Fitzgerald Philip 2011 PDF
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UMR-CNRS 6201
Droit public
par
Philip FITZGERALD
En novembre 2011
sous la direction de
Jury
Monsieur Peter CULLEN, ancien Professeur aux Universités d‟Edimbourg (Ecosse), de Trèves (Allemagne)
et de Bâle (Suisse). Juriste-linguiste à la Cour de justice de l‟Union européenne
UMR-CNRS 6201
Droit public
par
Philip FITZGERALD
En novembre 2011
sous la direction de
Jury
Monsieur Peter CULLEN, ancien Professeur aux Universités d‟Edimbourg (Ecosse), de Trèves (Allemagne)
et de Bâle (Suisse). Juriste-linguiste à la Cour de justice de l‟Union européenne
3
À Anna, Louise et A1ice
4
REMERCIEMENTS
5
La Faculté n‟entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises
dans cette thèse qui restent propres à leur auteur.
6
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
CONCLUSION GENERALE
7
INTRODUCTION GENERALE
8
I Propos liminaires p. 9.
La faculté d‟idéaliser n‟étant pas « une sorte de luxe dont l‟homme pourrait se
passer, mais une condition de son existence »1, l‟idéal anticorruption se dresse tel un
épouvantail de l‟éthique. Stigmatisé dans l‟esprit populaire et ciblé par la norme juridique,
l‟acte corrompu symbolise à bien des égards, un manque de probité ou une défaillance
morale. Le phénomène de la corruption est pourtant porteur d‟une lourde contradiction car
une dichotomie existe entre d‟une part le mythe sociétal d‟un comportement défendu,
sanctionné par la loi et d‟autre part la réalité d‟un rouage parfois essentiel d‟un rapport de
réciprocité. L‟analyse du mythe sociétal proscrivant l‟acte corrompu est bien établie,
1 E. DURKHEIM, Les formes élémentaires de la vie religieuse : livre troisième, 5ème édition, Paris, PUF, 2003,
p. 399.
9
notamment par M. le Professeur Reisman. Ce dernier utilise comme vecteur de recherche
l‟idée d‟un système des mythes2. Il s‟agit, en l‟occurrence, d‟un système, selon lequel une
société exprime clairement l‟ensemble des règles et interdictions pertinentes à celle-ci,
c‟est-à-dire le comportement qui est - de manière assez manichéenne - « bien » ou « mal »,
ce que l‟on peut ou ne peut pas faire.
Les élites sont généralement averties des failles du système des mythes et aussi de
l‟utilité de la pratique du code opératoire. Lorsque la pression populaire exige une
certaine réaction des élites, celle-ci peut se cristalliser par le renforcement du système des
mythes par la norme juridique, même si ce renforcement peut porter en lui une inefficacité
juridique parfois volontaire. Ce genre de réponse normative est ce que M. le Professeur
Reisman désigne comme lex simulata.4
Ces lignes écrites en 1979 sont d‟une très grande pertinence dans l‟étude de la lutte
contre la corruption internationale actuelle. La présente recherche porte sur une forme
spécifique de corruption, plus précisément la corruption d‟un agent public étranger. Il
s‟agit d‟un domaine qui a connu un essor international normatif considérable depuis quinze
ans, notamment avec l‟entrée en vigueur de plusieurs conventions à visée régionale et
2 W. M. REISMAN, Folded Lies: Bribery, Crusades and Reforms, New York, Free Press, 1979, p. 1.
3 Voir en ce sens, ibid., p. 17: « There is substantial reason to believe that Hammurabi‟s code was never applied;
those charged with making decisions and those seeking decisions from officials operated on the basis of an entirely
different code of norms. However, the Code of Hammurabi should not be dismissed as irrelevant, for insofar as it
expressed key values of the elite and the society of the time, it may have influenced behavior and even the formulation
and application of the operational code ».
4 Ibid., p. 31, M. le Professeur Reisman définit la lex simulata comme « a statutory instrument apparently
operable, but one that neither prescribers, those charged with its administration, nor the putative target audience ever
intend to be applied ».
10
universelle. Il est parfois estimé que ce dispositif juridique international n‟est pas toujours
d‟une efficacité parfaite. L‟analyse de l‟éminent Professeur de l‟Université de Yale5 pousse
à l‟interrogation suivante : de quelle manière la lutte contre la corruption internationale
actuelle est-elle marquée du sceau de la lex simulata ? Plus précisément, les rédacteurs des
textes ont-ils voulu ou pu octroyer une dimension opératoire satisfaisante à ces textes ?
L‟objectif de la présente recherche est double : d‟une part, apporter les éléments de
réponse à la question de savoir si, en effet, le dispositif est réellement composé de lex
simulata ; d‟autre part, en fonction des réponses, faire des propositions d‟amélioration - à
l‟appui de l‟avis de praticiens de lutte contre la corruption - au dispositif juridique
international existant.
II
5 Voir également l‘analyse plus récente d‘une ancienne élève du Professeur Reisman à l‘Université de
Yale, Philippa Webb: P. WEBB, « The United Nations convention against corruption global
achievement or missed opportunity? », 8 Journal of International Economic Law, March 2005, pp. 191 –
229.
6 C. YANNACA-SMALL, « Les paiements illicites dans le commerce international et les actions
entreprises pour les combattre », A.F.D.I., 1994, p. 792 ; voir également : E. QUINONES,
« L‘évolution du droit international en matière de corruption : la convention de l‘OCDE »,
A.F.D.I., 2003, p. 563.
7 E. ALT, I. LUC, La lutte contre la corruption, Paris, PUF, 1997, p. 5.
11
les inégalités, notamment devant la justice »8. La corruption trouble la relation d‟échange
et de réciprocité et détruit en ce sens les relations individuelles9.
12
la représentation »15 et la démocratie est ainsi dénaturée et l‟Etat de droit affaibli. La
corruption remet en cause la légitimité du pouvoir et provoque le discrédit de la classe
politique, ce qui la prive de la possibilité d‟exiger des efforts de la population 16.
13
la redistribution des ressources20.
i - L‟acte corrompu illicite peut tout d‟abord engendrer des coûts importants afin de
protéger sa nature secrète.
iii - Quand les pouvoirs publics attribuent des marchés à des entreprises
corruptrices qui répercutent le coût du pot-de-vin sur leur devis, il est question alors d‟une
mauvaise allocation des ressources publiques.
20 On fait largement référence ici à la liste établie par M. le Professeur J. Cartier Bresson, voir en ce
sens : J. CARTIER-BRESSON, « Les analyses économiques des causes et des conséquences de la
corruption : quelques enseignements », op.cit., p. 18.
21 Référence à une réalisation d‘envergure souvent prestigieuse et d‘initiative publique, qui s‘avère
plus coûteuse que bénéfique et dont l‘exploitation ou l‘entretien devient un fardeau financier.
14
viii - Le fait de verser les paiements corrompus lors des marchés internationaux a
des conséquences lourdes au sein du pays pertinent. Il s‟agit d‟abord de générer « une
culture de la corruption dans les entreprises, qui sont ensuite tentées d‟y recourir sur le
marché intérieur »22.
Les effets ravageurs de la corruption sont multiples. Il est donc utile d‟en tenter
une analyse juridique à son égard. Il convient alors de définir les termes pertinents à cette
étude.
III
A – Définir la corruption
15
le cadre de ses fonctions, publiques ou privées, utilise sa situation de pouvoir pour
détourner une règle, à son profit, ou à celui d‟une autre personne ou d‟une autre
organisation »26. Pour Mme le Professeur Rose-Ackerman, le terme corruption décrit une
relation entre l‟Etat et le secteur privé 27.
Le cœur de cet échange – le fond de l‟accord corrompu - est désigné par les juristes
anglo-saxons selon l‟adage latin quid pro quo. Le « quid » pour l‟une des parties –le
corrupteur- est le plus souvent un avantage qui est promis ou offert alors que le « quo » de
l‟autre partie – le corrompu ou corruptible – est le plus souvent une décision ou absence de
décision dans l‟exercice de ses fonctions. C‟est en ce sens que le terme corruption fait
clairement référence à un état bilatéral et synallagmatique. Pour D. Flore, la bilatéralité de
l‟échange corrompu vient de la rencontre – projetée ou accomplie - de deux personnes, de
deux parties et de deux volontés. La corruption est de nature synallagmatique, puisque à
cause de l‟échange entre les deux parties ce qui constitue l‟objet de la démarche de l‟un
constitue le moyen utilisé par l‟autre pour atteindre son propre but et vice-versa 30.
16
La corruption est un phénomène protéiforme. M. le Professeur Arnold
Heidenheimer en a distingué trois formes : la corruption blanche, la corruption grise et la
corruption noire31.
ii - La corruption grise, elle, est faiblement incriminée. Bien que condamnée par
l‟opinion publique, elle est plutôt tolérée au sein des milieux dirigeants. On peut en donner
comme exemple les pratiques illégales de financement des partis politiques avant 1988 en
France34.
iii - La corruption noire est la forme de corruption que l‟on peut estimer la plus
grave. Les comportements que l‟on peut désigner comme de la corruption noire sont les
plus souvent visés par le droit pénal. C‟est ici que la présente étude doit resserrer son
optique puisqu‟il sera question d‟analyser cette forme de corruption : « celle qui est
stigmatisée et donne lieu à sanction sociale »35.
Il faut préciser que la forme de corruption qui concerne la présente recherche est
surtout celle habituellement désignée par le terme de corruption active par opposition à la
corruption passive. Comprendre la différence entre les deux notions est essentiel puisque,
comme nous le verrons, certains textes internationaux ont choisi un champ d‟application
très précis en visant seulement l‟infraction de la corruption active. Il est impératif de
17
comprendre que la corruption est un acte unilatéral de la personne qui promet ou offre
(corruption active) ou de la personne qui sollicite ou reçoit (corruption passive).
Cette thèse est spécifiquement concernée par la corruption publique. Cette forme de
corruption se manifeste « par le versement de commissions à des agents publics soit pour
obtenir des passe-droits, soit pour se voir attribuer un marché public »38. La définition de
la qualité publique de la personne pertinente – c‟est-à-dire la définition de l‟agent public
étranger par les textes pertinents - est une problématique clé de cette étude.
18
pour que cet agent agisse ou s‟abstienne d‟agir dans l‟exécution de fonctions officielles, en
vue d‟obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce
international »39.
i - Qui sont les acteurs de l‟échange corrompu, c‟est-à-dire les parties à l‟échange
quid pro quo ? La catégorie de personnes pouvant être l‟auteur de la corruption active -
c‟est-à-dire le corrupteur - est toujours très étendue, il peut, en effet, s‟agir de toute
personne physique ou morale. De l‟autre partie à l‟accord corrompu, tous les textes
pertinents visent la corruption active du personnage central de cette étude – le corrompu –
en l‟occurrence l‟agent public étranger (à son profit ou au profit d‟un tiers).
ii - Quant aux éléments constitutifs de l‟infraction, les textes font toujours état d‟un
élément matériel (le fait ou l‟acte extérieur). Il s‟agit du quid, c‟est-à-dire l‟acte illicite
réalisé par le corrupteur. En matière de corruption active, il est question du fait de
promettre, donner ou offrir un avantage qui est le plus souvent indu, cet acte peut être
réalisé directement ou indirectement. On considère l‟avantage comme indu puisqu‟on
attend du fonctionnaire qu‟il agisse ou s‟abstienne d‟agir dans l‟exercice de ses fonctions.
C‟est la réalisation de ce comportement du fonctionnaire qui constitue le quo.
Dès lors, on donne quelque chose à l‟agent public étranger auquel il n‟avait pas
droit. Se trouve alors constitué l‟élément moral (l‟intention ou le dol criminel) de
l‟infraction. Il s‟agit, en effet, d‟un fait intentionnel : pour qu‟il y ait infraction, il faut
démontrer que cela est réalisé avec l‟intention requise, c‟est-à-dire que le pot-de-vin va
influencer le comportement de l‟agent public étranger. Certains textes limitent le contexte
d‟un tel paiement au cadre de l‟attribution ou la conservation d‟un marché international.
Cela constitue ce que l‟on peut désigner comme un élément de dol spécial.
19
IV
A - Historique général
Si l‟on raisonne à travers le principe de l‟échange quid pro quo, la frontière entre un
échange de réciprocité et un paiement corrompu peut être assez mince. On ne pourrait que
différencier un paiement corrompu d‟un échange de réciprocité si le premier est condamné
juridiquement ou socialement. Le comte mésopotamien - « Le pauvre homme de Nippur » -
datant de 1500 avant J.-C. est un exemple intéressant de la manière dont était perçue la
réciprocité à cette période. Il s'agit, en l‟occurrence, d'une satire montrant un homme du
peuple se venger d'un notable indigne de sa fonction, et qui profite de son pouvoir pour
humilier les « petits ».
20
Lors d‟une première période - entre 3000 av. J.-C. et 1000 ap. J.-C. - la réciprocité
était la règle. La corruption est un phénomène presque aussi ancien que l‟invention de la
balance en Egypte, symbole de l‟acceptation sociale du jugement objectif. A l‟époque de
Ramsès la corruption existait déjà 42. Selon L. Louvet, « les conséquences des scandales
sous le règne de Pharaon se mesurèrent à la distorsion entre les valeurs prônées par le
« Nouvel Empire » et celles qui s‟élevèrent suite à d‟autres affaires de corruption. C‟est
cette distorsion qui permît le complot qui causa la décadence sous les Ramsès »43.
Lors d‟une deuxième période - entre 1000 ap. J.-C. – 1550 ap. J.-C. - J.T. Noonan
estime que c‟est à travers l‟expression religieuse, littéraire ou encore juridique que l‟idéal
de l‟anti-réciprocité (ou anti corruption) est devenue la règle dominante.
42 En ce qui concerne cette période de l‘Egypte, il était plutôt question de cosmogonie que de régime
politique.
43 L. LOUVET, Le droit et la corruption internationale, Université de Paris I Panthéon Sorbonne, 2008,
p. 11.
44 E. ALT, I. LUC, op.cit., p. 3.
21
couverts, que de gens qui commandent seraient condamnés »45.
22
domaine de la corruption internationale.
Les poursuites à l‟égard de Hastings ont été menées par Edmund Burke. Burke a
soutenu non seulement que Hastings avait commis des actes de corruption, mais qu‟il
avait, de surcroît, élaboré un système de gouvernement corrompu dans le seul objectif
d‟exercer un pouvoir arbitraire afin de dépouiller l‟Inde de ses richesses sans retenu et sans
respect pour l‟Etat de droit 49.
Curieusement, Warren Hasting n‟a jamais nié avoir accepté des pots-de-vin et a
proposé trois arguments principaux à sa défense. Premièrement, Hastings a invoqué ce que
Burke a désigné comme la « moralité géographique » ; plus précisément que certains faits
en Asie ne véhiculent pas les mêmes caractéristiques morales qu‟un fait identique commis
en Europe50. En avouant l‟usage du pouvoir arbitraire, Hastings a tout de même justifié
l‟utilisation de ce pouvoir en soutenant que le despotisme était la seule forme de
gouvernement qui existait en Asie 51.
Deuxièmement, Hastings a argué que les paiements reçus des princes indiens
n‟étaient pas destinés à son usage personnel mais pour le compte de la East India
Company52.
Hastings a été acquitté par la Chambre des Lords en 1795. Selon la plus haute
juridiction britannique, la corruption n‟a pas été prouvée. Il s‟agissait de la victoire de la
« moralité géographique » de Hastings sur la « moralité universelle » prônée par Burke.
Mme le Professeur Ala‟i conclu alors que l‟acquittement de Hastings par la Chambre des
Lords s‟expliquait dans la mesure où l‟acte corrompu avait eu lieu à l‟extérieur de la
49 R. KIRK, Edmund Burke: A Genius Reconsidered, Intercollegiate Studies Institute, 1988, p. 117.
50 E. BURKE, « Speech in General Reply in the Impeachment of Warren Hastings », in 9 The Works
of the Right Honorable Edmund Burke, Boston, Little, Brown & Co, 1889, p. 447.
51 Ibid., pp. 453-54.
52 E. BURKE, « Speech in Opening », in 10 The Works of the Right Honorable Edmund Burke, Boston,
Little, Brown & Co, 1889, p. 43.
53 R. KIRK, Edmund Burke: A Genius Reconsidered, op.cit., p. 107 ; voir également BURKE [E], Speech in
Opening, pp. 46-47.
23
Grande Bretagne et que ce comportement profitait à l‟Empire britannique ; dans ce cas on
pouvait accepter un comportement moralement inférieur à celui exigé au sein des îles
britanniques. Il s‟agissait d‟une victoire de la réussite économique sur les interrogations sur
la tyrannie. Autrement dit, la tyrannie à l‟égard de non européens pouvait être tolérée si
cela était une réussite économique et que l‟Etat européen colonisateur tirait bénéfice de
cette réussite économique54.
24
désigner comme le modèle de l‟après-guerre et a eu pour effet d‟entraîner la crise
monétaire, la montée du chômage, de l‟inflation et l‟augmentation des déficits publics56.
En ce sens, le développement des marchés financiers devenait une nécessité vitale à la fois
pour les entreprises et pour les Etats 57. En 1973 cette crise a provoqué un quadruplement
du prix du pétrole qui a « conduit des occidentaux à chercher le moyen de récupérer de la
main gauche l‟argent qu‟ils étaient contraints de verser aux membres de l‟OPEP de la
main droite : vente d‟armes, installations nucléaires, grands contrats de travaux publics,
services bancaires… »58. Il s‟agissait très clairement d‟un terrain fertile pour utiliser tout
moyen – corrompu ou non – afin de remporter des marchés internationaux.
25
contre-pouvoir à l‟économie capitaliste - a augmenté les opportunités de corruption et la
réalisation de celle-ci puisque de plus en plus d‟entreprises se sont lancées dans le
commerce international 62.
Depuis fort longtemps, presque chaque Etat dispose d‟un corpus de règles internes
qui à trait à la lutte contre la corruption et les paiements illicites. Cependant, « le droit
national de la plupart des pays ne s‟applique qu‟aux actes commis dans le pays en cause
ou à la corruption des agents publics nationaux et ne vise expressément ni les actes
commis à l‟étranger ni la corruption des agents public étrangers »64. Mais la crise de
l‟énergie et la fin de la guerre froide ont provoqué l‟explosion de l‟acte de corrompre un
agent public d‟un état étranger pour se voir attribuer ou conserver un marché. On est bien
dans une mutation de la corruption qui a été d‟abord un danger national, puis un
phénomène transnational évoluant non seulement dans un vide juridique mais autour
duquel pratiquement aucun Etat – à l‟exception notable des Etats-Unis – ne démontrait de
volonté politique en vu de le combattre. On voit même que dans de nombreux Etats, le pot-
de-vin à un agent public étranger aux fins d‟obtenir un marché avait pour conséquence une
réduction d‟impôt pour la partie qui payait l‟avantage. Cette approche semble confirmer
une optique de moralité géographique à l‟égard des transactions qui ont lieu à l‟extérieur
26
des frontières étatique, surtout lorsqu‟il s‟agit d‟obtenir un marché avec un pays en voie de
développement et en ce sens on rappelle le procès de Warren Hastings analysé ci-dessus.
Au-delà d‟une possible approche fondée sur la moralité géographique on peut citer
d‟autres raisons pour expliquer la réticence des Etats à réagir face au phénomène de la
corruption internationale. En premier lieu, il y a le sentiment que « le rôle du droit national
à l‟égard de la corruption se limite à la protection de l‟intégrité des institutions publiques
nationales »65. Par le biais de ce postulat on peut alors conclure que dans le cadre de la
corruption étrangère, la responsabilité relève « des pays de ces agents publics et l‟action
des pays des entreprises qui offraient les paiements était considérée comme de l‟ingérence
dans les affaires de ces pays »66.
65 Ibid., p. 793.
66 Ibid., p. 793.
67 M. HUNAULT, op.cit., p. 11.
68 Voir l‘analyse de l‘Appel de Genève ci-dessous.
69 P. JANOT, op.cit., p. 429 ; voir également M. HUNAULT, op.cit., p. 17 : « Les transactions commerciales
internationales sont en effet un domaine où les risques de corruption sont tout particulièrement élevées, pour diverses
27
Il convient alors d‟étudier la réaction normative récente qui s‟est cristallisée à travers le
dispositif juridique à vocation universelle, régionale ou nationale actuel. Le noyau
historique de ce dispositif se situe dans le droit fédéral américain.
Il est généralement admis par la doctrine américaine que les origines de l‟adoption
du FCPA se trouvent dans les enquêtes qui ont suivi le cambriolage manqué du siège du
Democratic National Committee (DNC) dans le bâtiment Watergate en 1972. Lors de son
enquête, la Securities and Exchange Commission (SEC) était fortement intéressée par le
financement illicite de la campagne de réélection de Richard Nixon à la présidence des
Etats-Unis, notamment par des hauts responsables du monde des entreprises. La SEC a
ainsi souhaité faire la lumière sur les techniques comptables utilisées pour l‟enregistrement
de ce genre de paiement 72. De plus, les enquêtes ont également démontré l‟existence de
paiements et de financements politiques illicites au-delà de la seule campagne de Nixon.
En effet, il était également question de paiements à des agents publics et des partis
raisons : une vigilance moins grande à l‟étranger, la détection plus difficile soit en raison de la structure de l‟entreprise
soit en raison de la coexistence de pratiques commerciales et de cultures différentes au sein de l‟entreprise ; la
spécialisation de certaines entreprises dans des activités ou des régions particulièrement sujettes à la corruption ».
70 Pub. L. No. 95-213, 91 Stat. 1494 (codified as 15 U.S.C. § § 78a, 78m, 78dd-1, 78dd-2, 78ff).
71 M. DELMAS-MARTY, « Propos introductif », in La corruption nous concerne tous, Actes de colloque
du 4 décembre 2001 organisé en collaboration avec les magistrats de l‘Appel de Genève,
Transparency International Brussels et la Fédération des entreprises de Belgique, Les Cahiers de
l‘Institut d‘études sur la justice, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 80.
72 M. B. BIXBY, « The Lion Awakens: The Foreign Corrupt Practices Act--1977 To 2010 », 12 San
Diego Int‟l L.J., 2010, pp. 92 – 93.
28
politiques à l‟étranger. On peut notamment donner comme exemple le paiement d‟un
montant de 106 millions de dollars par la firme Lockheed 73 en grande majorité à
destination des agents publics saoudiens. En 1976, la SEC a publié un rapport qui a
divulgué les noms de plus de 400 entreprises américaines qui avouaient avoir procédé à des
paiements douteux à des agents publics étrangers. Ces révélations ont provoqué la
démission de nombreux agents publics en Italie, au Japon ou encore aux Pays-Bas, tout en
suscitant l‟émoi des citoyens américains74.
L‟étendu des révélations a provoqué une onde de choc pour le Congress américain
encore ébranlé par le scandale du Watergate. Le climat politique aux Etats-Unis post-
Watergate rendait difficile la possibilité d‟éviter la question de la corruption étrangère.
Toutefois, on voit mal comment les Etats-Unis auraient pu en réalité promulguer une loi
incriminant ce type de comportement sans que cela s‟apparente à une sanction unilatérale à
l‟égard des seules entreprises américaines. Ces dernières seraient, en effet, désavantagées
face à leurs concurrents étrangers.
73 Lockheed : du nom d‘une importante société aéronautique qui était soupçonnée d‘avoir pratiqué la
corruption à grande échelle dans des marchés militaires.
74 J. G. KAIKATI, G. M. SULLIVAN, J. M. VIRGO, T. R. CARR, K. S. VIRGO, « The Price of
International Business Morality: Twenty Years Under the Foreign Corrupt Practices Act », 26 J.
Bus. Ethics, 2000, p. 213 et p. 218.
75 D. WINDSOR, K. A. GETZ, « Multilateral Cooperation To Combat Corruption: Normative Regimes
Despite Mixed Motives And Diverse Values », 33 Cornell Int'l L.J, 2000, p. 744.
76 Voir M. PIETH, « Introduction », in The OECD convention on Bribery, Cambridge, Cambridge
University Press, 2007, p. 7.
77 Institué le 20 janvier 1977.
29
américaines et personnes physiques pertinentes notamment pour les paiements corrompus à
des agents publics étrangers. Ces paiements avaient pour but d‟influer sur ces derniers afin
qu‟ils confèrent un avantage indu dans le commerce international à une entreprise ou
personne physique américaine.
78 C. J. DUNCAN, « The 1998 Foreign corrupt practices act amendments: moral empiricism or
moral imperialism? », Asian-Pacific Law & Policy Journal, June 2000, p. 11.
79 M. PIETH, « Introduction », op.cit., p. 8.
80 Voir A. GENEVOIS, op.cit., p. 68 citant The National Export Strategy (Trade Promotion
Coordinating Committee), Washington DC, octobre 1997.
81 P. J. CULLEN, « Article 3. Sanctions », in M. PIETH et al., The OECD convention on Bribery,
Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 211; US Departement of Commerce,
International Trade Administration, Adressing the Challenges of International Bribery and Fair
Competition, the sixth Annual Report under Section 6 of the International Anti-Bribery and Fair
Competition Act of 1998, July 2004.
30
iv – L‟effet anticoncurrentiel du FCPA à l‟égard des entreprises américaines : la
pression diplomatique américaine en vue de la négociation d‟une convention internationale
Les modifications du FCPA s‟insèrent dans une loi plus large de 1988 qui est loin
d‟être anodine. Il s‟agit non seulement d‟une étape juridique importante dans la
construction d‟une économie mondiale, mais « elle apparaît comme une sorte de « Bill of
Rights » économique au profit d‟un seul Etat. Elle est une déclaration unilatérale des
droits de la première puissance mondiale ; droits qui, réduite à l‟essentiel, sont celui de
“ mener le monde” et celui de défendre les intérêts américains dans [ce nouveau]
contexte »84.
31
exceptions à l‟interdiction de verser des commissions aux agents publics étrangers. En
particulier surtout lorsque ces versements sont effectués aux fins d‟acquérir des facilités
qui entrent dans leur champ de compétence, mais qui n‟ont pas pour objectif l‟acquisition
de nouveaux marchés. Il s‟agit notamment de ce que l‟on peut désigner comme des
« paiements de facilitation ».
Dans un premier temps aucun autre Etat n‟a suivi l‟exemple américain. 86 L‟inaction
des autres pays peut être en partie expliquée par des considérations qui ne sont pas
forcément liées au marché. En effet, la corruption a été largement considérée comme
faisant partie intégrante de la vie des pays en voie de développement et une évolution
seraient seulement possible au fur et à mesure de leur démocratisation87. De plus, selon
certains juristes, les efforts des démocraties industrialisées pour changer les pratiques des
pays en voie de développement est une forme d‟impérialisme moral ou d‟ethnocentrisme.
C‟est en particulier l‟avis de M. le Professeur Salbu 88. Néanmoins, il est difficile de ne pas
conclure que les considérations économiques ont joué un rôle prépondérant dans la prise de
position d‟autres pays89. Il semble évident que le FCPA qui visait pour la plupart les
entreprises américaines donnait a priori un avantage dans le commerce international à des
entreprises d‟autre pays.
86 La Suède a adopté une loi incriminant la corruption étrangère en 1977, mais celle-ci était largement
inopérable.
87 D. K. TARULLO, « The Limits of Institutional Design: Implementing the OECD Anti-Bribery
convention », 44 Vanderbilt Journal of International Law, 2003-2004, p. 674.
88 Voir surtout : S. R. SALBU, « Extraterritorial restrictions of bribery: a premature evocation of the
normative global village », Yale I.L.J., 1999, pp. 233 – 255.
89 D. K. TARULLO, op.cit., p 674.
90 L‘avis du Professeur Tarullo nous intéresse tout particulièrement puisque ce dernier un tenu le rôle
de sherpa pour le gouvernement des Etats-Unis lors des négociations de la convention de l‘OCDE.
32
la corruption entrainait des graves effets négatifs pour l‟économie. La création de l‟ONG
Transparency International par P. Eigen est un exemple révélateur de ce genre d‟évolution.
Troisièmement, l‟élection d‟un nouveau président aux Etats-Unis a aussi changé la donne.
En effet, l‟administration du Président Clinton a amené une approche différente en matière
d‟intérêts nationaux. Les Etats-Unis ont alors favorisé les négociations au sein de
l‟OCDE91.
33
La convention interaméricaine de lutte contre la corruption : première convention
multilatérale contre la corruption
Entre 1977 et 1996, le FCPA est demeuré le seul instrument de ce genre. Malgré la
pression américaine, la première convention internationale n‟a pas été adoptée dans le
cadre de l‟OCDE mais par l‟Organisation des Etats américains. L‟adoption de la
convention interaméricaine de lutte contre la corruption (IACAC) le 29 mars 1996 au sein
de l‟Organisation des Etats américains (OEA) 94 a mis fin à l‟isolation étatsunienne en ce
domaine. Ce texte est entré en vigueur le 6 mars 1997. Il s‟agit de la première convention
multilatérale contre la corruption qui ait été adoptée dans le monde. L‟IACAC reflète un
consensus régional relatif à la prévention, à l‟incrimination et à l‟enquête sur les actes
corrompus dans le secteur public. Elle établit également un cadre juridique pour faciliter la
coopération entre les Etats parties dans le cadre des enquêtes et du recouvrement des
avoirs95.
94 http://www.oas.org/juridico/english/treaties/b-58.html.
95 G. D. ALTAMIRANO, « The impact of the Inter-american convention against corruption »,
University of Miami Inter-American Law Review, Spring/Summer, Vol. 38, No. 3, p. 489.
96 Summit of the Americas: Declaration of Principles and Plan of Action, 34 I.L.M. 808, 808-38 (1994) ; Le
« Summit Plan of Action » propose le développement d‘une approche régionale coordonnée de lutte
contre la corruption dans la forme d‘un accord international qui permettrait entre autres une
coopération judiciaire interétatique accrue qui permettrait l‘extradition et les poursuites en cas
d‘infraction de corruption ; voir R. H. SUTTON, « Controlling Corruption Through Collective
Means : Advocating the Inter-American convention Against Corruption », 20 Fordhal Int‟l L.J,
1997, p. 1456.
34
Les efforts diplomatiques américains : la négociation d‟une convention au sein de
l‟OCDE
La lutte menée par l‟OCDE contre la corruption occupera une place importante au
sein de la présente recherche. L‟optique de cette OIG est de « constituer un club de pays
industrialisés à économie de marché, et de jouer un rôle d‟expert en politique économique
»97. Il est dès lors tout à fait logique que l‟OCDE ait été ciblée par les Etats-Unis dans la
négociation d‟une convention internationale. Les Etats membres de l‟OCDE sont parmi les
pays les plus riches au monde, dont les entreprises sont responsables de la plupart des actes
de corruption internationale. La convention sur la lutte contre la corruption d‟agents
publics étrangers dans les transactions commerciales internationales a été signée à Paris le
17 décembre 1997 et est entrée en vigueur le 15 février 1999. De par la qualité de ses Etats
parties – à savoir la plupart des grandes puissances industrielles – et de par son mécanisme
de mise en œuvre, la convention de l‟OCDE constitue la référence en matière de lutte
contre la corruption active des agents publics étrangers dans le commerce international.
Bien que l‟OCDE ait adopté dès 1976 les principes directeurs à l‟égard des
entreprises américaines98, on peut considérer qu‟un nouvel élan en matière de lutte contre
la corruption – sous impulsion américaine – a été lancé en 1989 99. L‟OCDE a tout d‟abord
agi à travers un travail de recensement, et puis par l‟adoption de recommandations. La
justification de ce choix se trouve surtout dans le fait que l‟OCDE « ne dispose que d‟un
pouvoir limité pour arrêter des décisions obligatoires pour ses Membres, et encore faut-il
qu‟elles soient prises à l‟unanimité »100.
35
Travaux de recensement
L‟OCDE avait débuté ses travaux par le recensement de tous les éléments existants
dans les législations nationales de ses membres relatifs aux paiements illicites. Les
conclusions de cet inventaire ont démontré que tous les pays membres possèdent dans leurs
législations nationales, notamment pénales, des dispositions contre la corruption et les
paiements illicites. Ces dernières sanctionnaient le paiement, l‟offre ou encore la promesse
de paiement illicite au bénéfice d‟agents publics nationaux sans toutefois que ces
dispositions s‟appliquent expressément aux paiements effectués au bénéfice des agents
publics étrangers101. L‟impunité à l‟égard de la corruption d‟agent public étranger était
logique à l‟égard de la législation en vigueur. Un autre inventaire de l‟OCDE102 concernait
le traitement fiscal des paiements illicites. Celui-ci a souligné que le droit fiscal dans la
majorité des Etats membres de l‟OCDE ne prévoyait pas de disposition spécifique sur ce
point. D‟ailleurs, ce genre de paiement a été traité « comme d‟autres sources d‟imputation
ou de déduction – souvent, en fait, comme des dépenses déductibles »103.
101 Voir OCDE, « Les paiements illicites dans les transactions commerciales internationales ; inventaires des
législations et des pratiques des pays membres de l‟OCDE en matière de paiements illicites » juin 1990 ; cité par
C. YANNACA-SMALL, op.cit., p 798.
102 OCDE, « Traitement fiscal des paiements illicites », février 1993.
103 C. YANNACA-SMALL, op.cit., p. 798.
104 Recommandation sur la corruption dans le cadre des transactions commerciales internationales,
Acte du Conseil de l‘OCDE C (94) 75 du 27 mai 1994.
105 A. GENEVOIS, op.cit., p. 71.
36
M. le Professeur Pieth estime que le texte de la recommandation est assez banal 106.
Si l‟intérêt juridique de ce document –non contraignant - n‟est pas dans un premier temps
évident, son impact politique a, néanmoins, été important. En effet, il a eu pour résultat une
confiance accrue de l‟OCDE et d‟autres organisations dans l‟espoir que la lutte contre la
corruption pourrait être nettement plus efficace à condition que tous les acteurs pertinents y
participent. Il faut noter que ce texte a provoqué l‟intérêt du Conseil de l‟Europe et de la
société civile. En effet, leurs travaux ont connu une dynamique considérable après
l‟adoption de ce texte107.
Une étape majeure dans la lutte menée par l‟OCDE contre la corruption a été
franchie par l‟adoption d‟une Recommandation révisée du Conseil sur la lutte contre la
corruption dans les transactions commerciales internationales le 23 mai 1997 109. A la
lecture du texte un double objectif apparaît ; d‟une part que les Etats membres adoptent des
lois nationales appropriées en matière d‟incrimination de la corruption des agents publics
étrangers avant la fin de l‟année 1998 et, d‟autre part, que ces Etats entament des
négociations dans le but de permettre la signature d‟une convention avant la fin de 1997
37
afin que celle-ci entre en vigueur dans les douze mois qui suivent 110. On note par ailleurs
que le choix d‟une convention – plutôt qu‟une simple recommandation - est une initiative
attribuée à la France et à l‟Allemagne111.
38
opération. Assurer l‟équivalence fonctionnelle dans une loi, c‟est indiquer que tous les
procédés, mécanismes ou objets capables d‟accomplir une fonction déterminée ont un
statut équivalent »115. C‟est une solution qui respecte la logique de chaque système
juridique. Le principe de l‟équivalence fonctionnelle est surtout utile lorsqu‟il s‟agit
d‟évaluer la mise en œuvre de la convention par les Etats parties116. Ce système peut
néanmoins être critiqué car il rend très difficile une mise en œuvre uniforme de la
convention par le droit interne des Etats parties117.
Les Nations Unies avaient déjà manifesté une volonté de lutter contre la criminalité
en col blanc par une déclaration adoptée lors du Congrès de Kyoto en août 1970118.
Cependant, les initiatives onusiennes des années soixante-dix n‟ont pas abouti.
Entre 1975 et 1979, faute de consensus, on constate seulement un projet d‟accord du 5 août
39
1978121. Une des raisons de cet échec est certainement le fait qu‟il s‟agissait de la première
occasion où « l‟on a cherché à sanctionner pénalement dans une convention des actes
commis par des personnes morales ou pour leur compte »122. Certains aspects d‟ordre
politique sont également venus contrarier les tentatives de négociation. Tel est le cas de
l‟interdiction prévue par une disposition prévoyant d‟effectuer des paiements de
redevances ou d‟impôt au bénéfice des « régimes minoritaires illégaux d‟Afrique
australe ». Cette disposition, appuyée de manière importante par le Groupe des 77,123 n‟a
pu être accepté par les Etats de l‟OCDE.
Il a fallu attendre une quinzaine d‟années avant que l‟Assemblée générale des
Nations Unies adopte, le 16 décembre 1996 124, la résolution contre la corruption dans les
transactions commerciales internationales et la résolution sur la coopération internationale
contre la corruption dans les transactions commerciales du 12 décembre 1997 125.
121 Voir par exemple la résolution 2041 (LXI) du 5 août du Conseil économique et social : « créer un
groupe de travail intergouvernemental spécial chargé de procéder à un examen du problème des pratiques de
corruption et en particulier des actes de corruption commis dans le cadre de transactions commerciales internationales
par des sociétés transnationales et autres, leurs intermédiaires et autres parties en cause et d‟étudier en détail la portée
et le contenu d‟un accord international visant à prévenir et éliminer les paiements illicites, sous quelque forme que ce
soit, à l‟occasion des transactions commerciales internationales ».
122 C. YANNACA SMALL, op.cit., p. 795 ; la question de la responsabilité des personnes morales sera
analysée au sein des chapitres 3 et 8 de la présente recherche.
123 Ibid., p. 795 ; On fait référence ici au Groupe de 77 aux Nations Unies qui comprend une coalition
des pays en développement, conçu dans le but de promouvoir les intérêts économiques collectifs
de ses membres et créer une capacité de négociation accrue aux Nations Unies. Ce groupe, créé par
77 pays, comptait (en 2009) 130 pays membres. ; voir également M. GOUNELLE, op.cit., p. 167 :
la décolonisation a donné un poids inégalé au tiers- monde, « une relative discipline de vote obtenue dans
le cadre du « groupe des 77 » autour de quelques grands thèmes mobilisateurs (indépendance des peuples colonisés,
exigence d‟une aide significative au développement) a permis aux pays en voie de développement de faire entendre leur
voix dans le concert des nations ».
124 Résolution 51/191.
125 Résolution 52/87.
126 On rappelle néanmoins que les premières implications des Nations Unies dans la lutte contre la
corruption datent des années 1970. On soulignera notamment la proposition d‘accord international
sur les paiements illicites du 4 août 1978 ou encore la déclaration des Nations Unies contre les
40
criminalité transnationale organisée sont des instruments ciblés ou thématiques, visant des
activités délictueuses spécifiques telle que le trafic de stupéfiants ou le blanchiment des
capitaux, cette convention cherche à réprimer la criminalité organisée de manière
globale127. En décembre 2000, l‟Assemblée générale des Nations Unies a reconnu la
nécessité d‟un instrument juridique international efficace indépendant de la convention des
Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Les Nations Unies avaient
travaillé sur la question de la corruption pendant plus de vingt ans avant d‟adopter la
résolution 55/61 du 4 décembre 2000 128. Par cette résolution, l‟Assemblée générale a prié
le Secrétaire général de convoquer, une fois terminées les négociations sur la convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, un groupe
intergouvernemental d‟experts à composition non limitée 129 chargé d‟examiner et
d‟élaborer, sur la base du rapport du Secrétaire général et des recommandations de la
Commission, un projet de mandat pour la négociation du futur instrument juridique contre
la corruption130.
41
Au vu du nombre important de pays signataires, la CNUCC est le premier
instrument de lutte contre la corruption à vocation réellement universelle133. La CNUCC
aborde tous les aspects de la lutte contre la corruption car elle a trait à la prévention –
secteur public et privé - les incriminations, les règles de droit pénal et de procédure pénale,
la coopération internationale, le recouvrement des avoirs, l‟assistance technique et les
échanges d‟informations. En ce qui concerne les incriminations, on remarque que les
dispositions du chapitre 3 de la CNUCC vise l‟incrimination obligatoire des faits de
corruption active et passive d‟agent public, de corruption active d‟agent public étranger
dans le cadre des transactions commerciales internationales, de détournement de biens
publics, de blanchiment du produit du crime et d‟entrave au bon fonctionnement de la
justice. La CNUCC recommande l‟incrimination d‟autres faits tels que la corruption
passive d‟agent public étranger dans le cadre des transactions commerciales internationales
le trafic d‟influence, l‟abus de fonctions ou encore l‟enrichissement illicite. Au-delà des
conditions de la coopération internationale prévues au sein du chapitre IV, il convient de
mettre l‟accent sur les dispositions innovatrices du chapitre V de la CNUCC qui prévoient
un mécanisme de recouvrement des avoirs134.
133 On note que la convention de l‘OCDE est aussi un texte à visée universelle mais dont le nombre
d‘Etats signataires est beaucoup moindre que la CNUCC.
134 M. HUNAULT, op.cit., p. 26.
135 Ibid., p. 26.
135 Voir l‘analyse de M. O. WIEDERKEHR, « Discours », in Coopération internationale dans la lutte contre
la corruption et centres financiers offshore : obstacles et solutions, 4ème Conférence européenne des services
spécialisés dans la lutte contre la corruption, Strasbourg, Editions du Conseil de l‘Europe, 2001,
p. 7.
42
économique et social. La lutte contre la corruption dans le champ d‟action du Conseil de
l‟Europe fait l‟objet d‟une riche analyse de R.A. Cano 136.
43
de veiller au respect de ces principes et à la mise en œuvre des instruments juridiques
internationaux à adopter 143.
44
autorisent de tels actes peuvent voir leur responsabilité civile engagée »146. Il peut être
question de dommages-intérêts pour les personnes ayant subi un dommage résultant d‟un
acte de corruption, de demander réparation à l‟Etat lorsque la faute a été commise par un
agent public ou encore de demander la nullité des contrats dont l‟objet est un acte de
corruption ou des mesures de protection des employés qui dénoncent des faits de
corruption aux autorités. On note qu‟à l‟encontre de la convention pénale, la convention
civile ne prévoit pas la possibilité de réserves, mais son application fait aussi l‟objet d‟un
suivi par le GRECO. Ce texte est entré en vigueur le 1er novembre 2003. Cette convention
ne fera pas l‟objet d‟un développement au sein de cette étude, nos principaux axes de
recherche étant l‟infraction pénale de la corruption d‟agent public étranger.
L‟approche de l‟UE s‟inscrit d‟abord dans l‟optique de la protection des intérêts financiers
des Communautés européennes « dans un contexte juridique dans lequel les Communautés
ne disposaient pas des instruments appropriés puisqu‟elles ne pouvaient édicter
d‟obligations à caractère pénal, même dans le cadre des matières relevant de leurs
compétences »148. En effet, selon au moins un commentateur juridique, en matière de lutte
45
contre la corruption des Etats membres « the Community has very limited legal
powers »149.
Le premier texte ici pertinent est la Résolution relative à la protection juridique des
intérêts financiers des Communautés adoptée par le Conseil le 6 décembre 1994 153. Par
cette résolution, le Conseil a reconnu le besoin d‟une plus grande clarté concernant la
définition de la fraude et les sanctions applicables. Six mois plus tard - le 26 juillet 1995 -
la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes
a été adoptée154. Il est question d‟un texte dont le champ d‟application se limite aux
149 P. SZAREK-MASON, The European Union‟s Fight Against Corruption, Cambridge, Cambridge
University Press, 2010, p. 43.
150 L‘ancien article K3 (2) du titre VI du traité sur l‘Union européenne.
151 Voir ici P. SZAREK-MASON, op.cit., pp. 43 – 88 ; A. GENEVOIS, op.cit., p. 91.
152 Pour une analyse détaillée du développement de la politique de l‘Union européenne en matière de
lutte contre la corruption, voir P. SZAREK-MASON, op.cit., pp. 69 – 88.
153 J.O.C.E., C 355, du 14 décembre 1994.
154 J.O.C.E., C 316, du 27 novembre 1995.
46
comportements constitutifs de fraude qui menacent les intérêts financiers des
Communautés et n‟est applicable que dans les limites territoriales de l‟Union.
ii - Une deuxième étape se caractérise par une approche qui va au-delà des seuls
intérêts financiers des communautés européennes. L‟UE a alors visé directement
l‟infraction de corruption et a en ce sens adopté des textes visant la corruption de manière
spécifique dans les secteurs publics et privés. L‟article 29 du traité sur l'Union européenne
mentionne la prévention de la corruption et la lutte contre ce phénomène comme un des
objectifs permettant la création et la préservation d'un espace européen de liberté, de
sécurité et de justice.
47
communautaires. Elle vise, entre autres, l‟instauration d‟une responsabilité pénale pour le
personnel de la Commission européenne et d‟autres personnes dont la responsabilité légale
était ambigüe en droit purement interne158. La politique communautaire en la matière est
confirmée par l‟adoption d‟une action commune du 22 décembre 1998 portant sur la
corruption privée159.
iii - Une troisième phase a commencé en 1997, marquée par un accord à travers les
institutions de l‟UE sur le besoin d‟une politique de lutte contre la corruption large.
L‟intention des institutions communautaires d‟œuvrer en ce sens a été d‟abord démontrée
par l‟adoption par le Conseil d‟un programme d'action relatif à la criminalité organisée de
1997161. La Commission a répondu au Conseil par le biais de deux communications162. La
158 Voir en ce sens M. LEVI, « Corruption et réglementation des centres financiers offshore », in
Coopération internationale dans la lutte contre la corruption et centres financiers offshore : obstacles et solutions,
4ème Conférence européenne des services spécialisés dans la lutte contre la corruption, Strasbourg,
Editions du Conseil de l‘Europe, 2001, p. 33.
159 J.O.C.E., C 358 du 31 décembre 1998 ; ce texte a été remplacé par la décision cadre du 2003.
160 R. C. BAKER, « Foreign Corrupt Practices Act », 47 American Criminal Law Review, Spring, 2010,
pp. 670 – 671.
161 J.O.C.E. C 251 du 15 août 1997.
162 Commission des Communautés européennes, Communication de la Commission au Conseil et au
Parlement européen sur une politique anticorruption de l'Union; Bruxelles, le 21 mai 1997
COM(97)192 final, http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:1997:0192:FIN
:FR:PDF ; Commission des Communautés européennes, Communication de la Commission au
Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen : une politique
globale de l'UE contre la corruption, Bruxelles, le 28 mai 2003, COM(2003) 317 final, http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2003:0317:FIN:FR:PDF.
48
première communication a soutenu l‟idée de l‟adoption d‟une stratégie de lutte contre la
corruption à l‟intérieur et à l‟extérieur des frontières de l‟UE. L‟intention de la
Commission de prévenir et combattre la corruption a été confirmée en 2003 par une
seconde communication. On remarque que si c‟est dans l‟intérêt vital de l‟Union
européenne de soutenir la participation des Etats membres dans la lutte contre la corruption
internationale, un tel soutien ne doit pas néanmoins provoquer une dépendance à ces
initiatives, une dépendance qui aurait pour conséquence un déni partiel du problème de
corruption au sein des Etats membres163. Plus récemment on note également l‟adoption de
la décision du Conseil du 24 octobre 2008 relative à un réseau de point de contact contre la
corruption164. Cette décision établit un réseau européen de points de contact contre la
corruption. Le réseau se compose d‟organisations compétentes dans les États membres. La
Commission, Europol et Eurojust sont pleinement associés aux activités du réseau.
L‟objectif du réseau est de faciliter et de renforcer la coopération afin de lutter plus
efficacement contre la corruption.
49
La convention de l‟Union africaine
La corruption est incriminée dans le droit interne de la plupart des Etats africains et
elle est expressément visée dans plusieurs constitutions africaines et dans plusieurs
instruments juridiques à vocation africaine à niveau régional ou même continental.
Néanmoins, selon au moins un commentateur juridique, le continent africain a réalisé peu
de progrès dans ce domaine 165.
165 N. KOFELE-KALE, « Change or the illusion of change: the war against official corruption in
Africa », 38 George Washington International Law Review, 2006, p. 697.
166 A. B. M. MARONG, « Toward A Normative Consensus Against Corruption: Legal Effects Of
The Principles To Combat Corruption In Africa », 30 Denv.J.Int‟l L.& Pol‟y, 2002, p. 99.
167 Communauté de développement de l‘Afrique australe ; SADC est l‘acronyme en anglais pour
Southern African Development Community.
168 http://www.sadc.int/index/browse/page/122.
169 http://www.comm.ecowas.int/sec/fr/protocoles/PROTOCOLE-SUR-LA-CORRUPTION-FR-
Accra-Oct-01-Rev5.pdf.
50
2003170. Malgré le potentiel très large de ce texte et son champ d‟application considérable,
il ne fera pas l‟objet d‟une analyse approfondie au sein de la présente recherche. A
l‟encontre des conventions de lutte contre la corruption de l‟Europe ou des Amériques, la
convention de l‟Union africaine ne vise pas – en tout cas ne vise pas explicitement - la
corruption d‟agent public étranger ou des agents d‟organisations internationales 171.
M. le Professeur Kofele-Kale a souligné à l‟auteur de la présente thèse qu‟il n‟est pas
évident de savoir pourquoi les rédacteurs du texte n‟ont pas visé cette forme de corruption
de manière claire172.
Hormis les instances internationales, d‟autres acteurs ont influencé la lutte contre la
corruption au niveau international. On peut prendre en exemple la société civile
internationale et surtout le rôle moteur des ONG (A). On mettra également en exergue
certaines initiatives individuelles (B).
