas d'interruption. Ce jour divin va terrestre, visible. Il existe aussi une marche

23
LES SYMBOLES BIBLIQUES

dans le monde invisible, car l'obscurité Le commandement nouveau.


n'est pas que nocturne. De jour, de nuit, le
mal obscurcit le monde. Comme le voleur Dans la première épître de Jean, on
opère de nuit, l'homme mauvais agit dans découvre le réalisme de l'apôtre. Pour
l'ombre du mensonge ou les ténèbres d'un « faire la vérité » et non pas seulement la
cœur endurci. Tôt ou tard, le pécheur concevoir ou la saluer, la vérification
trébuche et tombe au cours de cette mar- concrète est nécessaire. Tout se joue dans
che, d'autant plus dangereuse qu'il se croit le rapport aux autres. L'amour conduit le
clairvoyant. Jésus est la lampe qui précède chrétien hors des ténèbres, la haine l'y
les pas, le rayon issu du milieu divin, maintient au risque de le perdre. Le
essentiellement lumineux. << commandement nouveau » est la loi de la
Jésus insiste : il n'est pas venu pour juger communion qui garde le chrétien dans la
mais pour éclairer ceux que menacent les lumière divine pour maintenir la cohésion
pièges de la route. Dans la lumière qu'il de la communauté.
apporte, les hommes peuvent se connaître et
s'évaluer: Ils se reconnaissent entre eux et Dieu esdumière, en lui point de ténèbres.
se découvrent sauvés. Ils s'aperçoivent ainsi Si nous disons que nous sommes
que le refus de cette clarté engage sur le en communion avec lui
alors que nous marchons dans les ténèbres,
chemin de la mort.
nous mentons, nous ne faisons pas la vérité.
Bien qu'il eût fait tant de signes devant eux, ils Mais si nous marchons dans la lumière,
ne croyaient pas en lui, afin que s'accomplît la comme il est lui-même dans la lumière,
parole dite par Isaïe le prophète : [. .. ] nous sommes en communion les uns
« Il a aveuglé leurs yeux et il a endurci leur cœur avec les autres,
pour que leurs yeux ne voient pas et le sang de Jésus Christ
et que leur cœur ne comprenne pas nous purifie de tout péché. [1 Jn 1, 5-7.J
qu'ils ne se convertissent pas
et que je ne les guérisse pas.» Un 12, 37 et 40.] C'est un commandement nouveau
que je vous écris, [. ..]
Moi, la lumière, je suis venu dans le monde puisque les ténèbres s'en vont
pour que quiconque croit en moi et que la véritable lumière brille déjà.
ne demeure pas dans les ténèbres. Celui qui prétend être dans la lumière
Si quelqu'un entend mes paroles tout en haïssant son frère,
et ne les garde pas est encore dans les ténèbres.
je ne le juge pas, Celui qui aime son frère demeure dans la lumière
car je ne suis pas venu pour juger le monde, et il n'y a en lui aucune occasion de chute.
mais pour sauver le monde. Un 12, 46-47.] [1 Jn 2, 8-10.l
La foi en Jésus Christ est une lumière qui
Mais celui qui hait son frère est
transforme le croyant en être lumineux :
dans les ténèbres,
Tant que vous avez la lumière, il ne sait où il va,
croyez en la lumière parce que les ténèbres ont aveuglé ses yeux.
et vous deviendrez fils de lumière. Un 12, 36.] [1 Jn 2, 11.]

24
LA LUMIÈRE

LES OBJETS DE LUMIÈRE Tous les préceptes inspirés de cette loi


sont comme les gardiens de celui qui les
observe, les porte-flambeaux des hommes
La lampe. fidèles.
Dans tes allées et venues, ils te guideront,
Le chemin de l'homme se perd aisément près de ton lit, ils veilleront sur toi
dans les ténèbres. Quelle que soit la lampe et à ton réveil ils dialogueront avec toi.
que l'homme tienne en sa main, la lumière Car le précepte est une lampe
vient de Dieu pour le préserver des embû- et l'enseignement une lumière, un chemin de vie.
ches de la route. [Pr 6, 22-23.]
C'est toi qui allumes ma lampe ; Avec la vie, l'homme reçoit une
le SEIGNEUR mon Dieu illumine mes ténèbres; conscience qui lui permet de se reconnaître
c'est avec toi que je saute le fossé, et de s'évaluer.
c'est avec mon Dieu queje franchis la muraille.
De ce Dieu le chemin est parfait. [Ps 18, 29-31.] Le souffle de l'homme est une lampe du SEI-
GNEUR
La parole divine accompagne l'homme en qui explore les chambres du ventre. [Pr 20, 27.]
chemin: c'est-à-dire les tréfonds de son être.
Ta parole est une lampe pour mes pas, Le méchant risque de perdre, avec sa
une lumière pour mon sentier. [Ps 119, 105.] conscience droite, la lumière de Dieu :
La loi apporte à l'homme la lumière éter- La lumière des justes brillera gaiement,
nelle et les fils d'Israël sont ceux : « par qui la lampe des méchants s'éteindra. [Pr 13, 9.]
devait être donnée au monde la lumière Qui maudit père et mère,
incorruptible de la loi» (Sg 18, 4). sa lampe s'éteindra au milieu des ténèbres.
C'est parce que le peuple d'Israël a reçu [Pr 20, 20.]
le don de cette loi qu'il est devenu « lumière
des nations». (Is 2, 3-5 ; 42, 6; 49, 6.) Dans la perspective d'une royauté juste,
les membres de cette dynastie sont comme
Certes, Dieu a envoyé sa lumière pour
des lampes. Tels sont les rejetons de la
allumer les étoiles qui « brillent d'allégresse
souche de Jessé, dont David est le fils
pour leur Créateur», mais l'effet le plus
messianique oint par le prophète Samuel :
grand de la lumière divine est bien la loi
épanouie en sagesse. La loi tient son éternité Je ferai germer la vigueur de David,
de cette splendeur inextinguible : et je préparerai une lampe pour mon messie.
[Ps 132, 17; voir aussi 1 R li, 36; 15, 4; 2 R 8,
La sagesse, c'est le livre des commandements de 19; 2 S 21, 17.]
Dieu,
c'est la loi qui existe pour toujours. [...] Jésus a recours à la lampe pour manifester
Retourne-toi, Jacob, et saisis-la le mystère. de la lumière spirituelle. Il attire
fais route vers la clarté, à la rencontre de sa l'attention sur son double éclat, extérieur et
lumière. [Ba 4, 1-2.l intérieur.

25
LES SYMBOLES BIBLIQUES

La flamme d'une lampe à huile est mo- candélabre, c'est-à-dire d'un porte-lampes,
deste, mais ·sur son chandelier elle éclaire mais cet objet n'est pas un appareil d' éclai-
toute une pièce. Les disciples de Jésus ne rage. Sa fonction liturgique est l'offrande de
doivent pas rester dans l'ombre : la lumière la lwnière. Sa forme, toutefois, suggère une
qui les habite est destinée à tous les hom- signification complexe. Le texte de !'Exode
mes. qui décrit le candélabre met en évidence son
symbolisme.
Vous êtes la lumière du monde. [... ] On n'al-
lume pas une lampe pour la mettre sous le bois- Tu feras un candélabre d'or pur. Le candélabre,
seau, mais sur le lampadaire et elle brille sa base et son fût seront travaillés au marteau.
pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi, Ses calices - boutons et fleurs - feront corps
que brille votre lumière devant les hommes avec lui. Six branches s'en détacheront sur les
pour qu'ils voient vos bonnes œuvres et ren- côtés ; trois d'un côté et trois de l'autre. La
dent gloire à votre Père qui est dans les cieux. première branche portera trois calices en forme
[Mt 5, 14-16.l de fleurs d'amandier, avec bouton et fleur, et la
seconde branche portera aussi trois calices en
La lumière du Christ irradie l'homme tout forme de fleur d'amandier avec bouton et fleur.
entier : Il en sera de même pour les six branches partant
La lampe du corps c'est ton œil. Quand ton œil du candélabre. Le candélabre lui-même portera
est sain, ton corps tout entier aussi est lumineux;
quatre calices en forme de fleur d'amandier, avec
mais s'il est mauvais, ton corps aussi est téné- bouton et fleur, ainsi disposés : un bouton sous
breux. Vois donc que la lumière qui est en toi ne
les deux premières branches partant du candéla-
soit ténèbres. [Le 11, 34-36.] bre; un sous les deux suivantes ; un sous les
deux dernières : ce qui correspond aux six
Il ne suffit pas d'allumer une lampe, il faut branches se détachant du candélabre. Les bou-
entretenir sa flamme. La prévoyance sup- tons et les branches feront corps avec le candéla-
pose la vigilance : bre, et le tout sera fait d'un bloc d'or pur,
façonné au marteau. Puis tu fabriqueras au
Que vos reins soient ceints et vos lampes allu- nombre de sept, les lampes qui doivent garnir
mées, Et vous, soyez semblables à des gens le candélabre et on les disposera de manière
attendant leur maître quahd il retourne des qu'elles projettent leur clarté en avant de lui.
noces, afin que, ce maître revenant et frappant, [Ex 25, 31-37.]
ils lui ouvrent aussitôt. [Le 12, 35-36.]
Il s'agit d'un arbre porte-lumière. On sait
Tel est aussi l'enseignement de la parabole que de nombreuses traditions religieuses ont
des dix vierges qui prirent leurs lampes pour vu dans la forme arborescente le support
attendre l'époux (Mt 25, 1-13). d'une représentation cosmique, souvent liée
au mystère de la lumière.
Dans la tradition babylonienne, un arbre
Le candélabre sacré. mystérieux, le Kiskanu noir pousse dans la
cité sainte d'Eridu, il est comme le lieu de
Le candélabre sacré, menorah, est devenu promenade d'Ea, le dieu de la sagesse. On
un des emblèmes d'Israël, presque au même dit que son éclat est comme celui du lapis-
titre quel' étoile de David. Ils' agit bien d'un lazuli brillant. Cette image arborescente se

26
LA LUMIÈRE

charge de tous les emblèmes de la création, La lampe nocturne, la veilleuse, symboli-


non pour représenter les choses de la nature, sait aussi la fidélité incessante d'Israël à son
mais pour en révéler le prototype céleste. Seigneur (1 S 3, 3 ).

Le candélabre biblique n'est, lui aussi, Le candélabre sacré a fasciné la tradition


qu'une réalisation artisanale du modèle que juive, qui lui a donné de multiples signifi-
Dieu a révélé à Moïse sur la montagne. cations symboliques. Pour Josèphe, il re-
« Regarde et exécute selon le modèle qui t'a présente la sainteté de la semaine qui répète
été montré sur la montagne » (Ex 25, 40). les jours de la création. On a pu
Ce candélabre est un amandier qui pré- voir aussi dans les sept lampes les sept
sente des hantons et des fleurs. Les coupes planètes alors connues. Il ne faut pas non
(calices) étaient peut-être en forme d'aman- plus omettre le symbolisme de l'or, métal
des, la partie la plus allongée portant la « solaire », dont l'éclat naturel reflète la
mèche, bien en avant de l'axe porteur, ce splendeur incréée.
qui pouvait ainsi orienter la clarté vers le Le prophète Zacharie donne une interpré-
Saint des Saints (Ex 25, 37). Le symbolisme tation très personnelle du symbolisme du
de l'amandier et de l'amande est évident : le chandelier. Dans une vision, il voit :
fruit porteur d'huile est germe de lumière,
Un chandelier tout en or, muni d'un réservoir à
considérée comme sainte. (Le Christ roman la partie supérieure et de sept becs pour les
apparaît dans l'ovale brisé, la mandorle, lampes; à ses côtés, deux oliviers, l'un à droite
l'amande). et l'autre à gauche. [Za 4, 2-3.]
Mais l'amandier est aussi « le veilleur»
(shaqèd): L'ange chargé de l'instruire lui dit :
Que vois-tu Jérémie? Je dis : ·« Ce que je vois, Ces sept lampes représentent les yeux du SEI-
c'est un rameau d'amandier » [shaqèd]. Le SEI- GNEUR; ils inspectent toute la terre. [Za 4, 10.]
GNEUR me dit : « Tu as bien vu! Je veille à
Mais quand le prophète lui demande la
l'accomplissement de ma parole. » Ur 1, 11-12.] signification des deux oliviers ou, plus exac-
Les lampes du candélabre ne brûlaient, tement, des deux branches d'olivier qui, par
semble-t-il, que pendant la nuit (Ex 27, 21). le moyen de deux conduits en or, déversent
À ce titre, le chandelier méritait le nom de leur huile dorée, l'ange répond :
Veilleur, soit qu'il veille devant Dieu, soit Ce sont les deux hommes désignés pour l'huile,
qu'il suggère le Seigneur lui-même qui veille ceux qui se tiennent devant le Maître de toute
sur son peuple. la terre. [Za 4, 14.]
Là notre joie en lui, « Désignés pour l'huile» signifie candi-
souverain de puissance éternelle ! dats à l'onction. C'est pour Josué l'onction
Les yeux sur les nations, il veille. [Ps 66, 6-7.J sacerdotale et ce sera pour Zorobabel I' onc-
Tu m'as gratifié de la vie, tion royale.
et tu veillais avec sollicitude sur mon souffle. L'image du candélabre est ici profondé-
Ob 10, 12.J ment modifiée. Le luminaire complexe nanti

27
LES SYMBOLES BIBLIQUES

de deux rameaux et d'un réservoir devient, Le. talent d'or pesait environ trente-cinq
plus qu'un ustensile liturgique, un objet de kilogrammes, mais il s'agit plutôt ici d'une
contemplation que l'on pourrait nommer évaluation du prix de la couronne. Ce
l'organigramme de la grâce sanctifiante et Milkom, alias Moloc, était le dieu-souverain
consacrante. régnant sur les Ammonites. Son culte exi-
C'est bien d'un arbre qu'il s'agit, image geait le sacrifice d'enfants brûlés vifs. Malgré
organique par excellence, les deux rameaux l'horreur de cet acte, les Israélites se laissè-
d'olivier sont branchés sur le tronc d'un rent tenter par ce culte hideux. David, en
arbre de lumière. Cet arbre est en or et la prenant la couronne de Milkom, détrône ce
sève est l'huile qui peut devenir lumière. dieu funeste.
C'est parce qu'ils émergent d'une même Le Proche-Orient voyait, dans la cou-
souche que les rameaux sont unis : tels ronne sertie de pierres précieuses, une
devront être coordonnés le pouvoir sacerdo- auréole de lumière. On dit de Mardouk, le
tal et le pouvoir royal des hommes consacrés grand dieu de Babylone, que « vêtu de la
par l'huile dorée, ce qui signifie de nature splendeur de dix dieux, il en était altière-
lumineuse et divine. ment coiffé».
Le symbolisme prophétique établit ainsi La Bible mentionne souvent les couronnes
des liaisons insolites : l'arbre est en métal, royales, qui sont comme des délégations de
l'huile porte des fleurs de lumière. Il y a là la gloire divine à des princes qui doivent
une sorte de surréalisme capable de créèr être, en retour, de fidèles serviteurs des
l'étonnement à partir duquel se révèle une dieux:
autre dimension de la réalité.
Le chandelier du Pentateuque et celui de En ta force, SEIGNEUR, le roi se réjouit. [... ]
Zacharie sont bien, chacun à leur manière, Car tu l'as prévenu de bénédictions de choix,
des emblèmes de l'essence divine et de son tu as mis sur sa tête une couronne d'or fin.
énergie rayonnante. Le champ sémantique [Ps 21, 2 et 4.]
qu'offre la lumière est ici exploré avec un
rare bonheur. Le diadème royal devait comporter un
fleuron, signe de filiation spirituelle de la
dynastie fondée sur l'alliance avec Dieu. Le
La couronne de lumière rejeton de la source royale apparaît, quand il
(le diadème, la tiare, le turban). ceint la couronne comme une efflorescence
divine :
La couronne est le symbole de la royauté.
Je ferai germer la vigueur de David,
Lors de la prise de Rabba, David s'empare je préparerai une lampe pour mon messie. [ ... ]
de la couronne de Milkom, le dieu des Et sur lui son diadème [ma consécration] fleu-
Ammonites : « Il enleva de la tête de Milkom tira. [Ps 132, 17-18.]
la couronne qui pesait un talent d'or. Elle
enchâssait une pierre précieuse qui devint Venez contempler le roi Salomon,
l'ornement de la tête de David » (2 S 12, avec le diadème dont sa mère l'a couronné
30). au jour de ses épousailles. [Ct 3, 11.]

28
LA LUMIÈRE

M_ais les serviteurs de Dieu peuvent être Christ (He 2, 7). Mais elle est aussi la gloire
aussi couronnés. C'est ainsi que Mardochée d'Israël :
se retrouve vêtu princièrement : « Mardo-
Ce jour-là, c'est le SEIGNEUR Sabaot
chée sortit de chez le roi, revêtu d'un habit
qui deviendra une couronne de splendeur
princier de pourpre violette et de lin blanc,
et un superbe diadème
couronné d'un grand diadème d'or. » pour le reste de son peuple. [Is 28, 5.]
(Est 8, 15).
Si la couronne du roi est le reflet du La Jérusalem restaurée a retrouvé la
pouvoir divin, la tiare du prêtre manifeste sa clarté de sa justice, son salut est comme une
sainteté. Cette coiffure est un turban de lin torche allumée, elle rayonne comme une
marqué par le « signe de consécration ». reine.
Tu feras une fleur d'or pur et tu y graveras en Tu seras une couronne de splendeur dans la
intaille comme un sceau : « consacré au SEI- main du SEIGNEUR
GNEUR». Tu la placeras sur un cordon de pour- un turban royal dans la main de ton Dieu.
pre violette : c'est sur le devant du turban qu'elle [Is 62, 3.]
sera placée. [Ex 28, 36-37].
Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de
Cette utilisation d'un insigne royal sur un misère,
vêtetnent sacerdotal engage une perspective revêts pour toujours la beauté de la gloire de
messianique. L'Oint par excellence intègre Dieu[. .. ]
les deux onctions, celle qui confère le règne Mets sur ta tête le diadème de gloire de l'Éternel
politique et celle qui crée le ministre de car Dieu veut montrer sa splendeur partout sous
Dieu. Le roi peut perdre l'auréole de sa le ciel. [Ba 5, 1-3.l
consécration : Oui, les pierres d'un diadème scintilleront sur la
terre. [Za 9, 16; voir aussi Ez 16, 12.]
Dis au roi et à la reine mère :
Asseyez-vous bien bas, On comprend alors la gravité de la rébel-
car elle est tombée de votre tête lion d'Israël : il a rejeté la signe del' alliance :
votre couronne de splendeur. [Jr 13, 18; voir
aussi Ez 21, 30-32.l Tu t'es emporté contre ton oint.
Tu as renié l'alliance de ton serviteur,
Quand la fonction royale aura disparu, le tu as profané jusqu'à terre son diadème.
Fils de l'homme assurera le jugement et la [Ps 89, 39-40.]
vengeance divine :
Tout holhme peut recevoir cette couronne
Sur la nuée était assis comme un Fils d'homme, s'il devient amoureux de la sagesse divine.
ayant. sur la tête une couronne d'or et dans sa
main une faucille aiguisée. [. ..] Il jeta la faucille Sur ta tête elle posera le diadème de grâce,
sur la terre et la terre fut moissonnée elle t'offrira une couronne d'honneur. [. .. ]
[Ap 14, 14 et 16]. [Car] la route des justes est comme la lumière de
l'aube,
La couronne est un signe de gloire pour dont l'éclat grandit jusqu'en plein jour. [Pr 4, 9
David (Si 47, 6), comme elle le sera pour le et 18.]

29
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Les pierres précieuses. l'homme de la Bible a toujours considérées


non pas comme éthérées mais comme soli-
Elles venaient d'Égypte, d'Éthiopie, de des:
Chypre, de Birmanie, d'Arabie, d'Inde, de Moïse monta, ainsi qu'Aaron, Nadav et Avihou
Ceylan, etc. Précieuses par leur rareté, leur et soixante-dix des anciens d'Israël. Ils virent le
extraction lointaine ajoutait à leur prix. Elles Dieu d'Israël et, sous ses pieds, il y avait comme
étaient donc un cadeau très apprécié, digne un pavement de saphir aussi pur que le ciel
de la reine de Saba (1 R 10, 2; 2 Ch 9, 9). lui-même. [Ex 24, 9-10.]
Elles faisaient flamboyer les diadèmes, mais
pouvaient aussi bien s'incruster dans des Et par-dessus le firmament qui était sur leurs
têtes, telle une pierre de saphir, il y avait la
meubles comme le lit d'Holopherne CT dt 10,
ressemblance d'un trône. [Ez 1, 26; 10, l.]
21). Quant au roi Assuérus, il rutilait d'or
et de pierreries (Est 5, le). Les pierres précieuses fournissent l'image
Les pierres précieuses acquerront un de la beauté rayonnante, celle des jeunes
symbolisme particulier lorsqu'elles se fixe- gens par exemple (Lm 4, 7). Le prix de la
ront sur le vêtement liturgique. sagesse dépasse celui des plus beaux joyaux
Deux pierres très dures, le diamant et le CTb 28, 16-19).
saphir, ont été revêtues de significations La Bien-aimée du Cantique s'exclame :
symboliques différentes. Le diamant, estimé
pour l'éclat très particulier dû à la mtÙtipli- Ses mains sont des bracelets d'or
remplis de topazes,
cité de ses feux, pouvait aussi devenir
son ventre une plaque d'ivoire
l'image de la dureté du cœur (Za 7, 12), couverte de saphirs. [Ct 5, 14.]
parce qu'il peut aussi servir de pointe à
graver CTc 17, 1). La lazulite (pierre d'azur Deux réalités bibliques évoquent les pier-
ou lapis-lazuli) pour être moins ·dure n'en res précieuses et leur éclat incomparable : il
fournit pas moins des blocs de mosaïque et s'agit, d'une part, du pectoral du grand
des panneaux décoratifs ; à ce titre elle prêtre et, d'autre part, de la cité de lumière
devient aussi le ·matériau des constructions entrevue dans les visions prophétiques ; ces
visionnaires. Le << saphir » biblique n'est deux choses ne sont pas· sans liens.
peut -être que de la lazulite à laquelle on Voici les directives concernant le pectoral
prête la transparence de la pierre pré- dit « du jugement » :
cieuse.
Tu le feras d'or, de pourpre violette et écarlate,
Le saphir doit à sa cotÙeur bleue une
de cramoisi et de fin lin retors. Il sera carré et
signification cosmique : il désigne le bleu du double, d'un empan de long et d'un empan de
ciel et la cosmologie de la Bible en fait le large. Tu le garniras de pierreries serties, dispo-
matériau du firmament. L' œil des prophètes sées sur quatre rangs. Une sardoine, une topaze
distinguera aussi un pavement, un marche- et une émeraude fortneront la première rangée.
pied, un trône, taillé dans le saphir et réservé La deuxième rangée comprendra une escarbou-
à Celui qui trône dans les cieux. La compa- cle, un saphir et un diamant ; la troisième rangée
cité très dure de ce corindon lui permet une agathe, une hyacinthe et une améthyste ; la
d'entrer dans les constructions célestes que quatrième rangée une chrysolithe, une cornaline

30
LA LUMIÈRE

et un jaspe. Ces pierreries seront serties dans des Les portes de Jérusalem seront bâties
chatons d'or. Elles porteront les noms des en- de saphir et d'émeraude
fants d lsraël et seront au nombre de douze,
1
et tous les murs de pierre précieuse. [ .. .]
comme leurs noms. Elles seront gravées comme Les rues de Jérusalem seront pavées
les sceaux, chacune au nom de l'une des douze de rubis et de pierres d'Ophir. [Tb 13, 16-17.]
tribus. [Ex 28, 15-21.]
Mais c'est !'Apocalypse qui va exploiter à
La diversité des pierres montre bien que fond la symbolique des gemmes éblouissan-
chaque tribu possède son individualité et tes. La Jérusalem messianique descend du
son «éclat» partict.Ùier. Le pectoral, en fait, ciel, de chez Dieu, toute rayonnante de
est une poche qui contient un matériel gloire : « Elle resplendit telle une pierre très
divinatoire, utilisé pour connaître la volonté précieuse, comme une pierre de jaspe cristal-
de Dieu. Cet objet était-il d'usage courant ? lin» (Ap 21, 11).
On peut penser qu'il était aussi un mémo- L'Ange qui guide le voyantlui montre que
rial : le grand prêtre ne devait pas oublier cette ville glorieuse a la forme d'un carré
qu'il avait la responsabilité du peuple d'Is- parfait dessiné par le rempart :
raël, regroupé contre son cœur en un carré Ce rempart est construit en jaspe, et la ville est
de pierreries. Tel était son devoir de« juge- de l'or fin, comme du verre bien pur. Les assises
ment». de son rempart sont rehaussées de pierreries de
Le thème de la Jérusalem nouvelle est au toute sorte : la première assise est de jaspe, la
carrefour de tous les retours. Le peuple exilé deuxième de saphir, la troisième de calcédoine,
retournera chez lui parce qu'il est retourné la quatrième d'émeraude, la cinquième de sar-
vers son Dieu. Le Seigneur revient dans une doine, la sixième de cornaline, la septième de
ville rénovée mais aussi transfigurée. Les chrysolithe, la huitième de béryl, la neuvième de
pierres précieuses qui forment le matériau topaze, la dixième de chrysoprase, la onzième
de la Cité glorieuse sont des minéraux im- de hyacinthe, la douzième d'améthyste. Et les
douze portes sont douze perles, chaque porte
prégnés d'une lumière qui n'est pas simple-
formée d'une seule perle; et la place de la ville
ment celle du jour, mais la lumière de Dieu est d'or pur, transparent comme du cristal.
qui édifie, dans l'ordre incorruptible, ce qui [Ap 21, 18-21.]
a connu les vicissitudes du périssable.
On voit tout de suite que les assises du
Malheureuse, battue des vents, inconsolée, rempart reprennent le dessin du pectoral du
voici que je vais poser tes pierres sur des escar- grand prêtre décrit par !'Exode. La place des
boucles pierres diffère mais l'esprit demeure. Les
et tes fondations sur des saphirs ;
douze pierres représentaient pour les Hé-
je ferai tes créneaux de rubis,
breux ce qu'il y avait de plus beau au monde:
tes portes d'escarboucle
et toute ton enceinte de pierres précieuses. tel est l'éclat du peuple assemblé dans la Cité
Tous tes enfants seront disciples du SEIGNEUR. bienheureuse. Douze patriarches, douze tri-
[ls 54, 11-13.] bus, douze apôtres manifestent la perma-
nence de ce chiffre de plénitude.
Le cantique de Tobie est un reflet de cette Mais la splendeur des pierres n'est pas
vision : l'effet de réfraction de la lumière solaire. La

31
LES SYMBOLES BIBLIQUES

lumière est d\m autre ordre. Tout temple a De malédiction, il n'y en aura plus; lé trône de
disparu, l'Agneau rayonne au centre de cette Dieu et de l'Agneau sera dressé dans la ville, et
les serviteurs de Dieu l'adoreront ; ils verront sa
cité éblouissante :
face, et son nom sera sur leurs front~. De nuit,
Elle peut se passer de l'éclat du soleil et de celui il n'y en aura plus ; ils se passeront de lampe ou
de la lune, car la gloire de Dieu l'a illuminée, et de soleil pour s'éclairer, car le Seigneur Dieu
l' Agneau lui tient lieu de flambeau. Les Gentils répandra sur eux sa lumière, et ils régneront
marcheront à sa lumière, et les rois de la terre pour les siècles des siècles. [Ap 22, 3-5.]
viendrontlui porter leurs trésors. [Ap 21, 23-24.]
32
LE FEU
Dieu est un feu. DIEU EST UN FEU.
Sa Parole et ses actions sont ardentes. SA PAROLE ET SES ACTIONS
Le buisson ardent SONT ARDENTES
La colonne de feu. Dieu éclaireur d'Israël.
La montagne de feu.
Le feu de Dieu et la brise rafraîchissante. Le buisson ardent.
Le feu dans les os.
Le feu de la parole. Quand Moïse parvient sur la montagne de
Le feu, le souffle, la bouche, l'épée. Dieu, !'Horeb (appelé aussi Sinaï), Dieu lui
apparaît au milieu d'un buisson qui brûle
Le feu dévorant. sans dévorer la végétation alentour. Épines
Le feu qui dévore la végétation. et ronces sont, dans la tradition biblique, ce
Le feu lumineux et ravageur. que le feu réduit le plus facilement en cen-
Le feu de la guerre. dres. Elles symbolisent tout ce qui est or-
Dieu maître du feu. gueilleux et que la colère divine peut facile-
La colère comme feu dévorant. ment détruire.
Toutes les nations m'ont encerclé. [. ..]
Le feu rituel. Elles m'ont encerclé comme des guêpes ;
Le feu de l'Alliance. elles ont flambé comme un feu de ronces.
Le feu des sacrifices. [Ps 118, 10-12.]
Un feu qui ne consume rien est plus que
Le feu visionnaire. l'ardeur de la colère divine. Il est l'image
Le char de feu. de l'éternité du Seigneur, de l'activité in-
Le feu des Apocalypses. terne du Tout-Puissant, avant qu'elle n'in-
tervienne dans l'espace et le temps des
Le feu de la purification et du jugement. hommes.
Ablution et fusion. Moïse faisait paître le troupeau de son beau-père
Le creuset. Jéthro, prêtre de Madiân. Il mena le troupeau
Le baptême de feu. au-delà du désert et parvint à la montagne de

35
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Dieu, !'Horeb. L'ange du SEIGNEUR lui apparut chait à leur tête : colonne de nuée de jour pour
dans une flamme de feu au milieu du buisson. Il leur ouvrir la route, colonne de feu la nuit pour
regarda : le buisson était en feu et le buisson les éclairer ; ils pouvaient ainsi marcher jour et
n'était pas dévoré. Moïse dit : «Je vais faire un nuit. Le jour, la colonne de nuée ne quittait pas
détour pour voir cette grande vision : pourquoi la tête du peuple ; ni, la nuit, la colonne de feu.
le buisson ne brûle-t-il pas?» Le SEIGNEUR vit [Ex 13, 20-22.]
qu'il avait fait un détour pour voir et Dieu
l'appela du milieu du buisson : « Moïse ! Cette colonne ardente est non seulement
Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » [Ex 3, 1-4.] l'observatoire de Dieu, mais le lieu d'où il
jette un regard hostile sur les ennemis. Le
Retirer ses sandales est un acte de respect. regard de Dieu est chargé de sa puissance
Il est peut-être le souvenir d'une nudité qui fulgurante qui va souder le moyeu des roues
était jadis le symbole d'un abandon au dieu des chars égyptiens.
devant lequel on se présentait.
Au cours de la veille du matin, depuis la colonne
Il dit : « Retire tes sandales de tes pieds, car le de feu et de la nuée, le SEIGNEUR observa le camp
lieu où tu te tiens est une terre sainte. » Il dit : des Égyptiens et il mit le désordre dans le camp
<<Je suis le Dieu de ton père, Dieu d'Abraham, des Égyptiens. Il bloqua les roues de leurs chars
Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob.» Moïse se voila la et en rendit la conduite pénible. L'Égypte dit :
face car il craignait de regarder Dieu. [Ex 3, 5-6.] « Fuyons loin d'Israël car c'est le SEIGNEUR qui
Cette manifestation du feu sur !'Horeb combat pour eux contre l'Égypte. »
[Ex 14, 24-25.]
sacralise déjà la montagne qui, plus tard,
s'embrasera à l'heure de l'Alliance et de la La colonne devient, par la suite, le signal
remise de la Loi. Au temps d'Élie, le feu de qui ponctue les étapes du peuple de Dieu
Dieu passera encore sur la sainte montagne (Ex 40, 38; Dt 1, 33; Nb 9, 15-23).
qui deviendra ainsi, dans la tradition d'Is- Les Psaumes rappelleront ce feu qui
raël, le lieu ptivilégié des théophanies. conduit le peuple (Ps 78, 14); mais un autre
psaume dit que le Seigneur « étendit une
nuée pour servir de rideau» (Ps 105, 39) :
La colonne de feu. Dieu éclaireur d'Israël. la fumée de la fournaise divine devient une
arme tactique qui dissimule l'objectif aux
Le feu surprenant quis' est manifesté dans yeux de l'ennemi, ou qui couvre ce peuple,
le buisson, prend maintenant la forme d'un le protège comme une arrière-garde.
signal, lumineux au cœur de la nuit, et Dieu, éclaireur de son peuple en marche,
fumant de jour, pour tracer le chemin. Le est pour Néhémie, l'objet d'une louange
Seigneur devient ainsi le guide de son peu- particulière :
ple dans le désert et, en même temps, un
compagnon qui rassure, par sa présence, la Par une colonne de nuée, tu les guidas de jour,
communauté des Israélites, dont la foi est et la nuit par une colonne de feu,
encore chancelante. pour illuminer devant eux la voie où ils chemi-
naient. [Ne 9, 12; voir aussi 9 et 19.]
Ils partirent de Soukkot et campèrent à Étarn, en
bordure du désert. Le SEIGNEUR lui-même mar- La nuée est donc d'abord la manifestation

36
LE FEU

divine d'un feu. Elle deviendra, plus tard, le fumée monta, comme la fumée d'une fournaise,
symbole de la gloire ardente et rayonnante et toute la montagne trembla violemment.
de Dieu. Cette splendeur, le Seigneur doit la [fa 19, 18.]
réduire, pour la rendre sensible aux yeux de Le Deutéronome se plaît à dire que
ses fidèles. Elle accompagnera les visites « Dieu parle au milieu du feu ». On trouve
divines (Ex 19, 9 et 16), elle planera au- dix mentions de cette expression (Dt, chapi-
dessus du tabernacle (Nb 10, 11), elle rem- tres 4, 5, 9 et 10). Dans cet embrasement,
plira le Temple (1 R 8, 10; Ez 10, 19), elle Dieu est bien à son poste comme aux jours
recouvrera Jésus transfiguré (Mc 9, 7). du buisson ardent, comme à l'heure où; du
Pour Paul, la nuée est le milieu de la sommet de la colonne, il dardait son regard
renaissance baptismale, au même titre que incandescent sur les armées de Pharaon.
la mer Rouge obéissante aux ordres de Dieu. Cette fois, l'ardeur de la Parole divine est à
Je ne veux pas vous laisser ignorer, frères : nos la hauteur de son pouvoir guerrier. La réver-
pères étaient tous sous la nuée, tous ils passèrent bération de cette ardeur sur le visage de
à travers la mer et tous furent baptisés en Moïse Moïse deviendra intolérable pour le peuple.
dans la nuée et dans la mer. [! Co 10, 1-2.l
Quand Moïse descendit de la montagne de Sinaï
Le pouvoir occultant du nuage révèle et [. ..], il ne savait pas que la peau de son visage
préserve tout à la fois la transcendance était devenue rayonnante en parlant au SEI-
divine. Un nuage de fumée, par contre, GNEUR. Aaron et tous les fils d'Israël virent
révèle la présence d'un feu. Pour se manifes- Moïse : la peau de son visage rayonnait ! Ils
craignirent des' approcher de lui. [Ex 34, 29-30.]
ter aux hommes, Dieu se cache parfois, mais
peut encore révéler son ardeur. La tradition Cette splendeur s'avère intolérable pour
mystique, se référant à !'Exode, parlera d'un les interlocuteurs du prophète.
nuage d'inconnaissance. Cette nuée révélera
Moïse acheva de parler avec eux et il plaça un
aussi le feu de l'amour qui peut être jalousie
voile sur son visage. Et quand il entrait devant le
aussi bien que tendresse. SEIGNEUR pour parler avec lui, il retirait le voile
jusqu'à sa sortie. [Ex 34, 33-34.]
La montagne de feu.
Le feu de Dieu et la brise rafraîchissante.
Au cours de la grande théophanie du
Sinaï, à l'heure où le Seigneur révèle sa Loi La grandeur de Dieu ne se manifeste pas
à Moïse, Dieu descend dans le feu. La dans le déchaînement de son pouvoir. Il est
montagne alors semble retourner aux origi- maître de sa force, le livre de la Sagesse
nes du monde quand le magma se solidifiait consacre son douzième chapitre à l'examen
au prix d'éruptions volcaniques, de trem- historique et théologique de cette modéra-
blements de terre et de l'émission d'une tion.
êpaisse fumée. L'histoire d'Élie révélait déjà cette vérité
La montagne de Sinaï n'était que fumée, parce en deux tableaux saisissants.
que le SEIGNEUR y était descendu dans le feu ; sa Le premier raconte une ordalie, un juge-

37
LES SYMBOLES BIBLIQUES

ment de Dieu par le feu. Le prophète, jaloux fiant du Sinaï _n'est pas, cette fois, présent
de l'honneur de son Dieu, propose aux dans le feu :
ministres des faux dieux, des Baals,- une
sorte de compétition sur le mont Carmel. Le Api-ès le tremblement de terre, il y eut un feu;
le SEIGNEUR n'était pas dans le feu. Et après le
feu du vrai Dieu est sommé de tomber sur
feu, le bruissement d'ùn souffle ténu. Alors en
l'autel de la divinité, qui apparaîtra ainsi l'entendant,_ Élie se ·voila le visage avec Son
comme véritable. manteau; il sortit et se tint à l'entrée de la
caverne. Une voix s'adressa à lui : << Pourquoi
Le feu du SEIGNEUR tomba et dévora l'holo·
es-tu id Élie?» Il répondit: «Je suis passionné
causte, le bois, les pierres, la -poussière, et il
pouf le SEIGNEUR, Dieu des puissances. »
absorba l'eau qui était dans le fossé. A cette vue,
[1 R 19, 12-14.l
tout le peuple se jeta face co_ntre terre et dit :
« C'est le SEIGNEUR qui est Dieu ! » Au livre de Daniel, Dieu préserve aussi
[1 R 18, 38-39.J
ses fidèles d'une ardeur intolérable et les
Les prêtres des _faux dieux seront_ égor- rafraîchit par une brise. Le feu dangereux
1

gés. La réaction du roi est violente, il fait n est pas, cette fois, celui de Dieu1 mais celui
serment de faire périr ce trop puissant de la méchanceté des hommes. Les jeunes
prophète. Élie s'enfuit au désert. Il aban- gens fidèles au Seigneur, Ananias, Misaël et
donne son senriteur, il s'en va seul pour se Azarias, sont jetés dans une fournaise parce
sentir bientôt envahi par une peur qui ne qu'ils n 1ont pas adoré la statue du roi. Le
tarde pàs à se transformer en angoisse feu, pourtant, ne _les atteindra pas et le
dépressive. Un ange de Dieu apparaît, cantique d 1Azarias se termine ainsi :
porteur de pain et d'une gourde d'eau. L'ange du Seigneur descendit dans la foÙrnaise
Élie retrouve ainsi son énergie physique et auprès d'Azarias et ses compagnons; il repoussa
spirituelle. Il vient de se battre pour qu'Is- au dehors la flamme du feu et il leur souffla, au
raël demeure fidèle à l'Alliance avec son milieu de la fournaise, comme une fraîcheur de
Dieu. Son instinct le pousse vers l'Horeb, brise et de rosée, si bien que le feu ne les toucha
dans le massif du Sinaï. C'est là que Moïse aucunement et ne leur causa ni douleur, ni
put contempler le buisson ardent, c'est là angoisse. [Dn 3, 49-50.]
que le Seigneur confirma l'Alliance par le
don de la Loi, quand Dieu parlait au
milieu du feu et que la montagne se trans- Le feu dans les os.
formait en fournaise.
Niché dans une grotte, Élie tremble d' ef- Pour la Bible, « les os » ne sont pas
froi : il sait que les apparitions de Dieu uniquement considérés comme formant le
peuvent être terrifiantes. Et, de fait, le squelette. Elle voit en eux des tubes qui
Seigneur s) avance dans un ouragan accom~ contiennent << la moelle remplie de sève»
pagné d'un tremblement de terre. Tout (Jb 21, 24). Ils recèlent un élément précieux,
culmine dans l'apparition d'un feu redou- un principe vital, qui peut être plus ou
table. moins puissant, et même demeurer actif
Et pourtant, le Seigneur ardent et terri- après la mort de l'individu.

38
LE FEU

Remuer les os, les toucher peut être une ressuscite au contact des ossements du pro-
opération dangereuse, parce que les débris phète (2 R 13, 20-21).
d'un cadavre sont l'objet d'un contact pol-
luant; de plus, l'énergie résiduelle des os
décharnés peut être _dangereuse. Le feu de la Parole.
Le feu qui brûle dans les os est de nature
très diverse : il peut être inflammation ou L'énergie qui s'active dans les os du
consomption. Tel est le feu de la détresse prophète révèle l'investissement total de son
physique ou de l'angoisse : être par la· parole de Dieu, considé.rée
Mes os sont brûlés par la fièvre. Ob 30, 30.] comme un feu.

Mes os brûlent com~e un brasier. [Ps 102, 4.] La Parole de Dieu a été pour moi
source d'opprobre et de moquerie tout leJour,
La fièvre, comme la peste, peut être une Je me disais· : je ne penserai plus à lui,
punition de Dieu (Ha 3, 5). Le feu du je ne parlerai plus en son Nom,
châtiment prend dans les os de l'homme mais c'était en mon coeur comme un feu dévo-
(Lm 1, 13). rant
La conscience du pécheur peut connaître enfermé dans mes os.
le feu du remords, que seul l'aveu apaisera : Je m'épuisais à le contenir, mais je n'ai pas pu.
[Jr 20, 8-9.]
Je me taisais, mes os se consumaient
à rugir tout le jour, Jérémie le sait bien: les faux prophètes ne
la nuit, le jour, ta main pesait. sur moi; sont que du vent, la parole n'est pas _en eux,
mon coeur était changé en chaume ils sont contraints à ce mensonge par des
au plein feu de l'été. [Ps 32, 3-4.] renégats.
La piété et la fidélité, la reconnaissance de C'est pourquoi, ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu
Dieu, le repos en lui, permettent seuls de Sabaot. [__ .]
trouver la paix : Je ferai de mes paroles un feu dans ta bou_che
Cela sera s_alutaire à ton corps
et de ce peuple du bois que ce feu dévorera.
et rafraîchissant pour tes os. [Pr 3, 8.] [Jr 5, 14.]
Ma parole n'est-elle pas comme un feu?
Un cœur converti est un cœur rafraîchi :
[Jr 23, 29.l
il retrouve la joie et le psaume peut alors
s'exclamer:« les os broyés dansent» (Ps 51, Israël se souvient :
10). -
Alors le prophète Élie se leva comme un feu,
Brûler des ossements humains sur un
Sa parole brûlait comme une torche. [Si 48, l.]
autel voué aux idoles était un moyen radical
de le mettre hors service (2 R 23, 16). Il L'ascension d'Élie est bien dans le style de
n'était pas question, par contre, de se servir sa nature ardente. Il monte au ciel dans un
des os d'un prophète pour accomplir ce tourbillon de feu, emporté par un char attelé
rituel de profanation (2 R 23, 17-18). de chevaux de feu. Elisée reste encore très
Un cadavre, jeté dans la tombe d'Élisée, attaché à Élie.

39
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Tandis qu'ils poursuivaient leur route tout en jalousie et de vengeance. Il est capable de
parlant, voici qu'un char de feu et des chevaux ffiontrer sa force quand les hommes mettent
de feu les séparèrent l'un de l'aut~e; Élie monta le comble à leur ignominie. Celui qui taille
au ciel dans la tempête. Quant à Elisée, il voyait des lames de feu peut aussi bien tailler ses
et criait : « Mon père, mon père ! Chars et
ennemis en pièces, par les paroles de sa
cavalerie d'Israël!» Puis il cessa de le voir.
[2 R 2, 11-12; voir aussi Si 48, 9.] bouche. Dieu explique la raison de la colère
qui s'est abattue sur Israël infidèle.
Pour le psaume, la parole est une lampe,
une flamme vive qui accompagne le fidèle et Votre amour est comme la nuée du matin,
comme la rosée matinale qui passe.
éclaire sa route (Ps li 9, 105). Au terme C'est pourquoi j'ai frappé par les prophètes,
d'une longue évocation de rhiver, où la terre j'ai massacré par les paroles de_ ma bouche :
semble endormie dans le silence, la parole de et mon jugement jaillit comme· la lumière.
Dieu revient comme le printemps, et son Car c'est l'amour qui me plaît, non les sacrifices,
ardeur chasse toute froidure. et la connaissance de Dieu, je la préfère aux
Il envoie sa parole, c'est le dégel; holocaustes. [Os 6, 4-6.]
il fait souffler son esprit, les eaux ruissellent. L'Apocalypse annonce par la bouche d'un
[Ps 147,18.] ange "que ce même messager va Combattre les
fauteurs de troubles par« l'épée de sa bou-
che» (Ap 2, 16).
Le feu, le souffle, la bouche, l'épée. Le livre de la Sagesse décrit ainsi l'irrup-
tion de la Parole patte-glaive au milieu de
Toutes ces choses semblent disparates, la nuit :
mais l'inspiration prophétique va les tresser,
en faire un montage dont le seul but n'est Alors qu'un silence paisible enveloppait toutes
pas d'étonner, mais de manifester tous les choses,
aspects de la Parole de Dieu : cette Parole et que la nuit parvenait au milieu -de sa course
réalise ce qu'elle annonce, elle transforme rapide,
du haut des cieux, ta Parole toute-puissante
celui- qu'elle enseigne ou avertit. Elle ne s'élança du trône royal,
répare pas ce qui est endommagé, elle lui guerrier inexorable, au milieu ·d'une terre vouée
offre une nouvelle naissance .. r
à extermination,
L'orage a fasciné le psalmiste et pour louer portant pour glaive aigu ton irrévocable décret.
son Créateur, il dit : [Sg 18, 14-15.]
La voix puissante du SEIGNEUR, Pour les Psaumes, aussi, la bouche est une
la voix éclatante du SEIGNEUR, épée et la langue un glaive acéré (Ps 57, 5 ;
la voix du SEIGNEUR casse les cèdres. [...] 64, 4). Quand les impies déblatèrent contre
La voix du SEIGNEUR taille des lames de feu.
le juste, sur leurs lèvres apparaissent des
[Ps 29, 4-7.]
épées (Ps 59, 8).
Ce texte, en relation avec celui de !'Exode Le livre ·d'Isaïe dessine, en plusieurs pas-
(Ex 19, 16-18), montre bien que le Seigneur sages, le visage du mystérieux Serviteur qui
de l'orage est aussi un Dieu de colère, de se profile à l'horizon du salut :

40
LE FEU

Le SEIGNEUR m'a appelé dès le sein, Le livre du Deutéronome révèle le ser-


dès les entrailles de ma mère, il a prononcé mon ment que Dieu fait par lui-même :
nom,
il a fait de ma bouche une épée tranchante. Aussi vrai que je vis pour toujours, quand j'aurai
[Is 49, l.] aiguisé mon épée fulgurante,
ma main saisira le Droit.
Lorsqu'un glaive possède deux tran- Je rendrai la pareille à mes adversaires.
chants, un coup de « taille » ouvre un pas~ [Dt 32, 40-41.]
sage étroit qui permet à l'arme cl' aller plus L'accent ici est mis surtout sur la rapidité
avant. Cette finesse meurtrière deviendra le
de l'intervention vengeresse : Dieu tombe
symbole de la subtilité de l'action divine.
comme la foudre sur ses ennemis.
Le juge Êhud, pour éliminer Êglôn le roi de Le Seigneur peut prêter son épée au
Moab, se munit d'un poignard à double « tueur» babylonien pour faire de lui l'ins-
tranchant. Avant d'utiliser son arme, il an-
trument de sa colère :
nonce à sa victime : « C'est une parole de
Dieu que j'ai pour toi, ô roi ! » Le poignard L'épée, l'épée! [. ..]
est plongé dans le ventre de la victime et il y Elle est affutée, l'épée, et fourbie
disparaît, manche compris (Jg 3, 16-22). Le pour mettre dans la main du rueur
symbolisme de cette action est clair: la Parole pour jeter les éclairs, elle est fourbie ...
[Ez21, 13-15.]
de Dieu atteint le plus profond des êtres et
transperce de part en part les ennèmis. Mais le feu peut être aussi celui des
L'épée divine n'est pas que destructrice, puissances mauvaises. Pour les vaincre, le
tel un bistouri, elle effectue des opérations glaive de la Parole est nécessaire :
délicates.
Ayez toujours en main le bouclier de la foi grâce
Vivante, en effet, est la Parole de Dieu, efficace auquel vous pourrez éteindre tous les traits
et plus coupante qu'un glaiVe à deux.tranchants, enflammés du Mauvais. Enfin, rècevez le glaive
elle pénètre jusqu'au point de division de l'âme de l'Esprit c'est-à-dire la Parole de Dieu. [Ep 6,
et del' esprit, des articulations et des moelles, elle 16-17.]
peut juger les sentiments et les pensées du coeur.
[He 4, 12.J

L'épée acérée, à double tranchant, se LE FEU DÉVORANT


retrouve panni les attributs symboliques du
Fils d'homme, tel qu'il apparaît dans !'Apo-
calypse comme juge eschatologique (Ap 1, Le feu est une réalité ambivalente. Son
16). ardeur fait de lui une source cl' énergie ir-
Au livre de la Genèse, Dieu bannit remplaçable, mais cette force peut devenir
l'homme du jardin d'Êden. Il poste à l'entrée destructrice. Le thème du feu dévorant, très
de ce lieu de bonheur, maintenant interdit, important dans la Bible, présente tout
deux chérubins armés d'un glaive fulgurant. d'abord l'aspect catastrophique de l'élément
Le chemin de l'arbre de vie est maintenant igné déchaîné. Ce thème se transpose vite
coupé (Gn3, 24). pour signifier l'impétuosité irrésistible d'un

41
LES SYMBOLES BIBLIQUES

assaut guerrier. Il finira par désigner la car elle est abattue la forêt inaccessible.
redoutable colère de Dieu. Le Seigneur lui- [Za 11, 1-2.J
même n'hésite pas à faire de sa fureur une Jérémie, pour sa part, annonce un grand
manifestation concrète de sa justice. feu de forêt qui se propage dans les alen-
tours. Les colonnes du palais royal de Juda,
taillées dans des cèdres, ne seront pas épar-
Le feu qui dévore la végétation. gnées (Jr 21, 14 et 22, 6-7).
La sécheresse est la mort de la végétation :
À date très ancienne, l'homme a été épou- elle est un fléau divin, une manifestation de
vanté par l'orage. La foudre est un feu d'en sa colère ardente, et seule la pénitence, le
haut et ses premières victimes sont les ar- retour vers Dieu pourra mettre fin à ce
bres, à commencer par les plus élevés dont désastre:
les cimes semblent défier le ciel. Ce feu
devient sournois et ravageur lorsqu'il s'en Seigneur, je crie vers toi !
car le feu a dévoré les pacages des landes,
prend aux taillis et aux ronces : il avance
la flamme a consumé tous les arbres des champs,
alors comme une armée rangée en bataille.
même les bêtes des champs languîssent,
Le psalmiste appelle ainsi Dieu à la res- car les cours d'eau sont à sec. 011, 19-20.]
cousse:
Tout bois d'œuvre, coupé, peut encore
Comme un feu dévore une forêt servir mais le cep de vigne n'est bon qu'à
comme la flamme embrase les montagnes,
porter du fruit ou à être brûlé. Si les arbres
ainsi poursuis-les de ta bourrasque,
de la forêt ont été brûlés, comment Israël,
par ton ouragan, remplis-les d'épouvante.
[Ps 83, 15-16.J vigne infructueuse, pourrait-il échapper à·la
flamme?
Le prophète Ézéchiel s'entend dire : Une transposition ·de ce thème se retrou-
vera sur les lèvres de Jésus monta.nt au
Tu diras à la forêt de Négeb : Écoute la parole
Calvaire.
du SEIGNEUR. Ainsi parle le Seigneur Dœu. Void
que je vais allumer en toi un feu pour y consumer Tout comme le bois de la vigne, parmi les arbres
tout arbre vert et tout arbre sec ; c'est une grande de la forêt
flambée qui ne s'éteindra pas et tous les visages que j'ai jeté au feu, pour le consumer,
seront brûlés depuis le Négeb jusqu'au Nord. ainsi ai-je traité les habitants de Jérusalem.
Toute chair verra que c'est moi, le SEIGNEUR, qui [Ez 15, 6 ; voir aussi Le 23, 31.]
l'ai allumée et elle ne s'éteindra pas.
[Ez 21, 3-4.l Feu contre feu : le feu du châtiment divin
répond au feu de la méchanceté humaine.
Zacharie voit tomber le feu de Dieu sur le L'aspect 'insidieux de la malignité est illustré
Liban: par l'embrasement sournois des ronces et
des épines, sous le couvert des bois.
Ouvre tes portes, Liban,
et que le feu dévore les cèdres. Oui, la méchanceté a brûlé comme le feu,
Gémis, génévrier, car le cèdre est tombé [ ... ] elle dévore ronces et épines,
GémisSez, chênes de Bashân, elle a incendié les halliers de la forêt,

42
LE FEU

ils se sont élevés en tourbillons de fumée. Le feu de la guerre.


Par l'emportement du SEIGNEUR Sabaot,
la terre a été brûlée. Un chant très ancien, datant de la pre-
Et le peuple est comme la proie du feu. mière période de la conquête du pays de
[Is 9, 17-18.]
Canaan (XITI' siècle av. J.-C.), exalte le
Il est dit au livre des Juges : pouvoir militaire d'un royaume transjorda-
nien, puissance qui lui a valu la victoire sur
Un feu sortira du buisson d'.épines les Moabites. Ce chant semble avoir été
et il dévorera les cèdres du Liban. (Jg 9, 15.] repris par les Israélites pour évoquer la
défaite de cette même armée.

Le feu lutnineux et ravageur. Un feu est sorti de Heshbôn,


une flamme de la cité de Sihôn.
Une séquence du livre d'Isaïe montre bien elle a dévoré Ar Moab. [... ]
Mais leur postérité a été détruite
l'oscillation du symbole entre le feu éclairant
depuis Heshbôn jusqu'à Dibôn,
et le feu destructeur. et nous avOns miS le feu
Le peuple qui marchait dans les ténèbres depuis Nopah jusqu'à Medba. [Nb 21, 28-30.]
a vu une grande lumière. Us 9, 1.]
Le feu est le moyen d'attaquer une ville
L'équipement de guerre est brûlé, mais le (Jg 9, 20)_ Après le sac de la cité, Dieu
peuple ne comprend pas ce signe de paix : ordonne, au temps des Juges, la destruction
il ne se convertit pas (Is 9, 12). La méchan- intégrale de lieux, devenus radicalement
ceté brûle comme un feu de broussailles exécrables en raison des cultes païens san-
ravageur (Is 9, 17). La colère de Dieu incen- glants et monstrueux. L'incendie final ache-
die le pays et brûle le peuple (Is 9, 18). r
vait ainsi anathème, véritable extermina-
Le passage suivant décrit le feu, tour à tion d'un site impur (Jos 8, 19; 11, 11;
tour lumineux et dévorant : 1 M5,5 ;Jg 1, 8 ;20,48).
Une grande "imprécation d' Amos voue les
Le SEIGNEUR Dieu) le Tout-Puissant, nations voisines d'Israël, sans omettre le
enverra contre ses hommes corpule~ts
royaume de Juda, au feu de Dieu. Il embra-
la m~igreur
sera les murailles et les palais. Jérusalem ne
et_ par-dessous sa splendeur s'embrasera_ un
brasier, comme s'embrase un feu. sera pas épargnée. Ce texte constitue,
La lumière d'Israël deviendra un feu semble-t-il, un rituel de malédiction culmi-
et son Saint une flamme nant dans une imprécation hurlée, teruah
qui brûlera et dévorera ses ronces et ses épines (Am 2, 1-5)_ Ce rituel est longuement décrit
en un seul jour. lors de la prise de Jéricho (Jos 6, 11-16), où
La splendeur de sa forêt et de son verger, il précède l'anathème.
il la consumera corps et âme, tel un malade La forme ancienne de certe malédiction est :
qui dépérit.
Le reste des arbres de sa forêt sera facile à Lève-toi, SEIGNEUR, que tes ennemis
compter, un enfant l'écrirait. [Is 10, 16-19.l se dispersent,

43
LES SYMBOLES BIBLIQUES

que ceux qui te haïssent fuient devant toi. Il est si petit l »


[Nb 10, 35.l Le SEIGNEUR en eut du repentir :
« Cela ne sera pas » dit le SEIGNEUR Dieu.
Elle se trouve commentée par le psatime : [Am 7, 4-6.l
Comme se dissipe la fumée, tu les dissipes ;
comme fond la cire face au feu,
ils périssent, les impies en face de Dieu. Dieu maître du feu.
[Ps 68, 3.]
Les créatures peuvent fondre en présence de Que Dieu soit le maître du feu, nous le
Dieu. savons par l'épisode des trois enfants dans
la fournaise, tel qu'il nous est raconté au livre
Les montagnes, comme la cire, de Daniel (Dn 3, 8-50). Le livre de la
ont fondu devant le SEIGNEUR, Sagesse revient plusieurs fois sur ce thème.
devant le SEIGNEUR de toute la terre. [Ps 97, 5.] L'eau éteint le feu, mais Dieu peut
Dieu est un guerrier qui conduit lui-même contredire cette vérité en usant de sa toute-
sa guerre sainte, même _s'il se présente sous puissance. Les impies méritent le feu, et
la forme d'un ange (Jos 5, 13-15). Son arme pourtant:
est le feu qui inflige le châtiment, qui purifie Void plus étrange: dans l'eau qui éteint tout,
la terre et parfois même les peuples rebelles. le feu n'avait que plus d'ardeur;
l'univers en effet combat pour les justes.
Devant lui, le feu dévore,
Tantôt en effet la flamme s'apaisait,
derrière lui, la flamme consume.
de peur de brûler complètement les animaux
Le pays est comme un jardin d'Éden devant lui,
envoyés contre les impies,
derrière lui, c'est une lande désolée !
et pour leur faire comprendre, à cette vue,
Aussi rien ne lui échappe.
qu'ils étaient poursuivis par un jugement de
(JI 2, 3; voir aussi)l 3, 3; So 1, 18; Ml3, 19.]
Dieu;
Pour redoutable que soit le feu de Dieu, tantôt, au sein même de· l'eau, elle brûlait avec
le Seigneur demeure.maître de son ardeur: plus de force que le feu,
il peut se« repentir» d'un excès de rigueur, pour détruire les produits d'une terre inique.
non seulement quand l'homme lui-même se [Sg 16, 17-19.J
repentit, mais aussi quand le prophète inter- Dans la nuit de !'Exode, la colonne de feu
cède. Amos s'interpose entre le peuple pé- s'allumait d'elle-mêm" (Sg 17, 6). Pour faire
cheur et le châtiment divin, qu'il appelle sortir son peuple d'Egypte, Dieu a boule-
«feu», mais qui était une grande séche- versé le jeu des éléments.
resse:
Le feu renforçait dans l'eau sa propre vertu,
Voici ce que me fit voir le SEIGNEUR Dieu : et l'eau oubliait son pouvoir d'éteindre.
Le SEIGNEUR Dieu appelait le feu pour châtier ; En revanche, les flammes ne consumaient pas les
celui-ci dévora le grand Abîme, chairs
puis il dévora la campagne. d'animaux, pourtant fragiles,
Je dis : « SEIGNEUR Dieu cesse, je t'en prie ! qui s'y aventuraient
Comment Jacob pourra-t-il tenir? et elles ne faisaient pas fondre l'aliment divin

44
LE FEU

semblable à de la glace, et si facile à fondre. recréatrice de Dieu (hesed). Dans cette


[Sg 19, 20-21.] perspective, Dieu n'entend pas uniquement
sauver son renom, car son nom est amour.
La jalousie est la défense d'une tendresse, et
La colère comme feu dévorant. la colère naît d'une peine autant que d'une
déçeption.
Dieu marufeste tout d'abord sa colère pour La symbolique du feu, ici, s'intériorise :
défendre son honneur_ Sa gloire exige!' exclu- l'élément igné peut signifier toutes les for-
sion radicale du culte des faux dieux. mes et· tous les moments de l'ardeur amou-
reuse.
Je suis le SEIGNEUR, tel est mon nom !
Le mystérieux Cantique des cantiques, qui
Ma gloire, je ne la donnerai pas à un autre,
ni mon honneur auX idoles. [Is 42, 8.] glorifie l'amour charnel et affectif, révèle
aussi sa dimension spirituelle :
Il faut donc faire disparaître les idoles qui
excitent la jalousie de Dieu (Ps 78, 58). La L'amour est fort comme la Mort,
la passion inflexible comme le Shéo1,
meilleure façon de les éliminer est de les brû-
ses traits sont des traits de feu,
ler, comme le fit le roi Asa (1 R 15, 13-14). une flamme du Seigneur.
Josias sera plus radical encore ; il brûle Les grandes eaux ne pourront éteindre l'amour,
tous les objets du culte de Baal, le pieu sacré ni les fleuves le submerger. [Ct 8, 6-7.]
et le char du soleil (2 R 23, 4-14). Le feu de
sa colère pousse aussi le roi à profaner le
Tophèr, l'endroit où l'on sacrifiaitles enfants
en les brûlant (2 R 16, 3; 17, 17; 17, 31; LE FEU RITUEL
21, 6; 23, 10). Le feu de la jalousie de Dieu
vient à bout du feu de l'idôlatrie criminelle.
Le Seigneur donne aussi libre cours à sa Le feu de l'Alliance.
colère quand Israël n'observe pas les précep-
tes de la Loi. C'est elle qui maintient Israël Au terme d'une série de promesses faites
en forme de peuple. La négliger, c'est re- à Abraham, alors qu'il se nomme encore
tourner à l'informe. La colère de Dieu s'en-
Abram, Dieu reprend un vieux rite d'al-
flamme pour une raison essentielle : la sain-
liance. Des animaux sont sacrifiés et parta-
teté d'Israël doit être le miroir terrestre de la
gés en deux ; les contractants doivent passer
sainteté de Dieu. « Soyez saints, car je suis entre les morceaux ainsi divisés. Dans le
Saint, moi le SEIGNEUR, votre Dieu» (Lv 19, texte de la Genèse, le Seigneur opère seul,
2 ; voir aussi Nb 15, 40). sous la forme d'un feu, ce passage rituel. En
Cette injonction sera reprise par Pierre fait, cette alliance est une cérémonie conclu-
pour l'Église du Christ (1 P 1, 15-16).
sive qui entend confirmer, sceller une rela-
La Loi ne scelle pas une alliance simple- tion de bienveillance dont Dieu a pris l'ini-
ment juridique. L'Alliance contractée sur le tiative et décidé les garanties.
mont Sinaï est un contrat d'amour, qui
révèle la tendresse fidèle, miséricordieuse, Quand le soleil fut couché et que les ténèbres

45
LES SYMBOLES BIBLIQUES

s'étendirent, voici qu'un four fumant et un un sacrifice, le châtiment ne se fait pas


brandon de feu passèrent entre les anim~ux attendre:
partagés. Ce jour-là, le SEIGNEUR conclut une
alliance avec Abram, [Gn 15, 17-18.] De devant le SEIGNEUR jaillit une flamme qui les
dévora et ils périrent en présence du SEIGNEUR.
Jérémie évoquera ce même rituel, mais en Moïse dit alors à Aaron : c'est là ce <Jue le
menaçant les traîtres à l'Alliance : selon la SEIGNEUR avait déclaré par ces mots : « En mes
signification ancienne de cet acte, le contrac- proches je montre ma sainteté et devant tout le
tant acceptait d'avance la mort qui sanction- peuple, je montre ma gloire. » Aaron resta muet.
nait l'éventuel manquement à sa parole [Lv 10, 2-3.]
(Jr 34, 18-20). Le miracle d'Élie sur le mont
Carmel ressemble fort à un rite de renouvel- Le feu de Dieu tombera plus tard, spon-
lement de ]'Alliance, à l'heure de l'infidélité tanément, sur l'offrande de David et celle de
du roi d'Israël (1 R 18, 30-38). Salomon. Tel est du moins le témoignage du
livre des Chroniques (1 Ch 21, 26; 2 Ch 7,
1). Le feu allumé par l'homme pour un
sacrifice doit être pur. Le feu naturel, tombé
Le feu des sacrifices.
du ciel avec la foudre ou pris de la lave du
volcan, apparaît dans sa pureté originelle.
Le rituel sacrificiel garde le souvenir du
Tel peut être aussi le feu tiré du silex, ou le
feu spontané qui vient confirmer l'Alliance
feu recueilli au débouché du gaz ou du
et, dans le Lévitique, le feu du premier
naphte, qui ne manquent pas dans les ré-
sacrifice est dit venir directement de Dieu.
gions du Proche et du Moyen-Orient.
Le chapitre 9 décrit l'entrée en fonction des
L'ange tire de la pierre le feu qui doit
prêtres et la préparation des offrandes qui
consumer l'offrande de Gédéon.
devront être brûlées pour que leur fumée
s'élève devant Dieu comme une oblation L'ange du SEIGNEUR étendit l'extrémité du bâton
subtile adressée au Seigneur. Mais Moïse et qu'il avait à la main et toucha la viande et les
le peuple attendent le signe qui confirmera pains sans levain. Le feu jaillit du rocher
l'acceptation de Dieu. et consuma la viande et les pains sans levàin.
Ug 6, 21.J
La gloire du SEIGNEUR apparut à tout le peuple,
une flamme jaillit de devant le SEIGNEUR, qui La même technique est utilisée quand
dévora sur l'autel l'holocauste et les graisses. À Judas Maccabée purifie le Temple (2 M 10,
cette vue, le peuple entier poussa des cris de 3),
jubilation et tous tombèrent la face contre terre.
Le livre des Maccabées raconte aussi l'his-
[Lv 9, 23-24.]
toire d'un feu sacré, caché par les prêtres
Le feu de Dieu répond au feu allumé par avant leur départ en déportation, dans une
les fils d'Aaron (Lv 1, 7). Ce feu d'origine sorte de puits naturel. Il est retrouvé long-
humaine ne doit pas s'éteindre (Lv 6, 5-6). temps après, au temps de Néhémie, sous
Il est considéré comme pur. Quand les fils forme d'un liquide épais quis' enflamme aux
d'Aaron, Nadab et Avihu, prennent l'initia- premiers rayons du soleil. Ce récit qui, de
tive d' allwner Wl feu non prescrit pour offrir toute évidence, met en scène une combus-

46
LE FEU

tion de pétrole brut, garde le souvenir des chapitre du livre d'Isaïe, le prophète voit les
allumages spontanés du feu divin, rapportés chars de Dieu déferler sur le monde :
par le Pentateuque et le livre des Rois Car voici que le SEIGNEUR arrive dans.le feu
(2 M 1, 18-36). et ses chars sont comme l'ouragan
L'antique liturgie des chrétiens entendait pour assouvir sa colère par l'incendie
garder la pureté du feu initial : le feu nou- et sa menace par des flammes de feu.
veau de la fête de Pâques devait être norma- Car, par le feu, le SEIGNEUR se fait juge.
lement « tiré de la pierre qui est le Christ». [ls 66, 15-16.]
Au cœur de la nuit pascale, quand l'ombre Jérémie reprendra le même thème en
règne encore, le monde se trouve symboli- deux temps (Jr4, 13).
quement plongé dans le chaos originel, le C'est au cours de sa grande vision inaugu-
tohu-bohu de la Genèse. Lorsque s'allume le rale, qu'Ézéchiel voit apparaitre le char de
cierge pascal, la lumière de la Résurrection Dieu. Le feu est mentionné en trois textes
révèle la naissance d'une ère nouvelle. Les qui distinguent les diverses manifestations
nouveaux cieux et la nouvelle terre ne sont de l'ardeur et de la splendeur divines. Ces
pas encore créés, mais le temps sanctifié par différences ne détruisent en aucune manière
la fête laisse pressentir l'époque glorieuse qui l'unité essentielle du Seigneur.
reflétera l'éternité. La première flamme du
feu nouveau désigne l'aube d'un jour où la Je regardai: c'était un vent de tempête soufflant
mort n'existe plus. du nord, un gros nuage, un feu jaillissant avec
une lueur autour et, au centre, comme l'éclat du
vermeil au milieu du feu. [Ez 1, 4.]
Vient alors la description des animaux
LE FEU VISIONNAIRE fabuleux, des monstres à face d'homme, de
lion, de taureau et d'aigle.
Au milieu des animaux, il y avait quelque chose
Le char de feu. comme des charbons ardents ayant l'aspect de
torches, allant et venant entre les animaux ; le feu
Élie, qui fit tomber le feu de Dieu sur jetait une lueur, et du feu sortaient des éclairs.
l'autel du mont Carmel, est emporté vers le [Ez 1, 13.J
ciel par des chevaux de feu, devant Élisée
qui s'écrie : « Mon père, mon père, char Ces « animaux» apparaissent comme
d'Israël et son attelage!» (2 R2, 11-12). l'équipage du char. L'ensemble se trouve
Cette étrange exclamation prend son sens dominé par une voûte, couronnée d'un trône
véritable si l'on se souvient que le Seigneur taillé dans une sorte de saphir. C'est là, tout
conduisait jadis l'armée de son peuple. Il est en haut, que se tient une mystérieuse
ainsi devenu son protecteur, son rempart, « forme d'homme».
celui qui brandit l'épée de feu. Le char et les Puis je vis comme l'étincellement du venneil,
chevaux de feu qui emportent Élie représen- comme l'aspect d'un feu qui l'enveloppait tout
tent la puissance divine en laquelle les vrais autour, à partir et au-dessus de ce qui semblait
prophètes n'ont cessé de croire. Au dernier être ses reins; et à partir et au-dessous de ce qui

47
LES SYMBOLES BIBLIQUES

semblait être ses reins, je vis comme l'aspect d'un - Le supplice du feu et du soufre
feu et d'une clarté tout autour de lui. C'était (Ap 14, 10).
comme l'aspect de l'arc qui est dans la nuée un - Un ange a le pouvoir sur le feu qui sort
jour de pluie : tel était l'aspect de la clarté de l'autel (Ap 14, 18).
environnante. C'était l'aspect, la ressemblance de
- La mer de cristal est mêlée de feu
la gloire du SEIGNEUR. Je regardai et je tombai
sur mon visage. [Ez 1, 27-28.]
(Ap 15, 2).
- La quatrième coupe se répand sur le
Les yeux des hommes se complaisent soleil et peut brûler les hommes par son feu
dans les couleurs de l'arc-en-ciel mais ils ne (Ap 16, 8).
peuvent fixer le soleil. Pour Ézéchiel, le - Le châtiment de la Prostituée de Baby-
prophète peut discerner, dans la partie basse lone (Ap 17, 16; 18, 8).
de la gloire divine, le spectre de la splendeur - L'étang de feu (Ap 19, 20; 20, 10; 20,
inaccessible. 14-15 et 21, 8).
« Seul Dieu est blanc » a dit un poète. On - Du ciel descend un feu dévorant
comprend alors la valeur de la tradition (Ap 20, 9).
mystique juive qui se nomme merkabah, le
char de Dieu. C'est bien le char de feu qui
descend vers les hommes pour offrir à leurs
yeux une frange de sa gloire, mais· c'est aussi LE FEU DE LA PURIFICATION
le char qui ramène vers lui les mystiques, ET DU JUGEMENT
saisis et transfigurés par son ardeur.

Ablution et fusion.
Le feu des Apocalypses.
Le feu dévorant de Dieu n'est pas systé-
La littérature apocalyptique n'a pas trouvé matiquement ravageur. Il est aussi un feu de
de symbole plus parlant que le feu, pour purification et de transmutation de l'huma-
suggérer le milieu divin. On retrouve partout nité pécheresse.
le feu dans l' Apocalypse qui clôt le Nouveau C'est le feu du ciel qui purifie les lèvres du
Testament. Voici quelques références. prophète Isaïe pour le rendre digne de
- Les yeux de feu scrutent les reins et les proférer la parole divine.
ca,urs (Ap 1, 14; 2, 18; 19, 12).
- Le feu, issu de l'autel des parfums, va L'un des séraphins vola vers moi,
juger la terre (Ap 8, 2-5). tenant dans sa main une braise
- Les chevaux vomissent le feu destruc- qu'il avait prise avec des pinces sur l'autel.
Il m'en toucha la bouche et dit:
teur, accompagné de fumée et de soufre
« Dès lors que ceci a touché tes lèvres,
(Ap 9, 17-19).
ta faute est écartée, ton péché est effacé. »
- Le feu soit de la bouche des témoins [Is 6, 6-7.]
de Dieu (Ap 11, 5).
- La Bête fait descendre le feu sur la L'eau, comme le feu, peut purifier, mais
terre (Ap 13, 13). le rituel de la simple ablution ne suffit pas

48
LE FEU

toujours : il peut ôter une impureté sans Pour Ézéchiel, l'ardeur de la colère divine
détruire le péché. La lessive est alors néces- fait fondre les coeurs mélangés.
saire : le pouvoir caustique, brûlant, de la
Ainsi parle le Seigneur DIEU : « Puisque vous
potasse semble mêler le feu à l'eau. Ainsi
êtes tous devenus des scories, eh bien, je vais
apparaît le Seigneur, purificateur des vous entasser au milieu de Jérusalem : entasse-
consciences. ment d'argent, de bronze, de fer, de plomb,
Je tournerai ma main contre toi, d'étain, au milieu du creuset, pour qu'on y attise
J'épurerai comme à la potasse tes scories, le feu, jusqu'au point de fusion; de même, dans
J'ôterai tous tes déchets. [1s 1, 25.] ma colère et dans ma fureur, je.vous entasserai;
je vous mettrai dans le creuset et je vous ferai
fondre. Je vous rassemblerai et je soufflerai sur
vous le feu de ma furie ; je vous ferai fondre au
Le creuset. milieu de Jérusalem. [Ez 22, 19-21.]

Le creuset est le lieu où le feu sépare le Malachie achève le développement du


métal précieux de la gangue. Constatant la thème. C'est le Messager, le Fils de
perversion d'Israël, Isaïe s'écrie : « Ton l'homme, celui qui viendra au Jour de Dieu,
argent s'est changé en scoties.» (Is 1, 22.) à l'heure du Messie, qui opérera cette trans-
Il annonce ainsi l'activité du creuset divin formation radicale :
et la purification dont seul le feu du Seigneur
Qui soutiendra le jour de son arrivée ? Qui
est capable.
restera droit quand il apparaîtra? Car il est
À cause de mon nom, je vais différer ma colère, comme le feu du fondeur et comme la lessive des
Pour mon honneur, je vais patienter avec toi blanchisseurs. Il siégera comme fondeur et net-
pour ne pas t'extenniner. toyeur. Il purifiera les fils de Lévi et les affinera
Voici que je t'ai acheté, mais non pour de l'ar- comme or et argent, [Ml 3, 2-3; voir aussi Ps 12,
gent. 7; 26, 2; 66, 10; Za 13, 8-9.l
Je t'ai choisi au creuset du malheur. [1s 48, 9-10.]
Jérémie va reprendre le thème avec sa
puissance d'évocation habituelle : Le baptême de feu.

Tous ils sont totalement rebelles, Par cette expression, le Nouveau Testa-
semeurs de calomnie,. ment désigne une opération complexe, qui
durs·comme bronze et fer, fait appel aux symbolismes du bain et du
ce sont tous des destructèurs. creuset. L'homme doit descendre au plus
Le soufflet est haletant creux del' eau, non seulement pour s'y laver
pour que le plomb soit dévoré par le feu.
mais pour y renaître. De même, au creux du
Vainement le fondeur s'emploie à fondre,
creuset,· le feu dégagera son « être pour
mais les scories ne se détachent pas.
« Argerit de rebut», voilà comment on les Dieu». Ce traitement est le signe avant-
nomme! coureur de la purification radicale opérée par
Oui, le SEIGNEUR les a mis au rebut ! le Jugement dernier. Ce discernement final
(Jr 6, 28-30.] se situe à l'heure où apparaît la « Création

49
LES SYMBOLES BIBLIQUES

nouvelle». Au cœur de ce monde neuf, brille péché par le baptême d'eau. Iln'a pas davan-
l'Église glorieuse, le corps mystique qui a tage besoin d'une purification par le feu. Il
pour tête le Christ ressuscité. Ce baptême de apporte lui-même le feu qui le tourmente,
feu est annoncé par Jean Baptiste, en même c'est la parole ardente de son message. La
temps que le baptême dans !'Esprit : nouvelle qui est dite bonne n'en est pas moins
incandescente. Nous retrouvons ici, poussé à
Moi je vous baptise dans l'eau, en. vue de la
conversion ; mais celui qui vient après moi est
l'extrême, le thème de la parole qui brûle le
plus fort que moi: je ne suis pas digne de lui ôter prophète parce qu'elle appotte contradiction
ses sandales ; lui vous baptisera dans !'Esprit et division. Tel est le feu ·dans lequel Jésus
Saint etle feu. [Mt 3, 11.] sera baptisé, un feu dont l'ardeur culminera
aux heures de l'agonie et de la mort. Passé
Luc, répétant cette même annonce, voit par ce feu, le Christ ressuscitera pour juger le
dans le Christ le Fils de l'homme chargé du monde par ce même feu, et dissocier fa baie
Jugement final par le feu: combustible du grain digne de la récolte
Il a sa pelle à vanner à la main pour nettoyer son divine. L'ivraie sera jetée dans la fournaise de
aire et pour recueillir le blé dans son grenier, feu (Mt 13, 40). Les sarments infructueux
mais la baie il la brûlera au feu qui ne· s'éteint seront brûlés (Jn 15, 6). Le feu éprouvera
pas. [Lc3, 17.] chacun et celui dont l' œuvre subsistera sera
« sauvé comme par le feu» (1 Co 3, 12-15).
Jésus a été baptisé dans l'eau, il doit aussi
Pierre annoncera un déluge de feu, qui rap-
passer par le baptême de feu : pelle le Déluge cl' eau de la Genèse. La Parole
C'est un feu que je suis venu jeter sur cette terre toute-puissante brûlera la création actuelle,
et comme je voudrais qu'il soit allumé! C'est un elle absorbera même le feu matériel qui
baptême que j'ai à recevoir et comme cela me l'anime pour faire place aux « cieux nou-
pèse jusqu'à ce qu'il soit accompli. [Le 12, veaux et à la terre nouvelle » (2 P 3, 6-12).
49-50.] Le lien entre le feu et le Saint Esprit,
Jésus déclare, ensuite, qu'il n'est pas venu annoncé par Jean Baptiste, se révélera aux
« apporter la paix mais la division» (Le 12, jours de la Pentecôte. Un violent coup de vent
51). Matthieu, dans un passage parallèle dit : semble allumer le feu qui se divise en langues.
« le glaive» (Mt 10, 34). Tout à coup survint du ciel un bruit comme celui
On se souvient aussi de la prophétie du d'un violent coup de vent : la maison où ~s se
vieux Syméon au jour où Jésus est présenté tenaient en fut toute remplie; alors léur apparu-
au Temple par Joseph et par Marie. rent comme des langues de feu qui se partageaie'nt
et il s'en posa sur chacun d'eux. Ils furent tous
Syméon les bénit et dit à Marie sa mère : « Il est remplis de l'Esprit Saint et se mirent à parler
là pour la chute ou le relèvement de beaucoup d'autres langues, comni.e l'Esprit leur donnait de
en Israël et pour être un signe contesté. Toi- s'exprimer. [Ac 2, 2-4.]
même, un glaive te transpercera l'âme. Ainsi
seront dévoilés les secrets de bien des cœurs. » C'est ainsi que l'Esprit vient manifester et
[Le 2, 34-35.] répartir le feu de la parole de Jésus. Il devient
alors le maître et le conducteur de l'ardeur
Jésus n'avait pas besoin d'être purifié du apostolique.

50
L'EAU
Les grandes eaux. sente souvent comme l'immense vivier de
L'eau des cosmogonies. tous les possibles.
L'héritage sémitique de la Bible. Le Rig Veda hindou (2000 av. J.-C. ?) use
Le Seigneur des eaux fécondantes. d'un mot spécial âpas pour désigner la masse
Dieu est maître del' abîme insondable. liquide originelle et voit parfois en elle le suc
La peur des grandes eaux. ou l'ambroisie (rasa ou amrita) qui donne ou
conserve la vie des hommes et la divinité des
L'eau du naufrage et du salut. dieux. Cette puissance vivifiante permet aux
Le péché submergé. eaux primordiales de purifier ou de guérir. Sa
L'eau signe de bénédiction nature subtile lui permet de se mêler au feu.
et de malédiction. Tous ces pouvoirs ne sont que potentiels; la
Les eaux de !'Exode et de la libération. tradition indienne attribuera vite à la divinité
suprême, soit directement, soit indirectement
Rencontres autour des points d'eau. (par démiurge interposé), la capacité de fé-
conder et de couver l' œuf originel, qui surgira
De l'ablution à la renaissance. à la surface des eaux primordiales comme
L'eau des ablutions. l'embryon d'or d'où sortiront toutes les créa-
L'eau de la restauration tures. Parmi les éléments de ce monde, l'eau
et de la renaissance. matérielle, différente de la substance liquide
Le baptême de Jean et celui de Jésus. originelle, participera à ses vertus vitaliSantes
et curatives.
Les Babyloniens (à partir de 2500 av.
J.-C. ?) mettent progressivement en place
LES GRANDES EAUX une cosmogonie qui présuppose aussi l' exis-
tence d'un chaos liquide. Les eaux salées,
personnifiées par un principe féminin, Tia-
Veau des cosmogonies. mat, sont fécondées par Apsu, le mâle origi-
nel. De cette union naît Mummu, leur fils,
L'idée d'une eau primordiale est très qui représente le brouillard et les nuées
ancienne. Cette étendue sans limite se pré- s'élevant au-dessus du bouillonnement ini-

53
LES SYMBOLES BIBLIQUES

tial. Des générations de dieux s'ensuivront, les eaux qui sont au-dessus du firmament»
vouées à un perpétuel conflit. Jusqu'au jour (Gn 1, 7).
où Tiamat, coupée en deux, deviendra le ciel Louez le SEIGNEUR, cieux des cieux,
et la terre séparés par la voûte solide du et les eaux de dessus les cieux. [Ps 148, 4.]
firmament. Mardouk, auteur de cet exploit,
prendra la place du, dieu suprême. Ô vous, les eaux au-dessus du ciel, bénissez le
Pour la Bible, «Elohim-le-Seigneur» est Seigneur!
bien le Dieu créateur qui demeure le maître à lui haute gloire, éternelle louange. [Dn 3, 60.]
absolu de son œuvre. À l'origine, son souffle Les eaux supérieures (pluie et rosée)
plane sur les eaux, il les enveloppe. C'est lui apparaissent comme bénéfiques. Elles sont
qui établit la voûte solide du firmament, pour célestes, leur origine est au-delà du firma-
séparer les eaux d'en haut des eaux d'en bas. ment. Leur fécondité terrestre deviendra
C'est par l'eau que Dieu assure le milieu symbole de la fécondité spirituelle : l'eau
vivant de ses créatures, non seulement pour cl' en haut sera alors l'image de la Parole
les conserver, mais aussi pour les purifier, les divine.
restaurer. Les prophètes ouvrirontla perspec- Des vannes s'ouvrent donc pour laisser
tive des eaux eschatol_ogiques, ils entreverront tomber l'eau sur la terre, sous forme de pluie
cette irrigation comme une énergie, capable ou de rosée.« Ce jour-là, jaillirent toutes les
de susciter une création nouvelle. sources du grand abîme et les écluses du ciel
Tertullien dit à ce sujet:« Homme, il faut s'ouvrirent» (Gn 7, 11).
vénérer cet âge reculé des eaux, l'antiquité
de cette substance ! Révère aussi son privi- Oui, les vannes de là-haut s'ouvriront,
lège, puisqu'elle était le siège de !'Esprit et les fondements de la terre seront secoués.
divin qui la préférait aux autres élé- La terre volera en éclats,
ments [. .. ] C'est cette première eau qui la terre craquera, se craquellera,
enfanta le vivant pour qu'il n'y ait pas lieu la terre tremblera, vacillera,
de s'étonner_ si, dans le baptême, les eaux la terre titubera comme un ivrogne,
encore produisent la vie. » (Tertullien, elle sera balancée comme une cahute.
[Is 24, 18-20.]
Traité du baptême.)
Viendra enfin, par Jésus Cbrist, la révéla- De fait, le soir, les cailles montèrent et couvrirent
tion d'une « eau vive», capable de resurgir le camp et, le lendemain matin, une couche de
dans le cœur des hommes. L'eau du bap- rosée recouvrait les entours du camp.
tême apparaîtra alors comme le sacrement [Ex 16, 13.l
d'une renaissance.
Sources et r1vteres proviennent de
l'abîme, conçu comme une réserve de fécon-
dité. Mais ce gouffre peut aussi être ressenti
L'héritage sémitique de la Bible. comme une puissance chaotique, insonda-
ble, inquiétante :
Dieu sépare les eaux d'en haut de celles
d'.en bas : « Dieu fit le firmament, qui sépara Mais le SEIGNEUR ton Dieu te conduit vers un
les eaux qui sont sous .le firmament d'avec heureux pays, pays de torrents et de sources,

54
L'EAU

d'eaux qui sourdent de l'abîme dans les vallées S'il retient les eaux, c'est la sécheresse;
comme dans les montagnes. [Dt 8, 7 .] s'il les relâche, elles bouleversent la terre.
Ub 12, 15.l
Les eaux l'ont fait croître [le cèdre du Liban],
l'abîme l'a fait grandir, De tes chambres hautes, tu abreuves
faisant collier ses fleuves autour de sa plantation, les montagnes,
envoyant ses ruisseaux à tous les arbres· des la terre se rassasie du fruit de ton ciel;
champs. [Ez 31, 4.l tu fais croître l'herbe pour le bétail
et les plantes à l'usage des humains.
[Ps 104, 13-14.l
Le Seigneur des eaux fécondantes.
Le SEIGNEUR ouvrira pour toi les cieux, son
Parmi les divinités païennes, les dieux trésor excellent, pour te donner en son temps
la pluie qui tombera sur ton pays, et pour bénir
d'eau ont toujours occupé une place de
toute œuvre de tes mains. [Dt 28, 12.]
premier plan. Leur importance est manifeste
dans les pays tropicaux et les régions déser-
Dieu maîtrise aussi-les eaux deJ'abîme,
tiques_ chaudes. La mousson, l_a saison des
des montagnes et de la pluie. Il contient leur
pluies, doivent être accordées et contrôlées
impétuosité et organise une irrigation- fécon-
par le dieu ou la déesse qui règne sur son
dante:
domaine aquatique : l'inondation peut, en
effet, être pire que la sécheresse. Par exem- De l'abîme tu la couvres [la terre] comme d'un
ple, Tlaloc et Chaac ont exercé ces fonctions vêtement,
dans le monde précolombien de l'Amérique sur les montagnes se tenaient les eaux.
centrale. À ta menace, elles prennent la fuite,
Le Seigneur d'Israël apparaît comme le à la voix de ton tonnerre, elles s'échappent;
Maître des eaux, de deux manières différen- elles sautent des rriontagnes, elles descendent les
tes : en tant qu?Ingénieur suprême de l'irri- vallées
gation, il révèle sa Sagesse, mais comme vers le lieu que tu leur as assigné ;
Maître de I'Abîme il manifeste son pouvoir tu mets une limite à ne pas franchir,
transcendant. Israël reporte sur son Dieu les qu'elles ne reviennent pas couvrir la terre.
bienfaits aquatiques, attribués aux fleuves et Dans les ravins tu fais jaillir les sources,
sources divinisés par les païens. Dieu est elles cheminent au milieu des montagnes ;
elles abreuvent toutes les bêtes des ·champs,
maître de la pluie. Elle tombe à son gré, en
les onagres assoiffés les espèrent ;
temps voulu. Il la dispense généreusement ;
l'oiseau des cieux séjourne près d'elles,
la sécheresse peut être une manifestation de
sous la feuillée il élève la voix. [Ps 104, 6-12.]
sa colère :

Dieu est l'auteur d'œuvres grandioses En tant que Seigneur des eaux, Dieu
et insondables, apparaît comme le Maître du champ, le
de merveilles qu'on ne peut compter. grand jardinier, l'agriculteur perspicace. Il
Il répand la pluie sur la terre, est aussi celui qui détient les clés des vannes
envoie les eaux sur les campagnes. Ub 5, 9-10.J et le pouvoir du châtiment.

55
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Dieu, Maître de l'abîme insondable. cette masse est chaotique, inconcevable, in-
saisissable : elle demeure inquiétante. La
Le sentiment de l'infini est pour l'homme Bible insiste sur l'antériorité de la Sagesse de
une sensation physique, mais de nature Dieu par rapport à cet abîme :
variée. La perspective du grand large marin
Moi, la Sagesse, quand les abîmes n'étaient pas
ou du ciel étoilé tend à dilater l'âme, alors là, j'étais enfantée. [Pr 8, 24.]
que le vertige devant le précipice ou le
gouffre tend à la resserrer. Dans le premier L' Abîme déclare : la Sagesse ne se trouve pas en
cas, l'homme connaît le désir de l'envol, de moi. (lb 28, 14.]
l'ascension vers les espaces heureux, dans le Le SEIGNEUR a fondé la terre par la Sagesse,
second cas la peur de la chute le rencogne ou affermissant les cieux par la raison.
le pousse à se réfugier dans la coquille de C'est par la science que se sont ouverts les
1' angoisse. La Bible connaît ces deux senti- abîmes. [Pr 3, 19-20.]
ments, à ceci près que les Hébreux, peuple L'homme ne peut mesurer l'abîme :
fort peu marin, voyaient surtout dans la mer
un espace vertigineux, hostile, un immense Es-tu parvenu aux sources de la mer,
gouffre, peuplé de monstres redoutables. as-tu circulé au fin fond de l'abîme? Ub 38, 16.]
L'Abîme (en hébreu, tehôm) se trouve en Seul Dieu, infini, peut mesurer l'abîme :
tête de la Genèse, en compagnie des ténè- « Tes jugements sont comme le grand
bres. Dans le récit du Déluge, on mentionne abîme» (Ps 36, 7). Il peut« jauger les eaux
en premier le jaillissement des sources du avec mesure» (Jb 28, 25).
grand abîme : « Or la terre était vague et Dieu mesure l'illimité quand il grave un
vide, les ténèbres couvraient l' abûne, l'esprit cercle qui limite l'abîme :
de Dieu planait sur les eaux» (Gn 1, 2).
L'Abîme est un espace aquatique inson- Quand il affermit les cieux, moi, la Sagesse,
dable pour les hommes. Le psalmiste dit j'étais là,
quand il traça un cercle à la surface de l'abîme,
cependant de Dieu :
quand il condensa les nuées d'en haut,
Il rassemble l'eau des mers comme une digue, quand il fixa les sources de l'abîme,
il met en réserve les abîmes. [Ps 33, 7.J quand il assigna son terme à la mer,
- et les eaux n'en franchirent pas le bord -
Ézéchiel prophétise contre Tyr, ville si- quand il affermit les fondements de la terre,
tuée au bord de la mer : «Je ferai monter j'étais à ses côtés comme maître d'œuvre.
contre toi l'abîme.et les eaux profondes te [Pr 8, 27-30.]
recouvriront» (Ez 26, 19).
Le processus est inverse dans l'oracle Dieu, Maître des eaux primordiales, do-
contre l'Égypte : ce pays était un grand cèdre mine donc les eaux marines qui jaillissent de
irrigué par l'abîme, mais Dieu dit : «J'ai l'abîme sans mesure :
obligé l'abîme à prendre le deuil pour lui, j'ai Il a tracé un cercle sur la face des eaux,
remis le couvercle et les fleuves, les grandes aux confins de la lumière et des ténèbres.
eaux ont été arrêtées» (Ez 31, 15). Les colonnes des cieux vacillent,
Bien que l'abîme soit une réserve d'eau, épouvantées, à sa menace.

56
L'EAU

Par sa force, il a fendu l'Océan, alors nous submergeaient


par son intelligence, il a brisé le Typhon. des eaux bouillonnantes. [Ps 124, 1 et 4-5 ; voir
Son souffle a balayé les cieux, aussi Ps 18, 5.]
sa main a transpercé le serpent fuyard.
Ob 26, 10-n .l Les invasions sont comme des inonda-
tions mortelles : les Assyriens sont assimilés
à une crue de !'Euphrate (Is 8, 7-8), et les
La peur des grandes eaux. Égyptiens au débordement du Nil (Jr 46,
7-8).
Pour Israël, c'est d'abord la peur de la
mer et des hasards de la navigation :
Ceux qui partent en mer sur des navires
et exercent leur métier sur les grandes eaux; L'EAU DU NAUFRAGE ET DU SALUT
ceux-là virent les œuvres du SEIGNEUR
et ses miracles en haute mer.
À sa parole se leva un vent de tempête Le péché submergé.
qui soulevait les vagues ;
ils montent aux cieux, descendent aux abîmes, L'homme, maître du feu, du cheval et
Sont nialades à rendre l'âme; de nombreuses techniques, s'est toujours
ils roulent et tanguent comme l'ivrogne trouvé désemparé devant l'inondation ou le
ettoute leur adresse est engloutie. raz de marée. Mais le manque d'eau le
[Ps 107, 23-27.]
frappe tout aussi douloureusement. Il y a
L'océan est aussi le repaire des monstres dans le régime des eaux terrestres quelque
marins. La Genèse parle de leur création, ils chose de mystérieux qui dispose tout natu-
sont le jouet de Dieu qu'ils doivent louer rellement l'esprit de l'homme à faire del' eau
(Gn 1, 21). l'instrument et le symbole de la justice
divine.
Voici la grande mer aux vastes bras,
Le Dieu de la Bible est pathétique ; le
et là le remuement sans nombre
des animaux petits et grands, péché des hommes le met d'abord en colère :
là des navires se promènent cette irritation monte, bouillonne et déborde
et Léviathan que tu fonnas pour t' efl rire. comme un liquide en furie. L'emportement
[Ps 104, 25-26; voir aussi Ps 148, 7.J de Dieu n'est pas une passion irraisonnée, il
se transforme en jugement, punition, réédu-
Le livre de Job décrira les monstres flu- cation et finalement en miséricorde. C'est
viaux, Béhémoth l'hippopotame et Lévia- parce qu'il est le Maître des eaux de sa
than le crocodile. colère, que le Seigneur submerge les subver-
La peur des eaux va devenir symbolique sifs en leur laissant la chance d'émerger au
et désigner la crainte de l'ennemi : cœur de sa miséricorde.
Sans le SEIGNEUR qui était pour nous, [. __ ] Avant d'évoquer le Déluge ou le châti-
le flot passait sur nous, ment de la sécheresse, on peut citer le livre
le torrent nous submergeait, de la Sagesse : « Lorsque [. .. ] la terre fut

57
LES SYMBOLES BIBLIQUES

submergée, c'est la Sagesse encore qui la biblique qui modifie radicalement son sens.
sauva, en dirigeant le juste [Noé] à travers Dieu, maître des eaux, décide-de les utiliser
les flots sur un bois sans valeur» (Sg 10, 4). pour exterminer l'humanité mauvaise. L' Ar-
L'eau est un symbole ambigu. Cette am- che apparaît comme une stratégie du gou-
bivalence exp rime bien ce grand paradoxe : vernement divin : quand Dieu détruit, il
la rigueur divine coïncide avec sa _miséri- laisse un petit reste à partir duquel tout peut
corde. La colère se mue en tendresse et l'eau être régénéré.L'acte de cette restauration est
qui devrait engloutir est aussi la source du une alliance.
salut : « Vous tous qui êtes altérés, venez Ici, le héros n'est pas divinisé, mais situé
vers l'eau» (Is 55, 1). en amont du cours de l'histoire du salut
L'histoire biblique du Déluge (Gn 6, 5 à comme une figure héroïque et hautement
9, 17) s'inscrit sur un vaste fond mythologi- significative.
que. Le souvenir des grandes eaux qui sub- L'obéissance désarme Dieu et renouvelle
mergèrent la terre hante les traditions my- l'alliance divine, qui est la seule garantie de
thiques de l'Orient. C'est ainsi que l'histoire la Création.
du Déluge a connu des versio'ns mésopota-
Dieu parla ainsi à Noé et à ses fùs: « Voici que
mienne et inclienne.
je conclus mon alliance avec vous et avec vos
Dans l'épopée babylonienne de Gilga- descendants après vous, et avec tous les êtres
mesh, les dieux Anou et Enlil « décident un animés qui sont avec vous : oiseaux, bestiaux,
jour de faire le déluge », on ne sait trop toutes bêtes sauvages avec vous, bref tout ce qui
pourquoi. Enlil sera privé, plus tard, de est sorti de l'arche, tous les animaux de la terre.
l'offrande de l'encens, puisque « sans réflé- J'établis mon alliance avec vous ; nulle chair ne
chir, il a fait le déluge ». Secrètement averti, sera plus détruite par les eaux du déluge, il n'y
Outnapishtim construit une arche et embar- aura plus de déluge pour ravager la terre. >>
que aussi des représentants de la vie ani- [Gn 9, 8-11.]
male. Il navigue plusieurs semaines sur les L'arc de Dieu, arme de sa puissance, est
eaux déchaînées. La décrue est annoncée à jamais déposé dans le ciel, et l'arc-en-ciel
par des oiseaux (colombe, corbeau) et devient le signe de l'alliance miséricor-
l'échouage final a lieu sur une montagne. Au dieuse :
terme de cette aventure, le héros offre un
sacrifice qui lui vaudra une apothéose. Et Dieu dit : « Voici le signe de l'alliance que je
En Inde, la légende s'agrège à l'épopée du mets entre moi et vous et tous les êtres vivants
dieu Vishnu, capable d'opérer des « descen- qui sont avec vous, pour les générations à venir ;
tes» (avâtâra) sur terre. C'est sous la forme je mets· mon arc dans la nuée et il deviendra un
signe d'alliance entre moi et la terre. Lorsque
d'un poisson qu'il sauvera Manu, le Noé
j'assemblerai les nuées sur la. terre et que l'arc
indien, peu doué pour la navigation : il ira apparaîtra dans la nuée, je me souviendrai de
le remorquer au sein de la tempête quand le l'alliance qu'il y a entre moi et vous et tous les
désemparé lui aura adressé une fervente êtres animés, en somme toute chair, et les eaux
prière. Manu est ainsi devenu un des dévôts ne deviendront plus un déluge pour détruire
exemplaires de Vishnu. toute chair. Quand l'arc sera dans la nuée, je le
L'histoire du Déluge a reçu un traitement verrai et me souviendrai de l'alliance éternelle

58
L'EAU

qu'il y a entre Dieu et tous les êtres animés, en bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet,
somme toute chair qui est sur la terre. >> sans avoir accompli ce que j'ai voulu et réalisé
Dieu dit à Noé : « Tel est le signe de l'alliance l'objet de sa mission. [Is 55, 10-11.]
.que je mets entre moi et toute chair qui est sur
la terre.» [Gn 9, 12-17.l Matthieu, rapportant le discours inaugu-
ral de Jésus, dit : « Le Père du ciel fait lever
son soleil sur les méchants et les bons et fait
L'eau signe de bénédiction pleuvoir sur les justes et les-injustes>> (Mt 5,
et de malédiction. 45).
L'Ancien Testament a lié le don de l'eàu
La fertilité du sol est liée à la pluie : elle à l'obéissance à la Loi, et la sécheresse à
irrigue les champs et remplit les puits des l'infidélité :
espaces désertiques pour abreuver les trou-
peaux. Si vous vous conduisez selon mes lois, [. . .] je
Les Psaumes chantent ce bienfait de vous donnerai en leur saison les pluies qu'il vous
Dieu: faut, et la terre donnera ses produits et l'arbre de
la campagne ses fruits. [. .. ]
Tu. visites la terre et tu l'abreuves, Si vous ne m'écoutez pas, je briserai votre
tu la combles de richesses ; orgueilleuse puissance, je vous ferai un ciel de
les ruisseaux de Diell regorgent d'eau, fer et une terre d'airain [. ..] Votre terre ne
tu prépares les moissons. donnera plus ses produits et l'arbre de la
Ainsi tu prépares la terre, campagne ne donnera plus ses fruits. [Lv 26,
tu arroses les sillons ; 3-4 et 18-20; voir aussi Dt 28, 12; Ps 107,
t~ aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies,
33-35; Is 50, 2.]
tu bénis les semailles.
Tu couronnes une année de bienfaits, La grande sécheresse qui frappe Israël au
sur ton passage rùisselle l'abondance. temps du prophète Élie est souvent interpré-
Au désert les pâturages ruissellent, tée, selon l'esprit du Lévitique et du Deuté-
les collines débordent d'allégresse. ronome, comme une punition de l'infidélité
Les herbages se parent de troupeaux d'Israël. Sans exclure cet aspect, un autre
et les plaines se couvrent de blé. enjeu se manifeste dans cette histoire. Dieu
Tout exulte et chante. [Ps 65, 10-14.] veut montrer 4_' abord qu'il est _seul maître
des éléments et non pas le Baal importé par
La pluie, bénédiction terrestre, devient en
l'épouse d'Achab, la païenne Jézabel. Il
Isaïe le symbole de la Parole. Avant d'être
entend aussi confirmer Élie_ dans sa mission
articulée en discours, cette parole est grâce,
de porte-parole du Dieu d'Israël. La compé-
é_nergie active, don substantiel :
tition entre Élie et les dervicbes sanglants
ne même tjue la pluie et la neige descendent des réunis sur le mont Carmel (peut-être des
cieux et n'y retournent pas sans avoir arrosé 1a magiciens « faiseurs de pluie ») se terminera
terre, sans l'avoir fécondée et l'avoir fait germer par leur déconfiture. Ainsi s'affirme le pou-
pour fournir- la semence au semeur et le pain à voir du Seigneur d'Israël sur sa création
manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma (1 R 17 et 18).

59
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Les eaux de l'Exode et de la libération. Israël) sur l'injonction de Moïse, leva le camp
d)auprès de la mer des Roseaux. Ils se dirigèrent
Moïse enfant, menacé par l'ordonnance vers le désert de Shur) où ils marchèrent trois
meurtrière de Pharaon, est embarqué par sa jours sans trouver de point d'eau. Ils parvinrent
mère sur les eaux du Nili au péril du courant à Mara, dont ils ne purent boire l'eau, tant elle
était amère : d'où le nom de Mara donné à ce
et des crocodiles. Recueilli par la fille de
lieu. Le peuple murmura contre Moïse en di-
Pharaon, il bénéficiera d'une éducation ca- sant:« Qu'allons-nous boire?» Moïse cria alors
pable de faire de lui le chef de la commu- vers le SEIGNEUR et le SEIGNEUR lui indiqua une
nauté d'Israël. Son nom même « Tiré des sorte de bois. Moïse l'ayant jeté dans l'eau,
eaux » est un signe de la puissance divine celle-ci devint douce. [Ex 15, 22-25; voir aussi
(Ex 2, 1-10). Ex 17, 1-7; Nb 20, 1-13.l
Le miracle de la mer des Roseaux est
l'œuvre du Seigneur, maître des vents. C'est Une allégorie de Paul fera du rocher jail-
en effet un vent d'est qui, à la fois, ouvre le lissant dans le désert l'image du Christ,
passage salutaire pour le peuple d'Israël et source d'eau vive :
referme un piège sur la cavalerie égyptienne. Tous mangèrent la même nourriture spirituelle et
Cet épisode a été considéré par la tradi- tous burent le même breuvage spirituel ; car ils
tion comme la naissance du peuple de Dieu. buvaient à un rocher spirituel qui les suivait : ce
Pour les chrétiens, l'eau de la sortie d'Égypte rocher c'était le Christ. Cependant la plupart
deviendra le symbole du baptême. d'entre eux ne furent pas agréables à Dieu,
puisque leurs cadavres jonchèrent le désert.
Moïse étendit sa main sur la mer. Le SEIGNEUR [! Co, 10, 3-5.l
refoula la mer toute la nuit par un fort vent d'est
et il la mit à sec. Les eaux se fendirent et les
enfants d'Israël s'engagèrent dans le lit asséché
de la mer; avec une muraille d'eau à leur droite
et à leur gauche. [Ex 14, 21-22.l RENCONTRES
AUTOUR DES POINTS D'EAU
Car je ne veux pas que vous l'ignoriez, frères ;
nos pères ont tous été sous la nuée, tous ont
passé à travers la mer, tous ont été baptisés en
Dans les étendues désertiques du Pro-
Moïse dans la nuée et dans la mer. [1 Co 10,
1-2; voir aussi Ex 14, 15-31; Ps 78, 13; Ps 106, che-Orient, les points d'eau assurent exis- r
9-12; Ps 114, 1-5; Sg 10, 18-19.] tence des hommes et des bêtes. Des puits
jalonnent les chemins qui se croisent et
Au cours de la inarche dans le désert, le permettent ainSi des rencontres.
peuple assoiffé réclame del' eau. Sur la prière Le puits est le lieu de l'eau vive. En le
de Moïse, Dieu adoucira les eaux saumâtres creusant, les hommes dégagent Wle source
ou fera jaillir l'eau fraîche du rocher. Ces profonde, ils font ainsi apparaître une éner-
miracles sont nés de l'inquiétude du peuple, gie qui vient d'ailleurs et qui maintient son
de son incrédulité qui finiront par lasser débit.
Moïse: La tradition biblique verra dans cette La citerne, par contre, est un réservoir sur
défiance le germe de l'infidélité d'Israël. lequel on ne peut compter : il dépend des

60
L'EAU

précipitations locales, qui peuvent être ha- Le peuple d'Israël chante autour du puits
sardeuses, et d'une étanchéité qui n'est pas désigné jadis par Dieu (Nb 21, 16-18).
toujours assurée. Jésus rencontre la Samaritaine près du
Jérémie donne une haute valeur symboli- puits de Jacob. Il lui révèle l'eau vive qui
que à cette différence lorsqu'il répercute les éteint défiuitivement la soif (Jn 4, 1-26).
reproches de Dieu à son peuple : Jésus rencontre le paralytique près de la
piscine de Bézatha. Il lui révèle l'énergie
Ils m'ont abandonné, divine toujours au travail pour le salut des
moi, la Source d'eau vive,
hommes (Jn 5, 1-18).
pour se creuser des _citernes,
citernes lézardées
qui ne tiennent pas l'eau. [Jr 2, 13.]
DE L'ABLUTION À LA RENAISSANCE
Les religions païennes divinisaient les
sources ; les premiers livres de la Bible en
font un lieu de rencontre entre Dieu et L'eau des ablutions.
l'homme, et aussi un point de ·communica-
tion entre les humains. L'eau lave. La crasse est un handicap pour
L'Ange de Dieu annonce à Agar, servante le corps humain, très spécialement dans l'or-
de Sara et d' Abram, sa fécondité future, près dre des relations à autrui. Certains états de
du puits de Lhaï Roï (Gn 16, 7-14). L'Ange saleté interdisent d'autres actes. Se laver les
conduit Agar, désespérée par la mort pro- pieds et les mains sont des opérations quoti-
chaine de son enfant, près d'un puits sau- diennes. Toutefois, le simple lavage peut se
veur (Gn 21, 14-19). charger d'une signification spirituelle.
L'alliance d'Abraham avec Abimélek a Comme rite d'accueil, il est recommandé de
lieu près du puits de Bersabée (Gn 21, laver les pieds du visiteur (Gn 18, 4).
25-31). C'est près d'un puits que le serviteur Jésus donnera un sens plus profond à
d'Abraham découvre Rébecca qui deviendra cette coutume :
l'épouse de son fils Isaac (Gn 24, 1-27).
Après une dispute avec les bergers de Gérar Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur
au sujet des puits, Isaac retourne à Bersabée. et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les
Il bâtit un autel au Seigneur qui lui est pieds les uns aux autres [Jn 13, 14].
apparu (Gn 26, 15-25). Se laver les mains pouvait devenir un
Jacob rencontre Rachel auprès d'un signe d'innocence :
puits (Gn 29, 1-6). Jacob achète le do-
maine de Sichem et, vraisemblablement, la Je lave mes mains en l'innocence
et tourne autour de ton autel, SEIGNEUR.
source jaillissante au fond d'un puits pro-
[Ps 26, 6.]
fond (Gn 33, 19). C'est, selon la tradition,
auprès de ce puits que Jésus rencontrera la Ponce-Pilate se lave publiquement les
Samaritaine. mains au cours du procès de Jésus, il entend
Au pays de Madiân, Moïse rencontre sa ainsi dégager sa responsabilité juridique
future épouse près d'un puits (Ex 2, 11-22). (Mt 27, 24).

61
LES SYMBOLES BIBLIQUES

L'ablution prend, dans la Bible, une va- transfert du mal sur Géhazi est le châtiment
leur rituelle et confère ainsi à l'eau un pou- de sa cupidité (2 R 5).
voir proprement religieux. Les prescriptions Mais, si le rituel d'ablution restitue la
concernant la sexualité exigent un bain pour capacité de poser un acte liturgique, le péché
restituer une pureté qui a aussi une valeur est d'un autre ordre.
religieuse (Lv 15). Le contact avec un lé- Le prophète Ézéchiel montre Jérusalem,
preux (Lv 14, 8-9) ou avec un cadavre roulée dans son sang, non baignée à sa
(Lv 11, 40) suppose une purification par naissance. Cet état est plus qu'une incapa-
l'eau. cité, c'est le symbole de son infidélité radi-
Au sacrifice de la vache rousse succède cale. C'est donc Dieu lui-même qui doit
une aspersion de son sang. Brûlé, le corps de baigner et purifier l'impure qui est, en fait,
la victime fournira des cendres qui entreront un être spirituellement mal formé :
dans la composition d'une eau lustrale
(Nb 19, 1-10; He 9, 13). À ta naissance, au jour où tu vins au monde,
Au grand Jour des Expiations, après le on ne coupa pas le cordon, on ne te lava pas dans
sacrifice des boucs, une purification radicale l'eau pour te nettoyer, on ne te frotta pas de sel,
on ne t'enveloppa pas de langes. [ ... ] Alois je
précède l'entrée dans le sanctuaire :
passai près de toi et je te vis. [ ... ] Je te baignai
Quand il aura envoyé le bouc au désert, Aaron dans l'eau, je lavai le sang qui tè couvrait, je
rentrera dans la Tente de Réunion, retirera les t' oignis d'huile. Je ·te donnai des vêtements
vêtements de lin qu'il avait mis pour entrer au brodés, des chaussures de cuir fin, un bandeau
sanctuaire. Il les déposera là et se lavera le corps de lin et un manteau de soie. [Ez 16, 4 et 8-10.]
avec de l'eau dans un lieu consacré. Puis il
reprendra ses vêtements et sortira pour offrir son Ces textes font écho à celui qui ouvre le
holocauste et celui _du peuple. Il fera le rite livre du prophère Isaïe :
d'expiation pour lui et pour le peuple.
[Lv 16, 22-24.] Allons ! Discutons ! dit le SEIGNEUR.
Quand vos péchés seraient comme l'écarlate,
Un bain doit précéder la vêture des prê- comme neige ils blanchiront ;
tres : quand ils seraient rouges comme la pourpre,
comme laine ils deviendront.
Tu feras approcher Aaron et ses fils de la Tente Si vous vous décidez à obéir ... [Is 1, 18.]
de Réunion et tu les feras baigner. Tu prendras
les vêtements et tu revêtiras Aaron de la tunique, Il ne s'agit pas seulement ici dè laver mais
du manteau de l'éphod, de l'éphod, du pectoral, d'ôter la teinture couleur de sang, la faute
et tu le ceindras de l'écharpe de l'éphod. indélébile que seul Dieu peut effacer en
[Ex 29, 4-5.l pardonnant.
Job sait bien que l'homme ne peut pas
La purification de Naamân le lépreux effacer son péché comme une quelconque
dans le Jourdain n'est pas qu'une simple souillure :
pratique de guSrisseur. Il s'agit d'un acte
prophétique d'Elisée : Naamân est guéri Si j'ai commis le mal,
parce qu'il obéit à l'homme de Dieu. Le pourquoi me fatiguer en vain ?

62
L'EAU

Que je me lave avec la saponaire Les miséreux et les pauvres cherchent de l'eau,
et que je purifie mes mains avec la soude ? et rien!
Tu me plonges alors dans l'ordure, Leur langue est desséchée par la soif.
et mes vêtements mêmes me prennent en hor- Moi, le SEIGNEUR, je les exaucerai,
reur. Ob 9, 29-31.] Dieu d'Israël, je ne les délaisserai pas.
Sur des monts chauves, je ferai jaillir des fleuves
On comprend alors les cris du psaume : et des sources au milieu des vallons.
Je transformerai le désert en étang
Lave-moi tout entier de mon mal et la terre aride en fontaine. [Is 41, 17-18; voir
et de ma faute purifie-moi. [... ] aussi Is 43, 20.]
Lave-moi et je serai plus blanc que neige.
[Ps 51, 4 et 9.] Ézéchiel décrit le Temple nouveau. Le
monde se trouve arrosé par un fleuve qui
Ce lessivage radical sera aussi puissant prend sa source au côté oriental du sanc-
qu'une purificarion par le feu. Un texte de tuaire. Cette eau n'est pas destinée à l'irriga-
Malachie annonce déjà le Messager de Dieu, tion ou à l'ablution, elle est grâce, puissance
capable de baptiser dans l'eau et dans le de régénération du peuple d'Israël, comme
feu : « Qui soutiendra le jour de son arrivée ? l'eau fait fructifier le désert.
Qui restera droit quand il apparaîtra ? Car il
Il me ramena à l'entrée du Temple, et voici que
est comme le feu du fondeur, comme la de l'eau sortait de sous le seuil du Temple, vers
lessive des blanchisseurs» (Ml 3, 2). l'orient, car le Temple était tourné vers l'orient.
L'ablution dont seul Dieu est capable L'eau descendait de sous le côté droit <lu Tem-
s'exprime ici, paradoxalement, par la ple, au midi de l'autel. [Ez 47, l.]
conjonction ardente de l'eau et du feu.
Dieu est la source d'eau vive, le fleuve
vivifiant :

L'eau de la restauration et de la renaissance. Heureux l'homme qui se confie


dans le SEIGNEUR. [ ... ]
Un grand texte d'Ézéchiel montre que Il ressemble à un arbre planté au bord de l'eau
et qui tend ses racines vers le courant :
l'ablution divine prépare une restauration
il ne redoute rien quand arrive la chaleur,
radicale de son peuple. son feuillage reste vert ;
dans une année de sécheresse,
Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez
purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos
il est sans inquiétude
ordures, je vous purifierai. Et je vous donnerai et ne laisse pas de porter du fruit. [JI 17, 7-8.]
un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit Dans le Nouveau Testament, Jésus qui a
nouveau, j'ôterai de votre chair le cœur de pierre demandé à boire à la Samaritaine lui révèle
et je vous donnerai un cœur de chair.
qu'il est en personne la source del' eau vive,
[Ez 36, 25-26.J
capable d'apaiser la soif de l'homme, c'est-
Dieu renouvelle le miracle de l'eau que à-dire son désir de vie éternelle :
Moïse fit jaillir dans le désert pour le garder Si tu savais le don de Dieu
en vie: et qui est celui qui te dit :

63
LES SYMBOLES BIBLIQUES

« Donne-moi à boire», En ces jours-là paraît Jean Baptiste, qui prêche


c'est toi qui l'en aurais prié dans le désert de Judée en disant : « Repentez-
et il t'aurait donné de l'eau vive. Un 4, 10.] vous, car le Royaume des Cieux est tout pro-
che. » [. __ ] Alors ils s'en allaient vers lui, Jérusa-
Devant le doute de la femme, il précise : lem et toute la Judée, et toute la région du
Qui boira de l'eau que je lui donnerai Jourdain, et ils se faisaient baptiser par lui dans
n'aura plus jamais soif; les eaux du Jourdain, en confessant leurs péchés.
l'eau que je lui donnerai [Mt3, 1-2 et 5-6; voit aussi Lc3,3; Mc 1, 4-5.J
deviendra en lui source
d'eau jaillissant en vie éternelle. Un 4, 14.]
Le rituel n'est pas magique, tout dépend
de la disposition du cœur et du ferme
Jésus dit aussi que son corps est le nou- propos de s'améliorer. Sur ce dernier point,
veau Temple : certains Pharisiens et Sadducéens sont mis
Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire; en question et invectivés. Jean les traite de
en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui vipères. Ces serpents sont venimeux, ils sont
répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour aussi fuyants et insaisissables. De même,
bâtir ce sanctuaire et toi, tu le relèveras en trois certains Pharisiens avaient une tendance à
jours ? » Mais lui parlait du sanctuaire de son esquiver la reponsabilité de leurs actes, en se
corps. [Jn 2, 19-21.] disculpant par des pratiques formalistes. Ils
À l'heure de la Passion, le côté ouvert de négligeaient cette vérité : seule la pénitence
Jésus rappelle la fontaine qui sortait du Tem- du cœur porte des fruits.
ple ancien décrit par Ézéchiel, comi:ne source Comme il voyait beaucoup de Pharisiens et de
defécondité (Ez47, 1-12).« L'un des soldats, Sadducéens venir au baptême, il leur dit :
de sa lance, lui perça le côté et aussitôt il sortit « Engeance de vipères, qui vous a suggéré de
du sang et de l'eau» (Jn 19, 34). vous soustraire à la Colère prochaine? Produi-
Celui qui croit en Jésus deviendra une sez donc un fruit qui soit digne du repentir. »
résurgence de cette source divine : [Mt 3, 7-8.J
« Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi Jean, le Précurseur, accepte de baptiser
et qu'il boive, celui qui croit en moi ! » Jésus ; il voit en lui celui qui apporte le
Selon le mot de !'Écriture : nouveau baptême dans !'Esprit et dans le
"De son sein couleront des fleuves d'eau vive." feu : le Messie. Jean Baptiste proclame :
Il parlait de l'Esprit que devaient recevoir ceux
qui croient en lui. [Jn 7, 37-39.] Pour moi, je vous baptise dans l'eau en vue du
repentir ; mais celui qui vient derrière moi est
plus puissant que moi, et je ne suis pas digne
Le baptême de Jean et celui de Jésus. d'enlever ses chaussures ; lui vous baptisera dans
!'Esprit Saint et le feu. [Mt 3, 11 ; voir aussi
Mc 1, 7-8; Le 3, 16-17.]
Le baptême de Jean Baptiste n'est pas un
simple rituel d'ablution, il est lié à la conver- Le baptême de feu fait allusion au jugement
sion et à la pénitence. L'eau qui baigne le de Dieu, à l'ardeur de sa colère,-mais aussi au
corps est l'image de la contrition qui doit pouvoir purificateur de sa miséricorde (Le 12,
emporter les péchés. 49-50; voir aussi Mc 10, 38-39).

64
L'EAU

Le baptême de Jésus, Serviteur souffrant et maintenant les eaux du baptistère qui reçoit
glorifié pour le salut du monde, réalise le catéchumène.
toutes les dimensions du baptême sacramen- Les apôtres ont découvert les richesses du
tel. Dans l'eau, Jésus descend jusqu'aux baptême : ce sacrement, immersion et salut,
profondeurs del' abîme, signe de mort. Dans tient son pouvoir de la Résurrection du
le feu, il passe par le creuset de la souffrance Christ. On le compare au Déluge et au
et révèle la métamorphose du salut. L'Esprit, sauvetage de Noé (1 P 3, 20-21). Le bap-
celui qui planait sur les eaux, s'active en lui tême est ablution, sanctification et justifica-
pour réaliser ce mystère. Le Sauveur ramène tion (1 Co 6, 11).
la vie« vers le haut». Le bain de la fiancée était jadis l'ultime
La réponse de Jésus à Nicodème révèle ce préparation au mariage, le baptême des
mystère: chrétiens prépare le mariage de l'Église avec
le Christ (Ep 5, 26). L'ablution baptismale
En vérité, en vérité, je te le dis,
permet de s'approcher de Dieu (He 10, 22).
à moins de naître d'en haut,
Pour Paul, la grâce du baptême accompagne
nul ne peut voir le Royaume de Dieu. [Jn 3, 3.]
le chrétien tout au long de sa vie. Ce don est
L'expression« naître d'en haut» peut se un perpétuel passage de la mort à la Résur-
traduire aussi par « naître de nouveau » ou rection du Christ :
bien « renaître tout neuf». Le baptisé est Ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus,
transformé radicalement, dans son principe c'est dans sa mort que tous nous avons été
même. Le signe der eau est toujours présent, baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui
et il acquiert toute sa dimension : par le baptême dans la mort, afin que, comme le
Christ est ressuscité des morts par la gloire du
En vérité, en vérité, je te le dis Père, nous vivions nous aussi dans une vie
à moins de naître d'eau et d'Esprit, nouvelle. [Rm 6, 3-4.]
nul ne peut entrer au Royaume de Dieu, Le baptême confère au chrétien le don
Ce qui est né de la chair est chair, sans mesure de !'Esprit :
ce qui est né de l'Esprit est esprit.
Mais le jour où apparurent 1a bonté de Dieu
Ne t'étonne pas si je t'ai dit :
notre Sauveur et son amour pour les hommes, il
Il vous faut naître d'en-haut.
ne s'est pas occupé des œuvres de justice que
Le vent souffle où il veut ;
nous avions pu accomplir mais, poussé par sa
tu entends sa voix,
seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de
mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va.
la régénération et de la rénovation en l'Esprit
Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit. Saint. [Tt3, 4-5 .]
Un 3, 5-8.l
La tradition chrétienne, par la voix de
Dans le sein maternel, l'eau est le milieu saint Léon, évoque en quelques mots la
de la gestation. Ala naissance, l'air accueille plénitude du baptême : « Pour tout homme
le nouveau vivant. Les eaux primordiales de qui renaît, l'eau du baptême est comme un
la Genèse étaient comme le sérum prédis- sein virginal. Le même Esprit, qui féconda la
posé à la naissance des germes de vie. Vierge, féconde aussi la fontaine. » (Saint
L'Esprit, qui planait sur les eaux, féconde Léon, Sermon 24, In nativitate Domznz).

65
LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT
Le vent : ambivalence du symbole. tisse un réseau de symboles 1 qui expriment
des réalités parfois très subtiles. Au cœur
Le vent de la fragilité et du péché. de ce· domaine expressif, on trouve la ra-
Le vent et l'existence précaire. cine rwh qui donne trois substantifs : re-
Vent d'orgueil, de mensonge et de stéri- wah (l'espace, la distance), reah (l'espace
lité. empli de parfums) et ruah (l'espace vital
qui entoure l'homme, l'atmosphère).
Le vent créature, instrument L'énergie de Dieu est une ruah et se
et image de Dieu. module selon la volonté divine non seule-
Le vent au service de Dieu. ment pour insuffler à l'homme son· souffle
Les quatre vents. vital, mais pour conduire l'évolution de sa
Le vannage. conscience.
La tempête de Dieu. L'Esprit de Dieu est saint, même quand
La tempête sur la mer. il révèle la puissance de sa colère, de sa
jalousie; au-delà de ces manifestations re-
Le souffle de Dieu et celui de l'homme. doutables, il est Esprit, gardien de l'Al-
Le souffle de Dieu. liance et espace matriciel de la miséricorde.
Le souffle vital. Le Saint Esprit du Nouveau Testament
Le souffle de la Sagesse. est à l' œuvre pour créer le monde messia-
Le souffle de la colère et du jugement. nique du salut, de la Résurrection et de la
Création nouvelle. Jésus, qui reçoit !'Esprit
L'Esprit. au début de son ministère, révélera peu à
Le souffle de l'émotion. peu la personnalité du Paraclet.
L'esprit des parfums. Quant à Paul, il vérifiera en lui-même
L'Esprit du large. et au sein de l'Église, la fécondité de
L'Inspirateur. l'Esprit de vérité, principe de toute sancti-
L'Esprit de la Nouvelle Alliance. fication.

Le vent, le souffle et !'Esprit forment,


dans la Bible, un tout organique. Ainsi se

69
LES SYMBOLES BIBLIQUES

LE VENT : AMBIVALENCE l'inconsistance et la vanité de choses que


DU SYMBOLE l'homme considère comme importantes ou
éternelles. Le vent devient le « non-être»,
dont le seul pouvoir est de faire croire qu'il
Parce qu'il est puissant et insaisissable, le existe alors qu'il n'est rien.
vent devient facilement, dans la Bible, un «Vanité des vanités, tout n'est que vanité
élément capable d'évoquer la nature de et poursuite du vent >>, tel est le refrain du
Dieu, la transcendance de son être et de son livre de Qohéleth.
action. Le vent est invisible ; il peut ainsi Une fois de plus, l'ambivalence du sym-
suggérer le mystère du Dieu caché. Par ses bole permet d'affronter deux significations
effets spectaculaires, le vent exprime bien les contraires. Les choses que le concept déclare
diverses modalités del' action divine. Le vent contradictoires, la grandeur de Dieu et là
apporte les nuages, la pluie et la bénédiction fragilité de l'homme, s'unissent dans l'ordre
féconde des eaux supérieures : à ce titre, il de la Sagesse éminente de Dieu, selon une
donne la vie. Ce vent-là devient une manifes- autre logique : celle que gouverne: l'amour.
tation du Dieu vivant. Dieu dit à Paul : « Ma grâce te suffit : car ma
Par malheur, la tempête et l'ouragan puissance se déploie dans ta faiblesse »
peuvent saccager le monde. Dieu montre (2 Co 12, 9).
alors dans le vent son visage de colère. Mais
la tornade peut retomber en brise rafraîchis-
sante : l'ardeur du châtiment se transforme
en souffle de miséricorde. LE VENT DE LA FRAGILITÉ
La Bible parle du souffle de Dieu pour ET DU PÉCHÉ
manifester son action créatrice et ses inter-
ventions dans la conduite et le go~verne-
ment de son peuple. En tant qu'impulsion, Le vent de l'existence précaire.
ce souffle anime ]'action des Juges, des
prophètes, et de tous ceux qui méritent le L'homme est comme l'herbe que flétrit le
nom d'hommes de Dieu. En tant qu'inspi- vent:
ration, il révèle le dessein de Dieu et les L'homme, ses jours sont comme l'herbe,
secrets de sa parole. Il devient alors !'Es- comme la fleur des champs, il fleurit ;
prit Saint qui donne la lumière et la force. sur lui qu'un souffle passe, il n'est plus,
Mais le vent est tout aussi bienl'image de jamais plus on ne connaîtra sa place.
la condition humaine, caractérisée par sa [Ps 103, 15-16; et Is 40, 7.]
faiblesse et son inconstance. Le vent insaisis-
sable est alors l'image de la précarité, de la Le vent permet ainsi de multiplier les
fragilité de la nature des fils d'Adam. Il métaphores de l'instabilité humaine.Job dit
renvoie aussi à l'inconséquence de leurs à Dieu:
actes, à leur tendance à trahir la parole Veux-tu effrayer une feuille que le vent
donnée, à leur incapacité à demeurer au sein pourchasse ?
de l'Alliance divine. Le vent symbolise ainsi T' acharner contre de la paille sèche 1 (Jb 13, 25 .]

70
LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT

Et, par mode d'invective adressée à des cœur de l'homme lorsqu'il se répand en
princes, Job demande : propos qui ne sont que du vent (Jb 6, 26).
Le terme même de << vent » finira par
Fais-les tourbillonner comme la paille en plein
vent. (Jb 21, 18.] signifier « rien » comme dans le proverbe
« Qui tolère le désordre en sa maison laisse
La sagesse de Ben Sirach recourt à cette le vent pour héritage» (Pr 11, 29).
image insolite :
Des petits cailloux au sommet d'un mur
Vent d'orgueil, de mensonge et de stérilité,
ne résistent pas au vent :
le cœur du sot effrayé par ses imaginations
ne peut résister à la peur. [Si 22, 18.] Le vent qui emporte, dissipe et anéantit
est aussi celui qui peut gonfler l'être plein de
Mais, phis légère que tout, la baie du vanité. Le psaume déclare : « L' œil hautain,
dépiquage est le jouet du vent. Les idolâtres le cœur enflé, je ne puis les souffrir »
seront « comme la baie emportée loin de (Ps 101, 5).
l'aire, ou la fumée qui s'échappe de la fenê- Pour Paul, les réglementations concer-
tte » (Os 13,3). nant la nourriture sbnt « une science qui
L'homme, ses discours et ses actes, ne enfle» (1 Co 8, 1). Par quatre fois, il dira
sont que du vent. Il est tout à fait semblable aux Corinthiens que l'orgueil gonfle
au vent insaisissable, quel' on déclare incon- l'homme (1 Co 4, 6; 4, 18-19; 5, 2). Seule,
sistant. la charité ne se gonfle pas (1 Co 13, 4).
La poursuite du vent, la recherche du Pierre parle de ces êtres trompeurs, véri-
vent, la folie qui consiste à vouloir retenir le tables « nuages poussés par un tourbillon »
vent, deviennent pour Qohéleth une cascade qui se répandent en discours « gonflés de
d'images qui prennent pour cible la vanité vide» (2 P 2, 17-18).
humaine. Tout est ainsi marqué au sceau de Le peuple de Dieu peut perdre le sens de
h désillusion : l'activité matérielle, la réus- la vérité, il se dissout dans le mensonge.
site sociale, la recherche de· l'amour, des Cette illusion trompeuse devient alors sa
plaisirs et même la quête de la sagesse. La nourriture :
conclusion est tranchante : « Nul n'est maî-
Éphraün se repaît de vent,
tre du vent, pas plus qu'il n'est maître du tout le jour il poursuit le vent d'est;
jour de sa mott » (Qo 8, 8). il multiplie les mensonges et la fausseté.
Un verset, vers la fin du livre, considère [Os 12, 2.J
le .mystère du vent et sa course déroutante.
Il semble anticiper les propos de Jésus à Le mensonge au cœur de fhomme est le
Nicodème sur la nature de !'Esprit : germe de son infécondité. Il rend stérile
« Comme tu ne connais pas la route du vent, l'épreuve qui pourrait porter des fruits de
ni les secrets d'une femme enceinte, ainsi tu véritable repentir et ouvrir le chemin du
ne peux connaître l' œuvre de Dieu qui salut :
dirige tout» [Qo 11, 5]. Comme la femme enceinte
Pour Job, c'est le désespoir qui agite le à l'heure de l'enfantement

71
LES SYMBOLES BIBLIQUES

souffre et crie dans les douleurs, des vents, le grand réservoir aérien qui est
ainsi étions-nous devant la face du SEIGNEUR. un trésor (Jb 37, 9; Ps 135, 7; Jr 51, 16).
Nous avons conçu, nous avons souffert, Par l'effet de sa sagesse, Dieu a réglé le poids
mais c'était pour enfanter du vent, des vents CTb 28, 25). Dieu plane et avance
nous n'avons pas donné le salut à la terre. sur les ailes du vent qui joue le rôle d'un
[Is 26, 17-18.l séraphin, entité aérienne en forme de qua-
drupède ailé ; le nuage d'orage peut suggé-
rer une telle figure (2 S 22, 11 ; Ps 18, 11).
Le vent peut être vu aussi comme un char
LE VENT CRÉATURE, attelé (Ps 104, 3 ).
INSTRUMENT ET IMAGE DE DIEU C'est en tarit que créature et ministre du
pouvoir divin que les vents doivent entrer
dans le concett de la louange du Seigneur :
Le vent au service de Dieu. « 0 vous tous, vents, bénissez le. Sei-
gneur! » (Dn 3, 65).
Le vent a pu être divinisé par cliverses Le vent n'a pas pour seule fonction de
religions païennes. Vâyu, en Inde, est bien le véhiculer le Seigneur, il devient son instru-
dieu du vent qui partage son char avec ment, l'ouvrier -de sa parole. Il porte ses
Indra, le roi des dieux. La mythologie messages et réalise aussi ses oracles (Ps
mexicaine, pour sa part, met en relation 148, 8; Ps 104, 4). Le vent apporte le nuage
Ehecatl, le numen du vent, avec Quetzal- d'orage qui détient en son sein la foudre; et
coatl, le serpent emplumé, qui est, entre celle-ci peut devenir une intervention divine
autres, le dieu des nuages ondulant dans le (Ba 6, 60-61).
ciel. Dans le monde babylonien, les vents Les missions du vent sont de nature
sont personnalisés mais non pas déifiés : les divine. Son action peut être bienfaisante.
« quatre vents » sont redoutables et destruc- Une brise légère est le signe de la paix qui
teurs. Seul, le vent frais du nord, au régime règue sur !'Éden.« Ils (Adam et Ève) enten-
d'une brise légère, peut être considéré dirent la voix du SEIGNEUR Dieu qui se
comme chargé d'une valeur positive, surna- promenait dans le jardin à la brise du jour »
turelle. (Gn 3, 8).
Pour la Bible, le vent est une créature de Le vent de Dieu qui passe sur la terrre
Dieu. Les païens demeurent dans l' obscu- inondée inaugure la décrue du Déluge
rité : (Gn 8, 1). C'est dans une brise rassurante
que Dieu s'approche d'Élie terrorisé (1 R 19,
Ils n'ont pas reconnu l'Artisan en considérant 11-13). Le vent prend part aux phénomènes
ses œuvres. miraculeux de !'Exode (Ex 14, 21 ; Nb
Mais c'est le feu, le vent [. .. ]
qu'ils ont regardé comme des dieux maîtres du
11, 31).
monde. [Sg 13, 1-2.] Le vent peut tout aussi bien être ravageur,
s'élever en tempête, rugir en ouragan. Issu
Dieu a formé les montagnes et créé le vent du désert brûlant, il dessèche et détruit
(Am 4, 13). Dieu a la maîtrise de la chambre même, comme un lance-flammes (Ps 11, 6).

72
LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT

Les divers vents terrestres semblent ré- de couleurs diverses. Us suivent la direction
partir, selon les caractéristiques, les différen- des quatre vents et apportent «l'esprit de
tes interventions .du Maître de l'espace aé- Dieu» qui va reconstituer Israël (Za 6, 1-8).
nen. Les quatre vents désignent les quatre
points cardinaux d'où le Fils de l'homme
rassemblera ses élus (Mt 24, 31; Mc 13, 27).
Les quatre vents. Le vent, cause d'agitation et de dispersion,
ne souffle plus dans la nouvelle Création en-
Quatorze fois évoqué, le vent d'est, ou trevue par l' Apocalypse (Ap 7, 1 et 16).
vent d'orient, est le vent biblique dominant.
Ce vent du désert est ardent, brûlant. Dans
la vision de Joseph, il dessèche les épis de Le vannage.
blé ; il apporte les sauterelles qui ravageront
l'Égypte. À ce titre, il devient l'instrument Le vent est, pour Dieu, l'instrwnent de
du châtiment divin (Gn 41, 6; 41, 23 et 27; ses jugements et l'exécuteur de ses senten-
Ex 10, 13). C'est aussi le vent d'est qui ces. Le thème du vannage rejoint celui de la
refoule la mer pour frayer un passage au pesée. Seul le Seigneur, qui connaît le cœur
peuple d'Israël (Ex 14, 21; voir aussiJb 27, des hommes, peut apprécier leur poids spiri-
21; Ps 78, 26; Is 27, 8 et 37, 27; Ha 1, 9). tuel. Sa balance est exacte, dit Job (Jb 31, 6)
Le vent d'ouest remporte les sauterelles (Ex quand il pèse les esprits (Pr 16, 2), ou les
10, 19). Le vent de la mer apporte les cailles cœurs (Pr 21, 2). La symbolique du poids
réclamées par le peuple affamé (Nb 11, 31). est cependant ambiguë et il faut distinguer
Le vent du sud assure le ravitaillement : entre l'homme vertueux qui fait le bon poids
devant son Seigneur et le pécheur qui souffre
Il fit venir par sa puissance le vent· du sud,
il fit pleuvoir sur eux la viande comme poussière, de la pesanteur de ses fautes.
la volaille comme sable des mers. [Ps 78, 26-27.] L'homme vertueux, l'homme lesté par sa
vertu, n'a rien à craindre du vannage.
Quand le vent du midi tourne au nord, il L'homme léger; vidé par ses fautes ou gonflé
ramène le froid et même le gel (Jb 3 7, 9 ; d'orgueil, est un être inconsistant que le vent
Qo 1, 6; Si 43, 20). emportera. Tel est le roi Balthasar qui s'en-
Ces vents alternants peuvent être conju- tend dire Teqel, tu as été trouvé léger, tu
gués par Dieu pour disperser les rebelles seras donc enlevé (Dn 5, 27). Le vannage de
(Jr49, 36). Tous ces vents s'attaquent à Israël Dieu apporte à la fois la sentence et son
(Ez 5, 12; 12, 14; Za 2, 10). Mais les quatre exécution. Le bon roi, au contraire, doit
vents rassembleront Israël dispersé comme « faire le poids » pour pouvoir juger :
des ossements épars dans le désert (Ez 37, 9).
Un roi sage vanne les méchants
Dans une vision nocrume, Daniel voit les
et fait passer sur eux la roue. [Pr 20, 26.]
quatre vents soulever la. mer pour en faire
sortir trois animaux gigantesques, et ·une Le dépiquage connaît deux moments.
bête monstrueuse (Dn 7, 2-7). Zacharie Celui du détachement mécanique de la baie
discerne quatre chars, tirés par des chevaux utilise les sabots des animaux, la roue ou le

73
LES SYMBOLES BIBLIQUES

traîneau armé de dents de silex. Cette opéra- vent destructeur va se lever contre les habi-
tion pesante pourra faire figure de punition. tants de Babylone et de Chaldée :
Le vannage, par contre, est un acte léger ; le J'enverrai à Babylone mes vanneurs
vent doit être présent pour emporter l'enve- pour la vanner
loppe inutile du grain. L'aspect subtil du et nettoyer son territoire. Ur 51, 2.]
vent prédispose cet élément à devenir le
symbole de l'action impalpable et invisible La pelle à vanner devient l'attribut du
de Dieu. Messie qui doit juger le monde par le feu.
Telle est l'annonce de Jean Baptiste, juste
Le livre de la Sagesse menace les hommes avant l'arrivée de Jésus :
injustes :
Il tient en sa main la pelle à vanner et va nettoyer
Un souffle puissant se lèvera contre eux son aire ; il recueillera son blé dans le grenier ;
et les vannera comme un ouragan. [Sg 5, 23 .] quant aux hales, il les consumera au feu qui ne
s'éteint pas. [Mt 3, 12; Le 3, 17.]
Isaïe, pour sa part, utilise les deux mo-
ments du battage pour enrichir sa compa- Le Vent est donc l'élément nécessaire
raison. Il dit à Israël : pour le triage, l'épreuve, la sélection. Seul
Dieu ou le Messie, son mandataire, peuvent
Voici que j'ai fait de toi un traîneau à battre,
opérer ce jugement.
tout neuf, à doubles dents.
Le Seigneur peut laisser les puissances du
Tu écraseras les montagnes, tu les pulvériseras,
mal se déchaîner, comme un vent mauvais,
les collines tu en feras de la paille.
Tu les vànneras, le vent les emportera
sur ses fidèles, mais la foi est un roc qui défie
et l'ouragan les dispersera. [1s 41, 15-16.] la tempête satanique. Jésus dit :
Quiconque écoute les paroles que je viens de
Pour Jérémie, le vent de Dieu peut être
dire et les met en pratique, peut se comparer à
si violent qu'il n'est plus question de van- un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc.
nage: La pluie est tombée, les torrents sont venus, les
Un vent embrasé sur les pistes, dans le désert, vents ont soufflé et se sont déchaînés contre
est en route vers mon peuple. cette maison, elle n'a pas croulé : c'est qu'elle
Non pour vanner, non pour nettoyer! avait été fondée sur le roc. [Mt 7, 24-25.]
Un vent plein de force me vient de là-bas. Juste avant le reniement de Pierre, Jésus
(Jr 4, 11-12.] s'adresse ainsi à celui gui deviendra la pierre
L'accent est mis sur la dispersion qui de fondation de son Eglise, malgré l'éclipse
résulte des malheurs de la guerre : temporaire de sa confiance : « Simon, Si-
mon, voici que Satan vous a réclamés pour
Avec un van, je les ai vannés ; vous cribler comme le froment, mais moi,
aux portes du pays, j'ai dépeuplé, j'ai prié.pour toi afin que ta foi ne défaille
j'ai anéanti mon peuple ; pas» (Le 22, 31-32).
de leurs voies, ils ne se détournent pas. Ur 15, 7.] L'usage du crible n'est pas ici un tamisage
Les nations païennes seront traitées de la mais bien un vannage qui s'opère en plein
sorte. Ainsi parle- Dieu : à mon ordre, un vent.

74
LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT

La tempête de Dieu. !eut : celle d'un mur crépi de fausse espé-


rance par les prophètes indignes et celle du
Le prophète Nahum dit que la puissance veut de Dieu capable d'abattre cette paroi
de Dieu est comparable à celle d'un navire dérisoire : « Dis à ceux qui couvrent le mur
de haut bord : « Dans l'ouragan, dans la crépi : Qu'il y ait une pluie torrentielle, qu'il
tempête, il taille sa route» (Na 1, 3). tombe des grêlons, qu'un vent de tempête
soit déchaîné, et voilà le mur abattu »
. Et le psaume dit : (Ez 13, 11-12).
îI vient notre Dieu [._.] Osée le déclare : l'infidélité des hommes
Autour de lui c'est l'ouragan. [Ps 50, 3.] crée une perturbation météorologique qui
Job est secoué par le veut de Dieu : retombe comme l'orage de la colère du
Très-Haut. Cette bourrasque balaye les
Tu es devenu cruel à mon égard, enfants d'Israël qui se sont donné des
ta main vigoureuse sur moi s'acharne. rois et des princes idolâtres : « Puisqu'ils
Tu m'emportes à cheval sur le vent sèment le vent, ils récolteront la tempête»
et tu me dissous dans la tempête. Ob 30, 21-22.] (Os 8, 7).
C'est du sein de la tempête que Dieu
répond aux interrogations de Job. En fait,
Dieu tempête contre son serviteur qui lui La tempête sur la mer.
pose des questions insensées (Jb 38, 1 ;
40, 6). Un psaume donne une description saisis-
sante de la tempête qui tourmente «. ceux
La tempête donne une image saisissante
qui sont descendus en mer sur des navires et
de la colère de Dieu :
qui font négoce parmi les grandes eaux » :
Voici l'ouragan du SEIGNEUR, sa fureur
qui éclate, Ceux-là ont vu les œuvres du SEIGNEUR,
un ouragan se déchaîne sur la tête des impies, ses merveilles parmi les abîmes.
il fait irruption ; Il dit et fit -lever la bourrasque
la colère du SEIGNEUR ne se détournera pas qui souleva les flots. [Ps 107, 24-25.l
qu'il n'ait accompli et réalisé les desseins de son
Les matelots sont tellement secoués que
cœur. (Jr 23, 19-20; voir aussiJr 25, 32; 30, 23.]
« leur âme fond», ils titubent comme des
Isaïe reprend cette image (Is 17, 13 ; 21, 1 ; ivrognes et tout leur savoir-faire est englouti.
29, 6; 41, 16). La ruée de la cavalerie attelée Ils prient le Seigneur qui les délivre bieutôt
devient, aux yeux du prophète, un ouragan. de leur mal de mer et de leur angoisse :
On imagine bien la nuée de poussière soule-
Il ramena la bourrasque au silence
vée par l'assaut. Elle ressemble au vent qui et les flots se turent. [Ps 107, 29.]
soulève une tempête de sable (Is 66, 15).
· · Le veut de la fureur divine fait tourbillon- Le vent, dans la Bible, est bien une créa-
ner ·ses adversaires comme paille enlevée par ture soumise à Dieu. Le vent divinisé, son
un coup de veut (Ps 83, 14 et 16). inconséquence, pouvait terroriser les hom-
En Ezéchiel deux métaphores s' articu- mes et inquiéter les dieux eux-mêmes.

75
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le livre de Janas fait du vent un instru· LE SOUFFLE DE DIEU


ment dans la main de Dieu, qui va barrer le ET CELUI DE L'HOMME
chemin au prophète en fuite : « Le SEIGNEUR
lança sur la mer un vent violent, et il y Le souffle de Dieu.
eut une grande tempête sur la mer, au point
que le vaisseau menaçait de se briser» Pour l'homme, respirer est 1.lfle néces_sité
(Jan 1, 4). et un mystère. Il voit dans cette fonction le
secret de la vie. Le Seigneur, qui se révèle
Plus loin dans le récit, Dieu suscite un
comme le « Dieu vivant», apparaît doté
arbuste pour ombrager le prophète. La
d'un souffle, d'une énergie créatrice et répa-
plante va être desséchée par le vent envoyé
ratrice, en laquelle l'être humain découvre la
par le Seigneur lui-même : « Puis, quand le
réserve inépuisable de sa propre existence.
soleil se leva, il y eut un vent d'est brûlant ;
Le Seigneur insuffle à l'homme la vie. « Le
le soleil darda ses rayons sur la tête de Jonas
SEIGNEUR Dieu modela l'homme avec de la
qui fut accablé » (Jon 4, 8).
poussière prise du sol. Il insuffla dans ses
Partant pour la mission à l'est du lac narines l'haleine de la vie et l'homme devint
de Tibériade, la barque qui emporte Jésus un être vivant» (Gn 2, 7).
est menacée par Wl vent tourbillonnant. Ce don est accordé à une créature que
La barque fait eau mais Jésus dort, au Dieu a faite à son image (Gn 1, 27). La
cœur de la tempête, mystérieusement ama- création des animaux n'est pas décrite ainsi.
riné par son pouvoir divin. « Réveillé, il Le souffle désigne donc ici plus que la
réprimanda le vent et dit à la mer: "Silence! ventilation pulmonaire : il manifeste l'esprit
Tais-toi!" Et il se fit un grand calme» qui est l'activité propre de la conscience
(Mc 4, 39). humaine. Le souffle humain porte la parole,
Jésus va réprimander ses disciples qui la musique. Il peut aussi ranimer le feu.
semblent perdre leur confiance, troublés par Avoir du souffle signifie ne pas manquer
la tempête. « Ils furent saisis d'une grande d'endurance, de créativité, de courage. Ainsi
frayeur. Et ils se disaient les uns aux autres : le souffle en vient-il à signifier l'énergie qui
Qui est donc celui-ci, pour que même le vent peut se moduler de façons très diverses. Le
et la mer lui obéissent?» (Mc 4, 35-41; terme hébreu ruah signifie tout cela, parce
Le 8, 22-25 ; Mt 8, 23-27). qu'il inclut originellement l'idée d'ampleur,
On ne peut passer sous silence la grande d espace illimité) de vaste envergure.
1

tempête décrite dans les Actes des Apôtres. La métaphore de l'oiseau se présente
Paul prévoit le désastre que va causer « le spontanément à l'esprit. Le souffle de Dieu
vent d'ouragan nommé Euraquilon » et, plane sur les eaux, les couvre, les couve, les
n'ayant pu dissuader marins et soldats d' ap- enveloppe (Gn 1, 2). La colombe apporte à
pareiller, il prendra la commande de la Noé une branche d'olivier avant de se perdre
manœuvre à l'heure du péril (Ac 27, 9-44). à l'horizon (Gn 8, 8-12). Une colombe se
« Voir venir la tempête» est, à tous les manifeste aussi au baptême de Jésus (Mt 3,
sens du terme, un acte de la vision prophé- 13 à 4, 1). Et, poussé par !'Esprit, Jésus s'en
tique. va au désert.

76
LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT

Un monde d'images, de métaphores et Tant qu'un reste de vie m'animera,


d'allégories suggèrent, dans la Bible, les que le souffle de Dieu passera dans mes narines,
multiples aspects du souffle de Dieu. Les mes lèvres ne diront aucun mensonge .. [... ]
manifestations de la ruah sont variées, par- Jusqu'à mon dernier souffle, je maintiendrai
fois déroutantes, quelquefois contraires : mon innocence. (lb 27, 3-5 .]
c'est le foisonnement de la vie divine qui se L'artisan d'idoles peut employer les mé-
déverse dans l'histoire du monde. taux les plus précieux, il n'est qui un faus-
saire :
Le souffle vital. Car il a méconnu Celui qui l'a modelé,
qui lui a insufflé une âme agissante
Dieu insuffle la vie en toute créature : et inspiré un souffle vital. [Sg 15, 11.]
Que toute la création te serve !
Car tu as dit et les êtres furent,
L'homme tient donc son souffle de Dieu,
tu envoyas ton souffle et ils furent construits. mais son haleine ne saurait ammer une
Udt 16, 14.J image sortie de ses mains :
Par la parole du Seigneur, les cieux ont été faits, Les idoles des nations
et par le souffle de sa bouche, toute leur armée. qui n'ont ni l'usage des yeux pour" voir,
[Ps 33, 6.J ni de narines pour aspirer l'air. [.. .]
Car c'est un homme qui les a faites,
Tout être vivant tient de Dieu une vie
un être au souffle d'emprunt qui les a modelées.
dont le Seigneur demeure le maître. [Sg 15, 15-16.]
Tu caches ta face, ils s'épouvantent,
tu retires leur souffle, ils expirent, Daniel reproche au roi Balthasar son ido-
à leur poussière, ils retournent. lâtrie:« Tu n'as pas glorifié le Dieu qui tient
Tu envoies ton souffle, ils sont créés, ton souffle entre ses mains » (Dn 5, 23).
tu renouvelles la face de la terre. [Ps 104, 29-30.] L'énergie de Dieu, le souffle de ses nari-
nes qui anime tout homme, apparaît majes-
Entre toutes les créatures, l'homme appa-
tlleusement sur le roi. Le souverain, même
raît comme une œuvre d'art. À la différence
déchu, demeure le témoin de cette force,
de l'idole inerte, la première sculpture est
capable d'assurer la cohésion du peuple
animée par le souffle divin (Gn 2, 7).
d'Israël. Il s'agit ici du roi Sédécias qui
Le tuystérieux Élihu entend corriger Job,
demeure le « souffle de son peuple» malgré
mais il ne se prend pas lui-même pour un
l'humiliation de sa captivité :
être divin. Il a, lui aussi, reçu le souffle :
Vois, je suis ton égal, non un dieu, Le souffle de nos narines, l'oint du SEIGNEUR
comme toi d'argile je suis pétri. est captif dans leurs oubliettes ... [Lm 4, 20.]
C'est l'esprit de Dieu qui m'a fait Des narines de Dieu peut sortir un souffle
le souffle de Shaddaï qui m'anima. Ub 33, 6-4.J salutaire. Tel est le vent qui repousse les
Job sait bien, lui aussi, que sa vie ne tient eaux de la mer, pour ouvrir un passage
qu'à un souffle et que ce souffle est un don devant Israël fuyant l'Égypte (Ex 15, 8; Ps
de Dieu: - 18, 16).

77
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Les rois de la terre, même victorieux les deux. La supériorité de l'homme sur la bête
d'Israël, auraient grand tort de se croire est nulle. [. .. ] Qui sait si le souffle de l'homme
invincibles : le Dieu de la colère peut, à tout monte vers le haut et si le souffle de la bête
instant, leur ôter le souffle de la vie : descend en bas, vers la terre? [Qo 3, 19 et 21.]

Quand Dieu se lève pour le jugement, Élihu dit exactement l'inverse et ponctue
pour sauver les humiliés de la terre. [ ... ] son affirmation d'une impertinence :
Tl coupe le souffle aux princes, À la vérité, c'est un esprit dans l'homme,
terrible aux rois de la terre. [Ps 76, 10 et 13.] c'est le souffle de Shaddaï qui rend intelligent.
Le grand âge ne donne pas la sagesse
ni la vieillesse le sens du juste. Ub 32, 8-9.l
Le souffle de la Sagesse. La pétulance du jeune sage ne manque
pas de souffle :
La Sagesse est ordre et harmonie. Elle est
aussi l'élan et le souffle créateur du Seigneur, Je suis plein de mots,
qui a fait surgir un monde d'une souveraine oppressé par un souffle intérieur.
beauté. La Sagesse s'active dans ce monde. En mon se.in c'est comme un vin nouveau cher-
Elle pénètre dans le cœur de l'homme qui chant l.llle issue
et qui fait éclater des outres neuves.
peut ainsi devenir le reflet de l'éternelle
splendeur.
Ub 32, 18-19.l
Élibu, à la fin de son intervention qui Jésus n'ira pas si loin et se contentera de
entend corriger les propos de Job, entonne dire que le vin nouveau n'est pas fait pour
un hymne à la Sagesse toute-puissante (Jb les vieilles outres (Mc 2, 22).
36, 22 à 37, 24). Il détaille les merveilles du L'intelligence dont il s'agit ici est une
monde et met en évidence les connexions sagesse : elle conduira sur la bonne route
de ce grand organisme : le cycle du vent, des l'homme obéissant à la volonté de Dieu :
nuages et de la pluie, évoque d'une façon Enseigne-moi à faire tes volontés,
frappante l'impulsion issue du souffle de car c'est toi mon Dieu ;
Dieu: que ton souffle bon me conduise
De la chambre australe sort l'ouragan par une terre unie. [Ps 143, 10.]
et les vents du nord amènent le froid.
Au souffle de Dieu se forme la glace
et la surface se durcit. Ub 37, 9-10.] Le souffle de la colère et du jugement.

Mais le souffle de Dieu n'est-il pas aussi le Israël rebelle sentira passer le souffle du
véhicule d'un esprit d'intelligence ? Sur ce châtiment qui purifie :
point, le sage Qohéleth et le jeune Élibu ne
sont pas d'accord. Ainsi parle Qohéleth : Lorsque le Seigneur aura lavé
la saleté de la fille de Sion
Le sort de l'homme et le sort de la bête sont un et purifié Jérusalem du sang répandu,
sort identique : comme meurt l'un, ainsi meurt au souffle du jugement et au souffle de l'incen-
l'autre; et c'est un même souffle qu'ils ont tous die ... [Is 4, 4.]

