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Université du Sud Toulon-Var

UFR Faculté de droit

CENTRE DE DROIT ET DE POLITIQUE COMPARES JEAN-CLAUDE ESCARRAS

UMR-CNRS 6201

GROUPEMENT DE DROIT COMPARE 1199

Thèse pour le doctorat en droit

Droit public

Présentée et soutenue publiquement

par

Philip FITZGERALD

En novembre 2011

LES DISPOSITIFS JURIDIQUES INTERNATIONAUX DE LUTTE


CONTRE LA CORRUPTION DES AGENTS PUBLICS ETRANGERS

sous la direction de

Monsieur Max GOUNELLE, Professeur à l‟Université du Sud Toulon-Var

Jury

Monsieur Louis BALMOND, Professeur à l‟Université de Nice Sophia Antipolis

Monsieur Eric BOURNAZEL, Professeur à l‟Université Paris II Panthéon-Assas

Monsieur Peter CULLEN, ancien Professeur aux Universités d‟Edimbourg (Ecosse), de Trèves (Allemagne)
et de Bâle (Suisse). Juriste-linguiste à la Cour de justice de l‟Union européenne

Monsieur Max GOUNELLE, Professeur à l‟Université du Sud Toulon-Var

Monsieur Jean-François LEBEURRE-KOENIG, Maître de conférences à l‟Université du Sud Toulon-Var


2
Université du Sud Toulon-Var

UFR Faculté de droit

CENTRE DE DROIT ET DE POLITIQUE COMPARES JEAN-CLAUDE ESCARRAS

UMR-CNRS 6201

GROUPEMENT DE DROIT COMPARE 1199

Thèse pour le doctorat en droit

Droit public

Présentée et soutenue publiquement

par

Philip FITZGERALD

En novembre 2011

LES DISPOSITIFS JURIDIQUES INTERNATIONAUX DE LUTTE


CONTRE LA CORRUPTION DES AGENTS PUBLICS ETRANGERS

sous la direction de

Monsieur Max GOUNELLE, Professeur à l‟Université du Sud Toulon-Var

Jury

Monsieur Louis BALMOND, Professeur à l‟Université de Nice Sophia Antipolis

Monsieur Eric BOURNAZEL, Professeur à l‟Université Paris II Panthéon-Assas

Monsieur Peter CULLEN, ancien Professeur aux Universités d‟Edimbourg (Ecosse), de Trèves (Allemagne)
et de Bâle (Suisse). Juriste-linguiste à la Cour de justice de l‟Union européenne

Monsieur Max GOUNELLE, Professeur à l‟Université du Sud Toulon-Var

Monsieur Jean-François LEBEURRE-KOENIG, Maître de conférences à l‟Université du Sud Toulon-Var

3
À Anna, Louise et A1ice

4
REMERCIEMENTS

Qu‟il me soit permis au seuil de cette étude, d‟exprimer ma profonde gratitude à


Monsieur le Professeur Max Gounelle qui a bien voulu diriger ces recherches. Ses conseils
avisés, ses nombreuses remarques et sa très grande disponibilité ont éclairé cette route et
grandement contribué à la concrétisation de cette thèse.

Je tiens également à exprimer ma très sincère reconnaissance à


Messieurs les Professeurs Louis Balmond, Eric Bournazel, Peter Cullen, et
Monsieur Jean-François Lebeurre-Koenig, Maître de conférences, qui m‟ont fait
l‟honneur de participer au jury de soutenance de cette thèse.

De nombreux praticiens de la lutte contre la corruption ont bien voulu me faire


part de leurs opinions et je leur en remercie. Il s‟agit de Madame Gillian Dell et
Messieurs Chandu Krishnan et Julien Coll de l‟ONG Transparency International ; les
avocats spécialisés dans le Foreign Corrupt Practices Act, Richard Cassin et
Marcus Cohen ; les Professeurs Ilias Bantekas, Paul Ocheje, Elizabeth Spahn,
Philippa Webb ou encore Maud Pedriel-Vaissière, juriste de l‟association SHERPA.

J‟adresse mes vifs remerciements aux membres du


Centre de Droit et de Politique Comparés Jean-Claude Escarras pour leur soutien, leur
présence et leurs interventions bienveillantes.

A ceux et à celles qui m‟ont accompagné pendant cette période de thèse.

5
La Faculté n‟entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises
dans cette thèse qui restent propres à leur auteur.

6
SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE

PREMIERE PARTIE – LA DELICATE HARMONISATION DES CRITERES


D’INCRIMINATION

CHAPITRE 1 - LES RECENTES DEFINITIONS TEXTUELLES DE LA


NOTION D‟AGENT PUBLIC ETRANGER

CHAPITRE 2 - LA RELATIVE SYMETRIE DES DEFINITIONS


TEXTUELLES DES INFRACTIONS

CHAPITRE 3 – LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES


MORALES : UNE RESPONSABILITE LACUNAIRE

SECONDE PARTIE - LA DIFFICILE APPLICATION DES TEXTES


INTERNATIONAUX

CHAPITRE 4 - L‟EXTENSION DE LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS


NATIONALES

CHAPITRE 5 - LA COOPERATION JUDICIAIRE INTERETATIQUE

CHAPITRE 6 – L‟INDISPENSABLE TRANSFERT DES PERSONNES


ARRETEES ET DES BIENS SAISIS

CHAPITRE 7 - LE ROLE ESSENTIEL DES ORGANISATIONS


INTERNATIONALES INTERGOUVERNEMENTALES : LES MECANISMES
INSTITUTIONNELS DE CONTROLE DE L‟APPLICATION DES TEXTES
INTERNATIONAUX

CHAPITRE 8 - PROPOSITIONS D‟AMELIORATION DES DISPOSITIFS


JURIDIQUES INTERNATIONAUX EXISTANTS

CONCLUSION GENERALE

7
INTRODUCTION GENERALE

8
I Propos liminaires p. 9.

II Intérêt juridique p. 11.

III Définition des termes p. 15.

IV Historique sommaire p. 20.

V Société civile internationale et initiative individuelle p. 51.

VI Sources des données p. 54.

VII Difficultés de recherche p. 57.

VIII Hypothèses et justification du plan p. 58.

« No empty handed man can lure a bird »

Chaucer. The Canterbury Tales

La faculté d‟idéaliser n‟étant pas « une sorte de luxe dont l‟homme pourrait se
passer, mais une condition de son existence »1, l‟idéal anticorruption se dresse tel un
épouvantail de l‟éthique. Stigmatisé dans l‟esprit populaire et ciblé par la norme juridique,
l‟acte corrompu symbolise à bien des égards, un manque de probité ou une défaillance
morale. Le phénomène de la corruption est pourtant porteur d‟une lourde contradiction car
une dichotomie existe entre d‟une part le mythe sociétal d‟un comportement défendu,
sanctionné par la loi et d‟autre part la réalité d‟un rouage parfois essentiel d‟un rapport de
réciprocité. L‟analyse du mythe sociétal proscrivant l‟acte corrompu est bien établie,

1 E. DURKHEIM, Les formes élémentaires de la vie religieuse : livre troisième, 5ème édition, Paris, PUF, 2003,
p. 399.

9
notamment par M. le Professeur Reisman. Ce dernier utilise comme vecteur de recherche
l‟idée d‟un système des mythes2. Il s‟agit, en l‟occurrence, d‟un système, selon lequel une
société exprime clairement l‟ensemble des règles et interdictions pertinentes à celle-ci,
c‟est-à-dire le comportement qui est - de manière assez manichéenne - « bien » ou « mal »,
ce que l‟on peut ou ne peut pas faire.

On doit distinguer très nettement de ce système des mythes, ce que M. le Professeur


Reisman désigne comme le code opératoire. Ce code dicte en quelque sorte à un certain
groupe de personnes – les opérateurs – de quelle manière certains torts peuvent en fait
être réalisés. En ce sens, certains torts reconnus comme tels par le système des mythes
peuvent, de manière sélective, être admis. Si ce système désigne la façon appropriée de se
comporter pour la plupart du groupe, pour d‟autre personnes – les opérateurs - il fait office
seulement de guide. Le locus classicus de cette dualité entre le système de mythes et le
code opératoire est certainement le Code d‟Hammurabi qui date de l‟Empire babylonien3.

Les élites sont généralement averties des failles du système des mythes et aussi de
l‟utilité de la pratique du code opératoire. Lorsque la pression populaire exige une
certaine réaction des élites, celle-ci peut se cristalliser par le renforcement du système des
mythes par la norme juridique, même si ce renforcement peut porter en lui une inefficacité
juridique parfois volontaire. Ce genre de réponse normative est ce que M. le Professeur
Reisman désigne comme lex simulata.4

Ces lignes écrites en 1979 sont d‟une très grande pertinence dans l‟étude de la lutte
contre la corruption internationale actuelle. La présente recherche porte sur une forme
spécifique de corruption, plus précisément la corruption d‟un agent public étranger. Il
s‟agit d‟un domaine qui a connu un essor international normatif considérable depuis quinze
ans, notamment avec l‟entrée en vigueur de plusieurs conventions à visée régionale et

2 W. M. REISMAN, Folded Lies: Bribery, Crusades and Reforms, New York, Free Press, 1979, p. 1.
3 Voir en ce sens, ibid., p. 17: « There is substantial reason to believe that Hammurabi‟s code was never applied;
those charged with making decisions and those seeking decisions from officials operated on the basis of an entirely
different code of norms. However, the Code of Hammurabi should not be dismissed as irrelevant, for insofar as it
expressed key values of the elite and the society of the time, it may have influenced behavior and even the formulation
and application of the operational code ».
4 Ibid., p. 31, M. le Professeur Reisman définit la lex simulata comme « a statutory instrument apparently
operable, but one that neither prescribers, those charged with its administration, nor the putative target audience ever
intend to be applied ».

10
universelle. Il est parfois estimé que ce dispositif juridique international n‟est pas toujours
d‟une efficacité parfaite. L‟analyse de l‟éminent Professeur de l‟Université de Yale5 pousse
à l‟interrogation suivante : de quelle manière la lutte contre la corruption internationale
actuelle est-elle marquée du sceau de la lex simulata ? Plus précisément, les rédacteurs des
textes ont-ils voulu ou pu octroyer une dimension opératoire satisfaisante à ces textes ?
L‟objectif de la présente recherche est double : d‟une part, apporter les éléments de
réponse à la question de savoir si, en effet, le dispositif est réellement composé de lex
simulata ; d‟autre part, en fonction des réponses, faire des propositions d‟amélioration - à
l‟appui de l‟avis de praticiens de lutte contre la corruption - au dispositif juridique
international existant.

II

L’intérêt juridique d‟une étude de la corruption découle des graves problèmes


politiques, économiques, sociaux, juridiques, environnementaux ou encore éthiques
provoqués par ce phénomène 6. La corruption met en péril les institutions
démocratiques (A) et engendre des effets économiques et sociaux négatifs (B).

A - Une menace pour les institutions démocratiques

i - Il y a plus de deux cents ans, le préambule de la Déclaration des droits de


l‟homme et du citoyen de 1789 a précisé que « l‟ignorance, l‟oubli ou le mépris des droits
de l‟homme sont les seuls causes des malheurs publics et de la corruption des
gouvernements ». L‟affirmation des droits de l‟homme s‟est présentée, déjà, comme un
moyen de lutter contre la corruption 7.

ii - Il existe une incompatibilité profonde entre le respect des droits de l‟homme et


la corruption. Cette dernière est un phénomène qui « va de pair avec les discriminations et

5 Voir également l‘analyse plus récente d‘une ancienne élève du Professeur Reisman à l‘Université de
Yale, Philippa Webb: P. WEBB, « The United Nations convention against corruption global
achievement or missed opportunity? », 8 Journal of International Economic Law, March 2005, pp. 191 –
229.
6 C. YANNACA-SMALL, « Les paiements illicites dans le commerce international et les actions
entreprises pour les combattre », A.F.D.I., 1994, p. 792 ; voir également : E. QUINONES,
« L‘évolution du droit international en matière de corruption : la convention de l‘OCDE »,
A.F.D.I., 2003, p. 563.
7 E. ALT, I. LUC, La lutte contre la corruption, Paris, PUF, 1997, p. 5.

11
les inégalités, notamment devant la justice »8. La corruption trouble la relation d‟échange
et de réciprocité et détruit en ce sens les relations individuelles9.

iii- Plusieurs commentateurs juridiques estiment que la corruption s‟apparente à


« l‟envers des droits de l‟homme »10. Elle menace l‟Etat de droit 11 puisqu‟elle en ébranle
les piliers centraux que sont la séparation de pouvoirs12 et l‟institutionnalisation des droits
de l‟homme.13

La corruption s‟insinue au cœur de l‟Etat et porte atteinte à la confiance des


citoyens dans les institutions publiques, ce qui représente une menace pour la stabilité de
celles-ci et la cohésion sociale14. C‟est en ce sens que la corruption est une grave menace
pour la démocratie. La corruption abolit « la confiance qui rend possible le mécanisme de

8 M. HUNAULT, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de


l‟administration générale de la République sur le projet de loi (N°171) relatif à la lutte contre la corruption,
Assemblée nationale, Enregistré à la Présidence de l‘Assemblée nationale le 3 octobre 2007, p. 10 ;
voir également ibid., p. 10 : la corruption « porte atteinte au droit de propriété en favorisant des appropriations
abusives par des manipulations de cadastre ».
9 P. TRUCHE, M. DELMAS-MARTY, « L‘Etat de droit à l‘épreuve de la corruption », in l‟Etat de
droit – Mélanges en l‟honneur de Guy Braibant, Paris, Dalloz, 1996, p. 716.
10 Voir de manière générale : M. BORGHI, P. MEYER-BISCH, « La corruption, l‘envers des droits
de l‘homme », in Actes du IXe Colloque interdisciplinaire sur les droits de l'homme à l'Université de Fribourg,
3-5 février 1994 éd.universitaires de Friberg, 1995, 400 p.
11 L‘Etat de droit peut être défini comme l‘ « expression employée pour caractériser un Etat dont l‟ensemble des
autorités politiques et administratives, centrales et locales, agit en se conformant effectivement aux règles de droit en
vigueur et dans lequel –estime-t-on généralement – tous les individus bénéficient également de garanties et de libertés
fondamentales ». S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, dir., Lexique des termes juridiques, 16ème
édition, Paris, Dalloz, 2007, p. 287.
12 En droit constitutionnel il s‘agit du « Principe qui tend à prévenir les abus du pouvoir en confiant l‟exercice de
celui-ci non à un organe unique, mais à plusieurs organes, chargés chacun d‟une fonction différente et en mesure de sa
faire mutuellement contrepoids. Principe formulé par Locke et surtout par Montesquieu (Esprit des lois, Livre XI
chap. 6), à qui l‟on fait remontrer la distinction classique des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La séparation
des pouvoirs peut être rigide (indépendance des pouvoirs caractéristiques du régime présidentiel) ou souple
(collaboration des pouvoirs caractéristiques du régime parlementaire). », S. GUINCHARD,
G. MONTAGNIER, dir., Lexique des termes juridiques, op.cit., p. 600 ; voir en ce sens
B. BERTOSSA, in D. ROBERT, La justice ou le chaos, Paris, Stock, 1996, p. 122 : « Le principe de la
séparation des pouvoirs ne doit pas être appliqué seulement quand il nous arrange. Le juge ne peut pas lutter contre
la tricherie en étant un tricheur. Il peut critiquer les lois, mais pas les violer, sinon il se met dans une position de
faiblesse ».
13 B. BARRET-KRIEGEL, « Etat de droit », in Dictionnaire constitutionnel, O. DUHAMEL, Y. MENY,
dir., PUF, 992, p. 418 ; voir Y. MENY, La corruption de la République, Paris, Fayard, 1992, p. 229 :
L‘Etat de droit dont la « substance réelle et empiriquement vérifiable se trouve dans les règles qu‟il adopte et la
pratique qu‟il suit par rapport aux référents que la société politique s‟est donné. De ce point de vue, la corruption ne
peut être considérée que comme une pratique déviante dans un Etat de droit démocratique ».
14 M. HUNAULT, op.cit., p. 10.

12
la représentation »15 et la démocratie est ainsi dénaturée et l‟Etat de droit affaibli. La
corruption remet en cause la légitimité du pouvoir et provoque le discrédit de la classe
politique, ce qui la prive de la possibilité d‟exiger des efforts de la population 16.

Le phénomène destructeur de la corruption est d‟autant plus répandu au sein des


pays où les règles de la bonne gouvernance17sont peu ou pas du tout respectées. Selon au
moins un commentateur juridique 18, la corruption est un phénomène qui se repose sur la
peur, que cela soit la peur engendrée par des considérations économiques, sociales ou
autres. De telles peurs naissent des lacunes démocratiques surtout au niveau de la justice
économique. En ce sens, dans l‟absence d‟une redistribution démocratique des richesses,
les individus sont naturellement disposés à s‟approprier de manière informelle des
ressources pour leur propre compte.

B - Effets économiques et sociaux de la corruption

Les coûts économiques et sociaux de la corruption sont aujourd‟hui largement


reconnus même s‟il peut s‟avérer difficile de les mesurer avec précision 19. Il convient
d‟énumérer brièvement les nombreux effets négatifs de la corruption sur l‟allocation et sur

15 P. TRUCHE, M. DELMAS-MARTY, op.cit., p. 716.


16 Voir J.-P. FITOUSSI, P. ROSANVALLON, Le nouvel âge des inégalités, Paris, Seuil, 1996, 231 p.
17 La Banque mondiale énonce quatre conditions relatives à l‘établissement de la bonne gouvernance :
l‘instauration d‘un Etat de droit qui garantisse la sécurité des citoyens et le respect des lois
(indépendance des magistrats), la bonne administration qui exige une gestion correcte et équitable
des dépense publiques, la responsabilité de l‘imputabilité (accountability) qui imposent que les
dirigeants rendent compte de leurs actions devant la population et enfin la transparence qui permet
à chaque citoyen de disposer et d‘accéder à l‘information ; voir en ce sens M.-C. SMOUTS, « Du
bon usage de la gouvernance en relations internationales », in La gouvernance, Revue internationale des
sciences sociales, n° 155, mars 1998, p 88 ; pour un développement approfondi sur la prise en compte
de la corruption par cette institution, voir M. MADANA KANE, V. LINDER, « La prise en
compte de la corruption dans les financements de la Banque mondiale : aspects juridiques », in La
corruption et le droit international, D. DORMOY, dir., Bruxelles, Bruylant, 2010, pp. 49 – 74.
18 M. le Professeur P. OCHEJE, Director, Centre for Transnational Law and Justice, Faculty of Law,
University of Windsor, Ontario, Canada: entretien avec l‘auteur de la présente recherche du
15 août 2011.
19 Pour une analyse de l‘impact économique de la corruption, voir S. ROSE-ACKERMAN, Causes,
consequences and reform, New York, Cambridge University Press, 2006, pp. 9 -26 ; ces transactions
sont généralement de nature clandestine « induisent à la fois des distorsions directes, en freinant la
concurrence et des distorsions indirectes, en instaurant un climat général de laxisme qui renforce l‟irresponsabilité. » ;
J. CARTIER-BRESSON, « Les analyses économiques des causes et des conséquences de la
corruption : quelques enseignements », in Affairisme : la fin du système, Paris, OCDE, 2000, p. 11.

13
la redistribution des ressources20.

i - L‟acte corrompu illicite peut tout d‟abord engendrer des coûts importants afin de
protéger sa nature secrète.

ii - Par le fait d‟accroître l‟incertitude et le coût des transactions légales, la


corruption a pour effet de réduire le montant des investissements et de freiner la
croissance.

iii - Quand les pouvoirs publics attribuent des marchés à des entreprises
corruptrices qui répercutent le coût du pot-de-vin sur leur devis, il est question alors d‟une
mauvaise allocation des ressources publiques.

iv - La corruption peut induire des distorsions du rôle des pouvoirs publics en


matière d‟allocation des ressources par le fait de fausser la structure des dépenses
publiques au profit de projets qui facilitent le prélèvement de pots-de-vin et aux dépens des
programmes prioritaires. On fait notamment référence ici aux « éléphants blancs »21. La
corruption augmente en ce sens les déficits publics notamment parce que ces contrats ne
sont pas attribués au moins-disant. Par l‟accroissement du prix des produits et des services,
une augmentation du coût de la vie est une conséquence de la corruption.

v - La corruption fausse le rôle redistributif de l‟Etat et facilite la fraude et l‟évasion


fiscales. En restreignant les recettes publiques, elle fait reposer des prélèvements de plus en
plus lourds sur un nombre de contribuables de plus en plus restreints.

vi - Une autre conséquence de la corruption est la détérioration de la qualité des


services offerts et des biens achetés ou contrôlés par les administrations.

vii - Au sein de systèmes où la recherche de rentes s‟avère plus lucrative que le


travail productif, la répartition des talents se fait mal et l‟élite a tendance à se tourner vers
des activités non productives, ce qui a des conséquences préjudiciables sur le surplus social
et la croissance.

20 On fait largement référence ici à la liste établie par M. le Professeur J. Cartier Bresson, voir en ce
sens : J. CARTIER-BRESSON, « Les analyses économiques des causes et des conséquences de la
corruption : quelques enseignements », op.cit., p. 18.
21 Référence à une réalisation d‘envergure souvent prestigieuse et d‘initiative publique, qui s‘avère
plus coûteuse que bénéfique et dont l‘exploitation ou l‘entretien devient un fardeau financier.

14
viii - Le fait de verser les paiements corrompus lors des marchés internationaux a
des conséquences lourdes au sein du pays pertinent. Il s‟agit d‟abord de générer « une
culture de la corruption dans les entreprises, qui sont ensuite tentées d‟y recourir sur le
marché intérieur »22.

Les effets ravageurs de la corruption sont multiples. Il est donc utile d‟en tenter
une analyse juridique à son égard. Il convient alors de définir les termes pertinents à cette
étude.

III

On procédera à une analyse du sens juridique que l‟on donne au terme


« corruption » (A) pour mieux délimiter cette étude en clarifiant l‟infraction juridique
pertinente (B).

A – Définir la corruption

Le terme « corruption » est porteur de fortes connotations morales. Il est question


du substantif du verbe corrompre qui vient du latin corrumpere - étymologiquement, cum-
rumpere : briser, rompre un ensemble – dont le sens « revêtait déjà au XIe siècle la
dimension métaphorique de perversion, corruption de l‟âme »23.

Le mot corruption s‟est rapproché de son sens contemporain en 128324, c‟est-à-dire


« entraîner par des promesses et des dons, une personne chargée de responsabilités à agir
contre son devoir ». D‟autres définitions de la corruption des praticiens actuels de lutte
contre la corruption nous éclairent sur le sens de ce terme. Selon le magistrat R. Van
Ruymbeke la corruption est « un pacte entre un élu et une entreprise pour avoir un
marché, la facture étant à la charge du contribuable »25. P. Lascoumes, propose une
définition large de la corruption : « le comportement du détenteur d‟une autorité qui, dans

22 M. HUNAULT, op.cit., p. 11, ce lien entre la corruption internationale et la corruption interne se


réalise à travers le « retour sur commission ». En ce sens, dans l‘hypothèse où un exportateur par
exemple européen confie la négociation d‘un contrat à un intermédiaire, il est envisageable qu‘il
demande qu‘une fraction de la commission versée à celui-ci soit reversée à son profit sur un
compte ouvert à l‘étranger, afin de servir de caisse noire.
23 E. ALT, I. LUC, op.cit., p. 3.
24 Ibid., p. 3.
25 R. VAN RUYMBEKE in D. ROBERT, op.cit., p. 54; voir également, E. ALT, I. LUC, op.cit., p. 7,
« Elle induit un détournement des ressources publiques et comporte un coût finalement assumé par le citoyen ».

15
le cadre de ses fonctions, publiques ou privées, utilise sa situation de pouvoir pour
détourner une règle, à son profit, ou à celui d‟une autre personne ou d‟une autre
organisation »26. Pour Mme le Professeur Rose-Ackerman, le terme corruption décrit une
relation entre l‟Etat et le secteur privé 27.

Il convient à ce stade de clarifier le rapport entre le corrupteur et le corrompu. Il est


forcément question de ce que M. le Professeur Reisman désigne comme une « fondamental
social precondition »28. Il s‟agit en occurence d‟un « degree of effective and normative
regulation by a controlling actor over a transaction whose outcome is valued by an
external actor »29. L‟acteur externe cherche à obtenir ce qu‟il veut par le biais d‟une
récompense privée au profit d‟un acteur détenteur de la décision publique ou privée. C‟est
selon l‟interprétation de la norme pertinente que l‟on décide si ce comportement est illicite
ou non et peut être considéré ou non comme un acte corrompu.

Le cœur de cet échange – le fond de l‟accord corrompu - est désigné par les juristes
anglo-saxons selon l‟adage latin quid pro quo. Le « quid » pour l‟une des parties –le
corrupteur- est le plus souvent un avantage qui est promis ou offert alors que le « quo » de
l‟autre partie – le corrompu ou corruptible – est le plus souvent une décision ou absence de
décision dans l‟exercice de ses fonctions. C‟est en ce sens que le terme corruption fait
clairement référence à un état bilatéral et synallagmatique. Pour D. Flore, la bilatéralité de
l‟échange corrompu vient de la rencontre – projetée ou accomplie - de deux personnes, de
deux parties et de deux volontés. La corruption est de nature synallagmatique, puisque à
cause de l‟échange entre les deux parties ce qui constitue l‟objet de la démarche de l‟un
constitue le moyen utilisé par l‟autre pour atteindre son propre but et vice-versa 30.

26 P. LASCOUMES, Corruptions, Paris, Presses de Science PO, 1999, p. 36.


27 S. ROSE-ACKERMAN, Causes, consequences and reform, op.cit., p. 113.
28 W. M. REISMAN, op.cit., p. 37.
29 Ibid., p. 37.
30 D. FLORE, L‟incrimination de la corruption, Bruxelles, La Charte, 1999, p. 11.