170 http://www.africa-
union.org/Official_documents/Treaties_conventions_fr/convention%20sur%la%20lutte%20cont
re%20la%20corruption.pdf.
171 N. KOFELE-KALE, « Change or the illusion of change: the war against official corruption »,
op.cit., pp. 718 – 719 ; pour une analyse de la lutte contre la corruption sur le continent africain, voir
N. KOFELE-KALE, « Change or the illusion of change: the war against official corruption in
Africa », op. cit., pp. 697 – 747 ; A. B. M. MARONG, op.cit., pp. 99 – 129 ; T. R. SNIDER,
W. KIDANE, « Combating corruption through international law in Africa: a comparative
analysis », 40 Cornell International Law Journal, Fall 2007, pp. 691 – 748.
172 Entretien à l‘auteur de la présente recherche du 26 août 2011.
173 M. GOUNELLE, op.cit., p. 106.
51
efficacement à ce phénomène de corruption internationale »174.
174 A. GENEVOIS, op.cit., p. 487 ; pour A. Genevois, la société civile a agi efficacement via le
développement de la déontologie et de l‘éthique de l‘entreprise. Voir le développement de cet
auteur relatif à la mise en place par la multinationale Thales d‘une politique globale basée sur des
séminaires de formation, la rédaction de codes de conduite et une procédure de contrôle interne
permettant de limiter les risques d‘infraction au sein du Groupe.
175 M. GOUNELLE, op.cit., p. 176, citant M. MERLE.
176 Voir à ce titre l‘article de M. CASTELLAN, S. A. NDIAYE, « L‘action du Water Integrity
Network dans la lutte contre la corruption dans le secteur de l‘eau », in L‟eau en droit international,
SFDI Colloque d‘Orléans, Paris, Pedone, 2011, pp. 253 – 265.
177 E. JOLY, Des héros ordinaires, op.cit., p. 153.
178 Cf., supra, introduction générale.
179 A. GENEVOIS, op.cit., p. 256.
52
B - L‟initiative individuelle
Certains individus ont œuvré de façon remarquée dans la lutte contre la corruption.
D. Robert a très largement contribué en ce sens à la médiatisation de la lutte contre la
criminalité financière en générale et la lutte contre la corruption en particulier. En 1996,
D. Robert a réuni sept magistrats180 de lutte contre la corruption pour lancer l‟Appel de
Genève du 1 octobre 1996. Cet Appel signale surtout la nécessité de la coopération
judiciaire pour lutter efficacement contre la corruption 181. Il avait pour objectif
« d‟exhorter publiquement les gouvernements et les parlements à donner enfin aux juges
des moyens adaptés pour lutter contre la criminalité organisée et la corruption au niveau
international»182. Cela constitue un appel à un espace judiciaire européen. On note même
que la promotion 1996 de l‟Ecole nationale de la magistrature française a pris le nom
d‟« Appel de Genève » comme nom de baptême de promotion.
La lutte contre la corruption contemporaine est aussi marquée par les prises de
position de l‟ancienne magistrate E. Joly. Cette dernière est connue notamment pour avoir
fait incarcérer L. Le Floch-Prigent, ancien PDG d'Elf et président en exercice de la SNCF
ou pour avoir mis en examen R. Dumas, alors président du Conseil constitutionnel
180 Bernard Bertossa, Edmond Bruti Liberati, Gherardo Colombo, Benoît Dejemeppe, Baltasar
Garzon Real, Carlos Jimenez Villarejo, Renaud Van Ruymbeke.
181 Voir D. Robert, op.cit., p. 331.
182 J. DE MAILLARD, « La coopération judiciaire relative aux activités dans les zones offshore :
propositions de solutions », in Coopération internationale dans la lutte contre la corruption et centres financiers
offshore : obstacles et solutions, 4ème Conférence européenne des services spécialisés dans la lutte contre
la corruption, Strasbourg, Editions du Conseil de l‘Europe, 2001, p. 77 ; voir également ibid. :
« Ces magistrats avaient pris conscience d‘une part de l‘inquiétante évolution des formes de
criminalité transnationales, d‘autre part du défi qu‘elles représentent pour les économies mondiales
et les régimes démocratiques, et enfin de l‘indigence des moyens dont les systèmes judiciaires sont
dotés pour y faire face.
183 Voir L. LOUVET, op.cit., p. 136.
53
français. Elle est devenue en 2002 conseillère du gouvernement norvégien en matière de
lutte contre la corruption et de délinquance financière internationale. On note également
qu‟en mars 2009, E. Joly a répondu à l‟appel du gouvernement islandais dans l‟optique de
servir de conseillère spéciale dans une enquête sur une possible criminalité financière
susceptible d‟avoir aggravé la crise financière au sein de ce pays.
VI
A - En premier lieu ont été utilisé les textes juridiques eux-mêmes que cela soit de
la législation des droits internes pertinents ou des conventions internationales. Il était
également question de documents officiels tels que les travaux préparatoires des
conventions internationales, des rapports des conférences de suivi ou encore des rapports
des mécanismes de contrôle international.
B - Bien que des sources doctrinales variées aient servi à l‟élaboration de cette
recherche, les données étatsuniennes ont été les plus importantes. Depuis l‟adoption du
FCPA en 1977, les juristes étatsuniens se sont très largement penchés sur les questions
juridiques pertinentes à la lutte contre la corruption des agents publics étrangers et les
écrits sur ce sujet ont apporté une source de documentation très riche. En deuxième lieu, la
doctrine française et britannique a évidemment apporté de nombreux éléments de réflexion
à cette étude. Au-delà de ces trois sources principales, la présente recherche s‟est appuyée
sur les sources juridiques écrites de commentateurs de nationalités très variées : australien,
suisse, néerlandais, italien, nicaraguen, polonais ou encore slovène.
54
C - La présente recherche s‟est enrichie de trois thèses universitaires portant sur la
lutte contre la corruption internationale. Il s‟agit des thèses de A. Genevois184,
R.A. Cano185 et L. Louvet 186.
La troisième thèse – celle de L. Louvet - dresse en première partie l‟état des lieux
de la corruption et soulève la période d‟inactivité importante des instances internationales
face à ce fléau. L. Louvet présente la convention de l‟OCDE comme ouvrant la voie à un
encadrement juridique complet et contraignant. La deuxième partie de la thèse dresse un
bilan analytique des textes majeurs, la contribution de l‟arbitrage dans la lutte contre la
corruption à travers des sentences qui ont été rendues. En dernier lieu, elle propose
d‟élever la corruption en agression économique susceptible d‟être jugée par la Cour pénale
internationale.
184 A. GENEVOIS, L‟efficacité internationale des droits anti-corruption, Université de Paris I Panthéon
Sorbonne, 2004, 1252p.
185 R. A. CANO, La lutte contre la corruption dans le champ d‟action du Conseil de l‟Europe, Université Paris I
Panthéon Sorbonne, 2007, 748p.
186 L. LOUVET, Le droit et la corruption internationale, Université de Paris I Panthéon Sorbonne, 2008,
786 p.
187 A. GENEVOIS, op.cit., p. 519.
188 L‘auteur de la présente thèse remercie Madame Cano de lui avoir transmis son œuvre par internet.
55
D - L‟intérêt de la présente recherche ne se trouve pas dans l‟intention de reprendre
les idées des auteurs cités ci-dessus. Il est néanmoins inévitable que l‟on étudie ici certains
éléments déjà analysés par ces auteurs et on pense notamment à l‟historique et l‟analyse
« sèche » des textes. Cependant, cette étude entend se différencier à plusieurs niveaux :
iii - En dernier lieu – et sur un registre plus pragmatique - cette thèse aura bénéficié
du temps écoulé depuis la soutenance des autres thèses afin d‟y apporter de nouveaux
éléments. Il s‟agit par exemple des conclusions du Rapport de la phase 3 d‟analyse du
Groupe de travail de l‟OCDE quant à la mise en œuvre du FCPA par les Etats-Unis. On
peut également apporter quelques éléments d‟analyse relatifs à la nouvelle loi britannique
contre la corruption : UK Bribery Act entrée en vigueur le 1 er juillet 2011. On pense
également à l‟hypothèse d‟élever la corruption en tant que crime susceptible d‟être jugée
par la Cour pénale internationale où l‟on peut prétendre amener des arguments
complémentaires à l‟appui de ce postulat. En dernier lieu, cette recherche analysera les
derniers travaux des Nations Unies – menés par M. le Professeur Ruggie – sur les droits de
56
l‟homme et le commerce international, qui n‟ont pu être examinés au sein des trois thèses
susvisées.
D - Ressources électroniques
La présente recherche a fait une utilisation très large des données électroniques. Il
s‟agit évidemment des sites internet des organisations intergouvernementales au sein
desquelles les Etats ont signé les textes internationaux de lutte contre la corruption. Les
sites de l‟ONG Transparence international ont été d‟une très grande utilité lors des
190
recherches. Pour ce qui est du FCPA, le blog tenu par l‟avocat spécialiste du FCPA
R. Cassin a été une ressource d‟information précieuse et l‟avocat lui-même s‟est montré
très disponible afin de répondre aux questions relatives à cette recherche.
VII
190 http://www.fcpablog.com/.
57
des analyses supplémentaires à cette question. La recherche, surtout de la doctrine anglo-
saxonne et l‟avis des praticiens de lutte contre la corruption ont rapidement démontré le
potentiel de couches d‟analyses supplémentaires et nouvelles.
VIII
On fera ici état des hypothèses de recherche pertinente à la présente étude (A), de
certaines questions pertinentes à lutte contre la corruption qui ne fera pas l‟objet ici d‟une
analyse (B) et on procédera à une exposition et une justification du plan (C).
58
mais aussi partout dans le monde, car ces lois américaines ont une prétention
extraterritoriale ?
pénal le « fait de faciliter par tout moyen, la justification mensongère de l‟origine des biens ou des revenus de l‟auteur
d‟un crime ou d‟un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect, ainsi que d‟apporter un concours à une
opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l‟une de ces infractions ».
194 Le trafic d‘influence consiste à verser une commission à un intermédiaire qui usera de son
influence sur le décideur pour l‘inciter à prendre une décision favorable au corrupteur.
195 Cf., supra, III.
59
la corruption et sont consacrées notamment par le FCPA et par certains textes
internationaux. Cependant, la violation des normes comptables même dans la mesure où
elle est visée par les textes qui nous sont pertinents constitue une infraction parallèle mais
non analogue à l‟infraction de la corruption active d‟agent public étranger.
Alors que cette étude se concentrera tout particulièrement sur la responsabilité des
personnes morales en matière de corruption, elle abordera très peu la question de
l‟incrimination des personnes physiques. Pour justifier ce choix, on rappelle tout d‟abord
que si la plupart des lois érigent des sanctions civiles ou administratives à l‟encontre du
comportement fautif des entreprises, très peu de pays ont organisé ces lois de manière à
répondre aux exigences du dispositif juridique international de lutte contre la corruption
récente197. Pourtant, lorsqu‟il est question de l‟infraction de la corruption de l‟agent public
étranger, il s‟agit souvent d‟un acte réalisé par une entreprise dans le cadre du commerce
international. Les structures des entreprises multinationales sont devenues de plus en plus
décentralisées. Lors du processus de prise de décision au sein de ces entités, il est souvent
très difficile, voire impossible, de trouver un seul responsable de ladite décision. Une
personne physique peut évidement agir seule à des fins de corruption. Mais le plus souvent,
60
c‟est l‟entreprise elle-même qui se livre intentionnellement à des pratiques de corruption
visées par les conventions internationales. Dans la mesure où la corruption peut être
tolérée, voire encouragée par les responsables d‟une entreprise, il semble alors peu
approprié d‟incriminer seulement ceux qui prennent les décisions en bas de l‟échelle 198.
On écartera ici une analyse de certains mécanismes de protection utilisés par les
Etats en matière de corruption et on pense tout particulièrement à ce que Y. Radi désigne
comme « les affres des considérations politiques »199. Il existe en effet un risque important
en matière de lutte contre la corruption que les Etats retardent ou empêchent l‟exercice de
poursuites relatives à des pratiques de corruption. Un exemple contemporain de ce risque
peut être avancé dans le cadre du contrat Al Yamamah liant le Royaume-Uni et l‟Arabie
Saoudite, il s‟agit de l‟affaire BAE Systems. Un autre exemple pertinent est le dossier
connu en France selon l‟intitulé l‟affaire des Frégates de Taïwan200.
On n‟abordera pas ici la question des paradis fiscaux ou le secret bancaire. Bien que
de manière générale, les centres financiers non coopératifs et le secret bancaire soient un
obstacle majeur à la transparence financière, la lutte contre la criminalité financière en
général et la lutte contre la corruption et le blanchiment d‟argent, cette problématique
extrêmement importante dépasse largement le cadre précis de cette thèse.
61
corruption201.
201
Voir P. M. NICHOLS, « Corruption in the World Trade Organization, Discerning the Limits of the
World Trade Organization‘s Authority », 28 N.Y.U.J. Int‟l L. Pol., 1996, pp. 711 – 784.
62
On déduit que la structure des mécanismes internationaux existants en droit positif
est insuffisante et parfois peu opératoire. Il est donc utile d‟en proposer quelques
améliorations sans bouleverser les équilibres actuels (Chapitre 8).
63
PREMIERE PARTIE
D‟un point de vue juridique, il nous importe de savoir à quel point les rédacteurs de
textes internationaux de lutte contre la corruption ont pu ériger des articles uniformes202 : il
est évident que des situations de non coïncidence pourraient avoir pour conséquence des
difficultés dans l‟application harmonieuse des textes internationaux, et donc une relative
inefficacité dans la lutte contre la corruption dans le commerce international. A la lumière
de cette observation, on analysera les critères d‟incrimination de la corruption d‟agent
public étranger par les textes internationaux. La présente recherche se consacre à l‟étude
de la corruption de l‟agent public étranger. Il convient dans un premier temps d‟analyser
l‟approche des textes à l‟égard de ce personnage central de l‟infraction. (Chapitre 1). Il
faudrait alors étudier les éléments constitutifs de l‟infraction de corruption d‟agent public
étranger (Chapitre 2) pour enfin porter notre regard sur la question épineuse de la
responsabilité des personnes morales dans le domaine de la corruption internationale
(Chapitre 3).
202 On fait ici référence au principe de la double incrimination. A ce titre voir J. SALMON,
Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 336 : « A. Critère d‟application des
conventions d‟extradition en matière pénale selon lequel, pour donner lieu à extradition, le fait visé par les
conventions doit être punissables par les lois pénales de l‟Etat requérant et de l‟Etat requis. B. Critère d‟application
de certaines compétences personnelles à caractère extraterritorial en vigueur dans un Etat selon lequel l‟infraction
commise sur le territoire d‟un autre Etat n‟est punissable par le premier Etat que si elle est sanctionnée par le droit
des deux Etats ».
65
CHAPITRE 1
66
SECTION 1
LES DEFINITIONS DE L’AGENT PUBLIC ETRANGER DANS LES TEXTES :
PREMIERE APPROCHE CHRONOLOGIQUE
203
Le FCPA (§ 1), la convention de l‟OCDE 204 (§ 4) et la CNUCC 205 (§ 7)
présentent, pour chacun d‟entre eux, une définition spécifique et autonome de cette notion.
La convention de l‟OEA206 (§ 2) et la convention de l‟Union africaine207 (§ 6) définissent
la notion de l‟agent public sans fournir une définition de l‟agent public étranger. La
convention pénale du Conseil de l‟Europe 208 (§ 5) et la convention de l‟Union
européenne209 (§ 3) renvoient la définition de cette notion aux Etats membres.
203 Pub. L. No. 95-213, 91 Stat. 1494 (codified as 15 U.S.C. § § 78a, 78m, 78dd-1, 78dd-2, 78ff).
204 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/3028103.pdf.
205 http://www.unodc.org/pdf/crime/convention_corruption/signing/convention_f.pdf.
206 http://www.oas.org/juridico/english/treaties/b-58.html.
207 http://www.africa-union.org/Official_documents/Treaties_conventions_fr/.
convention%20sur%la%20lutte%20contre%20la%20corruption.pdf.
208 http://conventions.coe.nt/treaty/fr/Treaties/Html/173.htm.
209 Convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou
des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne du 26 mai 1997, J.O.C.E., n° C 195/1 du
25 juin 1997 (voir également la résolution relative à la protection juridique des intérêts financiers des
Communautés du 6 décembre 1994, J.O.C.E., n° C 355 du 14 décembre 1994, le protocole à la
convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes du 27 septembre 1996,
J.O.C.E., n° C 313 du 23 octobre 1996, le second protocole du 19 juin 1997 du Conseil à la convention
relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, J.O.C.E., n° C 221 du 19 juillet
1997.
67
§ 1 - La matrice des textes internationaux ultérieurs : une loi
nationale, la loi fédérale américaine du 19 décembre 1977
Selon l‟analyse doctrinale la plus courante, cette définition doit être interprétée de
la façon la plus large possible 213. Dans une conception typiquement états-unienne, cela
comprend les agents des trois branches du gouvernement et aux autres composantes du
gouvernement, c‟est-à-dire à la fonction publique au sens large du terme 214. Le FCPA ne
vise pas seulement les agents publics étrangers tels que définis par le texte, mais
également : « tout parti politique étranger ou un officiel d‟un tel parti », « tout candidat
pour un poste politique étranger» 215 et comme on le verra, le FCPA vise la corruption dite
indirecte, « quiconque tout en sachant que»216, qui concerne les intermédiaires informés.
Cette définition concerne aussi tout fonctionnaire ou employé d‟une organisation
internationale publique.
210 Pub. L. No. 95-213, 91 Stat. 1494 (codified as 15 U.S.C. § § 78a, 78m, 78dd-1, 78dd-2, 78ff).
211 En anglais « foreign official ».
212 15 U.S.C. § 78 dd – 1 (f) (1) (A) et § 78 dd - 2 (h) (2) (A).
213 Voir notamment : S. H. DEMMING, The Foreign Corrupt Practices Act and the New International Norms,
216 §78dd1 (a) (1) (b), (2) (b) et (3) (b) ; voir également : D. FLORE, op.cit., p. 8.
68
interaméricaine contre la corruption 217 (IACAC) à Caracas le 29 mars 1996 218. L‟article 8
de l‟IACAC cible la corruption transnationale « d‟un fonctionnaire d‟un autre Etat »219.
En reprenant la même formule que le droit américain, cette convention vise la corruption
transnationale de fonctionnaires publics sans égard à leur nationalité. La convention ne
définit pas de manière explicite la notion d‟agent public étranger ni l‟équivalent du
« fonctionnaire étranger » du FCPA. L‟article 1 de l‟IACAC définit néanmoins les notions
de «fonctionnaire », « officiel gouvernemental » et « serviteur public». Ces trois éléments
sont définis de la manière suivante : « tout fonctionnaire ou employé d'un Etat ou de ses
entités, y compris ceux qui ont été choisis, désignés ou élus pour mener des activités ou
exercer des fonctions au nom de l'Etat ou au service de l'Etat, à tous les échelons
hiérarchiques »220. On note qu‟il n‟est pas ici question des agents d‟organisations
internationales publiques.
217 http://www.oas.org/juridico/english/treaties/b-58.html.
218 Entrée en vigueur le 6 mars 1997.
219 « sous réserve de sa Constitution et des principes fondamentaux régissant son système juridique, chaque Partie
interdira et sanctionnera l'acte d'offrir ou de donner à un fonctionnaire d'un autre Etat, directement ou
indirectement, tout objet de valeur pécuniaire ou tout autre bénéfice, tels que des dons, des faveurs, des promesses ou
des avantages en échange de la réalisation par ce fonctionnaire de tout acte ou omission dans l'exercice de ses
fonctions, en liaison avec une transaction économique ou commerciale, lorsque cet acte aura été commis par un
national d'une Partie, ou par des personnes ayant leur résidence habituelle sur son territoire, ou par des entreprises
qui y sont domiciliées»., http://www.oas.org/juridico/fran%C3%A7ais/b-58.htm.
220 Article 1.
221 R. A. CANO, op.cit., p. 99 : ces Etats ne sont pas juridiquement obligés par la convention de
modifier leur code pénal pour y incorporer pareil infraction.
69
§ 3 – La convention relative à la lutte contre la corruption impliquant
des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires
des États membres de l'Union européenne du 26 mai 1997
Quatre textes de l‟Union européenne sont ici pertinents : la convention établie sur
la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, relative à la protection des
intérêts financiers des Communautés européennes222 du 26 juillet 1995 ; le protocole à la
convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes223 du 27 septembre 1996 ; la convention relative à la lutte contre la
corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des
fonctionnaires des États membres de l'Union européenne 224 du 26 mai 1997 ; et le second
protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes225du 19 juin 1997.
229 L‘article 1.
230 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15.12.1998, point 1.1.
231 Entrée en vigueur le 15 février 1999 ; http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/3028103.pdf.
232 « Chaque Partie prend les mesures nécessaires pour que constitue une infraction pénale en vertu de sa loi le fait
intentionnel, pour toute personne, d‟offrir, de promettre ou d‟octroyer un avantage indu pécuniaire ou autre,
directement ou par des intermédiaires, à un agent public étranger, à son profit ou au profit d‟un tiers, pour que cet
agent agisse ou s‟abstienne d‟agir dans l‟exécution de fonctions officielles, en vue d‟obtenir ou conserver un marché ou
un autre avantage indu dans le commerce international »,
http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/3028103.pdf.
233 M. LEVI, op.cit., p. 31.
234 P. CAVALERIE, op.cit., p. 617.
71
en doctrine que les commentaires officiels « en donnent toujours une interprétation
extensive, qui va bien au-delà de la lettre du texte et s‟inspire assez largement du droit
américain en vigueur […]»235. On souligne aussi que cette définition comprend tout
fonctionnaire ou agent d‟une organisation internationale publique.
La convention pénale prévoit à l‟article 1 (a) que « l‟expression «agent public» est
interprétée par référence à la définition de «fonctionnaire», «officier public», «maire»,
«ministre» ou «juge» dans le droit national de l‟Etat dans lequel la personne en question
exerce cette fonction et telle qu‟elle est appliquée dans son droit pénal »239.
L‟agent public est défini conformément au droit pénal de chaque État, c‟est ainsi la
définition pénale qui est déterminante 241. On voit bien que selon ce texte, chaque Etat
partie à l‟obligation de modifier, de compléter ou d‟adapter son droit pénal national en vue
d‟une bonne application de la convention.
La convention vise l‟agent public et « toute autre personne » mais ne définit pas
cette notion. Le champ d‟application est donc potentiellement très large244. Cette
convention ne définit pas cependant la notion d‟agent public étranger245.
ntions_fr/convention%20sur%la%20lutte%20contre%20la%20corruption.pdf.
243 « [T]out fonctionnaire ou employé de l‟Etat ou de ses institutions, y compris ceux qui ont été sélectionnés, nommés ou
élus pour entreprendre des activités ou exercer des fonctions au nom ou au service de l‟Etat, à tout niveau de sa
hiérarchie », http://www.africaunion.org/Official_documents/Treaties_conventions_fr/convention
%20sur%la%20lutte%20contre%20la%20corruption.pdf.
244 Voir en ce sens : T. R. SNIDER, W. KIDANE, op.cit., p. 714.
73
§ 7 - La convention des Nations Unies contre la corruption du 11
décembre 2003
La convention des Nations unies contre la corruption 246 – la CNUCC - a été signée
à Mérida, au Mexique, le 11 décembre 2003. La convention des Nations unies est de celles,
à l‟instar de la FCPA et de la convention de l‟OCDE, qui définit l‟agent public étranger de
manière spécifique et autonome. La définition onusienne se rapproche fortement à la
définition du FCPA et de la convention OCDE247. L‟agent public étranger est défini à
l‟article 2(b) de la manière suivante : «toute personne qui détient un mandat législatif,
exécutif, administratif ou judiciaire d‟un pays étranger, qu‟elle ait été nommée ou élue; et
toute personne qui exerce une fonction publique pour un pays étranger, y compris pour un
organisme public ou une entreprise publique »248.
248 Ibid., p. 8.
249 Ibid., p. 8.
250 M. PIETH, Introduction, op.cit., p. 23.
74
M. le Professeur Pieth souligne cependant, l‟existence d‟une difficulté
d‟interprétation de l‟article 16, qui pourrait avoir des conséquences importantes pour
l‟application de la CNUCC 251. Si la CNUCC s‟est inspirée de la convention de l‟OCDE et
du FCPA en érigeant une définition autonome et spécifique de l‟agent public étranger, elle
s‟est pourtant inspirée des conventions européennes anti-corruption de l‟Union européenne
et du Conseil de l‟Europe en ce qui concerne la définition de l‟agent public national. Une
situation qui peut être désignée de « bâtarde »252. La difficulté ouverte provient d‟un
décalage de technique juridique entre la définition de l‟agent public étranger253 et l‟agent
public national254 dès lors qu‟ils sont corrompus. Pour le premier, la notion d‟agent public
étranger est définie par la convention et donc il existe une définition uniforme pour tous
les Etats parties à celle-ci. Pour le second – l‟agent public national – il n‟y a pas
d‟obligation des Etats parties de modifier ou d‟adapter le droit national au regard de la
convention : les articles 2 (a) (ii) et 2 (a) (iii) semblent renvoyer purement et simplement la
définition de l‟agent public national au droit pénal national de chaque Etat. Quid de
l‟hypothèse, dans un cas de corruption passive, lorsque le pays où se trouve l‟agent public
ne définit pas la notion d‟agent public de la même manière que le pays à l‟origine des
poursuites ? C‟est cette problématique qui a en partie retenu l‟OCDE dans sa volonté
d‟incriminer la corruption passive 255.
La méthode est ici celle de l‟approche synthétique des textes. La première approche
chronologique étudiée au paragraphe précédent démontre que la définition américaine
d‟agent public étranger a eu une influence visible sur certaines conventions
internationales. La définition de l‟agent public au sein de l‟IACAC et les définitions
d‟agent public étranger de la convention de l‟OCDE et de la CNUCC se rapprochent
fortement de la notion états-unienne. La convention de l‟OCDE dans le cadre des intérêts
économiques de certaines puissances industrielles et la CNUCC dans son approche globale
et multidisciplinaire proposent une définition d‟agent public étranger à vocation mondiale.
Le but avoué en est l‟application homogène de la convention. Ces définitions mettent les
Etats parties face aux mêmes infractions et suppriment les variations du droit national. On
est donc bien face à une entreprise d‟uniformisation juridique sur le plan mondial.
Reste-il alors une implication du droit national dans le cadre d‟une définition
autonome d‟agent public étranger par le droit international ? Les définitions d‟agent public
étranger au sein des textes sont jalonnées par des références aux institutions ou entités
publiques qui sont compétents pour déléguer une autorité étatique 256. L‟affectation d‟une
personne à une telle institution ou entité de l‟Etat serait une indication, plutôt qu‟une
preuve concluante d‟un statut d‟agent public étranger257. C‟est le rôle du droit national de
préciser, sur la base de la convention, ce qui est véritablement, dans le détail, l‟agent
public.
On retrouve un nombre d‟éléments communs dans les définitions retenues par les
256 G. SACERDOTI, « The 1997 OECD convention on combating bribery of foreign public officials
in international business transactions », International Business Law Journal, 1999, p. 7: « combines
subjective qualifications with the objective exercise of public functions in a manner similar to the approach taken by
numerous national criminal legal systems ».
257 I. ZERBES, « Article 1. The Offense of Bribery Of Foreign Public Officials », in M. PIETH et al.,
The OECD convention on Bribery, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 59.
76
textes. Ces éléments communs258 - ces critères - servent à identifier l‟agent public
étranger. L‟agent public étranger peut être identifié par une appartenance à l‟appareil
institutionnel de l‟Etat concerné (§ 1). Il peut être identifié par le biais de certains critères
fonctionnels. (§ 2) On examinera également le critère de l‟attribution de la qualité
d‟agent, c‟est-à-dire l‟autorité compétente pour désigner officiellement les personnes
investies de la qualité d‟agent public étranger (§ 3).
Selon la convention de l‟OCDE, la personne peut être élue ou nommée, il n‟est pas
nécessaire pour la loi de transposition nationale de distinguer entre l‟élection et la
nomination263. Les personnes ciblées par ce critère d‟appartenance à l‟appareil politique ou
judiciaire seraient, par exemple, les ministres du gouvernement, fonctionnaires travaillant
aux ministères, les policiers ou des agents des douanes 264. Les élus et les juges sont,
« pleinement visés par le texte de l‟OCDE (alors que sur ce point les textes de l‟Union
européenne renvoient à l‟incertitude de la détermination de la qualité de « fonctionnaire »
par chaque Etat membre) »265.
Le critère fonctionnel de l‟agent public étranger peut être relevé à travers la notion
d‟une activité d‟intérêt public au sein de l‟Etat (A), ou bien son rattachement à un
261 Article 1 (4) (a) ; voir en ce sens, l‘article 1 (4) (b) de la convention OCDE qui précise que « pays
étranger » comprend tous les niveaux et subdivisons d‘administration, du niveau national au niveau
local.
262 La CNUCC inclut le mandat exécutif dans sa définition.
263 I. ZERBES, op.cit., p. 69.
264 Ibid., p. 69.
265 P. CAVALERIE, op.cit., p. 618 ; voir aussi I. ZERBES, op.cit., p. 69 : Les juges professionnels et
non professionnels, et de la même manière les jurés dans les systèmes de common law, tombent sous
la définition, tout comme les procureurs. Il est aussi clair que les députés parlementaires sont des
agents publics : ils font partie de la branche législative du gouvernement et sont donc compris par
la définition institutionnelle.
266 I. ZERBES, op.cit., p. 70.
78
organisme public ou une entreprise publique (B) ou encore le fait d‟être chargé
occasionnellement et de facto d‟une activité d‟intérêt publique (C).
Le FCPA et l‟IACAC visent des paiements réalisés afin d‟induire l‟agent dans
« l‟exercice des ses fonctions [publiques]»267 ou lors de tout « tout acte ou décision de tel
officiel étranger dans l‟exercice de ses fonctions»268. Le FCPA apporte cependant peu
d‟éclairage à la définition de la notion de « fonctions ». Le FCPA ne précise pas d‟ailleurs
à quel moment une personne est « dans l‟exercice de ses fonctions»269. Pourtant, savoir si
une personne agit dans «l‟exercice des fonctions» peut justement déterminer si cette
personne est un « foreign official » dans le sens du FCPA. Le silence de la loi a deux
conséquences pour les entreprises. D‟une part, elles doivent faire leur propre analyse du
statut de la personne, afin de déterminer si la personne est un « foreign official » tel que
prévu par le FCPA. D‟autre part les entreprises doivent interpréter l‟intervention de l‟agent
public, pour savoir si ce dernier intervient dans son « dans l‟exercice de ses fonctions» et
commet ainsi un acte illicite.
267 IACAC ; en anglais dans le texte : « performance of his [or her] public functions ».
268 FCPA ; en anglais dans le texte : « act or decision of such foreign official in his [or her] official capacity ».
269 En anglais dans le texte : acting in an official capacity ; voir sur cette question : L. A. LOW et al., « The
Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the United States Foreign
Corrupt Practices Act », op.cit., p. 257.
79
devraient alors considérer l‟adoption d‟une définition précise du sens de la notion de
« l‟exercice de ses fonctions» afin de servir un double objectif : harmoniser cette
législation avec celle de l‟IACAC et fournir une indication plus précise aux entreprises
états-uniennes qui cherchent à faire du commerce avec l‟étranger.
270 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
271 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
272 I. ZERBES, op.cit., p. 60.
273 Ibid., p. 60.
80
de l‟Union européenne »274.
La loi américaine, elle aussi, vise comme nous l‟avons constaté, les
« intermédiaires informés » dans son article 15 U.S.C. § 78 dd (1) (f).
276 Ibid., p. 12 ; voir en ce sens la décision de U.S. v. Nam Quoc Nguyen, et al., E.D. Pa., le 4 septembre,
2008 où la District court confirme cette interprétation par l‘Etat américain.
277 Sur cette question, voir R. C. BAKER, op.cit., p. 660.
278 S. H. DEMMING, op.cit., p. 12.
279 L‘argumentation ici pertinente est développée dans l‘article suivant : L. A. LOW et al., « The Inter-
American convention against Corruption », op.cit., p. 272.
82
continent américain. Les Etats parties devraient également considérer l‟adoption d‟une
définition de la notion de l‟instrumentality, par exemple par l‟établissement d‟un critère
qui exige que le gouvernement soit propriétaire à la majorité, ou dispose d‟une manière ou
une autre, d‟une influence majeure sur l‟entreprise, pour qu‟une entreprise puisse être
traitée en tant que instrumentality.
Selon la convention de l‟OCDE, l‟agent public étranger est, inter alia, toute
personne exerçant une fonction publique pour un pays étranger, y compris pour une
entreprise ou un organisme public. Le commentaire officiel 13 de la convention de
l‟OCDE désigne l‟organisme public comme « toute entité instituée par des dispositions de
droit public pour l‟exercice d‟activités spécifiques d‟intérêt public »280. Le sens de ce
commentaire est ainsi assez clair : l‟agent public appartient à une entité instituée par le
droit public.
280 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
281 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
83
savoir si – en droit interne – les intéressés sont des agents de l‟Etat ou employés par le
secteur privé »282.
Les manifestations d‟une telle influence sont nombreuses et sont explicitées par le
commentaire 14. L‟Etat peut être réputé exercer une influence dominante 283 selon le
commentaire officiel 14, lorsqu‟il détient « […] la majorité du capital souscrit d‟une
entreprise, lorsqu‟ils disposent de la majorité des voix attachées aux parts émises par
l‟entreprise […]»284. Cette influence peut aussi se cristalliser à travers l‟influence de l‟Etat
sur le personnel ou la direction de l‟entreprise : « lorsqu‟ils [un ou plusieurs Etats] peuvent
désigner plus de la moitié des membres de l‟organe d‟administration, de direction ou de
surveillance de l‟entreprise »285.
Les personnes qui n‟exercent pas officiellement une fonction publique mais que les
circonstances font présumer l‟exercice d‟une telle fonction de facto, peuvent être
considérées comme des agents publics étrangers.
1 – Le continent américain
293 Cela est prévu au § 78 dd 1 f (1) (a) ; voir en ce sens : L. A. LOW et al., « The Inter-American
convention against Corruption », op.cit., p. 273.
294 S. H. DEMMING, op.cit., p. 12.
295 Ibid., p. 12.
86
chevauchement entre les contributions légitimes et celles à visées corruptrices lors des
campagnes politiques nationales296.
2 - Pays de l’OCDE
Pour ce qui est de la convention de l‟OCDE, il est assez étonnant de découvrir que,
« ne sont pas couverts [comme exerçant de facto des fonctions publiques] car ils ne
figuraient pas parmi les éléments communs agréés d‟incrimination des faits constitutifs de
la corruption « active », les membres de partis politiques, ni les candidats à des fonctions
publiques ou à des élections »297.
296 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption », op.cit., p. 273.
297 P. CAVALERIE, op.cit., p. 618.
298 B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « The 1998 OECD convention: an
impetus for worldwide changes in attitudes toward corruption in business transactions », American
Business Law Journal, Spring 2000, p. 501.
299 M. LEVI, op.cit., p. 38.
87
à ce phénomène en poursuivant les travaux »300. Etant donné cette situation, les membres
de l‟OCDE n‟ont pas, jusqu‟à présent, adopté l‟approche générale états-unienne de
l‟incrimination de la corruption des candidats aux élections parlementaires, membres d‟un
parti et haut responsables d‟un parti 301. La convention reste ouverte sur ce point. Mme le
Professeur Crutchfield George soulève les dangers de cette brèche en soulignant que cette
forme de corruption peut influencer les résultats des élections 302.
300 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
301 I. ZERBES, op.cit., p. 68.
302 B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « The 1998 OECD convention: an
impetus for worldwide changes in attitudes toward corruption in business transactions », op.cit.,
p. 516.
303 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
304 I. ZERBES, op.cit., p. 68.
88
§ 3 - L’identification de l’agent public étranger par le critère de
l’attribution de la qualité d’agent
Cela est le cas par exemple des îles Anglo-normands, le Groenland et les Iles Féroé
qui sont assujettis en dernier ressort à la souveraineté danoise. On note que l‟ONG
Transparency International a relevé à cet égard des lacunes de la mise en œuvre de la
convention de l‟OCDE du Royaume-Uni311. Les départements français d‟outre mer, les
territoires d‟outre-mer et les collectivités territoriales en droit public français, et les
territoires néerlandais d‟Aruba et les Antilles (Curacao, Bonaire, Saba, Sint Eustatius, Sint
Maarten) tombent aussi dans la même catégorie 312. Donc, même si les paradis fiscaux
semblent être ciblés, on peut douter de la volonté réelle des parties signataires de les
attaquer de front. Il est aussi possible qu‟une « zone ou entité organisée » rentre dans le
champ d‟application de la convention, même si la question de la souveraineté de cette zone
est disputée313.
310 I. ZERBES, op.cit., p. 72 ; voir également ibid. : Cela s‘applique aux British Crown Dependencies,
c‘est-à-dire, l‘île de Man, Jersey et Guernsey (les plus petits îles d‘Alderney et Sark font partie du
Bailiwik de Guernsey. Nonobstant le fait que les îles s‘autogouvernent avec leurs propres
gouvernements, parlements, tribunaux, et systèmes juridiques, le Royaume-Uni est responsable
pour les relations internationales des îles et pour leur défense. Ces îles ne font pas partie du
Royaume Uni. Ils ont un rapport particulier avec le Royaume Uni exprimé en particulier par le fait
que la Couronne (la Reine telle que représentée par le Gouvernement de sa Majesté) retient les
prerogative powers relatifs à ces îles.
311 Voir le Rapport de Transparency International 2011 sur la convention de l‘OCDE, p. 74.
312 I. ZERBES, op.cit., p. 72.
313 Ibid., p. 73 ; voir ibid. : Cet auteur développe l‘idée selon laquelle, le statut d‘agent public est,
cependant, jugé en fonction de la situation réelle de influence, qui veut dire que la convention évite
de prendre une décision sur les nuances juridiques. En particulier, un régime de facto stabilisé est
capable de conférer le statut d‘agent public sur ses servants. Un tel régime peut exister lorsqu‘un des
Etats parties disputant la souveraineté réussit à établir un gouvernement autonome efficace dans
une région, même s‘il ne peut pas jouer un rôle à part entière dans la communauté internationale
vu le manque de reconnaissance. Les normes anticorruption de la convention considèrent une
zone ou entité organisée établie dans des circonstances où un Etat était capable de maintenir la
souveraineté territoriale mais est confronté néanmoins par une entité opposante qui a elle-même
établi une souveraineté partielle.
90
B - Peut-on considérer au point de vue du droit international de lutte
contre la corruption une partie du territoire d’un Etat comme un territoire
étranger sur lequel intervient des agents de l’Etat, mais qui sont alors qualifiés
comme des agents publics étrangers ?
La définition de l‟agent public étranger peut comprendre une personne qui exerce
une fonction publique pour une organisation internationale. Pour ce qui est de la notion de
l‟organisation internationale : « [l]a doctrine est, dans son ensemble, favorable à une
définition qui avait été proposée au cours des travaux de codification du droit des traités
selon laquelle est une organisation internationale une « association d‟Etats constituée par
traité, dotée d‟une constitution et d‟organes communs, et possédant une personnalité
juridique distincte de celle des Etats membres »316. Le commentaire officiel 17 de la
convention de l‟OCDE prévoit que l‟expression « « organisation internationale publique »
désigne toute organisation internationale constituée par des Etats, des gouvernements ou
d‟autres organisations internationales publiques, quelles que soient sa forme et ses
317 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
318 L‘Organisation du traité de l‗Atlantique Nord.
319 B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « The 1998 OECD convention: an
impetus for worldwide changes in attitudes toward corruption in business transactions », op.cit., p.
501.
320 P. DAILLIER, et al., Droit international public, op.cit., p. 682.
321 I. ZERBES, op. cit., p. 76.
92
question d‟un agent public « étranger », sans égard aux nationalités des personnes
impliquées, le lieu du siège de l‟organisation ou le pays où l‟acte corrompu a eu lieu 322.
Les textes internationaux de lutte contre la corruption ne visent pas, en principe, les
agents des organisations non gouvernementales. Même si les fondateurs et membres des
ONG sont des personnes privées et leurs membres du comité directeur ne sont pas des
agents publics, en réalité, les ONG peuvent bien exercer une forme d‟autorité étatique. 329
D‟ailleurs, « quelques organisations non gouvernementale ont pu acquérir une
indépendance totale et sont en mesure de négocier avec les gouvernements, d‟autres font
figure de véritables services publics internationaux330 […] certaines organisations non
gouvernementales sont même des organisations intergouvernementales qui ne s‟avouent
pas. »331 Les associations internationales sportives, en particulier, peuvent jouir des
avantages ou privilèges conséquents au sein de leur pays hôte 332. Il arrive même que
« certaines ONG se transforment en organisations intergouvernementales (OIPC devenue
326 Voir également : M. GOUNELLE, op.cit., p. 176 : « Manifestation du phénomène associatif à l‟échelle des
relations internationales ».
327 M. GOUNELLE, op. cit., p. 8.
328 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 711.
329 I. ZERBES, op.cit., p. 79.
330 Le Comité international de la Croix-Rouge.
331 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 711.
332 I. ZERBES, op.cit., p. 79 ; voir ibid. : Les membres du CIO et de la FIFA, par exemple, reçoivent
des réductions d‘impôt importantes et peuvent même jouir d‘une immunité ‗diplomatique‘ dans
plusieurs des pays dans lesquels ils ont des bureaux.
94
INTERPOL, UIOOT devenue OMT) »333.
SECTION 3
M. le Professeur Paul Reuter a depuis longtemps précisé pour les besoins du droit
international public ce qu‟est le mécanisme général de cette technique juridique :
« [l]‟énoncé d‟une norme d‟un ordre juridique A peut renvoyer à une définition ou à une
norme donnée par l‟ordre B »338. Pour M. le Professeur Salmon, cette technique est
« utilisée pour la formulation des textes du droit international consistant à se référer aux
textes du droit interne. Le procédé consiste à appliquer non pas une règle de conflit
consacrée par un droit interne mais le droit substantiel de celui-ci »339. Un renvoi peut être
soit de l‟ordre international à l‟ordre national ou inversement de l‟ordre national à l‟ordre
international. Dans le cadre de la définition de l‟agent public étranger: la règle
internationale se réfère à la notion de fonctionnaire ou agent public national; s‟il y a renvoi
au droit national, il faudra d‟abord déterminer le droit national compétent, ensuite établir le
contenu de cette notion selon le droit compétent 340. Cette hypothèse démontre
« l‟importance pratique du renvoi : en l‟absence d‟une langue internationale, les règles
internationales sont formulées dans une langue nationale ; les termes de celle-ci sont
justiciables d‟un double lexique, l‟un vers le droit national et il y a alors renvoi, l‟autre
Dans le sens où elle ne s‟applique qu‟au sein des Etats membres de l‟UE, à
l‟encontre de la corruption des fonctionnaires des Etats membres de l‟UE, 346 le champ
d‟application de la convention de l‟Union européenne paraît très limité. En ce sens, la
L‟article 1 (b) de la convention précise que « [l]es membres des organismes créés
en application des traités instituant les Communautés européennes et le personnel de ces
organismes sont assimilés aux fonctionnaires communautaires lorsque le statut des
fonctionnaires des Communautés européennes ou le régime applicable aux autres agents
des Communautés européennes ne leur sont pas applicables »354. Si le rapport a désigné
ces organismes, « la définition a vocation à s‟appliquer également à tous les organismes
de droit communautaire à venir »355.
351 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre 1998, § 1.1.4.
352 Affaire 68/69, Commission contre République hellénique (affaire « du maïs grec »).
353 Article 209 A.
354 J.O.C.E., n° C 195/1 du 25 juin 1997.
355 D. FLORE, op.cit., p. 21, voir également Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la
corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de
l‟Union européenne, approuvé par le Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre
1998, § 1.3 : « l‟Agence européenne de coopération, la Banque Européenne d‟investissement, le Centre européen
pour le développement de la formation professionnelle, la Fondation européenne pour l‟amélioration des conditions de
vie et de travail, l‟Institut universitaire européen de Florence, le Fonds européen d‟investissement, l‟Agence européenne
pour l‟environnement, la Fondation européenne pour la formation, l‟Observatoire européen des drogues et des
toxicomanies, l‟Agence européenne pour l‟évaluation des médicaments, l‟Agence européenne pour la sécurité et la
santé au travail, l‟Office de l‟harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) ; la Banque
centrale européenne, l‟Office communautaire des variétés végétales, le Centre de traduction des organes de l‟Union,
l‟Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes » .
99
s‟applique et ne porte pas préjudice à l‟application des dispositions relatives à la levée de
l‟immunité des membres des institutions communautaires 356. Le rapport explicatif indique
que « [l]a levée de l‟immunité reste donc une condition préalable de l‟exercice de la
compétence. La convention constate à cet égard, l‟obligation pour chacune des institutions
concernées d‟appliquer, dans le respect des procédures existantes et des voies de recours
ordinaires prévues en droit communautaire, les dispositions régissant leurs privilèges et
immunités »357. La levée de l‟immunité des membres des institutions communautaires est
donc une condition préalable à toute poursuite pénale à leur encontre 358.
L‟Union européenne renvoie aux Etats membres 359 la définition dans le droit
national des fonctionnaires nationaux. En ce sens « l'expression «fonctionnaire national»
est interprétée par référence à la définition de «fonctionnaire» ou d'«officier public» dans
le droit national de l'État membre où la personne en question présente cette qualité aux
fins de l'application du droit pénal de cet État membre »360.
On peut considérer que l‟interprétation de ce texte est toujours assez floue, comme
le précise D. Flore : « [c]e qui n‟est pas clair dans le texte des instruments et qui l‟est
encore moins à la lecture des rapports explicatifs, c‟est le fait de savoir si cette dérogation
doit s‟appliquer de façon cumulative et fonctionner comme une condition de double
qualification – l‟obligation de répondre aux critères de fonctionnaire national aussi bien
du point de vue de l‟Etat de nationalité que de l‟Etat poursuivant – ou bien si elle doit au
contraire s‟interpréter de façon alternative, comme signifiant que l‟Etat poursuivant peut
considérer que la personne est bien un fonctionnaire au regard de son droit national,
quand bien même elle ne serait pas considérée comme tel par son Etat d‟origine »366.
362 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, op.cit, § 1.4.
363 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, op. cit, § 1.4.,
alinéa 2.
364 J.O.C.E., n° C 195/1 du 25 juin 1997.
365 D. FLORE, op.cit., p. 19.
366 Ibid., p. 19.
367 I. ZERBES, op.cit., p. 57.
101
incrimination368 exigences qui sous-tendent traditionnellement une telle entraide369. C‟est
en ce sens que la convention renvoie la définition de l‟agent public étranger aux Etats
membres.
Dans le droit national de nombreux pays, les « maires » des communes et les
« ministres » sont assimilés à des agents publics à l‟égard des infractions pénales commises
dans l‟exercice de leur fonction. Pour éviter tout vide juridique concernant ce genre de
personnage public, la convention y fait expressément référence dans l‟article 1.
368 La double incrimination est définie in, J. SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles,
Bruylant, 2001, p 336 : « A. Critère d‟application des conventions d‟extradition en matière pénale selon lequel,
pour donner lieu à extradition, le fait visé par les conventions doit être punissables par les lois pénales de l‟Etat
requérant et de l‟Etat requis. B. Critère d‟application de certaines compétences personnelles à caractère
extraterritorial en vigueur dans un Etat selon lequel l‟infraction commise sur le territoire d‟un autre Etat n‟est
punissable par le premier Etat que si elle est sanctionnée par le droit des deux Etats ».
369 I. ZERBES, op.cit., p. 57.
370 Pour la convention pénale sur la corruption du Conseil de l‘Europe, se rapporter au Rapport
explicatif que l‘on trouverait sur le site suivant :
http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm.
102
fonctions judiciaires »371. Selon le rapport explicatif : la notion de « juge » doit être
interprétée le plus largement possible : l'élément décisif, ici, ce n'est pas le titre officiel de
la personne, mais le caractère judiciaire des fonctions qu'elle exerce. En ce sens le champ
d‟application de la définition s‟étend aux procureurs, même si dans certains pays ils ne
soient pas considérés comme faisant partie de la magistrature. Dans certains pays, les
membres de la magistrature, les juges et parfois les procureurs « constituent une autorité
indépendante et impartiale, distincte du pouvoir exécutif »372.
Il faut souligner que dans la définition de l‟agent public, la convention pénale sur la
corruption est muette sur le cas des chefs d‟États et de gouvernements qui détiennent un
mandat exécutif. Sans doute faut-il se référer au droit national de chaque État, il ne faut pas
oublier que les titulaires d‟un mandat exécutif jouissent toujours d‟une certaine
immunité374. Hormis la corruption des agents publics nationaux et étrangers, la convention
pénale du Conseil de l‟Europe renvoie également aux dispositions du droit national pénal
la définition des actes de corruption lorsqu‟ils impliquent les membres d‟assemblées
publiques nationales375 ; la corruption de membres d‟assemblées publiques étrangères 376 ;
la corruption des fonctionnaires internationaux 377 ; la corruption de membres d‟assemblées
parlementaires internationales378 ; et la corruption de juges et d‟agents de cours
internationales379.
