001 DDB 76 Homélies Sur La Premiere Ep de ST Jean
001 DDB 76 Homélies Sur La Premiere Ep de ST Jean
001 DDB 76 Homélies Sur La Premiere Ep de ST Jean
ŒUVRES DE
SAINT AUGUSTIN
9> SÉRIE
76
HOMÉLIES
SUR LA PREMIÈRE ÉPÎTRE
DE SAINT JEAN
Comité scientifique
Isabelle BOCHET, Aimé Gabillon,
Pierre-Marie HOMBERT, Vincent Zarlni
ISBN: 978-2-85121-221-4
ISSN: 0996-4657
© Institut d'Études Augustiniennes 2008
INTRODUCTION
INTRODUCTION
S
LE CONTEXTE LITURGIQUE ET POLÉMIQUE
1. Le temps de Pâques9
Parmi les fêtes de l'année liturgique, la Pâque du
Seigneur, avec son octave, brille d'un éclat particulier :
elle dévoile le centre du mystère chrétien, la mort et
la résurrection du Christ. Plus qu'une sollemnitas,
elle est un sacramentum : « la sollemnitas vise les
faits et l'enseignement objectif qu'ils comportent, le
sacramentum introduit les fidèles dans une réalité
invisible qui les concerne directement. Que le Christ
ressuscité ne meure plus et que la mort n'ait plus sur
lui son empire, voilà l'objet de la sollemnitas. Que le
Christ ait été livré pour nos péchés, soit ressuscité pour
notre justification : voici le sacramentum10. » Dans la
deuxième homélie, le prédicateur invite ses auditeurs à
se souvenir que « Notre Seigneur, Jésus Christ, est mort
pour nous et qu'il est ressuscité : il est mort à cause de nos
péchés et il est ressuscité pour notre justification". »
« Pâques est le sacrement du passage12. » Pascha en
hébreu signifie transitus13. Pour le chrétien, l'essentiel
est de passer, grâce au Christ mort et ressuscité, des
ténèbres à la lumière (cf. Eph. 5, 8), du vieil homme à
9
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTA TUS
l'homme nouveau (cf. Col. 3, 9-10)14. Telle est l'histoire
d'un païen devenu chrétien15. C'est par le baptême que le
fidèle est introduit à cette vie nouvelle. Elle commence
avec la rémission des péchés qui est une naissance16.
Dès le début du Carême, les catéchumènes se
préparent, en plusieurs étapes, au baptême. La nuit de
Pâques, ils sont rassemblés au baptistère et admis au
baptême après avoir confessé leur foi et, sortant du
bain baptismal, ils reçoivent l'onction d'huile, signe
sacramentel du don de l'Esprit Saint, et l'imposition des
mains. Revêtus de leur vêtement blanc, les nouveau-
nés sont introduits ensuite dans la basilique, dans un
lieu particulier situé près de l'autel, à l'intérieur des
grilles, où ils prennent part, pour la première fois, au
repas du Seigneur. Les baptisés sont appelés souvent
infantes en raison de leur renaissance et de leur enfance
spirituelle17, ou illuminati par allusion à leur passage
des ténèbres à la lumière18.
Les homélies sur Iloh. font allusion aux principaux
rites de l'initiation chrétienne :1e baptême19 ; l'onction20 ;
l'imposition des mains21 ; l'eucharistie22.
Pour le prédicateur africain, il ne suffit pas d'avoir
reçu ces divers sacrements. Il faut encore posséder leur
fruit, leur vertu qui est la charité : « C'est un ferme
appui pour obtenir notre salut que d'avoir la racine de
la charité, que d'avoir la puissance de la piété et non la
10
LE CONTEXTE LITURGIQUE ET POLÉMIQUE
forme seule23. » « Que le nouveau baptisé, cependant,
examine avec attention son cœur, déclare Augustin,
pour voir si le sacrement administré dans son corps a
atteint en son cœur toute sa perfection. Qu'il voie s'il a
la charité et qu'il dise alors : je suis né de Dieu24. » La
catéchèse des infantes, à laquelle participent également
les fidèles, se poursuit et s'achève durant l'octave de
Pâques. Si, pour l'évêque d'Hippone, la charité est le
signe distinctif de celui qui est né de Dieu (Iloh. 3,
9) par le baptême25, de celui qui croit en Jésus Christ
(cf. Iloh. 4, 2-3 ; 5, l)26, l'on comprend qu'il ait choisi
de commenter I loh. qui, à ses yeux, traite avant tout de
la charité.
Les homélies sur Iloh. se réfèrent aux textes scriptu-
raires du temps pascal et en tirent divers enseignements.
Signalons ici les lectures de l'octave de Pâques, qui sont
mentionnées dans les tractatus21 :
- tr. I, 1, le jour de Pâques : le prologue de saint
Jean (Ioh. 1, 1-18) ;
- tr. II, 1 et 3, le lundi : Luc. 24, 13-49 (apparition du
Christ ressuscité aux disciples d'Emmaùs et aux Onze)
etAct. 2, 1-47 (la Pentecôte) ;
- tr. IV, 2-3, le mercredi : Marc. 16, 1-20 (apparition
du Christ ressuscité) ;
- tr. V, 1, le jeudi : Ioh. 21, 15-23 (dialogue du Christ
ressuscité avec Pierre) ;
- tr. VII, 1 et 3, le samedi : Matth. 6, 5-15 (la prière
et le Notre Père) ;
- tr. VIII, 2 et 4, le dimanche in albis : Matth. 5, 43
à 6, 4 (l'amour des ennemis et l'aumône).
11
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
Comme l'indique le Prologue, il était d'usage durant
la semaine de l'octave de Pâques de lire les récits des
témoins qui ont vu le Seigneur ressuscité. Ce qui étonne
le lecteur, c'est l'explication, aux septième et huitième
tractatus, de deux passages du Sermon sur la montagne.
C'est peut-être pour les besoins de sa catéchèse aux néo
phytes que l'évêque d'Hippone a commenté ces textes à
la fin de l'octave pascale28.
2. La crise donatiste29
Selon la chronologie proposée30, les homélies sur
Iloh. se rattachent à la lutte contre les donatistes qui
eut lieu avant la Conférence de Carthage de 411 et, plus
précisément, avant le Concile de Carthage de 407 et la
législation impériale de la même année.
Malgré diverses interventions d'Augustin auprès
des autorités locales, civiles et religieuses31, la paix
et l'unité de l'Eglise ne sont pas rétablies à Hippone,
lors de l'octave pascale qui, en 407, se déroule du 14 au
21 avril. Les partisans de Donat détiennent et utilisent
encore dans la cité épiscopale un lieu de culte32. D'où
l'interrogation du prédicateur dans la troisième homélie
sur / Ioh. : « Si nous sommes dans l'unité, que font,
12
LE CONTEXTE LITURGIQUE ET POLÉMIQUE
dans cette ville, deux autels33 ? » La remise des édifices
donatistes nécessitera encore les mesures du concile
carthaginois du 13 juin 40734 et l'édit impérial du
15 novembre de la même année35.
Aux yeux de l'évêque d'Hippone, les donatistes
sont les antichrists dont parle saint Jean (Iloh. 2, 19) :
« ils sont opposés au Christ » ; ils ne font pas partie
de son Corps, ni de ses membres36. Ils participent
aux sacrements, mais sans posséder l'Esprit Saint
(cf. Iloh. 2, 19-20 ; Iloh. 4, l)37. Ces antichrists nient,
non en paroles mais en actes (cf. Tit. 1, 16), que Jésus
est le Christ (cf. Iloh. 2, 22)38 et qu'il est venu dans la
chair (cf. Iloh. 4, 1-3)39, car ils divisent l'Église que le
Christ est venu rassembler par son sacrifice. Comme
les démons, ils croient sans aimer (cf. Iloh. 5, l)40. Ils
peuvent donner leurs biens et même leur vie (cf. / Ioh. 3,
18), mais « ce n'est pas la charité qui leur inspire d'agir
ainsi41 ! »
D'autre part, durant le temps pascal, ont lieu les
fêtes de la Résurrection, de l'Ascension du Seigneur
et de la Pentecôte. Les lectures scripturaires qui leur
sont propres (cf. Luc. 24, 46.47 ; Act. 1, 6-8 ; Act. 2, 4)
présentent aux fidèles l'unité et l'universalité de la
Catholica et la défendent vis-à-vis des interprétations
donatistes qui opèrent souvent un tri dans les textes
33. In ep. Ioh. tr. III, 7 et n. 6. Cf. aussi En. in Ps. 124, 10,
CCI 40, p. 1843-1844 ; ln Ioh. euang. tr. 9, 13, BA 71, p. 532-535 ; En.
in Ps. 21, en. 2, 28-29, CCL 38, p. 130-131 ; In Ioh. euang. tr. 13, 14,
BA 71, p. 704-707 (cf. M.-F. Berrouard, « La date... », p. 117-119).
34. Cf. J.-L. Ma1er, Le dossier du donatisme, t. II, Berlin, 1989,
p. 149-150.