16
La corruption est un phénomène protéiforme. M. le Professeur Arnold
Heidenheimer en a distingué trois formes : la corruption blanche, la corruption grise et la
corruption noire31.

i - La corruption blanche est une forme de délinquance généralement acceptée par


les élites et tolérée par les populations32. Il est ici question d‟une forme de corruption qui
peut être visée par les « règles juridiques, le plus souvent pénales, sanctionnant ces
comportements transgressifs, ceux-ci ne sont pas vraiment perçus comme des atteintes aux
valeurs fondamentales d‟une société et n‟appellent donc pas de réprobation sociale »33.

ii - La corruption grise, elle, est faiblement incriminée. Bien que condamnée par
l‟opinion publique, elle est plutôt tolérée au sein des milieux dirigeants. On peut en donner
comme exemple les pratiques illégales de financement des partis politiques avant 1988 en
France34.

iii - La corruption noire est la forme de corruption que l‟on peut estimer la plus
grave. Les comportements que l‟on peut désigner comme de la corruption noire sont les
plus souvent visés par le droit pénal. C‟est ici que la présente étude doit resserrer son
optique puisqu‟il sera question d‟analyser cette forme de corruption : « celle qui est
stigmatisée et donne lieu à sanction sociale »35.

Il faut préciser que la forme de corruption qui concerne la présente recherche est
surtout celle habituellement désignée par le terme de corruption active par opposition à la
corruption passive. Comprendre la différence entre les deux notions est essentiel puisque,
comme nous le verrons, certains textes internationaux ont choisi un champ d‟application
très précis en visant seulement l‟infraction de la corruption active. Il est impératif de

31 A. HEIDENHEIMER, Readings in Comparative Analysis on Political Corruption, New York, Holt,


Rinehart & Winston Inc., 1970, pp. 3- 6.
32 Voir en ce sens E. ALT, I. LUC, op.cit., p. 3 : « de nombreuses pratiques allant des contraventions que l‟on
fait « sauter », aux passe-droit pour accélérer l‟attribution d‟avantages divers (places dans une crèche, logements
sociaux…), peuvent illustrer cette tolérance ».
33 P. LASCOUMES, op.cit., p. 13 ; voir ibid., p. 14 : « La white corruption n‟apparaît donc pas dans les
statistiques de criminalité. Peu dénoncés et peu repérables par les instances de contrôle, ces illégalismes demeurent
dissimulés dans la masse des échanges économiques ordinaires, ils échappent ainsi à toute stigmatisation sociale, ce
qui, en retour, renforce encore leur amnistie sociale ».
34 E. ALT, I. LUC, op.cit., p. 5.
35 P. LASCOUMES, op.cit., p. 14.

17
comprendre que la corruption est un acte unilatéral de la personne qui promet ou offre
(corruption active) ou de la personne qui sollicite ou reçoit (corruption passive).

La présente thèse ne traitera pas de ce que l‟on peut désigner comme de la


corruption privée. Ce genre d‟acte corrompu concerne une relation entre des personnes
privées et les hypothèses qui ont trait à des actes relevant de l‟activité privée de ces parties.
On pense notamment ici à la rupture du lien de confiance au sein de l‟entreprise pour se
protéger contre les agissements des personnes qui en relèvent 36. Plus généralement, il
s‟agit d‟inciter les responsables d‟une entreprise à prendre des décisions qui ne sont pas
conformes à l‟intérêt de la société. Dans ce cadre, on peut donner notamment l‟exemple de
l‟affaire Enron aux Etats-Unis37. On n‟est évidemment pas ici dans le domaine de la
corruption d‟agent public étranger.

Cette thèse est spécifiquement concernée par la corruption publique. Cette forme de
corruption se manifeste « par le versement de commissions à des agents publics soit pour
obtenir des passe-droits, soit pour se voir attribuer un marché public »38. La définition de
la qualité publique de la personne pertinente – c‟est-à-dire la définition de l‟agent public
étranger par les textes pertinents - est une problématique clé de cette étude.

B- Définir l‟infraction pertinente

Dans un souci de clarté on illustrera brièvement la nature de l‟acte visé de manière


générale par les textes pertinents. Les articles des textes internationaux consacrés à
l‟infraction de la corruption « active » d‟agent public étranger, se structurent de façon
largement analogue. On en exposera ainsi les éléments – qu‟ils soient matériels ou moraux
– de l‟infraction. Il s‟agit généralement du « fait intentionnel, pour toute personne,
d‟offrir, de promettre ou d‟octroyer un avantage indu pécuniaire ou autre, directement ou
par des intermédiaires, à un agent public étranger, à son profit ou au profit d‟un tiers,

36 D. FLORE, op.cit., p. 13.


37 Enron était l'une des plus grandes entreprises américaines par sa capitalisation boursière. Outre ses
activités propres dans le gaz naturel, cette société texane avait monté un système de courtage par
lequel elle achetait et revendait de l'électricité, notamment au réseau des distributeurs de courant de
l'État de Californie. En décembre 2001, elle a fait faillite en raison des pertes occasionnées par ses
opérations spéculatives sur le marché de l'électricité, qui avaient été maquillées en bénéfices via des
manipulations comptables. La faillite d‘Enron a entraîné dans son sillage celle d'Arthur Andersen,
qui auditait ses comptes.
38 M. HUNAULT, op.cit., p. 7.

18
pour que cet agent agisse ou s‟abstienne d‟agir dans l‟exécution de fonctions officielles, en
vue d‟obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce
international »39.

Il convient de mettre l‟accent sur les éléments de cette définition, et plus


précisément, sur les acteurs de l‟échange corrompu et les éléments matériels et moraux de
l‟infraction.

i - Qui sont les acteurs de l‟échange corrompu, c‟est-à-dire les parties à l‟échange
quid pro quo ? La catégorie de personnes pouvant être l‟auteur de la corruption active -
c‟est-à-dire le corrupteur - est toujours très étendue, il peut, en effet, s‟agir de toute
personne physique ou morale. De l‟autre partie à l‟accord corrompu, tous les textes
pertinents visent la corruption active du personnage central de cette étude – le corrompu –
en l‟occurrence l‟agent public étranger (à son profit ou au profit d‟un tiers).

ii - Quant aux éléments constitutifs de l‟infraction, les textes font toujours état d‟un
élément matériel (le fait ou l‟acte extérieur). Il s‟agit du quid, c‟est-à-dire l‟acte illicite
réalisé par le corrupteur. En matière de corruption active, il est question du fait de
promettre, donner ou offrir un avantage qui est le plus souvent indu, cet acte peut être
réalisé directement ou indirectement. On considère l‟avantage comme indu puisqu‟on
attend du fonctionnaire qu‟il agisse ou s‟abstienne d‟agir dans l‟exercice de ses fonctions.
C‟est la réalisation de ce comportement du fonctionnaire qui constitue le quo.

Dès lors, on donne quelque chose à l‟agent public étranger auquel il n‟avait pas
droit. Se trouve alors constitué l‟élément moral (l‟intention ou le dol criminel) de
l‟infraction. Il s‟agit, en effet, d‟un fait intentionnel : pour qu‟il y ait infraction, il faut
démontrer que cela est réalisé avec l‟intention requise, c‟est-à-dire que le pot-de-vin va
influencer le comportement de l‟agent public étranger. Certains textes limitent le contexte
d‟un tel paiement au cadre de l‟attribution ou la conservation d‟un marché international.
Cela constitue ce que l‟on peut désigner comme un élément de dol spécial.

39 On prend ici comme exemple l‘article 1 (1) de la convention de l‘OCDE.

19
IV

On procédera à une double analyse historique. Dans un premier temps, on


étudiera l‟histoire de la corruption de manière générale (A) pour ensuite cibler l‟historique
récent marqué par l‟adoption de la loi américaine - FCPA - et l‟adoption de plusieurs
conventions de lutte contre la corruption internationale (B).

A - Historique général

Une première approche met en évidence les ambigüités historiques à l‟égard de la


notion de la corruption (i). Un procès britannique célèbre du XVIIIème siècle fournit un
contexte historique intéressant à notre étude (ii).

i – Un concept de nature historiquement flou

Le principe de la réciprocité constitue une règle de vie dans de très nombreuses


sociétés. L‟anthropologie montre qu‟au sein de certaines communautés archaïques, les
relations avec les étrangers pacifiques ont été établies d‟abord à travers un échange, dont la
fonction essentielle est de créer une obligation sur le destinataire de l‟offre. Ce dernier est
lié par le fait d‟accepter et on attend de lui qu‟il rende quelque chose en retour40.

Si l‟on raisonne à travers le principe de l‟échange quid pro quo, la frontière entre un
échange de réciprocité et un paiement corrompu peut être assez mince. On ne pourrait que
différencier un paiement corrompu d‟un échange de réciprocité si le premier est condamné
juridiquement ou socialement. Le comte mésopotamien - « Le pauvre homme de Nippur » -
datant de 1500 avant J.-C. est un exemple intéressant de la manière dont était perçue la
réciprocité à cette période. Il s'agit, en l‟occurrence, d'une satire montrant un homme du
peuple se venger d'un notable indigne de sa fonction, et qui profite de son pouvoir pour
humilier les « petits ».

L‟analyse historique de juge américain J. T. Noonan fournit de nombreux éléments


clés à l‟étude socio-juridique de l‟histoire de la corruption. 41 Selon cet auteur, on peut en
distinguer trois périodes.

40 J. T. NOONAN Jr, Bribes, New York, MacMillan Publishing Co, 1984, p. 3.


41 Ibid., pp. xx – xxiii.

20
Lors d‟une première période - entre 3000 av. J.-C. et 1000 ap. J.-C. - la réciprocité
était la règle. La corruption est un phénomène presque aussi ancien que l‟invention de la
balance en Egypte, symbole de l‟acceptation sociale du jugement objectif. A l‟époque de
Ramsès la corruption existait déjà 42. Selon L. Louvet, « les conséquences des scandales
sous le règne de Pharaon se mesurèrent à la distorsion entre les valeurs prônées par le
« Nouvel Empire » et celles qui s‟élevèrent suite à d‟autres affaires de corruption. C‟est
cette distorsion qui permît le complot qui causa la décadence sous les Ramsès »43.

Les écrits de Platon, Aristote ou encore Cicéron attestent également de l‟ancienneté


de l‟histoire de la corruption. On peut d‟ailleurs constater que « notre vocabulaire politique
est encore imprégné de sémantique latine, reflétant les premières luttes de la République
romaine contre la corruption »44. En effet, on peut voir dans le mot «candidat » une
référence à une pratique qui a été interdite par les Romains dont l‟objet était la séduction
des foules par les citoyens briguant des mandats électifs en blanchissant leur toge –
candidatus – « qui a été blanchi ». On note, néanmoins, que les ambigüités linguistiques en
hébreu, latin ou grec quant à l‟interprétation du terme « corruption » démontrent une
résistance culturelle envers concept.

Lors d‟une deuxième période - entre 1000 ap. J.-C. – 1550 ap. J.-C. - J.T. Noonan
estime que c‟est à travers l‟expression religieuse, littéraire ou encore juridique que l‟idéal
de l‟anti-réciprocité (ou anti corruption) est devenue la règle dominante.

Ceux qui ont articulé l‟éthique de la corruption de la manière la plus marquante


sont peut être les maîtres de la littérature occidentale et en particulier Dante, Chaucer ou
encore Shakespeare. Chaucer a par exemple consacré au sein de The Pardoner‟s Tale
l‟adage biblique radix malorum est cupiditas. Shakespeare a, lui, écrit dans Le Marchand
de Venise « si les empires, les grades, les places ne s‟obtenaient pas par la corruption, si
les honneurs purs n‟étaient achetés qu‟au prix du mérite, que de gens qui sont nus seraient

42 En ce qui concerne cette période de l‘Egypte, il était plutôt question de cosmogonie que de régime
politique.
43 L. LOUVET, Le droit et la corruption internationale, Université de Paris I Panthéon Sorbonne, 2008,
p. 11.
44 E. ALT, I. LUC, op.cit., p. 3.

21
couverts, que de gens qui commandent seraient condamnés »45.

Une troisième période se caractérise – surtout à partir du XVIIème siècle - de


l‟ascendance de l‟idéal anti-corruption. En Europe, le Code pénal français de 1810 peut
être considéré comme un évènement clé à partir duquel on assiste à l‟institution définitive
des sanctions sévères pour lutter contre la corruption dans la vie publique. En ce sens, avec
l‟émergence au XIXème siècle, de l‟administration publique moderne, les abus commis
par les agents publics dans l‟exercice de leurs fonctions étaient dorénavant considérés
comme de nature à compromettre sérieusement la confiance des citoyens en la probité et
l‟impartialité de l‟administration 46.

ii - L‟ambivalence historique des puissances coloniales à la corruption à l‟étranger :


l‟exemple de la Grande-Bretagne.

Bien que l‟existence de la corruption soit documentée depuis l‟Antiquité, une


attitude claire de la part des gouvernants s‟est laissée attendre. Si, au fur et à mesure, les
Etats semblaient prendre les mesures visant le respect des droits de l‟homme à l‟image de
la France47, un exemple britannique de la fin du XVIIIème siècle fournit une très belle
illustration du regard ambivalent des puissances colonisatrices à l‟égard d‟actes corrompus
de leurs ressortissants à l‟étranger. Le procès de Warren Hastings, gouverneur du Bengale
– Inde britannique – de 1772 à 1785 fournit un exemple ancien de cette pratique.
L‟histoire du procès visant la destitution de Warren Hastings – impeachment – fait l‟objet
d‟une analyse par Mme le Professeur Ala‟i48. Le procès qui a eu lieu entre 1787 et 1795 a
vu l‟acquittement de Warren Hastings. Ce procès peut être vu comme un symbole de
l‟héritage de moralité géographique et de colonialisme. Les problématiques pertinentes de
ce procès - qui s‟est déroulé il y plusieurs siècles – le sont encore aujourd‟hui dans le

45 W. SHAKESPEARE, Le Marchand de Venise, acte II, scène 9.


46 Voir http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm § 1.
47 Voir Y. MENY, op.cit., p. 166 : On peut voir par exemple en France, que « dans la foulée de la
philosophie des Lumières, la Révolution française a voulu fonder un ordre nouveau aspirant à restaurer le bonheur de
l‟humanité par le respect des droits de l‟homme : extraordinaire ambition visant à subordonner toute l‟activité
politique au respect de principes abstraits à vocation universelle. Au pouvoir du despote devait se substituer le pouvoir
de la volonté générale, au pouvoir personnel et discrétionnaire succédait celui de la loi, de la règle générale et
impersonnelle […] la Déclaration des droits de l‟homme et du citoyen reste le phare qui guide la navigation du
système politique français ».
48 P. ALA‘I, « The Legacy Of Geographical Morality And Colonialism: A Historical Assessment Of
The Current Crusade Against Corruption », 33 Vand. J. Transnat‟l L, 2000, pp. 877 – 932.

22
domaine de la corruption internationale.

Les poursuites à l‟égard de Hastings ont été menées par Edmund Burke. Burke a
soutenu non seulement que Hastings avait commis des actes de corruption, mais qu‟il
avait, de surcroît, élaboré un système de gouvernement corrompu dans le seul objectif
d‟exercer un pouvoir arbitraire afin de dépouiller l‟Inde de ses richesses sans retenu et sans
respect pour l‟Etat de droit 49.

Curieusement, Warren Hasting n‟a jamais nié avoir accepté des pots-de-vin et a
proposé trois arguments principaux à sa défense. Premièrement, Hastings a invoqué ce que
Burke a désigné comme la « moralité géographique » ; plus précisément que certains faits
en Asie ne véhiculent pas les mêmes caractéristiques morales qu‟un fait identique commis
en Europe50. En avouant l‟usage du pouvoir arbitraire, Hastings a tout de même justifié
l‟utilisation de ce pouvoir en soutenant que le despotisme était la seule forme de
gouvernement qui existait en Asie 51.

Deuxièmement, Hastings a argué que les paiements reçus des princes indiens
n‟étaient pas destinés à son usage personnel mais pour le compte de la East India
Company52.

Troisièmement, Hastings a soutenu que la valeur de ses services et réussites


extraordinaires pour le compte de l‟Empire britannique effaçaient les actes douteux qu‟il a
commis, y compris le fait d‟accepter des pots-de-vin53.

Hastings a été acquitté par la Chambre des Lords en 1795. Selon la plus haute
juridiction britannique, la corruption n‟a pas été prouvée. Il s‟agissait de la victoire de la
« moralité géographique » de Hastings sur la « moralité universelle » prônée par Burke.
Mme le Professeur Ala‟i conclu alors que l‟acquittement de Hastings par la Chambre des
Lords s‟expliquait dans la mesure où l‟acte corrompu avait eu lieu à l‟extérieur de la

49 R. KIRK, Edmund Burke: A Genius Reconsidered, Intercollegiate Studies Institute, 1988, p. 117.
50 E. BURKE, « Speech in General Reply in the Impeachment of Warren Hastings », in 9 The Works
of the Right Honorable Edmund Burke, Boston, Little, Brown & Co, 1889, p. 447.
51 Ibid., pp. 453-54.
52 E. BURKE, « Speech in Opening », in 10 The Works of the Right Honorable Edmund Burke, Boston,
Little, Brown & Co, 1889, p. 43.
53 R. KIRK, Edmund Burke: A Genius Reconsidered, op.cit., p. 107 ; voir également BURKE [E], Speech in
Opening, pp. 46-47.

23
Grande Bretagne et que ce comportement profitait à l‟Empire britannique ; dans ce cas on
pouvait accepter un comportement moralement inférieur à celui exigé au sein des îles
britanniques. Il s‟agissait d‟une victoire de la réussite économique sur les interrogations sur
la tyrannie. Autrement dit, la tyrannie à l‟égard de non européens pouvait être tolérée si
cela était une réussite économique et que l‟Etat européen colonisateur tirait bénéfice de
cette réussite économique54.

A la lumière de cet aperçu historique, on abordera le cœur de cette étude, c‟est-à-


dire l‟analyse du dispositif juridique international de lutte contre la corruption des agents
publics étrangers.

B - L‟adoption des conventions internationales de lutte contre la corruption

On explicitera les raisons – largement géopolitiques – de l‟explosion de la


corruption internationale (i). On constatera que les Etats ont été traditionnellement peu
enclins - politiquement et juridiquement – à lutter contre ce phénomène (ii). L‟adoption de
la loi américaine de 197 fut un moment clé dans la lutte contre la corruption (iii). Le
Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) est non seulement la matrice ultérieure des
conventions internationales mais la pression diplomatique américaine a été un facteur
majeur dans l‟adoption des conventions internationales (iv), notamment celle de
l‟Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Depuis quinze
ans, les instances internationales, notamment les OIG, ont réagi face à la corruption
internationale en adoptant des conventions à portée régionale ou universelle (v).

i – Les facteurs géopolitiques provoquant l‟expansion de la corruption


internationale

La forme de corruption pertinente à cette étude s‟est développée notamment dans le


sillage de certains événements géopolitiques majeurs. Il s‟agit d‟une part de la crise de
l‟énergie de 1973 et d‟autre part de la fin de la guerre froide que l‟on date habituellement à
198955.

La crise de l‟énergie a effectivement marqué l‟épuisement de ce que l‟on peut

54 P. ALA‘I, op.cit., pp. 891 – 892.


55 La chute du mur de Berlin s‘est déroulée en 1989. Or, il est possible de dater la fin de la guerre
froide à 1991 à l‘occasion de la disparition de l‘Union soviétique.

24
désigner comme le modèle de l‟après-guerre et a eu pour effet d‟entraîner la crise
monétaire, la montée du chômage, de l‟inflation et l‟augmentation des déficits publics56.
En ce sens, le développement des marchés financiers devenait une nécessité vitale à la fois
pour les entreprises et pour les Etats 57. En 1973 cette crise a provoqué un quadruplement
du prix du pétrole qui a « conduit des occidentaux à chercher le moyen de récupérer de la
main gauche l‟argent qu‟ils étaient contraints de verser aux membres de l‟OPEP de la
main droite : vente d‟armes, installations nucléaires, grands contrats de travaux publics,
services bancaires… »58. Il s‟agissait très clairement d‟un terrain fertile pour utiliser tout
moyen – corrompu ou non – afin de remporter des marchés internationaux.

La fin de la guerre froide a provoqué un deuxième moment clé dans l‟éclosion de la


corruption internationale. A partir de cet évènement, la corruption n‟a plus été perçue
comme une arme qui servait à combattre le socialisme. Les nécessités militaires et
idéologiques ne pesaient plus de la même façon dans l‟attribution des marchés et l‟intérêt
derrière le marché se centrait plutôt sur l‟intérêt économique 59. En ce sens, la nécessité de
limiter l‟extension du bloc communiste n‟était plus à l‟ordre du jour, le libéralisme
politique et économique de marché tendait alors à devenir les valeurs de référence
universelles en matière d‟organisation des Etats 60. La lutte contre la corruption s‟est
également dynamisée, car l‟Europe a senti les effets négatifs de la corruption plus près de
ses frontières, notamment au sein des économies en transition en Europe de l‟est et dans
l‟ancienne Union soviétique. On constate alors que certains Etats en voie de transition sur
le plan institutionnel et économique « interviennent sur la scène internationale sans
toujours avoir la même définition de la légitimité ou de la légalité des pratiques
économiques »61. La mondialisation – les Etats de l‟ancien rideau de fer n‟étant plus un

56 Voir M. GOUNELLE, Relations internationales, 9ème édition, Paris, Dalloz, pp. 24 – 25 :


« Immédiatement après la guerre israélo-arabe du Kippour, l‟OPEP décide, les 16-17 décembre 1973, une
multiplication par quatre des prix du pétrole brut, et une diminution sélective des livraisons, afin de contraindre les
Etats occidentaux à faire pression sur Israël pour qu‟il se retire des territoires occupés ».
57 L. LOUVET, op.cit., p. 16.
58 E. JOLY, Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ?, Paris, Les Arènes, 2004, p. 210 ; voir
également M. HUNAULT, op.cit., p. 9 : « les entreprises européennes et américaines se livrant à une
concurrence acharnée pour obtenir des marchés auprès des pays du Moyen-Orient ».
59 P. JANOT, « Firmes Transnationales, Corruptions, États », A.F.D.I., 2005, p. 426.
60 M. GOUNELLE, op.cit., p. 33.
61 A. GENEVOIS, L‟efficacité internationale des droits anti-corruption, Université de Paris I Panthéon
Sorbonne, 2004, p. 43.

25
contre-pouvoir à l‟économie capitaliste - a augmenté les opportunités de corruption et la
réalisation de celle-ci puisque de plus en plus d‟entreprises se sont lancées dans le
commerce international 62.

L‟après guerre froide a vu les entreprises multinationales jouir d‟une place


prépondérante sur la scène internationale. La corruption est devenue un moyen pour ces
dernières d‟asseoir leur puissance. Ces entreprises viennent même « concurrencer les Etats
en tant qu‟entités spécialisées ayant des ambitions de puissance. Cette puissance s‟exerce
principalement sur les Etats grâce à la corruption et au lobbying dont la distinction peut
apparaître à certains moments bien ténue »63.

En ayant constaté cette évolution du phénomène de la corruption provoquée par les


évènements majeurs de géopolitiques on verra que cette nouvelle forme de corruption a été
pratiquée dans ce qui s‟apparentait à un vide juridique.

ii – Le manque de volonté politique et les solutions juridiques en matière de


corruption internationale

Depuis fort longtemps, presque chaque Etat dispose d‟un corpus de règles internes
qui à trait à la lutte contre la corruption et les paiements illicites. Cependant, « le droit
national de la plupart des pays ne s‟applique qu‟aux actes commis dans le pays en cause
ou à la corruption des agents publics nationaux et ne vise expressément ni les actes
commis à l‟étranger ni la corruption des agents public étrangers »64. Mais la crise de
l‟énergie et la fin de la guerre froide ont provoqué l‟explosion de l‟acte de corrompre un
agent public d‟un état étranger pour se voir attribuer ou conserver un marché. On est bien
dans une mutation de la corruption qui a été d‟abord un danger national, puis un
phénomène transnational évoluant non seulement dans un vide juridique mais autour
duquel pratiquement aucun Etat – à l‟exception notable des Etats-Unis – ne démontrait de
volonté politique en vu de le combattre. On voit même que dans de nombreux Etats, le pot-
de-vin à un agent public étranger aux fins d‟obtenir un marché avait pour conséquence une
réduction d‟impôt pour la partie qui payait l‟avantage. Cette approche semble confirmer
une optique de moralité géographique à l‟égard des transactions qui ont lieu à l‟extérieur

62 P. ALA‘I, op.cit., pp. 903 – 904.


63 P. JANOT, op.cit., p. 426.
64 C. YANNACA-SMALL, op.cit., p. 793.

26
des frontières étatique, surtout lorsqu‟il s‟agit d‟obtenir un marché avec un pays en voie de
développement et en ce sens on rappelle le procès de Warren Hastings analysé ci-dessus.

Au-delà d‟une possible approche fondée sur la moralité géographique on peut citer
d‟autres raisons pour expliquer la réticence des Etats à réagir face au phénomène de la
corruption internationale. En premier lieu, il y a le sentiment que « le rôle du droit national
à l‟égard de la corruption se limite à la protection de l‟intégrité des institutions publiques
nationales »65. Par le biais de ce postulat on peut alors conclure que dans le cadre de la
corruption étrangère, la responsabilité relève « des pays de ces agents publics et l‟action
des pays des entreprises qui offraient les paiements était considérée comme de l‟ingérence
dans les affaires de ces pays »66.