78
LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT

Le souffle brûlant du Seigneur peut aussi Les cris et les clameurs ne sont pas dé-
balayer les nations païennes, coupables de pourvus de sens. Ils traduisent les états de
crimes. Telle est la menace contre Amon, conscience profonds, les émotions qui se
peuple considéré comme l'ennemi invétéré tiennent en deçà du langage. Les sons ex-
d'Israël : « Je déverserai sur toi ma fureur ; priment aussi les paroxysmes qui débordent
je soufflerai contre toi le feu de mon empor- le cadre du discours.
tement» (Ez 21, 36). Le geste, le comportement tout entier
C'est ainsi que le thème du souffle et le traduisent aussi ces états d'esprit, qui ne
thème du feu pourront interférer. Mis en sont pas que des réactions viscérales. Ils
parallèle avec la fournaise criminelle des peuvent av01r W1e valeur spirituelle.
sacrifices d'enfants à Tophet, le souffle de L'homme pleure ses péchés, gémit dans la
Dieu explose comme une éruption volca- détresse, s'effondre dans le désespoir. La
mque: miséricorde de Dieu le redresse, la certitude
d'être aimé l'enlève en une danse. L'immobi-
Le souille du SEIGNEUR, comme un torrent de lité de la prière silencieuse révèle le cœur à
soufre cœur de l'homme avec son Seigneur.
va y mettre le feu. [Is 30, 33.] L'esprit de joie trouve spontanément son
Vous concevez du foin, vous enfantez la paille, expression dans le cri, dans le chant et dans
mon souille, comme un feu, vous dévorera. la danse.
[Is 33, 11.] Au jour de l'entrée en fonction des prê-
tres, Dieu se manifeste sèus forme de feu ;
Le soufflet du forgeron ou du fondeur le peuple est au comble de la joie : « Une
fournira une image concrète de cette union flamme jaillit de devant le SEIGNEUR. [... ] A
du souffle et du feu : cette vue, le peuple entier poussa des cris de
jubilation et tous tombèrent la face contre
Le soufflet est haletant terre» (Lv 9, 24).
pour que le plomb soit dévoré par le feu. Le prophète Baruch voit revenir les exilés
(Jr 6, 29.] « jubilants de la gloire de Dieu» (Ba 4, 37;
voir aussi Ba 5, 5).
Le chant est l'expression naturelle de
l'allégresse. La joie peut éclater sur les lèvres
L'ESPRIT (Jb 8, 21). Les moissonneurs chantent le
bonheur d'une vie assurée par W1e bonne
récolte (Ps 126, 5).
Le souffle de l'émotion. La danse accompagne le chant de joie et
de reconnaissance : après le passage de la
Le souffle de l'homme porte la voix. La mer Rouge, Myriam, la prophétesse, prend
ventilation pulmonaire n'a pas pour seul but son tambourin et entraîne un chœur de
d'oxygéner le sang. Elle fournit une énergie femmes dans une danse pour louer le Sei-
sonore qui peut se répandre en sons inarticu- gneur « qui a jeté à la mer cheval et cavalier »
1
lés ou s organiser en langage. (Ex 15, 20-21).

79
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Mais quand l'allégresse se change en nous gémissons nous aussi intérieurement dans
douleur, la voix humaine prolonge les san- l'attente de la rédemption de notre corps. [ .. .]
glots en chants de déploration. Les lamenta- L'Esprit lui-même intercède pour nous en des
tions de Jérémie offrent les variations les gémissements ineffables. [Ro 8, 22-23 et 26.J
plus impressionnantes sur ce thème : Le souffle haletant révèle un tout autre
Elle habite à l'écart, état d'esprit : le désir ou la colère. Le
la Ville qui comptait un pèuple nombreux ! halètement du rut animal devient l'image de
Elle se trouve comme velive, la concupiscence idolâtrique d'Israël :
elle, qui comptait parmi les nations. Ân~sse sauvage, habituée au désert,
Princesse panni les provinces, dans l'ardeur de son désir elle aspire le vent ;
elle est bonne pour le bagne. son rut qui le freinera ? [J r 2, 24.]
Elle pleure dans la nuit :
des larmes plein les joues ; Le souffle du soupir exhale le regret :
pour elle, pas de consolateur
Ma vie se conswne en affliction,
parmi tous ses amants._ [Lm 1, 1-2.]
et mes années en soupirs. [Ps 31, 11.]
Au plus profond de la détresse, le souffle
Le sage Ben Sirach, qui ne manque pas
peut être coupé :
d'humour, n'a pas hésité à utiliser cette
Au SEIGNEUR est mon cri ! J'implore. image insolite :
Au SEIGNEUR est mon cri ! Je supplie.
Je déverse devant llli ma plainte, Tel est celui que le Seigneur persécute,
ma détresse je la mets devant lui, il regarde et soupire,
alors mon souffle me manque. [Ps 142, 2-4.] il est comme un eunuque qui étreint une vierge
et soupire. [Si 30, 19-20.]
Le gémissement du deuil est un cri spon-
tané. Les pleureurs professionnels qui ac- Job, accablé de peines, dit qu'il a ses
compagnent l'être endeuillé lui évitent le soupirs pour seule nourriture (Jb 3, 24). Le
danger d'une angoisse solitaire, face à une psaume dit aussi :
absence intolérable (Am 5, 16). Ma vie se consume en affliction
L'esprit humain gémit dans sa souffrance. et mes années en soupirs. [Ps 31, 11.]
En une expression audacieuse, Paul en vient Les douloureux soupirs de la fenune sur
à parler des gémissements de !'Esprit : le point d'accoucher évoquent la peine de
Oui, nous qui sommes dans cette tente nous Dieu qui sent monter sa colère :
gémissons, accablés; nous ne voudrions pas en
Longtemps j'ai gardé le silence.
effet nous dévêtir, mais nous revêtir par-dessus
Je me taisais, je me contenais,
l'autre ce second _vêtement, afin que ce qui est
comme la femme qui enfante je gémissais,
mortel soit englouti dans la vie. Et Celui qui nous
a fait pour cela même, c'est Dieu, qui nous a
je soupirais tout haletant. [Is 42, 14.]
donné les arrhes de !'Esprit, [2 Co 5, 4-5.] Soupirer, c'est aussi tendre vers quelque
La création jusqu'à ce jour gémit en travail chose qui demeure absent ou lointain. Dieu
d'enfantement. Et non pas elle seule : nous- connaît le désir secret de son fidèle sup-
mêmes qui possédons les prémices de l'Esprit, pliant :

80
LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT

Seigneur, mo1:1 désir est devant toi, L'esprit des parfums.


pour toi mon soupir n'est point caché.
[Ps 38, 10.] Le parfum est l'objet privilégié de l' odo-
rat. Dans le monde oriental, il occupe une
Le soupir nostalgique peut contenir une
place de choix. L'abondance des plantes
joie secrète :
odoriférantes et des épices a développé l'art
Mon âme soupire et languit subtil des senteurs et l'utilisation de leurs
après les parvis du SEIGNEUR. vertus curatives. Sur la racine ancienne qui
Mon cœur et ma chair crient de joie a donné ruah, généralement traduite par
vers le Dieu vivant. [Ps 84, 3.] souffle, se forme aussi le terme reah .- l'es-
pace parfumé, le parfum.
Quand le peuple tout entier se met Le Cantique des cantiques est le livre des
à soupirer vers le Seigneur (1 S 7, 2), c'est parfwns. Les senteurs remplissent l'espace
le prélude à une conversion qui affranchira du poème pour révéler, au-delà du charme
le peuple d'Israël de la servitude des sensuel, la présence d'un esprit qui donne
idoles. une autre dimension à l'amour.
L'effroi bloque la respiration et quand la La Bien-aimée s'exclame :
sérénité revient, l'angoissé peut enfin respi-
rer. Job, harcelé par Dieu, voudrait bien L'arôme de tes parfums est exquis,
trouver un peu de calme et de détente : ton nom, une huile qui s'épanche. [Ct 1 ,3.]

Il m'écrase pour un cheveu, Toutes sortes de parfums seront évoqués,


il mtÙtiplie sans raison mes blessures le nard, l'odeur des vignes en fleurs, la
et ne me laisse même pas reprendre mon souffle. myrrhe, l'encens, la mandragore, dite aussi
Ub 9, 17-18.J pomme cl' amour. La pomme semble avoir
un pouvoir particulier. Le Bien-aimé dit :
Et le psaume dit :
Le parfwn de ton souffle est celui des pommes.
Éloigne de moi tes coups. [. .. ] [Ct 7, 9.J
Rien qu'un souffle, tous les humains.
Détourne ton regard, que je respire. La Bien-aimée dit :
[Ps 39, 11-12 et 14.]
Comme le pomniier parnû les arbres d'un verger,
Quand le souffle se module en siffle- ainsi mon bien-aimé parmi les jeunes hommes.
ment, il exprime l'étonnement ou le dédain [... ]
(Jr 19, 8; 50, 13). À ce sifflement d'horreur Ranimez-moi avec des pommes,
répondra le sifflement du grand rassemble- car je suis malade d'amour. [Ct 2, 3 et 5.J
ment organisé par Dieu :
S'agit-il des pommes d'amour, des fruits
Je vais siffler pour les rassembler, de mandragore,_ connus pour leur vertu
car je les ai rachetés ; aphrodisiaque ? L'histoire qui met en scène
ils seront nombreux comme ils l'étaient. Ruben,Jacob, Léa et Rachel fait de ces fruits
[Za 10, 8.J l'élément magique et mystique qui assure la

81
LES SYMBOLES BIBLIQUES

fécondité de cette famille patriarcale (Gn 30, Le parfum (reah) apparaît donc comme
14-24). une consécration de l'espace (rewah), sus-
Quoi qu'il en soit, le Cantique des ceptible d'accueillir la présence active de
cantiques devient -un jardin d'amour, une Dieu (ruah). II s'agit d'une présence ta-
vision prophétique de !'Éden retrouvé. Le misée, ajustée à la capacité des hommes.
parfum d'une tendresse illuminée vient La nuée d'encens joue, ici, comme la
supplanter l'odeur vénéneuse du fruit nuée de la théophanie du Sinaï, le double
interdit. rôle de révélation et d'occultation qui
Cet esprit d'amour est l'intelligence créa- caractérise la présence de l'Éternel parmi
trice de Dieu. Le livre de Ben Sirach va les mortels.
décrire l'espace parfumé créé par la seule
présence de la Sagesse : Dans l'Évangile l'esprit des parfums se
répand à l'heure où la femme pécheresse
Comme- le cinnamome et l'acanthe f ai donné mêle ses larmes de repentir à l'huile parfu-
du parfum, mée pour en baigner les pieds de Jésus.
comme une myrrhe de choix j'ai embaumé,
[Le 7, 37-50].
comme le galbanum, l'onyx, le labdanum,
comme la vapeur d'encens dans la Tente.
[Si 24, 15.]
L'onction de Béthanie est encore plus
significative. Jean rapporte une parole de
L'allusion au premier sanctuaire nomade Jésus qui discerne dans le parfum que
rappelle le rite ancien des parfums : c'était verse Marie un signe prémonitoire de sa
un mélange composé d'herbes aromatiques. mort et de sa résurrection. Ce parfum
Ce parfum, à l'usage exclusif du sanctuaire, chasse l'odeur de mort qui enveloppait
était dit pur. La fumée odorante emplissant Lazare à son tombeau et le même homme,
la sainte demeure créait au milieu du monde ranimé, assiste au cours du repas où Jésus
des hommes un espace habitable par Dieu. est présent, à l'onction qui prophétise la vie
Le Seigneur pouvait ainsi s'approcher des retrouvée. Un 12, 1-8].
hommes. L'odeur bénéfique facilitait la
conciliation, la rencontre, la communion. On Marie avait pris une livre d'un parfum très pur
trouve une quarantaine de fois dans la Bible et de très grande valeur ; elle versa le parfum sur
les pieds de Jésus, qu'elle essuya avec ses che-
l'expression « parfum d'apaisement». La
veux; la maison fut remplie par l'odeur du
fumée aromatique qui monte vers Dieu a parfum.
pour but d'amadouer le Seigneur mais l'en- [Jn 12, 3].
cens, parfum très précieux, est offert à part,
comme la quintessence de toute oblation Judas Iscariote, avare et voleur conteste ce
(Ex, 29 et 30). qu'il nomme un gaspillage, mais Jésus lui
La fumigation odorante est prolongée par répond:
l'usage de l'huile d'onction. Elle consacre les
prêtres ; plus tard les rois la recevront aussi. Laisse-la! Il fallait qu'elle garde ce parfum pour
Quant au Messie, il sera !'Oint par excel- le jour de mon ensevelissement.
lence. [Jn 12, 7.]

82
LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT

L'Esprit du large. J'étais comme assiégé et tu m'as mis au large.


[Ps 4, 2.]
La notion de « large » (rewah) contient De mon angoisse j'ai crié vers le SEIGNEUR,
le double sens d'espace et de distance. Il il m'exauça, me mit au large. [Ps 118, 5.]
peut signifier le territoire vital d'un être,
et aussi l'action de s'étendre, s'agrandir, Le psaume 119 est consacré à la louange
s'épanouir. de la Loi. La Torah est un chemin de liberté.
Pour l'être confiné dans un espace étroit, Elle n'est pas une réglementation oppres-
qu'il soit matériel ou psychologique, la sortie sante :
est la porte de la liberté. Quand on n'élargit
pas un prisonnier, il lui arrive de prendre le Je cours sur la voie de tes commandements, ·
car tu as mis mon cœur au large. [..,]
large. Quant à l'homme angoissé, il est dans
Je serai au large en ma démarche,
la situation d'un assiégé qui ne peut se
car je cherche tes préceptes. [...]
sauver qu'en faisant une sortie. Être au large J'ouvre large la bouche et j'aspire,
est donc une bénédiction divine : avide de tes commandements.
Que Dieu mette Japhet au large. [Gn 9, 27.]
[Ps 119, 32, 45 et 131.]

Béni soit Dieu qui met Gad au large. [Dt 33, 20.] Mais la Loi, cristallisée en une infinité
d'obligations, risque de perdre sa souplesse,
Élargir les frontières d'Israël est une pro- sa valeur vivifiante. Paul annonce la liberté
messe de l'Alliance (Ex 34, 24). Quant à retrouvée dans le Christ et dans !'Esprit. Il
David, dans son psaume, il déclare : écrit aux Corinthiens :

Le SEIGNEUR fut.pour moi un appui; Vous êtes manifestement une lettre du Christ
il m'a dégagé, mis au large, remise à nos soins, écrite non avec de l'encre
il m'a sauvé car il m'aime. [2 S 22, 19-20.] mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des
tables de pierre mais sur des tables de chair, sur
Le prince guerrier trouve en Dieu la force des cœurs. [. .. ] Car le Seigneur c'est l'Esprit et
d'alléger et d'allonger la foulée de sa course là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté.
dans sa poursuite des ennemis. Il dit à son [2 Co 3, 3 et 17.]
Seigneur: C'est ainsi que Paul prie le Père du Ciel
Tu égales mes pieds à ceux d'une biche. [...] pour les Éphésiens :
Tu élargis mes pas sous moi Qu'Il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous
et mes chevilles n'ont point fléchi. armer de la puissance de son Esprit pour que Se
Je poursuis mes ennemis et les extermine. fortifie l'homme intérieur. [, .. ] Ainsi vous rece-
[2 S 22, 34 et 37-38.] vrez la force de comprendre, avec tous les saints,
ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et
Les Psaumes, pour leur part, se complai- la Profondeur, vous connaîtrez l'amour du Christ
sent à louer cet élargissement qui est une qui surpasse toute connaissance et vous entrerez
œuvre proprement divine. La liberté oc- par votre plénitude dans toute la Plénitude de
troyée est un don spirituel : Dieu. [Ep 3, 16 et 18-19.]

83
LES SYMBOLES BIBLIQUES

L'inspirateur. vivante, les interventions de !'Esprit de Dieu


dans l'histoire de son peuple.
Sur l'ordre de Dieu, Isaïe stigmatise une Un texte étonnant du livre des Rois rap-
alliance coupable d'Israël avec l'Égypte : porte une vision du prophète Michée. Une
prosopopée montre !'Esprit dialoguant avec
Malheur aux fils rebelles, oracle du SEIGNEUR. le SEIGNEUR et mettant au point avec lui une
Ils font des projets quî ne viennent pas de moi, stratégie destinée à perdre le roi idolâtre et
ils trament des alliances que mon Esprit n'inspire meurtrier, Achab.
pas. [ls 30, l.]
Le SEIGNEUR demanda : « Qui trompera Achab
Le verset 9 du psaume 42 est réputé pour pour qu'il marche contre Ramot de Galaad et
la difficulté de sa traduction. La Bible de qu'il succombe?» Ils répondirent, celui-ci d'une
Jérusalem propose : manière, celui-là d'une autre. Alors l'Esprit
s'avança et se tint devant le SEIGNEUR: « C'est
Le jour, le SEIGNEUR envoie sa grâce moi, dit-il, qui le tromperai.» Le SEIGNEUR
et même pendant la nuit, demanda:« Comment? » Il répondit: « J'irai et
le chant qu'elle m'inspire je me ferai esprit de mensonge dans la bouche de
est une prière à mon Dieu vivant. [Ps 42, 9.] tous ses prophètes. » Le SEIGNEUR dit : « Tu le
tromperas et tu réussiras. Va et fais ainsi ! »
Cette grâce (hesed) est l'amour que Dieu [! R 22, 20-22.J
manifeste en et par son Alliance. Elle pénètre
l'homme total, sa conscience vigilante et le L'histoire semble scabreu.se; mais !'Esprit
monde de ses rêves (de jour et de nuit) pour propose de tromper les trompeurs pour
se transformer en chant. L'incantation de- rétablir la vérité de la situation, et son
vient prière et tamène l'âme vers Dieu, le efficacité n'est pas mise en doute.
Dieu vivant. L'Esprit de Dieu fond sur Saül et!' entraîne
Quand l'homme pécheur revient à son dans une transe chamanique où il connaît une
Dieu, ce retour commence par un << souve- sorte de dédoublement, avant d'être désigné
nir» qui lui rend la présence de son Sei- comme roi puis proclamé tel. Ces événements
gneur. C'est la teshuva qui le ramène au cœur succèdent à une onction faite par le prophète
de la miséricorde. Samuel ; il semble qu'il y ait un lien entre cette
Dieu peut inspirer les rois païens. C'est onction et une certaine activité char-ismatîque
lui qui mit au cœur d' Artaxerxès l'idée du (1 S 10, 1-12),
firman qui libère définitivement Israël : D'une manière moins spectaculaire, il est
« Béni soit le SEIGNEUR, le Dieu de nos dit que !'Esprit de Dieu survient et se tient
pères) qui inspira ceci au ccèur du roi : sur des hommes : « Au milieu de l' assem-
glorifier le temple du SEIGNEUR à Jérusa- blée, !'Esprit du SEIGNEUR fut sur Yahaziel »
lem» (Esd 7, 27). (2 Ch 20, 14; voir aussi 2 Ch 15, 1).
Dieu inspire aussi Néhémie dans certaines L'Esprit de Dieu repose sur une ou plu-
circonstances de la restauration d'Israël sieurs personnes (Nb 11, 25). « Sur lui
(Ne 2, 12; 7, 5), reposera !'Esprit du SEIGNEUR » (Is 11, 2),
La Bible exprime, d'une manière très C'est ainsi que commence le portrait du

84
LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT

roi parfait qui ouvre la perspective messiani- L'Esprit et la Nouvelle Alliance.


que,
On retrouve une allusion à ce texte quand Au jour de !'Annonciation, l'ange Gabriel
Pierre assure que !'Esprit de gloire, !'Esprit dit à Marie:
de Dieu, repose sur les premiers chrétiens
L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du
(1 P 4, 14).
Très-Haut te couvrira de son ombre; c'est pour-
Méditant sur l'histoire d'Israël, Isaïe dé- quoi l'être saint qui naîtra de.toi sera appelé Fils
clare que !'Esprit, reposant sur la commu- de Dieu [Le 1, 35].
nauté, menait Israël vers le repos :
C'est donc en !'Esprit Saint, puissance
Ils Ont irrité son Esprit Saint. [. ..]
infinie de Dieu que se réalise l'Incarnation.
Où est-il celui qui mettait au milieu d'eux son
Quant à l'ombre, la Bible fait une diffé-
Esprit Saint ? [. .. ]
L'Esprit du SEIGNEUR les menait au rePos. rence entre l'ombre obscure, milieu de
[Is 63, 10-11 et 14.] mort et non de vie, et l'ombre portée. En
pays chaud, l'ombre d'un mur ou l'ombre
L'Esprit Saint entoure l'homme comme d'un arbre sont refuges de fraîcheur, lieux
un vêtement : le prophète Zacharie connut de repos, lieux de vie. Dieu est lumière et,
une telle vêture, qui lui donna le courage paradoxalement, il ·est aussi une ombre
d'invectiver le roi Joas et de recevoir aussi la bienfaisante.
robe du martyr (2 Ch 24, 20-22). Sous le couvert de Dieu, ]'Esprit apporte
Dieu répand son Esprit sur la maison sa puissance créatrice. L'Esprit fait tressaillir
d'Israël (Ez 3 9, 29) et même sur toute chair : l'être humain :
Je répandrai mon Esprit sur toutè chair. Dès qu'Élisabeth eut entendu la salutation de
Vos fils et vos filles prophétiseront, Marie, l'enfant tressaillit dans son sein et Élisa-
vos anciens auront des songes beth fut remplie de !'Esprit Saint [Le 1, 41].
et vos jeunes gens des visions.
Même sur les esclaves, hommes et femmes, Élisabeth bénit alors Marie et déclare que
en ces jours-là, je répandrai mon Esprit. ce mouvement de l'enfant en son sein était
()13, 1-2.] un tressaillement d'allégresse. Marie entonne
son Magnificat :
L'Esprit est présent au milieu du peuple
qui doit rebâtir le Temple détruit : Mon âme exalte le Seigneur,
et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon
Au travail ! Car je suis avec vous - oracle du sauveur [Le 1, 46-47].
SEIGNEUR Sabaot - et mon Esprit est au milieu
de vous. [Ag 2, 4-5.l Tel est aussi le prélude du cantique
Voici la parole du SEIGNEUR touchant Zoroba-
d'Anne : « Dans le Seigneur mon cœur
bel: Ce n'est pas par la puissance ni par la force tressaille» (1 S 2, 1).
mais par mon Esprit - dit le SEIGNEUR Sa- Quant au père de Jean Baptiste, il se
baot [. . .] - que les mains de Zorobabel ont trouve rempli de !'Esprit Saint pour enton-
fondé ce Temple : ses mains l'achèveront. ner un cantique qui mêle la louange à la
[Za J, 6b et 9.] prophétie:

85
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Et Zacharie, son père, fut rempli d'Esprit Saint Ce même Esprit va conduire Jésus au
et se mit à prophétiser : « Béni soit le Seigneur, désert. Marc dit même qu'il l'y pousse
le Dieu d'Israël» [Le 1, 67-68; voir aussi 1, 69- (Mt 4, 1; Mc 1, 12-13; Le 4, 1-2).
79]. Le souffle, l'eau et le feu sont les symboles
de !'Esprit Saint. Ces réalités s'unissent pour
Au jour de la Présentation de Jésus au
présenter !'Esprit comme le milieu de la
Temple, !'Esprit Saint qui repose sur Sy-
régénération baptismale (Mt 3, 11; Le 3,
méon l'a averti qu'il ne verrait pas la mort
16). L'entretien avec Nicodème éclaire ce
avant d'avoir vu le Christ. Ce même Esprit
mystère. L'homme formé dans l'espace
le pousse vers le sanctuaire et, après qu'il ait
matriciel de sa mère doit renaître dans l'es-
rendu grâces et béui l'enfant, !'Esprit Saint
pace« pneumatique » de !'Esprit.L'allusion
lui inspirera une prophétie (Le 2, 25-35).
au vent, qui souffle où il veut, désigne la
Le langage hébraïque possède tous les ver-
liberté totale de !'Esprit, mais aussi la libé-
bes nécessaires pour exprimer le tremble-
ration des hommes touchés par ce souffle
ment de la crainte et le frémissement de
divin :
l'effroi, l'exultation qui engage le cœur et les
reins. Le « frémissement des entrailles de
Dieu » est l'évocation de sa miséricord~ (Is En vérité, en vérité, je te le dis
63, 15). Le corps tout entier peut ressentir à moins de naître d'eau et d'Esprit,
et manifester la joie. Jésus aussi tressaille de mù ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.
Ce qui est né de la chair est chair,
joie:
ce qui est- né de l'Esprit est esprit.
A cette heure même, il tressaillit de joie sous Ne t'étonne pas si je t'ai dit :
l'action de !'Esprit Saint et dit : «Je te bénis, il vous faut naître d'en haut.
Père, Seigneur du ciel .et de la terre, d'avoir caché Le vent souffle où il veut
cela aux sages et aux intellectuels et de l'avoir et tu entends sa voix,
révélé aux tout petits». [Le 10, 21.] mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va.
Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit.
Le Christ frémit à l'heure de la tésurrec- Un 3, 5-8.J
tion de Lazare. Ce miracle expose dangereu-
sement Jésus et le conduit à « son heure», C'est par !'Esprit Saint que Jésus expulse
l'heure de la Passion : les démons. Luc appelle !'Esprit, « le doigt
de Dieu». C'estle doigt qui appuie la parole
Jésus frémit et son esprit se troubla. L.. J Jésus
pleura. [. ..] Alors Jésus, frémissant en lui-même en un geste impératif (Mt 12, 22-30; Mc 3,
se rend au tombeau. Un 11, 33, 35 et 38.] 22-30; Le 11, 14-23). Cette manifestation de
Maintenant, mon âme est troublée. Un 12, 27 .] !'Esprit par une guérison n'est pas seulement
un acte de miséricorde : c'est un signe du
Au jour du baptême de Jésus, !'Esprit Royaume, qui déclare que le règne messiani-
Saint se manifeste. Il descend comme une que vient de commencer. Chercher à disqua-
colombe et demeure sur celui qu'il désigne lifier Jésus en l'accusant de pratiques démo-
ainsi comme le Messie (Mt 3, 13-17; Mc 1, niaques est une faute contre Dieu lui-même,
9-11; Le 3, 21-22; Jn 1, 33). actif en son Esprit : c'est un blasphème.

86
LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT

_Toute personne qui dira une parole contre le Fils Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trou-
de l'homme, cela lui sera remis ; mais à_ celui qui vaient tous ensemble dans un même lieu quand,
aura blasphémé contre l'Esprit Saint, il ne sera tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui
pas remis. [Le 12, 10 et Mt 12, 32; Mc 3, 29]. d'un violent coup de vent, qui remplit toute la
maison où ils se tenaient. Ils virent apparaître
Jésus révèle clairement l'action du Saint des langues qu'on eût dites de feu i elles se par-
Esprit dans l'entretien qu'il a avec ses tageaient et il s'en posa une sur chacun d'entre
disciples après la Cène. Il nomme !'Esprit eux. Tous furent alors remplis de l'Esprit Saint
« Paraclet », ce qui veut dire le « défen- et commencèrent à parler en d'autres langues,
seur», capable de faire apparaître la vérité selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer.
dans les procès que les forces du mal ou le [Ac 2, 1-4.]
monde hostile ne cesseront pas d'întenter L'Esprit Saint se pose et remplit le coeur
aux disciples du Christ. C'est pourquoi le des apôtres.
« Paraclet » est dit aussi Esprit de vérité crIl Pierre est conduit par !'Esprit en un lieu :
14, 16-17). là même, !'Esprit tombe sur une famille
Le Père envoie le Paraclet au nom de entière (Ac 11, 15).
Jésus pour être comme la mémoire vivante La vie des Églises s'organise sous la
de l'enseignement du Chtist (Tn 14, 26). conduite de !'Esprit.
L'Esprit de vérité sera donc le témoin parfait Paul parlera de l'habitation de !'Esprit
qui donnera aux apôtres le pouvoir de té- dans les fidèles :
moigner de ce qu'ils ont entendu de la
bouche de Jésus et de ce qu'ils ont vécu en Vous n'êtes pas dans la chair mais dans l'esprit,
puisque !'Esprit de Dieu habite en vous. Qui n'a
sa compagnie (Tn 15, 26-27).
pas !'Esprit du Christ ne lui appartient pas, mais
Jésus envoie le Paraclet qui fera le pro- si le Christ est en vous, bien que le corps soit
cès du monde mauvais. Il sera aussi un mort en raison du péché, !'Esprit est vie à cause
guide parfait pour les disciples en rappe- de la justice. Et si l'Esprit de Celui qui a ressus-
lant la substance de l'enseignement du cité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui
Christ (Tn 16, 5-15). Ainsi avertis, prépa- qui a ressuscité Jésus d'entre les morts donnera
rés, les apôtres sont prêts à vivre le mys- aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit
tère de la Pentecôte : qui habite en vous. IBm 8, 9-11.]
87
LA TERRE
La terre en genèse. Dieu créa le ciel et la terre, et la terre était
La terre des origines. déserte et vide» (Gn 1, 1-2).
Le jardin, mémoire du paradis. Du ciel, on dira bientôt qu'il s' architec-
ture en« firmament» (Gn 1, 6); quant à la
La terre maudite, noyée et rescapée. terre émergée, elle deviendra un << conti-
La malédiction du sol. nent » (Gn 1, 10). Ces structures fermes
La terre d'esclavage et de liberté. apparaissent sur le fond liquide des eaux
Le péché fait souffrir la terre. primordiales qu'enveloppe !'Esprit de Dieu.
La terre avale les pécheurs et les morts. Ce terme« l'esprit>> désigne l'activité créa-
La terre d'exil et de retour. trice du Seigneur et, très concrètement, le
Le désert, lieu de naissance et de renais- résultat de cette action, la sphère respirable
sance. que suppose l'éclosion de la vie, l' atmo-
sphère.
Un Dieu agriculteur. La semaine de travail, divisée en six jours,
Un Dieu habile et patient comme un va servir de cadre symbolique à la genèse du
paysan. monde. Cette genèse apparaît comme une
L'agriculture divine. interpénétration de ce qui est structuré mais
Les chemins de Dieu sur la terre. sans vie (firmament, continent) avec l'éten-
due limitée mais potentiellement fertile,
La nouvelle terre. l'eau primordiale et l'esprit porteur d'éner-
gie et de souffle, la ruah de Dieu.
Les eaux primordiales se séparent en
« eaux d'en haut », la pluie, et en « eaux
LA TERRE EN GENÈSE d'en bas», eaux de résurgences, qui appor-
tent la vie. La terre est ainsi fertilisée. Et le
règne végétal s'étend sur le monde :
La terre des origines.
Dieu dit : « Que la terre se couvre de verdure,
Le récit de la création débute par une d'herbe qui rend féconde sa semence, d'arbres
rurieuse formule-: « En un commencement, fruitiers qui, selon leur espèce, portent sur terre

91
LES SYMBOLES BIBLIQUES

des fruits ayant en eux-mêmes leur semence ! » petites bêtes du sol selon leur espèce. Dieu vit
Il en fut ainsi. La terre produisit de la verdure, que cela était bon. [Gn 1, 24-25.]
de l'herbe qui rend féconde sa semence selon son
espèce, des arbres qui portent des fruits ayant en Les deux récits de la création de l'homme
eux-mêmes leur semence selon leur espèce. Dieu insistent sur deux aspects différents de cette
vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un création particulière. L'homme est « image
matin: troisième jour. [Gn 1, 11-13.] de Dieu», créé à sa ressemblance. À ce titre,
il est maître des animaux (Gn 1, 26).
L'apparition du règne animal est présen- L'homme est terrestre et terrien :
tée comme un grouillement en milieu aqua-
tique. Les monstres marins ne sont pas ici, Le SEIGr--ŒUR Dieu modela l'homme avec de la
comme dans les mythologies anciennes, des poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines
l'haleine de vie, et l'homme devint un être
divinités primordiales, mais de simples créa-
vivant. [Gn 2, 7 ,]
tures de Dieu.
Il faut aussi noter un changement : le Le souvenir de cette origine doit conser-
chaos initial (tohu-bohu) était stérile. Le ver en l'homme l'esprit d'humilité (proche
chaos apparent de la prolifération animale, du latin humus, la terre, humilis signifie
dans l'eau comme dans l'air, est une abon- humble). Cette humilité ne doit pas être
dante offre de vie. mise en question par le pouvoir que le
Seigneur confère à l'homme.
Dieu dit : « Que les eaux grouillent de bestioles
vivantes et que l'oiseau vole au-dessus de la terre Que [l'homme] soumette les poissons de la mer,
face au firmament du ciel. » Dieu créa les grands les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et
monstres marins, tous les êtres vivants et re- toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre.
mÙants selûn leur espèce, dont grouillèrent les [Gn 1, 26.J
eaux, et tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu
vit que cela était bon. Dieu les bénit en disant : En fait, cette domination doit se garder de
« Soyez féconds et prolifiques, remplissez les devenir une tyrannie. Elle doit être plutôt un
eaux dans les mers, et que l'oiseau prolifère sur pouvoir qui maintient la terre et ses habi-
la terre ! » Il y eut un soir, il y eut un matin : tants en équilibre écologique. Au temps où
cinquième jour. [Gn 1, 20-23.] les divinités primitives se nommaient« Maî-
tre de la terre, de la mer ou des animaux »,
C'est sur la terre que va apparaître l'ordre leur pouvoir était celui d'un juste souverain.
secrètement inclus dans le chaos vital. Face Adam, investi d'un tel mandat en vettu de
au monde aquatique, le milieu terrestre, sa ressemblance divine, doit maintenir la
ferme et structuré, est, pour l'auteur bibli- justice sur la terre et sur tous les règnes de
que, le lieu de la mise en ordre. Créée par la vie. L'homme ne doit pas être un préda-
Dieu, la terre est créatrice d'ordre. teur fou qui dilapide les richesses de la
Dieu dit : « Que la terre produise des êtres Nature.
vivants, selon leur espèce : bestiaux, petites bêtes À la différence du premier récit de la
et bêtes sauvages selon leur espèce ! » Il en fut création, qui montre le Seigneur couvrant
ainsi. Dieu fit les bêtes sauvages selon leur d'un seul coup le sol aride d'un tapis de
espèce, les bestiaux selon leur espèce et toutes les verdure, la . seconde relation déèrit ainsi

92
LA TERRE

l'apparition du monde végétal : « Un flux l'épée foudroyante pour garder le chemin de


montait de la terre et irriguait toute la sur- l'arbre de vie. [Gn 3, 23-24.]
face du sol» (Gn 2, 6).
Sans mentionner une apparition générale
des végétaux, Dieu plante un jardin qui est Le jardin, mémoire du paradis.
décrit comme un verger. Le flux initial se
répartit alors en quatre fleuves. La Bible accorde au jardin une siguifica-
tion symbolique importante. Ce lieu privilé-
Le SEIGNEUR Dieu planta un jardin en Éden, à gié est un domaine divin, une« part-Dieu»,
l'orient, et il y plaça l'homme qu'il avait formé. le signe de la puissance régénératrice et
Le SEIGNEUR Dieu fit germer du sol tout arbre fécondante du Seigneur.
d'aspect attrayant et bon à manger, l'arbre de
vie au milieu du jardin et l'arbre de la connais- Oui, le SEIGNEUR a pitié de Sion,
sance de ce qui est bon ou mauvais. Un fleuve il a pitié de toutes ses ruines.
sortait d'Éden pour irriguer le jardin ; de là il De son site désertique, il fera un Éden
se partageait pour former quatre bras.
et de sa steppe le jardin du SEIGNEUR.
On y entendra des cris d'enthousiasme et de joie,
[Gn 2, 8-10.J
dans l'action de grâces, au son de la musique.
[Is 51, 3; voir aussi Is 58, 11; Jr 31, 12.]
Le mot hébreu gan qui désigne cette
création végétale signifie un lieu clôturé, Ézéchiel mentionne le jardin de Dieu en
privilégié par le point d'eau qui assure sa Éden (Ez 28, 13; 31, 8-9). Restaurée par
fécondité. Ce jardin contraste avec le désert Dieu, la terre dévastée redevient un paradis.
ou la steppe (éden). Le mot «paradis» est « Cette terreJ naguère dévastée, est comme
un mot d'origine iranienne qui signifie un jardin d'Eden » (Ez 36, 35).
« parc >>. Il a trouvé sa transcription hébraï- Dieu est capable de dessécher une terre
que (Ct 4, 13 ; Qo 2, 5; Ne 2, 8). d'idolâtrie et très spécialement lorsque des
Le jardin d'Éden est le lieu de résidence cultes agraires païens détournent Israël de la
du premier homme : « Le SEIGNEUR Dieu fidélité à son Dieu.
prit l'homme et l'établit dans le jardin Oui, vous aurez honte des térébinthes qui font
d'Éden pour cultiver le sol et le garder » vos délices,
(Gn 2, 15). et vous rougirez des jardins qui vous charment.
Après la faute du premier couple, les Car vous serez comme un térébinthe
pécheurs se trouvent exclus. Le symbo- au feuillage flétri
lisme de la clôture du jardin s'inverse. Ce et comme un jardin qui n'a plus d'eau.
qui était protection d'un bonheur devient [Is 1, 29-30.l
une « défense d'entrer», le signe du ban-
Isaïe condamne les cultes impies dans les
nissement.
jardins, qui sont en réalité des bosquets
sacrés où se trouvent des idoles :
Le SEIGNEUR Dieu l'expulsa du jardin d'Éden
pour cultiver le sol d'où·il avait été pris. Ayant C'est un peuple qui me vexe,
chassé l'homme, il posta les chérubins à en face, sans arrêt :
l'orient du jardin d'Éden avec la flanune de ils font des sacrifices dans des jardins,

93
LES SYMBOLES BIBLIQUES

ils font fumer des aromates sur des briques, C'est dans un jardin que Jésus réunit ses
ils se tiennent dans des sépulcres, disciples. Ce même lieu sera celui de son
ils passent la nuit dans des grottes, agonie (Jn 18, 1-2). C'est dans un jardin que
ils mangent de la viande de porc. [Is 65, 3-4.J se trouvera le lieu de sa sépulture et que
se produira la manifestation du tombeau
La colère de Dieu était inévitable : vide (Jn 19, 41; 20, 1-10). Marie Madeleine
Le Seigneur a été comme un ennemi, prend Jésus pour le jardinier (Jn 20, 15).
il a détruit Israël. [... ] Il convient de noter l'importance de
Il a forcé comme un jardin son endos. l'imaginaire paradisiaque dans les représen-
[Lm 2, 5-6.] tations de l'au-delà bienheureux. Le Para-
dis est devenu, pour la tradition juive et
Avant que le fléau de la colère divine ne chrétienne, le lieu de la glorification des
vienne s'abattre sur elle, la terre est un hommes jugés dignes de participer à la
paradis. gloire divine.
Devant lui, le feu dévore, Le « Paradis » désignait, dans la tradition
derrière lui, la flamme consume. chrétienne ancienne, un jardin doté d'une
Le pays est comme un jardin d'Éden, devant lui, fontaine qui précédait la basilique. On le
derrière lui, c'est une lande désolée! retrouve au centre du cloître monastique.
Aussi rien ne lui échappe. (JI 2, 3.] « Paradis » est à l'origine du mot « parvis »
qui désigne maintenant la place devant une
Dans le Cantique des cantiques, le jardin cathédrale ou une église monumentale. Ce
clos est la vierge qui n'ouvrira qu'à son lieu a longtemps gardé un certain caractère
fiancé. sacré.
Tu es un jardin verrouillé, ma sœur, ô fiancée;
une source verrouillée,
une fontaine scellée !
Tes surgeons sont un paradis de grenades, LA TERRE MAUDITE,
avec des fruits de choix ; NOYÉE ET RESCAPÉE
le henné avec le nard,
du nard et du safran,
de la cannelle et du cinnamome
La malédiction du sol.
avec toutes sortes d'arbres à encens;
de la myrrhe et de l'aloès,
avec tous les baumes de première qualité. La faute d'Adam entrame une modifica-
Je suis une fontaine de jardins, tion de sa situation dans la création. De jar-
un puits d'eaux courantes, dinier, il devient un journalier besogneux.
ruisselant du Liban ! Maudite, la terre se rebelle avant de s'ouvrir
Éveille-toi, Aquilon ! Viens, Autan 1 pour ensevelir l'homme tiré de la poussière.
Fais respirer mon jardin,
et que ses baumes ruissellent ! Le SEIGNEUR dit à Adam : « Puisque tu as écouté
Que mon chéri vienne à son jardin la voix de ta femme et que tu as mangé del' arbre
et en mange les fruits de choix! [Ct 4, 12-16.] dont je t'avais formellement prescrit de ne pas

94
LA TERRE

manger, le sol sera maudit à cause de toi. C'est Le projet divin entend restaurer l'hu-
dans la peine que tu t'en nourriras tous les jours manité et l'ensemble des vivants par le
de. ta vie, il fera .germer pour toi l'épine et le moyen du << petit reste», le maintien d'une
chardon et tu mangeras l'herbe des champs. A la minorité pure, conservée comme la semence
sueur de ton visage tu mangeras du pain jusqu'à
d'un monde rénové. Un nouvel ordre s'ins-
ce_ que tu retournes au sol car c'est de lui que tu
taure :
as été pris. Oui, tu es poussière et à la poussière
tu retourneras.» [Gn 3, 17-19.]
Dieu bénit Noé et ses fils, il leur dit :
La malédiction de Dieu n'est pas irrévo- « Soyez féconds et prolifiques, remplissez
cable. Le patriarche Lamek entrevoit en son la terre. Vous serez craints et redoutés de toutes
fils Noé celui qui apportera une consolation les bêtes· de la terre et de tous les oiseaux du
qui tempérera la rigueur du décret divin. cid. Tout ce qui remue sur le sol et tous les
poissons de la mer seront livrés entre vos
Lamek vécut cent quatre-vingt-deux ans et en- mains.
gendra un fils. Il l'appela du nom de Noé en Tout ce qui remue et qui vit vous servira de
disant : « Celui-ci nous réconfortera de nos la- nourriture comme déjà l'herbe mûrissante, je
beurs et de la peine qu'impose à nos mains ill1 vous donne tout. Toutefois vous ne mangerez
sol maudit par le SEIGNEUR.» [Gn 5, 28-29.] pas la chair avec sa vie, c'est-à-dire son sang.»
[Gn 9, 1-4.J
Dans le long récit du Déluge (Gn 6, 5 à
9, 28), la terre se trouve noyée et, avec elle, La consolation, prévue par Lamek et qui
tous les vivants pervers ou pervertis, hom- compense la malédiction du sol, apparaît
mes et animaux. quand Noé reçoit le nom d'agriculteur.
« Noé fut le premier agriculteur; il planta la
Dieu dit à Noé : vigne» (Gn 9, 20).
« Pour moi la fin de toute chair est arrivée !
Cette mention de la vie agraire signifie que
Car à cause des hoinmes la terre est remplie de
violence,
la relation de l'homme à la terre est en train
et je vais les détruire avec la terre.» [Gn 6, 13.] de changer. L'être humain n'est plus totale-
ment dépendant des aléas de la nature. La
Noé est la figure du juste par excellence, permission de manger de la viande, l'es-
il sauve la création en entrant dans le plan pérance de récoltes régulières, la sédentarisa-
de Dieu. Le Seigneur promet : tion qui facilite le développement d'une vie
économique et culturelle plus élaborée éloi-
Je ne maudirai plus jamais le sol à cause de gnent les excès et les violences de la vie
l'homme. Certes, le cœur de l'homme est porté
sauvage.
au mal dès sa jeunesse, mais plus jamais je ne
frapperai tous les vivants comme je l'ai fait.
Noé l'agriculteur plante la vigne, culture
Tant que la terre durera, non vivrière dont l'aspect luxueux montre la
semailles et moissons, générosité du sol. Ainsi s'éloigne la hantise
froid et chaleur, de la malédiction du sol, hantise perpétuelle
été et hiver, des errants.
jour et nuit
jamais ne cesseront. [Gn 8, 21-22.]

95
LES SYMBOLES BIBLIQUES

La terre d'esclavage et de liberté L'Exode est donc une migration, le pas-


sage d'une terre de servitude à une terre de
Installés en Égypte par Jose ph, les Hé- liberré. Le changement de lieu a ici une
breux prospèrent. Leur croissance démogra- valeur hautement symbolique : il désigne
phique inquiète Pharaon. plus qu'une transformation sociale et politi-
que, il manifeste la création d'un peuple très
On imposa donc à Israël des chefs de corvée, particulier, de caractère théocratique. Sa li-
avec mission de lui rendre la vie dure par les bération de l'esclavage est aussi l'acte de
travaux auxquels ils l'astreindraient. C'est ainsi naissance d'une communauté spirituelle, qui
qu'il bâtit, pour Pharaon, les villes de Pitom et
prend racine dans la terre que Dieu lui
Ramsès. Mais plus on l'opprimait, plus il crois-
sait en nombre et surabondait, ce qui fit redouter donne en partage.
les enfants d'Israël. Les Égyptiens contraignirent C'est par choix, par amour, et de manière
les enfants d'Israël au travail et leur rendirent la totalement gratuite que cette terre est oc-
vie insupportable par de rudes labeurs : prépa- troyée au peuple d'Israël.
ration de l'argile, moulage des briques, travaux
Ce n'est pas parce que tu es juste et que tu as le
divers dans la campagne ; bref, tous les travaux cœur droit que tu vas entrer et prendre posses-
auxquels ils les contraignaient. [Ex 1, 11-14.] sion de leur pays.[ ... ] Reconnais que ce n'est pas
parce que tu es juste que le SEIGNEUR ton Dieu
La relation à la terre est ici particulière- te donne ce bon pays en possession, car tu es un
ment pénible. La terre passe par les mains peuple à la nuque raide. [Dt 9, 5-6.l
des ouvriers qui jamais ne profiteront de
l'édifice. Les paysans grattent le sol dont ils
ne goûteront jamais les fruits. Le péché fait souffrir la terre.
Dieu décide d'affranchir son peuple, il
faut pour cela lui faire quitter l'Égypte. Six siècles séparent !'Exode de la grande
Le prétexte est un de ces pèlerinages déportation à Babylone. Six siècles au cours
annuels qui rassemblent le peuple au désert, desquels l'infidélité d'Israël a ramené la
face à son Dieu, en un lieu sacré (Ex 5, 1-3 ; malédiction de Dieu sur la terre.
23, 14-17). En fait, ce pèlerinage se trans- La terre est souillée par la présence des
forme en fuite vers une terre de liberté. idoles. Le prophète Amos annonce le châti-
Tel a été le message de Dieu, quand la ment de Dieu.
voix du Seigneur sorrait du buisson ardent :
Ainsi parle le SEIGNEUR :
Va, réunis les anciens d'Israël et dis-leur: le SEI- Ta femme se prostituera dans la ville
GNEUR, Dieu de vos pères, Dieu d'Abraham, et tes fils tomberont sous l'épée,
d'Isaac et de Jacob, m'est apparu en disant: J'ai la terre sera partagée au, cordeau
décidé d'intervenir en votre faveur, à cause de ce et toi tu mourras sur une terre impure.
qu'on vous fait en Égypte et j'ai dit :Je vous ferai [Am 7, 17.]
monter de la misère d'Égypte vers le pays du
Cananéen, du Hittite, de l' Amorite, du Perizzite, En effet, un lien secret attache la femme à
du Hivvite et du Jébusite, vers le pays ruisselant la terre : la perversion de l'épouse entraîne
de lait et de miel. [Ex 3, 16-17.l la malédiction du sol. La symbolique très par-

96
LA TERRE

!ante de l'infidélité et de l'impureté (voir Gémis, comme sur la fiancée de ta jeunesse,


« Les infortunes de l'amour divin» (p. 212), la vierge revêtue du sac !
dans les thèmes del' amour de Dieu pour son Oblation et libation ont disparu
peuple rejoint ici l'évocation de la dégéné- de la maison du SEIGNEUR.
rescence de la terre. S'il est vrai que les Ils sont en deuil les prêtres,
serviteurs du SEIGNEUR.
auteurs bibliques désignent souvent sous le
La campagne est ravagée, la terre est en deuil.
nom de « terre» les habitants de la planète,
Car- les blés sont ravagés, le vin fait défaut,
il n'en demeure pas moins que l'homme et l'huile fraîche tarit. [JI 1, 8-10.]
le sol restent liés pour le meilleur et pour le
pire, pour la bénédiction et pour le châti- Le lien vital qui unit naturellement
ment. l'homme à la terre prend donc, dans la
Bible, une autre signification. La terre,
Toi, toi le terrible ! Qui tiendra
devant ta face, sous le coup de ta fureur ?
comme pays et corilme sol, est un don de
Des cieux tu fais entendre la sentence, Dieu, l'héritage d'un peuple que le Seigneur
la terre a peur et se tait. [Ps 76,_ 8-9.] désire saint.
Le péché d'Israël contamine la terre qui
Un parallèle impressionnant est établi devient ainsi une terre d'ignominie et 1 par
entre les fractures que subit Israël par l'effet conséquent, une terre brûlée par la colère
de la colère divine et les fissures qui blessent divine. Les phénomènes naturels (tremble-
la terre. ments de terre, sécheresses), ou politiques,
Dieu, tu nous as rejetés, rompus, sont perçus comme des signes éloquents de
tu étais irrité, reviens à nous ! la justice rigoureuse du Seigneur.
Tu as fait trembler la terre, tu l'as fendue;
guéris ses brèches, elle chancelle. [Ps 60, 3-4.]
La terre avale les pécheurs et les morts.
Les prophètes reprennent le thème.
Je ferai frémir les cieux, L'épisode de la révolte de Datân et d' Abi-
et la terre tremblera sur ses bases, ram contre Moïse présente la terre comme
sous l'emportement du SEIGNEUR Sabaot, un monstre abyssal qui obéit aux ordres de
le jour où s'allumera sa colère, [Is 13, 13.] Dieu.
Les fondements de la terre sont ébranlés. [Moïse déclara] : « Si le SEIGNEUR crée de l'ex-
Un brisement, la terre s'est brisée, traordinaire1 si la terre, ouvrant sa gueule, les
un sursaut, la terre a sursauté, engloutit avec tout ce qui leur appartient, s'ils
un vacillement, la terre a vacillé. descendent vivants au séjour des morts, vous
La terre va chanceler, saurez que ces gens avaient méprisê le SEI-
chanceler comme l'ivrogne, GNEUR. » Comme il achevait de prononcer toutes
son crime pèsera sur elle. [Is 24, 18-20.] ces paroles, la terre se fendit sous leurs pieds.
Ouvrant sa gueule, elle les engloutit avec leurs
Après une terrible invasion, le pays est familles - ainsi que tous les gens de Coré et tous
dévasté. La terre prend le deuil comme les leurs biens. Avec tout cc qui leur appartenait, ils
hommes. descendirent vivants au séjour des morts et la

97
LES SYMBOLES BIBLIQUES

terre les recouvrit.. Ils disparurent ainsi du sein Certes, le temps de l' a_bondance n'est
de l'assemblée. Tous les gens d'Israël, autour plus.
d'eux, s'enfuirent à leurs cris, car ils se disaient:
« Fuyons ! ou bien la terre va nous engloutir ! » L'aire et la cuve ne les nourriront pas,
[Nb 16, 30-34.] le vin nouveau les décevra.
Ils n'habiteront plus la terre du SEIGNEUR.
Le séjour des morts, le shéol, est imaginé [Os 9, 2-3.]
de la même manière. L'anfractuosité terri-
fiante du sol est comme la bouche d'un Retournés en terre d'esclavage, en Égypte,
monstre affamé, toujours aux aguets. en Assur, le peuple ne peut plus pratiquer
Isaïe menace ainsi les ivrognes et les ·fê- sa vie religieuse. Les mets sont impurs et
toute offrande peut souiller l'oblateur lui-
tards qui oublient Dieu :
même. Le temps, lui aussi, est désacra-
Alors le shéol ouvrira une gueule démesurée, lisé.
il dilatera sa gorge.
La noblesse et la masse y descendront, Que ferez-Vous au jour de solennité,
tout en continuant leur joyeux tapage. [Is 5, 14 ; au jour de la fête du SEIGNEUR? [Os 9, 5.]
voir aussi Pr 1, 12.] Jérusalem est comme le pôle, le nombril
Le séjour des morts est insatiable comme de ce corps vivant qu'est la terre d'Israël. Les
le grand Abîme (Pr 27, 20). Il est comme les fantasmes de regret se reportent sur le mont
choses qui ne disent jamais« Assez» (Pr 30, Sion et sur la ville sainte qui en est la
16; Ha 2, 5). couronne.
Au bord des fleuves de Babylone,
nous étions assis et nous pleurions,
La terre d'exil et de retour. nous souvenant de Sion ;
aux peupliers d'alentour
Israël va être exilé, sa déportation à nous avions pendu nos harpes.
Babylone marquera son histoire de manière Et là, nos conquérants
indélébile. La terre .d'exil est un lieu de nous demandent des chansons,
tristesse. Cette amertume n'est pas seule- ceux qui nous maltraitent,
ment une nostalgie douloureuse, le regret du réclament des ·airs de fête :
territoîre abandonné ; c'est la peine spiri- « Chantez-nous donc un chant de Sion».
tuelle de la terre sainte perdue, le sentiment Comment, en terre étrangère,
d'être déshérité, privé d'un lieu qui était le chanter un chant du SEIGNEUR ?
sacrement de la préseb.ce divine. Que ma droite perde, [son art de jouer]
La description d'Osée est saisissante : que ma langue colle à mon palais,
si je ne pense plus à toi,
Ne te réjouis pas, Israël, si Jérusalem n'est plus pour moi
ne jubile pas comme les peuples ; le comble de la joie! [Ps 137, 1-6.]
car tu as abandonné ton Dieu
pour la prostitution, La terre de l'exil va devenir la terre d'un
dont tu as aimé le salaire impur combat pour la foi. Le jeune Daniel se refuse
sur toutes les aires à blé. [Os 9, L] à observer les coutumes de la cour de

98
LA TERRE

Nabuchodonosor, incompatibles avec sa foi Cause avec la terre et elle t'instruira. [Jb 12, 8.]
(Dn 1, 8-16). Ô terre, ne couvre pas mon sang
Au terme d'une longue réflexion, le regret et que ma clameur ne trouve pas de refuge.
naturel du territoire perdu va être transfi- (fb 16, 18.]
guré par le désir ardent de retrouver la terre
de Dieu, la terre que le Seigneur n'a jamais La terre crie vengeance contre moi
et ses sillons pleurent avec elle. [Jb 31, 38.]
cessé d'aimer. Ce pays est un domaine
choisi, destiné au peuple qu'il a élu. Quand la bénédiction touche à nouveau la
terre, Joël s'écrie :
Tu as montré ton amour pour ta terre,
Terre, ne crains pas, exulte et réjouis-toi!
tu as fait revenir les captifs de Jacob ;
tu as enlevé la faute de ton peuple, car le SEIGNEUR a fait de grandes choses.
tu as couvert tout son péché. [JI 2, 21.]
Tu as mis fin à ton ardente colère,
Fais nous revenir et nous reviendrons. [ .. .]
Fidélité et Vérité se sont rencontrées, Le désert, lieu de naissance
elles ont embrassé Paix et Justice ! et de renaissance.
La Vérité germe de la terre
et la Justice se penche du ciel. L'aridité du désert crée une dépendance
Le SEIGNEUR lui-même donne le bonheur vis-à-vis de la Providence. En cette terre
et notre terre donne sa récolte. ingrate, effrayante, le peuple a besoin d'un
[Ps 85, 2-5 et 11-13.]
guide et d'un Soutien. Jérémie rappelle que
la mémoire de cette conduite ne devrait pas
Ce texte est un réseau de symboles entre- s'effacer dans la conscience d'Israël.
c.roisés. L'ordre matériel recoupe l'ordre
spirituel. Le ciel vient au-devant de la terre. Le SEIGNEUR nous a fait monter
Ce qui est donné et ce qui germe spontané- du pays d'Égypte,
ment s'enracinent dans le champ du cœur de il fut notre guide au-désert,
l'hortune. Fidélité, vérité, paix et justice, ces au pays des steppes et des pièges,
grands mots, dont on est parfois tenté de pays de la sécheresse et de l'ombre mortelle,
pays où nul ne passe, où personne ne réside !
dire qu'ils ne sont que des mots, se rencon-
[Jr 2, 6.]
trent et s'embrassent comme des réalités
vivantes. Les valeurs éthiques de la Bible Ce chemin dans le désert est jalonné de
apparaissent ainsi non comme des abstrac- signes : la nourriture providentielle de la
tions, mais comme des réalités concrètes. Né manne et des cailles (Ex 16), l'eau jaillie du
de la terre, l'homme demeure un terrien et rocher (Ex 17, 1-7). Ces dons sont comme
ne doit pas se perdre dans les nuages de un viatique sur une route qui conduirait à
l'angélisme. la mort.
Dans cette perspective, la Bible traite par- La révolte qui pourrait bien briser l'unité
fois la terre comme une réalité vivante. On d'Israël est d'abord réprimée (Nb 16),
trouve, par exemple en Job, des formu- l'unité est confirmée par le signe du bâton
les comme celles-ci : d'Aaron (Nb 17, 16-26). Le châtiment d'une

99
LES SYMBOLES BIBLIQUES

nouvelle contestation - l'attaque des ser- connaître le fond de ton cœur : allais-tu ou non
pents venimeux du désert envoyés par garder ses commandements ? Il t'a humilié, il t'a
Dieu - est conjuré par un signe magique, le fait sentir la faim, il t'a donné à manger la manne
serpent d'airain, inspiré par ce même Sei- que ni toi ni tes pères n'aviez connue, pour te
gneur (Nb 21, 4-9). montrer que l'homme ne vit pas seulement de
pain, mais que l'homme vit de tout ce qui sort
Le désert est le lieu de l'octroi de
de la bouche du SEIGNEUR. Le vêtement que tu
l'Alliance et du don de la Loi.
portais ne s'est pas usé et ton pied n'a pas enflé,
Le troisième mois après leur sortie d'Égypte, ce au cours de ces quarante ans ! Comprends donc
jour-là, les Israélites atteignirent le désert du que le SEIGNEUR ton Dieu te corrigeait comme
Sinaï. Ils partirent de Rephidim, arrivèrent au un père corrige son enfant, et garde les comman-
désert du Sinaï et campèrent dans le désert. dements du SEIGNEUR ton Dieu pour te diriger
Israël campa là, face à la montagne. dans ses voies et pour le craindre. [Dt 8, 2-6.]
[Ex 19, 1-2.]
Le prophète Osée rappelle que le désert,
Ce lieu désertique se prête au grand lieu de naissance du peuple, est aussi le lieu
« spectacle » de la théopbanie. Le son de la de toutes les renaissances. Le Seigneur parle
trompe est amplifié par le relief impression- ainsi d'Israël devenue une épouse infidèle :
nant de la montagne. Je vais la séduire,
je la conduirai au désert
Toute la montagne tremblait violemment. Le son
de la trompe allait, s'amplifiant; Moïse parlait et et je parlerai à son cœur. [Os 2, 16.]
Dieu lui répondait dans le tonnerre. C'est dans le désert que le prophète Élie,
[Ex 19, 18-19.] miné par l'angoisse et le doute, découvre le
L'Alliance et la Loi deviennent ainsi, so- pain et l'eau. Ces signes de Dieu sont aussi
lennellement, la forme du peuple de Dieu. La le symbole de la force nouvelle qui lui
masse des Hébreux sortis d'Egypte devient permettra de continuer son chemin prophé-
une nation divine, un peuple né comme tel, tique (1 R 19, 1-8).
avant de posséder une culture digne d'être À l'aube du Nouveau Testament, Jean
nommée civilisation. La terre désertique Baptiste, l'ascète du désert (Le 1, 80), inau-
symbolise cette table rase sur laquelle Dieu gure sa prédication par une citation d'Isaïe :
fait naître l' entièrement nouveau. Voix de celui qui crie dans le désert ;
Le péché d'Israël peut déformer le peuple Préparez les chemins du SEIGNEUR,
de Dieu. Mais le plus terrible châtiment ne rendez droits ses sentiers.
fait pas cesser l'appel, la vocation initiale. Le Tout ravin sera comblé
souvenir de la marche dans le désert est la et toute montagne oU colline sera abaissée.
mémoire de la conduite divine. Cette aide ne [Le 3, 4-5 (1s 40, 3-4).]
cessera pas, pour mener Israël, par-delà tous Le désert est lieu de tentation : les rébel-
les obstacles, vers son destin spirituel. lions du peuple de Dieu pendant !'Exode
Souviens-toi des-marches que le SEIGNEUR ton l'ont bien montré (Ps 95, 7-11). Cette terre
Dieu t'a fait faire pendant quarante ans dans le aride est aussi perçue comme un lieu de
désert, afin de t'humilier, de t'éprouver et de résidence démoniaque (Lv 16, 10 et 21-22).

100
LA TERRE

Les quarante jours de Jésus au désert sont nes. La description de l'agriculture possède
la période d'un combat décisif contre le ici une valeur symbolique. Elle renvoie au
diable (Le 4, 1-13). « savoir-faire» de Dieu en matière de
Le cadre de la première multiplication des conduite des hommes. Ceci s'applique plus
pains, opérée par Jésus, est un lieu désert particulièrement au soin que Dieu prend
qui rappelle !'Exode et le don de la manne. d'Israël, son champ d'élection, sa «part»,
Ce lieu a été choisi pour le repos et la son « héritage ».
réfection des apôtres, fatigués de leur pre-
mière mission. Prêtez l'oreille, écoutez-moi,
soyez attentifs, écoutez ma parole.
Jésus leur dit : « Venez vous-mêmes à l'écart Est-ce tout le temps que le laboureur, en vue des
dans un lieu désert et reposez-vous un peu. » De semailles,
fait~ 'les· arrivants et les partants étaient si nom- laboure, creuse et herse la terre ?
breux que les apôtres n'avaient pas même le N'est-il pas vrai qu'il en aplanit la surface,
temps de manger. [Mc 6, 31.] puis répand la nigelle et sème le cumin,
met le blé et l'orge, l'épeautre en lisière?
Rejoint dans le désert par la foule, Jésus Or, c'est son Dieu qui lui_ enseigne la règle à
va transformer les modestes provisions des suivre et qui l'instruit.
apôtres en une provende capable de nourrir La nigelle ne doit pas être écrasée avec le traî-
une foule. L'arrière-fond désertique, le vide neau à battre
ambiant, donne à ce miracle un singulier et les roues du chariot ne doivent pas passer sur
relief. le cumin,
mais c'est au bâton qu'on bat la nigelle et au
fléau le cumin.
Le froment est-il broyé?
UN DIEU AGRICULTEUR Non, ce n'est-pas indéfiniment qu'on le bat.
On fait passer dessus les roues du chariot et
l'attelage)
mais on ne le broie pas.
Un Dieu habile et patient comme un paysan. Cela aussi vient du SEIGNEUR Sabaot,
qui se montre d'un merveilleux conseil
Un très beau texte d'Isaïe évoque Dieu et d'un grand savoir-faire. [Is 28, 23-29.l
d'une manière surprenante : il voit en lui
l'ingénieur en chef de toute agriculture. On Ce texte doit être mis.en relation avec un
esf tehté de voir, dans_ cette démarche, le autre, extrait du livre de Qohélet, dit !'Ecclé-
mouvement naturel d'esprits primitifs qui siaste. On ne voit trop souvent dans son
attribuent volontiers à une divinité l'origine auteur qu'un vieux sage désabusé; il s'agit
de toutes les techniques et un patronage en fait d'un grand scribe inspiré, capable de
efficace sur le labeur des terriens qui ne sont saisir une dimension fondamentale : le
plus alors que des apprentis. Telle n'est pas, temps qui passe ne doit pas être confondu
pourtant, l'intention de ce passage. avec la durée des choses. Le temps se
Il s'agit d'une parabole de la Sagesse mesure, mais ce comput n'a rien à voir avec
divine, source de toutes les sagesses humai- la durée, conçue comme le dynamisme pro-

101
LES SYMBOLES BIBLIQUES

pre de l1existence. Le sens de la durée d'un L'agriculture divine.


être ou d'un groupe rassemble les événe-
ments d'une vie en un tout homogène. Dans le Nouveau Testament, les parabo-
Chaque événement devient un signe qui les « agricoles » révèlent à _la fois les secrets
conforme le sens d'une trajectoire. Ce qui, du Royaume des cieux et la nature du Père
perçu séparément, demeurerait hétéroclite céleste.
retrouve son unité signifiante dans une vi- Ce Père céleste,. le Créateur, est ainsi
sion globale, qu'il s'agisse d'un itinéraire présenté comme le maître d'un champ qui
personnel ou du parcours historique d'une est le monde. C'est là l'œuvre de sa force
collectivité. généreuse, épandue en dehors de lui, façon-
Le texte a commencé par une litanie du née dans son Fils qui est la Parole incréée,
style : activée et sans cesse reprise par la puissance
de !'Esprit.
Il est un temps pour planter Une terre devîent un champ quand elle
et un temps pour arracher le plant. [Qo 3,2.] s'ouvre à la semence. La terre peut être aussi
Mais, passant du travail agricole au labeur le cœur de l'homme qui accueille la force
artisanal, Qohélet poursuit : séminale de la Parole de Dieu. Tel est le sens
de la parabole du semeur.
Quel profit a l'artisan dti" travail qu'il fait?
Je vois l'occupation que Dieu a donnée Le semeur est sorti pour semer sa s_emence. Et
aux fils d'Adam pour qu'ils s'y occupent. comme il semait, une partie du grain est tombée
Il a fait toute chose belle en son temps ; au bord du chemin; on l'a foulée aux pieds et les
à leur cœur il donne même le sens de la durée oiseaux du ciel ont tout mangé. Une autre est
sans que l'homme puisse découvrir tombée sur le roc et, après avoir poussé) elle s) est
l'œuvre que fait Dieu depuis le début jusqu'à la desséchée faute d'humidité. Une autre est tom-
fin. [Qo 3, 9-11.] bée au milieu des épines et les épines, poussant
avec elle, l'ont étouffée. Une autre est tombée
Un oracle messianique montre, en Isaïe, la dans la bonne terre, a poussé et donné du fruit
régénérescence du peuple abattu par le châ- au centuple. [Le 8, 5-8; voir aussi Mt 13, 3-9;
timent divin. Les habitants de Sion qui Mc 4, 1-9.]
portaient le deuil retrouvent l'enthousiasme. La maladresse de ce semeur paraît invrai-
Une image forestière vient appuyer une semblable. Elle est, en fait, un détail essen-
certitude : c'est bien là l'œuvre d'un Dieu tiel qui renvoie à la générosité du Père. Il
pépiniériste. dispense _ses don,s, sans le souci de rentabi-
On les appellera « térébinthes de la justice, lité qui affecte le commerce des hommes.
plantations du SEIGNEUR, Cette parabole est l'écho de la parole qui
destinés à manifester sa splendeur». [Is 61, 3.] justifie l'amour des ennemis. En effet, Jésus
a dit:
Oui, comme la terre fait sortir ses germes,
et un jardin germer ses semences, Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous
ainsi, le SEIGNEUR fera germer la justice persécutent, afin d'être vraiment les fils de votre
et la- louange face à toutes les nations. [1s 61, 11.] Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil

102
LA TERRE

sur les méchants et sur les bons, et tomber la Il en est du Royaume de Dieu comme d'un
pluie sur les justes et sur les injustes. homme qui aurait jeté du grain en terre : qu'il
[Mt 5, 44-45.] dorme ou qu'il se lève, la _nuit ou le jour, la
semence germe et pousse, il ne sait comment.
L'enseignement de la parabole du semeur D'elle même, la terre produit d'abord l'herbe,
n'est pas une évaluation morale d'un acte, de puis l'épi et, quand.le fruit s'y prête, aussitôt il
sa portée, de son fruit. Il y a là une provoca- y met la faucille, parce que la moisson est à point.
tion à la générosité qui donne sans compter, [Mc 4, 26-29.J
sans comptabiliser les mérites. S'ouvrir
Le Père du Royaume céleste, apparem-
comme une bonne terre à la pluie et à la
ment, ne fait rien. On pourrait croire qu'il
semence, c' es_t_ répondre par un « oui» aux
dort. En fait, il couve des yeux son jardin. La
dons sans mesure du maître du champ. Le
seule présence du regard va permettre au
Père .céleste n'est pas l'ouvrier, le journalier
grain minuscule de_prendre toute sa dimen-
de ce champ. Fixé en son éternit_é, il en est
sion. L'apparente inactivité du jardinier est
le pôle, apparemment inactif et pourtant
une somme incalculable de patience et de
source de la vie. Il donne le grain, surveille
vigilance efficaces.
la croissance, il voit venir l'heure des diffé-
rents travaux. Le champ terrestre, c'est le Le Royaume dès-Cieux [... ] est comme un grain
cœur de l'homme pétri de terre mais que de sénevé qui, lorsqu'on le sème sur le sol, est
!'Esprit peut ouvrir à la Parole divine. la plus petite de toutes les graines qui sont sur
L'explication dela parabole déclare:« La la terre ; mais une fois semé, il monte et devient
sèmence, c'estla parole de Dieu» (Le 8, 11). la plus grande de toutes les plantes potagères, et
il pousse de grandes branches, au point que les
Entre l'annonce de la parabole et son oiseaux du _del peuvent s'abriter sous son
intèrprétation, on trouve_ cette sentence : ombre. [Mc 4, 30-32; voir aussi Le 13, 18-19;
Mt 13, 31-32.]
A celuiqui a [le courage de s1ouvrir], il sera
donné et il sera dans la surabondance, mais à Le Maître du champ discerne la plante
celui qui n'a pas [ce courage, qui se renferme parasite, mais sa patience n'est pas que
dans s·a peur, son orgueil ou soil inconscienCe], tolérance : il attend l'heure du jugement, de
ce qu'il a lui sera retiré. [Mt 13, 12.] l'éradication nécessaire.
D'elle-même, la terre assure la genni- Jésus leur proposa une autre parabole : « Il _en va
nation du grain_ Même si l'homme ignore du Royaume des Cieux comme d'un homme qui
le secret de cette -croissance, il reconnaît a semé du bofl: grain dans son champ. Or,
le temps de la moisson. L'expérience crée pendant que les gens dormaient, son ennemi est
en lui une confiance totale en la force venu, il a semé à son tour de l'ivraie, au beau
milieu du blé, et il s'en est allé. Quand le blé est
séminale.
monté en herbe, puis en épis, alors l'ivraie est
Le Père du ciel, en envoyant dans le apparue aussi. Les serviteurs sont allés trouver le
monde sa Parole, son Verbe, incarné dans le propriétaire pour lui dire:« Maître, n'est-ce pas
Fils, a semé un.grain voué à la mort ·pour du bon grain que tu as semé dans ton champ?
renaître, multiplié par la puissance de cette D'où vient donc qu'il s'y trouve de l'ivraie?
fructification spirituelle. - C est quelque ennemi qui a fait cela, leur

103
LES SYMBOLES BIBLIQUES

répond-il. - Veux-tu que nous allions la ramas- Pour Jean Baptiste, le péché stérilise
ser?, reprennent les serviteurs. - Non, dit-il, l'homme et la pénitence lui rend sa fécondité.
vous risqueriez, en ramassant l'ivraie, d'arracher Les images, ici, sont prises à l'arboriculture.
en même tèmps le blé. Laissez l'un et l'autre
croître ensemble jusqu'à la moisson, et au mo- Produisez donc un fruit digne du repentir.
ment de la moisson, je dirai aux moissonneurs : [Mt 3, 8.J
Ramassez d'abord l'ivraie et liez-la en bottes que
l'on fera brûler, et puis vous recueillerez le blé Déjà la cognée se trouve à la racine des- arbres ;
tout arbre donc qui ne produit pas du bon fruit
dans mon grenier.» [Mt 13, 24-30.]
va être coupé et jeté au feu. [Mt 3, 10.]
L'explication de la.parabole est riche en
La parabole du figuier stérile exptime la
enseignements.
même idée. Ici pourtant, l'ouvrier est le vrai
Celui qui sème le bon grain, c'est le Fils de maître du champ. Moins pressé que le
l'homme ;le champ, c'est le monde; le bon grain, propriétaire, il est l'homme de la longue
ce sont les sujets du Royaume; l'ivraie, ce sont patience qui laisse à l'arbre une chance de
les sujets du Mauvais ; l'ennemi qui la sème, c'est retrouver sa fécondité.
le Diable ; la moisson, c'est la fin du monde ; et
les moissonneurs, ce sont les anges. De même Jésus leur dit encore la parabole que voici:« Dn
qu'on enlève l'ivraie et qu'on la consume au feu, homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il
de même en sera-t-il à la fin du monde : le Fils vint y chercher des fruits et n'en trouva pas. Il dit
de l'homme enverra ses anges qui ramasseront de alors au vigneron : ('Voilà -trois ans que j_e viens
son Royaume tous les scandales ·et tous les fau- chercher des fruits sur ce figuier et je n'en trouve
teurs d'iniquité, et les jetteront dans la fournaise pas. Coupe-le; pourquoi donc épuise-t-ille sol?"
ardente : là seront les pleurs et les grincements Mais lui de répondre : "Maître, laisse-le cette
de dents. Alors les justes resplendiront comme le année encore, le temps que je creuse tout autour
soleil dans le Royaume de leur Père. Entende qui et que j'y mette du fumier. Peut-être donnera-t-il
a des • teilles! [Mt 13, 37-43.] des fruits à l'avenir ... Sinon tu le couperas",>>
[Le 13, 6-9.J
Le champ, c'est le monde, la terre qui
peut être labourée, ensemencée, moisson- Le thème du Seigneur maître du champ
née, l'ensemble des cœurs ouverts en attente trouvera son expression parfaite dans le
de la Parole. Mais ce champ est un lieu de symbolisme du Dieu vigneron (voir p. 156
bataille : les paysans jaloux sont capables « La vigne dans le Nouveau Testament»,
parfois de saboter le travail de leurs voisins. dans le chapitre «Lavigne, le vin, la coupe,
L'ennemi ici c'est le Diable, le chef des le sang».)
forces obscures, qui tente de stériliser les
cœurs. Paul utilise le thème de la greffe pour
Devant cette attaque, la parade du Maître éclairer l'étrange arboriculture de Dieu. La
du champ est la patience. Il attendra le jour communauté chrétienne a été greffée sur le
du Jugement pour opérer le discernement : tronc d'Israël. Elle ne doit pas s'enorgueillir
en ce jour, la nature des êtres sera dévoilée, de cette opération, mais découvrir là une
démasquée et les êtres nocifs seront mis hors action de la grâce qui inverse parfois ce que
d'état de nuire. réclame l'ordre naturel.

104
LA TERRE

Or, si les prémices sont saintes, toute la pâte l'est mon alliance entre toi et moi, je te ferai proliférer
aussi ; et si la racine est sainte, les branches le à l'extrême. [Gn 17, 1-2.J
sont aussi. Mais si quelques-unes des branches
ont été coupées, tandis que toi, olivier sauvage, Fort de cette promesse, Abraham envoie
tu_ as été greffé parmi les branches restantes de un serviteur en quête d'une femme pour son
l'olivier pour avoir part avec elles à la richesse de fils. Il lui dit :
la racine, ne va pas faire le fier aux dépens des
branches. Tu peux bien faire le fier! Ce n'est pas Le SEIGNEUR en présence de qui j'ai marché en-
toi qui portes la racine, mais c'est la racine qui verra son ange avec toi et fera réussir ton voyage :
te porte. Tu diras sans doute : des branches ont tu prendras pour mon fils une femme de ma
été coupées pour que je sois greffé. Fort bien. famille et de la maison de mon père. [Gn24, 40.]
Elles ont été coupées à cause de leur infidélité,
Quand Jacob bénit Joseph panni ses frè-
et toi, c'est par la foi que tu tiens. Ne t' enorgueil-
lis pas, crains plutôt. Car, si Dieu n'a pas épargné
res, il dit :
les branches naturelles, il ne t'épargnera pas non Le Dieu en présence de qui ont marché mes
plus. Considère donc la bonté et la sévérité de pères Abraham et Isaac,
Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, le Dieu qui fut mon berger dep_uis que j'existe
bonté envers toi, pourvu que tu demeures en jusqu'à ce jour,
cette bonté ; autrement tu seras retranché, toi
l'ange qui m'a délivré de tout mal,
àussi. Quant à eux, s'ils ne demeurent pas dans
l'infidélité, ils seront greffés, eux aussi; car Dieu qu'il bénisse ces garçons. [Gn 48, 15-16.]
a le pouvoir de les greffer de noll.veau. Si toi, en
Au temps de !'Exode, Dieu se fait le guide
effet, retranché de l'olivier sauvage auquel tu
de son peuple.
appartenais par nature, tu as été, contrairement
à- ta nature, greffé sur l'olivier franc, combien Le SEIGNEUR lui-même marchait à leur tête :
plus ceux-ci seront-ils greffés sur leur propre colonne de nuée le jour pour leur ouvrir la route,
olivier auquel ils appartiennent par nature ! colonne de feu la nuit pour les éclairer.
[fun 11, 16-24.] [Ex 13, 21.]

Moïse précise même le détail de l'itiné-


raire fixé par Dieu :
Les chemins de Dieu sur la terre
Puis nous nous sommes tournés pour partir vers
Les auteurs de la Bible ont les pieds sur le désert, sur le chemin de la mer des Joncs,
terre : quand ils veulent parler de la conduite comme le SEIGNEUR me l'avait dit, et nous avons
de Dieu et du cheminement spirituel des contourné longtemps la montagne de Séïr.
hommes, le verbe« marcher » leur vient tout [Dt 2, l.]
naturellement à l'esprit. C'est en guerrier que le Seigneur marche,
Quand il s'appelait encore Abram, le avec l'armée de son peuple, pour le défen-
premier patriarche entendit la voix de dre. ·
Dieu:
C'est le SEIGNEUR votre Dieu qui marche avec
C'est moi le Dieu puissant. Marche en ma vous, afin de combattre pour vous contre vos
présence et sois intègre. Je veux te faire don de ennemis, pour venir à votre secours. [Dt 20, 4.]

105
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le chemin de Dieu est une voie spm- où avaient marché leurs pères qui avaient écouté
tuelle. Moïse dit : les commandements du SEIGNEUR. Ug 2, 17.]

Tu te souviendras de toute la route que le Dans une circonstance plus particulière,


SEIGNEUR t'a fait parcollrir depuis quarante ans Jérémie utilisera aussi le symbolisme de la
dans le désert, afin de te mettre dans la pau- croisée des chemins. C'est l'heure où Dieu
vreté; ainsi il t'éprouvait pour connaître ce qu'il décide de ne plus combattre pour son peu-
y avait dans ton cœur. [Dt 8, 2.] ple qu'il va châtier : il lui doune l'ordre
d'abandonner Jérusalem assiégée par N abu-
La conduite de Dieu respecte la liberté des chodonosor. La ville est condamnée, seule la
hommes : le chemin d'Israël se trouve devant fuite de ses habitants sauvera leur vie.
un carrefour. C'est l'heure du choix et Dieu
adresse à son peuple un solennel avertisse- Ainsi parle le SEIGNEUR. Voici, je place devant
vous le chemin de la vie et le chemin de la mort.
ment:
Qui restera dans cette ville mourra par l'épée, la
Vois, je mets aujourd'hui devant toi la vie et le famine et la peste ; mais qui en sortira et se
bonheur, la mort et le malheur, moi qui te rendra aux Chaldéens, vos .assaillants, vivra, il
commande aujourd'hui d'aimer le SEIGNEUR ton aura sa vie comme butin. Ur 21, 8-9.]
Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses
Les livres sapientiaux reprennent l'image
commandements, ses lois et ses coutumes.
de l'embranchement pour avertir le jeune
Alors tu vivras, tu deviendras nombreux, et
le SEIGNEUR ton Dieu te bénira dans le pays homme qui se laisse entraîner à l'adultère.
où tu entres pour en prendre possession. En prenant la mauvaise voie, celui-ci ne se
[Dt 30, 15-16.J rend pas compte qu'il est en danger de mort
et passible de la condamnation formulée par
Mais Dieu connaît la faiblesse du cœur de le Lévitique (Lv 20, 10). Il peut être aussi
l'homme : l'infidélité de son peuple est victime de la vengeance du mari bafoué. Le
toujours possible. père dit donc à son fils :
Mais si ton cœur se détourne, si tu n'écoutes pas, Que ton cœur ne dévie pas vers ces chemins,
si tu te laisses entraîner à te prosterner devant ne s'égare pas dans ces sentiers. [Pr 7, 25.]
d'autres dieux et à les servir, je vous le déclare
Le Sage décrit alors la folie, le pouvoir
aujourd'hui : vous disparaîtrez totalement, vous
ne prolongerez pas vos jours sur la terre où tu vas dangereux d'une femme pervertie :
entrer pour en prendre possession en passant le Nombreux ceux qu'elle a frappés de mort
Jourdain. Je prends aujourd'hui à témoin contre et les plus robustes furent tous ses victimes.
vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la Sa demeure est la demeure du Shéol,
mort. Choisis donc la vie. [Dt 30, 17-19.] la pente vers le parvis des morts. [Pr 7, 26-27.l
De fait, sur le chemin de !'Exode, l'infidé- La Sagesse se trouve, elle aussi, à la
lité d'Israël se manifestera. croisée des routes pour inviter l'homme à
prendre le chemin de la raison.
Même leurs juges, ils ne les écoutèrent pas, car ils
se prostituèrent à d'autres dieux et se prosternè- La Sagesse n'appelle-t-elle pas?
rentdevant eux ; ils s'écartèrent très vite du chemin L'intelligence n'élève-t-elle pas la voix?

106
LA TERRE

Au sommet des hauteurs qui dominent la route, forces ténébreuses et malignes. Isaïe, ici,
au croisement des chemins, elle se poste ; provoque Dieu :
près des portes, à l'entrée de la cité,
sur les voies d'accès, elle s'écrie : Éveille-toi, éveille-toi !
« Humains ! C'est vous que j'appelle, Revêts-toi de force, bras du SEIGNEUR.
ma voix s'adresse aux enfants des hommes.» Éveille-toi comme aux jours d'autrefois,
[Pr 8, 1-4.] des générations de jadis.
N'est-ce pas toi qui as fendu Ra.hab,
Il existe un chemin de la paix et uu transpercé le Dragon ?
chemin de la guerre. Le chemin du méchant N'est-ce pas toi qui as désséché la mer,
est tortueux, dangereux : c'est la voie de la les eaux du Grand Abîme ?
discorde et du conflit. Qui as fait du fond de la mer un chemin,
pour que passent les rachetés? [Is 51, 9-11.]
Ils n'ont pas connu la voie de la paix,
le droit ne suit pas leurs traces, Un psaume insiste sur l'aspect mystérieux
ils se font des sentiers tortueux, du chemin de Dieu. Seul le Seigneur est
quiconque les suit ignore la paix. capable de tailler une route dans cet élément
[Is 59, 8.] (cité par Paul, Rm 3, 17.) insaisissable qu'est l'eau.
À l'heure de la naissance de Jean Baptiste, Sur la mer fut ton chemin,
son père, Zacharie, entonne un cantique. Le ton sentier sur les eaux innombrables.
Messie qui vient est le seul Astre, le seul Et tes traces, nul ne les connaît. [Ps 77, 20.]
Guide capable de montrer le chemin de la Un proverbe« numérique» montre que la
paix. Si Jean Baptiste a pour ruission de création est comme chiffrée par les traces de
préparer les voies du Sauveur (Le 1, 76), Dieu. Dans l'esprit du Sage, cette évocation
seul« !'Astre d'en haut »,Jésus Christ peut: de l'inconnu renvoie l'homme vers le pro-
« illuminer ceux qui demeurent dans les fond secret du Dieu caché, inconnaissable.
ténèbres et l'ombre de la mort, afin de
guider nos pas dans le chemin de la paix». Il est trois choses qui me dépassent
(Le 1, 79.) et quatre que je ne connais pas :
Dans l'Ancien Testament, le Grand Che- le chemin de l'aigle dans les deux,
min est celui de !'Exode. Pour Isaïe, cette le chemin du serpent sur le rocher,
le chemin du vaisseau en haute mer,
Voie commence par un passage frayé dans la
le chemin de l'homme chez la jeune femme.
mer_ Le prophète, pour évoquer le mystère
[Pr 30, 18-19.]
de l'eau profonde, cite Rahab et le Dragon
primordial, monstres mythiques qui dési- Après la déportation à Babylone, le che-
guaient jadis le chaos et le mal. Ces bêtes min qui ramène les exilés en leur patrie
fantastiques désignent aussi l'Égypte, per- prend une grande valeur symbolique. Ce
vertie par son orgueil et sa violence. La retour signifie également la conversion du
victoire sur la mer est donc considérée peuple à son Seigueur. Isaïe invite israël à
comme un triomphe sur les puissances préparer ce départ, à ôter tous les obstacles
maléfiques. Le passage par l'eau est une visibles et invisibles qui pourraient s'oppo-
brèche, une fissure opérée dans l'empire des ser à cette libération.

107
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Une voix proclame _: Jérémie invite Israël à_ faire une pause sur
« Dans le désert dégagez son chemin et à réfléchir.
un chemin pour le SEIGNEUR, Amsi parle le SEIGNEUR :
nivelez dans la steppe Arrêtez-vous sur les routes pour faire le point,
une chaussée pour votre Dieu. renseignez-vous sur les sentiers traditionnels.
Que tout vallon soit relevé, Où est la route du bonheur? Alors suivez-la
que toute colline et toute montagne soient ra- et vous trouverez le repos pour vos âmes.
baissées. » [Jr 6, 16.]
[Is 40, 3-4.] (Voir aussi Is 57, 14.)
Mais le péché peut toujours faire trébu-
Ce texte sera repris par Jean Baptiste cher le peuple sur la route qui doit le
pour annoncer la venue du Messie (Mt 3, 3). conduire vers son Seigneur. Dieu dit :
Les 'rapatriés de l'exil doivent traverser un Mon peuple, lui, m'a oublié
désert. Le chemin du retour prend l'allure pour brûler des offrandes
d'un nouvel Exode. à ceux qui ne sont rien,
qui le font trébucher sur ses routes,
Oui, je vais mettre en plein désert un chemin, sur les chemins traditionnels,
dans la lande, des sentiers ; et il prend des sentiers,
les bêtes sauvages me rendront gloire, des routes non frayées.
les chacals et les autruches ; Aussi transforme-t-il son pays
car je procure en plein désert de l'eau, en une étendue désolée
des fleuves dans la lande, qui toujours arrachera des cris d'effroi.
pour abreuver mon peuple, mon élu, [Jr 18, 15-16.]
le peuple que j'ai formé pour moi
et qui redira ma louange. [1s 43, 19-21.] Les Psaumes et les Proverbes décrivent le
bon chemin, celui qui mène à Dieu :
Isaïe décrit encore ce chemin comme une Tu m'apprendras le chemin de la vie,
voie royale, une digue élevée au-dessus devant ta face, plénitude de joie. [Ps 16, 11.]
d'une plaine bien irriguée. Cette route est Mon pied se tient sur le droit chemin.
celle d'un peuple purifié.
[Ps 26, 12.l
Il y aura une chaussée et un chemin, Le SEIGNEUR lui-même donnera le bonheur
on l'appellera la voie sacrée ; et notre terre donnera son fruit ;
l'impur n'y passera pas ; Justice marchera devant lui
c'est Lui qui pour eux ira par ce chemin, et ses pas traceront le chemin. [Ps 85, 13-14.]
et les insensés ne s'y égareront pas. Veille à ce que mon chemin ne soit pas fatal,
Il n'y aura pas de lion conduis-moi sur le chemin d'éternité.
et la plus féroce des bêtes n'y montera pas, [Ps 139, 24.]
on ne l'y rencontrera pas, Les chemins de la Sagesse sont des chemins de
mais les rachetés y marcheront. délices,
Ceux qu'a libérés le SEIGNEUR-reviendront, tous ses sentiers sont une voie vers le bon-
ils arriveront à Sion criant de joie, heur. [... ]
portant sur leur tête une joie éternelle. Tu iras ton chemin en sécurité,
[Is 35, 8-10.] ton pied n'achoppera pas. [Pr 3, 17 et 23.]

108
LA TERRE

Deux chemins s'opposent : Dans le Nouveau Testament, Jésus che-


mine beaucoup. Sur sa route, il rencontre la
La route des justes est comme la lrunière de
l'aube, Samaritaine (Jn 4, 1-42). Il guérit l'aveugle
dont l'éclat grandit jusqu'au plein jour; qui mendiait, assis au bord du chemin (Le
le chemin des méchants est comme l'obscurité : 18, 35). Dans la parabole, le bon Samaritain
ils ne savent pas sur quoi ils trébuchent. ne dévie pas du chemin de la miséricorde
[Pr 4, 18-19.] (Le 10, 29-37).
Épines et pièges sur le chemin des pervers, A Thomas qui lui demande où il va et
qui tient à la vie s'en éloigne. [Pr 22, 5.] comment aller vers le Père, Jésus répond :

Dieu peut dresser des obstacles et tendre Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie.
des pièges sur le chemin des pécheurs. Nul ne vient au Père que par moi. [Jn 14, 6.]
L'homme, sous le coup de la colère divine,
s'exclame: Le mystère de ce chemin s'approfondir
quand Philippe demande à Jésus de lui
Il a barré mes chemins avec des pierres de taille, montrer le Père. Jésus répond alors : « Ne
obstrué mes sentiers. crois-tu pas que je suis dans le Père et que
Il est pour moi un ours aux aguets, le Père est en moi?» (Jn 14, 10.) Il révèle
un lion à l'affût. ainsi que ce chemin est tout intérieur.
Faisant dévier mes chemins, il m'a déchiré, Jésus trace clairement le chemin qui
il a fait de moi une horreur. [Lm 3, 9-11.] conduit à la communion parfaite avec lui.
Pour Osée, Dieu barre le chemin de la Tout commence par l'appel adressé aux
perversion où s'est engagé le peuple d'Israël, pêcheurs de Galilée dont il va faire ses
comme une épouse infidèle à son mari. apôtres. Il leur dit :

Je vais obstruer son chemin avec des ronces, Venez à ma suite et je ferai de vous des pêcheurs
je l'entourerai d'une barrière d'hommes. Laissant aussitôt leurs filets, ils le
pour qu'elle ne trouve plus ses sentiers; suivirent. [Mc 1, 17-18.]
elle poursuivra ses amants et ne les atteindra pas,
elle les cherchera et ne les trouvera pas. Après cette invitation, Jésus va conduire
Alors elle dira : « Je veux retourner vers mon ses disciples plus loin. Il les mène vers un
premier mari. » [Os 2, 8-9.] don total.

Le Seigneur guette les infidèles sur le Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie
lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive.
chemin de leur idolâtrie :
[Mc 8, 34.]
J'ai donc été pour eux comme un liOn,
comme un léopard, près du chemin, Le chemin de la Croix n'est pas une
je me tenais aux aguets ; dévotion facultative, c'est l'itinéraire qu'il
j'ai fondu sur eux comme une ourse privée de ses faut emprunter pour participer, à la suite de
petits, Jésus, au mystère de son amour sauveur.
j'ai déchiré l'enveloppe de leur cœur. C'est sur le chemin d'Emmaüs que Jésus
[Os 13, 7-8.] révèle le sens de sa mission (Le 24, 13-35).

109
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Quand le Maître s'est effacé aux yeux des LA NOUVELLE TERRE


deux pèlerins, ils s'écrient :
Notre cœur n'était-il pas tout brûlant au-dedans La nouvelle terre, c'est d'abord la terre
de nous, quand il nous parlait en chemin, quand
retrouvée après l'exil. Cette terre, soulagée
il nous expliquait les Écritures? [Le 24, 32.]
du poids du péché, est transfigurée et re-
Pour Paul, le chemin qui le conduit à trouve sa fécondité.
Damas est aussi le lieu de sa rencontre avec Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu : me voici ! Je le
le Seigneur (Ac 9, 1-9). jure la main levée : les nations, qui vous entou-
L'épître aux Hébreux décrit admirable- rent, porteront leur propre déshonneur. Vous,
ment le chemin de la foi d'Abraham et des montagnes d'Israël, vous ferez pousser vos bran-
patriarches. ches et vous porterez votre fruit pour mon
peuple d'Israël, car il va bientôt revenir. Oui, je
Grâce à la foi, Abraham obéit à l'appel de Dieu; viens vers vous, je me tourne vers vous monta-
il partit vers un pays qui devait lui être donné en gnes : vous serez cultivées et ensemencées. Je
héritage. Et _il partit sans savoir où il allait. Grâce multiplierai sur vous les hommes, la maison
à la foi, il vint séjourner comme un étranger dans d'Israël tout entière, les villes seront habitées, les
la Terre promise; c'est dans un campement qu'il ruines reconstruites. [Ez 36, 6-10.]
vivait, ainsi qu'Isaac et Jacob, héritiers de la
même promesse que lui, car il attendait la cité On dira : Ce pays qui était dévasté est devenu
qui aurait de vraies fondations, celle dont Dieu comme un jardin d'Éden. [Ez 36, 35.]
lui-même est le bâtisseur et l'architecte. Ces textes semblent être l'écho d'une
[He 11, 8-10.]
exhortation d'Isaïe qui rappelait que Dieu
Le cheminement perpétuel de la foi carac- est maître de la fécondité du sol et seul
térise la condition du croyant. Cette destinée capable de créer un jardin paradisiaque.
n'est pas une errance sur des chemins hasar- Oui, le SEIGNEUR réconforte Sion,
deux, mais une perpétuelle « marche à il réconforte toutes ses dévastations ;
l'Étoile » qui ne permet jamais le retour à il rend son désert pareil à un Éden
une demeure fixe. et sa steppe pareille au jardin du SEIGNEUR;
on y trouvera enthousiasme et jubilation,
C'est dans la foi qu'ils sont tous morts sans avoir actions de grâce et son de la musique. [Is 51, 3 .]
connu la réalisation des promesses ; mais ils
l'avaient vue et saluée de loin, affirmant que, sur Considérée en sa seule matérialité, la terre
la terre, ils étaient des étrangers et des voyageurs. de la première création est fragile et cadu-
Or, parler ainsi, c'est montrer clairement qu'on que. Seule l'éternelle puissance de Dieu peut
est à la recherche d'une patrie. S'ils avaient pensé la transfigurer.
à celle qu'ils avaient quittée, ils auraient eu la
possibilité d'y revenir. En fait, ils aspiraient à Levez vos yeux vers les cieux,
une patrie meilleure, celle des deux. Et Dieu n'a puis regardez en bas vers la terre ;
pas refusé d'être invoqué comme leur Dieu, oui, les cieux, comme une fumée, s'effilocheront,
puisqu'il leur a préparé une cité céleste. la terre, comme un habit, s'usera
[He 11, 13-16.J et ses habitants mourront comme des insectes.

110
LA TERRE

Mais mon salut sera là pour toujours en effet, l'exultation que je vais créer
et ma justice ne sera pas terrassée. [Is 51, 6.] ce sera Jérusalem,
et l'enthousiasme ce sera son peuple;
Le prophète appelle de tout sou cœur oui, j'exulterai au sujet de Jérusalem
l'intervention du Seigneur. et je serai dans l'enthousiasme
Surgis, Surgis, revêts-toi de puissance, au sujet de mon peuple !
bras du SEIGNEUR, Désormais, on n'y entendra plus retentir
surgis comme aux jours du temps passé. ni pleurs, ni cris.
[Is 51, 9.] Il n'y aura plus là de nourrisson emporté en
quelques jours,
Cette puissance créatrice et salvatrice du ni de vieillard qui n'accomplisse pas ses jours;
Seigneur va recréer un paradis qui réunira, le plus jeune, en effet, mourra centenaire,
dans l'harmonie et la paix, toutes les formes et le plus malchanceux, c'est centenaire aussi
de vie. La réconciliation de l'homme et du qu'il deviendra moins que rien. [Is 65, 17-20.]
serpent efface l'effet du fruit vénéneux de
À la fin de ce chapitre, on découvre le
l'ancienne faute.
reflet du tableau paradisiaque dépeint pré-
Le loup habite avec l'agneau, cédemment (en Is 11, 6-9) : « le loup et
la panthère se couche près du chevreau, l'agneau brouteront ensemble, ... »
veau et lionceau paissent ensemble PatÙ reprend ainsi le thème de cette re-
sous la conduite d'un petit garçon. création cosmique :
La vache et l'ourse lient amitié,
leurs petits gîtent ensemble. La création en attente aspire à la révélation des
Le lion mange de la paille comme le bœuf. fils de Dieu ; si elle est assujettie à la vanité,
Le nourrisson s'amuse sur le trou du cobra, - non qu'elle l'eût voulu, mais à cause de celui
sur le repaire de la vipère, l'enfant met la main. qui l'y a soumise-, c'est avec l'espérance d'être
On ne fait plus de mal ni de ravages elle aussi libérée de la servitude de la corruption
sur toute ma sainte montagne, pour entrer dans la liberté de la gloire des
car le pays est rempli de la connaissance du enfants de Dieu. Nous le savons en effet, toute
SEIGNEUR la création, jusqu'à ce jour, gémit en travail
comme les eaux comblent la mer. [Is 11, 6-9.] d'enfantement. Et non pas elle seule : nous-
mêmes qui possédons les prémices de l'Esprit,·
Le Seigneur opère une nouvelle création.
nous gémissons nous aussi intérieurement dans
Il crée un ordre nouveau, il crée, pour son l'attente de la rédemption de notre corps.
peuple, une joie définitive qui a pour source [Rm 8, 19-23.l
son propre bonheur divin. La mort demeure
certes, mais ses interventions absurdes et Dans la perspective de cette nouvelle créa-
scandaleuses sont supprimées. tion, l' Apocalypse situelanouvelleJ érusalem.
Ici, la mort n'est pas setÙement privée de ses
Voici que je vais créer des cieux nouveaux
et une terre nouvelle ; interventions scandaleuses, elle est éliminée.
ainsi le passé ne sera plus rappelé, En de nombreux textes, PatÙ a déjà montré
il ne remontera plus jusqu'au secret du cœur. que le Christ, par sa résurrection, a vaincu la
Au contraire, c'est un enthousiasme mort. Le nouveau monde évoqué par l' Apoca-
et une exultation perpétuels que je vais créer ; lypse se substitue à l'ordre terrestre fragile,

111
LES SYMBOLES BIBLIQUES

temporel et transitoire. Le nouveau ciel et comme une jeune mariée parée pour son époux.
la nouvelle terre se rejoignent. L'unité lumi- J'entendis alors W1e voix clamer, du trône :
neuse du- nouveau monde tient sa clarté de « Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il
la splendeur de l' Agneau immolé. aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple
et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera
Puis, je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle toutes larmes de leurs yeux ; de mort, il n'y en
- le premier ciel, en_ effet) et la première terre aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n'y en
ont disparu, et de mer il n'y en a plus. Et je vis aura plus, car l'ancien monde s'en -est allé.»
la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait [Ap 21, 1-4.J
du ciel, de chez Dieu j elle s'est faite belle, 112
LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE
VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE
La montagne qui touche le ciel. vent enrobe la montagne, et pousse vers elle
La tour de Babel. une couronne de nuages qui semblent dési-
La sainte montagne d'Israël. gner sa royauté.
La plupart des grandes civilisations ont
Le -Très-Haut et la montée vers Dieu. été fascinées par les montagnes. Mythes et
Le Dieu d'en haut. légendes) rituels et pèlerinages, ont souvent
La montée vers Dieu. déifié la montagne. La Bible lui a donné la
Jésus sur les montagnes. parole pour révéler le mystère du Très-Haut,
l'unique Seigneur d'Israël.
Les montagnes saintes
et les lieux sacrificiels.
Les montagnes des dieux. Sion.
Le sacrifice d'Abraham. LA MONTAGNE
Les « hauts lieux ». QUI TOUCHE LE CIEL
Dieu comme rocher. Les rochers de Dieu.
La citadelle et la cité de Dieu.
La tour de Babel.
Parmi toutes les réalités géographiques
chargées d'un pouvoir symbolique, la mon- Le texte de la Genèse (Gn 11, 1-9) fait
tagne tîent une place éminente. Elle touche allusion à des tours-sanctuaires babylonien-
le ciel, et la gravir est un acte religieux. Elle nes nommées ziggourat. Ces édifices com-
est le premier sanctuaire et le premier autel. portaient des étages et des chambres saintes.
On peut l'imaginer comme le centre ou l'axe Les légendes anciennes montrent le grand
du monde lorsque, d'un pic culminant, se dieu Mardouk entrant dans le sanctuaire du
découvre un paysage à perte de vue. sommet (Le mythe d'Éra, 2' tablette, 3).
Tous les éléments semblent s'être donné Quant à l'épopée de Gilgamesh, elle pré-
rendez-vous dans la montagne, cette masse sente le héros du Déluge sacrifiant sur une
terrestre. Le volcan crache le feu, un haut ziggourat, après la décrue des eaux (Épopée
sommet se drape dans les neiges éternelles de Gilgamesh, 11' tablette, 157): Les témoi-
pour dispenser l'eau, source de la vie. Le gnages historiques anciens décrivent ces

115
LES SYMBOLES BIBLIQUES

masses énormes, qui pouvaient mesurer cent La terre entière se servait de la même langue et
mètres de côté à la base, et tout autant en des mêmes mots. Or, en se déplaçant vers
hauteur. l'orient, les hommes découvrirent une plaine
Le dieu pouvait séjourner dans le sanc- dans le pays de Shinéar et y habitèrent. Ils se
dirent l'un à l'autre : «Allons! Moulons des
tuaire du sommet, certains disent qu'il y
briques et cuisons-les au four. » Les briques leur
résidait. Descendait-il dans le sanctuaire servirent de pierres et le bitume de mortier.
d'en-bas ? Quelle que soit la réponse, la «Allons!, dirent-ils, bâtissons-nous une ville et
ziggourat était la représentation d'une mon- une tour dont le sommet touche au ciel. Fai-
tagne qui unissait le ciel à la terre. La ziggou- sons-nous un nom afin de ne pas être dispersés
rat de Babylone se nommait « Temple du sur toute la surface de la terre.» [Gn 11, 1-4.J
fondement du ciel et de la terre». C'est à cet
édifice que fait allusion le récit biblique de Cette opération, pour la Bible, est une
la tour de Babel. Une des clefs de cet épi- double faute. Elle prétend mettre le ciel à
sode se trouve dans la Genèse, au chapi- portée de la terre, ce qui est un blasphème.
tre 10. Là est dressée la table des peuples Par ailleurs, la prétention de Babel (le mot
issus de Noé : Sem, Cham et Japhet. Dans veut dire « Porte des dieux ») doit être
la lignée de Cham apparaît Nemrod, dont il rabaissée.
est dit : « Il fut le premier héros sur la terre, L'empire d'un roi mis au rang des dieux
lui qui fut un chasseur héroïque devant le devient alors l'objet d'une critique radicale.
SEIGNEUR» (Gn 10, 8-9). Par un jeu de mots qui fait glisser le nom de
Le chasseur est l'homme qui domine les Babel vers un dérivé du verbe bâlal qui veut
bêtes sauvages ou les monstres. Cette force dire confondre, la tour de Babel va devenir
le désigne pour assurer la royauté ou passer la tour de la confusion.
au rang des dièux. C'est ainsi qu'Hercule Le SEIGNEUR descendit pour voir la ville et la
étrangla de ses mains le lion de Némée, un tour que bâtissaient les fils d'Adam.·« Eh, dit le
fauve qu'aucune arme ne pouvait blesser. Il SEIGNEUR, ils ne sont tous qu'un peuple et
se revêtit de sa peau. Avant d'être un grand qu'une langue, et c'est là leur première œuvre !
dieu, Dionysos Zagraeus était « le grand Maintenant, rien de ce qu'ils projetteront de faire
chasseur». ne leur sera inaccessible ! Allons, descendons et
Le chasseur de la Bible, Nemrod, est brouillons ici leur langue, qu'ils ne s'entendent
devenu légendaire, un dicton en est témoin : plus les uns les autres ! » De là, le SEIGNEUR les
dispersa sur toute la surface de la terre et ils
cessèrent de bâtir la ville. Aussi lui donna-t-on le
«Tel Nemrod, un grand chasseur héroïque
nom de Babel, ca_r c'est là que le SEIGNEUR
devant le SEIGNEUR. » Les capitales de son brouilla la langue de toute la terre, et c'est de là
royaume furent Babet Érek, Akkad, toutes les
que le SEIGNEUR dispersa les hommes sur toute
villes du pays de Shinéar. [Gn 10, 10.]
la surface de la terre. [Gn 11, 5-9.]

Nemrod est donc roi en Mésopotamie. La royauté politico-religieuse de Babylone


On retrouve le pays de Shinéar, plaine allu- est ainsi condamnée. On retrouve ici la
viale de la Babylonie, au début du récit de question cruciale qui a toujours interrogé
la tour de Babel. la conscience d'Israël : le problème de la

116
LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

royauté. La royauté des hommes ne conduit- qu'un phénomène météorologique : c'est la


elle pas le souverain terrestre à oublier la théophanie la plus spectaculaire de toute la
prééminence absolue de la royauté divine ? Bible. La montagne tremble, un lourd nuage
crache des éclairs, le paysage est incendié. Le
fracas du tonnerre se module en son de cor
La sainte montagne d'Israël. et finalement en parole divine (Ex 19,
16-19). Le Deutéronome résume l'événe-
Cette montagne sacrée, pour l'Israël du ment en termes plus sobres. Ils' adresse ainsi
Nord, a nom Horeb ; au Sud, elle se nomme aux Israélites :
«Sinaï». Dans les deux cas, il s'agit de la Ce jour-là, vous vous êtes approchés, vous vous
« montagne de Dieu». êtes tenus, debout, au pied de la montagne : elle
L'Horeb est le lieu privilégié où Moïse est était en feu, einbrasée jusqu'en plein ciel dans les
mis en présence du Dieu caché dans l'ardeur ténèbres des nuages et de la nuit épaisse. Et le
d'un buisson qui brûle sans rien consumer. SEIGNEUR vous a parlé du milieu du feu : une
Le prophète s'entend dire : «N'approche voix que vous entendiez, mais vous n'aperceviez
pas d'ici ! Retire tes sandales de tes pieds, aucune forme, il n'y avait rien d'autre que la
car le lieu où tu te tiens est une terre voix, Il vous a communiqué son Alliance, les dix
sainte »(Ex 3, 5). paroles qu'il vous a ordonné de mettre en prati-
que et il les a écrites sur deux tables de pierre.
Au cours de son exode, le peuple de Dieu
[Dt 4, 11-13.]
infléchit son itinéraire vers le sud. Il passe
par le grand massif montagneux du Sinaï, Face à cette montagne rayonnante, mais
dont les sommets culminent à plus de 2000 dangereuse par l'énergie divine qu'elle dé-
mètres. La Bible signale un plateau, voisin ploie et la transcendance qu'elle manifeste,
de la « Montagne de Dieu». C'était là un des précautions s'imposent. Des purifica-
espace favorable au campement et all ras- tions sont requises ; elles demandent plus
semblement. Pour cette raison, la tradition que le lavage des vêtements : le cœur doit
continue d'affirmer que le Djebel Mousa, être préparé comme à la veille d'une grande
qui atteint 2 314 mètres, doit être considéré fête.
comme la sainte montagne de l'Alliance, au Le SEIGNEUR dit à Moïse : « Va vers le peuple et
pied de laquelle le peuple se réunit. sanctifie-le aujourd'hui et demain; qu'ils lavent
Le troisième mois après leur sortie d'Égypte[ ... ], leurs manteaux. Qu'ils soient prêts pour le troi-
les fils d'Israël arrivèrent au désert de Sinaï. Ils sième jour, car le SEIGNEUR descendra sur la
partirent de Refidim, arrivèrent au désert de montagne de Sinaï aux yeux de tout le peuple. »
Sinaï et campèrent dàns le désert. Israël campa [Ex 19, 10-11.]
ici, face à la montagne, mais Moïse monta vers De sévères interdictions créent comme
Dieu. [Ex 19, 1-3.] une barrière de respect autour de la monta-
La sainteté de la montagne va se manifes- gne, devenue un lieu saint :
ter de multiples façons. Fixe des limites pour le peuple en disant :
Tout d'abord par l'orage. La description « Gardez-vous de monter sur la montagne et
qu'en donne le livre de l'Exode révèle plus d'en toucher les abords. » Quiconque touchera la

117
LES SYMBOLES BIBLIQUES

montagne sera mis à mort ! ·Nulle main ne tou- Moïse envoya les jeunes gens d'Israël, ceux-ci
chera le coupable, mais· il sera lapidé ou percé de offrirent des holocaustes et sacrifièrent au SE~-
traits. Ni bête ni homme ne survivra. [Ex 19, Gl'IBUR des taurillons comme sacrifice de paix.
12-13a.J Moïse prit la moitié du- sang et la mit dans les
coupes·; avec le reste du sang, il aspergea l'autel.
Il prit le livre de l'Alliance et en fit lecture au
Cette recommandation se termine par la
peuple, Celui-ci dit:« Tout ce que le SEIGNEUR
révélation que seuls quelques-uns, au signal a dit nous le mettrons en pratique, nous l'enten-
donné, pourront gravir la montagne (Gn 19, drons. » Moïse prit le sang, en aspergea le pellple
136). Outre Moïse, Aaron et ses deux fils, et dit : « Voici le sang de ·l'Alliance que le
soixante-dix des anciens d'Israël feront par- SEIGl'IBUR a conclue avec vous sur la base de
tie de ce groupe choisi (Ex 24, !). toutes ces paroles. » [Ex 24, 5-8.] ·
On note aussi le son de la corne de bélier
qui réglait la marche d'Israël (Ex 19, 13). Le groupe privilégié, qui gravit la monta-
Cet instrument rituel répond en écho à la gne, fait l'expérience de la contemplation de
trompe mystérieuse (Ex 19, 16) qui prélude Dieu. L'orage de la théophanie est passé : le
ciel, pur comme une pierre précieuse, an-
à la voix de Dieu.
La conclusion solennelle de l'Alliance nonce la paix, fruit de l'Alliance. Le ban-
prend d'abord une forme juridique : les quet, que célèbrent ces hommes, est le signe
deux-parties doivent écrire le contrat. Moïse de la convivialité divine que le Seigneur
propose à son peuple.
écrit le mémorandum de la Loi, après le
serment du peuple qui a été tenu à distance Et Moïse monta, ainsi qu' Aaron, Nadav et
(Ex 24, 1-3). Plus tard, le Seigneur lui-même Avihou, et soixante-dix des anciens d'Israël. Ils
remet· à Moïse seul le document original, virent le Dieu d'Israël et, sous ses pieds, c'était
gravé sur des tables de pierre. Le prophète comme une sorte de pavement de lazulite, d'une
devra attendre quarante jours et connaître limpidité semblable au fond du ciel. Sur ces
privilégiés des .fils d'Israël, il ne porta pas la
une nouvelle manifestation de la gloire du
main ; ils contemplèrent Dieu, ils mangèrent et
Seigneur avant la remise définitive de la Loi
ils burent. [Ex 24, 9-11.]
(Ex 24, 12-18).
Auparavant, Moïse a posé l'acte qui suit L'Horeb, montagne de Dieu, réapparaîtra
normalement les manifestations de Dieu : dans le récit biblique quand Élie sera soumis
l'érection d'une stèle. Il s'agit cette fois d'un à rude épreuve. Le prophète, « passionné
autel et de douze pierres qui représentent les pour le Seigneur» et avide de restaurer
douze tribus d'Israël et l'unité qui fait de ces l'unité d'Israël, vieilt de soutenir un dur
groupes un seul peuple de Dieu. « Il [Moïse] combat contre l'idolâtrie. Il a fait tomber le
se leva de bon matin et bâtit un autel au bas feu de Dieu sur un autel de douze pierres,
de la montagne, avec douze stèles pour les symbole de la cohésion du peuple et de la foi
douze tribus d'Israël» (Ex 24, 4). en un Dieu unique. Dans la sainte montagne,
L'autel va recevoir les holocaustes qui non loin du lieu où Moïse érigea douze stèles
concluent le rite de l'Alliance : l'aspersion près d'un autel, il est favorisé d'une théo-
de sang en est le moment le plus signifi- phanie avec vent, feu et tremblement de
catif. terre. La montagne de Dieu demeure en

118
LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

activité, elle reste le point de référence de la C'est du haut du ciel que Dieu écoute et
foi monothéiste et de la fidélité du Dieu de pardonne, qu'il agit et juge, qu'il agrée la
l'Alliance (1 R 19, 7-15). conversion d'Israël pécheur. Quand Dieu
punit par la sécheresse, le ciel, sous le fir-
mament, est fermé. Mais, du haut du ciel
supérieur, le Seigneur peut pardonner et
LE TRÈS-HAUT envoyer la pluie (1 R 8, 30-36). Quand un
ET LA MONTÉE VERS DIEU fléau s'abat sur le pays : famine, peste ou
sauterelles, le fidèle étendra sa main vers le
sanctuaire, mais c'est du haut du ciel que
Le Dieu d'en haut. Dieu pardonnera et fera cesser le désastre.
Même l'étranger sera ainsi exaucé. Quand le
peuple part en guerre, Salomon ne demande
Pour les Hébreux, le ciel règne en deçà et
pas au Seigneur de sortir, comme autrefois,
au-delà du firmament, voûte solide qui porte
avec l'armée-d'Israël : du ciel où il réside,
les étoiles. Cette cosmologie qui peut sem-
Dieu peut donner la victoire (1 R 8, 37-45).
bler naïve illustre, en fait, une certitude de
la foi d'Israël : au-delà de l'horizon matériel, Le ciel illimité semble être le seul lieu
le « ciel de Dieu » est une réalité d'un autre possible pour le Seigneur immense. La pré-
ordre. L'idée de hauteur échappe à tout sence de Dieu dans un temple ne limite-t-elle
repérage selon les trois dimensions de l'es~ pas cette grandeur ? Dieu, par la voix
pace, pour. offrir une perception spirituelle d'Isaïe, pose lui-même cette qüestion :
de la transcendance. Le ciel est mon trône
Au jour de la dédicace, la posture de et la terre est l'escabeau de mes pieds.
Salomon et les formules de sa prière rappel- Quelle est donc la maison que vous bâtirez pour
lent cette immensité divine. moi?
Quel sera l'emplacement de mon repos ?
Salomon se plaça devant l'autel du SEIGNEUR, en [Is 66, !.)
présence de toute l'assemblée d'Israël; il étendit
lès mains vers le ciel et dit : « SEIGNEUR, Dieu Les Actes des Apôtres citeront ce passage
dils'raël, il n'y a pas de Dieu comme toi, ni en (Ac 7, 48-49).
haut dans le ciel, ni en bas sur la terre, pour Le point de vue de Dieu est au-dessus des
garder l'Alliance et la bienveillance envers tes étoiles :
serviteurs qui marchent devant toi de tout leur
Dieu surveille l'armée des corps célestes
cœur. » [1 R 8, 22-23.]
mais les hommes ne sont tous que terre et
Le roi sait bien qu'un temple ne peut cendre. [Si 17, 32.)
contenir le Seigneur. Rien n'échappe au regard du Seigneur
d'en haut.
Est-ce· que vraiment Dieu pourrait habiter sur la
terre? Les cieux eux-mêmes et les cieux des Du haut des cieux, le SEIGNEUR regarde
cieux ne peuvent te contenir ! Combien moins et voit tous les fils d'Adam ;
cette Maison que j'ai bâtie! [! R 8, 27.) du lieu de sa demeure, il observe

119
LES SYMBOLES BIBLIQUES

tous les habitants de la terre ; Ce texte introduit immédiatement à la


lui seul forme leurs cœurs, parole de Jésus, expliquant à Nicodème le
y discerne tous leurs actes. [Ps 33, 13-15.] mystère du baptême.
Ce regard n'est pas hautain mais miséri- En vérité, en vérité, je te le dis,
cordieux : à moins de naître d'en haut,
Le SEIGNEUR s'est penché du haut nul ne peut voir le Royaume de Dieu. L..J
de son sanctuaire En vérité, en vérité, je te le dis,
et des cieux a regardé sur là terre, à moins de naître d'eau et d'.Esprit,
afin d'écouter le soupir du captif nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.
et libérer les clients de la mort. [Ps 102, 20-21.] Un 3, 3 et 5.]
La prière, que Jésus enseigne à ses apô- « D'en haut » est une locution adverbiale
tres, commence par : « Notre Père qui es de lieu. -Mais ce « lieu » divin n'est pas un
dans les cieux.» (Mt 6, 9) et ]'Épître aux objet repérable par la démarche ordinaire de
Hébreux dit que la tente de Dieu se déploie l'esprit. L' œuvre divine du salut, annoncée
au-delà de la création d'ici-bas (He 9, 11). par les prophètes et réalisée par le Christ,
D'en haut, Dieu ne se contente pas fait intuitivement pressentir que cet « en
d'écouter la prière ou de considérer toute haut» est un amour souverainement clair-
chose d'un oeil supérieur. D'en haut, il agit. voyant et efficace. Dieu se tient au faîte de
Il fait tomber son feu sur les sacrifices en tout amour.
signe d'acquiescement (2 M 2, 10) ou par Jésus est l'astre d'en haut qui visite le
châtiment (Lm 1, 13). Sa colère est alors monde (Le 1, 78). Jean Baptiste désigne
celle du lion, sa parole devient un rugisse- ainsi le Christ : « Celui qui vient d'en haut
ment qui secoue le monde. est au-dessus de tout» (Jn 3, 31). Jésus dit
D'en haut le SEIGNEUR rugit, aux Juifs : « Vous êtes d'en bas ; moi je suis
de sa sainte habitation il donne de la voix. d'en haut» (Jn 8, 23).
Il rugit, oui, il rugit contre son domaine À l'heure du jugement de Jésus, Pilate fait
en poussant des cris de fouleurs de raisin figure de simple instrument dans la réalisa-
contre tous les habitants de la terre. tion du plan divin de salut. Quand le Ro-
Le tapage parvient aux confins de la terre. main demande à Jésus : « D'où es-tu?», il
Ur 25, 30-31.J n'obtient pas de réponse.
C'est du haut des cieux, du trône royal, Pilate lui dit donc ; « Tu ne- me par_les pas ? Ne
que s'élance la parole fracassante du Sei- sais-tu pas que j'ai pouvoir de te relâcher et que
gneur (Sg 18, 15). C'est d'en haut qu'est j'ai pouvoir de te crucifier ? »Jésus lui répondit :
envoyé !'Esprit qui peut, comme un prin- « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi, si cela ne
temps de Dieu, régénérer le monde. t'avait été donné d'en haut.» Un 19, 10-11.]
L'épreuve durera :
Peu avant son Ascension, Jésus annonce la
jusqu'à ce que se répande sur nous venue du Saint Esprit :
l'Esprit d'en haut,
et que le désert redevienne un verger, Et voici que moi, je vais envoyer sur vous ce que
un verger qui fait penser à une forêt. [ls 32, 15.] mon Père a promis. Vous donc, demeurez dans

120
LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

)a ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la À l'inverse du roi orgueilleux, le souverain
force d'en haut. [Le 24, 49.] confiant en Dieu bénéficie de sa grâce pré-
Pour Paul, la Jérusalem d'en haut est libre venante.
(Ga 4, 26). TI faut rechercher les choses d'en Oui, le roi se confie dans le SEIGNEUR,
haut (Col 3, 1-2). Pour Jacques, la Sagesse la grâce du Très-Haut le garde du faux pas.
et tout don excellent viennent d'en haut [Ps 21, 8.]
(Je 1,17; 3, 15 et 17).
Quand l'homme se souvient du Très-
. «Très-Haut» (élyôn) est un nom de Dieu
Haut, Dieu se souvient de lui et, sans se
que l'on retrouve cent fois dans l'Ancien
lasser, met un terme à sa colère pour mani-
Testament et neuf fois dans le Nouveau
fester sa tendresse.
Testament (hupsistos).
Ce nom désigne la puissance redoutable Ils se souvenaient : Dieu leur rocher,
du Seigneur. Dieu le Très-Haut, leur rédempteur! [... ]
Lui alors, dans sa tendresse,
Le SEIGNEUR, ses ennemis sont brisés,
effaçait les torts au lieu de dévaster ;
le Très-Haut tonne des cieux. [1 S 2, 10.]
san~ se lasser, il revenait de sa colère
C'est le SEIGNEUR, le Très-Haut, le redoutable, au lieu de réveiller tout son courroux.
lé grand roi sur toute la terre. Il se souvenait : eux, cette chair,
Il tient des peuples sous notre joug souffle qui s'en va et ne revient pas.
et des nations sous nos pieds. [Ps 47, 3-4.J [Ps 78, 35 et 38-39.]
Les Israélites ont eu tort de braver le Le Très-Haut prend soin des hommes et,
Très-Haut. si le médecin soigne, c'est le Seigneur qui
Ils tentaient, ils bravaient Dieu, le Très-Haut, guérit :
se refusaient de garder ses témoignages. [... ] C'est en effet du Très-Haut que vient la guéri-
Dieu entendit et s'emporta, son,
il rejeta tout à fait Israël. [Ps 78, 56 et 59.l comme un cadeau que l'on reçoit du roi.
L'escalade orgueilleuse du roi de Baby- [Si 38, 2.l
lone se termine par une chute spectaculaire. C'est ainsi que le Très-Haut s'approche
Toi qui avais dit dans ton cœur : de l'homme.L'auteur du Deutéronome s' ex-
«]'escaladerai les cieux, clame:
au-dessus dès étoiles de Dieu, j'élèverai mon Quelle est la grande nation dont les dieux se
trône, fassent aussi proches que le SEIGNEUR notre Dieu
je siégerai sur la montagne de l'assemblée, l'est pour nous, chaque fois que nous l'invo-
aux confins du septentrion. quons? [Dt 4, 7.]
Je monterai au sommet des nuages,
je m'égalerai"au Très-Haut.» Le Deutéronome assure que cette proxi-
Mais tu as été précipité au shéol, mité est le fait de la parole divine, capable
dans les profondeurs de l'abîme. de pénétrer le cœur de l'homme. Inutile de
[Is 14, 13-15.l chercher le Seigneur dans l'espace, il est

121
LES SYMBOLES BIBLIQUES

présent dans l'âme de l'homme obéissant et une échelle dont le sommet touchait le ciel ; les
attentif. anges de Dieu y montaient et y descendaient.
[Gn 28, 10-12.J
Car cette Loi que je te prescris aujourd'hui n'est
pas au-delà de tes moyens ni hors de ton atteinte. Deux objets, l'un bien réel, la pierre, et
Elle n'est pas dans les cieux, qu'il te faille dire: l'autre fantastique; l'échelle, donnent tout
« Qui montera pour nous aux cieux pour la son sens à la vision du patriarche.
chercher, que nous l'entendions pour la mettre
Bien que matériel, le gros caillou, qui sert
en pratique?» Elle n'est pas au-delà des mers
d'oreiller à Jacob, devient pour lui le point
qu'il te faille dire : « Qui ira pour nous au-delà
des mers nous .la chercher, que nous l'entendions
d'appui du rêve. Il est maintenant un mo-
pour la mettre en pratique? » Car la parole est nument chargé de sens. Ce lieu, déjà fré-
tout près de toi, elle est dans- ta bouche et dans quenté et vénéré par Abraham (Gn 12, 7)
ton cœur, pour que tu la mettes en pratique. reçoit ici une dénomination nouvelle : il est
[Dt 30, 11-14.] une porte, un sanctuaire qui débouche sur le
ciel.
À l'heure de l' Annonciation, l'ange men-
tionnera par deux fois le Très-Haut. Marie, Jacob se réveilla de son sommeil· et s'écria :
concevant Jésus, commence à vivre le _mys- « Vraiment, c'est le SEIGNEUR qui est ici et je ne
tère de la présence du Fils de Dieu parmi les le sàvais pas! » Il eut peur et s'écria : « Que ce
hommes. lieu est redoutable! Il n'est autre que la maison
de Dieu, c'est la porte du ciel. »Jacob se leva de
« Voici que tu concevras dans ton sein et enfan- bon matin, il prit la pierre dont il avait fait son
tera un -fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus. chevet, l'érigea en stèle et versa de l'huile au
Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut.» sommet. Il appela ce lieu Béthel, c'est-à-dire
[ ... ] Mais Marie dit à l'ange:« Comment cela se Maison de Dieu. [Gn 28, 16-19.]
fera-t-il puisque je ne connais pas d'homme ? »
L1ange lui répondit:<< VEsprit Saint viendra sur Au-delà de la porte, se trouve l'échelle qui
toi et la puissance du Très-Haut te prendra souS monte vers Dieu ; cet accès n'est pas à sens
son ombre.» [Le 1, 31-32 et 34-35.J unique. Les créatures divines descendent
aussi vers les hommes. Ces anges, souvent
porteurs de messages, ·permettent- au Sei-
La montée vers Dieu. gneur de s'approcher des humains, sans rien
perdre de sa majesté.
Le songe de Jacob, le message divin et Cette échelle ressemble à l'escalier qui,
1'érection d'une stèle forment un ensemble dans les ziggourats ou les pyramides étagées,
cohérent : Dieu communique avec les hom- relie le haut de l'édifice à sa base : le dieu
mes et, pour cela, il n 1hésite pas à aller à leur peut ainsi descendre vers le sanctuaire infé-
rencontre. rieur, et les prêtres monter vers la demeure
Jacob sortit de Béer-Shéva et partit pour Harrân. divine, située sur la plate-forrne supérieure.
Il fut surpris par le coucher du soleil en un lieu La ziggourat babylonienne fonctionnait
où il passa la nuit. Il prit une dès pierres de ainsi, mais il est surprenant de constater qu'à
l'endroit, en fit son chevet et coucha en ce lieu. une époque relativement récente, les Na-
Il eut un songe : voici qu'était dressée sur terre huatls et les Mayas amérindiens -construî-

122
LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

saient des pyramides de ce type. L'escalier Jérusalem est située à 800 mètres de
était parfois si raide qu'il devenait une hauteur, en un des points les plus élevés de
véritable échelle. la chaîne montagneuse, qui est l'épine dor-
· En songe, Jacob voit le Seigneur qui se sale de la Palestine. Monter vers la ville
tient « près de lui >\ et renouvelle la pro- sainte a une valeur spirituelle et la règle
messe faite à Abraham et à Isaac. Il assure prévoit ·quel' on monte chaque année vers le
enfin Jacob de sa proximité indéfectible. sanctuaire, pour a:d6rer le Tàut-Puissant en
sa demeure. Les psaumes, dits « des mon-
Vois ! Je suis avè"c toi et je te gai-derai partout où
ru' iras· et je te ferai revenir vers cette terre, car tées », décrivent cet itinéraire religieux.
je ne- t'abandonnerai pas jusqu'à ce que j'aie Quelle joie quand on m'a dit :
accompli tout ce que je t'ai dit. [Gn 28, 15.J « Allons à la maisori ·du SEIGNEUR ! »
Nous nous sommes arrêtés
Le verbe« monter» possède dans la Bible
à tes portes Jérusalem -!
des sens multiples. Pour exprimer la libéra-
Jérusaleni,-1a Bien-bâtie,
tion de l'esclavage en Égypte, à l'heure de ville d'un seul tenant !
!'Exode, on parlera volontiers d'une montée. C'est là que sont montées les· tribus,
C'est le SEIGNEUR qui nous a fait monter, nous les tribus du SEIGNEUR,
et nos pères, du pays d'Égypte, de la maison de selon la règle en Israël,
la servitude (Jos 24, 17]. pour célébrer le nom du SEIGNEUR. [Ps 122, 1-4.l
Dieu n'a pas failli à la promesse faite à C'est une grave faute de faire monter le
Isaac : il est demeuré celui qui accompagne peuple vers d'autres sanctuaires_ pour lui
et garde les patriarches. faire adorer des représentations du Seigneur
qui peuvent créer une confusion. Multiplier
Il a opéré devant nos yeux les grands signes que les sanctuaires, c'est aussi briser l'unité du
voici : il nous a gardés tout au long du chemin
que nous avons parcouru et parmi tous les peuple.
peuples au milieu desquels nous sommes passés. Le roi Roboam eut l'idée de faire deux veaux
(Jos 24, 17.l d'or et dit au peuple ; « Vous êtes trop souvent
montés à Jénisaleri1. Voici tes dieux, Israël, qui
Arrivés devant la Terre promise, le Sei-
t'ont fait monter du pays d'Égypte. » Il plaça l'un
gneur donne l'ordre de monter pour prendre à Béthçl, et l'autre, il l'installa à Dan.
possession du pays (Dt 9, 23). Il faut aussi
monter pour faire une reconnaissance en C'est en cela que consista son péché.
territoire canannéen (Jos 7, 2). « Monter [1 R 12, 28-30.J
contre» signifie attaquer (Jos 8, 11).
Le verbe « monter » prend -un tout autre
sens lorsqu'il s'agit de· gravir une montagne Jésus sur les montagnes.
dans un but spirituel. Les païens montent
vers les hauts lieux, pour adorer leurs idoles, Jésus, à l'heure des grandes tentations du
Israël doit monter vers le sanctuaire de Jéru- désert, ne gravit pas la haute montagne où
salem pour y retrouver la présence du Dieu le diable espère le séduire. C'est par un
umque. attifice que le Mauvais l'y a transporté.

123
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le diable l'emmène encore sur une très haute Jésus passa sur l'autre rive de la mer de Galilée,
montagne; il lui montre tous les royaumes du dite encore de Tibériade._ Une grande foule le
monde avec leur gloire et lui dit:« Tout cela je suivait, parce que les gens avaient vu les signes
te le donnerai, si tu te proste~nes et m'adores.» qu'il opérait sur les malades. C'est pourquoi
Alors Jésus lui dit : « Retire-toi Satan ! Car il est Jésus gravit la· montagne et s'y assit avec ses
écrit: Le Seigneunon Dieu tu adoreras, et c'est disciples. C'était un peu avant la Pâque qui est
à lui seul que tu rendras un culte. » [Mt 4, 8-10.] la fête des Juifs. (Jn 6, 1-4.]
Al'inverse de cette montagne d'orgueil, la Après le miracle de la multiplication des
montagne des Béatitudes est un appel à pains, la foule manifeste son désir de faire
l'humilité et à la soumission à Dieu. Jésus roi un prophète capable de tels signes.
entraîne vers elle ceux qui veulent le suivre. 1
« Mais Jésus, sachant qu on allait venir l'en-
Le Christ a proclamé la Bonne Nouvelle du lever pour le faire roi, se retira à nouveau,
Règne. Il a guéri de nombreux malades, sa seul, dans la montagne» (Jn 6, 15).
renommée gagne les pays limitrophes. De Luc montre aussi le Christ entraînant ses
grandes foules se rassemblent (Mt 4, 23-25). disciples à l'écart. « Or, comme il était en
Le Maître monte dans la montagne pour prière à l'écart, ses disciples étaient avec
opérer une sélection : ses disciples le suivent. lui» (Le 9, 18).
Face à Jésus assis, qui parle avec autorité, ils En ce lieu, Jésus les interroge : « Qui
l'écoutent et entendent révéler le programme suis-je aux yeux des foules? Qui suis-je à
spirituel d'un vrai disciple. Ces hommes, qui vos propres yeux ? » Pierre va confesser sa
r
ont peiné sur étroit sentier de la montagne, foi : « Tu es le Christ de Dieu » (Le 9,
sont ainsi mieux disposés à comprendre 19-22). Jésus montre maintenant un chemin
cette déclaration de Jésus : bien plus étroit : il dévoile sa passion.
Entrez par la porte étroite. Large est la porte et Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup
spacieux le chemin qui mène à la perdition, et et qu'il soit rejeté par les anciens, les grands
nombreux ceux qui s'y engagent. Combien prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que
étroite est la porte et resserré le chemin qui mène le troisième jour il ressuscite.
à la vie, et peu nombreux ceux qui le trouvent. Puis il dit à tous : « Si quelqu'un veut venir à ma
[Mt 7, 13-14.] suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix
chaque jour et qu'il me suive. En effet, qui veut
Un chemin de montagne devient plus étroit sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à
et plus abrupt à mesure qu'il approche du cause de moi la sauvera-.» [Le 9, 22-24.]
sommet. Tout n'est pas encore révélé: l'an-
nonce de !'Eucharistie et de la Croix rendra Peu de temps après, Jésus, accompagné
ce chemin plus raboteux, plus difficile. de Pierre, Jean et Jacques, va reprendre le
Quand Jean raconte la multiplication des chemin de la montagne pour prier. S~ Trans-
pains et des poissons pour nourrir une figuration fait intervenir Moïse et Elie, les
grande foule, il précise que ce miracle eut deux prophètes qui connurent chacun une
lieu sur une montagne. Il semble que Jésus manifestation de Dieu sur le mont Sinaï. Là,
1
tienne, une fois de plus, à s écarter : l'en- la voix du Père céleste, venant de la nuée,
thousiasme de la foule est inopportun. désignera Jésus comme le Fils, l'élu de Dieu.

124
LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et d'un domaine. Ils ont parfois, là aussi, le
monta sur la montagne pour prier. Pendant qu'il trône d'une gloire qui prétend s'étendre au
p!-iait, l'aspect de son visage changea et devint loin. Sur ces sommets, un roi terrestre peut
d'une blancheur éclatante. Et voici que deux trouver le lieu de sa divinisation. Les monta-
hommes s'entretenaient avec lui, c'étaient Moïse
gnes sacrées n'ont pas manqué sur le terri-
èt Élie; apparus en gloire, ils parlaierit de son
toire d'Israël et tout à l'entout.
départ qui allait s'accOmplir à Jérusalem.
[Le 9, 28-31.] Les mythologies orientales croyaient en
l'existence d'une Montagne du monde, cen-
Le jour suivant, Jésus descend de la tre de la terre et lieu de la naissance des
montagne pour reprendre son ministère de dieux. A l'Est, vers l'Orient, se dressait la
miséricorde. Il guérit un possédé (Le 9, montagne des assemblées divines.
37-43). Pour la civilisation d'Ougarit, le Nord est
C'est sur le mont des Oliviers, au lieu dit signalé par le Çafôn (mont Casios). C'est
de Gethsémani, que Jésus connaîtra l'an- aussi le lieu d'une assemblée des dieux.
gois_se mortelle précédant son arrestation Ainsi parle, selon Isaïe, le tyran qui ignore
(Le 22, 39-46). encore sa déchéance prochaine.
C'est sur un rocher nommé le « crâne»,
Je siégerai sur les-montagnes de l'Assemblée,
Golgotha, qu'il sera crucifié (Le 23, 33 ).
sur les cimes du Çafôn,
Jésus ressuscité· retrouve ses disciples sur je monterai au sommet des nuages noirs,
une montagne de Galilée. C'est là qu'il leur je ressemblerai à Élyôn [le Très~Haut].
confie leur mission : enseigner les nations et [Is 14, 13-14.]
les baptiser. Le paysage, qui s'ouvre devant
eux, est l'image du monde où devra retentir Ézéchiel stigmatise la faute du roi de Tyr
la Bonne Nouvelle. qui s'est pris pour un dieu. Ce souverain se
croyait à jamais un chérubin évoluant parmi
Allez donc : de toutes les nations faites des des« charbons ardents », considérés comme
clisciples, les baptisant au nom du Père et du Fils le milieu divin. Cette flamme d'orgueil
et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout
consumera le prétentieux. De la montagne
ce que je vous ai prescrit. Je suis avec vous
jusqu'à la Bn des temps. [Mt 28, 19-20.] de Dieu, lieu de sa résidence, il tombera sur
terre, réduit en cendres.
Toi, le chérubin étincelant,
le protecteur, je t'avais établi;
LES MONTAGNES SAINTES tu étais sur la montagne sainte de Dieu.
ET LES LIEUX SACRIFICIELS [Ez 28, 14.l

La chute de cet être n'en est que plus


spectaculaire :
Les montagnes des dieux. Sion.
Je te mets au rang de profane,
Les dieux qui règnent sur les montagnes loin de la montagne de Dieu. [... ]
peuvent n'être que les gardiens surnaturels Tu t'es enorgueilli de ta beauté,

125
LES SYMBOLES BIBLIQUES

tu as laissé ta splendeur corrompre ta sagesse. Le sacrifice d'Abraham.


Je te précipite à terre,
je te donne en spectacle aux rois. [Ez 28, 16-17 .] L'épisode d'Abraham, disposé à sacrifier
son fils Isaac, est un récit tragique doté
À l'horizon du pays de Canaan, se d'une signification très riche. La montagne
dressaient plusieurs montagnes sacrées : du sacrifice se dresse dans un pays lointain.
!'Hermon, appelé Siryôn par les gens de Son nom demeure secret. Tout d'ailleurs
Sidon (Dt 3, 8); le Tabor (Dt 33, 19; doit se passer dans le secret, loin du camp.
Os 5, 1); le Carmel (d'après le témoignage Les deux âniers sont abandonnés dès que la
de Tacite).
montagne se profile à l'horizon. Cette aven-
Ces montagnes saintes devront rendre ture est un secret entre Abraham et Dieu,
hommage au Seigneur d'Israël. C'est lui qui entre le Seigneur qui sait où il va et le
fait bondir le Liban et le Siryôn (Ps 29, 6). patriarche qui va dans le sens de Dieu, sans
Le Tabor et !'Hermon exultent au nom de comprendre.
Dieu (Ps 89, 13). Quant à la montagne de
Bashân, aussi altière que ses cèdres, de quel Dieu mit Abraham à l'épreuve et lui dit :
droit méprise-t-elle la petite montagne de «Abraham»; il répondit : « Me voici». Il re-
Sion que le Seigneur a choisie pour séjour ? prit : « Prends ton fils, ton unique, Isaac, que tu
(Ps 68, 16-17). aimes. Pars pour le pays de Moriyya et là, tu
l'offriras en holocauste sur celle des montagnes
Pour Israël, les deux vraies « montagnes
que je t'indiquerai. » Abraham se leva de bon
de Dieu» sont !'Horeb (Sinaï) et la monta- matin, sangla son âne, prit avec lui deux de ses
gne de Sion. Un psaume assure que Sion est jeunes gens et son fils Isaac. Il fendit les bûches
le véritable Çafôn : pour l'holoc:auste. Il partit pour le lieu que Dieu
lui avait indiqué. Le troisième jour, il leva les
Il est grand le SEIGNEUR et comblé de louanges, yeux et vit de loin ce lieu. Abraham dit aux
dans la ville de notre Dieu, sa montagne sainte. jeunes gens : « Demeurez ici, vous, avec l'âne;
Belle et altière, elle réjouit toute la terre. moi et le jeune homme, nous irons là-bas pour
Les extrémités du Çafôn, c'est la montagne de nous prosterner; puis nous reviendrons vers
Sion, vous.» [Gn 22, 1-5.]
la cité du grand roi. [Ps 48, 2-3.]
Isaac ignore tout du sort qui l'attend. Sa
Isaïe voit dans « la montagne de la question:« Où est l'agneau?» introduit la
Maison du Seigneur», le grand pôle d' at- réponse d'Abraham qui est la clef de ce récit.
traction des nations, le but de leurs pèleri- Cette réponse est un acte d'abandon total à
nages, où la parole de Dieu dispensera la volonté de Dieu : le patriarche, lui-même,
l'instruction spirituelle (Is 2, 2-4). Michée n'est pas dans le secret, mais sa foi lui
reprendra le même discours (Mi 4, 1-2). permet de franchir l'obstacle de l'apparente
Pour Zacharie, quand viendra l'heure du absurdité. On peut traduire de deux maniè-
jugement final, le Seigneur remodèlera le res sa réponse : « Dieu pourvoira» (il four-
pays de Juda. Sur une immense plaine nira la victime) ; ou « Dieu saura voir»
s'élèvera, rehaussée, la Jérusalem de la paix (parce qu'il est le seul à voir le sens de cette
(Za 14, 10-11). aventure). Ces deux versions ne s'excluent

126
LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

pas, elles expriment une même certitude : le choisi pour être l'héritier de la promesse, est
projet du Seigneur sur le monde dépasse déjà prête.
l'entendement humain.
Alors l'ange du SEIGNEUR l'appela du ciel et
.Abraham prit les bûches pour l'holocauste et en cria : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit :
chargea son fils Isaac; il prit en mains la pierre « Me voici.» Il reprit : « N'étends pas la main
à feu et le couteau, et tous deux s'en allèrent sur le jeune homme. Ne lui fais rien, car
ensemble. Isaac parla à son père Abraham : maintenant je sais que tu crains Dieu, toi qui
« Mon père», dit-il, et Abraham répondit:« Me n'as pas épargné ton fils unique pour moi.»
voici, mon fils.» Il reprit : «·Voici le feu et les Abraham leva les yeux, il regarda, et voici
bûches. Où est l'agneau pour l'holocauste?» qu'un bélier était pris par les cames dans un
Abraham répondit : « Dieu saura voir l'agneau fourré. Il alla le prendre pour l'offrir en holo-
pour l'holocauste, mon fils.» Tous deux conti- causte à la place de son fils. Abraham nomma
nuèrent à aller ensemble. [Gn 22, 6-8.] ce lieu « le SEIGNEUR voit»; aussi dit-on au-
Abraham passe à l'acte. Il lie son fils sur jourd'hui : « Cest sur la montagne que le
SEIGNEUR est vu.» [Gn 22, 11-14.]
le bûcher. Le sacrifice d'Isaac n'est pas
seulement un crève-cœur pour un père, il Cet épisode possède une autre significa-
coupe le rejeton d'une descendance garantie tion: il formule de façon saisissante l'interdit
par une promesse divine. Le Seigileur sem- définitif des sacrifices humains. C est là un
ble se mettre en contradiction avec lui- pas décisif dans le processus d'humanisation
même. La ligature d'Isaac semble immobi- de l'homme. Ce drame, mis en scène par
liser Dieu, paralyser sa miséricorde active, Dieu, est la découverte de la non-violence
tarir la source qui doit faire refleurir le qui rebrousse chemin sur la voie du péché
monde que le péché et la violence tendent et de la violence, dont le signe de Caïn est
à transformer en désert. l'emblème (Gn 4, 1-16).
Lorsqu'ils furent arrivés au lieu que Dieu lui Pour descendre d'une montagne, on re-
avait indiqué, Abraham y éleva un autel et brousse chemin. Abraham et Isaac, instruits
disposa les bûches. Il lia son fils Isaac et le mit par Dieu à la manière forte, ne doutent plus
sur l'autel au-dessus des bûches. Abraham tendit de la clairvoyance et de la prévoyance divi-
la main pour prendre le couteau et immoler son nes. Elles sont une manifestation de la hésed,
fils. [Gn 22, 9-10.] de l'amour d' Alliance qui conduit les hom-
Mais Dieu révèle son dessein : ce sacrifice mes sur le chemin de la paix. « Abraham
n'est pas celui d'un enfant mais celui des revint vers les jeunes gens ; ils se levèrent et
doutes qui perturbent la foi. C est l'holo- partirent ensemble pour Béer-Shéva. Abra-
causte des garanties que les hommes exigent ham habita à Béer-Shéva » (Gn 22, 19).
du Seigneur avant d'acquiescer à sa volonté.
Il s'agit bien d'un sacrifice spirituel
qu'Abraham a accepté dès le début et qu'il Les « hauts lieux »,
accepte encore quand sa main cherche le
couteau. On entend par ce terme les sanctuaires
La victime, qui sera substituée au fils cananéens qui ont pu inspirer les premiers

127
LES SYMBOLES BIBLIQUES

lieux de culte d'Israël. Les « hauts lieux » pieu (ashérah) pour la déesse parèdre. Ce
ne sont pas nécessairement des collines, poteau était parfois remplacé par un arbre
encore moins des montagnes élevées. Le vivant, que l'on pouvait arracher quand le
terme hébreu bâmôt évoque plutôt des sanctuaire était ravagé. En Michée, c'est le
reliefs modestes car il signifie tout d'abord Seigneur lui-même qui se charge de l'opéra-
« dos ». Le mot français « croupe», dans tion.
sa signification géographique, semble assez
Je retrancherai de chez toi
bien le traduire. Le Deutéronome évoque)
les statues et les stèles ;
par ce terme, le relief du paysage mais il tu ne te prosterneras plus devant l' œuvre
suggère en même temps que ces << crou- de tes mains.
pes >> peuvent être celles d'animaux - que J'arracherai de chez toi les poteaux sacrés.
l'on peut monter : [Mi 5, 12-13.]
Le SEIGNEUR est le seul à conduire son peuple Les « hauts lieux » disposaient aussi d'au-
sans aucun dieu étranger auprès de lui. tels pour brûler de l'encens et des parfums,
Il lui fait enfourcher les hauteurs (bâmôt) du
en l'honneur des idoles.
pays
pour qu'il se nourrisse du produit des champs. Sur le sommet des montagnes, ils ont coutume
[Dt 32, 12-13.] de sacrifier,
et sur les collines de brûler des offrandes.
Le culte des bâmôt s'identifie parfois au [Os 4, 13.]
culte des collines. Grand fut le péché du roi
Akhaz: Tous les rites célébrés sur les « hauts
lieux » n'étaient pas aussi innocents que de
Il offrit des sacrifices sur les hauts lieux,
brûler des parfums. Les rites de fécondité
sur les collines et sous tout arbre verdoyant.
[2 R 16, 4.l
entraînaient l'existence d'une prostitution
sacrée. Des rites funéraires étaient aussi
Les bâmôt pouvaient se situer dans des pratiqués en ces lieux, près des stèles qui
villes (2 R 17, 29) ou à leurs portes (2 R 23, signalaient des tombes. Ces monuments
8). On nomme aussi bâmôt, à tort, des offusquaient la foi des Hébreux, si l'on en
sanctuaires localisés dans des creux, ravins croit Ézéchiel. La présence ·d)un cadavre
ou vallées. Tel était l' abommable bâmôt de rendait le lieu impur (Ez 43, 7-9).
Tophet, dans la vallée de Ben-Hinnom, où Les relations entre la foi d'Israël et la
l'on brûlait des enfants pour Baal. Les bâmôt croyance païenne manifestée sur les « hauts
pouvaient être construits et donc renversés, lieux» devaient être assez confuses) à
éboulés, quand on voulait les démolir. C'est l'heure où Israël s'implantait en Canaan. Le
ainsi que procéda le roi Josias à l'heure de la cas du sanctuaire de Gabaôn est, sur ce
grande purification (2 R 23, 8). point) révélateur.
Les divinités, mâles et femelles 1 n'étaient À l'époque de Samuel, le prophète et Saül
pas généralement représentées par des ima- prennent un repas sur un<< haut lieu » avant
ges figuratîves, mais par des emblèmes : une le rite de l'onction royale (1 S 9, 14 à 10, 1).
stèle (massébah) pour la divinité mâle, un Plus tard, Salomon ne paraît pas avoir

128
LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

conscience des dangers que représente la Dieu comme rocher. Les rochers de Dieu.
fréquentation des « hauts lieux». Le chro-
niqueur du livre des Rois, par contre, semble Le symbole de la montagne qui touche le
voir, dans_ cette inconscience, une faute du ciel se double d'un autre: celui du centre. Le
roi. centre peut être un pôle d'attraction (voir
p. 420 « Le Temple, pôle de la foi etlumière
Salomon aima le SEIGNEUR de telle sorte qu'il des nations», dans le chapitre « Le Tem-
marcha selon .les prescriptions de David son
père ; seulement c'était sur les « hauts lieux »
ple » ; et p. 122 << La montée vers Dieu »
qu'il offrait des sacrifices et qu'il brûlait de dans ce chapitre).
l'enCens. Le roi se rendit à Gabaôn, pour y offrir Le centre peut être aussi un lieu de re-
un sacrifice, car c'était le principal haut lieu. fuge, un centre d'accueil quand le danger se
Salomon offrit mille holocaustes sur cet autel. fait pressant. C'est ainsi que le rocher, le roc,
[! R 3, 3-4.J va devenir un thème symbolique important.
A la fin de la guerre punitive contre la
Dieu apparaît en songe à Salomon et lui tribu de Benjamin (Jg 20), six cents Benja-
propose d'exaucer un souhait. Le roi de- minites vaincus trouvent un refuge au rocher
mande le discernement pour gouverner avec de Rimmon. Cette éminence calcaire, à cinq
droiture. Le Seigneur lui accorde un cœur kilomètres au Nord-Est de Béthel, constitue
d'une sagesse et d'une perspicacité qui une forteresse naturelle : des ravins en
deviendront légendaires. r
barrent accès et on peut trouver asile dans
ses grottes.
Salomon se réveilla; tel fut son rêve. Il rentra à
Jérusalem et se tint devant l'arche de l'Alliance Pour Israël, le Seigneur est un rocher, il
du SEIGNEUR. Il offrit des holocaustes et des est même le Rocher tout court. On peut
s·acrifices de paix, et il fit un banquet pour tous tabler sur celui qui a dit: «Je serai toujours
ses serviteurs. [! R 3, 15.] avec vous ». Il est aussi le refuge contre tou-
tes sortes d'adversaires.
Cette conclusion semble avoir été ajou- Le Deutéronome contient un Cantique au
tée par un scribe postérieur, gêné par la Rocher d'Israël :
visite que Salomon avait faite à un « haut
lieu ». Il sentait là le danger d'un syncré- Reconnaissez la grandeur de notre Dieu.
tisme qui, de fait, affectera jusqu'à la fin la Lui, le Rocher, son action est parfaite,
tous ses cheminements sont judicieux ;
royauté. Même si les Israélites invoquaient
c'est le Dieu fidèle, il n'y a pas en lui d'injustice.
en ces lieux le Seigneur de l'Alliance du [Dt 32, 3-4.]
Sinaï, ils risquaient d'être tentés par les
idoles, dont la présence matérielle leur Les adversaires d'Israël ont peut-être, eux
semblait rassurante. aussi, un rocher mais : << Le rocher de nos
Pour détruire cette influence, il fallait non ennemis n'est pas comme notre Rocher»
seulement ravager les hauts lieux, mais aussi (Dt 32, 31).
centraliser le culte. Ézéchias et Josias furent Par ses fautes, Israël déshonore le Rocher
les rois qui comprirent la nécessité d'une qui est son salut (Dt 32, 15). Il en vient
telle réforme. même à le négliger, à l'oublier (Dt 32, 18).

129
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le psaume de David chante aussi le Dieu est l'unique Rocher :


Rocher qui est Dieu, mais il fait apparaître
Ne m'en êtes-vous pas témoins?
des images de forteresses. Y a-t-il un dieu en dehors de moi?
rai le SEIGNEUR pour roc, pour forteresse Assurément, il n'existe aucun Récher,
dont je n'aurais pas connaissance ! [Is 44, 8.]
et pour libérateur,
Dieu, le rocher où je me réfugie,
Un autre texte du même prophète inverse
mon bouclier, l'arme de ma victoire, ma citadelle,
mon asile, mon sauveur, tu me sauves
le symbolisme du rocher-refuge. Il évoque la
des violents. [... ] fête par excellence, qui était le moment où
Vive le SEIGNEUR ! Béni soit mon roc ! les Israélites montaient vers Jérusalem. Il
Que triomphe Dieu, le roc de ma victoire·! s'agit sans doute de la fête d'automne : le
[2 S 22, 2-3 et 47.] Temple illuminé devenait alors, de manière
manifeste, le pôle d'attraction des pèlerins.
Les dernières paroles de David sont
considérées comme prophétiques, il parle Vous chanterez comme la nuit où l'on célèbre
sous l'action de l'esprit de Dieu: la fête,
vous aurez le cœur joyeux,
L'esprit du SEIGNEUR parle par IIloi, comme celui qui marche au son de la-flûte,
et sa parole est sur ma langue. qui va vers la montagne du SEIGNEUR,
Le Dieu d'Israël l'a dit vers le Rocher d'Israël. [Is 30, 29.]
le Rocher d'Israël me l'a déclaré :
il gouverne les hommes selon la justice, La Bible évoque un autre rocher, celui
celui qui gouverne dans la crainte de Dieu. cl' où jaillit une source dans le désert.
[2 S 23, 2-3.] Pendant !'Exode, à Massa et Mériba, le
peuple assoiffé réclame de l'eau. La puis-
Les Psaumes invoquent dix-huit fois le sance de Dieu passe par le bâton de Moïse,
Seigneur comme le Rocher. Dieu est la cita- pour faire jaillir l'eau du rocher (Ex 17, 1-7;
delle du psalmiste (Ps 62, 3 et 7). Il en Nb 20, 1-13). Selon une tradition rabbini-
est le rempart (Ps 31, 4). Qui est mon que, le rocher « suivait >> Israël.
Rocher sinon Dieu ? (Ps 18, 32) Que le Pour Paul, le Christ était déjà présent
Rocher ne soit pas sourd! (Ps 28, 1) Pour-
dans le désert, comme une source vive au
quoi oublie-t-il? (Ps 42, 10) Il faut acclamer temps de !'Exode. L'apôtre dit :
le Rocher qui est le salut (Ps 95, 1).
Ce nom de Dièu se retrouve aussi en Isaïe, Tous mangèrent la même nourriture spirituelle et
mais cette fois le Rocher n'est pas seulement tous burent le même breuvage spirituel ; car ils
une défense passive, mais une forme agres- buvaient à un rocher spirituel. qui les suivait : ce
sive, massive, qui fera plier les nations rocher, c'était le Christ [1 Co 10, 4].
hautaines, retranchées dans leurs monta-
gnes, repliées sur leurs hauteurs. La citadelle et la cité de Dieu.
Faites confiance au SEIGNEUR pour toujours,
au SEIGNEUR, le Rocher éternel, Le Temple, le palais royal, la citadelle et
car il fait plier ceux qui habitaient les hauteurs la cité ont fini par former un ensemble, doté
et il abat la cité inaccessible. [Is 26, 4-5.] d'une haute valeur symbolique.