35. Cf. ibid.,p. 153-157.
36. Cf. In ep. Ioh. tr. III, 4.
37. Cf. In ep. Ioh. tr. III, 5 et VI, 11.
38. Cf. In ep. Ioh. tr. III, 8.
39. Cf. In ep. Ioh. tr. VI, 12-14.
40. Cf. In ep. Ioh. tr. X, 1 et n. 2.
n.Inep. Ioh. tr. VI, 2.
13
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
de l'Écriture sainte et écartent ceux qui ne s'accordent
pas avec leurs thèses42. C'est en citant ces passages de
l'Écriture sainte lus dans la liturgie que le commentaire
augustinien de Iloh. développe ce thème fondamental
de la lutte antidonatiste plus que celui de la sainteté du
baptême, œuvre du Christ, auquel il fait simplement
allusion43 :
1. avant de monter au ciel, le Seigneur ressuscité
promet à son Église de s'étendre à toutes les
nations. . . à commencer par Jérusalem (Luc. 24,
46.47 et Act. 1.6-8)44;
2. il lui confie aussi comme « testament » le comman
dement de la charité fraternelle (cf. Act. 1, 6-8)45 ;
3. à la Pentecôte, L'Esprit Saint reçu du Christ glori
fié lui donne de parler toutes les langues pour
se répandre parmi toutes les nations de la terre
(Act. 2, 4)46.
Le commentaire de certains versets de / Ioh. fournit
également l'occasion au prédicateur de traiter le même
thème. Jésus Christ est victime de propitiation pour nos
péchés, non seulement les nôtres, mais ceux du monde
entier (I Ioh. 2, 22) où l'Église a grandi47. Par leur haine,
les donatistes sont devenus aveugles (cf. Iloh. 2, 11) et
« lorsqu'ils se heurtent aux Africains, ils se séparent
du monde entier48 ». Ils ne possèdent pas « l'héritage
du Christ » (cf. Ps. 2, 8 ; Luc. 24, 46.47 à propos de
42. Cf. In ep. Ioh. tr. II, 1. Cf. aussi sermo 265, 10, 12, PL 39,
col. 1224 ;É. LAM\KA.mE,Lasituationecclésiologique des Donatistes
d'après saint Augustin, Ottawa, 1972, p. 65-66.
43. Cf. In ep. Ioh. tr. II, 4 et VII, 11.
44. Cf. In ep. Ioh. tr. II, 2-3 ; X, 8-10 ; III, 7 à propos de Iloh. 2,
19. Voir la note complémentaire 9 : « Universalité et unité de l'Église
(cf. Ps. 21, 28 et Luc. 24, 47 ; Ps. 18, 4-5 et Act. 2, 4) ».
45. Cf. In ep. Ioh. tr. X, 9.
46. Cf. In ep . Ioh. tr. II, 3 ; VI, 10 et n. 3.
47. Cf. In ep. Ioh. tr.\, S.
48. In ep. Ioh. tr. 1, 13.
14
LE CONTEXTE LITURGIQUE ET POLÉMIQUE
Iloh. 2, 19) n'étant pas « en communion avec l'univers
racheté par le sang du Seigneur49 ».
S'il a choisi de commenter Iloh. durant la semaine
pascale, c'est que l'évêque d'Hippone veut par cette
prédication sur la charité édifier l'unité de la Catholica50.
Pour lui, l'origine et la permanence du schisme africain
n'ont d'autre raison que la haine fraternelle51. Ceux qui
n'ont pas la charité, ont rompu l'unité, divisé l'Église,
déchiré le Corps du Christ52. Par contre, pour celui qui
aime son frère, il n'y a pas de scandale (Iloh. 2, 10) :
« Il supporte tout à cause de l'unité53. » Par conséquent,
« Que chacun interroge son cœur ! [. . .] Qu'il voie s'il
existe en lui l'amour de la paix et de l'unité, l'amour
de l'Église répandue dans le monde entier54 ». Le prédi
cateur exhorte vivement son auditoire : « Gardons
l'unité de l'Église ; gardons le Christ, gardons la
charité 55 ! » Ou encore : « Il y a quelqu'un pour tracer
en Afrique les frontières de la charité ! Étends la charité
à travers le monde entier, si tu veux aimer le Christ
car ses membres se trouvent dans le monde entier56. »
Cet enseignement de l'évêque d'Hippone sur la charité
qui est le fondement de l'unité de l'Église universelle,
ne s'adresse pas d'abord aux schismatiques, mais
- nous l'avons vu - aux membres de la communauté
catholique.
15
CHAPITRE II
LE COMMENTAIRE AUGUSTINIEN
DE LA PRIMA IOHANNIS
62. Cf. Exp. Gai. 40, CSEL 84, p. 111 et Qu. eu. 2, 39, 1,
CCL 44B, p. 93.
63. Cf. par ex., Bède, Super epist. cath. exp., PL 93, col. 9-10 ;
W. Th1ele, VL 26/1, Epistulae Catholicae, Freiburg, 1965-1969,
p. 241.
64. Cf. J. W. Rett1g, « Introduction », St Augustine, Tractates
on the First Epistle ofJohn, Washington, 1995, p. 101-102.
65. Inep.Ioh.tr. I, 8 ; cf. aussi V, 1. Voir lanote complémentaire 6 :
« Saint Jean, le disciple bien-aimé, qui a reposé sur la poitrine du
Seigneur (cf. Ioh. 13, 23.25 et 21, 10) ».
66. In ep. Ioh. tr. VII, 5 et n. 4. Pour la canonicité de Iloh., cf.
aussi le Breviarium Hipponense, CCL 149, p. 43.
17
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
dans l'Église d'Hippone67. Cette version est antérieure
à la Vulgate de saint Jérôme. Mais, en ce qui concerne
/ Ioh., les différences entre la Vêtus latina citée dans
les In ep. Ioh. tr. et la Vulgate sont peu nombreuses et
relativement peu significatives68.
Le prédicateur suit le texte de l'épître69, « les détours
de sa pensée70 ». Saufs'il est retenu par un développement
ou une digression, il scrute le texte, verset par verset, et
l'explique mot à mot71.
À plusieurs reprises, il met en évidence l'enchaîne
ment des versets. Ainsi, l'exégèse de I Ioh. 3, 16 et 17
distingue la charité parfaite, qui est de donner sa vie, de
la charité inchoative, qui est de donner ses biens72. Le
commentaire de I Ioh. 4, 7 et 8 démontre non seulement
que l'amour vient de Dieu et qu'il est Dieu, mais encore
que l'amour qui est Dieu de Dieu est l'Esprit Saint73.
En expliquant Iloh. 5, lb-2a, le prédicateur s'étonne :
« (Saint Jean) a dit lesfils de Dieu, lui qui un peu plus tôt
disait Fils de Dieu, parce que lesfils de Dieu constituent,
conclut-il, le Corps du Fils unique de Dieu14. »
18
LE COMMENTAIRE AUGUSTINIEN
Parfois, il se réfère au contexte pour interpréter
certains versets. C'est le cas pour Iloh. 2, 1975, Iloh. 3,
9etl, S16, Iloh. 4, 2177.
Pour résoudre une difficulté, Augustin propose
souvent une distinction. Les antichrists (cf. IIoh. 2, 19)
nient que Jésus soit le Christ, non en paroles, mais en
actes78. Le pécheur (cf. Iloh. 3, 8) est fils du diable par
imitation, non, au sens propre, par génération79. / loh. 3,
9 vise non pas tout péché, mais un certain péché80. L'on
peut être exaucé (cf. Iloh. 2, 22) selon son désir ou pour
son salut81.
Dans sa prédication, l'évêque d'Hippone ne se
contente pas d'expliquer la lettre des Écritures. Quelques
allégories peuvent être relevées dans les tractatus*2, mais
elles ne concernent pas directement l'exégèse de Iloh.
C'est en appliquant d'autres principes, que le prédicateur
dégage le sens spirituel du texte johannique.
Quels sont ces principes d'interprétation ? Le premier,
qui est le plus important, consiste à expliquer l'Écriture
par l'Écriture.
19
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
Comme une mère, l'Église nourrit de ses deux
seins, l'Ancien et le Nouveau Testament, ceux qu'elle a
enfantés par le baptême83. L'auteur des tractatus affirme
l'harmonie des deux Testaments à l'aide d'une image
et d'un jeu de mots : « Si, remplies d'un seul esprit,
c'est-à-dire d'un seul souffle, les deux flûtes sont en
consonance, les langues inspirées de l'Esprit de Dieu
peuvent-elles se trouver en dissonance84? » Puisque le
Saint Esprit est l'unique auteur de la Bible, il existe une
unité et donc une cohérence fondamentales entre tous
ses écrits85.
Les homélies sur Iloh. (comme d'ailleurs d'autres
œuvres augustiniennes) sont « des œuvres spontanées
de marqueterie scripturaire86 ». Le quatrième évangile
est cité près de 50 fois. Les évangiles synoptiques le
sont également (Matth. : 40 fois ; Marc. : 2 fois ; Luc. :
22 fois) et les Act. (12 fois). Très nombreuses aussi sont
les citations des épîtres de Paul (plus de 75 occurrences).