On constate aussi que le développement international de la corruption s‟est autant


plus propagé puisque les juges, limités par leurs règles de compétence territoriale, ne
pouvaient pas s‟attaquer à certains actes. En ce sens, l‟efficacité de la lutte contre la
corruption dépend en premier lieu de l‟incrimination de ces actes de façon efficace,
coordonnée et dissuasive. Elle exige de plus « un développement de la coopération
judiciaire entre les États afin d‟identifier les mouvements de capitaux suspects et prouver
les faits de corruption »67. L‟absence d‟une coordination efficace des Etats dans la lutte
contre la corruption a été dénoncée notamment par l‟Appel de Genève de 199668.

Au-delà de ces considérations politiques, on constate qu‟il est très difficile de


réprimer ces comportements car ils se déroulent dans un espace pseudo étatique peu
désireux de les sanctionner. Comme on le verra, cette question est bien évidemment
cruciale en matière de responsabilité des personnes morales, car le droit commercial
international « n‟a ni la vocation, ni la force de les atteindre, tant que les ordres juridiques
internes trouvent les limites de leurs actions dans les frontières internationales perméables
aux enquêtes et aux poursuites judiciaires »69.

65 Ibid., p. 793.
66 Ibid., p. 793.
67 M. HUNAULT, op.cit., p. 11.
68 Voir l‘analyse de l‘Appel de Genève ci-dessous.
69 P. JANOT, op.cit., p. 429 ; voir également M. HUNAULT, op.cit., p. 17 : « Les transactions commerciales
internationales sont en effet un domaine où les risques de corruption sont tout particulièrement élevées, pour diverses

27
Il convient alors d‟étudier la réaction normative récente qui s‟est cristallisée à travers le
dispositif juridique à vocation universelle, régionale ou nationale actuel. Le noyau
historique de ce dispositif se situe dans le droit fédéral américain.

iii – L‟adoption du FCPA par les Etats-Unis

La présente recherche mènera une analyse approfondie sur la réaction étatsunienne


en matière de lutte contre la corruption. La législation étatsunienne est particulièrement
pertinente car il s‟agissait de la première loi pénale nationale contraignante qui incriminait
la corruption des agents publics étrangers : une exception dans un contexte juridique peu
enclin à viser ce genre de corruption. La loi fédérale américaine le Foreign Corrupt
Practices Act (FCPA) de 20 décembre 197770 fera ainsi figure de « précurseur et
aiguillon »71 en matière d‟incrimination de fonctionnaires étrangers. On peut même dire -
et cela semble clair à la lecture de la convention de l‟OCDE – que le FCPA constitue la
matrice du dispositif juridique international ultérieur en matière de lutte contre la
corruption.

Il est généralement admis par la doctrine américaine que les origines de l‟adoption
du FCPA se trouvent dans les enquêtes qui ont suivi le cambriolage manqué du siège du
Democratic National Committee (DNC) dans le bâtiment Watergate en 1972. Lors de son
enquête, la Securities and Exchange Commission (SEC) était fortement intéressée par le
financement illicite de la campagne de réélection de Richard Nixon à la présidence des
Etats-Unis, notamment par des hauts responsables du monde des entreprises. La SEC a
ainsi souhaité faire la lumière sur les techniques comptables utilisées pour l‟enregistrement
de ce genre de paiement 72. De plus, les enquêtes ont également démontré l‟existence de
paiements et de financements politiques illicites au-delà de la seule campagne de Nixon.
En effet, il était également question de paiements à des agents publics et des partis

raisons : une vigilance moins grande à l‟étranger, la détection plus difficile soit en raison de la structure de l‟entreprise
soit en raison de la coexistence de pratiques commerciales et de cultures différentes au sein de l‟entreprise ; la
spécialisation de certaines entreprises dans des activités ou des régions particulièrement sujettes à la corruption ».
70 Pub. L. No. 95-213, 91 Stat. 1494 (codified as 15 U.S.C. § § 78a, 78m, 78dd-1, 78dd-2, 78ff).
71 M. DELMAS-MARTY, « Propos introductif », in La corruption nous concerne tous, Actes de colloque
du 4 décembre 2001 organisé en collaboration avec les magistrats de l‘Appel de Genève,
Transparency International Brussels et la Fédération des entreprises de Belgique, Les Cahiers de
l‘Institut d‘études sur la justice, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 80.
72 M. B. BIXBY, « The Lion Awakens: The Foreign Corrupt Practices Act--1977 To 2010 », 12 San
Diego Int‟l L.J., 2010, pp. 92 – 93.

28
politiques à l‟étranger. On peut notamment donner comme exemple le paiement d‟un
montant de 106 millions de dollars par la firme Lockheed 73 en grande majorité à
destination des agents publics saoudiens. En 1976, la SEC a publié un rapport qui a
divulgué les noms de plus de 400 entreprises américaines qui avouaient avoir procédé à des
paiements douteux à des agents publics étrangers. Ces révélations ont provoqué la
démission de nombreux agents publics en Italie, au Japon ou encore aux Pays-Bas, tout en
suscitant l‟émoi des citoyens américains74.

L‟étendu des révélations a provoqué une onde de choc pour le Congress américain
encore ébranlé par le scandale du Watergate. Le climat politique aux Etats-Unis post-
Watergate rendait difficile la possibilité d‟éviter la question de la corruption étrangère.
Toutefois, on voit mal comment les Etats-Unis auraient pu en réalité promulguer une loi
incriminant ce type de comportement sans que cela s‟apparente à une sanction unilatérale à
l‟égard des seules entreprises américaines. Ces dernières seraient, en effet, désavantagées
face à leurs concurrents étrangers.

Dans un premier temps, la proposition de l‟administration du Président Gerald Ford


avait trait à un devoir pour les entreprises de divulguer les paiements corrompus sans aller
jusqu‟à l‟incrimination75. Cependant, cette proposition de loi de 1976 n‟a pas été adoptée
par le Congress américain à majorité démocrate 76.

Le caractère moralisateur de l‟administration du Président Jimmy Carter 77 rendait le


moment propice pour promulguer une législation qui concrétiserait l‟engagement du
gouvernement des Etats-Unis d‟imposer des règles d‟éthique aux activités financières des
multinationales américaines. Le Président Carter a signé le FCPA le 20 décembre 1977.
Les dispositions anticorruption du FCPA 1977 tenaient pour responsable les entreprises

73 Lockheed : du nom d‘une importante société aéronautique qui était soupçonnée d‘avoir pratiqué la
corruption à grande échelle dans des marchés militaires.
74 J. G. KAIKATI, G. M. SULLIVAN, J. M. VIRGO, T. R. CARR, K. S. VIRGO, « The Price of
International Business Morality: Twenty Years Under the Foreign Corrupt Practices Act », 26 J.
Bus. Ethics, 2000, p. 213 et p. 218.
75 D. WINDSOR, K. A. GETZ, « Multilateral Cooperation To Combat Corruption: Normative Regimes
Despite Mixed Motives And Diverse Values », 33 Cornell Int'l L.J, 2000, p. 744.
76 Voir M. PIETH, « Introduction », in The OECD convention on Bribery, Cambridge, Cambridge
University Press, 2007, p. 7.
77 Institué le 20 janvier 1977.

29
américaines et personnes physiques pertinentes notamment pour les paiements corrompus à
des agents publics étrangers. Ces paiements avaient pour but d‟influer sur ces derniers afin
qu‟ils confèrent un avantage indu dans le commerce international à une entreprise ou
personne physique américaine.

Selon au moins un commentateur juridique, le FCPA a été essentiellement un effort


du Congress américain pour endiguer la perte de confiance publique dans l‟intégrité des
entreprises américaines associées dans les révélations volontaires de 197678. Il est
d‟ailleurs souvent avancé qu‟il s‟agissait d‟une réaction plutôt morale qu‟économique. Il
est pourtant difficile d‟identifier avec précision la motivation principale des Etats-Unis de
promulguer le FCPA. Il semble clair que l‟adoption du texte trouve sa source dans les
suites de l‟affaire du Watergate, cependant, on doit se demander si d‟autres facteurs ne
seraient pas en jeu au-delà de l‟approche éthique prônée par l‟administration du Président
Carter. Pour M. le Professeur Pieth, la promulgation du FCPA n‟était pas seulement une
tentative de protéger l‟image des Etats-Unis à l‟étranger, mais aussi une démarche très
claire dans l‟optique d‟empêcher le secteur privé de s‟immiscer dans la politique étrangère
étatsunienne et dans les intérêts de sécurité nationale tels que définis par le
gouvernement 79. Les Etats-Unis ont également considéré la corruption comme « un
obstacle à l‟appropriation par les entreprises américaines des marchés de reconstruction
des pays où les Etats-Unis ont des intérêts importants en politique étrangère»80. On peut
aussi penser qu‟à long terme, l‟objectif des Etats-Unis était bien de mettre en œuvre le
FCPA d‟une façon poussée afin de réduire de façon importante le nombre de contrats
gagnés par les entreprises concurrentes (non américaines) par le biais de la corruption
d‟agent public étranger 81.

78 C. J. DUNCAN, « The 1998 Foreign corrupt practices act amendments: moral empiricism or
moral imperialism? », Asian-Pacific Law & Policy Journal, June 2000, p. 11.
79 M. PIETH, « Introduction », op.cit., p. 8.
80 Voir A. GENEVOIS, op.cit., p. 68 citant The National Export Strategy (Trade Promotion
Coordinating Committee), Washington DC, octobre 1997.
81 P. J. CULLEN, « Article 3. Sanctions », in M. PIETH et al., The OECD convention on Bribery,
Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 211; US Departement of Commerce,
International Trade Administration, Adressing the Challenges of International Bribery and Fair
Competition, the sixth Annual Report under Section 6 of the International Anti-Bribery and Fair
Competition Act of 1998, July 2004.

30
iv – L‟effet anticoncurrentiel du FCPA à l‟égard des entreprises américaines : la
pression diplomatique américaine en vue de la négociation d‟une convention internationale

Au vu de l‟incrimination unilatérale de la corruption active des agents publics


étrangers, les entreprises américaines se trouvaient soumises à un désavantage
concurrentiel par rapport aux entreprises étrangères, en particulier les Etats européens et le
Japon82. L‟adoption du FCPA avait en ce sens provoqué une « large campagne des lobbies
d‟affaires américains en vue de son amendement, voire sa suppression »83. La pression des
entreprises américaines dans l‟optique de créer les mêmes conditions pour les entreprises
des autres pays a poussé les Etats-Unis à modifier le FCPA lors de l‟adoption de
l‟Omnibus Trade Act signé par le Président Ronald Reagan le 23 août 1988.

Les modifications du FCPA s‟insèrent dans une loi plus large de 1988 qui est loin
d‟être anodine. Il s‟agit non seulement d‟une étape juridique importante dans la
construction d‟une économie mondiale, mais « elle apparaît comme une sorte de « Bill of
Rights » économique au profit d‟un seul Etat. Elle est une déclaration unilatérale des
droits de la première puissance mondiale ; droits qui, réduite à l‟essentiel, sont celui de
“ mener le monde” et celui de défendre les intérêts américains dans [ce nouveau]
contexte »84.

Les modifications de 1988 donnaient mandat au gouvernement des Etats-Unis de


négocier un instrument international incriminant la corruption à l‟étranger dans le cadre de
l‟OCDE. A cette fin, la loi de 1988 « invitait le Président américain à déployer tous les
efforts nécessaires pour négocier une convention internationale avec les membres de
l‟OCDE pour que ceux-ci appliquent les mêmes principes que ceux s‟imposant aux
entreprises [américaines] »85.

Les amendements au FCPA en 1988 ont également mis en place certaines

82 D. FLORE, op.cit., p. 41.


83 A. GENEVOIS, op.cit., p. 275.
84 E. ZOLLER, « Guerre commerciale et droit international [Réflexions sur les contre-mesures de la
Loi américaine de 1988 sur le commerce et la concurrence] », AFDI, Editions du CNRS, Paris,
1989, p. 66 ; l‘approche de ce texte est illustrée par exemple par le libellé de la section 1001 (a)
(6) : « While the United States is not in a position to dictate economic policy to the rest of the world, the United
States is in a position to lead the world and it is in the national interest for the United States to do so », 102 Stat.
1120.
85 D. FLORE, op.cit., p. 50.

31
exceptions à l‟interdiction de verser des commissions aux agents publics étrangers. En
particulier surtout lorsque ces versements sont effectués aux fins d‟acquérir des facilités
qui entrent dans leur champ de compétence, mais qui n‟ont pas pour objectif l‟acquisition
de nouveaux marchés. Il s‟agit notamment de ce que l‟on peut désigner comme des
« paiements de facilitation ».

Dans un premier temps aucun autre Etat n‟a suivi l‟exemple américain. 86 L‟inaction
des autres pays peut être en partie expliquée par des considérations qui ne sont pas
forcément liées au marché. En effet, la corruption a été largement considérée comme
faisant partie intégrante de la vie des pays en voie de développement et une évolution
seraient seulement possible au fur et à mesure de leur démocratisation87. De plus, selon
certains juristes, les efforts des démocraties industrialisées pour changer les pratiques des
pays en voie de développement est une forme d‟impérialisme moral ou d‟ethnocentrisme.
C‟est en particulier l‟avis de M. le Professeur Salbu 88. Néanmoins, il est difficile de ne pas
conclure que les considérations économiques ont joué un rôle prépondérant dans la prise de
position d‟autres pays89. Il semble évident que le FCPA qui visait pour la plupart les
entreprises américaines donnait a priori un avantage dans le commerce international à des
entreprises d‟autre pays.

Selon M. le Professeur Tarullo90 trois facteurs expliquent le renforcement de


l‟approche américaine à travers la négociation d‟un accord international de lutte contre la
corruption. Premièrement, de nombreuses multinationales étatsuniennes avaient abandonné
l‟espoir de voir supprimer le FCPA. Ces dernières ont souhaité l‟adoption des lois qui
puissent s‟appliquer aux concurrents étrangers. Deuxièmement, l‟approche d‟un certain
nombre d‟économistes avaient fait évolué leur position en la matière. En effet, au lieu
d‟envisager la corruption comme un moyen d‟accomplir plus facilement des actes au sein
de bureaucraties rigides, dans les années 1990, ces économistes percevaient désormais que

86 La Suède a adopté une loi incriminant la corruption étrangère en 1977, mais celle-ci était largement
inopérable.
87 D. K. TARULLO, « The Limits of Institutional Design: Implementing the OECD Anti-Bribery
convention », 44 Vanderbilt Journal of International Law, 2003-2004, p. 674.
88 Voir surtout : S. R. SALBU, « Extraterritorial restrictions of bribery: a premature evocation of the
normative global village », Yale I.L.J., 1999, pp. 233 – 255.
89 D. K. TARULLO, op.cit., p 674.
90 L‘avis du Professeur Tarullo nous intéresse tout particulièrement puisque ce dernier un tenu le rôle
de sherpa pour le gouvernement des Etats-Unis lors des négociations de la convention de l‘OCDE.

32
la corruption entrainait des graves effets négatifs pour l‟économie. La création de l‟ONG
Transparency International par P. Eigen est un exemple révélateur de ce genre d‟évolution.
Troisièmement, l‟élection d‟un nouveau président aux Etats-Unis a aussi changé la donne.
En effet, l‟administration du Président Clinton a amené une approche différente en matière
d‟intérêts nationaux. Les Etats-Unis ont alors favorisé les négociations au sein de
l‟OCDE91.

Il n‟est pas question ici d‟analyser les méandres de la négociation diplomatique


menée par les Etats-Unis. Néanmoins, il est intéressant de relever un point pertinent 92. Lors
de la négociation au sein de l‟OCDE, M. le Professeur Tarullo estime que les Etats-Unis
ont su mettre une pression diplomatique importante sur les autres Etats négociateurs. En
effet, les Etats-Unis auraient fait savoir, de manière plus ou moins explicite, aux autres
parties, qu‟ils pourraient se montrer favorables à l‟égard des dossiers présentant un intérêt
pour certains Etats étrangers en contrepartie d‟une attitude bienveillante de ces derniers
dans la négociation de la convention de l‟OCDE.

La signature des conventions de lutte contre la corruption au sein des instances


internationales : approche historique

C‟est notamment au sein des instances internationales et tout particulièrement dans


le cadre des organisations internationales intergouvernementales (OIG) que la lutte contre
la corruption d‟agent public étranger a connu un essor considérable. Les OIG y jouent -
surtout depuis 1945 - un « rôle structurant du système international contemporain, en
même temps qu‟elles contribuent à sa relative pacification »93. La première convention
internationale de lutte contre la corruption a vu le jour sous les auspices de l‟Organisation
des Etats Américains.

91 D. K. TARULLO, op.cit., pp. 675 – 681.


92 Ibid., pp. 678 – 679.
93 M. GOUNELLE, op.cit., p. 152 ; on note que l‘OIG peut être définie comme « une association
d‟Etats, établie par accord entre ses membres et dotée d‟un appareil permanent d‟organes, chargé de poursuivre la
réalisation d‟objectifs d‟intérêt commun par une coopération entre eux », M. VIRAILY, cité par
M. GOUNELLE, op.cit., p. 152.

33
La convention interaméricaine de lutte contre la corruption : première convention
multilatérale contre la corruption

Entre 1977 et 1996, le FCPA est demeuré le seul instrument de ce genre. Malgré la
pression américaine, la première convention internationale n‟a pas été adoptée dans le
cadre de l‟OCDE mais par l‟Organisation des Etats américains. L‟adoption de la
convention interaméricaine de lutte contre la corruption (IACAC) le 29 mars 1996 au sein
de l‟Organisation des Etats américains (OEA) 94 a mis fin à l‟isolation étatsunienne en ce
domaine. Ce texte est entré en vigueur le 6 mars 1997. Il s‟agit de la première convention
multilatérale contre la corruption qui ait été adoptée dans le monde. L‟IACAC reflète un
consensus régional relatif à la prévention, à l‟incrimination et à l‟enquête sur les actes
corrompus dans le secteur public. Elle établit également un cadre juridique pour faciliter la
coopération entre les Etats parties dans le cadre des enquêtes et du recouvrement des
avoirs95.

L‟initiative de l‟IACAC se trouve dans la Summit Declaration du 11 décembre


1994 signée à Miami, dans le cadre de l‟OEA. Par ce document, l‟OEA a reconnu
publiquement le besoin de lutter contre la corruption et a surtout exprimé sa volonté de
réagir contre celle ci. Le document précise que cela pourrait se réaliser par le biais d‟un
accord international 96. Moins de deux ans se sont écoulés entre la « Summit Plan of
Action » du 11 décembre 1994 et l‟ouverture à la signature de l‟IACAC à Caracas, le
29 mars 1996. Dans le cadre de ces négociations, on remarque les travaux de l‟Assemblée
générale de l‟OEA à Haïti en 1995 pendant lesquels le Groupe de travail sur la probité et
l‟éthique civique a élaboré un projet de convention interaméricaine contre la corruption
inspiré par le Venezuela.

94 http://www.oas.org/juridico/english/treaties/b-58.html.
95 G. D. ALTAMIRANO, « The impact of the Inter-american convention against corruption »,
University of Miami Inter-American Law Review, Spring/Summer, Vol. 38, No. 3, p. 489.
96 Summit of the Americas: Declaration of Principles and Plan of Action, 34 I.L.M. 808, 808-38 (1994) ; Le
« Summit Plan of Action » propose le développement d‘une approche régionale coordonnée de lutte
contre la corruption dans la forme d‘un accord international qui permettrait entre autres une
coopération judiciaire interétatique accrue qui permettrait l‘extradition et les poursuites en cas
d‘infraction de corruption ; voir R. H. SUTTON, « Controlling Corruption Through Collective
Means : Advocating the Inter-American convention Against Corruption », 20 Fordhal Int‟l L.J,
1997, p. 1456.

34
Les efforts diplomatiques américains : la négociation d‟une convention au sein de
l‟OCDE

La lutte menée par l‟OCDE contre la corruption occupera une place importante au
sein de la présente recherche. L‟optique de cette OIG est de « constituer un club de pays
industrialisés à économie de marché, et de jouer un rôle d‟expert en politique économique
»97. Il est dès lors tout à fait logique que l‟OCDE ait été ciblée par les Etats-Unis dans la
négociation d‟une convention internationale. Les Etats membres de l‟OCDE sont parmi les
pays les plus riches au monde, dont les entreprises sont responsables de la plupart des actes
de corruption internationale. La convention sur la lutte contre la corruption d‟agents
publics étrangers dans les transactions commerciales internationales a été signée à Paris le
17 décembre 1997 et est entrée en vigueur le 15 février 1999. De par la qualité de ses Etats
parties – à savoir la plupart des grandes puissances industrielles – et de par son mécanisme
de mise en œuvre, la convention de l‟OCDE constitue la référence en matière de lutte
contre la corruption active des agents publics étrangers dans le commerce international.

Bien que l‟OCDE ait adopté dès 1976 les principes directeurs à l‟égard des
entreprises américaines98, on peut considérer qu‟un nouvel élan en matière de lutte contre
la corruption – sous impulsion américaine – a été lancé en 1989 99. L‟OCDE a tout d‟abord
agi à travers un travail de recensement, et puis par l‟adoption de recommandations. La
justification de ce choix se trouve surtout dans le fait que l‟OCDE « ne dispose que d‟un
pouvoir limité pour arrêter des décisions obligatoires pour ses Membres, et encore faut-il
qu‟elles soient prises à l‟unanimité »100.

97 M. GOUNELLE, op.cit., p 37.


98 Voir C. YANNACA-SMALL, op.cit., p. 797 : « En 1976, un consensus s‟est dégagé au sein des pays membres
de l‟OCDE pour condamner les paiements illicites, dans le paragraphe 7 des principes généraux des Principes
directeurs de l‟OCDE à l‟intention des entreprises multinationales […] Ce paragraphe a été adopté pour répondre
aux préoccupations exprimées par les Etats-Unis à l‟égard des paiements illicites qui faussent les échanges et les
investissements au niveau international. Peu après, le Congrès des Etats-Unis a adopté le « Foreign Corrupt
Practices Act» ».
99 Cela a été réalisé par le biais de la création d‘un Groupe de travail ad hoc qui a dans un premier
temps procédé à une étude comparative de législations nationales des différents pays Membres et
des concepts fondamentaux concernant aussi bien l‘infraction de corruption que l‘application du
droit national à des infractions commises pour tout ou partie à l‘étranger. Voir G. SACERDOTI,
« Corrompre ou ne pas corrompre », in Affairisme : la fin du système, Paris, Editions OCDE, 2000,
p. 35.
100 A. GENEVOIS, op.cit., p. 70.

35
Travaux de recensement

L‟OCDE avait débuté ses travaux par le recensement de tous les éléments existants
dans les législations nationales de ses membres relatifs aux paiements illicites. Les
conclusions de cet inventaire ont démontré que tous les pays membres possèdent dans leurs
législations nationales, notamment pénales, des dispositions contre la corruption et les
paiements illicites. Ces dernières sanctionnaient le paiement, l‟offre ou encore la promesse
de paiement illicite au bénéfice d‟agents publics nationaux sans toutefois que ces
dispositions s‟appliquent expressément aux paiements effectués au bénéfice des agents
publics étrangers101. L‟impunité à l‟égard de la corruption d‟agent public étranger était
logique à l‟égard de la législation en vigueur. Un autre inventaire de l‟OCDE102 concernait
le traitement fiscal des paiements illicites. Celui-ci a souligné que le droit fiscal dans la
majorité des Etats membres de l‟OCDE ne prévoyait pas de disposition spécifique sur ce
point. D‟ailleurs, ce genre de paiement a été traité « comme d‟autres sources d‟imputation
ou de déduction – souvent, en fait, comme des dépenses déductibles »103.

L‟adoption par l‟OCDE de la recommandation du 27 mai 1994

A la suite des travaux du Comité de l‟Investissement international et des


Entreprises Multilatérales (CIME), le Conseil de l‟OCDE a adopté au niveau ministériel
une première Recommandation le 27 mai 1994104 invitant les pays membres à « prendre
des mesures efficaces pour décourager, empêcher et combattre la corruption d‟agents
publics étrangers dans le cadre de transactions commerciales internationales ». Il s‟agit
d‟une étape importante des travaux de l‟OCDE qui a été renforcé par le renouvellement du
mandat du Groupe de travail présidé dès l‟origine par M. le Professeur Pieth de
l‟Université de Bâle105. A travers le CIME, les ministres avaient demandé au Groupe de
travail d‟examiner les modalités et les instruments internationaux appropriés afin de
faciliter l‟incrimination de la corruption.

101 Voir OCDE, « Les paiements illicites dans les transactions commerciales internationales ; inventaires des
législations et des pratiques des pays membres de l‟OCDE en matière de paiements illicites » juin 1990 ; cité par
C. YANNACA-SMALL, op.cit., p 798.
102 OCDE, « Traitement fiscal des paiements illicites », février 1993.
103 C. YANNACA-SMALL, op.cit., p. 798.
104 Recommandation sur la corruption dans le cadre des transactions commerciales internationales,
Acte du Conseil de l‘OCDE C (94) 75 du 27 mai 1994.
105 A. GENEVOIS, op.cit., p. 71.

36
M. le Professeur Pieth estime que le texte de la recommandation est assez banal 106.
Si l‟intérêt juridique de ce document –non contraignant - n‟est pas dans un premier temps
évident, son impact politique a, néanmoins, été important. En effet, il a eu pour résultat une
confiance accrue de l‟OCDE et d‟autres organisations dans l‟espoir que la lutte contre la
corruption pourrait être nettement plus efficace à condition que tous les acteurs pertinents y
participent. Il faut noter que ce texte a provoqué l‟intérêt du Conseil de l‟Europe et de la
société civile. En effet, leurs travaux ont connu une dynamique considérable après
l‟adoption de ce texte107.

Dans le sillage de cette recommandation, l‟OCDE a fait de l‟incrimination pénale


une priorité dans le sens où elle a souhaité marquer une nette différence entre un
comportement licite et un comportement jugé illicite. Le Conseil de l‟OCDE et le Groupe
de travail ont ainsi trouvé un accord sur la nécessité d‟incriminer la corruption des agents
publics étrangers d‟une manière efficace et coordonnée 108.