130
LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU, LA CITÉ DE GLOIRE

Les défenses naturelles du mont Sion et Nous avons pour citadelle le Dieu de Jacob.
les fortifications construites ne sont que [Ps 46, 5-8.]
l'infrastructure d'une protection qui serait Le SEIGNEUR a fondé Sion sur les montagnes
dérisoire sans la présence du Seigneur : il est, saintes,
lui, la vraie citadelle, une forteresse : il en aime les portes
Dieu est pour nous un refuge et un fort, plus que toutes les demeures de Jacob.
un secours toujours offert dans la détresse. On fait sur toi des récits de gloire,
[Ps 46, 2.J Cité de Dieu! [Ps 87, 1-3.]
Dans les palais de Sion, Le cantique de Tobit (Th 13, 1-18) voit.
Dieu est connu comme citadelle. [Ps 48, 4.] dans Jérusalem la Cité sainte (Tb 13, 10).
Elle a été châtiée pour ses fautes, mais après
Le fidèle persécuté trouve en Dieu sa
son pardon, elle sera non seulement régéné-
protection, sa citadelle.
rée mais transfigurée :
Mais le SEIGNEUR est devenu m~ forteresse ;
mon Dieu est le rocher où je me réfugie. Oui, je bénis le Seigneur, le grand Roi
[Ps 94, 22.] parce qu'on reconstruira Jérusalem
et, dans la ville, sa Maison pour tous les siècles.
Béni soit le SEIGNEUR, mon rocher, Heureux serai-je, si le reste de ma race
qui entraîne mes mains pour le combat, voit ta gloire et célèbre le Roi du del.
mes doigts pour la bataille. Les portes de Jérusalem seront bâties en saphir
Il est mon allié, ma forteresse, et en émeraude ;
ma citadelle, et mon libérateur, en pierres précieuses seront tous tes murs.
mon bouclier, et je me réfugie près de lui. Les tours de Jérusalem seront bâties en or
[Ps 144, 1-2.l et leurs défenses en or pur.
Les rues de Jérusalem seront pavées
Jérusalem est une cité, mais qui en est le
d'escarboucles et de pierres d'Ofir.
roi?
Les portes de Jérusalem chanteront des hymnes
Isaïe parle de la « cité de David» (Is 22, d'allégresse
9) Il n'a certainement pas manqué de rois et toutes ses maisons chanteront :
pour voir en Jérusalem « leur ville». Cette << Alleluia ! Béni soit le Dieu d'Israël ! »
ville, pourtant, se trouve sanctifiée par la Et les élus béniront le saint Nom à tout jamais,
présence du Temple. Elle est donc la Cité de [Tb 13, 16-18.J
Dieu. Ainsi la nomment les Psaumes.
Cette nouvelle cîté est donc considérée
Il est un fleuve dont les bras réjouissent comme le lieu de réconciliation de tous les
la Cité de Dieu, peuples.
la plus sainte des demeures du Très-Haut. Pour !'Épître aux Hébreux, la nouvelle
Dieu est au milieu d'elle ; elle n'est pas ébranlée,
Jérusalem est céleste :
Dieu la secourt dès le point du jour ;
des nations ont grondé, des royaumes se sont Vous vous êtes approchés de la montagne de
ébranlés; Sion et de la ville du Dieu vivant, la Jérusalem
il a donné de la voix et la terre a fondu. céleste, et des myriades d'anges en réunion de
Le SEIGNEUR, le Tout-Puissant, est avec nous. fête, et de l'assemblée des premiers-nés, dont les

131
LES SYMBOLES BIBLIQUES

noms sont inscrits dans les cieux, et de Dieu, le mais elle continue à être, pour les nations, un
juge de tous, et des esprits des justes parvenus pôle d'attraction resplendissant.
à l'accomplissement, et de Jésus, médiateur
d'une alliance neuve, et du sang de l'aspersion Mais de temple, je n'en vis point dans la Cité,
qui parle mieux encore que celui d'Abel. car son temple, c'est le Seigneur,
[He 12, 22-24.] le Dieu Tout-Puissant ainsi que l'agneau.
La Cité n'a pas besoin de soleil ni de la lune pour
l'éclairer,
car le gloire de Dieu l'illlumine et son flambeau
Pour !'Apocalypse, cette Jérusalem céleste c'est l'agneau.
f~t partie de la nouvelle création, des« nou- Les nations marcheront à sa lumière,
veaµx cieux et de la nouvelle terre». Comme et les rois de la terre y apporteront leur gloire.
dans le cantique de Tobie, cette Cité est Ses portes ne se fermeront pas au long des jours,
bâtie de pierres précieuses (Ap 21, 10-21). car, en ce lieu, il n'y aura plus de nuit.
Le Temple a disparu de cette ville céleste, [Ap 21, 22-25.l
132
L'ARBRE
L'arbre de vie, de mort vert évoque l'éternité. La graine d\m grand
ei de résurrection. arbre est sans commune mesure avec l'es-
Les arbres du paradis. pace qu'il occupe dans le ciel et sous la terre.
L'arbre des lieux saints. L'arbre peut être d'une essence commune,
Les arbres maudits. mais il existe des espèces rares qui fournis-
La souche, principe de renaissance. sent les bois précieux, capables d'ennoblir la
L'arbre glorieux et abattu. demeure du roi et de refléter la gloire du
Seigneur en son Temple. L'arbre peut être
Les arbres d'Israël. un piège si on l'adore, mais les prophètes et
L'olivier. les sages connaissent le langage de l'arbre qui
L'amandier. peut parler de Dieu.
Le figuier.
Le grenadier.
Le pommier.
Le chêne et le térébinthe. L'ARBRE DE VIE, DE MORT
Le cèdre. ET DE RÉSURRECTION
Le cyprès.
Le saule et le peuplier.
Les arbres du paradis.
La végétation en général, mais l'arbre en
particulier possèdent un grand pouvoir de Le livre de la Genèse raconte, dans son
fascination. L'arbre est un signe de la pré- premier récit, la création du monde végétal
sence del' eau et donc de la vie. Son ombrage qui couvre la terre de verdure.
est un abri. Ses fruits peuvent nourrir
l'homme, mais aussi l'intoxiquer ou lui lais- Dieu dit : « Que la terre verdisse de verdure : des
herbes portant semence et des arbres fruitiers
ser croire qu'il est Dieu. Quand ses feuilles
donnant sur la terre des fruits contenant leur
sont caduques, l'arbre devient un symbole semence. » Et il en fut ainsi. [. .. ] Et Dieu vit que
de mort et de résurrection. L'arbre bour- cela était bon. [Gn !, 11-12.]
geonne, verdit, se déploie, renaît d'une sou-
che que l'on croyait inerte. L'arbre toujours Le second récit de la création décrit un

135
LES SYMBOLES BIBLIQUES

grand jardin, un paradis, créé par le Seigneur C'est malheureusement un manque de


pour en faire la demeure de l'homme. discernement qui pousse Ève à cueillir le
fruit interdit. Après en avoir mangé, Adam
Le SEIGNEUR Dieu fit germer du sol tout arbre
et Ève vont découvrir leur nouvelle condi-
d'aspect attrayant et bon à manger, l'arbre de vie
au milieu du jardin et l'arbre de la connaissance
tion d'existence : ils sont fragiles, nus,
de ce qui est bon ou mauvais. [Gn 2, 9.] voués à la souffrance et à la mort. Ils sont
expulsés du paradis, éloignés de l'arbre de
L'arbre de vie demeure mystérieux : il la vie qui est bien l'arbre de l'immortalité.
s'agit, sans doute, d'un arbre particulier
distillant, comme le croyaient les anciens, Le SEIGNEUR dit : « Voici que l'homme est
une « ambroisie», une liqueur d,immorta~ devenu comme l'un de nous par la connaissance
de ce qui est bon ou mauvais. Maintenant qu'il
lité. D'antiques légendes de l'Inde et d'Iran
ne tende pas la main pour prendre aussi de
évoquent ce remède contre la mort (soma l'arbre de vie, en manger et vivre à jamais.»
indien, haoma iranien). Un mystère de- [Gn 3, 22.l
meure : pourquoi Adam et Ève, qui trou-
vaient en ce jardin tout ce qu'il fallait pour Un chérubin brandissant une épée fou-
vivre, ont-ils pu désirer un supplément droyante coupe désormais la route qui
d'existence? Qu'en est-il de l'arbre de la conduit à l'arbre de vie (Gn 3, 24).
connaissance de ce qui est bon ou mauvais ?
Une chose est sûre, cette connaissance est
mortellement dangereuse et fait l'objet d'un L'arbre des lieux saints.
interdit divin.
Le « chêne» de la Bible se confond sou-
Le SEIGNEUR Dieu fit à l'homme ce commande-
ment : « Tu peux manger de tous les arbres du vent avec le« térébinthe », un arbre de taille
jardin. Mais de l'arbre de la connaissance de ce moyenne, mais qui peut développer un
qui est bon ou mauvais, tu ne mangeras pas, car grand volume de branches et un feuillage
le jour où tu en mangeras, tu devras mourir. » touffu.
[Gn 2, 16-17.J À l'époque patriarcale, on séjournait vo-
lontiers sous des arbres. Abram, plus tard
Le serpent trompe Adam et Ève en leur nommé Abraham, se fixe pour un temps en
faisant miroiter le pouvoir de cette connais- terre de Canaan : « Abram vint avec ses
sance : elle peutles mettre au rang des Élohim, tentes habiter aux chênes de Mambré qui
des êtres célestes qui ne connaissent pas la sont à Hébron ; il y éleva un autel pour le
mort (Gn3, 1-5). Dansl'épopée suméro-ba- SEIGNEUR» (Gn 13, 18).
bylonienne de Gilgamesh, le héros se fait voler Ce lieu sera plus tard consacré par la visite
par le serpentla plante qui peut conférer l'im- de trois « hommes », qui sont en fait le
mortalité. Le reptile vérifie immédiatement Seigneur lui-même, accompagné par deux
son pouvoir en faisant peau neuve. anges qui se rendront plus tard à Sodome.
La femme vit que l'arbre était bon à manger, C'est là que Sara recevra l'annonce de sa
séduisant à regarder, précieux pour agir avec fécondité après une vie attristée par la sté-
discernement. [Gn 3, 6.] rilité.

136
L'ARBRE

Le SEIGNEUR lui apparut [à Abraham] au chêne Jacob dit à sa famille et à tous ceux qui étaient
de Mambré, tandis qu'il était assis à l'entrée de avec lui : « Ôtez les_ dieux étrangers qui sont au
la tente au plus chaud du jour. Ayant levé les milieu de vous, purifiez-vous et changez vos
yeux, voilà qu'il vit trois hommes qui se tenaient vêtements. Partons et monton,s à Béthel !J'y ferai
debout près de lui; dès qu'il les vit, il courut de un autel au Dieu qui m'a exaucé lorsque j'étais
l'entrée de la tente à leur rencontre et se pros- dans l'angoisse et m'a assisté dans le voyage que
terna à terre. Il dit:« Mon Seigneur, je t'en prie, j'ai fait.» Ils donnèrent à Jacob tous les dieux
sî rai trouvé grâce à tes yeux, veuille ne pas étrangers qu'ils possédaient et les anneaux
passer près de ton serviteur sans t'arrêter. Qu'on qu'ils portaient aux oreilles; et Jacob les enfouit
apporte un peu d'eau, vous vous laverez les pieds sous le chêne qui est près de Sichem.
et vous vous étendrez sous l'arbre. Que j'aille [Gn 35, 2-4.]
chercher un morceau de pain et vous vous récon-
forterez le cœur avant d'aller plus loin; c'est bien La nourrice de Rébecca meurt en ce lieu.
pour cela que vous êtes passés près de votre Elle y est enterrée.
serviteur ! » Ils répondirent:« Fais donc comme
tu as dit.» [Gn 18, 1-5.]
Débora, la nourrice de Rébecca mourut et fut
L'arbre et l'eau sont liés. Quand Abraham enterrée au-dessous de Béthel, au pied du
fait alliance avec Abimélek, après avoir chêne que Jacob appela le chêne des pleurs.
creusé un puits à Béer-Shéva, il plante un [Gn 35, S.]
arbre. « Il planta un tamaris à Béer-Shéva
où il fit une invocation au SEIGNEUR le Dieu A l'époque des Juges, Josué renouvelle
éternel» (Gn 21, 33). l'alliance entre le Seigneur et son peuple,
Le chêne (ou térébinthe) de Sichem est sous le chêne de Sichem.
nommé aussi chêne de Moré : C' estlà aussi qu' Abimélek, fils de Yéroub-
baal, sera proclamé roi.L'arbre est tellement
Abram traversa le pays jusqu'au lieu saint de présent à l'esprit de ses contemporains que
Sichem, au chêne de Moré. Les Cananéens
Yotam va prendre ce thème pour affirmer son
étaient alors dans le pays. Le SEIGNEUR apparut
désaccord. Il récite une longue fable quel' on
à Abram et lui dit : « C'est à ta postérité que je
donnerai ce pays.» [Gn 12, 6-7.] peut intituler « les arbres qui cherchent un
roi» (Jg 9, 7-20). Cette histoire est une vio-
Ce chêne est sans doute celui que le livre lente critique de l'institution royale et se ter-
des Juges nomme : le « chêne des devins » mine par la malédiction d'Abimélek. Cette
(«Moré» pouvant signifier devin, Jg 9, 37). imprécation frappera le roi qui connaîtra une
Il s'agit donc, à l'origine, d'un lieu sacré fin misérable (Jg 9, 50-57).
cananéen. Au temps des Juges encore, la prophé-
Quand, sur l'ordre de Dieu, Jacob quitte tesse Débora (qui potte le même nom que
Sichem pour se diriger vers Béthel, il décide la nourrice de Rachel) exerçait sous un
de procéder à une purification préalable. pahnier la fonction de Juge. Cet arbre, situé
C'est sous le térébinthe près de Sichem que entre Rama et Béthel, avait peut-être une
disparaîtront les images des faux dieux. fonction religieuse : vraisemblablement, il
Jacob ne détruit pas ces idoles, il les enfouit devait offrir son nom à un sanctuaire local
dans un_lieu sacré d'origine païenne. (Jg 4, 4-5).

137
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Les arbres maudits. Sur toute colline élevée, sous tout arbre vert,
tu t'étales en prostituée.
Les religions idolâtriques qui tentaient Moi, je t'avais planté, vignoble de choix,
tout entier cépage franc.
Israël considéraient le dessous des arbres
Comment as-tu dégénéré en vigne inconnue
comme un sanctuaire naturel. L'arbre lui-
aux fruits infects? [Jr 2, 20-21.]
même n'était pas, semble-t-il, objet de culte.
L'expression « sous tout arbre verdoyant» L'amour des infidèles pour ces lieux est
désigne le lieu où se déroule une pratique une vraie tendresse.
interdite par la loi d'Israël. Comme ils parlent de leurs enfants, ainsi par-
Vous supprimerez entièrement tous les lieux où lent-ils de leurs autels et de leurs poteaux sacrés,
les nations que vous dépossédez ont servi leurs près des arbres toujours verts, sur les collines
dieux, sur les montagnes élevées, sur les collines élevées. [Jr 17, 2.]
et sous tous les arbres verdoyants [Dt 12, 2].
Isaïe s'en prend aux térébinthes que le feu
L'ombre des arbres abrite des objets du de la colère divine peut ravager. L'idolâtre
culte païen. Au temps du roi Roboam, on est inflammable comme del' amadou : il sera,
constate un syncrétisme religieux néfaste. lui aussi, consumé par l'ardeur divine.
Il fit ce qui déplaît au SEIGNEUR : il irrita sa Vous serez bien déçus des térébinthes
jalousie plus que n'avaient fait ses pères avec que vous aimiez tant,
tous les péchés qu'ils avaient commis, eux qui vous aurez honte de vos jardins d'élection,
s'étaient construit des hauts lieux, avaient dressé car vous serez alors comme un térébinthe
des stèles et des pieux sacrés sur toute colline au feuillage flétri,
élevée et sous tout arbre verdoyant. comme un jardin d'où l'eau s'est retirée.
[1 R 14, 22-23.l L'homme fort, devenu amadou,
et l'exercice de son idolâtrie étant une étincelle,
La chronique d' Akhaz stigmatise l'infidé-
tous deux ensemble brûleront
lité de ce roi et mentionne, pour la première et personne pour éteindre. [Is 1, 29-31.]
fois, un sacrifice d'enfant. À l'ombre des
arbres, le culte idolâtrique se déploie. Une fois encore, le culte célébré sous le
couvert des arbres est mis en relation avec
li [Akhaz] fit passer son fils par le feu, selon les
abominations des nations que le SEIGNEUR avait
l'immolation d'enfants.
dépossédées devant les füs d'Israël. Il offrit des. Vous vous excitez près des térébinthes,
sacrifices et brûla de l'encens sur les hauts lieux, sous tout arbre touffu ;
sur les collines et sous tout arbre verdoyant. vous immolez des enfants dans les ravins,
[2 R 16, 3-4.] dans les fissures des rochers. [Is 57, 5 .]
À « tout arbre verdoyant», Jérémie va Sous « l'arbre verdoyant» se trouve la
opposer la vigne sainte que devrait être massébah, qui est une pierre dressée, sym-
Israël. bole de la divinité mâle. L 'ashérah suggère la
Depuis toujours tu as brisé le joug, présence de la déesse, qui peut être repré-
rompu les liens, sentée par un arbre vivant planté par ses
en disant: «Je ne veux plus être esclave». adorateurs. Ce peut être aussi un poteau ou

138
L'ARBRE

un pieu que l'on pouvait revêtir de vête~ Le symbole de la souche est aussi utilisé par
ments féminins. Isaïe dans une tout autre perspective. Il
Quand les rois entreprennent des réfor- annonce cette fois un nouveau David.
mes -religieuses, ils commencent par couper
Un rameau sortira de la souche de Jessé,
les ashérah. « Asa fit ce qui est bien et droit un rejeton jaillira de ses racines.
aux yeux du SEIGNEUR son Dieu. Il sup- Sur lui reposera l'Esprit du SEIGNEUR :
prima les autels d'origine étrangère et les esprit de sagesse et de discernement,
hauts lieux. Il brisa les stèles et coupa les esprit de conseil et de vaillance,
ashérah » (2 Ch 14, 1-2). esprit de connaissance et de crainte
Ézéchiel se réjouit du châriment qui du SEIGNEUR. [Is 11, 1-2.J
frappe Israël, il y voit surtout une purifica-
tion qui fera disparaître les idoles et les La structure littéraire de ce texte rejoint
abominations qu'elles suscitent. Les arbres spontanément l'image de l'arbre.
sacrés sont encore en place. L'Esprit du Seigneur est arborescent et
chaque attribut énuméré ressemble à la
Vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR, quand maîtresse branche d'un unique tronc.
leurs morts seront couchés au milieu de leurs Jérémie reprend cette image du rejeton
idoles, autour de leurs autels, sur toute haute (Jr 23, 5).
colline, au sommet de toute montagne, sous tout Job évoque le pouvoir de reviviscence de
arbre touffu, sous tout chêne luxuriant, là même
l'arbre.
Où ils offraient un parfum apaisant à tolites leurs
idoles. [Ez 6, 13.] Il existe pour l'arbre un espoir :
on le coupe, il reprend encore
et ne cesse de surgeonner.
~a souche, principe de renaissance. Que sa racine ait vie_illi en terre,
que sa souche soit morte dans la poussière,
dès qu'il flaire l'eau, il bourgeonne
Quand un arbre est abattu et même brûlé,
et se fait une ramure comme un jeune plant.
la souche demeure et conserve parfois le Ub 14, 7-9.J
pouvoir de donner des rejets.
Au jour de la grande épreuve d'Israël, Un homme juste est un être de bonne
souche spirituelle, sa fécondité est durable.
Le SEIGNEUR _enverra des gens au loin Pour le psalmiste, l'image de l'arbre vient
et il y aura beaucoup de terres abandonnées
spontanément à l'esprit.
à l'intérieur du pays.
Et s'il y subsiste encore un dixième, Le juste pousse comme le pahnier,
à son ·tour il sera HVré au feu, s'étend comme un cèdre du Liban :
comme le chêne et le térébinthe abattus, planté dans la maison du SEIGNEUR,
dÛnt il ne i-este que la souche il pousse dans les parvis de notre Dieu.
- la souche est une semence sainte. [Is 6, 12-13.] Même âgé, il fructifie encore,
il reste plein de Sève et de verdeur,
L'image de la souche introduit ici le thème proclamant la droiture du SEIGNEUR :
du petit reste épargné par le Seigneur, pour Il est mon rocher ! En lui pas de détours !
en faire la semence d'un peuple renouvelé. [Ps 92, 13-16.]

139
LES SYMBOLES BIBLIQUES

L'homme qui se détourne des méchants lorsqu'il sortit ses pousses.


se plaît dans la loi du Seigneur. Tous les oiseaux du del nichaient dans ses
rameaux,
Il est comme un arbre planté près des ruisseaux : toutes les bêtes sauvages mettaient bas sous ses
il donne du fruit en sa saison branches
et son feuillage ne flétrit pas ; et toute la multitude des peuples habitait à son
il réussit tout ce qu'il fait. [Ps !, 3.] ombre.
Il était beau par sa grandeur,
par l'ampleur de son branchage;
ses racines s'étendaient jusqu'aux grandes eaux.
L'arbre glorieux et abattu. Les cèdres du jardin de Dieu ne l'égalaient pas,
les cyprès n'étai~t pas comparables à ses ra-
La parabole du grand cèdre en Ézéchiel meaux,
(Ez 31) et le songe du grand arbre en Daniel ni les platanes à ses branches i
(Dn 4) utilisent le même symbole, mais dans aucun arbre dans le jardin de Dieu ne lui était
des perspectives différentes. En Ézéchiel, le comparable en beauté.
cèdre qui représente l'Égypte, possède des Je l'avais fait beau,var l'abondance de sa ramure,
dimensions cosmiques : sa tête touche les tous les arbres d'Eden qui étaient dans le jardin
nuages et ses racines plongent dans !'Abîme. de Dieu le jalousaient.» Œz 31, 1-9.J
Il joue le rôle de l'axe du monde. Il draine La jalousie des arbres d'Éden envers le
r
vers lui toute énergie de la terre. Il étend sa cèdre renvoie à une autre, celle du Seigneur
domination, son ombre sur tous les peuples. unique et tout-puissant. L'arbre orgueilleux
Orgueilleux, il suscite la jalousie. va être abattu. Cette déchéance est ainsi
décrite : tous les motifs de sa gloire devien-
La onzième année, le troisième mois, il y eut une
parole du SEIGNEUR pour moi : « Fils d'homme,
nent autant de raisons de sombrer dans la
dis au Pharaon, roi d'Égypte, et à sa multitude : honte. Ézéchiel est maître dans l'art d'établir
À qui ressembles-tu, toi qui es si grand? ces parallèles. Au temps de la splendeur du
À un cyprès, à un cèdre du Liban grand arbre égyptien, l'espace de sa ramure
qui aurait de belles branches, formant une forêt était un milieu de vie : nicher, mettre bas
ombreuse sont des signes de fécondité (Ez31, 6).
et d'une taille si élevée Quand l'arbre est abattu, sa ramure est
que son sommet serait entre les nuages ? affalée sur le sol : les bêtes peuvent y péné-
Les eaux l'ont fait grandir ; trer. Quant aux oiseaux qui nichaient en
l'Abîme qui l'a fait croître hauteur, il s'abattent comme des rapaces: la
fait couler ses fleuves autour du lieu où il est mort règne. « Tous les oiseaux du ciel se
planté
posent sur ses dépouilles, toutes les bêtes
et envoie ses canaux vers tous les arbres des
sauvages gîtent dans ses branches» (Ez 31,
champs.
Ainsi donc sa taille était plus élevée que celle de 13).
tous les arbres des champs, La conclusion du long apologue est claire :
ses rameaux s'étaient multipliés, toutes les puissances politiques, tous les rois
ses branches s'étaient allongées sous l'effet des qui croient pouvoir« s'élever jusqu'au ciel»
grandes eaux seront abattus. Les empires s'écroulent et les

140
L'ARBRE

souverains qui se croyaient divinisés se trou- et les oiseaux, de ses ramures !


vent réduits au destin commun des mortels. Mais la souche de ses racines, laissez-la
En ce qui concerne le Pharaon, le Seigneur dans la terre,
dit: cerclée de fer et de bronze, dans la végétation de
la campagne!» [Dn 4, 10-12.]
Oui, je l'ai laissé provoquer la consternation sur
la terre des vivants, mais on le couchera au milieu L'image de l'arbre s'efface pour laisser la
des indrconcis avec ceux que l'épée a percés: le place à la figure du roi exilé, qui vit mainte-
Pharaon et toute sa multitude - oracle du nant dans la nature et mène une existence
Seigneur DJEU. [Ez 32, 32.] rustique presque animale.
Le songe du grand arbre, en Daniel, relève Il sera baigné par la rosée du ciel,
d'un genre littéraire particulier, de type et il aura en partage l'herbe de la terre avec les
hagiographique édifiant. L'enseignement de bêtes.
œtexte porte sur la royauté. Seul le Seigneur On changera son cœur pour qu'il ne soit plus un
est roi,-et les princes de la terre ne sont que cœur d'homme,
et un cœur de bête lui sera donné.
des délégués temporaires de Dieu ou des
Puis sept périodes passeront sur lui.
usurpateurs de ce titre.
[Dn4, 12-13.J
Dans la première partie, la description de
l'arbre prospère est classique. Ces sept périodes - années - de ré-
flexion offrent un champ de liberté devant
Dans les visions de mon esprit sur ma couche,
le souverain.
je regardais,
et voici un arbre, au milieu de la terre, Une première conclusion révèle le sens de
dont la hauteur était immense. ce songe.
L'arbre devint grand et fort : La chose se fait par décret des Vigilants,
sa hauteur parvenait jusqu'au ciel, et l'affaire par ordre des Saints,
et sa vue, jusqu'aux extrémités de la terre. afin que les vivants reconnaissent
Son feuillage ·était beau et ses fruits àbondants : que le Très-Haut est maître de la royauté des
il y avait en lui de la nourriture pour tous. hommes,
Sous lui s'abritaient les bêtes-des champs, qu'il la donne à qui il veut
dans ses ramures demeuraient les oiseaux du et y élève le plus humble des hommes.
ciel, [Dn 4, 14.]
et de lui se nourrissait toute chair. [Dn 4, 7-9.]
Le texte qui suit comporte deux parties.
Un être angélique survient, porteur d'un Dans la première, Daniel explique le songe
décret : l'arbre sera abattu mais la souche, et avertit le roi de ce qui va lui advenir. Dans
conservée, gardera une chance de survie. la seconde pattie, il raconte la réalisation de
Je regardais, dans les visions de mon esprit sur cette prophétie, comme s'il s'agissait d\m
ma couche, et voici que descendait du ciel un fait entièrement historique. (Certains évé-
Vigilant, un Saint. Il cria avec force et dit : nements, empruntés à la vie du dernier roi
« Abattez l'arbre et coupez ses ramures ! de Babylone, donnent des références réelles
Dépouillez son feuillage et éparpillez ses fruits ! à ce qui demeure de l'ordre de la fiction
Que les bêtes fuient de sous lui, édifiante.)

141
LES SYMBOLES BIBLIQUES

La conclusion générale du texte est mise L'implantation de la Sagesse est décrite


dans la bouche de Nabuchodonosor, mais comme une explosion printanière de la végé-
exprime une vérité théologique. En repre- tation. Comme les arbres, la Sagesse s'enra-
nant les questions anciennes posées par la cine, elle pousse et grandit, elle répand un
royauté des hommes, la conscience hébraï- parfum (qui rappelle sa fluidité spirituelle
que a bien compris que l'affirmation de originelle), elle étend ses rameaux pour
l'unicité de Dieu pouvait se formuler d'une abriter.
manière concrète et imagée. Le Seigneur est
unique, et donc le seul vrai souveraîn, parce Je me suis enracinée dans un peuple illustre,
que son empire, face aux royaumes et aux dans la portion du Seigneur se trouve
rois périssables, est de « jamais à jamais >>. mon patrimoine.
Tai grandi comme un cèdre du Liban
et comme un cyprès sur les hauteurs
Au terme des jours, moi, Nabuchodonosor, je de !'Hermon.
levai les yeux vers le ciel, et la conscience me Tai grandi comme un palmier d'Ein-Guèdi,
revint. Je bénis le Très-Haut, je célébrai et comme des plants de laurier-rose à Jéricho,
glorifiai l'éternel Vivant: comme un bel olivier dans la plaine,
Car sa souveraineté est une souveraineté et comme un platane j'ai grandi.
éternelle, Comme la cannelle et le baume aromatique,
et sa royauté va de génération en génération. comme la myrrhe de choix, j'ai exhalé
Tous les habitants de la terre ne comptent mon parfum,
pour rien; comme du galbanum, de l'onyx et du stacte,
il agit selon sa volonté, comme une nuée d'encens dans la Demeure.
envers l' Armée du ciel et les habitants Comme un térébinthe j'ai déployé mes rameaux,
de la terre; et mes rameaux sont pleins de grâce et de
il n'y a personne qui le frappe de la main majesté. [Si 24, 12-16.]
et qui lui dise : « Que fais-tu ? »
[Dn 4, 31-32.l La végétation divinisée, objet du culte
païen, a pu être longtemps, pour Israël, un
Le livre du Siracide contient un grand piège spirituel. Elle se trouve ici glorifiée.
hymne à la Sagesse. « Sortie de la main du Cette admiration porte sur les arbres et les
Très-Haut», elle est représentée comme un plantes, capables de refléter l'activité silen-
fluide qui enveloppe la terre, sonde les cieuse et féconde de la Sagesse invisible. La
abûnes et le cœur des peuples, cherchant le Sagesse, en effet, est une créature, une
lieu de son repos. énergie qui met de l'ordre dans le monde
et maintient son harmonie. « Avant les
Alors 'le créateur de l'univers m'a donné siècles, dès le commencement, il m'a créée. >>
un ordre, (Si 24, 9.)
celui qui m'a créée m'a fait dresser ma tente,
il m'a dit : « Installe-toi en Jacob,
entre dans l'héritage d'Israël. » [ ... ]
C'est ainsi qu'en Sion je me suis établie.
[Si 24, 8 et 10.]

142
L'ARBRE

LES ARBRES D'ISRAËL Ton épouse : une vigne fructueuse


au cœur de ta maison.
Tes fils : des plants d'olivier
L'olivier. à l'entour de ta table. [Ps 128, 3.]

L'olivier est le premier arbre rescapé du Israël est comme l'épouse bien-aimée de
Déluge. « La colombe revint vers lui Dieu. Infidèle, elle sera durement châtiée.
[Noé], sur le soir, et voici qu'elle avait dans
le bec un rameau tout frais d'olivier» Olivier verdoyant chargé de fruits superbes,
(Gn 8, 11). ainsi le SEIGNEUR t'avait nommée.
L'olivier est en bonne place parmi les Avec un bruit fracassant
plantes et les arbres qui font du pays de il y a mis lefeu,
Canaan une terre de rêve. « Pays de froment ses rameaux sont atteints. [Tr 11, 16.]
et d'orge, de vigne, de figuiers et de grena-
diers, pays d'oliviers, d'huile et de miel, pays Mais Israël se convertit, il retrouvera la
où le pain ne sera pas mesuré et où tu ne force et la splendeur d'un arbre régénéré.
manqueras de rien» (Dt 8, 8-9.)
L'huile d'olive est utilisée pour le candé- Je serai comme la rosée pour Israël,
labre qui doit sans cesse brûler devant le il fleurira comme le lis,
Rideau du Témoignage, dans la Tente du il enfoncera ses racines comme le. chêne du
Rendez-vous (Lv 24, 2-3). Liban;
A l'état sauvage, l'olivier est dans toute sa ses rejetons s'étendront,
splendeur naturelle. Son bois est digne d'en- il aura la splendeur de l'olivier. [Os 14, 6-7.]
trer dans la construction du « Debir », de la
partie la plus sainte du Temple. « Il [Salo- La cinquième vision de Zacharie fait ap-
mon] fit la porte du Debir à montants en paraître un chandelier et deux oliviers sym-
bois d'olivier sauvage, le jambage à cinq boliques (Za 4, 1-14. Voir« Le candélabre
retraits, deux vantaux en bois d'olivier sau- sacré» (p. 26), dans le chapitre « La lu-
vage.» (1 R 6, 31-32.) mière»).
Judith et ses compagnes se couronnent de Pour I' Apocalypse, les deux oliviers repré-
feuilles d'olivier, pour danser et chanter leur sentent deux témoins mystérieux, engagés
action de grâces au Seigneur, après la mort dans le combat eschatologique et dotés de
d'Holopherne (Jdt 15, 13). pouvoirs semblables à ceux de Moïse
L'olivier apparaît dans les Psaumes. (Ap 11, 3-7).
Paul, dans l'épître aux Romains, utilise
Et moi, comme un olivier verdoyant
l'image de la greffe de l'olivier pour éclairer
dans la maison de Dieu,
je compte sur l'amour de Dieu
l'étrange arboriculture de Dieu qui greffe la
toujours et à jamais. [Ps 52, 10.] communauté chrétienne sur le tronc d'Israël
(Rm 11, 17-24. Voir aussi « L'agriculture
La vigne et l'olivier traduisent la fécondité divine » (p. 102) dans le chapitre « La
etle bonheur de la famille du juste. terre»).

143
LES SYMBOLES BIBLIQUES

L'amandier. en treille fournit aussi un abri contre l'ardeur


du soleil). « Juda et Israël demeurèrent en
Pour déjouer les plans de son beau-père sécurité, chacun sous sa vigne et son figuier,
Laban qui n'a pas cessé de le tromper,Jacob de Dan à Béer-Shéva, durant toute la vie de
use d'une magie qui lui permet d'augmenter Salomon» (1 R 5, 5).
son propre troupeau. Parmi les baguettes
On ne brandira plus l'épée, nation contre nation,
magiques, il en est qui sont taillées dans le
on n'apprendra plus à se battre.
bois d'amandier (Gn 30, 37).
Ils demeurèrent chacun sous sa vigne et son
Le candélabre du premier sanctuaire por- figuier. [Mi 4, 3-4.]
tait au bout de ses branches des calices d'or
en forme de fleur d'amandier (Ex 25, 33). « Manger le fruit de sa vigne ou de son
L'amandier, premier à fleurir était le sym- figuier» est une formule similaire (2 R 18,
bole de la vigilance et, en quelque sorte, 31).
l'emblème du veilleur. Le figuier annonce la venue de l'été :
Après la vocation de Jérémie, la main de
Car voilà, l'hiver est passé. [. ..]
Dieu touche la bouche du prophète pour la
Le figuier forme ses premiers fruits.
purifier (Jr 1, 9). La première vision de
[Ct 2, 11 et 13.]
Jérémie met l'accent sur la vigilance de Dieu
en tout ce qui concerne sa parole. Jésus annonce de la même manière la venue
du Fils de l'homme :
La parole du SEIGNEUR me fut adressée en ces
termes : « Que vois-tu, Jérémie?» Je répon- Comprenez cette comparaison empruntée au
dis: «Je vois une branche d'amandier». Alors figuier : dès que ses rameaux deviennent tendres
le SEIGNEUR me dit : « Tu as bien vu, car je et que poussent ses feuilles, vous reconnaissez
veille sur ma parole pour l'accomplir.» quel' été est proche. De même, vous aussi, quand
Ur 1, 11-12.J vous verrez tout cela, sachez que le Fils de
l'homme est proche, qu'il est à vos portes.
[Mt 24, 32-33.]

Le figuier. « Dévaster la vigne et le figuier», c'est


saccager la terre accordée par Dieu à son
C'est en cousant des feuilles de figuier peuple (Os 2, 14). C'est là l'œuvre de l'en-
qu'Adam et Ève se fabriquent les pagnes qui vahisseur.
voilent leur honte et leur fragilité. Ils seront Un peuple est monté contre mon pays,
remplacés par des tuniques de peau. Le puissant et innombrable. [. ..]
Seigneur dispose ainsi des êtres vivants qu'il Il a fait de ma vigne un désert,
a créés pour mieux protéger l'homme, voué réduit en miettes mon figuier ;
maintenant à l'existence dans un monde il les a tous pelés, abattus,
hostile (Gn 3, 7 et 21). leurs rameaux sont devenus blancs. OJ l, 6-7.J
Le figuier, aux larges feuilles, donne de
l'ombre et un lieu de repos. Habiter sous un Marc racontera le geste de Jésus qui
figuier est un signe de paix (la vigne cultivée dessèche un figuier (Mc Il, 12-14 et20-24).

144
L'ARBRE

(Voir« Les gestes du Christ» (p. 316), dans tel est mon bien-aimé parmi les garçons.
le chapitre « Le geste prophétique ».) A son ombre, selon mon désir, je m'assieds;
Un texte de !'Apocalypse reprend une et son fruit est doux à mon palais.
image d'Isaïe (Is 34, 4) : Il me fait entrer au cabaret,
mais son enseigne au-dessus de moi est Amour.
Les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, Restaurez-moi avec des gâteaux de raisins ;
comme les fruits verts d'un figuier battu par la soutenez-moi avec des pommes :
tempête. [Ap 6, 13 .] car je suis malade d'amour. [Ct 2, 3-5.]
Vers la fin du cantique, se trouve un texte
mystérieux qui _a connu bien des interpréta~
Le grenadier,
tians. On peut cependant remarquer que
l'arbre fournit un espace propice à l'amour
La grenade est deux fois nommée dans le
et à la fécondité. Cet amour est ardent
Cantique des cantiques.« Comme la tranche
comme le feu, mais il n'est pas que désir : il
d'une grenade est ta tempe à travers le
est une flamme de Y ah, son caractère est
voile» (Ct 4, 3).
sacré. Le Bien-aimé parle :
Les grenadiers, toujours liés à l'évocation
de la vigne, sont une des plus belles parures Sous le pommier je t'ai réveillée,
de la campagne printanière. là-même où ta mère te conçut,
là où conçut celle qui t'a enfantée.
Dès le matin nous irons aux vignobles.
Nous verrons si _la vigne bourgeonne, La Bien-aimée répond :
si les pampres fleurissent,
Pose-moi comme un sceau sur ton cœur,
si les grenadiers sont en fleurs. [Ct 7, 13.]
comme un sceau sur ton bras.
Avec du jus de grenades, on fait une Car l'amour est fort comme la Mort,
boisson agréable (Ct 8, 2). la jalousie inflexible comme le Shéol,
Des grenades de diverses couleurs or- ses traits sont des traits de feu,
une flamme de Yah. [Ct 8, 5-6.J
naient le bas du vêtement du Grand Prêtre
(Ex 28, 33-34). Les chapiteaux des deux
colonnes, qui faisaient partie du portique du
Le chêne et le térébinthe.
Temple, avaient chacune deux· cents grena-
des sculptées (1 R 7, 18-20).
(Voir aussi1 dans ce même chapitre,« L'ar-
bre des lieux saints» (p. 136)).
En ce qui concerne le chêne proprement
Le pommier,
dit, celui que l'on nomme chêne de Bashân
(pays situé à l'est du lac de Tibériade) est un
Dans le Cantique des cantiques, le pom-
arbre de grande taille, qui est devenu le
mier est lié au monde et aux choses de
symbole de l'orgueil.
ramour.
Quand le Seigneur paraît dans sa majesté,
Comme un pommier au milieu des arbres l'orgueil sous toutes ses formes se retrouve
de la forêt, humilié, y compris celui des chênes altiers.

145
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Oui, ce sera un jour du SEIGNEUR Sabaot je suis passé, voici qu'il n'était plus,
sur tout· ce qui est orgueilleux et hautain, je l'ai cherché, on ne l'a pas trouvé.
sur tout ce qui est élevé pour qu'il soit abaissé; [Ps 37, 35-36.J
sur tous les cèdres du Liban hautains et élevés,
sur tous les chênes de Bashân. [ls 2, 12-13.] La voix de Dieu manifeste sa toute-
puissance, comme l'orage retentissant qui
Tyr était fier de ses longs avirons en chêne foudroie les plus grands arbres.
de Bashân (Ez 27, 6).
L'arbre hautain symbolise aussi les peu- Voix du SEIGNEUR, elle fracasse les cèdres,
ples oppresseurs d'Israël. Lors du grand le SEIGNEUR fracasse les cèdres du Liban.
retour après la captivité, ils seront hwniliés. Il fait bondir comme un veau le Liban.
[Ps 29, 5-6.J
Gémissez, chênes de Bashân,
car elle est abattue la forêt inaccessible. Ézéchiel, en une grande image, raconte
[Za 11, 2.] l'histoire tragique de son temps : un grand
aigle (certains disent un vautour) désigne le
roi de Babylone ; il arrache au grand cèdre
Le cèdre. du royaume de Juda sa «pointe», le roi
Y oyakîn, pour le déporter à Babylone. Une
Aussi imposant que le grand chêne, le nouvelle semence est apportée dans le terri-
cèdre altier peut être humilié, lui aussi (Is 2, toire conquis: c'est le roi Sédécias, un roi en
13). Mais le cèdre demeure une œuvre tutelle. Cette semence produit une vigne
magnifique du Seigneur. On parle beaucoup « d'espèce rampante», c'est-à-dire des gens
des cèdres dans les Psaumes : ils doivent prêts à collaborer avec le dominateur baby-
louer Dieu (Ps 148, 9), parce que c'est lui lonien. Un serment solennel qui prend Dieu
qui les a plantés. à témoin est exigé par le roi de Babylone.
Après l'avoir proféré, le roi Sédécias le tra-
Les arbres du SEIGNEUR se rassasient, hira, espérant s'entendre avec l'Égypte pour
les cèdres du Liban qu'il a plantés. [Ps 104, 16.] se libérer du joug de l'envahisseur. Mais un
Les arbres plantés par Dieu, même les serment devant Dieu est définitif. La faute
plus grands et les plus beaux, ne peuvent du roi sera punie : Sédécias aura les yeux
crevés au terme d'un procès pour haute
donc être considérés comme divins.
Le cèdre donne parfois une idée de trahison.
Dans un dernier poème en vers, Ézéchiel
mesure, de vaste dimension. Le juste grandit
transmet un message de Dieu, excédé par la
comme un cèdre (Ps 92, 13). Israël, en tant
misérable politique des hommes. Le Sei-
que vigne de Dieu, couvrait les cèdres de ses
pampres (Ps 80, 11). gneur reprend les choses en mains, il de-
vient, lui, l'aigle royal à la place du rapace
Le cèdre est le symbole de la fausse
babylonien. Le rameau qu'il cueille c'est le
grandeur : une gloire usurpée est caduque.
petit reste d'Israël qui deviendra un grand
J'ai vu l'impie forcené arbre, après avoir été transplanté en terre
s'élever comme le cèdre du Liban ; d'Israël.

146
L'ARBRE

Ainsi parle le Seigneur DIEU : on désignait les lieux de cultes païens et les
« Et moi, je prendrai à la cime du grand cèdre, arbres qui les signalaient. Les dieux des
et au sommet de ses branches je cueillerai un cultes agraires se flétrissent, mais le Seigneur
rameau; demeure comme le seul vrai Dieu de la
et je le planterai moi-même sur une montagne
fertilité et de la fécondité.
très élevée.
Sur la haute montagne d'Israël, je le planterai. Éphraïm ! Qu'ai-je encore à faire avec les idoles ?
Il poussera des branches, portera du fruit C'est moi qui lui réponds et qui veille sur lui.
et deviendra un cèdre magnifique. Je suis, moi, comme un cyprès toujours vert,
Toutes sortes d'oiseaux habiteront sous lui, c'est de moi que procède ton fruit. [Os 14, 9.]
toutes sortes de volatiles reposeront à l'ombre
de ses branches. La Sagesse grandit sur terre « comme le
Et tous les arbres des champs sauront cyprès sur les hauteurs de !'Hermon» (Si 24,
que c'est moi, le SEIGNEUR, 13). Lorsque le grand prêtre Simon sortait
qui humilie l'arbre élevé et qui élève de derrière le voile du sanctuaire, sa gloire
l'arbre humilié, était« comme le cyprès quis' élève jusqu'aux
qui fais dessécher l'arbre vert, et reverdir l'arbre nues» (Si 50, 10).
sec.
Moi, le SEIGNEUR, je le dis, je le fais. »
[Ez 17, 22-24.] Le saule et le peuplier.
Le bois de cèdre est considéré comme
précieux, il fournit le matériau pour Nous gardons ici le mot saule, pour tra-
construire le palais du roi et la Maison du duire un arbre de la famille des salicacées qui
Seigneur. « Le roi [David] dit au prophète comprend le saule et le peuplier.
Natân : "Tu vois, je suis installé dans une Les baguettes de saule font partie de
maison de cèdre, tandis quel' arche de Dieu l'attirail magique de Jacob (Gn 30, 37).
est installée au milieu d'une tente de toile" » Tout arbre a besoin d'eau pour croître et
(2 S 7, 2.) verdir_ Le saule, familier des rivières et des
Mais c'est Salomon qui construit le Tem •
lacs, devient facilement le symbole de la vie
pie: qu'apporte l'eau.
Après qu'il eut bâti la Maison et qu'il l'eut Ainsi parle le SEIGNEUR [... ] :
achevée, Salomon y fit un plafond à caissons « Ne crains pas, mon serviteur Jacob,
dont l'armature était en cèdre. Il construisit le le Redressé, celui que j'ai choisi,
bas-côté contre toute la Maison ; sa hauteur était car je répandrai des eaux sur l'assoiffé,
de cinq coudées. Il s'encastrait dans la Maison des ruissellements sur la desséchée;
avec des troncs de cèdre. [! R 6, 9-10.] je répandrai mon Esprit sur ta descendance,
ma bénédiction sur tes rejetons ;
ils croîtront comme en plein herbage,
tels des saules au bord des cours d'eau.»
Le cyprès,
[Is 44, 2-4.]
Osée va reprendre le thème des « arbres Dans l'allégorie de l'aigle d'Ézéchiel, la
verdoyants» pour le retourner. Par ce nom, semence de vigne pousse comme un saule.

147
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Il la mit dans un champ préparé Les fleuves de Babylone étaient peut-être


au bord d'un cours d'eau abondant, des canaux que creusaient les déportés d 'Is-
il la mit comme un saule. raël. Les cithares pendues aux saules ne sont
Elle poussa et devint une vigne féconde. décrochées que pour entonner des chants
[Ez 17, 5-6.l de lamentation ou murmurer la nostalgie de
la terre perdue.
Job évoque Béhémoth, l'hippopotame :
Là-bas, au bord des fleuves de Babylone,
Il se cache dans les roseaux des marécages. nous restions assis, éplorés,
Le couvert des lotus lui sert d'ombrage en pensant à Sion.
et les saules de la rivière le couvrent. Aux saules du voisinage,
Ob 40, 21-22.J nous avions pendu nos cithares ... [Ps 137, 1-2.J
148
LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG
La vigne, passer de la vigne, on peut boire de l'eau
La vigne comme signe de bénédiction, de mais, pour l'homme biblique, le sol couvert
joie et de paix. de sarments, ombragé par les treilles, est une
La vigne d'Israël. terre bénie.
La vigne dans le Nouveau Testament.
Le ·pressoir.
La vigne comme signe de bénédiction,
Le vin de la sagesse et de l'ivresse. de joie et de paix.

La coupe. Après la faute du premier homme, Dieu


La coupe de communion. lui déclare :
La coupe de colère.
La coupe dans l'Évangile. Le sol est maudit à cause de toi. [ ... ]
Il produira pour toi épines et chardons
et tu mangeras l'herbe des champs.
Le sang. [Gn 3, 17-18.J
Le sang des sacrifices et de l'Alliance.
Le sang du Christ. Cette malédiction n'est pas définitive. Le
livre de la Genèse, après huit patriarches
d'une longévité exceptionnelle, mentionne
Lamek qui, à l'âge de cent quatre-vingt-deux
LA VIGNE ans, engendre un fils qu'il nomme Noé.
L'avenir de cet enfant lui semble remarqua-
ble; il sera l'instrument de la miséricorde
La vigne est une culture singuliêre, in- divine, capable de tempérer la rigueur de
comparable à d'autres de nature plus vi- son propre jugement:« Celui-ci nous appor-
vrière. Le raisin n'est pas qu'un fruit parmi tera, dans notre travail et le labeur de nos
les fruits et le vin n'est pas une boisson faite mains, une consolation tirée du sol que le
pour désaltérer. Son effet est ambigu : il SEIGNEUR a maudit» (Gn 5, 29).
réjouit le cœur mais il peut aussi alourdir le Noé., nommé« le cultivateur», est consi-
corps et enténébrer l'esprit. On peut se déré comme le premier vigneron. On ne

151
LES SYMBOLES BIBLIQUES

mentionne pas ses autres plantations, ses Car je sais combien nombreux sont vos crimes,
cultures vivrières ou fourragères. La vigne énormes vos péchés. [Am 5, 11-12; voir aussi
apparaît comme un agrément de la vie, un So 1, 13.]
superflu qui n'est pas absolument néces- La malédiction de Dieu peut tomber sur
saire, sans cesser d'être très important. la terre. Elle prend concrètement la forme
La vigne et le vin, la treille comme lieu de des invasions, symbolisées par des insectes
repos sont des signes d'une de ces« repen- piquants (mouches et sauterelles) qui rase-
tances » divines qui ne sont nullement des ront le pays.
faiblesses. Dieu revient sur sa malédiction Il arrivera en ce jour-là
du sol, douloureusement gratté par l'homme que tout lieu où il y avait mille pieds de vigne,
pour survivre. Le raisin est le don d'un valant mille pièces ·d'argent,
Seigneur capable d'agrémenter la vie de ceux deviendra ronces et épines.
qui, coinme Noé, « marchent avec lui». Avec flèches et arc on y pénétrera,
« Noé, le cultivateur, commença à planter la car tout le pays sera ronces et épines.
vigne» (Gn 9, 20). [ls 7, 23-24.]
Surpris par la force du breuvage extrait de Joël compare les envahisseurs à des saute-
cette vigne, Noé s'enivre et se dénude à relles ou à des fauves aux dents longues. Les
l'intérieur de sa tente. Le récit qui s'ensuit fautes d'Israël sont semblables aux excès
a pour but de mettre en garde contre l'ivro- d'un ivrogne ; ce châtiment détruit la vigne
gnerie. Il entend aussi justifier la malignité et sème la désolation sur toute la terre, tous
de Cham et des Cananéens. Ce prolonge- les arbres sont atteints.
ment moral du récit n'a rien à voir avec le
symbolisme de la vigne et du vin. Réveillez-vous, ivrognes, et pleurez !
Quand, sur l'ordre de Dieu, Moïse envoie Tous les buveurs de vin, lamentez-vous sur le vin
nouveau:
des hommes en terre de Canaan pour recon-
il vous est retiré de la bouche !
naître le territoire, il les charge d'une mission Car un peuple est monté contre mon pays. [. .. ]
d'espionnage et leur demande aussi de rap- Il a fait de ma vigne un désert. [. .. ]
porter des produits du pays. Ces émissaires La vigne est étiolée. [. .. ]
semblent avoir été fascinés par la vigne. Tous les arbres des champs ont séché.

C'était l'époque des premiers raisins. [...] Ils


U1 1, 5.12.J
parvinrent au val d'Eskol; ils y coupèrent un Voler les biens d'un homme est un péché,
sarment et une grappe de raisin qu'ils emportè- mais le tuer pour prendre sa vigne est le
rent à deux, sur une perche. [.. .] On appela ce comble de l'horreur. Le roi Achab et la reine
heu val d'Eskol, à cause de la grappe qu'y avaient Jézabel se virent reprocher ce crime. Leur
coupée les Israélites. [Nb 13, 20-24.] châtiment sera non seulement cruel mais
infamant : l'intervention des chiens mani-
Les méchants sont privés de la bénédic- feste cette flétrissure annoncée par le pro-
tion divine que symbolise la vigne : phète Élie.
Ces vignes délicieuses que vous avez· plantées, La parole du SEIGNEUR fut adressée à Élie le
vous n'en boirez pas le vin. Tishbite en ces termes : « Lève-toi et descends

152
LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

à la rencontre d'Achab, roi d'Israël à Samarie. Pour Amos, la restauration d'Israël va de


Le_voici qui est descendu dans la vigne de Nabot pair avec la surabondauce de la fécondité du
pour se l'approprier. Tu lui diras ceci : Ainsi pays. Parmi tous les fruits de la terre, le
parle le SEIGNEUR : Tu as assassiné et de plus tu raisin occupe la première place.
usurpes! C'est pourquoi, ainsi parle le SEI-
GNEUR : À l'endroit même où tes chiens ont Voici venir des jours - oracle du SEIGNEUR -
Jappé le sang de Nabot, les chiens lapperont ton où se suivront de près le laboureur et le mois-
sang à toi aussi. [... ] Les chiens dévoreront sonneur,
Jézabel dans le champ de Yizréel. Celui de la celui qui foule le raisin_ et celui qui répand la
famille d'Achab qui mourra dans la ville, les semence.
chiens le mangeront. [1 R 21, 17-24 et tout le Les montagnes suinteront de jus de raisin,
chapitre 21.] toutes les collines deviendront liquides.
[Am 9, 13; voir aussi Za 8, 12.]
Au contraire, la paix et la sécurité, assu-
rées par un bon roi, sont une véritable Pour le Bien-aimé du Cantique des cauti-
bénédiction. La vigne est associée ici au ques, les discours de la Bien-aimée sont
figuier, arbre aux feuilles larges, dispensa- comme un vin exquis. L'amante entraîne
teur d'une ombre propice au repos. «Juda alors son amaut dans la campagne printa-
et Israël habitèrent en paix, chacun sous sa nière, transfigurée par la saison nouvelle.
vigne et sous son figuier, pendaut toute la
vie du roi Salomon» (1 R 5, 5). Nous passerons la nuit dans les villages,
dès le matin nous irons aux vignobles.
La vigne et le figuier sont des signes de
Nous verrons si la vigne bourgeonne,
prospérité (2 R 18, 31). si les pampres fleurissent,
Quaud Dieu règnera à Sion, la paix sera si les grenadiers sont en fleurs.
assurée : Alors je te ferai le dol.1 de mes amours.
On n'apprendra plus à faire la guerre. [Ct 7, 12-13.]
Mais chacun sera assis sous sa vigne et sous son
figuier. [Mi 4, 3-4.]
La vigne d'Israël,
Dans cette perspective messianique, Za-
charie voit venir celui qu'il nomme « le Dieu est, pour la Bible, le seul créateur.
Germe». Les fruits de la terre sont donnés aux hom-
Voici que je vais introduire mon serviteur mes pour les nourrir (Gn 2, 9 et 16). C'est
«Germe», et j'écarterai l'iniquité de ce pays, en donc une trahison, un véritable adultère, que
un seul jour. Ce jour-là - oracle du SEIGNEUR d'attribuer aux faux dieux la création et la
Sabaot -vous vous inviterez l'oo l'autre, sous la répartition de ces biens nécessaires à la
vigne et sous le figuier. [Za 3, 8-10.] vie.
Tel est l'avis du prophète Osée (Os 2,
La vigne est aussi un symbole de la fécon-
7-10), la boisson, le moût et le vin sont en
dité de l'homme qui craint Dieu.
bonne place dans la liste des denrées essen-
Ton épouse : une vigne fructueuse tielles, qui deviennent impures quand on les
au cœur de ta maison. [Ps 128, 3,] attribue à des divinités méprisables.

153
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Tu as aimé le salaire [les biens de la terre] impur J' eff espérais du raisin.
sur toutes les aires à blé. Pourquoi seulement du verjus ?
Ni l'aire, ni la cuve ne les nourriront, Eh bien ! je vais vous apprendre
le vin nouveau les décevra. [. .. ] ce que je vais faire de ma vigne :
Tis ne feront plus au SEIGNEUR de libations de en ôter la haie pour qu'on la broute,
vin, en abattre le mur pour qu'on la piétine.
ils ne lui offriront plus de sacrifices ; Qu'elle soit saccagée, non plus taillée ni cultivée ;
leur pain sera comme un pain de deuil, sur elle : épines et ronces !
et tous ceux qui en mangeront deviendront J'interdirai aux nuages
impurs. [Os 9, 1-4.] d'y laisser pleuvoir la pluie. [Is 5, 1-6.]
La vigne, signe de bénédiction, devient Le prophète parle maintenant clairement:
alors le symbole d'Israël. Sa fécondité était cette vigne de Dieu, c'est Israël et Juda que
d'origine divine, la trahison spirituelle du Dieu considérait comme un plant choisi. Le
peuple élu le ramène à la stérilité, causée par fruit attendu- était l'innocence, et c'est du
l'abandon de Dieu. sang qui coule ; à la place de la sérénité de
la justice retentit un cri d'horreur (Is 5, 7).
Israël était une vigne luxuriante
La terre est maudite : « dix arpents de vigne
donnant beaucoup de fruits.
ne donneront qu'un tonnelet» et un peuple
Plus les fruits se multipliaient,
plus il a multiplié ses autels. [Os 10, 1.] d'ivrognes court de fêtes en fêtes, dans la
plus totale ignorance de leur Seigneur (Is 5,
Il s'agit, bien sûr, des autels idolâtriques. 10-11).
« Leur cœur est double » s'exclamera Plus tard, après le grand Jugement, quand
le prophète et cette duplicité entraînera la Israël se trouve purifié, le prophète entonne
malédiction de la terre, dont les épines et les encore un chant de la vigne, mais il proclame
chardons sont le signe (Os 10, 8). cette fois la restauration de son domaine et
le retour de la bénédiction sur la terre.
Isaïe reprend et développe le même
La vigne délicieuse, chantez-la !
thème dans son chant de la vigne.
Moi, le SEIGNEUR, j'en suis le gardien ;
Que je chante à mon ami à tout instant je l'arrose
le chant de son amour pour sa vigne. de peur que ne tombe son feuillage ;
Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. nuit et jour je la garde.
Il la bêcha, l'épierra, il la planta de muscat. Je n'éprouve plus de colère!
Au milieu il bâtit une tour, Qu'il y ait épines et ronces :
il y creusa même une cuve. je leur ferai la guerre,
Il en espérait des raisins, je les brûlerai toutes. [ls 27, 2-4.]
mais elle ne lui donna que du verjus.
Et maintenant, habitants de Jérusalem et gens de
Le psaume 80 est une prière pour la
Juda, restauration d'Israël. L'image de la vigne
soyez juges, je vous en prie, entre ma vigne plantée par Dieu mais châtiée exprime la
et moi. gloire, l'épreuve, mais aussi l'espérance dl.l
Que pouvais-je faire pour ma vigne, que je n'aie peuple de Dieu en un possible salut (Ps 80,
fait? 9-17).

154
LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

Jérémie reprend le même thème : l'idolâ- La deuxième allégorie est en forme de


trie est la cause de la dégénérescence de la complainte sur les princes d'Israël·:
vigne amoureusement plantée,
Ta mère était comme une vigne
Moi, pourtant, je t'avais plantée comme un cep plantée au bord de l'eau.
de choix, Elle était féconde et feuillue,
une bouture d'authentique provenance, grâce à l'abondance de l'eau.
Cûmment t'es-tu changée en plant dégénéré, Elle poussa des rameaux puissants
Vigne bâtarde! (Jr 2, 21.] qui devinrent des sceptres royaux ;
ils grandirent et S'élevèrent
Le châtiment ne va pas tarder, Les jusqu'au milieu des nuages,
_envahisseurs montent à l'assaut de la vigne on les admira pour leur hauteur
construite en terrasses (Jr 5, 10), Juda est et pour l'abondance de leur feuillage.
une vigne stérile (Jr 8, 13). Une image Mais elle a été arrachée et jetée à terre,
1
insolite montre le prophète qui cherche, le vent d est a desséché ses fruits,
sur l'ordre de Dieu, quelques fidèles en- le feu a tout dévoré.
core capables d'entendre sa parole. La voici transportée au désert,
L'homme de Dieu ressemble alors à un au pays sec et aride.
Le feu est sorti de sa tige,
pauvre qui grappille une vigne après la
il a dévoré ses branches et son fruit.
vendange (Jr 6, 9). Elle n'aura plus son rameau puissant,
son sceptre royal[Ez 19, W-14.]
En Ézéchiel, on trouve plusieurs allégories
de la vigne. Dans une première, il est dit que Une troisième allégorie d'Ézéchiel illustre
le cep de vigne n'est pas un bois d'œuvre: le thème de la vigne d'une manière particu-
oil il porte du fruit, ou il n'est qu'un bois à lière. Elle considère les vrilles des sarments,
brûler. capables de s'accrocher à des supports pour
aider la croissance des tiges.
Fils d'homme, en quoi le bois de la vigne vau- Israël est bien cette vigne qui cherche des
drait-il mieux points d'appui auprès du roi de Babylone ou
que_le bois de toute autre branche d'arbre dans
du Pharaon égyptien. Ces souverains sont
la forêt ? [... ]
C est pourquoi, ainsi parle le SEIGNEUR : considérés comme des aigles. Mais le tuteur
Tout comme le bois de la vigne parmi les arbres égyptien ne risque-t-il pas d'étouffer la vigne
de la forêt, d'Israël qui se fixe à lui, en croyant trouver
que j'ai jeté au feu pour le conswner, là son salut ?
ainsi ai-je traité les habitants de Jérusalem.
[Ez 15, 2 et 6.] L'aigle ne va-t~il pas briser ses racines,
arracher ses fruits,
Et la malédiction de Dieu retombe sur la en sorte que sèchent toutes les feuilles nouvelles
terre : qu'elle poussera,
sans qu'il soit besoin d'un effort puissant
Je forai de ce pays un désert et d'un peuple nombreux,
parce qu'ils m'ont été infidèles. Œz 15, 8.] pour l'arracher de ses racines? [Ez 17, 9.]

155
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Isaïe donne aussi un exemple d'un peuple eux qu'il avait dit cette parabole. Et le laissant,
païen, Moab, représenté symboliquement ils s'en allèrent. [Mc 12, 1-12.]
par son vignoble (Is 16, 7-10; voir aussi Jr Et Matthieu ajoute : « Aussi je vous le dis :
48, 32-33 ). le Royaume de Dieu vous sera retiré
pour être confié à un peuple qui lui fera
produire ses fruits» (Mt 21, 43 ).
La vigne dans le Nouveau Testament. Les grands prêtres et les Pharisiens se
sentent alors visés par cette parabole et
Les évangiles synoptiques racontent tous commencent à tenir conseil pour éliminer ce
l'histoire des vignerons meurtriers. C'est là signe de contradiction qu'est Jésus.
une parabole, truffée de précisions allégori- L'intérêt de cette remarque de Matthieu
ques que discernent parfaitement les adver- est de présenter de manière concrète le
saires de Jésus. Royaume de Dieu. Il s'agit d'un champ,
d'une «terre» qui doit produire des fruits.
Et il se mit à leur parler en paraboles. « Un
On retrouve ici l'esprit des « paraboles agri-
homme a planté une vigne, l'a entourée d'une
clôture, il a creusé une cuve et bâti une tour ; coles » du Royaume. Le Père du ciel détient
puis il l'a donnée en fermage à des vignerons et la terre et les semences 1 mais la collaboration
il est parti. des hommes, ouvriers de ce domaine divin,
Le moment venu, il a envoyé un serviteur aux est nécessaire pour que le sol donne son
vignerons pour recevoir d'eux sa part des fruits fruit. Les travailleurs de la vigne divine
de la vigne. Les vignerons l'ont saisi, roué de doivent apporter ce fruit au Maître qui
coups et renvoyé les mains vides. Il leur a envoyé pourra alors le répartir en toute justice, selon
un àutre serviteur; celui-là aussi, ils l'ont frappé les besoins de chacun. C'est le sens de la
à la tête et insulté. Il en a envoyé un autre parabole des ouvriers de la onzième heure
- celui-là ils l'ont tué -, puis beaucoup d'au- qui s'en furent, sur le tard, travailler dans la
tres : ils ont roué de coups les uns et tué les vigne pour un salaire égal à celui des lève-tôt
autres. Il ne lui restait plus que son fils bien-
aimé. Il l'a envoyé en dernier vers eux en se
(Mt 20, 1-16).
disant : "Ils respecteront mon fùs. Mais ces Le chapitre 15 de l'évangile de Jean com-
vignerons se sont dit entre eux: "C'est l'héritier. mence par une grande allégorie de la vigne.
Venez! Tuons-le et nous aurons l'héritage." Ils Jésus dit :
l'ont saisi, tué et jeté hors de la vigne_. Que fera Je suis le vrai cep et mon Père est le vigneron:
le maître de la vigne ? Il viendra, fera Périr les Tout sarment qui ne porte pas de fruit, il le
vignerons et confiera la vigne à d'autres. coupe,
N'avez-vous pas lu ce passage de l'Écriture : et tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde,
La pierre qu'ont jetée les bâtisseurs, pour qu'il en porte encore plus. Un 15, 1-2.]
c'est elle qui est devenue la pierre angulaire. La taille de la vigne est un art difficile. Il
C'èst là l'œuvre du Seigneur : faut retrancher nombre de sarments pour
quelle merveille à nos yeux ! laisser les plus vigoureux ; et ceux-ci doivent
Ils cherchaient à l'arrêter, mais ils eurent peur de être encore taillés, émondés, pour distribùer
la foule. Ils avaient bien compris que c'était pour la sève de manière productive.

156
LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

Émondés, vous l'êtes déjà, Si quelqu'un ne demeure pas en moi,


grâce à la parole que je vous ai annoncée. on le jette dehors comme un sarment
ijn 15, 3.] et il se dessèche ; puis on les ramasse
et on les jette au feu et ils brûlent. ijn 15, 6.J
« Émondé » signifie purifié. L'instruction
des disciples par Jésus n'était pas un ensei- Les sarments secs ne sont que du bois à
gnement de sagesse tranquille. Certaines de brûler, ce thème a déjà été développé par
ses paroles étaient choquantes, voire scanda- Ézéchiel (Ez 15, 2 et 6).
leuses. D'autres annonçaient le passage par
la douleur. Les discours du Christ ont fait de Si vous demeurez en moi
et que mes paroles demeurent en vous,
lui et de ses disciples des signes de contra-
demandez ce que vous voudrez
diction. Ces paroles tranchantes produi-
et vous l'aurez.
saient un effet redoutable: «Je ne suis pas C'est la gloire de mon Père
venu apporter la paix maisle glaive» (Mt que vous portiez beaucoup de fruit,
10, 34). Les vignerons utilisaient jadis une et vous serez alors mes disciples. Un 15, 7-8.J
serpette soigneusement affutée pour la taille
de la vigne. Cet instrument devient le sym-
bole de l'action incisive de la parole purifi-
Le pressoir.
catrice.
Demeurez. en moi, comme moi en vous. Pour presser le raisin, on ne disposait pas
be même. que le sarment ne peut pas, de lui- jadis en Israël de la machinerie que la tech-
même1 porter du fruit, nique vinicole a développée par la suite. On
sans demeurer sur le cep, foulait le raisin dans une cuve et le rythme
ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en moi. de ce piétinement pouvait entraîner des
ijn 15, 4.] chants et des cris de joie. Cette liesse célé-
Garder la parole de Jésus, c'est demeurer brait la bénédiction divine de la terre et tout
attaché à lui. Le verbe « demeurer » évoque particulièrement celle de la vigne, source de
aussi la fidélité à l'Alliance qui va être renou- joie et symbole évident de la générosité de
velée dans le sang du Christ. Dieu.
Pour les peuples païens, les vendanges
Je suis le cep ; étaient aussi une fête, qui n'excluait pas une
vous êtes les sarments. référence religieuse à un dieu garant de la
Qui. demeure en moi, comme moi en lui, prospérité du vignoble. « Les notables de
porte beaucoup de fruit ;
Sichem sortirent dans la campagne pour
car hors de moi vous ne pouvez rien faire.
vendanger leurs vignes, ils foulèrent le raisin,
Un 15, 5.J
organisèrent des réjouissances et entrèrent
La sève passe du cep dans les sarments. dans le temple de leur dieu» (Jg 9, 27).
La grâce, l'énergie divine qui vient du Père Quand viennent le malheur et la dévasta-
par le Fils, est la puissance fructifiante qui tion, le silence des vignes, au temps des
permet aux disciples unis à leur Seigneur de vendanges, est particulièrement sinistre.
porter des fruits dans le champ du Royaume. Moab l'orgueilleux était fier de ses vignes,

157
LES SYMBOLES BIBLIQUES

de ses gâteaux de raisins, mais cette vanité Alors je les ai foulés dans ma colère,
agricole n'était que le signe de son désir je les ai piétinés avec fureur,
dominateur. Humilié, consterné, ce pays se leur sang a giclé sur mes habits,
lamente et se répand en pleurs. et j'ai taché tous mes vêtements.
Car j'ai au cœur un jour de vengeance,
Vigne de Sibma c'est l'année de ma rétribution qui vient.
je t'arrose de mes larmes. [. ..] [Is 63, 1-4.]
Le cri s'est éteint,
la joie et l'allégresse ont disparu des vergers, Un oracle de Jérémie contre les nations
dans les vignes, plus de liesse ni de cri joyeux ; utilise la même image :
le fouleur ne foule plus le vin dans le pressoir,
Le SEIGNEUR rugit d'en haut,
le cri a cessé.
de sa demeure sainte il élève la voix,
C'est pourquoi mes entrailles, pour Moab,
frémissent comme une cithare. [Is 16, 9-11.] il rugit avec fureur contre son pacage,
il pousse des cris de fouleur à la cuve
La Bible est capable de retourner les contre tous les habitants de la terre. [Jr 25, 30.]
symboles comme un vêtement réversible. Le
thème du pressoir est ainsi traité par les L' Apocalypse reprend souvent des textes
prophètes. La cuve où dansent les joyeux de l'Ancien Testament. C'est ici Joël qui
vendangeurs va devenir un lieu d'horreur, le fournit la référence. Au« jour du Seigneur»,
lieu où les hommes sont écrasés par leurs jour du jugement final, les nations pécheres-
ennemis, ou détruits par la colère divine. Le ses sont convoquées pour subir le châtiment
jus des raisins rouges devient alors du sang. dans la vallée de «Josaphat», nom qui veut
dire « le Seigneur juge».
Le Seigneur a foulé au pressoir
la vierge, fille de Juda. [Lm 1, 15.J Que les nations s'ébranlent et qu'elles montent
à la vallée de Josaphat !
Isaïe reprend cette image pour en faire Car là je siégerai pour juger
une vision hallucinante, à la limite du soute- toutes les nations du monde.
nable. Il entend ainsi évoquer le jugement Lancez la faucille : la moisson est mûre ;
des peuples ennemis d'Israël, en particulier venez, foulez, le pressoir est comble ;
Édom, dont Boçra, située au nord de Petra, les cuves débordent,
était la principale forteresse. tant leur méchanceté est grande. [Jl 4, 12-13.]

Quel est donc celui qui vient d'Édom, L' Ange préposé au feu cria d'une voix puissante
de Boçra, en habits éclatants, à celui qui tenait la faucille : « Jctte ta faucille
magnifiquement drapé dans son manteau, aiguisée, vendange les grappes dans la vigne de
s'avançant dans la plénitude de sa force? la terre, car ses raisins sont mûrs. » L' Ange alors
C'est moi qui parle avec justice, jeta sa faucille sur la terre et il vendangea la vigne
qui suis puissant pour sauver. et versa le tout dans la cuve de la colère de Dieu,
- Pourquoi ce rouge à ton manteau ? cuve immense ! Puis on la foula hors de la ville,
Pourquoi es-tu vêtu comme celui qui foule au et il en coula du sang qui monta jusqu'au mors
pressoir? des chevaux sur une étendue de mille six cents
- À la cuve, j'ai foulé solitaire, stades.
et des gens de mon peuple, pas un n'était avec moi. [Ap 14, 18-20; voir aussi Ap 19, 15.]

158
LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

LE VIN DE LA SAGESSE Le vin nouveau a, par ailleurs, fourni


ET DE L'IVRESSE l'image du renouveau spirituel qu'apporte
l'enseignement de Jésus.
Si le pain fortifie le cœur de l'homme, le
vin le réjouit (Ps 104, 15), On ne met pas non plus du vin nouveau dans de
vieilles outres ; autrement les outres éclatent, le
La Sagesse, qui dresse sa table pour ses
vin se répand et les outres sont perdues. Mais on
hôtes, n'oublie pas le vin. met du vin nouveau dans des Outres neuves, et
La Sagesse a bâti sa maison, l'un et l'autre se conservent. [Mt 9, 17.]
"elle a dressé ses se:()t colonnes,
elle a abattu ses bêtes, préparé son vin. [... ] Cependant le Lévitique interdit le vin
À l'homme insensé elle dit : aux prêtres quand ils se rendent à la Tente
« Venez, mangez de mon pain, du Rendez-vous. L'interdiction vaut aussi
buvez du vin que j'ai préparé ! quand les ministres de Dieu discernent le
Quittez la niaiserie où vous vivez, sacré du profane et lorsqu'ils révèlent les
marchez droit dans la voie de l'intelligence. » décrets de la Loi (Lv 10, 8-11).
[Pr 9, 1-6.J L'ivrognerie, pour les prophètes, est un
dérèglement ; c'est aussi un vice qui peut
Le festin messianique, décrit par Isaïe,
entraîner des déviations spirituelles.
imagine l'entrée dans le Royaume de Dieu
comme l'accès à un banquet où rien ne Malheur à ceux qui se lèvent tôt le matin
manque, pour effacer la tristesse du châti- pour courir à la boisson,
ment, des lourdes peines et du deuil. Le vin qui s'attardent le soir, ivres de vin.
réchauffera les cœurs après le long hiver de Ce ne sont que harpes et cithares,
l'épreuve. tambourins et flûtes
et du vin pour leurs beuveries.
Le SEIGNEUR Sabaot prépare Mais pour l'œuvre du SEIGNEUR pas un regard,
pour tous les peuples sur cette montagne l'action de ses mains, ils ne la voient pas.
un festin de viandes grasses, un festin de ·bons C'est pourquoi mon peuple est exilé,
vins, faute de connaissance. [Is 5, 11-13.]
.de viandes moelleuses, de vins dé"cantés.
[Is 25, 6.] Quand le pays est dirigé par un cercle
Jésus évoque, lui aussi, un banquet escha- d'ivrognes, le châtiment n'est pas loin. Par
tologique (Mt 8, 11). Cette image est au un glissement d'images, Isaïe montre que ce
cœur de la parabole des invités discourtois cercle désastreux sera remplacé par une
(Mt 22, 1-14). couronne lumineuse: Dieu sera lui-même le
Après l'institution de ]'Eucharistie, le restaurateur de son peuple.
Christ déclare :
Malheur à l'orgueilleuse couronne des ivrognes
Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce d'Éphraün,
produit de la _vigne, jusqu'au jour où je le boirai à la fleur fanée de sa superbe splendeùr,
avec vous, nouveau, dans le Royaume de mon sise au sommet de la grasse vallée,
Père [Mt 26, 29]. à ceux que terrasse le vin. [Is 28, l.]

159
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le prince assyrien, instrument de la colère Ne regarde pas le vin, comme il est vermeil !
de Dieu, va déferler avec son armée, comme Comme il brille dans la coupe !
une tempête dévastatrice. Il va fouler aux Comme il coule tout droit !
pieds cette couronne d'abrutis. Il finit par mordre comme un serpent,
par piquer comme une vipère.
Ce jour-là, c'est le SEIGNEUR Sabaot
Tes yeux verront d'étranges choses,
qui" deviendra la couronne de splendeur ton cœur s'exprimera de trav_ers.
et un superbe diadème
Tu seras comme un homme couché en haute
pour le reste de son peuple. [Is 28, 5.] mer,
Dans la parabole des cruches entrecho- ou couché à la pointe d'un mât.
quées, Jérémie annonce d'une manière sai- On m'a battu, je n'ai point mal!
sissante le châtiment de Dieu contre Jérusa- On m>a rossé, je n'ai rien senti!
lem. Quand m'éveillerai-je? ...
J'en redemanderai encore! [Pr 23, 31-35.J
Ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël :
« Toute cruche peut se remplir de vin!» Et s'ils
te répondent : « Ne savons-nous pas que toute
cruche peut-se remplir de vin?», tu leur diras:
« Ainsi parle le -SEIGNEUR. Voici que je vais LA COUPE
remplir d'ivresse tous les habitants de ce pays,
les rois qui occupent le trône de David, les
prêtres et les prophètes et tous les habitants de Dans la Bible, la coupe est, bien sûr, le
Jérusalem. Puis je les casserai l'un contre l'autre, récipient d'un liquide, mais le terme dési-
pères et fils, pêle-mêle - oracle du SEIGNEUR. gne aussi le contenu, la part ; il rejoint ainsi
Sans pitié, sans merci, sans m'attendrir je les la signification d'autres mots tels que
détruirai.» [Jr 13, 12-14.]
« le lot » (tiré au sort, réparti) ou « l'héri-
La sagesse d'Israël met souvent en garde tage».
contre le pouvoir dangereux du vin. L'état
d'ivresse et la sottise sont souvent mention- SEIGNEUR, ma part d'héritage et ma coupe,

nés ensemble. c'est toi qui garantis mon lot ;


le cordeau me marque un enclos de délices.
Une ronce pousse dans la main d'un ivrogne [Ps 16, 5-6.l
comme un proverbe dans la bouche d'un sot.
Un archer blessant tout le monde, Ainsi va s'établir une réciprocité : si Dieu
tel est celui qui embauche le sot et l'ivrogne qui réserve à son peuple un lot de bonheur, le
passent. [Pr 26, 9-10.] Seigneur lui-même est loti.
C'est encore dans le livre des Proverbes
Quand le Très-Haut donna aux nations leur
quel' on trouve la description fantastique des héritage,
effets de l'ivresse. Après avoir cité les mal- quand il répartit les fils de l'homme,
heurs, les regrets cuisants, les querelles, les il fixa les limites des peuples suivant le nombre
lamentations, les violences désordonnées, les des fils de Dieu ;
troubles de ]a vue, le sage en vient à la mais le lot du SEIGNEUR, ce fut son peuple,
description des hallucinations alcooliques. Jacob fut sa part d'héritage. [Dt 32, 8-9.]

160
LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

La coupe de communion. Cependant le péché peut rompre la com-


nmnion avec Dieu. Le sacrifice d'expiation
La coupe est surtout un symbole de com- devient alors nécessaire. Il comporte un rite
munion. Elle circulait dans les banquets d'aspersion par le sang qui est le prix du
comme signe de l'amitié partagée. péché. Parmi les objets liturgiques du temple
Pour reprocher à David son adultère, ancien, les « coupes d 1 aspersion » sont sou-
Natân évoque la tendresse d'un homme qui vent mentionnées (Nb 4, 14; Nb 19, 17-20;
n'avait qu'une brebis : Za 14, 20).
Mais le symbolisme de la coupe peut se
une seule petite qu'il avait achetée. renverser : le vase de communion, de bon-
Il la nourrissait et elle grandissait avec lui et avec heur et de bénédiction peut devenir un signe
ses enfants, de rupture, de folie et de honte. Les sacrifi-
mangeant son pain, buvant dans sa coupe, ces offerts aux démons sont bien le signe de
dormant sur sOn sein : c'était comme sa fille. la communion avec les puissances du mal.
[2 S 12, 3.] Le cantique de Moïse dit des Israélites :

La coupe est aussi le signe de la commu- Ils sacrifiaient aux démons qui ne sont pas Dieu,
nion avec Dieu. à des dieux qu'ils ne connaissaient pas.
[Dt 32, 17.]
Ma coupe déborde.
Oui, grâce et bonheur me pressent L'idolâtrie n'est pas une tentation passa-
tous les jours de ma vie. [Ps 23, 5-6.] gère. Des siècles plus tard, Paul s'écrira: «Je
ne veux pas que vous entriez en communion
Élever la coupe pleine des bienfaits de avec les démons. Vous ne pouvez boire à la
Dieu, c'est manifester au monde son salut, coupe du Seigneur et à la coupe des dé-
_c'est rendre grâce. mons» (1 Co 10, 20-21).
Cette coupe démoniaque est l'héritage des
Comment rendrai-je au SEIGNEUR cultes idolâtriques païens. Babylone apparaît
tout le bien qu'il m'a fait? comme la capitale de toutes les perversions
J'élèverai la coupe du salut, spirituelles. Reprenantle thème de l'infidélité
j'invoquerai le nom du SEIGNEUR. conçue comme une prostitution, l'Apoca-
[Ps 116, 12-13.] lypse dépeint la Prostituée fameuse ; c'est
Babylone devenue l'archétype du mal. Elle
Au cours de l'éloge du prêtre Simon, le tient à la main une coupe.
Siracide décrit le rituel qui utilisait la coupe
pour une libation, signe de communion. La femme, vêtue de pourpre et d'écarlate, étince-
lait d'or, de pierres précieuses et de perles; elle
Il étendait la main sur la coupe, tenait à la main une coupe en or, remplie des
faisait couler un peu du jus de la grappe abominations et des souillures de sa prostitution.
et le tépandait au pied de l'autel, [... ] Et sous mes yeux, la femme se saoulait du
parfum agréable au Très-Haut, roi du monde. sang des saints et du sang des martyrs de Jésus.
[Si 50, 15 .J [Ap 17, 4-6.]

161
LES SYMBOLES BIBLIQUES

La coupe de la colère. la coupe de ta sœur Samarie.


Tu la boiras, ru la videras,
L'idolâtrie est le plus grave des péchés. puis tu en mordras les morceaux
Elle suscite la jalousie de Dieu et sa colère. et tu te déchireras le sein. [Ez 23, 32-34.]
La vindicte divine poussera le Seigneur à Dans la quatrième malédiction d'Haba-
faire boire, jusqu'à la lie de la démence, la quq, le conquérant, après avoir avili le vaincu
coupe du péché qui a tenté Israël. qu'il pousse à la boisson, se retrouve dans
Réveille-toi, réveille-toi ! l'état honteux de sa victime.
Debout, Jérusalem ! Malheur à qui fait boire.ses voisins,
Toi qui as bu de la main du SEIGNEUR à qui verse son poison jusqu'à les enivrer
la coupe de sa colère. pour regarder leur nudité !
C'est un calice, une coupe de vertige. [Is 51, 17 .] Tu t'es saturé d'ignominie, non de gloire!
Quand Jérémie prononce ses oracles Bois à ton tour et montre ton prépuce !
contre les nations, ses révélations s'appuient Elle passe pour toi la coupe ·de la droite du
SEIGNEUR,
sur la vision d'une coupe terrifiante qui
et l'infamie va recouvrir ta gloire. [Ha 2, 15-16.]
annonce le châtiment.
Le SEIGNEUR me parla ainsi : Prends de ma main
Un psaume dit de Dieu :
cette coupe de vin de colère et fais-la boire à Il fera pleuvoir sur les impies
toutes les nations vers lesquelles je vais t'envoyer ; charbons de feu et de soufre
elles boiront, chancelleront et ·deviendront et dans leur coupe, un vent de flamme pour leur
folles, à cause de l'épée que je vais envoyer au part. [Ps 11, 6.]
milieu d'elles. [... ] Tu leur diras : Buvez r Eni-
vrez-vous! Vomissez! Tombez sans pouvoir C'est une coupe en la _main du SEIGNEUR,
vous-relever. Ur 25, 15 et 27.] du vin écumant, plein d';:uomates :
il verse, ils en lèchent la lie,
!,a coupe de Dieu contient la punition ils boivent, tous les impies de la terre. [Ps 75, 9.]
d'Edom:
Les sept fléaux de !'Apocalypse sont sym-
Vois, ceux qui n'auraient pas dû boire la coupe bolisés par sept coupes.
la boiront sûrement et toi, tu ·resterais impuni?
Tu ne resteras pas impuni, mais tu la boiras pour Puis l'un des quatre Vivants remit aux sept
de bon! Ur 49, 12.l Anges sept coupes en or, remplies de la colère du
Dieu qui vit pour les siècles des siècles [Ap
Pour Ézéchiel, Jérusalem (nommée ici 15, 7].
Oholiba) ne pourra détourner la coupe de
la colère divine.
Tu boiras la coupe de_ta sœur, La coupe dans l'Évangile.
coupe profonde et large,
qui fera rire et s·e motj_uer, Le thème de la coupe se retrouve plu-
tant sa contenance est grande. sieurs fois dans l'Évangile, soit pour signifier
Tu seras remplie d'ivresse et de douleur, la souffrance, soit pour établir un nouveau
coupe de désolation et de dévastation, rituel de communion.

162
LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

Quand la mère des fils de Zébédée vient LE SANG


trouver Jésus, c'est pour demander les
meilleures places pour Jacques et Jean dans
le Royaume messianique. Jésus répond : Le sang des sacrifices et de l'Alliance.
« "Vous ne savez pas ce que vous deman-
dez. Pouvez-vous boire la coupe que je Pour la Bible, le sang possède une dimen-
vais boire ? » Ils lui disent : « Nous le sion mystérieuse. Ce fluide contient la vie,
pouvons. - Soit, dit-il, vous la boirez» mais comme celle-ci est un don de Dieu, le
(Mt 20, 22-23). sang est bien la « part » de Dieu. À ce titre,
Un peu plus tard, Jésus explique le le sang mérite un traitement à part, lorsqu'il
contenu de cette coupe. « Le Fils de est répandu lors de l'abattage des animaux
l'homme n'est pas venu pour être servi mais qui seront consommés ou sacrifiés. Il en est
pour servir et pour donner sa vie en rançon de même quand il se trouve versé accidentel-
pour une multitude» (Mt 20, 28). lement, ou volontairement dans la guerre, ou
Le passage parallèle de Marc associe à la au cours d'une exécution judiciaire, ou de
coupe le baptême du feu, celui de la Passion façon criminelle.
et de la mott (Mc 10, 38-39). Le sang menstruel est considéré comme
Les évangiles synoptiques montrent Jésus impur et suscite un temps d'impureté (Lv
au comble de l'angoisse, à l'heure de son 15, 19-30).
arrestation. Le sang des animaux ne peut être
consommé:
Fléchissant les genoux, il priait disant : « Père !
Où que vous habitiez, vous ne mangerez pas de
Si tu veux, éloigne de moi cette coupe ! Cepen-
sang, qu'il s'agisse d'oiseau ou d'animal. Qui-
dant que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne
conque mange du sang, quel qu'il soit, celui-là
qui se fasse ! » Alors il apparut un ange qui le
sera retranché de sa race [Lv 7, 26-27].
réconfortait. Entré en agonie, il priait de façon
plus instante et sa sueur devint comme de Le sang de l'animal sacrifié sert de signe
grosses gouttes de sang qui tombaient à terre. sur la patte des Hébreux dans la nuit de la
[Le 22,41-44.l
Pâque.

La coupe eucharistique est bien celle de Le sang sera pour vous un signe sur les maisons
l'Alliance renouvelée dans le sang de où vous vous tenez. En voyant ce signe, je
passerai outre et vous échapperez au fléau des-
Jésus.
tructeur lorsque je frapperai le pays d'Égypte.
[Ex 12, 13.]
Prenant du pain, il rendit grâces, le rompit et le
leur donna en disant : « Ceci est mon corps Le sang se mêle à l'huile pour l'aspersion
donné pour vous ; faites cela en mémoire de qui consacre les vêtements sacerdotaux
moi. » Il fit de même pour la coupe après le d'Aaron et de ses fils.
repas, disant : « Cette coupe est la nouvelle
Alliance en mon sang versé pour vous. » [Le 22, Tu prendras du sang qui est sur l'autel et de
19-20.] l'huile d'onction, et tu en aspergeras Aaron et ses

163
LES SYMBOLES BIBLIQUES

vêtements, ses fils et leurs vêtements i ils seront du sol fertile qui a ouvert ta bouche pour
ainsi consacrés, lui et ses vêtements, ainsi que ses recevoir de ta main le sang de ton frère »
fils et les vêtements de ses fils. [Ex 29, 21.] (Gn 4, 10-11).
Les textes sacerdotaux mentionnent plu- Le Seigneur se manifeste ainsi comme
sieurs manipulations sacrées du sang. Il est remplissant la fonction de Gaël (vengeur du
répandu (Ex 24, 6); on immerge dans le sang). Cette tradition est enracinée dans des
sang (Lv 14, 6 et51); cependantle rituel de coutumes de ripostes violentes, susceptibles
l'aspersion est le plus souvent décrit (Lv 4, de dégénérer en massacre, comme le pro-
7, 16-17). clame le chant sauvage de Lamek (Gn 4,
L'aspersion de sang prend toute sa die 23-24).
mension quand elle conclut l'Alliance. Après Dans le nouvel ordre proclamé par Dieu
un sacrifice de communion solennel : après le Déluge, s'inscrit un précepte de
non-violence et sa justification :
Moïse prit la moitié du sang et la mit dans des
bassins, et l'autre moitié du sang, il la répandit Qui verse le sang de l'homme,
sur l'autel. Il prit le livre de l'Alliance et en fit par l'homme alira son sang versé.
une lecture au peuple qui déclara : « Tout ce Car à l'image de Dieu
que le SEIGNEUR a dit, nous le ferons. » Moïse, l'homme a été fait. [Gn 9, 6.]
ayant pris du sang, le répandit sur le peuple et
dit : « Ceci est le sang de l'Alliance que le Dieu est seul maître de la vie, car c'est lui
SEIGNEUR a conclue avec vous. » [Ex 24, 6-8.] qui la donne. Blesser un homme ou le tuer,
c'est atteindre le Seigneur lui-même, présent
Dans le N cuveau Testament, ce rite est en son image créée.
évoqué et transposé pour signifier la puis- C'est en tant que Maître du sang que le
sance rédemptrice du sang du Christ Seigneur inspirera phis tard la réglementa-
(He 9, 13). tion de la vengeance (Jos 20, 1-9).
La première épître de Pierre commence Le sang qui a lié l'Alliance entre Dieu et
par une salutation qui évoque le rite de les hommes « se met à crier » quand les
l'aspersion du sang. Elle s'adresse aux chré- hommes la rompent. Dieu se réserve alors la
tiens de la Diaspora, « élus selon la pres- vengeance du Vengeur du sang. Voici ce que
cience de Dieu le Père) dans la sanctification chante le cantique de Moïse (Dt 32, 1-44) :
de !'Esprit, pour obéir à Jésus Christ et être
aspergés de son sang (1 P 1, 1-2). Le SEIGNEUR est justice et rectitude [Dt 32, 4].
Le sang est, pour les Hébreux, le siège Mais, quand on se détourne des chemins
de l'âme principe de la vie. Le sang ac- de l'Alliance, il crie :
quiert ainsi une sorte de personnalité qui
le pousse à crier vengeance. L'image est À moi la vengeance et la rétribution,
saisissante quand Dieu reproche à Caïn le pour le temps où leur pied trébuchera.
Car il est proche le jour de leur ruine.
meurtre d'Abel. Le cri du sang est parole
[Dt 32, 35.l
dans la bouche de la terre. « Qu'as-tu fait ?
Écoute le sang de ton frère crier vers moi Les innocentes victimes de la rébellion
du sol ! Maintenant, sois maudit et _chassé seront vengées par Dieu :

164
LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

Car il vengera le sang de ses serviteurs, sant ainsi la responsabilité de la condamna-


-il rendra la pareille à ses adversaires. tion (Dt 17, 5-7 ;Jn 8, 7).
[Dt 32, 43.]
L'épître aux Hébreux reprend le même
thème, en mentionnant l'aspersion du sang Le sang du Christ.
de la première Alliance pour annoncer le
châtiment de ceux qui, par leur apostasie, Le sang de Jésus est innocent, et Judas le
:méprisent le sang de l'Alliance nouvelle, sait mieux que quiconque: «J'ai péché en
scellée dans le sang versé par le Christ. livrant un sang innocent» (Mt 27, 4).
Ce sang retombera sur la collectivité des
D'un châtiment combien plus grave sera jugé accusateurs : les grands prêtres et les anciens
passible, ne pensez-vous pas, celui qui aura qui manipulent la foule. « Nous prenons son
fottlé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour sang sur nous et sur nos enfants » (Mt 27,
profane le sang de l'Alliance dans lequel il a
été sanctifié, et outragé l'Esprit de la grâce ? 25; voir aussi Jr 51, 35 et Le 23, 28-32).
Nous connaissons en effet celui qui a dit : « À L'enseignement de Jésus dans la synago-
moi la vengeance. C'est moi qui rétribuerai.» gue de Capharnaum révèle que la chair du
[He 10, 29-30.] « Fils de l'homme » est une nourriture et son
sang un breuvage, viatiques sur le chemin de
Dieu, donc, venge le sang (JI 4, 21) et la Résurrection.
c'est même lui qui mène.l'enquête car rien ne
lui échappe; c'est ainsi qu'il sauve les hum- Celui qui mange ma chair et boit mon sang
bles. a la vie éternelle
et moi je le ressusciterai au dernier jour.
Lui qui recherche le sang [versé], il se souvient, (Jn 6, 54.]
il n'oublie pas le cri des malheureux. [Ps 9, 13.]
Ce discours annonce l'institution de !'Eu-
Le sang « retombe » sur celui qui l'a charistie.
versé. L'expression est si courante dans la
Bible qu'elle sera étendue à des fautes qui Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de
n'entraînent pas d'effusion de sang. Celui l'Alliance, versé pour la multitude» [Mc 14, 24].
qui est condamné à mort pour autre chose
qu'un crime de sang voit son propre sang La « coupe de bénédiction » du rituel juif
retomber sur lui-même. « Quiconque mau- de la Pâque se prêtait à un rituel de commu-
dira son père ou sa mère devra mourir. nion avec Dieu, auquel on offrait le sacrifice.
Puisqu'il a maudit son père ou sa mère, Paul écrit, en ce qui concerne l'Eucharistie :
son sang retombera sur lui» (Lv 20, 9). La coupe de bénédiction que nous bénissons
Il faut noter que la lapidation tenait les n'est-elle pas une communion au sang du
exécuteurs de la sentence hors de portée des Christ? [1 Co 10, 16].
éclaboussures sanglantes. Acte collectif, cette
exécution répartissait la responsabilité sur Void l'ultime recommandation de Paul
les auteurs du châtiment. Les témoins à aux anciens d'Éphèse qui sont les bergers
charge jetaient les premières pierres, endos- de la communauté chrétienne : « Paissez

165
LES SYMBOLES BIBLIQUES

l'Église de Dieu qu'il s'est acquise par son Vous vous êtes _rapprochés [ ... ] de Jésus média-
propre sang» (Ac 20, 28). teur d'une alliance neuve et du sang de l'asper-
« Son propre sang» est sans doute une sion qui parle mieux que celuî d'Abel.
métaphore osée : ce sang de Dieu est le [He 12, 22-24.l
Christ, fils de Dieu, et aussi le sang versé par L'épître montre longuement que le sacri-
Jésus pour créer son Église. Paul dira en- fice du Christ est supérieur à ceux du culte
core: ancien (He chap. 8 à 10). Le Christ peut
Nous sommes justifiés par son .sang. [Rm 5, 9.] ainsi nous introduire dans le sanctuaire cé-
leste où il est lui-même entré en vertu de son
En lui, par son sang, nous sommes délivrés.
propre sacrifice.<< Nous avons, frères, pleine
[Ep 1, 7.]
assurance d'accéder au san-ctuaire par le sang
En Jésus Christ, vous qui étiez loin, vous avez de Jésus» (He 10, 19);
été rendus proches par le sang du Christ. L'épître rattache même à un rite ancien le
[Ep 2, 13.l fait que Jésus soit mort en dehors des murs
Ayant établi la paix par le sang de la croix. de Jérusalem.
[Col 1, 20.]
Les corps des animaux, dont le grand prêtre
Se référant à l'expiation rituelle de l'An- porte le sang dans le sanctuaire pour l'expiation
cien Testament, Paul évoque le « propitia- du péché, sont brûlés hors du camp. C'est la
toire» de l'ancienne arche <l'Alliance. Le raison pour laquelle Jésus, pour sanctifier son
peuple par son propre sang, a souffert en dehors
couvercle d'or de ce _coffre sacré (kapporet,
de la porte. [He 13, 11-12.]
propitiatoire) était considéré comme le lieu
de la manifestation du Seigneur « couvrant » L' Apocalypse chante le cantique de
les péchés d'Israël. Il était rituellement as- !'Agneau:
pergé avec le sang d'un bouc sacrifié
Tu es digne de recevoir le livre
(Lv 16). et d'en rompre les sceaux.
Parlant de la justification apportée par le Car tu as été immolé
Christ, Paul dit : « C'est lui que Dieu a placé et tu as racheté pour Dieu, par ton sang,
"propitiatoire" par son sang» (Rm 3, 25). des hommes de toute tribu,
L'épître aux Hébreux invoque aussi l' An- langue, peuple et nation. [Ap 5, 9.]
cien Testament pour révéler la puissance
C'est dans le sang de l' Agneau que renaît
salvatrice du sang du Christ.
la multitude des élus.
Car si le sang de boucs et de taureaux et si la
Ils viennent de la grande épreuve,
cendre de génisse répandue sur les êtres souillés
ils ont lavé leurs robes
les sanctifie en purifiant leur corps, combien plus
le sang du Christ qui, par l'Esprit éternel, s'est
et les ont blanchies dans le sang de l' Agneau.
offert lui-même à Dieu comme victime sans
[Ap 7, 14.]
tache, purifiera-t-il notre conscience des œuvres
mortes pour servir le Dieu vivant.
[He 9, 13-14.]

166
LE PAIN DU CORPS ET CELUI DE L'ESPRIT
Le pain donné, offert, azyme et levé. ment prescrit de ne ·pas manger, le sol sera
La manne du désert. maudit à cause de toi. C'est dans la peine que
Le pain de proposition et la fête du pain. tu t'en nourriras tous les jours de ta vie, il fera
Le pain azyme et le pain levé. germer pour toi l'épine et le chardon et tu
mangeras l'herbe des champs. A la sueur de ton
visage, tu mangeras du pain jusqu'à ce que tu
Le pain quotidien et mystérieux. retournes au sol, car c'est de lui que tu as été
Le pain quotidien. pris. [Gn 3, 17-19.]
Une figure mystérieuse : Melkisédeq.
Le pain et la parole. Dans la langue biblique, le terme que
La mutiplication des pains. nous traduisons par << pain » signifie toutes
Le pain de vie. sortes de nourritures. Chaque jour, l'homme
Le pain partagé. a besoin de pain et ce terme, par un curieux
glissement de sens désignera : ce qui arrive
chaque jour. Par exemple, le pain de la
souffrance désigne une douleur quotidienne.
D'une manière plus large encore, le pain
Aux jours heureux du paradis terrestre,
signifiera le soutien spirituel que peuvent
Adam et Ève disposaient de presque tous les
apporter la grâce de Dieu et sa parole.
fruits du jardin. Ils pouvaient, sans effort,
par une simple cueillette, trouver une abon-
dante nourriture. La désobéissance du péché
originel est née d'un mauvais discernement: LE PAIN DONNÉ, OFFERT,
le fruit défendu a empoisonné leur existence. AzyME ET LEVÉ
Chassés d'une terre de délices, Adam et Ève
entendent la sentence divine. Le travail sera
le prix de la vie : pour la femme, le travail La manne du désert.
del' enfantement, et pour l'homme, le labeur
de la terre. Dieu dit à Adam : La manne apparaît dès les premières
étapes de !'Exode. Il s'agit d'une nourriture
" Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que recueillie sur un arbuste, dont la sève solidi-
tu as mangé de l'arbre dont je t'avais formelle- fiée est comestible. Pour l'auteur biblique

169
LES SYMBOLES BIBLIQUES

cette rencontre est providentielle : Dieu La manne apparaît tous les jours, il n'est
assure ainsi la survie de son peuple au pas question cl' en garder : la vigilance de
désert, avant d'améliorer son ordinaire par Dieu est quotidienne et ne faiblit pas. Les
une nourriture plus riche : les cailles. hommes ne doivent pas douter de sa provi-
Quand on dit de la manne qu'elle est le dence.
« pain du ciel », on cite les Psaumes :
Moïse leur dit : « Que personne n'en garde
À leur demande il fit venir les cailles ; jusqu'au matin!» Certains n'écoutèrent pas
il les rassasia du pain des cieux. [Ps 105, 40.] Moïse et en gardèrent jusqu'au matin ; mais cela
fut infesté de vers et devint puant. Alors Moïse
Pour les nourrir il fit pleuvoir la manne) s'irrita contre eux. [Ex 16, 19-20.]
il leur donna le blé des cieux :
chacun mangea le pain des Forts;
il leur envoya des vivres à satiété. [. ..] Le pain de proposition et la fête du pain.
Il fit pleuvoir sur eux de la viande
abondante comme de la poussière, À l'intérieur du premier sanctuaire, on
des oiseaux nombreux comme lè sable de la mer.
voit paraître une table de bois plaquée d'or
[Ps 78, 24-27 .]
pur, avec des barres qui permettent de la
Dire que le pain vient du ciel signifie ici mouvoir. Il s'agit donc d'un plateau destiné
que la nourriture vient d'un vol d'oiseaux. à une chose très sainte : l'offrande de pain
Mais, très rapidement, cette formule prend pour Dieu. L'hébreu nomme cette oblation
un autre sens : elle vient du Dieu du ciel qui « le pain de la face » ou « le pain personnel
veille sur ses enfants. La nourriture recueillie de Dieu».
sur les arbustes sera aussi qualifiée de cé- Le Lévitique décrit le rituel de cette
leste. La tradition juive verra dans la manne offrande. Une partie des pains est consumée
le plus grand miracle de ]'Exode et Jésus avec de l'encens, l'autre partie est consom-
parlera du pain céleste, lors de son discours mée par les prêtres. Cette pratique est une
sur le pain de vie (Jn 6, 31). obligation découlant del' Alliance. Ce rite est
Dans le récit de l'Exode, Moïse annonce considéré- comme très saint et devant être
un jour la venue du miracle, qui ne tarde perpétuellement conservé (Lv 24, 5-9).
pas : Israël, établi en terre de Canaan, s'adonne
à l'agriculture. Une part des fruits de la terre
Le matin, une couche de rosée entourait le camp, doit être offerte au Seigneur pour obtenir de
La couche de rosée se leva; alors sur la surface lui la bénédiction et la fécondité du soL
du désert, il y eut quelque chose de fin, de L'offrande des prémices devient la fête de la
crissant, quelque chose de fin tel du givre sur la Moisson, qui demeurera en Israël une céJé,
terre. Les fils d'Israël regardèrent et se dirent bration des plus joyeuses et des plus popn-
l'un à l'autre : Mân hou? [« Qu'est-ce que laires.
c'est? »J car ils ne savaient pas ce que c'était.
MoïsC leur dit : « C'est le pain que le SEIGNEUR Vous compterez sept semaines à partir du lende-
vous donne à manger.» [Ex 16, 13-15; voir main du sabbat, c'est-à-dire à partir du jour où
aussi Sg 16, 20-21.] vous aurez amené la gerbe du rite de présenta-

170
LE PAIN DU CORPS ET CELUI DE L'ESPRIT

tion ; les sept semaines seront complètes ; jus- consacrée par l'Alliance. Quand la foi se
cfu' au lendemain du septième sabbat, voùs pervertit et que le peuple s'égare, le petit
compterez donc cinquante jours, et vous présen- reste des fidèles se trouve en situation de
terez au SEIGNEUR une offrande de la nouvelle semence ou de levain pour susciter un
Îécolte : où que Vous habitiez, vous amènerez de groupe humain qui peut être qualifié de
chez vous pour le rite de présentation deux pains saint, en raison de la grâce divine dont il est
faits de deux -dixièmes d' épha de farine et cuits
en ·pâte levée : ce sont les prémices pour le
issu. La parabole du levain, dans l'Évangile,
SEIGNEUR. [Lv 23, 15-17.J met en relief le contraste entre la petite
quantité de levain qui est utilisée et la
Un épisode de l'histoire de David le puissance de fermentàtion qui soulève toute
montre mangeant les pains d'oblation consa- une masse de pâte. « Le Royaume des cieux
crés, un jour où la faim menaçait del' affaiblir est comparable à du levain qu'une femme
lui et ses compagnons. Considérant prend et enfouit dans trois mesures de fa-
qu'ils sont en état de pureté rituelle, le prêtre rine, si bien que toute la pâte lève » (Mt 13,
n'hésite pas à leur donner ces pains (1 S 21, 33; Le 13, 20-21).
2-7). Mais le symbolisme du levain est ambigu.
Un jour où l'on reprochait aux disciples En tant que ferment, il est une matière qui
de Jésus d'assouvir leur faim en mangeant commence un processus de décomposition.
quelques grains de blé cueillis en chemin un En ce sens, le levain est impur.
jour de sabbat, Jésus répondra en rappelant Le pain de la Pâque est un pain sans
cet épisode (Mt 12, 1-4)_ levain. Dans le cadre du récit du départ
d'Égypte, ce pain vite fait a signifié la hâte
du peuple qui prenait le large subreptice-
Le pain azyme et le pain levé. ment : le temps manquait à la pâte pour
lever. Ce pain fut mangé en même temps
La fabrication du pain a été chargée dans que l'agneau, Moïse transmit l'ordre de
l'Ancien Testament, et dans le Nouveau) Dieu:
d'une haute valeur symbolique. Pour suivre
tous les degrés de cette transposition du On mangera la chair cette nuit-là. On la mangera
rôtie au feu, avec des pains sans levain et des
sens, il faut d'abord se référer à ce texte de
herbes amères. [. .. ] Mangez-la ainsi : la Ceinture
Paul : « Si les prémices sont saintes, toute la aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la
pâte l'est aussi ; et si la racine est sainte, les main. Vous la mangerez en hâte.
branches le sont aussi» (Rm 11, 16). [Ex 12, 8 et 11.]
Le terme quelque peu mystérieux de
prémices s'éclaire par référence à la racine. Plus tard, quand Israël sera installé en
Ir s'agit d'un principe de croissance, de Terre promise, la fête des Azymes sera aussi
développement. Quant au terme de sainteté, la fête de la müisson, fêtê d'un renouveau
il ne désigne pas une perfection morale. total qui entend se détacher totalement de
Dieu est saint parce qu'il est tout autre, et le l'année passée. Le ferment, relief d'un pain
peuple de Dieu est saint parce que le choix ancien, serait un rappel inopportun de ce
divin l'a mis à part. Cette différence a été passé révolu_ Le lien entre ces deuxsignifica-

171
LES SYMBOLES BIBLIQUES

tions est clair, quand on lit la description du regrettable vers les choses anciennes. Les
rituel de la fête des Azymes. Galates sont tentés de reprendre le joug de
la loi ancienne.
Pendant sept jours, vous mangerez du pain sans
levain. Dès le premier jour, vous ferez disparaître Vous.avez rompu avec le Christ, vous qui cher-
le levain de vos maisons. Et quiconque mangera chez la justice dans la loi. [ .. .] Votre course
du pain fermenté du premier jour au septième partait bien. Qui a entravé votre élan de soumis-
jour, celui-là sera retranché d'Israël. [ ... ] Vous sion à la vérité ? Cette suggestion ne vient pas de
observerez la fête des pains sans levain car, en Celui qui vous appelle. Un peu de levain fait
ce jour précis, j'ai fait sortir vos armées du pays lever toute la pâte. [Ga 5, 4 et 7-9.]
d'Egypte. [Ex 12, 15-17.]
Parmi les Corinthiens, un cas d'inceste
Le pain sans levain, symbole de renou- crée le scandale. La réaction de Paul s'illustre
veau, sera à nouveau prescrit, à titre d' of- par un usage plus complet du symbolisme du
frande, dans le rituel de consécration d' Aa- levain.
ron et ses fils (Ex 29, 1-3).
On trouve dans l'Évangile une évocation Ne savez-vous pas qu'un peu de levain fait lever
du ferment dangereux qui peut tout cor- toute la pâte? Purifiez-vous du vieux levain pour
rompre. TI s'agit du levain d'hypocrisie qui être une pâte nouvelle, puisque vous êtes des
azymes. Car notre Pâque, le Christ, a été immo-
avilit les Pharisiens (Le 12, 1) et Hérode
lée. Ainsi nous célébrons la fête, non avec du
(Mc 8, 15). Mais la mise en garde de Jésus
vieux levain, ni un levain de malice et de
se situe dans un contexte particulier. Peu méchanceté, mais avec des azymes de pureté et
après la seconde multiplication des pains de vérité. [1 Co 5, 6-8.l
(Mt 15, 32-38), Jésus embarque avec ses
disciples qui ont oublié de prendre des
pains. Jésus leur dit :
Voyez, gardez~vous du levain des Pharisiens et LE PAIN QUOTIDIEN
des Sadducéens [Mt 16, 6]. ET MYSTÉRIEUX
En entendant parler de levain, les disci-
ples pensent « pain » et commencent à s' ac-
cuser mutuellement de l'oubli. Jésus va les
Le pain quotidien.
rappeler à l'ordre: ont-ils oublié le miracle
qu'ils viennent de vivre? Il leur dit : Dans l'histoire d'Élie, le serviteur de Dieu
n'a pas à se soucier du pain quotidien :
Comment? Vous n'avez pas compris que je ne
vous ai pas parlé à propos des pains ? Mais La parole du SEIGNEUR fut adressée à Élie :
gardez-vous du levain des Pharisiens et des « Va-t-en d'ici, dirige-toi vers l'orient et cache-
Sadducéens. Alors ils comprirent qu'il ne leur toi dans le ravin de "Kérith qui est à l'est du
avait pas dit de se ga_rder _du levain des pains, Jourdain. Ainsi tu pourras boire au torrent et j'ai
mais de la doctrine des Pharisiens et des Saddu- ordonné aux corbeaux de te ravitailler là-bas. »
céens. [Mt 16, 11-12.] Il partit et agit selon la parole du SEIGNEUR ; il
s'en alla habiter dans le ravin de Kérith qui est
Pour Paul, le levain est bien le retour à l' es.t du Jourdain. Les corbeaux lui apportaierit

172
LE PAIN DU CORPS ET CELUI DE L'ESPRIT

du pain et de la viande le matin, du pain et de buvez du vin que j'ai mêlé.


la viande le soir. [1 R 17, 2-6.] Abandonnez la niaiserie, et vous vivrez !
Puis, marchez dans la voie de l'intelligence. »
En pleine sécheresse, Élie demande à la [Pr 9, 4-6.]
veuve de Sarepta un morceau de pain. Les
provisions de la femme sont épuisées. Le L'homme malheureux a pour nourriture la
prophète fait surgir une farine miraculeuse tristesse :
qui lui permet de nourrir toute une famille Jour et nuit,
pendant plusieurs jours (1 R 17, 8 016). mes larmes sont mon pain
Quand Élie s'effondre, déprimé, sur le quand on me dit tous les jours :
chemin de !'Horeb, il s'endort profondé- « Où est ton Dieu ? » [Ps 42, 4.]
ment. Mais voici qu'un ange le toucha et lui
Tous les jours mes ennemis m'outragent,
dit : « Lève-toi et mange ! » Il regarda : à son furieux contre moi, ils profèrent des injures.
chevet il y avait une galette cuite sur des Comme p~in je mange de la cendre
pierres chauffées et une cruche d'eau et je mêle des larmes à ma boisson.
il R 19, 5). [Ps 102, 9-10.]
Quand Jésus envoie en mission soixante-
douze de ses disciples, il leur demande de se Dieu calme l'inquiétude des hommes
défaire de tout souci, et en particulier de souffrants :
celui de la nourriture. Il leur dit : Souhaitez Rien ne sert de vous lever tôt,
d'abord la paix à la maison dans laquelle de retarder votre repos,
vous entrerez. « Demeurez dans cette mai- de manger un pain pétri de peines !
son, mangeant et buvant ce que l'on vous A son ami qui dort, il donne tout autant.
donnera-, car le travailleur l_Ilérite son sa- [Ps 127, 2.]
laire» (Le 10, 7).
Israël, exilé pour ses fautes, est dans l'inca-
Le mot pain peut signifier des réalités les
pacité d'offrir des sacrifices à Dieu et, même
plus diverses. La Bible en fait un signe
s'il pouvait le faire, ses sacrifices ne seraient
positif ou négatif, bon ou mauvais, un signe
pas acceptés.
de malheur ou de bonheur. « Le pain récon-
forte le cœur des humains» (Ps 104, 15). Leurs sacrifices ne lui plairont pas :
Au jour du pardon de Dieu, la pluie fait ce sera pour eux comme un pain de deuil,
germer les semailles et le pain produit par le tous ceux qui en mangent deviennent impurs,
sol est riche et nourrissant (Is 30, 23). car leur pain assurera leur vie,
Le jeûne peut être une pratique très for- mais_ il n'entrera pas dans la Maison
maliste. Le vrai jeûne n'est-ce pas partager du SEIGNEUR. [Os 9, 4.l
son pain avec l'affamé ? (Is 58, 7 ; voir aussi Le livre des Proverbes décrit le pain noir
Ez 18, 16). des méchants.
La Sagesse invite les hommes à sa table et
leur dit : Ne t'avance pas sur la piste des méchants
et ne t'engage pas sur le chemin des malfaiteurs.
A qui est dénué de sens, elle dit : [... ]
« Allez, mangez de mon pain, Ils mangent un pain gagné maJhonnêtement,

173
LES SYMBOLES BIBLIQUES

le vin qu'ils boivent est le fruit de la violence. Abram lui donna la dîme de tout.
[Pr 4, 14 et 17.] [Gn 14, 18-20.]
On trouve agréable le pain du mensonge Un psaume fait de Melkisédeq un souverain
mais W1e fois la bouche pleine, c'est du gravier! juste et prospère, qui possède aussi le pou-
[Pr 20, 17.] voir sacerdotal, pour l'éternité.
La prière enseignée par le Christ à ses Le SEIGNEUR l'a juré,
disciples contient cette demande : il ne s'en repentira pas :
« T_u es prêtre pour toujours,
Donne aujourd'hui notre pain quotidien
à la manière de Melkisédeq. » [Ps 110, 4.]
[Mt 6, 11].
Ce roi-prêtre, porteur de la double onc-
Le plus beau commentaire de cette re- tion est devenu, dans le Nouveau Testa-
quête est la parole de Jésus à ses diciples : ment, l'image du Messie. L'épître aux Hé-
Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que breux évoque plusieurs fois cette figure.
vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous Cest ainsi que le Christ ne s'est pas attribué à
le vêtirez. Car la vie est plus que la nourriture et lui-même la gloire de devenir grand prêtre; il l'a
le corps plus que le vêtement. Obseivez les reçue de celui qui lui a dit:« Tu es mon Fils, moi
corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils aujourd'hui, je t'ai engendré>>, conformément à
n'ont ni cellier ni grenier; et Dieu les nourrit. cette autre parole « Tu es prêtre à jamais à la
Combien plus valez-vous que les oiseaux ! manière de Melkisédek ». [He 5, 5-6, citant
[Le 12, 22-24.] Ps 2, 7 et 110, 4.J
Cette épître développera le sens de l'iden-
Une figure mystérieuse : Mdkisédeq. tification de Jésus à Melkisédeq (He 7).

Melkisédeq est une figure mystérieuse de


l'Ancien Testament, qui apparaît au livre de Le pain et la parole.
la Genèse. Il est à la fois roi et prêtre_ Il est
le ministre du Dieu Très-Haut qui semble Jésus est conduit au désert pour être tenté
avoir été un dieu cananéen, qu'Israël assimi- par le diable.
lera plus tard au Seigneur. Maître du paîn et Après avoir jeûné quarante jours et quarante
du vin, Melkisédeq reçoit aussi la dîme nuits, il finit par avoir faim. Le tentateur s'ap-
cl'Abraham et prononce une bénédiction. procha de lui et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu,
ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
C'est Mellcisédeq, roi de Salem, qui fournit du Mais il répliqua : « Il est écrit : Ce n'est pas
pain et du vin. Il étaii prêtre de Dieu, le Très- seulement de pain que l'homme vivra, mais de
Haut, et il bénit Abram en disant : toute parole sortant de la bouche de Dieu. »
« Béni soit Abram par le Dieu Très-Haut [Mt 4, 2-4]
qui crée ciel et terre !
Béni soit le Dieu Très-Haut La réponse de Jésus se réfère à un passage
qui a livré .tes adversaires entre tes mains ! » du Deutéronome :

174
LE PAIN DU CORPS ET CELUI DE L'ESPRIT

Il: [le SEIGNEUR] t'a mis dans la pauvreté, il t'a qui le quittera. Ceux qui ont vécu ce miracle,
fait- avoir faim et il t'a donné à manger la manne garderont le souvenir d'une journée marquée
que ni toi ni tes pères ne connaissiez, pour te par un signe puissant : ce repas prodigieux.
faire reconnaître que l'homme ne vit pas de pain Les deux aspects du geste de Jésus s'unis-
seulement mais de tout ce qui sort de la bouche sent pour faire de cette multiplication une
du SEIGNEUR. [Dt 8, 3 .]
préparation au mystère eucharistique. La
Ce qui sort de la bouche du Seigneur est fraction du pain et la création d'Wle com-
bien sa parole fiable et fidèle (Ps 89, 35). munauté de croyants sont comme le signe et
L'analogie entre le pain et la parole de- l'anticipation de l'Église à venir.
vient manifeste dans la parabole du semeur. Ils s'étendirent par rangées de cent et de cin-
Le blé mis en terre germe de manière diffé- quante. Jésus prit les cinq pains et les deux
rente selon la qualité des terrains. La parole poissons, et levant son regard vers le ciel, il
de Dieu est donc semée dans le cœur de prononça la bénédiction, rompit les pains et il les
l'homme comme une réalité qui doit fructi- donnait aux disciples pour qu'ils les offrent aux
fier. gens. Il partagea aussi les deux poissons entre
tous. Ils mangèrent tous et furent rassasiés.
Le semeur sème la Parole. [ ... ] Et voici ceux qui
[Mc 6, 40-42.]
ont été ensemencés « dans la bonne terre » :
ceux-là entendent la Parole, ils l'accueillent et
portent du fruit « trente pour un, soixante pour
un, cent pour un». [Mc 4, 14 et 20.] Le pain de vie.

Le discours de Jésus sur le pain de vie


La multiplication des pains. n'est pas, d'emblée, facile à saisir. On se
contentera de proposer ici trois éléments
C'est dans le désert que Jésus va nourrir d'interprétation.
cinq mille hommes. Le lieu choisi a une Au départ, il faut considérer le parallèle
valeur symbolique : il se réfère à la manne du constant entre le pain mystérieux qu' an-
désert au temps de !'Exode. nonce le Christ et le récit du don de la
Cette multiplication est la fructification manne dans l'Exode. La manne était Wle
d'un petit reste, peut-être les reliefs d'un nourriture périssable et terrestre. Le pain de
repas : -cinq pains et deux poissons. C'est ce vie est une nourriture éternelle, parce qu'elle
petit reste que Jésus va multiplier, selon est un don de Dieu qui vient du ciel. Jésus
l'ordonnance éternelle du Seigneur qui pré- s'adresse à Wl auditoire qui comporte des
servait jadis une part de son peuple pour Juifs, curieux de son enseignement mais
faire renaître Israël. facilement critiques.
Par ailleurs, la fraction du pain est impor- Il faut vous mettre à l'œuvre pour obtenir non
tante. Multipliés, les pains vont paradoxa- pas cette nourriture périssable, mais la nourriture
lement devenir le symbole efficace de l'unité qui deni.eure en la vie éternelle, celle que le Fils
des participants. Ce repas pris en commun de l'homme vous donnera, car c'est lui que le
crée une certaine communion. C'est une Père, qui est Dieu, a marqué de son sceau.
masse qui a suivi le Christ, c'est Wl groupe Un 6, 27.l
175
LES SYMBOLES BIBLIQUES

En vérité; en vérité, je vous le' dis, ce n'est pas Un dernier point de repère est une affir-
Moïse qui vous a donné le pain du ciel, mais c'est mation de Jésus concernant le mystère de sa
mon Père qui vous donne le véritable pain du chair.
ciel. C e_st le pain de Dieu, c'est celui qui descend
du Père du ciel et qui donne la vie au monde. Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui
Un 6, 32-33.J qui mangera de ce pain vivra pour l'éternité. Et
le pain que je donnerai, c'est ma chair donnée
Un autre élément d'interprétation impor- pour que le monde ait la vie. Un 6, 51.]
tant, c'est le sens très _fort que Jésus donne
au terme de volonté. Pour pénétrer cette Les Juifs se récrient : cette formule est
signification, il faut rapprocher deux textes : pour eux profondément scandaleuse. Jésus
le premier est extrait du discours sur le pain insiste :
de vie: Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la
vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier
Je suîs descendu du ciel pour faire non pas ma jour. Car ma chair est vraie nourriture et mon
propre volonté, mais la volonté de Celui qui m'a sang vraie boisson. Celui qui mange ma chair et
envoyé. Or, la volonté de Celui qui m'a envoyé, boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Et
c'est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a comme le Père qui est vivant m'a envoyé et que
donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera
Un 6, 38-39.l vivra par moi. Un 6, 54-57.]
L'autre texte est extrait del'enseignement Le mot « chair » ne signifie pas simple-
du Christ, après sa rencontre avec la Samari- ment ici la matière organique humaine. C'est
taine. C'est le temps de la récolte, les disci- l'homme tout entier, avec ses grandes possi-
ples n'ont qu'à lever les yeux, devant euX les bilités, souvent mal employées, et ses fai-
blés sont tout blancs, prêts pour la moisson. blesses trop évidentes. Le sang est, pour la
Jésus leur dit : Bible, le principe vital donné par Dieu.
«J'ai à manger une nourriture que vous ne Comme le dit Jésus éternellement vivant en
connaissez pas. » Sur quoi les disciples se dirent communion avec son Père : « Manger ma
entre eux : « Quelqu'un lui aurait-il donné à chair et boire mon sang », c'est entrèr, par
manger?» Jésus leur dit:« Ma nourriture c'est le Christ véritablement homme, en symbiose
de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé et parfaite avec le Père. La protestation des
d'accomplir son œuvre. » [J_n 4, 32-34.] Juifs et, plus tard, de certains disciples vient
d'un refus ou d'un aveuglement.
Quand l'homme, comme Jésus, fait la Jésus conclut :
volonté du Père, il découvre que cette vo-
lonté divine est un projet de salut. Ce qui Tel est le pain qui est descendu du ciel ; il est
nourrit l'homme dans sa foi et son espé- bien différent de celui que vos pères ont mangé ;
rance, c'est l'acquisition de cette certitude. ils sont morts, eux, mais celui qui- mangera dµ
pain que voici vivra pour l'éternité. [Jn 6, 58.]
La volonté de Dieu n'est plus ici un pouvoir
divin conçu de façon vague ou abstraite, Le pain de la terre maintient l'homme en
mais c'est le désir efficace de salut qui hante cette vie. Le pain du ciel fait de lui une
le cœur de Dieu. créature appelée à la vie éternelle.

176
LE PAIN DU CORPS ET CELUI DE L'ESPRIT

Le pain partagé. Quand il se fut mis à table avec eux, il prit le


pain, prononça la bénédiction, le rompit et le
A l'heure de sa Passion, le Christ réunit leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le
ses disciples pour fêter la Pâque. Le pain reconnurent, puis il leur devint invisible. Et ils se
dirent l'un à l'autre : « Notre cœur ne brûlait-il
qu'il partage, annoncé comme son propre
pas en nous tandis gu'il nous parlait en chemin
corps, prend la suite de l'agneau immolé et et nous ouvrait les Ecritures ? »
partagé à l'heure de ]'Exode. [Le 24, 30-32.]
Paul nous donne le témoignage le plus
ancien de cette Eucharistie : Jésus ressuscité prend pour la dernière
Le pain que nous rompons n'est-il pas une fois un repas avec ses disciples.
communion au corps du Christ ? Puisqu'il y a un
seul pain, nous sommes tous un seul corps ; car Jésus vient, il prend le pain et le leur donne ; il
tous, nous participons à cet unique pain. fit de même avec les poissons. Ce fut la troisième
[1 Co 10, 16-17.l fois que Jésus se manifesta à ses disciples depuis
qu'il était relevé des morts» Un 21, 13-14].
Moi, voici ce que j'ai reçu du Seigneur, ce que je
vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit
où il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu Comme au jour de la multiplication des
grâces, il le rompit et dit ; « Ceci est mon corps, pains, comme à l'heure de la Cène, la frac-
qui est pour vous, faites cela en mémoire de tion du pain a été certainement, pour les
moi.» [1 Co Il, 23-24; voir aussi Mt 26, 26-29; disciples de Jésus, un moment essentiel de
Mc 14, 22-25; Le 22, 14-20.] !'Eucharistie. Pour la première communauté
Les pèlerins d'Emmaüs ont entendu sur la chrétienne, la fraction du pain désignait la
route l'enseignement de Jésus, sans le recon- célébration de ce sacrement.
naître. Il leur expliquait le mystère du
Ils étaient assidus à l'enseignement des apôtres
Christ, souffrant et glorieux. Au cours du
et à la communion fraternelle, à la fraction
repas du soir, ils vont le reconnaître à la du pain et aux prières [Ac 2, 42 ; voir aussi
fraction du pain. Ac 20, 7].
177
LE BESTIAIRE BIBLIQUE
Le cheval. rituels et leurs stratégies, les manifestations
Dieu piège le cheval invincible. surprenantes de leurs instincts.
La tentation du cheval. A date ancienne, s'est établie une réelle
Les prophètes vitupèrent le cheval. symbiose entre l'homme et l'animal qui a
Les chevaux prophétiques. trouvé dans la magie sa transcription fantas-
Les chevaux de l'Apocalypse. tique. Les rites de chasse et les pratiques de
L'âne comme anticheval. sorcellerie divinatoire et curative ont ainsi
créé une surréalité du monde animal, que
L'agneau et le bouc. révèlent toujours les fignres peintes ou sculp-
L'agneau de l'holocauste. tées, les objets usuels ou culturels ainsi que
L'agneau des prophètes. les récits mythologiques.
L'agneau pascal. Le« Maître des animaux, » doté d'intelli-
La chèvre et le bouc. gence humaine et du pouvoir de ses sujets
fut, peut-être, une des fignres les plus an-
La colombe et l'aigle. ciennes de la divinité.
La colombe et la tourterelle. La symbolique biblique de l'animal de-
L'aigle. meure cependant particulière. Israël a connu
des périodes d'idolâtrie, mais les cultes zoo-
Le lion, le serpent et les monstres. lâtriques ne semblent pas l'avoir vraiment
Le lion. tenté (r adoration du veau d'or n'est qu'un
Le serpent. épisode). Les chroniqueurs, les légistes, les
Le dragon et les monstres. prophètes et les scribes inspirés évoquent
d'abord les animaux d'une manière toute
Les animaux ont, depuis toujours, fasciné réaliste. Ils parlent des victimes sacrificielles,
les hommes. Sauvages ou domestiqués, fami- du cheval militaire ou de la bête de somme.
liers ou exotiques, ils ont suscité de nombreu- Mais l'imaginaire biblique ne s'en est pas
ses réactions et, de nos jours encore, l'homme tenu là, il a, lui aussi, créé une surréalité
reste séduit par le monde animal. On redoute animale qui mérite d'être examinée. Ces
leur force, on mesure l'étonnante portée de inventions de l'imagination demeurent ce-
leurs sens, on admire leurs pouvoirs, leurs pendant contrôlées par l'axe spirituel des

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LES SYMBOLES BIBLIQUES

écrits voués à la révélation du Dieu unique, qu'un bédouin ou un paysan qui se défend
du Seigneur de l'Alliance avec Israël et tous contre l'ennemi monté sur un cheval. Ceci
les hommes. apparaît dans la bénédiction de la tribu de
Dans cette perspective, la symbolique du Dan qui dispose de groupes de fantassins
cheval biblique est d'une importance ma- pour harceler les envahisseurs étrangers.
jeure.
Dan sera un serpent sur le chemin,
un aspic sur le sentier,
qui mord les jarrets du cheval
et son cavalier tombe à la renverse. [Gn 49, 17.]
LE CHEVAL
Mais celui qui a remporté la première
victoire contre le cheval est bien le Seigneur
Dieu piège le cheval invincible. qui a piégé les brillants attelages égyptiens
dans les étangs de la mer des Roseaux.
Cet épisode (Ex 14), commenté par le
Le cheval apparaît pour la première fois cantique de Moïse (Ex 15, 1-20), a été
dans la Bible au cours du récit qui affronte revêtu d'une grande valeur symbolique par
Joseph aux Égyptiens démunis d'argent la tradition biblique. L'image fantastique du
pour acheter des céréales. La livraison des cheval en est une des clés d'interprétation.
troupeaux sera le prix de ce ravitaillement. Dieu vient au secours de son peuple et
« Ils amenèrent leurs troupeaux à Joseph et manifeste sa puissance comme au jour de la
celui-ci leur donna du pain pour prix des création, quand le souffle divin planait sur
chevaux, du petit et du gros bétail, et des les eaux avant de vaincre le chaos et de
ânes» (Gn 47, 17). mettre en ordre le monde des choses inertes
Les chevaux, premiers nommés, ne font et vivantes.
pas partie du bétail. Le SEIGNEUR refoula la iner toute la nuit pai: un
Le gouvernement d'Égypte connut, entre vent d'est puissant et il mit la mer à sec. Les eaux
1730 et 1550 avant J.-C., une période inter- se fendirent. [Ex 14, 21.]
médiaire, celle des Hyksos. Ainsi nom-
mait-on les dominateurs de la vallée du Au souffle de tes narines les eaux s'amoncelèrent
[ .. .]
Nil qui introduisirent en Égypte un cheval
tu fis souffler le vent, la mer les recouvrit.
de race mongolique, dont les appellations [Ex 15, 8 et 10.]
sesm-t pour la cavale et soumsin pour le
cheval de guerre, semblent bien d'origine Ceci est bien l'écho de la Genèse : « Dieu
asiatique. dit : "Qu'il y ait un firmament au milieu des
Le vocabulaire hébreu pour cheval, cava- eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les
lier, attelage (pârâsh, rékesh, râkav) laisse eaux"» (Gn l, 6).
apparaître une certaine confusion entre Le cheval, monture des invasions indo-
l'animal et l'ensemble chevaVcavalier ou européennes, est apparu doté d'une puis-
chevaVchar/guerrier véhiculé. sance fantastique. Cette auréole était plutôt
Le combattant d'Israël ne sera longtemps obscure, car le cheval portait la mort ; ·le

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LE BESTIAIRE BIBLIQUE

radical mar (mrit) est celui de la mort (mar- Le prophète Habaquq prête à Dieu uoe
-.échal, cauche-mar en français, mare, la ju- cavalerie qui est l'instrument de sa colère. Il
'Îilent en anglais). Les mythologies maritimes fait sans doute allusion dans ce texte _-au
.voyaient facilement des chevaux dans la mer passage de la mer Rouge (Ha 3, 8-15) .
'agitée, là où nous évoquons les moutons de Le livre de Josué mentionne uo ordre
lahoule déferlante. La symbolique du cheval divin qui voue chars et chevaux à l'ana-
dela mort rejoint ici le pouvoir déstructurant thème, au cours d'un combat contre les
de I' Abîme biblique (tehôm), dont la mer en peuples cananéens.
furie est une émergence.
Le SEIGNEUR dit à Josué : « Ne crains pas, car
Quand, sur l'ordre de Dieu, Moïse étend demain, à cette même heure, je les livre tous,
la main pour la deuxième fois, la mer reflue tués, à Israël; tu couperas les jarrets de leurs
vers les attelages égyptiens qui, désembour- chevaux et tu brûleras leurs-chars.»
bés, font retraite vers leur rivage de départ. (Josll, 6.J
·Mort contre mort, le reflux des eaux pro-
fondes va submerger la vague des chevaux : Cet orc;lre est scrupuleusement e:xécuté
(Jos 11, 9). Les raisons de cette exécution
Les eaux revinrent et recouvrirent les chars et les ont été discutées. L'exigence divine porte
Cavaliers ; de toutes les forces de Pharaon qui
sur la foi d'Israël : Dieu combat pour Israël
àvaient pénétré dans la mer derrière Israël, il ne
et son assistance ne lui fera pas défaut.
resta personne. [Ex 14, 28.]
Peut-être trouve-t-on ici une méfiance pour
Tu fis souiller ton vent, la mer les recouvrit, l'armée de métier, dont chars et chevaux
·ils s'engouffrèrent. comme plomb dans les eaux sont l'armement nécessaire. Sans doute,
formidables. [Ex 15, 10.] demeure encore la crainte instinctive du
Chars et forces de Pharaon, à la mer il les lança. cheval dcint les pouvoirs relèvent de la puis-
La fleur des écuyers sance des ténèbres.
sombra dans la mer des Joncs,
les abîmes ks recouvrirent,
ils descend_ir~nt au gouffre comme une pierre. La tentation du cheval.
[Ex 15, 4-5.]
C'est ainsi que _la puissance équestre, L'anathème du cheval est remis en ques-
taz~de-marée mortel, s'engouffre dans tion par la décision de David après sa vic-
!'Abîme majestueux du chaos originel. toire sur les Araméens conduits par Hadadé-
Une image du psaume vient spontané- zer.
ment à l'esprit : David lui prit mille sept cents cavaliers et vingt
Les flots de l'Abîme s'appellent l'un l'autre mille fantassins. David coupa les jarrets de tous
au fracas de tes cataractes. [Ps 42, 8.] ces attelages. Toutefois, il garda cent de ces
attelages. [2 S 8, 4.l
C'est dans les eaux primordiales que le
Seigneur liquide la force égyptienne, qui Le char attelé deviendra vite le sigoe dela
tenait sa rapidité. et sa fluidité de l'agilité puissance royale. Le fils de David l'entend
puissante du cheval. bien ainsi, lui qui tente d'évincer son· père.

183
LES SYMBOLES BIBLIQUES

« Absalom se procura un char et des che- Salomon rassembla des chars et des chevaux. Il
vaux ainsi que cinquante hommes qui cou- avait mille quatre cents chars et· douze mille
raient devant lui» (2 S 15, 1). cavaliers qu'il, conduisit dans les villes de gar:ni-
Le prophète Samuel, en sa sagesse, avait son et, près de lui, à Jérusalem.[. ..] Les chevaux
prévu cette dérive du pouvoir royal et pré- de Salomon provenaient d'Égypte et de Qewé
[Cilicie]. Un char provenant d'Egypte revenait à
venu le peuple.
six cents pièces d'argent et un cheval à ceilt
Voici comment gouvernera le roi qui règnera sur cinquante. Il en était de même pour tous leS rois
vous : il prendra vos fils pour les affecter à ses des Hittites et les rois d'Aram qui en importaient
chars et à sa cavalerie et ils courront devant son par l'intermédiaire de ces marchands.
char. [1 S 8, 11.] [1 R 10, 26 et 28-29.J

Le livre du Deutéronome, commentaire Après le schisme entre Israël et Juda, on


de la Loi datant de l'époque royale, constate voit les rois de ces pays mettre en commun
que la possession d'une importante cavalerie des chevaux qui représentent leur puissance
fait du roi d'Israël un prince tenté de res- militaire (2 R 3, 7).
sembler aux monarques païens. Une brève Au temps du roi Ézékias, Jérusalem se
injonction précise la « théologie » de cette trouve assiégée. Le chef des armées du roi
méfiance vis-à-vis du cheval. d'Assyrie se présente pour parlementer. Le
messager assure qu'Israël a eu toit de se
Il [le roi] ne devra pas posséder un grand confier en l'Égypte. Il lance un défi au roi de
nombre de chevaux ou faire retourner le peuple Juda : «Je te donnerai deux mille chevaux
en Égypte_ pour avoir un grand nombre de si tu peux te procurer des cavaliers pour les
chevaux, puisque le SEIGNEUR vous a dit:« Non,
monter» (2 R 18, 23).
vous ne retournerez plus sur cette route. »
[Dt 17, 16.J En fait ni l'Égypte, ni les chevaux ne
peuvent venir au secours d'Israël. Les Assy~
<< Retourner en Égypte », c'était retrouver riens ont déjà battu la charrerie de Pharaon.
le statut d'esclave (Dt 28, 68). L'expression Le général assyrien se présente alors comme
suggère aussi une régression spirituelle. Le l'instrument de la colère du Seigneur (2 R
peuple de Dieu a rencontré le Seigneur dans 18, 17-25).
le désert, il a reçu la Loi, il a été éduqué par Quand Josias, roi de Juda, entreprend la
Dieu comme un petit enfant. Ainsi « élevé » grande réforme spirituelle qui commence par
il ne doit plus se comparer aux autres la découverte dans le Temple d'un livre de
peuples qui ont peut-être des dieux mais qui la Loi,_il s'attaque aussitôt aux cultes idolâ-
se confient surtout dans leur force, les chars triques. Parmi les premiers objets de ce culte
et les chevaux. Une abondante cavalerie impie se trouvent les chevaux attelés qui
ravale Israël au rang des nations païennes. figurent le soleil.
Si David a conservé cent attelages, son fils Il supprima les chevaux que les rois de Juda
Salomon a été pris d'une véritable passion avaient installés en l'honneur du soleil à l'entrée
hippique. Il est vrai que le roi devint autant de la maison du SEIGNEUR, près de la chambre ·de
marchand de chevaux que propriétaire l'eunuque Netân-Mélek située dans les annexes·.-
d'une somptueuse écurie. ll brûla les chars du soleil. [2 R 23, 11.l

184
LE BESTIAIRE BIBLIQUE

,. Le livre de Job situe le cheval dans une Ils ne se sont pas tournés vers le Saint d'Israël.
·-.série de portraits de bêtes sauvages qui [Is31, L]
~tendent magnifier l'imagination créatrice L'alliance avec l'Égypte est une illusion
du Seigneur, souverain des animaux. Le due, en grande partie, à .la fascination du
cheval est présenté ici comme un guerrier et cheval. S'abandonner à ce rêve, c'est oublier
sa bravoure n'est pas acquise, elle semble Dieu.
déjà l'habiter avant tout dressage.
L'Égyptien est un homme et non un dieu,
Est-ce toi qui donnes au cheval la bravoure, ses chevaux sont chair et non esprit ;
qui revêts son cou d'une crinière, le SEIGNEUR étendra la main ;
qui le fais bondir comme la sauterelle? le protecteur trébuchera, le protégé tombera,
Son fier hennissement est terreur. tous ensemble ils périront. [Is 31, 3.]
Exultant de force, il piaffe dans la vallée
et s'élance au-devant des armes. À l'heure où un nouvel exode va ramener
Il se rit de la peur, il ignore l'effroi, les Juifs de leur exil à Babylone, ceux-ci ne
il ne recule pas devant l'épée. doivent pas oublier le miracle de la mer des
Sur lui résonnent le carquois, Roseaux ni la défaite des chars et des che-
la lance étincelante et le javelot. vaux.
Frémissant d'impatience, il dévore l'espace,
Ainsi parle le SEIGNEUR [ .. .]
il ne se tient plus dès que sonne la trompette.
qui fit sortir char et cheval,
À chaque_ coup de trompette, il dit : Aha !
armée et troupe d)élite ensèmble;
De loin il flaire la bataille,
ils se sont couchés pour ne plus se relever,
tonnerre des chefs et cris de guerre.
ils se sont éteints,
[Jb 39, 19-25.J
comme une mèche ils se sont consumés.
La ressemblance du cheval avec la saute- [Is 43, 16-17.J
relle se retrouve en J r 51, 27. Le salut de Dieu ne fait pas usage des
armes:
Les prophètes vitupèrent le cheval. Taurai pitié de la maison de Juda,
je les sauverai par le SEIGNEUR leur Dieu.
Pour les prophètes, le cheval est, à bien Je ne les sauverai ni par l'arc) ni par l'épée, ni par
la guerre,
des titres, une réalité spirituellement dange-
ni par les chevaux, ni par les cavaliers. [Os 1, 7.]
reuse. Il peut être divinisé et, en tant
qu'arme de guerre, il est tout aussi néfaste : Renoncer aux chevaux est, tout comme le
son efficacité militaire peut affaiblir la rejet des idoles, le signe d'un retour sincère
confiance en Dieu. vers Dieu:
Malheur à ceux qui descendent en Égypte Revenez au SEIGNEUR.
pour y chercher du secours. Dites-lui : « Enlève toute faute
Ils comptent sur les chevaux, et prends ce qui est bon.
ils mettent leur confiance dans les chars, car ils Au lieu de taureaux nous te vouerons nos lèvres.
sont nombreux Assur ne nous sauvera pas,
et dans les cavaliers,-car ils sont très forts. nous ne monterons plus des chevaux.

185
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Nous ne dirons plus: Notre Dieu! à l'œuvre de qu'ils mettent en contact avec les éléments
nos mains.» [Os 14, 3A.] fondamentaux comme le feu, l'eau ou le
Dans la liste des tentations d'Israël, entre vent. Le cheval devient alors le symbole des
l'idolâtrie et la magie, les chevaux sont en multiples manifestations de la puissance
bonne place : divine.
C'est un cheval de feu qui emporte Élie
Voici ce qui arrivera en ce jour-là, cjans le ciel et le sépare de son disciple
oracle du SEIGNEUR ! Elisée.
Je retrancherai de ton sein tes chevaux,
je ferai disparaître tes chars. [Mi 5, 9.] Tandis qu'ils poursuivaient leur route tout en
parlant, voici qu'un char de feu et des chevaux
Le même thème se retrouve dans les de feu les séparèrent l'un de l'autre; Élie monta
Psaumes: au ciel dans la tempête. Quant à Élisée, il voyait
Aux uns les chars, aux autres les chevaux, et criait : « Mon père ! mon père ! Char et
à nous d'invoquer le nom du SEIGNEUR notre cavalerie d'Israël ! » [2 R 2, 11-12.]
Dieu.
Cette scène est éloquente. Élie, revêtu de
Eux, ils plient, ils tombent,
nous, debout, nous tenons. [Ps 20, 8-9.]
la force de Dieu, était bien « char et cavale-
rie» d'Israël. Le signe des chevaux de feu et
Mensonge qu'un cheval pour sauver, du char incandescent montre bien l'origine
avec sa grande force, pas d'issue. [Ps 33, 17 .] divine de cette _puissance : Dieu est un feu.
Il est vain de se confier dans le cbeval A la mort d'Elisée, le roi Joas pleurera le
pour fuir la colère de Dieu : le Seigneur prophète comme son père, « char et cavale~
dispose de coursiers plus rapides pour faire rie » d'Israël (2 R 13, 14).
exécuter ses jugements : Dans l'expression prophétique de style
apocalyptique, les chevaux fantastiques vont
Vous avez dit : « Non, car nous fuirons souvent apparaître.
à cheval ! » L'annonce du « jour du Seigneur» pré~
Eh bien ! oui, vous fuirez.
Et encore « Nous aurons- des montures
voyait d'abord des interventions fulgurantes
rapides ! » de Dieu dans l'histoire d'Israël. Après l'exil,
Eh bien ! vos poursuivants seront rapides. elle se transforme en attente du deruier jour,
Mille trembleront devant la menace d'un seul. à la fin des temps.
[Is 30, 16-17.] Pour Joël, l'intervention foudroyante de
Dieu est présentée comme une attaque de
chevaux. Cette image est mise en liaison
Les chevaux prophétiques. avec le feu dévorant de la colère divine :
Le jour du SEIGNEUR vient, il est proche. [. ..] ·
Le cheval n'est pas facile à éliminer. Devant lui le feu dévore,
Même si le quadrupède disparaît ou se derrière la flamme consume. [. ..]
trouve écrasé par sa défaite, sa surréalité Il est semblable à des chevaux;
magique demeure. Les prophètes vont donc comme des coursiers, ainsi courent-ils.
jouer avec le thème du cheval fantastique, C'est comme un bruit de chars bondissant

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LE BESTIAIRE BIBLIQUE

_sur le sommet des montagnes, lés aux quatre vents du ciel. Aux chevaux
comme le crépitement d'un foyer brûlant noirs, il est dit :
qui dévore le challIIle. 012, 1 et 3-5.J
« Allez parcourir la terre ! » Et ils parcoururent
Habaquq décrit la Toute-Puissance du la terre. L' Ange m'appela et me dit : « Vois ceux
Seigneur quand elle affronte les éléments qui s'avancent vers le pays du nord vont faire
déchaînés. Il la compare à une puissante reposer mon Esprit dans le pays du nord. »
cavalerie qui attaque, en particulier aux [Za 6, 7-8.l
débordements aquatiques. Le monde fantas-
tique et le monde réel interfèrent : les che- L 'Esprit qui repose sur le nord est la
vaux de Dieu imposent le silence aux fureurs puissance divine qui va libérer les exilés de
de la mer. Ce sont eux qui ont vaincu lès Babylone. Cet Esprit demeure, c'est-à-dire
chevaux de Pharaon. qu'il va habiter l'âme du peuple racheté et
lui permettre de matérialiser le grand signe
Ta colère s'adresse-t-elle aux rivières, du salut : la reconstruction du temple de
ta fureur à la mer, Jérusalem.
lorsque tu montes sur tes chevaux,
sur les chars victorieux ?
Ton -arc est -mis à nu,
les paroles des sennents sont des épieux. [ ... ] Les chevaux de I' Apocalypse.
Tuas frayé le chemin de tes chevaux dans la mer,
dans le bouillonnement des eaux puissantes. L'Apocalypse, grand réceptacle des sym,
[Ha 3, 8-9 et 15.] boles bibliques, donne au cheval toute sa
dimension fantastique et en use de façon
Le prophète Zacharie fait apparaître des
magistrale pour préfigurer la venue du grand
chevaux et des cavaliers qui sont les anges
messagers de Dieu. Le Seigneur les a chargés Jour de Dieu.
Seul, l' Agneau, le Messie, se révèle digne
d'inspecter le monde et même de sonder la
de briser les sept sceaux fermant le livre qui
<<profondeur», c'est-à-dire l'Abîme du
contient les secrets du Jugement du monde.
chaos initial qui a dû se soumettre à la loi du
Les chevaux se manifestent au cours de cette
Dieu créateur.
révélation solennelle :
J'eus une vision- pendant la nuit. Voici : un
homme montant un cheval roux se tenait Quand l'Agneau ouvrit le premier des sept
parmi les myrtes qui ont leur racine dans· la sceaux, j'entendis le premier des arumaux
profondeur ; derrière lui, des chevaux roux, s'écrier d'.lme voix de tonnerre : « Viens ! »
alezan$, noirs et blancs. [. ..] Ce sont ceux que Et je vis ; c'était un cheval blanc.
le SEIGNEUR a envoyés parcourir la terre. Celui qui le montait tenait un arc.
[Za 1, 8-10.J Une couronne lui fut donnée,
et il partit en vainqueur pour vaincre.
Plus tard, ces chevaux apparaissent atte- Quand il ouVrit le deuxième sceau,
lés. Mais leurs couleurs différentes : roux, j'entendis le deuxième animal s'écrier
noir, blanc, pie, correspondent aux quatre « Viens ! »
régions cardinales de la terre. Ils sont assimi- Alors surgit un autre cheval, rouge-feu.

187
LES SYMBOLES BIBLIQUES

A celui qui le montait fut donné le pouvoir de Elles ont des queues comme celles des scorpions,
ravir la paix de la terre pour qu'on s'entre-tue, armées de dard,
et il lui fut donné une grande épée. et dans leurs queues réside leur pouvoir de nuire
Quand il ouvrit le troisième sceau, aux hommes cinq mois durant.
j'entendis le troisième animal s' écner Elles ont comme roi l'ange de l' Abûne qui se
« Viens ! » nomme en hébreu, Abaddôn et, en grec, porte le
Et je vis : c'était un cheval noir. nom d'Apollyôn. [Ap 9, 7-11.]
Celui qui le montait tenait une balance à la main.
Et j'entendis comme une voix, au milieu des Dans le même chapitre, l'auteur del' Apo-
quatre animaux, calypse, très doué pout créer des monStres
qui disait : composites, évoque maintenant des chevau~
« Une mesure de blé pour un denier dotés d'une tête de lion. Le texte les an-
et trois_mesures d'orge pour un denie·r, nonce comme des anges exterminateurs.
quant à l'huile et au vin , n'y touche pas, »
Quand il ouvrit le quatrième sceau, Tels m'apparurent, dans la vision, les chevaux et
j'entendis le quatrième animal s'écrier leurs cavaliers :
« Viens ! » ils portaient des cuirasses de feu, d'hyacinthe et
Et je vis : c'était un cheval blême. de soufre.
Celui qui le montait, on le nomme « la mort >> et Les têtes des chevaux étaient comme des têtes de
!'Hadès le suivait. [Ap 6, 1-8.] lion, et leurs bouches vomissaient le feu, la fumée
et le soufre.
Le premier cheval est blanc et porte un Par ces trois fléaux, le feu, la fumée et le soufre,
cavalier en posture de triomphe, alors que que vomissait leur bouche, le tiers des hommes
les deux suivants sont les montures des périt.
Car le pouvoir des chevaux réside dans leurs
combattants. Quant au demier, il porte la
bouches ainsi que dans leurs queues.
mort elle-même.
En effet, leurs queues ressemblent à des ser-
Les sauterelles ressemblent à des chevaux pents,
et leur invasion peut être aussi redoutable elles ont des têtes et par là peuvent nuire.
qu'un assaut de cavalerie. Transformées en [Ap 9, 17-19.]
animaux fabuleux, elles deviennent, comme
le cheval, des êtres porteurs de mort, qui Pour finir, c'est un cheval blanc qui por-
êmanent directement de l'Abûne, des enfers. tera le Messie triomphant, décrit par de
nombreux textes bibliques. Un des plus
Les sauterelles avaient l'aspect de chevaux équi- parlants évoque le glaive de la Parole de
pés pour le combat, Dieu qui sema la mort parmi les Égypriens,
sur leurs têtes on eût dit des couronnes d'or, au cœur de la nuit pascale (Sg 18, 14-16).
et leurs visages étaient comme des visages hu-
Blanches aussi sont« les armées du ciel » qui
mains.
forment le collège du juge eschatologique.
Elles avaient des cheveux comme des cheveux de
femmes, Alors je vis le ciel ouvert :
et leurs dents étaient comme des dents de lion. c'était un cheval blanc,
Elles·semblaient être comme cuirassées de fer, celui qui le monte se nomme Fidèle et Véritable.
et le bruit de leurs ailes était comme le bruit de Il juge et il combat avec justice.
chars à plusieurs chevaux courant au combat. Ses yeux- sont une flamme ardente;

188
LE BESTIAIRE BIBLIQUE

sur sa tête, de nombreux diadèmes et, inscrit sur avait trente fils qui montaient trente ânons.
lui, est un nom qu'il est seul à connaître. Tel était aussi le cas cl' Abdôn suivi de sa
Il est revêtu d'un manteau trempé de sang, progéniture juchée sur soixante-dix bourri-
et il se nomme : la Parole de Dieu. cots (Jg 10, 4 et 13, 13). Tout cela n'a pas
Les armées du del le suivaient sur des chevaux l'air très guerrier.
blancs, vêtues d\m lin blanc et pur. Salomon, désigné par David, va être sacré
Pe sa bouche sort un glaive acéré pour en
roi. Un des signes de cette succession va être
frapper les nations.
Il les mènera paître avec une verge de fer,
la monture qui conduit le prince choisi vers
il foulera la cuve où bouillonne le vin de la colère le lieu de sa consécration.
du Dieu Tout-Puissant. [Ap 19, 11-15.l Le prêtre Sadoq, le prophète Natân, Benayahu
fils de Y ehoyada, les Kerétiens et les Pelétiens
descendirent. Ils mirent Salomon sur la mule du
L'âne comme anticheval. roi David et ils le menèrent à Gihôn. Le prêtre
Sadoq prit dans la Tente la corne d'huile et oignit
Salomon, on sonna du cor et tout le peuple cria :
Au temps des patriarches, l'âne était la
« Vive le roi Salomon ! » [1 R 1, 38-39.J
monture habituelle des chefs comme des
gens du peuple. Quand Jacob bénit ses fils, La mule, hybride du cheval, est sans
il les compare volontiers à des animaux. Si doute plus majestueuse qu'un âne. Elle se
Juda est comme un lion, il n'en possède pas prête bien au transport des personnages qui
moins une ânesse et un ânon qui s'en vont entendent préserver leur dignité. Si Salomon
brouter entre les ceps des vignes (Gn 49, conserva la mule comme monture person-
11). nelle, il fut cependant le premier à organiser
La tribu d'Issakar semble vouée au ser- la cavalerie et la charrerie guerrières (1 R 10,
vice: 26).
Le prophète Zacharie accuse de manière
Issakar est un âne robuste,
saisissante la différence entre l'âne et le
couché au milieu des endos.
cheval qui symbolisent l'un la paix, l'autre la
Il a vu que le repos était bon,
que le pays était agréable, guerre:
il a tendu son échine au fardeau, Exulte avec force, fille de Sion !
il est devenu esclave à la corvée. Crie de joie, fille de Jérusalem !
[Gn 49, 14-15.J Voici que ton roi vient à toi :
il est juste et victorieux,
Débora évoque ainsi les chefs d'Israël : humble, monté sur un âne,
Vous qui PJ.Ontez des ânesses blanches, sur un ânon, le petit d'une ânesse.
assis sur des tapis, Il retranchera d'Êphraïm la charrerie
et vous qui allez par les chemins, chantez, et de Jérusalem les chevaux ;
aux acclamations des pâtres, près des abreuvoirs. l'arc de la guerre sera retranché.
Là où on célèbre les bienfaits du SEIGNEUR. Il annoncera la paix aux nations.
(Jg 5, 10-11.] Son empire ira de la mer à la mer
et du fleuve aux extrémités de la terre.
Tout ce qu'on sait du juge Y aïr, c'est qu'il [Za 9, 9-10.]

189
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Matthieu reprendra ce texte pour l'appli- L'agneau, âgé d'Wl an, représente donc à
quer à Jésus entrant à Jérusalem à la veille la fois l'innocence, la vie dans toute sa fraî,
de sa passion (Mt 21, 1-11). Cette citation, cheur et la parfaite docilité. Le bélier est plus
partielle, ne mentionne pas une des caracté- âgé et le chevreau de nature plus indépen-
ristiques du Messie « prince de la paix», il dante.
est celui qui supprime « les chars et les De nombreux textes du Lévitique et du
chevaux de guerre». livre des Nombres situent le sacrifice de
Le Messie, monté sur un âne, demeure l'agneau dans le rituel d'Israël.
une image vivante dans les traditions juive et
chrétienne. Le christianisme, cependant, in-
siste sur la présence des enfants et sur la L'agneau des prophètes.
clameur de leur «hosanna» obstiné. L'âne
devient ainsi le «porte-Christ». L'humble Pour les prophètes, la docilité del' agneau
animal sera associé par la tradition chré- symbolise la parfaite obéissance à la parole
tienne au Messie porteur de paix. divine. Jérémie, brûlé par la parole divine
qui l'habite, se plaint à son Seigneur sans
trahir sa vocation douloureuse :
Et moi, comme un agneau confiant qu'on mène
L'AGNEAU ET LE BOUC à l'abattoir, j'ignorais qu'ils tramaient contre moi
des machinations : « Détruisons l'arbre dans sa
vigueur, arrachons-le de la terre des vivants,
qu'on ne se souvienne plus de son nom! »
L'agneau de l'holocauste. [Jr 11, 19.]
Quand Abraham gravit, avec son fils, la Mais Jérémie appelle sur les malfaisants la
montagne du sacrifice, Isaac est loin de se colère divine ; eux aussi, ils sont destinés à
douter qu'il est la victime désignée : « Voilà l'abattoir; les mauvais sont nommés ici
le feu et le bois, mais où est l'agneau pour « moutons ». Ils n'ont plus l'innocence de
l'holocauste?» (Gn 22, 7). l'agneau et sont voués au châtiment.
L'agneau est l'offrande spontanée d'un
Pourquoi la voie des méchants est-elle prospère ?
peuple de pasteurs. Il doit être mâle (on ne [. ..]
mentionne dans les textes riruels que deux Mais toi, SEIGNEUR, tu me connais, tu me vois,
agnelles résenrées au sacrifice de purification tu éprouves mon cœur qui est avec toi.
« pour le péché», Lv 5, 6; Nb 6, 14). Il doit -Enlève-les comme des moutons pour l'abattoir,
être aussi sans défaut,_ comme tout ce quî est consacre-les pour le jour du massacre.
offert à Dieu. L'invective de Malachie rap- [Jr 12, 1 et 3.]
pelle cette exigence : « Quand vous amenez
des bêtes aveugles pour le sacrifice, n'est-ce Dans le quatrième chant qu'Isaïe consacre
pas mal ? Et quand vous en amenez des au Serviteur de Dieu, on peut lire :
boiteuses ou des malades, n'est-ce pas Tous, comme des moutons, nous étions errants,
mal?» (Ml 1, 8). chacun suivant son propre chemin,

190
LE BESTIAIRE BIBLIQUE

et le SEIGNEUR a fait retomber sur lui L'agneau pascal.


nos fautes à tous.
Maltraité, il s'humiliait, il n'ouvrait pas la L'agneau de la fête de Pâque est, à l' ori-
bouche,
gine, une bête sans défaut, mâle, âgée d'un
comme l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir,
an, prise parmi les agneaux ou les chevreaux.
comme devant les tondeurs W1e brebis muette,
il n'ouvrait pas la bouche. [Is 53, 6-7.l Son sacrifice se situe au début de ]'Exode,
après )es plaies cruelles qui n'ont pas épar-
Dans le prolongement de cette prophétie, gné l'Egypte. Une ultime épreuve va frapper
le silence du Christ est éloquent. Quand les le peuple conduit par un Pharaon obstiné :
témoins viennent, face au Sanhédrin, pour la mort des nouveaux-nés. Le Seigneur parle
accuser Jésus : à Moïse. La Pâque, c'est d'abord l'agneau
qui donne son sang. Dieu ordonne :
Le Grand Prêtre lui dit : « Tu ne réponds rien ?
Qu'est-ce que ces gens qui attestent contre
toi?» Mais Jésus se taisait. [Mt 26, 62-63.] Vous prendrez une touffe d'hysope, vous la
tremperez dans le sang du bassin, vous applique-
Pilate entra à nouveau dans le prétoire et dit à rez au linteau et aux deux montants le sang du
Jésus : «D'où es-tu? » Mais Jésus ne lui donna bassin et personne d'entre vous ne franchira la
pas de réponse. Pilate lui dit donc ; « Tu ne me porte jusqu'au matin. [. .. ] Le SEIGNEUR passera
parles pas? Ne sais-tu pas que j'ai pouvoir de te devant la porte et ne laissera pas le Destructeur
relâcher et que j'ai pouvoir de te crucifier?» entrer dans vos maisons pour frapper.
Un 19, 9-10.J [Ex 12, 22-23 .]