CONCLUSION
La définition de l‟agent public étranger connaît deux approches par des textes
internationaux : la première consiste à définir cette notion au sein des textes de manière
spécifique et autonome alors que la deuxième - privilégiée par institutions européennes -
renvoie cette définition aux droits nationaux.
384 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf, § 3.
104
du rapport entre l‟agent et l‟Etat puisque cet agent pourrait ne pas être considéré en tant
que tel par l‟Etat dont « l‟agent » est corrompu.386
Après avoir étudié les définitions de l‟agent public étranger au sein des textes
pertinents, il convient de se tourner vers les éléments constitutifs de la corruption dudit
agent public étranger. Il est bien entendu que certains textes internationaux pris ici en
considération visent la corruption de tout agent qui peuvent être des agents nationaux ou
des agents public étrangers. Dans le cadre de cette thèse on étudiera ici, à titre principal, la
corruption des agents publics étrangers 388.
388 Sur les motifs qui ont déterminé ce ciblage de recherche sur les seuls agents publics étrangers, cf.,
supra., Introduction générale.
389 On fait ici référence au principe de la double incrimination. A ce titre voir J. SALMON, op.cit.,
p. 336 : « A. Critère d‟application des conventions d‟extradition en matière pénale selon lequel, pour donner lieu à
extradition, le fait visé par les conventions doit être punissables par les lois pénales de l‟Etat requérant et de l‟Etat
requis. B. Critère d‟application de certaines compétences personnelles à caractère extraterritorial en vigueur dans un
Etat selon lequel l‟infraction commise sur le territoire d‟un autre Etat n‟est punissable par le premier Etat que si elle
est sanctionnée par le droit des deux Etats ».
106
constitutifs des infractions de corruption (directe et indirecte). Dans un deuxième temps, un
état de certains comportements qui sont insusceptibles d‟être qualifiés d‟acte de corruption
en raison des circonstances et des contextes sera dressé (Section 2).
107
SECTION 1
390 Voir cependant D. FLORE, op.cit., p. 45 : Il existe une interrogation quant à la possibilité, en droit
américain, d‘incriminer, par d‘autres moyens, la corruption passive de l‘agent public étranger. Le
Department of Justice américain avait cru voir cette possibilité si le fonctionnaire étranger ne pouvait
être poursuivi pour violation du FCPA de la manière suivante: « [...]il [le fonctionnaire étranger] pouvait
cependant être poursuivi sur la base des dispositions fédérales applicables en matière d„«entente » (conspiracy) ou
d‟assistance et de complicité (aiding and abetting) en vue de commettre l‟infraction de corruption active. »
Cependant, l‘affaire United States v. Castle 5925 Federal Reporter (2d series), 1992, (pp. 831-832) a
écarté cette approche en considérant que les « agents publics étrangers ne peuvent être poursuivis pour avoir
reçu des paiements illégaux, de la même manière, ils ne peuvent être poursuivis pour avoir fait une entente pour
recevoir de tels paiements en violation du Foreign Corrupt Practices Act. » ; voir également : Judge Sanders‘
Memorandum Opinion and Order, 4.06.1990. 925 Federal Reporter (2d series), 1992, p. 835 :
Selon ce dernier, « les auteurs du texte étaient tout à fait conscients qu‟ils pouvaient, en conformité avec le droit
international, viser les agents publics étrangers dans certaines circonstances. Mais ils étaient aussi conscients et ils
prenaient en considération les difficultés en termes de compétence, d‟exécution et de diplomatie, qui étaient inhérentes
à l‟application du texte à des non citoyens américains. […] le Congrès a positivement choisi d‟exempter [les agents
public étrangers] des poursuites ». Il reste néanmoins des moyens d‘incriminer le fonctionnaire étranger
même si le FCPA n‘ouvre pas cette voie. Il existe l‘éventualité de poursuivre le fonctionnaire
étranger « sur la base d‟autre dispositions du droit américain, soit des États (les lois des Etats sur la corruption
dans le commerce), soit fédéral (les lois fédérales sur la fraude dans le transfert de valeurs, en particulier le Interstate
Travel in Aid of Racketeering Act (United States Code, Title 18, §1952, introduit en 1961) ».
391 15 U.S.C. §§ 78dd-1, « issuer ».
392 15 U.S.C. §§ 78dd – 2, « domestic concern ».
393 15 U.S.C. §§ 78dd – 3, « any person »; voir en sens, les modifications du FCPA en 1998 suite à
signature de la convention de l‘OCDE par les Etats-Unis.
394 § 78dd-1 « issuers »; § 78dd-2 « domestic concerns »; § 78dd-3 « any person ».
109
générale, l‟acte corrompu doit être, suivant l‟expression américaine, «pour faciliter »395
une offre, paiement, promesse de payer ou autorisation de procurer un avantage 396. Dans
tous les cas, il doit s‟agir d‟un comportement « malhonnête»397 selon la notion anglo-
saxonne « corruptly »398.
L‟auteur peut aussi être aussi celui qui sans personnellement accomplir
matériellement cette corruption a simplement connaissance de celle-ci399 : l‟auteur a agi
« tout en sachant que l‟argent, dans son entièreté ou en partie, ou la chose de valeur, dans
son entièreté ou en partie, sera offert ou offerte, donné ou donnée, ou promis ou promise
directement ou indirectement à tout officiel étranger, à tout parti étranger ou officiel de tel
parti ou à tout candidat à un poste politique étranger »400. En pareil cas, on rentre dans la
cadre d‟une corruption indirecte qui n‟est peut être pas sans lien au point de vue des
principes généraux du droit pénal avec la notion de complicité et peut être regardé comme
impliquant une obligation de dénonciation.
398 Cette notion n‘est pas définie par le FCPA, c‘est donc le texte qui renvoi implicitement aux juges
110
conserver un marché international, soit pour lui-même, soit pour un tiers401.
L‟IACAC vise les avantages qui ont une influence sur l‟exercice des fonctions406 de
l‟agent public étranger 407. C‟est l‟article 6 de l‟IACAC qui précise les comportements
qu‟elle considère comme des « actes de corruption »408 au plan national et qui rentrent
40115 U.S.C. § 78dd-1(a)(1)-(2) (2006) « issuers » ; 15 U.S.C. § 78dd-2(a)(1)-(2) (2006) « domestic concerns »;
15 U.S.C. § 78dd-3(a)(1) « any person ».
402 Voir L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison
with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., pp. 245 - 246 : L‘IACAC porte
naturellement l‘empreinte du FCPA. Cependant, en tant que norme unilatérale qui a été érigée
selon les principes juridiques d‘un seul pays et qui visait principalement les activités des
ressortissants américains à l‘étranger, le FCPA ne pouvait pas être la seule base pour une
convention anticorruption multilatérale qui serait mise en œuvre dans de nombreux pays avec des
systèmes juridiques différents, et servirait aussi comme base pour la coopération internationale.
403 G. D. ALTAMIRANO, op.cit., p. 501.
404 Par exemple la convention de l‘OCDE ; voir en ce sens : P. WEBB, op.cit., pp. 193 – 205.
405 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p .265 ; On note également que l‘IACAC se
borne à combattre la corruption dans la sphère publique et ne vise pas la corruption privée.
406 Voir l‘article 6 de l‘IACAC.
407 Disposition assez analogue à celle du FCPA qui fait référence aux avantages qui influent sur « any
act or decision of such foreign official in his [or her] official capacity" ».
408 Article 6.
111
dans le champ d‟application de la convention409. L‟article 7 de la convention exige des
Etats parties une transposition de l‟incrimination de ces « actes de corruption » telles que
définies par le texte international dans leur droit pénal interne. L‟article 8 énonce les
éléments constitutifs de l‟infraction corrompu : « l'acte d'offrir ou de donner à un
fonctionnaire d'un autre Etat, directement ou indirectement, tout objet de valeur
pécuniaire ou tout autre bénéfice, tels que des dons, des faveurs, des promesses ou des
avantages en échange de la réalisation par ce fonctionnaire de tout acte ou omission dans
l'exercice de ses fonctions, en liaison avec une transaction économique ou commerciale,
lorsque cet acte aura été commis par un national d'une Partie, ou par des personnes ayant
leur résidence habituelle sur son territoire, ou par des entreprises qui y sont domiciliées ».
L‟obligation des Etats parties est cependant « sous réserve de sa Constitution et des
principes fondamentaux régissant son système juridique »410. Il existe alors une
échappatoire pour certains Etats parties qui n‟auraient pas besoin d‟émettre une réserve
pour éviter de transposer cette infraction dans leur droit pénal interne411. En effet, l‟IACAC
prévoit la possibilité de réserves à l‟article 24 412 A ce jour, aucune réservation n‟a
cependant été formulée à l‟encontre de l‟article 8. Le texte précise à cet égard que les Etats
parties qui n‟incriminent pas ces actes de corruption visés à l‟article 8, doivent prêter «
l'assistance et la coopération prévues par la présente convention en relation avec cette
infraction, dans la mesure où sa législation le lui permet»413.
409 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 247.
410 http://www.oas.org/juridico/fran%C3%A7ais/b-58.htm
411 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., pp. 248 – 249.
412 « Chaque Partie peut formuler des réserves à la présente convention au moment de l'adopter, de la signer, de la
ratifier ou d'y adhérer, à la condition que la réserve porte sur une ou plusieurs dispositions particulières et qu'elle ne
soit pas incompatible avec les buts et objectifs de la présente convention ».
413 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 3.
112
C - L’Union Européenne : la corrélation des éléments constitutifs en
matière de corruption active et de corruption passive
414 Voir en ce sens : I. ZERBES, op.cit., p. 53, cette approche reflète des objectifs liés à l‘intégration
économique des Etats au sein de l‘Union.
415 D. FLORE, op.cit., p. 2.
416 Ibid., p. 21 : L‘article 3 définit la corruption active de la manière suivante : « le fait intentionnel, pour
quiconque, de promettre ou de donner, directement ou par interposition de tiers, un avantage de quelque nature que ce
soit, à un fonctionnaire, pour lui-même ou pour un tiers, pour qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir, de façon
contraire à ses devoirs officiels, un acte de sa fonction ou un acte dans l'exercice de sa fonction. » Selon l‘article 2, la
corruption passive comprend « le fait intentionnel, pour un fonctionnaire, directement ou par interposition de
tiers, de solliciter ou de recevoir des avantages de quelque nature que ce soit, pour lui-même ou pour un tiers, ou d'en
accepter la promesse, pour accomplir ou ne pas accomplir, de façon contraire à ses devoirs officiels, un acte de sa
fonction ou un acte dans l'exercice de sa fonction » .
417 I. ZERBES, op.cit., p. 50 ; en ce sens voir la liste des pays signataires de la convention de l‘OCDE.
113
économique de la plupart des grandes nations industrielles du monde. La convention de
l‟OCDE cherche à « niveler le terrain de jeu », la corruption étant un phénomène qui
« fausse les conditions internationales de concurrence »418. Les mesures de la convention
OCDE incriminant la corruption de l‟agent public étranger sont le reflet de ces objectifs
économiques et commerciaux 419. Comme on le verra par la suite, la CNUCC, dans
l‟incrimination de la corruption active d‟agent public étranger se limite, elle aussi, aux
transactions commerciales internationales
418 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/3028103.pdf.
419 Ibid., p. 51.
420 D. FLORE, op.cit., p. 53.
421 L‘IACAC vise la corruption active et passive au niveau national.
422 M. LEVI, op.cit., p. 31.
423 P. CAVALERIE, op.cit., p. 617.
424 M. LEVI, op.cit., p. 31.
114
nombre de pays de dispositions particulières »425. L‟OCDE a ainsi laissé aux pays dont
relève le fonctionnaire, le soin de réparer ce manquement à la confiance de la population
dans le fonctionnement de l‟Etat, symbolisé par l‟acceptation d‟un pot-de-vin426.
La CNUCC est le texte qui a le plus grand champ d‟application et le plus gros
433 Pour un rapprochement avec la CNUCC, voir P. WEBB, op.cit., pp. 202 – 203.
434 Articles 4(1) (a)-(b).
435 Articles 4(1) (e)-(f).
436 Article 4(1) (c).
437 Article 4(1) (d).
438 Article 4(h).
439 Voir l‘analyse de N. KOFELE-KALE, « Change or the illusion of change: the war against official
corruption in Africa », op.cit., pp. 718 – 719.
117
potentiel normatif. Cette convention de 71 articles couvre les aspects majeurs de la lutte
contre la corruption : la prévention ; l‟incrimination, la détection et la répression ; et la
coopération internationale. De plus, ce texte consacre un chapitre entier au recouvrement
des avoirs. La CNUCC vise la corruption des agents publics nationaux et étrangers et elle
vise la corruption publique ainsi que la corruption privée. Un chapitre entier de la CNUCC
est dédié aux mesures préventives adressées à la fois au secteur public et privé. La CNUCC
appelle les Etats parties à promouvoir l‟action des organisations non gouvernementales
(ONG) et d‟autres éléments de la société civile dans la lutte contre la corruption 440.
En ce qui concerne l‟incrimination des infractions par le droit pénal national, les
Etats parties sont priés d‟adopter des mesures législatives, et autres si nécessaires, pour
conférer le caractère d‟infraction pénale, non seulement aux formes classiques de
corruption ou à la soustraction, au détournement ou autre usage illicite de biens par un
agent public, mais également, au trafic d‟influence et au blanchiment du produit du
crime441. La plupart des dispositions sont contraignantes. Mais le libellé de l‟article 23
(« conformément aux principes fondamentaux de son droit interne ») ou de l‟article 31
(«dans toute la mesure possible dans le cadre de son système juridique interne ») démontre
l‟existence des certaines échappatoires potentielles. La lecture de l‟article 4 (1) de la
CNUCC démontre aussi les précautions de langage importantes qui ont été prises par les
rédacteurs du texte dans l‟optique de la protection de la souveraineté : « les États Parties
exécutent leurs obligations au titre de la présente convention d‟une manière compatible
avec les principes de l‟égalité souveraine et de l‟intégrité territoriale des États et avec
celui de la non-intervention dans les affaires intérieures d‟autres États ».
Les Etats doivent aussi prendre des mesures qui soutiennent l‟identification, le gel
ou la localisation du produit du crime. La question du recouvrement des avoirs est
Dans le sens des textes internationaux, l‟auteur de la corruption active peut être
toute personne. L‟IACAC, par exemple, vise dans l‟infraction de corruption transnationale
à l‟article 8 : « lorsque cet acte aura été commis par un national d'une Partie, ou par des
personnes ayant leur résidence habituelle sur son territoire, ou par des entreprises qui y
sont domiciliées»446. La convention de l‟Union européenne vise « quiconque »447. En ce
sens, « si l‟auteur de la corruption passive est une personne bien déterminée : le
fonctionnaire, l‟auteur de la corruption active peut être n‟importe qui »448. L‟auteur peut
être «indifféremment un simple particulier agissant pour son propre compte ou pour le
compte d‟une société ou une personne exerçant une fonction publique »449. La convention
de l‟OCDE vise « toute personne »450. Ni la convention pénale du Conseil de l‟Europe, ni
la CNUCC ne précisent la catégorie des personnes corruptrices visées dans l‟infraction de
la corruption active de l‟agent public étranger : on pourrait imaginer que ces conventions
visent une catégorie d‟auteurs aussi large que la convention de l‟Union européenne ou la
convention de l‟OCDE.
451 Voir à ce sujet, D. FLORE, op.cit., p. 46 : Il y a deux moyens d‘agissements explicités par le FCPA :
le premier s‘appliquant à toutes les catégories d‘auteurs, le second uniquement aux personnes
autres que des entreprises américaines. Le premier est l‘utilisation des moyens et instruments du
commerce interétatique ou international. Le second est « tout autre actes ». Ceci signifie que, pour
les entreprises américaines, à l‘égard desquelles seule la première catégorie de moyen s‗applique, à
défaut d‘avoir utilisé un instrument du commerce interétatique ou international, un fait de
corruption active qui répondrait aux autres critères prévus par la loi, tomberait néanmoins hors du
champ d‘application et pourrait éventuellement rester impuni. Par contre, à l‘égard de toute autre
personne, tout acte suffira. Outre le risque d‘impunité que cette lacune crée, elle génère une
distinction entre plusieurs catégories de personnes qui n‘est justifiée que par le seul critère objectif
de leur nationalité.
452 « L‘émetteur » peut être une personne américaine ou étrangère, le FCPA ne fait pas de distinction.
Le terme « émetteur de valeur » est une entité ayant une catégorie de titres enregistrée en conformité
avec la section 78 (l) du Code des Etats-Unis, ou qui est dans l‘obligation de soumettre des
rapports conformément à la section 78 (o) (d) du même Code.
453 Les « personnes et entités des Etats-Unis » s‘entendent des ressortissants des Etats-Unis et des sociétés,
partenariats, associations, « sociétés par actions, fonds commerciaux, organisations non dotée de la personnalité
morale et entreprises individuelles, y compris les émetteurs de valeurs et les entreprises nationales, organisés en vertu de
la législation des Etats-Unis, des Etats, des territoires ou des Etats associés aux Etats-Unis ».
121
ainsi étendu le champ d‟application du FCPA aux « personnes et entités des Etats-Unis »
qui « se livrent à des activités interdites en dehors des Etats-Unis »454. Les modifications
du FCPA en 1998 ont également étendu son champ d‟application dans certaines
circonstances, à « toute personne »455, pour autant qu‟elle se soit trouvée sur le territoire
américain au moment où l‟acte a été commis. En ce sens, la notion «toute personne » est
toute personne physique autre qu‟un citoyen américain, ou toute société, association,
entreprise, régie par le droit d‟un Etat étranger ou d‟une de ses subdivisions politiques.
Sont également visés tout administrateur, directeur, employé, agent de cette entreprise ou
tout actionnaire de cette entreprise agissant au nom de celle-ci456.
Une analyse chronologique nous permet de mettre en relief les éléments matériels
454 H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the
Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit.,
pp. 296 et seq.
455 § 78 dd – 3.
456 D. FLORE, op.cit., p. 44 ; voir également : R. C. BAKER, op.cit., p. 651.
457 R. A. CANO, op.cit., p. 71.
458 Voir ci-dessus, introduction générale
122
de l‟infraction de chaque texte. En ce sens, nous allons aborder le FCPA (1) ; l‟article 8 de
l‟IACAC (2) ; les articles 2 et 3 de la convention de l‟Union européenne (3) ; l‟article 1(1)
de la convention de l‟OCDE (4) ; les articles 2 et 3 de la convention pénale du Conseil de
l‟Europe (5) ; l‟article 16 de la CNUCC (6).
L‟article 8 de l‟IACAC 466 utilise les termes suivants pour établir l‟acte objectif :
« l'acte d'offrir ou de donner à un fonctionnaire d'un autre Etat, directement ou
indirectement, tout objet de valeur pécuniaire ou tout autre bénéfice, tels que des dons, des
faveurs, des promesses ou des avantages ». Le FCPA dispose d‟un champ d‟application
large relatif aux «avantages » proscrits, l‟IACAC, elle, va au moins aussi loin. Par exemple
puisque l‟IACAC, fait état d‟« autre bénéfice, tels que des dons, des faveurs, des
promesses ou des avantages », il est alors possible d‟imaginer que les avantages non
pécuniaire rentre dans le champ d‟application du texte 467.
465 Article 8.
466 Voir également, H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S. Government‘s
Campaign Against International Bribery », 22 Hastings International and Comparative Law Review 407,
Spring 1999, pp. 484 - 486 : Article 11 Développement progressif : « [s]tates were asked to consider
establishing other offenses under their laws to promote „the attainment of the purposes of this convention [11(1)].
These offenses included a government official‟s use of classified information or government property for personal gain
or for the gain of a third party ; procuring a decision from a public authority for personal benefit or benefit of a third
party ; and diverting government property or monies to a third party for the benefit of the government official or a
third party. These offenses, if adopted, would be considered “acts of corruption” for purposes of the convention.
(Article 11(2)) ».
467 Pour L. Low, l‘IACAC est contraire au FCPA sur ce point car, à son avis, aucun effort n‘a été fait
par les autorités de mise en œuvre pour élargir le champ d‘application du FCPA afin de viser les
avantages n‘ayant aucune valeur pécuniaire. L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention
Against Corruption : A Comparison with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit.,
p. 266; voir ibid. : selon L.A. Low, que le champ d‘application de l‘IACAC soit à priori plus
étendu que celui du FCPA est quelque chose qui doit être pris en considération car les Etats partis
pourraient choisir quels «avantages» seraient illicites. Il en découle que si les Etats parties
incriminent ces «avantages » de manière hétérogène, les entreprises cherchant à se déployer sur
plusieurs pays devront se confronter à plusieurs interprétations de cette notion. Par voie de
conséquence, les entreprises vont devoir soit, se conformer au régime le plus strict en vigueur, soit
prendre le soin de s‘informer quant au régime spécifique de chaque pays. En ce sens, les
différences concernant ces éléments constitutifs de la corruption peuvent nuire à la volonté des
Etats de coopérer sur les questions de l‘extradition ou de l‘entraide judiciaire. Le principe de la
double incrimination sera respecté si les différentes lois sont « substantially analgous » ou si elles
ciblent un « functionally identical conduct. » Il est fort possible qu‘un pays qui a choisi d‘incriminer très
peu de comportements puisse hésiter à coopérer avec l‘incrimination d‘un de ses propres
ressortissants selon les lois d‘un pays étranger qui a choisi une liste de comportements beaucoup
plus importante.
124
A l‟instar du FCPA, l‟IACAC proscrit les actes de corruption au-delà d‟un simple
paiement. Les deux textes proscrivent « l‟offre ». Il s‟en suit qu‟une entreprise pourrait se
trouver incriminée sous les deux régimes « non seulement en faisant des paiements
illicites, mais aussi sans actuellement payer de l‟argent»468. Il existe une interrogation : à
savoir si les éléments de cette infraction concernent un acte de « gratuity », qui est
différent d‟un pot-de-vin car c‟est une récompense à un agent qui n‟implique pas un
échange quid pro quo469.
Le terme « avantage de toute nature » est défini par les rapports explicatifs comme
une « notion intentionnellement large englobant non seulement les objets matériels (argent
liquide, objets précieux, marchandises diverses, services rendus) mais également tout ce
qui peut représenter un intérêt indirect, tels que le règlement des dettes du corrompu, la
réalisation de travaux sur un immeuble lui appartenant, sans que cette énumération soit
exhaustive. La notion d‟avantage, couvre toute les sortes d‟avantages matériels ou
468 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 266.
469 P. HENNING, « Public corruption: a comparative analysis of international corruption
conventions and United States law », Arizona Journal of International and Comparative Law, Fall, 2001,
pp. 808 - 810 ; voir également ibid. : Un « gift » peut être fait avant ou après la décision, alors qu‘un
pot-de-vin doit avoir lieu avant l‘intervention gouvernementale car l‘offre est une condition de
l‘issue corrompu du processus. L‘IACAC fait référence, dans la définition de l‘infraction, au
« receipt » d‘un « gift, favour, promise ou advantage for himself » mais ces notions concernent seulement les
« avantages » qui viennent récompenser l‘échange corrompu. L‘IACAC dispose que l‘ «avantage» que
reçoit l‘agent doit être en échange d‘une intervention gouvernementale, ce qui veut dire que le
« gift » octroyé après la décision ne rentre pas dans le cadre du quid pro quo de l‘article VI
(1)(a) (b), car il sort du cadre d‘un accord préalable.
125
intellectuels »470.
On notera que les rapports explicatifs font acte d‟un cas dont ils considèrent qu‟il
ne tombe pas de façon explicite sous l‟incrimination de corruption active et qui devra être
réglé conformément au droit national de chaque Etat membre 471 ; ce cas concerne
l‟hypothèse où « le corrupteur, agissant délibérément, se trompe sur les pouvoirs dont il
croit investi le fonctionnaire sollicité »472.
470 Rapport explicatif du protocole, op.cit. p. 7, point 2.4. ; Rapport explicatif de la convention relative à la lutte
contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats
membres de l‟Union européenne, op.cit, p. 4, point 2.4.
471 D. FLORE, op.cit., p. 26.
472 Rapport explicatif du protocole, op.cit., p. 8, point 3.1., alinéa 3 ; Rapport explicatif de la convention relative à la
lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des
Etats membres de l‟Union européenne, op.cit, p. 5, point 3.1, alinéa 3.
473 I. ZERBES, op.cit., p 109; voir également, ibid. : une offre est une déclaration par celui qui
donnerait le pot-de-vin, sur sa propre initiative, indiquant sa volonté de payer pour l‘acte officiel en
question. En faisant une promesse, le corrupteur prend un engagement définitif. L‘offre et la
promesse peuvent être faites de façon tacite. Ni l‘offre ni la promesse exigent une réponse :
l‘infraction est réalisée dès que cela serait possible en théorie pour l‘agent d‘apercevoir que l‘on lui a
offert ou promis quelque chose pour en retour réaliser un acte officiel.
474 Ibid., p. 110 ; voir en ce sens, ibid.: par ‗octroyer‘ le texte de l‘OCDE entend le transfert d‘un
avantage vers la jouissance d‘une autre personne. La façon dont ce processus peut être réalisé
dépend de la nature de l‘avantage. Les fonds transférés sur un compte bancaire ; une place à
l‘Université etc. Le transfert sera effectué lorsque l‘objet du pot-de-vin serait dans une position
d‘en avoir la jouissance : faire une retraite sur le compte bancaire ; s‘inscrire à l‘Université.
L‘essentiel n‘est pas d‘effectuer la jouissance, l‘essentiel est d‘être dans une position d‘en faire
autant : l‘acte de donner ne dépend pas de l‘acte de recevoir. Cependant, l‘infraction visée ne doit
pas se limiter au seul transfert de l‘avantage. Il est important d‘incriminer plusieurs étapes ou actes
préparatoires au transfert de l‘avantage, ainsi que le transfert final que cela soit le fruit d‘une
préparation ou d‘un acte spontané tel qu‘un dessous de table. ‗Octroyer‘ est une manifestation
indépendante de l‘acte corrompu. En ce sens, l‘infraction peut être commise par la réalisation d‘un
accord corrompu par une personne autre que celle qui octroie le pot-de-vin. Ceux qui octroient
l‘avantage sont autant coupables que ceux qui ont conclu l‘accord antérieur ou précédent ou ont
fait une promesse illicite envers un agent public étranger. Cette chaîne d‘éléments que peuvent
impliquer un acte corrompu est pertinente du point de vue de l‘application par les Etats parties
126
La convention de l‟OCDE vise - comme les autres textes - le rapport
« quid pro quo »475 : d‟une part il y a l‟offre, la promesse ou l‟octroie d‟un avantage indu
pécuniaire ou autre à l‟agent public étranger, et d‟autre part, cet acte doit être donné en
échange d‟une action gouvernementale illicite 476. I. Zerbes pose la question des paiements
acceptés par un agent public étranger pour livrer une décision favorable, le paiement
n‟ayant pas été évoqué en amont de la décision 477. Dans une telle situation il est impossible
de savoir concrètement si l‟agent a agi en étant influencé par le paiement ou d‟autres
avantages478.
Le commentaire officiel 3 dispose que l‟article 1 « fixe une norme que doivent
respecter les Parties, mais il ne les oblige pas à reprendre son libellé exact pour définir
l‟infraction en droit interne. Une Partie peut procéder de différentes manières pour
s‟acquitter de ses obligations, dès lors que, pour qu‟une personne soit convaincue de
l‟infraction, il n‟y a pas à apporter la preuve d‟éléments autres que ceux dont la preuve
devrait être apportée si l‟infraction était définie comme dans ce paragraphe ». Il est
question ici du principe « d‟équivalence fonctionnelle». Une loi qui incrimine la
corruption des agents de façon globale mais ne se réfère pas spécifiquement à la corruption
de l‟agent public étranger et une loi qui incrimine spécifiquement la corruption de l‟agent
public étranger peuvent tous les deux être conformes à la convention OCDE. De la même
façon « une loi qui définirait l‟infraction en visant les paiements « en vue d‟inciter à la
violation d‟une obligation de l‟agent public » pourrait être conforme à la norme, à
condition qu‟il soit entendu que tout agent public a le devoir d‟exercer son jugement ou sa
marge d‟appréciation de façon impartiale et qu‟il s‟agisse donc d‟une définition «
d‘une loi de transposition. Les actes de corruption d‘un agent public étranger sont punissables
selon de telle législation dans le sens où ils ont été réalisés après son entrée en vigueur ; cela
concernerait un accord relatif à un avantage illicite qui a eu lieu avant l‘entrée en vigueur mais qui a
été conclu après ce moment. Cela impliquerait deux périodes distinctes de prescription.
475 M. LEVI, op.cit., p. 43.
476 R. C. BAKER, op.cit., p. 660.
477 I. ZERBES, op.cit., p. 111.
478 Ibid., p. 111; voir ibid. : La convention laisse ouvert à l‘interprétation des Etats parties de trancher
sur ces paiements. I. Zerbes émet les doutes sur la probité de ce genre de paiement car il existe une
possibilité que l‘agent ait agit dans l‘attente d‘une récompense ultérieure.
127
autonome » n‟exigeant pas la preuve du droit du pays particulier de l‟agent public » »479.
1 - Le fait intentionnel
491 On rappelle que l‘application du droit pénal prend en considération un élément matériel (le fait ou
l‘acte extérieur) et un élément moral (l‘intention ou dol criminel).
492 C. J. DUNCAN, op.cit., pp. 31 – 32.
493 Il convient d‘observer que cette notion a donné lieu en Angleterre à de nombreux commentaires
critiques, en raison de son caractère archaïque et tautologique (corruption is acting corruptly). Dans
l‘arrêt R v Welburn and others (1979) 69 Cr App R 254 CA, la cour d‘appel avait considéré que
« corruptly » est un simple adverbe anglais » et qu‘elle n‘allait pas l‘expliquer, « sauf pour dire que cela ne
signifie pas malhonnêtement. C‟est un mot différent. Il signifie le fait de faire intentionnellement un acte que la loi
interdit comme tendant à corrompre ». ; l‘interprétation de la notion de « corruptly » a donner lieu à
maintes débats juridiques aux Etats-Unis, il existe en sens un moyen de défense désigné comme la
« Lewis Carroll defense » en référence à une citation de cet auteur : « Moi, quand j‟utilise un mot dit
Humpty Dumpty sur un ton assez méprisant, il signifie exactement ce que j‟ai décidé qu‟il doit signifier, ni plus ni
moins. » « La question est de savoir dit Alice, si vous avez le droit de donner tant de significations différentes aux
mots. » voir en ce sens G. R. BLAKEY, B. J. MURRAY, « Threats, Free Speech, and the
Jurisprudence of the Federal Criminal Law », BYU L. Revoir 2002, p. 1076.
130
américaine relative à la corruption nationale aux Etats-Unis494. Cependant, on constate ici
un manque de clarté du FCPA car il ne définit pas la notion « de manière malhonnête ».
509 Article 8.
510 Article 8.
511 Rapport explicatif du protocole, op.cit., p. 7, point 2.6. ; Rapport explicatif de la convention relative à la lutte
contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats
membres de l‟Union européenne, op.cit., p. 4, point 2.6.
512 D. FLORE, op.cit., p. 23.
513 Voir en ce sens ibid., p. 23 : Pour D. Flore, il serait à se demander si ce que prévoit l‘Union
européenne dans son protocole ne se limite pas à faire de la corruption une tentative non encore
aboutie de fraude communautaire au lieu de viser la corruption comme tentative ratée de fraude
communautaire. En effet, lorsqu‘il est question d‘un acte corrompu qui n‘a pas eu l‘effet recherché
sur les intérêts financiers des Communautés, dans le cas du premier protocole, on peut dire qu‘il
n‘est plus susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers des Communautés et ne rentre pas
dans le champ d‘application du texte.
134
éclaircir que la notion d‟« acte de la fonction ». Pour les rapports explicatifs, les devoirs de
la fonction sont les compétences mêmes que le fonctionnaire détient de la loi ou du
règlement. Est-ce que ce qui est contraire aux compétences ce qui est contraire aux devoirs
officiels ? Les rapports explicatifs assimilent la contrariété aux devoirs officiels à la
violation par le fonctionnaire de ses obligations, quelles seraient ces obligations 514?
514 Ibid., p. 24, cet auteur analyse cette question en détail à la lumière du droit belge.
515 Rapport explicatif du protocole, op.cit., p. 10, point 5.1. , alinéa 3; Rapport explicatif de la
convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés
européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‘Union européenne, op.cit., p. 7, point
5.1., alinéa 3.
516 Article 1(1), voir également H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S.
Government‘s Campaign Against International Bribery », op.cit., p. 498.
517 I. ZERBES, op.cit., p. 136.
518 Ibid., p. 137.
135
s‟abstienne d‟accomplir un acte dans l‟exercice de ses fonctions. » Le corrupteur attend
donc du fonctionnaire corrompu qu‟il agisse dans un sens déterminé. L'intention doit être
liée à un résultat ultérieur, à savoir un acte que l'agent public doit accomplir ou s'abstenir
d'accomplir, en fonction de l'intention du corrupteur. Par exemple, accorder un permis de
construire est un acte positif, et ne pas l‟accorder devient alors une omission ou une
abstention519.
3 - Les infractions ayant pour objectif final un aspect commercial : le dol spécial
Le FCPA vise les opérations dont l‟objet final est l‟obtention ou la conservation
d‟un marché à l‟étranger. L‟IACAC dispose que l‟opération doit être liée à une transaction
« économique ou commerciale ». Cette formule est très large521. Les conventions de
l‟OCDE et la CNUCC disposent que l‟objectif de l‟opération est « en vue d‟obtenir ou
conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international. » La
convention de l‟Union européenne et la convention pénale du Conseil de l‟Europe
n‟exigent pas un tel contexte commercial pour constater l‟existence d‟un acte de corruption
transnationale.
L‟objectif final des opérations visées par le FCPA est l‟obtention ou la conservation
d‟un marché à l‟étranger. Les juristes américains utilisent un critère pour déterminer cet
aspect commercial, appelé le « business purpose test » ou la « commerce clause ». La
notion d‟un marché à l‟étranger n‟est pas limitée aux marchés publics avec un
gouvernement étranger ou un organe d‟un tel gouvernement, mais vise toute forme de
contrat522. Le FCPA limite son champ d‟application aux paiements et d‟autres avantages
« aux fins d‟aider523 […] à obtenir ou à conserver un marché pour ou avec toute personne
Si l‟article 8 de l‟IACAC n‟a pas de « business purpose test » comme c‟est le cas
du FCPA, il exige néanmoins que le paiement soit fait « en liaison avec une transaction
économique ou commerciale. » En pratique, ce genre de paiement - en liaison avec une
528 Article 8.
529 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 269.
530 I. ZERBES, op.cit., p 150 ; en ce sens, ibid. : ce n‘est pas le montant de l‘avantage ni l‘avantage
économique pour l‘Etat concerné qui nous importent. Selon I. Zerbes, il est très important de
souligner qu‘il serait toujours question d‘un acte corrompu, selon la convention, dans l‘hypothèse
où l‘agent public étranger est payé pour l‘obtention ou la conservation d‘un marché, sans égard aux
bénéfices économiques que cela pourrait procurer à l‘Etat étranger en question.
531 SEC Securities Exchange Act of 1934 Release No. 51199, Accounting and Auditing Enforcement
Release No. 2186, In Vision Settlement, February 14, 2005.
138
de conserver un marché ou un autre avantage indu en liaison avec des activités de
commerce international »532.
Les situations de poursuites engendrées par cette infraction peuvent être complexes.
Par exemple, lorsqu‟un intermédiaire (agent) agit d‟une manière qui pourrait provoquer
une incrimination de la société mère par le FCPA la question est aussi de savoir si
l‟intermédiaire (agent) a lui aussi commis une infraction. Ces deux questions doivent être
analysées séparément, surtout pour les questions de compétence 538. Il est possible que
l‟agent n‟ait pas commis d‟infraction sous le FCPA alors que l‟entreprise aurait commis,
par le biais de l‟agent, une infraction sous la même loi. En réalité, cela est un scénario
assez banal et le FCPA reconnaît explicitement cette analyse : une filiale à l‟étranger fait
quelque chose, agissant en tant qu‟agent de la société mère, qui a pour cause la violation du
FCPA par ladite société mère.
536 Voir en ce sens : United States v. Exxon Corp. & Exxon Shipping Co., No. A90-015-1CR, at 2-8
(D. Alaska Oct. 29, 1990) ; United States v. Johns-Manville, 231 F. Supp 690, 698 (E.D. Penn.
1963).
537 H. LOWELL BROWN, « Parent-Subsidiary Liability Under the Foreign Corrupt Practices Act »,
50 Baylor L. Rev. 1, 1997, p. 36 ; voir en ce sens Pacific Can Co. v. Hewes, 95 F.2d 42, 46 (9th Cir.
1938) : « where one corporation is controlled by another, the former acts not for itself but as directed by the latter, the
same as an agent, and the principal is liable for the acts of its agent within the scope of the agent's authority ».
538 La corruption indirecte soulève les questions relatives à la compétence juridique : nous étudierons
cette problématique au sein du chapitre 4 .
539 L‘histoire législative du FCPA démontre que la volonté des rédacteurs a été de supprimer la
« politique de l‟autruche » (« head in the sand problem ») en ce sens voir : H.R. Rep. No. 100-576, at
920 (1988), reprinted in 1988 U.S.C.C.A.N. 1949, 1953 ; un rapport dispose spécifiquement que
« knowledge » comprend « both prohibited actions that are taken with „actual knowledge‟ of intended results as
well as other actions that . . . evidence a conscious disregard or deliberate ignorance of known circumstances that
should reasonably alert one to the high probability of violations of the Act »539, H.R. Rep. No. 100-576, at 920
(1988) ; voir également : B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « On the
threshold of the Adoption of Global Antibribery Legislation : A Critical Analysis of Current
Domestic and International Efforts Toward the Reduction of Business Corruption », op.cit., p. 8 ;
M. MARIS, E. SINGER, « Foreign Corrupt Practices Act », American Criminal Law Review, Spring,
2006, pp. 585 – 587.
140
de ses actions : le FCPA vise une offre, un paiement, une promesse de payer ou une
autorisation de paiement de tout argent ou offre, cadeau, promesse de donner ou
autorisation de donner toute chose de valeur « à quiconque, tout en sachant que l‟argent,
dans son entièreté ou en partie, ou la chose de valeur, dans son entièreté ou en partie, sera
offert ou offerte, donné ou donnée, ou promis ou promise directement ou indirectement à
tout officiel étranger, à tout parti étranger ou officiel de tel parti ou à tout candidat à un
poste politique étranger »540.
Cette connaissance peut être démontrée si «une telle personne est consciente
qu‟elle se livre à une telle conduite, que de telles circonstances existent ou qu‟il y a forte
certitude qu‟un tel résultat se produira »541. Cette connaissance peut aussi être démontré si
« une telle personne croit fortement que de telles circonstances existent ou qu‟il y a forte
certitude542 qu‟un tel résultat se produira»543. On estimerait la personne aurait
connaissance de l‟acte si elle décide de faire abstraction des éléments de preuve
démontrant l‟usage de méthodes illicites par un intermédiaire 544. En ce sens la notion de
connaissance requise comprend l‟idée de « deliberate disregard » ou même « wilful
540 § 78 dd- 1 (a) (3), § 78 dd – 2 (a) (3), § 78 dd – 3 (a) (3) ; voir M. MARIS, E. SINGER, op.cit., p. 5 :
le but de cet article est de viser les personnes qui ‗ne tirent pas la sonnette d‘alarme‘ en présence de
signes ou indices d‘infraction du FCPA.
541 15 U.S.C. §§ 78 dd-1 (f)(2) (A) (i), 78 dd- 2 (h) (2) (A) (i), 78 dd-3 (h) (2) (A) (i) 1977.
542 C. F. CORR, J. LAWLER, « Damned if You Do, Damned if You Don‘t? The OECD convention
and the Globalization of Anti-Bribery Measures », 32 Vand. J. Transnat‟l L., pp. 1259 - 1260 ; voir
par exemple § 78 dd 1 (f) (2) (B) ; pour l‘interprétation de la notion de « forte probabilité » voir
I. ZERBES, op.cit., p. 123 : cette réflexion a été suivie par la SEC lors de l‘affaire Baker Hughes
Incorporated (BH) à qui la SEC a accusé de faire des paiements illicites en Inde et au Brésil sans
prendre la peine de vérifier la légitimité de ces paiements. Dans ces affaires, il n‘a pas été prouvé
que l‘argent de l‘acte corrompu a été transféré, mais « concern » aurait du éliminé cette possibilité,
comme prévu par le volet comptabilité du FCPA; voir en ce sens : SEC Securities Exchange Act of
1934 Release No. 51199, Accounting and Auditing Enforcement Release No. 2186, InVision
Settlement, February 14, 2005 : Une autre affaire de corruption indirecte se trouve dans l‘affaire
InVision. Dans ce cas, la SEC a conclu que InVision était « aware of a high probability » que ces
responsables de vente à l‘étranger ou distributeurs payaient ou offraient de payer « something of
value » aux agents publics afin d‘obtenir ou retenir des transactions pour InVision ; malgré cela,
InVision a autorisé les paiements illicites aux agents ou distributeurs, ou leur a permis de procéder
aux transactions sur la part d‘InVision, en violation du FCPA ; voir également : I. ZERBES, op.cit.,
p. 124.
543 15 U.S.C. §§ 78 dd-1 (f)(2) (A) (ii), 78 dd- 2 (h) (2) (A) (ii), 78 dd-3 (f) (2) (A) (ii) 1977.
544 I. ZERBES, op.cit., p. 161.
141
blindness »545. Selon le FCPA lorsque la connaissance de l‟existence d‟une circonstance
spécifique est requise pour un délit, une telle connaissance est établie si une personne est
consciente de la forte probabilité de l‟existence d‟une telle circonstance à moins que la
personne croie en fait que telle circonstance n‟existe pas 546.
Peuvent être des intermédiaires, les partis politiques ou des candidats à une fonction
politique. Les partis et les candidats ne sont pas considérés comme des agents publics
545 On pourrait traduire ces notions par l‘idée d‘un « aveuglement volontaire » relatif à un comportement
corrompu.
546 15 U.S.C. §§ 78 dd-1 (f)(3) (B), 78 dd- 2 (h) (3) (B) , 78 dd-3 (f) (3) (B) 1977.
547 I. ZERBES, op.cit., p. 125 ; voir en ce sens, ibid. : pourraient être cités comme des exemples de
drapeaux rouges : la société qui, agissant comme intermédiaire, n‘a pas de siège dans le pays dans
lequel il fournit un service et ne réalise pas d‘autres transaction commerciales dans ce pays ; la
société qui agit comme agent demande paiement de sa commission avant de conclure le contrat en
question ; un manque de transparence comptable ; une commission disproportionnée ; la société
de l‘agent demande paiement par le biais d‘un tiers. Ces drapeaux rouges sont des indices de
corruption sans prouver son existence, et cela est bien connu des entreprises multinationales. Avec
la présence des ces drapeaux rouges dans la relation entre l‘agent et l‘entreprise cherchant à obtenir
le marché, il est possible de présumer l‘intention de l‘entreprise de procéder à un acte de
corruption à travers l‘agent.
548 Cass. Crim., 8 janvier 1998 ; voir également : I. ZERBES, op.cit., p. 127 ; l‘affaire Statoil s‘agit aussi
d‘un acte de corruption par une société agissant en tant qu‘intermédiaire. L‘affaire Acres-Lesotho
fournit un autre exemple d‘un cas de corruption de l‘agent public étranger par le biais d‘un
intermédiaire. L‘affaire Titan Corporation est, du point de vue de l‘accusé, l‘affaire la plus coûteuse
de l‘histoire du FCPA. Afin d‘aider ses intérêts commerciaux au Bénin, Titan a décidé d‘employer
un intermédiaire qui était proche du Président du pays. En l‘espace de trois ans, plus que 5 millions
de dollars ont été versé, par le biais de l‘intermédiaire, dans les poches des agents publics haut
responsables au Bénin. En particulier, l‘intermédiaire a soutenu la campagne électorale du
Président. Sur une amende de $28, 5 millions a été fixée à l‘encontre de Titan dans le cadre du Plea
agreement.
142
étrangers mais peuvent influencer les agents publics étrangers. Il n‟est pas surprenant alors
que des contributions à un parti politique sont en fait des pots-de-vin dont la cible est les
agents publics549.
L‟affaire United States c. Liebo 550 démontre l‟approche des tribunaux américains en
matière de corruption indirecte. Le défendeur, le Vice-président d‟une société américaine
cherchant à faire approuver un contrat de maintenance par le gouvernement nigérien, a
donné des billets d‟avion au Premier Consul de l‟Ambassade du Niger à Washington D.C.
pour qu‟il les utilise lors de son voyage de noces. Une heureuse coïncidence a voulu que le
cousin et meilleur ami du Consul ait été le Directeur des services de maintenance de
l‟Armée de l‟air nigérienne, dont la recommandation devait être obtenue avant que tout
contrat de maintenance d‟avions puisse être approuvé par le Président du Niger. Liebo a
parlé de « geste » à propos des billets mais, malheureusement pour lui, il en a fait, pour des
raisons comptables, une « commission » qu‟il a portée au débit du compte Diners Club de
la société. Le tribunal a considéré que cet élément de preuve était suffisant pour qu‟un jury
raisonnable en conclue que Liebo avait donné les billets au Consul dans l‟intention
d‟influer sur le processus d‟approbation des contrats du gouvernement nigérien (il serait
intéressant de savoir ce qui serait advenu si Liebo ne s‟était pas soucié de bénéficier d‟un
avantage fiscal) »551.
On estime à la lecture de ces textes, qu‟une analyse plus approfondie ici n‟a peu
d‟intérêt pour la présente recherche. En effet, en matière de la corruption indirecte, ces
textes – de l‟Union européenne, du Conseil de l‟Europe et des Nations unies - utilisent un
libellé très proche à celui des textes déjà étudiés.
SECTION 2
Le qualificatif « indu » est crucial car il permet de distinguer les paiements illicites
de certains paiements licites qui sont autorisés par le droit interne de certains États, ce sont
notamment les paiements de facilitation qui sont acceptés dans le droit américain (§ 1) 559.
la corruption indirecte. Les Etats parties peuvent d‘ailleurs éviter cette question en adoptant une
définition très large de la complicité.
558 Voir en ce sens : H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S. Government‘s
Campaign Against International Bribery », op.cit., pp. 498 – 499.
559 R. A. CANO, op.cit., p. 75.
146
L‟Union européenne ne semble pas distinguer certains paiements qui par leur nature ne
seraient pas visés par les textes. Pour ce genre de paiement, afin d‟optimiser
l‟harmonisation, l‟OEA pourrait adopter une position plus précise (§2). L‟OCDE a
récemment adopté un nouveau positionnement au sujet des paiements de facilitation (§3).
Si le texte de la convention pénale du Conseil de l‟Europe ne fait pas spécifiquement
référence aux paiements de facilitation, il laisse entrevoir néanmoins, quelques
infléchissements dans le bloc des infractions visées (§4). Ni les textes de l‟Union
européenne ni celui des Nations unies ne semblent prévoir des exceptions aux paiements
corrompus.
A - Paiements de facilitation
560 § 78dd-1 (b) ; voir également : H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S.
Government‘s Campaign Against International Bribery », op.cit., pp. 412 - 413 ; H. BROWN,
« Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the Foreign Corrupt Practices
Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit., pp. 245 – 247 ;
B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « On the threshold of the Adoption
of Global Antibribery Legislation : A Critical Analysis of Current Domestic and International
Efforts Toward the Reduction of Business Corruption », op.cit., pp. 8 – 9.
561 § 78dd-1 (c).
562 § 78dd-1(e).
147
personne visée563. La notion «d‟action administrative de routine » est définie par le FCPA.
Elle vise uniquement les actions qui sont d‟usage et fréquemment exécutée par un officiel
étranger pour –« (i) obtenir des permis, licences ou autres documents officiels pour
habiliter une personne à engager des transactions dans un pays étranger ; (ii) traiter des
documents gouvernementaux tels que les visas et les autorisations de travail ; (iii) assurer
une protection policière, le ramassage et la livraison du courrier ou la programmation
d‟inspections liées à l‟exécution de contrats ou d‟inspections liées au transit de la
marchandise par le pays ; (iv) assurer les services téléphoniques, la fourniture
d‟électricité et d‟eau, le chargement et le déchargement du cargo ou la protection, contre
la détérioration, de produits ou articles périssables ; ou (v) les actions d‟un caractère
similaire » 564.
Au titre des exceptions aux actes visés établies par le FCPA existe les « affirmative
defenses »570. A ce titre, le FCPA fait une première exception pour « le paiement, le
cadeau, l‟offre ou la promesse de toute chose de valeur ayant été fait ou donné ou donnée,
était conforme aux lois ou règlements du pays de l‟officiel étranger, du parti politique
étranger, de l‟officiel de parti étranger ou du candidat étranger»571.
581 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 269.