Recommandation du 23 mai 1997 et signature d‟une convention internationale sous


les auspices de l‟OCDE

Une étape majeure dans la lutte menée par l‟OCDE contre la corruption a été
franchie par l‟adoption d‟une Recommandation révisée du Conseil sur la lutte contre la
corruption dans les transactions commerciales internationales le 23 mai 1997 109. A la
lecture du texte un double objectif apparaît ; d‟une part que les Etats membres adoptent des
lois nationales appropriées en matière d‟incrimination de la corruption des agents publics
étrangers avant la fin de l‟année 1998 et, d‟autre part, que ces Etats entament des
négociations dans le but de permettre la signature d‟une convention avant la fin de 1997

106 M. PIETH, « Introduction », op.cit., p. 12.


107 Ibid., p. 12.
108 Ibid., p. 14 ; voir également ibid., p. 19 : d‘autres comités de l‘OCDE – en partie en coopération
avec le Groupe de travail - ont œuvré sur des recommandations spécifiques et on souligne en ce
sens la Recommandation du Comité d‘aide au développement du 7 mai 1996 OCDE,
Recommandation du Comité d‟aide au développement sur des propositions de clauses anti-corruption à intégrer dans
les contrats relatifs aux marchés financés par l'aide bilatérale du 7 mai 1996, DCD/DAC(96)1/FINAL ou la
Recommandation sur la déductibilité fiscale des pots-de-vin versés à des agents publics étrangers
du 11 avril 1996108dans le cadre du comité des affaires fiscales. De manière indépendante, d‘autres
sous-comités ont œuvré sur la lutte contre la corruption. Par exemple PUMA, ECG, SIGMA.
109 C(97)123/FINAL, voir http://www.oecd.org/officialdocuments/displaydocumentpdf?cote
=daffe/ime/br(97)20&doclanguage=en ; on note que certains éléments communs convenus ont
été annexés à ce texte.

37
afin que celle-ci entre en vigueur dans les douze mois qui suivent 110. On note par ailleurs
que le choix d‟une convention – plutôt qu‟une simple recommandation - est une initiative
attribuée à la France et à l‟Allemagne111.

Le Groupe de travail de l‟OCDE a dès lors fonctionné comme une conférence de


négociations qui a réuni les pays membres et non membres participant aux travaux. Le
Groupe de travail a conclu les négociations sur le texte de la convention de l‟OCDE en
novembre 1997 et la signature officielle de cette convention a eu lieu le 17 décembre 1997.
Ce texte est rentré en vigueur le 15 février 1999.

La convention de l‟OCDE a un champ d‟application très spécifique et se différencie


en ce sens des autres textes internationaux de lutte contre la corruption. Ce texte vise la
corruption active d‟agents publics étrangers112. Le champ d‟application est également
restreint puisque sont visés seulement les paiements en vue d‟obtenir ou de conserver un
marché ou un autre avantage indu dans les transactions commerciales internationales 113.

Cette convention consacre le principe désigné comme l‟« équivalence


fonctionnelle ». Les commentaires de la convention de l‟OCDE précisent que celle-ci a
« pour objectif d‟assurer une équivalence fonctionnelle entre les mesures prises par les
Parties pour sanctionner la corruption d‟agents publics étrangers, sans exiger l‟uniformité
ou une modification de principes fondamentaux du système juridique d‟une Partie »114. La
notion de l‟équivalence fonctionnelle peut être définie de la manière suivante : « ce qui
équivaut, la chose équivalente au regard des fonctions assurées par un objet ou une

110 Voir G. SACERDOTI, « Corrompre ou ne pas corrompre », op.cit., p. 37.


111 Voir A. GENEVOIS, op.cit., pp. 73-74 : « ces deux pays ont soutenu que seul la rédaction d‟une convention
serait, du fait de la communauté d‟engagement à respecter certains principes juridiques précisément définis, bien plus
efficace qu‟une recommandation, et de nature à permettre de garantir : le caractère contraignant des obligations
précises et équivalentes en la matière souscrites par les Etats membres, par l‟élaboration d‟une norme juridique ; et
un renoncement coordonné de l‟ensemble des Etats membres aux pratiques de corruption qui visaient, de manière
quasi systématique, certains marchés internationaux ».
112 Précisions cependant que l‘incrimination des faits de corruption passive imputables à des personnes
étrangères demeure de la seule compétence des États dont ces personnes relèvent.
113 Voir M. HUNAULT, op.cit., p. 17 : Les transactions commerciales internationales sont de toute
évidence un domaine où les risques de corruption sont importantes : une vigilance moins grand à
l‘étranger ; la détection plus difficile soit en raison de la structure de l‘entreprise, soit en raison de la
coexistence de pratiques commerciales et de cultures différentes au sein de l‘entreprise ; la
spécialisation de certaines entreprises dans des activités ou des régions particulièrement sujettes à la
corruption.
114 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.

38
opération. Assurer l‟équivalence fonctionnelle dans une loi, c‟est indiquer que tous les
procédés, mécanismes ou objets capables d‟accomplir une fonction déterminée ont un
statut équivalent »115. C‟est une solution qui respecte la logique de chaque système
juridique. Le principe de l‟équivalence fonctionnelle est surtout utile lorsqu‟il s‟agit
d‟évaluer la mise en œuvre de la convention par les Etats parties116. Ce système peut
néanmoins être critiqué car il rend très difficile une mise en œuvre uniforme de la
convention par le droit interne des Etats parties117.

La lutte onusienne contre la corruption des agents publics étrangers

Les Nations Unies avaient déjà manifesté une volonté de lutter contre la criminalité
en col blanc par une déclaration adoptée lors du Congrès de Kyoto en août 1970118.

Le début des initiatives onusiennes dans la lutte contre la corruption date du 15


décembre 1975 et la résolution relative aux « mesures contre les actes de corruption
commis par les sociétés transnationales […]»119. Les Nations Unies ont confié cet exercice
au groupe de travail intergouvernemental ad hoc sur le problème des pratiques de la
corruption et au Conseil économique et social. Par cette résolution, les Nations Unies ont
réaffirmé le droit pour tout Etat de légiférer, d‟enquêter et de prendre toutes mesures
juridiques appropriées, en conformité avec ses lois et sa réglementation, à l‟encontre des
entreprises et autres parties impliquées dans de tels actes de corruption 120.

Cependant, les initiatives onusiennes des années soixante-dix n‟ont pas abouti.
Entre 1975 et 1979, faute de consensus, on constate seulement un projet d‟accord du 5 août

115 Site internet du Ministère des Services gouvernementaux du Québec,


http://www.msg.gouv.qc.ca/fr/enligne/loi_ti/glossaire/g129.asp ; définition citée par
P. NASTOU, « L‘évaluation des parties à la convention de l‘OCDE sur la lutte contre la corruption
d‘agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales : un mécanisme de
suivi au service de l‘harmonisation des législations et pratiques nationales », in La corruption et le droit
international, D. DORMOY, dir., Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 30.
116 M. PIETH, « Introduction », op.cit., p. 27.
117 Cela fait l‘objet de l‘analyse de P. NASTOU, op.cit., pp. 30 – 48.
118 Travaux préparatoires de la convention des Nations Unies contre la corruption ;
http://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/Publications/Travaux/UNCAC_Travaux_
Preparatoires_-_English.pdf.
119 Résolution n° 3514, http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=
A/RES/3517(XXX)&Lang=F.
120 Voir l‘analyse de C. YANNACA SMALL, op.cit., p. 794.

39
1978121. Une des raisons de cet échec est certainement le fait qu‟il s‟agissait de la première
occasion où « l‟on a cherché à sanctionner pénalement dans une convention des actes
commis par des personnes morales ou pour leur compte »122. Certains aspects d‟ordre
politique sont également venus contrarier les tentatives de négociation. Tel est le cas de
l‟interdiction prévue par une disposition prévoyant d‟effectuer des paiements de
redevances ou d‟impôt au bénéfice des « régimes minoritaires illégaux d‟Afrique
australe ». Cette disposition, appuyée de manière importante par le Groupe des 77,123 n‟a
pu être accepté par les Etats de l‟OCDE.

Il a fallu attendre une quinzaine d‟années avant que l‟Assemblée générale des
Nations Unies adopte, le 16 décembre 1996 124, la résolution contre la corruption dans les
transactions commerciales internationales et la résolution sur la coopération internationale
contre la corruption dans les transactions commerciales du 12 décembre 1997 125.

On peut estimer que la convention des Nations Unies contre la corruption


(CNUCC) découle de la « Déclaration de Vienne » adoptée par le Dixième Congrès des
Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants d‟avril 2000 et
les travaux préparatoires de la convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée126. Alors que les autres instruments internationaux traitant de la

121 Voir par exemple la résolution 2041 (LXI) du 5 août du Conseil économique et social : « créer un
groupe de travail intergouvernemental spécial chargé de procéder à un examen du problème des pratiques de
corruption et en particulier des actes de corruption commis dans le cadre de transactions commerciales internationales
par des sociétés transnationales et autres, leurs intermédiaires et autres parties en cause et d‟étudier en détail la portée
et le contenu d‟un accord international visant à prévenir et éliminer les paiements illicites, sous quelque forme que ce
soit, à l‟occasion des transactions commerciales internationales ».
122 C. YANNACA SMALL, op.cit., p. 795 ; la question de la responsabilité des personnes morales sera
analysée au sein des chapitres 3 et 8 de la présente recherche.
123 Ibid., p. 795 ; On fait référence ici au Groupe de 77 aux Nations Unies qui comprend une coalition
des pays en développement, conçu dans le but de promouvoir les intérêts économiques collectifs
de ses membres et créer une capacité de négociation accrue aux Nations Unies. Ce groupe, créé par
77 pays, comptait (en 2009) 130 pays membres. ; voir également M. GOUNELLE, op.cit., p. 167 :
la décolonisation a donné un poids inégalé au tiers- monde, « une relative discipline de vote obtenue dans
le cadre du « groupe des 77 » autour de quelques grands thèmes mobilisateurs (indépendance des peuples colonisés,
exigence d‟une aide significative au développement) a permis aux pays en voie de développement de faire entendre leur
voix dans le concert des nations ».
124 Résolution 51/191.
125 Résolution 52/87.
126 On rappelle néanmoins que les premières implications des Nations Unies dans la lutte contre la
corruption datent des années 1970. On soulignera notamment la proposition d‘accord international
sur les paiements illicites du 4 août 1978 ou encore la déclaration des Nations Unies contre les

40
criminalité transnationale organisée sont des instruments ciblés ou thématiques, visant des
activités délictueuses spécifiques telle que le trafic de stupéfiants ou le blanchiment des
capitaux, cette convention cherche à réprimer la criminalité organisée de manière
globale127. En décembre 2000, l‟Assemblée générale des Nations Unies a reconnu la
nécessité d‟un instrument juridique international efficace indépendant de la convention des
Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Les Nations Unies avaient
travaillé sur la question de la corruption pendant plus de vingt ans avant d‟adopter la
résolution 55/61 du 4 décembre 2000 128. Par cette résolution, l‟Assemblée générale a prié
le Secrétaire général de convoquer, une fois terminées les négociations sur la convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, un groupe
intergouvernemental d‟experts à composition non limitée 129 chargé d‟examiner et
d‟élaborer, sur la base du rapport du Secrétaire général et des recommandations de la
Commission, un projet de mandat pour la négociation du futur instrument juridique contre
la corruption130.

Après des négociations officieuses à Buenos Aires en décembre 2001, la


négociation formelle de la convention s‟est ouverte à Vienne où les Nations Unies ont
établi un Comité ad hoc afin de négocier l‟instrument dans le Centre des Nations Unies
pour la prévention internationale du crime à l‟Office des Nations Unies contre la drogue et
le crime. Le texte de la convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) a été
négocié pendant les sept séances du Comité ad hoc qui ont eu lieu entre le 21 janvier 2002
et le 1er octobre 2003. La Conférence de la signature de la CNUCC 131 a eu lieu les 9 et 11
décembre 2003132. La CNUCC est entrée en vigueur le 14 décembre 2005.

pots-de-vin et la corruption – Nations Unies, 12 décembre 1996, Résolution 51/191 : Declaration


against Coruption and Bribery in International Commercial Transactions.
127 Voir A. GENEVOIS, op.cit., pp. 84 – 85.
128 http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/un/unpan038989.pdf.
129 Equivalent à la notion anglo-saxonne « open ended »: tous les Etats membres de l‘ONU, Etats
observateurs, organisations intergouvernementales et ONG dotés du statut consultatif ECOSOC
peuvent assister aux réunions publiques du Groupe de travail.
130 Rapport du Comité spécial chargé de négocier une convention contre la corruption sur les travaux
de ses premières à septième sessions, A/58/422, p. 2.
131 http://www.unodc.org/pdf/crime/convention_corruption/signing/convention_f.pdf.
132 Pour une analyse de ces négociations, se rapporter à P. WEBB, op.cit., pp. 204-205.

41
Au vu du nombre important de pays signataires, la CNUCC est le premier
instrument de lutte contre la corruption à vocation réellement universelle133. La CNUCC
aborde tous les aspects de la lutte contre la corruption car elle a trait à la prévention –
secteur public et privé - les incriminations, les règles de droit pénal et de procédure pénale,
la coopération internationale, le recouvrement des avoirs, l‟assistance technique et les
échanges d‟informations. En ce qui concerne les incriminations, on remarque que les
dispositions du chapitre 3 de la CNUCC vise l‟incrimination obligatoire des faits de
corruption active et passive d‟agent public, de corruption active d‟agent public étranger
dans le cadre des transactions commerciales internationales, de détournement de biens
publics, de blanchiment du produit du crime et d‟entrave au bon fonctionnement de la
justice. La CNUCC recommande l‟incrimination d‟autres faits tels que la corruption
passive d‟agent public étranger dans le cadre des transactions commerciales internationales
le trafic d‟influence, l‟abus de fonctions ou encore l‟enrichissement illicite. Au-delà des
conditions de la coopération internationale prévues au sein du chapitre IV, il convient de
mettre l‟accent sur les dispositions innovatrices du chapitre V de la CNUCC qui prévoient
un mécanisme de recouvrement des avoirs134.

La lutte contre la corruption du Conseil de l‟Europe

Le Conseil de l‟Europe a été créé il y a plus de soixante ans dans l‟objectif de


contribuer à la construction d‟un continent européen pacifié et unifié 135. Les travaux du
Conseil de l‟Europe en matière de corruption ne reposent pas sur la nécessité de protéger
l‟économie de marché, la concurrence ou le commerce international, mais plutôt et surtout,
en raison de la menace évidente que le phénomène représente pour l‟Etat de droit, la
stabilité des institutions démocratiques, la protection des droits de l‟homme et le progrès

133 On note que la convention de l‘OCDE est aussi un texte à visée universelle mais dont le nombre
d‘Etats signataires est beaucoup moindre que la CNUCC.
134 M. HUNAULT, op.cit., p. 26.
135 Ibid., p. 26.
135 Voir l‘analyse de M. O. WIEDERKEHR, « Discours », in Coopération internationale dans la lutte contre
la corruption et centres financiers offshore : obstacles et solutions, 4ème Conférence européenne des services
spécialisés dans la lutte contre la corruption, Strasbourg, Editions du Conseil de l‘Europe, 2001,
p. 7.

42
économique et social. La lutte contre la corruption dans le champ d‟action du Conseil de
l‟Europe fait l‟objet d‟une riche analyse de R.A. Cano 136.

L‟initiative de la lutte contre la corruption du Conseil de l‟Europe se trouve dans la


19ème conférence des ministres européens de la Justice, tenue à la Valette (Malte) en 1994,
où les ministres ont estimé que la corruption représente une grave menace pour la
démocratie, l'Etat de droit et les droits de l'homme 137. Les ministres de la Justice ont ainsi
recommandé138 au Comité des Ministres la création d'un Groupe multidisciplinaire sur la
corruption sous la responsabilité du Comité européen des problèmes criminels (CDPC) et
du Comité européen de coopération juridique (CDCJ) 139. Le Groupe multidisciplinaire sur
la corruption (GMC) 140 – créé en septembre 1994 - avait mandat d'examiner les mesures
susceptibles d'être utilement incluses au programme international contre la corruption. Le
GMC a élaboré un « Programme d‟action contre la corruption » approuvé en 1996 qui a
donné lieu à l‟organisation de conférences annuelles des services spécialisés impliqués
dans la lutte anti-corruption.

Le 6 novembre 1997, le Comité des Ministres a adopté une résolution141 portant


vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption. Il s‟agit d‟un recueil de
mesures nécessaires sur le plan national afin de mettre en place une stratégie cohérente et
efficace de lutte contre la corruption. Hormis les vingt principes directeurs, cette résolution
comprend un double mandat au GMC qui prévoit d‟une part la conclusion rapide de
l‟élaboration d‟instruments juridiques internationaux en exécution du programme d‟action
contre la corruption et d‟autre part de soumettre sans délai un projet proposant la mise en
place d‟un mécanisme approprié et efficace 142, sous l‟égide du Conseil de l‟Europe, chargé

136 R. A. CANO, op.cit., 748 p.


137 Voir en ce sens la Résolution relative aux aspects civils, administratifs et pénaux de la lutte contre
la corruption, adoptée par la 19 ème conférence des ministres européens de la justice à La Valette, les
14 et 15 juin 1994.
138 Résolution 1 de la Conférence de Malte.
139 Le Comité des Ministres a ainsi établi en septembre 1994 le Groupe multidisciplinaire sur la
corruption (GMC) et il lui a donné mandat d'examiner quelles mesures on pourrait inclure avec
profit dans un programme international d'action contre la corruption.
140 Voir les précisions de L. LOUVET, op.cit., p. 35.
141 Résolution (97) 24, http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/
documents/Resolution(97)24_fr.pdf.
142 102ème session du Comité des Ministres du Conseil de l‘Europe du 5 mai 1998, résolution (98) 7
portant autorisation de créer le « Groupe d‘Etats contre la corruption « GRECO » sous la forme

43
de veiller au respect de ces principes et à la mise en œuvre des instruments juridiques
internationaux à adopter 143.

Dans l‟optique de l‟élaboration des instruments juridiques internationaux en


exécution du programme d‟action contre la corruption, entre février 1996 et
novembre 1997, le GMC a tenu dix réunions et procédé à deux lectures complètes du
projet de convention pénale. A sa 103e session au niveau ministériel en novembre 1998, le
Comité des Ministres a adopté la convention pénale et a décidé de l'ouvrir à la signature le
27 janvier 1999144. Le texte de la convention pénale sur la corruption est rentré en vigueur
le 1er juillet 2002.

Au vu des infractions visées par le texte, la convention pénale du Conseil de


l‟Europe dispose d‟un champ d‟application beaucoup plus étendu que celui par exemple de
la convention de l‟OCDE. Ce texte a notamment trait à l‟incrimination de la corruption
active d‟agents publics nationaux ou étrangers mais également à la corruption passive
d‟agents publics nationaux ou étrangers, la corruption des fonctionnaires internationaux ou
encore la corruption dans le secteur privé. On note que les Etats signataires ont la
possibilité d‟émettre jusqu‟à cinq réserves sur certaines dispositions de la convention.

Une convention civile sur la corruption du Conseil de l‟Europe145 a connu la même


genèse que la convention pénale à Malte en 1994. Ce texte a été adopté le 4 novembre
1999. Seul texte définissant des règles communes afin d‟utiliser le droit civil aux fins de
lutte contre la corruption il prévoit que «les auteurs d‟actes de corruption ou ceux qui

d‘un accord partiel et élargi ; voir également :


http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm § 16 : le GRECO est un organe
ayant vocation à suivre, par le biais d'un processus dynamique d'évaluation et de pression
mutuelles, l'application des principes directeurs pour la lutte contre la corruption et la mise en
œuvre des instruments juridiques internationaux qui seront adoptés en application du Programme
d'action contre la corruption. La qualité de membre à part entière du GRECO est réservée aux
Etats qui participent pleinement au processus d'évaluation mutuelle et qui acceptent de faire l'objet
d'une évaluation ; on reviendra de façon étendue sur les mécanismes de suivi au sein du chapitre 7
de la présente recherche.
143 Voir l‘analyse de D. FLORE, op.cit., p. 64.
144 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm.
http://conventions.coe.nt/treaty/fr/Treaties/Html/173.htm.
145 « Convention civile sur la corruption, Conseil de l‘Europe, Strasbourg, 4 novembre 1999 »,
R.G.D.I.P., 1999, pp. 1006-1011 ; entrée en vigueur le 1 novembre 2003.

44
autorisent de tels actes peuvent voir leur responsabilité civile engagée »146. Il peut être
question de dommages-intérêts pour les personnes ayant subi un dommage résultant d‟un
acte de corruption, de demander réparation à l‟Etat lorsque la faute a été commise par un
agent public ou encore de demander la nullité des contrats dont l‟objet est un acte de
corruption ou des mesures de protection des employés qui dénoncent des faits de
corruption aux autorités. On note qu‟à l‟encontre de la convention pénale, la convention
civile ne prévoit pas la possibilité de réserves, mais son application fait aussi l‟objet d‟un
suivi par le GRECO. Ce texte est entré en vigueur le 1er novembre 2003. Cette convention
ne fera pas l‟objet d‟un développement au sein de cette étude, nos principaux axes de
recherche étant l‟infraction pénale de la corruption d‟agent public étranger.

Un protocole additionnel à la convention pénale a été signé le 15 mai 2003. Ce


texte prévoit ainsi l‟incrimination de la corruption active et passive d‟un arbitre ou d‟un
juré, qu‟ils soient nationaux ou étrangers.

Les textes de l‟Union européenne de lutte contre la corruption

L‟objectif principal de l‟Union européenne étant la création du marché interne,


l‟approche de l‟UE en matière de corruption est en ce sens tout à fait différente de celle par
exemple du Conseil de l‟Europe 147.

L‟approche de l‟UE s‟inscrit d‟abord dans l‟optique de la protection des intérêts financiers
des Communautés européennes « dans un contexte juridique dans lequel les Communautés
ne disposaient pas des instruments appropriés puisqu‟elles ne pouvaient édicter
d‟obligations à caractère pénal, même dans le cadre des matières relevant de leurs
compétences »148. En effet, selon au moins un commentateur juridique, en matière de lutte

146 M. HUNAULT, op.cit., p. 24.


147 Lors de l‘adhésion de certains pays d‘Europe centrale ou orientale qui sont confrontés à des
problématiques relatives à leur passage à un système d‘économie de marché, il est clair que l‘UE
doit s‘impliquer dans ces questions qui risquent de se propager dans les Etats voisins dans le cadre
d‘une Union européenne élargie.
148 D. FLORE, op.cit., p. 8.

45
contre la corruption des Etats membres « the Community has very limited legal
powers »149.

Le traité d‟Amsterdam comme le traité de Maastricht ont ouvert la possibilité pour


les Etats membres de l‟Union de lutter contre la fraude. La protection des intérêts
financiers des Communautés européennes sont de la compétence de ces dernières alors
qu‟en matière pénale il est question du « troisième pilier » de l‟Union européenne et la
coopération intergouvernemental sur la justice et les affaires intérieures. C‟est sur la base
de l‟article 31 du Traité sur l‟Union européenne150 que les Etats membres ont adopté
plusieurs textes visant dans un premier temps la protection des intérêts financiers et
spécifiquement ensuite la lutte contre la corruption 151.

Trois phases principales peuvent être distinguées dans la politique communautaire


en matière de corruption 152.

i - On constate d‟abord une approche indirecte de l‟UE en matière de corruption


dans la mesure où cette lutte a eu trait à la protection des intérêts financiers de la
Communauté. Le Traité de Maastricht avait donné à l‟UE compétence d‟adopter des
instruments juridiques dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière
pénale, il est ainsi devenu possible de renforcer la protection des intérêts financiers.

Le premier texte ici pertinent est la Résolution relative à la protection juridique des
intérêts financiers des Communautés adoptée par le Conseil le 6 décembre 1994 153. Par
cette résolution, le Conseil a reconnu le besoin d‟une plus grande clarté concernant la
définition de la fraude et les sanctions applicables. Six mois plus tard - le 26 juillet 1995 -
la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes
a été adoptée154. Il est question d‟un texte dont le champ d‟application se limite aux

149 P. SZAREK-MASON, The European Union‟s Fight Against Corruption, Cambridge, Cambridge
University Press, 2010, p. 43.
150 L‘ancien article K3 (2) du titre VI du traité sur l‘Union européenne.
151 Voir ici P. SZAREK-MASON, op.cit., pp. 43 – 88 ; A. GENEVOIS, op.cit., p. 91.
152 Pour une analyse détaillée du développement de la politique de l‘Union européenne en matière de
lutte contre la corruption, voir P. SZAREK-MASON, op.cit., pp. 69 – 88.
153 J.O.C.E., C 355, du 14 décembre 1994.
154 J.O.C.E., C 316, du 27 novembre 1995.

46
comportements constitutifs de fraude qui menacent les intérêts financiers des
Communautés et n‟est applicable que dans les limites territoriales de l‟Union.

Le premier instrument de lutte contre la corruption fut le protocole à la convention


relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes du 27
septembre 1996155. Ce texte introduit l‟exigence d‟une incrimination identique de la
corruption des fonctionnaires communautaires ou d‟un autre Etat membre et de la
corruption des fonctionnaires nationaux (selon un principe d‟assimilation). Le champ
d‟application de l‟infraction de corruption a été étendu par un second protocole à la
convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes156. Le second protocole a ainsi étendu la portée de ce texte à la question par
exemple de la responsabilité des personnes morales en matière de corruption active ou
l‟incrimination du blanchiment des produits de la corruption. Le champ d‟application de
cet instrument a néanmoins été limité à la protection des intérêts financiers des
Communautés européennes.

ii - Une deuxième étape se caractérise par une approche qui va au-delà des seuls
intérêts financiers des communautés européennes. L‟UE a alors visé directement
l‟infraction de corruption et a en ce sens adopté des textes visant la corruption de manière
spécifique dans les secteurs publics et privés. L‟article 29 du traité sur l'Union européenne
mentionne la prévention de la corruption et la lutte contre ce phénomène comme un des
objectifs permettant la création et la préservation d'un espace européen de liberté, de
sécurité et de justice.