Enfin, d'abondants versets scripturaires sont puisés
dans les livres de l'Ancien Testament (environ 80), avec
une prédilection pour les Psaumes (plus de la moitié du
total)87.
Rapprochés les uns des autres, les textes scripturaires
s'éclairent. Lorsque Jean prescrit d'observer les com
mandements (Iloh. 2, 3-5 ; 3, 22.24 ; 4, 21 ; 5, 2b),
Augustin y reconnaît le plus souvent, à la lumière de
l'Évangile (cf. loh. 13, 34), une exhortation à aimer ses
frères ; il réduit ainsi les commandements de Dieu au
20
LE COMMENTAIRE AUGUSTINIEN
précepte de la charité fraternelle88. Iloh. 3, 16b souligne
que donner sa vie pour ses frères comme le Christ est la
perfection de la charité ; le commentaire de Ioh. 15, 13
montre, en citant l'exemple de Pierre (cf. Ioh. 21, 15-19),
qu'imiter ainsi le Christ, c'est lui rendre amour pour
amour89. Rom. 5, 5, si important dans la pneumatologie
augustinienne, accompagne plusieurs versets de l'épître
(cf. Iloh. 3, 24 ; 4, 7.8.13) pour souligner que la charité
est don de L'Esprit Saint90. Iloh. 4, 8.16 intervient dans
l'exégèse de Iloh. 4, 12b et dans celle de 4, 20b pour
montrer qu'en tout acte d'amour fraternel, le Dieu-
Amour peut être vu et aimé91.
Lorsqu'une contradiction semble exister entre deux
passages de l'Écriture, il y a lieu de rechercher une
explication plus profonde, en s'ouvrant à l'Esprit qui
a inspiré ces paroles qui semblent de prime abord
obscures.
À l'intérieur de l'épître johannique elle-même, rele
vons les commentaires simultanés suivants : IIoh. 1, 8 :
Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous
nous abusons et 3, 9 : Qui est né de Dieu nepèchepas92 ;
I Ioh. 4, 7 : L'amour est de Dieu et 8 : Dieu est amour93 ;
I Ioh. 5, lb et 2a : Quiconque aime celui qui a engendré
aime celui qui est né de lui... A cela nous reconnaissons
que nous aimons lesfils de Dieu94. L'exégèse de Iloh. 1,
8 et 3, 9, par exemple, définit le statut de l'homme,
né de Dieu mais encore pécheur, et le péché qu'il ne
peut pas commettre, à savoir la violation de la charité
fraternelle.
21
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
En dehors de l'épître, voici d'autres exemples signi
ficatifs : la contradiction entre I Ioh. 2, 10 et 3, 23 et
Matth. 5, 45-46 aboutit à considérer l'amour des ennemis
comme la forme parfaite de la charité fraternelle95 ; si
la charité parfaite (I Ioh. 4, 18) jette dehors « la crainte
servile », elle introduit dans le cœur du croyant la
crainte chaste (Ps. 18, 10) qui subsistera dans les siècles
des siècles96.
On peut ainsi repérer dans les tractatus, comme
dans d'autres œuvres d'Augustin, des groupes de
passages scripturaires souvent cités ensemble et
formant ce que l'on a appelé communément, à la suite
d'A.-M La Bonnardière, une « orchestration scriptu-
raire ». Ainsi, par exemple, le récit des trois tentations
du Christ (cf. Matth. 4, 1-10) illustre la triple convoitise
de I Ioh. 2, 16 : la tentation du pain représente la
concupiscence de la chair ; la promesse des royaumes,
l'ambition du monde ; la tentation de la curiosité, la
convoitise des yeux91.
En revanche, l'exégèse de certains versets johanniques
reprend un développement scripturaire qui est utilisé
ailleurs dans l'œuvre augustinienne pour commenter
d'autres passages de l'Écriture. Citons quelques exemples
caractéristiques : le Christ livré par le Père et Judas
(cf. Rom. 8, 32 et Gal. 2, 20)98 ; le Christ dont la beauté
est voilée par la laideur du péché qu'il a pris sur lui en se
faisant homme (cf. Ps. 44, 3 ; Is. 53, 2 ; Phil. 2, 6-7)99 ; la
foi sans amour, qui est celle des démons (cf. Matth. 16,
8 ; Marc. 1, 24 et par.)!00.
Ainsi, l'unité de l'Écriture sainte fournit à l'exégèse
augustinienne un principe d'intelligibilité logique et
22
LE COMMENTAIRE AUGUSTINIEN
spirituelle. Cette méthode n'est ni arbitraire ni fantai
siste, même si parfois, détachés de leur contexte, certains
passages de l'Écriture sont cités dans un sens qui gauchit
leur portée réelle : par exemple, les sacramenta de
/ Cor. 13, 2 sont compris comme des rites sacramentels
et non comme des mystères à connaître101 ; d'après
/ Cor. 7, 7, saint Paul est présenté comme modèle de
charité, alors qu'il est question de son célibat102.
La charité, étant l'unique objet (la res) de l'Écriture,
est aussi un principe d'interprétation du texte biblique
en général. Le De doctrina christianam le montre en
s'appuyant sur l'Écriture elle-même (Matth. 22, 40 :
Ces deux commandements renferment toute la Loi et
les Prophètes ; Rom. 13, 10 : La charité est la plénitude
de la Loi ; / Tim. 1, 5 : La fin des commandements est
la charité).
Ce principe vaut particulièrement pour l'exégèse de
Iloh., car « la valeur de la charité, toute l'Écriture nous
la fait connaître, mais je ne sais si on l'enseigne ailleurs
plus que dans cette épître104 », déclare le prédicateur. En
effet, sa doctrine sur l'amour des frères et de Dieu105
est fondée sur la révélation du Dieu-Agapè (cf. Iloh. 4,
8.16) qui est l'Esprit Saint106. Par conséquent, « si Jean
23
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
paraît dire telle ou telle chose, il revient toujours à
la charité, dit-il, et veut y rapporter tout ce qu'il aura
dit107 ». Ce principe commande l'exégèse de versets
johanniques qui ne se rattachent pas au thème de la
charité (cf. Iloh. 3, 9 et 1, 8108 ; 4, 2-3109 ; 5, 1"°) ou, du
moins, ne le développent pas explicitement (cf. Iloh. 2,
3-6111 ; 3, 21-22.24112). L'on a pu dire : « Si le précepte
de la charité est la clé de l'Ancien et du Nouveau
Testament, les 'Tractatus in Primam Ioannis' sont la clé
de l'exégèse spirituelle d'Augustin"3. »
Enfin, la doctrine paulinienne de l'Église, Corps
du Christ, oriente l'exégèse augustinienne de Iloh. 4,
2-3114, 4, 20b115 et 5, lb-2a"6 et fournit une autre clé
d'interprétation scripturaire. Elle permet de développer
le thème de l'unité"7. Ainsi, dans le commentaire de
Iloh. 5, lb-2a, le Fils de Dieu et les fils de Dieu, Tête et
membres d'un même Corps, sont à la fois sujet et objet
du même amour : Christus unus amans seipsumm.
Sans vouloir trop durcir des catégories, qui ne seront
d'ailleurs systématisées que plus tard avec la doctrine
médiévale des quatre sens de l'Écriture, on pourrait dire
que cette insistance sur la charité contribue sans doute à
privilégier l'interprétation tropologique (ou morale) de
24
LE COMMENTAIRE AUGUSTINIEN
Iloh.. Mais celle-ci n'est détachée ni de l'allégorie, ni de
l'anagogie. En effet, d'après l'éyêque d'Hippone, c'est la
charité qui unit le Christ et l'Église pour constituer le
« Christ total », Tête et membres"9, et cela en vue de
former « l'unique Christ s'aimant lui-même », selon la
formule célèbre du tr. X, 3.
Autre particularité de l'exégèse augustinienne de
Iloh. : elle fait également usage de schèmes philo
sophiques communs. Relevons les plus importants.
L'exégèse de Iloh. 2, 16 qui énumère les trois con
voitises (convoitise de la chair, convoitise des yeux,
ambition du monde) établit un parallèle avec les trois
passions (volupté, curiosité, orgueil)120. Iloh. 4, 20b
marque l'unité de l'amour des frères et de Dieu : son
exégèse se réfère à Iloh. 4, 8.16 et à une conception
tripartite de l'amour : « l'aimant, l'amour, l'aimé121 ». À
partir de Iloh. 4, 8.16 et d'après cette conception de
l'amour, il est montré aussi que la charité fraternelle
implique une vision du Dieu-Amour122. Appliquée à
l'intelligence du mystère trinitaire123, cette conception
de l'amour rappelle la définition que Plotin a donnée
de l'Être divin : « objet de l'amour, amour lui-même et
amour de lui-même124 ».