582 Ibid., pp. 270 – 271.
583 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 270 : d‘après L.A. Low, l‘Organisation des
Etats Américains semble reconnaître que les Etats parties peuvent exclure les paiements de
facilitation du champ d‘action de leur législation de transposition de l‘article 8. L‘objectif serait de
viser seulement les activités de nature économique ou commerciale. Dans ce cas, le sens se
rapprocherait de l‘optique du FCPA visant des paiements qui ont pour but d‘« obtain or retain
business » ; Organizacion de los Estados Americanos, Comite Juridico Interamericano, Informe
Anual Del Comite Juridico Interamericano a la Asamblea General (Elementos para la preparacion
de legislacion modelo con respecto al enriquecimiento ilitico y el soborno transnacional
(CJI/RES.I-1/97)), section III(e) (April 17, 1997), 10, III(a)(ii).
584 Organizacion de los Estados Americanos, Comite Juridico Interamericano, Informe Anual Del
Comite Juridico Interamericano a la Asamblea General (Elementos para la preparacion de
151
sans fournir plus de précisions585. Les Etats parties pourraient avoir des raisons politiques à
motiver une exclusion de ces paiements de facilitation des actes de corruption incriminés
par leur législation nationale, sans porter préjudice aux objectifs plus larges de l‟IACAC.
Afin d‟assurer une interprétation uniforme de l‟IACAC, il serait préférable pour les Etats
parties d‟adresser cette question de façon multilatérale 586. Une mise en œuvre importante
de l‟IACAC, incriminant les paiements de facilitation, favoriserait un conflit entre le droit
américain et le droit d‟autres pays. La ratification de l‟IACAC par les Etats-Unis leur
donnerait l‟occasion de modifier le FCPA, afin de supprimer l‟exception pour les
paiements de facilitation 587. La distinction entre les paiements de facilitation et les
paiements qui ont pour objectif l‟obtention ou la conservation d‟un marché est en pratique,
difficile à réaliser.
588 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
589 Voir H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the
Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit.,
pp. 271 - 273 ; voir également H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S.
Government‘s Campaign Against International Bribery », op.cit., pp. 500 – 501.
590 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
591 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
592 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
593 Voir H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the
Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit.,
p. 5 ; H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S. Government‘s Campaign
Against International Bribery », op.cit., p. 18.
594 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
153
autres, de la valeur de l‟avantage ou de son résultat, de l‟idée qu‟on peut se faire des
usages locaux, de la tolérance de ces paiements par les autorités locales ou de la nécessité
alléguée du paiement pour obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu»595.
Pour D. Flore, cette prise de position est « difficile à justifier à la lumière du libellé
du texte »596. En effet, on ne voit pas très bien la compatibilité des ces commentaires
officiels avec les dispositions de la convention. Comme dans le cas du FCPA, on peut
s‟interroger du bien fondé des ces exceptions et la frontière floue entre un paiement
corrompu et un paiement de facilitation.
595 Voir en ce sens: H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998
Ammendments to the Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed
its grasp ? », op.cit., p. 36.
596 D. FLORE, op.cit., p. 54.
597 http://www.oecd.org/dataoecd/31/53/44229684.pdf.
154
§ 4 - La banalité des exceptions prévues par la convention pénale du
Conseil de l’Europe
Selon le rapport explicatif, le mot « indu » doit être interprété comme « quelque
chose que le bénéficiaire n‟est pas légalement habilité à recevoir »598. Comme la plupart
des textes internationaux étudiés ici, la convention pénale du Conseil de l‟Europe se réfère
à la légalité comme critère d‟appréciation des avantages indus. Sur ce point, cette
convention de 1999 n‟est pas une grande originalité. A ceci près, que l‟on ne sait pas bien
si cette référence à la légalité vise seulement les textes internationaux étudiés dans la
présente thèse et - ou bien- sont visés aussi les textes de droit national pertinent lorsqu‟on
recherche l‟existence d‟un acte de corruption. Il faut noter néanmoins que cela vise à
exclure en particulier les avantages qui sont admis par la loi ou par les règlements
administratifs, ainsi que les cadeaux de faible valeur ou les cadeaux socialement
acceptables599.
CONCLUSION
On peut ainsi conclure dans le même sens que la conclusion du chapitre 1. Les
situations de non-coïncidence entre les textes internationaux et le manque d‟harmonisation
des législations démontrent les difficultés rencontrées par la lutte contre la corruption dans
son paradigme juridique actuel.
On analysera tout d‟abord les lignes directrices des articles pertinents des textes
internationaux dans ce domaine (§ 1). Par la suite, on procédera à une analyse plus
approfondie, qui tentera de synthétiser ce qu‟il y a de commun à ces textes internationaux.
En ce sens, il faudra préciser les définitions de la personne morale par les textes pertinents
(§ 2). Il conviendra d‟étudier la question d‟imputation (§ 3) puis celle de l‟obligation de
surveillance (§ 4). On verra que les poursuites et l‟incrimination éventuelle d‟une personne
morale n‟exclut pas les poursuites à l‟encontre d‟une personne physique (§ 5). En dernier
lieu, on mentionnera les sanctions prévues à l‟encontre des personnes morales (§ 6).
159
Cependant, cette convention du 26 mai 1997 ne mentionne pas expressément la
responsabilité des personnes morales. Ni le protocole à la convention relative à la
protection des intérêts financiers des Communautés européennes du 27 septembre 1996, ni
la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union
européenne du 26 mai 1997 ne contiennent de disposition relative à la responsabilité des
personnes morales. C‟est le second protocole605 à la convention relative à la protection des
intérêts financiers des Communautés européennes qui a trait à la responsabilité des
personnes morales606.
L‟IACAC ne retiendra pas notre attention ici, car elle ne contient pas de disposition
dans ce domaine.
613 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption: the globalisation of
anticorruption standards », op. cit., p. 12.
614 R. A. CANO, op. cit., p. 314.
615 Ibid., p. 314.
616 Article 1(d).
617 Voir M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p. 185 ; voir en ce sens,
ibid. : le Groupe de travail de l‘OCDE sur la corruption est intervenu seulement dans le cas où une
Partie n‘a pas atteint les critères de sa propre loi, comme c‘était le cas de la Grèce.
162
une approche hétérogène à cette question dans le droit interne de certains Etats parties à la
convention618. Pour l‟OCDE, lorsqu‟un Etat octroi à une autorité la compétence pour
s‟engager dans des contrats au nom de l‟Etat, alors cette entité ne doit pas échapper aux
dispositions pertinentes619.
Pour imputer une infraction à une personne morale, il faut généralement que
l‟infraction visé ait été commise dans l‟intérêt de la personne morale et dans l‟intérêt de
l‟ensemble de ses membres. On comprend ainsi que l‟on ne rend pas généralement
responsable la personne morale « de faits commis par des personnes ayant un lien avec elle
quand celles-ci n‟auraient fait que profiter du cadre juridique ou matériel de la personne
morale pour commettre des infractions dans leur propre intérêt ou contre l‟intérêt de la
personne morale »623. Il convient d‟analyser l‟approche des textes internationaux
pertinents à cette question.
Deux critères complémentaires sont ici essentiels pour l‟existence d‟une infraction
ainsi visée : l‟infraction a été commise pour le compte de la personne morale et l‟infraction
a été commise par une personne physique qui exerce un certain pouvoir de direction au
sein de la personne morale. Le premier critère crée le lien entre la personne morale et
l‟infraction. Le deuxième critère établit le lien entre la personne physique auteur de
l‟infraction et la personne morale qui doit être tenue pour responsable de l‟infraction 625.
Les textes pertinents des institutions européennes comprennent des dispositions qui
ont trait à la responsabilité de la personne morale en cas de manquement en matière de
surveillance ou de contrôle notamment pour les actes commis par des subordonnés pour le
compte de la personne morale.
636 Abstraction faite des cas déjà prévus au paragraphe 1. Il est rappelé ici que l‘obligation de
surveillance est une infraction distincte de celles prévues ci-dessus.
167
mentionnées au paragraphe 1 pour le compte de ladite personne morale par une personne
physique soumise à son autorité ».
Même si la convention de l‟OCDE reste muette à ce sujet, pour les besoins des
sanctions « efficaces, proportionnées et dissuasives », nous pouvons assumer que dans la
logique générale de cette convention, des sanctions peuvent être instituées tant pour les
§ 6 - Sanctions encourues
Dans le cadre du second protocole, les Etats membres de l‟Union européenne sont
contraints d‟ériger des sanctions « efficaces, proportionnées ou dissuasives » qui peuvent
comprendre des sanctions pénales ou non pénales 642. C‟est l‟article 4 du second protocole
qui pose le principe de la sanction des personnes morales : ces sanctions incluent des
639 M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p.190 ; voir en ce sens ibid. :
La question se pose de savoir si une personne physique doit être identifiée, incriminée, voire
sanctionnée avant que la responsabilité des personnes morales puisse être engagée. Pour le
Professeur Pieth, le débat engendré est superflu puisque la corruption est un acte qui implique un
fait intentionnel. Pour incriminer la corruption, il faut qu‘une personne physique au sein de
l‘entreprise ait la connaissance requise. Or, il existe des hypothèses où le processus de prise de
décision est tellement complexe que la connaissance requise est divisée dans de nombreuses
parcelles. De plus, lorsqu‘il y a plusieurs personnes physiques ‗preneurs de décision‘, il peut être
difficile de savoir qui a participé réellement à la prise de décision. Pour satisfaire le droit interne de
certains Etats, et comme le montre la jurisprudence récente, il suffit que l‘on démontre qu‘une
personne physique pertinente puisse avoir eu la connaissance, l‘intention ou avoir contrarié ses
obligations de supervision. D‘autres droits nationaux ont refusé cette analyse.
640 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm.
641 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm.
642 Explanatory Report on the Second Protocol to the convention of the protection of the European Communities‟
financial interests, J.O. C. 91, 31.3.1999.
169
amendes pénales ou non pénales et éventuellement d‟autres sanctions et notamment : a)
des mesures d‟exclusion du bénéfice d‟un avantage ou d‟une aide publique ; b) des
mesures d‟interdiction temporaire ou permanente d‟exercer une activité commerciale ;
c) un placement sous surveillance judiciaire ; d) une mesure judiciaire de dissolution. Les
personnes morales tenues responsables pour l‟absence de surveillance 643 ou de contrôle
sont passibles, elles aussi, de sanctions « efficaces, proportionnées ou dissuasives ».
L‟approche de l‟Union européenne peut être considérée comme un compromis entre les
différents systèmes juridiques des Etats membres 644. Certains droits nationaux ne
reconnaissent pas la responsabilité pénale des personnes morales, puisqu‟ils considèrent
que le droit pénal ne s‟applique pas aux personnes morales car on ne peut pas attribuer un
élément d‟intention (dol) à une personne morale 645. De la même façon, et comme nous le
verrons, la convention de l‟OCDE, la convention pénale du Conseil de l‟Europe, et la
CNUCC, ne contraignent pas les Etats parties à ériger en infraction pénale la responsabilité
des personnes morales646.
On remarquera pour conclure que la formule que les rédacteurs des textes
internationaux ont affectionné en matière des sanctions est clairement la suivante : les
sanctions « efficaces, proportionnées et dissuasives ». On voit bien qu‟une telle
formulation, tout en se voulant utile, laisse une marge d‟appréciation incontestable aux
autorités nationales en charge de la législation et la réglementation pénales.
On garde présent à l‟esprit le fait que les sanctions puissent, pour toute les
conventions, être de nature administrative, est un moyen d‟éviter « les problèmes existant
dans les pays qui ne peuvent envisager, même du point de vue théorique, la responsabilité
649 § 86.
171
pénale des personnes morales »650.
SECTION 2
Selon le droit fédéral américain, les personnes morales seraient responsables pour
les infractions commises par leurs responsables, cadres, employées, et agents, si ces
infractions ont été commises « dans le champ d‟action de l‟emploi et avaient pour objet, à
un certain degré, de bénéficier à l‟entreprise »660. La question du champ d‟action (scope)
de l‟emploi est interprétée de façon très large. Il en est de même pour la question de
« l‟acte qui bénéficie à l‟entreprise ». On peut prendre en exemple l‟affaire United States
Les personnes morales et leurs agents sont clairement visés par le FCPA. Le champ
d‟application du FCPA s‟étend aux personnes suivantes : les « émetteurs d‟actions»663
américains et leurs agents ; les « entreprises nationales »664 aux Etats-Unis, c‟est-à-dire les
entités organisées aux Etats-Unis ; tout fonctionnaire, directeur, employé ou représentant
d‟une telle entreprise nationale ou tout actionnaire de telle entreprise agissant au nom
d‟une telle entreprise nationale ; les « personnes physique ou entités »665, ou leurs agents,
agissant « aux fins de faciliter » un paiement illicite sur le territoire des Etats-Unis.
Le terme « émetteur d‟actions», peu clair pour des juristes non américains est défini
comme une entité ayant une catégorie de titres boursiers enregistrée en conformité avec la
section 78 (l) du Code des Etats-Unis, ou qui est dans l‟obligation de soumettre des
rapports conformément à la section 78 (o) (d) du même Code666. Il s‟agit de manière
générale d‟une société cotée.
Le FCPA dispose que les « entreprises nationales » sont les entreprises nationales
autre qu‟un émetteur d‟actions soumis à la section 78dd-1 667. Le terme « entreprise
nationale » peut s‟entendre de tout individu qui est citoyen, ressortissant ou résident des
Etats-Unis ; ou toute société commerciale, partenariat, association, société par actions,
661 689 F. 2d 238 (Ist Cir. 1982), cert. Refusé 459 U.S. 991 (1982).
662 M. LEVI, op. cit., p. 48 ; en ce sens, voir les affaires suivantes : United States v. Hilton Hotels Corp,
409 U.S. 1125 (1973) et United States v. Beusch, 596 F. 2d 871 (9th Cir. 1979).
663 « Issuer » dans le texte.
664 « Domestic concerns » dans le texte.
665 « Any person » dans le texte.
666 §78 dd(1).
667 Voir § 78 dd (2) (a).
175
entreprise [business trust], organisation sans personnalité juridique ou entreprise
individuelle dont le siège se trouve aux Etats-Unis ou organisée en conformité aux lois des
Etats-Unis ou de tout « territoire, possession ou commonwealth des Etats-Unis »668.
Pour le terme « personne »669, le FCPA précise qu‟il s‟étend à toute personne
physique autre qu‟un ressortissant des Etats-Unis670 ou toute société commerciale,
partenariat, association, société par actions, entreprise [business trust], organisation sans
personnalité juridique ou entreprise individuelle dont le siège se situe aux Etats-Unis ou
constituée en conformité aux lois d‟un pays étranger ou une sous-division politique de
celui-ci671.
On voit donc que le droit fédéral états-unien retient une conception très large de la
notion de personne morale lorsqu‟il s‟agit de lutte contre la corruption.
D - Le manque de surveillance
671 § 78 – dd 3 (f).
672 § 78 m du FCPA.
673 (I) afin de permettre la préparation des états financiers selon les principes comptables généralement acceptés et selon
tout autre critère qui s‟applique à de telles déclarations ; et (II) pour préserver l‟obligation de rendre compte des
176
On est ici dans le cadre de la responsabilité civile dite strict en droit fédéral
américain : en cas de manquement de surveillance de la part de la personne morale, la
charge incombe à cette dernière de démonter qu‟elle a pris les mesures nécessaires afin de
satisfaire les exigences de ces dispositions. Ces dispositions concernent seulement les
« émetteurs d‟actions». Il est intéressant de mettre en parallèle les critères de cette
responsabilité avec ceux de la section 7 de la nouvelle loi britannique de 2010 qui a trait au
manque de surveillance.
Les tribunaux anglais ont adopté un modèle de responsabilité pénale des personnes
morales anthropomorphique dit « identification » ou « alter ego » (A). La présente
recherche doit mettre en lumière la nouvelle loi britannique de lutte contre la corruption, le
Bribery Act 2010. En ce sens, il faut d‟une part constater la liste (B) des personnes morales
visées par cette loi, et d‟autre part faire une brève analyse d‟une nouvelle infraction pour la
loi britannique en la matière : la responsabilité pénale d‟une personne morale pour un
manque de surveillance (C).
actifs ; (iii) l‟accès aux actifs est permis uniquement avec l‟autorisation générale ou spécifique de la direction ; et (iv)
les comptes rendus des actifs sont comparés, à des intervalles raisonnables, aux actifs existants et les actions
appropriées sont prises en ce qui concerne toute différence.
674 Le droit écossais reconnaît la responsabilité pénale des personnes morales seulement depuis 1987
675 J. R. SPENCER, in Droit anglais, sous la direction de J. A. JOLOWICZ, Précis, Dalloz, 1992, n°
507 ; S. LOWE, F. MCKIE, « La responsabilité des personnes morales au Royaume Unis », LPA
1993, n° 120, p. 81.
177
A - La notion de l’identification/alter ego
Des 1944, les tribunaux anglais ont apporté les éléments nouveaux au mécanisme
d‟imputation676. Les tribunaux ont trouvé leur inspiration dans le principe de l‟alter ego, un
principe civil du droit de tort677. Les tribunaux anglais ont greffé ce principe au droit pénal.
1 - L’esprit dirigeant
Une deuxième affaire doit retenir notre attention, en l‟occurrence l‟avis du Conseil
privé dans l‟affaire Meridian Global Funds Management Asia Ltd v Securities
Commission684. L‟avis du Conseil privé a considérablement élargi le champ d‟application
de la responsabilité pénale en Angleterre 685. Dans cette affaire, Lord Hoffman a critiqué
l‟analyse anthropomorphique de Lord Denning, c‟est-à-dire la dichotomie entre le cerveau
et les mains de l‟entreprise. Selon Lord Hoffman, il faut tenir compte de l‟objet des
dispositions instituant l‟infraction correspondante 686. Ainsi, pour Lord Hoffman, selon
l‟interprétation des dispositions pertinentes, on pourrait attribuer à la personne morale des
actes et l‟intention des employés autres que les dirigeants de la personne morale.
683 Tesco Supermarkets, Ltd. V. Nattrass [1972] Appeal Cases 153, p. 170 ; traduction de V. WESTER-
OUISSE , op. cit., p. 67.
684 All England Reports, 918.
685 Il s‘agissait de l‘interprétation d‘une disposition d‘une loi néo zélandaise de 1988 : New Zealand
Securities Amendment Act de 1988.
686 All England Reports, 918, voir aussi : R. A. CANO, op. cit., p. 342.
687 V. WESTER-OUISSE, op. cit., p. 68.
179
anglais ne permet pas de considérer l‟intention délictueuse de l‟entreprise en rassemblant
les états d‟esprit de différentes personnes au sein de la société688. La responsabilité pénale
d‟une personne morale dépend en effet essentiellement de la preuve de l‟acte coupable et
de l‟intention d‟un seul représentant de la société, bien que la condamnation de l‟individu
en question ne soit pas exigée689.
Ce qui est en question ici, c‟est le principe d‟une responsabilité dite « strict », c‟est-
à-dire, il appartient à la personne morale de prouver qu‟elle a entrepris les démarches
nécessaires703 pour prévenir la corruption. Selon la section 7 (2) : « c‟est une défense pour
C de prouver que C a mis en place des procédures adéquates conçues afin de prévenir la
réalisation d‟un tel comportement par une personne associé à C ».
703 Il est ainsi intéressant de comparer cette disposition au § 78 m du FCPA, cf. supra, cette section, § 1.
704 http://www.justice.gov.uk/guidance/docs/bribery-act-2010-guidance.pdf .
705 Ibid., p. 7.
182
respecterait aussi la notion de « procédures adéquates » de la loi britannique706.
§ 3 - L’exemple de la France
La responsabilité pénale des personnes morales a été « admise dans l‟ancien droit
(ord. De 1670, titre 21) pour les communautés, les bourgs et les villages »707. Cependant,
le Code pénal de 1810 est resté silencieux à son sujet. Au milieu du vingtième siècle, la
Cour de cassation a eu quelques occasions de se prononcer avec prudence sur la question
de la responsabilité pénale des personnes morales 708. La Cour de cassation a d‟abord pris le
parti de la personne morale - fiction, considérant que « toute peine est personnelle, sauf les
exceptions spécialement prévues par la loi ; elle ne peut donc être prononcée contre une
société commerciale, être moral, laquelle ne peut encourir qu‟une responsabilité
civile »709. Dans les années 1950, les juges ont choisi d‟affirmer le parti de la réalité : « la
personnalité civile n'est pas une création de la loi ; qu'elle appartient, en principe, à tout
183
groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts
licites, dignes, par suite, d'être juridiquement reconnus et protégés »710.
Selon V. Wester Ouisse, l‟énoncé de ce principe étant immédiatement contredit par la loi,
qui exige le respect de certaines procédures pour l‟acquisition de la personnalité morale,
aucune conséquence ne pouvait en être tirée pour le droit pénal711.
Cette responsabilité pénale est donc prévue à l‟article 121-2 du nouveau Code
pénal : « les personnes morales, à l‟exclusion de l‟Etat, sont responsables pénalement,
selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur
compte, par leurs organes ou représentants. Toutefois, les collectivités territoriales et leurs
groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans
l‟exercice d‟activités susceptibles de faire l‟objet de conventions ou délégation de service
public. La responsabilité pénale des personnes morales n‟exclut pas celle des personnes
physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du
quatrième alinéa de l‟article 121-3 ».
Ainsi, une personne morale peut « se voir reprocher une infraction consommée ou
une infraction tentée, […] une personne morale peut être auteur ou complice soit par aide
ou assistance, soit par provocations. Bref, la personne morale est traitée à l‟égal des
personnes physiques »714. L‟emprunt de criminalité est l‟explication choisie pour
1 - Organes ou représentants
Les organes ne sont pas définis par l‟article 121-2. On entendrait par la notion
d‟organes, « les représentants légaux (président, gérant, etc.) ainsi que le Conseil
d‟administration, l‟assemblée générale »718.
Quant au représentant, il est question des « personnes physiques qui ont le pouvoir
(légal ou statutaire) d‟agir au nom de la personne morale »719. Par différence avec le droit
715 J.-C. SOYER, Droit pénal et procédure pénale, LGDJ 20e ed. 2008, n° 282 et s.
716 R. A. CANO, op. cit., p. 327.
717 B. BOULOC, op. cit., p. 281.
718 Ibid., p. 281.
719 Ibid., p. 281 ; voir ibid., le Professeur B. Belloc indique que cela peut être le directeur général
unique, le gérant, le président du Conseil d‘administration, le directeur général mais aussi
185
fédéral états-unien, cela semble exclure les hypothèses où l‟infraction a été commise par un
préposé subalterne, et cela exige que la personne physique ait été régulièrement investie du
pouvoir d‟agir au nom de la personne morale 720.
l‘administrateur provisoire ou l‘administrateur judiciaire. ; Cass. crim. 26 juin 2001 n° 4700 P, Sté
Carrefour France : RJDA 01/02 n° 42.
720 R. A. CANO, op. cit., p. 328 ; voir à ce sujet B. BOULOC, op. cit., p. 281 : Selon cet auteur, le
directeur d‘une usine ou d‘une unité de production ne devrait pas engager la personne morale, car
il demeure un salarié ou un préposé, sans être doté d‘un pouvoir de représentation de la personne
morale. Mais la Cour de cassation a considéré que les personnes physiques ayant reçu une
délégation de pouvoirs de la part des organes de la personne morale étaient les représentants de
celle-ci [Crim. 9 nov. 1999, Bull, n° 252, Rev. sc. Crim., 2000, p. 289, obs. MAYAUD et p. 600,
obs. BOULOC ; Crim 26 juin 2001, Bull. n° 161] et même que le directeur de chantier délégué par
plusieurs entreprises constituées en société en participation, étaient le représentant d‘une autre
société dont un employé avait été victime d‘un accident [Crim. 14 déc. 1999, Bull. n° 306, Rev. sc.
crim., 2000, p. 600, obs. BOULOC ; Crim ; 30 mai 2000, Bull, n ° 206 ; Rev. sc. crim., 2000, p. 816,
obs BOULOC et 856, obs. G GIUDICELLI-DELAGE.] Le délégataire de pouvoirs d‘une
personne physique appartenant à une autre entreprise pourrait donc engager la responsabilité
pénale d‘une société à laquelle il n‘appartient pas ! Toutefois, les juges sont tenus de préciser que
les négligences ou imprudences ont été commises par des organes ou représentants la personne
morale [ A été jugée insuffisante l‘indication que la SNCF avait commis par elle-même ou ses
agents des imprudences ou manquements ayant concours à la réalisation de l‘accident : Crim ;
18 janv. 2000, Bull. n° 28, JCP 2000.II.10395, note F.DEBOVE, D. 2000, p. 636, note SAINT-
PAU ; Crim. 29 avril 2003, Bull. n° 91. , Mais voir présumant qu‘un homicide involontaire est
imputable à une personne morale : Crim. 2 juin 2006, Bull. n° 188.
721 Ibid., p. 328.
722 Ibid., p. 328.
723 Ibid., p. 328.
186
2 - Infraction commise pour son compte
Le Code pénal français ne définit pas le sens de l‟expression « pour son compte ».
Il semble qu‟elle doit être interprétée de façon ample. Il est clair en effet que si l‟infraction
a été réalisée dans l‟intérêt de la personne morale, dans le but d‟obtenir un gain ou une
économie, la personne morale peut être pénalement responsable 724. Mais plus
généralement, l‟infraction engage la responsabilité pénale de la personne morale si elle a
été commise « dans l‟exercice d‟activités ayant pour objet d‟assurer l‟organisation, le
fonctionnement ou les objectifs » de celle-ci, même si elle n‟en a retiré aucun profit 725.
« est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait, par
quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, à une
personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou
investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation
internationale publique, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages
quelconques, pour elle-même ou pour autrui, pour qu'elle accomplisse ou s'abstienne
d'accomplir, ou parce qu'elle a accompli ou s'est abstenue d'accomplir un acte de sa fonction,
de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ».
Le résultat est évidemment qu‟il existe dans ce domaine une non coïncidence des
législations nationales. On remarquera que le droit états-unien conduit à une incrimination
relativement aisée en matière de corruption selon l‟angle de la responsabilité de la
personne morale. Le droit français de son côté rend plus difficile la mise en œuvre de la
responsabilité d‟une personne morale pour corruption. Quant au droit du Royaume-Uni, il
faudrait attendre l‟application effective de la nouvelle loi sur une certaine durée pour
mesurer son potentiel anti-corruption.
CONCLUSION
730 P. J. LOWE G., « La responsabilité en droit international pour corruption dans la gestion des
ressources en Afrique centrale », in La corruption et le droit international,, op. cit., p. 144.
189
juridiques de chaque partie. Une des conséquences en est alors les situations de non
coïncidence importantes. Dans ce dernier cas ou encore dans certains domaines
spécifiques, 731 il demeure la responsabilité de l'Etat de prendre les mesures appropriées.
Les dispositions très amples des textes internationaux de lutte contre la corruption
relative à la responsabilité des personnes morales est le reflet de l‟hétérogénéité des
approches à cette question. La question se pose nécessairement d‟un ordre juridique supra-
étatique compétent pour sanctionner pénalement les infractions de corruption des
personnes morales. 732
731 S. BRABANT, Les entreprises ne peuvent plus ignorer les droits de l'homme, Lemonde.fr du 23 mars 2011 :
comme par exemple les droits de l'enfant, les discriminations à l'égard des femmes, les droits des
personnes handicapées, le droit à l'alimentation et à la santé ou le droit à l'eau.
732 Cf., infra, chapitre 8
190
CONCLUSION DE LA PARTIE 1
La lutte contre la corruption de l‟agent public étranger doit faire face à une
problématique anodine de politique juridique : la difficulté de rédiger les textes uniformes
en droit international. Dans ce domaine, on ne sait pas si cette difficulté est le fruit des
subtilités de la technique juridique en matière de définition des infractions pénales (ici tout
spécialement les actes de corruption) ou d‟une situation dans laquelle les rédacteurs des
textes internationaux trouvent un intérêt à des divergences d‟infractions pénales. Il est clair
que les nombreuses situations de non coïncidence que nous avons pu relever pourraient
avoir pour conséquence des difficultés dans l‟application harmonieuse des textes
internationaux, et donc une relative inefficacité dans la lutte contre la corruption de l‟agent
public étranger.
191
SECONDE PARTIE
193
CHAPITRE 4
194
SECTION I
LES PRINCIPES DE DROIT INTERNATIONAL EN MATIERE DE COMPETENCE DES
JURIDICTIONS NATIONALES
195
qui nuisent particulièrement à son efficacité »733. Les règles internationales en matière de
poursuite démontrent que dans l‟absence de juridictions et procédures adéquates, c‟est dans
le droit interne qu‟il faut organiser la répression des infractions internationales. Ainsi, on
constate que l‟Etat est le principal agent d‟application du droit international 734.
733 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, Droit international public, 10ème édition, Paris, Dalloz, p. 443.
734 Ibid., p. 446.
735 P. DAILLIER, et al., op. cit., p. 251 ; voir aussi l‘avis de la C.P.J.I. (Cour permanente de Justice
internationale) selon laquelle « un Etat qui a valablement contracté des obligations internationales est tenu
d‟apporter à sa législation les modifications nécessaires pour assurer l‟exécution des engagements pris » (Avis du 21
février 1925 sur l‟Echange des populations turques et grecques, série B, n° 10, p. 20).
736 P. DAILLIER et al., op. cit., p. 254.
737 I. FICHET-BOYLE, M. MOSSE, « L‘obligation de prendre des mesures internes nécessaires à la
prévention et à la répression des infractions », in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit
international pénal, Paris, Pedone, 2000, p. 872 ; voir ibid., : il faut rappeler que « les juristes de droit
interne, et particulièrement de droit pénal, insistent sur la nécessité d‟une législation interne, dans le mesure ou ils
adoptent une conception rigoureuse du principe de légalité, qu‟ils déclinent en trois propositions : nullum crimen sine
lege scripta : la source de l‟incrimination doit être une loi écrite, excluant ainsi la possibilité d‟incriminations posées
par le droit coutumier ; nullum crimen sine lege certa : les éléments de l‟infraction doivent être précisément définis par
196
forcément valable en matière de mesures préventives.
la norme, et les raisonnements par analogie sont proscrits ; nulla poena sine lege : la peine doit également être prévue
par un texte écrit ».
738 A. YOKARIS, « Les critères de compétence des juridictions nationales », in H. ASCENSIO et al.,
Droit international pénal, Paris, Pedone, 2000, p. 897 : L‘auteur souligne que dans la pratique, on peut
rencontrer également des cas d‘incrimination par un acte institutionnel d‘une organisation
internationale ; tel est le cas des tribunaux pénaux internationaux. L‘incrimination internationale
peut être aussi d‘origine coutumière, par exemple, la piraterie maritime.
739 P. DAILLIER, et al., op. cit., p. 255 ; voir ibid. : « le contrôle du respect de cette obligation s‟opère en règle
générale par le biais de la responsabilité internationale de l‟Etat, ce qui suppose qu‟en ne prenant pas les mesures
d‟application nécessaires l‟Etat a porté préjudice aux droits garantis par la convention à des ressortissants
étrangers ».
740 Voir cependant, B. STERN, « Quelques observations sur les règles internationales relatives à
l‘application extraterritoriale du droit », A.F.D.I., 1986, p.11 : il est nécessaire de rappeler en
matière de règles régissant les compétences internationales des Etats, qu‘il existe une « distinction
absolument essentielle : c‟est la distinction entre la compétence normative et la compétence d‟exécution – ou la
compétence opérationnelle – les deux n‟étant pas régies par les mêmes règles. La compétence normative est le pouvoir
qu‟a l‟Etat d‟édicter des règles générales ou individuelles, à travers ses organes législatifs, exécutifs ou juridictionnels.
La compétence d‟exécution est le pouvoir que possède un Etat de mettre en œuvre une règle générale ou une décision
individuelle par des actes matériels d‟exécution pouvant aller jusqu‟à la mise en œuvre de la contrainte étatique ».
On se concentrera au sein de ce chapitre sur la compétence normative et les critères de l‘exercice
de cette dernière.
197
conventionnel international anti-corruption en particulier appellent les Etats parties à
exercer des compétences législatives pour incriminer, établir leur compétence
juridictionnelle internationale et réprimer ou extrader. En matière de lutte contre la
corruption d‟agent public étranger, nous sommes manifestement dans le cadre de
l‟incrimination indirecte. Cela se traduit par des dispositions dans la plupart des
conventions internationales qui posent une obligation pour les Etats membres d‟adopter les
mesures internes nécessaires à la prévention et à la répression des infractions
internationales. L‟adoption de mesures internes pour transposer les obligations
internationales est une pratique banale.
§ 2 – La compétence territoriale
L‟affaire célèbre dite de l‟Île des Palmes742 nous éclaire sur la question de la
compétence territoriale. Selon l‟arbitre Max Huber, « la souveraineté dans les relations
entre les Etats signifie l‟indépendance. L‟indépendance relativement à une partie du globe
est le droit d‟y exercer à l‟exclusion de tout autre Etat les fonctions étatiques. Le
développement de l‟organisation nationale des Etats durant les derniers siècles et, comme
corollaires, le développement du droit international ont établi le principe de la compétence
exclusive de l‟Etat en ce qui concerne son propre territoire, de manière à en faire le point
de départ du règlement de la plupart des questions qui touchent aux rapports
741 J. SALMON, op. cit., p. 210 ; voir aussi P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op. cit., p. 89 : « l‟aptitude de
l‟Etat à exercer son autorité conformément au droit international, aussi bien sur les biens que sur les situations, les
personnes et les activités placées ou exercées à l‟intérieur de son territoire ».
742 Sentence rendue dans le cadre de la Cour permanente d‘arbitrage. Cette affaire concernait un
différend entre les Etats-Unis et les Pays-Bas sur l‘île de Palmes, dans le Pacifique.
198
internationaux »743. Il en ressort qu‟il y a deux caractères fondamentaux de la souveraineté
territoriale : la plénitude de son contenu et l‟exclusivité de son exercice 744.
La nature de la compétence exercée par l‟Etat est d‟être plénière, dans le sens où le
droit international « reconnaît à l‟Etat le droit d‟exercer, selon sa propre appréciation
discrétionnaire, toutes les fonctions de commandement destinés à favoriser les activités –
licites au regard du droit international – qui se déroulent sur son territoire »745. Cette
forme de compétence s‟exerce sur toutes les personnes qui résident sur le territoire de
l‟Etat, qu‟ils s‟agissent de ses ressortissants ou de résidents étrangers provenant de pays
tiers. En effet, « cela apparaît en ce qui concerne aussi bien les lois substantielles de l‟Etat
– celles par lesquelles il régit directement les conduites – que celles qui se rapportent à la
compétence de ses tribunaux pour apprécier les conduites effectives des sujets »746. Le
droit pénal en constitue un très bon exemple. Ainsi, le Code pénal codifie tous les
comportements interdits par la loi pénale et assortis de sanctions747. Il existe néanmoins
une contrepartie à cette généralité, illustrée par la sentence de l‟affaire dite du Lac Lanoux:
« la souveraineté territoriale joue à la manière d‟une présomption […] elle doit fléchir
devant toutes les obligations internationales, quelle qu‟en soit la source, mais elle ne
fléchit que devant elle »748. Les réglementations et législations édictées par l‟État sur son
territoire sont présumées être valides. Ainsi, tout acte que l‟État effectue dans les limites de
son territoire est en principe valide, sauf s‟il est manifestement contraire au droit
international 749.
§ 3 - La compétence personnelle
763 Pour les questions relatives à la coopération internationale, voir ci-dessous, chapitre 5.
764 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op. cit., pp. 274 – 278.
765 J. SALMON, op. cit., p. 211.
766 A. YOKARIS, op. cit., p. 900.
767 Ibid., p. 900.
202
compétence est obligatoire.
Plus concrètement, la compétence personnelle passive sert surtout dans les cas de
criminalité « qui ne sont pas toujours réprimées dans les Etats où se commet le préjudice
contre des victimes étrangères »769. On pense surtout aux conventions internationales
antiterroristes.
§ 4 – Normes extraterritoriales
Une norme est considérée comme extraterritoriale « si, au moment où elle opère,
elle prétend régir des conduites, statuer sur des situations, ou prendre en considération
des faits, extérieurs au territoire »770. Il s‟agit alors de l‟exercice « des compétences
législative, juridictionnelle et exécutive à l‟égard de personnes ou de choses situées sur le
territoire d‟un autre Etat (y compris les lieux assimilés à celui-ci par le droit
SECTION 2
On peut répartir les formes de compétence juridique visées par les textes
internationaux de lutte contre la corruption en trois catégories différentes. La compétence
territoriale, commune à tous les droits, est souvent retenue par les textes internationaux de
lutte contre la corruption comme la seule compétence juridictionnelle obligatoire la
compétence territoriale (§ 1). Les dispositions des conventions ont également trait à
l‟exercice de la compétence personnelle (§ 2) mais leur mise en œuvre n‟est pas d‟une
manière générale obligatoire. On remarquera également l‟existence d‟une forme de
compétence sui generis. On étudiera ainsi la prise en compte, par certaines conventions, de
la compétence juridique à l‟égard des agents publics internationaux (§ 3) 778.
Tous les textes internationaux de lutte contre la corruption d‟agent public étranger
imposent l‟exercice de la compétence des juridictions nationales pour connaître les
infractions qui ont lieu sur le territoire de l‟Etat partie.
779 L‘article 5 (1) : « Chaque Partie adopte les mesures nécessaires pour exercer sa compétence à l'égard des infractions
auxquelles elle aura conféré ce caractère, conformément à la présente convention, lorsque ces infractions sont commises
sur son territoire ».
780 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., pp. 275 – 276.
781 Pour la doctrine de l‘effet voir ci-dessus ce chapitre, section 1.
782 « Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence à l'égard des infractions qu'il a
instituées conformément aux obligations découlant des articles 2, 3 et 4 » ; on note que le premier protocole
contient des dispositions analogues à ce sujet, on ferait référence ici au texte de la convention
seulement.
783 Article 7 (1) (a) de la convention, article 6 (1) (a) du premier protocole.
206
pas prises en considération. La mise en œuvre du principe de territorialité est obligatoire
pour tous les Etats membres. On constate néanmoins que seul le principe de territorialité
est obligatoire pour tous les Etats membres, l‟article 7 (2) prévoyant une possibilité de
dérogation pour les trois autres. On peut légitimement estimer que cette possibilité de
réserve est un frein potentiellement important dans l‟application extraterritoriale de ces
textes.
L‟article 4 (1) de la convention de l‟OCDE exige des États parties qu‟ils prennent :
« les mesures nécessaires pour établir [leur] compétence à l‟égard de la corruption d‟un
agent public étranger lorsque l‟infraction est commise de tout ou partie sur [leur]
territoire ». Cette disposition ne fait rien d‟autre que de rappeler le principe de
l‟application territoriale du droit pénal, qui est commun à tous les droits nationaux784.
789 Cf., supra ce chapitre, section 2 ; voir également : M. PIETH, « Article 4. Jurisdiction », op.cit.,
p. 278.
790 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 78.
791 Voir en ce sens : M. HUNAULT, op.cit., p. 22.
792 Article 17 (2).
793 D. FLORE, op.cit., p. 6, en ce sens voir ibid., les considérations faites précédemment au sujet de ce
critère de compétence valent aussi ici : on imaginerait difficilement que ce critère ne soit pas
obligatoire ; voir également http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 79 :
Comme pour les autres conventions, il n‘est pas impératif que le délit de corruption soit commis
en totalité sur le territoire d'un Etat pour que celui-ci puisse établir sa compétence. Les rapports
explicatifs nous rappelle à ce sujet que dans plusieurs Etats membres (mais pas tous), le lieu où est
commis l'acte est déterminé en fonction de ce que l'on appelle la doctrine de l'ubiquité (la doctrine
de l‘effet).
208
pas prise en compte et n'affecte pas la compétence fondée sur le principe de la territorialité.
On constate également que la nationalité du corrupteur ou du corrompu n‟est pas prise en
considération.
Si l‟on considère la nature complexe des infractions prévues par la CNUCC, surtout
les infractions de corruption internationale et le fait qu‟elles puissent être réalisées dans
plus d‟un Etat, il semble s‟avérer difficile d‟identifier un seul lieu de réalisation de
794 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 600 : « Les Etats disposent en principe de compétences pour protéger
leurs propres intérêts. Cependant, le droit international leur attribue aussi, dans des cas déterminés, le pouvoir de
protéger, par la voie de la répression pénale, les intérêts de la communauté internationale et de l‟humanité. C‟est ce
qu‟on appelle la compétence universelle, dont il faut ainsi bien prendre conscience du caractère dérogatoire au droit
commun des compétences étatiques ».
795 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 83.
796 La compétence fondée sur la territorialité à l‘article 42 (1).
797 Article 4 Protection de la souveraineté 1. Les États Parties exécutent leurs obligations au titre de la présente
convention d‟une manière compatible avec les principes de l‟égalité souveraine et de l‟intégrité territoriale des États et
avec celui de la non-intervention dans les affaires intérieures d‟autres États. 2. Aucune disposition de la présente
convention n‟habilite un État Partie à exercer sur le territoire d‟un autre État une compétence et des fonctions qui
sont exclusivement réservées aux autorités de cet autre État par son droit interne.
798 Article 42 (2) (a).
799 Article 42 (2) (b).
209
l‟infraction800. Dans le cas d‟une application trop stricte des critères de la compétence
juridictionnelle - comme pour les autres conventions - la mise en œuvre de ces dispositions
pourrait être difficile. En ce sens, les dispositions de la CNUCC, relatives à la compétence
juridique, pourraient manquer de développement adéquat.
800 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption: the globalisation of
anticorruption standards », op.cit., p. 15.
801 G. STESSENS, « The international fight against corruption », op.cit., p. 922.
210
soient en mesure d‟incriminer le comportement illicite de leurs nationaux à l‟étranger.
« chaque Partie peut adopter les mesures nécessaires pour exercer sa compétence
à l'égard des infractions auxquelles elle aura conféré ce caractère, conformément à la
présente convention, lorsque ces infractions auront été commises par l'un de ses
ressortissants ou par une personne qui a sa résidence habituelle sur son territoire».
On voit clairement par le langage de cette disposition que sa mise en œuvre n‟est
pas obligatoire. On note en relation au critère de la résidence habituelle, que cela concerne
« des citoyens étrangers qui habitent plusieurs mois dans l‟année dans un autre Etat que
leur pays d‟origine »802. Il est alors clair que plusieurs Etats puissent établir les
compétences selon l‟hypothèse dont il est question. Le texte de l‟IACAC elle-même
n‟explicite pas une solution à un cas de conflit de juridiction mais les principes généraux
du droit international – par exemple la notion de comity 803 - sont un guide804. On note que
la possibilité d‟une concertation est prévue à ce niveau par la convention de l‟OCDE805 et à
un certain niveau par la CNUCC 806 mais les conventions européennes sont muettes sur
802 R. A. CANO, op.cit., p. 516 ; voir ibid. : On note que l‘article 8 est la seule disposition dans la
convention où il y a une référence aux personnes morales et à leur « nationalité ». L‘expression «
domiciliées » (domiciliadas en espagnol) doit faire référence au critère du lieu de l‘incorporation d‘une
entreprise exerçant une activité économique ou commerciale.
803 Courtoisie envers l‘ordre juridique étranger qui présente des points de rattachement suffisant avec
l‘affaire ; voir l‘adage en latin « comitas gentium » , courtoisie entre nations, notion analogue de
courtoisie internationale ; La courtoisie international peut être définie de la manière suivante :
« ensemble de pratiques et de préceptes observés dans les rapports internationaux, et déterminés, non par le sentiment
de respecter une obligation juridique, mais par des considérations de convenance et d‟égards mutuels conformes aux
exigences d‟une bienséance réciproquement pratiquée. La courtoisie se caractérise ainsi par l‟absence d‟un sentiment
d‟obligation juridique, » J. SALMON, op.cit, p. 282.
804 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 277.
805 L‘article 4 (3).
806 L‘article 42 (5) ; le paragraphe 5 prévoit l‘hypothèse où plusieurs Etats seraient compétents pour
poursuive un acte de corruption. Si un État Partie qui exerce sa compétence en vertu du
paragraphe 1 ou 2 de l‘article 42 a été avisé, ou a appris de toute autre façon, que d‘autres États
Parties mènent une enquête ou ont engagé des poursuites ou une procédure judiciaire concernant
le même acte, les autorités compétentes de ces États Parties se consultent, selon qu‘il convient,
pour coordonner leurs actions. On constate que cette disposition ne va pas plus loin que celle de la
convention de l‘OCDE. L.A. Low évoque la nécessité d‘établir les critères, pour attribuer à un
211
cette question807.
L‟IACAC dispose aussi que les Etats parties établissent leur compétence sur la base
de nationalité sur les auteurs présumés des infractions de corruption, présents sur leurs
territoires, mais qu‟ils refusent à l‟extradition 808. Il est question du principe « aut dedere
aut judicare »809.
Etat l‘intérêt principal dans les poursuites d‘une infraction présumée. De tels critères pourraient
éviter des poursuites multiples au niveau international ; voir en ce sens L. A. LOW, « The United
Nations convention against corruption : the globalisation of anticorruption standards », op.cit.,
p. 15.
807 La raison en est probablement que la concertation institutionnelle est une pratique très ordinaire au
sein de l‘Union européenne et du Conseil de l‘Europe.
808 Voir en ce sens : G. STESSENS, « The international fight against corruption », op.cit., p. 924,
l‘exercice de ce principe « allows circumventing only the nationality exception, but not other reasons for which
extradition may be refused (e.g. the political offence exception, lack of double criminality) ».
809 L‘article 5 (3) dispose que « chaque partie adopte les mesures nécessaires pour exercer sa
compétence à l'égard des infractions auxquelles elle aura conféré ce caractère, conformément à la
présente convention, lorsque l'auteur présumé se trouve sur son territoire, et qu'il ne l'a pas extradé
vers le territoire d'un autre pays au motif de la nationalité de cet auteur présumé ».
810 L‘article 5 (4).
811 L‘article 7 (1) (b) de la convention, l‘article 6 (1) (b) du premier protocole.
812 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de
l‘Union européenne, approuve par le Conseil le 3 décembre 1998, op.cit., p. 9, point 7.2 (b).
212
même pour les actes réalisés dans des pays tiers. Comme on le verra, cette hypothèse est
très pertinente lorsqu‟il est question des Etats membres qui n‟extradent pas leurs
ressortissants813.
On note que l‟article 4 (2) de la convention de l‟OCDE dispose que chaque Partie
ayant compétence pour poursuivre ses ressortissants à raison d‟infractions commises à
l‟étranger doit prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence à l‟égard de la
corruption d‟un agent public étranger selon les mêmes principes. Pour les pays qui
appliquent la compétence fondée sur la nationalité uniquement à certains types
d‟infractions, la référence dans les commentaires aux « principes » comprend les principes
gouvernant le choix de ces infractions 817. Il est question ici d‟équivalence fonctionnelle 818.
On constate alors un aspect «discriminatoire » 819 au sein de cet article, comme dans le cas
des textes de l‟Union européenne. Un Etat partie qui dispose d‟une législation peu sévère à
l‟égard de cette question aura peu d‟effort à fournir pour être en conformité avec la
convention. Un bon exemple de l‟application de l‟article 4 (2) de la convention de l‟OCDE
se trouve dans les modifications du FCPA de 1998 relative à la compétence fondée sur la
nationalité.
Plutôt que de demander l‟extradition des ressortissants si une partie n‟applique pas
la compétence basée sur la nationalité, la convention de l‟OCDE exige que les nations qui
ont compétence à l‟égard d‟une infraction présumée visée dans la présente convention, les
Parties concernées se concertent, à la demande de l‟une d‟entre elles, afin de décider quelle
est celle qui est la mieux à même d‟exercer les poursuites820. Cette possibilité de
concertation pourrait permettre de résoudre un certain nombre de problèmes en matière de
conflit de compétence entre les juridictions nationales.
L‟article 17 (2) permet aux Etats d‟émettre une réserve relative à la compétence
juridictionnelle érigée dans le paragraphe 1 (b) et (c). On note cependant, l‟application du
principe «aut dedere aut judicare», prévu au paragraphe 3 qui oblige les Parties
contractantes à établir leur compétence dans les affaires où l'extradition du délinquant
présumé est refusée en raison de sa nationalité et si le délinquant est présent sur leur
territoire.
On note également que l‟article 42 (3) et l‟article 42 (4) de la CNUCC ont trait au
principe aut dedere aut judicare.
Lors de notre analyse de la définition de l‟agent public étranger dans les textes, on a
constaté que certains textes visent la corruption de tout fonctionnaire ou agent d‟une
organisation internationale publique. A la lumière des compétences sui generis que l‟on
vient de citer, on peut poser la question du droit applicable dans le cas des fonctionnaires
internationaux hormis ceux des institutions européennes. La réponse semble assez simple.
En effet, puisque les autres textes internationaux (et le FCPA ont tendance à ne viser que
les infractions de corruption d‟active, il ne serait pas question de compétence
juridictionnelle à l‟égard du fonctionnaire international. Puisqu‟il s‟agit de l‟incrimination
seulement de l‟auteur de la corruption active, il faudrait alors établir la compétence à
l‟égard de ce fait.