Le 26 mai 1997, à Bruxelles, la convention relative à la lutte contre la corruption


impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des
Etats membres de l‟Union européenne a été adoptée157. Une différence essentielle entre
cette convention et les autres textes est que la « convention corruption » ne se restreint pas
à la protection des seuls intérêts financiers des communautés. En effet, elle prévoit
l‟incrimination de tout acte de corruption impliquant des fonctionnaires communautaires
ou des Etats membres sans exiger de lien avec la protection des intérêts financiers

155 J.O.C.E., C 313, du 23 octobre 1996.


156 J.O.C.E., C 221/22 du 19 juillet 1997.
157 J.O.C.E., C 195 du 25 juin 1997.

47
communautaires. Elle vise, entre autres, l‟instauration d‟une responsabilité pénale pour le
personnel de la Commission européenne et d‟autres personnes dont la responsabilité légale
était ambigüe en droit purement interne158. La politique communautaire en la matière est
confirmée par l‟adoption d‟une action commune du 22 décembre 1998 portant sur la
corruption privée159.

La convention de Bruxelles de l‟UE ne s‟applique qu‟au sein des Etats membres de


l‟UE à l‟égard de la corruption des fonctionnaires des Etats membres de l‟UE et en ce sens
le champ d‟application de la convention de l‟Union européenne paraît très limité. La
convention s‟apparente alors à un accord d‟autoprotection entre les Etats membres de
l‟Union européenne puisqu‟il n‟existe pas d‟obligation de respecter la convention à
l‟extérieur de l‟Union européenne. D‟ailleurs, elle semble faire abstraction de la corruption
des agents publics étrangers lorsque cette personne ne vient pas d‟un Etat membre 160. Le
champ d‟application des instruments communautaires étant finalement très restreint, en
comparaison avec ceux de l‟OCDE et des Nations Unies, nous ne porterons pas ici une
analyse approfondie à son égard.

iii - Une troisième phase a commencé en 1997, marquée par un accord à travers les
institutions de l‟UE sur le besoin d‟une politique de lutte contre la corruption large.
L‟intention des institutions communautaires d‟œuvrer en ce sens a été d‟abord démontrée
par l‟adoption par le Conseil d‟un programme d'action relatif à la criminalité organisée de
1997161. La Commission a répondu au Conseil par le biais de deux communications162. La

158 Voir en ce sens M. LEVI, « Corruption et réglementation des centres financiers offshore », in
Coopération internationale dans la lutte contre la corruption et centres financiers offshore : obstacles et solutions,
4ème Conférence européenne des services spécialisés dans la lutte contre la corruption, Strasbourg,
Editions du Conseil de l‘Europe, 2001, p. 33.
159 J.O.C.E., C 358 du 31 décembre 1998 ; ce texte a été remplacé par la décision cadre du 2003.
160 R. C. BAKER, « Foreign Corrupt Practices Act », 47 American Criminal Law Review, Spring, 2010,
pp. 670 – 671.
161 J.O.C.E. C 251 du 15 août 1997.
162 Commission des Communautés européennes, Communication de la Commission au Conseil et au
Parlement européen sur une politique anticorruption de l'Union; Bruxelles, le 21 mai 1997
COM(97)192 final, http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:1997:0192:FIN
:FR:PDF ; Commission des Communautés européennes, Communication de la Commission au
Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen : une politique
globale de l'UE contre la corruption, Bruxelles, le 28 mai 2003, COM(2003) 317 final, http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2003:0317:FIN:FR:PDF.

48
première communication a soutenu l‟idée de l‟adoption d‟une stratégie de lutte contre la
corruption à l‟intérieur et à l‟extérieur des frontières de l‟UE. L‟intention de la
Commission de prévenir et combattre la corruption a été confirmée en 2003 par une
seconde communication. On remarque que si c‟est dans l‟intérêt vital de l‟Union
européenne de soutenir la participation des Etats membres dans la lutte contre la corruption
internationale, un tel soutien ne doit pas néanmoins provoquer une dépendance à ces
initiatives, une dépendance qui aurait pour conséquence un déni partiel du problème de
corruption au sein des Etats membres163. Plus récemment on note également l‟adoption de
la décision du Conseil du 24 octobre 2008 relative à un réseau de point de contact contre la
corruption164. Cette décision établit un réseau européen de points de contact contre la
corruption. Le réseau se compose d‟organisations compétentes dans les États membres. La
Commission, Europol et Eurojust sont pleinement associés aux activités du réseau.
L‟objectif du réseau est de faciliter et de renforcer la coopération afin de lutter plus
efficacement contre la corruption.

On soulignera en dernier lieu les potentialités de coopération judiciaire ou policière


interétatique au sein de l‟Union européenne. On note en ce sens la création de l‟Unité de
coordination de la lutte anti-fraude (UCLAF) le 11 novembre 1996 remplacée par l‟Office
européen de lutte anti-fraude (OLAF) en 1999 ; le réseau de coopération judiciaire
Eurojust dont la compétence couvre notamment la fraude, la corruption, le blanchiment
d'argent et la participation à une organisation criminelle, a été instituée en 2002 ; l‟office
européen de police (Europol) ; et la décision-cadre sur le mandat d'arrêt européen,
appliquée depuis le 1er janvier 2004 qui facilite la remise du suspect aux autorités
judiciaires de l'État requérant. On pourrait ainsi conclure que si les textes communautaires
ont un ciblage très réduit, l‟Europe semble disposer d‟un dispositif de coopération
important. A ce niveau, on analysera surtout le mandat d‟arrêt européen.

163 P. SZAREK-MASON, op.cit., pp. 86 – 87.


164 Décision 2008/852/JAI du Conseil du 24 octobre 2008 relative à un réseau de points de contact
contre la corruption, J.O.C.E., L 301/38 du 12 novembre 1998,
http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:301:0038:0039:FR:PDF.

49
La convention de l‟Union africaine

La corruption est incriminée dans le droit interne de la plupart des Etats africains et
elle est expressément visée dans plusieurs constitutions africaines et dans plusieurs
instruments juridiques à vocation africaine à niveau régional ou même continental.
Néanmoins, selon au moins un commentateur juridique, le continent africain a réalisé peu
de progrès dans ce domaine 165.

Les initiatives africaines de lutte contre la corruption sont assez nombreuses. En


février 1999 par exemple, onze Etats africains ont adopté vingt-cinq principes en tant que
cadre dans la lutte contre la corruption. Ces négociations se sont déroulées sous les
auspices de la Global coalition for Africa, basée à Washington 166. On note également
l‟adoption du Protocol SADC 167 contre la corruption lors du sommet de Malawi le 17 août
2001, dans le sillage d‟autres initiatives régionales ou universelles : l‟OCDE, Conseil de
l‟Europe, l‟Union européenne ou encore l‟OEA. L‟objectif de ce texte était surtout la
promotion, la coopération et l‟harmonisation des législations à visée anticorruption dans la
région SADC. Cet instrument a été le premier traité subrégional contre la corruption en
Afrique. On souligne que ce texte vise- à l‟article 6- la corruption des agents publics
étrangers. Il est entré en vigueur le 6 juillet 2005 168.

Les Etats membres de la Communauté économique des Etats de l‟Afrique de


l‟Ouest (CEDEAO, en anglais ECOWAS) a également adopté un protocole sur la lutte
contre la corruption le 21 décembre 2001 169. Ce texte n‟est pourtant pas encore entré en
vigueur.

La convention de l‟Union africaine contre la corruption a été signée le 11 juillet

165 N. KOFELE-KALE, « Change or the illusion of change: the war against official corruption in
Africa », 38 George Washington International Law Review, 2006, p. 697.
166 A. B. M. MARONG, « Toward A Normative Consensus Against Corruption: Legal Effects Of
The Principles To Combat Corruption In Africa », 30 Denv.J.Int‟l L.& Pol‟y, 2002, p. 99.
167 Communauté de développement de l‘Afrique australe ; SADC est l‘acronyme en anglais pour
Southern African Development Community.
168 http://www.sadc.int/index/browse/page/122.
169 http://www.comm.ecowas.int/sec/fr/protocoles/PROTOCOLE-SUR-LA-CORRUPTION-FR-
Accra-Oct-01-Rev5.pdf.

50
2003170. Malgré le potentiel très large de ce texte et son champ d‟application considérable,
il ne fera pas l‟objet d‟une analyse approfondie au sein de la présente recherche. A
l‟encontre des conventions de lutte contre la corruption de l‟Europe ou des Amériques, la
convention de l‟Union africaine ne vise pas – en tout cas ne vise pas explicitement - la
corruption d‟agent public étranger ou des agents d‟organisations internationales 171.
M. le Professeur Kofele-Kale a souligné à l‟auteur de la présente thèse qu‟il n‟est pas
évident de savoir pourquoi les rédacteurs du texte n‟ont pas visé cette forme de corruption
de manière claire172.

Hormis les instances internationales, d‟autres acteurs ont influencé la lutte contre la
corruption au niveau international. On peut prendre en exemple la société civile
internationale et surtout le rôle moteur des ONG (A). On mettra également en exergue
certaines initiatives individuelles (B).

A – La société civile internationale

Les instances internationales dépositaires des conventions internationales citées ci-


dessus ne sont pas les seuls organismes luttant contre la corruption au niveau international.

La société civile internationale peut être définie comme « un conglomérat d‟acteurs


non étatiques de nature variée qui considèrent que la diplomatie classique des Etats ne
prend pas en charge de manière satisfaisante les questions d‟importance planétaire »173.
Elle est en ce sens un contrepoids au pouvoir étatique. Elle est tout particulièrement
pertinente et utile dans la lutte contre la corruption et on note d‟ailleurs que selon au moins
un commentateur juridique, « seule la société civile a répondu […] aujourd‟hui

170 http://www.africa-
union.org/Official_documents/Treaties_conventions_fr/convention%20sur%la%20lutte%20cont
re%20la%20corruption.pdf.
171 N. KOFELE-KALE, « Change or the illusion of change: the war against official corruption »,
op.cit., pp. 718 – 719 ; pour une analyse de la lutte contre la corruption sur le continent africain, voir
N. KOFELE-KALE, « Change or the illusion of change: the war against official corruption in
Africa », op. cit., pp. 697 – 747 ; A. B. M. MARONG, op.cit., pp. 99 – 129 ; T. R. SNIDER,
W. KIDANE, « Combating corruption through international law in Africa: a comparative
analysis », 40 Cornell International Law Journal, Fall 2007, pp. 691 – 748.
172 Entretien à l‘auteur de la présente recherche du 26 août 2011.
173 M. GOUNELLE, op.cit., p. 106.

51
efficacement à ce phénomène de corruption internationale »174.

Les grandes organisations internationales non gouvernementales (ONG) organisées


en réseaux territoriaux occupent une place important dans ce dispositif. L‟ONG est la
manifestation du phénomène associatif à l‟échelle des relations internationales, elle peut
être définie comme « tout groupement, association ou mouvement constitué de façon
durable par des particuliers appartenant à différents pays en vue de la poursuite
d‟objectifs non lucratifs »175. On notera surtout à ce niveau la création et le rayonnement
des groupes tels que les ONG Transparency International et le Réseau d‟Intégrité de l‟Eau
- Water Integrity Network (WIN) 176 ou encore l‟association Sherpa.

En matière de lutte contre la corruption l‟ONG Transparency International (TI)


occupe une place prépondérante. Elle est la principale organisation de la société civile qui
se consacre à la transparence et à l‟intégrité de la vie publique et économique. Il s‟agit de
l‟ONG « devenue, en quinze ans, la référence de lutte contre la corruption au niveau
international »177. A travers plus de cent Sections dans le monde et de son Secrétariat
International à Berlin (Allemagne), TI sensibilise l‟opinion aux effets dévastateurs de la
corruption178 et s‟emploie, en partenariat avec les pouvoirs publics, le secteur privé et la société
civile, à concevoir et mettre en œuvre des mesures efficaces à lutter contre ce phénomène. Sur
le plan international, l‟objectif principal de TI est de « renforcer le système mondial de valeurs
en faisant de la transparence et de la responsabilité des normes publiques significatives »179.
On étudiera en ce sens le rôle de la société civile et plus précisément le cas de l‟ONG
Transparency International au sein du chapitre 7 de la présente recherche.

174 A. GENEVOIS, op.cit., p. 487 ; pour A. Genevois, la société civile a agi efficacement via le
développement de la déontologie et de l‘éthique de l‘entreprise. Voir le développement de cet
auteur relatif à la mise en place par la multinationale Thales d‘une politique globale basée sur des
séminaires de formation, la rédaction de codes de conduite et une procédure de contrôle interne
permettant de limiter les risques d‘infraction au sein du Groupe.
175 M. GOUNELLE, op.cit., p. 176, citant M. MERLE.
176 Voir à ce titre l‘article de M. CASTELLAN, S. A. NDIAYE, « L‘action du Water Integrity
Network dans la lutte contre la corruption dans le secteur de l‘eau », in L‟eau en droit international,
SFDI Colloque d‘Orléans, Paris, Pedone, 2011, pp. 253 – 265.
177 E. JOLY, Des héros ordinaires, op.cit., p. 153.
178 Cf., supra, introduction générale.
179 A. GENEVOIS, op.cit., p. 256.

52
B - L‟initiative individuelle

Certains individus ont œuvré de façon remarquée dans la lutte contre la corruption.
D. Robert a très largement contribué en ce sens à la médiatisation de la lutte contre la
criminalité financière en générale et la lutte contre la corruption en particulier. En 1996,
D. Robert a réuni sept magistrats180 de lutte contre la corruption pour lancer l‟Appel de
Genève du 1 octobre 1996. Cet Appel signale surtout la nécessité de la coopération
judiciaire pour lutter efficacement contre la corruption 181. Il avait pour objectif
« d‟exhorter publiquement les gouvernements et les parlements à donner enfin aux juges
des moyens adaptés pour lutter contre la criminalité organisée et la corruption au niveau
international»182. Cela constitue un appel à un espace judiciaire européen. On note même
que la promotion 1996 de l‟Ecole nationale de la magistrature française a pris le nom
d‟« Appel de Genève » comme nom de baptême de promotion.

Plusieurs ministres européens emmenés par E. Guigou – alors ministre français de


la Justice– ont répondu à l‟Appel de Genève par un texte politique. Le 16 octobre 1998 le
ministre français de la Justice et cinq homologues européens ont ainsi proclamé à Avignon,
la déclaration d‟Avignon. Par cette déclaration, une centaine de spécialistes de la lutte
contre le crime international a affirmé que l‟espace judiciaire européen deviendrait en ce
sens le nouveau grand chantier de la construction européenne 183.

La lutte contre la corruption contemporaine est aussi marquée par les prises de
position de l‟ancienne magistrate E. Joly. Cette dernière est connue notamment pour avoir
fait incarcérer L. Le Floch-Prigent, ancien PDG d'Elf et président en exercice de la SNCF
ou pour avoir mis en examen R. Dumas, alors président du Conseil constitutionnel

180 Bernard Bertossa, Edmond Bruti Liberati, Gherardo Colombo, Benoît Dejemeppe, Baltasar
Garzon Real, Carlos Jimenez Villarejo, Renaud Van Ruymbeke.
181 Voir D. Robert, op.cit., p. 331.
182 J. DE MAILLARD, « La coopération judiciaire relative aux activités dans les zones offshore :
propositions de solutions », in Coopération internationale dans la lutte contre la corruption et centres financiers
offshore : obstacles et solutions, 4ème Conférence européenne des services spécialisés dans la lutte contre
la corruption, Strasbourg, Editions du Conseil de l‘Europe, 2001, p. 77 ; voir également ibid. :
« Ces magistrats avaient pris conscience d‘une part de l‘inquiétante évolution des formes de
criminalité transnationales, d‘autre part du défi qu‘elles représentent pour les économies mondiales
et les régimes démocratiques, et enfin de l‘indigence des moyens dont les systèmes judiciaires sont
dotés pour y faire face.
183 Voir L. LOUVET, op.cit., p. 136.

53
français. Elle est devenue en 2002 conseillère du gouvernement norvégien en matière de
lutte contre la corruption et de délinquance financière internationale. On note également
qu‟en mars 2009, E. Joly a répondu à l‟appel du gouvernement islandais dans l‟optique de
servir de conseillère spéciale dans une enquête sur une possible criminalité financière
susceptible d‟avoir aggravé la crise financière au sein de ce pays.

VI

Il convient à ce stade de préciser les sources de données à l‟appui de la présente


recherche. Il s‟agit des textes des conventions internationales ou du droit interne (A) ; les
sources doctrinales surtout d‟origine anglo-saxonne (B) ; plusieurs thèses universitaires sur
la lutte contre la corruption (C). Il paraît opportun également de démontrer ce qui la
distingue des autres thèses universitaires et on pense notamment à des données recueillies
lors des entretiens avec des praticiens de lutte contre la corruption (D) ; et finalement à une
documentation informatique variée (E).

A - En premier lieu ont été utilisé les textes juridiques eux-mêmes que cela soit de
la législation des droits internes pertinents ou des conventions internationales. Il était
également question de documents officiels tels que les travaux préparatoires des
conventions internationales, des rapports des conférences de suivi ou encore des rapports
des mécanismes de contrôle international.

B - Bien que des sources doctrinales variées aient servi à l‟élaboration de cette
recherche, les données étatsuniennes ont été les plus importantes. Depuis l‟adoption du
FCPA en 1977, les juristes étatsuniens se sont très largement penchés sur les questions
juridiques pertinentes à la lutte contre la corruption des agents publics étrangers et les
écrits sur ce sujet ont apporté une source de documentation très riche. En deuxième lieu, la
doctrine française et britannique a évidemment apporté de nombreux éléments de réflexion
à cette étude. Au-delà de ces trois sources principales, la présente recherche s‟est appuyée
sur les sources juridiques écrites de commentateurs de nationalités très variées : australien,
suisse, néerlandais, italien, nicaraguen, polonais ou encore slovène.

54
C - La présente recherche s‟est enrichie de trois thèses universitaires portant sur la
lutte contre la corruption internationale. Il s‟agit des thèses de A. Genevois184,
R.A. Cano185 et L. Louvet 186.

D‟après la thèse de A. Genevois on ne peut que « conclure en la relative


inefficacité des droits anticorruption […] les dispositifs juridiques sont insuffisants et ne
tiendrons pas longtemps à une analyse juridique des risques encourues et à une évaluation
comparative entre Etats »187. Selon cette thèse soutenue en 2004, l‟efficacité à court terme
au niveau national des nombreuses initiatives par les institutions internationales semble
très relative du fait notamment de la rupture d‟égalité entre pays et de l‟inefficience des
textes de transposition, ce qui a poussé la société civile à réagir via le développement de
l‟éthique d‟entreprise, seule réponse actuelle au phénomène de la corruption.

La deuxième thèse, celle de R.A. Cano,188 porte un regard particulièrement


approfondi sur la convention pénale du Conseil de l‟Europe tout en proposant une analyse
horizontale détaillée de certaines législations nationales en matière de corruption.
R.A. Cano tente surtout de mettre en exergue tous les aspects liés à la répression des
infractions de corruption et d‟autres comportements délictueux liés aux pratiques
corrompues et à la réparation des préjudices causés par des actes de corruption.

La troisième thèse – celle de L. Louvet - dresse en première partie l‟état des lieux
de la corruption et soulève la période d‟inactivité importante des instances internationales
face à ce fléau. L. Louvet présente la convention de l‟OCDE comme ouvrant la voie à un
encadrement juridique complet et contraignant. La deuxième partie de la thèse dresse un
bilan analytique des textes majeurs, la contribution de l‟arbitrage dans la lutte contre la
corruption à travers des sentences qui ont été rendues. En dernier lieu, elle propose
d‟élever la corruption en agression économique susceptible d‟être jugée par la Cour pénale
internationale.

184 A. GENEVOIS, L‟efficacité internationale des droits anti-corruption, Université de Paris I Panthéon
Sorbonne, 2004, 1252p.
185 R. A. CANO, La lutte contre la corruption dans le champ d‟action du Conseil de l‟Europe, Université Paris I
Panthéon Sorbonne, 2007, 748p.
186 L. LOUVET, Le droit et la corruption internationale, Université de Paris I Panthéon Sorbonne, 2008,
786 p.
187 A. GENEVOIS, op.cit., p. 519.
188 L‘auteur de la présente thèse remercie Madame Cano de lui avoir transmis son œuvre par internet.

55
D - L‟intérêt de la présente recherche ne se trouve pas dans l‟intention de reprendre
les idées des auteurs cités ci-dessus. Il est néanmoins inévitable que l‟on étudie ici certains
éléments déjà analysés par ces auteurs et on pense notamment à l‟historique et l‟analyse
« sèche » des textes. Cependant, cette étude entend se différencier à plusieurs niveaux :

i- Ce travail s‟est très largement imprégné de la doctrine anglo-saxonne et plus


particulièrement la doctrine étatsunienne. Cela, non seulement dans l‟optique de porter un
regard neuf ou innovateur à cette question, mais surtout dans le but d‟y apporter les riches
et pertinentes analyses de l‟outre atlantique qui proposent une étude de la loi américaine et
internationale de lutte contre la corruption notamment depuis 1977.

ii - L‟auteur de la présente recherche a sollicité le témoignage d‟un nombre de


praticiens contemporains de lutte contre la corruption afin d‟apporter à ce travail un regard
pratique et averti quant à la réalité de la lutte contre la corruption. Le chapitre 8 de cette
étude notamment s‟articule autour des entretiens avec les membres de l‟ONG
Transparency International au siège de Berlin (G. Dell), des sections britanniques
(C. Krishnan) et françaises (J. Coll) et les entretiens avec les avocats spécialisés du FCPA
R. Cassin et M.Cohen, les Professeurs I. Bantekas, P. Ocheje, E. Spahn, P. Webb ou
encore M. Pedriel-Vaissière, juriste de l‟association SHERPA. L‟auteur a également pu
s‟entretenir avec l‟ancienne magistrate très connu pour sa vigueur dans la lutte contre
toutes formes de corruptions, E. Joly189.

iii - En dernier lieu – et sur un registre plus pragmatique - cette thèse aura bénéficié
du temps écoulé depuis la soutenance des autres thèses afin d‟y apporter de nouveaux
éléments. Il s‟agit par exemple des conclusions du Rapport de la phase 3 d‟analyse du
Groupe de travail de l‟OCDE quant à la mise en œuvre du FCPA par les Etats-Unis. On
peut également apporter quelques éléments d‟analyse relatifs à la nouvelle loi britannique
contre la corruption : UK Bribery Act entrée en vigueur le 1 er juillet 2011. On pense
également à l‟hypothèse d‟élever la corruption en tant que crime susceptible d‟être jugée
par la Cour pénale internationale où l‟on peut prétendre amener des arguments
complémentaires à l‟appui de ce postulat. En dernier lieu, cette recherche analysera les
derniers travaux des Nations Unies – menés par M. le Professeur Ruggie – sur les droits de

189 Venelles (13), le 21 novembre 2010.

56
l‟homme et le commerce international, qui n‟ont pu être examinés au sein des trois thèses
susvisées.

D - Ressources électroniques

La présente recherche a fait une utilisation très large des données électroniques. Il
s‟agit évidemment des sites internet des organisations intergouvernementales au sein
desquelles les Etats ont signé les textes internationaux de lutte contre la corruption. Les
sites de l‟ONG Transparence international ont été d‟une très grande utilité lors des
190
recherches. Pour ce qui est du FCPA, le blog tenu par l‟avocat spécialiste du FCPA
R. Cassin a été une ressource d‟information précieuse et l‟avocat lui-même s‟est montré
très disponible afin de répondre aux questions relatives à cette recherche.

VII

L‟élaboration de la présente recherche a connu certaines difficultés qu‟il convient


de mettre en exergue.

A – La doctrine américaine concernant le FCPA et à une moindre mesure la


convention de l‟OCDE est abondante. Les auteurs juridiques au niveau international ont
également écrit de manière étendue sur la convention de l‟OCDE. Cela est le reflet de
l‟importance de ce texte dans la lutte contre la corruption internationale. Il a été cependant
plus difficile d‟obtenir des articles scientifiques nombreux portant un regard détaillé sur la
convention des Nations Unies contre la corruption qui est- on le souligne- le texte qui
dispose du plus grand potentiel.

B - Il était essentiel – au vu des problématiques abordées – d‟étudier la corruption


internationale à la lumière du droit international public. De nombreuses questions de droit
international public viennent s‟immiscer en toute logique dans la lutte contre la corruption
internationale. Il n‟a pas été, dans un premier temps, chose aisée de prendre le recul
nécessaire pour pouvoir aborder ces recherches de cette façon. Il semble maintenant
impossible d‟étudier ces deux questions séparément.

C – A la lecture des thèses universitaires qui ont trait spécifiquement à la lutte


contre la corruption internationale, il n‟a pas été immédiatement claire la façon d‟apporter

190 http://www.fcpablog.com/.

57
des analyses supplémentaires à cette question. La recherche, surtout de la doctrine anglo-
saxonne et l‟avis des praticiens de lutte contre la corruption ont rapidement démontré le
potentiel de couches d‟analyses supplémentaires et nouvelles.

VIII

On fera ici état des hypothèses de recherche pertinente à la présente étude (A), de
certaines questions pertinentes à lutte contre la corruption qui ne fera pas l‟objet ici d‟une
analyse (B) et on procédera à une exposition et une justification du plan (C).

A - Nous avons posé un double objectif au début de l‟introduction de cette thèse.