Dans les commentaires de / Ioh., affleure aussi
la démarche augustinienne qui va « de l'extérieur à
l'intérieur, de l'inférieur au supérieur125 ». Ainsi, dans
25
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
l'ennemi, il faut découvrir non ce qu'il est, mais ce qu'il
peut devenir : un frère, membre du Corps du Christ
(cf. Iloh. 2, 5m ; Iloh. et Matth. 5, 45-46127 ; Iloh. 5,
3a128). Lorsqu'il s'agit de reconnaître à la racine de
nos actes la charité qui est don de l'Esprit, il ne suffit
pas d'être attentif à l'Écriture (cf. Rom. 5, 5), mais il
faut interroger encore son propre cœur devant Dieu
(cf. Iloh. 3, 18 et 19-2212'). Celui qui aime son frère,
peut « voir » le Dieu-Amour dont la présence lui est plus
intérieure que celle du frère aimé (cf. Iloh. 4, 8.16)130.
Dans ses homélies sur la première épître de saint Jean,
l'évêque d'Hippone ne se contente pas de commenter
le texte biblique, verset par verset, mais il exprime une
série de réflexions sur le sens global de l'épître : c'est
la charité qui définit le sens de l'épître comme celui de
l'Écriture en général ; la charité comprend l'amour de
Dieu et l'amour du frère dont l'unité est présentée de
manière différente dans Yordo praecipiendi et Yordo
faciendi ; la charité fraternelle s'étend jusqu'à l'amour
des ennemis et fait de l'ennemi un frère par l'amour ;
la formule Dieu est amour (Iloh. 4, 8.16) revêt pour
le théologien de la charité une riche signification qu'il
déploie dans ses homélies131.
Une dernière question peut être posée : quelle est
l'originalité du commentaire d'Augustin? Augustin
est le seul Père de l'Église132 qui ait expliqué Iloh. à
26
LE COMMENTAIRE AUGUSTINIEN
peu près entièrement. Pour l'essentiel, l'interprétation
augustinienne est condensée dans les In ep. Ioh. tr. de
407 qui reprennent ce qui précède et annoncent ce qui
suit. A titre d'exemple, signalons les trois orientations de
l'exégèse augustinienne de I Ioh. 4, 8.16133. La première,
considérant le mystère du Dieu-Amour, définit l'Esprit
Saint comme l'amour du Père et du Fils134 ; la deuxième,
lors de la lutte antidonatiste, montre la présence du
Dieu-Amour dans la charité fraternelle135 ; la troisième
affirme face aux pélagiens que l'amour en l'homme
est don de Dieu, Dieu lui-même136. Parfois, l'exégète
de Iloh. se réfère à la tradition et utilise, sans donner
de référence, une source. Ainsi est reprise à propos de
I Ioh. 4, 2-3 l'exégèse du donatiste Tyconius137. Mais
généralement l'exégèse d'Augustin est personnelle et
originale. On peut le vérifier sur plusieurs points fonda
mentaux, en particulier son interprétation de I Ioh. 4,
8.16 où le Dieu-charité est identifié à l'Esprit Saint138,
celle de 4, 20 qui marque le lien entre charité fraternelle
27
IN IOHANNIS EPISTULAM TRA CTA TUS
et amour de Dieu139, celle de Iloh. 5, lb-2a et sa vision
de Yunus Christus amans seipsum140.
139. Ce verset est peu utilisé par les autres Pères latins :
cf. W. Th1ele, op. cit., 352-354.
140. Cf. D. D1deberg, op. cit., p. 150-153.
141. Cf. In ep. Ioh. tr. III, 3 ; V, 3 ; VI, 14.
142. Cf. In ep. Ioh. tr. II, 1 ; IX, 1.
143. A. La Cocque-P. Pucœur, Penser la Bible, Paris, 1998, p. 9
et 15, cité par G. Madec, « L'École du Christ. Menus propos sur la
prédication d'Augustin », MD 227, 2001, p. 75.
144. Cf. par exemple, les digressions sur la prière (VI, 5-8) et sur
l'amour des ennemis (VIII, 4-11).
28
LE COMMENTAIRE A UGUSTINIEN
29
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
que, grâce à votre effort pour comprendre, qui constitue
une prière pour nous et pour vous, Dieu élargisse la
route et nous permette de trouver une issue148. »
Pour créer un contact vivant avec son auditoire, il
emploie fréquemment des interrogations et des excla
mations : « Vous vous interrogez et vous vous dites :
quand puis-je avoir cette charité ? Ne désespère pas si
vite de toi. Peut-être est-elle née, mais n'est-elle pas
encore parfaite. Nourris-la pour qu'elle ne soit pas
étouffée149. » Souvent, il apostrophe aussi ses auditeurs
et poursuit avec eux un dialogue fictif :
« Le Christ est-il venu dans la chair?
- Oui, je le crois, je l'affirme.
- Pas du tout : tu le nies !
- D'où vient que je le nie ? Tu entends bien ce que
je dis !
- Pas du tout rmoije prouve que tu le nies. Tul'affinr1es
de la voix, tu le nies avec ton cœur : tu l'affirmes avec les
mots, tu le nies par tes actes !
- Comment dis-tu ? Je le nie par mes actes ?
- Parce que le Christ est venu dans la chair précisé
ment pour mourir pour nous : il est mort pour nous
justement parce qu'il a enseigné la charité suprême :
Personne n'a plus grande charité que celui qui va
jusqu'à donner sa vie pour ses amis (Ioh. 15, 13). Toi,
tu n'as pas la charité parce que tu divises l'unité pour te
mettre en avant150. »
À ces procédés qui cherchent à faire comprendre,
il ajoute comparaisons et exemples pour illustrer son
argumentation et la rendre plus accessible. Ainsi, une
comparaison montre l'importance du désir dans la vie
chrétienne : « Si tu veux remplir une poche et si tu
connais l'importance du volume de ce que l'on va te
148. In ep. Ioh. tr. V, 2 ; cf. aussi I, 12.13 ; II, 1.2.3.11.14 ; III,
3.7 ; V, 1.6.8.12.13 ; VI, 5.11.12.13 ; VII, 10 ; IX, 1.5.9 ; X, 4.
149. In ep. Ioh. tr. V, 12.
150. In ep. Ioh. tr. VI, 13.
30
LE COMMENTAIRE AUGUSTINIEN
donner, tu élargis la poche, qu'il s'agisse d'un sac ou
d'une outre, ou de tout autre chose. Tu sais tout ce que tu
vas y mettre et tu te rends compte que la poche est trop
petite ; en l'élargissant tu la rends capable de recevoir
davantage. De la même façon, Dieu, en nous faisant
attendre, dilate le désir ; par le désir, il dilate l'âme, en
la dilatant, il augmente sa capacité151. » D'autre part, les
exempla d'Étienne (cf. Act. 7, 60), de Paul (cf. II Cor. 12,
15; Phil. 1, 22-24) et de Pierre (cf. Ioh. 21, 15-17)
démontrent que le Christ, notre Maître, n'a pas été seul
à donner sa vie (Jloh. 3, 16a) et incitent tout chrétien à
l'imiter également152.
Mais il ne suffit pas de faire entendre des paroles,
il faut encore les fixer dans la mémoire des fidèles :
«Nous vous le demandons, nous vous en supplions
dans le Seigneur : gardez dans votre mémoire ce que
vous venez d'entendre. . .153. »
Pour y parvenir, le prédicateur s'appuie sur des
sentences dont la plus célèbre est « Aime et fais ce
que tu veux154 ». Il utilise également des parallélismes
antithétiques, par exemple, lorsqu'il oppose l'amour de
Dieu et l'amour du monde (cf. Iloh. 2, 15)155. Il se sert
de distinctions comme dans l'exégèse de Iloh. 4, 18
où il souligne la différence entre la crainte chaste et la
crainte servile156. Il aime reprendre ses explications :
« A répéter ces choses souvent, je me rends importun à
certains, mais cela vaut la peine de les redire, puisque
certains à qui on demande si je l'ai dit, ne peuvent
même pas répondre! Fût-ce à force de rabâchage, il
31
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
faut qu'il en reste quelque chose dans le cœur de ceux
qui m'écoutent157 ! »
Pour plaire à son public, le prédicateur se sert, enfin,
de figures de rhétorique habituelles158.
Les dix tractatus sur Iloh. sont particulièrement
riches en images, de l'ordre d'une douzaine par homélie159.
Ces images sont parfois évoquées une seule fois, ou se
répètent. A peu près une image sur trois concerne la
charité160, thème que le prédicateur considère comme
dominant dans l'épître et que lui-même développe le plus.
Les autres thèmes les plus mis en images concernent
l'Église dans ses relations avec le Christ161 et avec ceux
du dehors, ainsi que la vie chrétienne.
157. In ep. Ioh. tr. V, 9 ; cf. aussi I, 13 ; IV, 4.6 ; V, 2 ; VI, 4.14 ;
VIII, 3.
158. Cf. V. Saxer, « Introduction », Saint Augustin. L'année
liturgique, Paris, 1980, p. 38 : « parallélisme, antithèse, gradation,
jeux de mots, de sons, de sens jusqu'y compris la prose rimée et
rythmée ».