SECTION 3
Il est bien connu que l‟usage des filiales offshore permet de faciliter les actes de
corruption. Malgré cela, les textes internationaux de lutte contre la corruption présentent
des lacunes de compétence importantes à cet égard. On doit considérer dans quelle mesure
ces entités, les filiales à l‟étranger, seraient néanmoins visées par les textes. En ce sens, il
convient d‟abord de déterminer la nationalité de la personne morale (§ 1). En effet, des
entreprises peuvent avoir des filiales détentrices d‟une autre nationalité que celle de la
société mère. Le silence des textes internationaux à cet égard est étonnant. Il nous importe
d‟analyser l‟approche d‟une de ces conventions, celle de l‟OCDE, à la question des filiales.
(§ 2). On se retournera vers le droit fédéral américain pour étudier sa manière d‟aborder
cette question et les solutions proposées (§3). Enfin, il est opportun de se poser la question
de la portée extraterritoriale éventuelle de la nouvelle loi britannique relative aux
filiales (§ 4).
218
§ 1 Les critères de rattachement de nationalité de la personne morale
Préciser le rattachement national dont relève juridiquement une entreprise est une
« opération préalable à la détermination de la loi qui lui est applicable comme à la
détermination des droits dont elle a la jouissance »834.
Les critères de rattachement d‟une personne morale peuvent varier selon l‟Etat
concerné. Ces critères sont établis à la discrétion de l‟Etat. Cette liberté à l‟égard du
rattachement a pour conséquence que « les solutions retenues sont aussi diverses que pour
la nationalité des individus »835. Cependant, le rattachement des sociétés à un Etat et
l‟appartenance à la population de cet Etat ne peut pas être assimilé. En ce sens, on
n‟applique pas les règles du régime spécifique de la nationalité des personnes physiques au
rattachement national des sociétés. En règle générale, « le juge saisi rattache les sociétés
étrangères par application de dispositions empruntées au droit du for. Par conséquent,
c‟est en vertu de règles françaises qu‟un juge français dira de telle société qu‟elle est
belge et que telle autre est japonaise »836.
836 N. CASTEL, G. de LA PRADELLE, op.cit., p. 69 ; voir en ce sens ibid. : « Ce genre de démarche est
impensable s‟agissant de nationalité des personnes physiques : les règles françaises en la matière déterminent
exclusivement qui est Français et qui ne l‟est pas : on ne peut leur faire dire qui est anglais ou mexicain ».
219
financier »837. Le terme incorporation «subsiste de l‟époque où l‟on considérait cette
personnalité comme l‟effet du souverain qui, de la sorte, donnait « corps » sur son
territoire à une personne nouvelle »838. L‟affaire de la Barcelona Traction839 semble
favorable au critère de l‟enregistrement. Ce critère est le seul retenu par les Etats-Unis en
ce qui concerne leurs entreprises 840. On constate que ce critère est à la fois souple et
simple. En effet, « il s‟accorde au caractère contractuel de la société puisqu‟il permet à
ses fondateurs de choisir la loi à laquelle il souhaitent se soumettre »841.
850 N. CASTEL, op.cit., p. 821 ; voir ibid. : « Dans le premier cas, l‟établissement de l‟entreprise donne naissance à
de nouvelles personnes morales, distinctes de la société mère. Le second illustre la dissémination transnationale du
patrimoine d‟une seule et même entité juridique ».
851 N. CASTEL, G. de LA PRADELLE, op.cit., p. 68 ; voir ibid. : « Certains organismes interétatiques dotés
de personnalité juridique sont constitués par voie d‟accords entre Etats – de traités – dans un but d‟intérêt général
mais avec une activité semblable à celle de véritables entreprises. Il s‟agit, en effet, d‟organismes financiers comme la
Société financière internationale (S.F.I.) ou de compagnies de transport aérien comme le Scandinavian Air Line
System (S.A.S.) ou la société Air Afrique. Il est donc impossible de les rattacher à un Etat particulier et de leur
attribuer une « nationalité » comme l‟on fait pour les personnes morales ordinaires. Par ailleurs, la nature de leurs
activités qui est, dans une certaine mesure, intéressée, empêche qu‟on les assimile à des organisations internationales
proprement dites ou, encore, à des O.N.G. Finalement, le terme par lequel on les désigne, résume leur double
particularité : ce sont des « sociétés » parce qu‟elles ont une activité économique ; mais elles sont « internationales »
parce qu‟elles ne dépendent d‟aucun Etat en particulier ».
852 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 102.
222
contractuel »853. Il s‟agit bien évidemment de se procurer des avantages économiques
significatifs. C‟est la relation entre la société mère et la filiale à l‟étranger est bien
évidemment une problématique important dans la lutte contre la corruption d‟agent public
étranger. En effet, pour lutter efficacement contre la corruption, il serait nécessaire
d‟établir les compétences des juridictions nationales pertinentes à l‟égard des paiements
corrompu réalisés par ces filiales.
La société mère et ses dirigeants peuvent être tenus responsables lorsqu‟ils sont
impliqués d‟une manière ou d‟une autre dans l‟infraction en tant que complices 860, y
compris du fait de l‟autorisation donnée.
Lorsque la maison mère n‟est pas au courant des pots-de-vin (ou peut faire valoir de
855 Pour l‘analyse de la responsabilité pénale des personnes morales, cf., supra, chapitre 3.
856 I. ZERBES, op.cit., p. 129.
857 Ibid., p. 129.
858 Soulever la voile, percer la construction juridique pour savoir comment fonctionnent en réalité les
personnes morales en question ; voir en ce sens I. ZERBES, op.cit., p. 130.
859 Cf., supra, chapitre 2 ; M. LEVI, op.cit., p. 39.
860 L‘article 1 (2) de la convention de l‘OCDE.
224
façon convaincante qu‟elle ne l‟est pas), l‟Etat d‟accueil de la société mère pourrait exercer
sa compétence sur la base de la nationalité ou en fonction des faits de la cause et en
s‟appuyant sur l‟existence (variable) de la responsabilité des personnes morales 861 pour
manquement au devoir de contrôle 862.
Il a été souligné que la société mère resterait néanmoins responsable pour tout acte
corrompu réalisé indirectement par le biais par exemple d‟une filiale à l‟étranger. En effet,
le FCPA vise des actes corrompus envers « quiconque, tout en sachant que l‟argent, dans
son entièreté ou en partie, ou la chose de valeur, dans son entièreté ou en partie, sera
861 Voir protocole II de l‘Union européenne, art. 3 § 2 ; Conseil de l‘Europe, art 18, § 2 ; voir
également la section 7 de la nouvelle loi britannique le Bribery Act 2010.
862 M. LEVI, op.cit., p. 39.
863 H. LOWELL BROWN, « Parent-Subsidiary Liability Under the Foreign Corrupt Practices Act »,
op.cit., p. 19.
864 H.R. Rep. No. 95-640, at 11-12 (1977).
865 H.R. Rep. No. 95-640, at 11-12 (1977).
866 H.R. Conf. Rep. No. 95-640, at 12 (1977).
867 H.R. Rep. No. 95-831, p 14 (1977), voir également 1977 U.S.C.C.A.N. 4121, 4126.
225
offert ou offerte, donné ou donnée, ou promis ou promise directement ou indirectement à
tout officiel étranger […] »868. On est ici dans le cadre de la corruption indirecte, les
paramètres ayant déjà été étudiés ci-dessus, cela ne fera pas l‟objet de développements
supplémentaires869. La responsabilité de la société mère pour les actes d‟une filiale se
mesure à l‟aune de son implication et son contrôle de ladite filiale870. Ainsi la société mère
pourrait être responsable pour un paiement réalisé par la filiale si ce paiement a été autorisé
par la société mère871.
Comme on a pu le constater 872, le FCPA tel que modifié en 1998 prévoit une
responsabilité directe à l‟encontre d‟une filiale d‟une entreprise américaine (ou son agent)
si la filiale est un émetteur d‟actions873 ou si la filiale réalise un acte aux fins de faciliter un
acte corrompu sur le territoire américain 874. Le FCPA vise également les employés des
filiales étrangères si ces derniers sont des ressortissants américains. En ce sens, le FCPA
s‟applique aux ressortissants américains employés par des filiales étrangères alors que la
filiale elle-même pourrait ne pas être assujettie aux dispositions anticorruption du FCPA.
Pour ce dernier point, les dispositions de compétence alternative prévoient qu‟il n‟est pas
nécessaire qu‟il ait été fait usage des moyens et instruments du commerce international 875.
En dehors de ce cas de figure, la filiale pourrait être visée par le droit pénal du pays où elle
On notera que le FCPA, à travers les dispositions relatives aux normes comptables,
a trouvé un moyen de viser certaines activités des filiales à l‟étranger. En effet, en cas
d‟infraction, les « émetteurs d‟actions » peuvent se trouver visés par les dispositions
relatives aux normes comptables du FCPA. Au niveau des manquements comptables, la
société mère peut être responsable pour l‟acte de la filiale selon plusieurs hypothèses : la
société mère détient au moins cinquante pour cent du pouvoir de vote dans la filiale877 ; si
les paiements corrompus sont enregistrés explicitement sur les livres comptables de la
filiale, il serait présumé que la société mère avait connaissance des paiements ; même si la
société mère n‟est pas un émetteur de valeurs (et donc pas visés par le volet comptabilité
du FCPA), si l‟influence de la société mère sur la filiale est tellement importante que les
deux entités semblent indivisibles, alors on pourrait invoquer la responsabilité directe de la
société mère878.
En ce sens, les dispositions relatives aux normes comptables du FCPA ont rendu
possible les poursuites à l‟encontre des filiales étrangères des sociétés américaines portées
devant les tribunaux américains879. On peut prendre pour exemple les poursuites à
l‟encontre de la société Montedison sous les dispositions comptables du FCPA. Dans
l‟affaire Montedison880, la SEC 881 a poursuivi une société italienne (émetteur d‟actions
Montedison882 a été condamné à payer une amende civile de trois cent mille dollars.
Ce fut une des premières affaires de corruption intentées à l‟encontre d‟une société
étrangère qui était un « émetteur d‟actions ». Les paiements corrompus ont été versés par
une société italienne, aux agents publics italiens par le biais des filiales offshore 883. Cette
affaire démontre bien évidemment la responsabilité de la société mère pour les actes
illicites de ses filiales, mais elle illustre aussi la portée extraterritoriale du FCPA, même s‟il
s‟agit en occurrence des dispositions comptables et non l‟infraction de la corruption
proprement dite de l‟agent public étranger objet de la présente recherche. La justice
américaine aurait eu beaucoup plus de difficulté selon le droit international, à justifier la
compétence de ses juridictions relative aux actes de corruption interne en Italie.
Le Bribery Act 2010, nouvelle loi du Royaume-Uni contre la corruption est entrée
en vigueur le 1 juillet 2011. Il convient de rappeler que la portée extraterritoriale de cette
loi est potentiellement très ample. En effet, la section 7 qui vise la prévention de la
881 La SEC est l'institution en charge de veiller à la bonne application des règles qui régissent
le marché boursier des Etats-Unis (règles d'admission, fonctionnement du marché et des
intervenants, suivi de l'information communiquée au marché...). La SEC est l'équivalent aux Etats-
Unis de l'AMF en France.
882 Pour une analyse plus approfondie de l‘affaire Montedison, voir : H. LOWELL BROWN, « The
extra-territorial reach of the U.S. Government‘s Campaign Against International Bribery », op.cit.,
pp. 440 – 456.
883 http://fcpa.shearman.com/?s=matter&mode=form&id=68.
228
corruption contient un libellé très large. La nouvelle loi apportera un élargissement
considérable à l‟approche britannique traditionnelle et cette disposition aura des
conséquences importantes pour la question de la compétence extraterritoriale. On peut
même dire dès maintenant que la section 7 884 de la loi britannique va potentiellement plus
loin que le FCPA dans sa portée extraterritoriale. Cet article crée une nouvelle infraction
qui a trait au manque de surveillance et à la prévention de la corruption par une personne
morale.
Pour conclure, il reste à savoir si les activités de la filiale d‟une société mère qui est
une « organisation commerciale pertinente » pourraient engager la responsabilité de la
884 http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2010/23/section/7.
885 F. J. WARIN, C. FALCONER, M. S. DIAMANT, op.cit., p. 28.
886 Article 8 (1).
887 Article 8 (3).
888 Article 8 (5).
889 Article 8 (2) et 8 (4).
890 F. J. WARIN, C. FALCONER, M. S. DIAMANT, op.cit., pp. 29 – 30.
229
filiale ou de la société mère sous la section 7 de cette loi. Dans le cas où l‟on pourrait
qualifier une filiale comme faisant partie 891 (alter ego) de la société mère, la portée de la loi
britannique aurait des effets extraterritoriaux extrêmement importants.
SECTION 4
Le 28 juin 2010, Technip, une société française892 a accepté de payer trois cent
trente huit millions de dollars au gouvernement des Etats-Unis afin de régler les poursuites
à son encontre sous la loi fédérale américaine, le Foreign Corrupt Practices Act. Ces
faits893 reflètent une tendance allant vers un élargissement de l‟extraterritorialité du FCPA
dans l‟incrimination des sociétés étrangères ayant des liens tangentiels avec les Etats-Unis.
Ainsi, en premier lieu on étudiera l‟approche du droit états-unien à la question de la
compétence extraterritoriale (§ 1). Dans un deuxième temps, il conviendrait d‟analyser
l‟élargissement extraterritorial du FCPA à la suite des modifications de cette loi en 1998.
Pour élargir la compétence des juridictions nationales américaines en matière des
infractions des personnes physiques et entités étrangères, le Congress américain s‟est
894 Dans le droit américain, les Restatements sont un ensemble de traités sur des sujets juridiques qui
visent à informer les juges et les avocats au sujet des principes généraux du droit commun. Il y a eu
trois séries de redressements à ce jour, tous publiés par l‘Institut de droit américain , une
organisation de juristes universitaires et praticiens fondée en 1923.
895 Le Restatement du droit américain précise les critères d‘exercice de la compétence normative : § 402.
Bases of jurisdiction to prescribe Subject to § 403, a state has jurisdiction to prescribe law with
respect to (1) (a) conduct that, wholly or in substantial part, takes place within its territory; (b) the
status of persons, or interests in things, present within its territory; (c) conduct outside its territory
that has or is intended to have substantial effect within its territory; (2) the activities, interests,
status, or relations of its nationals outside as well as within its territory; and (3) certain conduct
outside its territory by persons not its nationals that is directed against the security of the state or
against a limited class of other state interests.
896 American Banana v. United Fruit, 213 U.S. 347, 357 (1909).
897 Foley Bros. v. Filardo, 366 U.S. 281, 285 (1949).
231
Pour les tribunaux américains, le Congress érigerait les lois qui concernent principalement
les affaires domestiques et que le Congress n‟entendrait pas, en principe, enfreindre les
principes juridiques d‟autres nations898. On trouve un écho de pareille analyse dans la
jurisprudence internationale dans l‟affaire du Lotus : « la limitation primordiale qu‟impose
le droit international à l‟Etat est celle d‟exclure – sauf l‟existence d‟une règle permissive
contraire – tout exercice de sa puissance sur le territoire d‟un autre Etat »899.
906 § 402(3).
907 § 402(1)(c).
908 Restatement (third) of foreign relations § 403. Limitations on jurisdiction to prescribe (1) Even when one
of the bases for jurisdiction under § 402 is pre sent, a state may not exercise jurisdiction to
prescribe law with respect to a person or activity having connections with another state when the
exercise of such jurisdiction is unreasonable. (2) Whether exercise of jurisdiction over a person or
activity is unreasonable is determined by evaluating all relevant factors, including, where
appropriate: (a) the link of the activity to the territory of the regulating state, i.e., the extent to
which the activity takes place within the territory, or has substantial, direct, and foreseeable effect
upon or in the territory; (b) the connections, such as nationality, residence, or economic activity,
between the regulating state and the person principally responsible for the activity to be regulated,
or between that state and those whom the regulation is designed to protect; (c) the character of the
activity to be regulated, the importance of regulation to the regulating state, the extent to which
other states regulate such activities, and the degree to which the desirability of such regulation is
generally accepted. (d) the existence of justified expectations that might be protected or hurt by the
regulation; (e) the importance of the regulation to the international political, legal, or economic
system; (f) the extent to which the regulation is consistent with the traditions of the international
system; (g) the extent to which another state may have an interest in regulating the activity; and (h)
the likelihood of conflict with regulation by another state. (3) When it would not be unreasonable
for each of two states to exercise jurisdiction over a person or activity, but the prescriptions by the
two states are in conflict, each state has an obligation to evaluate its own as well as the other state's
interest in exercising jurisdiction, in light of all the relevant factors, including those set out in
Subsection (2); a state should defer to the other state if that state's interest is clearly greater.
909 B. STERN, op.cit., p. 9.
233
par les entreprises américaines lors des marchés à l‟étranger. En 1977, dans le sillage des
ces révélations, le FCPA a été promulgué. A priori, cette législation a été motivée par une
volonté du Congress américain de relancer la confiance dans les entreprises américaines
dont la réputation a été endommagée par ces révélations. Le Congress américain estimait
que la corruption avait un effet néfaste sur la réputation des entreprises américaines. Cette
législation est, d‟une certaine manière un reflet de l‟approche moraliste de l‟administration
du Président J. Carter 910.
On souligne que les pays qui accueillent ces investissements étrangers ont une
volonté de faire respecter leur souveraineté territoriale et économique. Ces pays « désirent
assurer l‟application de leurs lois sur l‟ensemble des activités, nationale ou étrangères,
menées à l‟intérieur de leur zone de juridiction »914. On constate que de nombreuses
nations trouvent les dispositions extraterritoriales du FCPA intrusives et peu respectueuses.
D‟ailleurs, certains commentateurs suggèrent une volonté américaine d‟impérialisme moral
et d‟ethnocentrisme. 915 Certaines nations, tel que l‟Indonésie, ont une vision très négative
de l‟application extraterritoriale de ce genre de disposition 916. Pour le cas de l‟Indonésie,
on constate une culture forte du don et d‟octroie de « cadeaux » lors des transactions.
Avant 1998, les ressortissants et entités américaines étaient visés par le FCPA
seulement dans le cas où ils avaient utilisé « de manière malhonnête » le courrier postal ou
tout moyen ou instrument de commerce entre États pour faciliter un acte illicite. Le droit
américain utilise la notion de « nexus » territorial pour décrire ce lien territorial. Cela
constituait un frein à l‟exercice de la compétence des juridictions américaines.
CONCLUSION
L‟étude des titres de compétence des juridictions nationales pour connaître les
affaires de corruption d‟agent public étranger fournit un premier exemple important de la
manière dont l‟efficacité de la lutte contre la corruption d‟agent public étranger est
tributaire de la coordination de celle-ci entre les Etats parties aux conventions
internationales. Cela est très clair au vu de la « pluralité des chefs de compétence prévus
par les textes »933. En effet, les juridictions de plusieurs Etats parties peuvent être
compétentes pour connaître la même infraction de corruption d‟agent public étranger, ce
qui nécessiterait une coordination voire une concertation interétatique au vu de l‟efficacité
des poursuites.
En dernier lieu, on note que seuls les Etats-Unis connaissent une mise en œuvre
extraterritoriale en matière de lutte contre la corruption que l‟on peut désigner d‟agressive.
Ces derniers se livrent ainsi à une lutte contre la corruption loin de son territoire. Si au vu
des certaines affaires récentes on peut y voir une efficacité relativement importante de la
240
CHAPITRE 5
934
A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, « Articles 9, 10 and 11. International Co-
operation », in M. PIETH et al., The OECD convention on Bribery, Cambridge, Cambridge University
Press, 2007, p. 409.
241
SECTION I
L‟entraide judiciaire peut être défini comme la « coopération que deux ou plusieurs
Etats peuvent s‟accorder conventionnellement ou au cas par cas en matière
principalement administrative, civile, commerciale, pénale, sociale, fiscale ou judiciaire
pour la transmission, la reconnaissance réciproque et/ou l‟exécution d‟actes juridiques et
de jugements étrangers, pour la transmission d‟informations (y compris des données
informatiques), pour le transfert de personnes arrêtées (extradition, entraide pénale,
transfèrement de détenus), pour l‟exécution de missions d‟enquête, de commissions
242
rogatoires, de recherches de personnes disparus etc. »935.
De manière progressive, les Etats ont admis que la répression des crimes
internationaux946 « impliquait nécessairement un niveau de coopération « indexé » sur
l‟indignation universelle provoquée par ces crimes »947. Dans ce contexte, la consolidation
accrue de la coopération juridique internationale est le fruit des exigences de la société
civile qui a exigé une lutte efficace allant dans ce sens.
Un régime d‟infractions graves 949 est défini par les quatre conventions de
Genève950. Ces textes visent notamment l‟homicide intentionnel, les tortures, les
traitements inhumains, les transferts illégaux de population, l‟atteinte aux droits de la
défense, la prise d‟otages et les attaques contre la population civile.
On soulignera les deux résolutions qui ont été adoptées par l‟Assemblée générale
des Nations unies recommandant aux Etats de prendre toute mesure nécessaire pour assurer
le transfert immédiat des coupables dans les pays où les crimes avaient été commis 951. De
plus, le 3 décembre 1973, l‟Assemblée générale des Nations Unies votait une résolution 952
relative au principe de la coopération internationale concernant le dépistage, l‟arrestation,
l‟extradition et le châtiment des individus coupables de crime de guerre ou de crimes
contre l‟humanité. Bien que cette résolution ne revête pas un caractère obligatoire, elle a
néanmoins « consacré le principe suivant lequel les Etats, s‟agissant des crimes
internationaux, avaient les uns envers les autres, des obligations particulières »953. On
notera que plusieurs accord sont dotés de dispositions qui « implicitement ou expressément
réitèrent, confirment cette obligation spécifique des Etats de lutter contre l‟impunité »954.
948 Ibid., p. 922 ; voir ibid., dans le même sens, « pendant la seconde guerre mondiale, les Alliés ont réitéré à
plusieurs reprises leur volonté de voir châtier les responsables « jusqu‟aux extrémités de la Terre » et de les « renvoyer
dans les pays où les forfaits abominables ont été perpétrés ». (Déclaration de Moscou 30 octobre 1943, confirmée par
l‟Acte de Londres du 8 août 1945, art. 4) ».
949 Voir à ce sujet : J. COMBACAU, S. SUR, op.cit, p. 676.
950 On fait référence ici aux traités internationaux dans le domaine du droit international humanitaire.
Ces textes définissent les règles de protection des personnes en cas de conflit armé, notamment les
soldats, les blessés et les prisonniers de guerre, les civils et leurs biens. Il s‘agit des quatre
conventions signées le 12 août 1949. Il existe deux protocoles qui datent du 8 juin 1977 et un
troisième protocole du 8 décembre 2005.
951 Résolution n° 3 du 13 février 1945 sur l‘extradition et le châtiment des criminels de guerre.
952 N° 3074.
953 W. BOURDON, op.cit., p. 923.
954 Ibid., p 923 ; voir ibid. : on relèvera notamment les dispositions suivantes : aux termes de l‘article
VIII de la convention du 9 décembre 1948 relative à la prévention et à la répression du crime de
génocide, les parties s‘obligent à s‘accorder l‘extradition conformément à leur législation et aux
traités en vigueur ; aux termes des articles 49, 50, 129, 146 respectivement de la première,
deuxième, troisième et quatrième convention de Genève du 12 août 1949, il est fait obligation aux
Etats parties de remettre à l‘Etat la requérant la personne suspecte de crimes de guerre comme
246
Les possibilités d‟une « répression directe des individus est longtemps demeurée
virtuelle après les tribunaux de Nuremberg955 et de Tokyo956»957. La répression directe des
individus peut relever de la compétence des juridictions nationales958. La question de la
répression directe des individus a trait aussi de la création de juridictions pénales
internationales. Dans un premier temps, on relèvera la création par le Conseil de sécurité
des Nations unies de deux tribunaux pénaux internationaux spéciaux. Il s‟agit des
tribunaux compétents à l‟égard des crimes commis dans l‟ex-Yougoslavie (T.P.I.Y) et lors
de l‟affaire du Rwanda (T.P.I.R.). On souligne en ce sens la coopération qui doit être
apportée au T.P.I.Y. et le T.P.I.R. par tous les Etats membres de l‟ONU 959. En effet, les
résolutions pertinentes adoptées par le Conseil de sécurité de l‟ONU relatives à ces deux
tribunaux internationaux ad hoc, rappellent les obligations de ces Etats. Cette obligation est
aussi une conséquence de l‟article 25 de la Charte des Nations Unies.
Pour les questions d‟entraide, les Etats auront « in fine le dernier mot et qu‟en cas
de défaillances graves à leurs obligation de coopérer avec la Cour, le prononcé de
sanctions à leur encontre restera très théorique »964. On fait référence ici à l‟article 87 (7)
qui dispose que « si un État Partie n'accède pas à une demande de coopération de la Cour
contrairement à ce que prévoit le présent Statut, et l'empêche ainsi d'exercer les fonctions
et les pouvoirs que lui confère le présent Statut, la Cour peut en prendre acte et en référer
à l'Assemblée des États Parties ou au Conseil de sécurité lorsque c'est celui-ci qui l'a
saisie ». A ce sujet, l‟utilisation de l‟embargo peut être particulièrement inefficace pour
cause notamment des agissements d‟un nombre d‟organisations internationales de droit de
l‟homme et son usage mal adapté. En ce sens « l‟embargo, en raison de ses conséquences
généralement catastrophiques sur les populations civiles, n‟apparaît plus comme la
sanction la plus adaptée pour contraindre un Etat à coopérer y compris s‟agissant de la
poursuite des personnes suspectées d‟avoir commis des crimes internationaux »965.
SECTION 2
Au moins un commentateur juridique a noté que l‟un « des plus grands torts de la
justice est d‟être encore organisée de manière nationale. C‟est un peu comme l‟armée»966.
966 B. BERTOSSA, in D. ROBERT, op.cit., p. 108 ; voir également, ibid. : « C‟est le dernier carré des forces
que les Etats peuvent garder sous leur coupe. Pour ce qui est de la libre circulation des marchandises, il n‟y pas de
problèmes, mais la libre circulation des informations judiciaires n‟a même jamais été envisagée ».
249
En effet, l‟Appel de Genève du 1 octobre 1996 signale la nécessité de la coopération
judiciaire pour lutter efficacement contre la corruption 967. Cet appel « avait pour objectif
d‟exhorter publiquement les gouvernements et les parlements à donner enfin aux juges des
moyens adaptés pour lutter contre la criminalité organisée et la corruption au niveau
international»968.
De façon générale, ce sont les principes liés dans un premier temps au mécanisme
C‟est un principe fondamental du droit international public selon lequel les traités
lient les Etats parties et doivent être exécutés de bonne foi. Les accords dans le domaine de
la coopération internationale sont ainsi subordonnés à ce principe 974. En matière de
coopération internationale, les « faits » de l‟infraction ne devraient pas être remis en cause
par l‟Etat requis puisque l‟Etat requérant est présumé agir de bonne foi.
En droit international général, il est question d‟un principe « selon lequel un sujet
du droit international peut revendiquer le bénéfice de prestations équivalentes à celles
d‟autres sujets de droit et n‟est pas tenu à des obligations différentes de celles de ces
derniers »986. En droit international pénal, et spécialement en matière de coopération
judiciaire interétatique, on connaît un principe de réciprocité bien spécifique. En ce sens,
les Etats peuvent accorder une assistance à un Etat requérant avec lequel il n‟a pas conclu
d‟accord préalable. Cela implique néanmoins une obligation à celui qui reçoit l‟assistance
judiciaire dans le mesure où il doit répondre favorablement en matière d‟assistance à un
Etat qui lui a déjà fournir ce genre d‟assistance. Ce genre de réciprocité pourrait
s‟appliquer dans les affaires d‟extradition, où par exemple un Etat refuse d‟extrader ses
ressortissants. En ce sens, l‟Etat requis pourrait modifier sa position – et alors permettre
l‟extradition de ses ressortissants - sous condition que l‟Etat requérant en fasse autant. En
l‟absence de traité, le principe de réciprocité est normalement incorporé dans les
984 M. POUTIERS, op.cit., p. 944 ; voir à ce titre l‘article 14 de la convention européenne de 1957,
l‘article 13 de la convention de Caracas de 1981 et l‘article 14 du Traité type sur l‘extradition de
1990.
985 J. SALMON, op.cit., p. 1047.
986 J. SALMON, op.cit., p. 933.
253
dispositions de droit interne et cela est surtout le cas en Europe 987.
Certains faits et certains auteurs des faits ne sont pas généralement concernés par
les dispositions d‟extradition ou par l‟entraide judiciaire. On fait référence ici aux motifs
légaux de refus d‟entraide. Concernant le statut de l‟auteur des faits, il est parfois question
de la nationalité de l‟auteur des faits puisque de nombreux Etats n‟extradent pas leurs
ressortissants988. Les délais de prescription 989 peuvent présenter un obstacle pour
l‟extradition. Cependant, les délais de prescription ne constituent pas habituellement un
obstacle quant à l‟assistance judiciaire par l‟Etat requis 990. La classification de certaines
infractions comme «politiques »991 ou « militaires » est également souvent considérée
comme un motif valable de refus pour l‟extradition. De plus, les infractions fiscales sont
souvent exclues des accords internationaux d‟entraide. On note que l‟exception pour les
infractions fiscales n‟est pas mentionnée dans les textes internationaux de lutte contre la
corruption. Selon G. Stessens, cette exception pourrait néanmoins être relevée en faisant
référence à d‟autres textes992. Les rapports explicatifs à la convention de l‟Union
européenne dispose clairement qu‟il n‟a pas été considéré nécessaire d‟insérer dans la
convention corruption la même disposition qui figure à l‟article 5 (3) de la convention
relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes. Selon cette
987 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 421 ; voir en ce sens M. POUTIERS, op.cit., p.
936 : « en dehors de toute convention, les Etats ont parfois négocié de simples déclarations de réciprocité. En
l‟absence de traité, chaque demande d‟extradition nécessite un accord particulier entre les deux Etats en cause.
L‟Etat requis examine alors librement l‟opportunité de faire suite à la requête dont il est saisi, le droit international
ne lui imposant pas de donner une réponse positive. Cette liberté peut cependant être restreinte par la loi interne de
l‟Etat requis comme en France, par exemple, où le régime de l‟extradition relève de la loi du 1à mars 1927 ».
988 Dans quel cas on pourrait faire référence au principe aut dedere, aut judicare, voir chapitre 6.
989 Selon J. SALMON, op.cit., p. 870, il est ici question d‘un « mode d‟extinction par non-usage d‟un droit
pendant une durée et sous des conditions fixées par le droit ».
990 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 422.
991 Voir à ce titre l‘article 17 de l‘IACAC : « Aux fins des articles XIII, XIV, XV et XVI de la présente
convention, le fait que les biens obtenus ou découlant d'un acte de corruption aient été destinés à des fins politiques,
ou le fait qu'il soit allégué qu'un acte de corruption ait été commis pour des motifs ou à des fins politiques, ne
suffisent pas, en soi, à faire de cet acte une infraction politique ou une infraction de droit commun connexe à une
infraction politique ».
992 G. STESSENS, « The international fight against corruption », op.cit., p. 41 ; à ce titre, voir 1959
European Mutual Assistance convention.
254
disposition il est interdit de refuser l‟extradition au seul motif que l‟infraction est de nature
fiscale. Selon ces rapports explicatifs à la convention corruption de l‟Union européenne,
« contrairement à ce qui est le cas pour les infractions à la protection des intérêts
financiers de la Communauté, une telle exception est sans objet dans le cas des infractions
de corruption »993.
La plupart des Etats reconnaissent le principe qu‟une personne ne doit pas être
poursuivie deux fois pour les mêmes faits. Il s‟agit du principe connu selon son adage
latin non bis in idem. L‟application de ce principe peut dépendre de la gravité des faits. Si
les accords internationaux reconnaissent que ce principe peut être un moyen de défense à
l‟encontre des poursuites, il n‟existe pas de règle claire en droit international qui
empêcherait un Etat de poursuivre des faits qui ont déjà fait l‟objet de poursuites dans un
autre Etat 994. La convention de l‟OCDE par exemple ne propose pas de solution précise à
cette question car à l‟article 4 (3) elle propose seulement la possibilité de concertation
lorsque les juridictions nationales de plus d‟un Etat partie ont compétence pour poursuivre
les faits de corruption.
993 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de
l‘Union européenne, op.cit., § 8 ; à ce sujet voir G. STESSENS, « The international fight against
corruption », op.cit., p. 41 : l‘auteur souligne que cette disposition n‘est pas convaincante dans le
mesure ou il n‘y aurait aucune logique de la part de celui qui reçoit le pot-de-vin de le déclarer aux
percepteurs d‘impôt.
994 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 423.
995 Droit à la liberté et à la sûreté.
996 Droit à un procès équitable.
997 http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/005.htm ; voir à ce sujet : A. V. JULEN
BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 423 ; à ce sujet voir P. DAILLIER et al.,op.cit., p. 571 à propos
de l‘extradition : « La CEDH s‟est, pour sa part, appuyée sur l‟article 5 de la convention de Rome pour contrôler
le respect de l‟exigence d‟une procédure équitable en matière d‟extradition (arrêt n° 4/1985, 21 oct. 1986, Sanchez-
Reisse), y compris en cas d‟ « extradition déguisée » (aff/ 8/1985, 18 déc. 1986, Bozano). Mais elle retient de la
notion de respect des « voies légales » prévu par l‟article 5 une conception très souple (voir la décision de la Grande
Chambre rendu le 12 mai 2005 dans l‟affaire Öcalan c. Turquie, par. 83-99) ».
255
défense. On peut ici citer l‟article 696-4, 7° du Code de procédure pénale français qui
exclut l‟extradition de droit commun « lorsque la personne réclamée serait jugée dans
l‟Etat requérant par un tribunal n‟assurant pas les garanties fondamentales de procédure
et de protection de la défense ». On fait référence également ici à la convention européenne
et la plupart de conventions bilatérales. Cela représente un exemple intéressant des
approches hétérogènes des Etats quant à leurs intérêts fondamentaux.
Un dernier exemple est l‟exception relative aux critères d‟ordre public. On retrouve
ce fondement pour refuser la coopération internationale par exemple au sein de la
convention pénale du Conseil de l‟Europe. En effet, à l‟article 26 (2), la convention pénale
précise que l‟entraide au sens de l‟article 26 (1) « peut être refusée si la Partie requise
considère que le fait d‟accéder à la demande serait de nature à porter atteinte à ses
intérêts fondamentaux, à la souveraineté nationale, à la sécurité nationale ou à l‟ordre
public »998. Un refus d‟entraide pour raisons de la sécurité nationale est un sujet d‟actualité.
On peut faire référence ici à l‟affaire « Al Yamamah »999. Il s‟agit d‟un contrat d‟armement
extrêmement lucratif qui liait la société d‟armements britannique BAE Systems à l‟Arabie
Saoudite. Malgré les divulgations de corruption, les poursuites de cette affaire – au moins
en ce qui concerne les autorités britanniques - ont été arrêtées pour des raisons de sécurité
nationale.
A - Modalités de coopération
L‟IACAC comprend les dispositions obligatoires qui ont pour but la coopération et
l‟assistance d‟autres Etats parties dans les poursuites relatives à la corruption nationale et à
l‟étranger. Certaines dispositions témoignent d‟une approche générale, par exemple ;
l‟article 14 prévoit que les parties doivent encourager «les échanges d'expériences dans le
cadre d'accords et de rencontres entre les institutions et les organes compétents »1000.
D‟autres articles, tels que les provisions sur l‟extradition, sont spécifiques et très
importantes à la mise en œuvre efficace.
L‟IACAC dispose que les Etats parties coopèrent entre elles pour s‟assurer de la
mise en œuvre des mesures anticorruption de chaque Etat partie. En ce sens, les parties
coopèrent entre elles en s‟accordant l'assistance mutuelle la plus étendue, conformément à
leurs lois et aux traités applicables pour toutes requêtes émanant des autorités qui, selon
leur droit interne, sont habilitées à enquêter ou engager des poursuites sur les actes de
Les Etats-Unis – Etat partie à l‟IACAC - sont notamment parties à plusieurs traités
bilatéraux relatifs à l‟assistance mutuelle dans le domaine pénal, plusieurs de ces traités
sont signés avec les pays de l‟OEA qui ont également signé l‟IACAC 1002.
L‟article 9 (1) vise également les poursuites à l‟encontre des personnes morales. On
rappelle que la convention de l‟OCDE n‟impose pas d‟obligation à l‟égard de la
responsabilité purement pénale des personnes morales 1011. Selon le droit interne de l‟Etat
partie en question, les sanctions à l‟égard de la personne morale peuvent être pénales,
administratives ou civiles mais doivent être « efficaces, proportionnées et dissuasives. » La
convention de l‟OCDE et la convention pénale du Conseil de l‟Europe prévoient des
Comme on le verra plus loin 1015, la convention de l‟OCDE ne prévoit pas l‟échange
d‟informations dites « spontanées », c‟est-à-dire un échange d‟information qui ne nécessite
pas la formulation d‟une demande préalable aux fins de transmission d‟information
pouvant aider la Partie destinataire à réaliser une enquête ou à engager des poursuites
concernant des infractions pénales pertinentes. Plusieurs d‟autres textes prévoient des
1012 Article 3 (2) de la convention de l‘OCDE et article 19 (2) de la convention pénale du Conseil de
l‘Europe.
1013 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 427 : dans l‘hypothèse où la responsabilité
pénale des personnes morales n‘est pas prévu par l‘Etat partie, il existe néanmoins plusieurs
possibilités d‘entraide, voir à ce sujet ibid., p. 428.
1014 Voir ici les commentaires officiels de la convention de l‘OCDE § 31 :
http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
1015 Cf., infra, ce chapitre, section 2.
261
dispositions affairant à cette question 1016.
L‟article 43 (1) précise que les Etats parties coopèrent en matière pénale,
conformément aux articles 44 à 50 de la CNUCC, lorsqu‟il y a lieu et conformément à leur
1027 http://conventions.coe.nt/treaty/fr/Treaties/Html/173.htm.
1028 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 124.
1029 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 124.
1030 Cf., infra, chapitre 6.
265
système juridique interne les États Parties envisagent de se prêter mutuellement assistance
dans les enquêtes et les procédures concernant des affaires civiles et administratives
relatives à la corruption.
L‟article 46 qui a trait à l‟entraide judiciaire, comprend pas moins de trente articles.
On constate alors la volonté onusienne de préciser toutes les possibilités en termes
d‟entraide judiciaire dans la lutte contre la corruption.
L‟article 46 (1) pose le principe, d‟une manière semblable aux autres textes
internationaux, que les États Parties doivent s‟accorder mutuellement l‟entraide judiciaire
la plus large possible lors des enquêtes, poursuites et procédures judiciaires concernant les
infractions visées par la CNUCC. Les provisions de l‟article 46 notamment sont très
détailles.
La CNUCC dispose que chaque fois que le principe de la double incrimination est
considérée comme une condition, elle est « réputée remplie, que la législation de l‟État
Partie requis qualifie ou désigne ou non l‟infraction de la même manière que l‟État Partie
requérant, si l‟acte constituant l‟infraction pour laquelle l‟assistance est demandée est une
infraction pénale en vertu de la législation des deux États Parties »1031. Cela correspond à
l‟approche de l‟OCDE consacrée à l‟article 9 (2) de la convention.
L‟article 46 (3) énumère les fins selon lesquelles l‟entraide judiciaire peut être
demandée1032.
Comme on l‟a constaté lorsque nous avons comparés des dérogations à caractère
L‟article 46 (14) concerne la forme des demandes d‟entraide. Il précise que les
demandes d‟entraide doivent être adressées par écrit ou, si possible, par tout autre moyen
pouvant produire un document écrit, dans une langue acceptable pour l‟État Partie requis,
dans des conditions permettant audit État Partie d‟en établir l‟authenticité. L‟article 46 (15)
concerne le contenu de ces demandes, c‟est-à-dire les informations qu‟elles
comprennent 1033.
Le texte des Nations unies prévoit la possibilité pour l‟Etat requis de demander « un
complément d‟information lorsque cela apparaît nécessaire pour exécuter la demande
conformément à son droit interne ou lorsque cela peut en faciliter l‟exécution »1034.
1033 « a) La désignation de l‟autorité dont émane la demande; b) L‟objet et la nature de l‟enquête, des poursuites ou de la
procédure judiciaire auxquelles se rapporte la demande, ainsi que le nom et les fonctions de l‟autorité qui en est
chargée; c) Un résumé des faits pertinents, sauf pour les demandes adressées aux fins de la signification d‟actes
judiciaires; d) Une description de l‟assistance requise et le détail de toute procédure particulière que l‟État Partie
requérant souhaite voir appliquée ;e) Si possible, l‟identité, l‟adresse et la nationalité de toute personne visée; et f) Le
but dans lequel le témoignage, les informations ou les mesures sont demandés ».
1034 Article 46 (16).
1035 Article 46 (17).
267
L‟article 46 (18) concerne les possibilités de faire entendre des témoins par
vidéoconférence. L‟article 46 (19) prévoit les modalités d‟usage par l‟Etat requérant des
éléments de preuve fournis par l‟Etat requis. Il est envisageable que l‟Etat partie requérant
puisse exiger de l‟Etat partie requis de garder le secret sur la demande et sa teneur 1036.
L‟article 46 (28) fournit des précisions quant aux frais encourus lors de la demande.
Ces frais sont en principe à la charge de l‟Etat requis, sauf en cas de dépenses importantes
ou extraordinaires où il peut être question d‟une consultation en vue de fixer un accord sur
les frais.
La dernière disposition de l‟article 46 1037 prévoit la possibilité pour les Etats parties
de conclure des accords ou des arrangements bilatéraux ou multilatéraux qui servent les
objectifs de l‟article 46, mettent en pratique ses dispositions ou les renforcent.
1036 Article 46 (20) : « sauf dans la mesure nécessaire pour l‘exécuter. Si l‘État Partie requis ne peut
satisfaire à cette exigence, il en informe sans délai l‘État Partie requérant ».
1037 L‘article 46 (30).
268
coordonner leurs actions ». Cela représente potentiellement une disposition très utile1038.
1038 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of
anticorruption standards », op.cit., p. 15.
1039 Par le biais notamment des accords ou des arrangements bilatéraux ou multilatéraux en vertu
desquels, pour les affaires qui font l‘objet d‘enquêtes, de poursuites ou de procédures judiciaires
dans un ou plusieurs États, les autorités compétentes concernées peuvent établir des instances
d‘enquête conjointes.
1040 Par exemple la surveillance électronique ou d‘autres formes de surveillance et les opérations
d‘infiltration et pour que les preuves recueillies au moyen de ces techniques soient admissibles
devant ses tribunaux.
1041 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption: the globalisation of
anticorruption standards », op.cit., p. 19.
1042 Ibid., p. 19.
1043 On note cependant que la Recommandation révisée de l‘OCDE consacre une disposition à cette
question (section VII (i)).
269
préalable aux fins de transmission d‟information pouvant aider la Partie destinataire à
réaliser une enquête ou à engager des poursuites concernant des infractions pénales
pertinentes. Cependant, la convention pénale du Conseil de l‟Europe et la CNUCC
consacrent des dispositions à cette question.
Chaque Etat partie est invité à fournir au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe
des détails pertinents concernant la ou les autorité(s) centrale(s) désignée(s) en vertu de
l‟article 29 (1). Dans le respect de l‟article 40, le Secrétaire Général mettra ces
informations à la disposition des autres Parties contractantes.
L‟article 46 (13) de la CNUCC prévoit que « chaque Etat partie désigne une
autorité centrale qui a la responsabilité et le pouvoir de recevoir les demandes d‟entraide
judiciaire et, soit de les exécuter, soit de les transmettre aux autorités compétentes pour
exécution ». Cette disposition est analogue aux dispositions pertinentes de la convention
pénale du Conseil de l‟Europe. La seule différence concerne « la transmission directe entre
autorités judiciaires de l‟État requis et de l‟État requérant qui n‟est pas prévue, y compris
lorsque l‟exécution de la demande d‟entraide ne nécessite pas de mesures coercitives et le
D - Correspondance directe
Puisque la communication directe entre autorités judiciaires peut créer des retards
et obstacles relatifs à la mise en œuvre de la coopération requise, la convention pénale
prévoit la possibilité pour un Etat partie d‟informer les autres Etats parties, par le biais du
Secrétaire Général du Conseil de l‟Europe, que, dans l‟optique d‟efficacité, les
communications directes doivent être adressées à l‟autorité centrale.
L‟article 46 (21) de la CNUCC dispose que l‟entraide judiciaire peut être refusée si
la demande n‟est pas faite conformément aux dispositions de l‟article 46, si l‟État Partie à
la CNUCC requis estime que l‟exécution de la demande est susceptible de porter atteinte à
sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public ou à d‟autres intérêts essentiels; au cas où
le droit interne de l‟État Partie requis interdirait à ses autorités de prendre les mesures
demandées s‟il s‟agissait d‟une infraction analogue ayant fait l‟objet d‟une enquête, de
poursuites ou d‟une procédure judiciaire dans le cadre de sa propre compétence; au cas où
il serait contraire au système juridique de l‟État Partie requis concernant l‟entraide
judiciaire d‟accepter la demande. On constate alors les hypothèses nombreuses de refus.
Cela peut bien évidemment constituer un obstacle très important à l‟efficacité de la lutte
contre la corruption.
La CNUCC dispose que, sous certaines conditions, les Etats parties peuvent
invoquer l‟absence de double incrimination pour refuser de fournir une aide en application
de l‟article 461060. Cependant, l‟article 46 (9) (b) précise que l‟Etat partie requis, « lorsque
cela est compatible avec les concepts fondamentaux de son système juridique, accorde
l‟aide demandée si elle n‟implique pas de mesures coercitives ». Si la demande porte sur
des « questions mineures »1061 ou des questions pour lesquelles la coopération ou l‟aide
demandée peut être obtenue sur le fondement d‟autres dispositions de la CNUCC, alors
cette aide peut être refusée. Le texte de la CNUCC ne précise pas ce qu‟il faut entendre par
la notion de « questions mineures ».
La corruption qui est devenue un phénomène qui traverse les frontières, appelle une
réponse internationale. Cela ne peut pas se réaliser sans une coopération judiciaire
interétatique efficace. On remarque, surtout au sein des textes du Conseil de l‟Europe et
des Nations unies, de nombreuses dispositions ayant trait à la coopération internationale.
Malgré ces dispositions très approfondies, il reste à connaître l‟efficacité réelle de ces
dernières, au-delà de la portée purement déclaratoire. De plus, certains motifs de refus
d‟entraide soulèvent des interrogations quant à la réelle volonté des Etats de coopérer sur
chaque aspect de la lutte contre la corruption. Ce sont autant de doutes quant à l‟efficacité
du dispositif juridique international.
277
CHAPITRE 6
279
SECTION 1
L‟extradition est un « mécanisme juridique par lequel un Etat (Etat requis) livre
une personne qui se trouve sur son territoire à un autre Etat (Etat requérant) qui la
280
réclame aux fins de poursuites ou d‟exécution de peine »1062. La notion d‟extradition n‟est
pas souvent définie par le droit positif1063. L‟extradition est pourtant un mécanisme
juridique d‟entraide très ancien. En effet, on trouve la trace des cas d‟extradition à Karnac,
dans l‟Egypte antique « où l‟on a découvert gravé sur un mur le traité de paix de Kadesh
conclu en 1269 avant J.C. entre Ramsès II, Pharaon, et Hattousil III, Prince des Hitties,
dans lequel figure ce qui fut, peut être, la première clause d‟extradition »1064. L‟extradition
nous intéresse tout particulièrement car elle démontre très clairement la façon dont les
Etats mettent en œuvre les procédures de coopération « pour pallier les inconvénients
résultant de l‟exclusivité de la compétence territoriale sans y porter atteinte»1065. En effet,
« il s‟agit d‟un instrument très efficace de collaboration répressive internationale au point
que l‟on parle [parfois] d‟entraide « majeure »1066.
En matière d‟extradition, il est question d‟une collaboration entre deux Etats. Cette
collaboration a lieu au niveau gouvernemental. Elle est, historiquement « entourée de
garanties procédurales destinées à protéger l‟individu, à respecter l‟ordre public de l‟Etat
requis et à éviter des ingérences dans les affaires intérieures des autres Etats »1067. La
requête d‟extradition et sa réponse, sont des actes diplomatiques interétatiques. En ce sens,
En droit interne, la plupart des Etats ont adopté une loi régissant l‟extradition et
protégeant les droits des individus susceptibles d‟être extradés1075. Cependant, « ces lois ne
sauraient toutefois entrer en contradiction avec les règles internationales en la matière,
1068 M. POUTIERS, op.cit., p. 934 ; voir ibid. : « Ce n‟est qu‟après que la demande d‟extradition a été reçue par le
gouvernement de l‟Etat requis que ce dernier la transmet à ses juridictions nationales compétentes qui se prononcent
alors sur la validité de la demande ».
1069 P. DAILLIER et al., op.cit, p. 570 ; les auteurs soulignent que par la résolution 45/116 du
14 décembre 1990, l‘Assemblée générale des Nations Unies a adopté un « traité-type d‟extradition »
dont les Etats sont invités à s‘inspirer.
1070 http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/024.htm.