D‟une part, il s‟agit d‟apporter les éléments de réponse à la question de savoir si en effet le
dispositif international juridique de lutte contre la corruption est ou non un exemple de lex
simulata ; d‟autre part, en fonction des réponses, on souhaite faire des propositions
d‟amélioration – à l‟appui de l‟avis de praticiens de lutte contre la corruption - au dispositif
international juridique actuel. La présente recherche s‟articule en ce sens autour des trois
hypothèses ou postulats de recherche principale.

1 - Selon notre premier postulat, l‟utilisation d‟une approche comparative des


différentes conventions internationales citées ci-dessus permettra peut être de dégager, de
faire ressortir, quels sont les meilleurs techniques et procédures juridiques en vu d‟une
efficacité accrue pour lutter contre la corruption internationale.

2 - Selon notre deuxième hypothèse, l‟objectif de la lutte contre la corruption


internationale n‟est pas toujours ouvertement explicite. Mme le Professeur Zoller a écrit :
« en dépit de la grande réconciliation des peuples sur les idéaux de la démocratie et des
droits de l‟homme, les rivalités économiques entre Etats subsistent et aggravent. Les
conditions de la mondialisation des économies nationales sont celles d‟une guerre
économique où la conquête des marchés étrangers devient le point de passage obligé du
maintien de la croissance et de la puissance »191. Nous voulons, en fil rouge de cette thèse,
se demander s‟il est finalement question d‟un exercice d‟internationalisation du droit
fédéral étatsunien ? Est-ce qu‟il s‟agirait en réalité d‟un outil étatsunien ayant vocation à
rendre plus difficile pour les entreprises étrangères de gagner des marchés aux Etats-Unis

191 E. ZOLLER, op.cit., p. 65.

58
mais aussi partout dans le monde, car ces lois américaines ont une prétention
extraterritoriale ?

3 - Selon notre troisième hypothèse, et d‟après l‟avis d‟un nombre important de


commentateurs juridiques, la lutte contre la corruption d‟agent public étranger pâtit de
lacunes importantes. Il s‟agit moins d‟une faiblesse dans le libellé des textes que le manque
important de leur mise en œuvre. Toute amélioration du dispositif de lutte contre la
corruption est conditionnée par la volonté politique des gouvernants des Etats d‟agir en ce
sens. Cela ne comporte rien de nouveau et on ne souhaiterait pas aborder ce sujet de
manière naïve. Non seulement les Etats n‟entendent pas agir à l‟encontre de leurs intérêts
mais ils agiront d‟une manière à protéger leur souveraineté. C‟est dans cette manière
classique que les Etats mènent leur politique juridique extérieure au niveau universel.
Comme l‟a montré il y a déjà longtemps Guy de Lacharrière, 192 les Etats utilisent toutes les
ressources procédurales de la négociation internationale pour introduire dans le traité des
articles, qui auront pour but d‟affadir les articles, voire d‟en retarder la mise en œuvre,
voire d‟en écarter l‟application à tel Etat déterminé. Ainsi, il est probablement utile de
proposer des améliorations structurelles aux mécanismes existants et cela est l‟objectif du
chapitre 8 de la présente recherche.

B - Après avoir ainsi délimité les hypothèses de recherche, il a été question


d‟écarter certains éléments - certes pertinents à l‟étude générale de la lutte contre la
corruption– mais qui ne concernent pas précisément l‟optique de cette étude. On pense
notamment à l‟incrimination du blanchiment d‟argent 193. Bien que souvent associé – voire
corollaire - à la corruption, il est un domaine qui s‟étend trop largement au-delà des
frontières de notre recherche. On occultera également certaines infractions telles que le
trafic d‟influence194, la corruption privée195 ou encore des infractions comptables.
Sanctionner des infractions comptables peut constituer une arme efficace de la lutte contre

192 G. DE LACHARRIERE, La politique juridique extérieure, Paris, Economica, 1983, 236 p.


193 Voir S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, dir., Lexique des termes juridiques, op.cit., p. 87, en droit

pénal le « fait de faciliter par tout moyen, la justification mensongère de l‟origine des biens ou des revenus de l‟auteur
d‟un crime ou d‟un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect, ainsi que d‟apporter un concours à une
opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l‟une de ces infractions ».
194 Le trafic d‘influence consiste à verser une commission à un intermédiaire qui usera de son

influence sur le décideur pour l‘inciter à prendre une décision favorable au corrupteur.
195 Cf., supra, III.

59
la corruption et sont consacrées notamment par le FCPA et par certains textes
internationaux. Cependant, la violation des normes comptables même dans la mesure où
elle est visée par les textes qui nous sont pertinents constitue une infraction parallèle mais
non analogue à l‟infraction de la corruption active d‟agent public étranger.

La présente recherche a choisi de ne pas faire une analyse approfondie et spécifique


en matière des sanctions à l‟égard de l‟infraction de la corruption d‟agent public étranger
telle que visée par les textes. Loin de minimaliser cette question importante, notre
approche se veut surtout pratique. Selon le dernier rapport – l‟année 2011 – de l‟ONG
Transparency International sur la mise en œuvre de la convention de l‟OCDE, seulement
sept des trente huit Etats parties connaissent une mise en œuvre active 196. Ce classement
fondé notamment sur les nombres de poursuites dans le cadre des dispositions de la
convention démontre le faible nombre de poursuites dans la majorité des Etats parties à la
convention. Notre hypothèse est que la mise en œuvre des textes internationaux de lutte
contre la corruption est faible. Nous voudrions alors, dans un intérêt de clarté, plutôt mettre
en lumière un des rares exemple d‟une mise en œuvre réussie – celle des Etats-Unis – afin
de porter une réflexion sur la raison de cette réussite pour suggérer enfin que le modèle
américain puisse être l‟exemple à suivre.

Alors que cette étude se concentrera tout particulièrement sur la responsabilité des
personnes morales en matière de corruption, elle abordera très peu la question de
l‟incrimination des personnes physiques. Pour justifier ce choix, on rappelle tout d‟abord
que si la plupart des lois érigent des sanctions civiles ou administratives à l‟encontre du
comportement fautif des entreprises, très peu de pays ont organisé ces lois de manière à
répondre aux exigences du dispositif juridique international de lutte contre la corruption
récente197. Pourtant, lorsqu‟il est question de l‟infraction de la corruption de l‟agent public
étranger, il s‟agit souvent d‟un acte réalisé par une entreprise dans le cadre du commerce
international. Les structures des entreprises multinationales sont devenues de plus en plus
décentralisées. Lors du processus de prise de décision au sein de ces entités, il est souvent
très difficile, voire impossible, de trouver un seul responsable de ladite décision. Une
personne physique peut évidement agir seule à des fins de corruption. Mais le plus souvent,

196 Danemark, Allemagne, Italie, Norvège, Suisse, Royaume-Uni, Etats-Unis.


197 M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », in M. PIETH et al., The OECD
Convention On Bribery, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 182.

60
c‟est l‟entreprise elle-même qui se livre intentionnellement à des pratiques de corruption
visées par les conventions internationales. Dans la mesure où la corruption peut être
tolérée, voire encouragée par les responsables d‟une entreprise, il semble alors peu
approprié d‟incriminer seulement ceux qui prennent les décisions en bas de l‟échelle 198.

On écartera ici une analyse de certains mécanismes de protection utilisés par les
Etats en matière de corruption et on pense tout particulièrement à ce que Y. Radi désigne
comme « les affres des considérations politiques »199. Il existe en effet un risque important
en matière de lutte contre la corruption que les Etats retardent ou empêchent l‟exercice de
poursuites relatives à des pratiques de corruption. Un exemple contemporain de ce risque
peut être avancé dans le cadre du contrat Al Yamamah liant le Royaume-Uni et l‟Arabie
Saoudite, il s‟agit de l‟affaire BAE Systems. Un autre exemple pertinent est le dossier
connu en France selon l‟intitulé l‟affaire des Frégates de Taïwan200.

On n‟abordera pas ici la question des paradis fiscaux ou le secret bancaire. Bien que
de manière générale, les centres financiers non coopératifs et le secret bancaire soient un
obstacle majeur à la transparence financière, la lutte contre la criminalité financière en
général et la lutte contre la corruption et le blanchiment d‟argent, cette problématique
extrêmement importante dépasse largement le cadre précis de cette thèse.

Ne souhaitant pas minimaliser l‟impact de la lutte contre la corruption menée par


ces institutions, en privilégiant le ciblage des conventions internationales de lutte contre la
corruption d‟agent public étranger, la présente recherche ne se focalisera pas sur la lutte
menée par d‟autres acteurs internationaux. On pense ici notamment au milieu des affaires
par le biais de la Chambre de commerce international ou à travers les institutions
spécialisées de l‟ONU dans le domaine économique, notamment le Fonds monétaire
international (FMI) ou la Banque mondiale. Pour les mêmes raisons, on n‟analysera pas les
efforts soutenus de l‟Organisation mondiale du commerce en matière de lutte contre la

198 Ibid., p. 176.


199 Y. RADI, « Du ―dilemme du prisonnier‖ au ―jeu d‘intégration‖ : l‘internationalisation de
l‘incrimination pénale de corruption active transnationale », in La corruption et le droit international,
op.cit., p. 204.
200 Voir L. LOUVET, op.cit., pp. 63 – 74.

61
corruption201.

C – Avant d‟aborder le premier chapitre de la présente recherche, il convient


d‟exposer et de justifier le plan

Nous avons suivi ci-dessus l‟évolution historique des règles conventionnelles. Il


convient de mettre en exergue ce que l‟on peut désigner comme une nouveauté juridique.
Il s‟agit plus précisément de l‟incrimination, depuis quinze ans, d‟une forme de corruption
jusqu‟alors passé sous silence par les textes juridiques : la corruption d‟un agent public
étranger (Chapitre 1). Une recherche de la qualification d‟un fait qui selon le droit
international comprend l‟acte corrompu nouvellement constitué est
inéluctable (Chapitre 2). La qualification du corrupteur est banale dans le sens où cette
personne peut être n‟importe qui. Les textes se lisent « toute personne » soit ne disent rien
ce qui est d‟une imprécision remarquable. En pratique, c‟est très souvent une personne
morale qui est génitrice de l‟acte corrompu ou une personne physique en raison de ses
fonctions au sein d‟une personne morale de droit privé ou public. Les problèmes juridiques
relatifs à la responsabilité des personnes morales doivent être analysés (Chapitre 3).

En l‟absence de juridictions internationales en matière de corruption, les poursuites


doivent être portées devant les juridictions nationales. Cela soulève la problématique des
titres de compétence et de la coordination de ceux-ci par les Etats pertinents (Chapitre 4).
Plus généralement, la question de la coopération judiciaire interétatique est centrale à
l‟efficacité de ce dispositif juridique international (Chapitre 5). Cette coopération concerne
également les conséquences juridiques de la qualification d‟un comportement ou d‟un fait
en tant que corruption car il peut être question de l‟indispensable transfert des biens et des
personnes (Chapitre 6). La coopération est nécessaire lors de la surveillance et du contrôle
par les organisations internationales intergouvernementales de l‟application des textes
internationaux (Chapitre 7).

201
Voir P. M. NICHOLS, « Corruption in the World Trade Organization, Discerning the Limits of the
World Trade Organization‘s Authority », 28 N.Y.U.J. Int‟l L. Pol., 1996, pp. 711 – 784.

62
On déduit que la structure des mécanismes internationaux existants en droit positif
est insuffisante et parfois peu opératoire. Il est donc utile d‟en proposer quelques
améliorations sans bouleverser les équilibres actuels (Chapitre 8).

L‟efficacité de la lutte contre la corruption des agents publics étrangers est


tributaire de son paradigme juridique actuel. L‟harmonisation progressive des législations
internes en la matière connaît de nombreux obstacles (Première partie). L‟ensemble des
barrières à la mise en œuvre efficace du dispositif juridique existant découle en grande
partie de la difficile application des conventions internationales (Seconde partie).

63
PREMIERE PARTIE

LA DELICATE HARMONISATION DES CRITERES


D’INCRIMINATION

D‟un point de vue juridique, il nous importe de savoir à quel point les rédacteurs de
textes internationaux de lutte contre la corruption ont pu ériger des articles uniformes202 : il
est évident que des situations de non coïncidence pourraient avoir pour conséquence des
difficultés dans l‟application harmonieuse des textes internationaux, et donc une relative
inefficacité dans la lutte contre la corruption dans le commerce international. A la lumière
de cette observation, on analysera les critères d‟incrimination de la corruption d‟agent
public étranger par les textes internationaux. La présente recherche se consacre à l‟étude
de la corruption de l‟agent public étranger. Il convient dans un premier temps d‟analyser
l‟approche des textes à l‟égard de ce personnage central de l‟infraction. (Chapitre 1). Il
faudrait alors étudier les éléments constitutifs de l‟infraction de corruption d‟agent public
étranger (Chapitre 2) pour enfin porter notre regard sur la question épineuse de la
responsabilité des personnes morales dans le domaine de la corruption internationale
(Chapitre 3).

202 On fait ici référence au principe de la double incrimination. A ce titre voir J. SALMON,
Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 336 : « A. Critère d‟application des
conventions d‟extradition en matière pénale selon lequel, pour donner lieu à extradition, le fait visé par les
conventions doit être punissables par les lois pénales de l‟Etat requérant et de l‟Etat requis. B. Critère d‟application
de certaines compétences personnelles à caractère extraterritorial en vigueur dans un Etat selon lequel l‟infraction
commise sur le territoire d‟un autre Etat n‟est punissable par le premier Etat que si elle est sanctionnée par le droit
des deux Etats ».
65
CHAPITRE 1

LES RECENTES DEFINITIONS TEXTUELLES DE LA NOTION


D’AGENT PUBLIC ETRANGER

La première problématique abordée dans cette étude s‟articule autour de la


définition de l‟agent public étranger par les textes pertinents. Dans un premier temps, il
faut préciser les éléments constitutifs de ces définitions (Section 1). Il conviendra ensuite
d‟approfondir ces éléments constitutifs, en relevant que ces définitions se divisent en deux
catégories : d‟une part les définitions relevant spécifiquement du droit international
puisqu‟elles sont incorporées dans le texte même des traité pertinents (Section 2) ; d‟autre
part, les définitions qui résultent d‟un renvoi au droit national des Etats parties (Section 3).

66
SECTION 1
LES DEFINITIONS DE L’AGENT PUBLIC ETRANGER DANS LES TEXTES :
PREMIERE APPROCHE CHRONOLOGIQUE

On présentera les textes pertinents dans l‟ordre chronologique. Celui-ci cependant


ne rend pas exactement compte du fait qu‟il existe plusieurs approches de la définition
d‟agent public étranger.

203
Le FCPA (§ 1), la convention de l‟OCDE 204 (§ 4) et la CNUCC 205 (§ 7)
présentent, pour chacun d‟entre eux, une définition spécifique et autonome de cette notion.
La convention de l‟OEA206 (§ 2) et la convention de l‟Union africaine207 (§ 6) définissent
la notion de l‟agent public sans fournir une définition de l‟agent public étranger. La
convention pénale du Conseil de l‟Europe 208 (§ 5) et la convention de l‟Union
européenne209 (§ 3) renvoient la définition de cette notion aux Etats membres.

203 Pub. L. No. 95-213, 91 Stat. 1494 (codified as 15 U.S.C. § § 78a, 78m, 78dd-1, 78dd-2, 78ff).
204 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/3028103.pdf.
205 http://www.unodc.org/pdf/crime/convention_corruption/signing/convention_f.pdf.
206 http://www.oas.org/juridico/english/treaties/b-58.html.
207 http://www.africa-union.org/Official_documents/Treaties_conventions_fr/.
convention%20sur%la%20lutte%20contre%20la%20corruption.pdf.
208 http://conventions.coe.nt/treaty/fr/Treaties/Html/173.htm.
209 Convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou
des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne du 26 mai 1997, J.O.C.E., n° C 195/1 du
25 juin 1997 (voir également la résolution relative à la protection juridique des intérêts financiers des
Communautés du 6 décembre 1994, J.O.C.E., n° C 355 du 14 décembre 1994, le protocole à la
convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes du 27 septembre 1996,
J.O.C.E., n° C 313 du 23 octobre 1996, le second protocole du 19 juin 1997 du Conseil à la convention
relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, J.O.C.E., n° C 221 du 19 juillet
1997.
67
§ 1 - La matrice des textes internationaux ultérieurs : une loi
nationale, la loi fédérale américaine du 19 décembre 1977

Le FCPA210 définit le terme « fonctionnaire étranger »211 au sein du texte. Le FCPA


dispose ainsi que ce terme « s‟entend de tout fonctionnaire ou employé d‟un gouvernement
étranger ou de tout département, toute agence ou autorité d‟un tel gouvernement, ou d‟une
organisation internationale publique, ou toute personne agissant dans l‟exercice de ses
fonctions pour ou au nom d‟un tel gouvernement ou département, agence ou autorité, ou
pour ou au nom d‟une telle organisation internationale publique »212.

Selon l‟analyse doctrinale la plus courante, cette définition doit être interprétée de
la façon la plus large possible 213. Dans une conception typiquement états-unienne, cela
comprend les agents des trois branches du gouvernement et aux autres composantes du
gouvernement, c‟est-à-dire à la fonction publique au sens large du terme 214. Le FCPA ne
vise pas seulement les agents publics étrangers tels que définis par le texte, mais
également : « tout parti politique étranger ou un officiel d‟un tel parti », « tout candidat
pour un poste politique étranger» 215 et comme on le verra, le FCPA vise la corruption dite
indirecte, « quiconque tout en sachant que»216, qui concerne les intermédiaires informés.
Cette définition concerne aussi tout fonctionnaire ou employé d‟une organisation
internationale publique.

§ 2 - L’Inter-american convention against corruption de Caracas,


conclue dans le cadre de l’OEA le 29 mars 1996

L‟Organisation des Etats américains (l‟OEA) a adopté la convention

210 Pub. L. No. 95-213, 91 Stat. 1494 (codified as 15 U.S.C. § § 78a, 78m, 78dd-1, 78dd-2, 78ff).
211 En anglais « foreign official ».
212 15 U.S.C. § 78 dd – 1 (f) (1) (A) et § 78 dd - 2 (h) (2) (A).

213 Voir notamment : S. H. DEMMING, The Foreign Corrupt Practices Act and the New International Norms,

Chicago, ABA, 2005, p. 11.


214 S. H. DEMMING, op. cit., p. 12.

215 §78dd1 (a) (1).

216 §78dd1 (a) (1) (b), (2) (b) et (3) (b) ; voir également : D. FLORE, op.cit., p. 8.

68
interaméricaine contre la corruption 217 (IACAC) à Caracas le 29 mars 1996 218. L‟article 8
de l‟IACAC cible la corruption transnationale « d‟un fonctionnaire d‟un autre Etat »219.
En reprenant la même formule que le droit américain, cette convention vise la corruption
transnationale de fonctionnaires publics sans égard à leur nationalité. La convention ne
définit pas de manière explicite la notion d‟agent public étranger ni l‟équivalent du
« fonctionnaire étranger » du FCPA. L‟article 1 de l‟IACAC définit néanmoins les notions
de «fonctionnaire », « officiel gouvernemental » et « serviteur public». Ces trois éléments
sont définis de la manière suivante : « tout fonctionnaire ou employé d'un Etat ou de ses
entités, y compris ceux qui ont été choisis, désignés ou élus pour mener des activités ou
exercer des fonctions au nom de l'Etat ou au service de l'Etat, à tous les échelons
hiérarchiques »220. On note qu‟il n‟est pas ici question des agents d‟organisations
internationales publiques.

La corruption active transnationale visée à l‟article 8 est incriminée dans le droit


pénal des États parties, si cette infraction est conforme à la constitution et aux principes
fondamentaux de son ordre juridique. Cette incrimination est donc facultative, puisque au
paragraphe 2 de l‟article 8, les Etats qui n‟ont pas défini ce délit dans leur droit pénal ont
l‟obligation d‟apporter une entraide et une coopération judiciaire aux autres Etats
Parties221.

217 http://www.oas.org/juridico/english/treaties/b-58.html.
218 Entrée en vigueur le 6 mars 1997.
219 « sous réserve de sa Constitution et des principes fondamentaux régissant son système juridique, chaque Partie
interdira et sanctionnera l'acte d'offrir ou de donner à un fonctionnaire d'un autre Etat, directement ou
indirectement, tout objet de valeur pécuniaire ou tout autre bénéfice, tels que des dons, des faveurs, des promesses ou
des avantages en échange de la réalisation par ce fonctionnaire de tout acte ou omission dans l'exercice de ses
fonctions, en liaison avec une transaction économique ou commerciale, lorsque cet acte aura été commis par un
national d'une Partie, ou par des personnes ayant leur résidence habituelle sur son territoire, ou par des entreprises
qui y sont domiciliées»., http://www.oas.org/juridico/fran%C3%A7ais/b-58.htm.
220 Article 1.
221 R. A. CANO, op.cit., p. 99 : ces Etats ne sont pas juridiquement obligés par la convention de
modifier leur code pénal pour y incorporer pareil infraction.
69
§ 3 – La convention relative à la lutte contre la corruption impliquant
des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires
des États membres de l'Union européenne du 26 mai 1997

Quatre textes de l‟Union européenne sont ici pertinents : la convention établie sur
la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, relative à la protection des
intérêts financiers des Communautés européennes222 du 26 juillet 1995 ; le protocole à la
convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes223 du 27 septembre 1996 ; la convention relative à la lutte contre la
corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des
fonctionnaires des États membres de l'Union européenne 224 du 26 mai 1997 ; et le second
protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes225du 19 juin 1997.

L‟Union européenne prévoit à l‟article 1 de la convention du 26 mai 1997 de


«limiter le champ d‟application de ses instruments aux fonctionnaires communautaires ou
aux fonctionnaires nationaux des Etats membres de l‟Union»226. Les définitions de la
convention ne concernent que des fonctionnaires nationaux et communautaires : la
définition du fonctionnaire national se fait par le biais de la technique juridique du renvoi
au droit national et la notion de fonctionnaire communautaire est définie par le droit
communautaire227. On voit que la convention fait référence à la notion « fonctionnaire »228
et non à celle « d‟agent public étranger ». Pour l‟application concrète de la convention à
un cas de corruption, la notion de « fonctionnaire » couvre trois catégories de personnes :
les fonctionnaires communautaires, les fonctionnaires nationaux et les fonctionnaires

222 J.O.C.E. n° C 316 du 27 novembre 1995 ; entrée en vigueur le 17 octobre 2002.


223 J.O.C.E., n° C 313 du 23 octobre 1996 ; entré en vigueur le 17 octobre 2002.
224 J.O.C.E., n° C 195/1 du 25 juin 1997 ; entré en vigueur le 28 septembre 2005.
225 J.O.C.E. n° C 221 du 19 juillet 1997 ; non encore entré en vigueur.
226 Voir également l‘analyse de P. CAVALERIE, « La convention O.C.D.E. du 17 décembre 1997 sur
la lutte contre la corruption d‘agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales », A.F.D.I., Editions du C.N.R.S., Paris, 1997, p. 617.
227 Cf., infra, ce chapitre, section 3.
228 En anglais « official ».
70
nationaux d‟un autre Etat membre229. Ce concept étendu est « en vue d'une application
aussi large et homogène que possible des dispositions matérielles de la convention dans le
cadre de la lutte contre la corruption »230.

§ 4 - L’OCDE : la convention sur la lutte contre la corruption d’agents


publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 17
décembre 1997

L‟OCDE a adopté la convention sur la lutte contre la corruption d‟agents publics


étrangers dans les transactions commerciales internationales à Paris le 17 décembre
1997231. L‟article 1(1) concerne l‟infraction de la corruption active d‟un « agent public
étranger »232. La notion d‟agent public étranger, elle, est définie par l‟article 1 (4) (a) de la
façon suivante : « toute personne qui détient un mandat législatif, administratif ou
judiciaire dans un pays étranger, qu‟elle ait été nommée ou élue, toute personne exerçant
une fonction publique pour un pays étranger, y compris pour une entreprise ou un
organisme publics et tout fonctionnaire ou agent d‟une organisation internationale
publique […] ». A la lecture de cette définition, on peut déduire qu‟: « eu égard […] à sa
principale motivation, qui consiste à uniformiser les règles du jeu commercial, [l‟OCDE]
cherche à proposer une définition mondiale uniforme de l‟agent public »233.

Comme le FCPA et l‟IACAC, la convention de l‟OCDE incrimine la corruption de


« tout agent public étranger, quelle que soit sa nationalité »234. Il est généralement admis

229 L‘article 1.
230 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15.12.1998, point 1.1.
231 Entrée en vigueur le 15 février 1999 ; http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/3028103.pdf.
232 « Chaque Partie prend les mesures nécessaires pour que constitue une infraction pénale en vertu de sa loi le fait
intentionnel, pour toute personne, d‟offrir, de promettre ou d‟octroyer un avantage indu pécuniaire ou autre,
directement ou par des intermédiaires, à un agent public étranger, à son profit ou au profit d‟un tiers, pour que cet
agent agisse ou s‟abstienne d‟agir dans l‟exécution de fonctions officielles, en vue d‟obtenir ou conserver un marché ou
un autre avantage indu dans le commerce international »,
http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/3028103.pdf.
233 M. LEVI, op.cit., p. 31.
234 P. CAVALERIE, op.cit., p. 617.
71
en doctrine que les commentaires officiels « en donnent toujours une interprétation
extensive, qui va bien au-delà de la lettre du texte et s‟inspire assez largement du droit
américain en vigueur […]»235. On souligne aussi que cette définition comprend tout
fonctionnaire ou agent d‟une organisation internationale publique.

§ 5 - La convention pénale sur la corruption du Conseil de l’Europe du


27 janvier 1999

La convention pénale sur la corruption 236 du Conseil de l‟Europe, a été signée à


Strasbourg le 27 janvier 1999. La qualité publique de l‟agent visée par la convention rend
le champ d‟application très large car sont visées : « dans la mesure du possible, toutes les
catégories d'agents publics afin d'éviter des lacunes dans l'incrimination de la corruption
dans le secteur public »237.