159. Cf. S. Poque, Le langage symbolique dans la prédication
d'Augustin d'Hippone, Paris, 1984, p. 403. Cf. aussi les relevés de
M. Andokova, op. cit., p. 89-105, 113-138.
160. Parmi les images évoquant la charité, nous ne mentionnons
ci-dessous que celles qui, dans les In ep. Ioh. tr., se situent plus
nettement dans un rapport d'analogie avec la charité, laissant de
côté, par exemple, les images illustrant la charité par les relations
interhumaines : le champ et le vase (II, 8 et 9) ; la racine et la semence
(II, 9) ; l'arbre (V, 10) ; les yeux (VI, 10) ; les vases d'argile (VI, 13) ;
la source dans le désert (VII, 1) ; les épines et les fleurs (VII, 8) ;
le petit vase d'or (VII, 10) ; l'artisan et le morceau de bois (VIII,
10) ; les veaux et leur mère (IX, 1) ; le fil et l'aiguille (IX, 4) ; la
gangrène et le fer du médecin (IX, 4) ; la fusion et le feu (X,3). Pour
cette question, j'ai utilisé l'étude inédite de F. W1lmot, « Les images
de la charité dans les homélies d'Augustin (sur la première épître de
saint Jean) ».
161. Voir la note complémentaire 3 : « L'incarnation du Verbe de
Dieu et le fondement de l'Église (cf. Ps. 18, 6a) » ; Note complémen
taire 7 : « Le Christ et l'Église, sujets de scandale (cf. I Ioh. 2, 10
et Ps. 120, 6) » ; Note complémentaire 8 : « La montagne, image du
Christ et de l'Église (cf. Dan. 2, 34-35) » ; Note complémentaire 36 :
« Le Christ, Tête au ciel et l'Église, son Corps sur la terre (cf. Act. 9,
4 et 1,8)».
32
LE COMMENTAIRE AUGUSTINIEN
En certaines occasions, l'auditoire exprime sa satis
faction par des applaudissements : « Pourquoi [. . .],
lorsqu'on exalte la charité, vous mettez-vous debout,
manifestez-vous votre assentiment par les cris, vous
mettez-vous à faire son éloge162 ? »
Par ces divers procédés, le prédicateur et ses auditeurs
sont impliqués dans l'énonciation du texte johannique.
Ce « processus de subjectivisation163 », qu'il ne faut pas
confondre avec le « subjectivisme », caractérise l'exégèse
des Pères. Leurs homélies ne constituent-elles pas pour
cette raison les meilleurs commentaires scripturaires ?
Cette dimension subjective, énonciative, est gommée de
l'exégèse moderne.
Mais, dans la conception augustinienne de la prédi
cation telle qu'elle apparaît dans les homélies sur Iloh., il
y a, en plus du prédicateur et de son public, un troisième
terme : Dieu. C'est Lui qui suggère au prédicateur ce
qu'il va dire : « Maintenant écoutons Jean lui-même,
et disons, à propos de ses paroles, ce que le Seigneur
nous suggère à nous aussi, afin que vous les compreniez
pleinement164. » Mais ces paroles qui viennent du dehors
invitent chaque auditeur à écouter au-dedans le Maître
lui-même qui instruit165. Ainsi, pour l'évêque d'Hippone,
le prédicateur n'est que le serviteur de la Parole de Dieu :
« Nous pouvons vous avertir en faisant du vacarme avec
notre voix, s'il n'y a pas à l'intérieur quelqu'un pour vous
instruire, c'est en vain que nous faisons du bruit166. »
162. In ep. Ioh. tr. VII, 10. Cf. aussi III, 11.
163. A.-M. Pellet1er, Lectures du Cantique des Cantiques. De
l 'énigme du sens auxfigures du lecteur, Rome, 1989, p. 286-287.
164. In ep. Ioh. tr. Prol. ; cf. aussi III, 7 ; IV, 12 ; IX, 1.
165. Cf. In ep. Ioh. tr. III, 13 ; cf. IV, 1.
166. In ep. Ioh. tr. III, 13. Voir D. D1deberg, « Inspiratio »,
Augustinus-Lexikon 3, 3/4, col. 630-635.
33
CHAPITRE III
1. Le primat de la charitéfraternelle
À la suite de l'apôtre Jean, l'évêque d'Hippone
insiste sur la charité fraternelle. Comme lui, il s'adresse
à de nouveaux baptisés et à une communauté divisée
par la haine.
Dans son épître, saint Jean recommande l'observance
des commandements, en particulier, celui de la charité
fraternelle (cf. I Ioh. 2, 3-5.7-8 ; 3, 22-23 ; 4, 21 ; 5, 2-3).
Lorsque le prédicateur commente ces versets, il s'attache
avant tout à déterminer le contenu et les caractéristiques
du précepte de la charité fraternelle. Il se demande de
quels commandements parle l'apôtre et, se référant à
Ioh. 13, 34, il précise qu'il s'agit du commandement de
35
INIOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
l'amour mutuel173. Ce commandement est, selon / Ioh. 2,
7-8, à la fois ancien et nouveau. Il est ancien parce qu'il a
été reçu dès le début de l'initiation chrétienne. En ce sens,
il ne s'oppose pas au commandement nouveau (Ioh. 13,
34), car il ne concerne pas le vieil homme (Col. 3, 9-10). Il
est en même temps nouveau, parce que, pour le baptisé,
il exprime le passage des ténèbres du vieil homme à la
lumière de l'homme nouveau (Col. 3,9-10 eXEph. 5, 8)174.
Mais lorsqu'il explique I Ioh. 5, 3, le prédicateur cite
les deux commandements de Matth. 22, 37-40 qui sont
présentés habituellement dans la catéchèse et il conclut :
« Voilà de quels commandements nous entretient toute
cette épître175. » Jusqu'ici lorsque saint Jean parle sans
autre précision des commandements de Dieu, Augustin
y reconnaît toujours le commandement nouveau de
l'évangile johannique et ramène les commandements de
Dieu à l'unique précepte de la charité fraternelle. Il est
conscient de la difficulté que soulève chez ses auditeurs
pareille exégèse et il remarque que saint Jean ne passe
pas tout à fait sous silence l'amour de Dieu176, comme
nous le montrerons plus loin.
Dans son exégèse de l'épître, l'évêque d'Hippone
relève une autre difficulté : saint Jean ne cesse de parler
de l'amour des frères et ne dit rien de l'amour des
ennemis177. Ce thème de l'amour des ennemis est traité
dans le commentaire de divers versets (cf. Iloh. 2, 5 ;
4, 17b ; 5, lb et 2a) et surtout dans la huitième homélie
où l'enseignement de l'apôtre Jean sur la charité frater
nelle est confronté à celui du Seigneur sur l'amour des
ennemis (cf. Matth. 5, 46). Il ne suffit pas d'aimer ses
frères comme le recommande l'apôtre, mais il faut,
selon l'invitation du Seigneur, étendre cette dilection
36
UNE THÉOLOGIE DE LA CHARITÉ
même jusqu'aux ennemis, en passant d'abord par
l'amour des proches et des inconnus178. Quand elle
atteint les ennemis, la charité, qui est essentiellement
bienveillance179, aime en eux des frères en espérance180.
C'est pourquoi, conclut Augustin, il n'y a pas de contra
diction entre l'enseignement du Maître et celui de son
disciple.
La dixième homélie exhorte une dernière fois à
l'amour des ennemis. La charité fraternelle s'étend à la
totalité des hommes : ceux qui sont déjà frères, ceux
qui le sont devenus, ceux qui ne croient pas encore au
Christ, ceux qui croient au Christ comme les démons
c'est-à-dire sans amour, et même les ennemis181. De
nouveau aimer un ennemi, c'est pour Augustin aimer
un frère en espérance, un membre du Corps du Christ.
Mais il insiste ici sur le rôle transformant de la charité :
l'amour fait un frère de celui qui est un ennemi182. Cet
amour des ennemis est fondé sur l'exemple du Christ
(cf. Luc. 23, 34) et sa parole (cf. Matth. 5, 44)183.
Aimer ses ennemis est la perfection de la charité
fraternelle184. Mais haïr ses frères en est la négation :
«Si vous haïssez vos frères, qu'êtes-vous? Où êtes-
vous185 ? » Dans son épître, saint Jean oppose quelquefois
la haine à la charité fraternelle (cf. Iloh. 2, 9-11 ;
3, 13-15 ;4, 20-21). En commentant ces versets, Augustin
insiste sur les effets de la haine : ténèbres, scandale,
aveuglement, mort.