1071 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 116 ; voir ibid. : Ce régime est « conditionné par le fait que les
infractions motivant la demande d‟extradition formulée par un Etat parie à l‟égard d‟un autre soit punies par les
lois des deux Etats d‟une peine privative de liberté ou d‟une mesure de sûreté d‟au moins un an, condition que la
France a pour sa part élevée à deux ans, afin d‟en réserver l‟application aux cas d‟une suffisante gravité. En
revanche est demandée pour l‟exécution d‟un jugement, il suffit que le maximum de la peine encourue soit d‟au moins
un an et que la sanction prononcée soit d‟une durée minimale de quatre ans ».
1072 http://conventions.coe.int/treaty/fr/treaties/html/090.htm.
1073 http://www.oas.org/juridico/english/sigs/b-47.html.
1074 http://treaties.un.org/doc/db/Terrorism/Conv2-french.pdf.
1075 Voir à ce sujet : P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 116 : en effet, il peut relever du droit
interne, « comme, en France, la loi du 10 mars 1927 dont l‟interprétation et l‟application ont d‟ailleurs connu une
importante évolution dans la jurisprudence des juridictions administratives et judiciaires ».
282
qui s‟imposent à chacun des Etats »1076.
A cette notion d‟extradition dite « classique » ont été ajoutées des procédures
équivalentes plus souples, dénommées « procédures de remise »1077. On fait référence ici à
la remise d‟une personne à la Cour pénale internationale 1078 et surtout la remise d‟une
personne à un Etat membre au sein de l‟Union européenne, l‟Etat « d‟émission », par un
autre Etat membre de la même Union, l‟Etat « d‟exécution ». Dans la section 2, on étudiera
la décision cadre1079 adopté par le Conseil le 13 juin 2002, c‟est-à-dire le mandat d‟arrêt
européen.
Dans la mesure où nous avons déjà procédé à une analyse de certains principes de
la mise en œuvre de la coopération judiciaire interétatique - principes souvent eux-mêmes
issus du mécanisme juridique de l‟extradition - on n‟approfondira pas ici cette question. 1080
Il convient néanmoins de rappeler certains points que l‟on peut considérer comme
prioritaires en matière d‟extradition. Par le biais des dispositions conventionnelles que l‟on
vient d‟évoquer ci-dessus, « les Etats parties s‟engagent chaque fois qu‟ils en sont requis à
livrer la personne en cause, sous réserve de conditions tenant à la situation de l‟individu et
à la nature de l‟infraction »1081. On analysera ainsi les questions relatives à la situation de
l‟individu (i), la nature de l‟infraction (ii) et les questions de procédures pertinentes (iii).
1 - La situation de l’individu
2 - La nature de l’infraction
Troisièmement, une demande d‟extradition peut être refusée par l‟Etat requis si ce
dernier poursuit lui-même les faits visés. Il s‟agit notamment du principe aut dedere aut
En dernier lieu, certains délits font l‟objet d‟un refus d‟extrader. On souligne
notamment l‟hypothèse des infractions politiques. Par le passé, le mécanisme d‟extradition
« fut élaboré pour pouvoir poursuivre les ennemis politiques réfugiés à l‟étranger »1092.
Cette situation a nettement évolué car le droit international reconnaît que l‟extradition, en
principe, « ne sera accordée que si le délit invoqué par l‟Etat invoqué par l‟Etat requérant
n‟est pas politique [et] si la demande n‟a pas été faite dans un but politique »1093. Cette
interdiction n‟est pas cependant absolue.
1096 M. POUTIERS, op.cit., p. 940 ; voir ibid., p. 939 « la protection des droits fondamentaux concerne les
situations dans lesquelles la personne pour laquelle une mesure d‟extradition est envisagée risquerait une violation
grave de ses droits, comme d‟être torturé ou de subir un traitement inhumain ou dégradant. » Selon le même
auteur « alors que la convention européenne des droits de l‟homme ne régit pas expressément l‟extradition, la Cour
européenne a élaboré une jurisprudence en la matière, par ricochet (C.E.D.H., arrêt Soering, 7 juillet 1989, Série
A n° 161) pour faire bénéficier les individus faisant l‟objet d‟une procédure d‟extradition de l‟interdiction absolue
contenue en l‟article 3 de la convention ».
1097 A. HUET, R. KOERING-JOULON, op.cit., p. 414.
1098 Cf., supra, chapitre 5.
1099 A. HUET, R. KOERING-JOULON, op.cit., p. 414.
287
mêmes faits. Il s‟agit du principe connu selon son adage latin non bis in idem.
Deuxièmement, il peut être question du respect des droits de la défense1100. Compte tenu de
certains aspects très spécifiques à la procédure pénale proprement dite on n‟abordera pas
ici les questions touchant à la prescription de l‟action publique, l‟amnistie avant jugement,
le classement sans suite ou cessation des poursuites dans l‟Etat requis ou d‟exécution, les
poursuites en cours dans l‟Etat requis ou d‟exécution pour les mêmes faits et le défaut de
plainte ou d‟avis officiel.
Selon le droit international, l‟Etat n‟est pas obligé – hormis le cas d‟une disposition
conventionnelle expresse – d‟extrader ses ressortissants. Plusieurs conventions prévoient
en leur sein le principe « aut dedere aut judicare ». La traduction de l‟adage de locution
latine serait « ou bien livrer, ou bien juger ». Il s‟agit de l‟ «obligation imposée à l‟Etat sur
le territoire duquel se trouve l‟auteur présumé d‟un crime de l‟extrader (aut dedere) ou de
le juger (aut judicare). Destinée à éviter l‟impunité, elle constitue une partie essentielle du
système de compétence et de coopération étatiques en matière pénale »1101.
Tous les textes internationaux de lutte contre la corruption ont trait à la question de
L‟IACAC prévoit les dispositions relatives à l‟extradition à l‟article 13. Cet article
s'applique aux infractions auxquelles les Etats parties ont conféré ce caractère
conformément à l‟IACAC. Chacune des infractions auxquelles s'applique l‟article 13 est
d'emblée incluse dans tout traité d'extradition en vigueur entre les Etats parties en tant
qu'infraction pour laquelle l'auteur peut être extradé. Les Etats parties s'engagent à inclure
dans tout traité d'extradition qu'elles concluront entre elles ces infractions pour lesquelles
l'auteur peut être extradé 1106. Si un Etat partie qui subordonne l'extradition à l'existence
d'un traité reçoit une demande d'extradition d'un Etat partie avec laquelle il n'a pas conclu
pareil traité, il peut considérer l‟IACAC comme base légale de l‟extradition pour toutes les
infractions auxquelles s‟applique l‟IACAC 1107.
Les Etats parties qui ne subordonnent pas l‟extradition à l‟existence d‟un traité
reconnaissent aux infractions auxquelles s‟applique l‟article 13 le caractère d‟infraction
pour lesquelles l‟auteur peut être extradé d‟un Etat partie à l‟autre 1108. Cela constitue le
1106 Article 13 (2) ; voir en ce sens L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against
Corruption : A Comparison with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 253 :
La convention peut servir de Traité sur l‘extradition de nature self-executing parmi les Etats parties
qui n‘ont pas conclu de traité sur l‘extradition entre elles, ou pour lesquelles l‘extradition n‘est pas
sous condition de l‘existence d‘un de ces traités.
1107 Article 13 (3).
1108 Article 13 (4).
290
seul engagement de soft law1109 de l‟IACAC dans ces dispositions relatives à l‟extradition.
Selon cette hypothèse, les Etats parties peuvent, même si ce n‟est pas une condition,
considérer l‟IACAC elle-même comme un traité d‟extradition relatif aux infractions visées
par la convention1110.
1109 Voir à ce titre J. SALMON, op.cit., p. 1039 : « Expression anglaise, employée parfois comme telle par certains
auteurs francophones et par laquelle ils entendent désigner des règles dont la valeur normative serait limitée soit parce
que les instruments qui les contiennent ne seraient pas juridiquement obligatoires, soit parce que les dispositions en
cause, bien que figurant dans un instrument contraignant, ne créeraient pas d‟obligations de droit positif, ou ne
créeraient que des obligations peu contraignantes. […] Considérée comme processus à finalité normative, une règle de
soft law serait cependant susceptible, pour les défenseurs de cette expression, d‟aboutir par l‟accumulation convergente
des prétentions normatives, à la constitution d‟une norme nouvelle ayant un caractère juridiquement obligatoire ».
1110 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 286.
1111 2002/584/GAI, JO L 190 du 18 juillet 2002 ; http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32002F0584:fr:NOT.
291
personne recherchée. Deuxièmement, l‟examen de cette demande est « exclusivement
l‟œuvre de l‟autorité judiciaire est c‟est à elle seule, et non plus à un gouvernement, qu‟il
appartient de décider si la personne réclamée doit ou non être remise à l‟autorité
judiciaire de l‟Etat membre d‟émission »1112. Ce mandat d‟arrêt européen « se caractérise
par la remise de la personne faite par l‟État d‟exécution à l‟État d‟émission et se substitue
à la procédure classique de l‟extradition qui comprend une phase politique et
administrative et une phase judiciaire »1113.
Quant à la convention de l‟OCDE, selon son article 10, la corruption d‟un agent
public étranger est réputée constituer une infraction pouvant donner lieu à extradition en
vertu du droit des Etats parties et des conventions d‟extradition entre celles-ci. Dans
l‟hypothèse où un Etat partie qui subordonne l‟extradition à l‟existence d‟une convention
d‟extradition reçoit une demande d‟extradition de la part d‟un autre Etat partie avec
laquelle elle n‟a pas de convention d‟extradition, cet Etat partie peut considérer la
convention de l‟OCDE comme base juridique pour l‟extradition en ce qui concerne
l‟infraction1114 de corruption d‟un agent public étranger. Sur ce point, les commentaires
officiels de la convention de l‟OCDE apportent des précisions. Selon ces commentaires, un
pays qui exige une convention d‟extradition pour extrader ses ressortissants, mais pas pour
extrader des étrangers, peut considérer la convention de l‟OCDE comme base pour
l‟extradition de ses ressortissants1115. Dans certains pays – et l‟on pense notamment aux
Etats-Unis – l‟extradition n‟aura lieu que dans la présence d‟une convention
d‟extradition1116 L‟article 10 (2) de la convention de l‟OCDE est alors particulièrement
utile.
L‟article 27 (2) dispose clairement que la convention pénale peut servir de base
légale à l‟extradition pour les Etats parties qui subordonnent l'extradition à l'existence d'un
traité. En ce sens, un Etat partie à la convention pénale qui n'accorderait pas l'extradition
« soit parce qu'elle n'a pas de traité d'extradition avec la Partie requérante soit parce que
les traités en vigueur ne s'appliqueraient pas à une demande formulée pour une infraction
de corruption établie en vertu de la présente convention, peut considérer la convention
elle-même comme fondement permettant de remettre la personne demandée »1119.
Reconnaissant, cependant, que certains pays - tels que les Etats-Unis - exigent
l‟existence d‟un traité d‟extradition avec tout pays vers lequel ils procèdent à une
extradition, pour assurer un niveau de cohérence avec le système juridique de ce pays, la
CNUCC encourage les Etats qui n‟acceptent pas la convention en tant que base pour
l‟extradition à chercher à conclure de tels traités avec les autres pays de la CNUCC en vue
d‟une mise en œuvre efficace de cet article 1120.
1120 Article 44(6) (b) ; voir L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the
globalisation of anticorruption standards », op.cit., p. 18 : « Article 44 (6)(b) : Un État Partie qui
subordonne l‟extradition à l‟existence d‟un traité: a) Au moment du dépôt de son instrument de ratification,
d‟acceptation, d‟approbation ou d‟adhésion à la présente convention, indique au Secrétaire général de l‟Organisation
des Nations Unies s‟il considère la présente convention comme la base légale pour coopérer en matière d‟extradition
avec d‟autres États Parties; et b) S‟il ne considère pas la présente convention comme la base légale pour coopérer en
matière d‟extradition, s‟efforce, s‟il y a lieu, de conclure des traités d‟extradition avec d‟autres États Parties afin
d‟appliquer le présent article ».
294
l'extradition1121. Cette disposition laisse penser que le principe de la double incrimination
pourrait constituer un motif de refus valable dans la mesure où il est une condition du droit
de l‟Etat partie requis.
L‟IACAC – comme les autres textes - reste silencieuse sur la question importante
désignée par certains juristes anglo-saxons comme le double jeopardy. On fait référence ici
au principe selon lequel les personnes ne devraient pas être poursuivies deux fois pour les
mêmes actes ou infractions, principe qui est fermement ancrée dans le common law et les
droits continentaux, où ce principe est connu selon l‟adage latin non bis in idem1122. Dans
le contexte de la corruption internationale, un consensus multilatéral sur cette question
pourrait faciliter une application et mis en œuvre uniforme de l‟IACAC et les autres textes
pertinents.
1121 Article 13 (5) ; voir également, L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against
Corruption : A Comparison with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 288 -
289 : le droit américain octroie aux branches exécutive et judiciaires du gouvernement l‘autorité
d‘extrader seulement si le pays requêtant et les Etats-Unis ont un accord préalable en forme de
traité contraignant.
1122 Voir ci-dessus ce chapitre section 1 ; L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against
Corruption : A Comparison with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., pp. 288
– 289.
295
de l‟Union européenne, l‟Etat membre qui n‟extrade pas ses ressortissants 1123 doit prendre
les mesures nécessaires pour établir sa compétence 1124 sur les infractions définies et punies
au sens des articles 2, 3 et 4 de la convention lorsqu'elles sont commises par ses propres
ressortissants dans un autre État membre 1125. Dans l‟hypothèse où un acte de corruption a
été commis sur le territoire d'un État membre par un ressortissant d'un autre État membre
qui ne peut pas être extradé uniquement parce que ce dernier État membre n'extrade pas ses
ressortissants, l'article 8 impose à l'État requis de soumettre le cas à ses autorités judiciaires
pour qu'elles entament des poursuites. Il est alors question du principe aut dedere aut
judicare1126. Cette disposition n'est cependant pas censée porter atteinte aux règles
nationales de procédure pénale. Pour l‟application de ce principe, les rapports explicatifs
précisent que « l'État membre requérant s'engage à adresser les dossiers, informations et
objets relatifs à l'infraction à l'État membre qui doit poursuivre son ressortissant. L'État
membre requérant sera tenu au courant des poursuites et de leur résultat »1127.
1123 Le terme de «ressortissant» doit être interprété à la lumière des déclarations faites à l'article 6 (1) (b)
de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 par les Etats parties à cette
convention.
1124 Sur les questions relatives à la compétence des juridictions nationales voir ci-dessus chapitre 4.
1125 Voir en ce sens : H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S. Government‘s
Campaign Against International Bribery », op.cit., pp. 516 – 517.
1126 Article 8 (2).
1127 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre 1998, § 8.2.
1128 JO C 316 du 27 novembre1995.
296
d‟extradition »1129. L‟objectif de cette décision est d‟établir un régime simplifié afin de
pouvoir soumettre plus aisément la personne appréhendée à une action pénale comme à
l‟exécution de la peine prononcée à son égard. Une liste de trente deux infractions a été
dressée. Il est question notamment de le terrorisme, la traite des êtres humains,
l‟exploitation sexuelle des enfants, le trafic illicite d‟armes, de munitions, d‟explosifs,
l‟homicide, le viol ou tous crimes et délits contre l‟humanité, la corruption, la fraude, le
blanchiment des produits du crime et l‟émission de fausse monnaie. On note qu‟il n‟y a pas
d‟obligation relative à la double incrimination. Dans un premier temps, le projet de
décision cadre sur le mandat d‟arrêt européen rédigé par la Commission européenne
laissait croire à un remplacement des traités d‟extradition existants par le mandat d‟arrêt
européen. Cependant, le Conseil a décidé que la décision cadre remplacera les dispositions
pertinentes de certaines conventions. Il est question alors du remplacement d‟une
procédure par une autre1130.
1129 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32002F0584:fr:NOT.
1130 Voir à ce sujet : R. A. CANO, op.cit., p 539 : « Le nouveau régime du mandat d‟arrêt européen se substitue à
celui de l‟extradition. De plus, il faut noter aussi que les États membres sont aussi liés par des conventions relatives à
l‟entraide judiciaire en matière pénale et celles relatives à la reconnaissance mutuelle des décisions de justice, la convention
européenne du 28 mai 1970 sur la valeur internationale des jugements répressifs étrangers, la convention de Bruxelles du
13 novembre 1991 sur l‟exécution des condamnations pénales étrangères dans le cadre de l‟Union européenne. Ces
conventions ont une portée géographique variée ».
1131 Article 10 (3).
297
subordonne l‟extradition à l‟existence d‟une double incrimination, cette condition est
réputée remplie lorsque l‟infraction pour laquelle l‟extradition est demandée relève de
l‟article 1 de la convention1132.
Le texte des Nations unies consacre le principe «aut dedere aut judicare» à l‟article
Les fondements pour refuser l‟extradition selon les dispositions de la CNUCC sont
limités. Cependant, l‟article 44 (15) dispose qu‟aucune disposition de la CNUCC ne
constituent une obligation pour l‟Etat partie d‟extrader « s‟il a de sérieuses raisons de
penser que la demande a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne en
raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son origine ethnique ou
de ses opinions politiques, ou que donner suite à cette demande causerait un préjudice à
cette personne pour l‟une quelconque de ces raisons ». Tout fondement présent en droit
national ou au sein d‟un traité d‟extradition pertinente, peut être invoqué : l‟extradition est
subordonnée aux conditions prévues par le droit interne de l‟État Partie requis ou par les
traités d‟extradition applicables, y compris, notamment, aux conditions concernant la peine
minimale requise pour extrader et aux motifs pour lesquels l‟État Partie requis peut refuser
l‟extradition1137.
On note cependant que les États Parties à la CNUCC ne peuvent refuser une
demande d‟extradition au seul motif que l‟infraction est considérée comme touchant aussi
à des questions fiscales1138. On verra également que le secret bancaire n‟est pas un motif
valable de refus d‟extradition.
1136 « Un État Partie sur le territoire duquel se trouve l‟auteur présumé d‟une infraction, s‟il n‟extrade pas cette personne
au titre d‟une infraction à laquelle s‟applique le présent article au seul motif qu‟elle est l‟un de ses ressortissants, est
tenu, à la demande de l‟État Partie requérant l‟extradition, de soumettre l‟affaire sans retard excessif à ses autorités
compétentes aux fins de poursuites. Lesdites autorités prennent leur décision et mènent les poursuites de la même
manière que pour toute autre infraction grave en vertu du droit interne de cet État Partie. Les États Parties
intéressés coopèrent entre eux, notamment en matière de procédure et de preuve, afin d‟assurer l‟efficacité des
poursuites ».
1137 Article 44 (8).
1138 Article 44 (16).
299
aient consacré en leurs seins le principe aut dedere aut judicare, ces textes ne semblent pas
aller assez loin. On souligne cependant les progrès relatif à la procédure d‟extradition
démontré par le mandat d‟arrêt européen. Comme on le verra en détail au sein du chapitre
8 de la présente recherche 1139, il est de notre avis que seule la reconnaissance de
l‟infraction la corruption de l‟agent public étranger en tant que crime international
punissable par le Statut de Rome pourrait fournir la dynamique nécessaire pour atteindre
un niveau de coopération internationale à la hauteur de l‟importance de ce phénomène.
SECTION 2
Selon l‟article 544 du Code civil français les prérogatives du propriétaire sont la
jouissance et la disposition « auxquelles il faut ajouter le droit de percevoir les fruits si
l‟on veut reprendre la trilogie romaniste classique : usus, fructus et abus. »1140 L‟usus, le
fructus et l‟abusus sont « l‟effet externe de la propriété, la réalisation externe du
droit »1141. On peut ici ajouter la précision qui est apportée par Emile Durkheim : « il ne
faut pas perdre de vue qu‟à elle seule, la jouissance ne caractérise pas la propriété ; c‟est
la jouissance exclusive ; c‟est l‟interdiction de jouissance de l‟objet considéré à tous les
autres sujets […] Le droit de propriété se définit beaucoup plus par un côté négatif que
par un contenu positif ; par les exclusives qu‟il implique que par les attributions qu‟il
confère »1142.
1140 L. GAVARRI, Le Bien Information : Possession, Appropriation, Exploitation, Université du Sud Toulon-
Var, 2008, p. 146 ; voir également, F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit civil, les biens, Dalloz, 6ème
édition, 2002, n° 121 et s, p. 116.
1141 Ibid., p. 157.
1142 E. DURKHEIM, Leçons de sociologie, physique des mœurs et du droit, Publications de l‘Université
d‘Istanbul, p. 171.
301
restitution n‟est pas une réparation en nature quand elle porte sur des objets placés sous
main de justice, elle ne joue ce rôle que lorsqu‟elle permet de condamner le responsable
de l‟acte de dépossession à rendre à la victime le bien qu‟il lui avait injustement
dérobé»1143. Cette restitution peut relever d‟une démarche spontanée de l‟auteur de
l‟infraction comme de la voie judiciaire et des conditions de sa mise en œuvre.
1143 D. AUGER, Droit de propriété et droit pénal, Presses Universitaires d‘Aix-Marseille Faculté de Droit et
de Science politique, p. 177.
1144 La Déclaration de Nairobi sur les obligations internationales et sur le recouvrement et le
rapatriement des richesses africaines illégalement obtenues et mise en banque ou investies a
l‘étranger
(http://www.transparency.org/news_room/latest_news/press_releases/2006/07_04_06_nairobi_
declaration) ; voir également, Nyanga Declaration on the Recovery and Repatriation of Africa‟s wealth :
http://www.ipocafrica.org/index.php?option=com_content&view=article&id=69&Itemid=68
1145 P. WEBB, op.cit., pp. 210 – 212.
302
B - Les textes internationaux de lutte contre la corruption en matière
de propriété : approche générale
Comme on le verra, l‟IACAC ne retient pas la même approche que celle adoptée
notamment par la convention de l‟OCDE et la convention pénale du Conseil de l‟Europe.
On verra que pour l‟OCDE et le Conseil de l‟Europe, la confiscation et la saisie des
produits du crime peuvent constituer les sanctions des infractions de corruption et des
1146 Le procureur général des États-Unis (United States Attorney General) est membre du Cabinet du
président des États-Unis. Il dirige le département de la Justice (DOJ) et est chargé du ministère
public près les juridictions fédérales, assiste et plaide pour l'État dans les actions administratives,
responsable de l'application des lois d'immigration et administre les prisons. Le procureur général
est nommé par le président des États-Unis après ratification par le Sénat.
1147 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 291.
1148 Ibid., p. 22.
1149 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 439 ; ces auteurs soulignent que dans le cas des
affaires Roldan et Abacha, la Suisse a restitué les avoirs à l‘Espagne et au Nigeria respectivement.
303
infractions liées à la corruption.
L‟article XV de l‟IACAC dispose que dans la mesure où cela est conforme à la leur
législation interne et aux traités applicables ou à d‟autres accords qui peuvent être en
vigueur entre elles « les Parties s'accordent l'assistance mutuelle la plus large pour
l'identification, le dépistage, le gel, la confiscation et la saisie des biens obtenus ou
découlant de la commission des actes auxquels ils ont conféré le caractère d'infraction »
conformément à l‟IACAC ou « des biens utilisés dans le cadre de la commission de ces
infractions, ou du produit de ces biens ». Les dispositions de l‟IACAC concernent
également le transfert de ces biens. En effet, l‟article XV (b) dispose que « dans la mesure
permise par ses lois, et dans les conditions jugées appropriées, cette Partie pourra
transférer la totalité ou une partie de ces biens à une autre Partie qui aurait apporté son
assistance à la conduite de l'enquête ou des procédures ayant mené à la saisie ».
L‟article 3 (3) de la convention de l‟OCDE prévoit que « chaque Partie prend les
mesures nécessaires pour assurer que l‟instrument et les produits de la corruption d‟un
agent public étranger ou des avoirs d‟une valeur équivalente à celle de ces produits
puissent faire l‟objet d‟une saisie et d‟une confiscation ou que des sanctions pécuniaires
d‟un effet comparable soient prévues ». La convention de l‟OCDE prévoit alors une
alternative à la confiscation des produits de la corruption d‟un agent public étranger. Elle
concerne le versement d‟une amende lorsqu‟il pourrait avoir un effet comparable. Les
commentaires officiels1151 de la convention de l‟OCDE précisent que l‟article 3 (3)
n‟empêche pas la fixation de limites appropriées pour les sanctions pécuniaires. On note
que la convention de l‟OCDE « tente de concilier l‟approche européenne et américaine, en
1150 Le Conseil de l‘Union européenne a adopté plusieurs décisions-cadre afin d‘harmoniser les
législations des États membres en matière de confiscation des instruments et des produits du crime
et du gel des avoirs et des éléments de preuve. voir en ce sens, la décision-cadre 2005/212/JAI du
Conseil relative à la confiscation des produits, des instruments, et des biens en rapport avec le
crime et la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative au gel des avoirs et des éléments de preuve.
Pour une analyse approfondie de ces textes, voir R. A. CANO, op.cit., pp. 377 – 399.
1151 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
304
effet, les États européens sont dotés de lois sur la confiscation alors que les Etats-Unis ont
opté pour le système des amendes »1152. Ces deux options sont cependant juridiquement
différentes. M. le Professeur Pieth précise que « la confiscation dépend de la provenance
des fonds, à savoir un acte criminel, tandis qu‟une amende est fonction de la culpabilité de
celui qui enfreint la loi. Alors qu‟en principe tout gain illicite doit être confisqué, l‟amende
est calibrée avec précision selon le degré de culpabilité »1153. Dans le cadre du principe de
l‟équivalence fonctionnelle1154 consacrée par la convention de l‟OCDE, les deux options
sont acceptables. La convention de l‟OCDE reste silencieuse sur l‟autorité habilitée à
prononcer la confiscation. Comme nous avons précisé, cette convention ne prévoit pas
comment disposer des biens confisqués. Cela constitue une lacune du texte.
L‟article 31 de la CNUCC exige des Etats parties de prendre, dans toute la mesure
possible dans le cadre de son système juridique interne, les mesures nécessaires pour
permettre la confiscation. Cette disposition est obligatoire. Elle s‟applique au produit du
crime provenant d‟infractions établies conformément à la CNUCC ou de biens dont la
306
valeur correspond à celle de ce produit 1157. Le champ d‟application de cette disposition
s‟étend à des biens, matériels ou autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour
les infractions établies conformément à la CNUCC.
L‟article 31 (2) dispose que chaque État Partie prend les mesures nécessaires pour
permettre l‟identification, la localisation, le gel ou la saisie de tout ce qui est mentionné à
l‟article 31 (1) aux fins de confiscation éventuelle. Cela constitue une obligation de résultat
et les Etats parties à la CNUCC disposent d‟une grande latitude quant aux moyens de
mettre cette disposition en œuvre.
Les États Parties à la CNUCC peuvent envisager d‟exiger que l‟auteur d‟une
infraction établisse l‟origine licite du produit présumé du crime ou d‟autres biens
confiscables, dans la mesure où cette exigence est conforme aux principes fondamentaux
de leur droit interne et à la nature des procédures judiciaires et autres 1163. Cependant, la
CNUCC prévoit que ces dispositions « ne doit en aucun cas porter atteinte aux droits des
tiers de bonne foi »1164. Bien qu‟un nombre de droits nationaux contiennent déjà des
dispositions similaires, ils ne sont en aucun cas universels. En ce sens, la transposition
importante de telles dispositions pourraient avoir un impact significatif sur l‟activé des
entreprises et les autorités chargées de la mise en œuvre1165.
L‟article 31 (10) constitue un renvoi au droit interne de chaque Etat partie pour la
définition et l‟exécution des mesures de confiscation, de gel, et de saisie.
En conclusion, on peut relever une volonté des rédacteurs des textes d‟établir « un
standard ou un principe »1166 dans le droit international de lutte contre la corruption en
matière des mesures de confiscation, de gel, et de saisie. L‟efficacité de ces mesures est
relative, il s‟agit avant tout d‟une volonté politique internationale de coopérer efficacement
à ce niveau.
L‟article 46 (8) de la CNUCC dispose que « les États Parties ne peuvent invoquer
le secret bancaire pour refuser l‟entraide judiciaire prévue au présent article ».
Le recouvrement des avoirs pose de nombreuses difficultés. Ces avoirs sont souvent
domiciliés au sein des pays développés. Le droit interne de ces pays développés en matière
du gel et de la confiscation de ces avoirs est souvent complexe et doté de procédures
rigoureuses. De nombreux pays en voie de développement – victimes de la fuite des avoirs
nationaux – connaissent des lacunes relatives à la capacité financière et à la technique et
l‟expertise juridiques nécessaires pour pouvoir enquêter et poursuivre en matière du
recouvrement des avoirs. En effet, les poursuites relatives au recouvrement des avoirs sont
très coûteuses car il peut être question par exemple d‟enquêter dans de nombreux pays, de
transférer des témoins ou encore de traduire des documents. Le chevauchement entre les
poursuites civiles et pénales peut aussi nuire au recouvrement des avoirs puisqu‟il peut être
question de procédures différentes. En dernier lieu, le recouvrement des avoirs peut poser
des difficultés internes au niveau politique. Ainsi, ceux qui portent soutient – au sein de
l‟Etat requérant - à l‟ancien régime corrupteur pourrait s‟opposer à ce genre de poursuites.
Au sein de l‟Etat requis, il peut être question des doutes quant à la légitimité du pouvoir
dans l‟Etat requérant et à la destination finale des avoirs que l‟Etat requérant souhaite
récupérer 1171. En ce sens, le recouvrement des avoirs issus de la corruption dépend
1172 I. CARR, « The United Nations convention on Corruption: Making a Real Difference to the
Quality of Life of Millions? », MJIEL, Vol 3 Issue 3 2006, p. 28.
1173 Article 51.
1174 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of
1176 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of
311
demande de coopération aux fins de confiscation. Il comprend ainsi des mesures visant à
faciliter la détection de transferts illicites de fonds et à renforcer la coopération
internationale en vue de leur restitution 1178.
1182 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of
1184 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of
1187 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption: the globalisation of
anticorruption standards », op.cit, p. 19.
1188 Ibid., p. 19.
313
autre État Partie1189. L‟article 54 (1) (b) consacre « le principe de la confiscation des biens
étrangers issus d‟une infraction de blanchiment ou d‟une autre infraction telle que la
corruption lorsque les juridictions pénales de l‟État ont à juger ces actes délictueux »1190.
La confiscation sera de nature pénale. Le libellé choisi par les rédacteurs de la CNUCC - «
par d‟autres procédures autorisées par son droit interne » paraît laisser une marge de
manœuvre importante aux États Parties dans le sens où la confiscation peut être prononcée
par des autorités administratives ou civiles à condition que ces types de procédures soient
autorisés par son droit interne. Les Etats parties doivent envisager de prendre les mesures
nécessaires pour permettre la confiscation de tels biens en l‟absence de condamnation
pénale lorsque l‟auteur de l‟infraction ne peut être poursuivi pour cause de décès, de fuite
ou d‟absence ou dans d‟autres cas appropriés1191.
L‟article 54 (2)1192 précise les mesures que doivent prendre les Etats parties,
conformément à son droit interne, afin de d‟accorder l‟entraide judiciaire qui lui est
demandée en application du paragraphe 2 de l‟article 55. L‟article 55 (2) dispose que dans
le cas d‟une demande faite par un autre Etat partie qui a compétence pour connaître d‟une
infraction prévue par la CNUCC « l‟État Partie requis prend des mesures pour identifier,
localiser et geler ou saisir le produit du crime, les biens, les matériels ou les autres
instruments visés au paragraphe 1 de l‟article 31 de la présente convention, en vue d‟une
confiscation ultérieure à ordonner soit par l‟État Partie requérant soit, comme suite à une
demande formulée en vertu du paragraphe 1 du présent article, par l‟État Partie requis ».
Si la demande concerne l‟article 55 (1) (b), elle doit contenir une copie légalement
admissible de la décision de confiscation émanant de l‟État Partie requérant sur laquelle la
demande est fondée, un exposé des faits et des informations indiquant dans quelles limites
il est demandé d‟exécuter la décision, une déclaration spécifiant les mesures prises par
l‟État Partie requérant pour aviser comme il convient les tiers de bonne foi et garantir une
procédure régulière, et une déclaration selon laquelle la décision de confiscation est
définitive1193.
Lorsque la demande concerne l‟article 55 (2) - relatif aux mesures de gel, de saisie
en vue d‟une confiscation ultérieure - elle doit contenir un exposé des faits sur lesquels se
fonde l‟État Partie requérant et une description des mesures demandées ainsi que,
lorsqu‟elle est disponible, une copie légalement admissible de la décision sur laquelle la
demande est fondée1194.
L‟article 56 de la CNUCC prévoit que sans préjudice de son droit interne, chaque
État Partie doit s‟efforcer de prendre des mesures lui permettant, sans préjudice de ses
propres enquêtes, poursuites ou procédures judiciaires, de communiquer, sans demande
préalable, à un autre État Partie des informations sur le produit d‟infractions établies
conformément à la CNUCC lorsqu‟il considère que la divulgation de ces informations
pourrait aider ledit État Partie à engager ou mener une enquête, des poursuites ou une
procédure judiciaire ou pourrait déboucher sur la présentation par cet État Partie d‟une
demande en vertu du présent chapitre de la convention.
1195 Article 55 (4) ; voir également Article 55 (5) de la CNUCC qui dispose que « chaque État Partie remet
au Secrétaire général de l‟Organisation des Nations Unies une copie de ses lois et règlements qui donnent effet au
présent article ainsi qu‟une copie de toute modification ultérieurement apportée à ces lois et règlements ou une
description de ces lois, règlements et modifications ultérieures ».
1196 Article 55 (6).
1197 Article 55 (8).
1198 Article 55 (9).
316
en application du de l‟article 57 (3) et conformément aux dispositions de la CNUCC et à
son droit interne1199.
L‟article 57 (4) offre une possibilité pour les Etat requis de déduire des dépenses
raisonnables encourues pour les enquêtes, poursuites ou procédures judiciaires ayant abouti
à la restitution ou à la disposition des biens confisqués en application de l‟article 57. Les
États Parties à la CNUCC peuvent aussi envisager de conclure des accords ou des
arrangements mutuellement acceptables pour la disposition définitive des biens
confisqués1203.
1199 Voir également l‘article 57 (2) de la CNUCC : « Chaque État Partie adopte, conformément aux principes
fondamentaux de son droit interne, les mesures législatives et autres nécessaires pour permettre à ses autorités
compétentes de restituer les biens confisqués, lorsqu‟il agit à la demande d‟un autre État Partie, conformément à la
présente convention, et compte tenu des droits des tiers de bonne foi ».
1200 Article 57 (3) (a).
1201 Article 57 (3) (b).
1202 Article 57 (3) (c).
1203 Article 57 (5).
317
L‟article 58 de la CNUCC prévoit une coopération entre les Etats parties afin de
prévenir et de combattre le transfert du produit des infractions établies conformément à la
CNUCC, ainsi que de promouvoir les moyens de recouvrer ledit produit. Il s‟agit de la
création d‟un service de renseignement financier. L‟article 59 prévoit des accords ou des
arrangements bilatéraux ou multilatéraux afin de renforcer l‟efficacité de la coopération
internationale instaurée en application du présent chapitre de la CNUCC.
CONCLUSION
Au-delà de l‟effet déclaratoire de ces dispositions, nous devons nous interroger sur
leur efficacité. La thèse de R.A. Cano 1204 souligne les obstacles rencontrés par les juges
dans l‟exécution des commissions rogatoire internationales et rappelle ainsi l‟esprit de
l‟Appel de Genève. A ce sujet, une comparaison avec le mandat d‟arrêt européen est
intéressante. En effet, pour ce qui est des textes internationaux de lutte contre la corruption,
la « transmission directe [des commissions rogatoires internationales] entre autorités
1205 Ibid., p. 609 : « De plus, en ce qui concerne les demandes d‟entraide judiciaire entre les Etats de l‟Union et des
Pays tiers, la transmission directe de ces commissions rogatoires aux autorités judiciaires compétentes devrait être
instituée par des conventions ou des accords bilatéraux ou multilatéraux facilitant la coopération internationale et
l‟entraide judiciaire et matière pénale et impliquerait également que la transmission des commissions rogatoires par
voie diplomatique soit supprimée ».
1206 Ibid., p. 609.
319
CHAPITRE 7
Pour mettre en exergue la nécessité d‟un processus de contrôle efficace des textes
internationaux, il convient de souligner deux différences majeures entre le droit
322
international et le droit national 1211.
1211 O. A. HATHAWAY, « Between Power and Principle: A Political Theory of International Law »,
71 U. Chi. L. Rev, May 2005, p. 487.
1212 P. REUTER, Introduction au droit des traités, Paris, PUF, p. 26.
1213 C. LALY-CHEVALIER, La violation du traité, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 1 ; voir en ce sens
P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 29 : « l‟affirmation par la Cour internationale de Justice selon
laquelle « un Etat ne peut, dans ses rapports conventionnels, être lié sans son consentement » (Avis consultatif relatif
aux réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Rec. 1951, p. 21) n‟est-elle que
l‟une des nombreuses réitérations d‟un principe consensualiste posé dès le premier arrêt de la CPJI (Affaire du vapeur
Wimbledon 1923, série A, n° 1), dans lequel la doctrine volontariste voit un véritable axiome de tout le droit public
international ».
1214 Voir à ce sujet O.A. HATHAWAY, op.cit., p. 488, selon la common law, « every one is conclusively
presumed to know the law », State v Woods, 107 Vt 354, 179 A 1, 2 (1935).
1215 P. WEBB, op.cit., p. 222 ; voir à ce sujet les propos de l‘ancien Secrétaire général des Nations
Unies, Monsieur Boutros Boutros-Ghali : « I can do nothing. I have no army. I have no money. I have no
experts. I am borrowing everything. If the member states don't want [to do something], what can I do? », PBS,
‗Kofi Annan: Center of the Storm‘, http:// www.pbs.org/wnet/un/print/job_print.html.
323
correspond pas à une législature nationale dans le sens où ses résolutions ne sont pas
contraignantes. En effet, la Charte des Nations unies « ne prévoit pas expressément
l‟intervention de l‟Organisation pour assurer le respect des traités et la formule du
préambule les visant (§ 3) […] ce n‟est donc que tout à fait indirectement que l‟utilisation,
par le Conseil de sécurité, des pouvoirs qu‟il tient des chapitres VI et VII de la Charte,
peut avoir, dans certains cas, pour objet d‟assurer l‟exécution des traités »1216.
Une première théorie soutenue par une partie de la doctrine internationale a trait au
rôle du droit international dans « state behaviour »1218. Cette théorie se compose de deux
1216 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 248 ; voir ibid., ces commentateurs ajoutent que « de toutes les
organisations universelles, c‟est certainement l‟OIT qui, si l‟on excepte le cas, très particulier des conventions de
désarmement, a mis sur pied les procédures de contrôle et d‟application des conventions élaborées sous ses auspices, les
plus perfectionnées ».
1217 P. WEBB, op.cit., pp. 222-227.
1218 O.A. HATHAWAY, op.cit., p. 6 ; .J. L. BRIERLY, The Law of Nations: An Introduction to the
International Law of Peace, 6th edn, New York: Oxford University Press, 1963, 228p ; T. FRANCK,
324
volets.
Une première approche soutient qu‟en droit international les Etats seraient guidés
avant tout par leurs propres intérêts. C‟est-à-dire que les Etats appliqueraient le droit
international seulement lorsque - pour l‟Etat - il y a une récompense objective et précise en
contrepartie. Au moins deux commentateurs désignent cette approche comme la « logic of
consequences »1219. Pour Mme le Professeur Hathaway, cette théorie se fonde sur
l‟approche pragmatique de la coopération internationale qui a dominé la doctrine des
sciences politiques américaines à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Certains
commentateurs1220 ont même argué que c‟est l‟intérêt des seuls Etats les plus puissants qui
décident de l‟existence même des textes internationaux et leur mise en œuvre. Une partie
de la doctrine américaine plus récente fournit néanmoins une précision importante : les
Etats respecteraient les textes internationaux parce que ces dispositifs ouvrent la voie vers
une coopération qui serait autrement impossible 1221.
Fairness in International Law and Institutions, Oxford: Clarendon Press, 1995, 536p ; H. HONGIU
KOH, « Why Do Nations Obey International Law? », 106 Yale L.J., 1997, p. 2603.
1219 J. G. MARCH, J. P. OLSEN, The Organizational Basis of Politics, Free Press, 1989, pp. 160-62.
1220 Voir notamment : H. J. MORGENTHAU, K. W. THOMPSON, D. CLINTON, Politics Among
Nations, 7ème edition, Broché, 752 p ; E. H. CARR, The Twenty Years' Crisis: 1919-1939 , Palgrave
Macmillan 2001, 233 p ; H. J. MORGENTHAU, « Positivism, Functionalism, and International
Law », 34 Am J Intl L, p. 260.
1221 Voir O.A. HATHAWAY, op.cit, p 479: « by allowing states to restrain themselves and others from pursuing
short-term interests at the expense of shared long-term goals, regimes make it possible for states to obtain benefits that
exceed the costs of membership ».
1222 Ibid., p. 481.
1223 J. G. MARCH, J. P. OLSEN, op.cit., pp. 160-62.
325
2 - « Game theory » : le dilemme du prisonnier
Il serait dans tous les cas avantageux pour les Etats concernés de coopérer 1229. En
1224 La théorie des jeux constitue une approche mathématique de problèmes de stratégie tels qu‘on en trouve en
recherche opérationnelle et en économie. Elle étudie les situations où les choix de deux protagonistes — ou
davantage — ont des conséquences pour l‘un comme pour l‘autre. Le jeu peut être à somme nulle (ce qui est
gagné par l‘un est perdu par l‘autre, et réciproquement) ou, plus souvent, à somme non-nulle. Un exemple de jeu
à somme nulle est celui de la mourre, ou celui du pierre-feuille-ciseaux.
1225 T. GINSBURG, R. H. MCADAMS, « Adjudicating in Anarchy: An Expressive Theory of
International Dispute Resolution », 45 Wm. & Mary L. Revoir 2004, p. 1235.
1226 Le dilemme du prisonnier est un exemple célèbre de la théorie des jeux caractérisant les situations où
deux joueurs auraient intérêt à coopérer, mais où les incitations à trahir l'autre sont si fortes que la
coopération n'est jamais sélectionnée par un joueur rationnel lorsque le jeu n'est joué qu'une fois. Il
illustre ainsi que les concepts d'équilibre de la théorie des jeux ne conduisent pas nécessairement à
des allocations qui seraient pourtant préférées par tous les joueurs.
1227 U. DRAETTA, « La lutte contre la corruption des fonctionnaires publics étrangers : premières
observations sur les examens de la phase 2 au titre de la convention OCDE », Revue de droit des
affaires internationales, 2005, n° 1, p. 99.
1228 Y. RADI, op.cit., p. 172.
1229 P. WEBB, op.cit., p. 226.
326
effet, dans le cadre du « dilemme du prisonnier », le contexte est instable car chaque
individu peut trouver une motivation pour corrompre si les autres Etats parties, eux,
préfèrent suivre une politique axée sur la coopération 1230. Cependant, lorsque chaque partie
souhaite coopérer dans la lutte contre la corruption, la situation se stabilise. Cette deuxième
théorie ne fait que renforcer la conclusion qu‟une coopération juridique interétatique
efficace est primordiale pour la réussite de la lutte contre la corruption.
1230 S. ROSE-ACKERMAN, « Corruption and the Global Corporation: ethical obligations and
workable strategies », in M. LIKOSKY (ed), Transnational Legal Processes, London, Butterworths,
2002, p. 163.
1231 T. GINSBURG, R. H. MCADAMS, op.cit., p. 1235.
1232 Y. RADI, op.cit., p. 172.
1233 T. GINSBURG, R. H. MCADAMS, op.cit., p. 1245 ; Le dilemme du prisonnier peut aussi être
transformé vers le jeu de la coopération à travers le dialogue et les relations publiques. . On doit
aussi souligner le rôle de l‘ONG « Transparency international ». Son travail a largement contribué à
ce que la question de la corruption reste une question d‘importance mondiale ; voir ci-dessus cette
section § 3.
1234 K. W. ABBOTT, D. SNIDAL, « Filling in the Folk Theorem: The Role of Gradualism and
Legalization in International Cooperation to Combat Corruption », Document présenté à
l‘American Political Science Association Meeting, Boston, 30 août 2002 : « legalization refers to a set of
rules, norms, institutions and practices that shape the expectations and interactions of international actors » ;
Gradualism est « breaking cooperation into a series of steps ».
327
processus de « legalization » graduelle1235. On rappelle que les Etats-Unis, soucieux d‟un
effet anticoncurrentiel du FCPA sur leurs propres entreprises, ont donné mandat en 1988 à
l‟exécutif américain pour chercher à élaborer une convention internationale en la matière.
Les Etats-Unis, « tels un « accoucher d‟âme », entamèrent dès lors un dialogue avec leurs
partenaires, aux fins de stabiliser la coopération interétatiques, et d‟ «enfanter » une
convention internationale »1236. En conclusion, on pourrait dire que le FCPA1237 - loi
fédérale américaine - est la « genèse »1238 d‟un processus de coopération en matière de
lutte contre la corruption.
Une troisième approche théorique soulignée par le Docteur Ph. Webb concerne la
question de l‟impérialisme morale 1239. Comment en effet envisager la mise en œuvre
efficace des normes conventionnelles à un niveau régional ou universel lorsque ces normes
ne correspondent pas aux cultures ou croyances de tous les Etats concernés ? Cette
question est particulièrement pertinente en matière de la lutte contre la corruption puisque
le phénomène de corruption connaît de nombreuses approches culturelles variées.
M. le Professeur Salbu évoque cette question en profondeur et soutient notamment que le
monde n‟est pas encore devenu une communauté – un « village mondial » - à qui on
pourrait imposer un « single set of extrinsically imposed rules »1240. Selon cet auteur, le
danger existe de se montrer trop paternaliste et peu respectueux à l‟égard des autres Etats,
une situation qui est provoquée « whenever one state imposes its discretionary values upon
another state »1241. M. le Professeur Salbu suggère que même si tous les Etats du monde
étaient parties à une convention – et on pense à la CNUCC - leur capacité d‟évaluer
objectivement les activités extérieures à leurs propres frontières serait appauvris car
assujettie à l‟ethnocentrisme et à l‟impérialisme moral. Cet auteur avoue néanmoins que
1240 S. R. SALBU, Extraterritorial Restriction of Bribery: A Premature Evocation of the Normative Global Village,
op.cit., p. 226.
1241 Ibid., p. 227.
328
son propre postulat pourrait devenir obsolète à cause des dynamiques de
mondialisation1242.
On analysera tout d‟abord des mécanismes « établis sur une base ad hoc et [qui]
1243
présentent un caractère purement interétatique » . Ces mécanismes interétatiques de
garantie peuvent revêtir des formes variées que l‟on peut regrouper sous trois rubriques
principales.
1242 Pour le Docteur Ph. Webb, il y a deux façons de répondre aux interrogations de M. le Professeur
Salbu. Premièrement, l‘avis relatif aux effets négatifs de la corruption suggère que son
incrimination pourrait devenir une « hyper norme » qui traversent les frontières nationales. P. M.
NICHOLS, « Regulating Transnational Bribery in Times of Globalization and Fragmentation », 24
Yale J. Int'l L, 1999, pp 302-03 ; Deuxièmement, au moins deux commentateurs précisent que les
textes comme la CNUCC ne sont pas des actes d‘impérialisme moral, mais plutôt des tentatives de
« donner une voix ou une contribution aux valeurs d‟une large communauté », voir D. WINDSOR, K. A.
GETZ, op.cit., p. 762.
1243 Voir P. DAILLIER et al., op.cit., p. 246.
329
notamment en cas d‟emprunt international »1244.
1248 P. NASTOU, op.cit., p. 16 ; cet auteur ajoute (ibid.) que « les Etats jouent inévitablement un rôle crucial
dans le processus de collecte d‟information, qui a, en principe, un caractère décentralisé. Il est aisé de justifier ceci en se
référant aux principaux traits de l‟ordre juridique international ».
1249 Ibid., p. 16 ; voir ibid., « Un autre trait marquant les préoccupations des Etats à l‟égard des procédés de collecte
d‟information par les organes internationaux de contrôle consiste en la préservation du secret de certaines activités.
C‟est le problème du « droit au secret », qui s‟est posé au sein des institutions internationales au fur et à mesure de
leur développement et qui est lié en grande partie à l‟évolution de la fonction du contrôle de la société internationale ».
1250 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 249.
1251 P. NASTOU, op.cit., p. 14.
331
§ 3 – L’intervention des ONG et de la société civile dans les
mécanismes de lutte contre la corruption
1252 Y. NOUVEL, « La société française pour le droit international peut-elle lutter contre la corruption
dans le secteur de l‘eau autrement qu‘en organisation un colloque sur la question? », in L‟eau en droit
international, SFDI Colloque d‘Orléans, Paris, Pedone, 2011, p. 245.