Quan1 Philippe rencontre l'eunuque de la


La Pâque c'est aussi le grand repas de
reine d'Ethiopie sur la route de Gaza, il le
départ, rituel de libération et mémoire éter-
trouve plongé dans la lecture du prophète
nelle du miracle par lequel Dieu affranchit
Isaïe, les yeux fixés sur le passage cité plus
son peuple de la servitude. Après son entrée
haut. L'apôtre, à partir de ce texte, annonce
en Canaan, le peuple d'Israël, découvrant les
la Bonne Nouvelle de Jésus au serviteur de
rites agraires et les fêtes du renouvellement
la reine, pour finalement le baptiser (Ac 8,
26-40). de la vîe, mêlera à la tradition ancienne
certaines de ces pratiques comme l'usage des
L'agneau est donc la victime qui est
pains sans levain. L'ordonnance du repas
offerte à Dieu, victime innocente qui efface
pascal n'en demeure pas moins celle d'un
le péché. L'agneau prophétique est l'image
peuple sur le départ : « Mangez ainsi : la
du Messie, du sauveur à venir, du Serviteur
ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le
souffrant.
bâton à la main. Vous la mangerez à la hâte.
Jean Baptiste, parfaitement conscient de
C'est la Pâque du SEIGNEUR» [Ex 12, Il).
la différence entre sa mission et celle de
Au cours des siècles, la tradition juive éta-
Jésus entrevoit tout cela :
blira un lien entre le sang de l'Alliance, dont
Le lendemain il voit Jésus venir à lui et il dit : le signe est la circoncision, et le sang de
« Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du l'agneau pascal qui permet la renaissance
monde» Un 1, 29]. d'Israël comme peuple, comme un « peuple

191
LES SYMBOLES BIBLIQUES

de prêtres», c'est-à-dire une nation consa- la fête, non avec du vieux levain ni un levain
crée. de malice et de méchanceté, mais avec des
En identifiant le Christ à l'agneau pascal, azymes de pureté et de vérité.» (1 Co 5, 7-8).
la tradition chrétienne reprend à son compte L'agneau pascal, figure du Christ souf-
l'expérience religieuse de !'Exode et en tire frant et triomphant, se retrouve au cœur de
sa propre conception du salut. l'Apocalypse.
Sachez que ce n'est par rîen de corruptible , Alors je vis, debout entre le trône aux quatre
argent ou or, que vous avez été affranchis de la Vivants et les -Vieillards, un Agneau, comme
vaine conduite héritée de vos pères, mais par un égorgé, portant sept cornes et sept yeux qui sont
sang précieux comme d'un agneau sans reproche les sept Esprits de Dieu en mission par toute la
et sans tache, le Christ. [l P 1, 18-19.] terre. [Ap 5, 6.]

Jésus est bien l'agneau rituel sans tache, Voici le cantique que l'assistance céleste
sans tare, c'est-à-dire sans péché. Sa puis- chante à l'Agneau :
sance de salut déborde celle de tous les Tu es digne de prendre les livres et d'en ouvrir
animaux sacrifiés dans les rituels anciens : les sceaux, car tu fus égorgé et tu rachetas pour
boucs, taureaux et vache rousse. « Combien Dieu, a:u prix de ton sang, des hommes de toute
plus le sang du Christ, qui par un Esprit race, langue, peuple et nation; tu as fait d'eux
éternel s'est offert lui-même sans tache- à pour notre Dieu une Royauté de Prêtres régnant
Dieu, purifiera-t-il notre conscience des sur la terre. [Ap 5, 9.]
œuvres mortes pour que nous rendions un Le thème de la puissance régénatrice du
culte au Dieu vivant» (He 9, 14). sang del' Agueau apparaît plusieurs fois. Ce
Le sang du Christ, nouvel agneau pascal, sang est la force des martyrs :
peut ainsi -susciter un peuple sanctifié.
« Vous êtes une race élue, un sacerdoce Ils ont vaincu par le sang de l'Agueau et par la
royal,- une nation sainte, un peuple acquis, parole dont ils ont témoigné, car ils ont méprisé
pour proclamer la louange de celui qui vous leur vie jusqu'à mourir [Ap 12, 11].
a appelés des ténèbres à son admirable lu- Le sang de l' Agneau sans tache possède le
mière» (1 P 2, 9). pouvoir de purifier radicalement les hom-
Les faits rapportés par l'Évangile insistent mes.
sur l'assimilation du Christ à l'agneau pascal.
L'institution de l'Eucharistie a lieu au soir Ces gens, vêtus de robes blanches, d'où vien-
nent-ils? [. .. ] Ce sont ceux qui viennent de là
du premier jour des Azymes, à l'heure où
grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont
l'on « mange la Pâque». Jésus est mis à
blanchies dans le sang de l'Agneau »
mort, le lendemain, jour de la Pâque, à [Ap 7, 13-14].
l'heure où dans le Temple on immolait les
agneaux. Après son trépas, ses os ne seront L'Agneau paraît sur le mont Sion, entouré
pas rompus comme ceux de l'agneau pascal de cent quarante-quatre milliers d'hommes
(Ex 12, 46). qui portent sur le front le. signe du salut. Ils
Paul dira plus tard : « Notre Pâque, le sont immaculés (Ap 14, 1-5).
Christ, a été immolée. Ainsi donc, célébrons Le chapitre 21 de !'Apocalypse décrit les

192
LE BESTIAIRE BIBLIQUE

noces de l' Agneau avec son épouse la Jérusa~ et m'indique un chemin sans reproche.
lem céleSte, la cité cristalline : Il me donne l'agilité du chamois,
il me tient debout sur les hauteurs.
La ville peut se passer de l'éclat du soleil et de [Ps 18, 32-34.]
la lune, car la gloire de Dieu l'a illuminée et
!'Agneau lui tient lieu de flambeau [Ap 21, 23]. Dieu est ainsi la forteresse ou la cime
inaccessible. Le fidèle peut se jucher sur
cette position forte, car le Seigneur lui a
La chèvre et le bouc. donné l'agilité des chèvres.

Malgré son tempérament fantasque qui Le bouc est, dans la Bible, un animal
n'en fait pas un modèle d'obéissance, la ambigu. Le bouc domestique est avant tout
chèvre a toujours été appréciée dans les pays celui qui se trouve à la tête du troupeau. Le
qui comportent des étendues peu fertiles. bouc bondissant peut aussi attaquer pour
Elle s'accommode des nourritures les plus défendre les femelles et les chevreaux.
variées et son ~gilité lui donne accès· aux Le bouc sauvage, par contre, a mà.uvaise
lieux les plus scabreux. réputation. Le mot hébreu qui le désigne
La race des chèvres évoquée par la Bible signifie à la fois bouc et démon, et peut-
est dotée d'un long poil soyeux qui donne être aussi satyre si l'on entend par là une
une étoffe résistante et très souple. Tel était idole représentant une figure à corps de
le matériau _de la tente qui, selon la tradition, bouc.
couronnait la Demeure, le sanctuaire du La « loi de sainteté» du Lévitique dé-
désert. « Tu feras des bandes d'étoffe en crète : « Ils n'immoleront plus leurs sacrifices
poil de chèvre pour former une tente au- à ces espèces de boucs auxquels on rend un
dessus de la demeure» (Ex 26, 7). culte débauché» (Lv 17, 7).
La finesse du poil des chèvres inspire au La prostitution rituelle faisait en effet
poète du Cantiquè des cantiques cette image partie de ce culte, probablement inspiré par
chatoyante : la puissance génésique de cet animal. De
Que tu es belle, ma Bien-aimée, plus, l'odeur du bouc n'est pas le parfum de
que tu es belle ! [... ] l'encens !
Tes cheveux sont.comme un troupeau de chèvres On assurait aussi que le bouc, animal ou
ondulant sur les pentes du mont Galaad. démon, hantait volontiers les ruines. Quand
[Ct 4, l.J Babylone sera détruite par les Mèdes, sur
l'ordre de Dieu, des boucs fantastiques y
Un psaume qui décrit les splendeurs de la mèneront un sabbat endiablé :
création situe les chamois dans la haute
montagne (Ps 104, 18), et c'est sans doute Les hiboux rempliront les maisons,
un animal semblable qu'évoque le psaume : les autruches y habiteront
et les satyres y danseront. [Is 13, 21.]
Qui est Dieu, hormis le SEIGNEUR ?
le Rocher, sinon notre Dieu? Et là, le spectre de la nuit [Lilith] trouvera son
C'est lui qui m'emplit de vaillance repos. [ls 34, 14.]

193
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Ce lien étrange entre le bouc et les dé- sabbat maudit du diable et de ses anges au
mons est peut-être à l'origine de la cérémo- cœur des flammes éternelles (Mt 25, 31-46).
nie du bouc dédié à Azazel. C'est le rituel du
bouc émissaire.
Deux boucs sont présentés au Temple, le
premier, désigné par le sort, sera la victime LA COLOMBE ET L'AIGLE
d'uu sacrifice « pour le péché». Le second
va être l'objet d'une pratique qui relève de
la magie de transfert qui consiste à envoyer, La signification spitituelle de l'oiseau est
par exemple, la maladie d'uu hornrne dans le très riche. Qu'il suffise de rappeler ici l'im-
corps d'uu animal. portance du grand oiseau migrateur, voué au
large, que les textes anciens de l'Inde appel-
Aaron fera approcher le bouc encore vivant. Il lui lent Hamsa. Il est Simorgh pour les Persans,
posera les deux mains sur la tête et confessera à Anga pour les Arabes et Jukneth pour les
sa charge toutes les fautes des enfants d'Israël,
Rabbins. Image ou symbole de la divinité, il
toutes leurs transgressions et tous leurs péchés.
peut aussi devenir l'emblème de l'âme en
Après en avoir ainsi chargé la tête du bouc, il
l'enverra au désert sous la conduite d'un homme quête d'absolu.
qui se tiendra prêt, et le bouc emportera sur lui L'Esprit Saint prend la forme d'une co-
toutes leurs fautes en un lieu aride. lombe à l'heure du baptême de Jésus. Cette
[Lv 16, 20-22.l apparition furtive dans l'Évangile est deve-
nue un élément iconographique obligatoire
Il convient de noter que ce bouc, devenu dans les représentations de la Trinité, malgré
impur, n'est plus digne d'être sacrifié à d'autres tentatives vite censurées.
Dieu ; il ·est, encore moins, la victime d'une
offrande au démon Azazel. Il s'agit bien d'uu
acte de magie blanche. Le rituel, ici, produit La colombe et la tourterelle.
uu complément psychologique du sacrifice
« pour le péché». En Matthieu (Mt 3, 16), à l'instant même
Le sentiment de culpabilité est tenace : un où Jésus est baptisé, Jean Baptiste voit
geste qui engage l'inconscient collectif d'uu s'ouvrir les cieux et l'Esprit de_Dieu descen-
peuple peut faire descendre au plus profond dre « cornrne uue colombe ». En Marc
de son âme la grâce du pardon déjà accordé. (Mc 1, 10), c'est Jésus lui-même qui constate
Se sentant déjà pardonné, Israël, par l'en- l'apparition de cet oiseau mystérieux. Pour
tremise du double de la victime déjà offerte, Luc (Le 3, 22), cette colombe est bien l' ap-
« envoie au diable» ses péchés. parence corporelle de !'Esprit Saint. Jean
La race caprine ne sera jamais dans la (Jn 1, 32) assure que l'Esprit, tel uue co-
Bible en odeur de sainteté. Matthieu, lors du lombe, descend et demeure sur Jésus. Le
jugement dernier, place les boucs et les Baptiste a nommé Jésus « l' Agneau qui
chèvres à la gauche du Fils de l'hornrne. Ce enlève le péché du monde », on peut voir là
sont ceux qui n'ont pas pratiqué les œuvres une harmonie entre l'agneau sans tache, qui
concrètes de miséricorde. Ils rejoindront le ôte toute souillure, et la colombe.

194
LE BESTIAIRE BIBLIQUE

Au jour de la présentation d'un enfant au Ma colombe, cachée au creux des rochers,


Temple, les plus riches devaient offrir un au plus caché de la falaise,
. agneau en holocauste et un pigeon ou une montre-moi ton visage,
tourterelle pour le péché (Lv 12, 6). Marie fais-moi entendre ta voix;
et Jose ph étaient peu fortunés : car ta voix est douce
et charmant ton visage. [Ct 2, 14.l
Lorsque furent accomplis les jours de leur purifi-
cation, selon la Loi de Moïse, ils l'emmenèrent L'interprétation traditionnelle du Canti-
Uésus] à Jérusalem pour le présenter au Sei-
que des cantiques fait du jeu amoureux de
gneur, selon qu'il est écrit dans la Loi du Sei-
l'amant et de l'aimée le symbole de l'amour
gneur:« Tout garçon premier-né sera consacré
au Seigneur», et pour offrir en sacrifice, selon ce du Seigneur pour son peuple. La colombe
qui est dit dans la Loi du Seigneur, W1 coupl_e de troglodyte, sauvageonne, représente l'amour
tourterelles ou deux jeunes colombes. vierge, fascinant qui scelle l'Alliance de Dieu
[Le 2, 22-24.l pour les hommes.
Aux jours du Déluge, Noé envoie des
L'agneau, le jeune pigeon, la tourterelle oiseaux pour explorer, quand vient la dé-
sont les symboles d'un être sans défense. crue, la masse boueuse qui émerge des eaux.
Israël a été vaincu, le Temple saccagé, le Le corbeau s'envole et ne trouve pas de lieu
psaume crie vers Dieu et lui demande de de repos. La colombe ne peut davantage se
prendre la défense de son peuple obstiné : poser, mais elle revient vers Noé, en attente
de jours meilleurs.
Rappelle-toi, SEIGNEUR, l'ennemi blasphème,
un peuple insensé outrage ton nom.
Ne livre pas à la bête l'âme de la tourterelle, Noé attendit encore sept autres jours et lâcha de
la vie des malheureux, ne l'oublie pas jusqu'à la nouveau la colombe hors del' arche. La colombe
fin. [Ps 74, 18-19.] revint vers lui sur le soir, et voici qu'elle avait
dans le bec un rameau tout frais d'olivier
La colombe et la tourterelle ont leur place [Gn 8, 10-11].
dans le Cantique des cantiques. Le chant de
la tourterelle salue le renouveau printanier et Avant de devenir l'emblème de la paix, la
fait écho aux chants qui célèbrent la saison colombe apparaît ici chargée d'une significa-
nouvelle. tion très riche. D'une part elle annonce le
désarmement de Dieu et son alliance avec les
Car voilà l'hiver passé,
hommes dont l'arc-en-ciel sera le signe.
c'en est fini des pluies, elles ont disparu.
D'autre part, elle retourne vers l'arche alors
Sur notre terre les fleurs se montrent,
la saison vient des gais refrains, que le corbeau disparaît. Sa fidélité fait cl' elle
le roucoulement des tourterelles se fait entendre la messagère du renouveau : le rameau
sur notre terre. [Ct 2, 11-12.] d'olivier est tout frais et montre bien que le
Déluge n'a pas stérilisé la terre, il l'a purifiée
C'est le temps de l'amour, et l'amant et, en un sens, recréée dans l'eau.
lui-même appelle le doux oiseau de ses La colombe planant sur les eaux du bap-
rêves : tême trouve ici son origine symbolique.

195
LES SYMBOLES BIBLIQUES

L'aigle. Vous avez vu vous-mêmes ce que j'ai fait aux


Égyptiens, et comment je vous ai emportés sur
Il est incontestablement le roi des oiseaux. des ailes d'aigle et amenés vers moi [Ex 19, 4].
Les rapaces peuvent avoir mauvaise réputa- La vie de l'aigle est assez longue pour lui
tion en tant qu' oiseaux de nuit dans le octroyer le pouvoir de se régénérer périodi-
monde des ténèbres : tels les hiboux qui quement. Deux psaumes présentent
hantent les ruines où dansent les satyres l'homme sous deux aspects différents :
poilus et cornus (Is 13, 21). abattu et revivifié. Le symbolisme de l'oi-
Bien que rituellement impur, l'aigle est seau traduit bien ces deux états :
considéré de manière particulière. La ma-
jesté de son vol fait de lui un oiseau souve- Je suis ·pareil à la hulotte des ruines)
rain, noble, qui peut cependant représenter je veille et je gémis,
comme l'oiseau solitaire sur le toit. [PS 102, 7-8.]
une nation étrangère, envoyée par Dieu pour
punir l'infidélité d'Israël. Mais Dieu peut régénérer l'homme :
Le SEIGNEUR suscitera contre toi une nation Bénis le SEIGNEUR, mon âme.. [.. .]
lointaine, des extrémités de la terre ; comme Lui qui rassasie de biens tes années
l'aigle qui prend son essor [Dt 28, 49]. et comme l'aigle se renouvelle ta jeunesse.
[Ps 103, 2 et 5.J
Par contre, un. texte splendide de ce
En Ézéchiel, les quatre Vivants, dotés de
même livre assimile le Seigneur lui-même au
quatre faces chacun, possèdent une face
seigneur des oiseaux :
d'aigle qni semble en harmonie avec leurs
Le lot du SEIGNEUR, ce fut son peuple, corps ailés (Ez 1, 10-11).
Jacob fut sa part d'héritage. Dans !'Apocalypse, le quatrième Vivant
Au pays du désert il le trouve, est un aigle en plein vol (Ap 4, 7).
dans la solitude lugubre de la steppe.
Il l'entoure, il le garde
comme la prunelle de son œil.
Tel un aigle qui veille sur son nid LE LION, LE SERPENT
plane au-dessus de ses petits, ET LES MONSTRES
il déploie ses ailes et le prend,
il le soutient sur son pennage.
Le SEIGNEUR est seul pour le conduire ;
point de dieu étranger avec lui.
Le lion.
Il lui fait chevaucher les hauteurs de la terre,
il le nourrit des produits des montagnes. Aux temps bibliques, le lion n'était pas
[Dt 32, 9-13.] rare en Palestine. Il était à la fois admiré et
redouté.
L'intervention de l'aigle divin a permis la Le lion était admiré : parmi les animaux
sortie d'Égypte, la libération d'Israël et qui ont belle allure, le livre des Proverbes
l'établissement d'une alliance qui fait des cite : « le lion, le plus valeureux des fillÎ-
fugitifs une nation sainte. maux » (Pr 30, 30).

196
LE BESTIAIRE BIBLIQUE

Quand Samson pose son énigme du lion, SEIGNEUR mon Dieu, tu es mon refuge ;
~ la réponse est : sauve-moi de tous mes persécuteurs et délivre-
moi !
:· Quoi de plus doux que le miel, Sinon, comme des lions, ils m'égorgent,
. quoi de plus fort que le lion? CTg 14, 18.] ils arrachent et nul ne délivre. [Ps 7, 2-3 .]

Un proverbe dit : Le malfaisant possède la tactique du


fauve:
Le méchant fuit alors même que m.ù 11:e le
poursuit, Il se tient à l'affût près des hameaux ;
mais le juste, comme le lionceau, est sûr de lui. bien caché, il tue l'innocent :
[Pr 28, !.] ses yeux épient le faible,
il est à l'affût,
Saül et Jonathan étaient plus vaillants que bien caché comme un lion dans son fourré.
des lions (2 S 1, 23). Le brave a un cœur de [Ps 10, 8-9; voir aussi Ps 17, 12; Ps 22, 14 et
lion (2 S 17, 10). 22.]
On comprend alors le sens de la bénédic- Combattre et vaincre un vrai lion est une
tion de Jacob, qui voit un lion en son fils prouesse ; l'aide de Dieu est parfois néces-
Juda. saire.
Tu es un jeune lion, ô Juda, Samson descendit donc vers Timna, avec son
ô- mon fils, tu es revenu du carnage ! père et sa mère. Alors qu'ils arrivaient aux vignes
Il a fléchi le genou et s'est couché tel le lion de Timna, voilà qu'un jeune lion vint en rugis-
et telle une lionne, qui le fera lever? [Gn 49, 9.] sant à sa rencontre. L'esprit du SEIGNEUR péné-
tra en lui et Samson, sans rien avoir en main,
Lors de la bénédiction de Dan par Moïse, déchira le lion en deux comme on déchire un
il est fait une même référence au lion chevreau, mais il ne raconta pas à son père et à
(Dt 33, 22). sa mère ce qu'il avait fait. Puis il descendit à
Le lion est redouté à cause de ses mâchoi- Timna, parla à cette femme et elle lui plut.
res (JI 1, 6), quand il sort de son repaire (J r Ug 14, 5-7.J
4, 7; 5, 6; 25, 38; 49, 19). Son rugissement
Avant de combattre Goliath, David dé-
sème l'effroi.
clare à Saül qu'il s'est déjà exercé à la lutte
Quand le lion ou le lionceau grogne Sur sa proie contre les fauves. On remarque ici quel' ours
malgré la foule des bergers ameutés contre lui, était tenu pour plus dangereux que le lion
il n'est pas plus effarouché par leurs cris (voir aussi Am 5, 19).
qu'intimidé par leur tapage. [Is 31, 4.] David dit à Saül : « Ton serviteur était berger
chez son père. S'il venait un lion, et même un
Tel est le Seigneur quand il défend Israël
ours, pour enlever une brebis du troupeau, je
contre ses assaillants (Is 31, 4-9). partais à sa poursuite, je le frappais et la lui
Mais les psalmistes redoutent d'autres arrachais de la gueule. Quand il m'attaquait, je
lions : les adversaires menaçants et impla- le saisissais par les poils et je le frappais à mort. »
cables. [1 S 17, 34-35.J

197
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Parmi les preux de David, Beuayahou De Sion, le SEIGNEUR rugit


était célèbre pour avoir tué un lion dans une et de Jérusalem, il donne de la voix,
citerne, un jour de neige (2 S 23, 20). les pâturages des bergers sont désolés
Au cours d'actions prophétiques, le lion et la crête du Carmel desséchée. [Am 1, 2.]
intervient comme un instrument de Dieu Mais la voix qui châtie peut aussi devenir
(1 R 13, 24 et 28; 20, 36). Parole divine. Ce qu'annonce le cor, le rugis 0

Un grand guerrier peut être appelé sement prophétique le formulera :


«Lion». Tel est Assuérus lorsque, dans sa
Si le cor retentit dans une ville,
prière, Esther demande : le peuple n'a-t-il pas été alarmé?
Mets sur mes lèvres un langage charmeur S'il arrive malheur dans une ville,
lorsque je serai en face du lion. [Est 4, 17s.J n'est-ce pas le SEIGNEUR qui l'a fait?
Car le Seigneur DIBU ne fait rien
La majesté du lion est l'image de la sans révéler son secret à ses serviteurs
dignité royale : en Ézéchiel, la complainte les prophètes.
des rois (Ez 19, 1-9) fait appel à ce symbo- Un lion a rugi, qui ne craindrait?
lisme. Le Seigneur Dœu a parlé, qui ne prophétiserait ?
[Am 3, 6-8.]
Et toi, entonne une complainte sur les princes
d'Israël. Tu diras : Pour Osée, Dieu est en colère parce
Ta mère ! une lionne, qu'Éphraïm tente de négocier avec Assour.
couchée parmi les lions. Sa colère ressemble à la furie d'un jeune lion.
Au milieu des lionceaux, Éphraïm est allé vers Assour
elle nourrissait ses petits. et a envoyé des messagers au grand roi ;
Elle éleva un de ses petits mais lui, il ne peut pas vous guérir
qui devint un jeune lion ; ni vous débarrasser de votre ulcère.
il apprit à déchirer sa proie, Bien plus, moi je serai comme un lion
il mangea de l'homme. pour Éphraïm
Des nations entendirent parler de lui ; et comme un jeune _lion pour la maison de Juda.
il fut pris dans leur fosse, on le conduisit avec des C'est moi, moi qui vais vous déchirer,
crochets au pays de l'Égypte. [Ez 19, 1-4,] puis je m'en irai avec ma proie,
et personne ne me l'arrachera.
Finalement, Dieu lui-ni.ême sera comparé
[Os 5, 13-14; voir aussi Os 13, 8.]
à un lion. Ézékias voit dans sa maladie une
attaque qui vient de Dieu. Par contre, au chapitre 11 du même livre,
le Seigneur rugit comme un lion pour ras-
Du jour à la nuit, tu en auras fini avec moi.
sembler Éphraïm dispersé. Dieu dit :
Avant le matin je serai réduit à rien.
Comme le lion, il a broyé tous-mes os. [ls 38, Mon cœur est bouleversé en moi,
12-13.l en même temps que ma pitié s'est émue.
Je ne d6nnerai pas cours à l'ardeur de ma colère,
Amos, éleveur de bétail, savait bien ce je ne reviendrai pas détruire Éphraïm. [. .. ]
qu'était le rugissemeut d'un lion menaçant le Ils marcheront à la suite du SEIGNEUR.
troupeau. La voix de Dieu, comme celle Comme un lion il rugira; quand ·il se prendra à
d'un lion, peut annoncer des ravages. rugir,

198
LE BESTIAIRE BIBLIQUE

des fils accourront en tremblant de l'Occident. toxique du fruit défendu. Il ouvre les yeux
DeJ'Égypte ils accourront en tremblant pour faire voyager l'esprit dans la région
comme des moineaux, d'une lucidité dangereuse. En tentant la
et du pays d' Assour comme des colombes, femme, il instille dans le coeur humain l' àutre
ef jè les ferai habiter dans leurs maisons poison, celui de la désobéissance. AÈve qui
- oracle du SEIGNEUR. [Os 11, 8-11.]
rappelle l'interdiction divine de manger le
Le lion est évoqué par des sentences de fruit et la peine de mort qui en est l'effet, le
sagesse qui prennent parfois un ton humo- serpent répond : « Non, vous ne mourrez
ristique : pas, mais Dieu sait que le jour où vous en
mangerez, vos yeux s' ouvrirotlt et vous serez
Un chien vivant vau_t mieux qu'un lion mort. comme des dieux possédant la connaissance
[Qo 9, 4.] du bonheur et du malheur» (Gn 3, 4-5).
Les yeux de l'homme et de la femme vont
Le paresseux dit : « Il y a un lion dehors, s'ouvrir pour découvrir leur nudité, leur
en pleine rue! Je vais être tué! » [Pr 22, 13.]
fragilité radicale. Les sexes, points fragiles
Ne sois pas comme un lion dans ta maison par excellence seront dissimulés : la transpa-
et un poltron parmi tes serviteurs. [Si 4, 30.] rence naturelle du premier couple est occul-
tée par la peur.
J'aimerais mieux habiter avec un lion Le châtiment du serpent est complet. Le
ou un dragon Malin sera vaincu : il mordra la poussière
que d'habiter avec une femme mauvaise. éternellement (Mi 7, 17), humilié à jamais
[Si 25, 16.l par celle qu'il a entraînée sur le chemin de la
mort.

Le serpent. Le SEIGNEUR Dieu dit au serpent : « Parce que tu


as fait cela, tu seras maudit entre tous les bestiaux
et toutes les bêtes des champs; tu marcheras sur
Pour les traditions anciennes, le serpent ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les
est un être mystérieux. Ce caractère surnatu- jours de ta vie. Je mettrai l'hostilité entre toi et
rel peut faire de lui une divinité ou un la femme, entre ta descendance et sa descen-
démoh. Le serpent, le nâga, est en Inde un dance. Celle-ci te meurtrira à la tête et toi, tu la
être semi-divin, alors que le serpent Dahâka meurtriras au talon.>> [Gn 3, 14-15.]
est, en Perse, l'incarnation d'un mauvais
esprit. Quand Isaïe annonce de nouveaux cieux
Possédant du venin, le serpent est maître et une nouvelle terre, au milieu des animaux
des poisons. De nos jours, les deux reptiles réconciliés, on découvre encore le serpent,
du caducée enroulés sur un bâton figurent mais réduit à l'impuissance.
encore l'emblème des médecins, alors que le Le Hon, comme le bœuf, mangera du fourrage;
serpent dressé sur une coupe désigne les quant au serpent, la poussière sera sa nourriture.
pharmaciens. Il- ne fera ni mal ni destruction
Le serpent de la Genèse est dit « le plus sur toute ma montagne sainte, dit le SEIGNEUR.
rusé » parce qu'il semble connaître l'effet [Is 65, 25.]

199
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Au livre de ]'Exode, le Seigneur montre à de Pharaon. Le terme hébreu, utilisé pour


Moïse que son pouvoir est supérieur à la désigner ces bêtes, tannin, suggère de gros
simple magie. Le bâton de Moïse devient un serpents marins, des dragons ou des mons-
serpent et redevient un bâton. tres qui, d'ordinaire, représentent les forces
du mal.
Le SEIGNEUR lui dit : « Qu'as-tu à la main?» -
En route vers la Terre promise, le peuple
« Un bâton», dit-il. «Jette-le à terre.» Il le jeta
se met à critiquer Moïse.
à terre : le bâton devint un serpent et Moïse
s'enfuit devant lui. Le SEIGNEUR dit à Moïse : Alors le SEIGNEUR·envoya contre le peuple des
« Étends la main et prends-le par la queue. » Il serpents brûlants qui le mordirent et il mourut
étendit la main et le saisit : le serpent redevint un grand nombre de gens en Israël
bâton dans sa main. - « C'est afin qu'ils croient [Nb 21, 6; voir aussi Dt 8, 15.]
que le SEIGNEUR t'est apparu, le Dieu de leurs
pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Ces serpents brûlants, dits saraph, sont
Jacob.» [Ex 4, 2-5.] sans doute ainsi nommés à cause de leur
morsure cuisante. On est cependant tenté de
Ce prodige est immédiatement doublé par rapprocher le qualificatif saraf, du substantif
un second: pluriel seraphim, sérafins. Le terme désigne
des êtres célestes, admis en présence de
Le SEIGNEUR lui dit encore:« Mets donc la main
dans ton sein. » Il mit la main dans son sein et
Dieu. A l'heure de la vocation d'Isaïe, ils se
la retira: sa main était lépreuse, couleur de neige.
tiennent aux côtés du Seigneur dans le
Le SEIGNEUR dit : « Remets la main dans ton Temple.
sein. » Il remit la main dans son sein et la retira L'année de la mort du roi Ozias,
de son sein : elle était redevenue normale. - je vis le Seigneur assis
« Alors, s'ils ne te croient pas et n'entendent pas sur un trône très élevé.
la voix du premier signe, ils croiront à la voix du Sa traîne remplissait le Temple.
signe suivant. Alors, s'ils ne croient pas plus à ces Des séraphins se tenaient au-dessus de lui.
deux signes et n'entendent pas ta voix, tu [Is 6, 1-2.J
prendras de l'eau du Fleuve et la répandras à
terre ; 1' eau que tu auras prise au Fleuve, sur la L'iconographie ancienne de l'Orient ré-
terre deviendra du sang.» [Ex 4, 6-9.] vèle l'existence d'êtres composites, possé-
dant un corps de serpent et dotés d'ailes. Le
La conjugaison d'un prodige fantastique texte d'Isaïe précise :
et d'un rituel de guérison n'est certes pas
accidentelle. Le serpent, emblème de guéri- Ils avaient chacun six ailes :
son, se retrouvera dans répisode du serpent deux pour se couvrir le visage,
deux pour se couvrir les pieds
d'airain.
et deux pour voler. [Is 6, 2.]
La tradition des prêtres raconte d'une
façon particulière les prouesses de Moïse et Qu'il s'agisse du Temple réel ou d'un
d' Aaron, face aux magiciens égyptiens. Le édifice perçu au cours d'une vision, c'est sur
bâton d' Aaron devient un serpent mons- l'autel des parfums que l'un des séraphins va
trueux qui dévore. les reptiles similaires, prendre la braise destinée à la purification
également produits par les sorciers de la cour du prophète.

200
LE BESTIAIRE BIBLIQUE

L'un des séraphins vola vers moi, tenant à la et qu'ils périssaîent sous la morsure des serpents
main une braise sinueux,
qu'il avait prise avec des pinces sur l'autel. ta colère ne dura pas jusqu'au bout.
Il m'en toucha la bouche et me dit : En guise d'avertissement ils furent effrayés quel-
« Dès lors que ceci a touché tes lèvres que temps,
ta faute est écartée, ton péché est effacé, » tout en ayant un gage de salut qui leur rappelaît
[Is 6, 6-7.l le commandement de ta Loi.
En effet, ·quiconque se retournait était sauvé,
Ministres du feu et purificateurs, les séra- non par l'Objet regardé,
phins sont donc les serviteurs de Dieu, des mais par toi, le Sauveur de tous. [Sg 16, 5-7.J
êtres célestes et bienfaisants. Ils n'ont rien
de commun avec les serpents « brûlants » Malgré cette affirmation, une tentation
(saraph) du désert, qui sont des reptiles idolâtrique pouvait naître de cette image. Le
terrestres devenus instruments de la colère roi Ézékias, fidèle au Seigneur jaloux, s' aper-
divine. çut que le serpent d'airain n'était plus une
Au moment d'entrer en teri-e de Canaan, relique, mais qu'il était devenu l'objet d'un
le peuple se met à critiquer Dieu et Moïse. culte impie.
La morsure de serpents « brûlants » sera
leur châtiment. Repentant, les Hébreux C'est lui [Ézékias] qui fit disparaître les hauts
lieux, brisa leS stèles, coupa le poteau sacré et mit
demandent à Moïse d'intercéder pour eux
en pièces le serpent de bronze que Moïse avait
auprès de Dieu, d'éloigner les serpents. La fait, car les fils d'Israël avaient brulé de l'encens
réponse de Dieu est mystérieuse : l'image devant lui jusqu'à cette époque : on l'appelait
d'un serpent guérisseur apportera le soula- Nehoushtân. [2 R 18, 4.]
gement désiré.
Le Seigneur dit à Moïse : Jean rappellera la valeur salutaire de
l'image envoyée par Dieu pour révéler la
« Fais faire un serperit brûlant et fixe-le à une mystérieuse« élévation» de Jésus. Il donne
hampe; quiconque aura été mordu et le regar- à ce terme un double sens : élévation sur la
dera aura la vie sauve. » Moïse fit un serpent
croix et élévation dans la gloire.
d'airain et le fixa à une hampe et lorsqu'un
serpent mordaît un homme, celui-ci regardaît le Et comme Moïse a élevé le serpent dans le
serpent d'aîrain et il avait la vie sauve. désert, il faut que le Fils de l'homme soit élevé
[Nb 21, 8-9.J afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éter-
nelle. IJn 3, 14-15.]
Le récit insiste sur un fait : le Seigneur
prend lui-même l'initiative de cette opéra- Pour Jésus, le serpent rejoint le scorpion
tion. Il n'y a pas là d'introduction au culte dans une liste d'êtres malfaisants de nature
d'un dieu guérisseur. Le livre de la Sagesse démoniaque. Il dit : «Je voyais Satan tomber
souligne ce point et donne de l'épisode une comme l'éclair» (Le 10, 18).
interprétation spirituelle. Et se toumant vers ses disciples :
Et même quand la fureur terrible des bêtes Voici, je vous ai donné le pouvoir de fouler aux
venimeuses se déchaîna contre les tiens pieds serpents et scorpions, et toute la puissance

201
LES SYMBOLES BIBLIQUES

de l'ennemi, et rien ne pourra vous nuire aussi accueillir des monstres volants qui
[Le 10, 19]. seront d'autant plus redoutables qu'on les
dir invisibles.
Jésus invective les scribes et les Pharisiens
Le mot hébreu qui signifie dragon (tan-
hypocrites, dignes fils de ceux qui ont assas-
nin) est apparenté à tan qui signifie chacal.
siné les prophètes : « Serpents, engeance de
Ce dernier animal est devenu, par son cri, la
vipères, comment pourriez-vous échapper au
voix sinistre du désert : solitude et désola-
châtiment de la géhenne ? » (Mt 23, 33).
tion, approche de la mort.
Dans le bestiaire évangélique, le serpent
se signale par son astuce. Il ne s'agit pas ici Tu nous poussais au milieu des chacals
de ruse néfaste, mais d'extrême prudence. et nous couvrais de l'ombre de la mort.
[Ps 44, 20.]
Voici que moi, je vous envoie comme des brebis
au milieu des loups ; soyez donc astucieux On sait que le dieu égyptien Anubis,
comme des serpents et candides comme des représenté avec une tête de chacal ou de
colombes [Mt 10, 16]. chien sauvage, était le dieu psychopompe et
le maître des cérémonies funéraires.
Tannin désigne à la fois le serpent, le
Le Dragon et les monstres. Dragon et le monstre marin. Le dragon est
souvent associé à « Leviathan » monstre
Il existe sans doute chez l1homme une fluvial, que Job (40, 25) assimile à un croco-
mémoire ancestrale des grands animaux dile (dans lequel Ézéchiel voit un symbole de
préhistoriques. Parmi ceux qui demeurent, l'Égypte).
de grosses bêtes comme le crocodile ou Les deux monstres aquatiques sont les
l'hippopotame, les cétacés, les grands squa- adversaires du Seigneur :
les ou l'anaconda sud-américain, ont tou-
jours le pouvoir de susciter la peur. L'imagi- Ce jour-là,_ le SEIGNEUR interviendra
avec son épée acérée, énorme, puissante
nation peut aussi inventer des êtres compO-
contre Leviathan, le serpent fuyant,
sites : les civilisations mésopotamiennes
contre Leviathan, le serpent tortueux,
n'ont pas, en cela, manqué de créativité. La il tuera le Dragon de la mer. [Is 27, 1.]
démonologie cananéenne, les êtres fabuleux
issus de la mer et de l'imagination des Le combat des dieux contre le chaos,
matelots tyriens, ont enrichi le catalogue des représenté par des monstres, est un thème
monstres fantastiques. ancien.Tel est le combat de Tispak contre le
Le domaine de ces monstres est significa- Dragon géant (voir J. Bottera,« Lorsque les
tif: c'est le fond de la mer, les marécages, les dieux faisaient les hommes», Paris, 1989,
déserts, les ruines et les cimetières que l'on p. 464-469). Ces récits se déroulent en un
dit hantés par ces êtres fabuleux. Les creux temps mythique, qui peut être celui des
de la terre, les grottes profondes et, pour la origines mais, tout aussi bien, celui de la
Bible, le Tehom (le grand Abîme) jouent le lutte perpétuelle du bien contre le mal.
rôle de repaires démoniaques. L'air, do- Cependant, le texte suivant situe ce combat
maine de certains oiseaux prédateurs, peut dans une temporalité historique : le Dragon,

202
LE BESTIAIRE BIBLIQUE

caché au fond de l'Abûne, est vaincu à les idoles sont jetées à ces êtres impurs
l'heure du passage de la mer des Roseaux, dans l'ombre de grottes terrifiantes.
au moment de la libération d'Israël. Entrez dans les creux des rochers
Surgis, surgis, revêts-toi de puissance, et dans les antres de la terre,
bfas du SEIGNEUR, devant la terreur du SEIGNEUR
surgis, comme aux jours du temps passé, et l'éclat de sa majesté
des générations d'autrefois. quand il se lèvera pour terrifier la terre.
N'est-ce pas toi qui as taillé en pièces En ce jour-là, les humains jetteront aux taupes et
le Tempétueux, aux chauves-souris leurs idoles d'argent et leurs
transpercé le Dragon ? idoles d'or, qu'ils avaient fabriquées pour se
N'est-ce pas toi qui as dévasté la Mer, prosterner devant elles. [ls 2, 19-20.]
les eaux de l' Abûne gigantesque,
Le roi de Babylone, agresseur d'Israël, est
qui as fait du fond de la mer un chemin,
comparé à un vampire et à un ogre.
pour que passent les rachetés? [Is 51, 9-10.J
Il m'a dévorée, il m'a sucée, Nabuchodonosor,
Ce texte est un bon exemple de la roi de Babylone,
manière dont la Bible utilise le mythe pour il m'a laissée comme un plat léché.
l'intégrer dans la Révélation. La puissance Comme un monstre, il m'a engloutie,
créatrice de Dieu est toujours à I1 œuvre il s'est rempli le ventre de ma moelle
dans le gouvernemellt et les restaurations et m'a rejetée. Ur 51, 34.J
d'un univers menacé. L'imaginaire fournit
ici le langage qui permet d'exprimer la Le livre de Daniel décrit le combat et la
victoire du prophète contre le grand Dragon.
réalité. Le fait brut révèle ainsi son sens.
Ce monstre rappelle la déesse babylonienne,
Passant du concret au fabuleux, le dragon
Tiamat, qui se dressa contre les dieux à la
reçoit des ailes· et n'en devient que plus
tête d'une coalition des forces du chaos (voir
dangereux. La Philistie va connaître un sort
« Le Poème babylonien de la création», in
de plus en plus difficile.
Les Religions du Proche-Orient asiatique,
Ne te réjouis pas, Philistie tout entière, Paris, Fayard-Denoël, 1970, p. 42). L'ex-
de ce que le gourdin qui te frappait a été brisé, ploit de Daniel lui vaut l'épreuve de la fosse
car de la souche du serpent sOrtira une vipère aux lions. Il y échappe miraculeusement, et
et de celle-ci un dragon volant. [Is 14, 29.] ce prodige contraint le roi à reconnaître la
Le dragon volant est porté au nombre toute-puissance du Seigneur, Dieu de Daniel
des habitants du désert. Peut-être ce dra- (Dn 14, 23-42).
gon était-il, à l'origine, un chat-huant ou Le dragon apparaît dans l' Apocalypse
une chauve-souris, tous deux êtres impurs, comme le grand symbole de Satan et des
nocturnes et locataires d'anfractuosités té- puissances du mal. Sa description révèle les
nébreuses. Le_rapace nocturne et le chou- attributs de son pouvoir.
cas sont des images de désolation (Ps Alors un autre signe apparut dans le ciel :
102, 7). Quant à la chauve-souris, elle est C'était un grand dragon rouge feu.
mentionnée dans un texte impressionnant Il avait sept têtes et dix cornes et, sur ses têtes
d'Isaïe. Quand vient le Jour du Seigneur, sept diadèmes.

203
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Sa queue, qui balayait le tiers des étoiles du ciel, encadrent l'arche de l'Alliance (Ex 25,
les précipita sur la terre. 18-22). Ils jouent un rôle important dans les
Le dragon se posta devant la femme qui allait visions d'Ezéchiel (Ez 1, 4-25; 10, 1-22).
enfanter, afin de dévorer l'enfant dès sa nais- Ici les chérubins (keroubim) ressemblent
sance. [Ap 12, 3-4.] aux kan·bu assyriens. Une forme humaine,
Le monstre pourchasse la femme, vêtue dotée d'ailes, pouvait porter une tête de
du soleil et couronnée d'étoiles, qui doit faucon. En Ézéchiel, les chérubins ont qua-
enfanter le Messie (Ap 12, 1-2 et 5-6). Il est tre faces : d'homme, de lion, de taureau et
vaiucu dans le ciel par Michel (Ap 12, 7-9). d'aigle. Comme les séraphins ils sont liés au
Précipité sur la terre, il reprend sa poursuite mystère du feu (Ez 10, 2 et 7).
de la femme qui lui échappe (Ap 12, 13-14 Au livre de Daniel, les quatre bêtes
et 16). Il continue le combat contre la monstrueuses (Dn 7, 3-8) symbolisent la
descendance de la femme, contre ceux qui succession des empires humains : l'Empire
demeurent fidèles à Dieu et à Jésus (Ap 12, néo-babylonien, aiusi que ceux des Mèdes,
des Perses et des Grecs. Le premier animal
17).
Au chapitre suivant, un monstre apparaît, fabuleux est un lion doté d'ailes d'aigle, le
bête composite, qui représente l'Empire second est simplement un ours, le troisièine
romain. Son nom blasphématoire rappelle la est un léopard équipé de quatre ailes d'oi-
prétention des empereurs de Rome qui seau et portant une tête à quatre visages. La
portaient des noms divins. dernière bête est sans nom, elle porte dix
cornes (la dynastie des Séleucides) et une
Alors, je vis monter de la mer une bête qui avait corne plus petite « avec des yeux d'homme
dix cornes et sept têtes, et une bouche qui profère des choses mons-
sur ses cornes dix diadèmes et sur ses têtes un trueuses» (on reconnaît ici Antiochus Épi-
nom blasphématoire. phane, tristement célèbre pour son impiété).
La bête que je vis ressemblait au léopard, Le symbolisme de ce chapitre opère par
ses pattes étaient comme celles de l'ours, contraste. Les bêtes composites représentent
et sa gueule comme la gueule du lion.
les forces du mal à l' œuvre dans le monde :
Et le dragon lui conféra sa puissance, son trône
er un pouvoir immense. [Ap 13, 1-2.J c'est leur hétérogénéité qui signale leur
malignité. Face à elles, le vieillard assis au
Cette bête n'a qu'un désir, pousser les milieu du feu éternel est une image de
hommes au blasphème. Bientôt se manifeste transcendance. Quant au roi de forme hu-
un agneau, mais sa forme innocente est maine, il représente l'être qui a parfaitement
trompeuse, il parle comme un dragon. Il réalisé les possibilités de sa propre essence :
pousse les hommes à adorer la bête. Cet c'est l'homme parfait, l'Adam restitué en sa
agneau représente sans doute ceux qui, de forme originelle.
manière directe ou indirecte, séduisent les La vision de Daniel fouruira à l'auteur
hommes pour les conduire à la sujétion au de l' Apocalypse une grande part des ima-
pouvoir impie de Rome. ges nécessaires pour révéler les combats
Les êtres composites sont parfois d'ori- eschatologiques, qui précéderont la victoîre
gine céleste : tels sont les chérubins qui du Christ identifié au Fils de l'homme.

204
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE
Heurs et malheurs de l'Alliance. jours par la révéler : sa colère n'a qu'un
La jalousie. temps et sa miséricorde est le fond de sa
Le maître et l'époux. nature. li ne contraint pas l'homme, non
Les infortunes de l'amour de Dieu. plus, à le chercher au cours d'une aventure
L'alliance des cœurs et des corps. hasardeuse :
Je n'ai pas parlé en secret, en quelque coin d'un
Les miracles de la miséricorde. obscur pays,
Le frémissement des entrailles. je n'ai pas dit à la race de Jacob :
Dieu rachète l'homme Cherchez-moi dans le chaos !
pour qu'il puisse se racheter. Je suis le SEIGNEUR qui proclame la justice,
Le Gaël. qui annonce des choses vraies. [Is 45, 19.]

Le berger. Ces choses vraies, qui proclament la Jus-


Dieu est le grand Berger. tice incréée, sont les réalités de la vie hu-
Les pasteurs du grand Berger. maine,. capables de devenir les symboles de
Le bon Pasteur. l'amour divin pour son peuple. L'homme est
un être pathétique, mû par des tendances
D'anciennes traductions d'un célèbre pas- quis' affrontent en un combat perpétuel. Ce
sage d'Isaïe faisaient du Seigneur d'Israël un pathos, pourtant, n'est pas un chaos, une
« Dieu caché » : elles voulaient sans doute agitation stérile sur fond de néant. Le tu-
manifester sa transcendance. Une version multe des passions est rythmé par un cœur
améliorée nous montre un peuple païen, et le Seigneur, qui scrute les reins aussi bien
prosterné devant le Seigneur que l'on invo- que les cœurs, ne saurait reprocher sa nature
que à Jérusalem : « Il n'y a de Dieu que chez à une créature qu'il a voulu chamelle.
toi ! il n'y en a pas d'autres, pas d'autre Bien plus, le mouvement des passions
dieu. » En vérité, tu es un Dieu qui se cache, humaines va s'appliquer au domaine redou-
Dieu d'Israël, sauveur» (Is 45, 14-15). table de l'anthropomorphisme. Le Dieu
Un Dieu qui se cache n'est pas définiti- d'Israël montre ses passions divines :·jalou-
vement hors d'atteinte. Il peut s'éclipser, sie, colère, repentir, tendresse, miséricorde,
dérober sa face pour un temps, il finit tou- avec une souveraine désinvolture. Il n'y a pas

207
LES SYMBOLES BIBLIQUES

là d'inconséquence mais l'émergence dou- Cette jalousie peut être la rivalité et sup-
loureuse d'un projet. Les passions de Dieu pose 1' envie. Elle est aussi l'ardeur amou-
s'engagent sur le chemin de la Passion du reuse et, pour finir, le zèle qui est une
Fils, Serviteur souffrant de l'amour divin, obéissance, un acquiescement, portés par
capable de détruire la mort. l'enthousiasme, mais tout aussi bien le souci
La miséricorde n'a que faire de la logique de tirer toutes les conséquences d'une déci-
implacable qui trace les plans des hommes. sion.
Sa Sagesse inclut la folie de la Croix et L'adjectif« jaloux» possède deux formes
d'incroyables détours quis' engagent dans les hébraïques : une simple modification vocali-
sinuosités du cœur. Tout commence par un que permet de désigner plus particulière-
mystère. Quelle est donc cette jalousie qui ment la jalousie de Dieu qui n'est pas, à
affecte le Seigneur, au point de nous montrer proprement parler, une émotion mais l' ar-
sa face rouge de colère, tout en la gardant deur de la nature divine. Cette jalousie est
pure de cette démesure qui naît chez les d'abord le soin que, face aux hommes, le
hommes de l'envie ? Seigneur prend de sa gloire.
L'armure spirituelle dont le chrétien doit,
selon Paul, se revêtir renvoie à une autre
métaphore guerrière qui, cette fois, concerne
HEURS ET MALHEURS Dieu lui-même. La panoplie des attributs
DE L'ALLIANCE divins compte, parmi ses-armes, la jalousie:
Le SEIGNEUR [ ... ] a revêtu comme cuirasse la
La jalousie. Justice,
sur sa tête le casque du salut,
il a revêtu comme tunique des habits
Moïse vient d'invoquer Dieu en ces ter- de vengeance,
mes : « SEIGNEUR, SEIGNEUR, Dieu de ten- il s'est drapé de la jalousie comme d'un manteau.
dresse et de pitié, lent à la colère, riche en [ls 59, 17.]
grâce et en fidélité » (Ex 34, 6).
Il présente aussitôt sa requête : « Que L'effrayante image du pressoir sanglant et
mon Seigneur veuille bien aller au milieu de du guerrier qui confond vendange et ven-
nous, bien que ce soit un peuple à la nuque geance est un prolongement de cette évoca-
raide» (Ex 34, 9). tion des armes de la colère divine :
La réponse divine ne tardera pas : « Tu ne
te prosterneras pas devant un autre dieu, car
À la cuve, j'ai foulé solitaire,
et des gens de mon peuple, pas un
le SEIGNEUR a pour nom Jaloux : c'est un
n'était avec moi.
Dieu jaloux.» (Ex 34, 14). Alors je les ai foulés dans ma colère,
Le terme de « jaloux », en hébreu, est je les ai piétinés dans ma fureur,
riche de sens. Il évoque d'abord la rougeur leur sang a giclé sur mes habits,
qui envahit le visage, comme une étoffe et f ai taché tous mes vêtements.
s'imprègne aussitôt qu'on la plonge dans un Car j'ai au cœur un jour de vengeance.
bain de teinture. [1s 63, 3-4.l

208
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

Le Deutéronome assimile la colère et la Le SEIGNEUR est un Dieu jaloux et vengeur,


jalousie divines à un feu : le SEIGNEUR est vengeur ; il est expert en fureur !
Le SEIGNEUR se venge de ses adversaires;
Gardez-vous d'oublier l'Alliance que le SEIGNEUR il s'enflamme contre ses ennemis.
votre Dieu a conclue avec vous, et de vous Certes le SEIGNEUR est lent à la colère et d'une
fabriquer une image sculptée de quoi que ce soit, grande puissance,
malgré la défense du SEIGNEUR ton Dieu ; car le mais le SEIGNEUR ne laisse rien passer.
SEIGNEUR est un feu dévorant, un Dieu jaloux. [Na 1, 2-3.]
[Dt 4, 23-24 ; voir aussi Dt 6, 14-15.]
Ce Dieu transcendant est un être pas-
Dieu a conduit jadis son peuple dans le
sionné:
désert comme un berger attentif. Israël, rétif,
déviant, a fait l'expérience de la jalousie Ainsi parle le SEIGNEUR, le Tout-Puissant :
divine : J'éprouve une immense jalousie pour Sion
et je brûle d'une ardente passion pour elle.
Ils déviaient, ils trahissaient comme leurs pères, [Za 8, 2.]
se retournaient comme un arc infidèle ;
ils l'indignaient avec leurs hauts lieux, S'il ne parle pas directement de l'amour
par leurs idoles) ils le rendaient jaloux. de Dieu, le Cantique des cantiques lui four-
[Ps 78, 57-58.J nit un contrepoint humain.Jalousie est ici le
paroxysme de 1' amour qui révèle ainsi son
Ézéchiel, enlevé par ]'Esprit, est conduit
ardente nature :
à Jérusalem en un lieu très particulier : « Là
où se trouve l'idole de la jalousie, qui excite Fort comme la Mort est Amour,
la jalousie» (Ez 8, 3 ). inflexible comme Enfer est Jalousie ;
Un peu plus loin, à l'entrée de la porte de ses flammes sont des flammes de feu,
la Maison de SEIGNEUR, le prophète décou- une flamme de Dieu. [Ct 8, 6.]
vrira des femmes assises qui pleurent le dieu Si l'amour tombe comme un coup de
du printemps Tammuz, alias Adonis (Ez 8, foudre, la jalousie est alors un retour de
14). Le châtiment a pourtant été annoncé : flamme.
J'irai jusqu'au bout de ma colère, j'assouvirai ma Ce que Dieu défend par les manifesta-
fureur contre eux et je me Vengerai ; alors ils tions de sa jalousie, c'est bien sa gloire, son
connaîtront que je suis le SEIGNEUR, que j'ai parlé renom. Mais le saint Nom de Dieu est aussi
dans ma jalousie, en allant jusqu'au bout de ma Miséricorde.
fureur contre eux. [Ez5, 13.] Israël infidèle est attaqué par Sennaché-
Cette jalousie proprement divine ne se rib. Malgré les ravages de l'envahisseur, le
réfère pas encore, à titre de métaphore, à peuple de Dieu ne sera pas entièrement
l'amour conjugal déçu. Elle est ici l'amour détruit et pourra renaître. La jalousie du
divin dans toute son ardeur, dans toute sa Seigneur le préservera :
violence, un amour exaspéré, exacerbé par la Le reste survivant de la maison de Juda
tiédeur et l'indifférence du peuple élu. produira de nouvelles racines en bas
La déclaration d'entrée de Nahum est et des fruits en haut.
fracassante : Car de Jérusalem sortira un reste

209
LES SYMBOLES BIBLIQUES

et des survivants du mont Sion. Je suis rempli d'un zèle-jaloux pour le SEIGNEUR
L'amour jaloux du SEIGNEUR Sabaot fera cela. Sabaot, parce que les Israélites ont abandonné
[Is 37, 31-32.] ton Alliance, qu'ils ont abattu tes autels et tué
des prophètes par l'épée. Je suis resté moi seul
Ainsi parle le Seigneur qui met un terme et ils cherchent à m'ôter la vie.
à la longue déportation du peuple infi' [1 R 19, 10; voir aussi 1 R 19, 14.]
dèle :
Le zèle de l'homme pour Dieu et les
Je les ai traités comme le méritaient leurs souil-
choses divines n'est pas une notion symboli-
lures et leurs transgressions,.et je leur ~i _caché ma
que comme la Jalousie, passion attribuée au
face. C'est pourquoi, ainsi parle le SEIGNEUR
Dieu : Maintenant je vais ramener les captifs de
Seigneur, il s'agit plutôt de la vertu de
Jacob, je vais prendre en pitié toute la maison religion.
d'Israël et je me montrerai jaloux de mon saint Pourtant, le zèle que met Jésus à chasser
Nom. [Ez 39, 24-25.l les vendeurs du Temple et à interdire aux
portefaix l'usage d'un raccourci qui viole
L'Ange dit au prophète Zacharie : ainsi l'espace sacré possède une valeur symboli-
parle le SEIGNEUR : que et même prophétique. Il rappelle ainsi
Téprouve un amour très jaloux pour Jérusalem que le Temple est le centre spirituel d'Israël
et pour Sion. [.. .] Je me tourne de nouveau vers et non pas un lieu de commerce.
Jérusalem avec compassion; mon Temple y sera
« Ne faites pas de la maison de mon Père une
rebâti. [. ..] Le SEIGNEUR consolera encore Sion,
maison de négoce. » Ses disciples se rappelèrent
il fera encore choix de Jérusalem.
ce qui est écrit : « Le zèle pour ta maison me
[Za 1, 14 et 16-17.]
dévorera.» !Jn 2, 16-17, citation du Ps 69, 10.J
Dieu prend un soin jaloux des justes. Le
Pour Paul, les pratiques démoniaques
livre de la Sagesse reprend le thème de la
peuvent exciter la jalousie du Seigneur :
panoplie divine, mais ses armes sont, cette
fois, utilisées pour protéger les fidèles Vous ne pouvez participer à la table du Seigneur
l'ardeur jalouse figure ici en bonne place. et à la table des démons. Ou bien voudrions-nous
provoquer la jalousie du Seigneur? Serions-nous
Les justes vivent à jamais, plus forts que lui? [1 Co 10, 21-22].
et leur récompense est auprès du Seigneur,
et le Très-Haut a souci d'eux. [. ..] Paul éprouve une jalousie divine pour ses
De sa droite il les protègera fidèles de Corinthe :
et de son bras, comme d'un bouclier, il les
J'éprouve à votre égard une jalousie divine ; car
couvrira.
je vous ai fiancés à un époux unique, comme une
Pour armure il prendra son ardeur jalouse.
vierge pure à présenter au Christ [2 Co 11, 2].
[Sg 5, 15-17.]
Les justes participent à la jalousie divine
du Seigneur. Leur ardeur à le servir est un Le maître et l'époux.
zèle jaloux de son honneur. Élie est bien
l'exemple le plus frappant de cette intransi- Le terme hébreu baal exprime d'abord la
geance inspirée. Il dit : . propriété, la possession, la maîtrise. Le

210
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

possesseur d'un domaine est un baa!, L' ar- royauté : tu es souverainement élevé au-dessus
cher est le baal des flèches. L'époux est le de tout. La richesse et la gloire te précèdent, tu
baal de son épouse. Le baal d'un domaine es maître de tout. [1 Ch 29, 11-12.]
peut être un propriétaire terrien. Mais ce Par neuf fois, !'Apocalypse mentionnera le
domaine est aussi le lieu où une divinité Maître-de-tout, le Pantocratôr que l'art ro-
exerce sa puissance : tels sont les nombreux man saura si bien peindre à l'intérieur des
baals cananéens qui deviendront pour Israël absides et sculpter sur le tympan des portes
l'objet d'une tentation idolâtrique. Le pou- des églises.
voir de ces divinités localisées est fragile. Le
baal d'une source tarie est dépossédé de son Je suis !'Alpha et !'Oméga, dit le Seigneur Dieu,
« Il est, Il était et Il vient», le Maître-de-tout
pouvoir. Tel est le cas aussi d'un baal dont
[Ap 1, 8].
le territoire est envahi par des étrangers qui
introduisent là le culte d'un autre Dieu. A Pour exprimer la maîtrise de Dieu sur le
l'inverse, le Dieu d'Israël se nomme « Sei- monde, la Bible a donc dû se démarquer par
gneur [adôn] de toute la terre». « Voici : rapport au terme de Baal trop compromis
l'arche de l'Alliance du Seigneur [adôn] de dans la dénomination des divinités païennes.
toute la terre va passer devant vous dans le Par contre, au sens humain de ce terme,
Jourdain » (Jos 3, 11 ; voir aussi J os 3, 13 où l'époux a été l'objet d'une transposition
Dieu est nommé le SEIGNEUR).« Les monta- symbolique.
gnes fondent comme la cire devant le Sei- Par les prophètes, le Seigneur se présente
gneur de toute la terre » (Ps 97, 5 ; voir aussi comme l'époux, le baal du peuple qu'il a pris
Za 4, 14 et 6, 5; Mi 4, 13). comme épouse dans le cadre de l'Alliance,
Très proche par le sens, le terme mâcha! contractée avec les Patriarches et renouvelée
désigne l'empire sur les êtres. Il alterne sur le Sinaï par l'intermédiaire de Moïse.
parfois avec mâlcoth, le pouvoir royal. Le Dans la société ancienne d'Israël, l'époux
Seigneur, roi des rois, domine le temps et est le maître de sa femme. Cette sujétion
l'espace : n'exclut pas l'amour, la tendresse et la
délicatesse du mari. L'homme, dont les
Ton règne [mâlcoth], un règne pour les siècles, droits sont supérieurs, porte aussi le poids
ton empire [mâchal] pour les âges des âges.
des plus lourdes responsabilités. Pour le
[Ps 145, 13.J
Deutéronome, « agir en mari (en baa[) »
Bénissez le SEIGNEUR, toutes ses œuvres, c'est consommer le mariage (Dt 21, 13). Les
en tous lieux de son domaine [mémchalah]. femmes doivent honorer leur mari et non les
[Ps 103, 22.J mépriser (Est 1, 20). C'est l'homme marié
qui reçoit l'indemnité quand son épouse a
Dans le livre des Chroniques, David célè- subi un dommage (Ex 21, 22). La polygamie
bre ainsi le pouvoir absolu du « Maître de reste libre, le choix d'une épouse ou I' affir.
tout» (mâcha! bacol). mation d'une préférence reste à la discrétion
À toi, SEIGNEUR, la grandeur, la force, la splen- du mari, mais la femme possède des recours
deur, la durée ·et la gloire, car tout ce qui est au (Ex 21, 10-11).
ciel et sur la terre est à toi. À toi, SEIGNEUR, la L'adultère est condamné par le Déca-

211
LES SYMBOLES BIBLIQUES

logue (Ex 20, 14; Dt 5, 18). L'adultère d'un Cette parole n'est pas que verbale : elle
homme avec une femme mariée est puni par utilise aussi le comportement prophétique
la lapidation des complices. Un mari volage qui joint souvent le geste à la révélation.
qui rencontre des femmes non mariées est, Osée cependant va plus loin, il utilise comme
tout au plus, mal considéré. L'inconduite symbole les faits les plus intimes de sa
d'une femme mariée est sévèrement punie situation matrimoniale. Cette impudeur ra-
mais son baal a le pouvoir de lui pardonner. dicale n'est pas un étalage de turpitudes,
Le baal peut répudier sa femme en tout mais la chair même du message qu'il trans-
bien tout bonneur, à condition de lui donner met au peuple infidèle. Son intention est de
un acte écrit de divorce. La femme seule, montrer que les malheurs d'Israël ne relèvent
veuve ou répudiée, peut être rachetée. Le pas d'un destin absurde : ils sont les consé-
terme même de « Gaël », souvent traduit quences logiques de la trahison de l'amour
par «sauveur» signifie « racheteur ». de Dieu, de l'infidélité d'un peuple oublieux
Avantla déclaration de Jésus en faveur de de l'Alliance qui l'a jadis consacré.
l'indissolubilité matrimoniale (Mt 19, 3-9), L'identité précise de la femme choisie;
on discerne un courant favorable à la mono- différente des appellations symboliques sui-
gamie (Pr 5, 15-19; Qo 9, 9; Si 26, 1-4; vantes, montre bien que ce récit n'est pas
Pr 31, 10-31). L'histoire de Tobie, par exem- une parabole mais la relation d'un vécu.
ple, est le récit exemplaire de la famille
monogame. Commencement de ce que le SEIGNEUR a dit par
C'est cet idéal matrimonial que présuppo- Osée. Le SEIGNEUR dit à Osée : « Va, prends une
sent les prophètes pour faire du mariage le femme se livrant à la prostitution et des enfants
symbole de l'union du Seigneur avec son de prostitution, car le pays ne fait que se prosti-
tuer en se détournant du SEIGNEUR. »
peuple.
Il alla donc prendre Gomer, fille de Diblayim,
qui conçut et lui enfanta un fils. Le SEIGNEUR lui
dit : « Appelle-le du nom de Yizréel, car encore
Les infortunes de l'amour de Dieu, un peu de temps, et je châtierai la maison- de
Jéhu pour le sang versé à Yizréel, et je mettrai fin
Un des plus anciens prophètes, Osée, se à la royauté de la maison d'Israël. Il adviéndra,
situe dans le troisième quart du vr:rt siècle en ce jour-là, que je briserai l'arc d'Israël dans la
avant Jésus-Christ. Cet homme du royaume vallée de Yizréel. »
du nord, nommé Israël, mais aussi Jacob ou Elle conçut encore et enfanta une-fille. Le SEI-
Ephraïm, va assister à la décadence de son GNEUR lui dit : « Appelle-la du nom de Lo-
pays. L'Assyrie est en pleine expansion Ruhamah - c'est-à-dire Non-aimée - car dé-
sormais je n'aurai plus pitié de la maison d'Israël
guerrière alors quel' autre grande puissance,
pour lui pardonner encore. Mais de la maison de
l'Égypte, se trouve affaiblie. Israël ne sait à Juda j'aurai pitié et je les sauverai par le SEI-
quel protecteur se vouer et cette hésitation GNEUR leur Dieu. Je ne les sauverai ni par l'arc,
ne pourra pas lui éviter une fm tragique. ni par l'épée, ni par la guerre, ni par les chevaux,
Osée est un voyant, il discerne les signes ni _par les cavaliers. »
du désastre, mais il est aussi un porte-parole Elle sevra Lo-Ruhamah, conçut encore et enfanta
du Seigneur. un fils. Le SEIGNEUR dit:« Appelle-le du nom de

212
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

Lo-Ammi - c'est-à-dire Celui qui n'est pas mon séduction, fiançailles, renaissance de celle
peuple - car vous n'êtes pas mon peuple et moi que le Seigneur n'a jamais condamnée de
je n'existe pas pour vous.» [Os 1, 2-8.] façon défiuitive.
Le nom symbolique des enfants introduit C'est pourquoi je vais la séduire,
le message de Dieu : il s'agit des rapports je la conduirai au désert
entre lui et son peuple. Dieu commence et je parlerai à son cœur.
maintenant le procès. Comme une femme Là, je lui rendrai ses vignobles,
dépravée, le peuple va subir son châtiment. et je ferai du val d'Akor une porte d'espérance.
Là, elle répondra comme aux jours de sa jeu-
Intentez procès à votre mère, intentez-lui procès !
nesse,
Car elle n'est pas ma femme,
comme au jour où elle montait du pays d'Égypte.
et moi je ne suis pas son mari.
Il adviendra en ce jour-là
Qu'elle écarte de sa face ses prostitutions,
- oracle du SEIGNEUR -
et d'entre ses seins ses adultères.
que tu m'appelleras« Mon mari»,
Sinon je la déshabillerai toute nue
et tu ne m'appelleras plus« Mon Baal».
et la mettrai comme au jour de sa naissance ;
J'écarterai de sa bouche les noms des Baals)
je la rendrai pareille au désert,
et ils ne seront plus mentionnés par leur nom.
je la réduirai en terre aride,
[Os 2, 16-19.]
je la ferai mourir de soif,
et de ses enfants je n'aurai pas pitié, Le désert évoqué ici rappelle celui de
car ce sont des enfants de prostitution.
!'Exode. Il est le lieu de la naissance du
Oui, leur mère s'est prostituée,
celle qui les conçut s'est déshonorée;
peuple d'Israël et le symbole de toute renais-
car elle a dit : «Je veux courir après mes amants, sance spirituelle.
qui me donnent mon pain et mon eau, On remarque aussi l'importance du nom.
ina laine et mon lin, mon huile et ma boisson. » Le terme de baal prête à confusion : le
[Os 2, 4-7.J Seigneur risque d'être pris pour un baal
entre autres divinités païennes portant ce
Les fausses conversions ne modifient pas titre. L'autre nom pour dire mari (ishi) éta-
le comportement pervers de_ l'infidèle. La blit une distinction radicale :
sanction du Seigneur est inévitable.
Je te fiancerai à moi pour toujours;
Je dévasterai sa vigne et son figuier,
je te fiancerai dans la justice et dans le droit,
dont elle disait :
dans la tendresse et la miséricorde ;
Ils sont le salaire que m'ont donné mes amants;
je te fiancerai à moi dans la fidélité,
j'en ferai un hallier
et tu connaîtras le SEIGNEUR. [Os 2, 21-22.l
et la bête sauvage les dévorera.
Je la châtierai pour les jours des Baals
Le mot traduit ici par tendresse est
auxquels elle brûlait de l'encens. [Os 2, 14-15.]
hésed. C'est l'amour vécu dans le cadre de
Cependant, la miséricorde divine est ca- l'Alliance. Du côté de Dieu, il signifie sa
pable non seulement de pardonner mais de générosité inépuisable et, pour l'homme, la
restaurer radicalement l'être déchu. Dieu piété conçue comme une sownission tendre
reprend dès le début le jeu amoureux : et chaleureuse.

213
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Ézéchiel va reprendre le même thème habit et couvert ta nudité; je t'ai fait un serment
pour raconter, de manière symbolique, l'his- et suis entré en alliance avec toi - oracle_ du
toire de Jérusalem. Seigneur DIEU. [Ez 16, 4-8.]
Ce récit, d'une rare verdeur, est fait pour Lavée, habillée, la petite fille est devenue
interpeller le peuple de Jérusalem, au risque une femme splendide.
de le choquer. Il évoque ainsi l'horreur que
suscite la trahison de la ville sainte. La force Mais tu t'es fiée à ta beauté et, à la mesure de ton
du symbole tient à la crudité de l'expression. renom, tu t'es prostituée; tu as prodigué tes
Vautré dans son péché, Israël somnole, il débauches à tout passant - tu as été à lui. Tu as
faut le réveiller pour le convertir. Arraché à pris de tes vêtements dont tu as bariolé les hauts
lieux et tu t'es prostituée dessus - que cela ne
sa misère, à sa léthargie, le peuple de Dieu
vienne ni ne se passe ! Tu as pris tes splendides
découvrira alors la grandeur de la miséri- bijoux d'or et d'argent que je t'avais donnés; tù
corde divine et la puissance de son pouvoir t'es fait des images viriles, tu t'es prostituée avec
régénérateur. elles. [Ez 16, 15-17.]
Les passages cités ici sont insuffisants
pour restituer toute la richesse du récit. Ils Ces images étaient un piège idolâtrique.
peuvent révéler le sens d'une histoire parfois Les dieux cruels exigeaient des sacrifices
triviale, qui dévoile un monde de tendresse humains:
infinie : celle du Seigneur de la miséricorde. Tu as pris tes fils et tes filles que tu m'avais
Le prophète. rappelle que Jérusalem était enfantés et tu les as sacrifiés à ces images. Il ne
d'abord une cité cananéenne, avant de deve- te suffisait donc pas de te .débaucher? Tu as
nir la capitale de David et le lieu de l'implan- égorgé mes fils et tu les as livrés en les leur
tation du Temple. La ville garde sans doute sacrifiant. [Ez 16, 20-21-]
quelque chose de cette origine païenne, qui
Le prophète dresse ens~te la liste des
la porte à la perversion.
prostitutions de l'infidèle. L'Egypte, Assour,
la Chaldée ont été, tour à tour, les amants de
À ta naissance, au jour où tu es née, on ne t'a pas cette créature insatiable, au cœur enfiévré.
coupé le cordon, tu n'as pas été lavée dans l'eau
La perversion de Jérusalem est allée jus-
pour être purifiée ; tu n'as pas été frottée de sel
ni enveloppée de langes. Nul œil ne s'est apitoyé qu'à inverser l'ordre des choses ·:
sur toi pour te donner par pitié un seul de ces À toutes les prostituées on fait un cadeau ; mais
soins : par le dégoût qu'on avait de toi, tu as été c'est toi qui as fait ce cadeau à tous tes amants ;
jetée dans les champs, le jour ..où tu es née. tu les as soudoyés pour qu'ils viennent vers toi
Passant près de toi, je t'ai vue te débattre dans de partout, se débaucher avec toi. Toi, dans tes
ton sang ; je t'ai dit, alors que tu étais dans ton débauches, tu as fait à l'inverse des autres fem~
sang : Vis l - Je t'ai rendue vigoureuse comme mes; tu n'étais pas recherchée comme prosti-
une herbe des champs; alors tu t'es mise à tuée; or; en donnant un salaire sans en recevoir,
croître et à grandir et tu parvins à la beauté des tu as inversé les rôles. [Ez 16, 33-34.]
beautés ; tes seins se formèrent, du poil te
poussa : mais tu étais sans vêtements, nue. En Les amants de la prostituée perverse vont
passant près de toi, je t'ai vue: or tu étais à l'âge être rassemblés par le Seigneur pour devenir
des amours. J'ai étendu sur toi le pan de mon les bourreaux de son infâmie et de son

214
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

supplice. Ici, le récit symbolique suit, pas à Car ainsi parle le Seigneur DIEU. J'agirai à ton
pas, l'histoire des malheurs de Jérusalem. Le égard comme tu as agi, toi qui as méprisé la
thème de la nudité est particulièrement malédiction en rompant l'alliance. Moi je me
souviendrai de mon alliance avec toi, aux jours
éloquent. Après la nudité de l'enfant aban-
de ta jeunesse ; j'établirai avec toi une alliance
donnée et recueillie, après la nudité provo- éternelle. Tu te souviendràs de ta conduite et tu
cante de la prostituée, voici venir l'heure de seras confuse quand tu accueilleras tes sœurs
la nudité fatale, l'instant de honte insoute- aînées auprès de tes cadettes ; je te les donnerai
nable avant la mort : pour filles, mais sans qu'elles participent à ton
alliance.J'établirai mon alliance avec toi : alors tu
Prostituée, écoute donc la parole du SEIGNEUR : connaîtras que je suis le SEIGNEUR, afin que tu te
Ainsi parle le Seigneur: DIEU : Parce que ton souviennes, afin que tu sois honteuse et que, de
sexe a été découvert et que ta nudité a été confusion, tu ne puisses plus ouvrir la bouche
dévoilée; au cours de tes débauches avec tes lorsque-je t'absoudrai de tout ce que tu as fait
amants et toutes tes idoles abominables, à cause - oracle du Seigneur DIEU. [Ez 16, 59-63.]
·du sang de tes fils que tu leur as livrés, eh bien,
je vais ·rassembler tous les amants auxquels tu
as plu, tous ceux que tu as aimés, outre ceux
que tu as haïs ; je les rassemblerai contre toi de L'alliance des cœurs et des corps.
partout, je dévoilerai devant eux ta nudité ; ils
verront toute ta nudité. Je t'applique le châti- Le chapitre 54 d'Isaïe reprend le thème
ment des femmes adultères et de celles qui du mariage du Seigneur avec son peuple
répandent le sang ; je te mettrai en sang par ma dans une perspective nouvelle.Jérusalem est
fureur et ma jalousie. Je" te livre entre leurs bien le centre de la communauté d'Israël,
mains ; ils raseront ton estrade et démoliront tes
considérée comme l'épouse de Dieu ; le texte
podiums ; ils te- dépouilleront de tes vêtements
la présente dans un état d'abandon, de
et prendront tes splendides bijoux; ils te laisse-
ront sans vêtements, nue. Ils dresseront la foule
veuvage, de stérilité_ Le thème de la prnsti-
contre toi ; ils te lapideront, ils te lacéreront de tution n'apparaît pas. Tout commence par
leurs épées, ils brûleront tes maisons, ils exécu- un cri de joie, celle de la fécondité retrouvée.
teront contre toi la sentence, aux yeux d'une
multitude de femmes ; je mettrai fin à ta vie de Pousse des acclamations,
prostituée. [Ez 16, 35-41.] toi, stérile, qui n'enfantais plus,
explose en acclamations et vibre,
Longtemps encore, le texte se répand en toi qui ne mettais plus au monde !
Car les voici en foule, les fils de la désolée
invectives. Puis, brusquement, sans transi-
plus n_ombreux que les fils de l'épousée, dit le
tion, retentit l'annonce de la miséricorde
SEIGNEUR.
divine. Nulle mention d'une conversion, Élargis l'espace de ta tente,
d'une pénitence méritoire. Dieu n'a jamais, les toiles de tes demeures, qu'on les distende!
pour sa part, rompu l'Alliance. Il se souvient Ne ménage rien ! Allonge tes cordages
de son pacte éternel et, remontant le temps et tes piquets, fais-les tenir !
jalonné d'horreur et de misère, il ramène Car à droite et à gauche tu vas déborder ;
tout à son principe : quand Israël était ta descendance héritera des nations
enfant. qui peupleront les villes désolées. [Is 54, 1-3.]

215
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le thème de la honte apparaît mais ce Un bref instant, je t'avais abandonnée,


n'est pas, comme en Ézéchiel, le châtiment mais sans relâche, avec tendresse, je vais te
de l'impudeur. La honte est plutôt ici la peur rassembler.
d'uue femme désemparée. Dans un débordement d'irritation, j'avais c~ché
L'adolescente sans mari vit dans uue in- mon visage, un instant) loin de toi,
mais avec une amitié_sans fin je te manifeste ma
certitude pénible : telle fut la situation du
tendresse,
peuple hébreu en Égypte avant !'Exode. La dit celui qui te rachète, le SEIGNEUR.
femme mariée, privée de la présence de son [Is 54, 6-8.J
époux, connaît l'angoisse de la solitude
dangereuse et stérile : telle fut la condition Le Cantique des cantiques a posé uu
douloureuse d'Israël déporté en Babylonie. grave problème à la conscience juive et
chrétienne. Deux orientations semblent op-
Ne crains pas, car tu n'éprouveras plus de honte,
poser les interp:i:-étations de ce livre consacré
ne te sens plus outragée, car tu n'auras plus à
rougir,
à l'amour. La première voit dans ce texte
tu oublieras la honte de ton adolescence, uue allégorie des rapports entre le Seigneur
la risée sur ton veuvage, tu ne t'en souviendras et son peuple. La seconde, naturaliste, ne
plus. discerne dans cet épithalame qu'uue célébra-
Car celui qui t'a faite, c'est ton époux : tion de l'amour charnel.
le SEIGNEUR, le tout-puissant, c'est son nom; Une lecture plus fine conduit à se deman-
le Saint d'Israël, c'est celui qui te rachète, der si ces -interprétations contraires sont
il s'appelle _le Dieu de toute la terre. contradictoires. La sexualité, à date ancienne
[ls 54, 4-5.J et dans beaucoup de civilisations, n'est pas
dépourvue d'une dimension ·sacrée.
L'époux dit à l'épouse : Je suis celui qui
Pour Israël, de toute évidence, cet aspect
t'a faite. C'est en tant que Créateur que Dieu religieux est consacré par sa référence à
peut recréer l'homme, endommagé radica-
l'Alliance que le Seigneur contracte avec son
lement par le péché. Le Créateur se nomme peuple.
aussi le « Dieu de toute la terre » : il est Ainsi parle Malachie :
d'une tout autre nature que les divinités
païennes impuissantes. Comme en Ézéchiel, Le SEIGNEUR est témoin entre toi et la femme de
la restauration de l'épouse se fera par un ta jeunesse que tu as trahie, bien qu'elle fût ta
retour aux « jeunes années >>) aux jours de compagne et la femme de ton alliance. N'a-t-il
l'Alliance vécue dans toute sa fraîcheur. pas fait un seul être, qui a chair et souffle de vie ?
L'amitié, la tendresse (hésed) retouvées ca- Et cet être unique, que cherche-t-il? Une posté-
ractérisent ce pacte d'amour. rité donnée par Dieu ! Respect donc à votre vie,
et la femme de ta jeunesse, ne la trahis point !
Car, telle une femme abandonnée Car je hais la répudiation, dit le SEIGNEUR Dieu
et dont l'esprit est accablé, d'Israël. [Ml 2, 14-16.]
le SEIGNEUR t'a rappelée :
« La femme des jeunes années, La Sagesse est parfois présentée comme
vraiment serait-elle rejetée? », la compagne et la gardienne de l'homme
a dit ton Dieu. droit.

216
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

Quand la Sagesse entrera dans ton cœur LES MIRACLES DE LA MISÉRICORDE


et que le savoir fera les délices de ton âme,
la prudence veillera sur toi,
l'intelligence te gardera. [... ] Le frémissement des entrailles.
Pour te garder aussi de la femme d'un autre,
de l'inconnue aux paroles enjôleuses;
L'origine du mot hébreu que l'on traduit
elle a abandonné l'ami de sa jeunesse,
elle a oublié l'alliance avec son Dieu.
par pitié, compassion ou miséricorde, n'est
[Pr 2, 10'11 et 16-17.] pas clairement déterminée. La racine rhm
oriente vers le sens de: être doux ou être large.
La tradition juive tend à personnifier la Le substantif réhem désigne le sein maternel ;
Sagesse, qui est identifiée à la présence quant au pluriel rahamim il exprime le senti-
divine, la shekkinah. Elle devient alors le ment viscéral de fraternité et concerne
double féminin de l'homme pieux, hasid, d'abord une origine utérine identique.
c'est-à-dire fidèle à l'Alliance divine. Ce Ce sens est bien illustré par l'épisode de
pacte est vraiment un lien d'amour indisso- Joseph reconnaissant son petit frère Benja-
luble, comme devrait être celui qui unit min. «Joseph se hâta de sortir, car ses
l'homme à la femme. entrailles s'étaient émues pour son frère et
Dans le cadre du christianisme, Paul va les larmes lui venaient aux yeux : il entra
reprendre ce thème d'une manière magis- dans sa chambre et là, il pleura »
trale : (Gn 43, 30).
Les entrailles deviennent finalement le
Maris, aimez vos femmes comme le Christ a
aimé l'Église : il s'est livré pour elle. [... ] De la siège des émotions profondes, l'état amou-
même façon, les maris doivent aimer leurs reux, par exemple.
femmes comme leurs propres corps. Aimer sa Quand le Bien-aimé du Cantique des
femme, c'est s'aimer soi-même. Car nul n'a cantiques frappe, de nuit, à la porte de celle
jamais haï sa propre chair ; on la nourrit au qu'il aime et que déjà sa main cherche à
contraire et on en prend bien soin. C'est jus- manœuvrer la serrure de sa chambre, l' émo-
tement cc que le Christ a fait pour l'Église : ne tion s'empare de la jeune fille : « Mon
sommes-nous pas les membres de son Corps ? Bien-aimé a passé la main par la fente, et
« Voici donc que l'homme quittera son père et pour lui mes entrailles ont frémi» (Ct 5, 4).
sa mère pour s'attacher à sa femme, et les Le corps prend sa part d'une grande
deux ne feront qu'une seule chair»; ce mys-
souffrance; celle-ci peut être le regret de la
tère est grand; je veux dire qu'il s'applique au
Christ et à l'Église. [Ep 5, 25 et 28-31; cita- faute ou la peine du châtiment.
tion de Gn 2, 24.] Vois, SEIGNEUR, quelle est mon angoisse!
Et si l'on en revient au Cantique des Mes entrailles frémissent ;
mon cœur en moi se retourne :
cantiques, on peut en finir avec le jeu des
Ah! je n'ai fait qu'être rebelle! [Lm 1, 20.]
interprétations qui s'affirment contradictoi-
res, en répétant ce qui a été très justement Mes yeux sont consumés de larmes,
dit : « le sens spirituel du Canrique est dans mes entrailles frémissent,
son sens littéral». mon foie s'épand à terre

217
LES SYMBOLES BIBLIQUES

pour le brisement de la fille de mon peuple. Dieu conserve avec son peuple un lien que
[Lm 2, 11.] ne peut mieux décrire l'attachement viscéral
Jérémie est brûlé par la Parole de Dieu. Sa d'une mère pour son enfant :
clairvoyance lui fait vivre d'avance le terrible Une femme oublie-t-elle son petit enfant)
châtiment du peuple auquel il s'identifie. est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ?
Même si les femmes oubliaient,
Mes entrailles ! Mes entrailles ! Que je souffre !
moi, je ne t'oublierai pas.
Parois de mon cœur !
Vois, je t'ai gravé sur les paumes de mes mains.
Mon cccur s>agite en moi!
[Is 49, 15-16.]
Je ne puis me taire,
car j'ai entendu l'appel du cor, Le Seigneur, parfois, semble se cacher. Ce
le cri de guerre. Ur 4, 19.] que l'on redoute le plus, c'est l'interruption
Mais le Seigneur n'est pas un Dieu impas- de sa miséricorde.
sible. Le prophète lui prête des entrailles Regarde du ciel et vois,
susceptibles de compâtir au malheur de son depuis ta demeure sainte et glorieuse.
peuple. Où sont ta jalousie et ta puissance ?
Le frémissement de tes entrailles
Éphraïm est-il donc pour moi un fils si cher
et ta pitié _pour moi se sont-ils contenus? [ .. .]
un enfant tellement préféré
Toi, SEIGNEUR, tu es narre père. [Is 63, 15-16.]
que, chaque fois que j'en parle,
je veuille me souvenir de lui ? Par contre, << fermer ses entrailles », c'est
C'est pour cela que mes entrailles s'émeuvent demeurer indifférent.
pour lui,
que pour lui déborde ma tendresse. Ur 31, 20.] Si quelqu'un, jouissant des biens de ce monde,
voit son frère dans la nécessité
La colère de Dieu est une manifestation et lui ferme ses entrailles,
de sa justice ; pourtant le Seigneur ne la comment l'amour de Dieu demeurerait-il en lui?
laisse pas déborder sans mesure. [1 Jn 3, 17.l
Adma et Ceboyim sont deux villes détrui-
Ce texte de Jean entend rappeler qu'un
tes dans le cataclysme qui effaça Sodome, tel
amour du prochain qui n'est pas réaliste est
ne sera pas le sort du peuple que Dieu s'est totalement illusoire.
choisi. On retrouve cette idée à l'origine du
Comment t'abandonnerais-je Éphraïm, couple de mots « tendresse et pitié » qui
te livrerais-je Israël ? réunit deux attributs de Dieu. Le terme
Comment te traiterais-je comme Ad.ma, tendresse équivaut ici à la miséricorde phy-
te rendrais-je semblable à Ceboyim ? siquement ressentie (le terme hébreu est
Mon cœur est en moi bouleversé) d'ailleurs rahôm); le terme de pitié (hanôn)
toutes mes entrailles frémissent.
apparaît dans l'Exode comme une prescrip-
r
Je ne donnerai pas cours à ardeur de ma colère)
tion morale :
je ne détruirai pas à nouveau Éphraïm,
car je suis Dieu et non pas homme, Si tu prends en gage le manteau de quelqu'un, tu
au milieu de toi, je suis le Saint le lui rendras au coucher du soleil. C'est sa seule
et je ne viendrai pas avec fureur. [Os 11, 8-9.] couverture, c'est le manteau dont il enveloppe

218
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

son corps: dans.quoi couchera-t-il? S'il crie vers L'achat et la vente assurent le mouvement
moi, moi, je l'écouterai, car je suis compatissant économique, mais l'esclave n'est pas une
[hanônl, moi ! [Ex 22, 25-26.] marchandise comme les autres. Racheté, il
peut se retrouver esclave mais il peut être
Il s'agit donc pour l'homme de prendre aussi affranchi.
les inœurs de Dieu : « Soyez saints, car C'est la libération de l'esclavage que fête
rrioi, le SEIGNEUR votre Dieu, je suis-saint» la Pâque. Tel est le message de Dieu à
(Lv 19, 2). Moïse:
Et, dans l'Évangile : « Soyez miséricor-
dieux comme votre Père est miséricor- Je suis le SEIGNEUR et je vous soustrairai aux
dieux. » (Le 6, 36.) corvées des Égyptiens ; je vous délivrerai de leur
Dieu est tendresse et pitié. De nombreux servitude et je vous rachèterai à bras étendu et
par de grands jugements. Je vous prendrai pour
textes le rappellent (Ex 34, 6; 2 Ch 30, 9;
mon peuple et je serai votre Dieu. [Ex 6, 6-7.]
Ps 103, 8-14; Ps 145, 8; Jl 2, 13; Jon 4, 2).
Le symbolisme des entrailles de Dieu est Ce message est l'annonce d'une libéra-
donc d'une grande importance dans la révé- tion ; mais il révèle aussi la constitution
lation du Seigneur d'Israël. Sa colère est un d'Israël en tant que peuple. C'est un acte de
acte qui a une fin, mais la miséricorde est naissance.
l'attitude radicale, le fond de Dieu, son cœur Les récits de l'époque patriarcale révé-
qui ne cesse de palpiter, sa vigilance amou- laient la geste des tribus et sa signification
reuse qui couve sous les cendres du péché spirituelle. Avec !'Exode commence l'his-
et du châtiment. toire d'Wl peuple qui tient sa structure
Ce que nous nommons un attribut est, organique de sa foi en un Dieu « qui inter-
pour la révélation biblique, un trait de vient» : il le crée, il l'éduque, il l'oriente
physionomie divine. Nous allons voir que dans le cadre d'une alliance. « Ta grâce a
cette puissance de pardon et de restauration conduit ce peuple que tu as racheté, ta force
ne peut être qu_e celle du Dieu créateur. l'a guidé vers ta sainte demeure »
(Ex 15, 13 ).
Le livre de !'Exode met en relation directe
Dieu rachète l'homme
le fait mystérieux de la sortie d'Égypte avec
pour qu'il puisse se racheter.
W1e ordonnance rituelle: la consécration des
premiers-nés, leur sacrifice ou leur rachat. La
Le thème du rachat a pour base des
dixième plaie contient l'annonce de l,a mort
données sociologiques et économiques qui
de tous les premiers-nés en terre d'Egypte.
constituaient la structure des anciens peu-
Hommes et bêtes subiront ce sort, sauf les
ples sémites. Les lois divines d'Israël ont
premiers-nés israélites qui seront épargnés.
accepté ou rejeté certains éléments du droit
coutumier ou écrit, mais les prophètes ont Ce sera alors, dans tout le pays d'Égypte, une
parfois donné une portée spirituelle, une grande clameur, telle qu'il n'y en eut jamais et
valeur plus profonde à des conventions léga- qu'il n'y en aura jamais plus, Mais chez tous les
lement garanties. Israélites, pas un chien ne jappera contre qui que

219
LES SYMBOLES BIBLIQUES

ce soit, homme ou bête, afin que tu saches Ce droit de rachat peut être exercé n'im-
que le SEIGNEUR discerne Israël de l'Égypte. porte quand; cependant il devient restitu-
[Ex 11, 6-7.J tion automatique en l'année du jubilé qui se
L'agneau immolé pour le repas avant le présente tous les cinquante ans.
grand départ fournit le sang qui marque les Vous déclarerez sainte cette cinquantième année
portes des Israélites. Ce signe préserve les et proclamerez l'affranchissement de tous les
premiers-nés du peuple de Dieu de la vague habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé :
destructrice dont les bêtes et les enfants chacun d'entre vous retournera dans son patri-
égyptiens seront les victimes. L'agneau déjà moine. Chacun d'entre vous rentrera dans son
rachète le nouveau-né. clan, [Lv 25, 10.]
Le chapitre 13 du livre de !'Exode établit Le droit de rachat est valable pour les
la loi concernant les premiers-nés mâles. Ils maisons (Lv 25, 29-31). Si un homme dans
appartiennent au Seigneur et seront norma- la gêne « se vend » à un autre, il ne doit pas
lement sacrifiés. Le premier fils d'un homme être considéré comme un esclave et son
sera racheté, c'est-à-dire remplacé par une service cessera quand viendra l'année jubi-
tête de bétail qui, elle, sera sacrifiée. Cette laire ; l'homme et toute sa famille pourront
offrande des prémices de la vie est peut-être librement quitter leur employeur.
un rite ancien, mais le récit biblique lui
Ils sont en effet mes serviteurs, eux que j'ai fait
donne une signification historique. Il rap-
sortir du pays d'Égypte, et ils ne doivent pas se
pelle la dixième plaie, le passage foudroyant vendre comme un esclave se vend. Tu n'exerce-
du Seigneur pour libérer son peuple, la mort ras pas sur lui un pouvoir de contrainte maiS tu
des premiers-nés égyptiens et la substitution auras la crainte de ton Dieu. [Lv 25, 42-43.]
de l'agneau.
L'étranger, lui aussi, possède un droit de
Ce sera pour toi un signe sur ta main, un rachat et ne peut être traité arbitrairement
bandeau sur ton front, car c'est par la force de
(Lv 25, 47-53).
sa. main que le SEIGNEUR nous a fait sortir
d'Égypte [Ex 13, 16]. La conclusion de ce discours législatif est :
« Vous ne vous ferez pas d'idoles »
Dieu a racheté Israël esclave de l'Égypte, (Lv 26, 1).
l'homme doit racheter son fùs premier-né. Certes, le texte évoque les idoles statu-
Le terme de rachat possède aussi un fiées, mais on peut penser aussi qu'il n'y a
troisième sens, impliquant encore une di- pas de pires idoles que le sentiment de pro-
mension spirituelle. Ainsi se révèle une priété exclusive, doublé de l'adoration de
conception très particulière de la propriété. Mammon, la richesse divinisée. Maître ab-
En ce qui concerne la tenure de la terre, solu d'un domaine, l'être humain tend à se
le Lévitique est clair. prendre pour un dieu, devenant ainsi sa
La terre ne sera pas vendue avec perte de tout propre idole.
droit, car la terre m'appartient et vous n'êtes, L'homme est un hôte et un étranger sur
pour moi, que des étrangers et des hôtes. Pour la terre, c'est-à-dire un passant. Il tient de
toute propriété foncière, vous laisserez un droit Dieu son souffle ainsi que les moyens de son
de rachat sur le fonds. [Lv 25, 23-24.] existence. Dieu rachète l'homme de tout ce

220
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

qui peut rasservir, que cette contrainte soit un protecteur tout autant qu'une source de
extérieure ou qu'elle vienne de l'intérieur, revenus.
de ses penchants mauvais. En Israël, perpétuer la descendance mas-
Racheté par son Seigneur, l'homme peut culine est, pour la femme, la chose la plus
se racheter lui-même. A l'acte libre de Dieu importante. L'enfant né du lévirat sera
correspond l'acte libre de la créature qui considéré comme le premier-né de l'épouse
accomplit sa conversion, son retour vers le esseulée par la mort de son époux.
Maître-de-tout, reconnu comme tel. La condition du texte, « si des frères
demeurent ensemble », indique que cette
fraternité est aussi une association économi-
Le « Goël ». que. Si la veuve se remariait avec un étran-
ger, elle pourrait devenir l'occasion d'un
Ce substantif, issu du verbe hébreu gaal, partage ruineux.
racheter, possède la signification générale de Qu'il s'agisse du « vengeur du sang» ou
« celui qui rachète». Il ne faut pas exclure du levir, on voit que le goël est celui qui est
de ce terme l'idée de « vengeur du sang», chargé de traiter les graves affaires de la
chargé de tuer le meurtrier d'un membre de famille, qu'il s'agisse de mort ou de vie.
sa famille, dont le droit est limité par le livre C'est en ce sens que Dieu, de manière
des Nombres (Nb 35, 9-34). Un sens bien symbolique, va se présenter comme le Gaël
particulier fait allusion à la loi du lévirat d'Israël. Ce peuple, qu'il a fait naître et qu'il
:.. levir est un mot latin qui traduit le mot a éduqué comme un enfant, est devenu
hébreu qui signifie beau-frère. comme sa famille : c'est à ce titre qu'il
asswne la fonction de vengeur, de racheteur
Si des frères demeurent ensemble et que l'un et finalement d'époux.
d'eux vienne à mourir sans enfant, la femme du En ce qui concerne la vengeance, Dieu
défunt ne se mariera pas au-dehors avec un entend déposséder les hommes del' esprit de
homme d'une famille étrangère. Son beau-frère vindicte qui se traduit par le déchaînement
viendra à elle, il deviendra son goël en la prenant de la violence. Dieu exerce son droit de
pour épouse et le premier-né qu'elle enfantera
vengeance sur les ennemis d'Israël, mais tout
relèvera le nom de son frère défunt, ainsi son
nom ne sera pas effacé d'Israël. [Dt 25, 5-6.l aussi bien sur Israël rebelle, comine par
exemple le roi Achab (2 R 9, 7).
Si le frère du défunt refuse, une cérémo- Dieu refuse ce droit de vengeance aux
nie publique le couvrira de honte (Dt 25, hommes : « Celui qui se venge éprouvera la
7-10): la veuve lui ôtera une sandale faisant vengeance du Seigneur» (Si 28, 1). Citant le
de lui un « déchaussé », en réalité un boi- Deutéronome (Dt 32, 35-36), l'épître aux
teux de l'esprit plus que du corps. Hébreux apostrophe ainsi les apostats) ceux
Les raisons de cette pratique sortt diver- qui ont outragé !'Esprit de la grâce :
ses. La situation de la veuve est cruelle.
Affectivement sa solitude peut devenir un Nous connaissons, en effet, celui qui a dit : À
isolement. De plus, en Orient, la stérilité est moi la vengeance. C'est moi qui rétribuerai. Et
suspecte, voire honteuse. Le mari (baa/) est encore : le Seigneur jugera son peuple. Oh !

221
LES SYMBOLES BIBLIQUES

chose effroyable que de tomber aux mains du Le Goë/ est bien, ici, le protecteur des
Dieu vivant ! [He 10, 30-31.] « pauvres », de ceUJC qui n'ont d'autre re-
cours que Dieu.
Si le Goë/ est un vengeur, le terme signifie
aussi : protecteur, défenseur. Ainsi parle le SEIGNEUR,
Ici, le contexte du psaume n'est pas la celui qui t'a créé, Jacob, qui t'a modelé, Israël:
Ne crains pas, car je t'ai racheté [verbe gaal]
vengeance:
Je t'ai appelé par ton nom : tu es à moi. [... ]
Agrée les paroles de ma bouche Car je suis le SEIGNEUR ton Dieu
et le murmure de mon cœur le Saint d'Israël, ton Sauveur. [1s 43, 1 et 3.]
sans trêve devant toi, SEIGNEUR, Le Goë/ divin est aussi le Créateur de ce
mon rocher, mon Gaël. [Ps 19, 15.] peuple qu'il rachète (Is 43, 7 et 15).
C'est tout à fait clair dans le livre de Jab. Souviens-toi de cela, Jacob,
Le Seigneur va défendre le sage durement et toi Israël, car tu es mon serviteur,
éprouvé contre la puissance de la mort. je t'ai fonné, tu es pour moi un serviteur
Israël, je ne t'oublierai pas!
Je sais, moi, que mon Défenseur [Gaël] vit; J'ai dissipé tes crimes comme un nuage
que lui, le dernier, se lèvera sur la poussière. et tes péchés comme une nuée.
Après mon éveil, il me dressera près de lui Reviens à moi car je t'ai racheté [verbe gaal].
et, de ma chair, je verrai Dieu. (Jb 19, 25-26.] [Is 44, 21-22.]
Le Gaël se lève, comme témoin à dé- Le psaume 130 (De profundis) n'est
charge, comme un juge bienveillant. C'est le qu'un cri d'espérance en ce Dieu qui rachète
rôle de !'Esprit Saint que Jean nomme les fautes de son peuple.
Paraclet, avocat, assistant, conseiller, mais Car près du SEIGNEUR est la grâce,
aussi témoin de la vérité contre le monde du près de lui l'abondance du rachat,
mensonge (Jn 14, 15-17 et 25-26; Jn 15, c'est lui qui rachètera Israël
26-27; Jn 16, 7-11). de toutes ses fautes. [Ps 130, 7-8.]
Le Dieu Sauveur et Créateur restaure son
Isaïe utilise souvent la fonction multiple peuple en lui insufflant son esprit. «Je
du Goë/ pour exprimer l'amour de Dieu répandrai mon esprit sur ta race et ma
pour son peuple: vengeur, défenseur, libéra- bénédiction sur tes descendants» (Is 44, 3 ).
teur des prisonniers, soutien de la veuve. Isaïe, comme les autres grands prophètes
(Osée, Jérémie, Ézéchiel), a repris, lui aussi,
Moi, le SEIGNEUR ton Dieu, le thème de la femme infidèle, châtiée,
je te saisis la main droite, humiliée, mais finalement pardonnée en
je te dis : « Ne crains pas,
vertu de l'amour indéfectible du Seigneur.
c'est moi qui te viens en aide. »
Le chapitre 54 termine l'évocation de cette
Ne crains pas, vermisseau de Jacob,
et vous, pauvres gens d'Israël. longue séquence passionnée par la mention
C'est moi qui te viens en aide, oracle du SEI" du Gaël.
GNEUR, Un court instant, je t'avais délaissée
ton Gaël c'est le Saint d'Israël. [Is 41, 13-14.] mais, ému d'une immense pitié,

222
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

je te rassemblerai. Que le Dieu devant qui ont marché mes pères


Dans un débordement de fureur, un instant, Abraham et Isaac,
je t'avais caché ma face. que le Dieu qui fut mon pasteur
Mais dans un amour éternel j'ai pitié de toi, depuis que je vis jusqu'à maintenant,
dit le SEIGNEUR, ton Goë/. [1s 54, 7-8.J quel'Ange qui m'a sauvé de tout mal bénisse ces
enfants. [Gn 48, 15-16; voir aussi Ps 80, 2.]
L'amour éternel qui pardonne est, ici
etlcore, la hésed, la constante tendresse d'Wl Au temps de !'Exode, Dieu est le Maître
Dieu qui tient à son alliance avec les hom~ berger d'Israël. Moïse et Aaron sont les
mes, qui la maintient malgré leurs incartades pâtres qui suivent ses ordres (Ps 77, 21 ;
er qui restaure ses partenaires instables en Ps 78, 52-53).
vertu de son pouvoir créateur. L'amour de Le psaume 95 souligne l'importance de la
Dieu est éternellement jeune. « Répudie- voix du berger dans la conduite du trou-
t-on la femme de sa jeunesse?, dit ton peau.
Dieu» (Is 54, 6).
Les passions humaines (jalousie, colère, À genoux devant le SEIGNEUR qui nous a faits !
adultère) et la nature viscérale de la miséri- Car c'est lui notre Dieu,
corde ont formé une chaîne qui se trouve et nous le peuple de son bercail,
tramée par la symbolique du Goé! (ven- le troupeau de sa main.
geance, rachat, protection, défense). C'est Aujourd'hui, écoutez sa voix! [Ps 95, 6-7.]
ainsi que se tissent les rapports de Dieu
avec les hommes et, si le Seigneur aècepte Le psaume 23 exploite la symbolique du
de jouer un jeu qui peut sembler trop monde pastoral.
humain, c'est parce qu'il est présent au
Le SEIGNEUR est mon berger, je ne manque de
cœur de sa créature. Lui qui sonde les rien.
cœurs et les reins sait parfaitement ce qùe Sur des prés d'herbe fraîche il me parque
sont une passion, une fièvre amoureuse, [Ps 23, 1-2].
une décision folle et l'effroyable tristesse
qui peut s'emparer de cet h6mme que l'on Le thème du repos est immédiatement
dit raisonnable. Peut-être, cl' ailleurs, livre- introduit. Ce thème est, dans la Bible, d'une
t0il le secret de sa liberté dans l'efferves- richesse exceptionnelle (voir « Le repos de
cence de ses déraisons. Dieu», p. 285). Ici, les eaux du repos s'op-
posent aux eaux terrifiantes de la mer Rouge
et symbolisent la Terre promise.

LE BERGER V ers les eaux du repos il me mène,


il y refait mon âme ;
il me guide aux sentiers de la justice
Dieu est le grand Berger. à cause de son nom. [Ps 23, 2-3.]

Quand Jacob bénitles enfants de Joseph, La conduite du berger écarte toute


il invoque le Dieu, pasteur d'Israël. crainte :

223
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Passerais-je un ravin de ténèbre, Les pasteurs du grand Berger.


je ne crains aucun mal car tu es près de moi,
ton bâton, ta houlette sont là qui me consolent. Avant que le peuple n'entre dans la terre
[Ps 23, 4.] de Canaan, Moïse reçoit un avertissement. Il
Ce psaume de confiance est le chant d'un va mourir au seuil de ce pays tant désiré.
familier du Temple qui trouve cette paix Aaron est déjà mort. Le prophète se tourne
dans une intimité permanente avec le Sei- vers le Seigneur et lui dit :
gneur veillant sur son troupeau comme un
« Que le SEIGNEUR, Dieu des esprits qui animent
bon berger. toute chair) établisse sur cette communauté tin
Oui, grâce et bonheur me pressent homme qui sorte et rentre à leur tête, qui les
tous les jours de ma vie ; fasse sortir et rentrer pour que la communauté
ma demeure est la maison du SEIGNEUR du SEIGNEUR ne soit pas comme un troupeau
en la longueur des jours. [Ps 23, 6.] sans pasteur.» [Nb 27, 16-17.l
Aux jours de l'épreuve de la déportation, Josué va être choisi pour recevoir, en
le prophète se lamente sur l'absence du présence du prêtre Éléazar « une part de la
grand pasteur. dignité» de Moïse, essentiellement le pou-
Où est-il celui qui les sauva de la mer, voir d'un chef, pour conduire la guerre sans
le pasteur de son troupeau ? doute, mais aussi pour veiller à la cohésion
Où est-il celui qui mettait au milieu d'eux du peuple ainsi qu'à sa fidélité aux engage-
son Esprit saint 1 [Is 63, 11.] ments de l'Alliance. C'est en ce sens que le
Juge d'Israël est un «pasteur».
Michée annonce la restauration d'une
Après la mort de Samson, Samuel fait
Jérusalem élargie, capable d'accueillir les figure de juge et de libérateur mais il a, de
Israélites dispersés et même les nations plus, la clairvoyance d'un prophète. Après la
décrites id comme des bêtes sauvages, grande défaite des Israélites et la prise de
fascinées, domptées par le grand Berger l'Arche par les Philistins, Samuel rassemble
d'Israël.
le peuple à Miçpa pour l'entraîner à un
Fais paître ton peuple sous ta houlette, examen de conscience. Le culte des faux
le troupeau de ton héritage, dieux doit être éliminé et le Seigneur volera
qui demeure isolé dans les broussailles, au secours de son peuple (1 S 7, 2-6).
au rriilieu des vergers. Samuel est vraiment le pasteur d'Israël.
Puisse+il paître en Bashân et en Galaad Mais le peuple demande un roi. « Établis
comme aux jours antiques !
sur nous un roi pour qu'il nous juge, comme
Comme aux jours où tu sortis du pays d'Égypte,
toutes les nations» (1 S 8, 5).
fais-nous voir tes merveilles !
Les nations verront et seront confondues Ce « comme toutes les nations » est une
malgré toute leur puissance. [. . .] offense au Seigneur qui a mis à part son
Elles lècheront la poussière comme le serpent) peuple pour le conduire plus loin que l'hori-
comme les bêtes qui rampent sur la terre. zon des nations qui l'entourent.
Elles sortiront tremblantes de leurs repaires) Malgré les avertissements de Samuel, le
terrifiées et craintives devant toi. [Mi 7, 14-17.J peuple s'obstine. Sai.ü, le premier roi, verra

224
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

Samuel se séparer de lui (1 S, 12). Dieu Il [Dieu] élut David son serviteur,
rejettera Saül en raison de sa désobéissance il le tira des parcs à moutons,
(1 S 15, 10-31). de derrière les brebis mères il l'appela
Samuel va choisir un autre roi. L'élection pour paître Jacob son peuple
et Israël son héritage ;
de David, son onction ne sont pas sans
il les paissait d'un cœur parfait,
motif. Un pasteur doit être courageux pour
et d'une main sage il les guidait. [Ps 78, 70-72.]
défendre son troupeau et, sur ce point,
David ne manque pas de références. Avant L'image de David demeure lumineuse
d'affronter Goliath, il révèle à Saül ses dans la tradition biblique, malgré les ombres
exploits de défenseur des troupeaux de son de son gouvernement et ses fautes person-
père. nelles. Sa prière d'action de grâces, à la fin
Quand ton serviteur faisait paître les brebis de de sa vie, dessine bien la figure d'un roi qui
'son père et que venait un lion ou un ours qui reconnaissait tenir son pouvoir du Souverain
enlevait une brebis du troupeau, je le poursui- éternel. -
vais, je le frappais et j'arrachais celle-ci de sa
À toi, SEIGNEUR, la royauté : tu es souveraine-
gueule. Et, s'il se dressait contre moi, je le
ment élevé au-dessus de tout. [...] Tout vient de
saisissais par les poils du menton et je le frappais
toi et c'est de ta main même que nous t'avons
à mort. Ton serviteur a battu le lion et l'ours, il
donné. Car nous ne sommes devant toi que des
en sera de ce Philistin incirconcis comme de l'un
étrangers et des hôtes comme tous nos pères.
d'eux, puisqu'il a défié les troupes du Dieu
[I Ch 29, Il et 14-15.]
vivant. [I S 17, 34-36.]
Et David révèle l'origine de ce courage et David a toujours gardé dans sa manière
de cette force : « Le SEIGNEUR qui m'a sauvé de vivre quelque chose de rural. Le berger
de la griffe du lion et de l'ours me sauvera royal d'Israël semble n'avoir pas oublié le
des mains de ce Philistin» (1 S 17, 37). petit pâtre roux de Bethléem, frondeur
Au jour du sacre de David, les tribus d'élite contre les bêtes sauvages et gardien
d'Israël réunies disent : vigilant de son troupeau. Cette simplicité fit
de lui un pasteur selon le cœur du Seigneur,
Autrefois déjà, quand Saül régnait sur nous, un « homme de Dieu » (2 Ch 8, 14).
c'était toi qui sortais et rentrais avec Israël, et le Les dynasties royales d'Israël et de Juda
SEIGNEUR t'a dit : « C'est toi qui paîtras mon
n'ont pas connu de pasteur que l'on puisse
peuple Israël et c'est toi qui deviendras chef
d'Israël.» [2 S 5, 2.l comparer à David. Même le roi de Juda,
Josaphat, soucieux de lutter contre l'idolâ-
Sortir, rentrer avec le peuple fait allusion trie, s'alliera par mariage avec le roi Achab,
à la conduite de la guerre. Cette proclama- époux de la païenne Jézabel, qui eut maille
tion élargit le pouvoir de David et, sans en à partir avec le prophète Élie. Les deux
faire un prophète ou un prêtre, lui impose le souverains finissent un jour par consulter un
devoir de vigilance en matière religieuse. authentique prophète : Michée, fils de Yimla
Le passage du pâtre David au roi pasteur (à ne pas confondre avec Michée de Moré-
d'Israël est parfaitement résumé par la shèt, plus tardif, un des douze « petits
conclusion d\m psaume : prophètes» de la Bible). Michée fils de

225
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Yimla commence par se référer au livre des Bien sûr, cet avènement suscitera des
Nombres: résistances mais « sept bergers, huit princes
humains», c'est-à-dire un grand nombre de
J'ai vu tout Israël dispersé sur les montagnes responsables de cet ordre nouveau, condui-
comme un troupeau sans pasteur. ront ces fauteurs de guerre, Assur par exem-
Et le SEIGNEUR dit : Ils n'ont- plus de maître, ple, avec l'épée (Mi 5, 4-5).
que chacun retourne en paix chez soi ! Le chapitre 34 d'Ézéchiel développe lon-
[1 R 22, 17.]
guement le thème du berger. C'est là une
longue critique des pasteurs d'Israël 1 rois et
Ce qui signifie que le roi d'Israël n'est pas
un pasteur. Le prophète lui prédit d'ailleurs chefs du peuple. Mais le prophète se re-
une mort peu glorieuse (1 R 22, 28). tourne aussi contre les brebis 1 ce qui laisse
entrevoir le jugement final. L'ensemble se
Curieusement, c'est l'autre Michée, celui
de Moreshèt, contemporain d'Isaïe (7 40 av. terminé sur la promesse messianique du
pasteur idéal. On peut distinguer différentes
J.-C.), qui va reprendre le thème du berger,
phases :
mais dans une nouvelle perspective. Il s'agît
- Critique et jugement des pasteurs. Ce
d'un oracle messianique qui annonce la
venue d'un personnage qui assumera la sont des pasteurs « qui se paissent eux-
fonction de berger. Ce ptince, d'origine mêmes ». Ils négligent la nourriture des
brebis, ne soignent pas celles qui sont fai-
immémoriale, sera comme Wl nouveau Da-
vid. TI naît de « celle qui doit enfanter», il bles, malades ou blessées. Traitées avec
violence, ces bêtes ne sont pas surveillées et
incarnera la paix et, dans cet ordre nouveau,
il réconciliera tout ce qui semble de nature se dispersent. On ne recherche pas l'animal
perdu. Les pasteurs vont être sanctionnés :
antagoniste : Israël avec le reste des peuples.
le troupeau va leur être retiré, les brebis
Et toi, Bethléem, Éphrata, échapperont à des bergers qui sont devenus
trop petite pour compter parmi les clans· de Juda, des prédateurs (Ez 34, 2-10).
de toi sortira pour moi - Intervention du Seigneur. Dieu décide
celui qui doit gouverner Israël. de prendre lui-même la tête du troupeau. TI
Ses origines remontent à l' àntiq_uité, assumera toude travail de la bergerie (Ez 34,
aux jours d'autrefois. 11-16). Jésus se réfère à ce texte pour
C'est pourquoi Dieu les abandonnera déclafer qu'il est le bon Pasteu_r.
jusqu'au temps où enfantera celle qui doit enfan- - Jugement du troupeau. Dieu juge en-
ter. tre brebis et brebis, béliers et boucs. Le
Alors ce qui subsistera de ses frères rejoindra les Seigneur fait ici apparaître l'égoïsme des
fils d'Israël.
forts. Les puissants, les riches méprisent et
D [le Messie] se tiendra debout et fera paître son
troupeau piétinent les faibles. Par delà l'image pasto-
par la puissance du SEIGNEUR, rale, le prophète fait porter sa critique sur,
par la majesté du Nom du SEIGNEUR son Dieu. une société d'une injustice criante. Le Sei~-~
Ils s'installeront, car-il- sera grand, gneur prend le parti des opprimés (Ez 34;,
jusqu'aux extrémités de la terre. 17-22). .
Lui-même, il sera la paix. [Mi 5, 1-4.] - La perspective messianique :

226
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

Je Susciterai, pour le mettre à leur tête, un acheteurs abattent impunément; elles que l'on
pasteur qui les fera paître, mon serviteur David : vend en disant : "Béni soit le SEIGNEUR, me voilà
c'est lui qui les fera paître et sera pour eux un riche!" tandis que leurs bergers n'éprouvent
pasteur. Moi, le SEIGNEUR, je serai pour eux un pour elles aucune pitié. Non, je n'aurai plus pitié
Dieu et mon serviteur David sera prince au des habitants de le terre, oracle du SEIGNEUR. En
milieu d'eux. [Ez 34, 23-24.] effet, je vais livrer les hommes, chacun aux mains
de son voisin et de son roi. Les rois saccageront
Le reste du chapitre est consacré à la la terre, mais je ne délivrerai pas les gens de leurs
description des temps eschatologiques. Ici mains.» Je fis donc paître le troupeau que les
aussi, l'ordre nouveau exclut la violence, trafiquants vouaient à l'abattoir. [Za 11, 4-7.]
assure la sécurité, la fécondité. La famine,
l'insulte disparaîtront. L'allégorie se précise. Le Maître berger se
sépare de trois assistants (qui représentent
Et vous, mes brebis; vous êtes le troupeau peut-être trois grands prêtres), mais le mal
humain que je fais paître, et moi, je suis votre est partout, du côté des gardiens comme du
Dieu, oracle du SEIGNEUR [Ez 34, 31]. côté des bêtes.
Dans la deuxième partie du livre de Je pris deux houlettes. J'appelai la première
Zacharie, l'image du berger subit un traite- «Faveur» et la seconde «Entente», et je me
ment particulier. Le symbole se détermine mis à paître le troupeau. Puis je supprimai.les
comme une allégorie mimée, un geste pro- trois bergers en un seul mois. Je perdis patience
phétique qui appuie la parole. avec elles et elles, de leur côté, se lassèrent de
moi. Alors je déclarai: «Je ne vous mènerai plus
Ce texte met en relief l'ambiguïté du
paître! Celle qui doit mourir, qu'elle meure!
thème du berger. Il est vrai que le berger Celle qui doit disparaître, qu'elle disparaisse!
aime ses brebis, les soigne et les protège, Celles qui survivront, qu'elles se dévorènt entre
parfois en exposant sa vie. Mais il n'est pas elles 1 » [Za 11, 7-9.]
moins vrai que le même berger peut abattre
une tête de bétail pour son propre compte La première houlette brisée signifie
ou travailler pour la boucherie. l'échec de la concorde entre les peuples. Les
L'importance des sacrifices sanglants dans trafiquants semblent ricaner devant ce
l'Ancien Testament, l'agneau devenul' arché- constat de la triste réalité.
type de la victime sacrificielle, le rite de Je saisis ma houlette« Faveur» et la brisai pour
l'abattage étaient bien faits pour introduire rompre l'accord auquel j'avais soumis tous les
le premier thème de Zacharie : l'abattoir. peuples. Il fut donc dénoncé, en ce jour-là, et les
Ce thème est d'une violence extrême. Le trafiquants du troupeau qui m'observaient re-
pasteur berger est mis en demeure d'élever connurent que c'était là une parole du SEIGNEUR.
un troupeau de brebis vouées au massacre. [Za 11, 10-11.]
Ces victimes de la sauvagerie vont devenir
l'image d'un monde qui se laisse glisser sur Le bris de la seconde houlette consacre la
la pente de sa propre violence. fin de l'entente entre Israël et Juda. Le
prophète démissionne et les chefs, en lui
Ainsi parle le SEIGNEUR, mon Dieu: « Fais paître réglant un salaire dérisoire, se moquent de la
ces brebis vouées à l'abattoir, elles que leurs parole de Dieu.

227
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Alors je leur déclarai : « Si bon vous semble, je l'épurerai comme on épure l'argent,
payez-moi mon salaire, sinon, laissez-le.» De je l'éprouverai comme on éprouve l'or.
fait, ils payèrent mon salaire: trente sicles d'ar- Lui, il invoquera mon nom
gent. Le SEIGNEUR me dit: «Jette-le au fondeur, et moi, je l'exaucerai.
ce joli prix auquel je fus estimé par eux.» Je pris Je dirai : « C'est mon peuple»,
les trente sicles d'argent et les jetai au fondeur, et lui dira : « Mon Dieu c'est le SEIGNEUR. »
dans la Maison du SEIGNEUR. Puis je brisai ma [Za 13, 7-9.J
seconde houlette «Entente» pour rompre la
fraternité entre Juda et Israël. [Za 11, 12-14.] Les chapitres de Zacharie ont, par ailleurs,
fourni des points d'appui bibliques à la
Mais le Seigneur tient toujours son pro- méditation des premiers chrétiens, à com-
phète qui doit s'habiller en berger fou pour mencer par les évangélistes.
évoquer le pasteur tortionnaire qui va main-
L'estimation du prophète à trente sicles
tenant prendre le pouvoir. d'argent, le prix de rachat d'un esclave
Le SEIGNEUR me dit:« Procure-toi maintenant un (Za 11, 12) se trouve aussi en Matthieu
équipement de berger qui sera un insensé. En (Mt 26, 15). « Frappe le berger et les brebis
effet, voici que je vais susciter un berger dans ce seront dispersées » (Za 13, 7) est cité par le
pays : la brebis perdue, il ne s'en souciera pas; même évangéliste (Mt 26, 31).
celle quis' est égarée, il ne la recherchera pas ; celle
Par ailleurs, le «transpercé» (Za 12, 10)
qui est blessée, il ne la soignera pas ; celle qui est
bien portante, il ne l'améliorera pas. Il mangera désigne un mystérieux personnage dont" la
les bêtes grasses et leur fendra le sabot. » mort est salutaire. Jean voit en lui un pres-
Malheur au berger vaurien sentiment du Christ crucifié (Jn 19, 37). Ce
qui délaisse le troupeau ! même apôtre vient de_parler del' eau qui sort
Que l'épée lui déchire le bras du côté du Christ et cet épisode peut être
et lui crève l' œil droit ! mis en liaison avec le début du chapitre 13
Que son bras se dessèche, oui qu'il se dessèche ! de Zacharie :
Que son œil droit s'éteigne, oui qu'il s'éteigne!
[Za 11, 15-17.J Ce jour-là, une soùrce jaillira pour la maison de
David et les habitants de Jérusalem, en remède
La conclusion de cette démonstration au péché et à la souillure [Za 13, l].
prophétique se trouve au chapitre 13. L'épée
du jugement frappe ce monde en folie, non La convergence symbolique entre le ber-
pour le détruire mais pour l'épurer par le feu ger et l'agneau se trouve en Isaïe :
et le reconstruire sur cette base renouvelée. Tous comme des brebis nous étions errants,
Épée, réveille-toi contre mon berger, chacun suivant son propre chemin.
contre mon corn pagnon valeureux, Le SEIGNEUR a fait retomber sur lui
- oracle du SEIGNEUR, le Tout-Puissant. les crimes de nous tous. [... ]
Frappe le berger, les brebis seront dispersées Comme un agneau conduit à la boucherie, [. ..]
et ma main reviendra frapper même les petits. il n'ouvrait pas la bouche. [... ]
Alors, dans tout le pays - oracle du SEIGNEUR - Après les épreuves de son âme
les deux tiers périront, retranchés, il verra la lumière. [. ..]
mais un tiers y survivra. C'est pourquoi je lui attribuerai des foulès.
Je ferai passer ce tiers par le feu, [1s 53, 6-7 et 11-12.]

228
L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

Cette convergence identifie le pasteur qui « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui
souffre pour son troupeau à l'agneau du n'entre pas par la porte dans l'enclos des brebis
sicrifice. mais qui escalade par un autre côté, celui-là est
Et l'épître aux Hébreux conclut : un voleur et un brigand. Mais celui qui entre par
la porte est le berger des brebis. Celui qui garde
Le Christ entra une fois pour toutes dans le la porte lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix•;
sanctuaire, non pas avec le sang de boucs et de les brebis qui lui appartiennent, il les appelle,
jeunes taureaux, mais avec son propre sang, nous chacune par son nom, et il les emmène dehors.
ayant acquis une rédemption éternelle. Lorsqu'il les a toutes fait sortir, il marche à leur
[He 9, 12.] tête et elles le suivent parce qu'elles connaissent
sa voix. Jamais elles ne suivront un étranger;
bien plus, elles le fuiront parce qu'elles ne connais-
Le bon Pasteur, sent pas la voix des étrangers. » Jésus leur dit
cette parabole, mais ils ne comprirent pas la
Le Nouveau Testament voit -en Jésus le portée- de ce qu'il disait. Jésus reprit : « En
pasteur par excellence. vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des
Une des caractéristiques essentielles du brebis. Tous ceux qui sont venus avant moi sont
des voleurs et des brigands, mais les brebis ne les
bon Pasteur, c'est le soin des petits.
ont pas écoutés. Je suis la porte; si quelqu'un
Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits car, entre par moi, il sera sauvé, il ira et viendra et
je vous le dis, aux cieux leurs anges se tiennent trouvera de quoi se nourrir. Le voleur ne se
sans cesse en présence de mon Père qui est aux présente que pour voler, pour tuer et pour
cieux. Quel est votre avis ? Si un homme a cent perdre ; moi je suis venu pour que les hommes
brebis et que l'une d'entre elles vienne à s'égarer, aient la vie et qu'ils l'aient en abondance.»
ne va-t-il pas laisser les quatre-vingt-dix-neuf Un 10, 1-10.J
autres dans la montagne pour aller à la recherche
de celle qui s'est égarée? Et s'il parvient à la Dans la deuxième partie, Jésus affirme
retrouver, en vérité je vous le déclare, il en a plus qu'il est le bon berger : il donne sa vie pour
de joie que des quatre-vingt-dix-neuf qui ne se ses brebis. Mais le thème, ici, se développe
sont pas égarées. Ainsi votre Père qui est aux en deux variations totalement nouvelles. Le
deux veut qu'aucun de ces petits ne se perde. lien qui unit le troupeau des fidèles à Jésus
[Mt 18, 10-14.l est de même nature que celui qui unit Jésus
Le long texte de Jean, qui concerne le bon à son Père. Par ailleurs, en conformité avec
Pasteur, se divise en deux parties. La pre- la prédication des prophètes, qui entre-
mière décrit la sécurité qui doit règner dans voyaient l'extension universelle du salut,
une bonne bergerie_ Jésus est le bon berger, Jésus parle des brebis qui se tiennent en
reconnaissable à sa voix. Cette voix est la dehors de l'enclos d'Israël et qui sont, elles
voix de Dieu capable d'appeler chaque être aussi, appelées à s'intégrer dans le peuple
humain par son nom et de les conduire tous des rachetés.
sur le bon chemîn, Devant l'ahurissement «Je suis le bon berger : le bon berger se dessaisit
des Juifs qui l'écoutent, Jésus reprend son de sa vie pour ses brebis. Le mercenaire qui n)est
enseignement en d'autres termes: Je suis la pas vraiment un berger et à qui les brebis
porte, le passage vers le salut_ n'appartiennent pas, voit-il venir le loup, il

229
LES SYMBOLES BIBLIQUES

abandonne les.brebis et prend la fuite; et le loup moi qui ai part à la gloire qui va être révélée.
s'en empare et les disperse. C'est qu'il est Paissez le troupeau de Dieu qui vous est con#é,
mercenaire et que peu lui importent les brebis. veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon
Je suis le bon berger, je connais mes brebis et gré, selon Dieu; non par cupidité, mais Par
mes brebis me connaissent, comme mon Père dévouement. N'exercez pas un pouVoir sur ceux
me connaît et que je connais mon Père ; _et je me qui vous sont échus en partage, mais devenez
dessaisis de ma vie pour les brebis. J'ai d' aùtres des modèles du troupeau. Et quand paraîtra .le
brebis qui ne sont pas de cet enclos et celles-là souverain berger, vous recevrez la couronne d~
aussi, il faut que je les mène : elles écouteront ma gloire qui ne se flétrit pas. [1 P 5, 1-4.]
voix, et il y aura un seul troupeau et un seul
berger. (Jn 10, 11-16.] L'épître aux Hébreux invoque pour finir :
La première épître de Pierre dédnit de cet
enseignement la conduite que doivent tenir Que le Dieu de la paix qui a ramené de chez les
les chefs de la communauté chrétienne. morts celui qui est devenu par le sang d'uüe
alliance éternelle le grand Pasteur des brebis,
J'exhorte donc les ·anciens, moi quî suis ancien notre Seigneur Jésus, vous rende aptes à accom-
avec eux et témoin des souffrances du Christ, plir sa volonté. [He 13, 20.]
230
LE CŒUR, LE CORPS
Le cœur. LECŒUR
L'intelligence cordiale.
Le cœur des Psaumës.
Le cœur partagé et unifié. Pour l'Occidental, le mot« cœur » évoque
La conversion du cœur. surtout la vie affective. Le cœur peut être
La circoncision du cœur. amoureux, mais il peut être aussi sensible,
L'annonce d'un cœur nouveau. généreux, charitable ou courageux. L'homme
Le cœur du Christ et celui du chrétien. peut avoir un cœur d'or ou de pierre, être sans
cœur ou avoir le cœur sur la main.
Le corps. Le cœur est, pour la Bible, une réalité plus
Le cou et la nuque. vaste qui inclut toutes les formes de la vie
Le dos et la face. intellective, les affects, les émotions et le
Les épaules. domaine inconscient où s'enracinent toutes
Le bras de Dieu. les activités de l'esprit.
La main de Dieu Les Psaumes évoquent bien cette_ dimen-
et la main des hommes. sion profonde :
Les reins, la ceinture
Cet oracle sur l'impiété de l'infidèle
et le sac de pénitence.
me vient du fond du cœur. [Ps 36, 2.]
Le vêtement sur les reins.
Les reins mis à nu. Mon cœur au fond de moi s'épouvante.
Les reins, foyer de la vie émotionnelle. [Ps 143,4.]
Les os et la moëlle.
Les ossements reprendront vie Dieu descend dans les profondeurs du
cœur humain : « Tu aimes la vérité au fond
Le corps du Chtist
de l'être» (Ps 51, 8).
et celui de l'Église.
Les pécheurs pensent pouvoir dissimuler
leurs fautes.
Ils disent : Qui les verra et scrutera nos secrets ?
Il les scrute celui qui scrute le fond de l'homme
et le cœur profond. [Ps 64, 6-7.]

233
LES SYMBOLES BIBLIQUES

L'intelligence cordiale. C'est une eau profonde que le conseil au cœur


de l'homme.
Job, au plus profond de sa détresse, L'homme intelligent n'a qu'à puiser. [Pr 20, 5.]
évoque ses persécuteurs qui ne cessent de le L'intelligence qui règne dans l'être tout
maltraiter et s'écrie : «Tuas fermé leur cœur entier reçoit la lumière de Dieu et la grâce de
à la raison» (Jb 17, 4). demeurer conforme à sa volonté exprimée
Cette raison n'est pas la simple intelli- par ses commandements :
gence rationnelle ; le mot hébreu sékel, ainsi
traduit, se retrouve dans un autre contexte. Quittez cette niaiserie et vous vivrez,
Il s'agit cette fois du souhait de David marchez droit dans la voie de l'intelligence. [. . .]
vieillissant pour son fils Salomon ; le futur La science des saints, voilà l'intelligence.
roi devra mener à bien la construction du [Pr 9, 6 et 10.]
Temple: Finalement, Paul dira aux Philippiens que
Qu'il [Dieu] te donne la perspicacité et le discer- cette intelligence se dépasse elle-même pour
nement [séke!J, qu'il te donne ses ordres sur conduire à la paix : « Alors la paix de Dieu,
Israël pour que tu observes la loi du SEIGNEUR qui surpasse toute intelligence, prendra vos
ton Dieu [l Ch 22, 12]. cœurs sous sa garde» (Ph 4, 7).
Dans une lettre réponse à celle de Salo- Il y a, dans le cœur de l'homme, des
mon qui demandait au roi de Tyr son aide racines de bêtise et de folie.
pour construire le Temple, ce souverain
déclare : Le cœur des sots est comme un vase brisé
qui ne retient aucune connaissance. [. .. ]
Béni soit le SEIGNEUR le Dieu d'Israël ! Il a fait Une maison en ruines, telle est la sagesse du sot
les cieux et la terre, il a donné au roi David un et la science de l'insensé, ce sont des discours
fils sage et intelligent [doté de séke{J, qui va bâtir incohérents. [... ]
une maison pour le SEIGNEUR et une autre pour
Le cœur des sots est dans leur bouche,
y régner lui-même. [2 Ch 2, 11.]
mais la bouche des sages est dans leur cœur.
L'être intelligent est un cœur doté de cette [Si 21, 14, 18 et 26.J
qualité. Intelligent traduit ici nabôn, adjectif L'insensé, pour la Bible, n'est pas qu'un
qui procède d'un verbe signifiant discerner. imbécile, c'est un cœur déviant face à la
En un cœur intelligent demeure la sagesse. vérité de Dieu :
[Pr 14, 33.l L'insensé dit en son cœur :
Un cœur intelligent recherche le savoir. « Non, plus de Dieu ! »
[Pr 15, 14.] Tous ils sont dévoyés, ensemble pervertis.
Le cœur intelligent acquiert la science. [Ps 14, 1 et 3.]
[Pr 18, 15.J
Insensés sur les chemins du péché,
Cette intelligence n'est donc pas pure- misérables à cause de leurs fautes [ .. .],
ment cérébrale, elle plonge dans les profon- ils touchaient aux portes de la mort.
deurs de l'esprit : [Ps 107, 17-18.]

234
LE CŒUR, LE CORPS

L'insensé donne vite dans la folie : sèche (Ps 102, 5). Il est changé en chaume
au plus fort de l'été (Ps 32, 4).
La folie fait la joie de l'homme privé de sens.
Quant aux préceptes divins, ils préservent
L'homme intelligent va droit son chemin.
[Pr 15, 21.] · l'homme de l'épaississement de son cœur :

Le méchant est pris à ses propres méfaits, Les superbes m'engluent de mensonge,
dans les liens de son péché il est capturé. moi, de tout cœur, je gai-de les p~écepl:es.
Il mourra faute de discipline, Leur cœur est épais comme la graisse,
par l'excès de sa folie il s'égarera. [Pr 5, 22-23.] moi, ta loi fait mès délices. [Ps 119, 69-70.]

La sagesse de Ben Sirach est capable, en Le désordre du cœur peut alors devenir
un seul proverbe, de décrire le danger de aigreur au point d'obscurcir l'intelligence:
folie que présente l'orgueil. La folie des
Alors que s'aigrissait mon cœur
grandeurs, l'exacerbation du moi peuvent se
et que j'avais les reins percés,
solder par une claustration morbide : moi, stupide, je ne comprenais pas,
Une perdrix captive dans sa cage, j'étais une brute auprès de toi. [Ps 73, 21-22.]
tel est le cœur de l'orgueilleux. [Si 11, 30.]
Le cœur peut être blessé et brisé (Ps 109,
Au cours de son enseignement sur le pur 22 et 16).
et l'impur, Jésus dit : Dieu peut guérir les cœurs brisés
Rien d'extérieur à l'homme, pénétrant en· lui; ne (Ps 147, 3). Mais l'offrande d'un cœur brisé
peut le souiller, mais ce qui sort de l'homme, par la peine ou le péché devient pour Dieu
voilà ce qui souille l'homme; [ ... ] ces choses en l'occasion de recréer cè cœur en sa miséri-
effet pénètrent non dans le cœur mais dans le corde:
1;
ventre [Mc 15 et 19].
Le sacrifice à Dieu, c'est un cœur brisé;
Jésus dit encore : d'un cœur brisé et broyé, Dieu tu n'as -pas de
mépris. [.. .]
C'est du dedans du cœur des hommes que Dieu, crée en moi un cœur pur,
sortent les desseins pervers : débauches, meur- restaure en ma poitrine un esprit fenne. [Ps 51,
tres, adultères, cupidité, méchancetés, ruse, im-
19 et 12.]
pudicité, envie, diffamation,- orgueil, folie [Mc 7,
21-231. Le cœur blessé est un cœur traqué. Dieu
le délivrera :

Le cœur des Psaumes. L'ennemi pourchasse mon âme,


contre terre, il écrase ma vie; [ ... ]
Dans l'Ancien Testament, le cœur peut le souffle en moi s'éteint,
mon cœur au fond de moi s'épouvante. [. .. ]
être tortueux (Ps 101, 4), errant (Ps 95, 10),
Délivre-moi de mes ennemis, SEIGNEUR,
enflé (Ps 101, 5), double (Ps 12, 3 ).
près de toi je suis à couvert. [Ps 143, 3-4 et 9.]
Pareil à la cire, il fond au milieu des
viscères (Ps 22, 15). Mon cœur se tord en Tant -ils m'ont traqué depuis ma jeunesse,
moi (Ps 55, 5). Battu comme l'herbe, le cœur ils n'ont pas eu le dessus. [Ps 129, 2.]

235
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Notre âme comme un oiseau s'est échappée Même la nuit, mon cœur m'instruit. [ ... ]
du filet de l'oiseleur. Mon cœur exulte, mes entrailles jubilent.
Le filet s'est rompu et nous avons échappé. [Ps 16, 7 et 9.]
[Ps 124, 7.]
Je me souviens des années de jadis
Le cœur brisé est aussi lll1 cœur investi Je murmure dans la nuit en mon cœur,
par l'angoisse. La Conscience de ses Propres je médite et mon esprit interroge. [Ps 77, 6-7.J
fautes étreint le cœur du psalmiste mais, tout
aurant, la pression du péché des autres. Le Et Ce murmure retourne à Dieu comme
bonheur tranquille du méchant est un scan- une prière:
dale, une question brûlante : Agrée les paroles de ma bouche
À voir sa chance, mon tourment s'exaspéra. et le murmure de mon cœur,
Mon cœur flambait en moi, sans trêve devant toi, SEIGNEUR. [Ps 19, 15.]
à force d'y songer, le feu flamba. [Ps 39, 3-4.] Cette Parole divine, presque impercep-
Mais ici, c'est tout le psaume qu'il fau- tible, peut faire taire la voix du péché car :
drait citer. La constatation du néant de C'est un oracle pour l'impie que le péché au
l'homme devant Dieu pourrait, si facilement fond de son cœur [Ps 36, 2].
pousser cette créature au découragement.
Conscient de ce danger, Dieu va élargir ce C'est cette voix qui souffle aux pécheurs :
cœur prisonnier. Pour cela, le Seigneur va Nous avons bien combiné notre affaire,
éclairer les yeux de son fidèle et l'empêcher au fond de l'homme le cœur est impénétrable.
de surévaluer ses ennemis : [Ps 64, 7.]
De mon angoisse, j'ai crié vers le SEIGNEUR, Le cœur purifié par la Parole radicale du
il m'exauça, me mit au large. Seigneurs' élève vers Dieu cÜmme le pèlerin
Le SEIGNEUR est pour moi, plus de crainte,
monte vers Jérusalem :
j'ai toisé mes ennemis. [... ]
Ils m'ont entouré comme des guêpes, Mon âme soupire et languit
ils ont flambé comme un feu de ronces, après les parvis du SEIGNEUR.
au nom du SEIGNEUR, je· les sabre. Mon cœur et ma chair crient de joie
[Ps 118, 5-7 et 12; et aussi Ps 4, 2; Ps 18, 20.] vers le Dieu vivant. [Ps 84, .3.J
Le psaume de l'amoureux de la Loi va C'est tremblant de joie qu'il entonne la
conclure : louange:
Tu as mis mon cœur au large. [... ] Mon cœur a frémi de paroles belles.
Je serai au large dans ma démarche. Je dis mon œuvre pour le roi. [Ps 45, 2.]
[Ps 119, 32 et 45.l
Cette libération du cœur est l' œuvre de la
Parole divine. Cette Parole toutefois ne Le cœur partagé et unifié.
s'impose pas de l'extérieur, elle resurgit
dans le secret du cœur comme une source, Pour le psaume, la loi divine est le prin-
elle émerge de l'inconscient. cipe de l'unité intérieure :

236
LE CŒUR, LE CORPS

Je hais les cœurs partagés Celui qui hésite ressemble au flot de la mer que
et j'aime ta loi. [Ps 119, 113.] le vent soulève et agite. Qu'il ne s'imagine pas,
cet homme-là, recevoir quoi que ce soit du
La volonté de l'homme divise son cœur en Seigneur : homme à râme partagée, inconstant
mille projets. Que vienne le malheur, que se dans toutes ses voies ! CT c 1, 6-8.J
brise l'élan, et ce cœur tombe en morceaux:
Sanctifiez vos cœurs, gens à l'âme partagée
Mes forc_es ont fui avec mes projets, voyez votre misère, prenez le deuil, pleurez.
et les fibres de mon cœur sont rompues. Oc 4, s-9.J
lJb 17, 11.] Pour l'apôtre, les cœurs partagés sont, par
La folie du péché émiette le cœur. exemple, les hommes qui s'érigent en juges
L'insanité du fabricant d'idoles effrite la de leurs frères, ou les riches, inconscients· de
conscience de ce faussaire spirituel : la misère, qui se laissent aller à de grandes
injustices.
Il rivalise avec les orfèvres et les fondeurs d'ar-
gent, Ayant constaté la division de son cœur,
il imite ceux qui coulent le bronze,
l'homme se demande d'où peut venir son
il met sa gloire à modeler le faux.
unité. Une réponse à cette interrogation se
Cendres que son cœur ! [Sg 15, 9-10.]
trouve dans les Psaum~s :
Le cœur de l'homme est ambigu :
Des cieux le SEIGNEUR regarde
La racine des pensées, c'est le cœur, et voit tous les hommes.
il donne naissance à quatre rameaux : Du lieu où il siège, il observe
le bien etle mal, la vie etla mort. [Si 37, 17-18.] tous les habitants de la terre,
lui qui modèle l'unité de leur cœur
L'attitude juste devant Dieu exclut la lui qui est attentif à toutes leurs œuvres.
duplicité : [Ps 33, 13-15.J
Ne sois pas indocile à la crainte du Seigneur, La traduction grecque propose : « lui qui
et ne la pratique pas avec un cœur double. modèle un à un leur cœur » et met ainsi
[Si 1, 28.] l'accent sur le caractère personnel de chaque
Le livre des Chroniques met dans la être humain. On peut aussi penser que des
bouche de David cet avertissement destiné cœurs non unifiés, partagés sont les racines
à son fils : « Toi, Salomon mon fils, connais de la discorde. La concorde peut n'être
le Dieu de ton père, sers-le d'un cœur sans qu'une convention, la paix véritable suppose
partage» (1 Ch 28, 9). l'unité des cœurs donnée, assurée et restau-
Pour Pauli ceux qui désirent se consacrer rée par l'action divine_.
totalement au Seigneur doivent éviter de se L'expression« de tout mon cœur [de tout
marier, car le cœur de l'homme est divisé cœur] » se retrouve dans des formules
entre le service de Dieu et l'amour accordé comme:
à la femme (1 Co 7, 32-36). De tout mon cœur je t'ai cherché. [ ... ]
Tout autre est, pour Jacques, l'homme à De tout cœur je veux attendrir ta face.
l'âme partagée : [Ps 119, 10 et 58.]

237
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le plus grand des commandements de- par ses prophètes une transformation du
meure: cœur de son peuple, comparé à une épouse
infidèle :
Écoute Israël, le SEIGNEUR notre Dieu est le seul
SEIGNEUR. Tu aimeras le SEIGNEUR ton Dieu de Je vais la séduire, je la conduirai dans le désert
tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton et là je parlerai à son cœur. [Os 2, 16.]
pouvoir [Dt 6, 4-5].
Isaïe déclare que le point de départ de
L'Évangile rattachera explicitement à ce toute conversion est une constatation : le
précepte celui de l'amour du prochain. La cœur est encrassé par l'infidélité qui culmine
communion chrétienne deviendra celle des dans le culte des idoles. On va même jusqu'à
cœurs qui se retrouvent en Dieu et entre demander la délivrance à ces morceaux de
eux : « La multitude des croyants n'avait bois sculptés !
qu'un set.Ù cœur et qu'une seule âme>>
Leurs yeux sont encrassés au point de ne plus
(Ac 4, 32).
voir,
Pour retrouver l'unité du cœur, la prière
leurs cœurs le sont aussi au point de ne plus
des Psaumes se fait instante : saisir !
Enseigne-moi, Seigneur, tes voies, Nul en son cœur ne fait retour
afin que je marche dans ta vérité, à la compréhension et au discernement. On
unifie mon cœur pour craindre ton nom. entend dire :
[Ps 86, 11.J « De la moitié de ce bois, je ferai une flambée
pour cuire mon pain [...]
Le cœur unifié est un cœur rectifié et les et de l'autre une abjection [une idole]
Psaumes ne cessent de chanter la louange et je m'inclinerai devant ce bout de bois.»
des hommes au cœur droit : ils contemplent Il s'attache ainsi à la cendre
la face de Dieu (Ps 11, 7). Les préceptes de son cœur abusé l'égare. [Is 44, 18-20.]
Dieu font la joie des cœurs droits (Ps 19, 9).
Ils exultent et jubilent (Ps 32, 11). Ils en- Le prophète lance à Babylone un ultime
trent dans le cortège de Dieu (Ps 94, 15). La avertissement :
lumière se lève pour les cœurs droits Tu disais : «Je serai pour toujours
(Ps 112, 4). perpétuellement dominatrice. »
Tu n'as pas réfléchi dans ton cœur
au sens des événements, ni songé à leur suite:
La conversion du cœut. [Is 47, 7.J

L'Alliance entre le Créateur et sa créature est Le cœur apparaît aussi comme la faculté
de discernement. Cet éclaircissement ouvre
un acte d'amour. Les hommes doivent cher-
cher le Seigneur de toutleur cœur (Dt 4, 29), le chemin du salut :
fixer leur cœur en lui (1 S 7, 3), l'aimer de Les oreilles de ceux qui attendent seront atten-
tout cœur (Dt 6, 5). tives.
Mais le peuple d'Israël a du mal à demeu- Le cœur des instables se concentrera pour com-
rer fidèle à cette alliance. Dieu annonce alors prendre. [Is 32, 3-4.]

238
LE CŒUR, LE CORPS

Mais le cœur de l'homme libéré ne doit Le SEIGNEUR ne s'est attaché à tes pères que par
pas cesser de méditer sur les frayeurs envo- amour pour eux. [. ..]
lées : « Ton cœur méditera ses frayeurs » Circoncisez vos cœurs et ne raidissez pas vos
(Is 33, 18). nuques [Dt 10, 15-16].
Il doit aussi contempler et scruter le Finalement, cette opération est une grâce
mystère de la fécondité du nouvel Israël divine :
restauré :
Le SEIGNEUR ton Dieu circoncira ton cœur et le
Tu diras alors dans ton cœur : cœur de ta postérité pour que tu aimes le SEI-
Ceux-ci qui me les a enfantés ? GNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton
Et moi j'étais privée d'enfants et stérile. âme, afin que tu vives. [Dt 30, 6.]
[Is 49, 21.] Soyez circoncis pour le SEIGNEUR,
ôtez le prépuce de votre cœur,
hommes de Juda et de Jérusalem!
La circoncision du cœur. Sinon ma fureur jaillira comme un feu. Ur 4, 4.]
L'oreille peut être« incirconcise », elle ne
La circoncision était, à date ancienne, une perçoit plus alors la voix de Dieu :
opération initiatique qui rendait le garçon
apte à une vie sexuelle normale. À ce titre, Hélas ! leur oreille est incirconcise,
elle était un acte préalable au mariage. ils ne peuvent plus être réceptifs,
Cette pratique rituelle prend dans la Bible ils considèrent la parole du SEIGNEUR comme une
une signification métaphorique importante insulte. Ur 6, 10.]
qui reporte sur le cœur, les organes des sens Les lèvres aussi peuvent être bridées.
et les facultés spirituelles, ce qui jadis ne Moïse exprime ainsi sa difficulté de parole :
concernait que le sexe. « CommentPharaonm' écouterait-il, moi qui
Le prophète Jérémie assure que le salut suis incirconcis des lèvres ? » (Ex 6, 12 et
est dans la connaissance de Dieu (Jr 9, 23). 30).
Connaître Dieu, c'est aussi être capable L'incirconcision du cœur est l'orgueil. Un
d'aimer : il existe donc une circoncision acte d'humilité peut éviter l'humiliation du
spirituelle qui permet d'aimer Dieu. La châtiment. Ainsi Dieu annonce :
pratique de la circoncision était, sans doute
originellement, un rituel de puberté qui a Ils confesseront leur faute et celle de leurs pères,
pris, en Israël, la valeur d'appartenance au en disant qu'ils ont commis un sacrilège envers
peuple de Dieu. Israël endurci dans son moi, qu'ils se sont opposés à moi, que je me suis
opposé à eux et les ai amenés dans le pays de
infidélité devient alors un « incirconcis du
leurs ennemis ; ou bien) un jour leur cœur incir-
cœur » : « Car toutes les nations sont incir-
concis s'humiliera et leur châtiment qui les
concises et les gens d'Israël eux-mêmes sont purifiera s'accomplira. [Lv 26, 40-41.]
incirconcis de cœur » (Jr 9, 25).
LeDeutéronomerappelletoujoursl'-amour Plus tard, pour Ézéchiel, la formule « in-
de Dieu pour son peuple et l'amour qu'il circoncis de cœur, incirconcis de chair »
attend en retour : désignera l'étranger, celui qui ne connaît pas

239
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Dieu et quel' on ne devrait pas laisser entrer chair fait des préceptes de la Loi une réalité
dans le sanctuaire (Ez 44, 7). On comprend cordiale, vivante. Renouvelé, le cœur de
alors la rage des auditeurs d'Étienne lors- l'homme bat au rythme de celui de Dieu et
qu'ils s'entendent dire : le cœur de Dieu entre en résonance avec
Hommes au cou raidè, incirconcis de cœur et celui des hommes.
d'oreilles, toujours vous résistez à l'Esprit Saint Dieu donne à sa créature un cœur pour le
[Ac 7, 51]. connaître :

Je leur donnerai un cœur pour connaître que je


suis le SEIGNEUR. Ils seront mon peuple et moi
L'annonce d'un cœur nouveau.
je serai leur Dieu, car ils reviendront vers moi de
tout leur cœur ijr 24, 7].
La métaphore du cœur circoncis par
Dieu est doublée d'une autre : celle du cœur Quant à Ézéchiel, après avoir enJomt
devenu une tablette où le Seigneur inscrit sa « faites-vous un cœur nouveau et un esprit
Loi. nouveau» (Ez 18, 31), il révèle que Dieu
Le cœur est, tout d'abord, marqué par la lui-même sera l'auteur de cette transforma-
faute : tion radicale :
La faute de Juda est écrite avec un burin de fer,
à la pointe de diamant; Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en
elle est gravée sur la tablette de leur cœur. vous un esprit nouveau, j'ôterai de votre chair le
Ur 17, 1.1 cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de
chair [Ez 36, 26].
Mais au jour de la nouvelle Alliance, le
Seigneur dit :
Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je Le cœur du Christ et celui du chrétien.
l'écrirai dans leur cœur [Jr 31, 33].
Alors chaque membre de la communauté La religion du Christ s'annonce comme
d'Israël n'aura plus besoin de rappeler son cordiale. Les préceptes de la loi ancienne ne
frère à l'ordre divin, qui est de connaître sont pas abolis, ils retrouvent leur véritable
Dieu. souplesse, leur légèreté sans rien perdre de
leur exigence. La volonté divine prend corps,
Le livre des Proverbes, pourtant, rafraî-
prend cœur dans l'âme humaine du Verbe
chira sur ce point la mémoire d'Israël :
incarné, venu pour sauver et non pour juger.
Que piété et fidélité ne te quittent ! .
Fixe-les à ton cou, Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids
inscris-les sur la tablette de ton cœur. du fardeau, et moi, je vous donnerai le repos.
[Pr 3, 3 et 7, 3.] Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon
école, car je suis doux et humble de cœur, et
Tout dépend, finalement, de la nature du vous trouverez le repos de vos funes. Oui, mon
cœur. Un cœur de pierre ne peut inscrire joug est facile à porter et mon fardeau léger.
que des commandements figés, un cœur de [Mt 11, 28-30.l

240
LE CŒUR, LE CORPS

L'annonce du repos dans le cœur du cœurs purs sont aussi les cœurs .droits qui
Christ rappelle le texte de Jérémie : « Arrê- ignorent les déviations et les torsions du
tez-vous sur les routes pour faire le point, mensonge.
renseignez-vous sur les sentiers de la Tradi- Les Béatitudes décrivent donc ces êtres
tion. Où est la route du bonheur? Alors dont la simplicité rejoint une parfaite au-
suivez-là et vous trouverez à vous refaire » thenticité. Cet état du cœur est l' œuvre du
(Jr 6, 16). Dieu loué par le psaume :
Cette réfection du cœur apparaît bien
Tu aimes la vérité au fond de l'être. [. .. ]
dans l'épisode des pèlerins d'Emmaüs qui,
Crée pour moi un cœur pur, Dieu.
partis le cœur brisé de tristesse, se retrou- [Ps 51, 8 et 12.]
vent le cœur brûlant, sur la route où Jésus les
accompagne. La douceur et l'humilité du Paul fait souvent allusion au cœur. Le
cœur. du Christ ne -sont que la transparence cœur doit croire que Jésus est ressuscité des
qui facilite l'apparition du feu de la Parole : morts pour obtenir le salut; la foi du cœur
obtient la justice (Rrn 10, 9-10). Par la foi,
Notre cœur n'était-il pas brûlant en nous, tandis
qu'il parlait en chemin, tandis qu'il nous décou-
les yeux du cœur sont illuminés (Ep 1, 18).
vrait les Écritures? [Le 24, 32]. Dans le cœur des croyants se répand un
esprit nouveau, l'esprit du Fils qui crie
Jésus, doux et humble de cœur, prononce « Abba, Père» (Ga 4, 6). La paix de Dieu
pour inaugurer son ministère un discours qui prend le cœur des fidèles sous sa garde
commence par la proclamation des Béatitu- (Ph 4, 7).
des. Trois de ces exclamations peuvent être Pour Pierre, la véritable parure de la
id retenues pour entrer dans le mystère du femme n'est pas sa toilette, mais la disposi-
cœur (Mt 5, 3-11). tion de son cœur :
« Heureux les pauvres de cœur. » Le
cœur est ici le centre de la personne (le mot Que votre parure ne soit pas extérieure : cheveux
tressés, bijOux d'or, toilettes élégantes; mais
grec parle d'esprit). Le pauvre de cœur est
qu'elle soit la disposition cachée du cœur, parure
_celui qui, par choix ou par sa condition incorruptible d'un esprit doux et paisible qui est
même, se trouve dépouillé de tous les biens de grand prix devant Dieu. [l P 3, 3-4.]
qui assurent le pouvoir. Les économique-
ment pauvres sont les préférés de Dieu et Jean ne parle pas beaucoup du cœur, et
ceux qui ont opté pour ce dénuement n' of- pourtant on lui doit un rapprochement sym-
frent aucune résistance à la grâce. bolique particulièrement évocateur :
« Heureux les doux. >> Les cœurs non
Au jour de la fête des Tentes ; Jésus dit : « Si
violents renoncent au pouvoir de la force, ils quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il
cassent la chaîne dangereuse de l'agressivité boive celui qui croit en moi, selon le mot de
démesurée : ils rejoignent les artisans de paix !'Écriture : De son sein couleront des sources
également béatifiés dans ce discours. d'eau vive. » Il parlait de !'Esprit que devaient
«-Heureux les cœurs purs. » On retrouve recevoir ceux qui avaient cru en lui; car il n'y
ici les cœurs unifiés et sans partage que avait pas encore d'Esprit parce que Jésus n'avait
chantent les Psaumes et les prophètes. Les pas encore été glorifié. (Jn 7, 37-39.]