Le Conseil de l‟Europe et l‟Union européenne ont en commun un aspect juridique


important : « [une] différence très importante avec la démarche de l‟OCDE vis-à-vis de la
corruption transnationale, à savoir le fait que cette convention pénale renvoie (comme
celle de l‟Union Européenne) au droit national du pays victime en ce qui concerne la
définition d‟un fonctionnaire »238.

La convention pénale prévoit à l‟article 1 (a) que « l‟expression «agent public» est
interprétée par référence à la définition de «fonctionnaire», «officier public», «maire»,
«ministre» ou «juge» dans le droit national de l‟Etat dans lequel la personne en question
exerce cette fonction et telle qu‟elle est appliquée dans son droit pénal »239.

La convention fait référence à l‟agent public étranger à l‟article 5 et dispose ainsi


que : « chaque Partie adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires
pour ériger en infraction pénale, conformément à son droit interne, les actes visés aux

235 Voir notamment : D. FLORE, op.cit., p. 53.


236 Entrée en vigueur le 1 juillet 2002 ; http://conventions.coe.nt/treaty/fr/Treaties/Html/173.htm.
237 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm , § 27.
238 M. LEVI, op.cit., p. 33.
239 Ibid., p. 33.
72
articles 2 et 3 lorsqu‟ils impliquent un agent public de tout autre Etat »240.

L‟agent public est défini conformément au droit pénal de chaque État, c‟est ainsi la
définition pénale qui est déterminante 241. On voit bien que selon ce texte, chaque Etat
partie à l‟obligation de modifier, de compléter ou d‟adapter son droit pénal national en vue
d‟une bonne application de la convention.

§ 6 – La convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte


contre la corruption du 11 juillet 2003

La convention de l‟Union africaine sur la prévention et la lutte contre la


corruption242 a été signée à Maputo (Mozambique) le 11 juillet 2003. Elle définit l‟agent
public à l‟article 1243 de la manière suivante : « tout fonctionnaire ou employé de l‟Etat ou
de ses institutions, y compris ceux qui ont été sélectionnés, nommés ou élus pour
entreprendre des activités ou exercer des fonctions au nom ou au service de l‟Etat, à tout
niveau de sa hiérarchie ».

La convention vise l‟agent public et « toute autre personne » mais ne définit pas
cette notion. Le champ d‟application est donc potentiellement très large244. Cette
convention ne définit pas cependant la notion d‟agent public étranger245.

240 http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/173.htm, § 28.


241 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm.

242Entrée en vigueur le 5 août 2006 ; http://www.africaunion.org/Official_documents/Treaties_conve

ntions_fr/convention%20sur%la%20lutte%20contre%20la%20corruption.pdf.
243 « [T]out fonctionnaire ou employé de l‟Etat ou de ses institutions, y compris ceux qui ont été sélectionnés, nommés ou

élus pour entreprendre des activités ou exercer des fonctions au nom ou au service de l‟Etat, à tout niveau de sa
hiérarchie », http://www.africaunion.org/Official_documents/Treaties_conventions_fr/convention
%20sur%la%20lutte%20contre%20la%20corruption.pdf.
244 Voir en ce sens : T. R. SNIDER, W. KIDANE, op.cit., p. 714.

245 Voir l‘introduction générale.

73
§ 7 - La convention des Nations Unies contre la corruption du 11
décembre 2003

La convention des Nations unies contre la corruption 246 – la CNUCC - a été signée
à Mérida, au Mexique, le 11 décembre 2003. La convention des Nations unies est de celles,
à l‟instar de la FCPA et de la convention de l‟OCDE, qui définit l‟agent public étranger de
manière spécifique et autonome. La définition onusienne se rapproche fortement à la
définition du FCPA et de la convention OCDE247. L‟agent public étranger est défini à
l‟article 2(b) de la manière suivante : «toute personne qui détient un mandat législatif,
exécutif, administratif ou judiciaire d‟un pays étranger, qu‟elle ait été nommée ou élue; et
toute personne qui exerce une fonction publique pour un pays étranger, y compris pour un
organisme public ou une entreprise publique »248.

LA CNUCC vise la corruption active d‟agents publics étrangers et de


fonctionnaires d‟organisations internationales publiques à l‟article 16 (1). Cet article est
analogue aux infractions érigées au sein du FCPA et à l‟article 1 (1) de la convention
OCDE249. L‟article 16 (1) est contraignant et demande l‟incrimination, par des mesures
législatives et autres si nécessaires, de la corruption active de l‟agent public étranger et de
fonctionnaires d‟organisations internationales publiques. L‟article 16 (2) vise la corruption
passive de l‟agent public étranger. Il est non contraignant, et demande les Etats parties
simplement d‟envisager l‟adoption de mesures législative et autres si nécessaire afin
d‟incriminer la corruption passive de l‟agent public étranger. L‟article 16 (2) semble
adopter la même définition de l‟agent public étranger que l‟article 16 (1) 250.

246 Entrée en vigueur le 14 décembre 2005 ;


http://www.unodc.org/pdf/crime/convention_corruption/signing/convention_f.pdf.
247 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption: the globalisation of
anticorruption standards », in, Conference, The awakening giant of anticorruption enforcement, London,
England, 4-5 May 2006, p. 8

248 Ibid., p. 8.
249 Ibid., p. 8.
250 M. PIETH, Introduction, op.cit., p. 23.
74
M. le Professeur Pieth souligne cependant, l‟existence d‟une difficulté
d‟interprétation de l‟article 16, qui pourrait avoir des conséquences importantes pour
l‟application de la CNUCC 251. Si la CNUCC s‟est inspirée de la convention de l‟OCDE et
du FCPA en érigeant une définition autonome et spécifique de l‟agent public étranger, elle
s‟est pourtant inspirée des conventions européennes anti-corruption de l‟Union européenne
et du Conseil de l‟Europe en ce qui concerne la définition de l‟agent public national. Une
situation qui peut être désignée de « bâtarde »252. La difficulté ouverte provient d‟un
décalage de technique juridique entre la définition de l‟agent public étranger253 et l‟agent
public national254 dès lors qu‟ils sont corrompus. Pour le premier, la notion d‟agent public
étranger est définie par la convention et donc il existe une définition uniforme pour tous
les Etats parties à celle-ci. Pour le second – l‟agent public national – il n‟y a pas
d‟obligation des Etats parties de modifier ou d‟adapter le droit national au regard de la
convention : les articles 2 (a) (ii) et 2 (a) (iii) semblent renvoyer purement et simplement la
définition de l‟agent public national au droit pénal national de chaque Etat. Quid de
l‟hypothèse, dans un cas de corruption passive, lorsque le pays où se trouve l‟agent public
ne définit pas la notion d‟agent public de la même manière que le pays à l‟origine des
poursuites ? C‟est cette problématique qui a en partie retenu l‟OCDE dans sa volonté
d‟incriminer la corruption passive 255.

251 Ibid., p.23.


252 A. GENEVOIS, op.cit., p. 120.
253 Article 2 (b).
254 Article 2 (a) (ii) et article 2 (a) (iii).
255 M. PIETH, « Introduction », op.cit., p. 23.
75
SECTION 2

ANALYSE DES ELEMENTS CONSTITUTIFS ET COMPARAISON DES DEFINITIONS


D’AGENT PUBLIC ETRANGER

La méthode est ici celle de l‟approche synthétique des textes. La première approche
chronologique étudiée au paragraphe précédent démontre que la définition américaine
d‟agent public étranger a eu une influence visible sur certaines conventions
internationales. La définition de l‟agent public au sein de l‟IACAC et les définitions
d‟agent public étranger de la convention de l‟OCDE et de la CNUCC se rapprochent
fortement de la notion états-unienne. La convention de l‟OCDE dans le cadre des intérêts
économiques de certaines puissances industrielles et la CNUCC dans son approche globale
et multidisciplinaire proposent une définition d‟agent public étranger à vocation mondiale.
Le but avoué en est l‟application homogène de la convention. Ces définitions mettent les
Etats parties face aux mêmes infractions et suppriment les variations du droit national. On
est donc bien face à une entreprise d‟uniformisation juridique sur le plan mondial.

Reste-il alors une implication du droit national dans le cadre d‟une définition
autonome d‟agent public étranger par le droit international ? Les définitions d‟agent public
étranger au sein des textes sont jalonnées par des références aux institutions ou entités
publiques qui sont compétents pour déléguer une autorité étatique 256. L‟affectation d‟une
personne à une telle institution ou entité de l‟Etat serait une indication, plutôt qu‟une
preuve concluante d‟un statut d‟agent public étranger257. C‟est le rôle du droit national de
préciser, sur la base de la convention, ce qui est véritablement, dans le détail, l‟agent
public.

On retrouve un nombre d‟éléments communs dans les définitions retenues par les

256 G. SACERDOTI, « The 1997 OECD convention on combating bribery of foreign public officials
in international business transactions », International Business Law Journal, 1999, p. 7: « combines
subjective qualifications with the objective exercise of public functions in a manner similar to the approach taken by
numerous national criminal legal systems ».
257 I. ZERBES, « Article 1. The Offense of Bribery Of Foreign Public Officials », in M. PIETH et al.,
The OECD convention on Bribery, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 59.
76
textes. Ces éléments communs258 - ces critères - servent à identifier l‟agent public
étranger. L‟agent public étranger peut être identifié par une appartenance à l‟appareil
institutionnel de l‟Etat concerné (§ 1). Il peut être identifié par le biais de certains critères
fonctionnels. (§ 2) On examinera également le critère de l‟attribution de la qualité
d‟agent, c‟est-à-dire l‟autorité compétente pour désigner officiellement les personnes
investies de la qualité d‟agent public étranger (§ 3).

§ 1 - L’identification de l’agent public étranger par son appartenance à


l’appareil institutionnel de l’Etat

Il convient de rappeler très brièvement l‟approche du droit international général à la


notion de « gouvernement » (A). On présentera certaines observations concernant les textes
les plus couramment mentionnés par les professionnels (B).

A - La notion de « gouvernement » en droit international

On rappelle qu‟un appareil gouvernemental ou politique « est tout aussi nécessaire


à l‟existence de l‟Etat qu‟une population ou un territoire »259. En effet, pour le droit
international général, « appartiennent au « gouvernement » […] non seulement les
autorités exécutives de l‟Etat, mais l‟ensemble de ses « pouvoirs publics ». C‟est tout
l‟ordre politique, juridictionnel et administratif interne qui est visé »260.

Dans le cadre de l‟étude des mécanismes internationaux de lutte contre la


corruption, ce sont d‟abord les conceptions générales du droit international public qui
servent de référence. Pour l‟essentiel, les textes internationaux se rattachent à une
définition très large regroupant sensiblement la liste dressée dans la citation doctrinale ci-
dessus.

258 Ibid., p. 58.


259 P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit international public (Nguyen Quoc Dinh),
8ème édition, Paris, LGDJ, 2009, p. 458.
260 Ibid., p. 458.
77
B - Observations concernant les textes les plus couramment
mentionnés par les professionnels de lutte contre la corruption

Dans le cas du FCPA cela concerne l‟affectation à un «gouvernement étranger»


L‟IACAC utilise la formule « tout fonctionnaire ou employé d'un Etat ». La convention de
l‟OCDE261 et la CNUCC prévoient un mandat législatif, 262 administratif ou judiciaire.

Selon la convention de l‟OCDE, la personne peut être élue ou nommée, il n‟est pas
nécessaire pour la loi de transposition nationale de distinguer entre l‟élection et la
nomination263. Les personnes ciblées par ce critère d‟appartenance à l‟appareil politique ou
judiciaire seraient, par exemple, les ministres du gouvernement, fonctionnaires travaillant
aux ministères, les policiers ou des agents des douanes 264. Les élus et les juges sont,
« pleinement visés par le texte de l‟OCDE (alors que sur ce point les textes de l‟Union
européenne renvoient à l‟incertitude de la détermination de la qualité de « fonctionnaire »
par chaque Etat membre) »265.

Ce qui importe est la contribution de la personne au rendement institutionnel, c‟est-


à-dire, une influence sur la décision concernée 266.

§ 2 - L’identification de l’agent public étranger : le critère fonctionnel

Le critère fonctionnel de l‟agent public étranger peut être relevé à travers la notion
d‟une activité d‟intérêt public au sein de l‟Etat (A), ou bien son rattachement à un

261 Article 1 (4) (a) ; voir en ce sens, l‘article 1 (4) (b) de la convention OCDE qui précise que « pays
étranger » comprend tous les niveaux et subdivisons d‘administration, du niveau national au niveau
local.
262 La CNUCC inclut le mandat exécutif dans sa définition.
263 I. ZERBES, op.cit., p. 69.
264 Ibid., p. 69.
265 P. CAVALERIE, op.cit., p. 618 ; voir aussi I. ZERBES, op.cit., p. 69 : Les juges professionnels et
non professionnels, et de la même manière les jurés dans les systèmes de common law, tombent sous
la définition, tout comme les procureurs. Il est aussi clair que les députés parlementaires sont des
agents publics : ils font partie de la branche législative du gouvernement et sont donc compris par
la définition institutionnelle.
266 I. ZERBES, op.cit., p. 70.
78
organisme public ou une entreprise publique (B) ou encore le fait d‟être chargé
occasionnellement et de facto d‟une activité d‟intérêt publique (C).

A - L’agent public étranger, agent chargé d’une activité d’intérêt


public au sein de l’Etat

Le FCPA et l‟IACAC visent des paiements réalisés afin d‟induire l‟agent dans
« l‟exercice des ses fonctions [publiques]»267 ou lors de tout « tout acte ou décision de tel
officiel étranger dans l‟exercice de ses fonctions»268. Le FCPA apporte cependant peu
d‟éclairage à la définition de la notion de « fonctions ». Le FCPA ne précise pas d‟ailleurs
à quel moment une personne est « dans l‟exercice de ses fonctions»269. Pourtant, savoir si
une personne agit dans «l‟exercice des fonctions» peut justement déterminer si cette
personne est un « foreign official » dans le sens du FCPA. Le silence de la loi a deux
conséquences pour les entreprises. D‟une part, elles doivent faire leur propre analyse du
statut de la personne, afin de déterminer si la personne est un « foreign official » tel que
prévu par le FCPA. D‟autre part les entreprises doivent interpréter l‟intervention de l‟agent
public, pour savoir si ce dernier intervient dans son « dans l‟exercice de ses fonctions» et
commet ainsi un acte illicite.

En revanche, l‟IACAC, elle, définit la notion de « fonctions [publiques]» au sein du


texte. L‟IACAC affirme que les personnes « choisies », « désignées» ou « élues » pour
exercer des fonctions dans le cadre de l‟Etat sont considérées comme des agents publics, et
que le niveau de hiérarchie tenu par l‟agent n‟a pas d‟importance. L‟IACAC prévoit que
« fonctions [publiques]» peut comprendre toute activité « réalisée par une personne
physique au nom de l'Etat ou à son service » que cette activité soit temporaire ou
permanente, payée ou honorifique. L‟IACAC donne aux entreprises et aux individus
davantage de précisions que le FCPA pour leur permettre d‟apprécier si un interlocuteur
pourrait être considéré comme un agent public dans le cadre du texte. Les Etats-Unis

267 IACAC ; en anglais dans le texte : « performance of his [or her] public functions ».
268 FCPA ; en anglais dans le texte : « act or decision of such foreign official in his [or her] official capacity ».
269 En anglais dans le texte : acting in an official capacity ; voir sur cette question : L. A. LOW et al., « The
Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the United States Foreign
Corrupt Practices Act », op.cit., p. 257.
79
devraient alors considérer l‟adoption d‟une définition précise du sens de la notion de
« l‟exercice de ses fonctions» afin de servir un double objectif : harmoniser cette
législation avec celle de l‟IACAC et fournir une indication plus précise aux entreprises
états-uniennes qui cherchent à faire du commerce avec l‟étranger.

Le commentaire 12 de la convention de l‟OCDE prévoit que la notion de « fonction


publique » comprend « toute activité d‟intérêt public déléguée par un pays étranger,
comme l‟exécution de tâches par délégation de ce pays en liaison avec la passation de
marchés publics »270. Dans la phrase « toute activité d‟intérêt public déléguée par un pays
étranger » il importe de retenir les deux éléments suivants : d‟une part, l‟acte de délégation
du pays étranger concerné et d‟autre part, le lien entre l‟activité déléguée et l‟intérêt public.
Etant en dehors du cadre strict d‟un « mandat législatif, (exécutif), administratif ou
judiciaire » il s‟agit néanmoins de l‟exercice d‟une activité d‟intérêt public au sein d‟un
Etat étranger. Les commentaires officiels de la convention de l‟OCDE n‟imposent pas de
forme précise à cet acte de délégation d‟un pays étranger. La procédure des appels d‟offres
lors d‟un marché public en est un bon exemple car cela implique souvent la délégation par
le gouvernement d‟un bon nombre de fonctions. Les commentaires officiels 13 à 16 271
précisent qu‟une activité sera toujours dans l‟intérêt public lorsqu‟elle est subordonnée à
l‟Etat272. Une personne représentant l‟Etat occupe alors une position d‟autorité qui découle
de ces pouvoirs de délégation ; ce positionnement en tant qu‟autorité publique distingue
cette personne du citoyen ordinaire ou l‟entreprise qui est l‟autre partie du contrat 273.

L‟étendue du champ d‟activité couvert par la définition de la convention n‟a pas de


limite. En ce sens, D. Flore en déduit que « les intermédiaires privés - tels des avocats
d‟affaires - intervenant à un titre ou l‟autre dans la passation de marchés publics seraient
couverts par la notion de « personnes exerçant une fonction publique ». Si cela correspond
au champ d‟application de la loi américaine, il n‟est pas sûr que cela découle du texte
même, encore moins que cela corresponde au point de vue défendu par les États membres

270 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
271 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
272 I. ZERBES, op.cit., p. 60.
273 Ibid., p. 60.
80
de l‟Union européenne »274.

La loi américaine, elle aussi, vise comme nous l‟avons constaté, les
« intermédiaires informés » dans son article 15 U.S.C. § 78 dd (1) (f).

On estime, à la lumière du libellé très proche de la CNUCC à la convention de


l‟OCDE que la présente recherche ne devrait pas approfondir l‟approche de la CNUCC à
cette question.

B - L’agent public étranger, agent rattaché à un organisme public


ou une entreprise publique

1 - La difficile compatibilité entre le texte états-unien du FCPA et l’IACAC

Le volet anticorruption du FCPA vise les agents publics d‟un « gouvernement


étranger ». En dehors des rôles gouvernementaux traditionnels, 275 il vise « tout
département, toute agence ou autorité d‟un tel gouvernement ». Le texte en anglais utilise
le terme « instrumentality ». La notion de « fonctionnaire étranger » comprend alors les
employés des « instrumentalities » des gouvernements étrangers. Par la notion
d‟instrumentality il faut comprendre une entreprise publique. Au sens du droit américain,
les instrumentalities s‟appellent également des « parastatals » ou des « state-owned
enterprises ». Selon le pays concerné, les services fournis par le gouvernement peuvent
varier de façon importante. Traditionnellement, ces services peuvent s‟étendre aux
télécommunications, transports, santé, et services sanitaires mais il n‟existe pas de limite à
l‟activité de ces parastatals. Il n‟existe pas de formule exacte pour identifier le parastatal
ou pour les assimiler exactement à une notion identique au sens des droits publics des Etats
européens non anglo-saxons. Cependant, il faut prendre en considération la façon dont
l‟entreprise est perçue par le gouvernement mais aussi apprécier si la loi nationale
considère la corruption des employées des state owned enterprises comme de la corruption

274 D. FLORE, op.cit., p. 53.


275 S. H. DEMMING, op.cit., p. 12.
81
publique276. Un autre indice serait le degré d‟influence exercé par le gouvernement sur le
parastatal277. Même si l‟Etat est propriétaire de l‟entreprise, ladite entreprise étrangère ne
peut pas être considérée d‟office comme un parastatal. Cependant, une influence
majoritaire du gouvernement étranger devrait cependant suffire pour considérer ladite
entreprise comme un parastatal. Ce qui semble clair est que si l‟entreprise étrangère est
vue comme un parastatal, alors tous les employés devraient être considérés comme des
« fonctionnaires étrangers », sans égard à leur statut ou responsabilité au sein de
l‟entreprise. Le modèle social du pays étranger concerné est alors un facteur important. En
ce sens, les entreprises américaines qui souhaitent conclure des marchés avec des
parastatals chinois ou indiens, par exemple, doivent respecter le FCPA. Plus un pays s‟est
engagé dans la privatisation des entreprises publiques, moins ces entreprises vont être
considérées comme des parastatals278.

L‟absence de toute référence aux instrumentalities d‟un Etat dans le texte de


l‟IACAC suggère que les individus évoluant au sein de ces entités ne sont pas des agents
publics au sens de la convention279. Cela constitue un problème qui doit être résolu dans le
contexte multilatéral pour assurer une interprétation uniforme. La version en langue
espagnole de l‟IACAC, cependant, fait référence à « entidades », une notion qui pourrait
être interprétée pour comprendre les instrumentalites. Les Etats parties à l‟IACAC, compte
tenu de ce qui semble bien être un décalage linguistique entre la version anglaise et la
version espagnole de la convention, devraient clarifier le point de savoir si le champ
d‟application de celle-ci s‟étend aux instrumentalities et par conséquence leurs employés.
Des auteurs suggèrent qu‟il est très important que les instrumentalities soient comprises
dans le champ d‟application de la convention : un manque de clarification serait à éviter
dans la mesure où nous nous trouvons dans le cadre de la définition de l‟infraction et un
décalage entre le droit fédéral des Etats-Unis (état membre de l‟OEA) et l‟IACAC, qui
pourrait aboutir à une asymétrie regrettable dans la lutte contre la corruption sur le

276 Ibid., p. 12 ; voir en ce sens la décision de U.S. v. Nam Quoc Nguyen, et al., E.D. Pa., le 4 septembre,
2008 où la District court confirme cette interprétation par l‘Etat américain.
277 Sur cette question, voir R. C. BAKER, op.cit., p. 660.
278 S. H. DEMMING, op.cit., p. 12.
279 L‘argumentation ici pertinente est développée dans l‘article suivant : L. A. LOW et al., « The Inter-
American convention against Corruption », op.cit., p. 272.
82
continent américain. Les Etats parties devraient également considérer l‟adoption d‟une
définition de la notion de l‟instrumentality, par exemple par l‟établissement d‟un critère
qui exige que le gouvernement soit propriétaire à la majorité, ou dispose d‟une manière ou
une autre, d‟une influence majeure sur l‟entreprise, pour qu‟une entreprise puisse être
traitée en tant que instrumentality.

Il serait souhaitable alors pour les Etats-Unis de apporter des modifications au


FCPA, qui lui, ne définit pas la notion de instrumentality, afin de l‟aligner avec l‟IACAC.
Une telle modification, devrait écarter du champ d‟application d‟instrumentality des
entreprises dont seulement un pourcentage minoritaire d‟actions est détenu par le
gouvernement et écarterait ainsi de la définition des agents publics étrangers les employés
de ces entreprises. Ce changement donnerait de la clarté et de la prévisibilité au droit états-
unien.

2 - La souplesse de la convention de l’OCDE pour la définition de « l’agent


public étranger »

Selon la convention de l‟OCDE, l‟agent public étranger est, inter alia, toute
personne exerçant une fonction publique pour un pays étranger, y compris pour une
entreprise ou un organisme public. Le commentaire officiel 13 de la convention de
l‟OCDE désigne l‟organisme public comme « toute entité instituée par des dispositions de
droit public pour l‟exercice d‟activités spécifiques d‟intérêt public »280. Le sens de ce
commentaire est ainsi assez clair : l‟agent public appartient à une entité instituée par le
droit public.

Selon le commentaire 14 de la convention OCDE, l‟expression : «entreprise


publique» désigne « toute entreprise, quelle que soit sa forme juridique, sur laquelle un ou
plusieurs Etats peuvent, directement ou indirectement, exercer une influence
dominante»281. L‟OCDE propose cette définition, «sans tenir compte de la question de

280 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
281 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
83
savoir si – en droit interne – les intéressés sont des agents de l‟Etat ou employés par le
secteur privé »282.

Les manifestations d‟une telle influence sont nombreuses et sont explicitées par le
commentaire 14. L‟Etat peut être réputé exercer une influence dominante 283 selon le
commentaire officiel 14, lorsqu‟il détient « […] la majorité du capital souscrit d‟une
entreprise, lorsqu‟ils disposent de la majorité des voix attachées aux parts émises par
l‟entreprise […]»284. Cette influence peut aussi se cristalliser à travers l‟influence de l‟Etat
sur le personnel ou la direction de l‟entreprise : « lorsqu‟ils [un ou plusieurs Etats] peuvent
désigner plus de la moitié des membres de l‟organe d‟administration, de direction ou de
surveillance de l‟entreprise »285.