1253 M. H. WIEHEN, « Le rôle de la société civile : demander des comptes aux gouvernements », in
Affairisme : la fin du système, Paris, Editions OCDE, 2000, p 231 ; voir ibid., p. 232 : « le terme « société
civile » […]Il est le reflet d‟une constatation : les gens ne sont pas que des variables socio-économiques, mais des
citoyens actifs qui jouent un rôle dans la société. La société civile témoigne d‟une volonté d‟accepter le pluralisme (c‟est
l‟argument libéral), d‟un élargissement de la participation (c‟est l‟argument démocratique) et de la mobilisation des
énergies culturelles (c‟est l‟argument de l‟efficacité) ».
1254 J. A. SCHOLTE, « Qu‟est-ce que la société civile mondiale ?», Courrier de la planète, n° 63, disponible sur
le site : http://courrierdelaplanète.org/63/article1.html : selon cet auteur, la « société civile » est la
notion la plus ancienne dans un vocabulaire politique qui est « désormais truffé de mots comme « société
civile », « mouvements sociaux », « organisations non gouvernementales», « association sans but lucratif »,
« organisation de bénévoles », « groupes d‟interpellation indépendants » ».
1255 Ibid.
332
des structures et des réseaux distincts des pouvoirs législatif, administratif et judiciaire de
l‟Etat et, on l‟affirme souvent, du monde des entreprises, mais elle agit en interaction à la
fois avec l‟Etat et le monde des entreprises de diverses manières »1256.
1256 M. H. WIEHEN, op.cit., p. 231 ; selon cet auteur, « Alexis de Tocqueville attribuait la force de la démocratie
aux Etats-Unis au foisonnement et au dynamisme d‟un « millier de divers types » d‟associations de citoyens
conjuguant leurs efforts pour atteindre un même objectif. La « société civile » est par conséquent un terme moderne
servant à désigner une forme sociale ayant déjà une longue histoire ».
1257 Voir J. A. SCHOLTE, op.cit., on peut évoquer l‘existence d‘une société civile mondiale lorsque
certains critères sont remplis : « lorsque les groupes civiques : s‟occupent de questions transfrontalières ; utilisent
des modes de communication transnationaux ; disposent d‟une organisation mondiale ; et/ou partagent comme
prémisse une solidarité transfrontalière ».
1258 Ibid., « c‟est-à-dire une pensée globale, autorisant les gens à imaginer le monde comme un lieu unique ; le
développement capitaliste sur une échelle mondiale ; des innovations technologiques en matière de communications et
de traitement de l‟information ; des évolutions en termes de régulation, comme la libéralisation et la standardisation,
créant un cadre juridique favorable à la mondialisation ».
1259 M. GOUNELLE, op.cit., p. 106.
1260 Voir S. ROSE-ACKERMAN, Causes, consequences and reform, op.cit., pp. 167 – 172 ; Pour le
Professeur S. Rose-Ackerman, il existe « three routes to accountability ». (Le terme accountability peut se
traduire par « demander des comptes. ») Si l‘objectif de celle-ci est la mise en pression du pouvoir public
afin qu‘il agisse dans l‘intérêt général alors le rôle des medias et les groupes organisés est essentiel.
Si l‘objectif est la mise en responsabilité du pouvoir public à l‘égard des individus, alors il faut
prévoir les moyens de recours au niveau individuel. Mme e Professeur S. Rose-Ackerman souligne
que les medias auront plus tendance à se focaliser sur les scandales que de se soucier de provoquer
les réformes nécessaires afin par exemple de réduire la corruption. Les groupes et les individus
seraient plus à même de bouleverser la donne. ; voir aussi O.A. HATHAWAY, op.cit., p. 497 : Pour
333
formulation et la mise en œuvre de régulations. On souligne qu‟en « pénétrant les canaux
officiels de la formulation des politiques, les organisations de la société civile ont un peu
plus troublé la division privé/public dans le domaine de la gouvernance »1261.
La société civile est tout particulièrement utile dans la lutte contre la corruption et
on note d‟ailleurs que selon au moins un commentateur juridique, « seule la société civile a
répondu […] aujourd‟hui efficacement à ce phénomène de corruption internationale »1265.
On notera surtout à ce niveau la création et le rayonnement des groupes tels que les ONG
Mme le Professeur Hathaway, « the internalization of international legal requirements and compliance with
them depends on the extent to which those outside the government can be expected to act to enforce the state's
international legal commitments against the government ».
1261 J. A. SCHOLTE, op.cit : la société civile crée de « nouveaux espaces de démocratie. Les associations civiques
transnationales ont non seulement créé de nouveaux canaux de participation populaire, de consultation et de débats,
mais aussi de nouvelles formes de pression pour une gouvernance plus ouverte et plus responsable ».
1262 Propos de Daniel Lebègue, Président de Transparence France recueillis dans : E. JOLY, op.cit.,
p. 155.
1263 CIO – Comité International Olympique ; FIFA - Fédération Internationale de Football
Association.
1264 I. ZERBES, op.cit., p. 78.
1265 A. GENEVOIS, op.cit., p. 487 ; pour Monsieur A. Genevois, la société civile a agi efficacement via
le développement de la déontologie et de l‘éthique de l‘entreprise. Voir le développement de cet
auteur relatif à la mise en place par la multinationale Thales d‘une politique globale basée sur des
séminaires de formation, la rédaction de codes de conduite et une procédure de contrôle interne
permettant de limiter les risques d‘infraction au sein du Groupe.
334
Transparency International et le Réseau d‟Intégrité de l‟Eau - Water Integrity Network
(WIN) 1266 ou encore l‟association Sherpa. Le rôle de Transparency International dans la
lutte contre la corruption et particulièrement dans le suivi des textes internationaux fera
l‟objet d‟une analyse ci-dessus1267. On note en dernier lieu les ONG de lutte contre la
corruption ont dernièrement tenté de mettre en mouvement l‟action publique par le dépôt
de plaintes1268.
L‟ONG Transparency International (TI) est un acteur majeur dans la lutte pour la
transparence et l‟intégrité de la vie publique et économique (1). TI comprend plus de cent
sections nationales et il convient de mettre en exergue le travail de la section française (2).
Enfin on soulignera l‟implication de TI dans la rédaction et suivi des conventions de lutte
contre la corruption internationale (3).
1266 Voir à ce titre l‘article de M. CASTELLAN, S. A. NDIAYE, op.cit., pp. 253 – 265.
1267 Voir ce paragraphe - B.
1268 Y. NOUVEL, op.cit., p. 246 ; voir ci-dessus l‘affaire des Bien prétendument mal acquis dans laquelle
l‘association Transparence International France portait plainte avec constitution de partie civile
contre trois chefs d‘Etat africains pour détournement de fonds publics, blanchiment et recel.
L‘association alléguait que des biens immobiliers situés en France avaient été acquis par ces
dirigeants grâce au produit de la corruption.
1269 E. JOLY, op.cit., p. 153.
1270 Cf., supra, introduction générale.
335
phénomène. Sur le plan international, l‟objectif principal de TI est de « renforcer le système
mondial de valeurs en faisant de la transparence et de la responsabilité des normes publiques
significatives »1271.
336
Deux exemples de l‟action de TI sont le Pacte d‟Intégrité et L‟Indice de perception de la
corruption.
Le Pacte d‟intégrité répond au sentiment de TI que les Etats qui reformaient les
dispositions internes de lutte contre la corruption devraient démontrer clairement leur
détermination de mettre en œuvre des changements concrets. La solution de TI était de
créer « ce qu‟elle a appelé des « îlots d‟intégrité » (baptisés « Pactes d‟intégrité »), pour
réaliser un ou plusieurs grands projets d‟investissement »1275. Cela se traduit notamment
par une situation où les offres des entreprises souhaitant obtenir ou conserver un marché
doivent être accompagnées d‟un engagement personnel du président de n‟offrir ni verser
aucun pot-de-vin. Ce concept date du milieu des années 90 et s‟est révélé très efficace1276.
On note également que ce concept a été « sensiblement affiné avec notamment le recours à
l‟arbitrage international sous les auspices de la Cour d‟arbitrage de la Chambre de
commerce international »1277.
1278 Ibid., p. 244 ; on note finalement que « ni l‟IPC ni l‟ICPE ne se fondent sur des données empiriques
quantifiables qui permettraient de véritablement mesurer la corruption […] ; ils reflètent les perceptions de ceux qui
ont répondu au questionnaire ». Même s‘il reste un écart entre la perception et la réalité, les perceptions
demeurent malgré tout « la meilleure information disponible et elles influencent indéniablement les investisseurs et
d‟autres intervenants dans les relations commerciales ».
337
2 – TI France
En dernier lieu, on soulignera la victoire remporté dans l‟affaire dite des « biens
mal acquis ». Cette affaire a trait aux conditions dans lesquelles un important patrimoine
immobilier et mobilier a été acquis en France par les président Denis Sassou Nguesso1282,
De l‟aveu propre de TI, le chemin qui reste à parcourir est considérable. En effet, de
trop nombreux Etats parmi les 38 signataires refusent encore de s‟acquitter de leurs
obligations. Et il s‟agit pourtant de la convention la plus opérationnelle à ce jour.
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=REPORT&reference=A4-1997-
0348&language=FR#Contentd317604e336.
1297 Report of the Ad Hoc Committee for the Negotiation of a convention against Corruption on the
work of its first to seventh sessions, Addendum: Interpretative notes for the official records
(travaux preparatoires) of the negotiation of the United Nations convention against Corruption, p 12,
U.N. Doc. A/58/422/Add.1, 2003.
1298 A. GENEVOIS, op.cit., p. 85.
342
combattre la corruption. Le 28 juillet 2006, TI a publié un rapport sur le processus de suivi
de la convention des Nations Unies contre la corruption. Dans ce rapport, TI souligne
qu‟un « processus de suivi et de surveillance est essentiel pour permettre à la CNUCC de
devenir un cadre efficace pour combattre la corruption qui sévit dans le monde »1299. TI a
également publié des « Recommandations sur le processus de suivi de la convention des
Nations Unies contre la corruption »1300 et TI France a rédigé un « Plaidoyer pour un
mécanisme de suivi de la convention des Nations Unies contre la corruption »1301 à
l‟attention de Monsieur Olivier Weber, Ambassadeur en charge de la lutte contre la
criminalité organisée.
SECTION 2
On rappelle que l‟adoption par les Etats signataires à un traité d‟un mécanisme
institutionnel de suivi est le fruit d‟un processus établi qu‟il convient de préciser. Plus
précisément il s‟agit de l‟initiative (A), de la négociation et de la signature (B) du texte. Le
1299 Voir le Rapport sur le processus de suivi pour la convention des Nations Unies contre la
corruption de TI p. 5, http://www.transparencefrance.org/e_upload/pdf/uncacrapportjuillet2006.
pdf.
1300 F. HEIMANN, G. DELL, Recommandations sur le processus de suivi de la convention des Nations Unies
contre la corruption, 15 août 2007,http://www.transparencefrance.org/e_upload/pdf/uncacrecomma
ndations2007.pdf.
1301 Du 22 février 2009, http://www.transparence-france.org/e_upload/pdf/cnucc.pdf.
343
plus souvent, les textes internationaux de lutte contre la corruption contiennent en leur sein
une clause qui prévoit l‟adoption d‟un mécanisme de suivi (C). On note que dans la mesure
où les textes adoptés dans le cadre de l‟Union européenne suivent des « règles de jeu »
[…] assurément différentes »1302, ils ne retiendront pas notre attention au niveau des
mécanismes institutionnels de mise en œuvre. Même s‟il ne s‟agit pas ici de rappeler en
détail l‟historique de l‟adoption de chaque convention pertinente, il convient néanmoins de
retracer la naissance de ces textes pour comprendre l‟adoption des mécanismes de contrôle
institutionnels au sein des OIG.
L‟initiative d‟un traité international au sein d‟une OIG prend le plus souvent la
forme d‟une déclaration, une recommandation ou d‟une résolution.
On peut dater le début des initiatives onusiennes dans la lutte contre la corruption
au 15 décembre 1975 et la résolution relative aux « mesures contre les actes de corruption
commis par les sociétés transnationales et autres, leurs intermédiaires et d‟autres
pratiques en cause »1307. Les initiatives des années 1970 n‟ont pas connu d‟accord. La
CNUCC est née de la « Déclaration de Vienne » adoptée par le Dixième Congrès des
Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui a eu lieu en
avril 2000 et les travaux préparatoires de la convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée1308. En décembre 2000, l‟Assemblée Générale des
Nations Unies a reconnu la nécessité d‟un instrument juridique international efficace
1305 Recommandation sur la corruption dans le cadre des transactions commerciales internationales, Acte du Conseil
de l‘OCDE C (94) 75 du 27 mai 1994.
1306 Le Comité des Ministres a ainsi établi en septembre 1994 le Groupe multidisciplinaire sur la
corruption (GMC) et il lui a donné mandat d'examiner quelles mesures on pourrait inclure avec
profit dans un programme international d'action contre la corruption. A sa 101e session, le
6 novembre 1997, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adopté les 20 Principes
directeurs pour la lutte contre la corruption.
1307 Résolution n°3514, http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?
symbol=A/RES/3517(XXX)&Lang=F.
1308 On rappelle néanmoins que les premières implications des Nations Unies dans la lutte contre la
corruption datent des années 1970. On soulignera notamment la proposition d‘accord international
sur les paiements illicites du 4 août 1978 ou encore la déclaration des Nations Unies contre les
pots-de-vin et la corruption – Nations Unies, 12 décembre 1996, Résolution 51/191 : Declaration
against Coruption and Bribery in International Commercial Transactions.
345
indépendant de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée. Les Nations Unies avaient alors travaillé sur la question de la corruption
pendant deux décennies avec l‟adoption de la résolution 55/61 du 4 décembre 20001309.
Dans sa résolution 55/61, l‟Assemblée générale a prié le Secrétaire général de convoquer,
une fois terminées les négociations sur la convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée et les protocoles s‟y rapportant, un groupe
intergouvernemental d‟experts à composition non limitée chargé d‟examiner et d‟élaborer,
sur la base du rapport du Secrétaire général et des recommandations de la Commission à sa
dixième session, un projet de mandat pour la négociation du futur instrument juridique
contre la corruption1310.
En ce qui concerne l‟OCDE, ses pays membres ont discuté le choix entre la
négociation d‟une convention et une recommandation. Un compromis a été trouvé dans
l‟optique de donner un double objectif à la Recommandation du 23 mai 1997 : « d‟une
part, les pays Membres devaient, en tout état de cause, adopter des lois nationales au plus
tard fin 1998 ; d‟autre part, ils devaient ouvrir des négociations immédiatement pour
conclure avant fin 1997 une convention devant entrer en vigueur fin 1998 »1311. Le Groupe
de travail de l‟OCDE a dès lors fonctionné comme une conférence de négociations qui a
réunit les pays Membres et non membres participant aux travaux. Le Groupe de travail a
1309 http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/un/unpan038989.pdf.
1310 Rapport du Comité spécial chargé de négocier une convention contre la corruption sur les travaux
de ses premières à septième sessions, A/58/422, p. 2.
1311 G. SACERDOTI, Corrompre ou ne pas corrompre, op.cit., p. 37.
346
conclu les négociations sur le texte de la convention de l‟OCDE en novembre 1997 et la
signature officielle de cette convention a eu lieu le 17 décembre 1997.
1312 Entre février 1996 et novembre 1997, le GMPC a tenu dix réunions et procédé à deux lectures
complètes du projet de convention. En novembre 1997, il en a transmis le texte
au GMC pour examen.
1313 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm
1314 Voir P. WEBB, op.cit., pp. 204-205.
347
été pour les rédacteurs de ce texte un « afterthought »1315 et on constate que la société
civile, les chercheurs et les différents experts avaient à ce moment peur que l‟IACAC ne
soit une coquille vide1316.
Quant à la convention de l‟OCDE, l‟article 12 prévoit que les Etats parties doivent
coopérer afin de mettre en œuvre un programme de suivi systématique afin de surveiller et
promouvoir la pleine application de la convention. On précise que le Groupe de travail de
l‟OCDE est désigné pour mener cette action 1317.
Les Etats parties à l‟IACAC ont mis plusieurs années avant d‟adopter un
mécanisme de mise en œuvre. En effet, quatre ans après l‟entrée en vigueur 1321 de
l‟IACAC, il n‟existait toujours pas de mécanisme de surveillance et de suivi 1322. Le silence
du texte à ce niveau a été clairement dommageable pour l‟efficacité du texte.
1320 F. HEINMANN, G. DELL, Report on the Follow-Up Process for UN convention Against
Corruption (Transparency International 2006), p 1 : http://www.transparency.org/global_prioritie
s/international_conventions/projets_conventions/uncac/uncac_monitoring_report.
1321 L‘IACAC est entrée en vigueur le 6 mars 1997.
1322 L‘avocate nicaruagarienne G.D. Altamirano développe la question de l‘adoption nécessairement
tardive d‘un mécanisme de suivi pour l‘IACAC : G. D. ALTAMIRANO, op.cit., pp. 7 – 8.
1323 R. DE MICHELE, op. cit., p. 300 ; voir également : Conference, « The Experts Roundtable: A
Hemispheric Approach to Combating Corruption », 15 Am. U. Int'l L. Rev, 2000, p. 766.
349
mécanisme de suivi et de mise en œuvre de l‟IACAC 1324.
La revue des mesures des Etats parties est réalisée par le Comité des experts lors
des « rounds ». Au début de chaque « round », le Comité peut choisir quelle disposition
doit être analysée, adopter un questionnaire en vue des réponses des Etats parties et de la
société civile et adopter une méthodologie qui servira de guide afin d‟analyser les
dispositions pertinentes du « round ». Les règles de procédure régulent le rôle des ONG
dans le processus de revue. Un rapport pour la méthodologie du troisième « round » a été
publié en 20081333.
Les ONG sont des éléments importants dans le processus de mise en œuvre de
l‟IACAC parce qu‟elles sont capables de fournir une évaluation indépendante des mesures
de mise en œuvre. D‟ailleurs, les ONG peuvent participer et faire des présentations lors des
réunions formelles du Comité1334.
Après l‟analyse des réponses du questionnaire des Etats parties et ONG, le Comité
émet un rapport relatif au pays comprenant des observations et recommandations à l‟égard
du degré du respect de l‟IACAC. A la requête du pays évalué, les rapports des pays
peuvent être rendu publics par le biais de l‟internet avant la fin du round 1335. Si un pays
évalué n‟autorise pas sa publication, cependant, le rapport du pays peut seulement être
rendu public après la fin du round entier, c‟est-à-dire, après l‟évaluation des tous les Etats
parties1336. Les rapports présentés par les Etats parties qui reflètent le progrès de la mise en
1332 http://www.oas.org/juridico/english/mesicic_rules.pdf.
1333 Methodology for the review of the implementation of the provisions of the Inter-American
convention against corruption selected in the third round and for follow-up on the
recommendations formulated in the previous rounds http://www.oas.org/juridico/english/mesici
c_method_IIIround.pdf.
1334 Voir Report on Activities to Date by the Committee of Experts of the Follow-up Mechanism for
the Implementation of the Inter-American convention Against Corruption,
SG/MESICIC/doc.95/04 rev.3 (17 février 2004), http://www.oas.org/juridico/english/mec_
activity.pdf.
1335 Rules of Procedure, art. 25(g).
1336 Methodology, § VIII.
351
œuvre de l‟IACAC sont rendus publics par le biais de l‟Internet 1337. D‟ailleurs, les
réponses aux questionnaires par les Etats parties et la société civile sont aussi publiques par
le biais de l‟Internet 1338.
Le processus retenu par l‟OCDE est une procédure d‟évaluation mutuelle par les
Etats parties. Cette procédure qui trouve sa source dans les procédures classiques de
l‟évaluation par les pairs se base « sur un modèle plus élaboré, qui est celui de la
procédure d‟évaluation mutuelle mise en place par le groupe d‟action financière sur le
blanchiment de capitaux (GAFI) »1345. Ce modèle a été repris dans le cadre de certains
instruments de l‟Union européenne relatifs à la criminalité organisée 1346. Il a été repris
1343 http://www.oecd.org/document/5/0,3746,fr_2649_34859_35876299_1_1_1_1,00.html.
1344 N. BONUCCI, op.cit., p. 448.
1345 D. FLORE, op.cit., p. 58 ; GAFI – Groupe d‘Action Financière.
1346 Voir ce sens ibid., p. 58 : « Ce modèle a été repris par l‟Union européenne dans le cadre de la mise en œuvre du
programme d‟action relatif à la criminalité organisée du 27 avril 1997 (Programme d‟action approuvé par le Conseil
353
également par le Conseil de l‟Europe dans le cadre du groupe d‟États contre la corruption
(GRECO).
européen d‟Amsterdam les 16 et 17 juin 1997, J.O.C.E., C 251, du 15.08.1997, p.1), et fait l‟objet de l‟action
commune du 5 décembre 1997 adoptée par le Conseil sur la base de l‟article K.3 du traité sur l‟Union européenne
instaurant un mécanisme d‟évaluation de l‟application et de la mise en œuvre au plan national des engagements
internationaux en matière de lutte contre la criminalité organisée (J.O.C.E., L n° 344, 15.12.1997 p 7) ».
1347 Le mandat de ce groupe de travail en ce qui concerne la surveillance et le suivi avait déjà été établi
par le Conseil de l‘OCDE dans sa recommandation de 1997 de cette recommandation.
1348 Le Conseil de l‘OCDE a donné instruction au groupe de travail, en décembre 1997, à l‘occasion de
l‘adoption de la convention, d‘étudier cinq questions liées à l‘incrimination de la corruption
d‘agents publics étrangers. Ces questions portent sur les partis politiques étrangers, les candidats à
un poste, la législation relative au blanchiment de capitaux et le rôle des filiales à l‘étranger et des
centres extra-territoriaux dans les opérations de corruption. Le groupe de travail s‘est aussi vu
confier d‘autres missions d‘analyse à propos de la corruption dans le secteur privé, la sollicitation
de pots-de-vin et les recours prévus par le droit civil.
1349 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf, p. 18.
1350 La convention, de la Recommandation révisée de 1997 et de la Recommandation du Conseil sur la
déductibilité fiscale des pots-de-vin versés à des agents publics étrangers de 1996.
354
mécanismes répressifs et institutionnels mis en place par les Etats Parties. La Phase 2 a
également été l‟occasion d‟étendre le périmètre de l‟examen à d‟autres instruments
anticorruption connexes de l‟OCDE. Au cours de cette phase, les visites sur place ont joué
un rôle important, permettant aux équipes d‟examen de s‟entretenir directement avec les
parties concernées comme les représentants de la police, du parquet, de l‟administration
publique, du secteur privé et de la société civile. Les rapports préparés pour chaque pays à
l‟issue de cet examen1351 formulent des recommandations sur la manière dont les pays
peuvent améliorer la mise en œuvre de la convention. La Phase 2 inclut également des
examens de suivi réguliers pour vérifier les progrès réalisés par les Parties1352.
1351 www.oecd.org/daf/nocorruption .
1352 Rapport annuel du Groupe de travail, pp. 11 – 12 ;
http://www.oecd.org/dataoecd/1/46/46900020.pdf ; ce rapport précise qu‘ « au cours de l‟examen de
ses instruments anticorruption, le Groupe de travail a constaté que le manque de sensibilisation à la corruption
transnationale était l‟un des principaux obstacles à la lutte contre ce fléau. En octobre 2009, il a donc approuvé des
projets en vue d‟une Initiative mondiale de sensibilisation à la lutte contre la corruption transnationale. L‟Initiative a
été lancée le 9 décembre 2009, date de la Journée internationale de lutte contre la corruption, lors d‟une manifestation
de haut niveau célébrant le dixième anniversaire de l‟entrée en vigueur de la convention et la publication de la
nouvelle Recommandation anticorruption ».
355
évalué. Ce rapport sera publié en ligne1353.
1358 Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption, créé en en septembre 1994, sous les auspices du
Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC).
1359 R. A. CANO, op. cit., p. 50 ; La Belgique a été, le 16 avril 1999, le quatorzième pays à exprimer sa
volonté de participer à cet accord, qui est dès lors entré en vigueur le 1 mai 1999 entre quinze Etats
(la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Finlande, la France, l‘Allemagne, la Grèce, l‘Estonie, l‘Irlande,
l‘Islande, la Lituanie, la Roumanie, l‘Espagne, la Slovénie et la Suède).
1360 Voir en ce sens P. SZAREK-MASON, op.cit., p. 38 : on souligne l‘existence de deux mécanismes
de monitoring dans le domaine du blanchiment d‘argent conduit sous l‘égide du GAFI et le
MONEYVAL au sein du Conseil de l‘Europe.
1361 http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/Resolution(97)24_fr.pdf.
1362 http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/general/3.%20What%20is%20GRECO_fr.asp.
357
monitoring à travers l‟évaluation mutuelle et la pression par ses pairs 1363. Cela implique la
collecte d‟information par le biais des questionnaires et les visites des pays sur place, ainsi
que la rédaction de rapports d‟évaluation. Ces rapports sont ouverts au public et
comprennent des recommandations pour les pays évalués afin d‟améliorer leur niveau de
conformité avec les dispositions pertinentes 1364.
Quant aux règles de l‟évaluation mutuelle, elles sont précisées par l‟accord du
GRECO 1367 du 12 mai 1999. Cette évaluation est divisée en deux cycles dont la durée est
fixée par le GRECO 1368. Ces règles précisent également les modalités des
1363 Voir l‘article 22 (2) du règlement intérieur adopté par le GRECO lors de sa 1ère réunion plénière
(Strasbourg, 4-6 Octobre 1999) : « La procédure d'évaluation est fondée sur les principes d'évaluation mutuelle
et de pression par ses pairs et contribue à réaliser les objectifs du GRECO, tels qu'établis aux articles 1 et 2 de son
Statut».
http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/Greco(2010)9_RulesOfProcedure_FR.
pdf.
1364 P. SZAREK-MASON, op.cit., p. 37.
1365 Voir l‘article 30 (2) du règlement intérieur adopté par le GRECO lors de sa 1ère réunion plénière
(Strasbourg, 4-6 Octobre 1999) : « Conformément à l‟Article 15, paragraphe 6 du Statut, les membres doivent
présenter au GRECO un rapport de situation (ci-après «rapport RS») indiquant les mesures prises pour se
conformer aux recommandations contenues dans le rapport d‟évaluation. Le GRECO examine ces rapports et décide
si le membre s‟est conformé ou non aux recommandations » :
.http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/Greco(2010)9_RulesOfProcedure_FR
.pdf.
1366 Voir les articles 32 et 33 du règlement intérieur adopté par le GRECO lors de sa 1ère réunion
.pdf.
358
questionnaires1369.
L‟article 12 a trait aux équipes d‟évaluation. Il précise que le GRECO nomme, sur
la base des experts mentionnés à l'Article 10 (4) du texte, une équipe ad hoc pour
l'évaluation de chacun des membres.
L‟article 13 concerne les visites. L‟équipe peut effectuer des visites afin de
demander des informations complémentaires. La visite sera effectuée selon un programme
établi par le membre concerné en tenant compte des souhaits exprimés par l'équipe
d'évaluation. L‟information réunie fera l‟objet d‟un avant projet de rapport. Il est préparé
par l‟équipe d‟évaluation sur l'état de la législation et de la pratique relatives aux
dispositions sélectionnées pour le cycle d'évaluation 1370.
commentaires, lesquels doivent être pris en considération par l‘équipe d‘évaluation lorsqu‘elle
conclut le projet de rapport. Cet avant projet de rapport est ensuite transmis pour commentaires au
membre faisant l'objet de l'évaluation. Les commentaires du membre sont pris en compte par
l'équipe d'évaluation lorsqu'elle conclut le projet de rapport.
1371 Article 15 (1).
359
Directeurs1375.
L‟article 63 (7) de la CNUCC dispose que « la Conférence des États Parties crée,
si elle le juge nécessaire, tout mécanisme ou organe approprié pour faciliter l‟application
1375 Article 16 :
http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/1999/Greco(1999)1_FR.pdf.
1376 Voir les Conclusions relatives à la Conférence de haut niveau à l‘occasion du 10e anniversaire du
GRECO Strasbourg, 5 octobre 2009 : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/
10th%20Anniversary%20Conf/Greco%20Inf%20_2009_%205F%20CONCLUSIONS%2010th%
20Anniversary.pdf.
1377 Voir en ce sens : les Conclusions relatives à la Conférence de haut niveau à l‘occasion du 10e
anniversaire du GRECO Strasbourg, 5 octobre 2009 :
http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/
10th%20Anniversary%20Conf/Greco%20Inf%20_2009_%205F%20CONCLUSIONS%2010th%
20Anniversary.pdf.
360
effective de la convention »1378.
La Phase 2 étudierait les structures mises en place afin de mettre en œuvre les
1378 Sur ce point voir P. DAILLIER et al., op.cit., p. 689 : « Qu‟ils soient plénières ou restreints, les organes
composés de membres désignés par les gouvernements des Etats membres sont en de nombreux points comparables
aux conférences diplomatiques traditionnelles. Ces représentants doivent suivre strictement les instructions de leur
gouvernement respectif, comme ils le feraient dans une réunion diplomatique. Par leur intermédiaire, les Etats
membres conservent l‟initiative de l‟action dans les organisations internationales, dont l‟interétatisme se trouve ainsi
confirmé. Parallèlement, les organes perdent peu ou proue leur aptitude théorique à exprimer une volonté propre,
autonome, de l‟organisation ».
1379 F.HEINMANN, G. DELL, Report on the Follow-Op Process for UN convention Against Corruption
(Transparency International 2006), p. 6 : http://www.transparency.org/global_priorities/
international_convnetions/projets_conventions/uncac/uncac_monitoring_report.
1380 Pour un commentaire de cette question se rapporter à P. WEBB, op.cit., pp. 218 – 223.
1381 Voir en ce sens : Proposals and Contributions Received from Governments: Austria and The Netherlands:
Amendments to Articles 66 to 70, U.N. Doc A/AC.261/L.69 (2003) ; Article 66 in Proposals and
Contributions Received from Governments: Austria and The Netherlands: Amendments to Articles 66 to 70,
U.N. Doc A/AC.261/L.69 (2002) ; Article 66 in Proposals and Contributions Received from Governments:
Austria and The Netherlands: Amendments to Articles 66 to 70, U.N. Doc A/AC.261/L.69 (2002) ;
Articles 67 and 68 in Proposals and Contributions Received from Governments: Austria and The Netherlands:
Amendments to Articles 66 to 70, U.N. Doc A/AC.261/L.69 (2002).
361
dispositions, et prévoirait des visites sur place1382. Ce sont les propositions autrichiennes et
néerlandaises en vue d‟établir une Conférence des Etats parties afin de faciliter les activités
et échanger l‟information qui ont été retenues. Cependant, les modifications norvégiennes
ne l‟ont pas été. Cette conférence est compétence en vue d‟échanger des informations et
faciliter par cela même le contrôle international. Il est regrettable que les propositions
norvégiennes n‟ont pas été retenues et les visites sur place purement et simplement écartés
de ce mécanisme probablement pour ménager la susceptibilité de gouvernants très attachés
au principe de la souveraineté.
1382 Proposals and Contributions Received from Governments: Norway: Amendments to Article 68 as
Submitted in the proposal by Austria and The Netherlands, U.N. Doc A/AC.261/L.78 (2002).
1383 Equivalent à la notion anglo-saxonne « open ended »: tous les Etats membres de l‘ONU, Etats
observateurs, organisations intergouvernementales et ONG dotes du statut consultative ECOSOC
peuvent assister aux réunions publiques du Groupe de travail.
1384 http://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/Publications/ReviewMechanism-
BasicDocuments/Mechanism_for_the_Review_of_Implementation_-_French.pdf ; La Conférence
des Etats parties a décidé d‘examiner, pendant le premier cycle, les chapitres III (Incrimination,
détection et répression) et IV (Coopération internationale) et, pendant le deuxième cycle, les
chapitres II (Mesures préventives) et V (Recouvrement d‘avoirs).
362
bonne application de la CNUCC.
La Conférence des Etats parties est responsable de la définition des politiques et des
priorités liées au processus d‟examen. Elle examine les recommandations et les
conclusions du Groupe d‟examen de l‟application. La Conférence fixe les phases et les
cycles, ainsi que la portée, la séquence thématique et les modalités du processus d‟examen.
La Conférence approuve tout amendement futur des termes de référence du Mécanisme. À
la fin de chaque cycle d‟examen, la Conférence évalue la performance et les termes de
référence du Mécanisme1385.
En ce qui concerne la conduite de l‟examen du pays, chaque Etat partie est examiné
par deux autres Etats parties. Selon les documents de base du Mécanisme d‟examen de
l‟application de la convention des Nations Unies contre la corruption, les États parties
examinateurs établissent un rapport d‟examen pour le pays examiné, ainsi qu‟un résumé
analytique s‟y rapportant, en étroite coopération et coordination avec l‟État partie examiné
et avec l‟aide du secrétariat. Ce rapport recense les succès obtenus, les bonnes pratiques
adoptées et les problèmes rencontrés dans l‟application de la CNUCC et formule des
observations à cet égard. Le rapport peut déterminer l‟assistance technique nécessaire pour
améliorer l‟application de la convention1386. Ce rapport d‟examen de pays, ainsi que le
résumé analytique s‟y rapportant, est finalisé par accord entre les États parties
examinateurs et l‟État partie examiné 1387. Les rapports d‟examens restent confidentiels
mais l‟État partie examiné est encouragé à exercer son droit souverain de publier tout ou
partie de son rapport d‟examen de pays. Ce mécanisme présente plusieurs facettes
intéressantes. La première facette est que l‟Etat examiné participe à ce qui ressemble
beaucoup à une négociation avec l‟Etat examinateur à la finalisation du rapport qui le
concerne. On n‟est donc pas en présence d‟un document élaboré par un tiers mais au
contraire par un document à la finalisation duquel participé l‟Etat qui est l‟objet du
contrôle international. L‟autre facette de cette procédure est donc qu‟on est en présence
d‟un contrôle international de faible intensité qui ne prévoit même pas d‟obligation de
1385 http://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/Publications/ReviewMechanism-
BasicDocuments/Mechanism_for_the_Review_of_Implementation_-_French.pdf, p. 10.
1386 Ibid., p. 9.
1387 Ibid., p. 9.
363
publication d‟ensemble de rapports mais un simple recommandation dit procédé, qui peut
être suivi ou ignoré, à son choix, par l‟Etat examiné.
On note en dernier lieu que le système d‟évaluation consacré par la CNUCC est
fondé sur le contrôle « sur pièces »1392. Il ne semble pas être en mesure d‟atteindre la
rigueur et l‟efficacité des mécanismes de suivi de la convention de l‟OCDE et la
convention pénale du Conseil de l‟Europe qui insistent – entre autres – sur des évaluations
issues des « visites sur place ».
La CNUCC est un bon exemple de la manière dont les Etats mènent leur politique
juridique extérieure au niveau universel. Comme l‟a montré il y a déjà longtemps Guy de
Lacharrière,1393 les Etats utilisent toutes les ressources procédurales de la négociation
internationale pour introduire dans le traité des articles, qui auront pour but d‟affadir les
articles voire d‟en retarder la mise en œuvre voire d‟en écarter l‟application à tel Etat
déterminé. Lorsque de tels comportements se situent dans le cadre d‟une Conférence
internationale en vue d‟adopter un traité à vocation universelle, le résultat est évidemment
1391 Article 63 (2) : « Le Secrétaire général de l‟Organisation des Nations Unies convoquera la Conférence des États
Parties au plus tard un an après l‟entrée en vigueur de la présente convention. Par la suite, la Conférence des États
Parties tiendra des réunions ordinaires conformément au règlement intérieur qu‟elle aura adopté. » ; Article 68 (1) :
« La présente convention entrera en vigueur le quatre vingt- dixième jour suivant la date de dépôt du trentième
instrument de ratification, d‟acceptation, d‟approbation ou d‟adhésion. Aux fins du présent paragraphe, aucun des
instruments déposés par une organisation régionale d‟intégration économique n‟est considéré comme un instrument
venant s‟ajouter aux instruments déjà déposés par les États membres de cette organisation ».
1392 Traduction de la notion anglo-saxonne « desk review ».
1393 G. DE LACHARRIERE, op.cit.,
365
que le texte du traité ne produit que des mécanismes juridiques édulcorés qui sont souvent
loin de satisfaire le juriste mais qui sont le résultat des multiples concessions qui
s‟accordent mutuellement les Etats au cours d‟une négociation multilatérale.
CONCLUSION
On soulignera ici que malgré les avancées et les résultats encourageants de certains
mécanismes, il existe évidement des progrès à accomplir. Cette conclusion est parfaitement
illustrée par la CNUCC. En effet, la CNUCC constitue le texte international de lutte contre
la corruption qui est doté du champ d‟application le plus étendu. Les précautions de
vocabulaire de la CNUCC et le fait que les visites sur places ne soient pas prévues par le
mécanisme de suivi réduisent d‟emblée l‟impact du mécanisme de monitoring et motivent
peu les Etats parties à appliquer ses dispositions. Cela est d‟autant plus dommageable que
même si les Etats parties à la CNUCC ont des motivations diverses, il est probable qu‟ils
auront un intérêt à coordonner leurs actions dans l‟environnement des relations
internationales contemporaines1394.
§ 1 - Paragraphe introductif
L‟ombre de lex simulata 1396 plane sur la lutte contre la corruption des agents
publics étrangers. Une réaction est nécessaire pour éviter l‟échec de ce dispositif 1397.
La présente recherche entend développer deux axes de possibilités qui sont tous les
deux dépendants de la volonté politique d‟agir contre la corruption.
confirmé l‘interprétation large de la FCPA par le DOJ en estimant que cette loi s‘applique aux
paiements effectués afin de se procurer un avantage indu pour obtenir ou conserver un marché, y
compris un traitement fiscal ou douanier favorable.
1406 P. J. CULLEN, « Article 3. Sanctions », op.cit., p. 239.
1407 Collateral deterrent effects.
1408 P. J. CULLEN, « Article 3. Sanctions », op.cit., p. 239.
1409 OCDE, United States: Phase 3, Report On The Application Of The convention On Combating
Bribery Of Foreign Public Officials In International Business Transactions And The 2009 Revised
Recommendation On Combating Bribery In International Business Transactions, adopté le 15
octobre 2010.
1410 Lanceur d‘alerte.
371
Plusieurs commentateurs juridiques soutiennent que cette montée de mise en œuvre
est à attribuer aux évènements juridiques, politiques ou encore internationaux 1411. Selon
certains observateurs, cette nouvelle dynamique a été lancée par les scandales des affaires
Enron et WorldCom qui ne concernaient pas la corruption étrangère mais plutôt le regard
étatique à l‟égard du comportement des entreprises. De plus, on assiste à une augmentation
de self reporting (auto dénonciation) par les entreprises dans le sillage de la loi de 2002
connue sous l‟appellation Sarbanes-Oxley. Deuxièmement, on peut arguer que la mise en
œuvre accrue est explicable de part l‟acceptation généralisée de la justice transactionnelle
en matière du FCPA. On peut aussi mettre en lumière les objectifs précis de leur politique
de poursuite du DOJ et la SEC en matière du FCPA. En dernier lieu on doit rappeler
l‟existence d‟un contexte global qui favorise la lutte contre la corruption et qui facilite la
politique agressive américaine en la matière.
L‟optique de la présente recherche est de savoir comment les Etats-Unis ont réussi
une telle mise en œuvre du FCPA. L‟OCDE, a recensé une augmentation des poursuites de
4.6 par an de 2001 à 2005 à 18.75 par an entre 2006 et 2009. Une des raisons qui explique
la mise en œuvre importante du FCPA est l‟organisation des autorités de poursuite en la
matière. Le FCPA concerne à la fois les poursuites pénales et civiles.
Il existe trois autorités américaines responsables pour les poursuites des violations
du FCPA : le DOJ, la SEC et le FBI. Les trois organismes ont des cellules spécialisées
concernées uniquement par le FCPA. On note également que sans égard à l‟autorité de
poursuite, il est souvent question d‟un accord négocié au niveau privé et qui ne connait pas
d‟analyse juridique approfondi par les tribunaux. Autrement dit, dans la plupart de cas de
mise en œuvre du FCPA, il n‟existe pas d‟analyse indépendante quant aux preuves 1412.
1411 Voir en ce sens l‘analyse de D. C. WEISS, The Foreign Corrupt Practices Act, Sec Disgorgement Of Profits,
And The Evolving International Bribery Regime: Weighing Proportionality, Retribution, And Deterrence, 30
Mich. J. Int‟l L, 2009, p. 483.
1412 M. KOEHLER, « The Façade Of FCPA Enforcement », 41 Geo. J. Int‟l L, 2010, pp. 923 – 924.
372
1 – La Fraud Section du DOJ
Il est question ici de ce qui est désigné aux Etats-Unis par plea agreements (PA),
Deferred Prosecution Agreements (DPA) ou encore Non-Prosecution Agreements (NPA).
On peut ajouter à cette liste l‟utilisation des corporate monitors puisque cela est une
conséquence directe de ces accords. Il s‟agit d‟une mise en œuvre rigoureuse, des sanctions
importantes alliées à l‟engagement croissant du secteur privé à encourager l‟établissement
d‟un programme et des mesures de « compliance » rigoureux, surtout au sein des grosses
entreprises. Il est de l‟avis du Groupe de travail de l‟OCDE que ces pratiques pourraient
être considérées par d‟autres Etats parties à la convention dans la mesure du possible, selon
leurs propres cadres politicos-juridiques 1422.
Aux Etats-Unis, le DOJ résout la plupart des affaires en matière du FCPA par le
biais des plea agreements (PA), les deferred prosecution agreements (DPA) et des non-
prosecution agreements (NPA). Ces accords fournissent à la fois des sanctions appropriées
mais aussi assez de souplesse pour pouvoir récompenser la coopération ou encore des
voluntary disclosures. Cette pratique a très bien fonctionné dans le système juridique
1 - Plea agreements
Les Plea agreements sont des accords écrits et négociés entre les parties dont
l‟objet est de préciser les obligations des deux parties lorsque le défendeur plaide coupable.
Les « Principles of Prosecution » précise que les personnes physiques ou morales peuvent
être parties d‟un tel accord. Il s‟agit le plus souvent d‟un accord négocié entre l‟entreprise
et le DOJ. Nonobstant les interrogations sur le bien fondé juridique de tels accords, les
entreprises à qui le DOJ propose un tel accord sont souvent tentées de les accepter 1424.
Lors d‟un DPA, les poursuites sont reportées pour la durée de l‟accord et le
défendant doit satisfaire certains critères pour la durée de l‟accord, auquel cas la
prosecution retire les poursuites. Un DPA est déposé au tribunal. Il est question d‟un
accord privé négocié entre l‟entreprise et le DOJ.
Quant au NPA, ce dernier ne concerne pas les tribunaux. En effet, le NPA n‟est pas
déposé au tribunal mais constitue un accord privé négocié entre l‟entreprise et le DOJ. Il
Depuis 2004, ces accords ont été souvent utilisés lors des poursuites pénales à
l‟égard des entreprises. Le rapport de l‟OCDE sur la revue de la Phase 3 du monitoring
fournit des explications qui justifient cette approche de la part des autorités de poursuite
étatsuniennes. L‟importance de cette approche a largement accru peu de temps après les
poursuites et l‟effondrement du cabinet comptable Arthur Andersen. Cet évènement a
causé la perte de milliers d‟emplois. Eviter des « conséquences collatérales » des
poursuites est généralement la motivation derrière l‟utilisation des DPA et des NPA. Dans
des affaires de FCPA, les facteurs tels que la protection des employés et des actionnaires
sont des considérations importantes pour les autorités américaines. Selon ces mêmes
autorités, les entreprises préfèrent le cadre des DPA et les NPA à la tenue d‟un procès qui
est potentiellement longue et peut nuire à la réputation de l‟entreprise. De tels accords
peuvent motiver les entreprises à procéder à une « disclosure» volontaire et à la
coopération ; d‟ailleurs c‟est souvent la coopération du défendant qui provoque l‟accord.
L‟autre avantage de ces accords réside dans la vitesse d‟exécution qui leur est propre. En
dernier lieu, les affaires du FCPA concernent souvent un besoin d‟obtenir des preuves des
pays étrangers, qui peut prendre du temps et n‟aboutit pas toujours à des résultats positifs.
Les DPA et les NPA peuvent être utilisés afin de provoquer la coopération de l‟entreprise
et afin d‟obtenir des preuves qui auraient nécessité autrement un processus lourd ou même
voué à l‟échec.
1428 P. J. CULLEN, « Article 5 – Enforcement », in M. PIETH et al., The OECD convention on Bribery,
Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 308.
1429 Entretien avec l‘auteur de la présente recherche du 28 juillet 2011.
1430 Le Rapport moral de TI France 2010, pp. 13 - 14 : http://www.transparencefrance.org/
e_upload/pdf/ti_france_rapport_moral_2010.pdf.
378
plus fréquent lors des affaires de corruption dans certains grands pays industriels
signataires de la convention de l‟OCDE – tout particulièrement au Royaume-Uni et en
Allemagne. Si pour TI la procédure permet à priori une justice plus efficace eu égard aux
procédures rapides, l‟ONG apporte néanmoins certaines précisions à cette question. Ainsi,
si TI prend acte des avantages de la justice transactionnelle, il recommande néanmoins de
la soumettre à plusieurs conditions et ceci dans l‟optique de préserver les droits de toutes
les victimes des malversations. Les conditions de TI sont les suivantes : les accords
conclus par les procureurs doivent être validés par d‟autres magistrats et les résultats de ces
validations rendus publics ; les points de vue de toutes les personnes et organisations
affectées par l‟accord doivent être considérés ; les amendes prévues pour mettre fin aux
poursuites doivent être suffisamment dissuasives (elles doivent clairement excéder les
profits retirés du recours à la corruption) ; les pays victimes doivent pouvoir récupérer au
moins une partie des amendes prévues par les accords ; les accords conclus par les
entreprises pour mettre fin aux poursuites qui les visent ne doivent pas avoir pour effet
d‟empêcher de rechercher les responsabilités individuelles ; afin notamment que toutes les
victimes puissent faire valoir leurs droits, les juridictions recourant à la justice
transactionnelle doivent pleinement coopérer avec les juridictions des autres pays saisies
des mêmes affaires (transfert d‟information) ; les entreprises concluant ce type d‟accord
doivent s‟engager à mettre en œuvre des programmes anti-corruption supervisés par des
contrôleurs indépendants1431.
1433 http://fcpablog.squarespace.com/
1434 OCDE, United States: Phase 3, op.cit., p. 35.
1435 Ibid., p. 35.
380
commises et mettre en œuvre des contrôles afin d‟éviter des infractions futures 1436. Le fait
de sensibiliser le public aux accords réalisés dans le cadre du FCPA crée également de la
transparence selon l‟avis étatsunien.
La revue de la phase 2 aux Etats Unis avait déjà souligné deux autres solutions
utilisées en matière de produits de la corruption : disgorgement et forfeiture.
La SEC utilise le procédé du « disgorgement » des biens mal acquis lors des
poursuites civiles en matière du FCPA à l‟encontre d‟un « émetteur de valeurs » ou les
personnes agissant pour le compte desdits « émetteur de valeurs ». Le disgorgement est
prévu par la Securities Exchange Act du 6 juin 1932. Il est ici question de s‟assurer que les
auteurs des infractions ne profitent pas de leurs activités illicites. De plus, on peut
dédommager des investisseurs qui ont été lésés par de telles violations même si
techniquement cela n‟a pas été prévu explicitement par la loi. On précise néanmoins que le
but principal du disgorgement est de récupérer des biens mal acquis et ainsi d‟éviter
l‟enrichissement illicite : « [I]t is simple equity that a wrongdoer should disgorge his
fraudulent enrichment »1437. Cette technique n‟entend pas récupérer une somme plus
importante que le profit mal acquis par l‟entité concernée.
SECTION 2
Les Alliés ont réagi d‟une manière juridique plus efficace face aux atrocités de la
1441 Voir à ce titre P. DAILLIER et al., op.cit., pp 797 – 799 ; M. C. BASSIOUNI, « L‘expérience des
premières juridictions pénales internationales », in H. ASCENSIO et al., Droit international pénal,
Paris, Pedone, 2000, pp. 635 – 659 ; M. C. BASSIOUNI, « The International Criminal Court In
Historical Context », op.cit., pp. 55 – 67.
1442 M. C. BASSIOUNI, « The International Criminal Court In Historical Context », op.cit., p. 59.
384
Seconde Guerre mondiale qu‟en 1918-19191443. A la suite de la Seconde Guerre mondiale,
les alliés ont ainsi créé les Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg 1444 et de
Tokyo1445dans l‟optique de châtier les criminels de guerre.
Entre 1951 et 1992, malgré les efforts des Nations Unies - surtout dans leur volonté
de créer une cour pénale internationale - on constate une absence de poursuites
internationales. On peut souligner à ce sujet une « double hostilité de l‟URSS à la
reconnaissance d‟une personnalité juridique internationale aux individus et au principe
même de toute juridiction internationale »1446. En 1992, à la suite des violences armées et
de graves conflits ethniques dans l‟ancienne Yougoslavie, surtout en Bosnie-Herzégovnie,
1447
le Conseil de Sécurité des Nations Unies s‟est inspiré du précédent du Tribunal
International de Nuremberg de 1945 et a alors institué un tribunal spécial pour juger les
auteurs présumés de violations graves du droit humanitaire dans l‟ex-Yougoslavie.1448
Suite aux massacres au Rwanda en 1994 un tribunal ad hoc similaire.a également été
créé1449. On note également l‟existence d‟un nouveau type de juridiction dit hybride chargé
de réprimer les violations graves du droit humanitaire international 1450.