241
LES SYMBOLES BIBLIQUES

En fait, la citation n'est pas littérale et et le port-de-tête exprime le cœur humble ou


renvoie à des textes comme celui d'Isaïe altier, soumis ou rebelle.
(Is 55, 1) ainsi qu'à ceux qui annoncent Égorger est un acte sacrificiel : la section
l'effusion de !'Esprit (Za 14, 8; Is 58, 11; des vaisseaux du cou vide le corps de son
JI 3, 1-5). sang. Ce sang est le principe de la vie et
Le cœur de Jésus est évoqué, après sa n'appartient qu'à Dieu: il doit couler à terre
mort, lorsqu'il est percé par la lance d'un comme une libation. Les victimes des sacri-
soldat : « Un des soldats, d'un coup de fices sont égorgées. Il est dit du sacrifiant :
lance, le frappa au côté et aussitôt il en sortit « Il immolera le taureau devant le SEIGNEUR
du sang et de l'eau» (Jn 19, 34). · et les fils d'Aaron, les prêtres, prendront le
Certes le texte parle du côté et non pas du sang et le feront couler tout autour-de l'au-
cœur, mais l'identification symbolique du tel» (Lv 1, 5).
corps de Jésus avec le Temple de Jérusalem Tel est aussi le sort du petit bétail ; quant
(Jn 2, 21) ramène tout naturellement vers le aux oiseaux on leur pince le cou pour arra-
Temple entrevu par Ézéchiel : « Voici que cher leur tête (Lv l, 15).
de l'eau sortait du seuil du Temple, vers Au cours de la guerre sainte contre les
l'orient. [... ] L'eau descendait de dessous le Amalécites, c'est Samuel le prophète qui
côté droit» (Ez 47, 1). égorge leur roi : « Et Samuel égorgea Agag
Et !'Apocalypse met dans la bouche de devant le SEIGNEUR à Guilgal » (1 S 15, 33).
celui qui est l' Alpha et !'Oméga, le Principe Égorger, offrir le sang de victimes à la
et la Fin, les paroles suivantes : « Celui qui divinité est un acte qui fait partie de la
a soif je lui donnerai de la source de vie guerre sainte, telle qu'elle était conçue au
gratuitement » (Ap 21, 6). Moyen-Orient et en Égypte, bien que dans
La soif, la source, le cœur et le temple sont ce dernier cas, le geste de Pharaon massa-
donc des symboles qui s'unissent pour révé- crant les captifs prenne une forme si hiérati-
ler le mystère du cœur du Christ et de que quel' on peut penser qu'il ait une simple
!'Esprit qu'il répand comme un flux de vie valeur symbolique.
nouvelle. C'est au temps de Xerxès (430 av. J.-C.)
qu'eut lieu la grande revanche des Juifs
persécutés :

LE CORPS De leur côté, les Juifs des provinces royales se


réunirent pour mettre leur vie en sûreté. Ils se
débarrassèrent de leurs ennemis_ en égorgeant
soixante-quinze mille de leurs adversaires
Le cou et la nuque. [Est 9, 16].
Le cou est le point le plus fragile du corps Le texte grec, plus modeste parle de
humain : point motte!, point d' enchaine- quinze mille victimes.
ment des captifs, du carcan, point de splen- Rompre la nuque d'un animal impur
deur quand le collier l'entoure, point de comme l'âne est une façon cl' obéir à la légis-
caresse et de tendresse. Le cou porte la tête lation des premiers-nés sans offrir un sacri-

242
LE CŒUR, LE CORPS

fice par substitution : « Tous les premiers- Ses entraves te deviendront une puissante pro-
nés des ânes tu les rachèteras par un mou- tection,
ton. Si tu ne les rachètes pas, tu leur rompras ses colliers une parure précieuse.
la riuque » (Ex 13, 13). Mais la nuque raidie Son joug sera un ornement d'or,
devient le symbole de l'esprit de révolte et et ses liens un ruban de pourpre. [Si 6, 29-30.]
d'inintelligence spirituelle : Mettez votre cou sous le joug,
Reconnais que ce n'est pas parce que tu es juste que vos âmes reçoivent l'instruction. [Si 51, 26.]
que le SEIGNEUR ton Dieu te donne ce bon pays Les prophètes utilisent souvent l'image de
en possession, car tu es un peuple à la nuque la nuque et du joug (Is 9, 3 ; 10, 27; 58, 6). ·
raide. [Dt 9, 6.]
Pour Jérémie toutefois, un joug matériel
Circoncisez vos cœurs et ne raidissez pas votre devient l'accessoire d'un geste prophétique :
nuque. [Dt 10, 16.]
Le SEIGNEUR parla ainsi : Fais-toi des cordes et
Car je connais ton esprit rebelle et la raideur de un joug et mets-les sur ta nuque Ur 27, 2].
ta nuque. [Dt 31, 27.]
Les chapitres 27 et 28 décrivent la gesticu-
L'expression est fréquente et se retrouve lation de Jérémie assisté du prophète Hana-
tout au long de la Bible : nya. Ce long psychodrame spirituel aboutit
Ne raidissez pas vos nuques comme l'ont fait vos
à une conclusion importante. Le Seigneur
pères. [2 Ch 30, 8.] impose un joug de bois sur la nuque raidie
d'Israël. À l'heure de sa conversion, ayant
Car je sais que tu es obstiné ; perçu cette contrainte comme un châtiment
de fer est le muscle de ton cou mérité, le joug sera brisé et la liberté retrou-
et ton front d'airain. [Is 48, 4.] vée. Mais Dieu réserve pour les nations
Ils _ont raidi leur nuque pour ne pas écouter mes obstinées un joug de fer qui ne laisse espérer
paroles. Ur 19, 15.] aucun affranchiSsement.
C'est au cou que l'on passe les fets de
« Présenter une épaule rebelle » peut être
l'esclavage. Tel fut le sort de Joseph vendu
le signe d'un refus des exigences divines :
par ses frères :
Ils ne voulurent pas être attentifs : ils me présen- On affligea ses pieds d'entraves,
tèrent une épaule rebelle ; ils endurcirent leurs
on lui passa des fers au cou, [Ps 105, 18.]
oreilles pour ne pas entendre [Za 7, 11 ; voir
aussi Ne 9, 16-17]. Le châtiment des accapareurs sera comme
Nuques raides, oreilles et cœurs incirconcis ! un carcan, les obligeant à courber leur tête
[Ac 7, 51]. orgueilleuse.
Raidir sa nuque, c'est refuser le joug. Ce Ainsi parle le SEIGNEUR :
joug peut être celui de Dieu, celui qui Void que je projette contre cette engeance un
permet au Seigneur de conduire son peuple malheur
vers le salut. La nuque souple est alors tel que vous n'en pourrez retirer votre cou;
symbole de fidélité et de confiance. Tel est et vous ne pourrez marcher la tête haute,
le joug de la sagesse : car ce sera un temps de malheur. [Mi 2, 3.J

243
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Isaïe, quant à lui, célèbre la libération de Sur son cou est campée la force
Jérusalem en ces termes : et devant lui bondit la violence. IJb 41, 4 et 14.]
Éveille-toi, éveille-toi ! L'homme n'est pas un animal, ni un être
Revêts ta force, Sion ! [ .. .] sauvage ; raidir son cou est dérisoire, sa
Secoue ta poussière ! lève-toi,Jérusalem captive ! gorge et sa nuque sont fragiles.L'oblation de
les chaînes sont tombées de ton cou) fille de Sion
cette faiblesse peut devenir tendresse.
captive. [Is 52, 1-2.]
Pour le Cantique des cantiques, le cou est
Pour Osée, le joug que Dieu pose sur le un objet érotique : le passage suivant révèle
cou d'Israël n'est nullement Wle servitude un symbolisme complexe qui inclut!' attelage
mais bien plutôt le symbole de la coopéra- du cheval du roi et la mise en valeur du cou
tion entre le Seigneur et sa créature. Ainsi par les bijoux :
l'homme peut labourer le champ de la Jus-
tice. Quand l'orgueil le pousse à travailler À ma cavale, attelée à un char digne de Pharaon,
seul, c'est rinjustice qui devient son champ je te compare, ma Bien-aimée.
d'action: Tes joues sont belles entre les torsades
et ton cou dans les colliers. [Ct 1, 9-10.]
Éphraïm est une génisse bien dressée,
aimant à fouler l'aire ; Et, par allusion à un lieu éclatant de
Et moi, je fais passer le joug blancheur : « Ton cou est comme la tour
sur son· cou superbe ! d'ivoire.» (Ct 7, 5.)
J'attellerai Éphraïm, Juda labourera, Le port du cou peut révéler l'orgueil de la
Jacob traînera la herse.
femme riche et, tout aussi bien, un désir
Faites-vous des semailles selon la justice,
hautain de séduction :
moissonnez à proportion de l'amour.
[Os 10, 11-12.J Puisque les filles de Sion sont orgueilleuses
Le livre de Jab contient une profonde et qu'elles ont le cou tendu en lançant des
réflexion sur la force animale. La puissance œillades, [... ] -
d'un bœuf sauvage refuse le licol. Le qua- le Seigneur rendra galeux le crâne des filles de
Sion
drupède, en effet, met sa confiance dans la
et il découvrira leur front. [Is 3, 16-17.]
force de son cou et, quand il est doté de
cornes, c'est le cou qui fait de ces,, excrois- Le rôle du collier est ambigu. Dans de
sances des armes redoutables. « Elever sa nombreux groupes humains, il est une pro-
corne » est pour la Bible une expression qui tection contre le malheur ou les mauvais
sîgnifie montrer sa puissance. sorts. Sa puissance magique peut aussi s'in-
Le bœuf sauvage voudra+il te servir, verser et souligner la fascination de la beauté
passer la nuit chez toi devant ta crèche ? (Tdt 10, 4).
Attacheras-tu une corde à son cou? Il devient alors un maillon de la chaîne
IJb 39, 9-10.] d'amour qui captive :
Que peut-on dire de Léviathan ? Tu me fais perdre le sens
Je parlerai aussi de ses membres par un seul de tes regards
je dirai sa force incomparable. [. .. ] par un anneau de ton collier. [Ct 4, 9.]

244
LE CŒUR, LE CORPS

Le collier peut aussi être un signe de Alors la femme de Samson pleura à son cou :
pouvoir : il remplace la chaîne d'esclavage « Tu n'as pour moi que de la haine, disait-elle,
autour du cou de Jose ph : « Pharaon ôta son tu ne m'aimes pas [. . .] » Elle pleura à son cou
anneau de sa main et le mit à la main de pendant les sept jours que dura le festin. Le
septième jour, il lui donna la solution car elle
Joseph, il le revêtit d'habits de lin fin et lui
l'avait obsédé. CTg 14, 16-17.]
passa au cou un collier d'or» (Gn 41, 42).
Jésus, dans la parabole de l'enfant prodi-
Mais le collier peut devenir une parure
idolâtrique. Par la voix d'Osée, le Seigneur gue, manifeste le mystère du pardon de Dieu
rappelle le temps de l'infidélité d'Israël qu'il en inversant l'ordre habituel des choses :
c'est le Père qui court au-devant de son fils
nomme son épouse.
pour le réintégrer dans son sein, dans l'es-
Je la châtierai pour les jours des Baals pace de l'amour paternel qui ne s'est jamais
auxquels elle brûlait de l'encens, effacé. Ce mouvement spontané du corps et
quand elle se parait de son anneau et de son du cœur humains révèle la transcendance de
collier la miséricorde :
et qu'elle courait après ses amants;
et moi, elle m'oubliait! [Os 2, 15.] Tandis qu'il était encore loin, son père l'aperçut
et fut pris de pitié ; il courut se jeter à son cou
L'auteur du psaume 73 est scandalisé par ·et l'embrassa tendrement [Le 15, 20].
la prospérité des impies. Leur perversion les
pousse à se croire au-dessus de la condition
humaine: Le dos et la face.
Rien n'entame leur riche prestance;
de la peine des hommes ils sont absents, Le livre de !'Exode contient un épisode
avec Adam ils ne sont point frappés. significatif pour préciser la nature des rela-
C'est pourquoi l'orgueil est leur collier. tions que l'homme peut avoir avec le Sei-
[Ps 73, 4-6.l gneur. Il est dit de Moïse : « Le SEIGNEUR
parlait à Moïse face à face, comme on se
La tendresse porte souvent à entourer le parle d'homme à homme» (Ex 33, 11).
cou de l'être aimé ou pardonné. Les larmes Au cours de cette conversation, Moïse
se mêlent souvent à ce geste qui rapproche demande au Seigneur de se manifester en
les cœurs dans le désir de les unir. personne (littéralement « par ta face qui
Alors il [Toseph] se jeta au cou de son frère vient») au peuple d'Israël. Le Dieu caché
Benjamin et pleura. Benjamin aussi pleura à son pourra alors devenir, de manière sensible, le
cou. Puis il couvrit tous ses frères de baisers et chef et le guide de cette communauté qui a
pleura en les embrassant [Gn 45, 14-15; voir pris le départ dans la nuit de Pâques qui est
aussi 1b 11, 11-13]. aussi la nuit de la foi obscure. Le Seigneur
Mais ce geste peut être perverti. La pre- acquiesce. Moïse s'exclame :
mière épouse de Samson n'hésite pas à « Fais-moi donc voir ta gloire. » Dieu dit : « Je
« jouer le grand jeu » pour obtenir la ré- ferai passer sur toi mes bienfaits et je proclamerai
ponse del' énigme que son mari a proposée : devant toi le nom de "SEIGNEUR"·; j'accorde ma

245
LES SYMBOLES BIBLIQUES

bienveillance à qui je l'accorde, je fais miséri- Dans un tout autre sens que celui du
corde à qui je fais miséricorde. » Il dit : « Tu ne passage de !'Exode précédemment cité,
peux voir ma face, car l'homme ne saurait me Dieu montre son dos pour manifester sa
voir et vivre. » colère:
Le SEIGNEUR dit : « Voici un lieu près de moi. Tu
te tiendras sur le rocher. Alors, quand passera ma C'est mon dos et non ma face que je leu:r
gloire, je te mettrai dans le creux du rocher et, montrerai
de ma main, je t'abriterai tant que je passerai. au jour de leur ruine. [Jr 18, 17.]
Puis, j'écarterai ma main et tu me verras de.dos;
mais ma face, on ne peut la voir. » Cette décision est une réponse aux vire-
[Ex 33, 18-23.] voltes d'Israël infidèle :
Ils disent au bois : « Tu es mon père ! »
À la « face qui vient » réclamée par Moïse, et à la pierre : « Toi, tu m'as enfanté ! »
le Seigneur substitue « le dos qui vient de Car ils tournent vers moi leur dos [leur nuque]
passer». Le sens est .clair : la présence de et non leur face ;
Dieu n'est donnée que par la vision des mais au temps de malheur, ils crierit :
traces de son amour, dans sa création, dans « Lève-toi, sauve-nous!» ijr 2, 27.]
l'histoire du salut. Le dos est ici le sillage de
grâce laissé par le passage de Dieu. Celui qui Le Seigneur dit aussi :
<< veut voir venir Dieu >> prétend lui fixer son Toi-même m'as repo~ssé - oracle du SEI-
programme. Le Seigneur est libre et ses actes GNEUR-
n'émergent que dans le présent, ils ne sont tu m'as tourné le dos.
jamais « à venir ». Passés, ils ne s'effacent Alors j'ai étendu la main contre toi et je t'ai
pas : leur fécondité durable demeure visible. détruite:
Ce qui est traduit ici par « un lieu près de je suis fatigué de consoler. [Jr 15, 6_]
moi » se réfère à la préposition hébraïque èt
Le prophète Ézéchiel, conduit par un
qui exprime tous les sens de la proximité. Il
messager de Dieu, est amené à constater les
s'agit donc d'un lieu où peut se mànifester
cultes païens qui déshonorent le Temple. Ici
la présence divine. Ce lieu est comme un
on se lamente sur la mort d'Adonis, mais là
poste d'observation. Moïse doit aller pren-
les Juifs spirituellement désorientés se tour-
dre position sur un rocher comme une senti-
nent vers l'orient pour adorer le soleil :
nelle. La posture· recroquevillée dans la
grotte, par contre, est une attente passive. Il m'amena vers le paIVÎs intérieur de la Maisàn
Au sortir de cet état, le prophète pourra du SEIGNEUR; voici qu'à l'entrée du Temple du
déceler les traces de Dieu. SEIGNEUR, entre le vestibule et l'autel, il y avait
Texte unique en son genre, cet épisode de environ vingt-cinq hommes, le dos tourné au
!'Exode a fait de la vision du dos de Dieu un Temple du SEIGNEUR et le visage vers l'orient ; ils
se prosternaient vers l'orient, devant le soleil.
thème inépuisable de réflexion théologique [Ez 8, 16.]
et spirituelle_
L'expression « tourner le dos à » a pour Paul évoquera plus tard « ceux qui tour-
équivalent« se détourner de», très fréquent nent le dos à la vérité» (Tt 1, 14).
dans la Bible. L'expression << jeter derrière son dos»

246
LE CŒUR, LE CORPS

s'applique à- des réalités que l'on rejette. Le faux ami peut se répandre en cour-
Ainsi le roi Jéroboam a-t-il rejeté le Seigneur. bettes :
Dieu dit : « Tu es allé te fabriquer cl' autres Même s'il se fait humble et s'avance en courbant
dieux, des idoles fondues, pour mon irrita- l'échine,
tion, et tu m'as jeté derrière ton dos» (1 R veille sur toi-même et méfie-toi de lui.
14, 9). [Si 12, 11.]
Néhémie relate l'histoire d'Israël. Il rap-
pelle le comportement inconstant du peu- Certains êtres semblent voués à des tâches
ple : à peine installés en Terre promise, ils de portage : esclaves ou marchands, leur dos
ont commencé leur dérive_ spirituelle. loué au servi.ce lourd façonne leùr âme. Telle'
est la réputation de la tribu d'Issakar :
Mais voici qu'indocilcs, révoltés ·contre toi,
Issakar est un âne osseux. [.. .]
ils jetèrent ta Loi derrière leur dos,
Il tend l'échine sous le bât,
ils tuèrent lès prophètes qui les avertissaient.
il est bon pour la corvée d'esclave.
[Ne 9, 26.J
[Gn 49, 14-15.l
De son côté, Dieu peut jeter derrière lui Le dos est donc la partie du corps qui
les péchés des hommes : c'est alors l'image porte la charge. Symboliquement, le dos est
de sa miséricorde. Au cantique d'Ézéchias, l'âme écrasée par la peine :
il est dit :
Sur mon dos ont labouré les laboureurs,
Voici que mon amE;rtume se change en salut. allongeant leurs sillons ;
Tu t'es attaché à ma vie pour me garder du trou, le SEIGNEUR juste a brisé
tu as jeté derrière .toi tous mes péchés. les liens des impies. [Ps 129, 3-4.l
[Is 38, 17.l
Marcher sur le dos ou la nuque des
Comme la nuque, le dos raidi est signe prisonniers pour les humilier était un geste
d'orgueil ou de rébellion : de victoire. Les ennemis d'Israël vaincu lui
criaient:
J'ai dit aux arrogants: Pas d'arrogance!
aux impies : Ne levez pas la corne,
Aplatis-toi pour que nous passions,
alors tu avais riJ.is ton dos en guise de sol,
ne levez pas si haut votre front,
ne parlez pas en raidissant l'échine. [Ps 75, 5-6.] en guise de rue pour les passants.
[Is 51, 23; voir aussiJos 10, 24.]
Faire plier l'échine, c'est apprendre le Le troisième chant du Serviteur souffrant
respect et robéissance aux jeunes. Les montre le juste en état de-parfaite obéissance
moyens envisagés par Ben Sirach sont plutôt devant les épreuves qui le frappent :
rudes:
Et moi, je ne me suis pas cabré,
Qui aime son_ fils lui prodigue le fouet, je ne me suis pas rejeté en arrière.
Plus taid ce fils sera sa consolation. [. ..] J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient,
-Fais-lui courber l'échine pendant sa jeunesse, mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe;
meurtris-lui les côtes tant qu'il est enfant. je n'ai pas caché mon visage
[Si30, 1 et 12; voir aussi Si 7, 23.] face aux outrages et aux crachats. [Is 50, 5-6.J

247
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Cette parole retentit encore dans les récits Sur la longue robe de l'éphod était figuré l'uni-
de la passion du Christ : vers entier,
les noms glorieux des pères étaient gravés sur les
Alors, ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; quatre rangées de pierres
d'autres lui donnèrent des coups en disant : et ta majesté figurait sur le diadème de sa tête.
« Fais le prophète, Christ, dis-nous qui t'a [Sg 18, 24.]
frappé» [Mt 26, 67].
Cette majesté est sans doute le nom même
de Dieu.
Les épaules. On voit se préciser peu à peu un sym-
bolisme organique. L'univers se présente
Les épaules ont leur propre signification comme une forme humaine, qu'évoque aussi
symbolique. la montagne du Sinaï. Le peuple est assem-
Le vêtement du grand prêtre transformait blé sur les épaules de cette montagne et, tout
le chef du culte en figure symbolique. au sommet, Moïse peut approcher la tête de
L'éphod, pièce essentielle de ce vêtement, cet organisme cosmique .: le Seigneur lui-
était soutenu par des bretelles, ornées cha- même, voilé par sa transcendance, comme
cune d'une pierre portant le nom de six les pics dont le sommet disparaît dans les
tribus d'Israël : nuages.
Tu mettras les deux pierres aux bretelles de
Les peuples nomades, en possession de
l'éphod, ces pierres qui sont un mémorial en
faveur des fils d'Israël, et Aaron portera leurs bagages lourds (tentes, marchandises, etc.)
noms devant le SEIGNEUR sur ses deux bretelles, ont aussi des bêtes _de somme p'our en
en mémorial. [Ex 28, 12.l assurer le transport. L'institution du lévirat
(Nb 3 et 4) a permis la spécialisation des
L'-évolution du vêtement sacré, en Israël, fonctions concernant le culte et le sanctuaire.
est significative. L'éphod ne fut cl' abord Le retour au portage prend alors une valeur
qu'un pagne de lin qui rappelait la nudité hautement symbolique.
rituelle des anciens prêtres orientaux (tel est Aux Qehatites, un clan parmi les Lévites,
encore le vêtement des brahmanes indiens ; était réservé le transport de l'arche du Té-
voir Ex 20, 26; 1 S 22, 18; 2 S 6, 14.) Le moignage et des objets sacrés pour le culte.
chapitre 28 de !'Exode revêt le prêtre d'un Ils ne pouvaient toucher cette charge, mais
lourd équipement liturgique, chargé de si- leurs épaules supportaient les barres de
gnifications empruntées à des traditions portage (Nb 4, 1-20).
diverses. La fleur d'or de consécration est, à
l'origine, un symbole royal. Elle a sa place Moïse prit les chariots et les bœufs. Il les donna
sur le turban (Ex 28, 36-37), mais la signifi- aux Lévites. [... ] Mais aux fils de Qehat il n'en
cation est tout autre (Ex 28, 38), les clochet- donna pas, car eux devaient porter sur les
épaules la charge sacrée qui leur inèombait
tes de l'habit rappellent celles qui s 'accro- [Nb 7, 6 et 9]. -
chent au vêtement des chamanes (Ex 28,
33-35). On comprend alors le rappel du livre Il y a ici une inversion du symbolisme.
de la Sagesse : Dans le monde païen, les dieux étaient

248
LE CŒUR, LE CORPS

portés parce qu'ils n'étaient que des choses La clef de la maison de David repose
inertes : sur Elyakim le bon serviteur, figure du
Or, vous allez voir à Babylone des dieux d'ar- Messie:
gent, d'or et de bois, que l'on porte sur les Je mettrai la clef de la maison de David sur son
épaules et qui inspirent crainte aux païens. Soyez
épaule.
sur vos gardes! [... ] N'ayant pas de pieds, ils S'il ouvre, personne ne fermera,
sont portés sur les épaules, exhibant ainsi aux
s'il ferme, personne n'ouvrira. [Is 22, 22.]
hommes leur honte. [Ba 6, 3-4 et 25.J
Les brancards des Qehatites agissent, à Cette charge est un signe d'honneur et de
l'inverse, comme une sorte de coupe-circuit pouvoir.
de la tension sacrée qui possède un pouvoir On ne peut omettre la splendide image du
foudroyant (voir l'histoire d'Uzza en 2 S 6, retour des exilés :
6-8).
Ainsi parle le SEIGNEUR :
L'épaule supporte parfois une charge
Voici que je lève la main vers les nations,
excessive ; l'esclavage est une oppression.
que je dresse un signal pour les peuples :
Aux jours de !'Exode, Dieu est intervenu ils t'amèneront tes fils dans leurs bras,
pour mettre fin à la servitude de son peuple : et tes filles seront portées sur l'épaule.
J'ai ôté la charge de son épaule [Is 49, 22.]
et ses mains ont déposé le fardeau. [Ps 81; 7.]
Un reflet de cette image se trouve dans la
Le même symbole se retronve quand Isaïe parabole de la brebis perdue : « Et quand il
annonce le retour de la déportation : l'a retrouvée, il la met, tout joyeux, sur ses
La haire posée sur ses épaules, épaules» (Le 15, 5).
le bât0n de son oppresseur, Les épaules portent une charge qui peut
tu les as brisés comme au jour de Madiân. être précieuse. Telle est la sagesse : « Car
[Is 9, J.J tout l'or, au regard d'elle, n'est qu'un peu de
sable» (Sg7, 9).
Bâton contre bâton, celui de Dieu est plus
Ben Sirach conseille à celui qui veut faire
fort que celui d'Assur :
l'apprentissage de la sagesse :
Le SEIGNEUR Sabaot va brandir contre lui un
fouet [... ] Présente ton épaule à son fardeau,
Il va brandir son bâton contre la mer. [. . .] ne sois pas impatient de ses liens.
Ce jour-là son fardeau glissera de ton épaule. [Si 6, 25.J
[Is 10, 26-27; voir aussi Is 14, 25.]
À l'inverse de la sagesse, l'accumulation
Par contre le manteau, signe de pouvoir des prescriptions légales est remise en ques-
(Is 3, 6-7), va recouvrir les épaules du tion par le fait que ceux qui les imposent ne
Prince-de-paix qui restaurera la justice : s'y soumettent pas eux-mêmes:« Ils lient de
Car un enfant nous est né, pesants fardeaux et les imposent aux épaules
un fils nous a été donné des gens, mais eux-mêmes se refusent à les
il a reçu le pouvoir sur ses épaules. [ls 9, 5 .] remuer du bout du doigt» (Mt 23, 4).

249
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le bras de Dieu. Le Seigneur est bien :


Celui qui accompagna la droite de Moïse
Le bras de Dieu est saint. La sainteté
de son bras glorieux,
divine est d'abord le mystère du « Tout qui fendit les eaux devant eux
Autre». pour se faire un renom éternel. [Is 63, 12.]
Mais ce mystère se manifeste dans des
actions divines, bénéfiques ou punitives, La puissance de ce bras garantit l'Al-
admirables. Dieu étonne, et c'est ainsi qu'il liance :
montre sa sainteté. Le bras de Dieu est Le SEIGNEUR l'a juré par sa droite
l'emblème de son pouvoir, sa force d'inter- et par son bras puissant :
vention majestueuse. C'est dans ces marques « Je ne donnerai plus ton blé
de sa gloire que se manifeste la sainteté du en nourriture à tes ennemis. » [Is_ 62, 8.]
Seigneur :
À la majesté de la parole divine corres-
Chantez au SEIGNEUR un chant nouveau, pond le poids de son bras :
car il a fait des merveilles ;
la victoire lui vient de sa droite, Le SEIGNEUR fera entendre la majesté de sa voix,
de son bras·très saint. [Ps 98, l.] il fera sentir le poids de son bras. [Is 30, 30.]
Dieu découvre son salut, son bras aux Ce bras est l'exécuteur de la justice di-
yeux du monde : vme:

Le SEIGNEUR a racheté son peuple, Soudain ma justice approche, mon salut paraît,
il a racheté Jérusalem. mon bras va punir les peuples. [Is 51, 5.]
Le SEIGNEUR a découvert son bras de sainteté
aux yeux de toutes les nations, Par un glissement étonnant du symbole, le
et tous lès confins de la terre prophète transforme le bras du juge en celui
ont vu le salut de notre Dieu. [Is 52, 9-10.l d'un berger plein de tendresse pour ses
brebis :
Le bras est aussi celui d'un guerrier. Il
montre la puissance divine à ceux qui ne Void le SEIGNEUR qui vient avec puissance,
perçoivent pas sa force de persuasion. son bras assure son autorité ;
voici qu'il porte avec lui sa récompense,
Les princes de Moab et les Cananéens
et son salaire est devant lui.
font l'expérience de la puissance du bras
Tel un berger il fait paître son troupeau,
divin à l'heure où Israël s'implante en Terre
de son bras il rassemble ses agneaux,
promise: il les porte en son sein,
Sur eux s'abattent terreur et crainte; il conduit doucement les brebis mères.
la puissance de ton bras les laisse pétrifiés. [Is 40, 10-11.]
[Ex 15, 16.]
La force du bras de Dieu peut fortifier
L'exploit majeur du bras de Dieu de- l'homme. Le psaume lie cette grâce à l' Onc-
meure à jamais le passage de la mer Rouge. tion royale qui revêtit le jeune David de sa
Le bras de Dieu se manifeste et se prolonge force avant d'avoir mis à sa disposition une
dans la main de Moïse. armée.

250
LE CŒUR, LE CORPS

J'ai trouvé David mon serviteur, Il a déployé la force de son bras,


je l'ai oint de mon h1,1_ile sainte ; il a dispersé les hommes au cœur superbe. [... ]
pour lui ma main sera ferme, Il a comblé de biens les affamés. [... ]
mon bras aussi le rendra fort. [Ps 89, 21-22.l Il est venu en aide à Israël son serviteur,
se souvenant de sa miséricotde.
Depuis toujours ce bras assure la protec- [Le 1, 50-54.]
tion de son peuple :
Quand Jésus, l'âme troublée, annonce sa
Le Dieu des temps antiques est un refuge ; Passion, Jean mentionne l'incrédulité des
c'est un bras toujours à l'œuvre ici-bas. [. ..]
Juifs:
Il.est le bouclier qui te vient en aide,
il est aussi l'épée qui fait ta puissance. Bien qu'il eût fait tant de signes devant eux, ils
[Dt 33, 27 et 29; voir aussi Jn 5,17 .] ne croyaient· pas en lui, afin que s'accomplît la
parole dite par Isaïe le prophète :
Le bras de Dieu révèle un guerrier qui « Seigneur qui a cru à ta parole ?
s'arme de pied en cap pôur défendre la et le bras du Seigneur à qui a-t-il été révélé?»
justice. Paul reprendra cette image pour Un 12, 37-38; Is 53, 1.]
décrire la panoplie du chrétien (Ep 6, 13-17 ;
1 Th 5, 8). Devant le désordre du monde : Or le texte d'Isaïe introduit, par cette
interrogation, le quatrième chant du Servi-
Le SEIGNEUR s'est étonné que nul n'intervînt teur souffrant, celui qui paraîtra sans beauté
alors sofl bras devint son secours ni éclat, objet de mépris, familier de la
et sa justice son appui.
souffrance, celui dont on ne fait aucun
Il a revêtu comme cuirasse la justice,
sur sa tête le casque du salut. cas.
[Is 59, 16-17.J Ainsi se termine l'évolution du symbole
du bras divin. Du bras guerrier et justicier,
Du fond de sa détresse, aux heures som- on est passé au bras de la miséricorde
bres de son histoire, Israël invoque le bras de protectrice. C'est finalement dans l'humilité
la miséricorde divine et, une fois de plus, en et l'humiliation de la Croix que s'achève la
appelle au Dieu berger : révélation du bras du Seigneur. Il s'agit alors
des deux bras du Christ en croix, image
Que vienne devant toi la plainte du captif, sanglante des bras de Dieu qui portent les
par ton bras puissant, garde en vie les marqués
agneaux de son pâturage, qui accueillent les
pour la mort ! [. .. ]
pécheurs et s'ouvrent au monde de ses
_Et nous, ton peuple, le troupeau de ton pâturage,
nous te rendrons grâce à jamais.
créatures.
[Ps 79, 11 et 13.l Le sage Ben Sirach a su trouver les mots
pour révéler toute la dimension de ce mys-
Le Nouveau Testament reprend, à plu- tère:
sieurs reprises le thème du bras de Dieu.
Marie chante: Jetons-nous dans les bras du Seigneur,
et noh ·dans ceux des hommes ;
Sa.miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui car telle est sa majesté, telle est aussi sa miséri-
le craignent. corde. [Si 2, 18.]

251
LES SYMBOLES BIBLIQUES

La main de Dieu et la main des hommes. Au cours de la guerre de conquête, la


main de Dieu détruit la génération rebelle du
L'expression « à main forte et à bras désert (Dt 2, 15). Elle est contre les idolâtres
étendu » semble mettre l'accent sur les ac- (Tg 2, 15), mais aussi contre les Philistins
tions directement bénéfiques de Dieu. EUes (1 S 7, 13). Elle s'appesantit sur les Ashdo-
révèlent le Nom de Dieu qui est moins son dites (1 S 5, 6).
appellation que son être même, en rayonne- La peine de Noémi est trop forte, elle est
ment. veuve avec deux filles veuves. Elle leur
déclare : « Pour moi, l'amertume est ex-
Même l'étranger qui n'est pas d'Israël ton peu- trême, plus que pour vous ; c'est contre moi
ple, s'il vient d'un pays lointain à cause de ton que s'est manifestée la main du SEIGNEUR»
Nom - car on entendra parler de ton grand (Rt 1, 13).
Nom, de ta main forte et de ton bras étendu -
Job ressent la main de Dieu comme une
s'il vient et prie-dans ton Temple, toi, écoute-le.
[! R 8, 41-42 et 2 Ch 6, 32-33.]
oppression permanente :

Écarte ta main qui pèse sur moi


La génération de !'Exode a fait, à ses et ne m'épouvante plus par ta terreur.
dépens, l'expérience del' action du Seigneur [Jb 13, 21.]
« à main forte et à bras étendu » (Dt 7, 19).
Une expression presque semblable mani- Les prophètes font l'expérience de la
feste la puissance absolue du Créateur. main de Dieu : La« main ·de Dieu>> fut sur
Élie (1 R 18, 46) et sur Élisée (2 R 3, 15),
C'est moi qui ai fait, par ma grande puissance et ainsi que sur les hommes charismatiques
mon bras étendu, la terre, l'homme et les bêtes (Esd 7, 6).
qui sont sur la terre ; et je les donne à qui bon
me semble [Jr 27, 5 et 32, 17]. Ézéchiel témoigne ainsi de l'action de la
main de Dieu :
Le Seigneur règne sur son peuple, c'est
La main du SEIGNEUR, qui avait été sur moi le
« à main forte et à bras étendu » qu'il châtie,
soir précédant la venue du rescapé, m'ouvrit la
pardonne, rassemble et ramène au cœur de bouche au moment où il arriva vers moi le matin.
l'Alliance. Création, gouvernement, Ré- Ma bouche s'ouvrit et je ne fus plus muet
demption et Jugement sont comme les [Ez 33, 22].
manifestations diverses du même pouvoir
divin (Ez 20, 33-44). La main du Seigneur se conjoint à son
La main de Dieu, au bout du bras étendu, esprit pour enlever le prophète en une vision
n'est jamais trop courte. Le Seigneur pos- et le conduite ainsi dans une vallée où il
sède un bras suffisamment long pour réaliser assistera à la reviviscence des ossements
sa volonté. À Moïse inquiet, Dieu répond : desséchés (Ez 37, 1).
«Lamain du SEIGNEUR serait-elle si courte? Le fidèle sait que Dieu tient en sa main le
Tu vas voir maintenant si ma parole se souffle de toute créature (Dn 5, 23). Il ne
réalise ou non pour toi» (Nb 11, 23 ; voir peut oublier ses enfants dans la détresse et
aussi Is 50, 2). dit à Sion :

252
LE CŒUR, LE CORPS

Même si les femmes oubliaient [leurs enfants], apparaît ainsi comme le chef de la commu-
moi, je ne t'oublierai pas ! nauté.
Vois, je t'ai gravée sur les paumes de mes mains
[Is 49, 15-16.] Toi, lève ton bâton, étends la main sur la mer et
fends-la, que les Israélites puissent pénétrer à
Ces mains de Dieu, tablettes indestructi- pied sec au milieu de la mer [Ex 14, 16].
bles del' espérance, prendront chair dans les
C'est ce même bâton qui fendra le rocher
mains du Christ crucifié. Elles deviendront
pour abreuver le peuple dans le désert (Ex
alors les témoins de la Résurrection. Jésus
17, 5).
dit à Thomas : << Porte ton doigt ici :. voici
Lors du combat contre Amaleq, Moïse
mes mains» (Jn 20, 27).
emporte le bâton sur une colline, mais ses
C'est dans les mains de Dieu que le
mains jouent ici le rôle principal :
psalmiste remet son esprit :
Lorsque Moïse tenait ses mains levées, Israël
Tire-moi du filet qu'on m'a tendu,
l'emportait, et quand il les laissait retomber,
car c'est toi ma force ;
Amaleq l'emportait. Comme les inains de Moïse
en tes mains je remets mon esprit,
s'alourdissaient, ils prirent une pierre et la mirent
car c'est toi qui me rachètes, SEIGNEUR. sous lui. Il s'assit dessus tandis qu'Aaron et Hur
[Ps 31, 5-6.l
lui soutenaient les mains, l'un d'un côté, l'autre
Jésus remet ainsi son esprit dans les mains de l'autre. Ainsi ses mains restèrent-elles fermes
du Père (Le 23, 46). Tel est aussi le cri jusqu'au coucher du soleil.Josué défit Amaleq et
son peuple au fil de l'épée. [Ex 17, 11-13.]
d'Étienne expirant (Ac 7, 59).
La main de Yhomme, pour sa part, peut Les mains du prophète jouent ici le rôle
être fortifiée : d'un étendard divin, c'est pourquoi le lieu
de cet exploit est appelé « la bannière du
Ils célébrèrent avec joie la fête des Azymes, car
le SEIGNEUR les avait remplis de joie [... ] pour SEIGNEUR en main» (Ex 17, 16).
qu'il fortifiât leurs mains dans les travaux du La main des prêtres va devenir aussi le
Temple de Dieu, le Dieu d'Israël [Esd 6, 22]. prolongement de la main de Dieu : poser la
main sur la tête de la victime d'un sacrifice
Aux jours de !'Exode, la main des hom- avant de l'immoler, c'est prendre possession
mes de Dieu, Moïse et Aaron, se trouve de cette offrande, l'accepter au nom du
prolongée par le bâton de Dieu qui relie Seigneur:
l' acrion des hommes à la puissance divine.
Pour la plupart des plaies d'Egypte, le Tu amèneras le jeune taureau devant la Tente du
bâton, la main étendue ou certains gestes de Rendez-Vous. Aaron et ses fils poseront leur
main sur la tête du taureau, puis tu abattras le
la main (jeter de la suie en l'air, tendre la
taureau devant le SEIGNEUR [Ex 29, 10; voir
main vers-le ciel) interviennent comme des
aussi Lv 3 et 4].
instruments de la volonté du Seigneur (Ex. 7
à 10). Dans la tradition d'Israël, la main pro-
Le grand miracle demeure celui du pas- duira de nombreux gestes religieux. Tendre
sage de la mer Rouge. La puissance de Dieu la main, c'est interpeller une divinité, pren-
passe par la main et le bâton de Moïse, qui dre refuge en elle. Ce geste peut être païen :

253
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Si nous avions oublié le nom de notre Dieu, Dieu ordonne aù prophète Ézéchiel de
tendu les mains vers un dieu étranger, battre des mains, mais ce rythme n'est plus
est-ce que Dieu ne l'eût pas aperçu, joyeux, il scande le chant de guerre du
lui qui sait les secrets du cœur? [Ps 44, 21-22.] Seigneur qui va faire tomber son épée sur le
Mais le même geste peut tourner l'homme peuple infidèle. Cette épée sera celle du
vers le Seigneur : « tueur babylonien». -

Au jour d'angoisse, j'ai cherché le Seigneur; Toi, fils d'homme, prophétise et bats des mains.
la nuit, j'ai tendu la main sans relâche. Que l'épée repasse trois fois,
[Ps 77, 3.J l'épée qui transperce des victimes: [Ez 21, 19.]

Je t'appelle, SEIGNEUR, tout le jour, C'est encore un battement de maîns qui


je tends les mains vers toi. [Ps 88, 10.] peut éviter ou limiter le désastre mais, cette
fois, la main doit battre la poitrine en signe
Le psaume 123 évoque le fidèle au regard de reconnaissance de l'équité du jugement :
tendu vers son Seigr:ieur, fasciné par ses « Frappe-toi la poitrine, car c'est une
mains impératives qui sont aussi la source de épreuve» (Ez 21, 17-18).
sa miséricorde et de sa bénédiction : Pour« se frapper la poitrine afin de battre
Vers toi j'ai les yeux levés, sa coulpe», voir Si 38, 17; Mt 11, 17; 24,
qui te tiens au del. 30; Le 18, 13; 23, 27; 23, 48).
Les voici comme les yeux des serviteurs L'imposition des mains est d'abord un
vers la main de leur maître. rite d'investiture. Il ne doit pas être
Comme les yeux de la servante confondu avec la consécration du prêtre qui
vers les mains de la maîtresse, suppose onction, vestition et remise de cer-
ainsi nos yeux vers le SEIGNEUR notre Dieu tains emblèmes comme le pectoral au grand
tant qu'il nous prenne en pitié. [Ps 123, 1-2.] prêtre. C'est Moïse qui consacre Aaron et ses
fils, inaugurant ainsi la tradition sacerdotale
Les mains tendues peuvent ainsi se dé-
(Lv 8, 1'13).
tendre, s'alléger et monter vers Dieu
Mais c) est le peuple tout entier qui im-
Que monte ma prière, en encens devant ta face) pose les mains aux Lévites pour faire d'eux
les mains que j'élève, en offrande du soir. les « chargés du service du sanctuaire >> ;
[Ps 141, 2.] cette investiture est valable à jamais et
concerne la tribu tout entière. « Lorsque tu
Battre des mains, c'est engager tout le
auras fait avancer les Lévites devant le SEI-
corps dans une incantation de louange. Ce
GNEUR, les Israélites leur imposeront les
fut d'abord une acclamation du roi. Puis
mains» (Nb 8, 10).
tous les peuples sont invités à reconnaître
Quand Jésus impose les mains sur une
ainsi la royauté du Seigneur :
personne, la main de Dieu, unie à la main de ,
Tous les peuples, battez des mains, l'homme par le corps de Jésus, accomplit des
acclamez Dieu en éclats de joie ! miracles.
C'est le SEIGNEUR, le Très-Haut, le redoutable, Le Christ répond souvent à une demande
le grand Roi sur toute la terre. [Ps 47, 2-3.J formulée:

254
LE CŒUR, LE CORPS

On lui amène un sourd, qui de plus parlait Le doigt de Dieu symbolise la force divine
difficilement, et on le prie de lui imposer la main. agissante. Quand Moïse étend son bâton et
Le prenant hors de la foule, à part, il lui mit les frappe la poussière du sol pour susciter un
doigts daris les oreilles et avec sa salive lui toucha nuage de moustiques qui harcèleront les
la langue. [Mc 7, 32-33.] Égyptiens : « Les magiciens dirent à Pha-
Jésus est en train de parler avec les dis- raon: c'est le doigt de Dieu» (Ex 8, 15).
ciples de Jean Baptiste et, «Tandis qu'il La Loi a été écrite par le doigt de Dieu.
leur parlait, voici qu'un chef s'approche, Moïse dit:
et il se prosternait devant lui en disant :
Le SEIGNEUR m'avait donné les deux tables de
ma fille est morte à l'instant; mais viens lui
pierre écrites du doigt de Dieu, conformes en
imposer les mains et elle vivra» (Mt 9, 18; tout point aux paroles qu'il vous avait dites du
Mc 5, 23). milieu du feu, sur la montagne au jour de l'As-
La demande souvent n'est pas mention- semblée [Dt 9, 10].
née, elle est implicite chez ceux qui entre-
prennent la démarche : « Au coucher du Et le psalmiste s'exclame : « À voir ton
soleil tous ceux qui avaient des malades ciel, ouvrage de tes doigts ! » (Ps 8, 4).
atteints de maux divers les lui amenèrent et On ne peut omettre l'apparition halluci-
lui, imposant les mains à chacun d'eux, il les nante qui troubla le festin de Balthasar :
guérissait» (Le 4, 40).
Soudain apparurent des doigts de main humaine
La main de Jésus touche le lépreux pour qui se mirent à écrire derrière le lampadaire, sur
le purifier, non seulement pour le guérir le plâtre du mur du palais royal, et le roi vit la
mais aussi pour le débarrasser d'une souil- paume de 1a main qui écrivait [Dn 5, 5].
lure légale qui l'exclut de la société. Jésus ne
craint pas pour lui-même la contagion de Dans le rituel du Lévitique, le doigt du
cette souillure. En fait, sa main remplace le prêtre plonge dans le sang du sacrifice pour
rituel compliqué, de style magique, qui pratiquer des aspersions, marquer les cornes
prétendait à haute époque chasser le démon de l'autel, etc. (Lv 4, 6; 4, 17). Moïse
de la lèpre (Mt 8, 3; voir aussi Lv 14, 1-9). marque ainsi le lobe de l'oreille, le pouce et
Jésus n'étend pas la main sur les démo- le gros orteil d'Aaron lors de sa consécration
niaques, il les interpelle, les adjure (Mc 1, sacerdotale (Lv 8, 23 ).
25; 5, 8; 9, 25). On ne dit pas ce qu'il fit Le même geste accompli avec un doigt
exactement pour chasser le démon muet trempé dans l'huile entre dans le rituel de la
(Mt 12, 22), mais des Juifsl'accusent d'être purification des lépreux (Lv 14, 17). La
de connivence avec Béelzéboul, le prince des séquence symbolique onction-huile-Esprit
démons.Jésus met en évidence l'incohérence permet peut-être de comprendre l'équiva-
de cette accusation (Le 11, 17 -19), mais lence doigt-Esprit en Luc et Matthieu.
répond : « Si je chasse les démons par le · Le pouce et le gros orteil, points forts de
doigt de Dieu c'est donc que le règne de l'organisme, peuvent être coupés quand on
Dieu sur vous est arrivé» (Le 11, 20). veut réduire un prince à l'impuissance : tel
Matthieu parle de !'Esprit de Dieu à la fut le sort d'Adoni-Bézeq (Jg 1, 5-7).
place du doigt (Mt 12, 28). La main de Dieu est donc le symbole de

255
LES SYMBOLES BIBLIQUES

sa puissance et de sa miséricorde. Elle com- sera aussi le sort des violents emportés par
munique son pouvoir. au prêtre et au pro- leur superbe. Le Seigneur n'aura de cesse :
phète. Quant au simple fidèle, s'il veut
Tant qu'il n'aura pas brisé les reins des violents
marcher main dans la main avec son Sei- et tiré vengeance des nations,
gneur, il doit garder sa propre main en lien exterminé la multitude des orgueilleux
étroit avec le cœur : et brisé le sceptre des injustes. [Si 35, 20-21.]
Se trouve+il chez toi un pauvre, d'entre tes La ceinture apparaît alors comme le lien
frères, dans une ville de ton pays que le SEI- qui rassemble les forces des reins. Elle peut,
GNEUR ton Dieu t'a donné? Tu n'endurciras pas bien sûr) porter les armes du guerrier :
ton cœur ni ne fermeras ta main à ton frère
«Joab était vêtu de sa tenue militaire, sur
pauvre, mais tu lui .ouvriras ta main et tu lui
prêteras ce qui lui manque. [Dt 15, 7-8.] laquelle il avait ceint une épée attachée à ses
reins dans son fourreau» (2 S 20, 8).
La ceinture permet aussî de relever le
vêtement, qui devient ainsi une tenue de
Les reins, la ceinture et le sac de pénitence.
voyage ou de course : « La main du Sn
GNEUR fut sur Élie, il ceignit ses reins et
C'est toute une région du corps qui est
courut devant Achab jusqu'à l'arrivée à
désignée par ce terme de « reins », et non
Yizréel » (1 R 18, 46).
pas seulement l'appareil rénal. Elle inclut la
Les reins ceints signifieront alors"!'esprit
ceinture, la zone pelvienne etl' espace occupé
attentif, prêt à recevoir l'ordre de Dieu, le
par l'appareil génital.
signal du départ.
Les reins sont d'abord le siège de la
Au début de !'Exode, Dieu avertit ainsi
puissance : une colonne vertébrale solide,
les convives du repas pascal :
assistée par des muscles lombaires et abdo-
minaux bien développés. Tel est l'hippopo- C'est ainsi que vous la mangerez : vos reins
tame Béhémoth : ceints, vos sandales aux pieds et votre bâton à la
main. Vous ia mangerez en toute hâte, c'est une
Vois, sa force réside dans ses reins, pâque pour le SEIGNEUR [Ex 12, 11].
sa vigueur dans les muscles de son ventre.
(Jb 40, 16.] L'ennemi d'Israël est toujours aux aguets.
Dieu n'a qu'à le siffler, il accourt pour
Briser les reins d'un ennemi, c'est le attaquer, sans se rendre compte qu'il n'est
détruire : que l'instrument du châtiment que le Sei-
Bénis, SEIGNEUR, sa vaillance,
gneur veut appliquer à son peuple :
et agrée l'œuvre de ses mains. Chez lui [l'ennemi] nul n'est fatigué, nul ne
Brise les reins à ceux qui se dressent contre lui, trébuche,
et que ceux qui le haïssent ne se redressent plus. nul ne dort ni ne sommeille,
[Dt 33, 11.] nul ne dénoue la ceinture de ses reins. [1s 5, 27 .]

Les reins qui permettent à l'homme de se Jésus dit à ses disciples :


tenir debout peuvent le dresser contre Dieu. Que vos reins soient ceints et vos lampes allu-
Casser les reins, c'est briser l'orgueil. Tel mées. Soyez semblables, vous, à des gens qui

256
LE CŒUR, LE CORPS

attendent leur maître à son retour des noces, Quant au pagne de peau qui ceint les
pour lui ouvrir dès qu'il viendra et frappera reins d'Élie et de Jean Baptiste (2 R 1, 8 ; Mt
[Le 12, 35]. 3, 4), il est porté en même temps qu'un
manteau fait d'une toison ou de poils de
Les reins ceints signifient aussi une vo-
chameau. Peut-être ce vêtement était-il celui
lonté déterminée, comme celle de la parfaite
d'anciens chamanes qui endossaient volon-
maîtresse de maison présentée par le livre
tiers la peau des bêtes. Certaines pratiques
des Proverbes comme un modèle de sa-
des« fils de prophètes», techniques extati-
gesse:
ques,_ comportement marginalisant, peuvent
Elle ceint vigoureusement ses reins, le laisser penser. L'allure extérieure des
elle déploie la force de ses bras. « hommes de Dieu » à date ancienne mani-
Elle sait que ses affaires vont bien. feste la différence qui fait d'eux des êtres
[Pr 31, 17-18.] consacrés à la Parole.

Le vêtement sur les reins. Les reins mis à nu.

Le vêtement sur les reins peut signifier Le début du livre de Michée laisse entre-
l'état d'esprit de celµi qui le porte. Pour voir la condamnation solennelle d'Israël l'in-
prendre le deuil, on déchirait ses vêtements fidèle. L'action purificatrice de Dieu com-
et l'on ceignait un pagne de toile grossière, mence par tout ramener au point zéro. La
un« sac». ville de Samarie est à l'origine de la révolte
Telle est la réaction immédiate de Jacob du peuple de Dieu : elle sera la première
recevant la fausse nouvelle de la mort de bouleversée, dénudée :
Joseph: «Jacob déchira son vêtement et mit
un sac sur ses reins et fit le deuil de son fils Je vais faire de Samarie_ un champ de ruines,
pendant longtemps» (Gn 37, 34). une terre à vignes.
Je ferai débouler ses pierres dans le ravin,
Ce rituel de deuil se transpose aisément
et ses fondations je les mettrai à nu. [Mi 1, 6.]
en geste de pénitence.
· Au livre de Judith, on voit les Juifs prati- C'est aussi en état de nudité que ce
quer cette ascèse tandis qu'ils supplient Dieu prophète va commencer sa grande lamenta-
de les sauver d'Holopheme. Le sac devient tion:
ainsi un symbole si important qu'on en revêt
les troupeaux et même l'autel! (Jdt 4, Je vais me lamenter et hurler,
j'irai déchaussé et nu,
10-14.) Telle est aussi la pénitence du peuple
j'entonnerai une lamentation à la manière des
et du roi de Ninive, bouleversés par la
chacals,
prédication de Jonas (Jon 3, 5-6). un chant de deuil comme les autruches.
On comprend la signification de cet acte. [Mi 1, 8.]
Il faut humilier les reins dont on a vu qu'ils
permettent à l'homme de se dresser devant La pénitence peut, en effet, entraîner un
Dieu en un acte d'orgueil. état extatique qui pousse à un total dépouil-

257
LES SYMBOLES BIBLIQUES

lement, dont la nudité physique devient le Dans une perspective différente Isaïe) à la
signe (voir l'épisode chamanique raconté en demande de Dieu, va se retrouver tout nu à
1 S 19, 18-24). Cette nudité n'est pas impu- la disposition de la Parole divine qui enjoint
dique, elle procède du désir de ne rien à ses prophètes de l'appuyer par des gestes
cacher à Dieu, en particulier.tout ce qui_vient tout à fait insolites. Le Seigneur dit : « Va,
de ce monde mystérieux des pulsions et des dénoue la toile de sac que tu as sur les reins,
désirs que la Bible nomme « les reins». ôte les sandales que tu as aux pieds. Et il fit
ainsi, allant nu et déchaussé» (Is 20, 2).
0 Dieu, tu sais -ma folie
et mes offenses sont à nu devant toi. [Ps 69, 6.]
Le Seigneur s'explique, cette nudité re-
présente celle des prisonniers égyptiens et
L'efficacité de ce dépouillement péniten- des Nubiens, massivement capturés par _le
tiel est admirablement décrite dans un long roi d'Assyrie. Israël a eu tort de rechercher,
passage d'Isaïe. Le prophète s'adresse aux contre le roi, l'alliance d'une armée en dé-
femmes de Jérusalem : elles doivent com- route et condamnée à la honte d'un dépouil-
prendre que leur orgueil entraine le châti- lement total.
ment du pays :
Frémissez, vous qui êtes altières. Les « reins » incluent la force génitale de
Tremblez, vous qui êtes pleines de superbe, l'homme mais, outre le sexe, cette expres-
Dépouillez-vous,dénudez-vous,ceignezvosreins. sion désigne aussi la descendance parentale,
Frappez-vous les seins sur le sort des campagnes objet de la sollicitude de Dieu lorsqu'ils' agit
riantes. [Is 32, 11-12.] des patriarches, des prêtres ou des rois.

Isaïe décrit la stérilité de la campagne et Dieu dit [à Jacob] : « Sois fécond et multiplie.
le silence de mort qui plane sur la ville : Une nation, une assemblée de nations naîtra de
toi et des rois sortiront de tes reins» [Gn 35,
Car la _citadelle est abandonnée, 11].
la ville tapageuse est désertée ;
Ophel et Donjon seront dénudés à jamais, David ne bâtira pas le Temple du Sei-
délices des ·ânes sauvages, pacage de troupeaux. gneur:
[Is 32, 14.J
r
Tu as eu dans esprit de bâtir une maison pour
Mais toute pénitence touche la miséri- mon Nom, et tu as bien fait. Seulement, ce n'est
corde de Dieu. La nudité du corps, les reins pas toi qui bâtiras cette maison, c'est ton fils .iSsu
maîtrisés par la ceinture de l'ascèse prépa- de tes reins, qui bâtira la maison pour mon Nom
rent le retour de !'Esprit qui féconde et [1 R 8, 18-19].
reconstruit : La Bible n'utilise pas de termes précis
Jusqu'à ce que se répande sur nous pour désigner les parties génitales (sauf Dt
l'Esprit d'en haut, 23, 2). Cette discrétion verbale correspond
et que le désert devienne un verger, [. .. ] à une pudeur qu_e le récit de la création relie
mon peuple habitera dans un séjour de paix, au péché originel (Gn 2, 25 ; 3, 10-11).
des demeures superbes, des résidences altières. Ce sentiment est, en fait, une crainte. Le
[Is 32, 15 et 18.] sexe est puissant par sa fécondité mais fra-

258
LE CŒUR, LE CORPS

gile. Quand on sait le pouvoir que les an- La transposition sur le plan symbolique
ciens attachaient au regard, les effets d'un de la sexualité oblitérée par la honte sera un
mauvais œil étaient considérés comme rava- des leitmotive prophétiques. Ainsi se trou-
geurs. vera stigmatisée l'infidélité idolâtrique d'Is-
<< Mes adversaires aiguisant contre moi leur raël assimilée à une prostitution.
regard [... ] Le chapitre 16 d'Ézéchiel raconte, en
Leurs railleries m'atteignent comme des termes très crus, l'histoire symbolique de
soufflets », Jérusalem qui représente ici Israël : nue et
dit Job (Jb 16, 9). On comprend alors abandonnée à sa naissance, Jérusalem a été
pourquoi Cham, ancêtre des Cananéens, est recueillie, vêtue par le Seigneur, qui en a fait,
maudit par Noé parce qu'il a vu la nudité par alliance, son épouse.
de son père: Mais cette épouse s'est prostituée, au
propre et au figuré, au cours de cultes idolâ-
Mais _Sem et Japhet prirent un manteau, le
triques, et le Seigneur de conclure :
mirent tous deux sur une épaule et, marchant à
reculons, couvrirent la nudité de leur père; leurs Je vais rassembler tous les amants à qui tu as plu,
visages étaient tournés en arrière et ils ne virent tous ceux que tu as aimés et tous ceux que tu as
pas la nudité de leur père. [Gn 9, 23.l haïs, je vais les rassembler d'alentour contre toi
et je vais découvrir ta nudité devant eux pour
Ce récit entend légitimer la servitude à qu'ils voient toute ta nudité. [Ez 16, 37; voir
laquelle seront réduits les Cananéens lors de aussi Os 2, 11.]
la conquête de leur territoire par Israël. Ce
« péché originel » de Cham est un acte La honte de la nudité sera le châtiment de
d'impudeur. La pudeur n'est pas une sim- Babylone (Is 47, 2-3).
ple réserve mais un précepte qui intègre Dans une autre perspective, on retrouve
une conception sacrale de la sexualité et ce thème dans l' Apocalypse (Ap 3, 18; 16,
une crainte de la puissance magique du 15).
regard. Saül, furieux de voir Jonathan prendre le
« Découvrir la nudité» de quelqu'un re- parti de David, se laisse aller jusqu'à l'insul-
vient à dire : accomplir l'acte sexuel. L'ex- ter d'une manière abominable : « Fils d'une
pressionrevientvingt-huitfois dans les chapi- dévoyée rebelle! Je sais bien que tu prends
tres 18 à 20 du Lévitique, soucieux de la parti pour le fils de Jessé, à ta honte et à la
morale sexuelle et, en particulier, dela prohi- honte de la nudité de ta mère ! » (1 S 20,
bition de l'inceste.« Tu ne découvriras pas la 30).
nudité de la femme de ton frère) car c'est la Les « reins » comme siège de la sexualité
nudité même de ton frère» (Lv 18, 16). apparaissent donc comme une région tuml.Ù-
Mais on peut aussi découvrir la nudité de tueuse du corps humain. Des forces contra-
quelqu'un pour l'humilier. Le terme hébreu dictoires s'y affrontent, l'ardeur de la fécon-
éreyah, qui signifie nudité, a aussi le sens de dité et la sécheresse del' amour perverti. Un
honte. De même la honte en général, le sentiment confus, mêlant la crainte ét la
déshonneur, désigné par le terme hérepah, honte, constitue une sorte de labyrinthe où
possède aussi une connotation sexuelle. la conscience risque de se perdre.

259
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Les reins, foyer de la vie émotionnelle. l'identité du persécuteur (les ennemis ? Dieu
lui-même?) va trouver une réponse dans
Lieu des émotions mêlées et contradictoi- une intuition mystique étonnante. Le mys-
res, les reins manifestent leur activité pathé- tère de Dieu se dédouble. Au Dieujuge,Job
tique : oppose le témoin à décharge, le défenseur.·
Mes reins sont pleins de fièvre,
Quand « les reins » sont atteints, l'homme
plus rien d'intact en ma chair; ne peut que_ souffrir et pleurer. Le Défenseur
brisé, écrasé, à bout, divin (le Paraclet) prend la relève d'une
je rugis tant gronde mon cœur. [Ps 38, 8-9.] conscience embrumée par les larmes :
Dès maintenant j'ai dans les cieux un témoin,
Le sentiment de persécution envahit
là-haut se tient mon défenseur.
même les reins :
Interprète de mes pensées auprès de Dieu,
Mes reins en- moi se consument, devant qui coulent me_s larmes,
lorsque vous dites [de moi] : comment l'accabler, qu'il plaide la cause d'un· homme aux prises avec
quel prétexte trouverons-nous en lui? Dieu,
Ob 19, 21-2s.J comme un mortel défend son semblable.
Ob 16, 19-21.J
Le psawne répond à ces attaques par une
imprécation qui menace, à leur tour, les reins Les reins peuvent frissonner d'horreur.
des adversaires du juste : C'est ce qui arrive aux habitants de Ninive
assaillis :
Que leurs yeux s'enténèbrent pour ne plus voir,
fais qu'à tout instant les reins leur manquent ! Le cœur se fond, les genoux fléchissent,
[Ps 69, 24.] le frisson est dans tous les reins,
tous les visages perdent leur couleur. [Na 2, 11.]
Toujours dans ce contexte de persécution;
les reins sont dits transpercés. L'aigreur, la Les reins frémissent de colère ; tels ceux
douleur provoquent une stupeur de l'âme : de Mattathias qui voit un Juif s'avancer,
contraint par l'ordre du roi païen, pour offtir
Alors que s'aigrissait mon cœur
un sacrifice idolâtrique:« À cette vue, le zèle
et que j'avais les reins percés,
de Mattathias s'enflamma et ses reins frémi-
moi, stupide, je ne comprenais pas,
rent. Pris d'une juste colère, il courut et
j'étais une brute près de toi. [Ps 73, 21-22.]
l'égorgea sur l'autel»(! M 2, 24).
Job emploie la même expression mais se Mais les reins peuvent aussi frémir de
demande si cette transfixion n'est pas voulue joie, exulter :
par Dieu. Passant du pluriel (les méchants)
Mon fils, si ton cœur est sage,
au singulier (il),Job s'écrie: mon cœur à moi se réjouira
Il a fait de moi sa cible : et mes reins exulteront. [Pr 23, 15-16.]
il me cerne de ses traits, En disant que Dieu scrute les cœurs et« les
transperce mes reins sans pitié
reins », la Bible entend affirmer l' om-
et répand à terre mon fiel. Ob 16, 12-13.]
niscience divine qui atteint non seulement ce
Cette manière de poser la question de que l'homme croit pouvoir garder secret,

260
LE CŒUR, LE CORPS

mais aussi ce qui demeure pour lui incons- L'hébreu dit à peu près « il bâtit cette
cient. côte en femme » et cette opération ressem-
Dieu a suivi le développement del' embryon. ble à celle d'un charpentier de la marine
L'importance donnée ici aux« reins» n'est prenant pour gabarit la côte (la pièce de
pas sans réalité physiologique, l'ébauche de membrure) d'un autre navire.
colonne vertébrale, axe de tout le dévelop- Pour signifier son lien de parenté avec
pement est bien le premier stade de cette Jacob, Laban s'écrie : « Tu es sûrement de
formation: mes os et de ma chair.» (Gn 29, 14.)
L'expression deviendra courante Gg 9, 2;
C'est toi qui m'as formé les reins,
2 S 5, 1; 19, 13-14).
qui m'as tissé au ventre de ma mère.
[Ps 139, 13.J Le livre de Job, qui parle souvent des os,
a bien compris que l'état de la moelle signi-
La science du Créateur dote le Seigneur fiait l'âge d'un individu :
d'une parfaite clairvoyance dans l'ordre
Ses os étaient pleins d'une· vigueur juvénile. [. .. ]
moral:
Tel meurt encore en pleine vigueur, [. ..]
Toi qui sondes les cœurs et les reins, la moelle de ses os est toute humide.
ô Dieu juste! [Ps 7, 10.] Ob 20, 11; 21, 23-24.J
Le cœur de l'homme est rusé plus que tout, Les os cachés dans le secret des tissus
et pervers, qui peut y pénétrer ? organiques symbolisent le fond secret de la
Moi, le SEIGNEUR, je scrute le cœur, je sonde les conscience individuelle. La subtilité péné-
reins, trante de l'eau et plus encore de l'huile,
pour rendre à chacun d'après sa conduite. révèle la perméabilité de ce domaine intime.
(Jr 17, 9-10.J Rien de plus insidieux que la méchanceté :
La formule court tout au long de la Bible : Il revêtait la malédiction comme un manteau
« Les Églises sauront que c'est moi qui elle entre au fond de lui comme de l'eau
sonde les reins et les ca,urs » (Ap 2, 23). et comme de l'huile dans ses os. [Ps 109, 18; voir
aussi Ps 139, 15.]

Les os et la moelle. Dans les os se trouve une sensibilité


particulière qui agit sur l'état psychologique
Déplorant la solitude de l'homme, Dieu de l'individu :
décide de lui accorder une aide qui soit aussi Un frisson m'épouvante et me saisit
pour lui une compagne. et remplit tous mes os d'effroi. (Jb 4, 14.]
Le SEIGNEUR Dieu fit tomber dans une torpeur Le feu entre dans les os de l'homme. C'est
l'homme qui s'endormit; il prit-une de ses côtes d'abord une sorte de fièvre. Dans sa dé-
et referma ses chairs à sa place. Le SEIGNEUR tresse, Job se sent brûlé de l'extérieur
Dieu transforma la côte qu'il avait prise à comme de l'intérieur :
l'homme en une femme qu'il lui amena.
L'homme s'écria : « Void cette fois l'os de mes Ma peau sur moi s'est noircie
os et la chair de ma chair.» [Gn 2, 21-23.] mes os sont brûlés par la fièvre. (Jb 30, 30.]

261
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Les Psaumes décrivent ainsi l'angoisse du Pour Ben Sirach, par contre,«_ un coup.-de.
malheur: langue brise les os» (Si 28, 17).
Je me taisais et mes os se consumaient, [ ... ]
Mais le psalmiste ouvre une grande pers 0

mon cœur était changé en chaume pective d'espérance : « les os», le fond de
au plein feu de l'été. [Ps 32, 3-4.] l'être humain, peut éprouver la joie la plus
grande. Après l'épreuve du châtiment et
Car mes jours s'en_ vont en fumée l'humiliation de la pénitence volontaire, les
nies os brûlent comme un brasier. [Ps 102, 4.]
os reprennent vie :
Vous tous qui passez par le chemin,
regardez et voyez Rends-moi le son de la joie et de la fête,
s'il est une douleur pareille qu'ils dansent les os que tu broyas ! [Ps 51, 10.]
à- 1a doule_ur qui me tourmente,
dont le SEIGNEUR m'"a affligée
au jour de sa brûlante colère. Les ossements reprendront vie.
D'en haut il a envoyé un feu
qu'il a fait descendre dans mes os. Les Hébreux n'ont pas pratiqué l'inciné-
[Lm 1, 12-13 .] ration des corps. Brûler vif un coupable était
Mais le feu qui brûle « dans les os » peut une peine réservée à des cas graves (Gn 38,
être d'un tout autre ordre : la Parole de Dieu 24; Lv 20, 14; Lv 21, 9). Les corps étaient
a envahi le prophète : inhumés ou enterrés dans des grottes, sépul-
tures collectives appartenant à une famille ou
Je me disais ; je ne penserai plus à lui, à un clan. Dans les os des défunts demeurait
je ne parlerai plus en son Nom ;
une certaine présence : Joseph veut, lui
mais c'était en mon cœur
aussi, faire partie après sa mort du grand
corrime un feu dévorant
enfermé dans mes os,
voyage de !'Exode :
je m'épuisais à le contenir, Joseph fit prêter ce scnnent aux ftls d'Israël :
mais je n'ai pas pu. Ur 20, 9.] « quand Dieu vous visitera, vous emporterez
d'ici mes ossements» [Gn 50, 25].
Pour dire que le malheur atteint le fond
de l'être de celui qui est éprouvé, les Psau- Moïse emportera ces ossements (Ex 13,
mes disent que les os sont « bouleversés » 19) qui seront ensevelis en Terre promise à
(Ps 6, 3 ), «disloqués» et« rongés» (Ps 22, Sichem (Jos 24, 32) et Ben Sirach de
15 et 18). « Plus rien de sain dans mes os conclure:
après ma faute» (Ps 38, 4).
Les Proverbes assurent que« l'envie est la On ne vit jamais naître un homme
carie des os » et qu' << un esprit déprimé comme Joseph,
dessèche les os» (Pr 14, 30; 17, 22). La chef de ses frères, soutien de son peuple ;
langue patiente adoucit la rigueur et détruit ses os furent visités. [Si 49, 15.]
les obstacles : Le terme de visite fait allusion sans doute
Par la patience, un juge se laisse fléchir au grand respect témoigné par le peuple aux
la langue douce broie les os. [Pr 25, 15 .] ossements de leur patriarche. Que sa tombe

262
LE CCEUR, LE CORPS

ait pu_ devenir un lieu de vénération durable Un texte de Jérémie apporte la contre-
n'est pas exclu. preuve de l'existence de ce sentiment : 1a
profanation des sépultures est le comble du
Quant aux douze prophètes, désastre de la défaite :
que leurs os refleurissent dans la tombe,
car ils ont consolé Jacob, En ce temps-là - oracle du SEIGNEUR - on tirera
ils l'ont racheté dans la foi et l'espérance. de leurs tombes les ossements des rois de Juda,
[Si 49, 10.] les ossements de ses princes, les ossements de ses
prêtres, les ossements des prophètes et les osse-
Il demeure dans les ossements des saints ments des habitants de Jérusalem. On les étalera
personnages un pouvoir mystérieux qui devant le soleil, la lune et toute l'armée du del,
laisse entrevoir une perspective de résurrec- qu'ils ont aimés et servis, suivis et consultés et
tion: devant qui ils se sont prostern_és. Ils ne seront ni
recueillis, ni enterrés ; ils resteront sur le sol en
Élisée mourut et on l'enterra. Des bandes de guise de fumier. Ur 8, 1-2.l
Moabites faisaient incursion dans le pays chaque
année. Il arriva que des gens qui portaient un Les idolâtres connaissent donc une
homme en terre virent la bande; ils jetèrent deuxième mort, radicale, déshonorante. Cela
l'homme dans. la tombe d'Élisée et partirent. laisse entendre que dans les os religieuse-
L'homme toucha les ossements d'Élisée : il
ment ensevelis, la croyance juive entrevoyait
reprit vie et se dressa sur ses pieds.
déjà matière à survie, sinon à résurrection.
[2 R 13, 20-21.J
La grande fresque des ossements dessé-
Quand Josias, le roi réformateur, procède chés puis vivifiés, dépeinte par Ézéchiel
au -nettoyage spirituel de son royaume, il use (Ez 37, 1-14), est certes une allégorie. Mais
d'un moyen radical. Pour mettre hors une allégorie ne peut que s'appuyer sur une
d'usage les lieux de culte idolâtrique, il les réalité. La certitude que dans les os demeu-
pollue avec des ossements humains qu'il rait une latence de vie ou le matériau d'une
brûle sur les autels païens. En effet, le reviviscence est la base de l'enseignement
contact avec des restes humains rendait imagé de ce texte. On pourrait la formuler
hommes et choses impurs. ainsi : de même que dans les restes humains
Josias s'arrête devant un monument funé- demeure une disponibilité à la vie, de même
rair_e et, apprenant que c'est un tombeau de dans le reste du peuple d'Israël, sélectionné
prophète, il ordonne : « Que personne ne et éprouvé par le Seigneur, demeure une
touche à ces ossements ! On épargna les capacité à recevoir !'Esprit vivifiant, créateur
ossements du prophète qui était venu de d'un peuple rénové :
Samarie» (2 R 23, 18).
Ainsi parle le Maître et SEIGNEUR à ces osse-
Ce respect des os laisse transparaître, en
ments. Void que je vaiS faire entrer en vous
filigrane, l'espérance d'une vie par delà la l'esprit et vous vivrez. Je mettrai sur vous des
mort : les ossements semblent conserver un nerfs, je ferai pousser sur vous de la chair, je
pouvoir latent, une force de vie qui, sans être tendrai sur vous de la peau, je vous donnerai un
clairement formulée, est vécue dans les rites esprit et vous vivrez et vous saurez que je suis le
et certaines conventions sociales. SEIGNEUR. [Ez 37, 5-6.]

263
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Dans cette perspective, les os doivent être rent divers par leur nature et leurs fonctions,
respectés. Ils ne doivent surtout pas être mais cette diversité est une richesse. Les
brisés. différences pourraient créer des schismes si
Dans le rituel primitif de la Pâque, on !'Esprit de Dieu n'assurait la cohésion de ce
remarque l'injonction concernant la victime: nouveau peuple.
« Ses os, vous ne les briserez pas » (Ex 12,
De même, en effet, que le corps est un, tout en
46; Nb 9, 12). ayant plusieurs membres, et que tous les mem-
L'application de cet ordre aux membres bres du corps, en dépit de leur pluralité, ne
du Christ déjà mort s'éclaire par le psaume: forment qu'un corps, ainsi en est-il du Christ.
Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous
Le SEIGNEUR est près des cœurs brisés,
avons été baptisés en un seul corps, Juifs ou
il sauve les esprits abattus.
Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous
Le Juste a beauéoup de malheurs,
avons été abreuvés d'un setÙ Esprit.
chaque fois le SEIGNEUR le délivre.
[1 Co 12, 12-13.J
Il veille sur ses os,
pas un seul n'est brisé. [Ps 34, 19-21.] Paul montre ensuite l'interdépendance
organique de tous les membres :
Ceci entraîne cela : le cœur brisé du juste
lui épargne d'avoir les os brisés. Dieu L'œil ne peut donc dire à la main : <<Je n'ai pas
n'épargne pas la souffrance de son fidèle, besoin de toi», ni la tête à son tour dire aux
mais il conserve en lui ce que la Bible nomme pieds: «Je n'ai pas besoin de vous.»
les os, en lesquels on peut voir le fond de [1 Co 12, 21.]
l'être qui peut devenir un terrain de résur- Les membres du corps humain sont dits
rection. plus ou moins honorables, mais leur union
Les soldats [qui gardaient les crucifiés] vinrent vitale est bien réelle.
donc et brisèrent les jambes du premier et du Un membre souffre-t-il? Tous les membres
second qui avaient été crucifiés avec lui. Arrivés souffrent avec lui, Un membre est-il à l'hon-
à Jésus, ils constatèrent qu'il était déjà mort et ne neur ? Tous les membres se réjouissent avec lui
lui brisèrent pas les jambes. [ .. .] Tout cela est [l Co 12, 26].
arrivé pour que s'accomplisse !'Écriture: Pas un
de ses os ne sera brisé. [Jn 19, 32-33 et 36.] La diversité fonctiormelle des membres de
ce corps est évidente :
Vous êtes, vous, le Corps du Christ, et
Le corps du Christ et le corps de l'Église. membres chacun 1;our sa part. Et ceux que Dieu
a établis dans l'Eglise sont premièrement les
L'unité organique du corps humain per- apôtres, deuxièmement les prophètes, troisiè-
met à Paul de révéler la plénitude du mys- mement les docteurs. Puis, il y a les miracles,
tère du Christ. Jésus et son Église forment puis les dons de guérison, d'assistance, de gou-
vernement, les diversités des langues.
un tout. L'apôtre se sert de la comparaison
[1 Co 12, 27-28.]
du corps pour montrer que le Christ est bien
le principe de cohérence des différents Les épîtres aux Éphésiens et aux Colos-
membres de l'Église. Ces membres demeu- siens se complètent mutuellement pour

264
LE CCEUR, LE CORPS

approfondir la connaissance de ce mystère. pour créer en sa personne les deux en un seul


Le Christ est identifié au Verbe éternel, tête Homme Nouveau, faire la paix, et les réconcilier
de la création tout entière, parce qu'il est uni avec Dieu, tous deux en un seul Corps, par la
au Père dès l'origine. Mais ce Verbe, par son Croix : en sa personne il a tué la Haine.
[Ep 2, 14-16.]
Incarnation et sa manifestation en Jésus, est
aussi la tête de l'Église. Paul reprend le thème du Corps mystique
Il [le Christ] est l'image du Dieu iuvisible, du Christ, au moment où il donne aux
Premier-né de toute créature, Éphésiens le principe essentiel de la morale
car c'est en lui qu'ont été créées toutes choses. conjugale.
[ ... ]
Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte
Tout a été créé par lui et pour lui.
du Christ. Que les femmes le soient à leurs maris
Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui.
comme au Seigneur : en effet, l'homme est chef
Et il est aussi la Tête du Corps, c'est-à-dire de
de sa femme comme le Christ est chef de l'Église,
l'Église. [Col 1, 15-18.]
lui le sauveur du Corps ; or l'Église se soumet au
Paul déclare la suprématie du Christ sur Christ ; les femmes doivent donc, et de la même
le monde des anges et des créatures invisi- manière, se soumettre en tout à leurs maris.
bles. Il cite alors le psaume 8, à l'appui de [Ep 5, 21-24.]
cette prééminence. Paul fait ensuite allusion au bain de
Dieu a tout mis sous ses pieds, et l'a constitué au purification de la fiancée. Il y voit une image
sommet de tout, Tête pour l'Église, laquelle est du baptême. Partant de là, il met en paral-
son Corps, la Plénitude de Celui qui remplit, lèle, d'une manière tout à fait surprenante,
tout en tout [Ep 1, 22-23]. l'union de l'homme et de la femme, et
De même que l'harmonie des fonctions l'union du Christ avec son Église.
corporelles manifeste la santé du corps phy- Maris, aimez vos femmes comme le Christ a
sigue, de même la paix entre les membres de aimé l'Église : il s'est livré pour elle, afiu de la
l'Eglise révèle son unité proprement divine. sanctifier en la purifiant par le bain d'eau
qu'une parole accompagne; car il voulait se la
Que la paix du Christ règne dans vos cœurs : tel
présenter à lui-même toute resplendissante,
est bien le terme de l'appel qui vous a rassemblés
sans tache ni ride, ni rien de tel, mais sainte et
en un même Corps! [Col 3, 15].
immaculée. De la même façon, les maris doivent
Paul espère même la réconciliation des aimer leurs femmes comme leur propre corps.
juifs et des païens, entre eux et avec Dieu. Aimer sa femme c'est s'aimer soi-même. Car mù
Seul le Christ est, pour lui, capable de ce n'a jamais haï sa propre chair; on la nourrit au
miracle. contraire et on en prend bien soin. C est juste-
ment ce que le Christ fait pour l'Église : ne
Car c'est lui qui est notre paix, qui de deux sommes-nous pas les membres de son Corps ?
peuples n'en a fait qu'un, détruisant la barrière [. . .] Ce mystère est de grande portée.., je veux
qui les séparait, supprimant en sa chair la haine, dire qu'il s'applique au Christ et à l'Eglise.
cette Loi des préceptes avec ses ordonnances, [Ep 5, 25-32.]

265
LE TRAVAIL DES HOMMES
Le potier, le vase, l'argile. La Bible évoque les divers métiers de
l'homme. Elle ne se contente pas de les
Les hommes du bâtiment. décrire, elle les utilise comme des symboles
qui possèdent une portée spirituelle. L'acte
La pierre. de l'artisan, les conditions de son travail et
le résultat de son effort deviennent ainsi des
Le travail du bois. images hautement significatives.
La liste des métiers évoqués ici n'est pas
La gravure. exhaustive, mais elle donne l'essentiel de
cette poétique, inspirée par le labeur au
Le sceau. quotidien.
La symbolique de l'agriculture est traitée
Le tissage et le voile. dans le chapitre « La terre» (p. 91 s.).

Dieu est le créateur du monde. Le verbe


hébreu bara désigne bien certe activité pro-
LE POTIER, LE VASE, L'ARGILE
prement divine. On dit aussi qu'il fait, et
l'on parlera alors du ma'aseh, du travail de
Dieu. Ce terme très concret signifie les tra-
Le thème du potier est d'une richesse
vaux des hommes qui vont ainsi devenir les
exceptionnelle pour signifier différents as-
symboles de la création. Dieu modèle
pects de la relation de la créature à son
l'homme à partir de la glaise (Gn 2, 7), il
Créateur.
fabrique le ciel et fixe, de ses propres doigts,
Le Siracide décrit ainsi le travail de I' arti-
la lune et les étoiles (Ps 8, 4). L'œuvre
san:
initiale du Seigneur se prolonge dans le
labeur de l'homme qui « sort pour son Le potier assis à son travail,
ouvrage, pour faire son travail jusqu'au de ses pieds faisant aller le tour,
soir » (Ps 104, 23). Il est dit que le travail sans cesse préoccupé de son ouvrage,
des champs a été créé par Dieu (Si 7, 15). tous ses gestes sont comptés ;

269
LES SYMBOLES BIBLIQUES

de son bras il pétrit l'argile, et un pot à son potier : « Il ne sait pas travail-
de ses pieds il la contraint ; ler»? [Is 29, 16; voir aussi Is 45, 9.]
il met son cœur à bien appliquer le vernis,
et pendant ses veilles il nettoie le foyer. Une des pires formes de la rébellion
[Si 38, 29-30.J contre Dieu est le culte des idoles. Le potier
est capable de créer ces images' perverses.
SEIGNEUR, tu es notre père.
On décrit tout d'abord l'usage qu'il fait de
Nous sommes l'argile, tu es notre potier;
nous sommes tous l'ouvrage de tes mains.
son talent :
[Is 64, 7.J Puis - peine bien mal employée -
Comme l'argile dans les mains du potier, de la même argile
qui la façonne selon son bon plaisir, il modèle une divinité vaine,
ainsi les hommes dans la main de leur Créateur. lui qui, depuis peu né sur la terre,
[Si 33, 13.] retournera sous peu à la terre dont il fut pris,
quand on lui redemandera l'âme
Le sage Élihu dit à Job : qui lui a été prêtée. [... ]
Il rivalise avec les orfèvres
Vois, je suis ton égal, non un dieu,
et les fondeurs d'argent,
comme toi d_' argile je suis pétri.
il imite ceux qui coulent le bronze,
C'est l'esprit de Dieu_ qui m'a fait,
il met sa gloire à modeler le faux.
le souffle de Shaddaï qui m'anima.
Cendres, que son cœur !
Ob 33, 6 et 4.l Plus vil que la terre son espoir !
Mais cette terre cuite est fragile. Plus misérable que l'argile sa vie! [Sg 15, 8-10.J
Un mortel est-il juste devant Dieu? [ ... ] Israël révolté va être brisé :
Que dire des hôtes de ces maisons d'argile,
Il [Dieu] va le briser comme on brise une jarre
posées elles-mêmes dans la poussière?
de potier,
On les écrase comme une mite ;
mise en pièces sans pitié,
un jour suffit à les pulvériser. Ub 4, 17 et 19-20.] et 1' on ne retrouvera pas dans ses débris
Pour Paul, la richesse des dons de Dieu, un tesson pour racler le feu du foyer
dotation éblouissante, ne doit pas pousser ou pour puiser l'eau d'un bassin. [ls 30, 14.]
l'homme vers l'orgueil. Il n'est qu'un réci- Jérémie doit accomplir, sur l'ordre de
pient fragile : c'est sur un fond de faiblesse Dieu, un geste prophétique saisissant :
que resplendit la puissance de la grâce
divine : « Ce trésor nous le portons dans des Tu briseras cette cruche sous les yeux des gens
vases d'argile, pour que cet excès de puis- qui t'auront accompagné et tu leur diras : Ainsi
sance soit de Dieu et ne vienne pas de parle le SEIGNEUR Sabaot : je vais briser ce peuple
et cette ville comme on brise un vase de potier,
nous» (2 Co 4, 7).
qui ne peut plus être réparé. Ur 19, 10.]
Mais l'homme fragile est capable de se
rebeller : Et le cri des Lamentations confirme Ii exé-
Le potier ressemble-t-il à l'argile cution de cette menace :
pour qu'une œuvre ose dire à celui qui l'a faite: Les fils de Sion, précieux autant que l'or fin,
« Il ne m'a pas faite», quoi! ils sont comptés pour des vases d'argile,

270
LE TRAVAIL DES HOMMES

œuvre des mains d'un potier ! [Lm 4, 2 ; voir fester sa colère et faire connaître sa puissance, a
aussi Ps 2, 9; Jr 48, 38; Ap 2, 27.] supporté avec beaucoup de longanimité des
vases de colère devenus dignes de perdition,
Les potiers foulaient au pied l'argile qu'ils dans le dessein de manifester la richesse de sa
voulaient ameublir. Cet acte devient l'image gloire envers des vases de miséricorde qu'il a
du jugement divin. d'avar:i.ce préparés pour la gloire, envers nous
qu'il a appelés· non seulement d'entre les Juifs
Il piétine les gouverneurs comme de la boue,
mais encore d'entre les païens. Œm 9, 20-24.]
comme un potier pétrit l'argile. [ls 41, 25.]
Le thème de la brisure des vases et de leur
Mais le Dieu-potier qui peut briser les
restauration rejoint celui del' endurcissement
vases que sont les humains révoltés peut
du cœur. Dieu, dit la Bible, endurcit le cœur
allssi les restaurer) non pas les réparer, mais
de l'homme qui se fige dans sa position de
les recréer. Le thème du potier révèle alors
la toute-puissance de la miséricorde.
pécheur (voir par exemple Jn 12, 40 et
Rm 9, 18). L'esprit raidi, le cœur de pierre
Parole qui fut adressée à Jérémie par le SEIGNEUR doivent être brisés pour être restaurés· par
en ces termes : « Debout ! Descends chez le l'Esptit de Dieu qui peut radicalement re-
potier et là, je te ferai entendre mes paroles.» Je nouveler la créature pécheresse : c'est tout le
descendis chez le potier et voici qu'il travaillait
sens du psaume 51, le Miserere.
au tour. Mais le vase qu'il fabriquait fut manqué,
comme cela arrive à l'argile dans la main du
potier. Il recommença et fit un autre vase, ainsi
qu'il paraissait bon au potier. Alors la parole du
SEIGNEUR me fut adressée en ces termes : « Ne LES HOMMES DU BÂTIMENT
suis-je pas capable d'agir envers vous comme ce
potier, maison d'Israël? - oracle du SEIGNEUR.
Oui, commel1argile dans la main du potier, ainsi Le travail de l'architecte, des corps de
êtes-vous dans ma main, maison d'Israël ! Tantôt métiers spécialisés et des simples ouvriers a
je parle, à propos d'une nation ou d'un royaume, reçu, dans la Bible, une signification symbo-
d'arracher, de renverser et d'exterminer; mais si lique très riche.
cette nation, contre laquelle j'ai parlé, se conver-
Il ne faut cependant pas oublier le Maître
tit de sa méchanceté, alors je me repens du mal
de l'ouvrage, celui qui commandite la
que j'avais résolu de lui infliger.» [Jr 18, 1-8.]
construction. Entre Dieu et David s'établit
Le beau texte de Paul sur les « vases de un contrat réciproque. David bâtira une
miséricorde » reprend les textes d 1Isaïe pré- maison de cèdre pour le Seigneur et Dieu
cités (Is 29, 16; 45, 9), mais il se réfère aussi bâtira une maison, une succession dynasti-
au livre de la Sagesse (Sg 12, 12; 15, 7). que pour David.
Dieu dit : « Pourquoi ne me bâtissez-vous
0 homme l vraiment, qui es-tu pour disputer
avec Dieu? L'œuvre va-t-elle dire à celui qui l'a
pas une maison?» (2 S 7, 7).
modelée : Pourquoi m'as-tu faite ainsi? Le En fait, David décidera la construction et
potier n'est-il pas maître de son argile pour c'est son fils Salomon qui la réalisera. « C'est
fabriquer de la même pâte un vase de luxe et un lui qui construira une maison pour mon
vase ordinaire ? Eh bien ! si Dieu, voulant marri- Nom» (2 S 7, 13).

271
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Dieu s'engage à garantir la Maison de doit rechercher ce qui est approprié à l'ornemen-
David : « Ta maison et ta royauté subsiste- tation. [2 M 2, 29.]
ront à jamais devant moi» (2 S 7, 16).
La qualité d'une maison neuve dépend,
Et, dans sa prière, David s'exclame : radicalement, de_ ses fondations. Deux très
« C'est toi, SEIGNEUR Sabaot, Dieu d'Israël,
beaux textes prophétiques s'en prennent
qui as fait cette révélation à ton serviteur : je aux constructions basées sur l'injustice.
te bâtirai une maison» (2 S 7, 27).
Ici Jérémie s'en prend au roi Yoyaqûn,
Ce contrat va donner à la ville de Jérusa- qui représente à ses yeux la religion· qui
lem une valeur très particulière. Le Temple
n'engage pas la conduite de l'homme :
et la cité sont unis par ce contrat divin d'une
manière parfaitement organique. Les pèle- Malheur à qui bâtit sa maison au mépris de la
rins qui montent vers Jérusalem perçoivent justice
cette unité divine : et ses chambres hautes au mépris du dfoit,
qui fait travailler les autres pour rien
Enfin mes pieds s'arrêtent dans tes portes Jérusa- et ne leur verse pas de salaire,
lem. qui se dit : «Je vais me bâtir un palais spacieux
Jérusalem bâtie comme une ville avec de vastes étages»,
où tout ensemble fait corps. [Ps 122, 2-3.] qui y perce des ouvertures, le recouvre de cèdre
et le laque de vermillon.
Dieu aime sa ville sainte parce qu'il l'a Régneras-tu vraiment par la passion du cèdre?
fondée: Ur 22, 13-15.J
Sa fondation sur les montagnes saintes
Et Habaquq:
le SEIGNEUR la chérit,
préférant les portes de Sion Malheur à qui commet pour sa maison
à toute demeure de Jacob. [Ps 87, l.] des rapines injustes
afin d'établir bien haut son repaire,
Contemple Sion cité de nos fêtes,
afin d'esquiver l'étreinte du malheur !
que tes yeux voient Jérusalem,
C'est la honte de ta maison que tu as résolue :
résidence sûre, tente qu'on ne déplacera pas, en abattant de nombreux peuples, tu as travaillé
dont on n'arrachera jamais les piquets, contre toi.
dont les cordes ne seront jamais rompues. Car des murailles mêmes la pierre crie,
[Is 33, 20.] de la charpente la poutre lui répond.
Dieu est bien le maître d' œuvre de cette Malheur à qui bâtit une ville dans le sang
ville, comme il est le seul gardien fiable de et fonde une cité sur l'injustice. [Ha 2, 9-12.]
toute entreprise humaine : Tout autre est la maison de la Sagesse :
Si le SEIGNEUR ne bâtit la maison, elle offre table ouverte à ceux qui la recher-
en vain peinent les bâtisseurs. [Ps 127, l.] chent et à ceux qui l'ignorent.

L'architecte est rhomme de la structure : La Sagesse a bâti sa maison,


elle a taillé ses sept colonnes,
L'architecte d'une m·aison neuve doit s'occuper elle a abattu ses bêtes, préparé son vin,
de toute la structure, tandis que celui qui se elle a aussi dressé sa table.
charge de la décorer de peintures à l'encaustique Elle a dépêché ses servantes

272
LE TRAVAIL DES HOMMES

et proclamé sur les buttes, en haut de la cité : Paul utilise souvent l'image de la cons-
« Qui est simple ? Qu'il passe par ici ! » truction pour évoquer son travail apostoli-
À l'homme insensé, elle dit : que. Au cours de ses adieux aux anciens
« Venez, mangez de mon pain ! d'Éphèse, il déclare :
Buvez du vin que je vous ai préparé !
Quittez la niaiserie et vous vivrez, Et à présent) je vous confie à Dieu et à la parole
marchez droit dans la voie de l'intelligence». de sa grâce, qui a le pouvoir de bâtir l'édifice et
[Pr 9, 1-6.l de procurer l'héritage parmi tous les sanctifiés.
Jésus reprend le thème de Jérémie, la [Ac 20, 32.l
nécessité d'une pratique qui permet à la
parole de Dieu de s'enraciner dans les pro- Paul, poussé par !'Esprit de Dieu, s'est
fondeurs du cœur_ L'image du bâtisseur est consacré à l'évangélisation des païens.
ici éloquente :
Tenant de la sorte à honneur de limiter cet
Quiconque vient à moi écoute mes paroles et les apostolat aux régions où l'on n'avait pas invoqué
met en pratique. Je vais vous montrer à qui il est le nom du Christ, pour ne point bâtir sur_ des
comparable. Il est comparable à un homme qui, fondations posées par autrui. [Rm 15, 20:J
bàtissant une maison, a creusé, creusé profond et
posé les fondations sur le roc. La crue survenant, C'est toutefois au profit des Corinthiens
le torrent s'est rué sùr cette maison mais n'a pas
que Paul va donner toute sa dimension à la
pu l'ébranler, parce qu'elle était bien bâtie. Mais
métaphore de la construction.
celui qui, au contraire, a écouté et n'a pas mis en
pratique est comparable ià un homme qui aurait
bâti sa maison à même le sol, sans fondations. Le Selon la grâce de Dieu qui m'a été accordée, tel
torrent s'est rué sur elle, et aussitôt elle s'est un bon architecte, j'ai posé le fondement. Un
écroulée : et le désastre survenu à cette maison autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne
a été grand. [Le 6, 47-49.] garde à la manière dont il y bâtit. De fondement,
en effet, nul n'en peut poser d'autre que celui qui
Les grandes foules qui suivent Jésus sem- s'y trouve, c'est-à-dire Jésus Christ. Que si sur ce
blent portées par un vif enthousiasme. Le fondement on bâtit avec de l'or, de l'argent, des
Christ se retourne pour les avertir. Le prix pierres précieuses, du bois, du foin, de la paille,
à payer est élevé : c'est un total renoncement l' œuvre de chacun deviendra manifeste : le Jour,
qui demande une profonde réflexion. La en effet, le fera connaître, car il doit se révéler
parabole de la construction de la tour est dans le feu, et c'est ce feu qui éprouvera la
qualité del' œuvre de chacun. Sil' œuvre bâtie sur
éloquente:
le fondement subsiste, l'ouvrier recevra une
Lequel d'entre vous, quand il veut bâtir une tour récompense ; si son œuvre est consumée, il en
ne commence par s'asseoir pour calculer la subira la perte; quant à lui, il sera sauvé, mais
dépense et juger s'il a le droit d'aller jusqu'au comme à travers le feu.
bout? Autrement, s'il pose les fondations sans Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de
pouvoir terminer, tous ceux qui le verront se Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? Si
niettront à se moquer de lui et diront :-Voilà un quelqu'un détruit le temple de Dieu, celui-là,
homme qui a commencé à bâtir et qui n'a pas pu Dieu le détruira. Car le temple de Dieu est sacré,
terminer! [Le 14, 28-30.] et ce temple, c'est vous. [1 Co 3, 10-16.]

273
LES SYMBOLES BIBLIQUES

LAPIERRE Pour Zacharie, la pierre qui est donnée au


grand prêtre Josué désigne peut-être une
pierre précieuse fixée au vêtement sacerdo-
C'est le matériau riche, durable, qui -peut tal. Les sept yeux sont alors les sept lettres
être ornementé. Les prophètes en ont fait hébraïques qui signifient « consacré au Sei-
un symbole de grande portée : le thème sera gneur» et suggèrent la vigilance du Sei-
repris dans le Nouveau Testament. gneur, protecteur du sacerdoce et du peuple.
La pierre dont parle Isaïe, dans le pas- La pierre peut être aussi la pierre d'angle qui
sage suivant, est un granit égyptien, résis- est le principe du temple nouveau et le
tant « à toute épreuve». Sa compacité repère de toutes ses mesures.
faisait d'elle, sans doute, le matériau des
Voici la pierre que je remets à Josué,
linteaux et des architraves qui fonctionnent
sept yeux surmontent cette pierre unique.
comme des poutres. Elle pouvait devenir Moi-même je vais graver son inscription.
aussi la pierre angulaire ou de fondation, [Za 3, 9.]
gravée d'une înscription et défiant ainsi le
temps. Dans les paroles pom Zorobabel, le gou-
verneur de Jérusalem, Zacharie semble par-
Voici que je pose en Sion une pierre à toute
ler de deux pierres : la première est le rocher
épreuve,
une pierre angulaire, précieuse,
de l'aire du temple, dégagée de ses décom-
établie pour servir de fondation. bres : « Il a dégagé la pierre principale aux
Celui qui s'y appuie ne sera pas pris de court. cris de: Bravo, bravo pour elle! » (Za 4 ,7).
Et je prendrai le droit comme cordeau La seconde pierre, qui peut être tenue à
et la justice comme niveau. [Is 28, 16-17 .] la main est bien cette pierre de fondation
chantée par Isaïe (Is 28, 16). « Qu'on se
L1 allusion· aux instruments de mesures réjouisse en voyant la pierre choisie dans la
suggère peut-être une autre fonction de la main de Zorobabel» (Za 4, 10).
pierre d'angle : elle est le point de repère de
l'implantation de l'édifice, l'origine des« li-
r
Le thème de erreur des maçons a connu,
dans un psaume et dans le Nouveau Testa-
gnes de foi » qui deviennent les directrices ment, un développement important.
du chantier. (Voir Za 2, 5 où un ange fait
lui-même cette opération.) La pierre que les maçons ont rejetée
Jérémie avertit Babylone : cette nation a est devenue la pierre angulaire.
pu, un temps, servir de masse, d'instrument Cela vient du SEIGNEUR,
de destruction dans les mains de Dieu, mais c'est une merveille à nos yeux.
la voici maintenant, à son tour, écrasée par [Ps 1!8, 22-23.]
la fureur divine : elle n'est plus qu'un tas de Jésus, se sentant rejeté des grands prêtres
cailloux. et des Pharisiens, leur citera ce verset en le
On n'extraira plus de toi ni pierre d'angle, commentant de la sorte : «Je vous le dis : le
ni pierre de fondation. Royawne de Dieu vous sera retiré pour être
Tu vas devenir un lieu à jamais désolé. confié à un peuple qui lui fera produire ses
(Jr 51, 26.] fruits» (Mt 21, 42-43).

274
LE TRAVAIL DES HOMMES

Cette citation conclut le récit des vigne- Je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui
rons hdmicides en Matthieu, Marc et Luc. descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s'est faite
Ce dernier dit encore : « Quiconque tom- belle comme une jeune mariée parée pour son
bera sur cette pierre sera brisé ; et celui sur époux. [Ap 21, 2.]
qui elle tombera, sera réduit en miettes » La pierre est transfigurée: « Elle resplen-
(Le 20, 18). dit telle une pierre très précieuse, comme
Le verset du psaume 118 est encore cité une pierre de jaspe cristallin» (Ap 21, 11).
par Pierre au cours de son discours devant Pour la symbolique des pierres précieuses,
le Sanhédrin (Ac 4, 11). La première épître voir p. 30 s.
du même apôtre cite à la fois Is 28, 16 et le
psaume précité. Pierre· recourt, de plus, à
Isaïe qui évoque cette fois la pierre de
scandale, le roc qui fait tomber. L'édifice
dont il s'agit ici est une maison spirituelle, LE TRAVAIL DU BOIS
une communauté sacerdotale, missionnaire.
Chaque membre de cette Église est une
pierre vivante. Au livre de Josué, les« fendeurs de bois»
sont traités comme les porteurs d'eau : leur
C'est en vous approchant de lui, pierre vivante, métier les classe à Wl rang inférieur, proche
rejetée par les hommes mais choisie et précieuse del' esclavage. Une telle servitude punira les
devant Dieu Gabaonites trompeurs (Jos 9, 19-27).
que, vous aussi, comme des pierres vivantes, Le bûcheron, par contre, est un véritable
vous êtes édifiés en maison spirituelle ouvrier. Il existe une juridiction pour les
pour constituer une sainte communauté sacerdo- accidents de sa profession (Dt 19, 5). D'au-
tale, tre part, les arbres fruitiers eux aussi sont
pour offrir des sacrifices spirituels, protégés (Dt 20, 19).
agréables à Dieu par Jésus Christ. [1 P 2, 4-5.] Les charpentiers, les menuisiers et les
Toutes ces pierres vives, liées ensemble ébénistes sont considérés comme les déten-
par le Christ, forment la Cité spirituelle qui teurs d'une sagesse pratique. Leur habileté
est l' œuvre de Dieu. La foi d'Abraham est consacrée par leurs interventions dans la
conduisait déjà le patriarche vers cette ville construction ou la reconstruction de la
divine. Maison de Dieu, le Temple. Mais le sculp-
teur sur bois peut être, lui, tenté par l'idolâ-
Par la foi, il vint séjourner dans la Terre promise trie.
comme en un pays étranger, y vivant sous des
tentes, ainsi qu'Isaac et Jacob, héritiers avec lui Le sculpteur sur bois tend le cordeau, trace
de la même promesse. C'est qu'il attendait la l'image à la craie, l'exécute au ciseau et la dessine
villepourvue de fondations dont Dieu est l' archi- au compas. Il l'exécute à l'image de l'homme,
tecte et le constructeur. [He 11, 9-10.] selon la beauté humaine, pour qu'elle habite une
maison. Il a coupé des cèdres, il a choisi un chêne
L' Apocalypse conclut sa révélation par et un térébinthe qu'il a laissés croître pour lui
l'apparition de la Cité céleste : parmi les arbres de la forêt. Il a planté un pin que

275
LES SYMBOLES BIBLIQUES

la pluie a fait grandir. Les hommes le destinent Par contraste, le charpentier de marine est
au feu: il en a pris pour se chauffer, il l'a allumé déclaré un artisan plein de sagesse et le
et a cuit du pain. Mais aussi il a fait un dieu pour marin, qui se « confie au bois », doit mettre
l'adorer, il a fabriqué une idole pour se proster- sa confiance en Dieu, tout au long de sa
ner devant elle. Il en avait brûlé la moitié au feu, navigation hasardeuse.
sur cette moitié il fait rôtir de la viande, la mange
et se rassasie ; en même temps il se chauffe
et dit : « Ah ! je me suis bien chauffé et j'ai Tel autre qui prend la mer pour traverser les flots
vu la flamme. » Avec.Je reste, il fait un dieu, farouches
son idole, et il se prosterne devant lui, l'adore invoque à grands cris un bois plus fragile que le
et le prie et dit : « Sauve-moi, car tu es mon bateau qui le porte.
dieu. » Car ce bateau, c'est la soif du gain qui l'a conçu,
Ils ne savent pas, ils ne comprennent pas, car c'est la sagesse artisane qui 1' a construit ;
leurs yeux sont incapables de voir, et leur cœur mais c'est ta Providence, ô Père, qui le pilote,
de réfléchir. Pas un ne rentre en lui-même, pas car tu as mis un chemin jusque dans la mer,
un n'a la connaissance et l'intelligence de se dire; et dans les flots un sentier assuré,
<<J'en ai brûlé la moitié au feu et j'ai cuit du pain montrant que tu peux sauver de tout,
sur ses braises, je rôtis de la viande et je la en sorte que, même sans expérience, on puisse
mange; avec le reste je ferais une chose abomi- embarquer.
nable, me prosterner devant un bout de bois ! » Tu ne veux pas que les œuvres de ta Sagesse
Il est attaché à de la cendre, son cœur abusé l'a soient stériles ;
égaré, il ne sauvera pas sa vie, il ne dira paS : c'est pourquoi les hommes confient leur vie
« Ce que j'ai dans la main, n'est-ce pas un même à un bois minuscule,
leurre? » [1s 44, 13-20; voir aussi Sg 13, 11-19.] traversent les vagues sur un radeau et demeurent
sains et saufs.
Quand la Loi interdit le culte des images, Et de fait, aux origines, tandis que périssaient les
géants orgueilleux,
elle se réfère surtout aux sculptures taillées,
l'espoir du monde se réfugia sur un radeau
mais elles peuvent être aussi modelées ou
et, piloté par ta main, laissa aux siècles futurs
coulées en bronze. La peinture, en accen- le germe d'une génération nouvelle.
tuant la vraisemblance de la figure, ne fait Car il est béni, le bois par lequel advient la
qu'accentuer le danger d'idolâtrie. justice,
mais maudite l'idole fabriquée, elle et celui qui
Ce n'est que du bois coupé dans la forêt, l'a faite,
travaillé par le sculpteur, ciseau en main, lui, pour y avoir travaillé, et elle parce que,
puis enjolivé d'argent et d'or. corruptible, elle a été appelée dieu.
Avec des clous, à coups de marteau on le fixe, Car Dieu déteste également l'impie et l'impiété.
pour qu'il ne bouge pas. [Sg 14, 1-9.J
Comme un épouvantail dans un champ de
concombres,
ils ne parlent pas. [Jr 10, 3-5.] La hache n'est qu'un instrument dans la
main de celui qui la manie. L'Assyrie a tort
Malheur qui dit au morceau de bois: Réveille-toi ! de se croire indépendante et triomphante,
à la pierre silencieuse : Sors de ton sommeil ! elle est en fait commandée et guidée par la
[Ha 2, 19.l Sagesse de Dieu.

276
LE TRAVAIL DES HOMMES

Fanfaronne-t-elle la hache LA GRAVURE


contre celui qui la brandit ?
[Is 10, 15.]
Le graveur est compté parmi les trois
Après la défaite de Karkémish (605 av. attisans que le Siracide décrit amplement. Il
J.-C.), l'Égypte est envahie par Nabuchodo- s'agit essentiellement d'une glyptique consa-
nosor. L'assaut est comparé à une armée de crée à l'usage des sceaux, en particulier des
bûcherons qui mettent la forêt en coupe intailles.
sombre. Au second degré de signification, ce
« déshabillage» du pays évoque la honte Ceux qui font profession de graver des sceaux et
d'uue jeuue fille dénudée. qui s'efforcent d'en varier le dessin, ils ont à
cœur de bien reproduire le modèle et veillent
On vient vers elle avec des haches, pour achever leur ouvrage. [Si 3 8, 27.]
comme des bûcherons.
Coupez sa forêt - oracle du SEIGNEUR - ! Le livre de !'Exode, en décrivant les objets
Elle qu'on dit impénétrable ! rituels comme l'éphod ou le pectoral, précise
Ils sont plus nombreux que les sauterelles, qu'ils doivent porter des pierres gravées. Ces
on ne peut les compter. intailles représentent le peuple d'Israël que
La belle Égypte est couverte de honte ; le grand prêtre doit toujours garder en
elle est livrée aux peuples du Nord. mémoire. La fleur d'or est le signe de consé-
(Jr 46, 22-24.] cration de ce ministre de Dieu. Elle poile
aussi une pierre qui rappelle le caractère
La hache était aussi une arme de guerre. sacré de sa fonction (Ex 28 et Ex 39).
Elle fait parfois partie de la panoplie des La gravure matérialise donc le souvenir de
idoles inertes : «Tel tient en sa droite épée faits spirituels. Les premières tables de la
et hache, mais ne saurait se défendre de la Loi sont dites gravées directement par Dieu.
guerre et des voleurs » (Ba 6, 13).
Jean Baptiste parle dela hache du juge- Moïse se retourna et descendit de la montagne
ment de Dieu. Elle menace déjà les pécheurs avec, en mains, les deux tables du Témoignage,
endurcis qui se croient protégés par le titre tables écrites des deux côtés, écrites sur l'une et
l'autre face. Les tables étaient l'œuvre de Dieu et
de fils d'Abraham. Pour le prophète, il ne
l'écriture était celle de Dieu, gravée sur les tables.
suffit pas d'être enraciné dans la famille
[Ex 32, 15-16.]
patriarcale.
Après l'épisode idolâtrique du Veau d'or,
Produisez donc du fruit qui témoigne de votre Moïse brise les tables de la Loi. Au jour du
conversion. Ne vous avisez pas de dire en renouvellement de l'Alliance, le prophète,
vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham.
sur l'ordre de Dieu, écrira sur de nouvelles
Car je vous le dis, des pierres que voici, Dieu
peut susciter des enfants d'Abraham. Déjà la
tables de pierre, les dix paroles de la Loi
hache est prête à attaquer la racine des arbres ; (Ex 34, 28).
tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit Les traités d'alliance étaient parfois gravés
va être coupé et jeté au feu. sur des tables de bronze (1 M 8, 22; 1 M 14,
[Mt 3, 8-10 et Le 3, 8-9.] 26 et 48).

277
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Dieu ordonne à Isaïe de graver en deux pierre, un nom nouveau que personne ne.connaît
exemplaires une de ses déclarations. L'un de sinon qui le reçoit. [Ap 2, 17.l
ces documents sera conservé, scellé, possé-
Le nom désigne l'être. Le nom nouveau
dant ainsi une valeur juridique.
désigne une participation à la gloire du
Va, maintenant, écris cela devant eux, Christ. Le caillou ainsi gravé est un passe-
sur une tablette, en deux exemplaires, port pour la vie éternelle.
grave-le sur un document, Cette gloire est l'intégration dans la struc-
et que ce soit pour l'avenir un témoin perpétuel. ture même de la Cité céleste.
[Is 30, 8.]
Le vainqueur, j'en ferai une colonne
La mémoire des péchés est alors conser-
dans le temple de mon Dieu,
vée: il n'en sortira jamais plus;
La faute de Juda est écrite avec un burin de fer, et j'inscrirai sur lui le nom de mon Dieu,
à la pointe du diamant ; la Jérusalem nouvelle qui descend du ciel d'au-
elle est gravée sur la table de leur cœur près de mon Dieu
et sur la corne des autels. Ur 17, 1.] et mon nom nouveau. [Ap 3, 12.]

Sous forme de gravure ou de dessin,


apparaissent, en Ézéchiel, ·des représen~a-
tions des péchés commis dans le sancturure
LE SCEAU
(Ez 8, 10) et les fantasmes de Oholiba, qui
symbolise Jérusalem (Ez 23, 14).
Mais Dieu pardonne parce qu'il ne peut
Le graveur est l'artisan du sceau. Le
oublier le peuple qu'il s'est choisi:« Moi, je
symbolisme biblique de cet objet est très
ne t'oublierai pas ! Vois, je t'ai gravé sur les
riche. Le sceau est une marque qui authenti-
paumes de mes mains» (Is 49, 15-16).
fie une chose. Il certifie la provenance d'un
La nouvelle alliance annoncée par Jérémie document et communique la puissance du
suppose une adhésion intime à la Loi du sign~taire, le pouvoir législatif ou judiciaire,
Seigneur. «Je mettrai la Loi au fond de leur la disposition de laforce militaire, la valeur
êtrè et je finscrirai dans leur cœur » (J r 31,
d'une lettre de crédit.
33).
Le sceau est aussi un cachet qui garantit
L'acte de graver ou inscrire fait allusion à
un secret contre toute révélation indue. Le
l'usage des tablettes de cire et suppose une sceau est personnel et la figure qui le marque
pénétration douce et profonde du message est l'emblème de la personne qui en dispose.
ains_i formulé. Le texte de Jérémie est repris
Le grand échanson du roi d'Assyrie était
par l'épître aux Hébreux (He 8, 8-12). aussi le garde du sceau (Tb 1, 22).
On ne sait trop ce que représente la pierre Un sac d'argent mis en dépôt est fermé
blanche de l'Apocalypse, peut -être le caillou par un sceau (Tb 9, 5). La reine Jézabel use
blanc d'un vote positif. du sceau royal pour envoyer une lettre de
Au vainqueur je donnerai de la manne cachée ; je cachet qui porte la mort (1 R 21, 8-10). Le
lui donnerai une pierre blanche et, gravée sur la roi Assuérus donne un blanc-seing à Esther

278
LE TRAVAIL DES HOMMES

et Mardochée pour assurer la protection des Le Cantique des cantiques évoque ainsi le
Juifs (Est 8, 7-12). sceau de l'amour :
Le sceau, avec le diadème et la robe
Mets-moi comme un sceau sur ton cœur
royale, était un des objets dont la transmis-
comme un sceau sur ton bras.
sion assurait le pouvoir (1 M 6, 15). Car : fort comme la Mort" est Amour ;
Le sceau est un objet de pouvoir. Il faut inflexible comme Enfer la Jalousie ;
analyser la puissance symbolique qu'il ses flammes sont des flammes ardentes :
dégage. un coup de foudre sacré. [Ct 8, 6-7.]
Pour Job, la liberté de Dieu est totale :
Le sceau, objet précieux et très personnel,
Sur son ordre, le soleil ne se _lève pas, pouvait être suspendu au cou par un cordon,
il met les étoiles sous scellés. [Jb 9, 7 .] mais la signification de èe passage est sans
doute assez simple. Les bras, en embrassant,
Le passage suivant est d'une puissance
permettent le cœur à cœur. Cet espace de
poétique exceptionnelle: l'image centrale est
tendresse fait monter l'émotion amoureuse à
l'aurore, souvent décrite comme un chef de
la température d'un foyer. Chacun des par-
guerre qui déploie sa puissance (JI 2, 2). Elle
tenaires subit l'empreinte de l'autre et le
va combattre la « lumière des méchants »,
sceau symbolise bien cette ardente commu-
c'est-à-dire l'obscurité. Elle secoue la terre
nication.
comme une couverture envahie par la ver-
L'amour évoqué par ce chant a un carac-
mine. La terre, purifiée, devient alors docile
tère absolu : il scelle un pacte définitif,
à l'empreinte de Dieu, « comme l'argile sous
le sceau». Le contexte est ici un défi que comme la mort scelle la fin d'une existence.
Dieu lance à Job. Notre fin ne peut être ajournée,
car elle est scellée et nul ne revient sur ses pas.
As-tu, un seul jour, commandé au matin [Sg 2, 5.J
et assigné à Vaurore son poste,
pour qu'elle saisisse la terre par les bords Cette affirmation est irréfutable, bien que
et en secoue les méchants ? les hédonistes puissent en tirer des conclu-
La terre, alors, prend forme sions désastreuses.
co_mme l'argile sous le sceau, Les multiples · significations du sceau
et tout surgit chamarré. orientent l'esprit dans des directions fort
Mais les méchants y perdent leur lumière différentes. On trouve, par exemple, dans le
et le bras qui s'élevait est-brisé.
Siracide des sentences comme celles-ci :
Ob 38, 12-15.J
Vaumône-d'un homme est pour lui comme un
Le sceau est donc ici l'empreinte de Dieu sceau,
sur sa création, et la Bible se complaira dans il conserve un bienfait comme la prunelle de
la recherche des traces divines dans le l'œil. [Si 17, 22.]
monde. Le sceau du Seigneur apporte aussi
son énergie : puissance de l'amour, force Le sceau de la langue est une sauvegarde :
dans la lutte contre le mal, activité subtile et Qui placera une garde sur ma bouche
multiple de !'Esprit. et, sur mes lèvres, le sceau de la discrétion,

279
LES SYMBOLES BIBLIQUES

pour les empêcher de causer ma chute le signe avec ce qu'il signifie. Les signes de
et ma langue de me perdre? [Si 22, 27.l la foi, et les sacrements en particulier, se
Le sceau est une sentence raffinée : réfèrent à une réalité spirituelle qui ne doit
pas être oubliée, ou dissimulée par la chose
Un sceau d'escarboucle sur une garniture d'or, qui la représente. Un signe, même éclatant,
tel est un concert dans un banquet arrosé de vin; doit être transparent pour révéler ce que
un sceau d'émeraude sur une monture d'or,
Jean nomme « les œuvres de Dieu».
tel est un air de musique sur un vin délicieux. La communauté des Corinthiens est, pour
[Si 32, 5-6.]
Paul, le sceau qui authentifie son apostolat
Zorobabel est présenté comme un per- (1 Co 9, 2).
sonnage messianique, symbolisé par l'an- Paul fait un lien entre le sceau et l'onction
neau à cacheter (Ag 2, 23). Le Siracide qui, tous les deu:X, laisseri.t une marque :
formule ainsi cette qualité du gouverneur de Celui qui nous affermit avec vous dans le Christ
Jérusalem : et qui nous a donné l'onction, c'est Dieu. Lui qui
Comment magnifier Zorobabel, nous a aussi marqués d'un sceau et a mis dans
lui qui fut comme un sceau à la main droite ? nos cœurs les atthes de !'Esprit. [2 Co 1, 21-22.]
[Si 49, 11.] Le sceau de Dieu est imposé par !'Esprit :
Dans cette perspective messianique, Jean Vous avez été marqués d'un sceau
déclare que Jésus est marqué par le sceau du par l'Esprit de la Promesse,
Père: cet Esprit Saint
qui constitue les arrhes de notre héritage.
Travaillez, non pour la nourriture qui se perd, [Ep 1, 13-14.]
mais pour la nourriture qui demeure en vie
éternelle, L'Esprit est un Esprit de joie. Tout péché
celle que vous donnera le Fils de l'homme, s'achève en tristesse et en rancœur. Ici la
car c'est lui que le Père a marqué de son sceau. formule est étonnante : « Ne contristez pas
Un 6, 21.J !'Esprit Saint de Dieu, qui vous a marqués
de son sceau pour le jour de la Rédemp-
Paul reprend, lui aussi, le thème du sceau.
tion» (Ep 4, 30). ·
L'apôtre veut ainsi illustrer sa thèse: Abra-
Paul met en relation le sceau et les fonda-
ham a été justifié par la foi avant sa circonci-
tions de l'édifice spirituel de l'Église. L'ins-
sion. Le sceau, en effet, n'est apposé que sur
un document déjà écrit. cription portée sur la preniière pierre est une
parole dont l'énergie assure la fermeté et la
La foi d'Abraham lui fut comptée comme justice. cohésion du bâtiment. « Les solides fonda-
Comment donc fut-elle comptée ? Quand il était tions posées par Dieu tiennent bon, mar-
circoncis ou avant qu'il le fût? Non pas après quées du sceau de ses paroles : le Seigneur
mais avant ; et il reçut le signe de la circoncision connaît les siens» (2 Tm 2, 19).
comme sceau de la justice et de la foi qu'il
Dans !'Apocalypse, la Révélation s'opère
possédait quand il était incirconcis. Œrn 4,
9-10.] par la rupture de sept sceaux. Mais seul, le
Christ, Agneau égorgé, est digne de les
Il y a un danger, qui consiste à confondre rompre.

280
LE TRAVAIL DES HOMMES

Tu es digne de prendre le livre Souviens-toi : tu m'as fait comme on pétrit


et d'en ouvrir les sceaux, l'argile. [. ..]
car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu Ne m'as-tu pas vêtu de peau et de chair,
au prix de ton sang tissé en os et en nerfs? [Jb 10, 9 et 11.]
des hommes de toute race, langue et nation.
[Ap 5, 9.] Et le psaume dit :
C'est toi qui m'as formé les reins,
Les élu~ sont marqués du_ sceau du Dieu qui m'as tissé dans le ventre de ma mère.
vivant (Ap 7, 2; 9, 4). [Ps 139, 13.]

Le tissage est aussi l'image de la vie :


Mes jours ont couru plus vite que la navette
et disparu sans espoir. Ub 7, 6.]
LE TISSAGE ET LE VOILE
Ézéchias sent venir la mort :
Ma demeure est arrachée, jetée loin de· moi,
Le filage semble avoir été, en Israël, une comme une tente de bergers ;
occupation féminine (Ex 35, 25). Les hom- comme un tisserand, j'arrive au bout du rouleau
mes se réservaient-ils le métier de tisserand ? de ma vie
C'est possible, mais la femme exemplaire du et les fils de la chaîne sont coupés.
livre des Proverbes tisse et vend ses étoffes Du jour à la nuit, tu en auras fini avec moi.
(Pr 31, 24), la femme du vieux Tobit semble Avant le matin je serai réduit à rien.
aussi compétente en la matière (Tb 2, 11). [Is 38, 12-13.]
Des clans entiers pouvaient s'adonner au
tissage comme les clans de Bet-Ashbéa, fa- C'est encore Isaïe qui, stigmatisant les
bricants d'une toile de lin nommée Byssus pervers, décrit leurs méfaits en termes saisis-
(1 Ch, 4, 21). Le travail du teinturier pouvait
sants. Après avoir dit qu'ils couvent des
œufs de vipère, il double ainsi sa comparai-
se joindre à celui de tisserand.
Il est interdit de tisser en mélangeant son:
deux fibres différentes. Cette interdiction Ce sont des toiles d'araignées qu'ils tissent. [. . .]
relève d'une loi plus générale quis' oppose à Leurs toiles ne donnent aucun vêtement,
tout mélange. Il s'agit là d'interdits très on ne peut se couvrir de leurs produits ;
anciens qui redoutent l'interférence du sacré leurs produits sont des produits malfaisants.
et du profane. La distinction soigneuse de [Is 59, 5-6.]
ces deux ordres est un des principes fonda-
mentaux de la Loi. « Ne porte pas de vête- Le thème du voile fouruit une image de
ment en étoffe hybride, tissée de deux fibres l'aveuglement.
différentes» (Lv 19, 19; Dt 22, 11). Le Seigneur a versé sur vous un esprit de tor-
Le tissage fournit un symbole de l' organi- peur,
sation du corps. L'image du tisserand com- il a fermé vos yeux - les prophètes
plète celle du potier. il a voilé vos yeux - les voyants. [Is 29, 10.]

281
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Ici encore, l'image est doublée : c'est le (Jr 14, 2-4). Aman, sentant venir la dé-
livre quel' on ne peut pas lire, car il est scellé chéance, se voile la face (Est 6, 12).
ou présenté à des analphabètes (Is 29, A l'heure de la mort de Jésus, le rideau du
10-12). Temple se déchire de haut en bas (Mt 27,
Le voile est aussi un signe de deuil. David 51; Mc 15, 38; Le 23, 45). Il s'agit du voile
prend le deuil au jour de sa fuite devant qui séparait le Saint des Saints du reste du
Absalon. Temple (Ex 26, 36-37). L'épître aux Hé-
David montait par la montée des Oliviers, il breux dit que le Christ nous a obtenu par sa
montait en pleurant ; il avait la tête voilée et il mort le libre accès auprès de Dieu (He 6,
marchait nu-pieds. Tout le peuple qui l'accom- 19-20; 9, 3 et 6-12). Le voile déchiré devient
pagnait s'était voilé la tête. Ils montaient en ainsi le symbole de l'ouverture du salut au
pleurant. [2 S 15, 30.] monde païen. Sil' Apocalypse est le livre qui
ôte le voile cachant le mystère, il est aussi
David reprendra ce rite de deuil à la mort celui qui retire le voile dn deuil : « Dieu
d'Absalon (2 S 19, 5). essuiera toute larme de leurs yeux : de pleur,
Trouver le point d'eau asséché est une de cri, de peine, il n'y en aura plus, car
telle déception qu'on se voile la face l'ancien monde s'en est allé» (Ap 21, 4).
282
LE REPOS DE DIEU
Le sabbat. peut étendre à toute activité humaine ce que
La symbolique du chômage. crie le psaume dans un contexte guerrier :
La signification multiple du sabbat. « Arrêtez et connaissez que moi je suis
Jésus et le sabbat. Dieu» (Ps 46, 11).

Les lieux de repos.


La terre.
Le Temple. LE SABBAT

Le thème du repos dans les Psaumes.


Le repos a inspiré les psalmistes. La symbolique du chômage.
Le psaume 95 et l'épître
aux Hébreux. Être sans travail est, de nos jours, une
angoisse. Le terme même de chômage devient
L'Apocalypse. une hantise. Chômer, terme que la Bible
latine a traduit parfois par vacare (sur lequel
On peut être tenté de faîte simplement du le français a construit le mot vacances) peut,
repos l'inverse du travail. Il est vrai que bien sûr, signifierla paresse (Ex 5, 17), mais
l'homme a besoin de reprendre ses forces au il peut vouloir dire aussi« prendre du temps
terme d'un labeur. Cette détente le ranime, pour se consacrer à une chose ». On trouve,
le restaure et nul ne peut, sans danger, s'en par exemple, au livre des Chroniques : « Il
priver. La Bible, cependant, donne au thème [Ézéchias] dit au peuple habitant àJérusalem
du repos de Dieu et du repos en Dieu une de donner la part des prêtres et des lévites,
signification qui déborde très largement afin qu'ils s'affermissent dans la Loi du
cette nécessité matérielle. Le repos en Dieu Seigneur» (2 Ch 31, 4).
devient ainsi une affaire de foi, de fidélité à Le verbe hébreu, traduit ici par « affer-
une pratique qui trouve en elle-même sa mir», contient radicalement l'idée de crois-
propre récompense : une certaine expérience sance et suggère ainsi que le temps dégagé
de la béatitude. Le repos est alors un des occupations matérielles peut devenir le
moment de participation à la vie divine. On moment d'un développement spirituel.

285
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Être libre pour se consacrer au ministère La signification multiple du sabbat.


de la parole était le souci des apôtres, à
l'heure où s'instituait la fonction diaconale. Le travail fatigue et l'homme a besoin de
se reposer, de reprendre des forces pour
Cherchez parmi vous, frères, sept hommes de continuer son œuvre.
bonne réputation, remplis de l'Esprit et de
sagesse, et nous les préposerons à cet office.
Au jour du sabbat :
Quant à nous, nous restons assidus à la prière et
au service de la parole. [... ] Et la parole du Tu n'y feras aucun ouvrage, toi, ni ton fils, ni ta
fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf,
Seigneur croissait; le nombre des disciples aug-
ni ton âne, ni aucune de tes bêtes; ni l'étranger
mentait considérablement. [Ac 6, 3-4 et 7.]
qui est dans tes portes. Ainsi, comme toi-même,
Qu'il s'agisse de la Torah ou de la parole ton serviteur et ta servante pourront se reposer.
[Dt 5, 14.]
du Seigneur, la disponibilité donnée par la
cessation d'une occupation matérielle crée Le septième jour, tu chômeras, afin que· se
un champ libre pour la grâce de Dieu. reposent ton bœuf et ton âne et que reprennent
L'expression « reprendre haleine » après souffle le fils de ta servante ainsi que l'étranger.
un effort est attribuée à Dieu au terme de [Ex 23, 12.l
son action créatrice. « Le SEIGNEUR a fait
les cieux et la terre, mais le septième jour Le chômage est donc total, il touche l'es-
il a chômé [shabat] et repris haleine» pace (dans tes portes) comme le temps.
(Ex 31, 17). Quant à l'année sabbatique, elle permet à
Cette image est dans la continuité de celle la terre de se reposer en demeurant en
qui présente le don de la vie comme l'insuf- jachère (Lv 25, l-5).
flation d'une haleine (Gn 2, 2; 7, 22). Cette institution n'est pas seulement
Reprendre haleine peut signifier faire une d'ordre physique ou social. Le sabbat est un
pause après une marche éprouvante (2 S moment religieux et le repos qu'il impose est
16, 14), mais Dieu lui-même, après l'épreuve de nature divine.
d'une terrible purification, accorde le repos Il faut« se souvenir» du sabbat (ce verbe
à ceux qu'ils a ainsi traités. est chargé de signification spirituelle : on se
souvient de Dieu, de ses -bienfaits et de ses
Tu nous a éprouvés, 0 Dieu, exigences). Ce jour doit être « sanctifié »,
épurés comme on épure l'argent. [. ..]
c'est-à-dire vécu comme un temps divin,
Tu as permis qu'on nous traite en bête de
somme.
d'une autre nature que le quotidien. Dieu
Nous sommes entrés dans le feu et dans l'eau, « bénit » le sabbat : il en fait une source de
mais tu nous as fait sortir pour un banquet. dons spirituels. Il le « consacre » comme
[Ps 66, 10-12.l une chose réservée au service de lui-même
(Ex 20, 8cll).
Ce dernier vers se traduit aussi par « pour Le sabbat est le jour de l'assemblée qui
reprendre souffle»; quoi qu'il en soit, il permet à Israël de retrouver son unité pro-
s'agit bien d'un repos qui restaure les forces fonde, garantie par le Seigneur lui-même.
de l'être épuisé par l'épreuve. « Pendant six jours on travaillera, mais le

286
LE REPOS DE DIEU

septième jour sera jour de repos complet, ces lois pour les mettre en pratique »
jour de sainte assemblée» (Lv 23, 3). (Dt 16, 12).
Le sabbat est aussi le jour de la liberté : Israël a poussé plus loin encore la ré-
on se. souvient, on revit la libération d'Israël flexion sur le sabbat. Remontant plus haut
quand il sortit d'Égypte, quittant ainsi la que !'Exode, il en vient à considérer le grand
condition d'esclave. mystère de la Création qui a un commence-
Le temps ritualisé devient le symbole actif ment, une tête (berochit) mais aussi une fin.
d'un événement historique. Il ne renvoie pas
à un passé, il ramène le fait ancien dans le Dieu_ conclut au septième jour tout l'ouvrage
qu'il avait fait et, au septième jour, il chôma,
présent avec tout son potentiel de grâce
après tout l'ouvrage qu'il avait fait. Dieu bénit le
divine.
septième jour et le sanctifia, car il avait chômé
après tout son ouvrage de création. [Gn 2, 1-3.]
Tu te souviendras que tu as été en Égypte et que
le SEIGNEUR ton Dieu t'en a fait sortir d'une main
Chaque fois que Dieu opère une œuvre
forte et d'un bras étendu; c'est pourquoi le
SEIGNEUR ton Dieu _t'a commandé de garder le
divine, il propose son Alliance garantie par
jour du sabbat. [Dt 5, 15.] une loi.
Tel est le cas à la fin du Déluge, et
Le sabbat, plus que toutes les fêtes d'Is- l'arc-en-ciel devient le signe de œ pacte
raël, est une célébration joyeuse. Il est bon- (Gn 9, 8-17). La libération du peuple d'Is-
heur de la Présence. Dieu est là, pour donner raël se conclut par l'Alliance sur le Sinaï
ou pardonner. La différence entre jubilation (Ex 19 et Ex 20). Les péchés d'Israël lui ont
et lamentation pénitentielle s'efface au valu la grande épreuve de la captivité, mais
contact du Seigneur de miséricorde. Dans la le retour des exilés renouvelle l'Alliance
ronde des fêtes saisonnières, l'heure des (Jr 31, 31-33), qui est déclarée éternelle
récoltes est un temps d'allégresse. La joie (Is55, 3).
déborde du cœur d'Israël et comble les plus Le sabbat est un trait d'union entre le
humbles, même l'étranger si facilement peuple et son Dieu.
exclu. Les Israélites garderont le sabbat, en observant
le sabbat dans leurs générations, c'est une al-
En présence du SEIGNEUR ton Dieu, tu te réjoui-
liance éternelle. Entre moi et les Israélites c'est
ras, au lieu choisi par le SEIGNEUR ton Dieu pour
un signe à perpétuité. [Ex 31, 16-17.l
y faire habiter son nom : toi, ton fils, ta fille, ton
serviteur et ta servante, le lévite qui est dans tes Et j'allai jusqu'à leur donner mes sabbats comme
portes, l'étranger, l'orphelin et la veuve qui un signe entre moi et eux, afin qu'ils sachent que
vivent au milieu de toi. [Dt 16, 11.] c'est mài, le SEIGNEUR, qui les sanctifie.
[Ez 20, 12_]
Ce souci d'égalité, cette tolérance qui
excluent tout esprit de servitude, ont pour L'alliance originelle entre Dieu et Adam
raison, comme au jour du sabbat, le grand concerne le bon usage du paradis. Elle
Souvenir:« Tu te souviendras que tu as été répond aux désirs du premier homme,
en servitude au pays d'Égypte, et tu garderas elle formule aussi les exigences divines

287
LES SYMBOLES BIBLIQUES

(Gn 2, 8-25). Respecter cette alliance, c'est Après la destruction du Temple, pendant
participer au repos de Dieu. l'exil, pour le peuple privé des fêtes habituel-
Au terme de six jours de travaux et de les, le sabbat prendra de plus en plus d'im-
peines, le sabbat offre au fidèle un moment portance ; les règles deviennent de plus en
qui lui donne accès au repos divin. La fête plus rigoureuses et compliquées. Elles fini-
de fin de semaine acquiett ainsi sa dimen- ront par constituer un lourd fardeau d' ob-
sion totale : l'homme, mis hors d'haleine par servances.
sa condition laborieuse, retrouve un nouveau Au temps de Jésus, cette charge sera sou-
souffle, un supplément provisoire d'âme qui vent imposée par des hommes qui, eux-
lui permet de continuer son chemin à la trace mêmes, ne la porteront pas.
de son Seigneur.
Sur la chaire de Moïse, se sont assis les scribes
La tradition d'Israël confirmera cette vi-
et les Pharisiens: faites donc et observez ce qu'ils
sion, en faisant du jour du sabbat un teffips pourr'ont vous dire, mais ne vous réglez pas sur
de profonde joie spirituelle, le symbole effi- leurs actes : car ils disent et ne font pas. Ils lient
cace d'une béatitude conçue comme l'entrée de pesants fardeaux et les imposent aux épaules
dans le repos du Dieu créateur. des gens, mais eux-mêmes se refusent à les
remuer du doigt. [Mt 23, 2-4.]
Si tu t'abstiens de violer le sabbat,
de vaquer à tes affaires en mon jour saint, Par contre, le fardeau de Jésus est léger.
si tu appelles le sabbat « délices» Pour les épaules débarrassées des charges
et « vénérable » le jour saint du SEIGNEUR, injustifiables, il est un véritable repos.
si tu l'honores en t'abstenant de voyager,
de traiter tes affaires et de tenir des discours, Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous
alors tu trouVeras tes délices dans le SEIGNEUR, le fardeau, et moi je vous soulagerai. Chargez-
je te conduirai en triomphe sur les hauteurs du vous de mon joug et mettez-vous à mon école,
pays; car je suis doux et humble de cœur et vous
je te nourrirai de l'héritage de ton père Jacob, trouverez le soulagement pour vos âmes. Oui,
car la bouche du SEIGNEUR a parlé. mon joug est aisé et mon fardeau léger.
[Is 58, 13-14.] [Mt 11, 28-30.]

Le sabbat est donc une institution de


haute valeur spirituelle. Comme tout rite, Jésus et le sabbat.
cependant, il dépend de la qualité de l'âme
de celui qui le pratique. Le premier chapitre Jésus a dit : « Il est plus facile que le ciel
d'Isaïe contient un véritable réquisitoire et la terre passent que ne tombe un seul
contre les célébrations hypocrites qui n'en- menu trait de la Loi» (Le 16, 17). Il n'a
gagent pas le cœur. donc pas contesté la valeur spirituelle du
Néoménies, sabbats, assemblées, sabbat. Mais il fait une distinction entre
je ne supporte pas fausseté et solennité. cette institution divine et le flot de détails et
Vos néoménies, vos réunions, mon âme les hait; de prohibitions qui, progressivement, en ont
elles me sont un fardeau que je suis las de porter. occulté l'esprit. Le sabbat est la fête de la
[Is 1, 13-14.l liberté retrouvée.

288
LE REPOS DE DIEU

Les disciples ont mangé quelques grains Suit un long discours sur l' oeuvre du Père
de blé un jour de sabbat et certains Phari- et celle du Fils de Dieu. Si Dieu a chômé le
siens s'en étonnent. Jésus répond en invo- septième jour, son œuvre vivifiante n'a pas
quant David qui mangea les pains offerts à de cesse : il conserve, gouverne et conduit sa
Dieu et que seuls les prêtres pouvaient Création. Il est capable de ressusciter les
consommer. « Le sabbat a été fait pour morts.
l'homme et non l'homme pour le sabbat, en L' œuvre du Fils est consacrée au rayon-
sorte que le Fils de l'homme est maître nement de la gloire de son Père, sa volonté
même du sabbat» (Mc 2, 27-28). est conforme à la sienne. Les miracles de
On sait en effet que le « Fils de l'homme » Jésus sont le signe de cette vivification du
est un titre messianique qui confère le pou- monde, ils ont leur place en un jour de
voir de juger et, ici, de discerner entre l'es- sabbat, célébration de la liberté retrouvée
prit de la pratique et la lettre morte de parce que l'homme est ainsi affranchi du
certaines adjonctions humaines. pire des esclavages : celui qui le soumet à la
Jésus rappelle que l'on peut circoncire mort. Cette apparente rupture du sabbat
un enfant le jour du sabbat (Jn 7, 23), l'on révèle, en fait, l'entière dimension de son
peut mener à l'abreuvoir l'âne ou le bœuf, mystère.
l'on doit retirer du puits l'enfant qui y est
tombé (Le 13, 15 et 14, 5). On pourrait
aussi rappeler la décision de Mattathias de
continuer la guerre le jour du sabbat LES LIEUX DE REPOS
(1 M 2, 41).
C'est en Jean que l'on trouve l'explica-
tion radicale que Jésus donne pour légiti- La terre.
mer son attitude devant le sabbat. Il voit
souvent dans les miracles de grands actes A la dramatique sortie d'Égypte corres-
symboliques qui révèlent peu à peu leurs pond l'entrée dans le repos de la Terre
secrets. promise après la longue errance dans le
A la piscine de Béthesda, Jésus va guérir désert. Arrivé en Transjordanie, Moïse or-
un homme, infirme depuis trente-huit ans. Il donne à l'armée de passer le fleuve, mais le
lui dit : « '(Lève-toi, prends ton grabat et reste du peuple doit attendre. «Jusqu'à ce
marche". Et aussitôt l'homme fut guéri; il que le SEIGNEUR ait donné le repos à vos
prit son grabat et il marchait. Or c'était le frères comme à vous-mêmes, et qu'ils possè-
sabbat ce jour-là» (Jn 5, 8-9). dent eux aussi les pays que le SEIGNEUR
Les Juifs interpellent le miraculé et ten- votre Dieu leur donne aujourd'hui au-delà
tent de lui interdire de porter un fardeau qui du Jourdain» (Dt 3, 20).
est, pour eux, une charge prohibée par la Le terme de menûhah, traduit ici par
législation sabbatique. Ils finissent par s'en repos, est un terme concret: le lieu du repos.
prendre à Jésus qui leur répond : « Mon Sur la racine de ce terme, on a construit aussi
Père est à l'œuvre jusqu'à présent et j'œuvre des mots qui signifient « lieu franc »,
moi aussi» (Jn 5, 17). exempté de taxes, dégagé de toute sujétion.

289
LES SYMBOLES BIBLIQUES

C'est le lieu où l'on respire la liberté (Jos 1, Donner à Dieu son repos terrestre est
13 et 15). Cette liberté, cependant, est un lourd de conséquences. Cet acte fonde la
temps alloué pour se souvenir de Dieu, de perspective messianique. Le prolongement
son amour et pour pratiquer fidèlement ses de la race de David jusqu'à la venue de son
commandements. successeur surnaturel repose sur le repos de
Dieu.
Maintenant, le SEIGNEUR votre Dieu a procuré
à vos frères le repos qu'il leur avait promis. Lève-toi, SÈIGNEUR, vers ton repos,
[ .. .] Seulement, prenez bien soin de mettre en toi et l'arche de ta force.
pratique le commandement de la Loi que Tes prêtres se vêtent de· justice,
Moïse, serviteur du SEIGNEUR, vous a prescrlt : tes fidèles crient de joie.
d'aimer le SEIGNEUR votre Dieu, de suivre ses À cause de David ton -serviteur,
voies, d'observer ses commandements, de vous n'écarte pas ta_face-de-ton messie.
attacher à lui et de le servir de tout votre· cœur Le SEIGNEUR l'a juré à David,
et de toute votre âme. Uos 22, 4-5.J vérité dont jamais il ne s'écarte :
« C'est le fruit sorti--de tes entrailles
Le repos physique devient ainsi le sym- que je· mettrai sur le trône fait pour toi. »
bole de la réfection spirituelle et del' établis- [Ps 132, 8-11.]
sement dans la foi, le lieu où l'on« refait son Le livre des Chroniques commence ainsi
âme», par la grâce de Dieu. la liste des chantres en fonction avant la
construction du Temple : « Voici Ceux que
David chargea de diriger le chant dans le
Le Temple. Temple du SEIGNEUR, lorsque l'Arche y eut
trouvé son repos» (1 Ch 6, 16).
À la fin de la période des Juges, qui Pour encourager le peuple à construire le
coïncide avec l'aube de la royauté, les vicissi- Temple dont Salomon déjà est le maître
tudes de l'arche d' Alliance, prise et rendue d'ouvrage, David s'écrie·:
par les Philistins, ballottée de place en place Le SEIGNEUR notre Dieu n'est-il pas avec vous?
(1 S 4 à 7), créent une instabilité en Israël. Car il vous a donné partout le repos, puisqu'il a
Il faut lui trouver le lieu de sa résidence livré entre me_s mains les habitants du p·ays et
définitive, son repos. Le repos spirituel du que le pays a été soumis au SEIGNEUR et à son
peuple est à ce prix. peuple. Donnez donc maintenant votre cœur et
Le psaume-132, chanté pour l'anniversaire votre âme à la recherche du SEIGNEUR; vàtre
de la translation de l'arche de l'Alliance, Dieu. [l Ch 22, 18-19.J
commence par le vœu de David. David ne construira pas lui-même le
Temple parce qu'il est un homme de guerre
Point n'entrerai sous la tente, ma maison,
qui a versé beauèoirp de sang (1 Ch 22, 8),
point ne monterai sur le lit de mon repos,
mais le Seigneur lui dit :
point ne donnerai de sommeil à mes yeux
et point de répit à mes paupières, Voici qu'un fils t'est né; lui sera un homme de
que je ne trouve un lieu pour le SEIGNEUR, paix et je le mettrai en paix avec ses ennemis
un séjour au Puissant de Jacob. [Ps 132, 3-5.] alentour, car Salomon sera son nom, et c'est en

290
LE REPOS DE DIEU

ses jours que je donnerai à Israël paix et tranquil- reste pour un cœur juif une blessure qui se
lité. Il bâtira une maison à mon nom. traduit par un sentiment d'exil. Le repos de
[1 Ch 22, 9-10.J Dieu est encore au bout d'un chemin dou-
loureux.
Au silence des armes, au repos du peuple
La paix et le respect de l'Alliance sont
correspond le repos de Dieu en son Temple.
étroitement liés. La rébellion, les déviations
Le repos de Dieu n'est pas une cessation
d'activité : dans le sanctuaire repose la
et les perversions rompent cette paix, la paix
des hommes et celle de Dieu.
gloire, toute rayonnante de l'énergie divine,
On voit ainsi apparaître le thème de la
principe et œuvre de tout acte créatif et
« fatigue de Dieu ».
fécond.
Isaïe déclare au roi Achaz que le Seigneur
Au jour de la dédicace du Temple, Salo-
mon conclura ainsi sa prière : « Béni soit le
se lasse de ses craîntes et de son manque de
foi.
SEIGNEUR qui a accordé le repos à son
peuple Israël selon toutes ses promesses » Écoutez, maison de David !
(1 R 8, 56). Est-ce trop peu que vous fatiguiez les hommes
Un oracle d'Isaïe sur le Temple (repris par que vous fatiguiez aussi votre Dieu ? [Is 7, 13 .]
Étienne dans son discours} remettra en
question la nécessité d'un sanctuaire maté- Vous fatiguez le SEIGNEUR avec vos discours!
riel, consacré au Seigneur. - Vous dites : En quoi le fatiguons-nous ?
- C'est quand vous dites : Quiconque fait le mal
Ainsi parle le SEIGNEUR : aux yeux du SEIGNEUR, en ces gens-là il met sa
Le ciel est mon trône et la terre l'escabeau de mes complaisance. [Ml 2, 17.l
pieds.
Quelle maison pourriez-vous me bâtir, Dieu a toujours guidé son peuple vers le
et quel pourrait être le lieu de mon repos, repos, mais Israël oublie cette conduite
quand tout cela, c'est ma main qui l'a fait, divine. Le Seigneur engage la discussion avec
quand tout cela est à moi, oracle du SEIGNEUR. son peuple:
[Is 66, 1-2; et Ac 7, 49-50.]
Mon peuple, que t'ai-je fait?
Plus tard, au temps de la révolte des en quoi t'ai-je fatigué? Réponds-moi.
Maccabées, la prière du Siracide se tournera Car je t'ai fait monter du pays d'Égypte,
vers Jérusalem comme vers le point fixe qui je t'ai racheté de la maison de servitude.
oriente la foi d'Israël. [Mi 6, 3-4.]

Aie pitié, Seigneur, du peuple appel~ de ton Dieu est fatigué par cette ingratitude. Le
nom, procès du Seigneur à son peuple, décrit par
d'Israël dont tu as fait un premier-né.
Michée, sera repris dans les « impropères »
Aie compassion de ta ville sainte,
de la liturgie de la Passion du Christ, en écho
de Jérusalem, le lieu de ton repos. [Si 36, 11-12.l
à l'exclamation de Jésus fatigué par l'in-
Les divers temples de Jérusalem ont croyance de ceux qui l'écoutent:« Engeance
connu bien des vicissitudes jusqu'à la fin incrédule et perverse, jusques à quand ai-je
tragique, en 70 ap. J.-C. Le Temple détruit à vous supporter? » (Mt 17, 17).