Qui prétend être dans la lumière -c'est-à-dire
être chrétien - et qui hait son frère est encore dans les
37
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
ténèbres186. Le scandale a pour origine la haine et la
division dans l'Église. Par contre, la charité fraternelle
ne produit pas de scandale, car « celui qui aime son frère
supporte tout à cause de l'unité187 ». L'aveuglement causé
par la haine et le schisme, en détachant de l'Eglise, sépare
du Christ. Ceux qui haïssent leurs frères se heurtent
à la montagne, symbole de l'identité du Christ et de
l'Église, errent dans les ténèbres et, devenus aveugles,
sont incapables de la percevoir188. C'est la raison
pour laquelle les donatistes ne peuvent reconnaître la
Catholica fondée par le Seigneur ressuscité et répandue
de Jérusalem jusqu'aux extrémités de la terre (Luc. 24,
46-49).
_ Pour le chrétien, haïr n'est pas une faute légère :
« A supposer qu'un homme ne fasse aucun cas de
la haine qu'il éprouve contre son frère, n'en fera-t-il
aucun du meurtre qui habite son cœur? Il ne fait pas un
mouvement pour tuer et il est déjà considéré par Dieu
comme un meurtrier ! L'homme est vivant ; mais celui-
là est considéré comme son meurtrier189. » De plus,
comment aimer Dieu et haïr son frère ? Celui qui hait son
frère est un meurtrier et méprise les commandements
de Dieu190.
Pourquoi une telle insistance sur la charité fraternelle
dans le commentaire que l'évêque d'Hippone donne
de saint Jean? Le texte de l'épître, le contexte de son
commentaire (le schisme donatiste, les divisions de la
communauté catholique elle-même, la présence des
nouveaux baptisés dans l'auditoire) n'en rendent pas
entièrement raison. Il faut en chercher une explication
plus satisfaisante dans la manière dont Augustin, à
la suite de saint Jean d'ailleurs, conçoit le chrétien
38
UNE THÉOLOGIE DE LA CHARITÉ
qui est né de Dieu par le baptême. Pour lui, la charité
fraternelle est le signe distinctif du baptisé. Il l'affirme
en expliquant, à la lumière de la charité, I Ioh. 3, 9 et
1, 8, ainsi que Iloh. 4, 2-3ab et 5, 1.
À l'intérieur de l'épître, Iloh. 3, 9 pose une contra
diction. En effet, si, d'après ce verset, celui qui est né
de Dieu ne commet pas de péché et ne peut plus pécher,
il est affirmé nettement en Iloh. 1, 8 que quiconque
se dit sans péché est un menteur. Augustin résout la
contradiction dans ses homélies sur Iloh. en montrant
que le péché que ne peut commettre celui qui est né
de Dieu par le baptême est la violation de la charité
fraternelle191.
Voici le principe de son explication en / Ioh. 3, 9 :
saint Jean fait allusion non à tout péché, mais à un
péché déterminé qui comprend tous les autres192. En
citant Ioh. 13, 34, Augustin détermine ce péché qui est
la violation de la charité fraternelle193. En proposant
cette explication, il ne s'appuie pas seulement sur le
sens général de l'épître qui est, selon lui, un exposé sur
la charité194, il analyse également le contexte. Selon
Iloh. 2, 11, le péché que ne commet pas celui qui est né
de Dieu est la transgression de la charité195. La suite du
texte johannique (I Ioh. 3, 10-15) le confirme. La charité
seule discerne lesfils de Dieu et lesfils du diable196. Tel
est l'enseignement reçu dès le début : nous devons nous
aimer les uns les autres191. L'histoire de Caïn et d'Abel
39
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
illustre cet enseignement198. Celui-ci éclaire aussi
l'opposition actuelle entre le monde et les croyants. Le
monde dont il est question ici désigne ceux qui aiment le
monde. « Ceux qui aiment le monde, affirme Augustin,
ne peuvent aimer leurs frères199. » En revanche, les
croyants aiment leurs frères et passent ainsi de la mort
à la vie200. Haïr son frère n'est pas une faute légère, nous
l'avons vu plus haut, car la haine est un homicide commis
dans son cœur201. La charité fraternelle ne consiste pas
seulement à ne pas haïr son frère, mais à donner sa
vie pour lui. Telle est la perfection de la charité : qui
est né de Dieu la possède202. La charité fraternelle est
le fruit du baptême203. Augustin a précisé ce point en
expliquant l'onction (/ Ioh. 2, 20.27) qui est le don de
l'Esprit Saint. De ce don invisible, l'onction reçue après
l'immersion dans l'eau baptismale est le signe visible,
sacramentel204.
Une autre manière d'affirmer que la charité frater
nelle est le signe distinctif du chrétien, est de montrer
que foi en Jésus Christ et amour des frères sont insépa
rables. Le prédicateur développe ce thème en expliquant
Iloh. 4, 2-3abet//o/i. 5, 1.
Le don de l'Esprit Saint (cf. Rom. 5, 5) est attesté
dans le cœur des croyants non plus par le don des
langues comme au jour de la Pentecôte (cf. Act. 2, 4),
mais par l'amour de la Catholica205. Ce commentaire de
Iloh. 3, 24 oriente celui de I Ioh. 4, 2, car si c'est à la
charité que l'on reconnaît l'Esprit de Dieu, c'est à partir
40
UNE THÉOLOGIE DE LA CHARITÉ
de la charité qu'il faut expliquer le critère énoncé par
saint Jean pour discerner l'Esprit de Dieu : la confession
de Jésus Christ venu dans la chair206. Il ne s'agit pas
seulement de confesser Jésus Christ en paroles comme
nombre d'hérétiques, mais par des actes (cf. Iloh. 2,
22 et Tit. 1, 16207), plus précisément par des actes de
charité : Jésus Christ est venu dans la chair par charité
(cf. Ioh. 15, 13) et quiconque n'a pas la charité nie Jésus
Christ incarné208. Même développement à propos de
I Ioh. 4, 3 : celui qui n'a pas la charité, nie non en paroles
mais en actes ; mieux, il divise Jésus Christ, car celui-ci
est venu dans la chair pour mourir et ainsi révéler son
amour, fondement de l'unité de l'Église209. La version
utilisée pour / Ioh. 4, 3 comporte les termes « nier » et
« diviser » : elle permet au prédicateur un jeu de mots
au sujet des donatistes qui, par leur haine, « divisent »
l'Église, Corps du Christ, et « nient » ainsi la venue de
Jésus Christ dans la chair.
Selon l'exégèse qu'Augustin donne de Iloh. 5, 1, la
foi en Jésus Christ qui ne s'exprime pas par la charité est
vaine : « L'œuvre de la foi, c'est l'amour lui-même210. »
C'est là ce qui distingue la foi de Pierre (cf. Matth. 16,
18) de celle des démons (cf. Marc. 1, 24 et Matth. 8,
29), la foi des chrétiens de celle des hérétiques2". Ainsi
conçue, la charité est le critère qui permet de discerner
le croyant authentique du mauvais catholique ou du
donatiste qui par leur haine se séparent de l'Église et
du Christ.
41
INIOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
2. La charitéfraternelle et Dieu
Pour Augustin, saint Jean ne cesse de parler de
charité fraternelle, mais il ne passe pas tout à fait
sous silence l'amour de Dieu212. À ses yeux, la charité
fraternelle implique l'amour de Dieu. « Il est impossible
de diviser l'amour. Choisis quelque chose à aimer et tout
le reste te suit213. » Le raisonnement d'Augustin est le
suivant : celui qui aime son frère aime l'amour ; or,
l'amour est Dieu, puisque, selon saint Jean, Dieu est
amour (I Ioh. 4, 8.16) ; donc celui qui aime son frère
aime Dieu214. Le raisonnement s'appuie, d'une part, sur
une conception de l'amour qui comprend trois éléments :
l'aimant, l'aimé, l'amour même, et, d'autre part, sur une
inversion du verset johannique : « l'amour est Dieu ».
Ainsi est-il montré qu'en tout acte d'amour - il s'agit
ici de l'amour du frère - Dieu lui-même est présent et
aimé. Ce mouvement qui part de l'amour du frère et qui
conduit à l'amour de Dieu est appelé par Augustin Yordo
faciendi. En effet, dans la pratique, c'est d'abord l'amour
du frère qui est premier : Si tu n'aimes pas lefrère que
tu vois, comment pourrais-tu aimer Dieu que tu ne vois
pas? (Iloh. 4, 20b). Habituellement, l'évêque d'Hippone
expose Yordo praecipiendi en commentant Matth. 22,
37-40 : celui-ci donne la première place à Dieu qu'il
enjoint d'aimer de tout son cœur, de toute son âme et de
tout son esprit ; il met en second le prochain et prescrit
de l'aimer comme soi-même. Ainsi est aff1rmé le primat
de l'amour de Dieu auquel sont subordonnés l'amour
de soi et l'amour du prochain. Cette distinction entre
42
UNE THÉOLOGIE DE LA CHARITÉ
Yordo faciendi et Yordo praecipiendi215 manifeste chez
Augustin un approfondissement du double commande
ment de la charité. La méditation de / Ioh. - en particulier
4, 8.16 et 4, 20b - lui en a ouvert la voie.