La CPI est un organe complémentaire des tribunaux nationaux. Il est question d‟une
compétence partagée entre les juridictions nationales et cette dernière. En ce sens, selon le
statut de Rome, la CPI n‟agit qu‟en complémentarité des juridictions nationales - les Etats
sont tenus de coopérer pleinement avec la CPI lors des enquêtes et poursuites pour les
crimes relevant de sa compétence. La coopération prévue par le Statut de Rome se
différencie de la coopération prévue par les textes internationaux de lutte contre la
corruption notamment parce qu‟elle est « emprunte du sceau de la verticalité et de
l‟obligatoriété »1453.
Le règlement de la Cour a été adopté par les juges le 26 mai 2004. La CPI a ouvert
sa première enquête - concernant la situation en République Démocratique du Congo
(RDC) - le 21 juin 2004.
1459 Ibid., p. 2.
1460 Y. RADI, op.cit., p. 193.
1461 Y. RADI, op.cit., p. 193.
1462 Voir par exemple : l‘avocat spécialiste du FCPA, R. CASSIN; L. LOUVET, op.cit., pp. 403- 426 ;
Outline of Supplementary Criminal Justice Policies », Journal of International Criminal Justice, 2006, n°
4, pp. 466 – 484 ; S. STARR, « Extraordinary Crimes At Ordinary Times: International Justice
Beyond Crisis Situations », 101 Nw.U.L.Rev, pp. 1257 – 1314.
388
B – La modification du Statut de Rome : la corruption comme crime
d’agression économique
1468 M. C. BASSIOUNI, Introduction to International Criminal Law, Transnational Publishers Inc., Ardsely,
New York, 2003, pp. 114-115 ; (1) explicit recognition of proscribed conduct as constituting an
international crime, a crime under international law, or a crime; (2) implicit recognition of the penal
nature of the act by establishing a duty to prohibit, prevent, prosecute and punish; (3)
criminalization of the proscribed conduct; (4) duty or right to prosecute; (5) duty or right to punish
the proscribed conduct; (6) duty or right to extradite; (7) duty or right to cooperate in prosecution,
punishment (including judicial assistance in penal proceedings); (8) establishment of a criminal
jurisdictional basis (or theory of criminal jurisdiction or priority in criminal jurisdiction); (9)
reference to the establishment of an international criminal court or international tribunal with
penal characteristics (or prerogatives); and (10) elimination of the defense of superior orders ; voir
également M. C. BASSIOUNI, « The Penal Characteristics of conventional International Criminal
Law », 15 CASE W. RES. J. INT'L L., 1983, pp. 27 – 37.
1469 N. KOFELE-KALE, « The Right To A Corruption-Free Society As An Individual And Collective
Human Right: Elevating Official Corruption To A Crime Under International Law », op.cit., p. 170 ;
Y. RADI, op.cit., p. 179 ; M. C. BASSIOUNI, Introduction to International Criminal Law, op.cit., p. 117.
1470 « Explicit ou implicit recognition of proscribed conduct as constituting an international crime, or a crime under
international law, or a crime. » : M. C. BASSIOUNI, Introduction to International Criminal Law, op.cit.,
p. 114.
1471 N. KOFELE-KALE, « The Right To A Corruption-Free Society As An Individual And Collective
Human Right: Elevating Official Corruption To A Crime Under International Law », op.cit., p. 170.
390
de prohibition de la corruption alors en formation »1472.
Selon l‟article 121 du Statut de Rome, « à l'expiration d'une période de sept ans
commençant à la date d'entrée en vigueur du présent Statut, tout État Partie peut proposer
des amendements à celui-ci ». On rappelle le libellé de l‟article 123 du Statut de Rome qui
dispose que « sept ans après l'entrée en vigueur du présent Statut, le Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies convoquera une conférence de révision pour examiner
tout amendement au présent Statut. L'examen pourra porter notamment, mais pas
exclusivement, sur la liste des crimes figurant à l'article 5. La conférence sera ouverte aux
1472 Y. RADI, op.cit., p. 182 ; « un tel rôle « cristilisateur », des traités multilatéraux fut reconnu par la C.I.J. dans
son arrêt de 1969 rendu en l‟affaire du Plateau continental de la Mer du Nord ».C.I.J., Affaire du Plateau
Continental de la Mer du Nord (République fédérale d‘Allemagne c. Danemark ; République
fédérale d‘Allemagne c. Pays-Bas), arrêt du 20 février 1969, C.I.J., Recueil, 1969, paragraphe 62,
p. 38 ; voir également l‘analyse de N. KOFELE-KALE, « The Right To A Corruption-Free Society
As An Individual And Collective Human Right: Elevating Official Corruption To A Crime Under
International Law », op.cit., pp. 172-173 : Pour le Professeur N. Kofele-Kale, on peut conclure que
le postulat d‘une norme coutumière émergeante qui traite la corruption de crime selon le droit
international est soutenu par les points suivants : (i) la proscription et incrimination constantes et
répandues de la pratique de la corruption par les Etats ; (ii) la condamnation répandue des actes de
corruption reflétée dans les préambules des conventions de lutte contre la corruption des
organisations internationales ou encore leurs déclarations et résolutions ; (iii) les déclarations par
les Etats lors des dernières années qui démontrent la condamnation universelle des pratiques
corrompues par les agents publics (Etat de droit, droits de l‘homme, institutions démocratiques…)
(iv) un intérêt général dans la coopération afin de réprimer les actes de corruption ; (v) les écrits de
publicistes de renommé reconnaissant la corruption comme un élément des crimes économiques
internationaux.
1473 Y. RADI, op.cit., p. 194.
391
participants à l'Assemblée des États Parties, selon les mêmes conditions »1474.
1474 http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ECB09E5F-26B0-48CD-862B-
A9D6A191FC32/0/RomeStatuteFra.pdf.
1475 Y. RADI, op.cit., p. 193.
1476 Entretien à Paris le 24 juin 2011.
392
On note que la thèse de A. Genevois écarte la solution de complémentarité retenue
par la Cour pénale internationale dans « la mesure où les Etats sont largement complices
dans la plupart des cas et que l‟on ne peut envisager, dans une logique d‟équité et
d‟égalité du système de répression […] un système dans lequel la Chine […] et les USA ne
seraient pas soumis »1477. La thèse écarte l‟idée également d‟une approche semblable du
type TPI pour l‟ex-Yougoslavie qui exerce sa compétence sans le consentement des états
concernés en disposant d‟un pouvoir d‟auto saisine et de dessaisissement des autorités
judiciaires nationales.
Cette solution est certes difficilement envisageable pour l‟instant mais s‟apparente à
une des voies salvatrices qui s‟offrent à une lutte qui pourrait bien être en perte de vitesse.
Ici l‟hypothèse de mutation se nuance parce qu‟il ne s‟agit pas d‟une proposition de
modification du Statut de Rome mais une approche – selon au moins deux commentateurs
juridiques – soutenant que le crime de la corruption peut être qualifié de « crime contre
l‟humanité». Il n‟est pas forcément question ici des formes de corruption active qui sont
visées notamment par le FCPA et la convention de l‟OCDE. Ce qui nous concerne ici est
surtout la question de la corruption passive, notamment par les hauts responsables
étatiques. Il s‟agit ce que l‟on peut désigner comme « grande corruption » (grand bribery)
« c‟est-à-dire la corruption à grande échelle, à travers laquelle certains oligarques
orientent la formation des normes législatives à leur profit, influent sur toutes les décisions
politiques de l‟exécutif et imposent leurs interprétations au système judiciaire, tout en
ayant un pouvoir de pression considérable sur le quatrième pouvoir, celui de la
presse »1478.
L‟article 6 (c) de la Charte de Nuremberg a défini les crimes contre l‟humanité pour
la première fois de la manière suivante : « l'assassinat, l'extermination, la réduction en
Apporter la preuve de l‟élément matériel de l‟infraction serait moins ardu que celle
de l‟élément moral et on rappelle en ce sens que selon l‟article 30 (1) du statut de la CPI :
« Sauf disposition contraire, nul n'est pénalement responsable et ne peut être puni à raison
d'un crime relevant de la compétence de la Cour que si l'élément matériel du crime est
commis avec intention et connaissance »1484. M. le Professeur Bantekas1485 souligne
néanmoins que l‟article 30 (2) (b) dispose qu‟il y a intention au sens de cet article lorsque
« relativement à une conséquence, une personne entend causer cette conséquence ou est
consciente que celle-ci adviendra dans le cours normal des événements »1486. Un tel
élément de dol suffit pour tenir les membres du gouvernement responsables pour les
1482 http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ECB09E5F-26B0-48CD-862B-
A9D6A191FC32/0/RomeStatuteFra.pdf.
1483 I. BANTEKAS, op.cit., pp. 474 – 476.
1484 http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ECB09E5F-26B0-48CD-862B-
A9D6A191FC32/0/RomeStatuteFra.pdf.
1485 I. BANTEKAS, op.cit., p. 474.
1486 http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ECB09E5F-26B0-48CD-862B-
A9D6A191FC32/0/RomeStatuteFra.pdf.
395
crimes contre l‟humanité commis contre sa propre population en temps de paix en les
plaçant dans des conditions de vie qui dans « le cours normal des événements » les
priveraient de l‟accès à une alimentation suffisante et à des soins médicaux.
Malgré l‟aspect idéaliste de telles propositions, il paraît clair que la CPI est
« l‟institution la plus à même de centraliser à l‟échelon international le contentieux de la
1487 S. STARR, « Extraordinary Crimes At Ordinary Times: International Justice Beyond Crisis Situations », op.cit.,
pp. 1257 – 1314.
1488 Les éléments des crimes ci-après aident la Cour à interpréter et appliquer les articles 6, 7 et 8
conformément au Statut ; .http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/7730B6BF-308A-4D26-9C52-
3E19CD06E6AB/0/ElementsOfCrimesFra.pdf.
1489 There was an inhumane act; this act was "of a similar character" to any of the other acts listed in
Article 7(1); the act caused great suffering, or serious injury to body or to mental or physical health;
these consequences were intentional, in that the accused was aware of the factual circumstances
giving rise to them; the act was part of an attack directed against any civilian population; the attack
was widespread or systematic; and the accused knew that his act was connected to this attack.
396
corruption internationale »1490. Les avantages de la concrétisation de cette mutation sont
nombreux et combleraient les manques importants du dispositif juridique international
actuel. M. le Professeur Banketas rappelle que cela aurait pour conséquence - au vu de la
compétence de la CPI - que l‟incrimination des crimes de corruption connaitrait une
compétence universelle. Les sanctions pénales dans le cadre de la CPI seraient plus sévères
1491.
que le régime de sanctions actuelles des conventions internationales Cette approche
offre également les possibilités concrètes en matière de recouvrement des avoirs. On note
en effet que la CPI a compétence d‟ordonner la restitution des avoirs comme sanction et
peut ordonner le gel des avoirs lors de l‟enquête 1492. De plus, les sources des paiements
corrompus étrangers pourraient se tarir lorsqu‟un Chef d‟Etat se voit attribuer le statut de
criminel international, et les banques étrangères seraient moins volontaires à « cacher » les
avoirs pertinents. Les poursuites internationales contribueraient également à la
transparence, en dévoilant le rôle des entreprises étrangères avec la possibilité de les voir
poursuivies dans leurs pays d‟origine 1493.
On note en dernier lieu que la solution de la CPI serait avantageuse sur le plan
procédural et au niveau de la coopération juridique interétatique. Les potentialités de
coopération judiciaire prévue par le Statut de Rome pourraient enfin répondre enfin à
l‟Appel de Genève alors que « les modalités de saisine de la CPI paraissent bien plus à
même de permettre l‟exercice de telles poursuites »1494.
1495 M. HUNAULT, op.cit., p. 10 ; voir également ibid., p. 10 : la corruption « porte atteinte au droit de
propriété en favorisant des appropriations abusives par des manipulations de cadastre ».
1496 P. TRUCHE, M. DELMAS-MARTY, op. cit., p. 716.
1497 Ibid., p. 716.
1498 Déclaration des droits de l‘homme et du citoyen de 1789 ;
http://www.legifrance.gouv.fr/html/constitution/const01.htm.
1499 E. ALT, I. LUC, op.cit., p. 5.
1500 N. KOFELE-KALE, « The Right to a Corruption-Free Society as an Individual and Collective
Human Right: Elevating Official Corruption to a Crime Under International Law », op.cit., p. 163.
398
approche est par le postulat que le droit à une société libre de la corruption découle du droit
d‟un peuple d‟exercer leur droit de souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs
ressources naturelles, ce qui peut être désigné comme « economic self-determination »
reconnu à l‟article 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 19661501.
La lutte contre la corruption fait alors intrinsèquement partie d‟un ensemble plus
large qui comprend la lutte pour la protection des droits de l‟homme dans le commerce
mondial ou au moins dans le cadre des sociétés multinationales, qui agissent trop souvent
dans l‟impunité. Le comportement des entreprises peut prendre plusieurs formes et peut
toucher à des aspects différents de la justice sociale, tel que les questions relatives au
travail, la santé et sécurité au travail ou encore la protection de l‟environnement 1502.
1501 « 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et
culturel. 2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses
et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération
économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En
aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance. » ; L‘adoption de
plusieurs instruments par les Nations Unies - Par exemple la Résolution 1803 (XVII) de
l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1962 : «Souveraineté permanente sur les ressources
naturelles» - a élargi le sens de la notion du « patrimoine du peuple » qui ne comprend pas seulement
les richesses découlant des ressources naturelles mais toutes les « wealth-generating activities » de la
société. Le Professeur Kofele-Kale souligne alors que le droit de l‘exercice de la souveraineté à
l‘égard des richesses et ressources naturelles d‘un Etat implique deux choses. D‘une part, le droit
d‘un Etat d‘exercer la réglementation des richesses et ressources naturelles et d‘autre part le droit
de tous les peuples au sein de l‘Etat de pouvoir disposer et exploiter librement leurs richesses et
leurs ressources naturelles dans l‘intérêt suprême du développement national. Dans les deux cas,
l‘objectif final est « self-determination ». De plus le droit à une société libre de la corruption implique
également un droit collectif au développement.
1502 L. VAN DEN HERIK, J. LETNAR CERNIC, « Regulating Corporations Under International
Law From Human Rights To International Criminal Law And Back Again », 8 J. Int'l Crim. Just,
2010, p. 729.
399
B – Les indicateurs du développement croissant de la protection des
droits de l’homme dans le commerce international
Le premier exemple de cette tendance est l‟adoption par les Nations Unies du Pacte
mondial1504. Il est question ici d‟un pacte par lequel des entreprises s‟engagent à aligner
leurs opérations et leurs stratégies sur dix principes universellement acceptés, touchant les
droits de l‟homme, les normes de travail, l‟environnement et la lutte contre la corruption.
Le premier objectif affiché de ce Pacte est de promouvoir la légitimité sociale des
entreprises et des marchés. Pour les Nations Unies, les pratiques commerciales
responsables sont celles qui favorisent un climat de confiance et la mise en valeur du
« capital social » et qui contribuent ainsi, à la viabilité des marchés et au
développement 1505. La phase opérationnelle du Pacte mondial a été lancée le
26 juillet 2000.
Le Pacte mondial vise très clairement la protection des droits de l‟homme au sein
1503 S. BRABANT, Les entreprises ne peuvent plus ignorer les droits de l'homme, op.cit.
1504 Selon le site internet des Nations Unies le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a évoqué
l'idée du Pacte Mondial dans un discours prononcé au Forum économique mondial de Davos, le
31 janvier 1999. Le Secrétaire général a invité les dirigeants d'entreprise à se joindre à une initiative
internationale - le Pacte Mondial - qui rassemblerait les entreprises et les organismes des Nations
Unies, le monde du travail et la société civile autour de neuf principes universels relatifs aux droits
de l'homme, aux normes du travail et à l'environnement. Depuis le 24 juin 2004, le Pacte Mondial
compte un dixième principe relatif à la lutte contre la corruption.
1505 http://www.unglobalcompact.org/Languages/french/index.html.
400
des deux premiers principes : 1) Les entreprises sont invitées à promouvoir et à respecter la
protection du droit international relatif aux droits de l‟homme ; 2) les entreprises sont
invitées à veiller à ne pas se rendre complices de violations des droits de l‟homme. Pour les
Nations Unies la progression constante de cet impératif moral est liée au fait de reconnaître
qu‟un bon bilan sur le plan du respect des droits de l‟homme favorise en principe
l‟amélioration des performances commerciales1506. La lutte contre la corruption est très
clairement liée à cette démarche puisque le principe dix dispose que « les entreprises sont
invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l‟extorsion de fonds
et les pots-de-vin »1507.
Les entreprises ayant adhéré au Pacte mondial s‟engagent à appliquer les dix
Principes du Pacte et à les intégrer à leurs stratégies et activités. En termes simples et
concrets, l‟application des principes du Pacte mondial consiste tout d‟abord en un
engagement, puis en l‟élaboration de politiques et de stratégies, dans l‟action à proprement
parler, et, enfin, dans la communication sur les progrès accomplis. L‟important n‟est pas
tant la performance de l‟entreprise au moment de l‟adhésion au Pacte, mais plutôt
l‟engagement de l‟entité en question de se transformer et de s‟améliorer en permanence 1508.
1506 http://www.unglobalcompact.org/Languages/french/index.html.
1507 http://www.unglobalcompact.org/Languages/french/dix_principes.html.
1508 http://www.unglobalcompact.org/docs/news_events/8.1/ATS_FR.pdf.
1509 E. OSHIONEBO, « The U.N. Global Compact And Accountability Of Transnational
Corporations : Separating Myth From Realities », 19 Fla. J. Int'l L, 2007, p. 30.
401
terme est alors de viser une responsabilité des personnes morales en droit international.
Ainsi le Pacte mondial semble donner un élan à un mouvement qui va dans ce sens, c‟est-
à-dire demander des comptes aux sociétés multinationales et dépasser le protectionnisme
traditionnel des Etats dont les intérêts financiers sont en jeu.
1510 http://www.oecd.org/department/0,3355,fr_2649_34889_1_1_1_1_1,00.html.
1511 http://www.oecd.org/document/62/0,3746,fr_21571361_44315115_48035326_1_1_1_1,00.html.
402
Professeur Ruggie.
1512
Point II (A), OCDE, Les principes directeurs de l‟OCDE à l‟intention des entreprises multinationales,
Recommandations pour une conduite responsable des entreprises dans le contexte international, Réunion
ministérielle du 25 mai 2011, p. 19, http://www.oecd.org/dataoecd/43/30/48004355.pdf.
1513 OCDE, Les principes directeurs de l‟OCDE à l‟intention des entreprises multinationales, Recommandations pour
une conduite responsable des entreprises dans le contexte international, Réunion ministérielle du 25 mai 2011,
p. 19, http://www.oecd.org/dataoecd/43/30/48004355.pdf.
1514 Ibid., p. 34.
1515 Ibid. p. 36.
403
mais s‟étendent aux risques pour les détenteurs de droits.
Cette action de la part de l‟OCDE est encore une preuve de l‟influence croissante
des droits de l‟homme dans le monde des entreprises. De plus, il est clair que le travail
onusien se développe, se propage et devient une part entière du monde des entreprises.
La lutte contre la corruption internationale est peut être à l‟aube d‟une nouvelle ère.
En vue de la nécessité d‟adopter des mesures au niveau mondial qui s‟appliqueraient aussi
aux entreprises, même si elles ne peuvent être contraignantes, le 24 mars 2011, les Nations
Unies ont publié les « Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de
l‟homme: mise en œuvre du cadre de référence «protéger, respecter et réparer» des
Nations Unies»1516 et ces principes ont été affirmés par le Conseil des droits de l‟homme le
16 juin 2011. C‟est la première fois que le Conseil des droits de l‟homme a approuvé un
texte normatif qui n‟a pas été négocié par les gouvernements eux-mêmes. Ces principes
proposent pour la première fois, des critères mondiaux dont l‟objet est de prévenir et faire
face aux dangers pour les droits de l‟homme dans les activités commerciales. Ce cadre est
surtout destiné aux Etats et entreprises lors de la négociation des contrats d‟investissement
dans l‟optique de permettre tant aux investisseurs qu‟aux Etats de mieux appréhender les
dispositions contractuelles qui pourraient avoir des conséquences sur les droits de
l‟homme.
1516 http://www.business-humanrights.org/media/documents/ruggie/ruggie-principes-directeurs-21-
mars-2011.pdf.
404
monde.
Au sein du cadre onusien, les principes sont repartis en trois piliers selon le
triptyque « Protéger, Respecter et Réparer » : le devoir étatique de protection à l‟égard des
abus des droits de l‟homme par des tiers - comprenant des entreprises – à travers des
bonnes pratiques, de la régulation et de l‟adjudication ; la responsabilité des entreprises de
respecter les droits de l‟homme qui entend que les entreprises devraient agir dans le devoir
« appropriée-raisonnable » de diligence1517 pour éviter l‟abus des droits des tiers et pour
faire face aux conséquence négatives de leurs actes et ; le besoin d‟un plus grand accès aux
recours en réparation pour les victimes des abus liés au commerce, que cela soit judiciaires
ou non1518.
A mesure que les entreprises de par le monde prennent en compte les abus des
droits de l‟homme à travers le devoir de diligence, les connaissances et expériences des
entreprises, qui disposent déjà des systèmes de prévention des impacts négatifs du
commerce, deviendraient une ressource précieuse pour les entreprises 1522. Le cadre donné
par les travaux de M. le Professeur J. Ruggie est une étape importante vers l‟établissement
d‟autres critères plus concrets à l‟égard des entreprises et gouvernements 1523. Il fourni une
base et un tremplin pour évoluer du soft law vers des normes précises et juridiquement
contraignantes.
Par une résolution du 16 juin 2011 adoptée sans vote, le Conseil des droits de
l‟homme a décidé de créer un groupe de travail pour une période de trois ans sur la
question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises
commerciales. Le Conseil des droits de l‟homme a prié ce Groupe de travail de
promouvoir la diffusion efficace et globale, ainsi que la mise en œuvre des Principes
Est-ce que le droit international peut représenter la solution pour la mise en œuvre
1524 http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=11165&LangID=F.
1525 http://www.aidh.org/ONU_GE/conseilddh/11/17_rapp_dh_ste_trans.htm.
1526 On peut dans un premier temps souligner que les tentatives onusiennes des années 1970 et 1980
ont connu peu de réussite et n‘ont pas pu concrétiser un cadre pour les sociétés multinationales
dans ce domaine. C‘est sans doute par le biais du corpus croissant de soft law en la matière qu‘un
nouveau paradigme pourrait être réalisé. Malgré le fait que le texte n‘a pas été adopté par la
Commission des droits de l‘homme de l‘ONU, on peut citer à ce sujet notamment les « Normes sur
la responsabilité en matière de droits de l‟homme des sociétés transnationales et autres entreprises » du
13 août 2003 et qui peut constituer un point de départ.
http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/0/fa319e648a7b3389c1256d5900459385?Open
document ; L. VAN DEN HERIK, J. LETNAR CERNIC, op.cit., p. 734.
1527 J. LETNAR CERNIC, « Two Steps Forward, One Step Back: The 2010 Report By The Un Special
Representative On Business And Human Rights », 11 German L.J., 2010, p 1264
407
des droits de l‟homme dans le contexte du commerce international et par ce biais constituer
une arme potentielle pour la lutte contre la corruption ?
Le débat sur les droits de l‟homme et le commerce est une question juridique
complexe puisque l‟on vient ici au cœur de la problématique de la reconnaissance de la
responsabilité des personnes morales au niveau du droit international. Même si ce débat
dépasse largement le cadre de la présente recherche on doit y faire référence. D‟une part
parce qu‟il faut trouver à long terme la solution juridique pour concrétiser la volonté
exprimée par les travaux, notamment de M. le Professeur Ruggie. D‟autre part puisque les
entreprises transnationales -corruptrices ou non - ont pris une telle place dans le monde
qu‟il faut trouver une réponse juridique à la hauteur de leur influence « d‟autant plus que
certaines [entreprises internationales] ont une puissance financière qui dépasse le budget
de nombreux Etats »1528.
1532 S. BRABANT, op.cit. : comme par exemple les droits de l'enfant, les discriminations à l'égard des
femmes, les droits des personnes handicapées, le droit à l'alimentation et à la santé ou le droit à
l'eau.
1533 Ibid.
1534 H. VASQUEZ, « La corruption devant les tribunaux CIRDI », in L‟eau en droit international, SFDI
Colloque d‘Orléans, p. 270.
1535 No ARB/03/19 du 30 juillet 2010.
1536 S. BRABANT, op.cit.
409
investissements à l‟étranger. Cela est d‟ailleurs dans l‟intérêt des entreprises car en
respectant les droits de l‟homme tel que le corpus grandissant des normes internationales
l‟entend, elles « ne pourront avec le temps qu'attirer le meilleur personnel, les meilleurs
actionnaires et partenaires et aussi assurer la stabilité et une "profitabilité" de leurs
investissements sur le long terme et dans l'intérêt de tous »1537.
Bien que la responsabilité de respecter les droits de l‟homme dans ce cadre précis
ne relève pas de la « hard law », ces principes ont un potentiel juridique important. Comme
le reflet d‟un consensus social mondial sur le comportement des entreprises, il fait parti
d‟un corpus dynamique de normes soft et hard internationales, droit international et droit
coutumier qui convergent vers l‟émergence d‟une « lex mercatoria » des droits de
l‟homme. Ce système normatif hybride guide et oriente le comportement des entreprises en
l‟absence d‟une structure de gouvernance et de contrôle mondial 1538.
1537 Ibid.
1538 J. SHERMAN, A. LEHR, Human Rights Due Diligence: Is It Too Risky?, Corporate Social
Responsibility Initiative Working Paper No. 55. Cambridge, MA: John F. Kennedy School of
Government, Harvard University. 2010, p 15
1539 L. VAN DEN HERIK, J. LETNAR CERNIC, op.cit., p. 729.
1540 P. JANOT, op.cit., p. 435.
410
CONCLUSION
Pour conclure, l‟avis du rédacteur de la présente recherche est que les travaux de
M. le Professeur Ruggie en tant que Représentant spécial des Nations Unies pour la
question des droits de l‟homme et des sociétés transnationales et autres entreprises
constituent un grand espoir pour la lutte contre la corruption en droit international. La
suite du travail onusien - en cette fin de mandat de M. le Professeur Ruggie - aura la
possibilité – et la lourde tâche - de rechercher un consensus intergouvernemental universel
et de faire émerger une réelle volonté politique de faire face aux manques du dispositif
international juridique en la matière.
411
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
412
CONCLUSION GENERALE
Après analyse détaillée, on voit bien que les arcanes de la pratique du droit
international par les Etats se prêtent difficilement à l‟efficacité de la lutte contre la
corruption internationale. Les Etats, soucieux de sauvegarder leurs intérêts et avides de
protéger leur souveraineté peuvent en ce sens bénéficier d‟un – trop - grand nombre
d‟obstacles au bon fonctionnement des textes pertinents.
Il ne fait guère de doute que toute accélération de cette lutte serait le fruit d‟une
volonté politique importante et coordonnée des Etats concernés. Dans l‟attente d‟un
changement éventuel de paradigme juridique tel que proposé au sein du chapitre 8, quels
signes forts pourraient être envoyés à court terme au niveau international pour démontrer la
volonté des Etats de lutter contre ce phénomène destructeur ?
On peut estimer en premier lieu que l‟adhésion de toutes les puissances industrielles
majeures sans exception- on pense à la Chine, l‟Inde et la Russie - à la convention de
l‟OCDE serait une condition essentielle du progrès de la lutte contre la corruption
internationale. Si l‟OCDE souhaite réellement uniformiser autant que possible les
conditions juridiques de cette lutte, cela semble irréaliste sans la participation active de ces
Etats. L‟implication de la Chine - la deuxième puissance économique mondiale - sur le
continent africain constitue ainsi un élément de réflexion important. Si les entreprises
américaines peuvent craindre l‟approche parfois draconienne du Department of Justice des
Etats-Unis ou la Securities and Exchange Commission, les entreprises chinoises semblent
opérer dans un cadre moins rigide, ce qui permet d‟obtenir ou de conserver plus facilement
413
des marchés en pays étrangers.
On peut estimer en second lieu que l‟efficacité de la mise en œuvre du Bribery Act
de 20101541 par les autorités du Royaume-Uni est largement attendue par tous les
praticiens de lutte contre la corruption. Si pour certains commentateurs – on pense à
Transparency International – la lutte contre la corruption internationale semble marquer le
pas, le Bribery Act pourrait être le catalyseur, l‟accélérateur d‟une nouvelle dynamique.
En ce sens, il s‟agirait non seulement d‟épauler le Foreign Corrupt Practices Act
étatsunien, mais également de continuer de tisser une véritable « toile d‟araignée »
mondiale de lutte contre la corruption qui aurait le potentiel de réduire de manière très
importante les paiements illicites ainsi visés.
Trente quatre ans après l‟adoption du Foreign Corrupt Practices Act aux Etats-
Unis, il existe un dispositif juridique international qui en porte clairement l‟empreinte.
Personne ne sait vraiment si l‟internationalisation de cette norme fédérale étatsunienne
constituait ou non un objectif délibéré de l‟administration Carter en 1977. On constatera
simplement que les amendes payées notamment par la société allemande Siemens (2008)
ou la société française Technip (2011) dans le cadre du FCPA témoignent de la tentation
d‟assurer l‟extraterritorialité de cette loi fédérale et de la volonté étatsunienne de viser les
entreprises multinationales ostensiblement européennes. Alors qu‟il peut être hâtif de
conclure que le FCPA constitue une arme de la guerre économique, la question se pose tout
de même de l‟intérêt final de la lutte étatsunienne contre la corruption. On peut alors
légitimement se demander dans quelle mesure le FCPA constitue véritablement la
matérialisation juridique d‟une croisade morale née dans le sillage de l‟affaire du
Watergate ou bien si cette loi ne serait pas plutôt un outil de protection des intérêts
américains à l‟égard des entreprises européennes ou asiatiques : le chasseur cacherait-t-il
ou non le loup ?
A – Ouvrages p. 415.
B – Thèses p. 418.
1 - OUVRAGES ET THESES
A - Ouvrages
i - Ouvrages généraux
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Pedone, 2000, 1054 p.
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DAILLIER [P], FORTEAU [M], PELLET [A], Droit international public (Nguyen
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ii - Ouvrages spéciaux
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France (coll. Que sais-je ?), 1997, 128 p.
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B - Thèses
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Pol'y Int'l Bus, 1999, pp. 47 – 78.
SARNO [G.R.], « Haling Foreign Subsidiary Corporations into Court Under the
1934 Act: Jurisdictional Bases and Forum Non Conveniens », 55 Law & Contemp.
Pro, 1992, pp. 379 – 398.
430
International & Comparative Law Quarterly, 1994, pp. 493 – 520.
431
VAN DEN HERIK [L], LETNAR CERNIC [J], « Regulating Corporations Under
International Law From Human Rights To International Criminal Law And Back
Again », 8 J. Int'l Crim. Just, 2010, pp. 725 -743.
WARIN [F.J.], FALCONER [C], DIAMANT [M.S.], « The British are coming!:
Britain changes its law on foreign bribery and joins the international fight against
corruption », 46 Texas International Law Journal, Fall 2010, pp. 1-72.
WEISS [D.C], « The Foreign Corrupt Practices Act, Sec Disgorgement Of Profits,
And The Evolving International Bribery Regime: Weighing Proportionality,
Retribution, And Deterrence », 30 Mich. J. Int‟l L, 2009, pp. 471 – 514.
3. DOCUMENTATION OFFICIELLE
The Omnibus Trade and Competitiveness Act 1988, Pub.L.No. 100-418, 102 Stat.
1107.
ii - Royaume-Uni
http://www.legifrance.gouv.fr
433
v - Conseil de l‟Europe
vi - OCDE
434
Convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires
des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union
européenne du 26 mai 1997, J.O.C.E., C 195/1 du 25 juin 1997
ix - ONU
4. DOCUMENTATION ELECTRONIQUE
435
Union africaine : http://www.africa-union.org/root/ua/index/index.htm
Royaume-Uni : http://www.transparency.org.uk/
France : http://www.transparence-france.org/
iii - Le blog du FCPA tenu par l‟avocat spécialiste de cette loi étatsunienne Richard
Cassin a été une source d‟information précieuse : http://www.fcpablog.com.
436
SIGLES ET ABREVIATIONS
Ariz. J. Int‟l & Comp. L Arizona Journal of International and Comparative Law
Hastings Int'l & Comp. L. Rev Hastings International and Comparative Law Review
437
J.C.P Jurisclasseur périodique
Law Pol‟y & Int‟l Bus Law and Policy in International Business
Nw. J. Int‟l L. & Bus Northwestern Journal of International Law & Business
NYUJ. Int‟l L. Pol New York University Journal of International Law and Politics
Pac. Rim L. & Pol‟y J Pacific Rim Law & Policy Journal
Sw. J.L. & Trade Am Southwestern Journal of Law and Trade in the Americas
438
II. Juridictions internationales
439
OEA Organisation des Etats Américains
PA Plea agreements
TI Transparency International
UE Union européenne
440
INDEX ALPHABETIQUE
N.B. Les chiffres renvoient aux pages. Les caractères soulignés renvoient à des
développements étendus.
441
A Common law…...173, 178, 208, 213, 295, 378
Affaire dite des « biens mal acquis »…….338 Complicité…………………..…110, 145, 208
Agent public étranger (définition)…..…….67 Concurrence….…..42, 85, 102, 114, 307, 361
442
Corporate monitor (Etats-Unis)……….…380 331, 345, 397
Corruption indirecte…………..………….139
443
Fond monétaire international (FMI)…..61, 92 J
G
L
M
H
Imputation………………………………..164
Industrialisation…………………………..172 N
444
Normes comptables………..60, 176, 227, 371 Responsabilité pénale des personnes
morales……….……….………….....157, 402
Nulla poena sine lege……………….197, 285
Restitution des produits de la
corruption………………...301, 311, 339, 397
445
Transparency International…33, 52, 56, 60,
90, 327, 414
Vicarious liability………………………...173
Whistleblowers (Etats-Unis)……….……371
446
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE ........................................................................................................ 7
447
2 - La souplesse de la convention de l’OCDE pour la définition de « l’agent public
étranger » ................................................................................................................................ 83
C - L’agent public étranger, agent chargé occasionnellement et de facto d’une activité
d’intérêt publique ......................................................................................................................... 86
1 – Le continent américain......................................................................................... 86
2 - Pays de l’OCDE ...................................................................................................... 87
§ 3 - L’identification de l’agent public étranger par le critère de l’attribution de la qualité
d’agent............................................................................................................................................... 89
A - L’attribution par l’Etat ............................................................................................... 89
B - Peut-on considérer au point de vue du droit international de lutte contre la
corruption une partie du territoire d’un Etat comme un territoire étranger sur lequel intervient
des agents de l’Etat, mais qui sont alors qualifiés comme des agents publics étrangers ? .......... 91
C - Attribution par une organisation intergouvernementale.......................................... 91
1 - Par la convention de l’OCDE ................................................................................. 91
2 - Foreign Corrupt Practices Act................................................................................ 93
3 - La convention des Nations unies .......................................................................... 93
D - Agents publics et organisations non gouvernementales .......................................... 94
Section 3 La spécificité du droit de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe : absence
de définition internationale, régionale, européenne de « l’agent public étranger » et renvoi au droit
national .................................................................................................................................................. 95
§ 1 - La technique juridique du renvoi ................................................................................. 96
§ 2 - Le champ d’application de la qualité d’« agent public étranger » au sein de l’Union
européenne selon la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de
l'Union européenne du 26 mai 1997 ................................................................................................. 97
A - La définition de la notion de « fonctionnaire communautaire » .............................. 98
B - Le renvoi de la définition de la notion de « fonctionnaire national » ..................... 100
§ 3 - Le champ d‟application selon la convention pénale sur la corruption du Conseil de
l’Europe du 27 janvier 1999............................................................................................................. 101
CONCLUSION .......................................................................................................................... 104
448
E - La convention pénale du Conseil de l’Europe : les éléments constitutifs inspirés des
définitions nationales et internationales existantes................................................................... 115
F - L’Union africaine : l’absence d’une disposition visant l’incrimination de la corruption
des agents publics étrangers ...................................................................................................... 117
G - La convention des Nations Unies contre la corruption : des éléments constitutifs
analogues à ceux de la convention de l’OCDE et du Foreign Corrupt Practices Act ................... 117
§ 2 – Deuxième approche comparative : les éléments constitutifs des infractions de
corruption mentionnées dans les textes internationaux ................................................................ 119
A - L’auteur de la corruption active .............................................................................. 120
B - L’offre, la promesse ou le don d’un avantage indu ................................................. 122
1 - Le FCPA : « pour faciliter une offre, un paiement, une promesse de payer ou une
autorisation de paiement de tout argent ou offre, cadeau, promesse de donner ou
autorisation de donner toute chose de valeur» ..................................................................... 123
2 - L’IACAC : « l'acte d'offrir ou de donner à un fonctionnaire d'un autre Etat,
directement ou indirectement, tout objet de valeur pécuniaire ou tout autre bénéfice, tels que
des dons, des faveurs, des promesses ou des avantages » .................................................... 124
3- L’Union européenne : « promettre ou de donner un avantage de quelque nature
que ce soit ». .......................................................................................................................... 125
4 - L‟OCDE : « d’offrir, de promettre ou d’octroyer un avantage indu pécuniaire ou
autre » .................................................................................................................................... 126
5 - La convention pénale du Conseil de l’Europe : « le fait de proposer, d’offrir ou de
donner, tout avantage indu » ................................................................................................ 128
6 - La CNUCC : « de promettre, d’offrir ou d’accorder un avantage indu » ............. 129
C - L’élément moral : le dol........................................................................................... 130
1 - Le fait intentionnel .............................................................................................. 130
3 - Les infractions ayant pour objectif final un aspect commercial : le dol spécial.. 136
§ 3 - L’infraction de la corruption indirecte ....................................................................... 139
A - FCPA : « quiconque, tout en sachant ».................................................................... 139
B - L’IACAC : « Tout acte ou omission par toute personne qui, elle-même ou par
personne interposée, ou à titre d'intermédiaire, cherche à obtenir l'adoption, par l'autorité
publique, d'une décision en vertu de laquelle cette personne obtient illicitement, pour elle-
même ou pour toute autre personne, un avantage ou bénéfice quelconque, qu'il y ait préjudice
ou non pour le patrimoine de l'Etat».......................................................................................... 144
C - L’OCDE : « directement ou par des intermédiaires» ............................................... 145
D - Les textes européens et le texte onusien................................................................ 146
Section 2 Les comportements insusceptibles d’être qualifiés d’acte de corruption en raison
des circonstances et du contexte ......................................................................................................... 146
§ 1 - Les exceptions prévues par le droit fédéral américain .............................................. 147
A - Paiements de facilitation ......................................................................................... 147
B - Moyens de défense « affirmatifs » .......................................................................... 149
C - Opinions du ministre de la Justice ........................................................................... 150
§ 2 - L’asymétrie entre le droit fédéral états-unien et le droit régional dans le cadre de
l’OEA (l’IACAC) en matière des paiements de facilitation ............................................................... 151
§ 3 – La clarification de l’approche de l’OCDE en 2009 en matière de paiements de
449
facilitation ........................................................................................................................................ 152
§ 4 - La banalité des exceptions prévues par la convention pénale du Conseil de l’Europe
......................................................................................................................................................... 155
CONCLUSION .......................................................................................................................... 155
451
CHAPITRE 5 LA COOPERATION JUDICIAIRE INTERETATIQUE .................................... 241
Section I L’évolution historico institutionnelle de la coopération pénale internationale ..... 242
§ 1 – L’accélération de la coopération entre les Etats dans le domaine du droit
international pénal .......................................................................................................................... 242
§ 2 – L’entraide interétatique influencée par la gravité de certains crimes ...................... 245
Section 2 L’analyse juridique des textes internationaux de lutte contre la corruption en
matière d’entraide judiciaire................................................................................................................ 249
§ 1 – La coopération judiciaire interétatique dans le contexte de la lutte contre la
corruption internationale ................................................................................................................ 249
A- Nécessité de la coopération judiciaire interétatique en matière de corruption
internationale ............................................................................................................................. 249
B – Principes juridiques d’entraide judiciaire en matière de lutte contre corruption
internationale ............................................................................................................................. 250
1 - L’adage latin pacta sunt servanda prévoit une soumission au droit international
............................................................................................................................................... 251
2 – Le principe de la double incrimination ............................................................... 251
3 - La pratique de l’extradition a donné naissance à la règle de la spécialité de
l’extradition ............................................................................................................................ 253
4 - La pratique de la coopération internationale connaît le principe de réciprocité 253
5 – Les exceptions ou exclusions à l’entraide judiciaire........................................... 254
§ 2 - La vue perspective et comparative des textes internationaux en matière d’entraide
judiciaire dans le cas de corruption internationale ......................................................................... 257
A - Modalités de coopération ....................................................................................... 257
1 - L’IACAC : l’assistance mutuelle la plus étendue.................................................. 257
2 - La convention de l’Union européenne : coopérer de façon effective ................ 258
3 - La convention de l’OCDE : une aide juridique prompte et efficace .................... 259
4 - La convention pénale du Conseil de l’Europe : la coopération internationale la
plus large possible.................................................................................................................. 262
5 - La convention des Nations unies : la coopération la plus vaste possible ........... 265
B - Dispositions relatives à l’échange d’information .................................................... 269
C - L’établissement d’autorités nationales centrales chargées de la lutte contre la
corruption internationale ........................................................................................................... 271
D - Correspondance directe .......................................................................................... 273
E - Information des suites données à la demande d’assistance ................................... 274
F - Les critères relatifs au refus de coopération ........................................................... 275
CONCLUSION .......................................................................................................................... 277
452
2 - La nature de l’infraction...................................................................................... 284
3 - Les questions de procédure pénale .................................................................... 287
C - Aut dedere, aut judicare.......................................................................................... 288
§ 2 - Les textes internationaux de lutte contre la corruption, base juridique de l’extradition
......................................................................................................................................................... 289
A- L’approche générale des conventions internationales de lutte contre la
corruption en matière d’extradition ........................................................................................... 290
B- L’approche des conventions anticorruption en matière des motifs de refus
d’extradition ............................................................................................................................... 294
Section 2 La confiscation, la saisie, le gel et le transfert des avoirs en matière de corruption
internationale ....................................................................................................................................... 300
§ 1 – Les dispositifs généralement prévus par les textes internationaux : les mesures
concernant la propriété en matière de lutte contre la corruption.................................................. 300
A- La pertinence des mesures relatives à la privation juridique de propriété.............. 301
B - Les textes internationaux de lutte contre la corruption en matière de propriété :
approche générale ...................................................................................................................... 303
C – L’argument du secret bancaire : motif irrecevable en matière de coopération pour
la lutte contre la corruption........................................................................................................ 308
§ 2 - Le cas particulier de la convention des Nations Unies : une réglementation détaillée
du recouvrement des avoirs issus de la corruption......................................................................... 310
CONCLUSION .......................................................................................................................... 318
453
publique et économique ........................................................................................................ 335
2 – TI France ............................................................................................................. 338
3 - TI dans la rédaction et suivi des conventions de lutte contre la corruption
internationale ........................................................................................................................ 339
Section 2 Les organes internationaux spécifiques créés par les traités de lutte contre la
corruption internationale ..................................................................................................................... 343
§1 – La naissance des mécanismes institutionnels de contrôle des conventions de lutte
contre la corruption internationale ................................................................................................. 343
A - L’initiative en vue de l’élaboration d’un traité ........................................................ 344
B – La négociation et signature du traité ...................................................................... 346
C – Les clauses conventionnelles créant un mécanisme institutionnel de contrôle .... 347
§ 2 – Le fonctionnement des mécanismes de contrôle de l’application des textes de lutte
contre la corruption au niveau régional .......................................................................................... 349
A – La convention de l’OEA : le MESICIC....................................................................... 349
B - La convention de l’OCDE : le Groupe de travail de l’OCDE sur la corruption dans le
cadre de transactions commerciales internationales ................................................................. 353
C – Le Conseil de l’Europe : le GRECO........................................................................... 356
§ 3 - Le mécanisme de contrôle de l’application du texte de lutte contre la corruption au
niveau universel : le Mécanisme d’examen de l’application de la convention des Nations Unies
contre la corruption......................................................................................................................... 360
CONCLUSION .......................................................................................................................... 366
454
la corruption en vue d’une efficacité accrue ........................................................................................ 383
§ 1 - Le rôle potentiel de la répression internationale dans la lutte contre la corruption 384
A – La corruption dans le contexte de la répression internationale............................. 384
1 – L’évolution de la répression internationale : approche synthétique ................. 384
2 – L’évolution de la lutte contre la corruption : vers la troisième étape du processus
d’internationalisation du droit pénal ..................................................................................... 387
B – La modification du Statut de Rome : la corruption comme crime d’agression
économique ................................................................................................................................ 389
1 – L’identification de la corruption en tant que crime international ..................... 389
2 – L’idéal de la modification du Statut de Rome .................................................... 391
C - La corruption incriminée par la Cour pénale internationale en tant que crime contre
l’humanité ................................................................................................................................... 393
1 – Corruption et « déportation ou transfert forcé de population » ....................... 394
2 – Corruption et « autres actes inhumains » .......................................................... 396
§2 - Une métamorphose souhaitable de la lutte contre la corruption : le respect par les
sociétés multinationales des droits de l’homme ............................................................................. 397
A - Corruption et droits de l’homme ............................................................................ 398
B – Les indicateurs du développement croissant de la protection des droits de l’homme
dans le commerce international ................................................................................................. 400
1 – Le Pacte mondial des Nations Unies .................................................................. 400
2 – Les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales
............................................................................................................................................... 402
C - Le travail du Professeur J. Ruggie : Représentant spécial des Nations Unies pour la
question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises ............ 404
D – Les entreprise et les droits de l’homme : vers un nouveau paradigme juridique
international ............................................................................................................................... 407
CONCLUSION .......................................................................................................................... 411
455
Les dispositifs juridiques internationaux de lutte contre la corruption des agents publics étrangers
Les Etats ont depuis de nombreuses années incriminé la corruption des agents publics nationaux. La crise de
l‟énergie de 1973 et la fin de la guerre froide de 1989 ont néanmoins stimulé l‟apparition d‟une forme spécifique de
corruption jusqu‟alors passé sous silence par les textes juridiques : la corruption d‟un agent public étranger.
La lutte contre la corruption des agents publics étrangers a récemment connu un essor international normatif
considérable notamment avec l‟entrée en vigueur de plusieurs conventions internationales à visée régionale et universelle.
La genèse de cette réaction internationale est avant tout d‟inspiration étatsunienne. Promulgué aux Etats-Unis en 1977
dans le sillage de l‟affaire du Watergate, le Foreign Corrupt Practices Act fut la première loi nationale incriminant la
corruption d‟un agent public étranger. Cette loi est progressivement devenue la matrice des textes internationaux
ultérieurs.
La lutte contre la corruption internationale doit faire face aux difficultés de mise en œuvre qui sont inhérentes à
l‟application des conventions internationales. Il est parfois estimé que ce dispositif juridique international n‟est pas
toujours d‟une efficacité parfaite. Un premier niveau de recherche qui consiste à opérer une analyse des textes
juridiques, conduira à étudier la dimension opératoire des dispositifs en vigueur. A la lumière des avis des praticiens
contemporains de lutte contre la corruption, un second niveau d‟analyse complétant le premier aura pour objectif final de
formuler des propositions d‟amélioration des mécanismes juridiques existants en droit international positif.
The international normative framework combating the corruption of foreign public officials
States have criminalised the corruption of their national public officials for many years. The 1973 energy crisis
and the end of the Cold War catalyzed however the increase of a specific form of corruption which had been until that
point largely ignored by the legislators: the corruption of a foreign public official.
The combat against the corruption of foreign public officials has recently witnessed major international
normative developments notably with the entry into force of several international conventions at regional and g lobal
levels. The genesis of this international reaction can largely be attributed to the United States. In the wake of the
Watergate scandal, the Foreign Corrupt Practices Act was signed into law by President Carter in 1977 becoming the first
national legislation criminalising the corruption of foreign public officials. This law progressively became the template
of the future international texts.
The fight against this form of corruption faces many of the enforcement difficulties which are inherent to the
application of international conventions. The efficacy of the international legal framework can logically be questioned.
A primary analysis of the pertinent legal instruments will therefore attempt to highlight the strengths and weaknesses of
this framework. In the light of the opinion of various experts in the combat against corruption, a second level of analysis
which completes the first shall formulate proposals to improve the existing legal mechanisms in current international law.
_________________________________________________________________________________________________
Agent public étranger, commerce international, coopération judiciaire interétatique, corruption active, Cour Pénale
Internationale, Foreign Corrupt Practices Act, harmonisation des textes internationaux, justice transactionnelle,
monitoring, recouvrement des avoirs, responsabilité des personnes morales.
_________________________________________________________________________________________________
456