291
LES SYMBOLES BIBLIQUES

LE THÈlv!E DU REPOS Les terreurs nocturnes sont dangereuses,


DANS LES PSAUMES le fidèle pourtant est veillé par Dieu :
Frémissez, ne péchez plus,
parlez en votre cœur, sur votre couche faites
Le repos a-inspiré les psalmistes. silence. [. .. ]
En paix, tout aussitôt, je me couche et je
Si le Temple estle lieu du repos de l'arche m'endors:
de l'Alliance et le reposoir de Dieu, il est c'est toi, SEIGNEUR, qui m'établis en sûreté.
aussi un lieu de calme, de méditation et de [Ps 4, 5 et 9.]
réfection spirituelle loin des inquiétudes de
la vie. Les chantres inspirés qui ont composé De jour, de nuit, la présence de Dieu
les Psaumes ont vu en lui une demeure entretient une joie qui est le véritablè repos.
mystérieuse, secrète comme la chambre écar- Je bénis le SEIGNEUR qui s'est fait mon conseil,
tée d'une tente fragile, ferme comme le roc et même la nuit mon cœur m'instruit.
d'une citadelle. J'ai mis le SEIGNEUR devant moi sans relâche ;
puisqu'il est à ma droite, je ne puis chanceler.
Une chose qu'au SEIGNEUR je demande, Aussi mon cœur exulte, mes entrailles jubilent,
la chose que je cherche, et ma chair reposera en sûreté. [Ps 16, 7-9.]
c'est d'habiter dans la Maison du SEIGNEUR
tous les jours de ma vie, Quand je songe à toi sur ma couche,
de savourer la douceur du SEIGNEUR, au long des veilles je médite sur toi,
de rechercher son palais. toi qui fus mon secours,
Car il me réserve en sa hutte un abri et je jubile à l'ombre de tes ailes.
au jour du malheur ; Mon âme se presse contre toi,
il me caèhe au secret de sa tente, ta droite me sert de soutien. [Ps 63, 7-9.]
il m'éleve sur le roc. [Ps 27, 4-5.]
Sous les ailes de Dieu, nul adversaire n'est
Mieux vaut un jour en tes parvis à craindre :
que mille à ma guise. [Ps 84, 11.]
Celui qui habite où se cache le Très-Haut
Car le SEIGNEUR a fait Choix de Sion, passe la nuit à l'ombre du Dieu Souverain.
il a désiré ce siège pour lui : Je dis au Seigneur : « Il est mon refuge,
c'est ici mon repos à tout jamais, ma forteresse
là je siégerai, car je l'ai désiré. [Ps 132, 13-14.] mon Dieu, sur lui je compte. » [ .. .]
De ses ailes il te fait un abri
Le tourment de l'angoisse suit l'homme et sous ses plumes tu te réfugies. [ .. .]
partout. La consolation du Seigneur peut Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit,
attendre son fidèle en tout temps et en tout ni la flèche qui vole au grand jour.
[Ps 91, 1-2 et 4-5.]
lieu. L'âme emprisonnée par la peur est ainsi
« élargie». Garde-moi comme la prunelle de l'œil,
à l'ombre de tes ailes cache-moi. [Ps 17, 8.]
Quand je crie, réponds-moi, Dieu de ma justice,
dans l'angoisse tu m'as mis au large. [Ps 4, 2.] Le psaume 131 décrit l'esprit d'enfance,

292
LE REPOS DE DIEU

le chemin de la simplicité et de la totale près de la terre que Jacob avait donnée à son fils
co:qfiance. Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus,
fatigué par la marche, se tenait donc assis près du
SEIGNEUR, je n'ai pas le cœur fier, puits. C'était environ la sixième heure,
et mon regard.n'a pas visé les sommets. Un 4, 5-6.l
Je n'ai pas poursuivi ces grandeurs,
ni les merveilles qui me dépassent. Le repos de Jésus va être l'occasion d'une
Non, mon âme n'est plus que paix et silence, grande révélation : autre est le repos que l'on
comme un enfant contre sa mère, trouve près d'un puits, autre le repos que
comme cet enfant mon âme est tout près de toi. connaît celui qui découvre « la source d'eau
[Ps 131, 1-2.] jaillissant en vie éternelle». La soif est une
Le psaume 55 fait intervenir la symboli- inquiétude du corps facile à apaiser. L'in-
que du cri. C'est l'appel au secours lancé quiétude de l'âme est la quête du repos
par le guerrier en détresse. Il jaillit aussi de définitif. Le cœur inquiet ne trouve son
l'homme oppressé par un fardeau intoléra- repos qu'en Dieu, dira saint Augustin.
ble, que Dieu peut prendre en charge.
Il a entendu ma voix, Le psaume 95 et l'épître aux Hébreux.
il m'a libéré, gardé sain et sauf,
quand on me combattait,
car il y avait foule autour de moi. L.J
Ce psaume est un invitatoire à la liturgie
Rejette ton fardeau, mets-le sur le SEIGNEUR, de l'adoration. Il rappelle tout cl' abord la
il te réconfortera. [Ps 55, 18-19 et 23.l grandeur du Dieu créateur, puis invite les
fidèles du Seigneur à s'incliner devant le
Le psaume du bon Pasteur est, par excel- grand Pasteur. Dieu prend alors la parole et
lence, celui du repos. Le symbole de l'eau montre qu'un troupeau n'existe que par la
vient ici justifier l'expression « refaire son voix du berger. Les brebis sourdes sont
âme». Le repos n'est pas ici une détente, vouées à la perdition.
mais une renaissance pour les êtres morts de L'expérience de !'Exode, de la marche
fatigue. dans le désert, de la rébellion d'Israël et du
Le SEIGNEUR est mon berger, châtiment quis' ensuivit,« ils n'entrèrent pas
rien ne me manque. dans mon repos », devraient demeurer pré-
Sur des prés d'herbe fraîche il me parque. sents dans la conscience du peuple élu.
Vers les eaux du repos il me mène, « Aujourd'hui si vous écoutiez sa voix ! »
il y refait mon âme. [Ps 23, 1-3.] Et Dieu dit:
La référence suivante n'est pas prise dans N'endurcissez pas vos cœurs comme à Meriba,
les Psaumes, mais elle illustre bien la sé- comme aux jours de Massa dans le désert,
quence symbolique repos-eau-renaissance. où vos pères m'éprouvaient,
Le lieu du repos et de l'eau est évident me tentaient, alors qu'ils me voyaient agir !
dans la rencontre de Jésus avec la Samari- Quarante ans cette génération m'a dégoûté
taine. et je dis : Toujours ces cœurs errants,
ces gens-là n'ont pas connu mes voies.
Il arriva à une ville de Samarie appelée Sychar, Alors j'ai juré dans ma colère ;

293
LES SYMBOLES BIBLIQUES

jamais ils n'entreront dans mon repos. certains doivent y entrer, et que ceux qui avaient
[Ps 95, 7-11.] reçu d'abord la bonne nouvelle n'y entrèrent pas
à cause de leur désobéissance, de nouveau Dieu
L'argumentation de l'épître _aux Hébreux fixe un jour, un« aujourd'hui», disant en David,
est subtile. Le Seigneur semble avoir, au après si longtemps, comme il a-été dit ci-dessus:
temps de la Genèse, achevé son œuvre « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'en-
puisqu'il chôme et prend son repos. Mais la durcissez pas vos cœurs ... » Si Josué avait intro-
génération rebelle du désert n'est pas entrée duit les Israélites dans ce repos, Dieu n'aurait
alors dans ce repos divin que lui avait pas dans la suite parlé d'un autre jour. C'est
préparé Dieu. Il décrète un nouvel« aujour~ donc qu'un repos, celui du septième jour, est
d'hui », celui de la conversion et de l' obéis- réservé au peuple de Dieu. Car celui qui « est
sance. Ce moment privilégié permet de entré dans son repos» lui aussi « se repose de
comprendre la conduite du Seigneur. Ainsi ses œuvres », comme Dieu des siennes. Effor-
çons-nous donc d'« entrer dans ce repos», afin
le peuple renouvelé, le peuple de Dieu,
que nul ne succombe, en imitant cet exemple de
pourra-t-il entrer dans ce repos divin.
désobéissance. [He4, 1-11.]
Craignons donc que l'un de vous n'estime arriver
trop tard, alors qu'en fait la_promesse « d'entrer
dans son repos» reste en vigueur. Car, nous
aussi, nous avons reçu une bonne nouvelle abso- L'APOCALYPSE
lument comme ceux-là. Mais la parole qu'ils
avaient entendue ne leur servit de rien, parce
qu'ils ne restèrent pas en communion par la foi
Dans l'Apocalypse, le repos de Dieu est
avec ceux qui écoutèrent. Nous entrons en effet,
nous les croyants, dans un repos, selon qu'il- a
réservé_ pour les élus.
dit : « Aussi ai-je juré dans ma colère : Non, ils Point de repos, ni le jour, ni la nuit, pour ceux
n'entreront pas dans mon repos.» Les œuvres qui adorent la Bête et son image, pour qui reçoit
de Dieu certes étaient achevées dès la fondation la marque de son nom. [... ]
du monde, puisqu'il a dit quelque part au sujet Puis, j'entendis une voix me dire du ciel :
du septième jüur : « Et Dieu se reposa le sep- « Écris : Heureux les morts qui meurent dans le
tième jour de toutes ses œuvres. » Et de nouveau Seigneur - oui, dit !'Esprit - qu'ils se reposent
en cet endroit : « Ils n'entreront pas dans mon de leurs fatigues, car leurs œuvres les accompa-
repos.» Ainsi donc, puisqu'il est acquis que gnent.» [Ap 14, 11 et 13.]
294
LE GESTE PROPHÉTIQUE
La geste des prophètes anciens. evenements découvriront et vérifieront.
Quand Israël était enfant. L'acte énigmatique conduit à la révélation
Gédéon et la question de la royauté. d'une réalité d'un autre ordre : le monde vu
Samson le « nazir ». par Dieu, gouverné par sa volonté toute-
De Samuel à Élie. puissante et miséricordieuse.
Élie. Plus profonde qu'un geste particulier, la
Élisée. gestuelle totale d'un être, son comportement
habituel ou exceptionnel révèlent son exis-
Le geste symbolique tence intime, son « être au monde >>, mais
dans les livres prophétiques, aussi son« être à Dieu ». À ce titre, certaines
Osée. vies silencieuses peuvent avoir Wle dimen-
Isaïe. sion prophétique : en elles, le Dieu qui vient
Jérémie. est déjà là. Quant au prophète actif qui
Ézéchiel. exhorte, transmet des Oracles et donne des
signes, il continue sa prophétie d'Wle ma-
Les gestes du Christ. nière muette et secrète quand, en silence, il
souffre pour la parole. Avant d'être harcelé
par les hommes, Jérémie a été harcelé par
Le prophète est l'homme de la parole, Dieu. Pris dans cette double contrainte, il est
mais on aurait tort de croire que son message devenu un serviteur souffrant, dont l' exis-
passe exclusivement par le langage articulé. tence même apparaît, tout ensemble, comme
La parole prophétique est aussi exprimée Wl signe de châtiment et de miséricorde.
par le geste, un geste qui n'a pas seulement Le geste prophétique est radicalement dif-
pour but d'appuyer le discours : il peut férent du geste magique. Le geste magique,
parfois le remplacer ou le préparer de ma- posé par l'homme, cherche à exercer une
nière impérative. Manipuler un objet, le pression sur les puissances supérieures,
casser, se vêtir d'étrange manière ou aller qu'elles soient démoniaques ou divines. Le
tout nu, porter un joug, sont des actes inso- but est la formule incantatoire. Par le geste
lites mais non pas démentiels. Ils ont un sens, magique, l'homme s'engage dans une lutte
d'abord caché, que la parole de Dieu et les de pouvoir contre un dieu ou contre un

297
LES SYMBOLES BIBLIQUES

démon.L'adversaire peut être aussi un autre LA GESTE DES PROPHÈTES ANCIENS


sorcier ou encore cette réalité indéterminée
qui a nom fatalité ou destin. Le magicien peut
agir seul ou prendre des alliés, il demeure un Quand Israël était enfant.
guerrier engagé dans un conflit.
Le geste prophétique, par contre, n'est ni La sortie d'Égypte fut une véritable nais-
un spectacle ni une illustration pédagogique. sance, mais le peuple enfant, de nature assez
Il dégage une force propre. Il est parole, au capricieuse, avait besoin d'un prophète tel
sens sémitique du terme, c'est-à-dire énergie que Moïse pour l'éduquer et le conduire au
autant que signification. La parole prophéti- terme de son voyage. Moïse, dit le Deutéro-
que est imprégnée de la force de la Parole nome, a été le plus grand des prophètes.
divine. L'initiative vient de Dieu qui choisit
ses prophètes et les anime par sa ruah} son Plus jamais, en Israël, ne s'est levé un prophète
Esprit. L'attitude requise de l'homme est comme Moïse, lui que le SEIGNEUR connaissait
une totale huntilité. La parole prophétique face à face, lui que le SEIGNEUR avait envoyé
est l'inverse de la parole magique : elle accomplir tous ces signes et tous ces prodiges
n'entend pas contraindre une force· supé- dans le pays d'Égypte, devant le Pharaon, tous
rieure, elle se soumet à celle de Dieu. S'il ses serviteurs et tout son pays. [Dt 34, 10-11.]
lui arrive de s'opposer aux puissances
infernales, c'est par la vertu divine qui La première qualité de Moïse est certai-
l'habite. nement sa soumission à la volonté de Dieu.
La formule qui accompagne le geste pro- Son existence tout entière n'a d'autre but
phétique ou qui le justifie n'est pas une que de réaliser le dessein salvifique du
invocation ni une prière : c'est un oracle. Elle Seigneur. En retour, Dieu le dote d'une
ne monte pas vers Dieu, elle descend de lui, puissance fantastique, symbolisée par le
elle sort de sa bouche. bâton qui prend, à volonté, la forme d'un
Le geste prophétique naît de la conjonc- serpent, et la main qui se couvre de la lèpre
tion active de Dieu et de l'homme. Le (Ex 4, 1-17). Ce bâton, cette main sont
Seigneur dit sa volonté et confère aux hom- capables d'opérer de grands prodiges.
mes le moyen de l'accomplir. Le prophète Moïse a des difficultés de parole et le
doit être « bon conducteur» de ce message discours en public n'est pas son fort
et de cette grâce. Cette collaboration, cepen- (Ex 4, 10). Dieu va établir un arrangement
dant, peut connaître des régimes différents. pour parler avec son peuple. Il parle « bou-
Si le prophète est un instrument de l'action che à bouche » avec son prophète qui trans-
divine, il n'en garde pas moins sa personna- met le message divin à Aaron doté, lui, de
lité, la Bible le montre bien. Le tempérament moyens oratoires. Mais le Seigneur sait que
de l'homme de Dieu, accordé à l'esprit de tout ne passe pas par la parole. Pour Pha-
son époque, joue un rôle dans la transmis- raon au cœur dur, et pour le peuple d'Israël
sion du message divin. Ainsi naîtront au au cœur changeant, les signes sont nécessai-
cours des siècles des formes de la pédagogie res : le recours au bâton prodigieux est
divine, adaptées aux temps et aux lieux. indispensable : « Quant à ce bâton, prends-

298
LE GESTE PROPHÉTIQUE

le en main l Avec lui tu feras des signes» res : Baal et sa parèdre Ashéra. Ces divinités
(Ex 4, 17). réclament un culte de la fécondité et des
Ces signes révèlent la volonté divine et le fêtes orgiaques qui sont en contradiction
pouvoir du Seigneur. Ils entraînent I' ac- avec la loi du Seigneur. C'est, pour le Dieu
quiescement d'un peuple souvent rebelle. d'Israël, l'occasion de manifester sa jalousie.
Les plaies d'Égypte, la traversée de la mer La culture canaéenne tente aussi Israël
des Roseaux, l'eau adoucie ou miraculeuse- d'une autre manière : le système royal repré-
ment tirée du rocher, la-manne et les cailles, sente une garantie pour la tenure de la terre.
sont autant d'épisodes célèbres de cette Un peu avant la naissance _de Gédéon, son
activité prophétique exceptionnelle. clan rêvait sans doute d'un roi. Mais l'inci-
Successeur de Moïse, Josué s'avère un dence religieuse de cette prétention était
bon guide, un vrai chef politique et militaire. évidente : élire un tel souverain revenait à
Dans le livre qui relate sa carrière, on voit déposséder Dieu de son titre de roi. La
peu à peu s'estomper son visage prophéti- religion et la politique se recoupaient alors
que. Les épisodes comme la traversée du dangereusement.
Jourdain et la prise de Jéricho demeurent La vocation de Gédéon, fils de Yoash, est
des faits exceptionnels dans le récit détaillé formulée comme un appel solennel de Dieu,
d'une conquête. adressé par un messager céleste. La saluta-
Avec le livre des Juges, on voit émerger à tion du début est étrange : l'ange du Sei-
nouveau certaines figures charismatiques, gneur parle à un homme en train de battre
comme la prophétesse Débora qui jugeait le blé, mais s'adresse déjà à lui comme à un
Israël sous :son_ palmier et dont le cantique chef de guerre. « Le SEIGNEUR est avec toi,
est célèbre. Gédéon et Samson sont des vaillant guerrier» (Jg 6, 12).
pèrsonnages qui, sans être des prophètes au À cette époque, le chef de guerre charis-
sens habituel du terme, n'en possèdent pas matique possède aussi -un· certain- pouvoir
moins une dimension prophétique. Ce don prophétique. Plus tard, les prophètes n'au-
se ·manifeste plus dans leurs actions et leurs ront plus de responsabilité militaire, mais ils
gestes que dans leurs discours. conserveront pourtant le comportement
d'un guerrier et le courage de potier la
parole de contradiction qui œuvre comme
Gédéon et la question de la royauté, l'épée et le feu.
Gédéon est méfiant et son attitude envers
À l'arrière-plan de l'hist•ire de Gédéon se l'ange n'est pas la soumission immédiate :
trouve une communauté d'israélites en voie Où est-il ce Dieu qui laisse les Madianites
de sédentarisation. Après l'existence pasto- opprimer son peuple? « N'est-il pas vrai
rale du nomade, la vie del' agriculteur donne que le SEIGNEUR nous a fait monter
au peuple de Dieu des racines tertiennes. d'Égypte ? Or, maintenant, le SEIGNEUR
Mais la terre de Canaan est aussi le territoire nous a délaissés en nous livrant à Madiân »
de divinités païennes et le terroir de l'idolâ- (Jg 6, 13 ).
trie. Au nord, la tribu de Manassé se trouve Le Seigneur répond en l'assurant qu'il
ainsi mise en contact avec des dieux agrai- possède la force pour vaincre Madiân. Mais

299
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Gédéon persiste dans sa méfiance : « Par- Il construit à la place un autel sur lequel il
don mon seigneur, comment sauverai-je Is- offre un sacrifice au Seigneur.
raël ? Mon clan est le plus faible en Manassé, Le jour venu, les gens de la ville veulent
et moi, je suis le plus jeune dans la maison punir de mort Gédéon, mais son père Yoash
de mon père» (Jg 6, 15). leur rétorque : << Si Baal n'est pas content,
Le Seigneur le rassure et lui promet son qu'il porte plainte contre lui» (Jg 6, 32).
aide efficace. Mais Gédéon doute encore de Il fallait que Gédéon soit consacré et
toutes ces paroles. Qui parle ? Cette voix revêtu d'une force extraordinaire pour me-
n'est-elle pas illusoire? ner cette lutte dont les adversaires étaient ses
propres compatriotes et même ses parents.
Gédéon lui dit : « Si vraiment j'ai trouvé grâce Pour rassembler les tribus contre Madiân,
à tes yeux, manifeste-moi par un signe que c'est
Gédéon a besoin d'un signe. L'histoire de la
toi qui me parles. Je t'en prie, ne t'éloigne pas
d'ici jusqu'à ce que je revienne vers toi, le temps
toison qui s'imbibe de rosée quand le terrain
d'apporter mon offrande et de la déposer devant reste sec est un. premier miracle que lui
toi.» Ug 6, 17-18.l accorde le Seigneur pour l'accréditer. Tou-
jours méfiant - et cette fois-ci cette mé-
Gédéon est décidément très méfiant fiance s'adresse à ses éventuels alliés -
(c'est une des qualités essentielles d'un Gédéon demande au Seigneur la confirma-
guerrier). Quand l'offrande aura été carbo- tion d'un nouveau signe.
nisée sous ses yeux par un feu sorti du
rocher, ce signe deviendra bien plus que la Gédéon dit à Dieu : « Que ta colère ne s'en-
confirmation d'une parole. C'est l' expé- flamme_pas contre moi si je parle encore une fois.
Permets que je fasse une dernière fois l'épreuve
rience de la présence de Dieu et de sa fidélité
de la toison : que la toison seule reste sèche et
sans défaut. Gédéon traduit ainsi son effroi :
qu'il y ait de la rosée sur tout le terrain.» Cette
« Ah ! Seigneur DIEU, j'ai donc vu l'ange du nuit-là Dieu fit ainsi: seule la toison resta sèche
SEIGNEUR face à face» (Jg 6, 22). et il y eut de la rosée sur tout le terrain.
Mais le Seigneur le rassure tout de suite : Ug 6, 39-40.l
Le SEIGNEUR lui dit : « La paix est avec toi ! Ne
Gédéon, chef militaire, tient donc sa force
crains rien; tu ne mourras pas. » À cet endroit,
d'une expérience spirituelle initiale. Il est
Gédéon bâtit un autel au SEIGNEUR et il l'appela
« Le SEIGNEUR est paix», Jusqu'à ce jour, cet
inspiré par Dieu lorsqu'il procède à la réduc-
autel est encore à Ofra d'Aviézer. Ug 6, 23-24.l tion nécessaire des effectifs de son armée
(Jg 7, 1-8), lorsqu'il détecte un signe dans un
Dieu demande ensuite à Gédéon de dé- songe (Jg 7, 13-15), lorsqu'il imagine le
truire l'autel païen dédié à Baal ainsi que le stratagème des torches dans les cruches
pieu sacré qui représente la déesse Ashéra. (Jg 7, 16-22).
C'est malheureusement le père de Gédéon La fin de la vie de Gédéon est marquée
qui est responsable de ce sanctuaire idolâtri- par une ambiguïté qui divisera longtemps
que. Israël : le peuple de Dieu peut-il avoir un
Gédéon le guerrier organise une attaque prince portant le titre de roi? Dieu n'est-il
nocturne pour ravager le sanctuaire de Baal. pas le seul roi ?

300
LE GESTE PROPHÉTIQUE

La sédentarisation d'Israël a permis la trouve consacré par un vœu de sa mère,


constitution de domaines terriens et le désir, désespérée par sa stérilité. On retrouve ici le
chez les propriétaires d'un régime politique thème du « choix de Dieu », qui marque du
stable, semblable à celui des royaumes envi- sceau de sa grâce la naissance d'un être (voir
ronnants. Le système des Juges, de type trop la naissance de Samuel (1 S 1).
charismatique, semble aléatoire. Samson ne conduifpas_une guerre sainte,
mais ac;complit une suite d'exploits qui ont
Les hommes d'Israël dirent à Gédéon : « Sois
pour but de manifester la force divine qui
notre souverain, toi-même, puis ton fils, puis le
l'habite. Les Philistins feront les frais de
fils de ton fils, car tu nous as sauvés de la main
de Madiân. » Gédéon leur-dit : « Ce n'est pas cette démonstration.
moi qui serai votre souverain, ni mon fils. Que L'histoire du lion déchiré de ses propres
le SEIGNEUR soit votre souverain ! » Gg 8, 22-23.] mains et de l'énigme proposée aux Philis-
tins, celle des renards_ porteurs de _torches
Ce refus a-t-il été définitif? On peut qui incèndient leurs récoltes, aboutit finale-
croire le contraire. La suite du texte nous ment à un massacre des ennemis (Jg_ 14 et
montre Gédéon vivant d'une manière prin- 15, 1-8).
cière (Jg 8, 30-32). Peut-être est-il devenu Livré aux Philistins, lié avec des cordes
un roitelet régnant sur quelques tribus neuves, le prisonnier va se déchaîner :
montagnardes. Le danger de la royauté était
d'offrir au prince la tentation d'idolâtrie. Lorsqu'il arriva près de Lèhi, les Philistins vin-
L'éphod scandaleux qu'il fait fabriquer rent à sa rencontre en poussant des cris, mais
(Jg 8, 27), la naissance de son fils Abimélek l'Esprit du SEIGNEUR pénétra en lui : les cordes
qu_i acceptera la royauté et connaîtra une fin qui étaient sur ses bras devinrent comme des fils
lamentable (Jg 9), le retour du peuple vers de lin consumés par le feu et ses liens se décom-
posèrent autour de ses mains. Puis trouvant une
les idoles (Jg 8, 33), contribuent à entretenir
machoire d'âne toute fraîche, il étendit la main,
l'ambiguïté que suscite la question : est-il la ramassa et en frappa mille hommes.
possible, pour Israël, d'avoir un roi sans Ug 15, 14-16.l
usurper un titre proprement divin ?
Pour Samson mourant de soif, Dieu fera
jaillir une source (Jg 15, 18-19).
Samson le « nazir ». À Gaza, importante cité des Philistins, il
arracha les portes de la ville et les transporta
La figure de Samson diffère de celle de à Hébron, à soixante-dix kilomètres de là
Gédéon, il est nazir. Le nazir, homme ou (Jg 16, 1-3).
femme, a fait le vœu de s'abstenir de vin ou Toutes ces démonstrations de force
de boissons fermentées ; il doit laisser croître s'orientent vers un exploit final. Trahi par
sa chevelure et n'avoir aucun contact avec un Dalila qui a fini par connaître le secret de sa
mort. Al' origine, ils' agissait d'une consécra- puissance, l'état de nazir matérialisé par sa
tion à vie, capable de donner à un homme longue chevelure, il est réduit en esclavage.
une puissante énergie guerrière. Appelé dans le temple de Dâgon pour y
Samson n'a pas choisi cette voie : il se divertir l'assistance :

301
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Samson palpa les deux colonnes du milieu sur apparait un « prophétisme cultuel». Le
lesquelles reposait le temple et il prit _appui culte passe par la soumission aux règles
contre elles, contre l'une avec soh bras droit et liturgiques anciennes, mais l'activité prophé-
contre l'autre avec son bras gauche. Samson dit :
tique demande une totale disponibilité à
« Que je meure avec les Philistins. » Puis il
l'esprit de Dieu, à la ruah du Seigneur. Saül
s'arc-bouta avec force et le temple s'écroula sur
les tyrans et sur tout le peuple qui s'y trouvait. et David fréquenteront ces groupes de ne-
Les morts qu'il fit mourir par sa mort furent plus biim. Un nabi est un homme de Dieu qui
nombreux que ceux qu'il avait fait mourir appartient à un grOupe et trouve là l' atmo-
durant sa vie. Ug 16, 29-30.] sphère et les pratiques favorables à certaines
formes d'extase. Les excès de ces transports
L'histoire de Samson n'est. donc pas un sont réglementés par l'exercice du culte. Ces
récit de guerre. Cette épopée entend mon- groupes sont dirigés par des « pères » qui
trer que la force qui sauve Israël vient du sont aussi des conseillers oraculaires des rois.
Seigneur lui-même. Le feu qui jaillit du Dans la mouvance de ces communautés, des
rocher pour agréer l'offrande de Gédéon, ascètes apparaissent et disparaisSent après
l'eau qui jaillit de la fissure de la grotte pour transmission d'un message divin. La Bible ne
abreuver Samson montrent que Dieu est mentionne pas toujours leur nom.
bien le rocher d'Israël. Les Juges d'Israël ne Samuel est prophète, juge et intercesseur
sont pas que des libérateurs militaires, ils pour Israël (! S 7, 2-6). Quand le peuple
sont porteurs de signes de la Présence. On réclame un ro( cette requête déplaît au
retrouve là un des sens possibles du nom prophète qui voit là la fin d'un système, où
mystérieux de Dieu « YHWH » : «Je suis le pouvoir n'était délégué par le Seigneur
.. . aux hommes que pour un temps. Les juges
avec qw Je serai. >>
hwnains étaient alors choisis ou consacrés
pour leurs qualités exceptionnelles. Les an-
ciens d'Israël rassemblés demandent à Sa-
De Samuel à Élie. muel:

Samuel est né comme un fruit de la grâce « Te voilà devenu vieux et tes fils ne marchent
de Dieu, accordé à Anne, la femme stérile. pas sur tes traces. Maintenant donc, donne-nous
Il se trouve dès sa naissance, comme Sam- un roi pour nous juger comme toutes les na-
son, en état de nazir_, bien que ce titre ne soit tions. » II déplut à Samuel qu'ils aient dit :
pas mentionné (1 S !, Il)_ C'est du sanc- « Donne-nous un roi pour nous juger. » Et
tuaire de Silo que la prière d'Anne s'est Samuel intercéda auprès du SEIGNEUR. Le SEI-
GNEUR dit à Samuel : « Écoute la voix du peuple
élevée vers le Seigneur. C'est à Silo que
en tout ce qu'ils te diront. Ce n'est pas toi qu'ils
Samuel sera donné pour prendre part au
rejettent, c'est moi. Ils ne veulent plus que je
service d'un temple qui maintenait la forme règne sur eux. Comme ils ont agi depuis le jour
nomade d'un culte ancien. Après le déclin du où je les ai fait monter d'Égypte jusqu'aujour-
sanctuaire de Silo, en la personne de Samuel d'hui, m'abandonnant pour servir d'autres
va s'instaurer un lien entre la fonction pro- dieux, ainsi agissent-ils aussi envers toi.»
phétique et la fonction sacerdotale. Ainsi [1 S 8, 5-8.]

302
LE GESTE PROPHÉTIQUE

L'expression« comme toutes les nations » Le SEIGNEUR envoya Natân à David. Il alla le
est révélatrice. Les anciens d'Israël ne dis- trouver et lui dit : « Il y avait deux hommes dans
cernent plus la différence qui fait d'Israël une ville, l'un riche et l'autre pauvre. Le riche
« un peuple à part et la part de Dieu». La avait force moutons et bœufs. Le pauvre n'avait
rien du tout, sauf une agnelle, une seule petite,
royauté dynastique semble exclure le choix
qu'il avait achetée. Il la nourrissait. Elle grandis-
de Dieu. Cet aveuglement est une prédispo- sait chez lui en même temps que ses enfants. Elle
sition à la déviance spirituelle. mangeait de sa pitance, elle buvait à son bol, elle
Samuel fait alors un tableau del' esclavage couchait dans ses bras. Elle était pour lui comme
que va subir le peuple quand il sera tombé une fille. Un hôte arriva chez le riche, il n'eut pas
sous la coupe du roi. Cet état misérable le cœur de prendre de ses moutons et de ses
révélera par contraste la grandeur des insti- bœufs pour apprêter le repas du voyageur venu
tutions anciennes, quand l'obéissance à Dieu chez lui. Il prit l' agnelle du pauvre et l'apprêta
était le principe de la liberté. pour l'homme venu chez lui. »
David entra dans une violente colère· contre cet
Il [le roi] lèvera la dîme sur vos grains et sur vos homme et il dit à Natân : « Par la vie du
vignes et la donnera à ses eunuques et à- ses SEIGNEUR, il mérite la mort, l'homme qui a fait
serviteurs. cela. Et der agnelle il donnera compensation au
Il prendra vos serviteurs et vos servantes, les quadruple, pour avoir fait cela et pour avoir
meilleurs de vos jeunes gens et vos ânes pour les manqué de cœur. » Natân dit à David : << Cet
mettre à son service. Il lèvera la dîme sur vos homme, c'est toi'» [2 S 12, 1-7.]
troupeaux. Vous-mêmes enfin vous deviendrez
ses esclaves. Ce jour-là, vous crierez à cause de En châtiment de ce crinae, l'enfant de
ce roi que vous vous serez choisi, mais ce jour-là, David et de Bethsabée mourra.
le SEIGNEUR ne vous répondra point. À la fin du règne de Salomon, le prophète
[1 S 8, 15-18.]
Ahiyya sent venir le schisme qui va couper
Le peuple s'obstine et Dieu l'abandonne le peuple de Dieu en deux royaumes : Israël
à son sort. Jusqu'au bout, malgré sa contra- au nord, et Juda au sud. En signe de cette
riété, Samuel demeurera un intercesseur : déchirure spirituelle, il déchire son manteau.
En ce qui me concerne, il serait abominable de A cette époque comme Jéroboam était sorti de
pécher contre le SEIGNEUR, en cessant d'intercé- Jérusalem, le prophète Ahiyya de Silo le rencon-
der en votre faveur.Je vous enseignerai le bon et tra en chemin ; Ahiyya était couvert d'un man-
le droit chemin. Seulement craignez le SEIGNEUR teau neuf et ils étaient tous les deux seuls dans
et servez-le avec loyauté, de tout votre cœur. la campagne. Ahiyya saisit le manteau neuf qu'il
[1 S 12, 23-24.] avait sur lui et le déchira en douze morceaux.
Puis il dit à Jéroboam : « Prends dix morceaux ;
Au temps de David, l'acte prophétique le car ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël :
plus marquant du prophète Natan est Voici je vais arracher le royaume de la main de
l'usage d'une parabole. Ils' agit en fait d'une Salomon, et je te donnerai dix tribus. Et l'unique
histoire piégée qui a pour but de surprendre tribu qu'il aura, ce sera à cause de mon serviteur
le roi et de réveiller sa conscience. David, en David, et à cause de la ville de Jérusalem que j'ai
effet, à fait périr Uri pour lui prendre sa choisie parmi toutes les tribus d'Israël. »
femme Bethsabée. [1 R 11, 29-32.J

303
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Quand le roi d'Israël, Jéroboam, établit qui organisent une séance d'autosuggestion.
un culte concurrent de celui célébré à Jérusa- L'un d'eux, en un geste symbolique, brandit
lem, il fait de Béthel un des deux centres de des cornes de fer pour présager le triomphe
cette nouvelle pratique. Il désobéit aux des rois.
commandements du Deutéronome sur des Le roi d'Israël et Josaphat, le roi de Juda, en
points essentiels. Un « homme de Dieu » va tenue d'apparat, siégeaient, chacun sur son
intervenir et manifester la volonté du Sei- trône, sur l'esplanade, à l' èntrée de la porte de
gneur par deux signes éclatants. Le compor- Samarie ei: tous les prophètes s'excitaient à
tement du prophète, ici, n' ànnonce pas un prophétiser devant eux. Cidqiyahou, fils de
événement : il est l'occasion immédiate de Kenaana, s'étant fait des èOrnes de fer, dit :
l'intervention divine. « Ainsi parle le SEIGNEUR : Avec ces cornes, tu
enfonceras Aram_ jusqu'à l'achever! » Tous les
Un homme de Dieu vint de Juda à Béthel sur une prophètes prophétisaient de même, en disant :
parole du SEIGNEUR, alors que Jéroboam brûlait « Monte à Ramoth-de-Galaad, tu réussiras ! Le
des offrandes sur l'autel. Et il cria contre l'autel, SEIGNEUR la livrera aux mains du roi. »
sur une parole du SEIGNEUR : « Autel ! Autel ! [l R 22, 10-12.]
ainsi parle le SEIGNEUR: Voici, un fils.va naître
à la maison de David, son nom sera Josias. Sur Le prophète Michée de Yimla, lui, n'est
toi, il offrira en sacrifice les prêtres des hauts pas un faux prophète. Il annonce le contraire
lieux qui brûlent sur toi de l'encens ; et l'on au roi d'Israël : la bataille projetée sera un
brûlera sur toi des ossements humains.» Ce jour désastre et le roi d'Israël, Achab, sera tué.
même, l'honime de Dieu donna un signe en Maltraité par le chef des faux prophètes,
disant : « Ceci est le signe que le _SEIGNEUR a Michée de Yimla se trouve incarcéré sur
parlé. Voici l'autel va se fendre, Et la graisse qui l'ordre du roi.
est dessus se répandre. » De fait, Achab perdra la vie, malgré
Dès qu'il entendit la parole que l'homme de Dieu l'usage d'un stratagème déshonorant au
avait criée contre l'autel de Béthel, le roi J éro- cours du combat. La flèche perdue qui le
boam tendit la main qu'il avait sur l'autel en frappe semble guidée par la volonté de Dieu
disant:« Saisissez-le! » Mais la main qu'il avait
tendue contre l'homme de Dieu se dessécha et il
(1 R 22, 34-35).
ne pouvait la ramener à lui. Vautel se fendit et
la graisse se répandit de l'autel, selon le signe que
l'homme de Dieu avait donné sur une parole du Élie.
SEIGNEUR. [1 R 13, 1-5.]
Dans le premier livre des Rois, l'action du
Quand le roi de Juda, Josaphat, va trouver prophète Elie tient une place à part. C'est un
le roi d'Israël, Achab, pour lui demander de homme de Dieu, un ascète, et son habit le
s'allier à lui pour combattre un ennemi désigne comme tel. Il porte un manteau de
commun, Josaphat demande à Achab _de poils et un pagne de peau autour des reins.
consulter le Seigneur par l'intermédiaire de Au temps de la grande sécheresse envoyée
ses prophètes. Quatre cents prophètes se par Dieu à cause des fautes du roi Achab, il
réunissent pour déclarer favorable l'issue du vit un moment en ermite, ravitaillé par un
conflit. Il s'agit, en fait, de faux prophètes corbeau (1 R 17, 2-6).

304
LE GESTE PROPHÉTIQUE

Le torrent s'étant desséché, le Seigneur mère ; Élie dit : « Regarde ! Ton fils est vivant. »
l'envoie chez une veuve1 ·à Sarepta. Il la La femme dit à Élie : << Oui, maintenant, je sais
trouve ramassant quatre morceaux de bois que tu es un homme de Dieu et que la parole du
SEIGNEUR est vraiment dans ta.bouche.»
pour cuire un dernier repas pour elle et son
[! R 17, 18-24.]
fils : ses réserves sont épuisées, la mort
approche. Le prophète demande à manger Le Christ lui-même évoque les miracles de
et, devant la femme interloquée, il prophé- Sarepta. Il donne à ces épisodes un sens qui
tise : n'apparaît pas aussi clairement dans le livre
« Ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël :
des Rois : la miséricorde de Dieu déborde
Cruche de farine ne se videra, sur les païens quand Israël se trouve en état
jarre d'huile ne désemplira, de rébellion.
juSqu'au jour où le SEIGNEUR En toute vérité, je vous le déclare, il y avait
donnera la pluie à la surface du sol beaucoup de veuves en Israël_ aux jours d'Élie,
Elle s'en alla et fit comme Élie avait dit; elle quand le ciel fut fermé trois ans et six mois et
IIlangea, elle, lui et sa famille, pendant des jours. que survint ·une grande famine sur tout le pays ;
La cruche de farine ne tarit pas et la jarre d'huile pourtant ce ne fut à aucune d'entre elles qu'Elie
ne désemplit pas, selon la parole que le SEIGNEUR fut envoyé, mais bien dans le pays de Sidon, à
avait dite par l'intermédiaire d'Élie. une veuve de Sarepta. [Le 4, 25-26.]
[! R 17, 14-16.]
Les évangélistes, plus tard, ont gardé en
Le fils de la veuve tombe très gravement arrière-fond les miracles d'Élie quand ils ont
malade. La femme pense que ce malheur est rapporté ceux de Jésus : la multiplication des
le rappel d'une faute ancienne. Le prix à pains et la résurrection du fils de la veuve de
payer, après la mort de son mari, serait donc Naïn (Le 7, 11,17).
celle de son fils. Elle s'irrite, le ton est C'était d'ailleurs le sentiments des
presque celui d'une imprécation. contemporains de Jésus : « Il CTésus] les
La femme dit à-Élie : << Qu'y a-t-il entre moi-et interrogea: "Qui suis-je au dire des foules?"
toi, homme de Dieu ? Tu es venu chez moi pour Ils répondirent : "Jean le Baptiste ; pour
rappeler ma faute et faire mourir mon fils. » Il lui d'autres, Élie ; pour d'autres tu es un pro-
répondit : « Donne-moi ton fils ! » Il le prit des phète d'autrefois qui est ressuscité."» (Le 9,
bras de la femme, le porta dans la chambre haute 18-19).
où il logeait, et le coucha sur son lit. Puis il Jésus entendait ainsi renouer avec la tradi-
invoqua le SEIGNEUR en disant : « SEIGNEUR, tion prophétique. Ses miracles avaient ce-
mon Dieu, veux-tu du mal même à cette veuve, pendant une signification plus grande que
chez qui je suis venu en émigré, au point que tu ceux d'Élie. Plus que des prodiges prophéti-
fasses mourir son fils?» Élie s'étendit trois fois
ques, ils étaient des signes du Royaume des
sur l'enfant et invoqua le SEIGNEUR, en disant :
« SEIGNEUR, mon Dieu, que le souffle de cet
cieux et la confirmation de ses noms vérita-
enfant revienne à lui -! ». Le SEIGNEUR entendit la bles : Fils de Dieu, Fils de l'homme et
voix d'Élie ; èt le souffle de l'enfant revint en lui, Messie.
il fut vivant. Élie _prit l'enfant, le descendit de la Pendant le règne d' Achab et de son
chambre haute dans la maison, et le donna à sa épouse Jézabel, Élie va accomplir un grand

305
LES SYMBOLES BIBLIQUES

signe prophétique. Face à l'invasion païenne, «Israël». Déjà le prophète Shemaya avait
il organise une lutte de pouvoirs entre pro- rappelé la nécessité de l'unité (1 R 12,
phètes, sur le mont Carmel. Les prophètes 22-24). Cet autel préfigure l'unité, il va
des idoles sont nonibreux. Quatre cent cin- être consacré par le feu du Seigneur d'Israël
quante pour Baal et quatre . cents pour (1 R 18, 38).
Ashéra, sa parèdre. Le peuple assiste, par- C'est là le plus grand signe prophétique
tagé entre ces deux convictions religieuses. accompli par Élie. Il ne s'agit pas simple-
« Ils dansent d'un pied sur l'autre» (1 R ment d'une unité tactique, d'une alliance
18, 21). Élie affirme: «Je suis resté le seul politique et militaire, comme celle que
prophète du SEIGNEUR» (1 R 18, 22). contractèrent Achab et Josaphat (1 R 22).
Prophètes contre prophète, la lutte est Élie montre bien ainsi qu'il est urgent de
d'abord un affrontement d'invocations. À retrouver l'Alliance du Seigneur avec son
cet appel,- on pense que le vrai Dieu répon- peuple, le pacte spirituel qui est le principe
dra par un feu qui tombera sur l'offrande de de son unité.
l'une ou de l'autre partie. L'arme des pro- Élie s'enfuit dans le désert, un désert qui
phètes idolâtres c'est la transe, obtenue par
1 ressemble à celui de !'Exode. Il est récon-
des cris et des invocations. forté par un pain venu du ciel. Il marche
quarante jours (comme les quarante ans de
Élie se moqua d'eux et dit : « Criez plus fort,
l'errance du peuple après sa sortie
c'est un dieu : il a des préoccupations, il a dû
s'absenter, il a du chemin à faire; peut-être qu'il d'Égypte). Il atteint la montagne de !'Horeb
dort et il faut qu'il se réveille» [1 R 18, 27]. (lieu de la première Alliance) où il est,
comme Moïse, favorisé d'une théophanie
Les faux prophètes redoublent d'ardeur (1 R 19, 1-13). Dieu parle:
et ajoutent des scarifications à leurs cla-
meurs. Nulle réponse ne récompense ces « Pourquoi es-tu id, Élie ? » TI répondit : 1< Je
pratiques spectaculaires. suis passionné pour le SEIGNEUR, le Dieu- des
Élie commence par réparer l'autel d'Israël. puissances : les fils d'Israël ont abandonné_ ton
alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes
Élie dit à tout le peuple : « Approchez-vous de prophètes par l'épée ; je suis resté, moi seul, _et
moi! » Et tout le peuple s'approcha de lui. Il l'on cherche à m'enlever la vie.»
répara l'autel du SEIGNEUR qui avait été démoli : [1 R 19, 13-14.l
il prit douze pierres, d'après le nombre des
tribus des fils de Jacob à qui cette parole avait
été adressée : « Tori nom sera Israël.» Avec ces Dieu annonce alors une grande purge en
pierres, Élie rebâtit un autel au nom du SEI- Israël, mais aussi le maintien d'un petit reste
GNEUR. [l R 18, 30-32.] à partir duquel renaîtra un peuple nouveau
(1 R 19, 15-18).
Les douze pierres de l'autel sont chargées Les prodiges qui jalonnent l'activité d'Élie
d'une grande signification en ce temps de sont liés à la manifestation de Dieu comme
schisme qui divise les tribus du peuple de feu. Le Seigneur est un feu dévorant, lors-
Dieu : deux pour le royaume de Jérusalem qu'il consume l'offrande déposée sur l'autel
«Juda», dix pour le royaume du nord, du mont Carmel (1 R 18, 38). Avant de se

306
LE GESTE PROPHÉTIQUE

présenter à Élie sous la forme d'une douce Il [Élie] partit de là et trouva Élisée, fils de
brise, le Seigneur fait sentir qu'il a le pouvoir Shafath, qui labourait ; il avait à labourer douze
du feu (1 R 19, 12). Le feu de Dieu frappe arpents et il en était au douzième. Élie passa près
les deux troupes de cinquante hommes et les de lui et jeta son manteau sur lui. Élisée aban-
donna les bœufs, courut après Élie et dit :
officiers envoyés par le roi Akhazias : le
« Permets que j'embrasse mon père et ma mère
souverain a eu tort d'aller consulter Baal~
et je te suivrai. » Élie lui dit : « V a ! Retourn~ !
Zeboub, l'idole d'Éqrôn (2 R 1, 9-12). Que t'ai-je dont fait?» Élisée s'en retourna sans
L'ascension d'Élie se fait sur un char attelé le suivre, prit la paire de bœufs qu'il offrit en
de chevaux de feu (2 R 2, 11). sacrifice; avec l'attelage des bœufs, il fit cuire
Élie est un être ardent, d'une ardeur leur viande qu'il donna à manger aux siens. Puis
proprement divine. La puissance et la si- il se leva, suivit Élie et fut à son service.
gnification éblouissante de ses actes vien- [l R 19, 19-21.]
nent de leur parfaite conjonction aux exi-
gences du Seigneur. Il n'est pas chef de Al'heure del' ascension d'Élie, le manteau
guerre, ni homme d'une politique ordi- du prophète, roulé, prend la forme du bâton
naire : il veut l'unité d'Israël. Cette unité de Moïse (Ex 14, 16) pour passer le Jour-
est la meilleure reconriaissance concrète de dain à pied sec (2 R2, 7-8).
l'unicité de Dieu. Ce désir est une passion. Élisée souhaite être l'héritier spirituel du
Le dialogue sur !'Horeb en témoigne : prophète. Il demande une double part de
« Une voix s'adressa à lui : "Pourquoi es-tu son esprit, c'est-à-dire la part réservée aux
ici, Élie?" Il répondit : "Je suis passionné premiers-nés. La réponse d'Élie n'est pas
pour le SEIGNEUR, Dieu des puissances" » évasive : si Élisée a reçu de Dieu le don de
(1 R 19, 13-14). la voyance, il verra l'ascension d'Élie. Seul le
Cette vive flamme d'amour est superbe- Seigneur peut faire à un homme le don de la
ment évoquée par le Siracide : pro_phétie (2 R 2, 9-10). ,
Elisée sera oint par Elie (1 R 19, 16).
Le prophète Élie s'éleva comme un feu, C'est la seule mention de l'onction d'un
et sa parole brûlait comme une torche. prophète.
[Si 48, 1.]

Dans le ciel prophétique, Élisée appa- Élisée.


raît comme la queue de cette comète fulgu-
rante. Élisée et son groupe représentent le pro-
Le manteau d'Élie, ce manteau dont il phétisme du nord. Malgré leur courage, leur
s'est voilé le visage quand le Seigneur se projet ne semble pas avoir eu l'envergure
présentait à lui à !'Horeb (1 R 19, 13 ), va intransigeante et passionnée de la vision
devenir le symbole de la transmission du d'Élie. Ce dernier était hanté, comme un
2ouvoir prophétique. Le sacrifice qu'offre nouveau Moïse, par l'llilité. d'Israël et le
Élisée, l'acte de brûler les instruments de son mystère de l'Alliance.
travail agricole, sont les signes d'une ruprure Élisée, pourtant, est un vrai prophète et
définitive avec la vie profane. ses actions sont significatives. Il est vrai-

307
LES SYMBOLES BIBLIQUES

ment un nabi, il inspire une confrérie. Il a nemi. Il s'affole,_mais Élisée le rassure: il a


besoin d'un musicien pour obtenir le degré un moyen radical de se défendre. Il dit à
de conscience qui lui permettra de trans- l'homme effrayé :
mettre un oracle de Dieu (2 R 3, 15). Il
est aussi capable de grands signes : il « Ne crains pas ! Ceux qui sont avec nous sont
multiplie l'huile pour une veuve en dé- plus nombreux que ceux qui sont avec eux. »
tresse (2 R 4, 1-7). Le récit de la résurrec- Élisée pria en ces termes : « SEIGNEUR ouvre-lui
tion du fils de la femme de Shounem les yeux et qu'il v_oie ! » Le SEIGNEUR ouvrit les
ressemble beaucoup à la résurrection opé- yeux du serviteur et il vit que la montagne était
rée par Élie (2 R 4, 8-37 et 1 R 17, pleine de chevaux et de chars de feu qui entou-
raient Élisée. [2 R 6, 16-17.]
17-24). Il assainit un potage dangereuse-
ment assaisonné d'herbes toxiques (2 R 4,
38-41). Le récit de la multiplication des À la demande d'Élisée, la troupe ara-
méerme alors est frappée de berlue. Le
pains d'orge renvoie au miracle de Jésus
prophète propose de guider les assaillants
(2 R 4, 42-44 et Mt 14, 13-21). La guéri-
vers l'homme qu'ils recherchent et, tranquil-
son de Naaman le lépreux (2 R 5, 1-19)
lement, les conduit à Samarie où réside le roi
sera rappelée par le Christ (Le 4, 27).
L'épisode du fer de hache qui remonte à d'Israël. Là, l'illusion s'efface et la troupe
ennemie est encerclée par les forces d'Israël.
la surface est intéressant parce qu'il nous
montre la construction d'un ashram, d'un Le roi demande au prophète : « Dois-je les
abri où le maître donne ses conférences tuer ? » Élis~e suggère plutôt de leur servir
spirituelles (2 R 6, 1-7). un bon repas. Cette miséricorde, quelque
peu teintée d'humour narquois, contribue à
détourner les Araméens de leur projet agres-
Le récit del' agression du roi d' Aram et de
la manière dont elle fut repoussée ressemble
sif (2 R 6, 18-23).
à une fantastique- histoire de sorciers. Ici Peu avant de mourir, Élisée accomplira
toutefois, la puissance surnaturelle vient du une dernière action prophétique. En se ser-
vant du tir à l'arc, il présagera la victoire de
Seigneur qui peut ouvrir les yeux ou aveu"-
Joas, roi d'Israël, sur les Araméens (2 R 13,
gler. Au nom de Dieu, le prophète va,
14-19).
pour se défendre, susciter une redoutable
illusion.
Après sa mort, les ossements de l'homme
de Dieu seront encore capables de mira-
Chaque fois que le roi d' Aram projette un
cles.
coup de main contre Israël, le roi d'Israël en
est averti : Élisée, voyant de Dieu, commu-
Élisée mourut et· on l'ensevelit. Or, en début
nique l'information à son souverain. Le roi
d'année, des bandes venant de Moab pénétraient
d' Aram pense alors qu'il y a un traître dans
dans le pays. Comme des gens ensevelissaient un
son entourage. Ses familiers se récrient et homme, on aperçut une de ces bandes; ils
rappellent le pouvoir d'Élisée. Le roi décide déposèrent en hâte l'homme dans la -tombe
d'investir de nuit la résidence du prophète. d'Elisée et ils partirent. L'homme toucha les
Au matin, le serviteur de l'homme de Dieu ossements d'Élisée; il reprit vie et se dressa sur
est atterré : la ville est encerclée par l'en- ses pieds. [2 R 13, 20-21.]

308
LE GESTE PROPHÉTIQUE

LE GESTE SYMBOLIQUE car le pays ne fait que se prostituer


DANS LES LNRES PROPHETIQUES en se détournant du SEIGNEUR. »
Il alla prendre Gomer, fille de Divlaïm : elle
conçut et lui enfanta un fils. Et le SEIGNEUR dit
à Osée:
Osée.
« Donne-lui le nom d'Izréel,
car encore un peu de temps
Le début du livre d'Osée est franchement et je ferai rendre compte
scandaleux. Certains ont voulu voir dans à la maison de Jéhu du sang d'Izréel,
cette histoire un récit « purement symboli- et je mettrai fin à la royauté
que», c'est-à-dire une fiction. Ils s'appuient de la maison d'Israël.
sur les noms des enfants : la fille issue d'un Il arrivera en ce jour-là
mariage douteux se nomme « Non-aimée » que je briserai l'arc d'Israël
et le fils « Celui qui n'est pas mon peuple». dans la vallée d'IzréeL »
On objecte toutefois que le nom de la fenune Elle conçut encore et enfanta une fille, et le
« Gomer» semble bien un nom propre et SEIGNEUR dit à Osée :
« Izréel » un nom de lieu. « Donne-lui le nom de Lo-Rouhama
Il paraît plus juste de penser qu'Osée s'est - c'est-à-dire : Non-aimée-,
car je ne continuerai plus à manifester de l'amour
servi. de son expérience personnelle pour
à la maison d'Israël :
monter ce scénario inspiré. La « femme de je le lui retirerai tout entier.
prostitutîon » mentionnée serait alors sim- Mais la maison de Juda, je l'aimerai et je les
plement une épouse portée à l'infidélité. sauverai par le SEIGNEUR leur Dieu ; je ne les
Quand !'Esprit de Dieu, sa ruah, tombe sauverai ni par l'arc, ni par l'épée, ni par la
sur un prophète, il s'empare de lui corps et guerre, ni par les chevaux, ni par les cavaliers. »
âme. Chargé d'incarner la Parole divine, Elle sevra Lo-Rouhama, puis elle conçut et en-
l'homme de Dieu peut trouver, dans les fanta un fils. Et le SEIGNEUR lui dit :
événements de son existence, le moyen « Donne-lui le nom de Lo-Ammi
d'opérer cette transposition sur le plan sen- - c'est-à-dire : Celui qui n'est pas mon peu-
sible. La vie émotive, le pathos humain, ple-,
acquièrent alors une signification imprévue. car vous n'êtes pas mon peuple
et moi je n'existe pas pour vous.» [Os 1, 2-8.J
Ce qu'il y a de choquant dans cette évocation
des misères de l'amour humain, et d'abrupt Osée ne craint pas les oppositions. Les
dans leur formulation, devient alors un symboles peuvent avoir une signification
moyen d'expression à la hauteur du message contradictoire, mais ils décrivent bien le
transmis. Ce que le prophète veut faire paradoxe d'un homme ballotté entre la ven-
entendre, c'est le cri d'amour de Dieu pour geance et le pardon. Le désert peut signifier
son peuple .. aussi bien la Condamnation que la régéné-
ration.
Le SEIGNEUR dit à Osée : La femme infidèle est condamnée :
« Va, prends-toi une femme Je la rendrai semblable au désert,
se livrant à la prostitution, i' en ferai une terre desséchée
et des enfants de prostitution, et je la ferai mourir de soif. [Os 2, 5.J

309
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Mais elle est aussi régénérée : vivant : son fils nommé Shéar Yashouv, nom
Eh bien, c'est moi qui vais la séduire, qui signifie « un reste reviendra». Ils se
je la conduirai au désert tiennent ainsi devant le roi Akhaz. L'enfant
et je parlerai à son cœur. représente les prémices du peuple racheté,
Et, de là-bas, je lui rendrai ses vignobles dans un avenir plus ou moins lointain.
et je ferai de la· vallée de Akor Le SEIGNEUR dit à Isaïe : « Sors à la rencontre
une porte d'espérance, d' Akhaz, toi et ton fils Shéar Yashouv, vers
et elle· me répondra comme au temps de sa l'extrémité du canal, du réservoir supérieur, vers
jeunesse, la chaussée du champ du foulon. Tu lui diras :
aux jours où elle m·onta du pays d'Égypte. "Veille à rester calme, ne crains pas !
[Os 2, 16-17.l Que ton cœur ne défaille pas." » [Is 7, 3-4.]
On sent dans ces textes que le prophète Avec son épouse qu'il nomme la « pro-
s'est impliqué dans la parole qu'il profère. Il phétesse», Isaïe aura un autre fils au nom
a fait l'expérience des incertitudes de la vie tout aussi symbolique (Is 8, 1-4).
affective et du bouillonnement des émo- Le court chapitre vingtième du livre
tions. Son message révèle le comportement d'Isaïe est consacré à un geste symbolique
d'un Dieu qui passe de la colère à la miséri- des plus insolites : le prophète, sur l'ordre de
corde par une sorte de conversion à lui- Dieu, doit aller tout nu et déchaussé pen-
même, un « retour» à sa nature profonde, dant trois ans.
qui est amour créateur et régénérateur.
« Va, lui avait-il dit, dénoue la toile de sac que
tu as sur tes reins, ôt_e les sandales que tu as aux
pieds » ; et il fit ainsi, allant nu et déchaussé. Le
Isaïe. SEIGNEUR dit : « Mon serviteur Isaïe èst allé nu
et dé_chaussé - pendant trois ans - signe et
La prophétie n'est pas seulement une présage· contre l'Égypte et contre la Nubie. »
fonction de l'homme de Dieu, elle envahit [ls 20, 2-3.J
son existence tout entière et même sa fa-
mille. Dans une solennelle attestation, de- En ce temps-là, le roi Ézikias sympathi-
vant témoins, Isaïe se déclare totalement sait avec une ligue qui tentait de s'opposer
engagé au service de son Seigneur. à l'expansionnisme assyrien. La ville d' As-
hod était le centre de cet effort. Le Pharaon
J'attends le SEIGNEUR nubien Shabaka envoya, au titre de coalisés,
qui cache sa face à la maison de Jacob, une armée pour dégager la ville mais il ne
j'espère en lui. put empêcher sa prise par les Assyriens, en
Moi et les enfants que m'a donnés le SEIGNEUR, 711. Isaïe, par ce geste inspiré, veut détour-
nous sommes des signes et des présages en Israël
ner le roi de cette aventure. Par sa nudité, il
de la part du SEIGNEUR, le Tout-Puissant,
lui montre quel sera le dépouillement des
qui demeure sur la montagne de Sion.
[Is 8, 17-18.] prisonniers égyptiens et nubiens emmenés
en captivité après le désastre.
Une scène extraordinaire montre Isaïe, Ici, l'acte prophétique n'est pas seulement
tenant par la main un symbole prophétique la prévision d'un fait. Cette mimique entend

310
LE GESTE PROPHÉTIQUE

hâter la venue de ce qu'elle représente. Pour Qu'elle [la malédiction] lui_soit u9- vêtement qui
le Seigneur, tous les moyens sont bons pour l'enveloppe,
frapper l'imagination du roi et du peuple. Le une ceinture qui 1' ènserre constamment.
caractère insolite de la nudité opère nne telle [Ps 109, 19.J
fascination mais, pour le prophète, c'est ·Wl Par contre, pour le glorieux descendant
acte difficile : il risque de passer pour nn de David, il est dit :
dément. La prophétie n'est pas de tout
La justice sera la ceinture de ses reins
repos, la Parole de Dieu est un redoutable
et la fidélité la ceinture de ses hanches.
fardeau ..
[1s 11, 5.l
On comprend alors le sens des derniers
Jérémie. mots du Seigneur, à la fin de l'épisode de la
ceinture en Jérémie. Dieu s'est attaché -Israël
La ceinture est le premier objet, manié par pour en faire sa ceinture de gloire. Il dit sa
Jérémie sur l'ordre de Dieu, pour en faire le déception : l'infidélité du peuple aimé a fait
support d'un oracle divin. Cette pièce vesti- de lui une loque de honte.
mentaire a souvent été, dans la Bible, revê- De même qu'on attache _une ceinture à ses
tue d'une signification plus vaste que son hanches, ainsi je m'étais attaché tous les gens
utilisation pratiqué. d'Israël et tous les gens de Juda - oracle du
La ceinture, qui peut relever un vêtement SEIGNEUR - afin qu'ils deviennent pour moi un
long, permet le travail physique. « Ceindre peuple, un renom, un ·titre de gloire et une
ses reins », c'est se mettre au travail; « avoir parure. Mais ils n'ont rien voulu entendre.
les reins ceints », c'est être en pleine activité (Jr 13, 11.]
(Le 12, 35). C'est un vase fragile, une cruche ou une
La ceinture entoure et protège le centre gargoulette, qui va devenir l'objet significarif
vital que sont les reins. Les reins ceints d'une autre intervention fracassante de Jé-
deviennent alors signe de puissance, de rémie.
bonheur, de vitalité. La simple corde est Dieu envoie Jérémie chez le potier.
signe de tristesse, d'abattement, de deuil et
d'esclavage. Job dit de Dieu: La parole qui s'adressa à Jérémie de la part du
SEIGNEUR : « Descends tout de suite chez le
Il délie la ceinture des rois potier; c'est là que je te ferai entendre mes
et passe une corde à leurs reins. [Jb 12, 18.] paroles. »Je descendis chez le potier ; il était en
train de travailler au tour. Quand, par un geste
Les femmes de Jérusalem mettaient leur malheureux, le potier ratait l'objet qu'il confec-
fierté dans leurs parfums et leurs atours. tionnait avec de l'argile, il en refaisait un autre
Mais voici le temps de l'épreuve. selon la technique d'un bon potier.
Au lieu de baume, ce sera la pourriture Alors la parole du SEIGNEUR s'adressa à moi: Ne
au lieu de ceinture, une corde. [1s 3; 24.] puis-je pas agir avec vous, gens d'Israël, à la
manière de cè potier ? - oracle du SEIGNEUR.
Quant au méchant qui aime la malédic- Vous êtes dans ma main, gens d'Israël, comme
tion: l'argile dans la main du potier. (Jr 18, 1-6.l

311
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Les hOmmes, ces vases qui sont l' œuVre L'ordre est donné de fracasser la poterie,
du Seigneur, peuvent hélas devenir des réci- et voici le message du Seigneur :
pients de sa colère.
Tu briseras la gargoulette sous les yeux des
Ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël : hommes qui t'accompagnent et tu leur diras :
« Toute cruche, on la remplit de vin.» Et si l'on Ainsi parle le SEIGNEUR, le Tout-Puissant : Je
rétorque : « Mais nous savons bien' que toute brise ce peuple- et cette ville comme on brise
cruche on la remplit de vin ! », alors tu leur l' œuvr'e du potier qui ne peut plus ensuite être
diras : « Ainsi parle le SEIGNEUR : Tous les réparée. Faute de place pour ensevelir, on ense-
habitants de ce pays, les rois issus de David qui velira même à Tophet. C'est ce que je fais à ce
siègent sur son trône, les prêtres, les prophètes lieu - oracle du SEIGNEUR - et à ses habitants,
et tous les habitants de Jérusalem, je vais les rendant cette ville sembla_ble à Tophet.
rendre complètement ivres et les fracasser l'un (Jr 19, 10-12.]
contre l'autre, pères et fils tous ensemble -
oracle du SEIGNEUR ; ni pitié, ni merci, ni Jérémie répétera la menace du Seigneur
compassion ne m'empêcheront de les abûner. » sur le parvis du Temple (Jr 19, 14-15).
(Jr 13, 12-14.l Jérémie entre en désaccord avec d'autres
prophètes. Il est d'avis qu'il faut accepter le
Peu après, Dieu met dans la main du
joug de Nabuchodonosor, parce que le roi de
prophète un vase fragile et lui demande de
Babylone est, à ce moment-là, -l'instrument
disposer de cet objet pour appuyer un re-
de Dieu pour châtier Israël. Le prophète
doutable message qu'il va adresser à son
matérialise cette sujétion, en se présentant
peuple. Le lieu de son action est une porte
porteur à son cou de barres de joug. Il est
qui donne sur Tophet : là se trouvait la
d'avis que Juda, mais aussi d'autres nations,
sinistre fournaise où l'on sacrifiait des en-
doivent accepter cette domination tempo-
fants pour Baal.
raire pour éviter le pire.
Ainsi parle le SEIGNEUR ; « Va t'acheter_ une
gargoulette et choisis quelques anciens parmi le Ainsi parle le SEIGNEUR:« Fabrique-toi des liens
peuple et parmi les prêtres. Puis sors du côté du et des barres de joug. Tu en mettras à ton cou,
ravin de Ben-Hinôm, à l'entrée de la porte des tu en enverras au roi d'Édom, au roi de Moab,
tessons, pour y clamer les paroles que je vais te au roi des fils d' Ammon, au roi de Tyr et au roi
dicter. Tu diras: Écoutez la parole du SEIGNEUR, de Sidon, par leurs ambassadeurs qui sont arri-
roi de Juda et habitants de Jérusalem. Ainsi parle vés à Jérusalem auprès de Sédécias, roi de
le SEIGNEUR, le Tout-Puissant, le Dieu d'Israël: Juda.» (Jr 27, 2-3.l
je vais faire venir sur ce lieu un malheur tel Le message de Dieu montre bien que le
que quiconque l'apprendra en sera abasourdi.»
roi de Babylone n'est qu'un fléau entre ses
(Jr 19, 1-3.l
mains. Sa domination pourtant ne sera pas
Suit alors la description de tous les péchés éternelle (Jr 27, 5-7).
et crimes d'Israël. Dieu exècre les paroles Jérémie a un contradicteur. Le prophète
idolâtres qui finissent par des sacrifices Hananya assure que la paix sera bientôt de
d'enfants. Ce réquisitoire se clôt par l'évoca- retour et que les exilés ne tarderont pas à
tion de l'anthropophagie à laquelle finiront revenir. Le Seigneur, dit-il, va dans deux ans
par se livrer les dévoyés affolés par la peur. briser le joug du roi de Babylone. Les déportés

312
LE GESTE PROPHÉTIQUE

reviendront, porteurs des objets dérobés dans Je leur donne un cœur pour me craindre et une
le Temple.Joignant le geste à la parole, Hana- orientation commune, les amenant à me respec-
nya ôte le joug en bois du cou de Jérémie et le ter toujours, pour leur bonheur et pour celui de
brise.Jérémie s'en va, mais bientôt la parole leurs enfants après eux. Je conclus avec eux une
du Seigneur lui est adressée : alliance perpétuelle : je n~ ·cesse de les poursuivre
de mes bienfaits et je fais qu'ils me respectent
« Va dire à Hananya : Ainsi parle le SEIGNEUR : profondément, sans plus jamais s'écarter de moi.
Les barres de bois, tu les as brisées, à leur place Ma joie sera de les combler de biens ; oui,
tu feras des barres de fer. En effet, ainsi parle le vraiment, je les planterai dans ce pays ; je le.ferai
SEIGNEUR, le Tout-Puissant, le Dieu d'Israël : de tout mon cœur et de tout mon être. Ur 32,
C'est un joug de fer que j'impose à toutes ces 39-41.]
nations pour qu'elles servent Nabuchodonosor,
roi de Babylone.» [Jr 28, 12-14.] La conclusion de l'oracle divin donne sa
pleine signification au geste insolite du pro-
Jérémie accuse Han anya de bercer le phète.
peuple d'illusions. Il lui annonce sa fin
prochaine : de fait, Hananya mourra dans la On achètera des champs dans ce pays dont vous
même année. dites que c'est une désolation, qu'il est sans
homipes ni bêtes, livré aux forces. chaldéennes :
Une autre action symbolique de Jérémie on achètera des champs en pesant l'argent, on
annonce la restauration de Juda. Il s'agit rédigera le contrat, on apposera le sceau en
d'acheter un champ en bonne et due convoquant des témoins. Ur 32) 43-44.]
forme, à l'heure même où Jérusalem est
assiégée. Cet acte est insensé : le désastre L'histoire de Jérémie et des Rékabites
qui ne saurait tarder semble fermer toute semble, tout cl' abord, absurde : il invite ces
perspective d'avenir. Mais le non-sens est gens à boire du vin dans le Temple, alors
souvent, dans l'ordre prophétique, plein de que, par tradition religieuse, ils se gardent de
signification. Jérémie exécute scrupuleuse- toute boisson fermentée. Leur refus, lon-
ment les démarches administratives de cet guement motivé, servira d'exemple aux Is-
achat et met en lieu sûr le document raélites infidèles. Ils [les Rékabites] répli-
(Jr 32, 9-15). quèrent : « Nous ne buvons pas de vin.
Suit une longue ptière de Jérémie : il a Notre ancêtre, Yonadav, fils de Rékav, nous
confiance en Dieu mais il ne saisit pas très a laissé ces instructions : vous ne boirez
bien le sens de l'acte qu'il vient de faire jamais de vin, ni vous, ni vos enfants >>
(Jr 32, 17-25). Le Seigneur explique la rai- (Jr 35, 6).
son de l'inévitable désastre : la ville sera Cette interdiction de boire du vin faisait
prise et incendiée parce que la folie idolâ- partie d'une attitude plus générale. Les
trique de ses habitants est allée jusqu'à Rékabites excluaient aussi l'agriculture. Ils
brûler des enfants en sacrifice (Jr 32, 27-35). voulaient conserver une vie nomade, comme
Dieu annonce immédiatement la restaura- à l'âge d'or de la foi, quand le Seigneur
tion à ven_ir d'Israël. La conversion du peu- conduisait son peuple dans le désert. Ces
ple sera suivie de la transformation de leur Israélites considéraient la sédentarisation et
cœur. le contact avec les populations agricoles de

313
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Canaan comme une contamination idolâtri- y laisser de vivants, ni hommes, ni bêtes, qu'il
que. L'oracle divin qui livre le sens de cet deviendrait désolation à jamais !" Quand tu auras
épisode, donne une valeur exemplaire à terminé la lecture de ce livre, tu attacheras une
l'attitude des Rékabites et Dieu se plaint de pierre et le jetteras au milieu de l'Euphrate et tu
diras: "C'est ainsi que Babylone sombrera et ne
l'infidélité de son peuple. « Les fils de
se redressera plus, à cause des malheurs que je
Yonadav, eux, respectent les instructions fais venir sur elle." »Ur 51, 61-64.]
que leur a laissées leur ancêtre mais ce
peuple ne m'écoute pas» (Jr 35, 16).
Quand Jérémie s'enfuit en Égypte, la
parole du Seigneur lui demeure présente.
Ézéchid.
Elle lui ordonne de marquer par avance le
lieu où Nabuchodonosor placera son trône, Le geste se joint à la parole dans la résur-
à l'heure où il dominera l'Égypte et la rava- rection fantastique des oSsements desséchés.
Elle représente la renaissance du peuple
gera.
d'Israël. Cette restauration, toutefois, ne
Alors la parole du SEIGNEUR s'adressa à Jérémie pourra se faire qu'au prix de l'unité retrou-
à Daphné. « Prends de grandes pierres et, sous vée. Le schisme de naguère était un prélude
les yeux de quelques Judéens, enfouis-les dans le à la dislocation, l'unification est donc la
sol argileux de la tuilerie qui se trouve vers condition de cette reviviscence.
I1 entrée du Pharaon à Daphné. Puis tu leur
diras : ainsi parle le SEIGNEUR tout-puissant, le Il y eut une parole du SEIGNEUR pour moi : « Toi,
Dieu d'Israël : Je vais envoyer chercher mon fils d'homme, pren<ls un morceau de bois, écris
serviteur Nabuchodonosor, roi de Babylone, je dessus : Juda et les füs d'Israël qui lui sont
placerai son trône au-dessus des pierres que tu associés. Puis prends un autre morceau de bois,
as enfouies ; il étendra sur elles son baldaquin. écris dessus : Joseph - ce sera le bois
Il viendra et il frappera le pays d'Égypte. » d'Éphraïm - et toute la maison d'Israël qui lui
[Jr 43, 8-11.] est associée. Rapproche ces morceaux l'un de
l'autre pour en former un seul, ils seront unis
De fait, le roi de Babylone a envahi dans ta main.» [Ez 37, 15-17.]
l'Égypte au cours d'une campagne en
Le Seigneur révèle la signification de ce
568-567 av J.-C., sous le Pharaon Amasis.
geste à son prophète, afin qu'il la transmette
Jérêmie sait aussi que Babylone elle-même
au peuple, et conclut :
tombera. Il écrit tous les malheurs de cette
chute avant leur réalisation. Sur l'ordre de «Je ferai d'eux une nation unique, dans le pays,
Jérémie, un cer_tain Seraya accomplira en dans les montagnes d'Israël; un roi unique sera
temps voulu un geste symbolique suscepti- leur roi à tous ; ils ne formeront plus deux
ble de hâter la destruction de l'orgueilleuse nations et ne seront plus divisés en deux royau-
cité : Babylone plongera ! mes.» [Ez 37, 21-22.]

Jérémie dit à Seraya : « Quand tu arriveras à Le roi dont il est parlé est une émanation
Babylone et que tu verras et liras toutes ces de David qui sera le symbole et le gardien de
paroles, tu diras : "SEIGNEUR, c'est toi qui as cette unité retrouvée. Le Seigneur de l'Al-
décrété au sujet de ce lieu, que tu le raserais sans liance en sera le garant (Ez 37, 24-28).

314
LE GESTE PROPHÉTIQUE

Le livre d'Ézéchiel est jalonné de nom- brûlés comme la ville investie, ou dispersés
breux gestes prophétiques_ Le style des au vent comme les déportés, prédisent
récits est souvent exubérant, empreint l'horreur des massacres ou de la captivité
même parfois d'un surréalisme agressif. (Ez 5, 1-5).
C'est ainsi que la communication directe Battre des mains, taper du pied, sont des
avec Dieu, de bouche à bouche (Is 6, 6 et signes de joie. Le prophète doit se réjouir
Jr 1, 9), devient en Ézéchiel un acte étrange de la chute de Jérusalem : c'est la fin
qui confine aux limites du réel et de l'irréel. des abominations dont elle était le lieu
Une main brandit un rouleau qui aunonce (Ez 6, 11).
de nombreux malheurs. Ala veille de la déportation, Ézéchiel doit
donner un signe pour le prince et pour le
Il me dit : « Fils d'homme, mange-le, mange ce
rouleau; ensuite tu iras parler à la maison d'Is- peuple. Le Seigneur lui demande de faire ses
raël. » J'ouvris la- bouche et il me fit manger ce bagages comme s'il partait pour l'exil.
rouleau. Il me dit : « Fils d'homme, nourris ton « Écoute, fils d'homme! Fais-toi un bagage de
ventre et remplis tes entrailles de ce-rol.Ùeau que déporté et pars en déportation, en plein jollr,
je te donne._ » Je le mangeai : il fut dans ma sous leurs yeux ; tu partiras en déportation, de
bouche d'une douceur de miel. [Ez 3, 1-3.] ce lieu vers un autre, sous leurs yeux ; peut-être
verront-ils qu'ils sont une engeance de rebelles.
Le Seigneur multiplie les signes pour son
Tu feras sortir tes bagages - des bagages de
peuple, qu'il traite d'engeance de rebelles. Il
déporté - en plein jour, sous leurs yeux; et toi,
ordonne à Ézéchiel une manipulation com- tu sortiras le soir, sous leurs yeux, comme sortent
pliquée, Le regard est important dans cette les déportés. » [Ez 12, 3-4.]
étrange pratique.
Un second présage des malheurs à venir
« É~oute, fils d'homme; Prends une brique et est cruel pour le prophète. Le Seigneur va lui
mets-la devant-toi; dessus, fais le dessin d'une
enlever son épouse et le deuil lui est interdit.
ville, Jérusalem. Mets le siège devant la ville, fais
des terrassements contre elle, élève un remblai, « Fils d'homme, je vais t'enlever brutalement la
installe des camps et plate des béliers toù.i joie de tes yeux. Tu ne célébreras pas le deuil;
autour. Prends une plaque de fer et mets-la, telle tu ne feras pas de lamentations et tu ne pleureraS
une muraille de fer entre toi et la ville ; regarde-la pas. Soupire en silence_; ·tu n'accompliras pas les
fixement-; elle sera en état de siège, parce que tu rites funèbres ; noue ton turban; mets tes sanda-
auras mis le siège devant elle : c'est un signe pour les et n'accepte pas Je pain des voisins.»
la maison d'Israël.» [Ez 4, 1-3.] [Ez 24, 16-17.]

Le prophète doit ensuite se coucher sur Les voisins sont inquiets de ce manque-
l'uri puis l'autre côté pour porter les péchés ment aux rites funèbres, mais Ezéchiel leur
d'Israël et de Juda (Ez 4, 4-8). Il doit répond par une parole duSeigneur :
prendre aussi un repas misérable d'assiégé, Ainsi parle le SEIGNEUR : «Je vais profaner mon
condamné à avaler des choses immondes sanctuaire, l'orgueil de votre force, la joie de vos
(Ez 4, 9-17). yeux, l'espoir de votre vie. Vos fils et vos filles
Se raser la tête et la barbe, c'est ·subir le que vous avez laissés à Jérusalem tomberont par
traitement infligé aux prisonniers. Les poils l'épée. Alors vous ferez comme j'ai fait, vous ne

315
LES SYMBOLES BIBLIQUES

vous voilerez pas la moustache; vous n'accepte- En Marc comme en Matthieu, le signe
rez pas le pain_ des voisins. Turbans en tête, et comporte deux temps. En Marc, la seconde
sandales aux pieds, vous ne célébrerez pas le partie est plus longue et contient un ensei~
deuil et vous ne ferez pas de lamentations, mais gnement très dense sur la prière.
vous pourrirez dans vos fautes et chacun gémira
sur son frère.» [Ez 24, 21-23.] À leur Sortie de Béthanie, Jésus eut faim. Voyant
de loin un figuier qui avait des feuilles, il alla voir
s'il n'y trouverait pas quelque chose. Et, s'étant
LES GESTES DU CHRIST approché, il ne trouva que des feuilles, car ce
n'était pas le temps des figues. S'adressant à lui,
il dit : « Que jamais plus personne ne mange de
Jésus a dit de Jean Baptiste : il est plus tes fruits ! » Et ses disciples écoutaient.
qu'un prophète et cependant, le plus petit [Mc 11, 12-14.]
dans le Royaume des cieux est plus. grand La malédiction semble intempestive : ce
que lui (Le 7, 27-28). Si Jésus se rattache à n'est pas la saison des fruits. L'acte de cher-
l'annonce prophétique, son message est d'un cher des fruits paraît être un simulacre. Le
autre ordre. Il est le Fils qui parle du Père, dessèchement de l'arbre est bien réel, il esi
et ses actes sont en conjonction parfaite avec autant significatif que celui du ricin de Jonas
lui (Jn 5, 20). (Jan 4, 7). Le miracle est ici une invitation à
Les actes miraculeux de Jésus sont les la foi qui n'hésite pas. Mais la croissance de la
signes du Royaume qui s'annonce. Ce foi ne s'opère que dans la prière.
Royaume est présent, en actes, dans le Fils
de Dieu sur terre ; il est aussi en puissance En passant le matin, ils virent le figuier desséché
jusqu'aux racines. Pierre, se rappelant, lui dit :
dans la foi qui germe lentement dans le cœur
« Rabbi, regarde, le figuier que tu as maudit est
des apôtres et des disciples. Les prodiges, les
tout sec. » Jésus leur répond et dit : « Ayez foi
guérisons, les exorcismes et les résurrections en Dieu. En vérité, je vous le déclare, si quel-
ne sont pas accompagnés par la formule : qu'un dit à cette montagne, ôte-toi de là et
« Ainsi parle le Seigneur. » Le discours que jette-toi dans la mer et s'il ne doute pas en sqn
tient Jésus est le sien, bien qu'il soit en cœur mais croit, ce qu'il dit arrivera, cela lui sera
conformité parfaite avec la volonté du Père. accordé. C'est pourquoi je vous le déclare : tout
L'Esprit, qui entraînait les prophètes, s'em- ce que vous demandez en priant, croyez que vous
pàre de sa nature humaine, le pousse au l'avez reçu, et cela vous sera accordé. Et quand
désert, le fait tressaillir et féconde son ima- vous êtes debout en prière, si vous avez quelque
gination d'homme. chose contre quelqu'un, ·pardonnez, pour que
Parmi tous les signes que pose Jésus, votre Père qui est aux cieux vous pardonne
aussi vos fautes.» [Mc 11, 20-25; voir aussi
certains renvoient plus que d'autres aux
Mt 21, 20-22.]
actions prophétiques de jadis. C'est le cas de
prodiges comme les multiplications des Le sens du geste de Jésus est clair : un
pains, les pêches miraculeuses, ou la tempête arbre doit donner du fruit et un homme ne
apaisée. Le geste de Jésus desséchant un peut fructifier spirituellement que par la foi,
figuier ressemble tout à fait à un geste digne mais cette foi doit être vérifiée par la prati-
de Jérémie ou d'Ézéchiel. que de l'amour du prochain.

316
L'HUILE ET L'ONCTION
L'huile. qui montre les dangers de la prospérité.
Quand le peuple de Dieu ne voit plus dans
L'onction. cette abondance une bénédiction divine, il
engraisse physiquement et s'alourdit spiri-
tuellement. Ici Yeshouroun est un surnom
d'Israël.
L'HUILE
Le SEIGNEUR est seul à conduire son peuple, [ ... ]
il lui donne l'huile mûrie sur le granit des ro-
chers,
L'huile est en berme place parmi les
le beurre des vaches et le lait des brebis,
produits du sol qui manifestent la générosité avec la graisse des agneaux, des béliers de
de Dieu. Bashân et des boucs. [... ]
Le Deutéronome s'adresse à Israël et lui Ainsi Yeshouroun s'est engraissé, mais il a rué
tappelle que cette bénédiction terrestre est - tu t'es engraissé, tu as grossi, tu t'es épaissi -
liée à sa fidélité aux commandements du il a délaissé Dieu qui l'avait fait.
Seigneur. « Il [le SEIGNEUR] t'aimera, te [Dt 32, 12 et 13-15.J
bénira, te rendra nombreux et il bénira le
fruit de ton sein, le fruit de ton blé, ton vin L'huile peut être en effet une nourriture
nouveau et ton huile» (Dt 7, 13). très riche, surtout quand elle entre dans la
L'huile n'est pas qu'un produit alimen- fabrication du pain. Sur l'ordre de Dieu, Élie
taire, son utilisation en médecine, en parfu- arrive à Sarepta. Là une femme doit le
merie et surtout son usage sacré lui confè- ravitailler mais, à cause de la sécheresse, ses
rent une vaste signification symbolique. provisions touchent à la fin. Élie réclame
Devant des ambassadeurs, le roi Ezéchias pourtant une galette pétrie d'huile : un
étale ses richesses : l'huile figure parmi les miracle fera apparaître ce pain. Quand le
choses précieuses : « Il leur fit voir tous ses prophète prononcera ces mots :
entrepôts, l'argent, l'or, les aromates, l'huile Cruche de farine ne se videra,
parfumée, son arsenal et tout ce qui se jarre d'huile ne désemplira
trouvait dans ses trésors» (2 R 20, 13). jusqu'au jour où le SEIGNEUR
C'est encore un texte du Deutéronome donnera la pluie à la surface du sol. [1 R 17, 14.]

319
LES SYMBOLES BIBLIQUES

La tribu d' Asher habitait les régions ferti- ron sera chargé de veiller sur la lampe (Nb 4,
les de Haïfa et du Carmel. Lors de la 16).
bénédiction des différentes familles d'Israël L'huile est signe de joie, mais la vraie joie
par Moïse, cette tribu fut ainsi favorisée. est le fruit de la justice et de la droiture.
C'est ainsi qu\m prince terrestre, qui a reçu
Asher, sois le fils béni entre tous,
l'huile d'onction, peut être sur terre le reflet
qu'il soit favorisé parmi ses frères,
qu'il trempe son pied dans l'huile. [Dt 33, 24.] du Seigneur, le Roi éternel.
0 Dieu, ton trône est éternel,
Job évoque le temps de sa prospérité : ton sceptre royal est un sceptre de droiture.
Quand j'avais les pieds dans la crème Tu aimes la justice, tu détestes le mal,
et que le roc versait pour moi des flots d'huile. aussi Dieu, ton Dieu, t'a oint d'une huile de joie,
Ob 29, 6.l de préférence à tous tes compagnons.
[Ps 45, 7-8.]
Au jour de sa consécration, Aaron tient à
la main, entre autres offrandes, un gâteau à (Ce texte est cité par l'épître aux Hébreux :
l'huile (Ex 29, 23). Au cours de l'offrande He 1, 9; voir aussi Is 61, 3; Pr 27, 9).
végétale, les gâteaux doivent être pétris sans L'huile peut être aussi le symbole de la
levain, mais avec de l'huile. Les crêpes douceur, et elle désigne parfois un hypocrite
doivent être frottées d'huile. Avant d'être dangereusement doucereux.
offertes, ces pâtisseries sont brisées et encore L'onction glisse de sa bouche,
arrosées d'huile (Lv 2, 4-10). L'huile fait mais son cœur fait la guerre.
donc partie de cette offrande qui porte vers Ses paroles sont plus douces que l'huile,
Dieu une part du monde végétal. mais ce sont des poignards. [Ps 55, 22.]
Dans l'inventaire des choses nécessaires
r
pour organisation du culte, on trouve deux Le prophète Samuel portait l'huile de
l'onction royale dans une corne (1 S 16, 1).
sortes d'huile : « de l'huile pour le luminaire,
des aromates pour l'huile cl' onction » (Ex Ce n'était peut-être qu'un flacon de voyage,
25, 6). mais le terme de corne est souvent employé
Après la récolte des olives, la meilleure pour dire force ou puissance. Un psaume lie
huile pressée alimentera la flamme qui ne la corne et l'huile pour décrire l'action vivi-
doit jamais s'éteindre dans le sanctuaire. fiante de Dieu.
Tu as relevé mon front comme la corne du buffle,
Ordonne au fils d'Israël de te procurer pour le
luminaire de l'huile d'olive, limpide et vierge,
et je baigne dans l'huile fraîche. [Ps 92, 11.]
afin qu'une lampe soit allumée à perpétuité La malédiction pénètre le cœur du mé-
devant le voile de la charte, dans la Tente de la chant, comme l'huile s'infiltre dans le corps.
Rencontre. [Lv 24, 2-3.]
Il [le méchant] a revêtu la malédiction comme un
L'huile pure, extraite par premi.ère pres- manteau,
sion, ne risque pas de charbonner et d'étein- elle a pénétré en lui comme de l'eau,
dre la flamme comme pourrait le faire une et dans ses membres comme une huile.
huile de qualité inférieure. Un des fils d' Aa- [Ps 109, 18.]

320
L'HUILE, L'ONCTION

L'huile parfumée donne l'image du bon- Quand le bon Samaritain soigne le blessé,
heur: il verse du vin sur ses plaies pour les désin-
fecter, mais aussi de l'huile pour adoucir la
Oh ! Quel plaisir, quel bonheur douleur (Le 10, 34; voir aussi Is 1, 6).
de se trouver entre frères !
Au cours de la mission des Douze, les
C'est comme l'huile qui parfume la tête,
apôtres pratiquent des exorcismes et accom-
et descend sur la barbe,
sur la barbe d'Aaron, plissent des guérisons : « Ils faisaient des
qui descend sur le col de son vêtement. onctions d'huile à beaucoup de malades et
[Ps 133, 1-2.] les guérissaient » (Mc 6, 13).
L'onction d'huile n'est pas ici un remède
Ézéchiel illustre l'adoption d'Israël par adoucissant, mais un geste qui possède une
Dieu, en décrivant celle d'un enfant trouvé. portée spirituelle. Dans la mouvance du
Parmi les soins donnés au nourrisson, la Christ, ce geste pouvait avoir des effets
friction d'huile parfumée lui donne une miraculeux, comme l'imposition des mains
dignité que confirmeront des habits pré- ou le contact d'un corps souffrant avec
cieux et des bijoux (Ez 16, 9). Jésus.
Dans le Nouveau Testament, le symbole L'épître de Jacques fait intervenir une
de l'huile est largement utilisé. onction d'huile dans le soin des malades,
La parabole des dix vierges qui attendent mais le geste est ici appuyé par une « prière
l'époux ne célèbre pas la vigilance physique: de la foi», dont il est dit que c'est elle qui
toutes les jeunes filles s'endorment. Ce récit sauve le patierit.
entend montrer la nécessité d'un état d'éveil
L'un de vous souffre-t-il? Qu'il prie. Est-il
plus profond, qui exige aussi la prévoyance : joyeux ? Qu'il chante des cantiques. L'un de
il faut être prêt, L'huile signifie cet état vous est-il malade? Qu'il fasse appeler les an-
d'esprit; les lampes des vierges avisées en ciens de l'Église et qu'ils prient après avoir fait
sont garnies, elles sont prêtes (Mt 25, 1-13 ). sur lui une onction d'huile au nom du Seigneur.
Quand la pécheresse verse un parfum sur La prière de la foi sauvera le patient ; le Seigneur
les pieds de Jésus, les détails du récit ont une le relèvera et, s'il a des péchés à son actif, il lui
grande importance. C'est un parfum de sera pardonné. Uc 5, 13-15.]
grand prix qui va baigner les pieds du
Christ. En ce temps-là, une huile parfumée,
de moindre valeur, pouvait faire partie des
rites d'accueil. Jésus établit une comparaison L'ONCTION
entre ces deux attitudes; Ils' adresse à Simon
son hôte, mais sa remarque est, en fait,
destinée aux pharisiens. Ceux-ci reprochent Le massage qui applique un baume médi-
à Jésus de s'être laissé toucher par· une cal, la friction vivifiante des guerriers et des
pécheresse. « Tu n'as pas répandu d'huile hommes voués à des travaux physiques, est
odorante sur ma tête, mais elle, elle a ré- une tradition ancienne. L'huile pénètre la
pandu du parfum sur mes pieds » (Le 7, peau· et introduit dans le corps des essences
46). ou des ingrédients subtils capables d' atté-

321
LES SYMBOLES BIBLIQUES

nuer une douleur ou de donner à l'organisme Le rituel de l'investiture sacerdotale cl' Aa-
une impl.Ùsion nouvelle. ron et de ses fils est une cérémonie com-
Pour la Bible, l'onction est un acte spiri- plexe.
tuel, qui a deux aspects : l'onction consacre
Tu présenteras Aaron et ses fils à l'entrée de la
et donne, à l'homme oint, la force de vivre Tente de la Rencontre et tu les laveras dans l'eau.
ce nouvel état. Elle instaure aussi une diffé- Tu prendras les vêtements, tu revêtiras Aaron de
rence qui se manifeste par des interdits et la tunique, de la robe de l'éphod, de l'éphod et
des règles. du pectoral, tu le draperas dans l'écharpe de
Au cours de la révélation biblique, le sens l'éphod, tu poseras le turban sur sa tête, tu
de l'onction a varié, il s'est enrichi pour mettras l'insigne de consécration sur le turban;
devenir une des idées maîtresses de l'histoire puis tu prendras l'huile d'onction, tu la ·lui
du peuple de Dieu. verseras sur la tête ·et tu l'oindras. [Ex 29, 4-7.]
La pierre absorbe l'huile, mais la pierre Le livre du Lévitique montre Moïse prati-
huilée cesse d 1être un morceau de rocher quant l'onction de l'autel et de tous les
pour devenir une stèle. À Béthel, Jacob a accessoires liturgiques avant de procéder à
pris pour chevet une pierre de taille mo- l'onction d'Aaron (Lv 8, 10-12). Après le rite
deste, l'onction en a fait un monument de l'huile vient une onction ou une aspersion
(Gn 28, 16-19). Cette stèle est un repère de sang (Ex 29, 19-20; Lv 8, 30). Cette
spirituel. Dieu s'y réfère plus tard, pour investirure habilite les prêtres à l'exercice de
s'annoncer à son patriarche : «Je suis le leurs fonctions sacrées. Quand le grand
Dieu pour lequel, à Béthel, tu as oint une prêtre est marqué « par l'Onction d'huile de
stèle et tu m'y as fait un vœu » (Gn 31, 13). son Dieu», cette consécration lui impose des
Ainsi s'inaugure la tradition qui consiste règles de vie strictes :
à oindre des autels, des édifices et des objets
cènsacrés pour le culte. Qu'il ne défasse pas ses cheveux, ni ne déchire
L'huile de consécration est sainte. Elle ses vêtements, qu'il n'aille vers aucun défunt et
exige une préparation spéciale, elle doit être ne se rende impur ni pour son père, ni pour sa
soustraite à tout usage profane. mère; qu'il ne sorte pas du sanctuaire de peur de
profaner le sanctuaire de son Dieu, car il a
Le SEIGNEUR adressa la parole à Moïse ; « Pro- été marqué par l'onction· d'huile de son Dieu.
cure-toi aussi des aromates de première qualité : [Lv 21, 10-12.J
de la myrrhe fluide, cinq cents sicles ; du cinna-
mome aromatique : la moitié, soit deux cent Une onction de sang et d'huile intervien-
cinquante ; du roseau aromatique : deux cent dra aussi dans la purification des lépreux.
cinquante ; de la casse : cinq cents en sicles du L'huile est alors ordinaire et apportée par
sanctuaire avec un hin d'huile d'olive. Tu en celui qui se présente au rite pour être purifié
feras l'huile d'onction sainte: mélange parfumé, (Lv 14, 10-18 et 21-29).
travail de parfumeur.» [Ex 30, 22-25.] Le prophète est appelé par Dieu. Sa
Il en sera de même pour les parfums qui, vocation est rendue manifeste par des signes
portés par l'air et non par l'huile, consacre- qui ont parfois du mal à convaincre le futur
ront l'espace comme l'onction sanctifie les prophète lui-même. Tel est le cas de Jérémie
choses et les hommes (Ex 30, 34-38). (Jr 1, 6). Il n'y a, dans la Bible, qu'une seule

322
L'HUILE, L'ONCTION

mention d'onction de prophète: celle d'Éli- David est choisi comme roi, c'est le Seigneur
sée, Dieu parle ainsi à Élie : lui-même qui révèle son oint parmi tous les
fils de Jessé.
« Tu oindras Jéhu, fils de Nimshi, comme roi sur
Israël; et tu oindras Élisée, fils de Shafath Il [David] avait le teint clair, une jolie figure et
d' Avel-Mehola, comme prophète à ta place. Tout une mine agréable. Le SEIGNEUR dit : « Lève-toi,
homme qui échappera à l'épée de Hazaël, Jéhu donne-lui l'onction, c'est lui.» Samuel prit la
le tuera, et tout homme qùi échappera à l'épée corne d'huile, lui donna l'onctîon au milieu de
de Jéhu, Élisée le tuera.» [1 R19, 16-17.] ses frères et l'Esprit du SEIGNEUR fondit sur
David à partir de ce jour. [1 S 16, 12-13.]
Quand Élie rencontrera Élisée, il prati- La personne du roi est sacrée, parce qu'il
quera une sorte d'investiture, en jetant son est l'oint de Dieu. David refuse de lever la
manteau sur les épaules de l'homme choisi main contre Saül qui, bien que déchu, n'en
par Dieu. La Bible ne mentionne pas alors demeure pas moins un être consacré (1 S
une onction avec de l'huile, elle n'est pas non 24, 7).
plus exclue (1 R 19, 19). La complaisance de Dieu pour son oint
En Israël, les trois fonctions, sacerdotale, s'étend alors à la dynastie du roi.
prophétique et royale, sont normalement
distinctes. Mais au début, au temps de Je te rends grâces, SEIGNEUR, parmi les nations !
Et je chante en l'honneur de ton nom :
Samuel, elles semblent s'entrecroiser.
il donne de grandes victoires à son roi,
Samuel est un prophète, mais il possède il agit avec fidélité envers son oint,
aussi, en partie, le pouvoir hérité des anciens envers David et sa dynastie pour toujours.
Juges. Il accomplit aussi des actes sacerdo- [2 S 22, 50-51.]
taux. Saül et David, qui ont reçu l'onction
royale, connaissent des moments d'inspira- Toutefois, un roi infidèle, malgré son
tion prophétique et interviennent dans les onction n'échappera pas à la colère de Dieu :
sacrifices. C'est pourtant toi qui as rejeté, méprisé ton oint,
L'onction que reçoit le roi lui donne le qui t'es emporté contre lui.
pouvoir en matière politique et militaire, Tu as renié l'alliance avec ton serviteur,
mais elle fait de lui, aussi, le gardien de la foi jeté à terre et profané son diadème.
d'Israël. [Ps 89, 39-40.]
L'oint du Seigneur est le « souffle des Malgré les erreurs et les fautes des rois
narines de son peuple » (Lm 4, 20). Dieu d'Israël, Isaïe salue la venue d'un nouveau
insuffle au souverain la puissance qui lui David. Les dons de !'Esprit ne seront pas
permet d'exécuter les jugements divins. seulement alors la puissance, le courage et le
Le SEIGNEUR jugera la terre entière.
sens politique, mais des qualités profondes
Il donnera la puissance à son Roi, de l'intelligence et du cœur.
il élèvera le front de son Oint. [1 S 2, 10.] Un rameau sortira de la souche de Jessé,
un rejeton jaillira de ses racines.
Cette puissance est une manifestation de Sur lui reposera !'Esprit du SEIGNEUR :
!'Esprit de Dieu, de sa ruah. Au jour où esprit de sagesse et de discernement,

323
LES SYMBOLES BIBLIQUES

esprit de conseil et de vaillance, Dans la troisième parrie du livre !'Isaïe, le


esprit de connaissance et de crainte du SEIGNEUR. don de !'Esprit n'est pas mis en relation avec
[1s 11, 1-2.l David ou la dynastie issue de Jessé. Un
Ce texte semble désigner un roi à venir ; nouveau personnage, tout aussi mystérieux
l'onction de !'Esprit demeure encorele privi- que celui évoqué plus haut, devient à son
lège de la lignée royale de David. tour le réceptacle de !'Esprit. Il aura, lui
Cette perspective va s'estomper, lorsque aussi, une postérité. Ainsi parle le Seigneur :
paraîtra un mystérieux personnage : Cyrus. Mon Esprit est sur toi,
Une figure représentant Israël ? Pour Isaïe, et mes paroles que j'ai mises dans ta bouche
le mystérieux personnage est un « servi- ne s'écarteront pas de ta bouche,
teur». ni de la bouche de ta descendance,
ni de la bouche de la descendance de ta descen-
Voici mon serviteur que je soutiens, dance
mon élu que j'ai moi-même en faveur, - dit le SEIGNEUR -
j'ai mis mon Esprit en lui. dès maintenant et pour toujours. [Is 59, 21.]
Pour les nations, il fera -paraître le jugement.
[Is 42, !.] L'Esprit du Seigneur DIEU est sur moi.
Le SEIGNEUR, en effet, a fait de moi un Oint,
L'oint du Seigneur, pour Matthieu est le il m'a envoyé porter joyeux message aux humi-
Christ Jésus. Cette identification est en liés,
harmonie avec le reste du texte d'Isaïe qui panser Ceux qui ont le cœur brisé,
ouvre les perspectives d'un salut universel. proclamer aux captifs l'évasion,
aux prisonniers l'éblouissement,
Ce soutien est adressé aux affaiblis, à ceux
proclamer l'année de la faveur du SEIGNEUR,
qui s'étiolent comme une mèche vacillante,
le jour de 1a vengeance de notre Dieu.
et à toutes les « îles » qui attendent leur loi [Is 61, 1-2.]
de ce serviteur discret, revêtu de la puissance
de l'Esprit. Les îles représentent ici tous les Ce personnage apporte une amnistie,
peuples de la terre (Mt 12, 15-21). comme pouvait le faire, jadis, un grand
Cyrus, roi des Perses, vainquit Nabonide, prêtre à l'heure de sa consécration (Nb 35,
roi de Babylone, et libéra les Juifs en 538 av. 25). Ce grand prêtre, au jour de son onction,
J.-C. Pour Isaïe, cet exploit lui mérite le titre recevait alors des pouvoirs royaux.
de << oint du Seigneur». La complainte qui clôt le livre d'Habaquq
chante la puissance du Seigneur et son ar-
Je dis de Cyrus : « C'est mon berger»;
deur guerrière, proprement royale.
tout ce qui me plaît, il le fera réussir,
en disant pour Jérusalem : « Qu'elle soit rebâ- Le soleil et la lune se sont arrêtés
tie», dans leur demeure,
et pour le Temple : « Sois à nouveau fondé ! » à la lumière de tes flèches qui partent,
Ainsi parle le SEIGNEUR à son Oint : à l'éclat foudroyant de ta lance.
À Cyrus que je tiens par la main droite, Tu parcours la terre dans ton courroux,
pour abaisser devant lui les nations, tu foules aux pieds les nations dans ta colère.
pour déboucler la ceinture des rois. Tu es sorti pour le salut de ton peuple,
[ls 44, 28 et 45, l.] pour le salut de ton oint. [Ha 3, 11-13.J

324
L'HUILE, L'ONCTION

L'oint est ici, vraisemblablement, Israël, descendre sur lui. Et des cieux vint une voix :
peuple choisi par Dieu, peuple royal et « Tu es mon Fils bien-aimé, il m'a plu de te
sacerdotal. « Vous serez pour moi un choisir.» Aussitôt }'Esprit poussa Jésus au
royaume de prêtres et une nation sainte » désert. [Mc 1, 9-12.]
(Ex 19, 6).
Dans les Actes des Apôtres, Pierre af-
Une onction de joie marque cette com-
firme:
munauté qui a retrouvé sa comrriunion avec
le Seigneur. Le porte-parole de cette restau- Vous le savez. L'événement a gagné la Judée
ration est venu pour : entière; il a commencé par la Galilée, après le
baptême que proclamait Jean ; ce Jésus issu de
Mettre aux endeuillés de Sion un diadème, Nazareth, vous savez comment Dieu lui a conféré
oui, leur donner ce diadème et pas de cendre, l'onction d'Esprit Saint et de puissance; il est
un onguent marquant l'enthousiasme et non pas passé partout en bienfaiteur, il guérissait tous
le deuil, ceux que le diable tenait asservis, car Dieu était
un costume accordé à la louange et non pas à la avec lui. [Ac 10, 37-38.]
langueur. [ ... ]
Quant à vous, vous serez appelés « Prêtres du Luc rapporte aussi la prière de la première
SEIGNEUR». [Is 61, 3 et 6.] communàuté chrétienne. On y trouve la
mention d'un psaume qui évoque l'Oint du
Dieu a longtemps cherché, parmi les Seigneur. Cet Oint, pour les premiers chré-
hommes d'Israël, le support de son Esprit. tiens, c'est le Christ Jésus.
Les rois de la terre l'ont déçu. Les prophètes
ont disparu dans la tourmente de l'exil. Le Tous, unanimes, s'adressèrent à Dieu en ces
termes : [. ..]
grand prêtre, doté de pouvoirs royaux, ap-
« Les rois de la terre se sont rapprochés
paraît enfin comme l'oint par excellence,
et les chefs se sont assemblés
dans la mesure où il vit, pense et agit en pour ne faire plus qu'un contre le Seigneur et
symbiose avec le peuple élu. Le messianisme contre son Oint. »
devient alors l'attente d'un être exception- Oui, ils se sont vraiment assemblés en cette ville,
nel, doté de qualités proprement divines, et Hérode et Ponce-Pilate, avec les nations et les
capable d'implanter parmi les hommes !'Es- peuples d'Israël, contre Jésus, ton saint serviteur,
prit qui peut transfigurer l'humanité, défigu- que tu avais oint. [Ac 4, 24 et 26-27; citation du
rée par le péché. Ps 2, 2.]
C'est en Jésus Christ que s'accomplit la
promesse messianique. Lors de son baptême Pour Paul, l'onction vient de Dieu. L'Es-
dans le Jourdain, par Jean Baptiste, la des- prit qui a marqué Jésus tout au long de son
cente de !'Esprit Saint est comme l'onction cheminement terrestre, va aussi marquer le
publique du Christ. chrétien. L'Esprit, puissance de Dieu invisi-
ble, connaît les passages secrets qui condui-
En ces jours-là,Jésus vint de Nazareth en Galilée sent au cœur de l'homme, comme l'huile
et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. À s'infiltre par les pores de la peau. Le bap-
l'instant où il remontait de l'eau, il vit les cieux tême chrétien sera plus tard scellé par une
se déchirer et !'Esprit, comme une colombe, onction d'huile pour manifester ce mystère.

325
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Cdui qui nous affermit avec vous en Christ et que possède mon Père est à moi ; c'est pourquoi
qui nous donne l'onction, c'est Dieu, lui qui nous j'ai dit qu'il vous communiquera ce qu'il reçoit
a marqués de son sceau et a mis dans nos cœurs de moi. Un 16, 13-15.]
les arrhes de son Esprit [2 Co 1, 21].
La première épître de Jean reprend cette
Jean, dans le discours après la Cène, affirmation :
rapporte les paroles de Jésus qui assure que
l'Esprit continuera son enseignement : Quant à vous, vous possédez
une onction reçue du Saint. [. ..]
Lorsque viendra-l'Esprit de vérité, il vous fera Pour vous, l'onction que vous avez reçue de lui
accéder à la vérité tout entière. Car il ne parlera demeure en vous,
pas de son propre chef, mais il dira ce qu'il et vous n'avez pas besoin qu'on vous enseigne;
entendra et il vous communiquera tout ce qui mais, comme son onction vous enseigne sur tout,
doit venir. Il me glorifiera, car il recevra de ce qui - elle est véridique et elle ne ment pas.
est à moi et il vous le communiquera. Tout ce [! J 2, 20 et 27.]
326
LES BRUITS, LES CRIS, LE SON DES
INSTRUMENTS
Les bruits et les sons. Cette puissance redoutable n'a qu'un maî-
Le twnulte des grandes eaux. tre : le Seigneur.
La voix du tonnerre.
Les bruits. Il se ceint de bravoure.
Il apaise le vacarme des mers,
Le cri, l'acclamation et le murmure.
le vacarme de leurs vagues
La lamentation. et le grondement des peuples.
Au bout du monde, on s'émerveille de ses signes.
Le son des instruments de musique. [Ps 65, 7-9.]
Le shofar.
Les trompettes ·d'argent. On constate déjà, ici, une transposition
Les instruments à cordes. symbolique. Les -masses aquatiques dési-
gnent les masses humaines. Les signes sont
les manifestations du pouvoir de Dieu sur
ces puissances humainement irrépressibles.
LES BRUITS ET LES SONS La voix des grandes eaux peut s'enfler, le
Seigneur demeure impassible.
Les flots ont enflé, SEIGNEUR !
Le tumulte des grandes eaux. Les flots ont enflé leur voix ;
les flots enflent leur fracas.
Les eaux souterraines de l' Abîme (Te- Plus que la voix des grandes eaux,
hôm) sont, dans la Bible, le symbole d'une et des vagues superbes de la mer,
puissance adverse. Les Psaumes jouent vo- superbe est le SEIGNEUR dans les hauteurs.
lontiers sur ce thème . [Ps 93, 3-4.]
Les flots de !'Abîme s'appellent l'un l'autre, David rend grâce au Seigneur qui l'a
au fracas de tes cataractes. délivré de la main de ses adversaires, qui se
En se brisant et en roulant,
ruaient sur lui comme un torrent ravageur.
toutes tes vagues ont passé sur moi. [Ps 42, 8.]
Bélial semble être ici une puissance infer-
Le bruit de l'eau déchaînée est aussi nale : la source d'une rivière souterraine
terrorisant que le mouvement des flots. imaginée comme le flot de la mort.

329
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Les liens de la mort m'ont enserré, Quand, dans l'Apocalypse, apparaît


les torrents de Bélial m'ont surpris. [Ps 18, 5.] !'Agneau, le fracas des eaux devient la voix
Mais le souffle de Dieu, manifesté par son des océans qui résonne comme un chœur et
grondement, assèche cette rivière mortelle. s'intègre à une symphonie instrwnentale.
Et j'entendis une voix venant du ciel,
Le lit des eaux apparut,
comme 1a voix des océans,
et les fondations du monde furent dévoilées,
comme le grondement d'un fort coup de ton-
par ton grondement, SEIGNEUR,
nerre.
par le souffle exhalé de ton nez.
Et la voix que j'entendis était comme le chant
[Ps 18, 16; voir aussi 2 S 22, 14-16.]
des joueurs de harpe touchant leurs instruments.
En Ézéchiel, le bruit des ailes des quatre Ils chantaient un cantique nouveau. [Ap 14, 2-3 .]
Vivants qui apparaissent au prophète est
comparé à celui des grandes eaux, d'une
multitude, d'une armée. « Et j'entendis le La voix du tonnerre.
bruit que faisaient leurs ailes quand ils
avançaient : c'était le bruit des grandes eaux, Le psaume 77 nous fait assister à un duel
la voix du Puissant; bruit d'une multitude, entre le fracas des grandes eaux et la puis-
bruit d'une armée» (Ez 1, 24). sance du tonnerre, instrwnent de la puis-
Le bruit des ailes est aussi comparé à la sance divine.
voix du Puissant quand il parle (Ez 10, 5). Les eaux t'ont vu, Dieu,
La venue de]a gloire divine produit aussi les eaux t'ont vu, elles tremblaient,
un bruit semblable à celui des grandes eaux l'abîme lui-même frémissait.
(Ez 43, 2). Les nuages ont déversé leurs eaux,
Quand Jésus calme la tempête qui balaie les nuées ont donné de la voix,
le lac de Tibériade, ils' adresse au vent, cause et tes flèches volaient de tous côtés.
du vacarme des eaux, comme à un démon Au rotÙement de ton tonnerre,
hurleur : « "Silence ! Tais-toi !" Et le vent les éclairs ont illuminé le monde,
tomba et il se fit un grand calme » (Mc 4, la terre a frémi et tremblé.
Dans 1a mer, tu fis ton chemin,
39).
ton passage dans les eàux profondes,
Le fracas de la mer est un des signes qui et ntÙ n'a pu connaître tes traces.
annoncent la manifestation glorieuse du Fils Tu as guidé ton peuple comme un troupeau,
de l'homme. parla main de Moïse et d'Aaron. [Ps 77, 17-21.]
Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les Le tonnerre est rare en Israël en saison
étoiles. Et sur la terre, les nations seront dans sèche. Celui que l'on entend pendant le
l'angoisse, inquiètes du fracas de la mer et des discours de Samuel est un signe important.
flots, tandis que les hommes défailleront de
r
frayeur dans attente de ce qui menace le monde « Maintenant encore, tenez-vous ici et voyez
habité, car les puissances des cieux seront ébran- cette grande chose que le SEIGNEUR va accomplir
lées. Et alors, on verra le Fils de l'homme venant sous vos yeux. N'est-ce pas actuellement la
dans une nuée avec puissance et grande gloire. moisson des blés ? Je vais invoquer le SEIGNEUR
[Le 21, 25-27.] et il fera tonner et pleuvoir. Comprenez donc et

330
LES BRUITS, LES CRIS, LE SON DES INSTRUMENTS

voyez la grandeur du mal que vous avez commis Écoutez, écoutez donc vibrer sa voix,
aux yeux du SEIGNEUR en demandant pour et le grondement qui sort de sa bouche !
vous-mêmes un roi. » Samuel invoqua le SEI- Sous tous les cieux il le répercute
GNEUR et le SEIGNEUR fit tonner et pleuvoir, ce et sa foudre frappe les extrémités de la terre.
jour-là, et tout le peuple eut une grande crainte Puis son rugissement retentit,
du SEIGNEUR et de Samuel. [1 S 12, 16-18.] sa majesté tonne à pleine voix,
et il ne retient plus les éclairs
Au cours de !'Exode, quand le peuple de dès que sa voix se fait entendre.
Dieu arrive au Sinaï, des sons effrayants Dieu tonne à pleine voix ses miracles,
retentissent, des bruits tonnants et des il en fait de grandioses qui nous échappent.
mugissements semblables à ceux de la CTb 37, 2-5; voir aussiJb 40; 9.]
trompe.
Dans le psaume 29, totalement consacré à
Or, le troisième jour quand vint le matin, il y eut la voix retentissante de Dieu, on décrit
des bruits [comme des voix], des éclairs, une surtout la vibration du tonnerre qui secoue
épaisse nuée sur_ la montagne et la voix d'un cor
très puissant; dans le camp, tout le peuple
la terre de manière étonnante.
trembla. [Ex 19, 16.] La voix du SEIGNEUR domine les eaux
- le Dieu de gloire fait gron_der le tonnerre -,
Une étrange communication va ensuite le SEIGNEUR domine les grarides eaux.
s'établir. La voix puissante du SEIGNEUR,
La voix du cor s'amplifia: Moïse parlait et Dieu la voix éclatante du SEIGNEUR,
lui répondait par la voix du tonnerre. la voix du SEIGNEUR casse les cèdres,
[Ex 19, 19.] le SEIGNEUR fracasse les cèdres du Liban.
Il fait bondir le Liban comme un veau,
Le psaume fait écho : et le Siryôn comme un jeune buffle.
La voix du SEIGNEUR taille des lames de feu.
Quand tu criais sous l'oppression, je t'ai délivré, La voix du SEIGNEUR fait trembler le désert,
je t'ai répondu dans le secret de l'orage. le SEIGNEUR fait trembler le désert de Qadesh.
[Ps 81, 8.] La voix du SEIGNEUR fait trembler les biches en
travail;
Dans le tonnerre, la voix de Dieu s'arti-
elle dénude les forêts. [Ps 29, 3-9.]
cule:
Et Dieu prononça toutes ces paroles : « C'est moi
Mais le tonnerre de Dieu peut aussi
le SEIGNEUR, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays déployer sa force et manifester ses juge-
d'Égypte, de la maison de servitude. » ments.
[Ex 20, 1-2.] Le SEIGNEUR, ses adversaires seront brisés ;
L'évolution du son, le passage de la ru- contre eux dans le ciel il tonnera.
Le SEIGNEUR jugera la terre entière.
meur appuyée par le cor, à la voix du ton-
Il donnera puissance à son Roi,
nerre, pour aboutir au langage articulé, signi-
il élèvera le front de son Messie. [1 S 2, 10.]
fie l' émergeuce d'uue parole transcendante,
proprement divine. Jean, quine rapporte pas l'agonie de Jésus
Job entend Élihou lui dire : à Gethsémani, relate l'angoisse de Jésus à

331
LES SYMBOLES BIBLIQUES

l'heure de sa Passion, En s'écriant : « Père, ble à ceux que conduisaient Assyriens ou


glorifie ton nom. », il déclenche une théo- Égyptiens. Mais, troisième proposition, cette
phanie qui passe par une voix que certains invasion renvoie au «Jour du Seigneur»,
confondent avec le tonnerre. Jésus explique moment du Jugement divin exécuté par une
le message de son Père céleste et annonce le armée mystérieuse, redoutable et omnipré-
jugement du monde. sente. Le texte suivant montre bien le pas-
sage du visuel au sonore :
« Maintenant mon âme est troublée, et que
dirai-je? Père, sauve-moi de cette heure? Mais Sonnez du cor à Sion,
c'est précisément pour cette heure que je suis poussez une clameur sur ma montagne sainte !
venu. Père, glorifie ton Nom. » Alors, une voix Que tous les habitants du pays frémissent;
vint du ciel: «Je l'ai glorifié et je le glorifierai le Jour du SEIGNEUR vient, il est proche. [. .. ]
encore. » La foule qui se trouvait là et qui avait Tel le jardin d'Éden, la terre est devant lui ;
entendu disait que c'était le tonnerre ; d'autres derrière, c'est un désert dévasté.
disaient qu'un ange lui avait parlé. Jésus reprit la Aussi, rien ne lui échappe.
parole : « Ce n'est pas pour moi que cette voix Il est semblable à des chevaux ;
a retenti, mais bien pour vous. C'est maintenant comme des coursiers, ainsi courent-ils.
le jugement de ce monde, maintenant le prince C'est comme un bruit de chars
de ce monde va être jeté dehors. Pour moi, bondissant sur les sommets des montagnes ;
quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi comme le crépitement d'un foyer brûlant
tous les hommes.» (Jn 12, 27-32.] qui dévore le chaume ;
comme un peuple puissant rangé en bataille:
Le tonnerre, et même les sept tonnerres, [JI 2, 1 et 3-5.l
accompagnent les révélations de l' Apoca-
lypse (Ap 4, 5 ; 10, 3-4). Au livre de Job, il est dit du cheval :
Mais ce tonnerre est aussi une voix : De loin, il flaire la bataille,
Quand l'Agneau ouvrit le premier des sept tonnerre des chefs et cri de guerre.
sceaux, j'entendis le premier des quatre animaux [Jb 39, 25.J
s'écrier d'une voix de tonnerre: Viens! Et je vis: En Ézéchiel, la description du sac de Tyr
c'était un cheval blanc. [Ap 6, 1-2.] par Nabuchodonosor est un récit riche
d'échos sonores.

Les bruits. Au bruit des coursiers, des roues et des chars,


tes murailles seront secouées lorsqu'il entrera
dans tes portes,
L'imagination puissante des prophètes
comme on entre dans une ville où l'on fait une
passe facilement des représentations pictura- brèche. [Ez 26, 10.]
les à des évocations acoustiques. Tout ·com-
mence, pour Joël, par une invasion compa- Le contre-coup de ce vacarme meurtrier
rable à une ruée de sauterelles ou d'autres atteindra les royanmes les plus lointains.
insectes destructeurs (JI 1, 2-12). Le profil Stupéfaits, les rois répondront alors par une
de la sauterelle suggère celui d'un cheval : il qinah une lamentation scandée par le
s'agit bien d'un assaut de cavalerie, sembla- rythme 3 + 2.

332
LES BRUITS, LES CRIS, LE SON DES INSTRUMENTS

Ainsi parle à Tyr le Seigneur DIEU : Au bruit de accompagné cl' un hochement de tête. Le
ta chute, dans le gémissement des blessés, dans péché d'Israël a mis Dieu en colère.
la tuerie qui s'accomplira au milieu de toi, les îles
ne trembleront-elles pas ? Tous les princes de la Aussi transforrne-t-il son pays en désolation,
mer descendront de leurs trônes, sifflement à jamais.
ils ôteront leurs manteaux, Tous ceux qui passent par là sont stupéfaits
et se dépouilleront de leurs vêtements bigarrés ; et hochent la tête.
vêtus de frissons et assis par terre, (Jr 18, 16; voir aussi Lm 2, 15.]
ils trembleront sans cesse
La réaction est la même devant Édom
et se désoleront sur toi.
dévasté (Jr 49, 17), Ces sifflements ne sont
Ils entonneront une complainte et diront de toi :
Comment a-t-elle disparu, pas des actes de dérision mais des réactions
la ville dont les habitants venaient des mers, d'épouvante (Ez 27, 35-36).
cette ville si célèbre Dieu aussi peut siffler, soit pour appeler
dont la force et celle des habitants étaient sur les envahisseurs qui seront l'instrument de
mer, sa colère (Is 5, 26), soit pour rassembler son
cette ville qui provoquait partout la terreur ? peuple pardonné et racheté (Za 10, 8).
Maintenant, les îles tremblent au jour de ta On trouve aussi des bruits qui suscitent
chute, l'angoisse ou la peur. Peu-aVant sa mort,
les îles de la mer sont épouvantées par ta fin. Athalie perçoit les bruits et les sons qui
[Ez 26, 15-18.] annoncent son exécution.
Quant aux matelots de Tyr, la grande cité Athalie entendit le bruit que faisait le peuple qui
maritime, ils donnent tous les signes d'un accourait; elle se dirigea vers le peuple à la
deuil retentissant, avant d'exhaler une lon- Maison du SEIGNEUR. Elle regarda : voici que le
gue complainte. roi se tenait debout sur l'estrade, selon la cou-
tume; les chefs et les joueurs de trompettes
Au bruit de la clameur de tes matelots, étaient près du roi; toute la population du pays
les rivages tremblent. était dans la joie et- l'on sonnait de la trom-
Alors tous ceux qui manient la rame pette. Athalie déchira ses vêtements et s'écria :
descendent de leurs navires, Conspiration! Conspiration! [2 R 11, 13-14.]
les marins, tous les matelots de la mer;
ils restent à terre. En écho à cette scène, on peut citer Job :
Ils font entendre leurs voix à ton sujet,
Quel que soit le nombre des ans réservés au
ils crient amèrement,
tyran,
ils se mettent de la poussière sur la tête,
les voix de l'effroi hantent ses oreilles.
ils se roulent dans la cendre.
(Jb 15, 20-21.]
Ils se rasent le crâne à cause de toi,
ils se ceignent de sacs. Les malédictions du Lévitique visent,
Ils pleurent sur toi, dans leur amertume, entre autres, ceux qui n'observent pas le
faisant d'amères lamentations. [Ez 27, 28-31.] sabbat. Les rebelles seront dispersés, déci-
Mais la stupéfaction devant les ruines, més.
traces du châtiment divin, peut susciter un Quant à ceux d'entre vàus qui subsisteront, je les
simple sifflement (1 R 9, 8). Le son peut être amènerai à se décourager dans le pays de vos

333
LES SYMBOLES BIBLIQUES

ennemis. Le simple bruit d'une feuille qui tombe texte fait ici entendre des sons, qui signifient
les poursuivra ; ils fuiront comme on fuit devant les moments d'un drame en trois actes. Ariel,
l'épée, et ils tomberont sans même qu'on les c'est Jérusalem et ce nom permet un jeu de
poursuive. [Lv 26, 36.]
mots avec ariel qui signifie la fournaise
Dans sa magnifique description de la sinistre où les idolâtres brûlaient des victi-
vieillesse, Qohéleth fait appel à des évoca- mes humaines.
tions sonores. Les sons s'étouffent-ils ? La ville assiégée va s'effondrer en lamen-
L'oreille faiblit-elle? tations.

Quand tombe la voix de la meule, Malheur ! Ariel ! Ariel !,


quand on se lève au chant de l'oiseau ville contre laquelle campa David.
et que les vocalises s'éteignent, Qu'une année s'ajoute à celle-ci avec tout le cycle
alors on a peur de la montée, des fêtes,
on a des frayeurs en chemin. [...] et je presserai Ariel :
Car l'homme s'en va vers sa maison d'éternité. elle ne sera plus que plainte et gémissement,
[Qo 12, 4-5.J elle sera pour moi comme un Ariel.
Comme David, je camperai contre toi,
Le même sage évoque ainsi la folie : « Tel je t'entourerai de retranchements,
le pétillement des broussailles sous la mar- je dresserai contre toi des machines de siège.
mite, [Is 29, 1-3.]
tel est le rire des insensés (Qo 7, 6).
Les murs même ont des oreilles : Voici maintenant le tableau d'une ville
fantôme, d'où s'élève une voix spectrale. La
Ne maudis pas le roi dans ton for intérieur, vision est voilée par un nuage de poussière
ne maudis pas le riche même en ta chambre à pour appuyer l'effet fantastique.
coucher,
car l'oiseau au ciel emporte le bruit Abattue, tu parleras depuis la terre,
et la bête ailée fera connaître ce qu'on dit. ta parole atténuée viendra de la poussière.
[Qo 10, 20.] Ta voix, comme celle d'un revenant, montera de
la terre,
Ézéchiel voit les corps se reconstituer, et de la poussière comme un chuchotement
mais il entend aussi cette mystérieuse méta- spectral.
morphose : « Il y eut un bruit pendant que La multitude de tes ennemis sera comme une
je prononçais l'oracle et un mouvement se poudre fine,
produisit : les ossements se rapprochèrent la foule des tyrans comme la baie qui s'envole.
les uns des autres» (Ez 37, 7). [Is 29, 4-5.]
Pour les auteurs bibliques, suggérer des
bruits relève parfois d'un art consommé. En contradiction avec cette atmosphère
L'écriture des prophètes utilise magistrale- feutrée et sinistre, voici l'intervention flam-
ment ce procédé stylistique. boyante de Dieu :
Le siège de Jérusalem, au chapitre 29 Et tout à coup, le SEIGNEUR tout-puissant inter-
d'Isaïe, n'est pas seulement une description, viendra
mais une évocation presque magique. Le dans le tonnerre, l'ébranlement, un grand fracas,

334
LES BRUITS, LES CRIS, LE SON DES INSTRUMENTS

le tourbillon, la tempête et la flamme d'un feu sauvage, qui se propose d'exalter les com-
dévorant. battants et de décourager les ennemis. C'est
Ce sera alors comme un songe, une vision de la ce cri même qui abattra les défenses de
nuit, Jéricho.
pour la multitude des gens qui attaquaient Ariel,
pour tous ceux qui combattaient contre elle, Lorsque la corne de bélier retentira [quand vous
l'investissaient et la pressaient. [1s 29, 6-7.] entendrez le son de la trompe], tout le peuple
poussera un grand cri de guerre et le rempart de
la ville s'écroulera sur place ; alors le peuple
montera à l'assaut, chacun droit devant soi.
Le cri, l'acclamation et le murmure.
(Jos 6, 5.J
Devant le désordre du monde et l' oppres- La procession qui tourne autour de Jéri-
sion de son peuple, Dieu garde parfois lon- cho transporte l'arche de l'Alliance. Cette
guement le silence. Mais ses interventions déambulation liturgique se termine par le cri
peuvent être fracassantes ; il pousse des cris de guerre qui va devenir Wle acclamation
comme un guerrier à l'assaut. rituelle, saluant les mouvements de l'arche.
Le SEIGNEUR, tel un héros, va sortir, Or, dès que l'arche de l'Alliance du SEIGNEUR
tel un homme de guerre, il réveille sa jalousie, arriva au camp, tous ks Israélites firent une
il pousse un cri d'alarme, un grondement bruyante ovation et la terre trembla. [1 S 4, 5.]
et contre ses ennemis se comporte en héros.
David et toute la maison d'Israël faisaient monter
[Is 42, 13.]
l'arche du SEIGNEUR parmi les ovations et au son
Il rugit comme le fouleur d'une sanglante du cor. [2 S 6, 15.]
vengeance. Le jour du «souvenir» et de «l'acclama-
D'en haut le SEIGNEUR rugit, tion » (jour chômé) ritualise· définitivement
de sa sainte habitation, il donne de la voix. le cri de guerre.
Il rugit, oui il rugit contre son domaine
en poussant le cri des fouleurs de raisins Le SEIGNEUR adressa la parole à Moïse : « Parle
contre tous les habitants du pays. aux fils d'Israël: Le septième mois, le premier du
Le tapage parvient aux confins de la terre : mois, c'est pour vous un jour de repos, un jour
le SEIGNEUR engage un procès contre les nations, de souvenir et d'acclamation, avec rénnion sa-
il ouvre une procédure contre toute chair. crée. Vous ne ferez aucun travail pénible, et vous
Les coupables, il les livre à l'épée - oracle du présenterez un mets consumé au SEIGNEUR. »
SEIGNEUR. (Jr 25, 30-31.] [Lv 23, 23-25; voir aussi Nb 29, !.]

Le Seigneur peut faire résonner le cri de L'acclamation servait surtout lors du sacre
guerre, (terûah). des rois, ou lors de l'affirmation de la
royauté du Seigneur Dieu 1 S 10, 24 ;
Voici venir des jours - oracle du SEIGNEUR - Nb 38, 7; Ps 98, 4.
où je ferai retentir pour Rabba des Ammonites L'acclamation se retrouve dans les Psau-
le cri de guerre. mes accompagnant le sacrifice, et elle est
Elle deviendra une ruine désolée. (Jr 49, 2.] soutenue par le jeu des cornes et des trom-
Le cri de guerre est Wle exclamation pettes.

335
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Dans sa tente, je peux offrir nous? Ce n'est pas contre nous que vous mur-
des sacrifices avec l'acclamation. [Ps 27, 6.] murez, mais bien contre le SEIGNEUR. »
[Ex 16, 6-8.]
Heureux le peuple qui sait t'acclamer !
il marchera à la lumière de ta face, SEIGNEUR ! Dieu précise que cette récrimination est
[Ps 89, 16.J indirectement formulée contre lui, le Sei-
gneur, par le biais de Moïse et d'Aaron.
Louez-le par les cymbales sonores, De la récrimination à la défiance, et de la
par les cymbales de l'acclamation! [Ps 150, 5.] défiance au manque de foi, le chemin est
court. La première génération des pèlerins
Le murmure est, dans la Bible, une réalité du désert sera condamnée : leurs murmures
importante, mais les traductions entretien- sont devenus des protestations véhémentes,
nent parfois une équivoque qui n'existe pas des péchés d'infidélité.
dans le texte hébreu.
Sur deux racines distinctes, se construi- Le SEIGNEUR parla à Moïse et Aaron : « Jusqu'à
sent des mots aussi différents que teloùnah quand aurai-je affaire à cette détestable commu-
nauté qui ne cesse de protester contre moi ? J'ai
qui signifie rébellion, et hagôt qui désigne la
bien entendu les protestations que les fils d'Israël
méditation. La confusion sur ce terme ne cessent de proférer contre moi. Dis-leur
« murmure » provient de ce- que le rebelle donc : Je le jure aussi vrai que je suis vivant
marmonne ses griefs, alors que le Juif médi- - oracle du SEIGNEUR - je vais vous traiter
tants' appuie toujours sur un son émis à voix d'après ce que je vous ai entendu dire. C'est dans
basse. ce désert que tomberont vos cadavres, vous tous
En un premier sens, le murmure est l'ex- qui avez été recensés à partir de l'âge de vingt
pression peu courageuse d'un désaccord. ans, vous tous tant que vous êtes, vous qui avez
C'est le bruissement d'une rébellion larvée protesté contre moi! Je le jure, vous n'entrerez
qui peut vite se transformer en révolte ou- pas dans le pays où j'avais fait serment de vous
verte. installer! » [Nb 14, 26-30.]
Au chapitre 16 de !'Exode, on entend le Seul, Caleb échappe à cette malédiction.
peuple murmurer contre·Moïse et Aaron: les Lui et Moïse « marchèrent avec -le Puis-
enfants d'Israël ont peur de mourir de faim sant ».
dans le désert.
En résistant face à l'assemblée,
Moïse et Aaron dirent à tous les fils d'Israël : ils empêchèrent le peuple de pécher
« Ce soir, vous connaîtrez que c'est le SEIGNEUR et firent cesser les murmures mauvais. [Si 46, 7 .]
qui vous a fait sortir du pays d'Égypte; le matin, Dans l'évangile de Jean, le discours de
vous verrez la gloire du SEIGNEUR, parce qu'il a
Jésus sur le pain de vie suscite des murmu-
entendu vos murmures contre le SEIGNEUR.
res. La méfiance vient d'abord des Juifs.
Nous, que sommes-nous, que vous murmuriez
contre nous ? » - Moïse voulait dire : « Vous Dès lors, les Juifs se mirent à murmurer à son
verrez quand le SEIGNEUR vous donnera le soir la sujet parce qu'il avait dit: «Je suis le pain qui
viande à manger, le matin dù pain à satiété, parce descend du ciel.» Et ils ajoutaient :_«N'est-ce
que le SEIGNEUR a entendu les murmures que pas Jésus, le fils de Joseph? Ne connaissons-
vous murmurez contre lui. Nous, que sommes- nous pas son père et sa mère? Comment peut-il

336
LES BRUITS, LES CRIS, LE SON DES INSTRUMENTS

déclarer maintenant : Je suis descendu du ciel ? » Je murmure toute ton œuvre,


Jésus reprit la parole et leur dit : « Cessez de et sur tes hauts faits, je médite, [Ps 77, 13.l
murmurer entre vous ! Nlli ne peut venir à moi,
si le Père qui m'a envoyé ne l'attire, et moi je le Un bel exemple de cette prière murmurée
ressusciterai au dernier jour.» Un 6, 41-44.] est celle qu'Anne adresse au Seigneur dans
le sanctuaire de Silo. « Anne parlait tout
Quand Jésus, plus tard, oriente son dis- bas : ses lèvres remuaient mais on n' enten-
cours dans une perspective plus eucharisti- dait pas sa voix.» (1 S 1, 13.)
que, nombre de ses disciples entrent aussi
dans le concert des murmures.
Après l'avoir entendu, beaucoup de ses disciples La lamentation.
commencèrent à dire : « Cette parole est rude !
Qui peut l'écouter ? » Mais, sachant en lui~même « Hah ! » ou « Hou ! » sont des interjec-
que ses disciples murmuraient à ce sujet, Jésus tions de regret ou de deuil. Ekah I pose la
leur dit : « C'est donc pour vous une cause de douloureuse question du pourquoi ? ou du
scandale ? Et si vous voyiez le Fils de l'homme comment ? C'est le titre hébreu des Lamen-
monter là où il était auparavant ... ? C'est l'Esprit
tations de Jérémie. On peut aussi traduite
qui vivifie; la chair ne sert de rien. Les paroles
cet adverbe par l'interjection Hélas ! « Hélas
que je vous ai dites sont esprit et vie, Mais il en
est panni vous qui ne croient pas. » mon frère ! » ou « Hélas ma sœur ! » étaient
(ln 6, 60-64.] les cris qui inauguraient la lamentation, acte
essentiel du deuil (1 R 13, 30). Les princes
Le murmure (hagôt) peut être positif. Il et les rois étaient invoqués par leurs titres.
désigne alors l'incantation à voix basse ou le Le fils mort était interpellé par son nom et
« concert silencieux » qui accompagne la les cris poussés, pour le décès du fils unique
méditation (higayoun). Ce murmure par- ou premier-né, se faisaient plus déchirants
court les Psaumes contemplatifs. (Za 12, 10). Seul, le deuil occasionné par les
Heureux l'homme grandes catastrophes lui était comparable,
qui ne suit pas le conseil des impies, [... ] surtout lorsque ces malheurs sanctionnaient
mais murmure la loi du SEIGNEUR jour et nuit. l'infidélité d'Israël.
[Ps 1, 1-2.J En ce jour-là, - Oracle du Seigneur DIEU - [. .. ]
Ma bouche énonce la sagesse, Je changerai vos fêtes en deuil,
et le murmure de mon cœur l'intelligence. et tous vos chants en lamentations ;
[Ps 49, 4.] je mettrai un sac sur tous les reins,
et la tonsure sur toutes les têtes.
Quand je songe à toi sur ma couche, J'en ferai un deuil de fils unique. [Am 8, 9-10.]
je murmure en ta présence. [Ps 63, 7.]
Refuser la lamentation à un défunt, c'est
« Que jubilent mes lèvres,
le traiter comme une bête. Ainsi parle Jéré-
quand je jouerai pour toi, mie contre l'injuste roi Y oyaqim :
et mon "âme que ru. as rachetée !
Ma langue, tout le jour, Pour lui, point de lamentation :
murmure ta justice. [Ps 71, 23-24.l Hélas ! Seigneur ! Hélas ! sa Majesté !

337
LES SYMBOLES BIBLIQUES · ·

Il sera enterré comme un âne ! tation, dont Matthieu donnera l'écho en


Il sera traîné et jeté loin des portes de Jérusalem. relatant le massacre des saints Innocents :
Ur 22, 18-19.J
Dans Rama, on entend une voix plaintive,
Les hommes et les femmes se séparaient des pleurs amers ;
pour pousser des cris (Za 12, 12-14). Rachel pleure sur ses enfants,
· Amos décrit la punition d'un Israël qui elle refuse tout réconfort,
s'est voué au mal. La mort a fait son œuvre. car ils ne sont plus. Ur 31, 15 et Mt 2, 18.]
Eh bien ! ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu des Moab va être dévasté.
puissances, mon Seigneur :
Sur toutes les places, il y aura des funérailles; Je hurle à cause de Moab.
dans toutes les rues, on dira : « Hélas ! hélas ! » J'appelle au.seco~rs pour Moab tout entier.
Je gémis sur les gens de Qir-Hérès.
On invitera le paysan au deuil,
aux funérailles, les initiés en complaintes ; Plus que pour Yazér, je pleure pour toi,
dans toutes les vignes, il y aura des funérailles,
vigne de Sivma. Ur 48, 31-32.]
quand je passerai au milieu de toi - dit le Les sanglots se modulent comme le son
SEIGNEUR. [Am 5, 16-17.] des flûtes : « Aussi mon cœur sanglote sur
Michée se lamente sur des villages pro- Moab, comme sanglotent des flûtes» Qr 48,
ches de Jérusalem. L'invasion menace la 36).
capitale de Juda. Le son de la tristesse Job, décrivant sa misère, retouve sponta-
rejoint le cri des animaux en détresse, le nément des évocations sonores. Le passage
hurlement ou le hululement (yâtal). du hurlement à la lamentation et l'interven-
tion des instruments de musique, accordés
Aussi vais-je me lamenter et hurler. selon des modes funèbres, décrit bien le
J'irai déchaussé et nu. processus du deuil.
J'entonnerai une lamentation à la manière des
chacals, En pleine assemblée, je me dresse et je hurle.
un chant de deuil, comme les autruches. Je suis entré dans l'ordre des chacals
Vraiment irréparable, le coup qui la frappe·! et dans la confrérie des effraies.
Car il vient jusqu'à Juda, Ma peau noircit,
jusqu'à toucher la porte de mon peuple, mes os brûlent et se dessèchent.
jusqu'à Jérusalem. [Mi !, 8-9.] Ma harpe s'accorde à la plainte
et ma flûte à la voix des pleureurs.
Et Jérémie avertit : Ub 30, 28-31.l
Le lion monte de son fourré ;
Crier vers Dieu est lui adresser une prière
le destructeur des nations se met en route. [... ]
À cause de cela, revêtez le sac ! du fond de la détresse.
Lamentez-vous ! Hululez ! Au cours de cette longue période, le roi d'Égypte
Non, elle ne se détourne pas de nous, mourut. Les Israélites, gémissant de leur servi-
l'ardente colère du SEIGNEUR. Ur 4, 7-8.] tude, crièrent et leur appel à l'aide monta vers
Dieu, du fond de leur servitude. [Ex 2, 23.]
L'hécatombe de la grande déportation à
Babylone suggère à Jérémie la célèbre !amen- Le Seigneur entend le cri du pauvre qui

338
LES BRUITS, LES CRIS, LE SON DES INSTRUMENTS

risque de passer la nuit sans couverture. Comment sont tombés les héros
« S'il crie vers moi je l'écouterai, car je suis au milieu du combat ?
compatissant, moi! » (Ex 22, 26.) Jonathan, par ta mort je suis navré,
Au comble du malheur, ce cri devient un j'ai le cœur serré à cause de toi, mon frère
Jonathan.
rugissement.
Tu m'étais délicieusement cher,
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu aban- ton amitié m'était plus merveilleuse
donné? que l'amour des femmes.
Insoucieux de me sauver, malgré les mots que je Comment sont tombés les héros,
rugis ! [Ps 22, 2.l ont péri les armes de guerre ?
[2 S 1, 19-21 et 24-27.]
Je me taisais, mes os se consumaient
à rugir tout le jour. [Ps 32, 3 .] La complainte funèbre est devenue une
Brisé, écrasé, à bout, institution en Israël. Des professionnels,
je rugis tant gronde mon cœur. [Ps 38, 9.] hommes et surtout femmes, en assuraient la
composition, l'exécution et l'adaptation à
Le cri est donc l'expression spontanée de
chaque défunt. Transposé sur le plan du
la douleur; la complainte en est le prolon-
deuil national, cette complainte devient, en
gement plus élaboré. Le cri qui s'articule en
Jérémie, une prophétie, un oracle du Sei-
langage désamorce la charge d'angoisse,
gneur.
accumulée par l'absence brutale du disparu.
La complainte maîtrise la violence du cri et Pensez à appeler les pleureuses,
la force délirante de la douleur. Telle était qu'elles viennent!
l'antique Qinâh, et celle que chante David à Envoyez chercher les plus habiles, qu'elles arrivent,
la mort de Saül et de Jonathan est certaine- Vite, qu'elles entonnent sur nous
ment la plus ancienne et la plus belle des une lamentation !
complaintes. Que nos yeux versent des larmes,
que nos paupières laissent ruisseller de l'eau!
La splendeur d'Israël sur tes hauteurs, Oui, une lamentation se fait entendre de Sion ;
a-t-elle péri? « Ah ! Nous sommes ruinés,
Comment sont tombés les héros ? couverts de honte !
Ne le publiez pas dans Gat, Car il nous faut quitter le pays,
ne r annoncez pas dans les rues d' Ashqelôn, on a démoli nos demeures. »
que ne se réjouissent les filles des Philistins, Femmes, écoutez donc la parole du SEIGNEUR,
que n'exultent les filles des incirconcis ! que votre oreille reçoive sa parole ;
Montagnes de Gelboé, apprenez à vos filles cette lamentation,
ni rosée, ni pluie sur vous, enseignez-vous l'une à l'autre cette complainte;
campagnes traîtresses, « La mort a grimpé par nos fenêtres,
puisque· y fut déshonoré le bouclier des héros ! elle est entrée dans nos palais,
[ ... ] elle a fauché l'enfant dans la rue,
Filles d'Israël, pleurez sur Saül, les jeunes gens sur les places.
qui vous revêtait d'écarlate et de lin fin, Parle ! Tel est l'oracle du SEIGNEUR :
qui accrochait des joyaux d'or Les cadavres des hommes gisent
à vos vêtements. comme du fumier en plein champ,

339
LES SYMBOLES BIBLIQUES

comme une gerbe derrière le moissonneur, chaos, de l'ébranlement radical qui prélude
et personne pour la ramasser ! » à des destructions et des métamorphoses.
Ur 9, 16-21.J Mugissement d'un monstre primitif, rugis-
Le passage du deuil individuel au deuil sement d'un fauve invisible, ce son possède
collectif est tout à fait remarquable_ Cette un pouvoir surprenant, terrorisant, trans-
transposition change le sens de la com- cendant.
plainte. L'usage particulier n'a pour but que La grande révélation du Sinaï est accom-
de tempérer la souffrance, le deuil collectif pagnée d'un son de trompe qui émerge d'un
est un appel à la conversion. Ce qui n'était concert de voix mystérieuses et qui culmine
qu' obsèques devient retour à Dieu et of- en un roulement de tonnerre, en lequel
frande du cœur contrit. Moïse reconnaît la voix de Dieu.
Or, le troisième jour, quand vint le matin, il y
eut des voix, des éclairs, une nuée pesant sur la
montagne, et la voix d'un sho/ar très puissant;
LE SON DES INSTRUMENTS dans le camp, tout le monde trembla. La voix du
DE MUSIQUE sho/ar s'amplifia, Moïse parlait à Dieu et Dieu
lui répondait par la voix du tonnerre.
[Ex 19, 16 et 19.]
Le shofar. Le sho/ar donne le signal du grand retour
après la captivité.
Le psaume 150 invite les fidèles à la Ce jour-là, la grande trompe sonnera,
louange et donne la liste des principaux ils arriveront, ceux qui étaient perdus au pays
instruments qui entraient en jeu au cours de cl' Assyrie. [Is 27, 13.]
cette prière.
Pour Zacharie, au jour de la libération des
Louez Dieu dans son sanctuaire. [. ..] captifs, le sho/ar se fait entendre.
Louez-le avec sonneries de cor;
louez-le avec harpe et cithare; Le Seigneur DIEU, sonnant du sho/ar,
louez-le avec tambour et danse; s'avancera dans les ouragans du midi. [Za 9, 14.]
louez-le avec cordes et flûtes : Il s'agit là du Messie, monté sur son âne,
louez-le avec cymbales sonores; prince de la paix, mais armé de la redoutable
louez-le avec les cymbales de l'ovation.
trompe qui entraînait jadis les armées d'Is-
[Ps 150, 1 et 3-5.]
raël au combat.
Certains de ces instruments possèdent un Le psaume 47 décrit le triomphe de Dieu
symbolisme très riche. et met le shofar en relation avec le cri de
Le sho/ar est une trompe, une corne de guerre (teruah), qui est aussi un « hourra »
bélier (Jos 6, 5). La trompe est un instru- de victoire.
ment bien particulier : le son grave qu'elle Dieu monte au milieu des ovations,
émet n'est pas toujours musical. Il est sou- le SEIGNEUR aux éclats du sho/ar.
vent doté d'une vettu magique. La basse Sonnez pour notre Dieu, sonnez !
fréquence de sa vibration évoque le bruit du Sonnez pour notre Roi, sonnez ! [Ps 47, 6-7.J

340
LES BRUITS, LES CRIS, LE SON DES INSTRUMENTS

Le lien entre le cri de guerre et le son du Le son du sho/ar, signal de rassemble-


sho/ar est traditionnel et rappelle la prise de ment, est aussi celui de la convocation de
Jéricho (los 6, 5), l'assaut conduit par l'assemblée d'Israël. Le shofar retentit au
Gédéon (Jg 7, 18 et 22), l'attaque contre grand] out des Expiations (plus tard devenu
Moab (Am 2, 2). Yom Kippour) pour mettre la conscience
Le son du shofar est prophétique : il d'Israël en état d'éveil. Au livre du Léviti-
signale l'arrivée du malbeur, du châtiment. que, le shofar annonce aussi l'année du
Jubilé.
Appelle à plein gosier, ne te ménage pas, .
Au jour du Grand Pardon, vous ferez retentir le
comme le sho/ar, enfle ta voix.
cor dans tout votre pays ; vous déclarerez sainte
Annonce à mon peuple ses révoltes,
la cinquantième année et vous proclamerez dans
à la maison de Jacob ses fautes.
[ls 58, l.] le pays la libération de tous les habitants.
[Lv 25, 9-10.]
Embouche le sho/ar ! Voici deux manifestations de la trompe
Comme l'aigle, le malheur fond sur la Maison du qui révèlent des états d'esprit totalement
SEIGNEUR,
opposés. Dans ce premier texte, le sho/ar
parce qu'ils ont transgressé mon alliance
sonne le rassemblement du peuple : c'est un
et se sont révoltés contre mon instruction.
[Os 8, J.J appel à la pénitence collective. L~ présence
des petits enfants et des nourrissons peut
Le cor signale la manifestation de la colère sembler incongrue, elle est, en fait, très
divine, qui se concrétise par l'invasion (Jr 4, significative : au-delà des consciences indi-
5 et 19; 42, 14). Le sho/ar sonne aussi le viduelles, c'est la conscience du peuple en
ralliement des peuples contre Babylone tant que telle qui dpit opérer sa conversion.
(Jr 51, 27). Cette solidarité devant Dieu est une des
Le sho/ar, en effet, annonçait la guerre et caractéristiques de la religion d'Israël.
donnait le signal du combat (Os 5, 8). C'est Déchirez vos cœurs, non vos vêtements
bien l'alerte (Am 3, 6). Dans le combat, le et revenez au SEIGNEUR, votre Dieu ;
sho/ar excite le cheval (Jb 39, 25). il est bienveillant et miséricordieux,
Le sho/ar émet l'onde de la voix de Dieu. lent à la colère et plein d'une bonté fidèle.
A ce titre, il retentit dans le rituel pour Il regrette le malheur.
manifester la valeur s~crée de l'acte qui Qui sait, peut-être aura-t-il encore du regret
s'accomplit. Le sho/ar fait entendre sa et après lui laissera-t-il une bénédiction,
voix lors de l'onction royale de Salomon offrande et libation
pour le SEIGNEUR, votre Dieu.
(1 R 1, 34 et 39).
Sonnez du cor à Sion,
Le shofar et les trompettes de métal sanctifiez-vous par le jeûne,
sonnent lorsque le roi Asa entraîne une annoncez une réunion sacrée,
nombreuse assemblée à prêter à Dieu un rassemblez le peuple,
serment de fidélité. « Ils firent serment au convoquez une assemblée sainte.
SEIGNEUR avec une grande clameur [teruah ], Groupez les vieillards, réunissez les adolescents
des trompettes et des sho/ar » (2 Ch 15, 14). et les enfants à la mamelle.

341
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Que le jeune époux quitte sa chambre, plénitude de la puissance et de la gloire. Et il


la jeune épouse son pavillon. enverra ses anges avec la grande trompette, et,
Qu'entre le porche et l'autel pleurent les prêtres, des quatre vents, d'une extrémité des cieux à
ministres du SEIGNEUR. l'autre ils rassembleront ses élus. [Mt 24, 30-31.]
Qu'ils disent : « SEIGNEUR, aie pitié de ton
peuple; Paul évoque la trompette du Jugement.
ne fais pas de ton patrimoine un opprobre « En un instant, en un clin d'œil, au son de
pour que les nations se moquent d'eux ! la trompette finale, car elle sonnera, la trom-
Pourquoi dirait-on parmi les peuples : pette, et les morts ressusciteront incorrupti-
Où est leur Dieu ? » (JI 2, 13-17.] bles, et nous, nous serons transformés »
La trompette des Pharisiens hypocrites et (1 Co 15, 52; voir aussi 1 Th 4, 16).
prétentieux n'a pas le même son: pour les Dans l' Apocalypse, la voix de la révélation
oreilles de Dieu. L'acte religieux qu'elle ressemble au son d'une trompette (Ap 1,
annonce recherche l'attention publique et 10 ; 4, 1). Les sept anges saluent les mo-
manifeste, du coup, W1 égoïsme _qui peut ments dramatiques des derniers combats
entraîner l'homme à la profanation des cho- eschatologiques (Ap. chapitres 8 à 11).
ses saintes. Jésus dit : Mais aux jours où l'on entendra le septième
Gardez-vous de pratiquer votre religion devant ange, quand il sonnera de la trompette, alors sera
les hommes pour attirer leurs regards ; sinon, pas consommé le mystère de Dieu [Ap 10, 7].
de récompense pour vous auprès de votre Père
qui est aux cieux. Quand donc tu fais l'aumône,
ne le fais pas claironner devant toi, comme font Les trompettes d'argent.
les hypocrites dans 1es synagogues et dans les
rues, en vue de la gloire qui vient des hommes.
En vérité, je vous le déclare : ils ont reçu leur Très différentes du sho/ar sont les trom-
récompense. Pour toi, quand tu fais l'aumône, pettes d'argent. Elles sont longuement décri-
que ta main gauche ignore ce que fait ta main tes au livre des Nombres (Nb 10, 1-10).
droite, afin que ton aumône reste dans le secret; Seuls les prêtres, fils d' Aaron, peuvent en
et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. jouer. En effet, ces instruments avaient, dans
[Mt 6, !A.] l'Antiquité, la réputation de pouvoir appeler
les dieux et de mettre en fuite les démons.
Pour décrire le Jugement du Fils de
Ici, cependant, ils donnent le signal du ras-
l'homme, Matthieu fait intervenir la grande
semblement du peuple, comme le sho/ar.
trompette, qui rappelle le sho/ar et son
signal de rassemblement. Le son de cet Le son, alors, doit être continu. Le son de
instrument atteint les confins de la terre dépatt, qui est la transposition instrumentale
pour rassembler les élus, les hommes de du cri de guerre, peut être un trille prolongé.
bonne volonté. Ce même son devra être émis à l'heure du
combat pour demander l'assistance du Sei-
Alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de gneur.
l'homme ; alors toutes les tribus de la terre se
frapperont la poitrine; et elles verront le Fils de Quand, dans votre pays, vous partirez en guerre
l'homme venir sur les nuées du ciel dans la contre l'ennemi qui vous harcèle, vous ferez

342
LES BRUITS, LES CRIS, LE SON DES INSTRUMENTS

donner par ces trompettes un signal modulé. De Ces instruments à cordes, ·soutenus par la
la sorte, vous vous rappellerez à l'attention du flûte et le tambourin,- avaient donc une in-
SEIGNEUR, votre Dieu, et vous serez délivrés de fluence sur le psychisme et pouvaient jouer
vos ennemis. [Nb 10, 9.] le rôle d'une drogue pour créer des états de
Les trompettes doivent intervenir comme conscience modifiés. Saül va entrer dans la
des signes joyeux dans les fêtes, par exemple transe de ces derviches. Le texte dit que
celle de la nouvelle lune (néoménie) et dans !'Esprit du Seigneur tombe sur lui pour
certains actes lirurgiques. La raison plus r
donner au roi, qui a reçu onction, le cha-
profonde de ces fanfares reste toujours la risme d'un chef politique et militaire, à la
même : attirer l'attention de Dieu. manière des Juges.
Les effets de la musique sont aussi d'or-
Quand vous aureZ un jour de réjouissance, des dre spirituel :
solennités, des néoménies, vous jouerez de ces
trompettes pour accompagner vos holocaustes et La prophétesse Miryam, sœur d'Aaron, prit en
vos sacrifices de paix ; elles serviront à vous main le tambourin ; toutes les femmes sortirent
rappeler à l'attention de votre Dieu. Je suis le à sa suite, dansant et jouant du tambourin.
SEIGNEUR votre Dieu. [Nb 10, 10.] Chantez le SEIGNEUR,
il a fait un coup d'éclat.
Cheval et cavalier,
en mer il les jeta! [Ex 15, 20-21.]
Les instruments à cordes.
Par respect pour le roi de Juda, Élisée
Les instruments "à cordes, le 'kinnôr et le accepte de demander un oracle à Dieu. Le
nèbel entraient peut-être dans la catégorie prophète demande l'appui d'un musicien
des lyres. Nommer le premier harpe et le pour atteindre l'état de lucidité exception-
second luth ou cithare est une simple ma- nelle qui lui permet d'interroger le Seigneur.
nière de les distinguer. Le kinnôr était
peut-être plus important par sa construction, À présent, amenez-moi un musicien !
et le nèbel plus maniable. Tandis que le musicien jouait,
Ces instruments, d'origine populaire, ont la main du Seigneur fut sur Élisée.
Il dit alors : « Ainsi parle le SEIGNEUR... »
dû connaître d'abord une facture artisanale.
[2 R 3, 15.J
Tels devaient être ceux que portaient les
musiciens, dont le jeu soutenait la transe des Mais, pour en revenir à Saül et à son
prophètes errants qui vont entraîner Saül extase, cet épisode a suscité, peut-être, une
dans leur extase. Samuel parle ainsi : certaine défiance envers le roi (1 S 10, 27).
Une telle défiance ne semble pas injusti-
Ensuite, tu arriveras à Guivea de Dieu, où
résident les préfets philistins. Là, quand tu fiée. La désobéissance du roi entraîne son
entreras dans la ville, tu tomberas sur une bande rejet (1 S 15, 26). Saül, alors, se trouve
de prophètes descendant du haut lieu, précédés affecté de crises nerveuses que le texte
de harpes, de tambourins, de flûtes et de citha- attribue à un esprit démoniaque. C'est cu-
res. Ils seront en état de transe prophétique. rieusement le kinnôr, la harpe, qui va soi-
[1 S 10, 5.] gner le malade.

343
LES SYMBOLES BIBLIQUES

L'esprit du SEIGNEUR s'était retiré de Saül et un Les expressions « chanter ou jouer pour
esprit mauvais, venu du SEIGNEUR, le tourmen- ton nom » révèlent à la fois le désir de rendre
tait. Les serviteurs de Saül lui dirent : « Voici grâce pour les bienfaits reçus, et la volonté
qu'un esprit mauvais, venu de Dieu, te tour- de proclamer la puissance et la miséricorde
mente. Que notre seigneur parle. Tes serviteurs de Dieu à la face du monde : c'est la tôdah,
sont à ta disposition : ils chercheront un homme
la manifestation vocale et instrumentale de
qui sache jouer de la cithare ; ainsi, quand un
esprit mauvais, venu de Dieu, t'assaillira, il en sa gloire. C'est l'aspect essentiel des Psau-
jouera et cela te soulagera. [1 S 16, 14-16.] mes dits « du règne » qui, par delà la royauté
terrestre, désignent le Seigneur comme seul
On va alors chercher David, bien connu vrai roi.
pour maîtriser_ cet instrument. Il se met au
Chantez au SEIGNEUR un chant nouveau,
service du souverain déchu.
chantez au SEIGNEUR, terre entière ;
Ainsi, quand l'Esprit de Dieu assaillait Saül, chantez au SEIGNEUR, bénissez son nom !
David prenait la cithare et il en jouait. Alors Saül Proclamez son salut de jour en jour. [ ... ]
se calmait, se sentait mieux et l'esprit mauvais se Dites parmi les nations : « Le SEIGNEUR est ro_i.
retirait de lui. [1 S 16, 23.] Oui, le monde reste ferme, inébranlable.
Il juge les peuples avec droiture. »
Les instruments à cordes entrent dans le [Ps 96, 1-2 et 10.]
véritable orchestre qui salue le retour triom-
phal de l'arche de l'Alliance. Entre le frémissement du cœur et celui
des cordes s'établit une mystérieuse réso-
David et toute la maison d'Israël s'ébattaient nance, un murmure commun (hagôt).
devant le SEIGNEUR au son de tous les instru-
ments de cyprès, des cithares, des harpes, des Qu'il est bon de célébrer le SEIGNEUR
tambourins, des sistres et des cymbales. et de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut!
[2S6,5.] De proclamer dès le matin ton amour- fidèle
et ta loyauté au long des nuits.
On parle ici d'instruments de cyprès, mais Sur la harpe à dix cordes et sur le nèbel,
le choix d'un bois plus précieux encore sur un murmure de kinnôr. [Ps 92, 2-4.]
ennoblira le kinnôr et le nèbel, destinés à la
Le jour et la nuit, l'aurore et le soir créent
Maison du Seigneur et à celle du roi.
des états d'âme que la musique peut expri-
Avec le bois de santal, le roi fit des appuis pour mer (comme le râga en Inde). L'auteur du
la Maison du SEIGNEUR et la maison du roi, ainsi psaume 57 émerge d'une nuit de cauchemars
que des cithares et des harpes pour les chanteurs. où il s'est trouvé encerclé par des ennemis
il n'arriva plus jamais de bois de santal, on n'en dangereux.
a plus vu jusqu'à aujourd'hui. [1 R 10, 12.]
Je suis au milieu des lions
L'instrument, ainsi ennobli, devient le et gisant parmi des êtres qui crachent du feu.
soutien de la louange divine. [Ps 57, 5.]
Rendez grâce au SEIGNEUR sur la cithare, Mais Dieu a pris le psalmiste « à l'ombre
sur la harpe à dix cordes, jouez pour lui. de ses ailes » ; une lueur monte à l'orient, le
[Ps 33, 2.] chanteur réveille les musiciens et aussi les

344
LES BRUITS, LES CRIS, LE SON DES INSTRUMENTS

instruments, comme un harpiste accorde et Si je t'oublie, Jérusalem,


prélude avant de jouer. que ma droite oublie ... !
Que ma langue se colle à mon palais
Le cœur rassuré, mon Dieu) si je ne pense plus à toi,
le cœur rassuré, si je ne fais pas passer Jérusalem
je vais chanter un hymne ! avant toute autre joie. [Ps 13 7, 1-6.]
Réveille-toi ma gloire,
réveillez-vous, nèbel et kinnôr, Le kinnôr, dépourvu de son prestige,
je vais réveiller l'aurore. [Ps 57, 8-9.J apparaît dans l'évocation d'une scène éton-
Un texte d'Isaïe met en jeu le kinnôr. nante : la courtisane oubliée s'en va par les
Jérusalem assiste au ravage du pays de rues, en chantant des rengaines pour tenter
Moab: de survivre. Cette image populaire illustre la
chute de Tyr.
Et maintenant, Moab se lamente sur Moab. [... ]
La joie et l'allégresse ont disparu des coteaux. Ce jour-là, Tyr sera oubliée pendant soixante-dix
[ ... ] ans, la durée des jours d'un seul roi. Au bout de
Les cris de joie ont cessé. [... ] soixante-dix ans, il arrivera à Tyr ce que dit la
Comme un kinnôr, mes entrailles frémissent sur chanson de la courtisane ;
Moab
et mon cœur sur Qir-Hèrès. [Is 16, 7 et 10-11.] « Prends un kinnôr, fais le tour de la ville,
courtisane oubliée.
Quand se taisent les instruments de Joue de ton mieux, reprends tes chansons
musique, ils deviennent l'image du deuil, de afin qu'on se souvienne de toi.» [ls 23, 15-16,]
la tristesse des déportés.
Par amour pour son peuple, Dieu est
Là-bas, au bord des fleuves de Babylone, finalement capable de reconstituer le para-
nous restions assis tout éplorés
dis. La joie se mêle à l'action de grâces et la
en pensant à Sion.
musique est toujours là :
Aux saules du Voisinage
nous avions pendu nos kinnôr. Oui, le SEIGNEUR réconforte Sion,
Là, nos conquérants nous ont demandé des il réconforte toutes ses dévastations.
chansons, Il rend son désert pareil à un Éden
et nos ravisseurs des airs joyeux : et sa steppe pareille à un Jardin du SEIGNEUR.
« Chantez-nous quelque chant de Sion. » On y retrouvera enthousiasme et jubilation,
Comment chanter un chant du SEIGNEUR action de grâces et son de la musique.
en terre étrangère ? [ls 51, 3.]
345
LA JOIE ET LA FÊTE,
LA DANSE ET LE TAMBOUR
La joie comme fruit de la grâce. Tous ceux qui t'ont pour refuge se réjouiront,
Exulter. toujours ils exulteront; tu les abriteras,
L'esprit de légèreté. tu feras crier de joie ceux qui aiment ton nom.
[Ps 5, 12.]
Le mystère de la danse. Je suis plein d'allégresse dans le SEIGNEUR,
Le tambourin. mon âme exulte en mon Dieu,
La danse. car il m'a revêtu des vêtements de salut.
[Is 61, 10.]
On peut éprouver de la joie dans le secret Aux deux extrémités de la Bible, deux
du cœur1 mais la réjouissance est le plus femmes retrouvent la même formule. C'est
souvent Wl sentiment partagé avec d'autres. tout d'abord Anne, guérie de sa stérilité, la
L'espace-temps de la joie est la fête. C'est
future mère de Samuel.
en ce lieu que le temps perd son pouvoir
destructeur et que l'espace limité par la vie Mon cœur exulte dans le SEIGNEUR,
quotidienne dégage un horizon plus vaste. c'est en Dieu que je relève le front,
La fête est le symbole vécu de la foi, et des la bouche grande ouverte face à mes ennemis :
réalités festives, comme la musique et la je me réjouis de ta victoire.
danse, entrent dans le concert de cette célé- Point de saint comme le SEIGNEUR. [1 S 2, 1.]
bration de la vie, tant spirituelle que corpo- Et voici Marie, mère de Jésus :
relle.
Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur,
parce qu'il a jeté les yeux sur l'abaissement de sa
servante. [Le 1, 47.l
LAJOIE COMME FRUIT DE LA GRÂCE
Le cœur de l'homme exulte :
Pour moi, en ton amour je me confie, SEIGNEUR ;
Exulter. que mon cœur exulte, admis en ton salut.
[Ps 13, 6.J
Le Seigneur est, pour le fidèle, la source
de sa joie : il exulte « en Dieu». Et cette joie atteint l'homme tout entier.