Pour Augustin, la charité fraternelle qui conduit à
aimerDieu implique une vision de Dieu216. Mais comment
Dieu, que saint Jean affirme invisible (cf. I Ioh. 4, 12a
et 20b), est-il présent et connu dans l'amour du frère
visible?
Pour voir Dieu, il suffit d'aimer, car Dieu est amour
(Iloh. 4, 8.16) et, en tant que tel, il est présent en tout
acte d'amour217. Plus précisément, celui qui aime son
frère qu'il voit a l'amour, et il voit Dieu qui est amour218.
Pareille vision de Dieu est accessible à tous, à la seule
condition de vivre dans l'amour fraternel. Cette vision
spirituelle de Dieu par la charité prépare et inaugure
dès ici-bas celle qui sera donnée en plénitude dans l'au-
delà219.
L'union de l'homme à Dieu ne s'exprime pas
seulement par l'amour, par la vision, mais aussi par
l'inhabitation de l'homme en Dieu et de Dieu en l'homme.
Le prédicateur expose ce thème en commentant / Ioh. 4,
12b et, à sa suite, 4, 13 et 4, 16b.
Dieu commence à habiter en celui qui aime, et
le rend parfait en habitant plus pleinement en lui220.
Augustin attribue à l'Esprit Saint la connaissance que
l'homme a de la présence de Dieu en lui. Mais comment
215. Cf. In Ioh. euang. tr. 17, 8, BA 72, p. 93-97. Cf. aussi
M.-F. Berrouard, Note complémentaire 5 : « Les deux 'ordres' de la
charité », BA 72, p. 723-725 ; R. Cann1ng, The Unity ofLovefor God
and Neighbour, Leuven, 1993, p. 268-284.
216. M.-F. Berrouard, Note complémentaire 6 : « Charité fra
ternelle et purification du cœur », BA 72, p. 725-726 et Note
complémentaire 7 : « Charité fraternelle et vision de Dieu », BA 72,
p. 726-727.
217. Cf. In ep. Ioh. tr. VII, 10.
218. Cf. In ep. Ioh. tr. IX, 10 ; cf. déjà V, 7.
219. Cf. In ep. Ioh. tr. V, 7 et IX, 10.
220. Cf. In ep. Ioh. tr. VIII, 12.
43
INIOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
reconnaître en lui l'Esprit de Dieu? En interrogeant son
cœur et en y découvrant la charité de Dieu répandue par
l'Esprit Saint (cf. Rom. 5, 5) : la charité est signe de la
présence de l'Esprit221. Mais, loin de se fondre l'un dans
l'autre, l'homme et Dieu, unis par l'amour, demeurent
distincts : Dieu contient, l'homme est contenu222.
44
UNE THÉOLOGIE DE LA CHARITÉ
l'ambition du monde (I Ioh. 2, 16). Augustin compare
les convoitises de saint Jean aux passions dont parlent
les philosophes : « volupté, curiosité, orgueil227 ». Il les
compare aussi aux trois tentations du Christ au désert
(cf. Matth. 4, 1-10) : la faim du pain, le désir vain et
sacrilège de connaître, la promesse des royaumes228.
Pour saint Jean, la charité parfaite bannit la crainte
(Iloh. 4, 18). Selon Augustin, la crainte qui est le com
mencement de la sagesse (Ps. 110, 10 ou Prou. 1, 7)
prépare la venue de la charité dans le cœur du croyant et
lui cède la place dès qu'elle vient. Cette crainte est utile et
salutaire, car elle aiguillonne le pécheur. Mais il est une
autre crainte qui, selon le Ps. 18, 10, est chaste et demeure
éternellement229. Pour résoudre la contradiction posée
par le Ps. 18, 10 et I Ioh. 4, 18, le prédicateur distingue
deux sortes de crainte : la première, fondée sur la peur
du châtiment, fait craindre à l'âme d'être réprouvée ;
la seconde, fondée sur l'amour, lui fait craindre d'être
abandonnée230. La comparaison entre l'épouse adultère
et l'épouse chaste illustre cette distinction231. La crainte
n'est donc pas un obstacle à la charité parfaite ; servile,
elle prépare la venue de la charité et lui cède sa place ;
chaste, elle accompagne la charité devenue parfaite.
Considérons maintenant la charité fraternelle. D'après
le commentaire de I Ioh. 3, 16, sa perfection réside dans
le don de sa vie pour ses frères232. Tel a été l'exemple
du Seigneur (cf. Luc. 23, 34) et, à sa suite, celui de ses
disciples, Étienne (cf. Act. 7, 60), Paul (cf. // Cor. 12,
227. Cf. In ep. Ioh. tr. II, 8-14. Cf. Note complémentaire 11 : « La
triple convoitise de / Ioh. 2, 16 et la triade des passions ».
228. Cf. In ep. Ioh. tr. II, 14.
229. Cf. In ep. Ioh. tr. IX, 5.
230. Cf. In ep. Ioh. tr. IX, 5-8 et 11. Cf. Note complémentaire 32 :
« Crainte et charité d'après l'exégèse de I Ioh. 4, 18 ».
23\.Cf.Inep.Ioh. tr. IX, 6.
232. Cf. In ep. Ioh. tr. V, 4 ; cf. aussi V, 5, 6 et 11. Cf. Note
complémentaire 21 : « La perfection de la charité selon l'exégèse
augustinienne de IIoh. 3, 16 bc ».
45
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
15 ; Phil 1, 21-24), Pierre (cf. Ioh. 21, 15-17)233. Augustin
ne cite pas ici l'exemple des martyrs, tellement vénérés
dans l'Église d'Afrique : comme il le déclare plus loin,
leur acte, chez les donatistes, peut ne pas être inspiré
par la charité, mais par l'orgueil. Si le Christ n'avait pas
eu des imitateurs, il ne serait pas leur Maître234. Son
sacrifice n'est pas seulement un modèle à imiter, mais le
fondement de l'amour parfait (cf. Ioh. 15, 13235).
S'il faut « donner sa vie » pour ses frères comme
le Christ, a fortiori faut-il, en raison de l'amour du
Père, compatir avec son frère qui est dans le besoin et
partager avec lui ses biens. Telle est le raisonnement de
I Ioh. 3, 17. Augustin en tire la conclusion suivante : la
charité parfaite qui réside dans le don de sa vie, com
mence par le don de ses biens236.
Mais pris dans leur matérialité, les actes de charité
peuvent être ambigus237. Pour saint Jean, il s'agit
d'aimer en actes et en vérité (I Ioh. 3, 18), c'est-à-dire
avec la charité au fond du cœur. En commentant ce
verset et la suite du texte (Iloh. 3, 19-22) qui justifie
son interprétation238, Augustin s'efforce de discerner
la charité authentique à la racine de tout acte239. L'au
mône, et même le martyre, peuvent provenir aussi bien
de l'orgueil, de la vaine gloire, que de la charité240.
Pour la découvrir, il faut revenir au témoignage de la
conscience et, pour cela, interroger son cœur devant
46
UNE THÉOLOGIE DE LA CHARITÉ
Dieu241. Chacun est juge de lui-même et de ses actes. Ce
qui met la conscience personnelle à l'abri de l'illusion
et fonde son jugement est la présence de Dieu en elle :
« Que ta conscience t'apporte le témoignage qu'elle est
de Dieu242. » Chacun saura ainsi s'il a en lui la charité qui
est don de l'Esprit Saint243. La sentence si souvent mal
comprise Dilige et quod uis fac244 exprime ce primat de
l'amour dans la vie chrétienne ; elle n'est pas un appel aux
laxisme, ni une caution pour la morale de situation245.
4. La révélation du Dieu-Agapè
L'amour chrétien n'est que réponse à l'amour de
Dieu qui a aimé le premier et donne d'aimer (cf. Iloh. 4,
7-8.16 ; 4, 10c ; 4, 16b ; 4, 19). Dieu a révélé son amour
non seulement par l'envoi de son Fils (cf. Iloh. 4, 9 et
19), mais surtout par le don de son Esprit, amour qui
est de Dieu et qui est Dieu (cf. Iloh. 4, 7-8 ; 4, 13 et 3,
24). Ainsi, en l'homme la charité prend sa source dans le
Dieu-Agapè et se déploie dans l'Eglise, Corps du Christ
(cf. Iloh. 5, lb-2a).
Les homélies sur Iloh. affirment la priorité de
l'amour de Dieu et sa gratuité. Lorsque le prédicateur
exhorte à la charité fraternelle, il insiste sur le motif
qui la fonde : « Dieu a accordé l'amour, Dieu a fait
don de l'amour. L'amour est de Dieu, Dieu est amour
(Iloh. 4, 7-8)246. » « Pourrions-nous l'aimer, si lui ne
241. Cf. In ep. Ioh. tr. VI, 2 et 6. Cf. aussi M.-F. Berrouard, Note
complémentaire 13 : « Revenez à votre cœur », BA 72, p. 733-736.
242. In ep. Ioh. tr. VI, 3. Cf. aussi J. Gallay, « La conscience
de la charité fraternelle d'après les tractatus in F" Ioannis de saint
Augustin », RÉAug 1, 1955, p. 1-20.