349
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Mon fils, si ton cœur est sage, en bonne santé. » Alors il se mit en colère et il
mon cœur, à moi, se réjouira, ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l'en
et mes reins exulteront, prier. [Le 15, 25-28.]
quand tes lèvres exprimeront des choses justes.
[Pr 23, 15-16.]
Le fils aîné se répand en récriminations,
et le père lui répond :
L'exultation en Dieu déborde sur la Créa-
Mon enfant, tu es toujours avec moi et tout ce
tion tout entière.
qui est à moi est à toi. Mais il fallait festoyer et
Le SEIGNEUR règne ! Exulte la terre, se réjouir, parce que ton frère que voici était
que jubilent les îles nombreuses ! [Ps 97, l.] mort et il est vivant, il était perdu et il est
Joie au ciel ! Exulte la terre ! retrouvé [Le 15, 31-32].
Que gronde la mer et sa plénitude ! Isaïe décrit la joie du triomphe de Jérusa-
Que jubile la campagne et tout son fruit, lem.
que tous les arbres des forêts crient de joie !
[Ps 96, 11-12.] Que soient pleins d'allégresse le désert et la terre
aride,
Les manifestations de la miséricorde de que la steppe exulte et fleurisse;
Dieu se célèbrent par la fête. Jésus conclut comme l'asphodèle, qu'elle se couvre de fletirs,
la parabole de la brebis retrouvée par le cri qu'elle exulte de joie et pousse des cris!
de joie du berger. Il en indique la significa- La gloire du Liban lui a été donnée,
tion profonde : la splendeur du Carmel et de Saron. [ls 35, 1-2.]
« Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai retrouvée, L'apocalypse d'Isaïe décrit le jugement
ma brebis qui était perdue ! »Je vous le déclare, final de Dieu. La parabole du festin tente
c'est ainsi qu'il y aura de la joie dans le ciel pour d'exprimer le bonheur des justes qui ont été
un seul pécheur qui se convertit, plus que pour
sauvés.
quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin
de conversion. [Le 15, 6-7.] Le SEIGNEUR Sabaot prépare sur cette montagne
un festin pour tous les peuples,
Quand l'enfant prodigue revient, le père un festin de viandes grasses et de bons vins. [. ..]
organise la fête : Le SEIGNEUR a essuyé les pleurs sur tous les
« Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et visages. [... ]
festoyons ». Et ils se mirent à festoyer, On dira, ce jour-là : Voyez c'est notrè Dieu.
[Le 15, 23]. En lui nous espérions pour qu'il nous sauve.
C'est le SEIGNEUR, nous espérions en lui.
Mais le fils aîné, en refusant d'entrer dans Exultons, réjouissons-nous du salut qu'il nous a
la fête, refuse aussi la miséricorde accordée donné. [Is 25, 6 et 8-9.]
à son frère.
Les pauvres, dont le droit a été bafoué,
Son fils aîné était aux champs. Quand à son
entrent dans le bonheur_
retour, il approcha de la maison, il entendit de
la musique et des danses. Appelant un des ser- Les malheureux trouveront toujours plus de joie
viteurs, il lui demanda ce que c'était. Celui-ci lui dans le SEIGNEUR,
dit : « C'est ton frère qui est arrivé, et ton père les plus pauvres des hommes exulteront à cause
a tué le veau gras, parce qu'il l'a vu revenir du Saint d'Israël. [Is 29, 19.l

350
LA JOIE ET LA FÊTE, LA DANSE ET LE TAMBOUR

En Luc,Jésus admire la révélation faite aux ment du cœur. Le prophète s'adresse à


tout-petits. Les apôtres doivent conserver Jérusalem.
cetteenfancespirituelle.« Lessoixante-douze
Alors, tu verras, tu seras rayonnante,
disciples revinrent dans la joie en disant: "Sei-
ton cœur frémira et se dilatera. [I~ 60, 5.]
gneur, même les démons nous sont soumis en
ton nom."» (Le 10, 17). Le terme grec qui signifie frémir veut dire
Jésus constate cette victoire sur Satan aussi « gronder contre», ou « menacer».
mais précise : On lui donne de plus le sens d'être en colère,
« Pourtant, ne vous réjouissez pas de ce que les
de s'indigner, ou bien encore être troublé,
esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de affligé.
ce que vos noms sont inscrits dans les cieux. » À Le frémissement de Jésus devant le tom-
l'instant même, il exulta sous l'action de l'Esprit beau de Lazare exprime d'abord un trou-
Saint et dit : « Je te loue, Père, Seigneur du del ble, dû à la peine de Marthe et de Marie.
et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux Ce tremblement intérieur a aussi pour rai-
intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits. » son la présence des Juifs qui rappellent,
[Le 17, 20-21.] peut-être sur le ton ironique, le miracle de
Jésus révèle la véritable postérité cl' Abra- l'aveugle-né. L'incroyance exige une esca-
ham, marquée par la joie de la perspective lade dans la manifestation des signes. Il
messianique. Il dit à ses contradicteurs : semble aussi que Jésus, contraint au mira-
« Abraham, votre père, a exulté à la pen- cle, ait pu se trouver en état d'hyperesthésie
sée de voir mon Jour : il l'a vu et il a été physique, quand il sent « qu'une force sort
transporté de joie.» (Jn 8, 56.) de lui» (Mc 5, 30). Il n'ignore pas que cette
Quand Paul décritla joie des païens qui ont résurrection va être le plus grand signe
accès au salut, il reprend les mots du Deutéro- de contradiction, entraînànt la foi, mais
nome.« Quant aux païens, ils glorifient Dieu aussi la dénonciation mortelle. Ce frémis-
pour sa miséricorde » (Rm 15, 9). sement mêle ainsi la plus grande joie à
Il se réfère alors au texte ancien qui dit l'horreur de la Passion qui vient. «Jésus
exactement : frémit intérieurement et il se troubla. Il dit :
"Où l'avez-vous mis?'' [. ..] A nouveau,
Cieux, exultez avec lui Jésus frémit intérieurement et il s'en fut au
et que les fils de Dieu l'adorent ! sépulcre» (Jn 11, 33 et 38).
Nations, exultez avec son peuple
et que tous les envoyés de Dieu affirment sa Les hommes et les femmes de la Bible
force ! [Dt 32, 43 .] frémissent de peur, d'angoisse, de trouble,
d'horreur et de colère. Ils peuvent aussi
Frémir, vibrer, tressaillir, sont aussi des frémir, vibrer par amour .
actes qui peuvent procéder de la joie tout
autant que de la peine. LC cœur Vibrant de belles paroles,
Frémir (fahad) est un verbe hébreu qui je dis mes poèmes en l'honneur du roi.
[Ps 45, 2.]
connote le plus souvent la peur, la crainte.
On trouve cependant, en Isaïe, un usage de Ces hommes peuvent aussi être remués
ce terme qui exprime un heureux mouve- par la compassion, qui les rapproche des

351
LES SYMBOLES BIBLIQUES

entrailles frémissantes de la miséricorde de le Temple, marchant, bondissant et louant


Dieu. La méditation est nécessaire pour que Dieu» (Ac 3, 7-8).
l'homme cesse d'être guidé par ses seules La joie soulage le cœur de l'homme et
émotions. Ce qu'on traduit souvellt par allège son corps. L'amour donne des ailes.
« lit » est en fait une « natte » et peut être
J'entends mon Bien-aimé.
un tapis de prière.
Voici qu'il arrive,
Le SEIGNEUR a mis à part son fidèle : sautant sur les montagnes,
quand j'appelle le SEIGNEUR, il m'écoute. bondissant sur les collines.
Frémissez et ne péchez pas ; Mon Bien-aimé est semblable à une gazelle,
sur votre natte, réfléchissez et taisez-vous. à un jeune faon. [Ct 2, 8-9.l
[Ps 4, 4-5.]
La Bible a été émerveillée par la légèreté
des coureurs à pied. « Azahel avait le pied
L'esprit de légèreté.
aussi léger qu'une gazelle des champs » (2 S
2, 18).
Ce quel' on traduit parfois par« tressaillir » Après la mort d' Absalom, David attend
devrait l'être plutôt par« exulter». Le vrai anxieusement des nouvelles de son fils. Le
tressaillement fait bondir le corps et le cœur. guetteur reconnaît le premier messager à sa
C'est ce que fait l'enfant, le futur Jean Baptiste façon de courir (2 S 18, 27).
dans le sein de sa mère. « Lorsqu'Élisabeth Le livre des Chroniques dit des Gadites :
entendit la salutation de Marie, l'enfant bon- Des Gadites Se séparèrent pour aller près de
dit dans son sein et Élisabeth fut remplie de David au refuge dans le désert. C'étaient des
!'Esprit Saint» (Le 1, 41 et Le 1, 44). hommes vaillants, des hommes de guerre formés
Toujours en Luc, l'énoncé des Béatitudes pour le combat, équipés de bouclier et de lance,
est suivi de la révélation d'un bonheur peu braves comme des lions et rapides comme des
commun. gazelles sur les montagnes. [1 Ch 12, 9.]

Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous Les coureurs ennemis ont la légèreté des
haïssent, lorsqu'ils vous rejettent, et qu'ils insul- oiseaux, mais des oiseaux de proie.
tent et proscrivent votre nom comme infâme, à
Nos persécuteurs sont plus rapides
cause du Fils de l'homme. Réjouissez-vous ce
que les aigles des cieux :
jour-là et bondissez de joie, car voici, votre
récompense est grande dans le ciel; c'est ainsi en sur les montagnes, ils nous harcèlent,
effet que leurs pères traitaient les prophètes. dans la steppe, ils sont à l'affût de nous.
[Le 6, 22-23.] [Lm 4, 19.]

Quand Pierre, près de la Belle Porte, La Bible, cependant, ne s'intéresse. pas _à


guérit un infirme de naissance, le compor- l'aspect athlétique de la course :
tement du miraculé stupéfie l'assistance. « À Le SEIGNEUR ne s'intéresse pas aux jambes de
l'instant même, les pieds et les chevilles de l'homme,
l'homme s'affermirent; d'un bond, il fut mais bien à ceux qui le craignent.
debout et il marchait ; il entra avec eux dans [Ps 147, 10-11.]

352
LA JOIE ET LA FÊTE, LA DANSE ET LE TAMBOUR

L'histoire du jeune David se déroule sous pourtant dans cette tenue qu'il reprend ses
le signe de la légèreté, qui dégage vite une ébats chorégraphiques.
harmonique spirituelle.
David tournoyait de toutes ses forces devant le
Entraîné par ses combats contre les ani- SEIGNEUR - David était ceint d'un éphod de lin
maux sauvages (1 S 17, 34-37), David sait [2 S 6, 14].
qu'il doit combattre contre un adversaire
lourdement équipé : sa cuirasse pèse L'épouse de David, à ce spectacle, est
soixante kilos (1 S 17, 5). Après avoir en- outrée et le dit à David. Le roi répond
dossé, puis-ôté, un armement aussi pesant, sévèrement.
David reprend sa tenue légère et l'arme la
David rentra pour bénir sa maison. Mikal, la
plus simple : sa fronde. Cette légèreté va fille de Saül, sortit au-devant de David à lui
permettre au jeune homme d'utiliser une dit : « Il s'est fait honneur aujourd'hui, le roi
tactique rapide qui lui assurera la victoire. d'Israël, en se dénudant devant les servantes de
« Aussi David triompha du Philistin par la ses esclaves comme le ferait un homme .de
fronde et la pierre. Il frappa le Philistin et le rien l » David dit à Mikal : « C'est devant le
tua. Il n'y avait pas d'épée dans la maiu de SEIGNEUR, qui m'a choisi et préféré à ton père
David» (1 S 17, 50). et à toute sa maison pour m'instituer comme
L'ensemble de ce récit a pour but de chef sur le peuple du SEIGNEUR, sur Israël, c'est
montrer aux fils d'Israël ce qu'est une guerre devant le SEIGNEUR que je m'ébattrai. Je
saiute: quand le Seigueur intervieut, le poids m'abaisserai encore plus et je m'humilierai à
des armes ne compte pas. La légèreté, le mes propres yeux, mais> près ·des servantes dont
tu parles, auprès d'elles; je serai honoré. » Et
dépouillement deviennent ici le symbole Mikal, fille de Saül, n'eut pas d'enfant jusqu'au
d'une disponibilité radicale à l'initiative jour de sa mort. [2 S 6, 20-23.]
divine, au secours qu'il apporte à son
fidèle. Mikal, pour avoir méprisé le culte de
La danse de David devant l'arche de l'arche de l'Alliance, subira la stérilité. Elle
l'Alliance est, pour le moins, insolite, sinon sera ainsi humiliée devant les autres femmes.
incongrue. Ce récit étonnant est en accord avec celui
du duel avec Goliath. David s'est dépouillé
David et toute la maison d'Israël s'ébattaient des vêtements princiers 1 comme il s'est
devant le SEIGNEUR. au son de tous les instru-
dépouillé de la lourde cuirasse et des armes
ments de cyprès, des cithares, des harpes, des
tambourins, des sistres et des cymbales [2 S
du roi. La légèreté populaire de ses ébats
6, 5]. alterne avec la gravité de son office sacerdo-
tal. Cette spontanéité est présentée ici
Ces ébats n'avaient rien de liturgique. Il comme une qualité de la foi de David. Ce
faut voir là une manifestation de liesse récit quelque peu extravagant possède, en
populaire qui n'excluait pas toujours quel- fait, une signification profonde.
que vulgarité. Le mot « léger » a pour synonyme, dans
David, plus tard, officie comme un prê- la Bible, inconscience, inconstance, irrespon-
tre : il sacrifie, bénit, et porte le pagne de lin, sabilité, infidélité. La main fantomatique,
l'éphod, qui est un vêtement sacré. C'est qui éctit sur le mur et terrorise le roi Baltha-

353
LES SYMBOLES BIBLIQUES

sar, trace ces mots : « ÎEQEL, "Pesé" : Tu Mer, pourquoi t'enfuir ?


as été pesé dans la balance et trouvé trop Jourdain, pourquoi refluer?
léger.» (Dn 5, 27.) Montagnes, pourquoi bondir comme des béliers,
Mais il est une autre légèreté, celle de la et vous collines, comme des cabris ?
brise qui manifestait la présence de Dieu Terre, tressaille devant le Maître,
devant le Dieu de Jacob,
pour parler à Elie (1 R 19, 12).
lui qui change le roc en étang
La légèreté du joug du Christ est d'une et le granit en fontaine. [Ps 114, 1-8.]
autre nature : Jésus décharge du carcan,
imposé par les docteurs de la Loi, et des Le tressaillement de la terre est le résultat
injonctions tracassières qui matérialisent les immédiat de la joie qui s'empare du cœur.
exigences spirituelles de Dieu. Dans une autre perspective, ce tressaillement
pourra devenir les convulsions douloureuses
Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids
du fardeau, et moi je vous donnerai le repos.
de l'enfantement.
Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon Ces souffrances sont stériles en Isaïe (Is 26,
école, car je suis doux et humble de cœur, et 17 -18), elles sont fécondes pour Paul (Rm 8,
vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon 22-24). La même image servira à Jésus pour
joug est facile à porter et mon fardeau léger. instruire ses disciples : le passage par la
[Mt 11, 28-30.] douleur est nécessaire pour découvrir la vraie
joie. Allégée de son enfant, la femme n'est pas
Il ne faut pas s'étonner de trouver dans un
soulagée) sa joie est d'un àutre·ordre. L' expé-
psaume de David, le bondissant, la constata-
rience de sa fécondité la fait exulter.
tion de cette légèreté accordée par le Sei-
gneur, comme le pouvoir de franchir les En vérité, en vérité, je vous le dis, vous allez
obstacles de la vie. gémir et vous lamenter, tandis que le monde se
réjouira ; vous serez affligés, mais votre affliction
C'est avec toi que je saute le fossé, tournera en joie. Lorsque la femme enfante, elle
c'est avec mon Dieu que je franchis la muraille. est dans l'affliction puisque son heure est venue;
[Ps 18, 30 et 2 S 22, 30.l mais lorsqu'elle a donné le jour à l'enfant, elle ne
L'allègement spirituel de l'homme semble se se souvient plus de son accablement, elle est
toute à la joie d'avoir mis un homme au monde.
atteindre la Création tout entière. Les mira-
C'est ainsi que vous êtes maintenant dans l' affliè-
cles du salut et, au premier chef, la sortie tion ; mais je vous verrai à nouveau, votre cœur
d'Égypte, semblent libérer le monde d'une alors se réjouira, et cette joie, nul ne vous la
certaine pesanteur. ravira. (Jn 16, 20-22.]
Quand Israël sortit d'Égypte, Pour la Bible, la lourdeur originelle qui
quand la famille de Jacob quitta un peuple
affecte la condition humaine vient du péché,
barbare,
Juda devint son sanctuaire,
conçu comme non-conformité à la volonté de
et Israël son domaine. Dieu. Dès l'origine pourtant, la grâce aussi
A cette vue, la mer s'enfuit, est à l' œuvre comme une force capable
le Jourdain reflua, d'inverser les signes. La pesanteur du mal
les montagnes bondirent comme des béliers, bascule alors, et se transforme non pas en
les collines comme des cabris. force ascensionnelle, mais en élasticité.

354
LA JOIE ET LA FÊTE, LA DANSE ET LE TAMBOUR

Marcher avec Dieu, bondir vers lui, sauter le rythme était donné par une cithare qui
le mur de la prison (ou de la caserne) sont jouait à l'octave. Les percussions sont re-
autant de manifestations de son amour, présentées par des cymbales, dont Étân
capable d'enlever tous les hommes. La joue avec éclat.
course est bien le symbole très parlant de Ce tableau musical est tardif et semble
cette souplesse, forme joyeuse de l' obéis- ignorer les instruments plus populaires,
sance, qui permet d'avancer sur le chemin parmi lesquels le tambourin occupe une
tracé par Dieu. place de choix.
Isaïe (Is 52, 7) et Naboum (Na 2, 1) admi- Au livre de !'Exode, le cantique de Moïse
raient les pieds et la course du messager qui est mis en musique et dansé par la sœur
appottait l'annonce de la paix et du salut. d' Aaron. De toute évidence, le tambourin
Paul a repris ces textes pour parler de la mène le jeu. « La prophétesse Miryam, sœur
foi.« Qu'ils sont beaux les pieds de ceux qui d' Aaron, prit en main le tambourin; toutes
annoncent de bonnes nouvelles » (Rm les femmes sortirent à sa suite, dansant et
10, 15). jouant du tambourin» (Ex 15, 20).
Ce même Paul, qui aime l'image du cou- Au livre des Juges, la fille de Jephté ne se
reur (1 Co 9, 24), jette ainsi un dernier doute pas du sort tragique qui sera le sien.
regard sur sa vie : «J'ai combattu le beau « Tandis que Jephté revenait vers sa maison
combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la à Miçpa, voici que sa fille sortit à sa ren-
foi» (2 Tm 4, 7). contre, dansant et jouant du tambourin >>
La Bonne Nouvelle est l'annonce de la (Jg 11, 34).
grâce que Dieu fait au monde. Il le rachète et Jephté vient de remporter une victoire sur
lui accorde sa grâce, comme une participation les Ammonites, il a fait vœu de sacrifier la
à son énergie créatrice et miséricordieuse. première personne qui viendrait à sa rencon-
En écho au psaume (Ps 18, 33-34), le tre. Jephté accomplira son vœu.
prophète Habaquq peut conclure : Le tambourin assure le rythme des instru-
ments à cordes et des flûtes, dans l'ensemble
Le SEIGNEUR est mon Seigneur, il est ma force. musical qui conduit les prophètes errants et
Il rend mes pieds comme ceux des biches Saül vers la transe (1 S 10, 5).
et ~e fait marcher sur les hauteurs.- [_Ha 3, 19.] Les femmes qui dansent et chantent les
louanges de David victorieux n'ont que des
tambourins et un autre instrument métalli-
que à usage rythmique. Cette tapageuse
LE MYSTÈRE DE LA DANSE publicité pour David déplaît souverainement
à Saül.

Le tambourin, À leur arrivée, quand David revint après avoir


battu le Philistin, les femmes sortirent de toutes
Le rythme est le fondement de la musi- les villes d'Israël, en chantant et en dansant, à la
que. Dans la grande description de l'or- rencontre du roi Saül, au son des tambourins,
chestre sacré (1 Ch 15, 16-21), on dit que des cris de joie et des sistres. Et les femmes, qui

355
LES SYMBOLES BIBLIQUES

s'ébattaient, chantaient en chœur : « Saül en a Le tambourin, la musique sont le symbole


battu des mille, et David, des myriades. » de la prospérité béate des scélérats. Pour
[1 S 18, 6-7.] Job, c'est un scandale.
Tambourins, sistres et cymbales elltraî- On improvise sur le tambourin et sur la harpe,
nent David dans ses « ébats » devant l'arche on se divertit au son de la flûte. [Jb 21, 12.]
de l'Alliance (2 S 6, 5).
Le groupe d'accueil qui va au devant Le tambourin semble ouvrir le concert de
d'Holopherne se présente au son des tam- louange.
bourins. Mais cette musique n'adoucit pas Ouvrez le concert, frappez le tambourin,
les mœurs du général en chef des armées de la douce harpe, ainsi que la lyre. [Ps 81, 3.]
Nabuchodonosor : les temples locaux seront
détruits (Jdt 3, 7). Le tambourin peut engendrer une excita-
Judith, reconnue comme une héroïne et tion néfaste. Il scande les beuveries et les
comblée des dépouilles d'Holopherne, est beuglements des ivrognes (Is 5, 12). Mais,
accueillie par la danse des femmes. Le canti- quand le tambourin se tait, la joie des ven-
que solennel est accompagné au tambourin. danges passées n'est plus qu'un souvenir
malheureux.
Toutes les. femmes d'Israël accoururent pour la
voir et elles la bénirent. Certaines d'entre elles Le vin nouveau est en deuil, la vigne dépérit,
firent un chœur pour elle. Elle prit des thyrses tous les bons vivants gémissent.
dans ses mains et en donna aux femmes qui Le son joyeux des tambourins a cessé,
étaient avec èlle. Elles se couronnèrent d'olivier, le tumulte des gens en liesse a pris fin,
elle-même et celles qui étaient avec elle, et elle le son joyeux de la harpe a cessé.
s'avança en tête de tout le peuple, collduisant le On ne boit plus de vin en chantant,
chœur de toutes les femmes. Tous les hommes les boissons fortes sont amères aux buveurs.
d'Israël suivaient en armes et couronnés, des [Is 24, 7-9.]
hymnes à la bouche. Alors Judith entonna cette
action de grâces parmi tout Israël et tout le peuple Après la grande épreuve de la déportation
fit retentir très haut cette louange. Judith dit : à Babylone, à l'heure du retour, le tambourin
« Entonnez un cantique pour mon Dieu avec des retentira- à nouveau, signe de la consolation
tambourins, d'Israël. Ainsi parle Dieu à la vierge d'Israël:
chantez le Seigneur sur les cymbales,
composez pour lui un psaume de louange, De nouveau je veux te bâtir et tu seras bâtie,
exaltez et invoquez son nom. » vierge Israël.
(Jdt 15, 12-14, et 16, L] De nouveau, parée de tes tambourins,
tu mèneras la ronde des gens en fête.
Unenoceconduiteparlefiancé,formantun De nouveau tu planteras des vergers. Gr 31, 4-5.J
cortège avec tambourins et musiques, est sau-
vagement attaquée, à titre de représailles pour
lamortdeJudasMaccabée,parsonsuccesseur La danse.
Jonathan (1 M 9, 39-42). « Ainsi les noces se
changèrent en deuil et les accents musicaux en Israël a toujours été un peuple danseur :
lamentations» (1 M 9, 41). le chœur des femmes conduit par le tambou-

356
LA JOIE ET LA FÊTE, LA DANSE ET LE TAMBOUR

rin est souvent mentionné, mais les hommes il indique aussi : « Qu'ils louent son nom par
dansaient aussi. la danse» (Ps 149, 3).
L'adoration du Veau d'or comportait une Les os broyés sont le symbole del' anéan-
danse idolâtrique (Ex 32, 19). tissement total. Mais le Seigneur peut recréer
On ne sait si les bouffonneries de Samson l'homme, le tirer du néant où le plonge le
devant les Philistins comportaient une danse péché.
grotesque (Jg 16, 25). Mais David n'a au- Fais que j'entende l'allégresse et la joie
cune honte à danser en public. et qu'ils dansent les os que tu as broyés.
Le mouvement des vendangeurs, foulant [Ps 51, 10.]
le raisin dans le pressoir, s'accompagnait de Cette danse des os n'est pas la danse
cris joyeux qui rythmaient le travail. Les
macabre d'un Moyen Âge terrorisé par les
fêtes comportaient des danses : les filles de
fantômes. Elle trouve une résonance dans le
Silo étaient sorties pour danser dans les
frémissement des os, perçu par Ézéchiel, à
vignes quand les Benjaminites les enlevèrent
l'heure où le salut du peuple d'Israël est
(Jg 21, 21). À la fête de Soukkôt, au temps
présenté comme une création nouvelle. « Il
de Jésus, on dansait encore dans les parvis
y eut un frémissement et les os se rapprochè-
du Temple, et l'on pouvait voir danser des
rent les uns des autres» (Ez 37, 7).
notables et des hommes pieux, brandissant
La danse est le signe d'une peine qui
des torches allumées.
s'achève, d'un deuil qui se termine.
Le verbe shâraq en hébreu signifie à la
fois rire, jouer, s'ébattre. Il désigne aussi le Tu as changé mon deuil en une danse
jeu qui consiste à unir musique, chant et et remplacé mon sac par des habits de fête.
Aussi l'âme te chante sans répit.
danse (1 S 18, 7).
SEIGNEUR mon Dieu, je te rendrai grâce pour
Quand David s'exclame : « C'est devant toujours. [Ps 30, 12-13.]
le SEIGNEUR que je danse», il sait que cet
acte a valeur d'offrande religieuse. Les pro- Nietzsche, qui ne voulait croire qu'en un
phètes de Baal dansaient devant l'autel de Dieu danseur, capable de détruire le démon
leur dieu (1 R 18, 26). Les Psaumes suivent de la lourdeur, a sans doute ignoré, ou
les traces de David. oublié, le texte de Sophonie qui montre le
Seigneur dansant de joie au milieu de son
Les justes se réjouissent, peuple racheté et restauré.
ils dansent devant Dieu, Le SEIGNEUR est au milieu de toi,
ils exultent de joie. [Ps 68, 4.l en héros vainqueur.
Il est tout joyeux à cause de toi,
Un psaume demande aux fidèles de chan- dans son amour il te renouvelle,
ter pour le Seigneur un chant nouveau, mais il danse et crie de joie à cause de toi. [So 3, 17 .]

357
LA MALADIE, LA MORT
ET LA RÉSURRECTION
La maladie et la mort LA MALADIE ET LA MORT
dans l'Ancien Testament. DANS L'ANCIEN TESTAMENT
La maladie de tout un peuple.
Les Psaumes de l'homme malade.
Un roi à l'agonie. Les marches Dans le cadre de la médecine moderne, la
de la mort. maladie est décrite par une discipline parti-
Les images de la mort, le shéol. culière : la séméiologie. Il s'agit là d'une
L'ombre de la mort. méthode qui permet de percevoir les signes
Job malade et la lumière du salut. d'une maladie, de l'identifier, cl' en trouver la
L'histoire de Tobit et de Sara. cause et, partant, le remède. Certes, la cause
n'est pas toujours simple et, dans l'ensemble
des facteurs qui la constituent, l'élément
Le Christ guérisseur. psychique apparaît souvent comme impor-
Jésus contre Satan. tant et parfois comme déterminant. La
La foi qui guérit. médecine psychosomatique, toutefois, en-
La symbolique des maladies. tend bien demeurer dans le cadre scientifi-
Le médecin à la table des malades. que, car sa perspective médicale, même
élargie, ne déborde pas l'ordre naturel.
Le Christ souffrant. Pour les médecines chamaniques, le fac-
Le Juste livre sa vie teur surnaturel est primordial. Les forces
pour le salut du monde. obscures, les démons et les sorciers néfastes
Dialogue entre Isaïe et l'Évangile. qui sont leurs suppôts, sont les véritables
causes de la maladie. Le guérisseur peut
éliminer la maladie parce qu'il est lui-même
Le mystère de la Résurrection. partie prenante de cet ordre invisible et
L'annonce de la Passion redoutable. Ha choisi le camp du bien, il
et de la Résurrection. devra donc apprendre à lire dans l'au-delà
Le signe de Jonas. les signes du mal qui tourmente son patient
Le Premier-né d'entre les morts. pour découvrir la nature de l'agression
Le festin des ressuscités. maligne. Il pourra ainsi assurer la guérison.

361
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Cet acte curatif prend souvent la forme d'un die et de guérison. Il existe cependant deux
combat. sortes de maladie. La première est l'infidélité
Sur ce double fond, scientifique ou d'Israël, elle est symbolisée par des maladies
magique, la Bible se détache d'une manière de type infectieux ou dégénératif. La conta·
tout à fait singulière. Il y a certes des mination vient du contact avec les cultes
maladies naturelles, comme celles qui ac- idolâtriques. Plus tard, l'agent pathogène
compagnent la vieillesse. D'autres sont sera « démonisé » et deviendra Satan et son
accidentelles, mais la maladie peut aussi armée de séides rebelles. Le second type de
être causée par le Seigneur, à titre de maladie est plutôt du genre traumatique.
châtiment qui n'est pas nécessairement Coups et blessures sont infligés par le Sei-
mortel. C'est le péché qui est alors à I' ori- gneur en colère, laissent des traces mais non
gine de la maladie. des séquelles d'infirmité : Dieu guérira son
Pour la Bible, l'homme est perçu comme peuple, non seulement des ecchymoses de
une totalité maintenue en son unité par le cette thérapie de choc, mais de sa maladie
cœur. Un cœur unifié assure la cohésion de radicale, l'infidélité, origine de tous les
l'organisme humain. Un cœur partagé est à malheurs d'Israël.
l'origine de la maladie, considérée comme L'infidélité, le châtiment et la guérison
une disjonction de l'ensemble corporel. Le forment un thème de la proclamation pro-
péché, rupture avec Dieu, est donc la raison phétique. Isaïe évoque ainsi la splendeur de
première de la maladie. la guérison divine.
Ils ont abandonné le SEIGNEUR, La lumière de la lune sera comme celle du soleil,
ils ont méprisé le Saint d'Israël, et la lumière du soleil sera multipliée par sept
ils se sont dérobés. - comme la lumière des sept jours -,
Où faut-il encore vous frapper, lorsque le SEIGNEUR bandera les plaies de son
vous qui persistez dans la rébellion ? peuple
Toute tête est malade, tout cœur exténué, et soignera les blessures qu'il a reçues.
de la plante des pieds à la tête, rien n'est intact: [Is 30, 26.]
blessures, plaies, meurtrissures récentes,
Le Dieu en colère a frappé, le Seigneur de
ni nettoyées, ni bandées, ni adoucies avec de
l'huile. [Is 1, 4-6.] miséricorde guérit ; il ne veut pas détruire
l'humanité. Ainsi parle le Seigneur :
Mais à l'heure du pardon :
Ce n'est pas pour toujours que je querellerai,
Aucun habitant ne dira plus : <<Je suis malade. » ce n'est pas en permanence que je m'irriterai,
Le peuple qui habite Jérusalem sera absous de car devant moi dépériraient le sOufflc
son péché. [Is 33, 24.] et les êtres animés que j'ai faits.
Par la perversité de sa rapine, j'ai été irrité,
je l'ai frappé en me détournant. [. ..]
Cependant je le guérirai, je le gui_derai,
La maladie de tout un peuple.
je lui prodiguerai réconfort, à lui et à ses endeuil-
lés. [Is 57, 16-18.]
Le drame de l'infidélité d'Israël va être
décrit par les prophètes en termes de mala- Au chapitre 58, Isaïe décrit la véritable

362
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

pratique religieuse, celle qui se vérifie dans Il nous fait boire de l'eau empoisonnée.
la justice et garde le souci des pauvres, Ce Oui, nous sommes fautifs envers le SEIGNEUR.
réalisme del' amour donne tout leur sens aux Ur 8, 14.l
observances légales et rituelles, La leçon est rude ; les plaies infligées
Alors ta lumière poindra comme l'aurore semblent incurables, comme l'infidélité d'Is-
et ta cicatrisation bourgeonnera. [Is 58, 8.] raël.

Pour Jérémie, la maladie originelle d'Israël Ainsi parle le SEIGNEUR :


a un nom : apostasie (Jr 3, 22), Cette ma- Irrémédiable, ton désastre,
incurables, tes blessures !
ladie interminable crée l'angoisse.
Personne ne prend en main ta cause
Nous attendions la santé, pour ton ulcère, pas de remèdes efficaces !
mais rien de bon, Tous tes amants t'oublient,
le moment où nous serions guéris, ils ne se soucient plus de toi.
mais c'est la peur qui vient. [. .. ] Je t'ai frappée comme on. frappe un ennemi,
Je suis dans le noir ; la désolation me saisit ! c'est une cruelle leçon .
N'y a-t-il pas de baume en Galaad, pour tes innombrables crimes,
pas de médecin là-bas ? pour tes fautes qui ne cessent de s'affirmer.
Pourquoi ne voit-on pas poindre Comme tu hurles, face à ton désastre !
la convalescence de mon peuple ? Ta plaie est incurable. (Jr 30, 12-15.]
Qui changera ma tête en fontaine,
et mes yeux en Source de larmes, Ceux qui ont été, sans le savoir, les ins-
pour pleurer jour et nuit truments de la colère de Dieu seront eux-
les victimes de mon peuple? (Jr 8, 15 et 21,23.] mêmes détruits. Israël alors sera guéri.
L'homme ne peut rester vivant. qu'en Pour toi, je fais· poindre ta convalescence,
demeurant auprès de la source divine. je te guéris de.tes blessur~s. Ur 30, 17.]
Abreuvés à des fontaines troubles, le corps Je les guérirai et je leur dévoilerai
et l'esprit tombent malades. les richesses de la paix et de la. sécurité.
Espoir d'Israël, SEIGNEUR, Ur 33, 6.J
tous ceux qui t'abandonnent sont couverts de Le baume de Galaad, de grande renom-
honte. mée, est incapable de guérir l'Égypte
Ceux qui s'écartent de moi
(Jr 46, 11); quant à Babylone, elle est déjà
sont déjà recensés au pays de la mort,
condamnée.
car ils abandonnent la source d'eau vive le
SEIGNEUR. Brusquement, Babylone tombe et se casse.
Guéris-moi, SEIGNEUR, et je serai guéri Lamentez-vous sur elle,
(Jr 17, 13-14.] appliquez du baume sur ses plaies ;
peut-être guérira-t-elle !
Blessures et maladies viennent d'un Dieu
<< Nous avons essayé de guérir Babylone,
qui veut éprouver son peuple. Cellx qui ont mais elle est inguérissable.» (Jr 51, 8-9.]
abandonné la Source de reau vive vont se
retrouver empoisonnés : Osée compare le péché d'Israël à un

363
LES SYMBOLES BIBLIQUES

ulcère. Quant au châtiment de Dieu, on peut assiégé par des ennemis mystérieux, qui sont
l'assimiler à une attaque de teigne. peut-être des hommes, mais _qui peuvent
être tout aussi bien d'obscures forces du
Et moi, je serai comme la teigne pour Éphraïm
et comme la carie pour la maison de Juda.
mal.
Éphraii:n a vu sa maladie Pitié, SEIGNEUR, je dépéris ;
et Juda son ulcère. [Os 5, 12-13.] guéris-moi,_ SEIGNEUR, je tremble de tous mes os,
je tremble de tout mon être. [ ... ]
Dieu veut guérir les fils d'Israël, mais il se
heurte à leur imposture. Ils oublient le
Jè suis épuisé à force de gémir.
Chaque nuit, mes larmes baignent mon lit,
Seigneur qui garde toutes les fautes en
mes pleurs inondent ma couche.
mémoire (Os 7, 1-2). La miséricorde de Mes yeux sont rongés de chagrin,
Dieu sera quand même la plus forte. ma vue faiblit, tant j'ai d'adversaires.
Je les guérirai de leur apostasie, Écartez-vous de moi, vous tous, malfaisants.
je les aimerai avec générosité : [Ps 6, 3-4 et 7-9.l
ma colère s'est détournée de lui,
Repêché des enfers, tel est le malade guéri
je serai pour Israël comme la rosée,
et ramené vers la joie de la vie.
il fleurira comme le lis. [Os 14, 5-6.]
Je t'exalte, SEIGNEUR, car tu m'as repêché;
tu n'as pas réjoui mes ennemis à mes dépens.
Les Psaumes de l'homme malade. SEIGNEUR mon Dieu,
j'ai crié vers toi et tu m'as guéri;
Membre de la communauté d'Israël, l'in- SEIGNEUR, tu m'as fait remonter des enfers,
dividu peut connaître les souffrances de la tu m'as fait revivre quand je tombais dans la
maladie spirituelle qui affecte ce peuple, fosse. [. .. ]
Tu as changé mon deuil en une danse,
ainsi que les douleurs du châtiment. Il vit
et remplacé mon sac par des habits de fête.
aussi sa maladie personnelle dans une réfé- [Ps 30, 2-4 et 12.]
rence au Seigneur, devant qui il reconnaît ses
fautes et de qui il espère la guérison. Les On invoque maintenant un Dieu violent
Psaumes contiennent des supplications et et guérisseur, qui sème le vertige de l1 esprit.
des cris issus d'êtres qui se sentent atteints Dieu, tu nous as rejetés, disloqués ;
dans leur cœur comme dans leur corps. tu es irrité : rétablis-nous !
Le psaume 6 est un aveu. Le malade y Tu as fait trembler la terre, tu l'as crevassée :
reconnaît ses fautes 1 décrit son état fiévreux réduis ses fractures, car elle chancelle !
et déprimé : il espère ainsi toucher la miséri- Tu as fait voir de durs moments à ton peuple,
corde de Dieu. Il use d'un argument qui tu nous as fait boire un vin qui saoule.
peut sembler dérisoire. En substance : « Si [Ps 60, 3-5.]
je disparais, Seigneur, tu perds un de tes
fidèles, capable de te louer. » Toute une vie de souffrance devient
Un thème fréquent apparaît ici, au cœur comme une expérience de la mort.
de la description de la maladie : l'obsession Ma vie est saturée de malheurs
des adversaires. C'est le sentiment d'être et je frôle les enfers.

364
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

On me compte parmi les moribonds ; La première partie du cantique est pré-


me voici comme un homme fini, sentée en quatre tableaux :
reclus parmi les morts, --:- Le roi s'entend dire_ qu'il a reçu sa
comme les victimes couchées dans la tombe, « feuille de route » pour le royaume des
et dont tu connais le souvenir,
morts. Il se lamente.
car ils sont coupés de toi. [Ps 88, 4-6.]
Moi, j'ai dit : Au meilleur temps de ma vie,
Plus orienté vers la miséricorde et le je dois m'en aller.
pouvoir regenerateur de Dieu, le Je suis assigné aux portes du séjour des morts,
psaume 103 connaît la fragilité de l'homme pour le reste de mes années.
(Ps 103, 15-20), mais il espère en la fidélité J'ai dit : Je ne verrai plus le SEIGNEUR
du Seigueur : sur la terre des vivants.
C'est lui qui pardonne entièrement ta faute Je ne pourrai plus voir un visage d'homme
et guérit tous tes maux. parmi les habitants du pays où tout_ s'arrête.
Il réclame ta vie à la fosse [Is 38, 10-11.]
et te couronne de fidélité et de tendresse. - L'étoffe même de la vie est attaquée :
Il nourrit de ses biens ta vigueur,
et tu rajeunis comme l'aigle. [Ps 103, 3-5.] Ma vie est arrachée et emportée loin de moi
comme une tente de berger.
Dieu est le médecin des corps et des Comme un tisserand,
cœurs. j'arrive au bout du rouleau de ma vie,
Le SEIGNEUR, qui rebâtit Jérusalem, et les fils de chaîne sont coupés.
rassemblera les bannis d'Israël. Du jour à la nuit,
C'est lui qui guérit les cœurs brisés tu en auras fini avec moi.
et panse leurs blessures. [Ps 147, 2-3.l Avant le matin, je serai réduit à rien.
[Is 38, 12-13.l
- Le fauve et l'oiseau innocent sont tour
Un roi à l'agonie. Les marches de la mort. à tour invoqués :
Comme le lion, il a broyé tous mes os.
La maladie et la guérison du roi Ézékias
Du jour à la nuit,
sont racontées au livre des Rois (2 R 20,
tu en auras fini avec moi.
1-11) et en Isaïe, d'une manière plus brève Comme l'hirondelle ou le passereau,
(Is 38, 1-8 et 21-22). Ce livre prophétique je pépie,
rapporte aussi le texte du cantique du roi, je roucoule comme la colombe. [Is 38, 13-14.]
long poème de dix versets (Is 38, 10-20).
Le roi, atteint d'une maladie mortelle, - La prière instante se teinte d'amer-
s'entend dire par Isaïe qu'il va mourir. tume:
Ézékias rappelle qu'il a toujours été loyal Mes yeux levés vers toi n'en peuvent plus :
envers Dieu. Le prophète lui annonce alors Seigneur, je suis écrasé, interviens pour moi !
un répit de quinze années. Isaïe suggère Que dirai-je pour qu'il me réponde,
qu'on applique un gâteau de figues sur les car c'est lui qui agit ?
tumeurs du roi : le souverain guérit. Je dois traîner toutes mes années

365
LES SYMBOLES BIBLIQUES

avec l'amertume qui est la mienne. la porte du shéol. D'autres, comme ici le roi,
[Is 38, 14-15.J se sont trouvés devant cette porte avec la
Au milieu du poème, une réponse semble certitude que la maladie allait la leur faire
venir de Dieu par le prophète : franchir. Seul un miracle, une intervention
divine leur a permis de renaître à la vie.
« Le Seigneur est auprès des siens : ils vivront, Anne, future mère de Samuel, voyait dans
et son esprit animera tout ce qui est en eux. » sa stérilité une situation aussi menaçante
Aussi tu me rétabliras et me feras revivre. qu'une maladie mortelle :
[Is 38, 16.J
Le Seigneur fait mourir et fait vivre,
La joie d'Ézékias est un soulagement, qui il fait descendre aux enfers et il en remonte.
procède d'une redoutable certitude : dans la [1 S 2, 6.]
mort, les vivants sont séparés de Dieu. La
contrée de la mort est un domaine sur lequel Le Dieu vivant affirme lui aussi qu'il est
le Seigneur ne règne pas. le maître de la vie et de la mort.
Eh bien ! Maintenant voyez :
Car le séjour des morts ne peut pas te louer,
C'est moi, rien que moi,
ni la mort te célébrer.
sans aucun dieu auprès de moi,
Ceux qui sont descendus dans la tombe
c'est moi qui fais mourir et qui fais vivre,
n'espèrent plus en ta fidélité.
quand j' aî brisé, c'est moi qui guéris,
Le vivant, lui seul, te loue,
personne ne sauve de ma main.
comme moi aujourd'hui.
Oui, je lève la main vers le ciel
Le père fera connaître à ses fils sa fidélité.
et je déclare : Je suis vivant pour toujours.
[1s 38, 18-19.] [Dt 32, 39-40.J
En actions de grâces pour sa guérison, le Dieu est maître du châtiment et de la
roi organise un concert de louanges dans le guérison.
Temple:
Venez, retournons vers le SEIGNEUR.
SEIGNEUR, puisque tu m'as sauvé, C'est lui qui a déchiré et c'est lui qui nous
faisons retentir nos instruments, guérira,
tous les jours de notre vie, il a frappé et il pansera nos plaies.
devant la Maison du SEIGNEUR. [Is 38, 20.] Au bout de deux jours, il nous aura rendu la vie,
au troisième jour, il nous aura relevés
Le rythme propre de la lamentation, de
et nous vivrons en sa présence. [Os 6, 1-2.]
structure dissymétrique, s'efface ainsi dans
la musique joyeuse de la louange harmoni- Jonas dit qu'il a même passé le seuil du
sée. shéol (Jon 2, 7). C'est aussi le sens de tout
Le cantique d'Ézékias révèle une expé- le psaume 103 précédemment cité.
rience spirituelle de la mort, qui se fonde sur L'expérience d'un Dieu qui ramène vers
des impressions psychiques et des sensations la vie n'est pas simplement celle d'un Sei-
corporelles. Pour l'Ancien Testament, nul gneur bienveillant, capable de rendre la
n'est jamais revenu du séjour des morts : santé à un malade. Elle est la révélation
c'est le lieu où demeurent ceux qui ont passé éblouissante du Dieu transcendant et « vi-

366
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

vant pour toujours». Avant de révéler une péché contre toi: ils n'ont pas écouté la voix du
résurrection des morts, la Bible a perçu le Seigneur leur Dieu, alors les malheurs se sont
pouvoir d'un Dieu capable d'interrompre attachés à nous. [Ba 3, 4.]
une descente quel' on croyait inexorable vers La vision des ossements desséchés qui
la mort. reprennent vie est, pour Ézéchiel, l'image du
Le livre de Baruch offre une méditation peuple d'Israël, renaissant de la captivité
sur la vie et sur la mort. La réflexion pûrte comme d'une mort Œz 37).
alors sur la déportation du peuple d'Israël à Dieu n'aime pas la mort.
Babylone. On y parle de la vie, de la survie,
de la mort et de la renaissance possible. Pourquoi devriez-vous mourir, maison d'Israël?
Deux textes s'articulent de manière tout Je ne prends pas plaisir à la mort de celui qui
meurt - oracle du Seigneur DIEU ; revenez donc
à fait significative. Le premier parle de dix et vivez! [Ez 18, 31-32].
morts, qui sont de vrais cadavres : ils ont
définitivement perdu Dieu de vue et ne Le symbolisme du festin ouvrira la pers·
peuvent entretenir avec lui cette relation pective d'une vie éternelle offerte à tous les
vitale qu'est la louange. Les autres sont des peuples. La mort doit disparaître (Is 25, 6-8
«quasi-morts», des pauvres écrasés par et 26, 19). Le message de la Résurrection du
l'adversité. Affamés de la gloire de Dieu et Nouveau Testament se référera à ce texte
de sa justice, ils sont finalement plus vivants (1 Co 15, 54 et Ap 21, 4).
que certains humains prospères, mais peu Le thème du festin sera repris par le livre des
soucieux du royaume de Dieu. Proverbes. La maîtresse de maison est ici
Dame Sagesse (Pr 9, 1-6). C'est par contre
Ouvre les yeux et vois : Ce ne sont pas les morts
Dame Folie qui invite les hommes dénués de
dans le shéol, eux dont le souffle fut retiré des
entrailles, qui rendront gloire et justice au Sei- sens ; le banquet se tient alors au shéol, et les
gneur, ri:iais c'est l'âme affligée à l'extrême, ce qui invités sont l'ombre des trépassés :
marche courbé et affaibli, c'est le regard qui À qui est dénué de sens, elle dit :
vacille, et l'âme affamée qui te rendront gloire et << Les eaux dérobées sont douces
justice, Seigneur. [Ba 2, 17-18.] et les mets défendus, délicieux ! »
Et il ne sait pas que les Ombres sont là ;
La« _prière des mbrts >>, évoquée par l'au-
et ses invités, dans les plaines du Monde d'en
tre texte, n'est pas celle d'hommes ressusci-
bas! [Pr 9, 16-18.]
tés, mais celle des déportés d'Israël. Ils sont
vivants, puisque capables de louange, mais
leur conversion au cours de leur épreuve leur
Les images de la mort, le shéol.
a permis de passer de l'état de misérables
punis à celui de pauvres selon le cœur de
Quand la mort est dite « venir d'en
Dieu. Ainsi commence à se dessiner une
haut», elle est plutôt le fait d'interventions
perspective de reStauration, de « résurrec-
exceptionnelles de Dieu. Deux anges détrui-
tion » collective.
sent Sodome (Gn 19, 12-26). Le Destruc-
Seigneur tout-puissant, Dieu d'Israël, écoute la teur est l'ange exterminateur qui frappe les
prière des morts d'Israël, des fils de ceux qui ont premiers-nés égyptiens (Ex 12, 23).

367
LES SYMBOLES BIBLIQUES

L' Ange de la mort frappe Israël. Le lendemain, les hommes droits les piétinent,
leurs traits .s'effacent aux enfers.
L'ange étendit la main vers Jérusalem pour la
[Ps 49, 15.]
détruire, mais le SEIGNEUR renonça à sévir et dit
à l'ange qui exterminait le peuple : «Assez! Le mot traduit ici par « traits » signifie
Maintenant, relâche ton bras.» Or, l'ange du peut-être leur dieu ou Dieu. Le Seigneur ne
SEIGNEUR était auprès del' aire d' Arauna le Jébu-
règne pas au pays de la mort, lui le vivant qui
site. [2 S 24, 16.]
vivifie tout.
Au temps du roi Ézékias, l'Ange de la La personnalisation de la mort s'efface un
mort frappera aussi le camp des Assyriens peu dans le livre d'Osée, au profit d'un
(2 R 19, 35). Le livre de la Sagesse reprend artifice rhétorique : la prosopopée. Le Sei-
l'histoire de la mort des premiers-nés égyp- gneur appelle la mort et lui ordonne de
tiens, brode sur le thème et met le fantasti- rallier ses auxiliaires : la maladie, la guerre et
que au service del' épouvante. L'ange est ici peut-être aussi des forces démoniaques pour
porteur de la Parole et de la colère divine : châtier Israël.
Alors ta Parole toute-puissante, Mort, où sont tes calamités ?
quittant les cieux et le trône royal, Séjour des morts, où est ton fléau?
bondit comme un guerrier impitoyable, Toute pitié se dérobe à mes yeux.
au milieu du pays maudit, Éphraün a beau prospérer
avec pour épée tranchante, au milieu de ses frères,
ton décret irrévocable. un vent d'est viendra,
Se redressant, elle sema partout la mort ; un vent du SEIGNEUR montant du désert.
elle touchait au ciel et foulait la terre. La source tarira, la fontaine sera mise à sec.
[Sg 18, 15-16.J [Os 13, 14-15.J
Jérémie décrit en termes saisissants le Paul citera cette prosopopée, pour - en
travail du sinistre faucheur. inverser le sens. À l'interrogation:« Mort où
sont tes calamités ? >>i il donnera la réponse :
La mort monte par nos fenêtres,
« La Mort est désarmée» (1 Co 15, 54-55).
elle pénètre dans nos belles maisons ;
elle vient faucher lès enfants dans la rue En dehors de ces personnalisations, le
et les jeunes sur les places. grand symbole de la mort, c1est le« creux».
Parle! Void l'oracle du SEIGNEUR: C'est la fosse, le gouffre, le monde so.uter-
les cadavres tombent rain, mais aussi l'abîme aquatique. Les sé-
comme du fumier sur les champs, pultures palestiniennes anciennes compor-
comme des gerbes derrière le moissonneur taient, au fond d'une grotte, un creux où l'on
et personne ne les ramasse. Ur 9, 20-21.] entassait les os décharnés. Ce creux est lié au
terme de «fosse», qui a pris un sens plus
La mort en personne est située dans les abstrait et élargi, pour finalement désigner la
espaces inférieurs, elle devient alors le som-
mort.
bre berger des défunts.
Voici, par exemple, l'usage de ce terme en
Ils sont parqués aux enfers comme des brebis ; Isaïe. Malgré son orgueil, le roi de Babylone
la Mort les mène paître. descend dans la mort, d'une manière si

368
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

honteuse qu'il tombe du même coup au plus Cet homme présomptueux ne reste pas en place,
creux de la déchéance. lui qui élargit sa bouche comme le shéol,
insatiable comme la mort. [Ha 2, 5.]
Mais tu as· dû descendre sous terre
au plus profond de la Fosse [le shéol]. [... ] Au creux de la mort, la condition des
Tu as été jeté, loin de ton sépulcre, trépassés est misérable. Isaïe annonce au roi
comme un exécrable avorton, de Babylone l'accueil que va lui réserver le
couvert d'hommes tués et transpercés par l'épée, shéol.
descendus sur les pierres de la fosse
comme un cadavre piétiné. [Is 14, 15 et 19.] Le séjour des morts s'ébranle pour toi
à l'annonce de ta venue.
Les Psaumes ont une semblable vision de Pour toi, il réveille les trépassés,
la mort. tous les grands de la terre.
Que gagnes-tu à mon sang Il fait lever de leurS trônes,
et à ma descente dans la Fosse?
tous les rois des nations.
La poussière peut-elle te rendre grâce ?
Tous ils se mettent à parler et te disent :_
« Tai aussi, te voilà désormais sans forces comme
Proclame-t-elle ta fidélité ? [Ps 30, 10.]
nous,
Tu m'as déposé dans les profondeurs de la tu es devenu semblable à nous.
Fosse, Ta majesté a dû descendre dans le séjour des
dans les Ténèbres, dans les gouffres. [Ps 88, 7.l morts,
au son de tes lyres.
Creuser la fosse, c'est tendre un piège Sous toi, un matelas de vermine
mortel. « Ils m'entourent de fosses mor- et les vers sont ta couverture. »
telles» (Jr 18, 20). Comment es-tu tombé du ciel,
Le séjour des morts, le« shéol » est insa- Astre brillant, Fils de !'Aurore? [Is 14, 9-12.]
tiable, il est doté d'une bouche que l'on ne
peut rassasier. Elle menace les grands de Influencé peut-être par la mythologie
Juda, inconscients de leurs fautes. antique, Ézéchiel laisse entendre que les
héros morts pourraient avoir droit à quelque
Alors le shéol ouvrira la gueule démesurément
honneur. Un tel privilège ne sera certaine-
et enflera sa gorge.
ment pas accordé aux incirconcis : tels sont
La noblesse et la masse y descendront
les princes païens, relégués au plus profond
avec leur joyeux tapage. [Is 5, 14.l
du shéol. « Ils ne peuvent être couchés avec
Trois choses sont insatiables, les héros, eux qui sont tombés incirconcis »
quatre ne disent pas : « Assez ! » : (Ez 32, 27).
le shéol, le sein stérile, Au shéol, la poussière est le linceul des
une terre non rassasiée d'eau morts, réduits à l'état de fantômes.
et le feu qui ne dit jamais : « Assez ! »
[Pr 30, 15-16.J Tu me déposes dans la poussière de la mort.
[Ps 22, 16.J
Du conquérant" toujours avide de conquê-
tes, porteur de mort et sans scrupule, il est La poussière peut-elle te rendre grâce ?
dit: [Ps 30, 10.]

369
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Il n'y a plus de relation possible à Dieu. L'homme, né de la femme,


a la vie courte, il.est plein de tourments.
Chez les morts, on ne prononce pas ton nom.
Comme la fleur, il éclot puis on le coupe,
[Ps 6, 6.J
inconsistant, il fuit comme l'ombre. Ob 14, 1-2;
Dans la Tombe peut-on dire ta fidélité, voir aussi Jb 8, 9.]
et dans l'Abîme dire ta loyauté?
Les Psaumes reprennent le thème :
Ton miracle se fera-t-il connaître dans les Té-
nèbres, Mes jours s'en vont comme l'ombre,
et ta justice au pays de !'Oubli? [Ps 88, 12-13.] et je me dessèche comme l'herbe. [Ps 102, 12.]
On dit parfois que les morts dorment L'homme ressemble à du vent
(Ps 13, 4 et Dn 12, 2), mais ce sommeil est et ses jours à une ombre qui passe. [Ps 144, 4.]
plutôt la léthargie d'une existence larvaire. David a tout préparé pour construire le
Temple mais, dans sa sagesse, il déclare que
tout don vient de Dieu. L'homme est radica-
L'ombre de la mort. lement pauvre et ne possède pas sa vie. Il
n'est que« de passage», comme une ombre.
L'ombre peut symboliser le temps qui
passe, qui mesu_re la durée d'une existence Car nous sommes des étrangers devant toi, des
et semble ronger la vitalité d'un être. hôtes comme tous nos pères ; nos jours sont
comme l'ombre et sans espoir [1 Ch 29, 15].
La nuit favorise l'assaut de la mort.
Pauvres de nous ! Le jour décline,
La symbolique de l'homme fragile se
les ombres du soir s' allongerit.
double de celle de l'ombre profonde : la
Debout ! Montons à l'assaut en pleine nuit,
Ténèbre. L'éclipse du soleil ou de la lune a
détruisons leurs belles maisons·! Ur 6, 4-5.] pu, jadis, semer la panique. La montée d'un
nuage lourd d'orage pouvait terroriser. La
Pour le sage Qohélet, l'ombre est le sym- même crainte étreignait alors les cœurs : celle
bole de la mort qui vient. du non-retour de la lumière. L'obscurité des
Souviens-toi de ton Créateur grottes insondables et dangereuses a fait le
aux. jours de ton adolescence, reste. Peu à peu, dans la Bible, l'ombre
avant que ne viennent les mauvais jours profonde est devenue «l'ombre de la
et que-n'arrivent les années dont tu diras : mort».
«Je n'y ai aucun plaisir», L'itinéraire d'un homme passe par des
avant que ne s'assombrissent le soleil étapes dangereuses, mais le bon Berger, le
et la lumière Seigneur, Conduit son fidèle.
et la lune et les étoiles. [. .. ] Même si je marche dans un ravin d'ombre
Alors l'homme s'en va vers sa maison d'éternité et de mort,
et déjà les pleureuses rôdent dans la rue. je ne crains aucun mal, car tu es avec moi :
[Qo 12, 1-2 et 5.] ton bâton, ta houlette, voilà qui me rassure.
[Ps 23, 4.J
Pour Job, la fragilité de l'homme est
évidente: Un autre psaume clame sa stupéfaction

370
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

devant une épreuve qui ne lui semble pas L'écho de ces textes se retrouve en Luc,
méritée. quand Zacharie salue la naissance du Christ
comme l'apparition du rejeton de David et
Nos pas n'avaient pas dévié de ta route, le lever de la Lumière.
quand tu nous as écrasés au pays des chacals,
et recouverts d'une ombre mortelle. C'est l'effet de la bonté profonde de notre Dieu:
[Ps 44, 19-20.] grâce à elle nous a visités l'astre levant venu d'en
haut.
Par contre, c'est bien le péché qui avait Il est apparu à ceux qui se trouvent dans les
égaré et enténébré les pèlerins du désert_ ténèbres et l'ombre de la mort,
Mais Dieu les a sauvés de cette ombre afin de guider nos pas sur la route de la paix.
meurtrière. [Le !, 78-79.l
Certains habitaient dans les ténèbres et l'ombre
mortelle,
prisonniers de la misère et des fers, Job malade et la lumière du salut.
car ils s'étaient révoltés contre les ordres de Dieu,
ils avaient nargué le dessein du Très-Haut. Pour formuler la parole de Dieu, la Bible
Il dompta leur cœur par la souffrance, utilise de nombreux genres littéraires. Le
ils flanchèrent, et nul ne les aidait. livre de Job est unique en son genre, par le
Ils crièrent vers le SEIGNEUR dans leur détresse, fond et par la forme. Par le fond, parce qu'il
et il les a sauvés de leurs angoisses : remet en question un certain nombre de
il les a tirés des ténèbres et de l'ombre mortelle. problèmes que posent l'existence de Dieu et
[Ps 107, 10-14.]
des hommes, ainsi que leurs relations com-
Isaïe parle des téuèbres, eu lesquelles ont munes. Par la forme ausSi : le mouvement de
été plongées les provinces d'Israël par le la pensée, le discours des interlocuteurs sont
souverain assyrien Tiglath-Piléser, en 732. pétris d'un symbolisme continu. L'auteur de
Cette obscurité crée la détresse et l'angoisse ce livre n'éclaire pas sa pensée par des ima-
(Is 8, 22-23 )_ Mais le salut de Dieu est venu ges, les images, ou plutôt les réalités vives de
comme une lumière, victorieuse de cette l'existence, sont le moteur de la réflexion et
ombre mortelle. la chair même de la formulation. Le pas à
pas d'une discussion à l'orientale suit la
Le peuple qui marchait dans les ténèbres cadence d'un tissage. La trame du fil poéti-
a vu W1e grande lumière. que croise la chaîne des idées. Un dernier fil,
Sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre, en or, celui de l'inspiration divine, reflète
une lumière a resplendi. [Is 9, 1.] une autre lumière : Dieu révèle des aspects
secrets de sa splendeur, de la puissance
Cette lumière émane d'un nouveau roi,
créatrice de son amour. Un nouveau jour
doté de qualités exceptionnelles.
éclaire le mystère de la souffrance, de la
Car un enfant nous est né, maladie et de la mort.
un fils nous a été· donné, Le prologue de Job est théâtral. Le rideau
la souveraineté est sur ses épaules. [Is 9, 5.] se lève sur le tableau de la cour de Dieu. Ce

371
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Dieu est libéral, il accepte parmi ses courti- ils fouillent à sa recherche plus que pour des
sans un esprit de contradiction, un esprit du trésors.
monde qui prend plaisir à mettre le désordre Ils seraient transportés de joie,
et qui conçoit un vif dépit de tout quis' avère ils seraient en liesse s'ils trouvaient un tombeau.
conforme à la volonté divine. [Jb 3, 20-22,]
Les épreuves de Job naîtront de ce double Job, dit le texte, a été frappé d'une« lèpre
défi : après l'extermination de sa famille, maligne», peut-être une inflammation uké-
I' Adversaire, le Satan, demande et obtient la rante. Outre les souffrances physiques, cette
permission de blesser le sage dans sa chair. maladie lui impose la torture morale de la
Dieu vient de louer son serviteur Joh. relégation, condition de tous les lépreux
(Jb 2, 7). La description de la maladie
Mais l' Adversaire répliqua au SEIGNEUR : « Peau
pour peau! Tout ce qu'un homme possède, il le apparaît en plusieurs endroits du texte.
donne pour sa vie. Mais veuille étendre ta main, A peine couché, je me dis : « Quand me lève-
toucher ses os et sa chair. Je parie qu'il te rai-je ? »
maudira en face ! » · Alors le SEIGNEUR dit à Le soir n'en finit pas,
!'Adversaire : «Soit! Il est en ton pouvoir; et je me saoule de délires jusqu'à l'aube.
respecte seulement sa vie. Ub 2, 4-6.] Ma chair est revêtue de vers
et de croûtes terreuses,
Job se trouve maintenant noyé dans une ma peau se crevasse et suppure. Ob 7,4-5.]
angoisse mortelle : mieux eût valu pour lui
ne pas naître ou mourir dès sa naissance Dieu a envoyé à Job une maladie qui
dans l'obscurité d'un jour sans lendemain. attaque sa résistance nerveuse. Elle l'isole
aussi et le transforme en un de ces animaux
Périsse le jour où j'allais être enfanté solitaires qui hurlent dans le désert ou les
et la nuit qui a dit : « Un homme a été conçu ! » champs de ruines.
Ce jour-là, qu'il devienne ténèbres,
que, de là-haut, Dieu ne le convoque pas, Et maintenant, la vie s'écoule de moî,
que ne resplendisse sur lui nulle clarté : les jours de peine m'étreignent.
que le revendiquent la ténèbre et l'ombre de la La nuit perce mes os et m'écartèle;
mort, et mes nerfs n'ont pas de répit.
que sur lui demeure une nuée, Sous sa violence, mon vêtement s'avilit,
que le terrifient les éclipses ! comme le col de ma tunique, il m'enserre.
Cette nuit-là, que l'obscurité s'en empare, n m'a jeté dans la bouc.
qu'elle ne se joigne pas à la ronde des jours de Me voilà devenu poussière et cendre. [ ... ]
l'année, Mes entrailles ne cessent de fermenter,
qu'elle n'entre pa's dans le compte des mois! des jours de peine sont venus vers moi.
[Jb 3, 3-6.] Je marche bruni, mais non par le soleil.
En pleine assemblée, je me dresse et je hurle.
Pourquoi [Dieu] donne-t-il la lumière à celui qui Je suis entré dans l'ordre des chacals
peine, et dans la confrérie des effraies.
et la vie aux ulcérés ? Ma peau noircit
Ils sont dans l'attente de la mort et elle ne vient mes os brûlent et se dessèchent.
pas, Ma harpe s'accorde à la plainte,

372
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

et ma flûte_ à la voix des pleureurs. Si je me relève, tel un tigre tu me prends en


(jb 30, 16-19 et 27-31.] chasse.
Et tu répètes contre moi tes exploits,
La maladie de Job atteint son psychisme. tu renouvelles tes assauts contre moi,
Un vif sentiment de persécution fait de lui tu redoubles de colère envers moi,
un obsédé, un assiégé. Des images cl'ordre tes armées se relaient contre moi. [Jb 10, 15-17 .]
militaire s'imposent alors pour exprimer cet
état d'esprit. Comme un chat, ce tigre joue avec sa
proie. Tous ce que peut espérer Job, c'est un
Les flèches du Puissant sont en moi instant de répit.
et mon souffle en aspire le venin.
Les effrois de Dieu s'alignent contre moi. Mes jours sont-ils si nombreux? Qu'il cesse,
(jb 6, 4.l qu'il me lâche, que je m'amuse un peu,
avant de m'en aller sans retour
J'étais au calme. Il m'a bousculé, au pays de ténèbre et d'ombre de mort,
il m'a saisi par la nuque et disloqué, au pays où l'aurore est nuit noire,
puis il m'a dressé pour cible. où l'ombre de mort couvre le désordre,
Ses flèches m'encadrent. et la clatté y est nuit noire. Ub 10, 20-22.]
Il transperce mes reins sans pitié
et répand à terre mon fiel. Tourmenté dans sa chair, bouleversé
Il ouvre en moi brèche sur brèche, quant à son esprit, Job se laisse aller à une
fonce sur moi tel un guerrier. méditation désabusée sur la nature humaine.
J'ai cousu un sac sur mes cicatrices Dès l'origine, la naissance oriente l'homme
et enfoncé mon front dans la poussière. vers la mort. Un seul espoir pour cette
Mon visage est rougi par les pleurs, créature : que Dieu daigne Wl jour détourner
et sur mes paupières l'ombre de la mort. son regard cl' elle. Elle pourra alors respirer
(jb 16, 12-16.] un peu, avant de s'en aller vers Wl trépas qui
La violence de Dieu semble investir le est la fin de la vie et la mort de toute
malade: espérance.

Sa colère a flambé contre moi, Qui tirera le pur de l'impur?


il m'a traité en ennemi. Personne.
Ses hordes arrivent en masse, Puisque sa durée est fixée,
elles se fraient un accès jusqu'à moi que tu as établi le compte de ses mois
et mettent le siège autour de ma tente. et posé un terme qu'il ne peut franchir,
(jb 19, 11-12.] regarde ailleurs : qu'il ait du répit
et jouisse comme un saisonnier de son congé.
La chasse fournit une variante saisissante [ ... ]
de l'assaut militaire. Job se sent pourchassé: Les gisants ne se relèveront pas.
Dieu est le prédateur. Pécheur ou juste, le Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de cieux,
malheureux ne peut échapper à ce fauve. ils Ile s'éveilleront pas
et ne surgiront pas de leur sommeil.
Suis-je coupable - malheur à moi ! (jb 14, 4-6 et 12.]
Suis-je juste - je ne lève pas la tête,
gorgé de honte, ivre de ma misère. Tout pourrait s'arrêter là: Mais l'auteur

373
LES SYMBOLES BIBLIQUES

du livre de Job a décidé de pousser plus loin l'accuser d'injustice? Face à cette inculpa-
la réflexion. Il met en doute la thèse tradi- tion, Job réclame un procès, tout en sachant
tionnelle qui fait de la souffrance humaine par avance que cette procédure est impos-
un effet immédiat du péché et de la maladie, sible.
un châtiment. Il s'appuie sur une constata-
Recourir à la force ? Il est la- puisSance même.
tion : nombreux sont les justes éprouvés par
Faire appel au droit? Qui m'assignera?
la douleur et non moins nombreux les Fussé-je juste, ma bouche me condamnerait;
malfaiteurs prospères. Job en fait une ques- innocent, elle me convaincrait de perversion.
tion qu'il pose publiquement à Dieu. Suis-je innocent? Je ne·le saurai moi-même.[ .. .]
L'innocent, comme le scélérat, il l'anéantit. Si je me dis : Oublie ta plainte,
Quand un fléau jette soudain la mort, déride ton visage, sois gai,
de la détresse des hommes intègres il se gausse. je redoute tous mes tourments ;
Un pays a-t-il été_livré aux scélérats, je le sais : tu ne m'acquitteras pas.
il voile la face de ses juges ; Il faut que je sois coupable !
si ce n'est lui, qui est-ce donc? (Jb 9, 22-24.] Pourquoi me fatiguer en vain ?
(Jb 9, 19-21 et 27-29.]
Jérémie stigmatisait déjà cette· réussite
scandaleuse des méchants. Mais Job n'abandonne pas son propos, il
entend poursuivre la procédure. Tout en
Gras et reluisants, demeurant dans un cadre juridique, trois
ils battent- le record du mal,
thèmes vont se développer : celui de l' arbi-
ils ne respectent plus le droit, le droit de l' orphe-
lin; tre, celui du témoin et celui du Rédempteur,
et ils réussissent. Ur 5, 28.] au sens littéral du terme, celui qui rnchète.
Job rêve d'un arbitre, capable de jeter un
En Job, le début du chapitre 24 est un pont entre Dieu et sa créature. Ce médiateur
tableau saisissant des injustices sociales : les pourrait ainsi résoudre le problème d'un
pauvres sont maltraités, forcés à des travaux dialogue avec la transcendance. Comment
écrasants, ils vivent affamés et nus ; les s'adresser à un Dieu caché, qui ne paraît pas
enfants ne sont pas épargnés (Jb 24, 1-11). et qui, à plus forte raison refuse de compa-
Job met alors Dieu en cause. raître?
Dans la ville, les gens se lamentent, Dieu n'est pas un homme comme moi
le râle des blessés hurle pour que je lui réplique,
et Dieu reste sourd à ces infamies ! et qu'ensemble nous comparaissions en justice.
Ub 24, 12.J S'il existait entre nous un arbitre
En se livrant à ces réflexions, Job sent pour poser sa main sur nous deux,
qu'il est traité en inculpé. Deux gtiefs lui il écarterait de moi la cravache de Dieu,
et sa terreur ne m'épouvanterait.plus.
sont imputés. L'un concerne les fautes hu-
Je parlerais sans crainte.
maines ordinaires, mais il y a plus. N'est-il
Puisque cela n'est pas, je suis seul avec moi.
pas un blasphémateur? N'est-il pas scanda- Ub 9, 32-35.l
leux- qu'un homme puisse se dresser devant
Dieu pour lui demander des comptes et Job va maintenant demander un témoin.

374
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

Nous nous trouvons ici face aux énigmes du L'évocation de ce témoin n'empêche pas
chapitre 16. Job déclare qu'il est devenu la Job d'abandonner, à cet instant, toute espé-
cible de Dieu ; son sang coule et il va mourir rance.
(Jb 16, 6-17). Il assure que dans le ciel se Qu'ai-je à espérer? Les enfers sont ma demeure.
tient un témoin. Le terme hébreu signifie : De ténèbres, j'ai capitonné ma couche.
celui qui persiste dans ses affirmations Au charnier j'ai clamé : « Tu es mon père ! »
contre toutes les apparences. Dans le cas de À la vermine : « Ô ma mère, ô ma sœur ! »
Job, son visage émacié par la souffrance peut Où donc est passée ·mon espérance?
être considéré comme l'effet d'un châtiment Mon espérance, qui l'entrevoit?
et donc d'une faute. Au fin fond des enfers, elle. sombrera,
quand ensemble nous nous prélasserons dans la
Tu m'as creusé des_ rides qui témoignent poussière. IJb 17, 13-16.]
contre moi, -
Après la quête d'un arbitre ou d'un té-
ma maigreur m'accuse et me charge. Ob 16, 8.]
moin, voici venir le Rédempteur, le Goë%" et
Ce mystérieux témoin peut sauver l'hon- le retour à une espérance éclatante.
neur posthume de la victime. Le cri du sang Je sais bien, moi, que mon Rédempteur
qui monte de la terre doit être entendu. est vivant,
que le dernier, il surgira sur la poussière.
Terre, ne couvre pas mon sang,
Et après qu'on aura détruit cette peau
et que ma clameur ne trouve point de refuge.
qùi est mienne,
Dès maintenant, j'ai dans les cieux un témoin, c'est bien dans ma chair que je contemplerai
je possède en haut lieu un garant.
Dieu.
Mes amis se moquent de moi, C'est moi qui le contemplerai, oui, moi !
mais c'est vers Dieu que-pleurent mes yeux.
Mes yeux le verront, lui, et il ne sera pas
Lui, qu'il défende l'homme contre Dieu,
étranger.
comme un humain intervient pour un autre.
Mon cœur en brûle au fond de moi.
IJb 16, 18-21.] IJb 19, 25-27.]
Une contradiction évidente marque ce Le Gaël qui était primitivement le ven-
texte: le Dieu devant qui Job pleure, défend geur du sang, est devenu peu à peu celui qui
l'homme contre Dieu. De nombreux com- rachète ou délivre. Racheter de la mort était
mentaires ont tenté de résoudre cette un rêve ancien.
énigme. On oublie parfois que ce texte n'est
qu'un long cri de douleur et qu'à un certain Un homme ne peut pas en racheter un autre,
ni payer à Dieu sa rançon.
degré de peine, celui qui se lamente se soucie
Quel que soit le prix versé pour une vie,
peu des contradictions. C'est peut-être cette elle devra cesser pour toujours. [Ps 49, 8-9.J
contradictîon même qui_ fait de ce crî une
approche de la transcendance divine ou, tout Le rachat de la mort pouvait alors être
au moins, un éclair de lucidité supérîeure en conçu non .pas comme l'acquisition de l'im-
lequel s'unissent les inconciliables. Les mys- mortalité, mais comme le recul de réchéance
tiques ont parfois entrevu la lueur de ce redoutable (Is 38, 16).
secret paradoxal. Job situe le rachat dans une tout autre

375
LES SYMBOLES BIBLIQUES

perspective, son Rédempteur est vivant, il pourrait être une occasion de révolte, elle est
est le dernier, toujours présent à l'heure où pour lui un moment de souruission plus
le corps est détruit, rendu à la poussière. parfaite à la volonté du Seigneur. La femme
Pourtant, Job verra Dieu dans sa chair, de de Tobit - qui joue ici le rôle de l'épouse de
ses propres yeux. Il verra enfin ce Seigneur Job - ne voit pas la situation de la même
qui refusait de paraître à un procès, qui se manière, « Où sont-elles tes aumônes ? Où
contentait de faire sentir sa présence ineffa- sont-elles tes bonnes œuvres ? Tout ce qui
ble dans l'ouragan (Jb 38, 1). Derrière le artive est bien clair» (Tb 2, 14).
symbole du rachat, se détache l'idée d'une Cette conclusion ambigüe laisse entendre
Résurrection, qui est un acte· de Dieu aussi que les bonnes œuvres de Tobit ne valent
libre que la Création. L'homme n'a pas droit rien, en vertu de quelque faute cachée. La
à l'immortalité. S'il se redresse un jour maladie en serait alors le châtiment.
comme un vivant, après son trépas, c'est par Tobit se sent profondément attristé par
la grâce du Dieu vivant, qui est aussi le Dieu cette insulte, mais son gémissement se trans-
des vivants (Mc 12, 26-27). Les chicanes sur forme en prière,
la justice, les observances, paraissent dérisoi-
Tu es juste Seigneur,
res. Les prétentions de Job sont dépassées,
et toutes tes œuvres sont justes.
comme les espérances de l'homme. Dieu qui Tous tes chemins sont fidélité et vérité,
comble son ami qui dort (Ps 127, 2) a c'est toi qui juges le monde.
comblé Job au cœur de sa souffrance, par Alors Seigneur, souviens-toi de moi,
la révélation la plus éblouissante de l'Ancien regarde et ne me punis pas pour mes péchés,
Testament. ni pour mes manquements,
ni pour ceux que mes pères ont commis devant
toi. [Th 3, 2-3.]
L'histoire de Tobit et de Sara.
Au comble de la tristesse, blessé par l'in-
sulte, Tobit n'a plus envie de vivre :
L'histoire du vieux Tobit et du mariage
de Tobias, son fils, avec Sara est un récit, Et maintenant, traite-moi comme il te plaira,
composé après l'exil, vers 200 av. J.-C. Il a ordonne que me soit repris mon souffle,
la dimension d'une nouvelle et révèle un que je sois délivré de la face de la terre
souci de diffusion populaire. Il entend bien pour redevenir terre.
aussi illustrer les principes de sagesse qui Mieux vaut pour moi mourir .que vivre,
doivent conduire une famille juive. car je me suis entendu insulter à tort
et j'ai en moi une immense tristesse. [Tb 3, 6.]
Roman d'imagination sans doute, mais cet
imaginaire rejoint la vie des Juifs déportés et Le même jour, à Ecbatane (dans l'actuel
même parfois celle des familles séparées. Iran), Sara, fille de Ragouel, se fait insulter
À Ninive, dans l'actuel Irak, le vieux par sa servante. Celle-ci méprise sa maî-
Tobit souffre d'une maladie accidentelle. Sa tresse : elle a été sept fois mariée et 1 sept
cécité semble injuste : elle affecte un homme, fois, le démon Asmodée a tué les maris avant
fidèle à son Dieu et généreux en ses aumô- l'union des époux. Le nom d' Asmodée re-
nes. La douloureuse épreuve qu'il traverse joint un mot hébreu qui signifie « celui qui

376
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

fait du mal, qui tue». Il ne semble pas yeux était une thérapeutique habituelle
posséder le pouvoir du grand Ange de la (Tb 11, 10-12).
mort. Il s'en tient à une spécialité perverse : Si la guérison opérée par Raphaël est un
détruire le lien conjugal, source normale de bienfait physique pour Tobit, et moral pour
la vie. Sara, elle est aussi un combat victorieux
La servante identifie carrément Sara à W1e contre l'esprit du mal. À l'époque de la
démone. « C'est toi qui tues tes maris ! En rédaction du livre, l'auteur se révèle imprè-
voilà déjà sept à qui tu as été donnée, et tu gné des conceptions démonologiques de son
n'as pas porté le nom d'un seul» (Tb 3, 8). temps. L'assimilation de Satan à l' Ange de la
Tentée W1 instant par le suicide, Sara Mort s'exprime en de nombreux textes, tel
repousse cette idée et se tourne vers le celui-ci qui se réfère à la Genèse (Gn 2, 17) :
Seigneur.
Dieu a créé l'homme pour qu'il soit incorruptible
Béni sois-tu ô Dieu compatissant ! et il l'a fait image de ce qu'il possède en propre.
Béni soit ton Nom pour les siècles ! Mais par la jalousie du diable, la mort est entrée
Que toutes tes œuvres te bénissent à jamais ! dans le monde :
A présent, c'est vers toi que je lève le visage ils la subissent ceux qui se rangent dans son
et que je tourne les yeux. parti. [Sg 2, 23-24.]
Fais que je sois délivrée de cette terre
et que je ne m'entende jamais plus insulter. Jésus dira plus tard à ses adversaires :
[Tb 3, 11-13.l Vous êtes du diable, votre père,
ce sont les désirs de votre père que vous voulez
Mais, si elle doit vivre, Sara doit être
accomplir.
lavée de l'insulte qui vient de lui être faite.
Il était homicide dès le commencement.
Pour cela, il faut qu'elle soit libérée des [Jn 8, 44.]
attaques d' Asmodée qui jette un trouble
sur sa réputation, en faisant d'elle soit une Pierre dit aussi :« Süyez sobres, veillez !
meurtrière, soit une femme stérile, ce qui Votre adversaire, le diable, comme un lion
est une honte. rugissant, rôde, cherchant qui dévorer»
(1 P 5, 8).
Mais s'il ne te plaît pas de me faire mourir,
Le thème de l'enchaînement de Satan
alors, Seigneur, prête l'oreille à l'insulte qui
m'est faite. [Tb 3, 15.]
(Tb 8, 3) est décrit dans de nombreux
passages de la littérature apocalyptique ex-
L'adversaire d' Asmodée est l'ange Ra- tra-biblique. Au livre de l' Apocalypse, le
phaël, dont le nom signifie « médecine de diable se trouve successivement enchaîné
Dieu». Sa pratique médicale n'est pas pour mille ans (Ap 20, 2). Il est ensuite
magique : Dieu l'a doté de sa propre puis- libéré, afin de rassembler autour de lui les
sance curative. Il utilise d'ailleurs des prati- puissances mauvaises du monde qui seront
ques d'exorcisme courantes en ce temps : massivement détruites par le feu du ciel
l'odeur de poisson brûlé fait fuir le démon (Ap 20, 7-10). Finalement, la mort elle-
qui se retrouve entravé par Raphaël même sera engloutie (Ap 20, 14).
(Tb 8, 3). L'usage de la bile pour lé soin des Dans l'ordre néfaste, Asmodée remplit

377
LES SYMBOLES BIBLIQUES

une fonction particulière : détruire le lien C'est lui qui châtie et qui prend pitié.
fécond du mariage chez les fidèles de Dieu. Il fait descendre jusqu'au séjour des morts,
Il vise de la sorte à la disparition du peuple dans les profondeurs de la terre,
élu. puis il fait remonter de la grande perdition.
Le mariage, en effet, répond à l'injonction [Tb 13, 2.]
initiale de Dieu : « Soyez féconds et prolifi-
ques» (Gn 1, 28). Mais au temps de l'hu-
manité déchue, menacée par les puissances
du mal, le mariage est aussi une protection LE CHRIST GUÉRISSEUR
contre les désordres du désir. C'est sans
doute le sens de l'injonction de Paul, quand
il dit : « Ne donnez aucune prise au diable » Jésus contre Satau.
(Ep 4, 27).
On retrouve ailleurs le même souci de Jésus n'est pas un guérisseur profession-
l'apôtre : nel. Il ne cherche pas la renommée, ni le
pouvoir souvent lié à cette pratique. Le
Je veux donc que les jeunes veuves se remarient, pouvoir qu'il détient de son Père du ciel se
qu'elles aient des enfants, dirigent leur maison
manifeste en des actes de miséricorde, qui
et ne donnent aucune prise aux médisances de
l'Adversaire, car il en est déjà quelques-unes qui sont aussi· des signes de la venue du
se sont égarées en suivant Satan. Royaume des cieux. L'instauration de ce
[1 Tm 5, 14-15.l règne suppose une victoire sur Satan, consi-
déré comme le dominateur du monde et
Le livre de Tobit révèle une nouvelle nommé souvent « le Mauvais ».
dimension du mariage. Job et Tobit l'ancien
semblent avoir été mariés sinon à des mé- Notre Père qui es aux cieux,
gères, dn moins à des femmes fragiles que la fais connaître à tous qui tu es,
souffrance désarçonnait. Le mariage de Sara fais venir ton Règne, [... ]
mais délivre-nous du Mauvais.
et de Tobias le jeune se fonde sur l' expé-
[Mt 6, 9-10 et 13.]
rience de cette fragilité humaine, face aux
puissances du mal. Cette_ alliance se trouve Les hommes souffrent etles douleurs de
confortée par la victoire de l'amour consacré la maladie sont toujours, pour les contempo-
et guéri par Dieu, en la personne de son rains de Jésus, une séquelle du péché per-
messager angélique. Ainsi, une fois de plus, sonnel ou hérité (Jn 9, 2). Satan se manifeste
l'amour apparaît plus fort que la mort, dans certaines formes de maladies nerveu-
quand la fidélité de Dieu, sa hésed, s'empare ses, comme dans de véritables possessions.
du sentiment hwnaîn, pour le garantir contre La guérison d'une femme infirme le jour
l'inconstance de la créature. du sabbat prend la forme d'un combat
Le cantique de Tobit, qui termine le récit, contre Satan.
réswne cette vérité en ces termes :
Jésus était en train d'enseigner dans une synago-
Béni soit à jamais le Dieu vivant ! gue un jour de sabbat. Il y avait là une femme
Béni soit son règne ! possédée d'un esprit qui la rendait infirme

378
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

depuis dix-huit ans ; elle était toute courbée et ne Les Pharisiens ont réagi en tentant d'im-
pouvait pas se redresser complètement. En la poser une explication qui inverse le signe.
voyant, Jés_us lui adressa la parole et lui dit : Jésus les prend dans le piège qu'ils ont
« Femme, te voilà libérée de ton infirmité. ».Il lui tendu:
imposa les mains et, aussitôt, elle redevint droite
et se mit à rendre gloire à Dieu. [Le 13, 10-13 .J Voyant leur réaction, il leur dit : « Tout royaume
divisé contre lui-même court à la ruine; aucune
Le chef de la synagogue proteste : cet acte ville, aucune famille, divisée contre elle-même ne
est mal venu un jour de sabbat. Jésus lui se maintiendra. Si donc Satan expulse Satan, il
répond vertement, en rappelant que, même est divisé contre lui-même : comment alors son
ce jour-là, on soigne les bêtes, à plus forte royaume se maintiendra+il? Et si c'est par
raison les hommes. Il conclut : Béelzéboul que· moi je chasse les démons, vos
disciples par qui les chassent-ils? Ils seront donc
Et cette femme, fille d' Ab,raham, que Satan a liée
eux-mêmes vos juges.» [Mt 12, 25-28.]
voici dix-huit ans, n'est-ce pas le jour du sabbat
qu'il fallait la détacher de ce lien? [Le 13, 16].
Cet épisode évangélique est d'une impor-
À la différence du médecin qui tient la tance capitale pour comprendre le mystère
maladie à_ distance, pour mieux la soigner, de Jésus.
Jésus « se donne» dans l'acte de guérir De Jésus, Paul dit qu'il s'est « vidé » de
parce qu'il sait que bien des cures sont une sa divinité pour paraître comme un homme
lutte contre l'esprit du mal. La référence au (Ph 2, 6-7). À l'inverse des hommes que
texte du Serviteur souffrant (Is 53, 4) est l'orgueil pousse à se remplir d'eux-mêmes,
signilicative. -- Jésus se manifeste en une radicale vacuité.
C'est dans cet état qu'il se présente au
Le soir venu, on lui amena de nombreux démo- baptême pour être rempli de !'Esprit, de
niaques. Il chassa les esprits d'un mot, et il guérit cet Esprit en lequel il baptisera (Mc 1, 8).
tous les malades, pour que s'accomplisse ce qui
C'est poussé par !'Esprit qu'il déclare la
avait été dit par le prophète Isaïe : « C'est lui
qui a pris nos infirmités et s'est chargé de nos
guerre à Satan (Mc 1, 12). C'est par cet
maladies. » [Mt 8, 16-17 .] Esprit - par le doigt de Dieu, dit Luc
(Le 11, 20) -, qu'il peut expulser les
L' œuvre du démon dans la maladie est démons.
présentée souvent comme une action inhibi- Le Royaume des cieux est la soumission
trice des fonctions physiologiques et senso- du monde à !'Esprit présent en Jésus. Exor-
rielles. Matthieu raconte l'histoire d'un pos- cismes et guérisons dépossèdent Satan· de
sédé, aveugle et muet. son pouvoir, particulièrement en ses effets
mortels : la démence et la maladie, signes du
Alors on lui amena un possédé aveugle et muet ;
il le guérit en sorte que le muet parlait et voYait. royaume de la mort.
Bouleversées, toutes les foules disaient : « Ce- Attribuer au démon ce qui vient de !'Es-
lui-ci n'est-il pas le Fils de David?» Mais les prit est une faute grave, un blasphème que
Pharisiens entendant cela, dirent : « Celui-là ne Jésus sanctionne durement. « Voilà pour-
chasse les démons que par Béelzéboul, le chef quoi, je vous le déclare, tout péché, tout
des démons.» [Mt 12, 22-24.] blasphème sera pardonné aux hommes, mais

379
LES SYMBOLES BIBLIQUES

le blasphème contre !'Esprit ne sera pas La foi qui guérit.


pardonné» (Mt 12, 31).
Jean Baptiste, de sa prison, envoie un mes- Des malades viennent vers Jésus en toute
sage à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, confiance (Mc 1, 40; Mt 8, 2). Le centurion
ou devons-nous en attendre un autre ? » de Capharnaüm manifeste une foi simple et
(Mt 11, 3). Jésus répond par l'évocation des totale. Jésus, plein d'admiration s'exclame :
signes du Royaume, tels que les pressentait « En vérité, je vous le déclare, chez persqnne
Isaïe (Is 42, 18-19) : en Israël je n'ai trouvé une telle foi »
(Mt 8, 10).
Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et
voyez : les aveugles retrouvent la vue et les Cette foi se présente comme un simple
boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés geste, tel celui de la femme qui touche
et les sourds entendent, les morts ressuscitent et furtivement le manteau de Jésus. La guéri-
la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. son est immédiate. Jésus remarque : « Ma
[Mt 11, 4-5.J fille, ta foi t'a sauvée ; va en paix et sois
guérie de ton mal» (Mc 5, 34).
La Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres D'autres malades sont interrogés :
est bien celle de leur libération qui ne peut
être opérée que par la venue du Royaume Comme Jésus s'en allait, deux aveugles le suivi~
des cieux. Jésus envoie soixante-douze dis- rent en criant : « Aie pitié de nous, Fils de
ciples avec mission d'annoncer le Royaume David ! » Quand il fut entré dans la maison, les
et le pouvoir de faire les signes qui confir- aveugles s'avancèrent vers lui et Jésus·leur dit:
ment ·sa venue. La ·guérison des malades est « Croyez-vous que je puis faire cela ? » - « Oui,
le signe par excellence. Seigneur», lui disent-ils. Alors il leur toucha les
yeux, en disant : « Qu'il vous advienne selon
Dans quelque ville que vous entriez et où l'on votre foi.» [Mt 9, 27-29.]
vous accueillera, mangez ce qu'on vous offrira.
Guérissez les malades qui s'y trouveront et Jaïros, le chef d'une synagogue, est venu
dites-leur: « Le Règne de Dieu est arrivé jusqu'à trouver Jésus : sa fille est à l'article de la
vous.» [Le 10, 8-9.J mort. Sur le chemin vers la maison de la
La mission des disciples était vraiment un malade, on lui annonce bientôt le décès de
épisode de la guerre contre le Mauvais : l'enfant. Tout le monde croit à cette mort,
mais Jésus demande simplement à J aïros :
Les soixante-douze disciples revinrent dans la « Sois sans crainte, crois seulement »
joie, disant : « Seigneur, même les démons nous (Mc 5, 36).
sont soumis en ton nom. » Jésus leur dit : «Je
Et l'enfant retrouve la santé. C'est aussi la
voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair.
foi qui rend la vue à l'aveugle Bartimée
Voici, je vous ai donné le pouvoir· de fouler aux
pieds serpents et scorpions, et toute la puissance (Mc 10, 52).
de l'ennemi, et rien ne pourra vous nuire. Pour- Cette foi peut s'enraciner dans un cœur
tant, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits païen. Celle que Matthieu nomme « la Ca-
vous soient soumis, mais réjouissez-vous de ce nanéenne» avait sans doute entendu parler
que vos noms sont inscrits dans les cieux. » de Jésus. En toute confiance, elle vient
[Le 10, 17-20.J demander à Jésus un exorcisme pour sa fille.

380
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

Elle ne se laisse pas démonter par un pre- et celle des disciples de Jésus ont un point
mier refus de Jésus et répond, du tac au tac, commun : elles sont toutes deux d'êtres
à ses objections. « Alors Jésus lui répondit : «petits». C'est la foi dans le Royanme des
"Femme, ta -foi est grande ! Qu'il t'arrive cieux qui vient. Les disciples de Jésus sont
selon ce que tu veux" et aussitôt sa fille fut même des tout-petits. « En ce temps-là,
guérie.» (Mt 15, 28). Jésus prit la parole et dit : "Je te loue, Père,
Il arrive aussi qu'un homme mesure la Seigneur du ciel et de la terre, cl' avoir caché
faiblesse de sa foi. Il appelle alors au secours. cela aux sages et aux intelligents, et de
Tel est le cas de l'homme qui présente à l'avoir révélé aux tout-petits"» (Mt 11, 25).
Jésus son fils épileptique et possédé. «Jésus Cette petitesse spirituelle, c'est l'humilité
lui dit : "Si tu peux!. .. Tout est possible à et la pauvreté du cœur. Ces dispositions
celui qui croit." Aussitôt le père de l'enfant permettent la parfaite soumission à la vo-
s'écria: "Je crois! Viens au secours de mon lonté de Dieu. Avoir reçu des dons, même
manque de foi!"» (Mc 9, 23). celui de chasser les démons, ne signifie pas
Les disciples ont tenté de guérir un « lu- quel' on soit nécessairement un vrai disciple
natique » et constaté leur échec. de Jésus.

Alors les disciples s'approchant de Jésus lui Il ne suffit pas de me dire : « Seigneur, Sei-
dirent en particulier : « Et nous, pourquoi gneur ! » pour entrer dans le Royaume des
n'avons-nous pu le chasser?» .Il leur dit : « A Cieux ; il faut faire la volonté de. mon Père qui
cause de la pauvreté de votre foi. Car, en vérité est aux cieux. Beaucoup me diront en ce jour-là
je vous le déclare, si un jour vous avez la foi gros [le jour du Jugement] : « Seigneur, Seigneur !
comme une graine de moutarde, vous direz à N'est-ce pas en ton Nom que nous avons pro-
cette montagne : Passe d'ici à là-bas, et elle y phétisé? En ton Nom que nous avons chassé les
passera. Rien ne vous sera impossible. Et puis, démons ? En ton Nom que nous avons fait de
ce genre de démon ne peut s'en aller, sinon par nombreux miracles ? » Alors je leur déclarerai :
la prière et le jeûne.» [Mt 17, 19-21.] «Je ne vous ai jamais connus; écartez-vous de
moi, vous qui commettez l'iniquité ! » [Mt 7,
Jésus parle ici de la foi du guérisseur. 21-23.]
D'une graine de moutarde, il fait le symbole
du Royanme des cieux (Mt 13, 31-32). ll met Jésus distingue bien la foi du malade de
l'accent sur la puissance germinale de la foi du guérisseur.
cette semence minuscule : telle est la foi qui La foi des malades est le cri des pauvres.
produit des effets surprenants et peut opérer La maladie est une indigence inscrite dans
des guérisons incroyables. le corps. La foi du malade est une confiance
L'allusion au jeûne et à la prière est un totale qui ouvre un champ libre à l' œuvre de
rappel discret du carême de Jésus dans le !'Esprit. Seul cet Esprit est capable de briser
désert) à l'heure de son combat contre Satan. les liens démoniaques. La foi du guérisseur
Vidé de lui-même, empli de ]'Esprit par la est de nature diverse. Elle peut être la
foi, l'homme peut vaincre le Mauvais, fau- confiance du guérisseur en ses propres
teur de troubles et de maladies. dons : clairvoyance ou magnétisme, capacité
La foi des malades en passe cl' être guéris d'incantation, formules que l'on suppose

381
LES SYMBOLES BIBLIQUES

efficaces. Il existait au temps de Jésus des purifié, mais bien Naamân, le Syrien»
confréries de guérisseurs et des lieux de (Le 4, 27).
guérison renommés (Jn 5, 2-3). La foi du La lèpre, par contre, va affecter le servi-
guérisseur peut être aussi la certitude teur d'Elisée, Guéhazi, pour le punir de sa
d'avoir reçu de Dieu des dons efficaces. duplicité et de son avarice. La maladie
L'orgueil peut troubler l'esprit des êtres devient ici le fruit vénéneux du péché, et la
ainsi dotés. lèpre ajoute l'exclusion à la souffrance (2 R
Quant à la foi des véritables disciples de 5, 20-27).
Jésus, elle est celle des tout-petits. Elle peut Pris de pitié, Jésus purifie un lépreux et
faire des miracles, en vertu d'une concor- renvoie chez un prêtre, pour enregistrer sa
dance parfaite entre le propos de l'homme et guérison. Malgré la défense de Jésus, le
la volonté divine. Ainsi les actes de miséri- lépreux guéri proclame à pleine voix le
corde qui touchent les corps malades de- miracle (Mc 1, 40-45).
viennent-ils des signes avant-coureurs du La guérison des dix lépreux met r accent
Royaume des cieux. sur W1 point précis. Après s'être présentés
au prêtre, seul le Samaritain du groupe, un
étranger, un homme mal vu, revient vers
La symbolique des maladies. Jésus en rendant grâces (Le 17, 11-19).
La guérison des paralytiques est r occasion
Dans l'J\ntiquité, on mettait sous le nom d'enseignements particuliers. À Caphar-
de lèpre différentes maladies infectieuses et naüm, on défonce le toit pour faire descen-
contagieuses, qui rongeaient les chairs. La r
dre le paralytique que on veut présenter à
peur de la contamination entraînait alors une Jésus. pour qu'il le guérisse.Jésus se contente
déclaration d'impureté et l'exclusion de la de lui dire : « Tes péchés te sont pardon-
vie sociale normale. nés» (Mc 2, 5). Au fond de leur cœur,
L'épisode de Naamân, chef d'armée et quelques scribes pensent que Jésus bla-
lépreux, montre que sa guérison ne fut pas sphème : seul Dieu peut remettre les péchés.
due à la simple immersion dans le Jourdain, Mais leurs pensées secrètes sont découver-
mais à son humilité et à son obéissance. tes, et ils s'entendent dire :
Après un mouvement de révolte, il obéit à
l'ordre du prophète Élisée qui lui dit : « Va ! Qu'y a-t-il de plus facile, de dire au paralysé :
Lave-toi sept fois dans le Jourdain : ta chair «Tes péchés sont pardonnés», ou bien de dire :
deviendra saine, et tu seras purifié » (2 R « Lève-toi, prends ton brancard et marche»? Eh
5, 10). bien, afin que vous sachiez que le Fils de
l'homme a autorité pour pardonner les péchés
C'est donc par la foi que N aamân a été
sur la terre, il dit au paralysé : «Je te dis :
guéri. Jésus lui rendra: hommage, face à ses lève-toi, prends ton brancard et va dans ta
détracteurs, qui pensent en eux-mêmes : maison ! » L'homme se leva, il prit son brancard
« Médecin, guéris-toi toi-même» (Le 4, 23). et il sortit devant tout le monde, si bien que tous
Mais Jésus répond : « Il y avait beaucoup de étaient bouleversés et rendaient gloire à Diell, en
lépreux en Israël au temps du prophète Éli- disant : « Nous n'avons jamais rien vu de pa-
sée ; pourtant aucun d'entre eux ne fut reil!» [Mc 2, 9-12.]

382
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

Cette guérison a une double signification. tion. Jésus ne s'oppose pas à la Loi: l'acte
Un miracle visible peut garantir une action de guérison qu'il vient de faire révèle une
matériellement invérifiable, comme la rémis- r
autre dimension, propre à œuvre divine
sion des péchés. Mais, ce faisant, Jésus qu'il est venu accomplir sur la terre.
guérit ce qui était, aux yeux de tous, la cause
de la maladie : le péché. Même ses disciples Les Juifs s'en prirent à Jésus qui avait fait cela un
croyaient à cette doctrine. Le pouvoir de jour de sabbat, Mais Jésus leur répondit:« Mon
Jésus n'est donc pas celui d'un simple gué- Père jusqu'à présent est à l'œuvre et moi aussi je
risseur ou d'un faiseur de miracles, c'est un suis à l'œuvre. » Un 5, 16-17.]
pouvoir proprement divin.
La guérison du paralytique à la piscine de Ce miracle est miséricorde pour le corps
Bethzatha est présentée par Jean comme paralysé, mais aussi libération du cœur
dotée d'un symbolisme bien particulier. Le contraint par les commentaires qui surchar-
décor de cette scène est une piscine, réputée gent la Loi. Jésus est venu accomplir la Loi,
pour son pouvoir merveilleux de guérison. non l'abroger (Mt 5, 17). Accomplir la Loi
Le dieu guérisseur Sérapis y avait un sanc- signifie lui donner tout son sens. Au-delà des
ttiaire ; une tradition juive voyait, dans un mots proférés, l'acte de guérison ressemble
bouillonnement de l'eau, l'effet d'une inter- à la parole en actes des prophètes, à leurs
vention angélique. Le prèmier à sauter dans gestes, à leurs comportements porteurs diun
le bassin était alors guéri. L'infirme, immobi- message divin. La guérison opérée par Jésus
lisé depuis trente-huit ans, était incapable va plus loin que les gestes prophétiques, en
d'un tel bond et se trouvait ainsi en dehors vertu de la symbiose permanente du Fils
du circuit salutaire, exclu de la miséricorde avec le ·Père. Ainsi se révèle dans un autre
ordinaire de Dieu (ou des dieux !). Jésus va ordre toute la splendeur de la miséricorde
faire pour lui quelque chose d' extraordi- divine. Ce déploiement est le véritable ac-
naire. Sa présence en ce lieu éclipse le renom complissement de la Loi. Jésus a rendu la
des thérapeutes locaux. Mais l1 acte que va vue à plusieurs aveugles. La guérison de
poser Jésus est, aux yeux des Juifs, intem- l'aveugle-né est la plus significative. Elle
pestif, car il se situe un jour de sabbat. prélude à la révélation de Jésus comme
Lumière du monde (Jn 9). La pattée de ce
Jésus le vit couché et, apprenant qu'il était dans miracle est présentée p. 23, « La lumière à
cet état depuis longtemps déjà lui dit:« Veux-tu l'œuvre >>.
guérir?» L'infirme lui répondit : « Seigneur, je
n'ai personne pour me plonger dans la piscine au
moment où l'eau commence à s)agiter; et, le
temps d'y aller, un autre descend avant moi.» Le médecin à la table des malades.
Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et
marche. » Et aussitôt l'homme fut guéri ; il prit Jésus est le médecin des pécheurs, tout
son grabat, il marchait. [Jn 5, 6-9.] autant que le guérisseur des malades. Il ne
craint pas la promiscuité morale avec ceux
L'acte de Jésus est illégal, en dehors des que la caste des « purs » considère comme
injonctions de la Loi précisée par la Tradi- des pestiférés. Le sens de ce comportement

383
LES SYMBOLES BIBLIQUES

est révélé à l'heure de la vocation de Lévi, dit le jour du sabbat (Le 14, 1-6). Il n'a pas fini
Matthieu. d'étonner l'assistance.
En passant, Jésus vit Lévi, le fils d'Alphée, assis Il dit à celui qui l'avait invité « Quand tu
au bureau des taxes. Il lui dit : « Suis-moi. » Il donnes un déjeuner ou un diner, n'invite pas tes
se leva et le suivit. Le voici à table dans sa amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches
maison, et beaucoup de collecteurs d'impôts et voisins, sinon eux aussi t'inviteront en retour, et
de pécheurs avaient pris place avec Jésus et ses cela te sera rendu. Au contraire, quand tu donnes
disciples, car ils étaient nombreux et ils le sui- un festin, invite des pauvres, des estropiés, des
vaient. Et des scribes pharisiens, voyant qu'il boiteux, des aveugles, et tu seras heureux parce
mangeait avec les pécheurs et les collecteurs qu'ils n'ont pas de quoi te rendre: en effet, cela
d'impôts, disaient à ses disciples : « Quoi ! Il te sera rendu à la résurrection des justes. »
mange avec les collecteurs d'impôts et les pé- [Le 14, 12-14.J
cheurs ? » Jésus, qui avait entendu, leur dit :
« Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin Quand les invités discourtois de la para-
de médecin, mais les malades ; je suis venu bole se sont tous excusés pour ne pas se
appeler non pas les justes mais les pécheurs. » rendre au dîner préparé, le maître de maison
[Mc 2, 14-17.J entre en colère. Ce sont les pauvres et les
infirmes qui prendront place dans la salle du
Zachée descend en hâte de l'arbre qui lui festin. Cette colère n'est pas un mouvenient
sert d'observatoire, pour répondre à l'appel d'humeur, elle symbolise l'énergie de la jus-
de Jésus qui s'est invité chez lui. Il le reçoit tice divine qui, dans une perspective escha-
tout joyeux mais, pour les Juifs, entrer dans tologique, opérera en temps voulu le discer-
la maison d'un pécheur notoire revenait à nement qui s'impose. Le maître dit à son
contracter une impureté. La seule présence serviteur :
de Jésus pousse Zachée à la conversion.
« Va-t-en vite par les places et les rues de la ville,
Zachée, s'avançant, dit au Seigneur:« Eh bien! et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveu-
Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de gles et les boiteux. » Puis le serviteur vint dire :
mes biens et, si j'ai fait tort à quelqu'un, je lui « Maître, on a fait tout cc que tu as ordonné, et
rends le quadruple.» [Le 19, 8]. il y a encore de la place. » Le maître dit alors au
serviteur:« Va-t-en par les routes et les jardins,
Jésus se contente de const_ater la guéri-
et force les gens à entrer, afin que ma maison soit
son: remplie. Car, je vous le dis, aucun de ceux qui
Aujourd'hui le salut est venu pour cette maison, avaient été invités ne goûtera de mon dîner. »
car lui aussi est un fils d'Abraham. En effet le [Le 14, 21-24.J
Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce
Cette vision des choses est confirmée avec
qui était perdu [Le 19, 9-10].
vigueur, dans la parabole du pauvre Lazare
Jésus, invité à la table des pécheurs, qui gît, malade et seul, à la porte du riche,
déclare en retour qu'il est nécessaire d'invi- C'est Lazare qui prendra place, à côté
ter les pauvres, les petits, les infirmes. Prié d'Abraham, dans la béatitude éternelle
à déjeuner par un Pharisien, Jésus entre dans (Le 16, 19-31).
sa demeure après avoir guéri un hydropique Les païens et les étrangers rejoindront les

384
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

pauvres et les infirmes au grand festin cé- Abraham (Gn 22, 1-19). Le sang de l'agneau
leste. Jésus l'annonce à l'heure où il admire devient le bouclier contre I' Ange extermina-
la foi du centurion. teur (Ex 12, 7 et 13). Tout premier-né doit
être sacrifié mais la substitution est possible
Chez personne en Israël, je n'ai trouvé une telle (Ex 13, 13 )_ Un bouc ira périr dans le désert
foi. Aussi, je vous le dis, beaucoup viendront du au grand Jour des Expiations, porteur des
levant et du couchant prendre place au festin péchés d'Israël (Lv 16). Au terme de cette
avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le Royaume tradition, Isaïe désigne un être humain
des cieux. [Mt 8, 10-11.]
comme pouvant être la victime du « sacrifice
d'expiation».
Le SEIGNEUR a voulu le broyer par la souffrance.
Si tu fais de sa vie un sacrifice de réparation,
LE CHRIST SOUFFRANT il verra une descendance, il prolongera ses jours,
et la volonté du SEIGNEUR aboutira. [Is 53, 10.]

Le Juste livre sa vie pour le salut du monde. La deuxième clef est le procédé des
« réductions » qui jalonnent l'histoire d'Is-
Matthieu relate les multiples guérisons qui raël. La grande masse du peuple élu se
ont marqué le début du ministère de Jésus. réduit, par l'épreuve, à un « petit reste»
Il donne un sens plus profond à ces oeuvres que conserve la miséricorde de Dieu. Ce
de miséticorde, en citant le prophète Isaïe petit reste se réduit à un seul Juste qui
(Is 53, 4) : « C'est lui qui a pris nos infirmi- deviendra l'instrument de la régénération.
tés et s'est chargé de nos maladies » Ce Juste est l'innocent dont la vie a du
(Mt 8, 17). « prix aux yeux de Dieu ». Cette vie peut
Isaïe, dans le quatrième chant du Servi- servir à monnayer la miséricorde divine : tel
teur (Is 52, 13 à 53, 12), décrit la souffrance est le marchandage entre Abraham et le
rédemptrice d'Ull être mystérieux. Cet être, Seigneur pour sauver Sodome (Gn 18,
pour la tradition juive, est une figure allégo- 22-32). Plus tard, un petit reste fidèle
rique: il représente le peuple d'Israël humi- deviendra la semence d'un peuple renouvelé
lié, écrasé par !'Exil et finalement racheté et pour « éviter à Israël le sort de Sodome»
glorifié. (Is 1, 9). Ce reste se réduit à une seule
Commencée par Jean Baptiste (Jn 1, 29), personne dans le cadre du quatrième chant
l'interprétation chrétienne voît en ce Servi- du Serviteur (Is 53, 10-11). Ce Juste pren-
teur souffrant le Christ Jésus qui, par sa dra le nom de « Germe » et désignera, dans
Passion et sa Résurrection, fonde l'Église, une perspective messianique, un rejeton,
peuple des rachetés, et la glorifie. Deux clefs descendant légitime de David.
bibliques ouvrent cette dernière perspective. Des jours viennent - oracle du SEIGNEUR -
La première clef est le procédé des substitu- où je susciterai pour David un rejeton légitime :
tions sacrificielles, qui ont, dès l'origine, un roi règne avec compétence,
commandé la vie cultuelle d'Israël. Un bélier il défend le droit et la justice dans le pays.
remplace Isaac en passe d'être sacrifié par Ur 23, 5.J
385
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le nom de « Germe » est repris par preffiler, ms1ste sur l'importance de cette
Zacharie (Za 3, 8; 6, 12). affirmation. Devant les hésitations des Pha-
Le procédé de réduction anime deux risiens, le grand prêtre tranche :
textes de Paul, hautement significatifs. Le
L'un d'entre eux [grands prêtres et Pharisiens
premier est un pressant appel : réunis], Caïphe, qui était Grand Prêtre en cette
Au nom du Christ, nous vous en supplions, année-là, dit:« Vous n'y comprenez rien et vous
laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui ne percevez même pas que c'est votre avantage
n'avait pas connu le péché, il l'a, pour nous, qu'un seul homme meure pour le peuple et que
identifié au péché, afin que par lui, nous deve- la nation ne périsse pas tout entière.» Ce n'est
nions justice de Dieu. [2 Co 5, 20-21.] pas de luî-même qu'il prononça ces paroles, mais
comme il était Grand Prêtre en cette année-là, il
Le second texte a pour cadre un discours fit cette prophétie qu'il fallait que Jésus meure
de Paul qui justifie l' aunonce de l'Évangile pour la nation et non seulement pour elle, mais
aux païens : pour réunir dans l'unité les enfants de Dieu qui
sont dispersés. (Jn 11, 49-52.]
Christ a payé pour nous libérer de la malédiction
de la loi, en_ devenant lui-même malédiction pour Au moment où Jésus est conduit chez
nous, puisqu'il est écrit:« Maudit quiconque est Hanne, beau-père de Caïphe, Jean remar-
pendu au bois.» [Ga 3, 13]. que : « C'est ce même Caïphe qui avait
suggéré aux Juifs : "Il est avantageux qu'un
Ces deux textes ont pour arrière-fond le seul homme meure pour le peuple." »
rituel du Jour des Expiations. Un bouc (Jn 18, 14.)
« pour le Seîgneur » était sacrifié à l'entrée
du sanctuaire, un autre bouc, « pour Aza-
zel » était envoyé au diable. Le premier texte Dialogue entre Isaïe et l'Évangile.
de Paul identifie Jésus à la victime sacrifiée
dans le Temple, à ceci près que ce sacrifice Le Nouveau Testament cite souvent Isaïe.
est « unique » parce que Jésus est « uni » La lecture chrétienne des textes du Serviteur
(identifié) une fois pour toutes au péché, souffrant, et spécialement le quatrième chant
afin que le péché soit mis à mort dans la (Is 52, 13 à 53, 12) relève d'une cohérence
mort même de Jésus. Le second texte met proprement biblique. L'alternance des tex-
Jésus en situation de bouc envoyé à Azazel, tes de l'Ancien et du Nouveau Testament
le Démon, le maudit. En la personne du met en lumière cette connexion.
Christ, la malédiction est retournée à celui La figure du Serviteur est paradoxale :
d'où provient la déchéance humaine. bafoué par les hommes, il est exalté par
L'homme, ainsi libéré de cette contrainte Dieu. Le prophète dit :
mortelle, retrouve l'axe lumineux de la bé-
nédiction donnée à Abraham pour s'étendre Void que mon Serviteur triomphera,
à l'humanité tout entière. il sera haut placé, élevé, exalté à l'extrême.
[Is 52, 13.J
L'effet de réduction qui fait de Jésus le
Juste, mourant pour tous, sè retrouve en Pierre affirme devant le peuple de Jérusa-
deux textes de Jean. Le second, reprenantle lem:

386
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

Vous avez rejeté le Saint et le Juste) et vous avez Mais je me suis fait un point d'honneur de
réclamé pour vous la grâce d'un meurtrier. Le n'annoncer l'Évangile que là où le nom de Christ
Prince de la vie que vous aviez fait mourir, Dieu n'avait pas encore été prononcé, pour ne pas
l'a ressuscité des morts - nous en sommes les bâtir sur les fondations qu'un autre avait posées.
témoins. [Ac 3,-14-15.] Ainsi je me conforme à ce qui est écrit : « Ils
verront ceux à qui on ne l'avait pas annoncé et
Jésus annonce la fin du règne de Satan : ceux qui n'en avaient pas entendu parler com-
C'est maintenant le îugernent de ce monde, prendront.» [Rm 15, 20-21.]
maintenant le prince de ce monde va être jeté
dehors. Pour moi, quand j'aurai été élevé de la Isaïe sait qu'il annonce des choses in-
terre, j'attirerai à moi tous les hommes Un 12, croyables :
31-32]. Qui donc a cru à ce que nous avons entendu
Isaïe voit paraître l'homme des douleurs : dire?
Le_ bras du SEIGNEUR, en faveur de qui a-t-il été
Les foules ont été horrifiées à son sujet dévoilé? [ls 53, l.]
- à ce point détruite,
son apparence n'était plus celle d'un homme Jean cite le même verset mais fait allusion
et son aspect n'était plus celui des fils d'Adam_-. à l'incrédulité de ceux qui entouraient Jésus:
[ls 52, 15.l
Quoiqu'il eût opéré devant eux tant de signes, ils
Jésus, ridiculisé, est présenté à la foule : ne croyaient pas en lui, de sorte que s'accomplit
la parole que le prophète Isaïe avait dite :
Jésus vint alors à l'extérieur; il portait la cou-
« Seigneur qui a cru ce que nous ·avons entendu
ronne d'épines et le manteau de pourpre.
dire? Et à qui le bras du Seigneur a-t-il été
Pilate leur· dit : « Voici l'homme ! » Mais dès
que les grands prêtres et leurs gens le virent, révélé?» [Jn 12, 37.J
ils se mirent à crier « Crucifie-le ! Cruci- Paul cite aussi ce passage mais fait allu-
fie-le! » [Jn 19, 5-6.l sion à l'incroyance de ceux qui écoutent sa
La Croix est au cc.eut du message de prédication (Rm 10, 16).
Paul : « Nous prêchons un Messie crucifié, Voici maintenant la description du Servi-
scandale pour les Juifs, folie pour les teur brisé et méprisé :
païens» (1 Co 1, 23). Devant Lui, celui-là végétait comme un rejeton,
Isaïe décrit l'émerveillement des païens comme une racine sortant d'une terre aride;
devant la glorification de cet être humilié : il n'avait ni aspect, ni prestance telle que nous le
À son sujet, les foules des nations vont être remarquions,
émerveillées, ni apparence telle que nous le recherchions.
des rois vont rester bouche close, Il était méprisé, laissé de côté par les hommes,
car ils voient ce qui ne leur avait pas été raconté hom:me de douleurs, familier de la souffrance,
et ils observent ce qu'ils n'avaient pas entendu tel celui devant- qui l'on cache son visage ;
dire. [ls 52, 15.l oui, méprisé, nous ne l'estimions nullement.
[Is 53, 2-3.]
Paul reprend en substance les derniers
mots en expliquant qu'il a mis son point Marc fait allusion au mépris qui double la
d'honneur à ne s'adresser qu'aux païens : souffrance de Jésus (Mc 9, 12).

387
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Mais le grand texte à mettre en parallèle et le SEIGNEUR a fait retomber sur lui
avec ce tableau de la déchéance du Serviteur la perversité de nous tous.
est, bien sûr, l'hymne de l'épître aux Philip- Brutalisé, il s'humilie;
piens. il n'ouvre pas la bouche,
comme un agneau traîné à l'abattoir,
Il s'est dépouillé, prenant la condition de servi- comme une brebis devant ceux qui la tondent :
teur, elle est muette; lui n'ouvre pas la bouche".
devenant semblable aux hommes [ls 53, 6-7.J
et reconnu à son aspect comme un homme,
il s'est abaissé, Pierre reprend l'image du troupeau égaré,
devenant obéissant jusqu'à la mort, dont le Christ est devenu le pasteur.
et à la mort sur une croix. [Ph 2, 7-8,]
Vous étiez égarés comme des brebis, mais
Dans les versets suivants, on discerne bien maintenant vous vous êtes tournés vers le berger
le mystère de la substitution : l'innocent et le gardîen de vos âmes [1 P 2, 25].
porte les souffrances, les douleurs, le poids
du péché et le châtiment des hommes per- Le Serviteur « retranché de la terre des
vertis. vivants» connaît, de plus, la honte d'une
sépulture indigne.
En fait, ce sont nous souffrances qu'il a portées,
ce sont nos douleurs qu'il a supportées, Sous la contrainte, sous le jugement, il a été
et nous, nous l'estimions touché, enlevé,
frappé par Dieu et humilié. les gens de sa génération, qui se préoccupe
Mais lui, il était déshonoré à cause de nos d'eux?
révoltes, Oui, il a été retranché de la terre des vivants,
broyé à cause de nos perversités : à cause de la révolte de son peuple, le coup est
la sanction, gage de paix pour nous, était sur lui, sur lui.
et dans ses plaies se trouvait notre guérison. On a mis chez les méchants son sépulcre,
[1s 53, 4-5.] chez les riches son tombeau,
bien qu'il n'ait pas commis de violence
Pour Paul, le Christ a sauvé les hommes et qu'il n'y eût pas de fraude dans sa bouche.
en s'identifiant à leur misère. C'est en lui [ls 53, 8-9.]
qu'est vaincue la haine, fruit vénéneux du
péché. Jésus s'est identifié à notre péché Jésus est, lui aussi, enterré dans le tom-
(2 Co 5, 21). Il est devenu malédîction pour beau d'un homme. riche (Mt 27, 57-60). À
nous (Ga 3, 13). Il a été livré pour nos fautes la différence des riches évoqués par Isaïe,
(Rm 4, 25). Le Christ est notre paix, par sa Joseph d'Arimathée, disciple de Jésus, était
Croix il a tué la haine (Ep 2, 14-18). bon et courageux. Le signe de honte devient
Le passage suivant utilise le symbolisme ici W1 signe; d'honneur.
du troupeau errant et de l'agneau innocent Le prophète désigne alors le Serviteur
et soumis. comme la victime humaine d'un sacrifice
d'expiation.
Nous étions tous, comme du petit bétail,
nous étions errants Le SEIGNEUR a voulu le broyer par la souffrance ;
nous nous tournions chacun vers son chemin, si tu fais de sa vie un sacrifice de réparation,

388
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

il verra une descendance, il prolongera ses jours, Testament, le nom du Christ (Ac 3, 13-14;
et la volonté du SEIGNEUR aboutira. [ls 53, 10.] 7, 52; 22, 14; Rrn 5, 18).
Jean, dans sa première épître, dit de La victoire du Christ lui vaut un trophée
Jésus : immense : c'est la foule des êtres sauvés
(Ap 7, 9).
Jésus Christ, qui est le Juste, Les Écritures qui parlent de la souffrance
est, lui, victime expiatoire pour nos péchés ; du Serviteur sont accomplies en Jésus
et pas seulement pour les nôtres, (Le 22, 37).
mais encore pour ceux du monde entier.
Le Christ a porté les fautes sur le bois
[! Jn 2, 1-2.l
(1 P 2, 24).
Paul dit de Jésus : « C'est lui que Dieu a Jésus est l'intercesseur (Le 23, 34;
destiné à servir d'expiation par son sang » He 7, 25).
(Rrn 3, 25). L'épître aux Hébreux voit en On peut compléter le portrait du Servi-
Jésus le Grand Prêtre qui, par son sang, teur souffrant du quatrième chant d'Isaïe,
purifie le peuple de son péché (He 9, 12-14 ; par ce passage, extrait du troisième chant :
2, 17-18).
J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient,
Pour accomplir l'œuvre du salut, Jésus mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe;
conforme sa volonté à celle du Père : « Ma je n'ai pas caché mon visage
nourriture, c'est de faire la volonté de celui face aux outrages et aux crachats. [ls 50, 6.]
qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre »
Œn 4, 34). La passion selon Matthieu renvoie à ce
Et à l'heure de l'agonie : « Mon Père, si passage (Mt 26, 67; 27, 30).
cette coupe ne peut passer sans que je la
boive, que ta volonté se réalise ! »
(Mt 26, 42).
Les souffrances du Serviteur vont connai- LE MYSTÈRE DE LA RÉSURRECTION
tre une immense fécondité.
Ayant payé de sa personne, L'annonce de la Passion
il verra une descendance, il sera comblé de jours;
et de la Résurrection.
sitôt connu, juste, il dispensera la justice,
lui, mon Serviteur, au profit des foules,
du fait que lui-même supporte leurs perversités. Jésus a pris du temps pour annoncer à ses
Dès lors je lui taillerai sa part dans les foules, apôtres le mystère de sa Passion. Il a com-
et c'est avec des myriades qu'il constituera sa mencé très tôt. La première annonce, en
part de butin, Marc se situe entre l'épisode où Pierre re-
puisqu'ils' est dépouillé lui-même jusqu'à la mort connaît en Jésus le Messie (Mc 8, 27 -3 0) et
et qu'avec les pécheurs il s'est laissé recenser, la transfiguration (Mc 9, 2-10).
puisqu'il a porté, lui, les fautes des foules
et que, pour les pécheurs, il vient s'interposer. Il commença alors à leur enseigner qu'il fallait
[ls 53, 11-12.] que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il
soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les
<< Le Juste» est devenu, dans le Nouveau scribes, qu'il soit mis à mort et que, trois jours

389
LES SYMBOLES BIBLIQUES

après, il ressuscite. Il tenait ouvertement ce lan- La quatrième annonce de la Passion est


gage. Pierre, le tirant à part, se mit à le répri- la parabole des vignerons homicides (Mc 12,
mander. Mais lui, se retournant et voyant ses 1-12). Le chapitre 13 de Marc prend un ton
disciples, réprimanda Pierre; il lui dit : « Retire- prophétique (Mc 13, 1-23) et même apoca-
toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues né sont lyptique, pour annoncer le jugement du
pas celles de Dieu mais celles des hommes. » monde par le Fils de l'homme (Mc 13,
[Mc 8, 31-33.J 24-27).
Jésus ici se nomme le« Fils de l'homme». La Passion du Christ est le combat décisif
D'après Daniel (Dn 7, 13), on peut penser de la guerre contre les puissances du mal. La
que ce titre désigne un personnage humain Résurrection du Fils de l'homme coïncide
mais d'origine céleste, souverain éternel, avec la création d'un monde nouveau. C'est
chargé de juger et de détruire les royaumes le monde de la justice divine, en lequel le
monstrueux du mal. Cette victoire, pour Juste apparaît comme le Premier-né de cette
Jésus, passe par un combat et une mort humanité- nouvelle.
temporaire qui aboutit à la résurrection. Au terme de ce passage apocalyptique,
L'annonce de la Passion est suivie par l' aver- Marc raconte la parabole du figuier. Ce récit
tissement solennel : Tout disciple du Christ apporte alors une note de douceur :
doit risquer sa vie pour le suivre. « Si quel- Comprenez cette comparaison empruntée au
qu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie figuier : dès que ses rameaux deviennent tendres
lui-même et prenne sa croix et qu'il me et que poussent ses feuilles, vous reconnaissez
suive» (Mc 8, 34). que l'été est proche. De même vous aussi, quand
L'annonce de la Résurrection passe donc vous verrez cela arriver, sachez que le Fils de
par le dévoilement de la croix. Une l'homme est proche, qu'il est à vos portes.
deuxième annonce de la Passion laisse les [Mc 13, 28-29.]
disciples stupéfaits et inquiets (Mc 9,
Le règne de Dieu apparaît alors comme la
30-32).
belle saison après les rigueurs de l'hiver.
Jésus maintenant prend la tête des disci-
C'est le moment d'un renouveau, non plus
ples et monte vers Jérusalem. La peur s'em-
temporel mais éternel. Tout renaît dans le
pare de tous. Jésus réunit alors les Douze
Christ ressuscité.
pour les prévenir une troisième fois.
Ils étaient en chemin et montaient à Jérusalem.
Jésus marchait devant•eux. Ils étaient effrayés, et Le signe de Jonas.
ceux qui suivaient avaient peur. Prenant de
nouveau les Douze avec lui, il se mit à leur dire Quelques scribes et Pharisiens s' appro-
ce qui allait lui arriver : « Voici que nous
chent de Jésus : ils voudraient un signe
montons à Jérusalem et le Fils de l'homme sera
capable de garantir le caractère divin de sa
livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le
condamneront à mort et le livreront aux païens, mission et de justifier son titre messiani-
ils se moqueront de lui, ils cracheront sur lui, ils que. En fait, ils réclament un prodige, un
le flagelleront, ils le tueront et, trois jours après signe qui vienne du ciel (Mt 16, 1). Jésus
il ressuscitera.» [Mc 10, 32-34.] répond:

390
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

Génération mauvaise et adultère qui réclame un remonter. La descente dans la peur peut être
signe ! En fait de signe, il ne lui en sera pas une noyade (Jon 2, 7).
donné d'autre que le signe du prophète Jonas. Peu à peu, l'énergie de la parole divine
Car tout comme Jonas fut dans le ventre du s'empare de son esprit et de son corps
monstre marin, trois jours et trois nuits, ainsi le
effondrés dans l'angoisse. Le monstre, qui
Fils de l'homme sera dans le sein de la terre trois
vient d'engloutir une épave, recrache un
jours et trois nuits. Lors du jugement, les hom-
mes de Ninive se lèveront avec .cette génération vivant sur la terre ferme (Jon 2, 11). L'ar-
et ils la condamneront, car ils se sont convertis deur de la Parole a dissipé toute crainte :
à la prédication de Jonas; eh bien! id, il y a plus l'audace et la conviction du prophète
que Jonas. [Mt 12, 39-41.] convertiront les Ninivites.
Pour la première communauté chrétienne,
La docilité des habitants de Ninive à la l'image de Jonas vomi par le monstre est
parole de Jonas, la promptitude de leur devenu le symbole de la Résurrection. La
conversion, est aussi évoquée par le texte formule ancienne : << Il est ressuscité le troi-
parallèle de Luc (Le 11, 29-32). Matthieu sième jour selon les Écritures » (1 Co 15, 4)
insiste sur les trois jours et les trois nuits se réfère peut-être à Jonas. Les images
passés dans le ventre du monstre marin et se paléochrétiennes de ce même prophète, fi-
réfère, sans doute, à la sépulture et à la guré comme signe de Résurrection, dans les
Résurrection de Jésus. catacombes et sur les sarcophages, semblent
Le signe de Jonas demeure mystérieux. Il confirmer cette référence.
n'est peut-être pas impénétrable. L'histoire
de ce prophète, même s'il s'agit d'un récit
fantastique, comporte un important message
Le Premier-né d'entre les morts.
spirituel. Elle évoque l'incubation de la
Tout premier-né appartient à Dieu.
parole divine par un homme d'abord réti-
cent. Cette lente germination s'opère dans Consacre-moi tout premier-né ouvrant le sein
un esprit choqué, effrayé au point de décider maternel, parmi les fils d'Israël, parmi les
la fuite. hommes comme parmi le bétail. C'est à rnoi
[Ex 13, 2].
Au creux du bateau, en pleine tempête,
Jonas dort : «Jonas, retiré au fond du Le premier-né d'un animal peut être ra-
vaisseau, s'était_ couché et dormait profon- cheté par un autre qui sera sacrifié. Mais
dément. Alors le capitaine s'approcha de lui « Tout premier-né de tes fils, tu le rachète-
et lui dit : "Eh ! Quoi! Tu dors ... Lève-toi, ras» (Ex 34, 20). Seuls les fils ont droit à
invoque ton Dieu." » (Jon 1, 5-6). l'héritage, mais l'aîné reçoit une double part
Le prophète continue sa retraite dans le des biens paternels, il devient le chef de
ventre du monstre, au creux de la patience famille (Dt 21, 17).
de Dieu, dans les entrailles de sa miséricorde Sur l'ordre de Dieu, Moïse doit aller dire
longanime. Du fond de la mer, il entonne un à Pharaon : « Ainsi parle le SEIGNEUR : Mon
cantique, il chante la puissance de Dieu qui fils premier-né, c'est Israël; je te dis, laisse
fait descendre l'homme au creux del' Abîme, partir mon fils pour qu'il me serve»
dans la fosse de la mort, pour l'en faire (Ex 4, 22).

391
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Israël porte donc le titre de « premier- par le titre de Premier-né, la glorification du


né ». Christ après sa Passion, son entrée dans la
Aie pitié de moi, Seigneur, du peuple qui porte
Cité céleste qui est le cœur de la création
ton Nom nouvelle.
et d'Israël que tu as fait semblable à un_ pre- Lorsqu'il introduit le Premier-né dans le monde,
mier-né, [Si 36, 17.] il dit : « Et que se prosternent devant lui tous les
Oui, je deviens un père pour Israël anges de Dieu» [He 1, 6].
Éphraïm est mon fils premier-né. [Jr 31, 9.] Paul emploie souvent le mot« prémices »
Par antithèse, Job désigne la famine (ou pour désigner l' oeuvre initiale de Dieu. Ce
la peste) comme le « premier-né de la sont aussi les arrhes d\me présence, encore
mort ». On dit du méchant puni : partielle, qui se complètera dans l'avenir.
C'est enfin la sanctification du tout par la
La faim devient sa compagne,
partie : le symbolisme du ferment exprime
le malheur se tient à ses côtés,
le mal ronge sa peau,
bien cette notion :
le premier-né de la mort ronge ses membres. La création tout entière gémit maintenant encore
[Jb 18, 12-13.l dans les douleurs de l'enfantement. Elle n'est pas
Dans un même cantique, Paul fait deux la seule : nous aussi qui possédons les prémices
de !'Esprit, nous gémissons intérieurement, at-
fois allusion à la primogéniture du Christ.
tendant l'adoption, la délivrance pour notre
Jésus Christ est le « Premier-né de toute corps. [Rm 8, 22-23 .]
créature ». L'apôtre affirme ainsi la préémi-
nence du Fils aimé du Père, et le rôle initial Si les prémices sont saintes, toute la pâte l'est
de celui qui est assimilé à la Sagesse créatrice aussi : et si la racine est sainte, les branches le
de Dieu (Pr 8, 22). sont aussi. [Rm 11, 16.]
Paul dit aussi que Jésus est le « Pre- Dans l'ordre de la Résurrection le Christ
mier-né d'entre les morts». Sa prééminence est le Premier et le Principe :
se situe alors dans l'ordre de la création
nouvelle, inaugurée par la Résurrection. Il Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux
est le principe de cet ordre nouveau. qui sont morts. En effet, puisque la mort est
venue par un homme, c'est par un homme aussi
Il est !'Image du Dieu invisible, que vient la résurrection des morts : comme tous
Premier-né de toute créature, meurent en Adam, en Christ tous recevront la
car en lui tout a été créé, vie, mais chacun à son rang : d'abord les pré-
dans les cieux et sur la terre, mices, Christ, puis ceux qui appartiennent au
les êtres visibles comme les invisibles. [.. .] Christ lors de sa venue. [1 Co 15, 20-23.]
Il est, lui, la tête du corps, qui est l'Église.
Il est le commencement,
Premier-né d'entre les morts, Le festin des ressuscités.
afin de tenir en tout, lui, le premier rang.
[Col 1, 15-16 et 18.]
Le festin n'est pas seulement un repas,
L'épître aux Hébreux semble désigner, c'est un temps essentiel de la fête, c'est le

392
LA MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

moment où devient sensible esprit de r Le Seigneur DIEU essuiera les larmes sur tous les
communion ; à ce titre, il est devenu le sym- visages
bole très parlant du monde de la Résur- et dans tout le pays il enlèvera la honte de son
rection. peuple.
Il l'a dit, Lui, le SEIGNEUR. [ls 25, 6-8.]
La tradition rituelle d'Israël comportait
des « sacrifices de communion », qui réser- Le repas festif se retrouve dans l'Évangile.
vaient une part de la victime pour Dieu et Un vin mystérieux réjouit les noces de Cana
qui faisaient du reste une nourriture (Jn 2, 1-11). On mange le veau gras pour le
consommée en un banquet joyeux. retour de l'enfant prodigue (Le 15, 11-32).
Le livre de !'Exode assure que la célébra- Jésus multiplie les pains et les poissons
tion de l'Alliance se termina par une théo- (Mc 6, 31-44).
phanie et un banquet. Le discours sur le Pain de vie révèle
l'existence d'une nourriture céleste (Jn 6,
Moïse monta, ainsi qu'Aaron, Nadav et Avihou, 25-50) et introduit au mystère de !'Eucharis-
et soixante-dix des anciens d'Israël. Ils virent le
Dieu d'Israël et, sous ses pieds, c'était comme
tie (Jn 6, 51-59).
une sorte de pavement de lazulite, d'une limpi- Au cours de la Cène, après avoir passé la
dité semblable au fond du ciel. Sur ces privilégiés coupe à ses disciples, Jésus déclare :
des fils d'Israël, il ne porta pas la main; ils Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la
contemplèrent Dieu, ils mangèrent et ils burent. vigne, jusqu'au jour où je le boirai, nouveau, avec
[Ex 24, 9-11.] vous dans le Royaume de mon Père [Mt 26, 29].
Le banquet lié au sacrifice trouvait place Jésus ressuscité se manifeste au cours de
sur des lieux élevés, souvent à l'extérieur des deux repas. Tout d'abord aux disciples
villes.L'endroit était aménagé et comportait, d'Emmaüs:
parfois, une salle pour abriter le repas qui
concluait le rituel sacrificiel (1 S 9, 11-14). Quand il se fut mis à table avec eux, il prit le
pain, prononça la bénédiction, le rompit et le
En Isaïe, c'est Dieu lui-même qui donne
leur donna. Alors leurs yeux furent ouverts et ils
un festin joyeux « pour tous les peuples». le reconnurent. Puis il leur devint invisible. Et ils
On note ici la disparition de la mort et des se dirent l\m à l'autre : « Notre cœur ne brû-
larmes que mentionneront Paul (1 Co lait-il pas en nous, tandis qu'il nous parlait en
15, 54) et !'Apocalypse (Ap 21, 4). chemin et nous ouvrait les Écritures. »
[Le 24, 30-32.l
Le SEIGNEUR, le Tout-Puissant, va donner sur
cette montagne Lors de l'apparition au bord du lac de
un festin pour tous les peuples, Tibériade, Jésus invite ses disciples à déjeu-
un festin de viandes grasses et de vins vieux, ner:
de viandes grasses succulentes et de vins vieux
décantés. Jésus leur dit : « Venez déjeuner. » Aucun des
Il fera disparaître sur cette montagne disciples n'osait lui poser la question : « Qui
le voile tendu sur tous les peuples, es-tu?» Ils savaient bien que c'était le Seigneur.
l'enduit plaqué sur toutes les nations. Alors Jésus vient ; il prend le pain et le leur
Il fera disparaître la mort pour toujours. donne ; il fit de même avec le poisson. Ce fut la

393
LES SYMBOLES BIBLIQUES

troisième fois que Jésus se manifesta à ses Ce repas privé conduit au festin des
disciples depuis qu'il s'était relevé d'entre· les somptueuses noces de l'-¼;neau.
morts. [Jn 21, 12-14.]
Le Seigneur notre Dieu Tout-Puissant a mani-
Jésus a dit : « Frappez et l'on vous ou- festé son Règne.
vrira» (Mt 7, 7). Il parlait alors de la prière. Réjouissons-nous, soyons dans l'allégresse et
À l'inverse, le Christ frappe à la porte rendons-lui gloire,
de l'Église de Laodicée pour prendre son car voici les noces de l' Agneau.
repas avec ceux qui écoutent la voix de Son épouse s'est préparée,
Dieu.
il lui a été donné de se vêtir d'un lin resplendis-
sant et pur,
Voici, je me tiens à la porte et je frappe. car le lin se sont les œuvrcs justes des saints.
Si quclqu'~ entend ma voix et ouvre la porte, Un Ange me dit : Écris l
j'entrerai chez lui et je dînerai avec lui, et lui avec Heureux ceux qui sont invités au festin des
moi. [Ap 3, 20.] noces de !'Agneau! [Ap 19, 6-9.]
394
LA TENTE, L'ARCHE D'ALLIANCE,
LES PREMIERS SANCTUAIRES
La tente et la hutte, Je suis noire mais jolie, filles de Jérusalem,
La tente, abri et symbole d'intériorité. comme les tentes en poil sombre,
La tente, sanctuaire du désert. comme des tentures dignes de Salomon.
La hutte et la fête de Soukkôt. [Ct 1, 5].

Du désert aux premiers sanctuaires. Bien qu'il change de place, le simple


L'arche de l'Alliance. bédouin est un « homme d'intérieur» qui
Le chemin de l'arche. demeure volontiers assis dans sa tente, sur-
Guilgal, porte de la terre promise. tout s'il possède des bergers pour prendre
Le gué, un passage spirituel. soin du troupeau. Le chasseur, par contre,
Grandeur et décadence de Silo. est l'homme des grands espaces et son
habileté à manier les armes fait naturelle-
ment de lui un guerrier. Les fils d'Isaac
accusent cette différence. « Les garçons
LA TENTE ET LA HUTTE grandirent: Ésaü devint un habile chasseur,
courant la steppe, Jacob était un homme
tranquille, demeurant sous les tentes »
La tente, abri et symbole d'intériorité. (Gn 25, 27).
La tente est un lieu intime qui recèle bien
La tente est l'abri du nomade. Au temps des secrets, à commencer par ceux de la vie
des patriarches, on peut lire dans la liste des amoureuse. « Isaac introduisit Rébecca dans
ascendants de Caïn : « Ada enfanta Y abal : sa tente : il la prit et elle devint sa femme et
il fut l'ancêtre de tous ceux qui vivent sous il l'aima» (Gn 24, 67).
la tente et ont des troupeaux» (Gn 4, 20). La tente est un lieu de refuge quand vient
La tente avait souvent pour toit une étoffe l'heure de la défaite. « Les Philistins livrè-
tissée en poils de chèvre d'une teinte brun rent bataille, les Israélites furent battus et
sombre, proche du noir. La belle du Canti- chacun s'enfuit à ses tentes» (1 S 4, 10).
que des cantiques n'hésite pas à comparer Mais ce refuge est précaire : pour Sisera,
son teint à la couleur des formes sombres qui ce fut un piège (Jg 4, 17-22). Quant à Joab,
parsèment le désert : réfugié dans la tente-sanctuaire du Seigneur,

397
LES SYMBOLES BIBLIQUES

il ne put échapper à la vindicte de Salomon Pousse des acclamations,


(1 R 2, 28-34). toi, stérile, qui n'enfantais plus,
La tente participe à l'esprit de celui qui explose en acclamations et vibre,
l'habite. Dans les textes suivants, le mot toi qui ne mettais plus au monde ;
tente semble prendre le sens plus général car voici en foule les fils de la désolée,
plus nombreux que les fils de l'épousée, dit le
d'habitation.
SEIGNEUR.
Plutôt rester au seuil de la maison de mon Dieu Élargis l'espace de ta tente,
que de loger sous la tente des infidèles. ne lésine pas sur la toile de tes demeures,
[Ps 84, 11.] rallonge les cordages, renforce les piquets,
car à ta droite et à ta gauche tu vas déborder,
La maison des méchants sera détruite, ta descendance héritera des nations
tandis que la tente des hommes droits sera qui peupleront les villes désolées. Us 54, 1-3 .]
florissante. [Pr 14, 11.]
Les tentes des méchants ne seront plus. Osée entrevoit la réconciliation de Dieu
(jb 8, 22.l avec son peuple infidèle. Il imagine ce temps
de la paix retrouvée, comme un retour à
A jamais ils disparaissent car nul ne les ramène, l'âge d'or d'Israël, quand le peuple campait
leur piquet de tente est arraché dans le désert et quand Dieu lui-même
et ils meurent dénués de sagesse. Ob 4, 20-21.] manifestait sa présence en un sanctuaire qui
Le roi Ezéchias, malade, mesure la fragi- n'était qu'une tente.
lité de son corps : Moi, je suis le SEIGNEUR ton Dieu,
Je disais: au midi de mes jours, je m'en vais. [,,.] depuis le pays d'Égypte
Ma demeure est arrachée, jetée loin de moi, je te ferai encore habiter sous les tentes
comme une tente de berger. [Is 38, 10 et 12.] comme au jour du Rendez-vous. [Os 12, 10.]

La mort rend impure la tente du défunt ; La poésie des Psaumes prête une tente à
il faut entendre par là l'abri lui-même, ceux Dieu, et le créateur lui-même abrite ses
qui demeurent ou entrent sous son toit et créatures.
« tout récipient ouvert qui n'a pas été fermé Là-bas, Dieu a dressé une tente pour le soleil :
par un couvercle ou par un lien » (Nb 19, c'est un jeune époux sortant de sa chambre,
14-15). Quant à l'homme chargé de k puri- un champion tout joyeux de prendre sa course.
fication de la tente, « il fera l'aspersion sur [Ps 19, 5-6.]
la tente, sur tous les vases et sur toutes les
personnes qui s'y trouvent» (Nb 19, 18). La tente décrite dans le psaume suivant
Le prophète Isaïe utilise le symbole de la est plutôt un velum, un toit de toile, qui
tente pour annoncer le retour et le salut protège de l'ardeur solaire.
d'Israël. Le peuple de Dieu, étriqué et stéri- SEIGNEUR mon Dieu, tu es si grand !
lisé par la captivité, va être élargi de sa Vêtu de splendeur et d'éclat,
prison. Il va alors se dilater, s'arrondir drapé de lumière comme un manteau,
comme une femme enceinte : la tente d'Is- tu déploies les cieux comme une tente.
raël devra donc s'agrandir. [Ps 104, 1-2.]

398
LA TENTE, L'ARCHE D'ALLIANCE, LES PREMIERS SANCTUAIRES

La tente du nomade, abri et lieu du secret, par-dessus l'autre notre habitation céleste, si
de l'intimité, peut devenir le symbole de la toutefois nous devons être trouvés vêtus, et non
rencontre entre Dieu et l'homme. pas nus. Oui, nous qui sommes dans cette tente,
nous gémissons accablés ; nous ne voudrions pas
SEIGNEUR, qui sera reçu dans ta tente ? en effet nous dévêtir, mais nous revêtir par-
[Ps 15, l.] dessus, afin que ce qui est mortel soit englouti
par la vie. [2 Co 5, 1-4.]
Je voudrais être reçu sous ta tente
pour des siècles Jean, dans le prologue de son évangile,
et m'y réfugier, caché sous tes ailes. déclare :
[Ps 61, 5.J
Le Verbe s'est fait chair.
Il me cache au secret de sa tente. [.. .]
Il a dressé sa tente parmi nous
Dans sa tente, je peux offrir
et nous avons vu sa gloire,
des sacrifices avec l'ovation gloire qu'il tient du Père comme Fils unique,
et chanter un psaume pour le SEIGNEUR. [Ps 27, plein de grâce et de vérité. Un 1, 14.l
5-6,]
Le livre de la Sagesse voit dans le corps « Il a dressé sa tente» : le choix de cette
une enveloppe chamelle qui est un fardeau expression fait sans doute allusion au T em-
pour l'esprit. La tente fournit ici une image ple de Jérusalem qui prit la succession de la
Tente-sanctuaire du désert, lieu de la mani-
insolite.
festation de la gloire (Ex 40, 34-35).
Les pensées des mortels sont !imides Jésus assimilera son corps au Temple défi-
et instables nos réflexions ; - nitif (Jn 2, 19; Mt 26, 61). Voir p. 424,
un corps corruptible, en effet, -appesantit l'âme, «Jésus et le Temple».
et cette tente d'argile alourdit l'esprit aux multi-
ples soucis. [Sg 9, 14-15.]
Paul, qui fabriquait des tentes (Ac 18, 3 ), La Tente, sanctuaire du désert.
assure que nous portons dans des vases
d'argile - nos corps - les trésors de la La tente est un abri, un lieu de vie privée,
révélation divine (2 Co 4, 7). Dans la même mais c 1est aussi sous la tente qu'on se ren-
épître, l'apôtre mêle deux images : la de- contre pour discuter. C'est le lieu où l'on
meure - qui n'est qu'une tente - et le raconte les choses d'autrefois. En ce qui
vêtement. C'est le matériau textile de la tente concerne Israël, les tentes des particuliers
qui lui permet cette association avec un ont pu être les lieux où l'on répétait l'histoire
habit de tissu. des patriarches, des histoires de Dieu, du
Dieu d'Abraham.
Nous savons en effet que si cette tente - notre
maison terrestre - vient à être détruite, nous
Ce que l'hébreu nomme 'ohel ma'èd est
avons un édifice qui est l' œuvre de Dieu, une une tente séparée, sacrée. C'est la Tente de
maison éternelle qui n'est pas faite de main Réunion, de la Rencontre ou du Rendez-
d'homme, dans les cieux. Aussi gémissons-nous vous. C'est le point de contact avec Dieu,
dans cet état, ardemment désireux de revêtir contact intime dans le cas de Moïse.

399
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Chaque fois que Moïse entrait dans la Tente, la en ce lieu qui sera consacré par ma gloire.
colonne de nuée descendait, se tenait à l'entrée Je consacrerai la Tente de la Rencontre et
de la Tente et Il parlait avec Moïse. [... ] Le l'autel» (Ex 29, 43-44).
SEIGNEUR parlait à Moïse, face à face, comme on La ttadition d'Israël a bien perçu le carac-
se parle d'homme à homme. Puis Moïse revenait
tère unique du prophétisme de Moïse. « Il
vers le camp tandis que son auxiliaire, le jeune
Josué, fils de Noun, ne quittait pas l'intérieur de
ne s'est plus levé en Israël de prophète pareil
la Tente. [Ex 33, 9 et 11.] à Moïse, lui que le SEIGNEUR connaissait face
à face» (Dt 34, 10). ·
Ce contact est unique en son genre. Ce « bouche à bouche » de Dieu avec
Miryam, la prophétesse, en est jalouse et Moïse fait de la Tente un lieu de silence.
cherche à influencer Aaron: Dieu leur parle Dieu se cache et cache son disciple dans le
à eux aussi bien qu'à Moïse. Dieu va tran- secret de sa Tente (Ps 61, 5).
cher la question. La tente tissée et arrimée dans le désert
demeurera à jamais le symbole de l'espace
Moïse était un homme très humble, plus qu'au-
intérieur du cœur contemplatif. De Moïse
cun homme sur terre. Soudain, le SEIGNEUR dit
à Moïse, Aaron et Miryam : « Allez tous les trois
aux plus grands mystiques, et pour tou-
à la Tente de la Rencontre.» Ils y allèrent tous jours, la Tente garde le secret de la Parole
les trois. Le SEIGNEUR descendit dans une co- intime.
lonne de nuée et se tint à l'entrée de la Tente; Si la Tente est le lieu des oracles de Dieu,
il appela Aaron et Miryam èt tous deux s'avan- elle est aussi sa demeure. Le terme hébreu
cèrent. Il dit : .« Écoutez donc mes paroles : S'il michkan, qui signifie demeure, s'appliquait
y a panni vous un prophète, c'est par une vision originellement à la tente. Un texte très an-
que je me fais connaître à lui, c'est dans un cien, celui d'un oracle de Balaam, met en
songe que je lui parle. Il n'en va pas de même parallèle les deux termes.
pour mon serviteur Moïse, lui qui est mon
homme de confiance pour toute ma maison : je Qu'elles sont belles tes tentes, Jacob!
lui parle de vive voix - en me faisant voir -
tes demeures, Israël! [Nb 24, 5,]
et non en langage caché ; il voit la forme du
SEIGNEUR. Comment osez-vous critiquer mon
serviteur Moïse?» [Nb 12, 3-8.] Dieu manifeste sa présence dans cette
demeure, en y faisant peser le poids de sa
La Tente est donc le lieu de l'oracle, de gloire. Signalée par la nuée, la gloire se tient
la parole immédiate, celle qui n'est pas au-dessus de la demeure (Nb 14, 10), et elle
relayée par le psychisme humain. C'est peut aussi dominer la communauté tout
aussi le lieu de la parole claire et non pas entière (Nb 16, 19). Cette manifestation est
énigmatique ou allusive. Le texte insiste liée au dialogue de Dieu avec Moïse. Une
sur l'humilité de Moïse. Cette qualité n'est certaine imprécision de langage entre le
pas que modestie : . elle est transparence signe et ce qui est signifié fait dire au livre
parfaite à la Parole divine. Ce lien intime de !'Exode : « Quand Moïse était entré sous
entre Moïse et son Seigneur se prolonge la Tente, la colonne de nuée descendait, se
dans l'union étroite du peuple avec son tenait à l'entrée de la Tente et parlait avec
prophète. «Je rencontrerai les fils d'Israël Moïse» (Ex 33, 9).

400
LA 1EN1E, L'ARCHE D'ALLIANCE, LES PREMIERS SANCTIJAIRES

Cependant, Dieu peut se retirer sur un La hutte et la fête de « Soukkôt ».


coup de colère (Nb 12, 9).
Selon la tradition des prêtres, la présence La hutte n'est pas la tente. Elle est un
divine dans la Tente de la Rencontre semble simple abri et non pas une demeure. Elle
se confirmer et se stabiliser. Les objets du évoque donc l'idée de la précarité et, pour
culte sont le signe de cette permanence. cette raison, se réfère aussi à la Providence
qui guide l'homme sur son chemin et le
Tu placeras le propitiatoire au-dessus de l'arche
pourvoit du nécessaire pour continuer sa
et, dans l'arche, tu placeras la charte que je te
donnerai. Là, je te rencontrerai et, du haut du
marche. La hutte est ainsi devenue, symbo~
propitiatoire, d'entre les deu_x chérubins situés liquement, une référence à !'Exode.
sur l'arche de la charte, je te dirai tous les ordres La hutte doit son importance à la fête des
que j'ai à te donner pour les fùs d'Israël. huttes, Soukkôt. Il existait, à l'origine, une
[Ex 25, 21-22.] fête dite « de la Récolte», célébrée « au
sortir de l'année» (Ex 23, 16). La récolte
La table d'offrande portera toujours les célébrée était alors celle de l'automne.
« pains de la face » qui sont les pains per- Le livre du Lévitique nomme Soukkôt,
sonnels de Dieu. « Tu placeras perpétuelle- fête des Huttes ou des cabanes, une célé-
ment du "pain de la face" sur la table devant bration semblable qui prend cependant un
moi.» (Ex 25, 30). sens nouveau. Le nom vient sans doute
Quant au grand chandelier, la menorah, il des cabanes de branchages que les paysans
ne doit pas s'éteindre. « Tu ordonneras aussi dressaient dans les vergers, quand les fruits
aux fùs d'Israël de te procurer pour le lumi- parvenaient à leur maturité, pour surveiller
naire de l'huile d'olive limpide et vierge afin leurs récoltes. On portait ensuite vers le
qu'une lampe soit allumée à perpétuité dans Temple, en manière de pèlerinage, les
la Tente de la Rencontre» (Ex 27, 20). prémices des fruits recueillis. « Le quinze
La tradition des prêtres présente donc le de ce septième mois, c'est la Fête des
sanctuaire du désert comme un temple avant huttes, qui dure sept jours en l'honneur du
la lettre. Il y a là, sans doute, à date tardive, SEIGNEUR» (Lv 23, 34).
une révision de l'histoire ancienne du peuple L'exubérance de Soukkôt, la joie que cette
de Dieu. Quelles qu'aient pu être les vicissi- fête suscitait, en faisait une célébration col-
tudes de la rédaction de la Bible, un point lective particulièrement chère à Israël. Cette
demeure certain : d'abord visité par Dieu en fête du septième mois coïncidait avec la fin
des manifestations exceptionnelles, Israël a de la saison sèche. La procession qui bran-
senti monter en lui le besoin d'une présence dissait des branches vertes élevait vers le ciel
permanente du Seigneur. Al' appel de Dieu une instante prière : l'appel du retour de la
a correspondu la profonde expérience d'une pluie.
proximité, source d'amour et de fidélité. La
tradition juive nommera cette présence Le quinze du septième mois, après avoir ré-
shekkinah. L'évolution de la Tente de la colté les produits de la terre, vous irez en
Rencontre est le symbole de ce progrès pèlerinage fêter le SEIGNEUR pendant sept
spirituel. jours; le premier jour sera jour de repos, le

401
LES SYMBOLES BIBLIQUES

huitième jour sera jour de repos ; le premier DU DÉSERT


jour, vous vous munirez de beaux fruits, de AUX PREMIERS SANCTUAIRES
feuilles de palmiers, de rameaux d'arbres touf-
fus ou de saules des torrents, et vous serez
dans la joie pendant sept jours devant le SEI- L'arche de l'Alliance.
GNEUR votre Dieu. [Lv 23, 39-40.]
Elle est d'abord appelée l'arche du Té-
Les huttes des gardiens champêtres vont moigriage. Ce Témoignage est aussi la« Loi
devenir d'éphémères constructions rituelles. solennelle » matérialisée par les deux tables
De simple célébration agraire, la fête devient de la Loi, remises par Dieu à Moïse (Ex 31,
alors le mémorial de !'Exode : 18) et déposées dans un coffre qui est à la
fois un reliquaire et une sorte de palanquin
Vous habiteiez dans des huttes pendant sept
(Ex 25, 13-16). La Tente qui abrite cet objet
jours; tout indigène en Israël doit habiter dans
sacré est nommée« Tente du Témoignage».
une hutte pour que,- d'âge en âge, vous sachiez
que f ai fait habiter dans des huttes les enfants La sainteté de l'arche tient à ce que le
d'Israël lorsque je les ai fait sortir _du pays Seigneur en est devenu le propriétaire. Selon
d'Égypte; c'est moi le SEIGNEUR, votre Dieu. les règles juridiques d'alors « prononcer le
[Lv 23, 42-43.] nom » d'une chose revenait à en prendre
possession.
La fête, dit-on, ramène le peuple« en ce
David se mit en route et partit, lui et tout le
temps-là ». Ce temps n'est pas historique
peuple qui était avec lui, de Baalé-Yehouda pour
puisqu'on peut y retourner, non seulement en faire monter l'arche de Dieu sur laquelle a été
par le souvenir mais par un engagement de prononcé un nom, le Nom du SEIGNEUR le
tout l'être. « En ce temps-là » est, pour Tout-Puissant, siégeant sur les chérubins.»
Israël, le temps du désert, de la naissance et [2 S 6, 2.]
de l'éducation du peuple élu. C'est le temps
d'un douloureux apprentissage de la fidélité L'arche (de arca, coffre) était faite de
à l'amour divin. deux parties distinctes. La première est la
Soukkôt est le retour« en ce temps-là» et caisse du coffre : le texte de !'Exode qui la
ce retour est une renaissance. décrit insiste sur le système qui permet son
C'est avec joie que le peuple d'Israël, au portage. Cette mobilité de l'arche est un
retour de sa captivité, .retrouva la Fête des élément essentiel de son symbolisme : Dieu
huttes (Esd 3, 4; Ne 8, 14-18). accompagne Israël- et sort avec ses armées.
Le symbolisme de la hutte renvoie donc Tu feras en bois d'acacia une arche longue de
au monde du sédentaire et à celui du no- deux coudées et demie, large l'une coudée et
made, à la cabane du paysan qui veille sur sa demie et haute d'une coudée et demie. Tu la
récolte et à la hutte hâtivement construite plaqueras d'or pur, au-dedans et au-dehors, et tu
dans le désert par l'homme en exode. Le feras sur elle une moulure d'or, tout autour. Tu
génie d'Israël a pu superposer ces deux fondras pour elle quatre anneaux d'or et tu les
plans de signification au cœur d'une même mettras à ses quatre pieds : deux anneaux d'un
fête. côté et deux anneaux de l'autre. Tu feras aussi

402
LA TENTE, L'ARCHE D'ALLIANCE, LES PREMIERS SANCTUAIRES

des barres en bois d'acacia; tu les plaqueras d'or, Le SEIGNEUR dit à Moïse : Parle à Aaron ton
et tu engageras dans les anneaux fixés sur les frère; qu'il n'entre pas à n'importe quel moment
côtés de l'arche les barres qui serviront à la dans le sanctuaire derrière le rideau, en face du
porter. Les barres resteront dans les anneaux de propitiatoire qui se trouve sur l'arche. Il pourrait
l'arche et n'en seront pas ôtées. Tu mettras dans mourir, car j'apparais au-dessus du propitiatoire
l'arche le Témoignage que je te donnerai. dans une nuée. [Lv 16, 2.]
[Ex 25, 10-16.]
Passer au-delà du voile était un acte re-
La deuxième partie del' arche, le « propi- doutable, qui supposait un ensemble de
tiatoire» est plus qu'un simple couvercle. précautions liturgiques. De nombreux sacri-
C'est le « reposoir» de la présence divine. fices fournissaient le sang de l'aspersion sur
Les chérubins ont pour but de présenter un le propitiatoire et devant lui (Lv 16, 14-15).
espace vide, en lequel se trouve le Seigneur Le Jour du Grand Pardon devint ainsi le
que nulle image ne peut représenter. seul jour où le grand prêtre, franchissant le
voile, faisait face au propitiatoire, pour en-
Tu feras aussi un propitiatoire d'or pur, de deux
coudées et demie de long et d'une coudée et trer en présence du Seigneur et obtenir
demie de large. Tu feras deux chérubins d'or l'absolution générale des fautes de son peu-
repoussé, tu les feras aux deux extrémités du ple (Si 50, 5).
propitiatoire. Fais l'un des chérubins à une L'épître aux Hébreux, qui nomme« ten-
extrémité et l'autre chérubin à l'autre extrémité ; tes » les diverses parties du sanctuaire du
tu feras les chérubins faisant corps avec le Temple de Jérusalem, décrit ainsi cette cé-
propitiatoire, à ses deux extrémités. Ces chéru- rémonie.
bins auront les ailes déployées vers le haut et
protègeront le propitiatoire de leurs ailes en se Tout étant ainsi disposé, les prêtres entrent en
faisant face. Les faces des chérubins seront tour- tout temps dans la première tente pour s'acquit-
nées vers le propitiatoire. Tu mettras le propitia- ter du service cultuel. Dans la seconde, au
toire sur le dessus de l'arche, et tu mettras dans contraire, seul le grand prêtre pénètre, et une
l'arche le Témoignage que je te donnerai. C'est seule fois par an, non sans s'être muni de sang
là que je te rencontrerai. C'est du haut du qu'il offre pour ses manquements et ceux du
propitiatoire, entre les deux chérubins qui sont peuple. [He 9, 6-7.]
sur l'arche du Témoignage, que je te donnerai
mes ordres pour les Israélites. [Ex 25, 17-22.] L'arche, en tant que lieu des manifesta-
tions de la présence divine, rejoint deux
Le propitiatoire, en hébreu kepporeth, est autres symboles de cette même présence : le
bien un couvercle (kapar signifie couvrir) ; marchepied et le trône.
mais le Jour des Expiations se dit Yôm
L'armée envoya des gens à Silo. Ils en rapportè-
hakkippurim et, de nos jours, Yôm Kippour. rent l'arche de l'Alliance du SEIGNEUR, le Tout-
Ce que l'on couvre disparaît à fa vue, se Puissant, siégeant sur les chérubins [1 S 4, 4].
trouve effacé. Le Jour des Expiations est
bien le jour où le Seigneur efface les péchés Le symbole du marchepied indique le
de son peuple. contact de Dieu avec le monde qu'il a créé,
Le Lévitique décrit le Jour du Grand comme le trône représente sa majesté
Pardon. Il commence par un ordre de Dieu. toute-puissante. L'arche apparaît comme le

403
LES SYMBOLES BIBLIQUES

lieu privilégié de ce contact. Quand David deur guerrière, quand les armées d'Israël
révèle son projet de construire un Temple livrent les combats voulus par Dieu. Les
pour le Seigneur, il dit : initiatives hasardeuses, quand elles naissent
dans des cœurs rebelles, sont vouées à
Écoutez-moi, mes frères et mon peuple. J'ai
désiré, moi, édifier une demeure stable pour l'échec. Le Seigneur ne soutient pas de tels
l'arche de l'Alliance du SEIGNEUR, pour le mar- combats.
chepied de notre Dieu [1 Ch 28, 2). Moïse dit:« Pourquoi transgressez-vous l'ordre
Le psaume, sans doute, fait aussi allusion du SEIGNEUR? Cela ne vous réuSsira pas. Ne
à l'arche : montez point, car le SEIGNEUR n'est pas au milieu
de vous. » [. ..] Ils montèrent pourtant, dans leur
Le SEIGNEUR règne, les peuples tremblent; présomption, au sommet de la montagne. Ni
il siège sur les chérubins, la terre chancelle. l'arche de l'Alliance du SEIGNEUR, ni Moïse ne
Dans Sion, le SEIGNEUR est grand. [... ] quittèrent le camp. Les Amalécites et les Cana-
Exaltez le SEIGNEUR notre Dieu, néens qui habitaient cette montagne descendi-
prosternez-vous vers son marchepied ! rent, les battirent et les taillèrent en pièces jus-
Lui, il est saint ! qu'à Honna. [Nb 14, 41-42 et 44-45.]
[Ps 99, 1 et 5; voir aussi Ps 132, 7.]
Au cours des guerres saintes en terre de
Canaan, l'arche apparaît comme un objet
Le chemin de l'arche. chargé d'un potentiel énergétique dange-
reux. Les ·Philistins découvrent, à leurs
dépens, les effets de cette puissance (1 S 5).
Le livre des Nombres montre l'arche qui
précède la troupe des Israélites au départ du
Il en est de même des gens de Bet-Shémesh
(1 S 6, 13-19).
Sinaï. On lui attribue même le rôle d'un
Les Lévites n'avaient pas le droit de tou-
éclaireur.
cher l'arche : un de ceux qui la conduisaient
Ils partirent de la montagne du_ SEIGNEUR pour à Jérusalem périt pour avoir tenté de la
une marche de trois jours. L'arche de l'Alliance retenir dans un cahot, lors de son transfert.
du SEIGNEUR était partie devant eux pour cette
marche de trois jours, afin de reconnaître l'en- Ouzza fit un geste en direction de l'arche de
droit où ils pourraient camper. La nuée du Dieu et il la saisit, car les bœufs allaient la
SEIGNEUR. les couvrait pendant le jour, au mo- renverser. La colère du SEIGNEUR s'enflamma
ment où ils quittaient le campement. contre Ouzza et Dieu le frappa là pour cette
Quand l'arche partait, Moïse disait: « Lève-toi, insolence. Il mourut là, près de l'arche de Dieu.
SEIGNEUR ! Tes ennemis se disperseront, tes David fut bouleversé parce que le SEIGNEUR avait
adversaires s'enfuiront devant toi!» Et quand ouVert une brèche en se ruant sur Ouzza. Au-
elle faisait halte, il disait:« Reviens SEIGNEUR! ... jourd'hui encore, l'endroit s'appelle la Brèche de
Innombrables sont les milliers d'Israël ! » Ouzza. [2 S 6, 6-8.J
[Nb 10, 33-36.J
L'itinéraire del' arche est repérable. Après
A la différence de la nuée, l'arche est au Guilgal (Jas 4, 10), Jéricho (Jas 6), Ai (Jas
cœur du peuple, comme son bouclier, mais 7, 6), puis l'Ebal (Jas 8, 33), elle se retrouve
aussi comme une source de courage et d' ar- à Béthel (Jg 20, 27). L'arche réside à Silo

404
LA TENTE, L'ARCHE D'ALLIANCE, LES PREMIERS SANCTUAIRES

pendant la jeunesse de Samuel (1 S 3, 3). qu'il nomme la « Maison». Cette demeure


Capturée par les Philistins, elle est rendue remplace le propitiatoire del' arche disparue.
aux Israélites et se retrouve à Bet-Shemesh
avant d'être déposée à Qiryat Yearim. De là, On me dit:« Fils d'homme, c'est l'emplacement
de mon trône et la place de mes pieds ; c'est là
David la conduira à Jérusalem et l'abrite
que j'habiterai, au milieu des fils d'Israël, pour
sous une tente (2 S 6). Salomon réservera la
toujours» [Ez 43, 7].
partie la plus sainte de son Temple pour y
abriter l'arche (1 R 6, 19; 8, 1-9).
Dans la première partie de cet itinéraire,
deux moments sont importants : le passage Guilgal, porte de la Terre promise.
vers Guilgal et la station à Silo.
La tourmente des invasions fera disparaî- La traversée du Jourdain sous la protec-
tre l'arche à l'heure du pillage du Temple. tion de l'arche de l'Alliance et l'arrivée à
A-t-elle été enlevée par le Pharaon Sheshonq Guilgal constituent un épisode très riche en
(vers 910 av. J.-C.) ? Par le roi d'Israël signification. Le passage de ce fleuve, tel que
Joas (vers 780 av. J.-C.)? Ou encore par le raconte le livre de Josué, est un miracle,
Nabuchodonosor qui prit Jérusalem en 587 annoncé par Dieu lui-même et rituellement
av. J.-C. ? préparé. «Josué dit au peuple: "Sanctifiez-
Plus tard, Jérémie constatera que l'arche vous, car demain le SEIGNEUR fera des
s'est effacée dans la mémoire d'Israël. Jéru- merveilles au milieu de vous''» (Jos 3, 5).
salem restaurée prendra sa place et devien-
Dieu parle à Josué :
dra le trône de Dieu.
En ce temps-là, quand vous aurez abondamment Aujourd'hui, je vais commencer à te grandir aux
proliféré dans le pays - oracle du SEIGNEUR -, yeux de tout Israël pour qu'on sache que je serai
on ne dira plus : « Arche de l'Alliance du SEI- avec toi comme j'étais avec Moïse. Et toi, tu
GNEUR ! » Elle ne viendra à la pensée de per- donneras cet ordre aux prêtres qui portent l'ar-
sonne ; on ne l'évoquera plus, on ne remarquera che de l'Alliance : « Lorsque vous arriverez au
pas son absence ; elle ne sera plus refaite. À ce bord des eaux du Jourdain, vous vous arrêterez
moment-là, on appellera Jérusalem « Trône du dans le Jourdain.» Uos 3, 5 et 7-8.]
SEIGNEUR » ; toutes les nations conflueront vers
elle à cause du Nom du SEIGNEUR donné à Dès que les pieds des porteurs de l'arche
Jérusalem ; elles ne persisteront pas dans leur entrent en contact avec l'eau, les eaux en
entêtement exécrable. Ur 3, 16-17.] amont se retrouvent « dressées en une seule
masse», le fleuve se vide en aval : la route
Isaïe rappelait que la présence de Dieu
de la Terre promise est ouverte.
n'est pas réservée aux consacrés :
Ainsi parle le SEIGNEUR : Les prêtres qui portaient l'arche de l'Alliance du
Le ciel est mon trône SEIGNEUR s'arrêtèrent sur la terre sèche au milieu
et la terre l'escabeau de mes pieds. [Is 66, l.] du Jourdain, immobiles, tandis que tout Israël
traversait à pied sec jusqu'à ce que toute la
Ézéchiel perçoit, en Wle vision, le retour nation eût achevé de traverser le Jourdain.
de la gloire de Dieu dans le Temple nouveau Uos 3, 17.]

405
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Pour célébrer la gloire de Dieu « faiseur À Guilgal, !'Exode prend fin. La première
de gués », un second récit décrit la construc- Pâque en terre de Canaan est célébrée, et le
tion d'un mémorial de la traversée. Douze peuple, nourri des produits du pays, voit
pierres sOnt prélevées à l'endroit même où cesser le temps de la manne qui le sustenta
reposaient les pieds des porteurs de l'arche, aux jours du désert (Jos 5, 10-12).
au milieu du lit asséché. Douze hommes, C'est à Guilgal que les fils d'Israël sont
représentant les douze tribus d'Israël, se circoncis Gos5 ,2-9). C'est face àce sanctuaire
chargent de ces morceaux de rocher. Après que se conclut « par le SEIGNEUR, Dieu d'Is-
le grand passage, quand l'arche a rejoint la raël», l'alliance avec les Gabaonites.
berge, le peuple se dirige vers Guilgal. Les C'est à Guilgal que Saül sera proclamé roi
douze pierres dressées au milieu du Jourdain « devantle SEIGNEUR» (1 S 11, 15). C'est en
sont ramenées à Guilgal. En souvenir du ce lieu que Samuel proclamera sa destitution
geste de Moïse Œx 24, 4), Josué fait ériger (1 S 13, 7-15). C'est là aussi que David sera
en rond ces pierres, en un lieu qui avait accueilli par la tribu de Juda et que Juda et
accueilli un sanctuaire païen. Guilgal veut Israël se disputeront le roi (2 S 19, 41-44).
dire « cercle sacré de pierres ».
Quant à ces douze pierres qu'ils avaient prises Le gué, un passage spirituel.
du Jourdain, Josué les fit dresser à Guilgal. Puis
il dit aux fils d'Israël : « Lorsque demain vos fils Les rivières jouent souvent un rôle de fron-
demanderont à leurs pères : "Que signifient ces
pierres ? ", vous le ferez savoir à vos fils en
tière. Dans l'ancienne Palestine, outre le
disant: "Israël a passé ici le Jourdain à sec".» Jourdain, son affluentle Yahhoq etl'Arnôn,
Uos 4, 20-22.] qui se jette directement dans la mer Morte,
ont établi de telles démarcations territoriales.
C'est sans doute à Guilgal qu'il faut placer Les gués étaient des lieux de passage, mais
la manifestation du chef de l'armée du aussi des positions stratégiques, des points
Seigneur. Cette apparition ressemble aux de contestation et de bataille. Ainsi parle le
théophanies qui marquent la fondation d'un roi d' Ammon : « C'est parce qu'Israël, lors-
sanctuaire. qu'il montait d'Égypte, a pris mon pays
depuis l'Arnôn jusqu'au Y abboq et jusqu'au
Or, tandis que Josué était près de Jéricho, il leva Jourdain. Maintenant donc, rends-le pacifi-
les yeux et regarda : voici qu'un homme se tenait quement» (Jg 11, 13).
en face de lui, son épée dégainée à la main.Josué C'est au prix du sacrifice de sa fille que
alla vers lui et lui dit ; « Es-tu pour nous ou pour
Jephté de Galaad trouvera la force nécessaire
nos adversaires?» - « Non, dit-il, mais je suis
pour passer la frontière des Ammonites et
r
le chef de armée du SEIGNEUR. Maintenant, je
pour les vaincre (Jg 11, 29-40). Au cours de
viens.» Alors Josué se jeta face contre terre, se
prosterna et lui dit : « Que dit mon seigneur à sa guerre contre les gens d'Éphraïm, il
son serviteur ? » Le chef del' armée du SEIGNEUR passera les gués du Jourdain pour mener sa
dit à Josué : « Retire tes sandales de tes pieds, campague victorieuse (Jg 12, 5).
car le lieu où tu te tiens est saint. » Ainsi fit Par delà sa signification géographique ou
Josué. Uos 5, 13-15.] politique, le passage du gué peut revêtir une

406
LA TENTE, L'ARCHE D'ALLIANCE, LES PREMIERS SANCTUAIRES

valeur spirituelle profonde. Tel est l'épisode « car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face et j'ai eu la
du passage du Jourdain qui conduit le peu- vie sauve.» [Gn 32, 23-31.]
ple de Dieu vers Guilgal. La tradition mystique accorde de nom-
Il faut aussi se rappeler le passage du breuses significations à ce récit. Pris à la
Y abboq par Jacob. Ce moment de l'histoire lettre, le texte biblique possède un sens
patriarcale est particulièrement mystérieux. évident : il décrit une initiation qui com-
Sur le chemin qui le ramène vers son pays, mence par la libération de la peur. Il dépasse
Jacob entend toujours la voix de Dieu qui lui sa crainte, celui qui répond courageusement
a dit : « Retourne au pays de tes pères et de à une agression. Cette lutte au bord du gué
ta famille : je serai avec toi » (Gn 31, 3). met un terme à l'errance dans le pays de la
Telle est la façon du Seigneur sans pareil peur. C'est dans une autre terre que Jacob
d'être avec son peuple, d'être présent dans a pris pied, la terre de la confiance. Il s'est
son cheminement. «Jacob allait son chemin heurté à Dieu, mais de ce cboc jaillit une
quand des anges de Dieu survinrent. Dès étincelle une illumination. Le Seigneur
qu'il les vit, il s'écria : "C'est un camp de « présen~ dans les camps » est devenu celui
Dieu" et il appela ce lieu Mahanaïm [camp qui dévoile sa face. Il montre son visage à
du Dieu présent].» (Gn 32, 2-3). celui qui a su faire face.
Jacob est mort de peur. Il redoute de Josué, qui a formé un cercle de douze
rencontrer son frère Ésaü. C'est de nuit qu'il pierres à Guilgal, explique ce geste par le
fait passer le gué du Yabboq à sa famille récent passage du Jourdain; mais cette« ca-
ainsi qu'à tout ce qu'il possède. Il reste seul. téchèse » remonte plus haut : il rappelle
Cette même nuit, il se leva, prit ses deux fem- aussile passage de la mer des Joncs au sortir
mes ses deux servantes, ses onze enfants et de l'Égypte.
pa,;a le gué du Yabboq. Il les prit et leur fit Le SEIGNEUR, votre Dieu, a asséché devant vous
passer le torrent, et il fit passer aussi tout ce qu'il
les eaux du Jourdain jusqu'à ce que vous ayez
possédait. passé, corrime le SEIGNEUR, Votre Dieu, l'avait
Et Jacob resta seul.
fait pour la mer des Joncs qu'il assécha devant
Et quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de nous jusqu'à- ce que nôus ayons passé, afin que
l'aurore. Voyant qu'il né le maîtrisait pas, il le
tous les peuples de la terre- sachent comme est
frappa à l'emboîture de la hanche, etJa hanch~ forte la main du SEIGNEUR, afin que vous crai-
de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lm.
gniez le SEIGNEUR, votre Dieu, tous les_ jours.
Il dit« Lâche-moi, car l'aurore est levée», mais
Jacob répondit : «Je ne te lâcherai pas que tu ne
Uos 4, 23-24.l
m'aies béni. » Il lui demanda : « Quel est ton Le retour de captivité, conçu comme un
nom?» - «Jacob», répondit-il. Il reprit:« On nouvel Exode, fait appel aussi au symbo-
ne t'appellera plus Jacob, mais Israël, car ru as lisme du gué.
été fort contre Dieu et contre les hommes; et tu
l'as emporté.» Jacob fit cette demande : « Ré- Le SEIGNEUR domptera le golfe de la mer
vèle-moi ton nom, je te prie», mais il répondit : d'Égypte,
« Et pourquoi me demandes-ru mon nom ? » et, il agitera la main sur l'Euphrate,
là même, il le bénit. dans l'ardeur de son souffle,
Jacob donna à cet endroit le nom de Penuel, il le brisera en sept bras,

407
LES SYMBOLES BIBLIQUES

il fera qu'on le passe avec des sandales. Les hommes de la tribu de Benjamin,
Il y aura une chaussée pour le reste de son vaincus au cours d'une guerre tribale, sont
peuple. [Is 11, 15-16.] maudits : ils n'obtiendront en mariage au-
Nous sommes ici en présence d'une cune fille d'Israël pour remplacer les épouse
manière proprement biblique de traiter les massacrées au cours de la guerre. On leur
événements. Un fait historique se charge souffle cependant un conseil.
d'un sens nouveau par rapport à un sens Allez vous mettre en embuscade dans les vignes.
antérieur. La valeur sacrée d'un lieu se re- Vous guetterez et, lorsque les filles de Silo sorti-
couvre d'une autre forme de sacré. Les ront pour danser en chœurs, vous sortirez des
significations symboliques se superposent vignes, vous enlèverez pour chacun de vous une
en fonction d'une expérience religieuse nou- femme parmi les filles de Silo et vous vous en irez
velle. au pays de Benjamin. Ug 21, 20-21.]
À l'heure où Élie s'achemine vers le lieu
de son ascension, son manteau roulé suggère C'est ainsi que les Benjaminites- purent
le bâton de Moïse. Il en frappe les eaux et reconstituer leur tribu.
ouvre un gué dans le Jourdain. Élie et Élisée Au début du livre de Samuel, le sanctuaire
traversent à pied sec (2 R 2, 8). de Silo apparaît non pas comme une tente,
mais comme un bâtiment (1 S 1, 3, 7 et 9).
Ce Temple est une Maison du Seigneur (1 S
Grandeur et décadence de Silo. 1, 7 et 24), un hêkitl, c'est-à-dire« palais»
du Seigneur (1 S 3, 3), une Maison de Dieu
Silo est une ville qui se trouve à seize (fg 18, 31).
kilomètres de Béthel. C'est en ce lieu que Les jeunes danseùses, enlevées par les
Josué dressa, dit-on, la Tente-sanctuaire du Benjaminites, célébraient sans doute une
Seigneur.<< Toute la communauté des Israé- fête de pèlerinage qui, en hébreu, se dit hâg,
lites s'assembla à Silo, où l'on dressa la Tente terme qui signifie danser, tourner en rond.
du Rendez-vous» Cf os 18, 1). Trois pèlerinages étaient ainsi prévus : pour
Ainsi commence le partage du pays pour la fête des pains azymes, pour les prémices
sept tribus qui ne sont pas encore loties. de la moisson, ainsi que pour la récolte
Cette opération cadastrale est un tirage au finale.
sort en présence de Dieu. Tu me fêteras trois fois l'an. Tu observeras la
Josué donna cet ordre:« Allez, parcourez le pays fête des Azymes. Pendant sept jours tu mange-
et décrivez-le, puis venez me trouver et je jetterai ras des azymes, comme je te l'ai ordonné, au
pour vous le sort devant le SEIGNEUR- à Silo. » temps fixé du mois d'Abib, car c'est en ce
[. ..] Et c'est là que Josué partagea le pays entre mois que tu es sorti d'Égypte. On ne se
les Israélites, selon leurs parts. Uos 18, 8 et 10; présentera pas devant moi les mains vides. Tu
voir aussiJos 19, 51.] observeras la fête de la Moisson, des prémices
de tes travaux de semaille dans les champs, et
Silo est un lieu de rassemblement où l'on la fête de la Récolte, en fin d'année, quand tu
discute du problème posé par un autel sus- rentreras des champs le fruit de tes travaux.
pect (fos 22, 9-12). [Ex 23, 14-16.]

408
LA TENTE, L'ARCHE D'ALLIANCE, LES PREMIERS SANCTUAIRES

Le premier livre de Samuel commence par message va plus loin que la révélation de leur
l'évocation du pèlerinage à Silo, châtiment. Eli s'entend dire :
Il y avait un homme de Ramataïm, un Çuphite, Tous les rejetons de ta maison mourront dans la
de la montagne d'Éphraïm, qui s'appelait El- force de râge. Tu en auras pour signe ce qui
qana. [__ .] Il avait deux femmes; l'une s'appelait arrivera à tes deux fils, Hofni et Pinhas : le même
.Anne et la seconde Peninna. Peninna avait des jour, ils mourront tous les deux. Puis je me
enfants, Anne n'en avait pas. Tous les ans, cet suscitera(un prêtre sûr. Il agira selon mon cœur
homme montait de sa ville pour se prosterner et mon désir. Je lui bâtirai une maison stable. Il
devant le SEIGNEUR Sabaot et pour sacrifier à marchera toujours en présence de mon messie.
Silo. Il y avait là comme prêtres du SEIGNEUR les [1 S 2, 33-35.J
deux fils d'Éli, Hofni et Pinhas. [1 S 1, 1-3.]
Cette prophétie va se réaliser et marquer
Les deux fùs d'Éli, au début, se condui- pour longtemps le récit biblique. Au cours
saient en jeunes vauriens. À l'heure où l'on d'un combat contre les Philistins, les deux
cuisait la ·viande des sacrifices, ils s'arran- prêtres indignes sont tués. Les vainqueurs
geaient pour prendre les bons morceaux emportent l'arche de l'Alliance. À cette
dans la marmite. Ils en vinrent bientôt à ne nouvelle, Éli s'effondre et meurt. « Il était
plus respecter la règle liturgique qui consiste âgé et lourd», dit le texte (1 S 4, 18), lourd
à brûler devant le Seigneur les parties grasses de la graisse dérobée à Dieu.
de la victime, supposées contenir, un peu Le premier livre des Rois nous révèle un
comme le sang, les principes de la vie qui retentissement spectaculaire de la malédic-
appartiennent au Seigneur. C'était là une tion tombée sur la lignée des prêtres issus
faute grave. d'Éli. Abiatar a tenté d'opposer à Salomon
Si celui qui offrait le sacrifice disait : « Qu'on un prétendant au trône. Le décret de ban-
fasse d'abord brûler la graisse et ensuite prends nissement du prêtre félon est petçu par le
tout ce que tu désires », ils [les fils d'Eli] di- rédacteur biblique comme le poids de l'ex-
saient : « Non, c'est maintenant que tu dois me communication divine.
le donner, sinon j'en prends de force.»
Quant au prêtre Abiatar, le roi lui dit : « Va à
[1 S 2, 16.]
Anatoth, dans ta propriété, car tu es un homme
Des rumeurs parvinrent aux oreilles du digne de mort ; mais aujourd'hui je ne te tuerai
vieil Éli : elles complétaient le tableau de la pas parce que tu as porté l'arche du SEIGNEUR
Dieu devant David mon père, et que tu as
déchéance de ses fils.
enduré avec lui tout ce qu'il a enduré. » Salomon
Il entendait raconter comment ses fils se condui- démit Abiatar de sa fonction de prêtre du SEI-
saient avec tous les Israélites et aussi qu'ils GNEUR, pour accomplir la parole que le SEI-
couchaient avec les femmes groupées à l'entrée GNEUR avait dite sur la maison d'Éli, à Silo.
de la Tente de la Rencontre [1 S 2, 22]. [! R 2, 26-27.]

Hofni et Pinhas mettent ainsi le comble à Dans la tradition d'Israël, cet événement
leur perversion. C'est alors que surgit n'a pas été considéré comme un simple
l'homme de Dieu, le prophète qui annonce épisode. La chute de Silo entraîne des effets
la mort prochaine des deux délinquants. Son durables. La conscience d'Israël pouvait

409
LES SYMBOLES BIBLIQUES

s'interroger : Dieu avait-il rompu définiti- je eai consacré ;


vement son alliance avec son peuple ? je fais de toi un prophète pour les nations.
Dieu entendit et s'emporta,
Ur 1, 5.l
il rejeta complètement Israël ; Le psaume 78 annonçait le retour du
il quitta la demeure de Silo, Seigneur vers son peuple.
la Tente qu'il avait dressée parmi les hommes.
Il livra sa force [l'arche de l'Alliance] à la capti- Tel un dormeur, le Seigneur s'éveilla,
vité, tel un brave que le vin ragaillardit.
sa majesté aux mains de l'ennemi. Il frappa ses ennemis par derrière,
Il abandonna son peuple à l'épée. [Ps 78, 59-62.] leur infligeant un outrage éternel. [Ps 78, 65-66.]
L'histoire de Jérémie jette un nouvel Un Temple nouveau efface la honte du
éclairage sur ce drame. Le prophète est né à sanctuaire dépravé de Silo.
Anatoth, lieu de la relégation d' Abiatar.
Il bâtit un sanctuaire pareil aux cimes,
Sentait-il peser sur lui l'antique malédiction
et comme la terre, il l'a fondé pour toujours.
qui interdisait aux prêtres de ce lieu tout [Ps 78, 69.l
service dans le Temple de Jérusalem? Son
ascendance, humiliée par un interdit de trois Jérémie entrevoit aussi ce retour. Il ra-
cents ans, ne préparait guère le jeune Jéré- chète un champ à Anatoth, la terre maudite,
mie à un appel divin aussi radical, tout aussi pour en faire le symbole du rachat divin
abrupt que celui qui fut adressé jadis au d'Israël implanté à nouveau dans sa terre.
jeune Samuel dans le sanctuaire de Silo.
Dans ce lignage paralysé par le rejet de Dieu Je conclus avec eux une alliance éternelle: je ne
cesse de les poursuivre de mes bienfaits et je fais
et la colère royale, Jérémie apparaît comme qu'ils me respectent profondément, sans plus
une nouvelle créature. jamais s'écarter de moi. Ma joie sera de les
Avant de te façonner dans le sein de ta mère, combler de biens ; oui, vraiment, je les planterai
je te connaissais ; dans ce pays ; je le ferai de tout mon cœur, de
avant que tu ne sortes de son ventre, tout mon être. Ur 32, 40-41.]
410
LE TEMPLE
Le Temple de l'ancienne Alliance. sante pérégrination est l'occasion de rencon-
La stèle et l'autel. tres avec le Seigneur, qui s'est révélé et
Le temple de Jérusalem. engagé dans une alliance.
La Maison de Dieu Ces rencontres suivent le même « scéna-
et la maison royale. rio » : théophanie, oracle divin, érection
Le Temple, pôle de la foi d'Israël d'un autel et souvent d'une grosse pierre,
et lumière des nations. stèle rustique que la Bible n'aime pas tou-
Le Temple source. jours nommer massébah, car on désignait par
ce terme un des supports du culte païen.
Le Temple dans le Nouveau Testament. Abraham et sa famille ont quitté Harrân :
Jésus et le Temple.
Le Temple des chrétiens. Ils arrivèrent au pays de Canaan. Abram traversa
le pays jusqu'au lieu dit Sichem, jusqu'au Chêne
de Moré. Les Cananéens étaient alors dans le
pays, le SEIGNEUR apparut à Abram et dit :
« C'est à ta descendance que je donnerai ce
LE TEMPLE pays»; là, celui-ci éleva un autel pour le SEI-
DE L'ANCIENNE ALLIANCE GNEUR qui lui était apparu. De là il gagna la
montagne à l'est de Béthel. Il dressa s_a tente
entre Béthel à l'ouest et Af. à l'est, il y éleva un
La stèle et l'autel. autel pour le SEIGNEUR et invoqua le SEIGNEUR
par son nom. Puis d'étape en étape, Abram se
La Tente et l'arche de l'Alliance sont des déplaça vers le Néguev. [Gn 12, 5-9.l
éléments mobiles d'un peuple engagé dans
un exode. A l'époque ancienne, la vie des Abraham construira encore un autel dans
patriarches connaît l' èrrance des bédouins et des circonstances plus dramatiques, quand
des caravaniers, qui passent par des lieux de Dieu lui demandera le sacrifice de son fils
cultes où I' on adore toutes sortes de divini- Isaac (Gn 22).
tés. Isaac rencontre Dieu à Béer-Shéva (Gn 26,
Pour Abraham et sa descendance, avant 23-25). Mais cette visite, comme l'épisode
la fixation du peuple en Égypte, cette inces- d'Abraham avec Abimélek (Gn 21, 22-33),

413
LES SYMBOLES BIBLIQUES

se place sous le signe de l'eau. Isaac élève un est paix». Jusqu'à ce jour, cet autel est encore à
autel mais, plutôt que d'élever une stèle, il Ofra d'Avièzer. CTg 6, 22-24.]
fait creuser un puits. La construction de cet autel est comme un
C'est en sortant de Béer-Shéva que Jacob, «Amen» matérialisé. C'est un monument
en rêve, entend Dieu confirmer la promesse spirituel, né d'une confession de foi dans le
faite à Abraham et Isaac. Il a pris des pierres Seigneur, foi active car, sur l'ordre de Dieu,
pour appuyer sa tête, la plus grosse du tas Gédéon s'en ira aussitôt détruire un autel de
deviendra une stèle : le lieu ainsi marqué est Baal (Jg 6, 25-32).
reconnu comme une « Maison de Dieu » et Lors de la compétition qui oppose Élie
nommé pour cela Béthel. aux prophètes de Baal et d' Ashéra,
Jacob se réveilla de son sommeil et s'écria : l'homme de Dieu fait reconstruire un autel
« Vraiment, c'est le SEIGNEUR qui est ici et je ne dédié au Seigneur. Les idolâtres l'avaient
le savais pas! » Il eut peur et s'écria: « Que ce détruit. Les douze pierres symboliques de
lieu est redoutable! Il n'est autre que la maison la tradition ancienne (Ex 24, 4) sont ici
de Dieu, c'est la porte du del.» Jacob se leva de assemblées pour constituer l'autel. Cet au-
bon matin, il prit la pierre dont il avait fait son tel manifeste alors l'unité d'Israël que le
chevet, l'érigea en stèle et versa de l'huile au peuple infidèle tend à rompre par ses
sommet. Il appela ce lieu Béthel - c'est-à-dire dérives et ses schismes.
Maison de Dieu - mais auparavant le nom de la
ville était Louz. [Gn 28, 16-19.] Il [Élie] prit douze pierres d'après le nombre des
tribus des fils de Jacob à qui cette parole du
À Sichem, saÙctuaire ancien, Jacob érige SEIGNEUR avait été adressée ; « Ton nom sera
un autel au Dieu d'Israël (Gn 33, 18-20). On Israël. » Avec ces pierres, Élie rebâtit un autel au
retouvera encore Béthel un peu plus tard. Là nom du SEIGNEUR. [1 R 18, 31-32.]
encore, Jacob érige une stèle et en pratique
Au cours d'une épidémie de peste, David
l'onction, après une nouvelle manifestation
décide d'offrir un sacrifice de réparation. Il
du Seigneur (Gn 35, 14).
achète à Araun a le J ébusite une aire suréle-
Annoncée par un prophète, la fissure de
vée, susceptible de recevoir un autel qu'il
l'autel de Béthel symbolise la condamnation
construira après la transaction. Ce site sera
du comportement du roi infidèle Jéroboam
plus tard le lieu de fondation du Temple de
et, en particulier, l'horreur du schisme entre
Salomon.
Israël et Juda (1 R 13, 1-5).
Au livre des Juges, un ange vient de Là David bâtit un autel au SEIGNEUR et il offrit
révéler à Gédéon sa vocation. Ill' a confirmée des holocaustes et des sacrifice$ de paix. Le
par un signe éclatant (Jg 6, 11-21). Gédéon SEIGNEUR se montra propice àu pays et le fléau
', . fut retenu loin d'Israël. [2 S 24, 25.l
s ecr1e:
« Ah ! Seigneur DIEU, j'ai donc vu l'ange du Avant de mettre en œuvre des pierres
SEIGNEUR face à face ! » Le SEIGNEUR lui dit : pour édifier un aurel, les Israélites, à date
« La paix est avec toi. Ne crains rien ; tu ne ancienne, ont probablement utilisé pour le
mourras pas. » À cet endroit, Gédéon bâtit un sacrifice de simples dalles monolithiques.
autel au SEIGNEUR et il l'appela« Le SEIGNEUR Quand, après sa captivité, l'arche de !'Al-

414
LE TEMPLE

liance revient vers Beth-Shèmesh, un sacri- précieuse. C'est sans doute cet autel que
fice est offert. mentionne Isaïe.
Arrivé au champ de Josué de Beth-Shèmesh, le L'un des séraphîns vola vers moi, tenant dans sa
chariot s'y arrêta. Il y avait là une grosse main une braise
pierre. On fendit le bois du chariot et on offrit qu'il avait prise avec des pînces sur l'autel.
les vaches en holocauste au SEIGNEUR. Il m'en toucha la bouche et dit :
[1 S 6, 14.] « Dès que ceci a touché tes lèvres,
ta faute est écartée, ton péché est effacé. »
Plus élaboré, l'autel pouvait être construit [1s 6, 6-7.]
en briques crues ou en pîerres. Celles-ci ne
devaient pas être taillées au ciseau (Dt 27, L'autel n'était pas qu'un objet fonction-
5; Jos 8, 30-31). La taille était considérée nel. Il était le foyer de la vie religieuse du
comme une blessure, une dénaturation de Temple. Il était, dans l'ordre de la chaleur,
l' œuvre de Dieu. « Si tu me fais un autel de ce que la lampe ou le candélabre étaient pour
pierres, tu ne le bâtiras pas en pierres de la lumière : une présence perpétuelle.
taille, car en y imposant ton ciseau, tu les Quant au feu sur l'autel> il y brûlera sans jamais
profanerais» (Ex 20, 25). s'éteîndre; chaque matin, le prêtre y allume des
Le souci d'utiliser, pour le service de bûches, y dispose l'holocauste, et y fait fumer les
Dieu, des choses à l'état brut ou des ani- parties grasses des sacrîfices de paix. Un feu
maux qui n'ont pas connu le travail domes- perpétuel brûlera sur l'autel sans jamais s'éteîn-
tique est une préoccupation proprement dre. [Lv 6, 5-6; voir aussi 2 M 1, 18-36.]
sacrée (Nb 19, 2; Dt 21, 3-4; 1 S 6, 7). L'autel est un « lieu de Dieu». Cette
Du Temple de Salomon à celui d'Ézéchiel, présence divine se réfère aux anciennes
la forme de l'autel des holocaustes a beau- théophanies (Gn 12, 7; 26, 24-25)
coup varié, tant par sa forme que par les L'autel est aussi un point de ralliement de
matériaux employés : bois, bronze, or. la communauté d'Israël, il en est l'étendard
L'autel d'Ezéchiel cependant est d'un (nissz). L'origine de ce titre donné à l'autel
type nouveau. Trois plates-formes s'étagent, se trouve au livre de !'Exode. Le peuple,
comme un modèle réduit de ziggourat baby- agité par un esprit de querelle et de rébel-
lonienne. La base a pour nom « sein de la lion, va retrouver son unité après la victoire
terre», la seconde plate-forme est la« mon- sur les Amalécites.
tagne de Dieu ». Au sommet se trouve la
plate-forme sacrificielle dotée de cornes aux Moïse bâtit un autel, lui donna le nom de « Le
SEIGNEUR, mon étendard» et dit : « Puisqu'une
quatre angles. Cet autel possède une signifi-
mains' est levée contre le trône du SEIGNEUR, c'est
cation cosmique, rapportée sur l'élément la guerre entre le SEIGNEUR et Amaleq, d'âge
essentiel du culte ancien. en âge'» [Ex 17, 15-16.]
Quelle que soit sa forme, l'autel demeure
la place où l'on offre des sacrifices d'oiseaux, L'autel porte quatre cornes:« Tu feras à
de quadrupèdes et même de végétaux. ses angles des cornes qui feront corps avec
L'offrande de parfums demande un autel à lui et tu les plaqueras de bronze »
part, plus petit, et construit en matière (Ex 27, 2).

415
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le symbolisme de la corne ne peut être juive, les Pçres de l'Église ou les théologiens
saisi que par ses multiples références. Pour du Moyen Age. Le Temple est un monument
la Bible, la corne est un symbole de puis- qui garde la mémoire d'un long parcours
sance. Cette signification est courante : les spirituel. L'arche de l'Alliance est le témoin
Crétois voient, dans les deux pics du mont silencieux et rayonnant des interventions de
Ida, les cornes du Minotaure ; les casques Dieu dans l'histoire d'Israël. Les sacrifices ei
germains et celtiques étaient souvent cor- les fêtes célèbrent la présence du Seigneur au
nus ; les chamanes qui portaient la dépouille milieu de son peuple.
d'un animal se coiffaient volontiers de cor- La tente du désert ayant disparu, David
nes. en construit une autre. Il maintient ainsi le
La signification biblique de la corne est lien entre le sanctuaire de !'Exode et le
cependant plus complexe. Les cornes de Temple dont il décide la construction.
l'autel sont frottées du sang des victimes « On introduisit l'arche du SEIGNEUR et on
(Lv 4, 18). La corne est aussi liée à l'onc- la déposa à sa place, sous la Tente que
tion : elle joue le rôle d'un flacon pour l'huile David avait fait dresser pour elle » (2 S 6,
de consécration (1 S 16, 1 et 13 ). Le son 17).
qu'émet la corne de bélier est celui d'une Quand Salomon consacre le Temple, l'ar-
trompe qui partage avec la conque un pou- che de l'Alliance, la Tente et tous les objets
voir magique. Ce son possède, dans la Bible, sacrés entrent dans le Temple comme enle-
une valeur surnaturelle (Ex 19, 16; Lv 25, 9; vés par le souffle du Seigneur qui, de
Jos 6, 4). L'homme menacé de mort entre l'Égypte à Jérusalem, emporta le peuple
dans le sanctuaire et saisit les cornes de jusqu'au lieu de son repos.
l'autel, faisant ainsi de Dieu son refuge (1 R
2, 28). Alors Salomon rassembla à Jérusalem - auprès
L'autel, enfin, est un intermédiaire entre de lui, le roi Salomon - les anciens d'IsraëL tous
Dieu et les hommes. Les victimes brûlées les chefs des tribus, les princes des familles des
disparaissent du monde visible pour passer, fils d'Israël, pour faire monter de la Cité de
à titre d'offrande, dans le monde invisible de David, c'est-à-dire de Sion, l'arche de l'Alliance
du SEIGNEUR. Tous les hommes d'Israël se ras-
Dieu. La réponse divine est la bénédiction
semblèrent près du roi Salomon au mois d'Éta-
qui apporte la prospérité et la fécondité,
nim, le septième mois, pendant la fête. Quand
mais aussi le pardon. Ainsi se maintient tous les anciens d 1sraël furent arrivés, les prêtres
activement l'Alliance, dont l'arche, dans portèrent l'arche. Il firent monter l'arche du
l'ombre du Débir, le Saint des saints, est le SEIGNEUR, la Tente de la Rencontre et tous les
témoignage silencieux. objets sacrés qui étaient dans la Tente - ce sont
les prêtres et les lévites qui les firent monter. »
[l R 8, 1-4.]
Le Temple de Jérusalem.
Dieu prend possession de son Temple,
Il serait vain de chercher dans le Temple comme jadis, au temps des manifestations
de Jérusalem un symbolisme cosmique, dans la Tente de la Rencontre, dans le
comme ont tenté de le faire parfois la pensée désert.

416
LE TEMPLE

Or, lorsque les prêtres furent sortis du lieu saint, Vmiment, tu es un Dieu qui se cache,
la nuée remplit la Maison du SEIGNEUR et les le Dieu d'Israël, celui qui sauve! [1s 45, 15.]
prêtres ne pouvaient pas s'y tenir pour leur
service à cause de cette nuée, car la gloire du Lorsqu'on reconstruit le Temple, après
SEIGNEUR remplissait la Maison du SEIGNEUR. l'exil, le prophète s'inquiète et se sent le
[1 R 8, 10-11.] devoir de rappeler l'immensité de Dieu.
Alors Salomon dit : Ainsi parle le SEIGNEUR :
« Le SEIGNEUR a dit vouloir séjourner dans l' obs- Le ciel èst mon trône
curité ! et la terre l'escabeau de mes pieds.
C'est donc bien pour toi que j'ai bâti une Quelle est donc la maison que vous bâtiriez pour
demeure princière, moi ? [Is 66, l.]
une demeure où tu habiteras toujours. »
[1 R 8, 12-13.] Dieu craint que le Temple ne devienne un
lieu équivoque ; il met dans la bouche de son
L'obscurité mentionnée ici est bien celle prophète ces paroles cinglantes :
qui entourait la révélation faite à !'Horeb.
« Ces paroles, le SEIGNEUR les a dites à toute On sacrifie un taureau, m•ais aussi on abat un
homme!
votre assemblée sur la montagne, du milieu
On immole la brebis, mais aussi on assomme le
du feu, des nuages et de la nuit épaisse»
chien! [Is 66, 3.]
(Dt 5, 22).
Le chapitre tout entier est une terrible
Le SEIGNEUR est roi.
diatribe contre les hypocrites de toute es-
Que la terre exulte,
que tous les rivages se réjouissent ! pèce. Il contient aussi la louange des hum-
Ténèbres et nuée l'entourent. [Ps 97, 1-2.] bles de cœur, attentifs à la parole. Le sanc-
tuaire, les rites peuvent être mal utilisés.
Salomon a voulu un palais pour son Sei- Dieu bénit la pureté du cœur et ne veut pas
gneur, mais c'est peut-être l'obscurité de se laisser posséder par son Temple.
cette nouvelle demeure qui lui donne son À la porte du Temple,Jérémie apostrophe
caractère sacré. Certes, la cella qui, dans les lesJudéens. Ses invectives visent à débarras-
temples païens, abritait l'idole, n'a jamais été ser des hommes qui ne comprennent pas ou
très éclairée, mais ici cette ténèbre est la refusent les exigences du Seigneur.
sombre auréole d'un Dieu qui se cache pour
faire sentir sa transcendance au cœur de sa La parole qui s'adressa à Jérémie de la part du
SEIGNEUR : Tiens-toi à la porte de la Maison du
présence.
SEIGNEUR pour y clamer cette parole : Écoutez
Au jour de la consécration du Temple,
la parèle du SEIGNEUR, vous tous Judéens qui
Salomon s'exclame : entrez par ces portes pour vous prosterner de-
Dieu habiterait-il vraiment avec des hommes sur vant le SEIGNEUR. Ainsi parle le SEIGNEUR, le
la terre ? Voici que les cieux et les cieux des Tout-Puissant, le Dieu d'Israël : Améliorez votre
cieux ne peuvent te contenir ! Moins encore conduite, votre manière d'agir, pour que je
cette maison que j'ai construite! [1 R 8, 27.] puisse habiter avec vous en ce lieu. Ne vous
bercez pas de paroles illusoires en répétant :
Et Isaïe : « Palais du SEIGNEUR ! Palais du SEIGNEUR !

417
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Palais du SEIGNEUR ! Il est ici. » Mais plutôt - ce n'est pas David qui construira la
amendez sérieusement votre conduite, votre Maison de Dieu,
manière d'agir, en défendant activement le droit - Dieu, par contre, construira la maison
dans la vie sociale; n'exploitez pas l'immigré, de David.
l'orphelin, la veuve; ne répandez pas du sang
La paix est revenue et David habite dans
innocent en ce lieu ; ne courez pas, pour votre
malheur, avec· d'autres dieux; je pourrai alors son palais. Ce confort lui donne mauvaise
habiter avec vous en ce lieu, dans le pays que j'ai conscience.
donné à vos pères depuis toujours. Mais vous
Le roi dit au prophète Natân: « Tu vois, je suis
vous bercez de paroles illusoires qui ne servent
installé dans une maison de cèdre, tandis que
à rien. Pouvez-vous donc commettre le rapt, le
l'arche de Dieu est installée au milieu d'une tente
meurtre, l'adultère, prêter de faux sennents,
de toile.» [2 S 7, 2.]
brûler des offrandes à Baal, courir après d'autres
dieux qui ne se sont pas occupés de vous, puis
Averti de ce trouble, le prophète Natân
venir vous présenter devant moi dans cette
Maison sur laquelle mon Nom a été proclamé et confirme tout d'abord le roi dans son projet
dire : « Nous sommes sauvés ! » et puis conti- de construction du Temple. Mais Dieu, la
nuer à commettre toutes ces horreurs ? Cette nuit, révèle à son pràphète qu'il a d'autres
Maison sur laquelle mon Nom a été proclamé, la vues sur David et sur son projet. L'impor-
prenez-vous donc pour une caverne de bandits? tant, pour le Seigneur, c'est d'être avec son
(Jr 7, 1-11.] peuple, que ce soit sous la toile d'une tente
ou sous un toit de cèdre.
Et Jérémie de conclure : « Si vous n'êtes
pas convaincus, allez-voir comment j'ai traité Va dire à mon s_e:i:viteur David : Ainsi parle le
SEIGNEUR : Est-ce toi qui me bâtiras une maison
le sanctuaire de Silo et ceux qui en avaient
pour que jè m'y installe? Car je ne me suis pas
la charge ! »
installé dans une maison depuis le jour où j'ai fait
La grande colère de Jésus contre les ven- monter d'Égypte les fils d'Israël jusqu'à ce jour :
deurs du Temple répercutera, en paroles et je cheminais sous une tente et à l'abri d'une
en actes, cet oracle de Dieu mis dans la demeure. Pendant tout le temps où f ai cheminé
bouche de Jérémie. avec tous les fils d'Israël, ai-je adressé un seul
mot à l'une des tribus d'Israël que j'avais établies
en paissant Israël mon peuple, pour dire :
« Pourquoi ne m'avez-vous pas bâti une maison
La Maison de Dieu et la maison royale. de cèdre?» [2 S 7, 5-7.]

Le chapitre 7 du deuxième livre de Sa- Vient alors la grande révélation. Le Sei-


muel livre une clef qui permet de mieux gneur, qui a établi les Juges et implanté le
pénétrer dans le_ mystère du Temple. peuple d'Israël dans la terre de Canaan, va
Le texte joue sur la double signification établir fermement la royauté dont David est
du mot «_maison » : la Maison de Dieu est le prince, le principe d'une lignée confirmée
le Temple, alors que la maison de David est par la promesse divine. Si les rois sont infidè-
la dynastie issue de ce roi. Ces deux sens les, ils seront châtiés mais Dieu, lui, demeu-
révèlent deux affirmations qui s'opposent : rera fidèle à cette promesse. La construction

418
LE TEMPLE

du Temple par Salomon sera le signe de J'établis ta dynastie pour toujours,


cette volonté divine. je t'ai édifié un trône pour tous les siècles. [... ]
Pour toujours je lui garderai ma fidélité ;
« Le SEIGNEUR te fera une maison. Lorsque tes mon Alliance lui sera assurée.
jours seront accomplis et que tu seras couché J'établirai sa dynastie à jamais,
avec tes pères, j'élèverai ta descendance après et son trône pour la durée des cieux.
toi, celui qui sera issu de toi-même, et j'établirai [Ps 89, 4-5 et 29-30.]
fermement sa royauté. C'est lui qui bâtira une
maison pour mon Nom et j'établirai à jamais son David conclut ainsi la longue prière qu'il
trône royal. Je serai pour lui un père et il sera adresse à Dieu après que N atân lui eut
pour moi un fils. S'il commet. une faute, je le transmis la promesse divine : « C'est toi,
corrigerai en me servant d'hommes pour bâton Seigneur DIEU, qui as parlé, et par ta béné-
et d'humains pour le frapper, Mais ma fidélité ne diction la maison de ton serviteur sera bénie
s'écartera point de lui, comme je l'ai écartée de à jamais» (2 S 7, 29).
Saül, que j'ai écarté devant toi. Devant toi, ta Cette promesse ouvre une perspective
maison et ta royauté seront à jamais stables, ton messianique. Fidèle à sa promesse, Dieu
trône à jamais affermi.» C'est selon toutes ces restaurera la maison de David, réduite à
paroles et selon toute cette vision que parla
l'état de· ruine.
Natân à David. [2 S 7, 11-17.]
Ce jour-là, je relèverai la hutte croulante de
La construction d'une « maison pour David,
David» a donc une signification symbolique j'en colmaterai les brèches,
d'une importance capitale. Cette expression j'en relèverai les ruines,
désigne la reconduction de l'Alliance divine je la dresserai comme aux jours d'autrefois.
avec Israël et son maintien par-delà toutes [Am 9, 11.]
les vicissitudes de l'histoire de ce peuple. La mystérieuse figure du Messie se pré-
Les dernières paroles de David, assimilées cise dans la deuxième partie du livre de
à un oracle prophétique, font allusion à cette Zacharie. On y trouve d'abord un rappel de
Alliance. David et de sa maison. Le prophète com-
Le Rocher d'Israël me l'a déclaré : mence par rappeler la cité de Jérusalem à
Il gouverne les hommes selon la justice, l'humilité. Juda, c'est aussi la campagne à
celui qui gouverne dans la crainte de Dieu. l'entour.
Et telle la lumière du matin quand se lève le
Ce jour-là, le SEIGNEUR étendra sa protection
soleil, autour des habitants de Jérusalem : le plus
un matin sans nuages :
chancelant d'entre eux, en ce jour, sera comme
de cet éclat, après la pluie, le gazon sort de terre,
David, et la maison de David sera là comme
telle est, n'est-ce pas ma maison auprès de Dieu, Dieu, comme l'ange du SEIGNEUR devant eux.
puisqu'il m'a accordé une Alliance éternelle,
[Za 12, 8.J
réglée en tout et bien gardée. [2 S 23, 3-5.]
Et voici qu'apparaît la figure du « trans-
Et le psaume redit : percé ». Ce mystérieux personnage prend le
J'ai conclu une Alliance en faveur de mon élu, relais du serviteur souffrant entrevu par Isaïe
j'ai juré à David mon serviteur : (Is 52, 13 à 53, 12).

419
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Ce jour-là, je m'appliquerai à exterminer tous les orientation du regard et la prosternation qui


peuples venus attaquer Jérusalem. Et je répan- prenait pour point directeur la Tente de la
drai sur la maison de David et sur l'habitant de Rencontre.
Jérusalem un esprit de bonne volonté et de
supplication. Alors, ils regarderont vers moi, Moïse prenait la Tente, la déployait à bonne
celui qu'ils ont transpercé. Ils célébreront le deuil distance en dehors du camp et l'appelait
pour lui) comme pour le fils unique. Ils le « Tente de la Rencontre». Et alors quiconque
pleureront amèrement comme on pleure un voulait rechercher le SEIGNEUR sortait vers la
premier-né. [Za 12, 9-10.] Tente de la Rencontre qui était en dehors du
camp. Et quand Moïse sortait de la Tente, tout
La maison de David va être purifiée par le peuple se levait, chacun se tenait à l'entrée
le sacrifice du transpercé. de sa tente et suivait Moïse des yeux jusqu'à
son entrée dans la Tente. Et quand Moïse était
Ce jour-là, une soufre jaillira pour la maison de
entré dans la Tente, la colonne de nuée des-
David et les habitants de Jérusalem en remède au cendait, se tenait à l'entrée de la Tente
péché et à la souillure [Za 13, 1]. et parlait avec Moïse. Tout le peuple voyait la
Jésus est de la maison de David colonne de nuée dressée à l'entrée de la Tente ;
(Le 1, 27). Le père de Jean Baptiste, Zacha- tout le peuple se levait et chacun se prosternait
à l'entrée de sa tente. [Ex 33, 7-10.]
rie, prophétisera :
Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, La Tente induit donc deux attitudes spiri-
de ce qu'il a visité et délivré son peuple, tuelles : ceux qui« recherchent» le Seigneur
il nous a suscité une puissance de salut attendent de lui un oracle qui leur parvien-
dans la maison de David, son serviteur. dra par l'intermédiaire de Moïse, ils s' appro-
[Le 1, 68-69.] chent donc du sanctuaire ; le reste du peuple
regarde vers la Tente de la Rencontre, se lève
Jean, qui relate la transfixion du côté de et, à distance, se prosterne en un acte d' ado-
Jésus, ne manque pas de citer le prophète ration.
Zacharie : « Car cela est arrivé afin que Le psaume dit :
!'Écriture fût accomplie : "Ils regarderont
celui qu'ils ont transpercé"» (Jn 19, 36). Avec crainte, je me prosterne
vers ton Temple saint. [Ps 5, 8.]
Le rayonnement du Temple s'étend au
Le Temple, pôle de la foi d'Israël loin.
et lumière .des nations.
Commande, ô mon Dieu, selon ta puissance.
L'acte qui consiste à se tourner vers un La p_uissance, ô Dieu, que tu as mise en œuvre
sanctuaire possède une signification spiri- pour nous,
depuis ton Temple, au-dessus de Jérusalem.
tuelle. Telle est la Qibla musulmane, qui
Vers toi viendront les rois, apportant les pré-
orienta d'abord Mohammed vers Jérusalem, sents. [Ps 68, 29-30.]
avant de le tourner vers la Mecque, pour la
prosternation de la prière. La sainteté de Dieu, présent dans son
le livre de !'Exode décrit bien cette Temple, se diffuse dans la cité tout entière.

420
LE TEMPLE

Sainte est la ville de Jérusalem, sainte la Dieu. C'est de là que vient sa puissance de
montagne de Sion. rayonnement.
Dans le psaume 48, les extrémités du Ta louange, comme ton nom, Dieu,
Çafon (la montagne du Nord) qui sont ici couvre l'étendue de la terre. [Ps 48, 11.]
mentionnées, font allusion à un domaine
mythologique où se tenait l'assemblée des Le vœu est commandé par la fidélité. Le
dieux. Elle était aussi considérée comme la Temple, qui garde la présence du Seigneur
résidence du Baal d'Ougarit. Le Temple se fidèle, est l'endroit privilégié pour accomplir
tenait au nord del' ancienne Jérusalem, mais ce que l'on a promis : le caractère public de
cette allusion à Çafon reporte sur le Temple cet acte le solennise et fait de lui un témoi-
d'Israël toute la force numineuse (mysté- gnage de foi.
rieuse et fascinante) de l'antique montagne J'accomplirai mes vœux envers le SEIGNEUR,
des divinités païennes. et en présence de tout son peuple,
Il est grand, le SEIGNEUR, il est comblé de louan- dans les parvis de la" Maison du SEIGNEUR,
ges, au milieu de toi, Jérusalem! [Ps 116, 18-19.]
dans la ville de notre Dieu, sa montagne sainte.
Belle et altière, elle réjouit toute la terre, Pour Ézéchiel,Jérusalem, sanctifiée par le
l'Extrême-Nord, c'est la montagne de Sion, Temple, est située au centre des nations
la cité du grand roi. Œz 5, 5); elle est même nommée « le
Dans les palais de Sion, nombril de la terre» (Ez 38, 12). C'est
Dieu est connu conune la citadelle. [Ps 48, 2-4.l pourquoi sa ruine sera une honte (Ez 5,
14-15).
La clef de cette puissance spirituelle n'est
On s'oriente vers Jérusalem pour la prière.
pas un prestige monumental, ou le seul éclat
du cérémonial : le même psaume déclare : Lorsque Daniel sut que le rescrit avait été signé,
il entra dans sa maison. Celle-ci avait des fenêtres
Dieu, nous revivons ta fidélité qui s'ouvraient, à l'étage supérieur 1 en direction
au milieu de ton Temple. [Ps 48, 10.] de Jérusalem. Trois fois par jour, il se mettait
Et le psaume 26 confirme : donc à genoux, et il priait et louait en présence
de son Dieu. [Dn 6, 11 ; voir aussi Tb 3, 11 ;
Ta fidélité est restée devant mes yeux ; 1 R 8, 38, 44 et 48.J
je me suis conduit selon ta vérité. [. ..]
SEIGNEUR, j'aime la Maison où tu résides, Le chapitre 60 d'Isaïe, décrivant la splen-
et le lieu où demeure ta gloire. [Ps 26, 3 et 8.] deur de Jérusalem et son rayonnement, qui
fascine les nations, a été écrit à une époque
La fidélité est l'amour de Dieu qui se
où le Temple n'était pas encore reconstruit;
manifeste sans faillir dans la promesse ini-
l'autel, cependant, pouvait déjà recevoir des
tiale, dans l'Alliance avec le peuple d'Israël
sacrifices. Le Temple à venir était déjà perçu
et la construction patiente d\me « maison »
comme ooe source de lumière.
messianique, plus solide que la bâtisse du
sanctuaire. Le Temple est donc un lieu où Les béliers de Nébayoth seront pour les offices;
l'on revit, en permanence, les manifestations ils monteront sur mon autel, ils y seront en
historiquement repérables de l'amour de faveur;

421
LES SYMBOLES BIBLIQUES

oui, je rendrai splendide la Maison de ma splen- radical qu'il se perpétue au cours des temps
deur. [ls 60, 7 .] sans se résoudre.
C'est bien la « Maison du Seigneur » qui Notre Maison sainte et splendide
a fait de Jérusalem le centre des pèlerinages où nos pères chantaient tes louanges,
d'Israël. Le grand psaume des pèlerinages a été embrasêe par le feu,
commence et s'achève par la ·mention du et tout ce qui faisait notre passion· est devenu
Temple. dévastatàtion !
Est-ce que, devant tout cela,
Quelle joie quand on m'a dit : tu pourrais te contenir, SEIGNEUR?
« Allons à la Maison du SEIGNEUR ! » [. .. ]
Tu resterais inactif
À cause de la Maison du SEIGNEUR notre Dieu,
et tu nous humilierais jusqu'à l'excès?
je veux ton bonheur. [Ps 122, 1 et 9.] [1s 64, 10-11.]
C'est de Sion que procède toute bénédic-
tion, celle que le Seigneur réserve à ceux qui
le craignent et qui suivent ses chemins. Le Temple source.
Que le SEIGNEUR te bénisse de Sion,
et tu verras la prospérité de Jérusalem. Le psaume 46 oppose les « grandes
[Ps 128, 5.J eaux » à celles d'un fleuve - en réalité le
torrent du Cédron. Les grandes eaux issues
Isaïe ouvre une vaste perspective. de l' Abîme chaotique et menaçant symboli-
Il arrivera dans l'avenir que la montagne· de la sent les ennemis d'IsraëL Le Cédron, par
Maison du SEIGNEUR sera établie au sommet des contre, réjouitla cité de Dieu, l'abreuve et la
montagnes féconde. Le Temple n'est pas directement
et dominera sur les collines. évoqué, mais il est bien présent : il est au
Toutes les nations y afflueront. milieu de « la plus sainte des demeures du
Des peuples nombreux se mettront en marche et Très-Haut>>.
diront :
« Veno_ns, montons à la montagne du SEIGNEUR, Leurs eaux grondent en écumant,
à la Maison du Dieu de Jacob. elles se soulèvent et les montagnes tremblent.
Il nous montrera ses chemins Mais il est un fleuve dont les bras réjouissent la
et nous marcherons sur ses routes. » ville de Dieu,
Oui, c'est de Sion que viendra l'instruction la plus sainte des demeures du Très-Haut.
et de Jérusalem la parole du SEIGNEUR. [Ps 46, 4-5.J
[Is 2, 2-3-l
Il y avait à Jérusalem une source, la source
Les nations attirées par le Seigneur et par du Guihôn, dont les eaux étaient envoyées
son Temple sont souvent nommées les par un canal jusqu'au bassin de Siloé, terme
«Iles» (Is 41, 5 ; 42, 4 et 10) qui signifie« envoyé». La source du Guihôn
La splendeur du Temple dans sa gloire n'a était l'unique ressource en eau de la ville.
d'égal que la profondeur du deuil qui suit sa Elle symbolisait l'alimentation de la foi d'Is-
destruction. Pour l'âme juive, la ruine du raël par la présence divine dans le Temple.
sanctuaire provoque un sentiment d'exil si Ce point d'eau était aussi un lieu sacré,

422
LE TEMPLE

lieu pour l'onction ·des rois de la dynastie de pour se creuser des citernes, des citernes fissu-
David. rées
qui ne retiennent pas l'eau.
Ils firent monter Salomon sur la mule du roi [Jr 2, 13; voir aussi Jr 17, 13.]
David et le-menèrent à Guihôn. Le prêtre Sadoq
prit dans la Tente la corne d'huile et fit sur Le thème de l'eau vive sera repris plu-
SalomOn l'onction qui le sacrait roi ; on sonna du sieurs fois par Jean (Jn 4, 10-14; 7, 37-39;
cor et tout le peuple cria ; « Vive_ le roi Salo- 19, 34). (Voir p. 63 « L'Eau de la restaura-
mon! » [1 R 1, 38-39.l tion et de la renaissance». Il en est de même
dans !'Apocalypse (Ap 22, 1-2).
Le symbole de cette source va reparaître Dans le nouveau Temple qu'Ézéchiel vi-
en Isaïe, à l'heure où le jeune roi de Juda,
site en esprit, une eau mystérieuse sort de
Akhaz, se voit menacé par la coalition du roi
dessous le seuil.
cl' Aram, Recîn, et du roi d'Israël, Pékah.
Appeler l'Assyrie à la rescousse revient à Il me fit venir vers l'entrée du Temple ; or, de
livrer cette source à la submersion par le flot l'eau sortait de dessous le seuil de la Maison, vers
implacable de !'Euphrate. l'orient, car la façade de la Maison était à
L'avertissement s'adresse au roi, qui de- l'orient ; et l'eau descendait au bas du côté droit
de la Maison, au sud de l'autel. [Ez 47, l.]
vrait être un Emmanuel, un souverain qui,
dans la perspective messianique (Is 7, L'arpenteur mystérieux, qui conduit le
14-17), devrait apporter le bonheur paradi- prophète, le pousse à traverser le flot. L'eau
siaque à Juda. monte des chevilles jusqu'aux genoux et
Le SEIGNEUR me parla encore en ces termes :
bientôt jusqu'aux reins, le fleuve est infran-
Parce que ce peuple refuse chissable.
les eaux de Siloé qui coulent doucement Puis il mesura mille coudées : c'était un torrent
et se réjouit au sujet de Recîn que je ne pouvais traverser, car l'eau avait
et du fils de Remalyahou, monté :· c'était de l'eau où il fallait nager, un
à cause de cela, le Seigneur fera monter torrent infranchissable. Il me dit : « As-tu vu, fils
contre eux d'homme?» Il m'emmena puis me ramena aU
les eaux pujssantes et abondantes du Fleuve, bord du torrent. [Ez 47, 5-6.]
le roi d'Assyrie et toute sa gloire.
TI s'élèvera partout au-dessus de son lit, Le reste du récit décrit la fécondité inouïe
il franchira toutes ses berges. que crée cette somptueuse irrigation. Ce
Il envahira Juda, il débordera, inondera, pays semble une nouvelle création : il y aura
arrivera jusqu'au cou partout de la vie, là où pénétrera le torrent
et l'extension de ses rives Œz 47, 7-12).
remplira la largeur de ton pays, ô Emmanuel ! Le Temple restauré apparaît ainsi comme
[Is 8, 5-8.] le centre de la vie.
L'infidélité d'Israël est une véritable dé- Cette vie est aussi la vie spirituelle du
fection spirituelle. croyant. Les versets du psaume suivant sont
significatifs. À l'ombre des ailes du Seigneur,
Ils m'abandonnent, moi, la source d'eau vive, dans ce Temple qui encadre la présence

423
LES SYMBOLES BIBLIQUES

divine par des ailes de chérubin, le fidèle Jésus vient d'être racheté au prix de deux
découvre la source d'une autre vie, celle qui pigeons ; il est maintenant perçu comme le
ruisselle de lumière. Gaël le Racheteur. Ce rachat n'est pas
À l'ombre de tes ailes, tu abrites les hommes. seulement celui d'Israël, il est « préparé à la
Ils savourent les festins de ta Maison,
face des nations ».
aux torrents du paradis, tu les abreuves. Il [Syméon] le prit dans ses bras et il bénit Dieu
En toi est la source de la vie, en ces termes :
par ta lumière nous voyons la lumière. « Maintenant, Maître, c'est en paix,
[Ps 36, 8-10.] comme tu l'as dit, que tu renvoies ton seiviteur.
Car·mes yeux ont vu ton salut 1
Exultant de joie, que tu as préparé face à tous les peuples ;
vous puiserez les eaux
lumière pour la révélation aux païens
aux sources du salut. [1s 12, 3.]
et gloire d'Israël ton peuple.» [Le 2, 28-32.]
Cette bénédiction de Syméon est, en fait,
une prédiction. Le Temple retrouve ainsi sa
LE TEMPLE fonction oraculaire ancienne (Ex 33, 7 et 11 ;
DANS LE NOUVEAU TESTAMENT Nb 12, 8) qui s'était atténuée, soit en raison
de la tiédeur ou de l'infidélité (1 S 3, 1), soit
à cause du développement de la fonction
Jésus et le Temple. sacrificielle et liturgique du sanctuaire.
À l'heure où Jésus, muet comme un petit
Après la circoncision de Jésus etl'imposi- enfant, entre dans le Temple, Dieu reprend
tion de son nom, Joseph et Marie présentent la parole et c'est pour affirmer l'universalité
l'enfant au Temple. de son salut.
Après son baptême, Jésus est conduit au
Puis quand vint le jour où, suivant la loi de désert par !'Esprit pour y subir un certain
Moïse, ils devaient être purifiés, ils l'amenèrent nombre d'épreuves diaboliques. Après un
à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, ainsi
premier échec, le diable ne se tient pas pour
qu'il est écrit dans la loi du Seigneur : « Tout
battu et emmène Jésus à Jérusalem. Il le
garçon premier-né sera consacré au Seigneur»,
et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit place tout en haut de la façade la plus élevée
dans la loi du Seigneur, un couple de tourterelles du Temple, sur un acrotère qui porte,
ou deux petits pigeons. [Le 2, 22-24.] semble-t-il, une décoration en forme de
pennage ou de palmette.
Deux personnages, poussés par rintensité
Le diable le plaça sur le faîte du Temple et lui
de leur foi et conduits par l'Esprit Saint,
dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi d'ici en
interviennent : ils attendent la consolation bas» [Le 4, 9].
d'Israël et la libération de Jérusalem. La
« consolation d'Israël» (Is 40, 1 ; 51, 12; 61, Le Tentateur se réfère au psaume 91 qui
2) désignait le salut du peuple de Dieu. dit de Dieu:
Quant à la «libération» de Jérusalem, elle De ses ailes, il te fait un abri
développe la notion de rachat. et sous ses plumes tu te réfugies. [Ps 91, 4.]

424
LE TEMPLE

Et il en cite un passage : profanent le sabbat sans être en faute? Or, je


vous le déclare, il y a ici. plus grand que le
Il chargera ses anges Temple. Si vous aviez compris ce que signifie :
de te garder en tous tes chemins. C'est la miséricorde que je veux, non le sacrifice,
Ils te porteront dans leurs bras vous n'auriez pas condamné ces hommes qui ne
pour que ton pied ne heurte pas la pierre. sont pas en faute. Car il est maître du sabbat, le
[Ps 91, 11-12.] Fils de l'homme. » [Mt 12, 3-8.l
Le diable, ici, joue sur l'ambiguïté du (Les épisodes bibliques cités par Jésus se
symbole. D'une métaphore inspirée il fait trouvent en 1 S 21, 2-7 et Lv 24, 5-9.)
une injonction qui doit être comprise à la Jésus montrera même que certaines habi-
lettre et matériellement exécutée. Par ces tudes acceptées par les scribes et les Phari-
images, le psaume lance un appel à la provi- siens aboutissent à un mépris du Temple.
dence divine, il n'induit pas l'homme à la
grave tentation-qui consiste à lancer un défi Malheureux êtes-vous, guides aveugles, vous qui
dites : « Si 1' on jure par le sanctuaire, cela ne
à Dieu. compte pas; mais si l'on jure par l'or du sanc-
Le démon propose à Jésus un vol magique tuaire, on est tenu. » Insensés et aveugles !
capable de stupéfier les foules. Le Christ Qu'est-ce donc qui l'emporte, l'or, ou le sanc-
n'entre pas dans ce jeu : ses miracles futurs tuaire qui a rendu sacré cet or? Vous dites
n'auront pas pour but d'étonner mais d'en- encore : « Si l'on jure par l'autel, cela ne compte
seigner. Ils répondront à l'attente pressante pas, mais si l'on jure par l'offrande placée dessus,
des malades, des faibles, des pauvres qui ne on est tenu.» Aveugles ! Qu'est-ce donc qui
peuvent espérer un secours humain, et à l'emporte, l'offrande ou l'autel qui rend sacrée
celle des âmes attentives à la venue du cette offrande ? Aussi bien œlui qui jure par
Royaume des Cieux. l'autel jure-t-il par lui et par tout ce qui est
dessus ; celui qui jure par le sanctuaire jure par
lui et par Celui qui l'habite. [Mt 23, 16-21.]
Un jour, Jésus et ses disciples passent le
long d'un champ de blé. Quelques uns, pris Jésus n'a pas méprisé le Temple, bien au
par la faim, arrachent des épis, les froissent contraire. Il en chasse les marchands impu-
dans leur main pour en manger les grains. dents. Marc nous raconte qu'il s'en prend
C'était un jour de sabbat et des Pharisiens aussi à ceux qui utilisaient le parvis des
protestent : arracher des épis c'est comme païens comme un raccourci commode, entre
faire la moisson. Jésus répond par deux la ville et le mont des Oliviers, pour effectuer
exemples qui évoquent le Temple. des transports de marchandises.
Jésus leur répondit : « N'avez-vous pas lu ce que Ils arrivent à Jérusalem. Entrant dans le Temple,
fit David lorsqu'il eut faim, lui et ses compa- Jésus se mit à chasser ceux qui vendaient et
gnons, comment il est entré dans la Maison de achetaient dans le Temple; il renversa les tables
Dieu et comment ils ont mangé les pains de des changeurs et les sièges des matchands de
l'offrande, que ni lui ni ses compagnons colombes, et il ne laissait personne traverser le
n'avaient le droit de manger, mais seulement les Temple en portant quoi que ce soit. Et il les
prêtres? Ou n'avez-vous pas lu dans la loi que, enseignait et leur disait : « N'est-il paS" écrit : Ma
le jour du sabbat, dans le Temple, les prêtres Maison sera appelée maison de prière pour

425
LES SYMBOLES BIBLIQUES

toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait ses, la musique et les chants des Lévites
une caverne de bandits.» [Mc 11, 15-17.] continuaient jusqu'au matin.
Cette illwnination a peut-être suggéré à
C'est dans le Temple que Jésus remarque
Jésus la déclaration qu'il faitle lendemain de
la générosité de l'aumône d'une pauvre
la clôture de la fête, dans le Temple.« Je suis
veuve. Il en fait un exemple pour ses disci-
la lumière du monde. Celui qui vient à ma
ples (Mc 12, 41-44; Le 21, 2-4).
suite ne marchera pas dans les ténèbres, il
Après les synagogues, Jésus prend sou-
aura la lumière qui conduit à la vie»
vent le Temple comme lieu de son ensei-
(Jn 8, 12).
gnement. «Jésus passait le jour dans le
L'attitude de Jésus face au Temple est
Temple à enseigner et il sortait passer la nuit
riche en enseignements.
sur le mont dit des Oliviers» (Le 21, 37;
Jean raconte aussi l'expulsion des vendeurs
voir aussi Mc 12, 35; Le 19, 47; Jn 8, 20 et
du Temple. Il conclut par cet ordre:« Ôtez
18, 20).
tout cela d'ici et ne faites pas de la maison
Le plus long enseignement de Jésus dans
de mon Père une maison de trafic»
le Temple, qui ait été rapporté par l'Évan-
(Jn 2, 16).
gile, se trouve en Jean au chapitre septième.
Et Jean ajoute : « Ses disciples se souvin-
La célébration de la fête de Soukkôt (fête
rent qu'il est écrit : "Le zèle de ta maison me
des «tentes», ou mieux des «huttes») est
dévorera"» (Jn 2, 17).
déjà commencée quand Jésus arrive. La fête
Un tel acte prophétique devait déclencher
comportait alors des sacrifices et des proces-
une réaction de la part des Juifs. EJle n'a pas
sions, mais aùssi un rituel de l'eau. Les
tardé.
prêtres descendaient chaque jour jusqu'à la
fontaine de Siloé pour y puiser del' eau qu'ils « Quel signe nous montreras-tu, pour agir de la
rapportaient au Temple dans une cruche sorte ? » Jésus répondit : « Détruisez ce temple
d'or. Cette eau était versée à l'angle de et, en trois jours, je le relèverai. » Alors les
l'autel. Ce rite a peut-être motivé la déclara- Juifs lui dirent : « Il a fallu quarante-six ans
pour construire ce temple et toi, tü le relèverais
tion de Jésus.
en trois jours?» Mais lui parlait du Temple de
Le dernier jour de la fête, qui est aussi le plus son corps. Aussi lorsque Jésus se releva d'entre
solennel, Jésus, debout, se mit à proclamer : « Si les morts, ses disciples se souvinrent qu'il avait
quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive parlé ainsi, et ils crurent à l'Écriture ainsi qu'à
celui qui croit en moi. Comme l'a dit la parole qu'il avait dite. [Jn 2, 18-22.]
!'Écriture : "De son sein couleront des fleuves
Lorsque Jean parle du corps du Christ, il
d'eau vive."» Il désignait ainsi l'Esprit que
devaient recevoir ceux qui croient en lui : en
faut entendre son humanité tout entière, qui
effet, il n'y avait pas encore d'Esprit parce que est comme la Tente, le sanctuaire du Verbe
Jésus n'avait pas encore été glorifié. divin.
[Jn 7, 37-39.J Et le Verbe s'est fait chair
et il a dressé sa tente parmi nous.
Le soir, le parvis des femmes devenait le
[Jn 1, 14.]
théâtre des festivités plus populaires. La
place était brillamment illuminée. Les dan- Jean, rappelant l'échelle de la vision de

426
LE TEMPLE

Jacob qui relie la terre au ciel, rapporte la Le Très-Haut n'habite pas des demeures
parole du Christ où Jésus se présente construites par la main des hommes. Comme dit
comme le trait d'union entre le monde le prophète [Isaïe] :
« Le ciel est mon trône
d'ici-bas et la demeure du Père. A l'issue
et la terre un escabeau sous mes pieds.
de son entretien avec N athanaël, Jésus
Quelle maison allez-vous me bâtir, dit le Sei-
déclare : « En vérité, je vous le dis, vous
gneur,
verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu et ·quel serà le lieu de mon repos ? »
monter et descendre au-dessus du Fils de [Ac 7, 48-49.l
l'homme» (fn 1, 51).
Le sanctuaire ancien établissait une com-
munication entre Dieu et les hommes: Il était Le Temple des chrétiens.
la porte du ciel (Gn 28, 17).
Jésus dira aussi : «Je suis la porte des Pour Paul, l'homme est le temple de Dieu.
brebis» (fn 10, 7), porte du sanctuaire Jésus Christ est le fondement de l'Église,
invisible qui unit les hommes à Dieu. communauté spirituelle des hommes. Cha-
En d'autres termes, il affirmera la même cun bâtit sur cette base _des constructions
chose à la Samaritaine. Après avoir assuré plus ou moins fragiles que le feu du Juge-
qu'il est lui-même la source jaillissante pour ment éprouvera. L'image del' édifice conduit
la vie éternelle Cfn 4, 14), il poursuit : à un autre symbole.
« Crois-moi, femme, l'heure vient où ce n'.est Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de
plus sur cette _montagne ni.à"Jérusalem que Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? Si
vous adorerez le Père» (fn 4, 21). quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le
Et il conclut : « Dieu est esprit et c'est détruira. Car ce temple de Dieu est saint et ce
pourquoi _ceux qui l'adorent doivent adorer temple, c'est vous. [1 Co 3, 16-17.]
en esprit et en vérité» (fn 4, 24).
Quand, pour charger Jésus, un témoin Le chrétien doit respecter son propre
viendra devant le Sanhédrin pour rapporter corps qui est le temple de !'Esprit.
son propos « Détruisez ce temple», il répè- Ne savez-vous pas que votre corps est le temple
tera une parole du Christ qui révèle le carac- du Saint Esprit qui est en vous et qui vous vient
tère divin de l'édifice que Jésus entend de Dieu, et que vous ne vous appartenez pas ?
construire. En effet Jésus a dit : Quelqu'un a payé l'e prix de votre rachat.
Glorifiez donc Dieu par votre corps.
Moi je détruirai ce sanctuaire fait de_ main
[1 Co 6, 19-20.]
d'homme et, en trois jours, j'en bâtirai un autre,
qui ne sera pas fait de main d'homme L'homme doit choisir entre la lumière et
[Mc 14, 57]. les ténèbres, entre le Christ et Satan. « Qu'y
Au terme de son long discours qui n'a rien a-t-il de commun entre le temple de Dieu et
d'un plaidoyer, Étienne rappellera que le les idoles ? Car nous sommes, nous, le tem-
sanctuaire matériel ne pouvait être définitif, ple du Dieu vivant» (2 Co 6, 16).
car l'immensité de Dieu déborde l'espace L'ensemble de ces sanctuaires que sont les
construit par les hommes. chrétiens forme le grand Temple de l'Église.

427
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Vous n'êtes plus des étrangers, ni des émigrés; purifiera-t-il notre conscience des œuvres mortes
vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la pour servir le Dieu vivant. [He 9, 11-14.J
famille de Dieu. Vous avez été intégrés dans la
construction qui a pour fondation les apôtres et Dans !'Apocalypse, la tente de Dieu ac-
les prophètes, et Jésus Christ lui-même comme cueille les martyrs.
pierre maîtresse. C'est en lui que toute construc- Ils viennent de la. grande épreuve.
tion s'ajuste et s'élève pour former un temple Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans
saint dans le Seigneur. C'est en lui que, vous le sang de l'Agneau.
aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construc- C'est pourquoi ils se tiennent devant le trône de
tion pour devenir une demeure de Dieu par Dieu, et lui rendent un culte jou_r et nuit dans
!'Esprit. [Ep 2, 19-22.] son temple.
Le chapitre 9 de l'épître aux Hébreux Et celui qui siège sur le trône les abritera sous sa
commence par l'histoire et la description du tente.
Ils n'auront plus faim,
Temple de Jérusalem. L'auteur voit dans
ils n'auront plus soif,
l'édifice ancien le symbole qui préfigure le le· soleil et ses feux ne les frapperont plus,
nouveau sanctuaire, non fait de main car l' Agneau qui se tient au milieu du trône seta
d'homme. En ce lieu, les sacrifices anciens, leur berger,
qui apportaient une purification temporaire, il les conduira vers des sources d'eaux vives.
sont remplacés par le sacrifice du Christ qui Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.
opère la libération définitive de la servitude [Ap 7, 14-17.J
du péché.
Dans l'Ancienne Alliance, le Temple sanc-
Mais le Christ est survenu, grand prêtre des tifiait la cité de la Jérusalem terrestre. Dans
biens à venir. C'est par une tente plus grande et la Jérusalem céleste, il n'y a plus de temple.
plus parfaite, qui n'est pas œuvre des mains
- c'est-à-dire qui n'appartient pas à cette créa- Mais de temple, je n'en vis point dans la cité,
tion-ci-, et par le sang, non pas des boucs et des car son temple, c'est le Seigneur, le Dieu Tout-
veaux, mais ·par son propre sang, qu'il est entré Puissant ainsi que !'Agneau [Ap 21, 22].
une fois pour toutes dans le sanctuaire et qu'il a C'est du trône de l'agneau que jaillit la
obtenu une libération définitive. Car si le sang de
source vivifiante.
boucs et de taureaux et si la cendre de génisse
répandue sur les êtres souillés les sanctifient en Puis il me montra un fleuve d'eau vive,
purifiant leur corps, combien plus le sang du brillant comme du cristal,
Christ, qui, par l'esprit éternel, s'est offert lui- qui jaillissait du trône de Dieu et de l' Agneau.
même à Dieu comme une victime sans tache, [Ap 22, l.]
428
INDEX ANALYTIQUE
Les références indiquées renvoient :
- soit à un chapitre ou un paragraphe entier lorsqu'il s'agit d'un thème principal;
- soit à la page précise où se trouve le mot de !'Index;
- soit, dans certains cas, au début d'un paragraphe, le sujet étant traité de façon diffuse dans la page concernée
et les pages suivantes.

Aaron: 46; 62; 223. Akhazias, roi: 307.


Abandon, abandonner : 215; 258. Allégresse: 349.
Abattu : 140. Alliance: 45; 58; 99; 117; 163; 215; 287.
Abiatar et Salomon : 410. Alpha et Oméga : 211.
Ab!me(Tehôm) A3 ;54 ;55 ;56; 97; 140; 182 ;329. Amandier: 26; 144.
Abimélek, roi : 301. Amants : 212.
Ablution : 48; 61. Ambroisie: 135.
Abomination : 161. Ami de la jeunesse : 215.
Abraham, Abram: 45; 60; 126; 136; 351; 413. Amitié : 161.
Abreuver: 55. Amour : 45 ; 153 ; 309. - A. (marque d') : 279. -A.
Abri de l'Arche : 399. conjugal : 208. - A. de Dieu : 208-217. - A. du
Absinthe (étoile) : 16. chrétien : 23. - A. du Christ pour l'Église : 217. -
Absolution: 212. A. du prochain : 218.
Acclamation : 79; 335. Anathème : 43 ; 182.
Accueil : 136. Âne: 189. Â., monture du Messie: 189.
Adolescence : 215. Ange: 38; 61; 173; 223. -A. de Dieu : 300. -A.
Adorateurs de la Bête : 294. de la mott : 367; 385. -A., chef d'armée : 405.
Adorer : 123. Anges : 122 ; 162. - A. cavaliers : 186. - A. des
Adultère : 153; 161; 211; 303. trompettes : 342.
Affiner : 49. Angoisse : 75 ; 292.
Agar: 60. Animaux : 47 ; 91.
Agilité: 193. Anne, mère de Samuel: 302; 409.
Agneau : 32; 110; 126; 171; 190; 219; 224-230. Année sabbatique : 286.
- A. de Dieu : 191. - A. (Apocalypse) : 191. - Annonce de la Passion : 389.
A. immolé : 177. - A. d'abattoir : 191. - A., le Anthropomorphisme : 207.
Christ : 191. Apocalypse : 187 ; 294.
Agonie: 163. Apostasie comme maladie- : 362.
Agriculture : 101. Appd du cor : 218.
Ahiyya, prophète: 303. Arbitre: 371.
Aigle : 146; 155; 196. - A. (vol magique) : 196. - Arbre: 42; 63; 135-148. -A. (grand): 140. - A.
A. et aiglons : 196. - A. des cîmes : 196. - A., de la connaissance: 91. -A. de vie: 41; 91. -A.
rajeunissement: 196. -A. (quatre Vivants): 196. porte-lumière 26. - A. verdoyant : 138.
Ailes angéliques : 330. Arbres du paradis : 135. - A. maudits : 138.
Air: 16. Arc: 14; 57; 185; 186; 208.
Achab: 59. Arc-en-ciel: 13; 47; 57.

431
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Arche, de l'Alliance :211 ;224 ;248 ;290 ;399 ;402; Baptiser : 61.
416. -A., pouvoir redoutable 404. A. de l'A. en Barbouiller : 20 ; 23.
exil: 404. -A de Noé: 57. Barrière: 117.
Ardeur jalouse : 208. Bâtiment: 271-273.
Argent (métal) : 49. Bâton: 99; 171; 191; 199; 223; 249; 298; 370.
Argile : 269. - Argile, sceau : 278. Baume de Galaad: 363.
Année: 14. -A. (bruit d'une): 329. -A. des corps Beauté : 140.
célestes: 14; 119; 142. Béer-Sheva : 60; 122.
Armure spirituelle : 208. Béhémoth : 57 ; 148.
Arnôn, rivière : 406. Bélier: 127; 190.
Aromates : 162. Bénédiction: 59; 98; 151; 161; 170; 177.
Arrhes de l'héritage : 280. Bercail : 223.
Artisan 16; 269. Berger: 105; 223-230; 250.
Ascension d'Élie: 39; 307. -A du Christ: 123. Bête de l' Apocalypse : 48 ; 202.
Ascète : 304. Beth Shemesh: 404.
Ashéra (divinité féminine) : 299. Béthel: 122; 404.
Asile: 129. Bethléem : 226.
Asmodée, le démon : 377. Bethsabée : 303.
Aspersion: 161; 191. - A. de sang: 117; 163. Bitume: 116.
Aspic: 182. Blanchir, blanchisseur : 49; 62.
Assemblée divine : 16. -A. sainte: 286. Blasphème: 379.
Astres, étoiles: 14; 16. Blé : 154 ; 170.
Attelage, atteler : 182 ; 242. Blessure : 156; 212; 363 ; 368.
Aujourd'hui: 293. Boçra: 158.
Aumône: 376. Bois: 275. -B. emboîtés: 314. -B. à brûler: 155;
Aurore, Aube : 16; 28. 275. - B. d'œuvre : 275. - B. de charpente
Autel: 37; 117; 306; 413-416. -A. des parfums: marine: 276. - B. de la Croix : 389.
48; 415. -A. des sacrifices: 414. -A. étendard: Boiteux : 221 ; 380.
415. -A. fendu: 304. Bon et mauvais: 135.
Aveugle : 19. - A. Barrimée: 381. - A.-né : 23. - Bond du Bien-aimé : 352. - Bonds, joie des miracu-
A. (cécité de Tobit): 21; 376. lés : 352.
Aveuglement, cécité: 19-22 .. Bonheur: 105.
Aveugles et boiteux : 380. Bonne Nouvelle : 380.
Axe du monde: 140. Bouc : 62; 190; 193. - B. démoniaque: 193. - B.
Azymes de pureté : 171. émissaire : 193. - B. pour l'holocauste : 193.
Baal: 16; 45; 59; 210; 299. -B.-Zéboul: 306; 379. Bouche : 39; 40; 48; 77 ; 234. - B. à bouche: 298.
Babylone: 53; 148; 155. Bouclier: 14; 40; 129; 210; 251.
Bagage de déporté : 315. Boue sur les yeux : 20 ; 23.
Baguettes magiques : 147. Bouleversement: 217.
Bain: 61. -B. de purification: 265. Bourgeonner: 139.
Baie: 50; 70; 73. Bourrasque: 75.
Balthasar: 255. Bracelets : 30.
Bamôt (haut lieu) : 128. Branches : 171.
Bandeau sur le front : 220. Btas de Dieu : 250-251. - B. déployé : 250. - B. du
Banquet : 159; 161; 173. - B. théophanique Christ en croix: 250. -B. étendu: 219.
392-394. Brebis : 161. - B. muette : 190. - B. perdue : 229.
Baptême: 36; 60; 64; 264. -B. de feu: 49; 64. - -B. pour l'abattoir: 227; 388.
B. de Jésus: 64; 194; 325. Briques: 115; 314; 415.

432
INDEX ANALYTIQUE

Brise: 37; 73; 305, Chemin: 21; 25; 99; 105-110; 124. -C. d'éternité:
Bruit de l'invasion: 332. -B. des os réanimés: 334. 108. - C. de l'Arche: 404, - C, de la paix: 371.
Brûler: 156; 208. - C. traditionnels : 105.
Bûcherons: 275. Chêne ettérébinthe: 42; 136; 145; 275.
Buisson ardent: .35. - B. d'épines : 36. Chérubin : 41 ; 93 ; 125.
Burin de fer : 277. Cheval : 48; 158; 182-189. - C. (tentation du) :
Byssus (toile) : 281. 183°186. - C. de guerre: 183, - C, du vent: 75.
Cachet : 278. - C. fantastique : 187·. - C. porteur de l'Esprit :
Cadavre : 61 ; 128, 187,
Caducée: 199. Chevaux {cotÙeurs des) : 186; 187, - C. de Dieu :
Cafôn (montagne du nord) : 125. 187. - C. de feu : 40; 47; 187; 307, - C. du
Cailles: 54; 170. soleil : 184.
Camper : 100. Chevelure : 301.
Cananéenne (La) : 380. Chèvre: 193.
Cananéens: 152. Chien: 152.
Canaux : 147. Chœur des femmes: 355,
Candélabre: 26; 144; 320. Choix divin: 171.
Cantique d'Ézéchias: .365. -C. de Marie: 85; 251. Chômer : 285,
- C. de Moïse: 182. - C. de Tobit: 131; 376. - Chrétien, temple de Dieu : 427.
C. des cantiques: 194; 215-217. Christ agneau: 192. -C. abaissé: 387. - C. maudit:
Carcan : 242. 386. - C. mort pour tous.: 385. - C., Justice de
Caresse: 245. Dieu : 386. - C., premier ressuscité : 391. -
Casque : 250. C.-source : 130.
Cavalerie, cavalier, chars: 36; 60; 182; 183; 309. Chuchotements : 332.
Cèdre: 42; 126; 140; 146; 418. Chute: 121.
Ceinture de justice : 311. - C. dénouée : 256. Cicatrisation: 363.
Cendres: 35; 62; 125; 173; 270. Ciel de Dieu: 119-122. -C. ouvert: 427. -Ciel pur:
Cène de Jésus: 177; 191; 393. 117. -C., trône de Dieu: 417; 427.
Centre : 129. - C. de la terre : 125. Cieux comme une tente : 398.
Cep choisi: 153. Circoncision: 239; 405; 278. - C. du cœur: 239. -
Cercle: 56, C. et sabbat : 289.
Chaîne : 242. Cire: 211.
Chair : 65 ; 215. - C. donnée : 17 6. - C. mangée : Citadelle: 130-132; 420,
177. Cité : 271 ; 420. - C. sainte, Jérusalem : 111-112.
Cham: 152. Citerne : 60.
Chambre des vents: 78. - C. du ventre: 25. Cithare : 148; 158.
Chamois: 193, Clairvoyant: 19.
Champ: 102; 313. Clameur : 219.
Chanson : 98. Clef: 249.
Chant de deuil: 332. Cœur: 21; 39; 100; 175; 208; 215; 233-242. -C.
Chaos: 207. (agitation du) : 217. - C. (amertume du cœur) :
Char d'Élie: 39. -C. cavalerie: 45; 47. 365. - C. (dire à son cœur): 238, - C, (fond du):
Charbons ardents : 125 ; 162. 233. - C. (Fusion du) : 234. - C. (parler au
Charge : 248. cœur) : 216; 237; 309. - C. brisé, percé: 235;
Charismes : 264. 242, -C. brûlant: 241. -C. caché: 241. -C. de
Chasseur: 116; 397. chair: 63 ;240. -C. de pauvre: 241.-C. de pierre:
Châtiment : 42; 46; 96; 162 ; 199. 63; 240. - C. double, ballotré : 237. - C.
Chaume: 235. du chrétien : 240. - C. du Christ : 240. - C.

433
LES SYMBOLES BIBLIQUES

encrassé, abusé : 238. - C. endùrci : 293. - C. Cornes de l'autel : 415.


épais, aigri : 235. - C. exténué : 362. - C. Corps de Jésus: 63. -C. de Jésus et Temple: 426. ~
flambant, élargi: 235. - C. humble et doux: 241. C. de l'Église : 264. - C. donné : 162. - C. du
- C. instable : 238. - C. libéré : 238. - C. Christ: 264. -C. et âmes: 215. -C. et membres:
murmurant: 235. - C. nouveau: 141; 240. - C. 217. -C. humain: 264. -C. humain tissé: 281. -
partagé, en cendres : 236. - C. pour connaître C. humain comme tente: 399.
Dieu: 240. - C. pur: 235; 241. - C. qui médite: Correction : 99.
238. - C., racine des pensées : 236. - C. recréé : Corvée: 96.
240. - C. source : 241. - C. tortueux, enflé, Côte d'Adam: 261.
lourd: 235. - c.-unifié par Dieu: 236. Cou: 242-245. - C. (se jeter au cou): 245.
Cognée : 104. Coupe: 48; 160-163. -C. de bénédiction: 165. -C.
Colère : 18; 35 ; 42 ; 45 ; 49; % ; 153 ; 158; 162; de communion : 165. - C. de l'épreuve: 163. -
182; 207 ; 208. C. de la Passion : 163. - C. du salut : 161. -
Collier : 244. C. du sang versé: 163.
Colombe : 57 ; 194. Couper le souffle, tuer : 77.
Colonne de feu: 36; 37; 105. Courage : 197.
Colonnes : 145 ; 301. Courber l'échine: 247.
Commandement nouveau : 24. Couronne : 28 ; 159.
Communauté des croyants : 175. - C. spirituelle : Couteau : 126:
427. Création: 269. - C. nouvelle: 49.
Communion: 24; 161; 177. -C. (sacrifice de): 393. Creuset (fondre): 49.
- C. avec le Père : 176. Cribler, tamiser: 73.
Compassion : 209. Cris: 111; 120. -C. d'alarme: 335. -C. de fureur:
Complaintes : 339. 158, - C. de joie : 349-352. - C. de la ville
Comportement prophétique: 297-298. assiégée: 332.
Concours de sacrifices : 306. Crocodile : 57; 202.
Confession de foi: 124. Croix : 109. - C. (prendre sa) : 390. - C. de Jésus :
C. des péchés : 64. 386-389.
Confondre : 116. Cruche: 311. - C. d'eau : 172. - C., jarre: 170. -
Confusion des soldats: 307. Cruches entrechoquées : 160.
Consacrer (se consacrer à) : 285. Cuirasse : 185 ; 250.
Consécration: 321-326. - C., mise à part: 171 ; 191. Culte cananéen : 300. - C. en esprit et vérité : 427.
Conseil : 234. Cultes païens: 43; 138.
Consolation d'Israël : 424. Cuve : 154; 158; 208. - C. de la colère: 189.
Constellations : 16. Cymbales: 336.
Construction spirituelle: 274. Cyprès: 147.
Contempler: 117. Cyrus, roi : 324.
Contradiction: 49; 299. D'en haut: 119-122.
Convalescence : 362. Dalila : 301.
Conversion des Ninivites : 391. - C. du cœur : 38; Daniel: 38; 141; 203.
83 ; 238. - C. et joie : 350. Danse: 79; 157 ; 352 ; 355-357.-D. danslepressoir:
Cor mystérieux : 3 31. 357. -D. de Judith: 356. -D. de l'homme sauvé:
Corbeau: 57; 172. 357. -D. de la Création: 357. -D. des os: 357. -
Corde de deuil: 311. D. des récoltes: 357. -D. devant Dieu: 357. -D.
Cordeau: 274. devant l'arche. David: 353.-D. et adoration: 357.
Cordes (Samson) : 301. David: 28; 46; 225; 250; 303; 323; 353 ;418. -D.
Corne : 187. - C. (lever la corne) : 247. - C. de et Mikal: 355.
bélier: 118; 335. - C. de faux prophète: 304. De jour, de nuit : 84.

434
INDEX ANALYTIQUE

De tout cœur, un seul cœur: 236. Dispersion : 226.


Débora: 17; 137; 299. Divorce (acte de): 211.
Décadence de Silo : 408. Docilité : 190.
Déchirer le sein : 162. Doigt de Dieu : 255; 379. - D. du Créateur: 255.
Dédoublement : 84. - D. mystérieux: 255.
Défenseur: 221-223. Donner sa vie: 163.
Déluge: 50; 57; 94; 115; 195. Dons de l'Esprit : 139; 264.
Demeure: 274. -Demeure de Dieu: 399. Dormir: 18 ; 173.
Demeurer: 110; 156, - D, dans le Temple: 223, - Dos : 245-248. - D. (jeter derrière son) : 246. - D.
D. sous sa tente : 397. (labourer sur le dos): 247. - D. (livrer son dos):
Démiurge: 53. 247. -D. des prisonniers: 247.
Démons : 161 ; 210. Douze pierres: 306; 406; 414.
Dénuement : 257. Douze pierres du pectoral : 30.
Dépiquage : 73. Dragon de l'Apocalypse: 203, - D. volant: 203.
Déportation : 96. Drogue: 199.
Dépression : 173. Droite de Dieu : 250.
Désarmement : 187. Eau: 53-65; 139; 223; 285. - E. (près del') : 63;
Désert : 36; 63; 99; 108; 174; 213. - D. de la 147. - E. empoisonnée: 363. - E. fraîche: 60. -
renaissance : 309. - D. de la sécheresse : 309. E. primordiale: 53. - E. symbole ambigu : 57. -
Désir sexuel : 79. E, vive : 54; 60; 61; 63; 363. - E. vive (Dieu
Détresse: 79. source d'): 422-424. -E. d'en bas: 91. - E. d'en
Deuil : 98; 173 ; 364. - D., pas de musique: 345. - haut: 91. -E. du repos: 293. --E. primordiales:
D., rite refusé: 314. 91 ; 182. - E, profondes : 234. - E. saumâtres :
Déviation spirituelle : 159. 60. - E. supérieures : 54.
Dévoilement de la Croix : 123. Ébénistes: 275.
Dévorer, dévorant : 35; 42. Écarlate, pourpre : 61 ; 161.
Diable : 99; 124. Échelle de Jacob: 122; 426,
Diadème : 28; 159; 187; 279. Éclat: 14.
Dieu adversaire de Job: 371-376. - D. architecte: Écrire (dans le cœur) : 240.
274, -D, bâtisseur: 271. -D, caché: 207; 245. - Écritures (ouvrir les): 177.
D. danse parmi les siens : 356. - D. des cieux : Écroulement : 301.
119. - D. dresse sa tente: 397. -D. fatigué par Écurie : 184.
son peuple : 290. - D. fidèle à son Temple : 420. Éducation du peuple : 298.
- Dieu guide : 128, - D, hautain : 119, - D, Église: 264-265. - É. à venir: 175. -É. du Christ:
immense TP: 416; 424. - D. indien, Vâyu : 72. 217.
-D. miséricordieux: 119; 217-223. -D. n'oublie Égorgé: 191; 242.
pas: 218. - D. présent: 216. - D. proche: 119; Égypte: 36; 155; 185.
122. - D. qui se souvient : 213. - D. toujours à Élargir: 83 ; 292.
l'œuvre: 289; 382. -D. unique: 207. -D. ven- Élévation de Dieu : 340.
geur : 164. - D., lion dévorant 198. - D. Éli, le prêtre : 409.
citadelle : 131. - D.-rocher : 129. - D.-voit : 126. Élie: 37; 59; 172; 186; 304-307.
- D. babyloniens : 53 ; 59. - D. précolombiens, Élisée : 39; 62 ; 263 ; 307-308; 382.
vent : 55 ; 72. Élohim : 136.
Digue: 56. Emblème de la personne : 278. - E. guerrier: 404.
Dîme: 174. Embrasement : 117.
Dionysos-Zagrreus : 116. Emmaüs. Fraction du pain: 177; 393.
Discernement : 234. Émondage: 156-157.
Dislocation : 364. Émotions: 217-219; 264.

435
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Empreinte de Dieu: 278. Face : 15 ; 245-248. - F. (cacher sa face) : 310. - F.


En haut: 65. (se voiler la) : 281. - F. (voir la face de Dieu) :
Encens: 81; 170. 245. - F. à face : 300. - F. de Dieu: 18; 22.
Endurcir le cœur : 23. Faim: 170.
Enfant contre sa mère : 293. - E. prodigue, festin : Fardeau : 248. - F. léger : 240. - F. pesant: 288.
393. Farine: 170; 305. -F. miraculeuse: 173.
Enfantement: 79-80; 110; 217. Fatigue de Jésus: 291,
Enfers (repêché des) : 364. Faucille: 29 ; 158.
Enfler, gonfler: 71. Faux dieux : 38.
Engloutir : 97. Fécondité: 55; 110; 140; 143; 145; 151. - F. du
:Énigme de Samson : 197. sol: 170.
Entendre la voix de Dieu: 293. Femme: elle n'oublie pas: 218. -F. adultère: 23;
Entrailles : 158; 217-219. - E. (fermerses) : 218. 212. -F. des jeunes années: 215; 221; 309.
Entrée de Jésus à Jérusalem: 189. Fer passé au cou: 243.
Envie: 208. Fermentation : 171.
Envol: 56. Fertilité : 59.
~paules : 248-249. • Festin: 392-394. - F. des ressuscités: 392. - F. du
Epée: 40; 93; 96; 141; 162; 185; 215; 251. - E. Royaume: 384. - F. et joie: 350.
de feu : 47 ; 136; 299. - É., baudrier: 256. Fête d'automne: 130. -F. des Expiations: 62.
~phod : 62 ; 248. Feu : 39-50; 126; 139; 154 ; 162 ; 228; 286. - F.
Epileptique : 381. (épreuve du feu) : 273. - F. de Dieu: 46; 306. -
Épines et ronces: 35; 42; 154; 159. F. de la parole : 40. - F. dévorant : 45 ; 94; 138;
Épouse: 215-217. 186; 209; 306. - F. idolâtrique : 138. - F.
~poux: 212-217. lumineux: 43. -F. permanent: 415. -F. sorti du
Epurer: 285. rocher : 300.
Escabeau: 119. Fiançailles: 212.
Esclavage : 96; 184. Fidélité: 212. - F. et Vérité : 98.
Espace (rewah) : 81. Fièvre : 261.
Esprit : 79-87; 221; 264. - E. (né de !'Esprit) : 64. Figuier: 104; 144; 213. - F. (parabole du): 390. -
- E. (sceau de l') : 278. - E. reconstructeur : F. maudit: 316. -F. stérile: 144.
83. -E. de Dieu (ruah): 76; 82; 91; 139. -E. et Fille abandonnée : 212.
Annonciation: 85. -E. et onction: 323. -E. libre Fils : 174; 207. - Fils de l'homme : 389.
comme le vent : 83 ; 86, - E. Paraclet : 87. - E. Fin du monde: 104.
qui revêt l'homme : 85. - E. Saint : 49 ; 194 ; 252 ; Firmament : 91.
379. -E. témoin: 87. -E., mémoire vivante: 87. Flambeaux : 16.
Étranger: 219; 252. Flamme: 25; 37; 42; 44; 46; 125; 162; 209.
Êtres composites : 202. Fléau: 119.
Eucharistie: 175-177. Flèche de Dieu : 3 73.
Euphrate : 57. Fleur d'or: 28; 248. -F. fanée: 159.
Exil (déportation): 98; 105. Fleuri: 145.
Exode: 95; 175-176; 182; 298; 401. Fleurs: 26.
Expiation: 61; 161; 385. Fleuve : 45 ; 91 ; 98. - Fleuves issus de la Cité : 131.
Expulsion: 93. Flûtes et cithares: 340; 343.
Extinction: 185. Foi, grain de sénevé: 381. -F. qui guérit : 380-382.
Exultation de Jésus: 351. Foie: 217.
Exulter en Dieu: 349-352. Folie: 161. - F. de la Croix : 208.
Ézéchiel: 226; 263; 314-316. - É., parabole du Fondations: 271.
cèdre : 140-146. - É. et l'autel nouveau : 415. Fondeur: 49; 61.

436
INDEX ANALYTIQUE

Fondre: 235. Grondement des peuples: 329.


Fontaine de Siloé: 423. - F. scellée: 94. Grotte, caverne : 38.
Force d'en haut: 119. -F. du cou: 242. Gué du Yabbok: 407. -G., passage spirituel: 406.
Forêt: 120; 155 ; 275. Guéhazi, serviteur d'Élisée : 382.
Forge, fonderie : 78. Guérison : 378-385. - G. le jour du sabbat : 362;
Forteresse : 129-1.32. 364 ; 378; 382.
Fosse: 369. -F. (réclamer la vie) : 365. Guerre : 43; 182; 299. - G. (chefs de) : 14. - G.
Foudre, foudroyé: 41; 46; 72; 146; 208. (dieux de la): 14.
Fouet: 249. Guerrier: 250; 299.
Fouler : 208. - F. le raisin : 157, Gueule: 97.
Fournaise: 36; 43. Guide: 99.
Fracas de la tempête: 334. - F. des eaux (Apoc.) : Guilgal : 404 ; 405-406.
329. -F. des flots: 183. Habiller: 214.
Fraction du pain: 175; 177; 393. Habitation de l'Esprit : 85.
Fragile, fragilité : 70; 136; 269; 370. Habiter la Maison de Dieu : 292.
Frapper le berger : 224. Hache (miracle d'Élisée) : 307. - H. de guerre: 276.
Frémissement: 86; 217-219. -F. de joie: 349. - H. du jugement divin : 277.
Fructification, fructifiant : 102; 139. Haine: 265.
Fumée: 110. Harmonie : 264.
Fureur: 208. Voir aussi Colère. Harpes et cithares : 98; 159; 344.
Fusion : 228. Harran: 413.
Gabaôn : 17 ; 128.
Hâte: 191.
Gage: 217. Hauts lieux: 16; 127-129; 138; 209,
Galettes : 173.
Hekal, palais du Seigneur : 408 ; 417.
Gargoulettes brisées : 312.
Herbe sèche: 235.
Gazelle : 352.
Hercule: 116.
Gédéon : 46; 299.
Gémir, gémissement: 79; 111; 338; 364. - Gémis- Héritage: 96; 161. - Héritier: 156.
sement de la Création : 392. Hermon : 126.
Génération rebelle : 293 ; 391. Hésed (tendresse, amour): 45; 84; 213; 223.
Gerbes: 170. Heshbôn: 43.
Germe (de la Parole) : 59. - G., germer : 99; 153 ; Hippopotame: 57; 148; 202.
174; 262. Holocauste: 37; 40; 46; 62; 118; 190.
Geste énigmatique : 297. - Gestes magiques : 297. Homme de Dieu : 302.
Gilgamesh : 58; 115; 136. Homme des douleurs : 387.
Glaive: 50. - G. de la Parole: 187. Honte: 161; 212; 216; 257.
Gloire : 14; 19; 45; 46; 47. - G. qui remplit la Horeb: 117; 126; 173; 306.
tente: 400. Hospitalité : 397.
Goë! (Racheteur) : 221-223. Houlettes : 224; 227.
Golgotha : 125. Huile: 25 ; 81 ; 143 ; 305 ; 319-321. -H. (miracle de
Grand· prêtre : 277, l') : 319. -H. des malades: 321. - H. parfumée:
Grandes eaux : 45 ; 54; 422. 321. - H. pour les plaies : 362. - H. sainte : 322.
Grandeur ; 146. - H., signe d'abondance : 320. - H., signe de
Grappillage: 153. joie : 321.
Gravure: 277-278. Hutte : 401-402.
Greffe: 102; 143. Hyacinthe (gemme) : 188.
Grenadier : 145. Hykos: 182.
Grenier: 174. Idolâtrie : 155 ; 212.

437
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Idoles: 45; 128; 208; 220; 276. -1. enfouies: 137. Job: 185; 371-376.
- I. inanimées : 77. Joie: 79; 349-355.
Iles (nations) : 420. Jonas, figure du baptême: 390-391.
Image : 265. -1. sculptée; 208. Josaphat (vallée de) : 158.
Impudicité : 257. Joseph: 182.
Impureté: 98; 127. Josias : 16; 45 ; 184.
Incirconcis: 141. Josué: 224.
Incirconcision des sens : 239. Joug: 240. - J. de l'instruction: 243. - J. léger: 354.
Incurable : 363. - J. de bois et de fer: 313.
Inde, 136. Jour : 23. - Jour de joie : 286. - Jour des Expia-
Indépendance: 190. tions: 62; 341.
Infidélité, 59; 96; 106; 161. Jour de Dieu. Jugement: 23; 186; 187.
Innocence: 61; 190. Jourdain : 64; 405.
Inquiétude: 173. Jubilation : 46; 79; 349.
Insectes : 110; 152. Jubilé : 220.
Inspirateur : 84-85. Judas: 165.
Instrument d'exorcisme: 342. Judas Maccabée : 46.
Instruments à cordes: 343-345. Jugement: 48; 73; 103. - J. de Dieu: 44.
Insuffler : 91. Juges: 137; 224.
Intaille; 274. Jus de grenade: 145. - J. de la grappe: 158; 161.
Intelligence: 234-235. Juste éprouvé: 371-376.
Invasion : 96; 152.
Kepporeth (Propitiatoire): 166; 403.
Labeur : 169.
Invités disco~rtois ; 384.
Lamek: 151.
Iran: 136.
Lamentation: 337-340,
Irrigation, irriguer : 53 ; 55; 139.
Lampe : 23 ; 25 ; 26; 39.
Irriter l'Esprit : 85. Lance: 14; 64.
Isaac: 61; 126; 413. Langage articulé: 297.-: L. gestuel: 297.
Isaïe: 310-311; 386-389. Langues : 116. - L. de feu : 50.
Ivraie : 50; 103. Lapidation: 165; 212; 215.
Ivresse: 20; 54; 57; 151; 159; 162; 312; 355. Large (le large) : 83.
Jacob: 18; 60; 122; 147; 407; 414. Larmes, pleurs, sanglots : 112 ; 158; 173 ; 217 ; 338.
Jaïros: 380. Lavage, nettoyage : 61.
Jalousie: 45; 138; 208-210. Lavement des pieds : 13 7.
Jardin: 18; 41; 93. - J. du Seigneur: 93; 140. - J. Lazare: 23. - L. (Pauvre Lazare) : 384.
en Eden: 110, - J. verrouillé: 93. Légèreté : 73. L. au combat. David : 353. - L. de
Jardinier: 55. Balthasar: 353.
Jéréboam: 303. Lèpre : 61 ; 372 ; 382.
Jérérniec 160; 190;270;311-314. Lépreux guéris : 382.
Jéricho (prise de) : 299. Lettre vivante : 83.
Jérusalem: 21; 98. - J. céleste: 31; 131; 428. - J., Levain (Puissance du) : 171. - L. (pur et impur) :
cité de Dieu : 131. 171. -L. d'hypocrisie, 172.
Jessé: 25. Léviathan : 57.
Jésus fils du Très-Haut: 120. - J. bon Pasteur: 229. Lévirat : 221.
- J. cep: 156. - J. dans le Temple: 424. - J. frappe Liban : 42 ; 146.
à la porte : 394. - J. le Juste : 386. - J.-roi : 124. Libations : 161.
Jeûne: 173; 174. Libération: 285.
Jézabel: 59. Liberté : 70; 82; 96; 106.

438
INDEX ANALYTIQUE

Lie: 162. Manteau : 158; 208; 218. - M. de poils : 307.


Lieu de paix: 144. -L. de prières: 420-422. -M. déchiré: 303. -M. sanglant: 189.
Lin: 61. Manu :58.
Lion: 111; 188; 196-199. -L. (dignité royale du) : Mara: 60.
198. - L. (proverbes sur le) : 199. - L. (qualités Marcher: 43; 105-110. -M. (dans le monde) : 23.
du) : 198. - L. déchiré : 301. Mardouk : 115.
Liqueur d'immortalité : 136. Mariage: 265. -M. scandaleux: 309.
Livre jeté dans l'Euphrate :_-314. Marins: 75.
Loi : 59 ; 99 ; 265. - L. (s'affermir dans la) : 285. Matériaux: 272. -M. précieux: 147.
Longévité : 94. Matin: 92.
Lot: 160. Mayas: 122.
Lotus: 148. Méchants et bons: 59.
Louange de Dieu : le vivant : 366. Mèche: 185.
Loup: 111. Médecin: 199; 383.
Lucifer : 16. Mélange interdit : 281.
Lumière: 13-32; 370. -L. de la Résurrection: 143. Melkisédeq: 174.
- L. des nations : 424. Membres : 264.
Luminaires du ciel : 16. Mémoire du Christ : 177.
Lune: 16. Mémorial : 248. - M. de !'Exode : 287.
Lutte avec l'ange : 407. Mensonge: 174; 186.
Main : 252-256. - M. (signes sur la) : 219. - M. Menûhah (lieu de liberté) : 289.
folte, bras étendu : 252. - M. de Dieu : 252. Mer : 36; 56. - M. agitée : 182. - M. de cristal :_ 48.
- M. de MoTue : 60 ; 253. - M. de Thomas : 253. - M. des Roseaux : 60; 182 ; 250; 299; 406.
-M. des hommes: 253. -M. des hommes forts: Me,kabah (char de Dieu) : 13 ; 47 -48.
253. -M. manifestée: 252. - M. du Seigneur sur Messianisme: 25.
moi : 252. - M. pesante : 252. - M. (battre des Messie: 25; 64; 174.
mains) : 254. - M. (imposition des) : 254. - M. Métaux: 49; 59. -M. préci"eux: 270.
(tendre les) : 253. Meurtre : 156.
Maison bien ou mal fondée, 272. -M. d'éternité: Michée (de Moreshet) : 225.
370. - M. de cèdre .; 272. - M. de Dièu, sanc- Miel: 315.
tuaire: 122; 126; 147; 418. -M. du Père: 109. Miracle d'Élisée : 308. - M. des eaux, Élisée : 308.
- M. du repos :· 119. - M. en ruines: 234. - M. Miroir: 14.
royale, dynastie: 418. Mise au large : 292.
Maître : 210-212. - M. d'œuvre : 56. - M. de Miséricorde: 57; 207; 213; 217; 251.
l'ouvrage: 272. - M. des animaux: 91. - M. du Mission: 100; 173. -M. des disciples: 380.
champ : 55. - M. du vent : 75. - M.-de-Tout : Modelage : 92 ; 269.
2_11. Moelle : 261.
Majesté : 145 ; 248; 250. Moïse: 35 ;37; 60; 117; 124 ;223 ;224 ;250 ;298;
Mal de mer: 75. 391.
Maladie: 361-362. Moisson: 103; 171; 176.
Malédiction: 59; 94; 96; 151. Monde souterrain : 202 ; 368.
Malhonnête: 173. Monogamie : 212.
Mambré: 136; 413. Monstres marins : 57 ; 92 ; 202 ; 391.
Mandragore: 81. Mont Carmel: 38; 46; 126; 306. ~ M. des Oliviers:
Manger et boire: 118. 125.
Manifestation de Dieu : 124 ; 402. Montagne: 123-125.-M. de Dieu (Horeb) :35; 38;
Manne: 99; 169; 175. 117-119. - M. de feu: 37. - M. de Sion: 310.

439
LES SYMBOLES BIBLIQUES

- M. des dieux : 125. - M. du sacrifice : 126. - Nouveaux cieux : 47 ; 50; 111.


Montagnes: 55. Nouvelle terre: 47; 50; 110-112.
Montée de l'Arche à Sion : 404. Nu : 136. - N., pieds nus : 18; 36; 50; 64.
Monter: 123. -M. (pour attaquer) : 123. - M. vers Nudité: 152; 162; 213 ; 257 ; 310. - N. (Découvrir
Jérusalem : 123. - M. vers un pays : 123. la) : 259. - N; pendant trois ans : 310. - N.
Moré: 136; 413. prophétique : 257,
Morsure de serpent : 160. Nuée : 36 ; 60 ; 400.
Mort: 46; 65; 111; 135; 182; 365-371. -M.: Bout Nuit: 23. - N. pascale: 47; 188.
du rouleau: 281. - M. des sept maris: 377. Nuque : 242. - N. raide : 96; 208 ;- 243. - N.
Morts (ne louent pas Dieu) : 366. rompue : 242.
Mourir dans le Seigneur: 294. Obéissance: 15 ; 58; 59. -Ob. jusqu'à la mort· 388.
Muet: 19. Océan: 57.
Mugissement du monstre : .340. Œil (de l'homme) : 26.
Mule de Salomon : 189. Offrande: 19; 170. -Offrande d'huile: 321.
Multiplication des pains: 101; 124; 316; 393. Oint de Dieu: 323. - 0,, Messie: 29.
Murmure de méditation : 33 7. - Murmures de Oiseau: 55; 76; 140; 194-196.
rébellion: 336. Oiseaux mythologiques : 194.
Musique: 110; 340-345. - M. et danse: 343. - M. Olivier: 27; 143.
et louange : 344. - M. thérapeutique : 344. Ombre de la mort: 99; 370. -0, des ailes: 292.
Mystère: 217; 265. Ombres du shéol : 365,
Naaman : 62; 308; 382. Onction : 84; 189; 321-326. - O. d'Élisée : 307;
Nabot: 153. 323. - O. de !'Esprit, Paul : 325. - O. double :
Nabuchodonosor : 142; 356. 174. - O. messianique : 324, - O. royale : 27;
Nahuatls : 122. 326. - O. sacerdotale : 28.
Naissance: 99: - N, d'Israël: 298. -N, des dieux: Onzième heure : 156.
125. Oracle : 298 ; 400.
Naphte: 46. Orage: 40; 72; 117.
Narines: 76; 182. -N. (de l'homme): 92, Oreiller : 122.
Natân: 303. Oreilles (des hommes) : 20.
Nations et le Temple: 420-422. Orgueil: 71; 121; 145.
Naufrage : 57. Os : 261-262. - O. (feu dans les os) : 38. - O.
Navire : 57; 75. broyés : 365. - O. cariés, broyés : 262. - O. de
Nazir (Vœu de) : 301. mes os : 261. - O. effrayés, brûlants : 261. - O.
Nébel, kinnor (instrum.): 343-345. non brisés : 264. - O. qui dansent : 262. - O.
Nemrod: 116. vigoureux : 261.
Nicodème: 86; 120; 122. Osée: 212; 309,310.
Nil: 57; 60. Osée (noms symboliques) : 212; 309.
Niveau: 274. Ossements: 262-264. -0. secs et vivifiés : 263. -0.
Noces : 26. - N. (Danse des) 356. - N. de impurs: 262. -0. miraculeux: 263.
!'Agneau: 192; 394. Oubli : 370. - O. de Dieu : 218.
Noé: 58; 95; 151; 259. Ougarit: 17; 125.
Nom du Seigneur, de Dieu: 22; 39, Ouragan : 38; 42 ; 76.
Nom inscrit dans le ciel : 380. Ours: 109; Ill.
Nomade : 397. Ouverture des yeux: 21; 199.
Noms symboliques : 309. Ouvrage: 269.
Notre Père : 120. Ovation: 335.
Nourriture: 169; 173; 175; 176. Pagnes: 144; 257.
Nouveau (Homme nouveau) : 265, Païens invités au festin : 384.

440
INDEX ANALYTIQUE

Paille : 70. Percussion: 355.


Pain: 101; 169-177. -P. azyme (renouveau): 171. Perdrix captive: 235.
-P. de deuil: 154. -P. de Dieu: 171; 177. -P. Père du ciel, Père céleste: 59; 102; 109; 124. - P.
de vie: 170; 175. - P. du ciel: 170. - P. et vin: vigneron : 156.
174, -P. levé (signe du passé): 171.-P. rompu: Périodes : 141.
177. -P. unique: 177. Perspicacité : 234.
Pains d'oblation: 170. Petit reste. Survivants: 95; 139; 146; 175; 209.
Paître le troupeau : 225. Pétrir : 270.
Paix : 265 ; 292. Peuple de Dieu : 219. - P. de Dieu et danse : 357.
Paix et Justice: 99. -P. de prêtres: 191; 325.
Pahnier : 137 ; 139. Peuplier: 147.
Panser les blessures: 365. Peur: 18; 38; 71.
Pâque: 171; 191; 219. Pharaon : 60 ; 96.
Parabole : brebis de Natân : 303. - P. des dix Pharisiens : 22 ; 23 ; 172 ; 425.
vierges : 321. Philistins : 224.
Paraboles: 102-104. -P. agricoles: 156. Pieds : 61.
Paraclet : 86; 222. Pièges: 24.
Paradis en Éden : 93 ; 94. Pierre : 122; 174; 274-275. - P. à feu : 46. - P.
Paralytiques : 289; 382. angulaire: 156; 274; 427. -P. apôtre: 124. -P.
Pardon, miséricorde : 212. d'achoppement: 274. -P. gravée: 277.
Parfum de la pécheresse : 82; 321. Pierres brutes : 414. - P. enfouies : 314. - P.
Parfums (reah): 81-82; 94; 161. précieuses : 28; 30-32; 248; 274. - P. sacrées :
Parfums (rite des) : 82. 415. -P. vivantes: 275.
Parole : 50; 54; 102; 286. - P. (feu de la Parole) : Piétiner : 271.
39; 190. - P. (sceau de la) : 279. - P. de Dieu : Pieu, Pieu sacré : 16; 45 ; 128; 138.
174-175. -P. de Dieu mortelle: 368. Pigeons : 424.
Part: 175. -P. de Dieu: 163. Piscine de Siloé: 23. -P. de Béthesda: 289.
Partage: 175; 177. -P. du pain: 173. Pitié: 210.
Passage du Seigneur : 191. Place: 163.
Passion: 207. -P. du Christ: 386-390. Plaque de fer : 315. ··
Passionné pour le Seigneur {Élie) : 307. Plénitude : 265.
Pasteur : 223; 229. - P. (mauvais) : 226. - P. du Pleureuses : 339.
Grand Berger : 224. - Pasteurs chrétiens : 230. Pluie : 54; 55 ; 59; 154.
Pâte, pâte levée : 171. Plumes : abri de Dieu : 292.
Pathétique : 207. Poids: 73.
Paul: 264; 325. -P. (marqué du sceau): 280. Poil (de chèvre) : 193.
Paumes (gravé sur les) : 218 i 253. Pointe de diamant : 278.
Pauvre, pauvreté: 63; 175; 258; 338. -Pauvres du Poison : 162.
Seigneur: 221. -P. invités: 384. Poisson, fiel miraculeux : 377.
Péché (Christ identifié au) : 386. - P. contre l'Es- Polygamie: 211.
prit: 86. Pomme d'amour : 145.
Pêche miraculeuse: 316. Pommier: 81; 145.
Pectoral : 30; 62. Ponce-Pilate : 61 ; 120.
Peine: 173. Port de tête : 243.
Pèlerinage : 96; 123. Porte du bercail : 229. - P. étroite : 124.
Pèlerinages à Silo: 409. -P. dans le Temple: 420. Portes : 31. -P. de la ville: 301. - P. du shéol: 365.
Pelle à vanner: 50; 73. Possession diabolique: 378-380.
Pentecôte : 87. Potasse (soude): 49; 63.

441
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Potier : 269-271. Rachat: 216; 219-221; 375; 385.


Pourpre : 161. Rachel. Rama : 61 ; 338.
Poussière : 92 ; 199 ; 224. Racine: 140; 143; 155; 171; 177.
Poutre : 271. Radeau , 27 6.
Pouvoir royal : 224. Raidir: 243.
Prémices : 170 ; 171. Raisins : 152 ; 157.
Premier-né: 219; 424. Raison : 234.
Premier-né des morts: 391-392. Rajeunir: 365.
Premiers-nés (loi sur) : 391. Rameau : 27 ; 139; 146. - R. d'olivier : 195.
Prépuce : 162. Ramures: 141.
Présence de Dieu et onction: 323. Rançon: 163. - R. payée à Dieu (job); 375.
Présentation au Temple : 86; 195; 424. - P. du Rapaces impurs : 196.
pain: 174. Raphaël , 22 ; 3 77.
Pressoir: 157-158; 208. Rassasier: 175.
Prêtre, Melkisedeq: 174. Rassemblement : 222 ; 342.
Prêtres: 61; 170; 224. -P. (faux prêtres): 16. -P. Ravin de la mort : 224 ; 370.
{onction des) : 322. Rébecca: 61; 137.
Prière : 286. - P. de Jésus : 124. - P. de nuit : 292. Rébellion : 99 ; 13 8 ; 293.
Prince de la paix: 189; 249. -P. de la vie: 387. Réconciliation : 111 ; 265. - R. avec Dieu : 386.
Printemps: 40_ -P. (signe du) : 144. Réconfort : 172.
Procès: 213. -P. de Job contre Dieu: 374. Rédempteur : 375.
Prodiges et signes : 298. Rédemption: 110-112.
Profanation : 39. Redoutable : 122 ..
Promesse de Dieu à David: 418. Réfection spirituelle : 290.
Prophète: 297-316; 252; 257. -P. et juge: 302. Réforme religieuse: 139.
- P., instrum. de Dieu : 297. - P., intercesseur: Refuge: 129; 250; 397.
302. - P., sa personnalité : 297. Reins : 26; 47 ; 207 ; 256-261. - R. (casser, briser
Propriétaire: 210-211. les) : 256. - R. (former les reins) : 261. - R.
Prosternation orientée : 420. (sonder les reins) : 261. - R. ceints·: 256. - R.
Prostituée de Babylone : 48; 161. consumés : 260. - R. défaillants : 260. - R. et
Prostitution, prostituée : 98; 128; 193 ; 212-215 ; cœurs: 48. -R exu1tants: 350. -R. frémissants:
259; 309. 260. - R percés, horrifiés : 260. - R transpercés
Protecteur: 213. (job): 373. - R. violents, orgueilleux: 256.
Protection : 292. Rejeton: 18; 25; 139. -R. de David: 385.
Providence: 99; 170; 276. Réjouissances : 157.
Pudeur: 258. Rékabites abstinents : 313.
Puissance : 256. Relégation : 3 72.
Puits, 60-61. -P. de Sichem: 293. Rémission des péchés: 382; 403.
Pulvériser : 270. Rempart : 31.
Pureté : 171. Renaissance: 37; 63-64; 99-101; 139.
Purification : 49; 63 ; 194; 227 ; 389. - P. au Renards et torches : 301.
Jourdain: 382. Rencontre avec Dieu : 399-401.
Pyramide : 122. Renoncement: 109.
Qéhatites (porteurs) : 248. Réparation: 385.
Qiryat Yéarim : 405. Repas: 175; 191.-R avec les péchem-s: 384. -R
Quatre Vivants : 162. d'assiégé: 315. -R de la Pâque: 191.
Queue: 188. Repentir, repentance : 44; 64 ; 104; 152 ; 207.
Quotidien: 172-174. Repos : 152; 207. - R. (refuser le) : 223; 240;

442
INDEX ANALYTIQUE

285-294. -R. accordé: 293. -R. de l'Arche: 294. Salut: 176; 385.
-R. de la Création: 416. -R refusé: 294. Samaritain lépreux : 382.
Répudiation: 216; 221. Samaritaine: 61; 63; 176; 427.
Respect: 117. Samson: 196; 224; 301-302.
Ressuscité: 177; 389-394. Samuel : 224; 302. - S. (naissance de) : 409.
Restauration : 63. Sanctuaire: 18; 64; 115; 170; 399-401; 408; 418.
Résurrection: 23; 47; 65; 111; 305; 389-392. -R. Sandales: 50; 117; 171; 191; 221.
(joie de la) : 354. Sang: 19; 99; 153; 154; 158; 163; 163-166; 208;
Retour: 98; 108. -R. d'exil: 110; 249. 214. - S. (accès au sanctuaire) : 165. - S. (breu-
Révélation aux tout-petits: 381. vage) : 165. - Sang (eau et sang)· : 64. - S.
Rideau: 36. (interdit du sang) : 163. - S. de l'agneau : 166;
Rien: 71. 385. - S. de l'a., Victoire : 192. - S. de l'a.,
Rig Véda: 53. Exode: 191. - S. del' Alliance nouvelle; 165. - S.
Rite: 45. du Christ : 165. - S. innocent : 165. - S.
Rites de deuil: 128; 337. menstrud : 163. - S. précieux : 192. - S. qui
Robes lavées dans le sang : 166; 192. couvre le péché : 166. - S. qui crie : 164. - S. qui
Rocher (creux du) : 246. - R. de Rimmon : 129. établir la paix : 166. - S. qui justifie : 166. - S.
- R., roc : 46; 60; 99; 129-130; 139. qui purifie : 166. - Sang qui sanctifie : 166. - S.
- R.-source : 130. rédempteur: 166. - S. versé: 164; 165,
Roi : 224. - R. (visage royal) : 13. _- R. et prêtre : Sans défaut : 190.
174. --R. proclamé: 137. - R., souffle de son Saoulerie : 159.
peuple: 77. Sara (femme de Tobias) : 376.
Rosée: 15; 40; 54; 170. Saraï: 61.
Rouleau mangé : 315. Saraph et Seraphim : 200.
Royaume des Cieux, de Dieu : 23 ; 65 ; !OZ; 156 ; Sarepta (veuve de) : 173; 305.
171; 378. Sarment : 50; 156.
Royauté : 299. - R. de Dieu : 417. - R et servitude : Satan : 372. - S. (fin de son règne) ; 387. - S. et
303. Jésus: 378-380.
Rugissement: 120; 335. -R. du lion: 198; 338. Saule: 147.
Rumeur de la guerre: 335. Sauterelles : 188.
Rupture : 161. Sauveur: 212.
Rusé: 199. Savoir : 234.
Sabaot: 14-16. Sceau: 175; 187; 278-281. - S. d'investiture: 279.
Sabbat : 285-289. - S. mis en question : 288. - S. - S. d'un contrat : 279. - S. de la foi , 280. - S.
(sanctifier le) : 286. - S. (souvenir du) : 286. - S. et onction : 326. - S. messianique : 280.
de délices : 287. - S. fait pour l'homme : 289. Sceptre: 155.
Sac. Pénitence : 97 ; 256-257. Schisme : 303.
Saccage : 154. Science : 234. - S. des saints : 234.
Sacrifice d'enfants: 138. - S. de communion: 393. Scorpions : 188; 201.
- S. pour le péché: 194; 403. Scribes : 425.
Sacrifices: 46; 163-165. - S. humains: 128. Sculpteurs sur bois: 275.
Sadducéens : 172. Sécheresse: 42; 44; 59; 99; 173; 304.
Sagesse : 16; 142; 173; 207; 234; 272; 276. - S. Secret : 19; 207; 233; 278. - S. (des cœurs) : 22;
(fardeau de la) : 249. 111. - S. de la Tente: 292.
Saint: 141.-S. des-saints :27. Sécurité près de Dieu : 292.
Salaire: 173. Sédécias : 146.
Salem: 174. Séduction : 100; 213 ; 310.
Salomon : 28; 46; 129; 184. Seigneur et deux anges : 136. - S. unique : 140.

443
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Séjour des morts (Shéol): 98; 367-370. Souche: 25; 139-140.


Sekel (raison) : 234. Souffle: 40-41; 76-79. - S. (de l'homme) : 40; 77.
Semaine : 27; 91. - S. {reprendre souffle) : 286. - S. coupé : 80;
Semence sainte: 139. 362. - S. créateur de Dieu : 76; 77 ; 92; 182.- S.
Semeur, semence: 102-105; 175. de l'émotion: 79-81. -S. de la Sagesse: 78.
Sénevé : 103. Soufflet : 79.
Sept coupes : 162. Souffrance: 385-389. -S. et joie: 264.
Sept sceaux de !'Apocalypse: 187; 280. Souffrances du prophète : 297.
Sépulcre : 368. Soufre : 162 ; 188.
Séraphins: 14; 48; 200; 415. Souillure: 96; 161; 210; 235.
Serein (le): 15. Soukkôt, fête des Tentes: 401; 426.
Sermon sur la montagne : 124. Soumission à Dieu : 298.
Serpent : 19; 64; 100; 136; 199-202 ; 224. - S. Soupir: 80.
(fuyard) : 57. - S. brûlant :·200. - S. d'airain: Source: 54; 63; 228. - S. d'eau vive: 63; 426. -S.
200. - S. d'airain idole: 201. - S. de la Genèse: de Guihon : 422. - S. des fleuves : 423. - S.
199. miraculeuse: 301. - S. Maison de David: 418.
Serpents et dragons : 200. - S. et scorpions : 380. Sourd (dur d'oreille): 19.
- S. mythiques : 200. Souvenir: 218. - S. de Dieu: 84.
Serpette : 157. Splendeur : 18; 160. - S. de la Cité céleste: 132.
Serviteur : 40; 220. - S. défiguré : 387. - S. exalté : Stèle: 16; 118; 122; 128; 138; 413.
389. - S. souffrant: 190; 208; 251; 386-389. Stèles (onction des) : 322.
Servitude: 219. Stérile, stérilité : 215 ; 221 ; 398.
Seuil: 63. Submersion : 57.
Sexualité : 62 ; 216; 258. Substitution: 127; 195.
Shekkinah (Présence): 18; 217. Sueur : 163 ; 169.
Shéol (Séjour des morts) : 98; 366; 367-370. - S.
Suivre Jésus: 109.
insatiable : 369.
Syncrétisme : 128; 138.
Shofar (corne de bélier): 340-342.
Tabernacle: 37.
Sicles d'argent (trente) : 228.
Table: 159; 170. -T. des démons: 210.
Siège de Job par Dieu: 373.
Sifflement de Dieu: 333. -S. de stupéfaction: 333. Tables de pierre : 83.
Tablette du cœur : 240; 278.
Siffler : 81.
Signification cosmique: 416. Tabor: 126.
Silence: 40; 80; 157 ;293. -S. de lamer: 330. -S. Tacher: 158.
de la mort qui vient : 334. Tamaris: 137.
Silo: 15; 302; 404: 408-410. -S., centre de pèleri- Tambourin: 79; 355-356.
nage: 408. Tambourins et flûtes : 159.
Siméon : 424. Tammuz-Adonis: 209.
Sinaï: 37: 45; 100; 117-119; 126; 248. Teigne: 364.
Sion: 125. Teinturier: 281.
Soie: 62. Témoignage : 403.
Soif: 60; 63-64. Témoin: 374.
Soir: 92. Tempête: 47; 58; 75-76. -T. apaisée: 316. -T.
Soixante-dix anciens : 118. sur la mer: 75.
Soixante-douze disciples : 173 ; 380, Temple: 63; 200: 246; 413-428. - T. (absence de):
Sol maudit : 94-96. 129; 427. - T. (usage néfaste du) : 425. - T. de
Solitude: 221. Jérusalem : 131; 416-418. - T. des chrétiens :
Songe: 122: 141; 300. 427-428. -T., pôle de la foi: 420-422. - T., repos

444
INDEX ANALYTIQUE

de Dieu : 290-291. ~ T. source : 422-424. - T_, Tremblement de terre : 37 ; 38.


source de vie : 423. Trembler : 364.
Temps (pour planter): 101. - T. messianiques: 226. Très-Haut: 119-122. -T.-H. (ministre du): 174.
Tendresse (Hésed): 45; 207; 213; 216; 218. Trésor : 270.
Ténèbres (obscurité): 14; 22; 24; 43; 56; 369. Tressaillir: 352. - T. dans !'Esprit: 85.
Tentation: 100; 123; 174; 199. - T. surle Temple: Tristesse : 98.
424. Trompe de !'Horeb : 340.
Tente: 14; 215; 272; 397-401. -T.: méchants et Trompette : 18; 342. - T. du Jugement : 342.
justes : . 398. T. élargie : 398. - T. préservée, Trompettes d'argent: 342. - T. des fêtes: 343.
arrachée: 398. - T. sanctuaire: 399-401.- T., culte Trône de Nabuchodonosor: 314. - Trône de Dieu:
du désert: 420. -T., lieu secret: 397. 15; 30; 47; 119; 200; 405; 417.
Térébinthe: 93; 102; 145-146. Troupeau: 223.
Terrain: 175. Tumulte des grandes eaux: 329-330.
Terre: 91-112; 220. -T. (bouche de la): 164. -T. Typhon: 57.
d'idolâtrie: 93. - T. du repos de Dieu: 289. - T. Tyr: 125.
promise: 123; 289. - T., escabeau de Dieu: 417. Unité: 176. - U. et diversité: 264. - U. organique:
Tertullien: 54. 273.
Teruah (cri de guerre): 43; 335; 341. Vacarme des eaux: 330.
Tessons: 270. Vache: 111. - V. rousse: 62.
Tête du Corps: 265. -T. haute: 242. Vanité: 71.
Théophanie: 35; 100; 122 ; 124. Vannage: 73-74.
Tissage: 281-282. Vannes: 55.
Tissu de l'existence: 281. Vase : 270. - V. brisé : 234. - V. de colère et de
Tobias (le jeune): 21; 376-378. pardon : 271.
Tobit (femme de) : 281. - T. (l'ancien) : 21; Végétation: 91; 101-105. - V. (fête de la) : 401.
376-378. Veilleur, guetteur: 21; 27; 144.
Toile: 15. -T. d'araignée: 281. - T. de lin: 281. Vendangeur : 157.
Toison (miracle de la): 300. Vendeurs du Temple: 210; 425.
Tombe: 365. Vengeance: 164; 221. - V. (loi sur la): 164.
Tonnerre: 117; 330-332. - T., arme de Dieu: 330. Venin: 199.
- T. et théophanies : 332. Vent: 16; 47; 69-76. - V. (poursuite du): 71.- V.
Tophet: 128; 312. créature de Dieu : 72. - V. d'est : 60; 73; 182.
Torah: 83. - V. d'ouest : 73. - V. de colère : 75. - V.
Torche: 29; 39; 47. destructeur: 72. - V. du nord: 73. - V. du sud:
Torches dans les cruches: 300. 73. - V. embrasé: 74; 78. - V. et feu: 86. - V.
Torrent : 54. - T. (boire au) : 172. - T. de Bélial : véhicule de Dieu : 72.
329. Ventre: 235.
Toucher le ciel: 141; 147. Verbe: 14.
Tour: 154; 273. - T. d'ivoire: 244. - T. de Babel: Verge de fer: 189.
115-117. Verger : 120.
Tourbillon : 76. Verjus: 154.
Tourner le dos : 246. Vermeil: 13; 47; 160.
Tourterelle : 194. Vermillon: 272.
Transe, effet de la musique: 343. Vert: 63. - V. (toujours): 147.
Transfiguration : 124. Vêtement: 55; 62. - V. sacerdotal: 145; 248.
Transpercé (Messie): 419. Vêtements déchirés : 257.
Travail, travailleur : 23 ; 111 ; 172 ; 269-282. Veuve: 221.
Traversée du Jourdain: 299; 307; 405. Viandes : 159 ; 172.

445
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Victime: 126; 228; 229. Voile : 18; 20; 37; 281-282. - V. de deuil : 282.
Vie: fil de la vie coupé: 365. - V. déracinée: 3.65. - V. de torpeur: 281. - V. du Temple: 282.
- V. éternelle: 175. - V. larvaire: 370. Voir Dieu: 222.
Vierge : 210. Voix: 40; 223; 229. - V. chaotique: 340. - V. de
Vierges (parabole des dix) : 26. Dieu : 120; 198; 293; 340. - V. de D. (Ton-
Vigilant (un) : 141. nerre): 331. - V. de la colère divine: 340. - V.
Vigne: 95; 151-158; 213. - V. sainte : 138, - V., effrayante : 331.
lieu de repos: 153. Voleur: 24.
Vigneron: 104; 151. Volonté: 176; 257. - V. du Père (faire la): 381.
Vignerons homicides : 156. Voûte, voûte étoilée: 16.
Vin : 20; 159-160; 313. - V. du Royaume : 159. Voyage: 105-110.
- V. interdit : 159. - V. nouveau : 78; 98; 152; Voyant: 19.
154. Yeux de Dieu, du Seigneur: 19; 27. - Y. de feu:
Vipères (engeance de) : 202. 48. - Y. du cœur illuminé: 241.
Visage {rougeur du visage) : 208, Yom Kippour (Expiations): 403.
Visage rayonnant : 37. Zacharie : 228.
Vishnu: 58. Zachée : 384.
Vision: 19. Zébédée (Fils de}: 163.
Visitation : 85. Zèle: 208.
Vœux (dans le Temple) : 421. Ziggourat : 115 ; 122 ; 415.
446
Table des matières

1. LA LUMIÈRE

Dieu est lumière ... ... ... .... .... .... ... .... ... .... .... .... .. .... .... ... .... .... ... ... .... .... ... ..... .. .... ... .... .... ... .... .. . 13
L'éclat du Seigneur Sabaot ............................................................................................... 14
Le Dieu des armées, 14. -Les astres glorieux et déchus, 16. -La face de Dieu, 18.
La lumière perdue et retrouvée .... .. ........ .... .. .... .... .... .... .... .. .... .... .... .. .... .............. .... .... ...... 19
L'aveuglement d'Israël, 19. -Les yeux de Tobit l'ancien, 21
La lumière de Dieu brille en Jésus Christ .. .. ........ .... .... .... .. .... .... .......... .... .. .. .. .... .... .... ...... 22
«Je suis la lumière du monde.», 22. - La lumièI"e à l'œuvre, 23. -Le commande~
ment nouveau, 24.
Les objets de lumière ... ... .... .... .. .... .... .... .... ... ... .... ... .... .... .... .. .... .... ... .... .... ... ... .... .... ... .... ... ... 25
La lampe, 25. - Le candélabre sacré, 26. -La couronne de lumière, 28. - Les pierres
précieuses, 30.

2. LEFEU

Dieu est un feu. Sa parole et ses actions sont ardentes ................................................... 35


Le buisson ardent, 35. -La colonne de feu. Dieu éclaireur d'Israël, 36. - La montagne
de feu, 3 7. - Le feu de Dieu et la brise rafraîchissante, 3 7. - Le feu dans les os, 38.
-Le feu et la parole, 39. - Le feu, le souffle, la bouche, l'épée, 40.
Le feu dévorant .................................................................................................................. 41
Le feu qui dévore la végétation, 42. - Le feu lumineux et ravageur, 43. -Le feu de
la guerre, 43. - Dieu maître du feu, 44. - La colère comme feu dévorant, 45.
Le feu rituel ....................................................................................................................... 45
Le feu de l'Alliance, 45. - Le feu des sacrifices, 46.
Le feu visionnaire .............................................................................................................. 47
Le char de feu, 47. - Le feu des Apocalypses, 48.
Le feu de la purification et du jugement .......................................................................... 48
Ablution et fusion, 48. - Le creuset, 49. - Le baptême de feu, 49.

447
LES SYMBOLES BIBLIQUES

3. L'EAU
Les grandes eaux .... .... ....... ... .... .... .... ....... ... .... .... ... ....... .... ... ..... ... ... ... ........ .... .......... ... .... ... 53
L'eau des cosmogonies, 53. - L'héritage sémitique de la Bible, 54. - Le Seigneur
des eaux fécondantes, 55. - Dieu est maître de l'abîme insondable, 56. - La peur
des grandes eaux, 57.
L'eau du naufrage et du salut ........................................................................................... 57
Le péché submergé, 57. - L'eau signe de bénédiction et de malédiction, 59. - Les
eaux de !'Exode et de la libération, 60.
Rencontres autour des points d'eau .. .. .... .... .... .... ...... ........ .... .... .. .... .... .... .......... .... ...... .. .. . 60
De l'ablution à la renaissance............................................................................................ 61
L'eau des ablutions, 61. - L'eau de la restauration et de la renaissance, 63. - Le
baptême de Jean et celui de Jésus, 64.

4. LE VENT, LE SOUFFLE, L'ESPRIT


Le vent, ambivalence du symbole ..................................................................................... 70
Le vent de la fragilité et du péché .......... ,.,....................................................................... 70
Le vent et l'existence précaire, 70. - Vent d'orgueil, de mensonge et de stérilité, 71.
Le vent créature, instrument et image de Dieu ............................................................... 72
Le vent au service de Dieu, 72. -Les quatre vents, 73. - Le vannage, 73. -La tempête
de Dieu, 75. - La tempête surla mer, 75.
Le souffle de Dieu et celui de l'homme ........................................................................... 76
Le souffle de Dieu, 76. - Le souffle vital, 77. - Le souffle de la Sagesse, 78. - Le
souffle de la colère et du jugement, 78.
L'esprit ............................................................................................................................... 79
Le souffle de l'émotion, 79. - L'esprit des parfums, 81. - L'Esprit du large, 83. -
L'Inspirateur, 84. - L'Esprit et la Nouvelle Alliance, 85.

5. LA TERRE
La terre en genèse ....................................................... ;...................................................... 91
La terre des origines, 91. - Le jardin mémoire du paradis, 93.
La terre maudite, noyée et rescapée ......... :....................................................................... 94
La malédiction du sol, 94. - La terre d'esclavage et de liberté, 96. - Le péché fait
souffrir la terre, 96. - La terre avale les pécheurs etles morts, 97. - La terre d'exil et
de retour, 98. - Le désert, lieu de naissance et de renaissance, 99.
Un Dieu agriculteur ........................................................................................................... 101
Un Dieu habile et patient comme un paysan, 101. -L'agriculture divine, 102.
Les chemins de Dieu sur la terre ...... .............. .... .................. .... ...... .... .... .... .... ...... .... ........ 105
La Nouvelle terre ............................................................................................................... 110

448
TABLE DES MATIÈRES

6. LE CIEL, LA MONTAGNE, LA MONTÉE VERS DIEU ET LA CITÉ DE GLOIRE

La montagne qui touche le ciel ......................................................................................... 115


La tour de Babel, 115. - La sainte montagne d'Israël, 117.
Le Très-Haut et la montée vers Dieu .............. .... ....... ... ...... .... ....... ..... .. .... ... .... ... ............. 119
Le Dieu cl' en haut, 119. - La montée vers Dieu, 122. - Jésus sur les montagnes, 123.
Les montagnes saintes et les lieux sacrificiels ..... .... ... .......... ........... ....... .... .... .... ... ... ... ..... 125
Les montagnes des dieux, Sion, 125. - Le sacrifice cl' Abraham, 126. - Les « hauts
lieux», 127. -Dieu comme rocher. Les rochers de Dieu, 129. -La citadelle et la cité
de Dieu, 130.

7. L'ARBRE

L'arbre de vie, de mort et de résurrection ....................................................................... 135


Les arbres du paradis, 135. - L'arbre des lieux saints, 136. - Les arbres mau-
dits, 138. - La souche, principe de renaissance, 139. - L'arbre glorieux et
abattu, 140.
Les arbres d'Israël .... ... .... .... ... .... ... .... .... ... .... ... .... .... ... .... ... ... ........ .... ... ... ... .... .... .... .... .. .... .. 143
L'olivier, 143. - L'amandier, 144. - Le figuier, 144. - Le grenadier, 145. - Le
pommier, 145. -Le chêne et le térébinthe, 145. -Le cèdre, 146. -Le cyprès, 147. -
Le saule et le peuplier, 147.

8. LA VIGNE, LE VIN, LA COUPE, LE SANG

La vigne ... ... .... .. .... .... .... .... ... ... .... .... .... .... ... ....... ... .... .... .... ... ... .... ... .... .... ...... .... ... .... .... ... .. .... 151
La vigne comme signe de bénédiction, de joie et de paix, 151. - La vigne d'Is-
raël, 153. -La vigne dans le Nouveau Testament, 156. -Le pressoir, 157.
Le vin de la Sagesse et de l'ivresse .................................................................................... 159
La coupe ........................................... ,................................................................................. 160
La coupe de communion, 161. - La coupe de colère, 162. - La coupe dans
l'Évangile, 162.
Le sang ............................................................................................................................... 163
Le sang des sacrifices et de l'Alliance, 163. - Le sang du Christ, 165.
9. LE PAIN DU CORPS ET CELUI DE L'ESPRIT

Le pain donné, offert, azyme et levé ................................................................................. 169


La manne du désert, 169. - Le pain de proposition et la fête du pain, 170. - Le pain
azyme et le pain levé, 171.

449
LES SYMBOLES BIBLIQUES

Le pain quotidien et mystérieux ....................................................................................... 172


Le pain quotidien, 172. - Une figure mystérieuse: Melkisédeq, 174. - Le pain et
la parole, 174. - La multiplication des pains, 175. - Le pain de la vie, 175. - Le
pain partagé, 177.

10. LE BESTIAIRE BIBLIQUE

Le cheval ............................................................................................................................ 182


Dieu piège le cheval invincible, 182. -La tentation du cheval, 183. - Les prophètes
vitupèrent le cheval, 185. - Les chevaux prophétiques, 186. - Les chevaux de
l' Apocalypse, 187. - L'âne comme aoticheval, 189.
L'agneau et le bouc ........................................................................................................... 190
L'agneau de l'holocauste, 190. - L'agneau des prophètes, 190. - L'agneau pas-
cal, 191. - La chèvre et le bouc, 193.
La colombe et l'aigle ....... ... ... .... .... ....... ... .... .... ..... ...... .... .. .... .... .... ... .... .... ... .... ....... ... .... ..... 194
La colombe et la tourterelle, 194. - L'aigle, 196.
Le lion, le serpent et les monstres .. ... ... .... .... .... .... ... ... ..... .. .... .... ... .... ... ..... ... .... .. ..... ... .... ... 196
Le lion, 196. - Le serpent, 199. - Le dragon et les monstres, 202.

11. L'AMOUR DE DIEU POUR SON PEUPLE

Heurs et malheurs de l'Alliance ........................................................................................ 208


La jalousie, 208. - Le maître et l'époux, 210. - Les infortunes de l'amour de
Dieu, 212. -L'alliance des cœurs et des corps, 215.
Les miracles de la miséricorde .......................................................................................... 217
Le frémissement des entrailles, 217. - Dieu rachète l'homme pour qu'il puisse se
racheter, 219. - Le Goë!, 221.
Le berger ............................... ,... .... ... ... .... .... ... ..... ... ... .... .... ... .... .... .. .... .... .... .... ...... ..... ... .... .. 223
Dieu est le grand Berger, 223. - Les pasteurs du grand Berger, 224. - Le bon
Pasteur, 229.

12. LE CŒUR. LE CORPS

Le cœur .............................................................................................................................. 233


L'intelligence cordiale, 234. - Le cœur des Psaumes, 235. - Le cœur partagé et
unifié, 236. - La conversion du coeur, 238. - La circoncision du coeur, 239. -
L' aononce d'un coeur nouveau, 240. - Le coeur du Christ et celui du chrétien, 240.

450
TABLE DES MATIÈRES

Le corps .............................................................................................................................. 242


Le cou et la nuque, 242. - Le dos et la face, 245. - Les épaules, 248. - Le bras de
Dieu, 250. - La main de Dieu et la main des hommes, 252. - Les reins, la ceinture
et le sac de pénitence, 256. - Le vêtement sur les reins, 257. - Les reins mis à
nu, 257. - Les reins, foyer de la vie émotionnelle, 260. -Les os et la moelle, 261. -
Les ossements reprendront vie, 262. - Le corps du Christ et le corps de
l'Église, 264.

13. LETRAVAILDESHOMMES

Le potier, le vase et l'argile ............................................................................................... 269


Les hommes du bâtiment .................................................................................................. 271
La pierre ... .... ... .... ... .... .... ... .... ... .... ... .... .... ... .... ... ... ..... ... .... ... ... .... ... .... .... ...... .... ... ..... ... .... ... . 27 4
Le travail du bois ............................................................................................................... 275
La gravure ... .... ....... .... ... .... ..... .. ... .... ..... ... .... ...... .... .... ... .... .... ... ... ... ..... ... ....... ... .... ... ..... ... ... . 277
Le sceau .......................................... :.................................................... :.............................. 278
Le tissage et le voile ........................................................................................................... 281

14. LE REPOS DE DIEU

Le sabbat ............................................................................................................................ 285


La symbolique du chômage, 285. - La signification multiple du sabbat, 286. - Jésus
et le sabbat, 288.
Les lieux de repos .............................................................................................................. 289
La terre, 289. - Le Temple, 290.
Le thème du repos dans les Psaumes .... .. ....... ..... .. .... .. .. .. .. .. .. .. .... ... .. ...... ... .... .... .... ...... .... . 292
Le repos a inspiré les psalmistes, 292. - Le psaume 95 et l'épître aux Hébreux, 293.
L'Apocalypse ..................................................................... ,............................................... 294

15. LE GESTE PROPHÉTIQUE

La geste des prophètes anciens ......................................................................................... 298


Quand Israël était enfant, 298. -Çédéon et la_ question d<, la royauté, 299. - Samson
le« nazir », 301. - De Samuel à Elie, 302. - Elie, 304. -Elisée, 307.
Le geste symbolique dans les livres prophétiques ........................................................... 309
Osée, 309. -Isaïe, 310. - Jérémie, 311. -Ezéchiel, 314.
Les gestes du Christ .. ... .... .... ... ... ........ ... .... .... .. .... .... .... ... .... ... ... .... ... .... .... ... ... .... .... .... ... ... ... 316

451
LES SYMBOLES BIBLIQUES

16. L'HUILE ET L'ONCTION

L'huile ................................................................................................................................ 319


L'onction ............................................................................................................................ 321

17. LES BRUITS, LES CRIS, LE SON DES INSTRUMENTS

Les bruits et les sons .......................................................................................................... 329


Le tumulte des grandes eaux, 329. - La voix du tonnerre, 330. - Les bruits, 332.
- Le cri, l'acclamation et le murmure, 335. -La lamentation, 337.
Le son des instruments de musique ................................................................................. 340
Le shofar, 340. - Les trompettes d'argent, 342. - Les instruments à cordes, 343.

18. LA JOIE ET LA FÊTE. LA DANSE ET LE TAMBOUR

La joie comme fruit de la grâce ........................................................................................ 349


Exulter, 369. - L'esprit de légèreté, 352.
Le mystère de la danse ...................................................................................................... 355
Le tambourin, 355. -La danse, 356.

19. la MALADIE, LA MORT ET LA RÉSURRECTION

La maladie et la mott dans l'Ancien Testament .............................................................. 361


La maladie de tout un peuple, 362. - Les Psaumes de l'homme malade, 364. - Un
roi à l'agonie. Les marches de la mott, 365. - Les images de la mort, le shéol, 367.
- L'ombre de la mott, 370. - Job malade et la lumière du salut, 371. - L'histoire
de Tobit et de Sara, 376.
Le Christ guérisseur........................................................................................................... 378
Jésus contre Satan, 378. - La foi qui guérit, 380. - La symbolique des maladies, 382.
- Le médecin à la table des malades, 383.
Le Christ souffrant ......................................................................................................... ,.. 385
L~ Juste livre sa vie pour le salut du monde, 385. - Dialogue entre Isaïe et
l'Evangile, 386.
Le mystère de la Résurrection .. .............. .............. .... .............. .... .... .... .. .... .... .... .......... ....... 3 89
L'annonce de la Passion et de la Résurrection, 389. - Le signe de Jonas, 390. - Le
Premier-né d'entre les morts, 391. -Le festin des ressuscités, 392.

452
TABLE DES MATIÈRES

20. LA TENTE, L'ARCHE D'ALLIANCE, LES PREMIERS SANCTUAIRES

La tente et la hutte ............................................................................................................ 397


La tente, abri et symbole d'intériorité, 397. -La tente, sanctuaire du désert, 399. -
La hutte et la fête de Soukkôt, 401.
Du désert aux premiers sanctuaires ... .... .... ....... ... ..... ... .... ... ... ... .... .... ... .... ... .... .... .... ... ... ... . 402
L'arche de l'Alliance, 402. -Le chemin de l'arche, 404. - Guilgal, porte de la Terre
promise, 405. - Le gué, un passage spirituel, 406. - Grandeur et décadence de
Silo, 408.

21. LE TEMPLE

Le Temple de !'Ancienne Alliance ................................................................................... 413


La stèle et l'autel, 413. - Le Temple de Jérusalem, 416. - La Maison de Dieu et la
maison royale, 418. -Le Temple, pôle de la foi d'Israël et lumière des nations, 420.
- Le Temple source, 422.
Le Temple dans le Nouveau Testament ........................................................................... 424
Jésus et le Temple, 424. -Le Temple des chrétiens, 427.

INDEX............................................................................................................................... 429

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