243. Cf. In ep. Ioh. tr. VI, 9-10 ; VIII, 12.
244. In ep. Ioh. tr. VIII, 8 ; X, 7.
245. Cf. M.-F. Berrouard, « Dilige et quod uis fac », AL 2,
1996-2002, col. 453-455 ; E. G. Cass1dy, art. cit., p. 214-216.
246. In ep. Ioh. tr. VII, 5.
47
INIOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
nous avait pas aimés le premier (cf. I Ioh. 4, 10b)247? »
« (Jean) n'aurait pu exalter davantage l'amour qu'en
l'identifiant à Dieu. Peut-être allais-tu faire peu de cas
du don de Dieu? Et Dieu, lui, le tiens-tu par hasard en
mépris248? » La charité, étant Dieu, est plus qu'un don
de Dieu. Par son amour premier (I Ioh. 4, 19)249, Dieu
éveille en l'homme pécheur l'amour et embellit son âme.
« Plus s'accroît l'amour, plus s'accroît la beauté : car la
charité elle-même est la beauté de l'âme250. » L'amour
de Dieu s'adresse à des pécheurs, à des ennemis, laids
et défigurés par le péché : il en fait des amis et les rend
beaux251.
La venue de Jésus dans la chair (cf. / Ioh. 4, 2-3ab) n'a
d'autre motif que la charité : « Il n'était pas besoin que
Jésus vînt, sinon pour la charité252. » Augustin reconnaît
également dans la mort du Christ la manifestation de
l'amour du Père (cf. Iloh. 4, 9 ; Rom. 8, 32253). Jouant
sur le verbe tradere (« livrer ») du verset paulinien, le
prédicateur met en parallèle l'acte du Père, celui du Fils
et celui de Judas. Le Père a livré son Fils, le Fils s'est
livré lui-même (Gal. 2, 20), Judas a livré son Maître.
« Le Père et le Fils ont agi par amour ; mais Judas, lui,
a agi par trahison254. » Une fois encore, la charité seule
est capable de discerner la valeur d'actes qui, pris en
eux-mêmes, sont identiques.
Le commentaire de I Ioh. 4, 19 développe le même
thème, mais dans une perspective « esthétique ». La
48
UNE THÉOLOGIE DE LA CHARITÉ
venue de Jésus Christ n'a d'autre but que de révéler
l'amour du Père (cf. Rom. 5, 8-9). Le Christ est mort
pour les pécheurs, « lui, le juste pour des hommes
injustes, lui, si beau pour des hommes repoussants255 ! »
La beauté du Verbe de Dieu fait chair (cf. Ps. 44, 3) est
voilée par la laideur du péché de l'homme qu'il prend
sur lui (cf. Is. 53, 2) en s'incarnant ; lui qui était dans « la
forme de Dieu », égal au Père, il s'est rendu semblable
aux hommes, en prenant « la forme d'esclave » (cf.
Phil. 2, 6-7). Grâce à l'amour qu'il manifeste dans le
Verbe incarné, Dieu suscite en l'homme la charité et
crée en lui une beauté semblable à la sienne256.
Dans la dilection qui est de Dieu et Dieu (Iloh. 4,
7-8), Augustin a découvert l'Esprit Saint qui fait don à
l'homme de la charité de Dieu (Rom. 5, 5). En confron
tant Iloh. 4, 7b {L'amour vient de Dieu) et I Ioh. 4, 8
(Dieu est amour), le prédicateur se demande à laquelle
des trois personnes divines appliquer ces versets. L'un et
l'autre ne peuvent être dits du Père : le Père n'est pas de
Dieu puisqu'il est principe sans principe. Ces versets ne
peuvent s'entendre que du Fils ou de l'Esprit. Or, selon
Rom. 5, 5, la charité de Dieu a été répandue dans nos
cœurs par l 'Esprit Saint qui nous a été donné. « Nous
devons comprendre, conclut Augustin, que dans l'amour
se trouve l'Esprit Saint257. » Le même enseignement est
repris dans l'exégèse de Iloh. 4, 13, verset identique à
Iloh. 3, 24 : le prédicateur invite ses fidèles à interroger
leurs cœurs et à écouter saint Paul (cf. Rom. 5, 5) pour
découvrir en eux le don de l'Esprit qui est charité258.
49
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
« Dans le Corps du Christ, note justement J. Burnaby,
la caritas est ce qu'elle est dans le mystère de l'Être
divin : l'Esprit Saint de l'unité259. » Cette dimension
ecclésiale de la charité a été mise en lumière dans
le commentaire de I Ioh. 5, lb-2a qui s'appuie sur
ICor. 12, 26.27, I Ioh. 4, 20b et Act. 9, 4 : « Celui qui
aime devient lui aussi un membre (du Christ) et devient,
par l'amour, partie intégrante du Corps du Christ :
ainsi il n'y aura qu'un seul Christ s'aimant lui-même.
Car lorsque les membres s'aiment les uns les autres, le
corps s'aime lui-même260. » Et erit unus Christus amans
seipsum ! Avec cette phrase, l'exégète de I Ioh. exprime
au plus haut degré sa pensée sur la charité fraternelle et
l'unité de l'Église, Corps du Christ. C'est par l'amour
que s'édifie Yunus Christus. L'unique Christ est à la fois
sujet (amans) et objet (seipsum) d'un même amour : Il
s'aime lui-même. Mais cette unité du Corps du Christ
ne se réalisera que progressivement. À une époque où
l'Église était divisée par le schisme donatiste, le pasteur
africain pouvait-il offrir un enseignement plus riche sur
l'unité du Corps du Christ261 ?
Conclusion
Dieu est charité (I Ioh. 4, 8.16). C'est à partir de
cette affirmation que l'on comprend le message de saint
Jean sur Yagapè. C'est à partir d'elle que l'on peut saisir
aussi l'apport de l'Épître à la théologie augustinienne
de la caritas. Cette conception d'un Dieu-Agapè était
peu familière au philosophe antique tant « le désir et
50
UNE THÉOLOGIE DE LA CHARITÉ
l'aspiration dont elle est chargée sont incompatibles
avec la perfection divine sur laquelle repose la notion
philosophique de Dieu262 ». « À supposer que l'on ne
dise rien pour l'éloge de l'amour dans toutes les pages
de cette épître, que l'on n'en dise absolument rien
dans toutes les autres pages des Écritures et que nous
n'entendions prononcer par la voix de l'Esprit de Dieu que
cette seule parole : Parce que Dieu est amour (I Ioh. 4,
8), eh bien, voyez dès lors qu'agir contre l'amour c'est
agir contre Dieu263. » Grâce à saint Jean, Augustin a pu
montrer l'implication mutuelle de l'amour des frères et
de l'amour de Dieu (cf. Iloh. 4, 20b) et la fonder sur la
révélation du Dieu-Amour (cf. Iloh. 4, 8.16).
51
CHAPITRE IV
BIBLIOGRAPHIE
53
IN IOHANNIS EPISTULAM TRACTATUS
Mauristes. Quelquefois, nous avons préféré leur leçon à
celle de Mountain.
Les recherches en cours indiquent un nombre de plus
en plus élevé de manuscrits pour les In ep. Ioh. tr. : il suffit
de consulter la grande collection Die handschriftliche
Uberlieferung der Werke des heiligen Augustinus, lancée
en complément du CSEL de Vienne, qui recense les
manuscrits de divers pays269.
2. Traductions
Des traductions partielles270 des In ep. Ioh. tr. ont
été publiées. Ne sont relevées ici que les traductions
complètes.
54
BIBLIOGRAPHIE
Traductions allemandes
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an die Freude der Christlichen Liebe, eingeleitet
und übersetzt von C. Wolfsgruber, Saulgau, 1891
(Ravensburg, 1897), p. 1-217.
Unteilbar ist die Liebe. Predigten des heiligen
Augustinus ùber den ersten Johannesbrief, eingeleitet
und übersetzt von H. M. B1edermann, Augustinus-
Heute 5, Wurzburg, 1986.
Traductions anglaises
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and His First Epistle by Augustine, Bishop of Hippo,
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55
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S. Jean, trad. de G. Leroy, Paris, 1670.
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et son Épistre aux Parthes, t. IV, trad. de Ph. Goibaud
Dubo1s, Paris, 1700, p. 1-344.
Les dix traités sur l 'épître de saint Jean aux Parthes,
traduits par J. Péronne, Œuvres complètes de saint
Augustin, t. 10, Paris, 1869, p. 451-573.
Traités sur l'épître de saint Jean aux Parthes,
traduits par M. l'abbé Aubert, Œuvres complètes de
saint Augustin, t. 11, Bar-le-Duc, 1872, p. 162-240.
Sa1nt August1n, Commentaire de la première épître
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Saint Augustin commente la « Première lettre de
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traduction par les Sœurs Carmélites de Mazille, Les
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Sant' Agost1no, Commento all'Epistola ai Parti
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Commento alla Prima Lettera di Giovanni, intro
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56
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Traduction roumaine
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