Une interrogation particulière concerne les responsables d‟une entreprise publique


car il faut savoir si le responsable 286 d‟une entreprise publique exerce, dans chaque
hypothèse, une fonction publique au sens de la convention. La réponse se trouve au
commentaire officiel 15 de la convention de l‟OCDE. Les auteurs de la convention
précisent que le « responsable d‟une entreprise publique est présumé exercer une fonction
publique »287. Des circonstances exceptionnelles sont prévues dans lesquelles un
responsable d‟une entreprise publique ne sera pas présumé exercer une fonction publique.
Ainsi, le commentaire officiel 15 prévoit que le responsable d‟une entreprise publique est
présumé exercer une fonction publique « à moins que l‟entreprise exerce son activité sur
une base commerciale normale dans le marché concerné, c‟est-à-dire sur une base
fondamentalement équivalente à celle d‟une entreprise privée, sans aides préférentielles
ou autres privilèges »288. Le commentaire 15 apporte donc un infléchissement à une
définition très large d‟une fonction publique car elle peut «s[e] trouver restreinte, comme

282 M. LEVI, op.cit., p. 38.


283 G. SACERDOTI, « The 1997 OECD convention on combating bribery of foreign public officials
in international business transactions », op.cit., p. 12.
284 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
285 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
286 G. SACERDOTI, « The 1997 OECD convention on combating bribery of foreign public officials
in international business transactions », op.cit., p. 12.
287 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
288 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
84
dans le cas d‟une entreprise dirigée depuis toujours par l‟Etat, mais qui opère dans une
situation de concurrence parfaite et en régime non préférentiel par rapport au secteur
privé, ce qui en fait une entreprise privée selon les critères de l‟OCDE »289.

Si l‟entreprise est exposée à une concurrence normale et si elle ne bénéficie pas


d‟un régime préférentiel, alors le caractère public de l‟entreprise ne peut pas être invoqué
dans le cadre de la convention de l‟OCDE. Dans cette situation la corruption commise à
l‟égard des agents de l‟entreprise rentre dans le cadre de la corruption privée, ce qui exclut
l‟application de la convention290. Dans le cas contraire, où l‟entreprise jouit de la
protection de l‟Etat, elle rentre dans le cadre du commentaire officiel 14 et l‟entreprise
publique sera considérée comme exerçant une fonction publique.

L‟analyse ci-dessus vise à prendre en compte l‟interventionnisme économique d‟un


Etat, et la mesure dans laquelle l‟Etat confie au secteur privé des fonctions qui sont,
objectivement, de nature publique 291. La convention ne prend pas position cependant sur ce
qui devrait être vu comme une tâche publique. Ainsi la convention de l‟OCDE n‟entend
pas intervenir dans les choix de politique étatique en matière économique et sociale. Pour
I. Zerbes, cela est une réussite importante de la convention, car cette définition autonome
de l‟agent public étranger ne serait pas opératoire si la convention devait prendre en
compte les avis quelquefois divergents voire incompatibles des Etats parties quant à
l‟intervention éventuelle de la puissance publique dans les économies industrielles
modernes292. Lorsque l‟Etat se retire complètement de sa position d‟influence dans une
entreprise, les personnes employées par de telles entreprises perdent leur position d‟agents
publics et deviennent des acteurs privés. En cas de privatisation, si l‟Etat continue
d‟exercer l‟influence dominante sur une entreprise, le statut d‟agent public et d‟entreprise
publique n‟est pas perdu.

289 M. LEVI, op.cit., p. 38.


290 I. ZERBES, op.cit., p. 64 ; voir aussi ibid. : Seulement le soutien clair et systématique de l‘Etat des
activités d‘une entreprise amènerait l‘entreprise dans le cadre de ces provisions ; une telle
intervention indique que l‘Etat n‘est pas enclin de jouer le jeu de la concurrence mais utilise plutôt
ses pouvoirs souverains afin de surmonter les effets de la libre concurrence.
291 G. SACERDOTI, « The 1997 OECD convention on combating bribery of foreign public officials
in international business transactions », op. cit., p. 11.
292 I. ZERBES, op.cit., p. 65.
85
C - L’agent public étranger, agent chargé occasionnellement et de
facto d’une activité d’intérêt publique

Les personnes qui n‟exercent pas officiellement une fonction publique mais que les
circonstances font présumer l‟exercice d‟une telle fonction de facto, peuvent être
considérées comme des agents publics étrangers.

1 – Le continent américain

Au volet anticorruption du FCPA, l‟expression « fonctionnaire étranger» inclut


toutes les personnes qui exercent une fonction publique de facto. Ainsi, le FCPA vise
explicitement non seulement les paiements aux partis politiques et aux «party officials »
mais également aux candidats qui briguent un « political office »293. Une définition du
candidat au public office n‟est pas fournie par le FCPA. Il faut alors se référer à la pratique
politique, dans le pays concerné, du statut de l‟individu. En adéquation avec le champ
d‟application large du volet anticorruption FCPA, il ne faut pas se limiter à des
formalismes tels que l‟annonce d‟une candidature 294. Savoir si la personne en question est
véritablement un party official est moins important que la perception du rôle de cet
individu. Par exemple, le paiement à un haut responsable d‟un parti à la retraite peut
s‟apparenter à un paiement à un party official au vu du rôle et de l‟influence de cette
personne en coulisses. La frontière est assez confuse quant à la définition de l‟agent public
dans les pays où il y a des familles royales influentes. Cela est surtout le cas au Moyen-
orient. Le Department of Justice des Etats-Unis a ainsi considéré que les membres de la
famille royale peuvent être considérés comme des agents publics 295. L‟IACAC reste muette
sur ce point. Cela peut créer une différence importante concernant le champ d‟application
du FCPA et de l‟IACAC. Selon L.A. Low, la problématique aux Etats-Unis relative au
financement des campagnes politiques illustre la difficulté que représente le

293 Cela est prévu au § 78 dd 1 f (1) (a) ; voir en ce sens : L. A. LOW et al., « The Inter-American
convention against Corruption », op.cit., p. 273.
294 S. H. DEMMING, op.cit., p. 12.
295 Ibid., p. 12.
86
chevauchement entre les contributions légitimes et celles à visées corruptrices lors des
campagnes politiques nationales296.

2 - Pays de l’OCDE

Pour ce qui est de la convention de l‟OCDE, il est assez étonnant de découvrir que,
« ne sont pas couverts [comme exerçant de facto des fonctions publiques] car ils ne
figuraient pas parmi les éléments communs agréés d‟incrimination des faits constitutifs de
la corruption « active », les membres de partis politiques, ni les candidats à des fonctions
publiques ou à des élections »297.

Contrairement au FCPA, la convention de l‟OCDE ne vise pas la corruption des


partis politiques298. La question se pose de la possibilité des « personnes corrompues (y
compris les extorqueurs qui réclament des pots-de-vin) [d‟] être exonérées de toute
responsabilité si elles s‟arrangent pour que l‟argent ne leur soit pas versé à eux
personnellement, mais à leur parti politique. Etant donné l‟existence des caisses noires,
cette pratique peut être acceptable et, en tout état de cause, bien des allégations avancées
tant pour le Japon que les Etats-Unis avaient trait à des actes de corruption accomplis en
bonne partie, sinon entièrement, « pour le parti »299.

Quant aux candidats à une fonction élective, la convention n‟impose pas


d‟obligation contraignante. Selon le commentaire 10 de la convention de l‟OCDE, « [d]ans
le système juridique de certains pays, l‟avantage promis ou accordé à une personne, en
anticipation de sa nomination comme agent public d‟un pays étranger, élève des
infractions visées à l‟article 1, paragraphes 1 ou 2. Dans le système juridique d‟un grand
nombre de pays, on distingue techniquement ce cas des infractions visées par la présente
convention. Toutefois, il existe une préoccupation et une intention communes de s‟attaquer

296 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption », op.cit., p. 273.
297 P. CAVALERIE, op.cit., p. 618.
298 B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « The 1998 OECD convention: an
impetus for worldwide changes in attitudes toward corruption in business transactions », American
Business Law Journal, Spring 2000, p. 501.
299 M. LEVI, op.cit., p. 38.
87
à ce phénomène en poursuivant les travaux »300. Etant donné cette situation, les membres
de l‟OCDE n‟ont pas, jusqu‟à présent, adopté l‟approche générale états-unienne de
l‟incrimination de la corruption des candidats aux élections parlementaires, membres d‟un
parti et haut responsables d‟un parti 301. La convention reste ouverte sur ce point. Mme le
Professeur Crutchfield George soulève les dangers de cette brèche en soulignant que cette
forme de corruption peut influencer les résultats des élections 302.

Le commentaire officiel (16) de la convention de l‟OCDE précise néanmoins que,


« [d]ans des circonstances particulières, une autorité publique peut être exercée dans les
faits par des personnes (par exemple, des responsables d‟un parti politique dans les Etats
à parti unique) qui ne sont pas formellement des agents publics. Ces personnes, parce
qu‟elles exercent de facto une fonction publique, peuvent, en vertu des principes juridiques
de certains pays, être considérées comme des agents publics étrangers »303. La convention
prévoit alors, avec précaution, que des personnes qui exercent une autorité d‟Etat de
manière informelle peuvent être regardées comme des agents publics étrangers sur la base
du critère fonctionnel choisi par la convention. Dans certain pays, tels que le Chine ou le
Vietnam, le parti au pouvoir est l‟Etat et dicte les termes de toute activité politique 304. La
politique du parti est la politique de l‟Etat, les décisions du parti sont synonymes des
décisions étatiques. Il semble qu‟à partir d‟une certaine position au sein de la hiérarchie de
la partie, le haut responsable du parti concerné peut être considéré comme exerçant une
« fonction publique ».

300 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
301 I. ZERBES, op.cit., p. 68.
302 B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « The 1998 OECD convention: an
impetus for worldwide changes in attitudes toward corruption in business transactions », op.cit.,
p. 516.
303 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
304 I. ZERBES, op.cit., p. 68.
88
§ 3 - L’identification de l’agent public étranger par le critère de
l’attribution de la qualité d’agent

Il est question ici de l‟autorité compétente pour désigner officiellement les


personnes investies de la qualité d‟agent public étranger. En ce sens, il convient d‟étudier
la notion du pays étranger (A), du territoire douanier distinct (B), de l‟organisation
internationale (C) et de l‟organisation non gouvernementale (D).

A - L’attribution par l’Etat

Selon la convention de l‟OCDE « “pays étranger” comprend tous les niveaux et


subdivisions d‟administration, du niveau national au niveau local »305. Dans un premier
temps, il faut se référer à la notion de l‟Etat, qui peut se définir de la façon suivante :
« [l]‟Etat est communément défini comme une collectivité qui se compose d‟un territoire et
d‟une population soumis à un pouvoir politique organisé [et] se caractérise par la
souveraineté »306. Les Etats délèguent l‟autorité étatique à l‟agent ; ce statut et l‟autorité
qui l‟accompagne peuvent aussi être conférés par les entités quasi-étatiques307. En ce sens,
les commentaires de la convention de l‟OCDE dispose que la notion de « pays étranger »
« […] n‟est pas limitée aux Etats mais inclut toute zone ou entité organisée, telle qu‟un
territoire autonome ou un territoire douanier distinct » 308.

La définition de l‟agent public dans la convention n‟est pas donc liée à


l‟indépendance stricto sensu. Ce terme est censé comprendre toutes les entités qui, bien
qu‟ils ne possèdent pas la pleine souveraineté relative au territoire et à la population, ont
établi une autorité gouvernementale de facto309. Le commentaire officiel 18 fournit comme
exemple : « un territoire autonome ou un territoire douanier distinct ». Certains
« territoires autonomes » exercent une souveraineté de manière très indépendante et dans

305 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/3028103.pdf : l‘article 1 (4) (b).


306 Com. arb. Youg., avis n° 1, 29 nov. 1991, RGDIP, 1992, p. 264.
307 I. ZERBES, op.cit., p. 71.
308 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf ; voir également : D. FLORE, op.cit., p. 53.
309 I. ZERBES, op.cit., p. 72.
89
certains cas, de manière très large. Les membres du gouvernement d‟un tel territoire
doivent donc être perçus comme des agents publics. Ils peuvent donc être perçus comme
des agents publics étrangers vis-à-vis de l‟Etat envers lequel ils sont assujettis à la pleine
souveraineté310.

Cela est le cas par exemple des îles Anglo-normands, le Groenland et les Iles Féroé
qui sont assujettis en dernier ressort à la souveraineté danoise. On note que l‟ONG
Transparency International a relevé à cet égard des lacunes de la mise en œuvre de la
convention de l‟OCDE du Royaume-Uni311. Les départements français d‟outre mer, les
territoires d‟outre-mer et les collectivités territoriales en droit public français, et les
territoires néerlandais d‟Aruba et les Antilles (Curacao, Bonaire, Saba, Sint Eustatius, Sint
Maarten) tombent aussi dans la même catégorie 312. Donc, même si les paradis fiscaux
semblent être ciblés, on peut douter de la volonté réelle des parties signataires de les
attaquer de front. Il est aussi possible qu‟une « zone ou entité organisée » rentre dans le
champ d‟application de la convention, même si la question de la souveraineté de cette zone
est disputée313.

310 I. ZERBES, op.cit., p. 72 ; voir également ibid. : Cela s‘applique aux British Crown Dependencies,
c‘est-à-dire, l‘île de Man, Jersey et Guernsey (les plus petits îles d‘Alderney et Sark font partie du
Bailiwik de Guernsey. Nonobstant le fait que les îles s‘autogouvernent avec leurs propres
gouvernements, parlements, tribunaux, et systèmes juridiques, le Royaume-Uni est responsable
pour les relations internationales des îles et pour leur défense. Ces îles ne font pas partie du
Royaume Uni. Ils ont un rapport particulier avec le Royaume Uni exprimé en particulier par le fait
que la Couronne (la Reine telle que représentée par le Gouvernement de sa Majesté) retient les
prerogative powers relatifs à ces îles.
311 Voir le Rapport de Transparency International 2011 sur la convention de l‘OCDE, p. 74.
312 I. ZERBES, op.cit., p. 72.
313 Ibid., p. 73 ; voir ibid. : Cet auteur développe l‘idée selon laquelle, le statut d‘agent public est,
cependant, jugé en fonction de la situation réelle de influence, qui veut dire que la convention évite
de prendre une décision sur les nuances juridiques. En particulier, un régime de facto stabilisé est
capable de conférer le statut d‘agent public sur ses servants. Un tel régime peut exister lorsqu‘un des
Etats parties disputant la souveraineté réussit à établir un gouvernement autonome efficace dans
une région, même s‘il ne peut pas jouer un rôle à part entière dans la communauté internationale
vu le manque de reconnaissance. Les normes anticorruption de la convention considèrent une
zone ou entité organisée établie dans des circonstances où un Etat était capable de maintenir la
souveraineté territoriale mais est confronté néanmoins par une entité opposante qui a elle-même
établi une souveraineté partielle.
90
B - Peut-on considérer au point de vue du droit international de lutte
contre la corruption une partie du territoire d’un Etat comme un territoire
étranger sur lequel intervient des agents de l’Etat, mais qui sont alors qualifiés
comme des agents publics étrangers ?

Le commentaire officiel 18 de la convention OCDE étend la définition des zones ou


entités organisées à la notion du « territoire douanier distinct ». En ce sens, une partie du
territoire d‟un Etat pourrait être considérée comme un territoire étranger. Mais les agents
intervenants sur ce territoire seraient alors qualifiés par le droit international de lutte contre
la corruption comme des agents publics étrangers. Alors même que l‟on pourrait imaginer,
au point de vue du droit national, que ces personnes soient considérées comme des agents
publics nationaux. Cela peut être le cas des « territoires douanier distincts » telles que
Helgoland en Allemagne ou Samnaun en Suisse 314. Les autorités douanières qui gèrent ces
zones le font en tant qu‟agents publics étrangers car ce territoire s‟est vu attribué une
classification distincte315.

C - Attribution par une organisation intergouvernementale

1 - Par la convention de l’OCDE

La définition de l‟agent public étranger peut comprendre une personne qui exerce
une fonction publique pour une organisation internationale. Pour ce qui est de la notion de
l‟organisation internationale : « [l]a doctrine est, dans son ensemble, favorable à une
définition qui avait été proposée au cours des travaux de codification du droit des traités
selon laquelle est une organisation internationale une « association d‟Etats constituée par
traité, dotée d‟une constitution et d‟organes communs, et possédant une personnalité
juridique distincte de celle des Etats membres »316. Le commentaire officiel 17 de la
convention de l‟OCDE prévoit que l‟expression « « organisation internationale publique »
désigne toute organisation internationale constituée par des Etats, des gouvernements ou
d‟autres organisations internationales publiques, quelles que soient sa forme et ses

314 I. ZERBES, op.cit., p. 74.


315 Ibid., p. 74.
316 Sir Gerald Fitzmaurice, Ann. CDI 1956-II, p.106 ; voir également : P. DAILLIER, et al., op.cit., p. 643.
91
attributions, y compris, par exemple, une organisation d‟intégration économique régionale
comme les Communautés européennes »317. A titre d‟exemple, des structures suivantes
seraient alors comprises par les termes de la convention ; l‟ONU; toutes les institutions et
organismes de l‟ONU ; l‟OTAN 318 en tant qu‟organisation avec une mission de politique
sécuritaire ou de défense ; le Conseil de l‟Europe ; l‟UE et l‟OCDE et d‟autres associations
d‟Etats ; les autres regroupements régionaux d‟Etats tels que la Ligue arabe, l‟OEA, etc. ;
toute autre organisation régionale ou internationale globale avec les objectifs économiques,
social, environnementaux, culturels ou de développement ; les organisations de promotion
des communications globales ou régionales interétatiques. La convention est censée viser
les agents des marchés publics subventionnés tel que des agents de la Banque mondiale ou
du FMI 319. En résumé, il est retenu, une conception très large de l‟organisation
internationale pour l‟application de la convention de l‟OCDE.

Dans la même convention, le sens du mot « agent […] d‟une organisation


internationale » doit être entendu dans le contexte de la définition de l‟agent public
étranger dans l‟article 1 (4) (a). Lorsque les Etats établissent une organisation
internationale, « ils ne peuvent se dispenser de mettre en places des organes propres à
celle-ci. La création d‟organes est la manifestation la plus sûre de leur intention d‟établir
une institution permanente, distincte de ses membres. C‟est en effet par l‟intermédiaire de
tels organismes que l‟organisation exprime sa volonté et exerce ses compétences »320. Si
les membres du personnel de ces organisations exercent un pouvoir décisionnel dans un
sens large du terme, ils seront perçus comme des agents publics étrangers de la même
manière que s‟ils exerçaient ces pouvoirs pour le compte d‟un Etat 321. Chaque personne qui
travaille au sein de l‟organisation et qui s‟implique dans le processus de prise de décision,
est perçu comme un agent public de cette organisation : si elle se fait corrompre, la
„victime‟ est l‟organisation elle-même, et non un Etat étranger. Il serait d‟ailleurs toujours

317 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
318 L‘Organisation du traité de l‗Atlantique Nord.
319 B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « The 1998 OECD convention: an
impetus for worldwide changes in attitudes toward corruption in business transactions », op.cit., p.
501.
320 P. DAILLIER, et al., Droit international public, op.cit., p. 682.
321 I. ZERBES, op. cit., p. 76.
92
question d‟un agent public « étranger », sans égard aux nationalités des personnes
impliquées, le lieu du siège de l‟organisation ou le pays où l‟acte corrompu a eu lieu 322.

2 - Foreign Corrupt Practices Act

Jusqu‟en 1998, le FCPA ne comprenait pas dans sa définition de « foreign


official », les fonctionnaires ou employés d‟organisations internationales publiques. Le
FCPA s‟est cependant aligné sur la définition de l‟agent public étranger de la convention
de l‟OCDE en 1998 lors de l‟adoption aux Etats-Unis de l‟International Anti-Bribery and
Fair Competition Act 323. Le législateur américain a ainsi « étendu la définition de
« fonctionnaire étranger» aux fonctionnaires ou employés d‟organisations internationales
publiques aussi qu‟aux personnes agissant à titre officiel pour une organisation de ce type
ou en son nom »324. Le texte du FCPA, réécrit en 1998, définit ainsi la notion
d‟organisation internationale publique de la manière suivante : « an organization that is
designated by Executive Order pursuant to section 1 of the International Organizations
Immunities Act (22 U.S.C. § 288); or any other international organization that is
designated by the President by Executive order for the purposes of this section, effective as
of the date of publication of such order in the Federal Register »325.

3 - La convention des Nations unies

La CNUCC vise la corruption active et passive des « fonctionnaires


d‟organisations internationales publiques » à l‟article 16. Ce n‟est pas le cas pour
l‟IACAC ou la convention de l‟Union africaine qui ne visent pas de façon spécifique des
fonctionnaires des organisations internationales.

322 Ibid., p. 77.


323 Pub. L.. No. 105-366, 112, Stat.3302, Nov. 10, 1998.
324 M. LEVI, op.cit., p. 43 ; voir également : B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY,
J. BIRMELE, « On the threshold of the Adoption of Global Antibribery Legislation : A Critical
Analysis of Current Domestic and International Efforts Toward the Reduction of Business
Corruption », 32 Vanderbilt Journal of Transnational Law I (Janvier 1999), p. 11.
325 Par exemple § 78 dd- 3 (f) (2) (b) Pub. L.. No. 105-366, 112, Stat.3302, Nov. 10, 1998.
93
D - Agents publics et organisations non gouvernementales

Selon M. Merle, l‟organisation non gouvernementale 326 est « tout groupement,


association ou mouvement constitué de façon durable par des particuliers appartenant à
différents pays en vue de la poursuite d‟objectifs non lucratifs. » Les ONG tiennent un rôle
depuis les « deux dernière décennies, [qui] tend à affecter le monopole de puissance des
Etats, et suggère que les opinions publiques et les individus pourraient tenir un rôle
croissant dans la société internationale »327. En prenant en considération les finalités de
l‟organisation, il est possible de distinguer les ONG des sociétés transnationales : « les
organisations non gouvernementales ne poursuivent pas de buts lucratifs ; leur objectif est
de tenter d‟influencer l‟activité des autres sujets du droit international, en principe par une
action étendue à plusieurs Etats »328.

Les textes internationaux de lutte contre la corruption ne visent pas, en principe, les
agents des organisations non gouvernementales. Même si les fondateurs et membres des
ONG sont des personnes privées et leurs membres du comité directeur ne sont pas des
agents publics, en réalité, les ONG peuvent bien exercer une forme d‟autorité étatique. 329
D‟ailleurs, « quelques organisations non gouvernementale ont pu acquérir une
indépendance totale et sont en mesure de négocier avec les gouvernements, d‟autres font
figure de véritables services publics internationaux330 […] certaines organisations non
gouvernementales sont même des organisations intergouvernementales qui ne s‟avouent
pas. »331 Les associations internationales sportives, en particulier, peuvent jouir des
avantages ou privilèges conséquents au sein de leur pays hôte 332. Il arrive même que
« certaines ONG se transforment en organisations intergouvernementales (OIPC devenue

326 Voir également : M. GOUNELLE, op.cit., p. 176 : « Manifestation du phénomène associatif à l‟échelle des
relations internationales ».
327 M. GOUNELLE, op. cit., p. 8.
328 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 711.
329 I. ZERBES, op.cit., p. 79.
330 Le Comité international de la Croix-Rouge.
331 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 711.
332 I. ZERBES, op.cit., p. 79 ; voir ibid. : Les membres du CIO et de la FIFA, par exemple, reçoivent
des réductions d‘impôt importantes et peuvent même jouir d‘une immunité ‗diplomatique‘ dans
plusieurs des pays dans lesquels ils ont des bureaux.
94
INTERPOL, UIOOT devenue OMT) »333.

Selon au moins un commentateur du texte de la convention de l‟OCDE, les


représentants des ONG devraient rentrer dans le champ d‟application de la définition des
personnes considérées comme des agents publics étrangers, dans la mesure où ils peuvent
être appelés à exercer une fonction publique 334. Le CIO a lui-même approché l‟OCDE en
ce sens, en énonçant qu‟il souhaite être « gouverné par la convention » ; ses agents seraient
alors mieux protégés à l‟encontre d‟offres de corruption 335. L‟OCDE ne s‟est pas encore
prononcée à ce sujet. Dans la mesure où l‟efficacité du droit international de lutte contre la
corruption est conditionnée par la plus grande extension possible des agents susceptibles
d‟être corrompus, la proposition ci-dessus est intéressante : on ne voit pas pourquoi les
agents de grandes ONG seraient considérés différemment des agents des organisations
intergouvernementales. Le problème reste cependant entier de savoir si toutes les ONG,
même les moins importantes pourraient être concernées. En ce sens, l‟initiative du CIO est
intéressante, qui demande l‟extension de la convention de l‟OCDE à son bénéfice. Mais les
réponses des juristes de l‟OCDE auraient peut être d‟autres implications au niveau du droit
international général puisque le CIO ne peut pas être partie à la convention de l‟OCDE.

SECTION 3

LA SPECIFICITE DU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE ET DU CONSEIL DE


L’EUROPE : ABSENCE DE DEFINITION INTERNATIONALE, REGIONALE,

EUROPEENNE DE « L’AGENT PUBLIC ETRANGER » ET RENVOI AU DROIT NATIONAL

La convention pénale du Conseil de l‟Europe et la convention de l‟Union


européenne renvoient (§ 1) la définition de la notion de l‟agent public étranger aux Etats
membres. Le champ d‟application de la convention de l‟Union européenne semble très
limité (§ 2) car elle vise seulement les fonctionnaires communautaires ou fonctionnaires

333 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 712.


334 Ibid., p. 79.
335 Ibid., p. 79.
95
nationaux des Etats membres. La convention pénale du Conseil de l‟Europe est très
ambitieuse et a un champ d‟application beaucoup plus ample (§ 3).

§ 1 - La technique juridique du renvoi

Le Conseil de l‟Europe rejoint l‟Union européenne sur une : « différence très


importante avec la démarche de l‟OCDE vis-à-vis de la corruption transnationale, à
savoir le fait que cette convention pénale renvoie (comme celle de l‟Union Européenne) au
droit national du pays victime en ce qui concerne la définition d‟un fonctionnaire »336. La
référence et le renvoi à « la loi nationale » s‟expliquent par le fait que les rédacteurs voulaient
imposer des obligations aux États membres qui soient compatibles avec leur constitution et les
principes fondamentaux de leur système juridique 337.

M. le Professeur Paul Reuter a depuis longtemps précisé pour les besoins du droit
international public ce qu‟est le mécanisme général de cette technique juridique :
« [l]‟énoncé d‟une norme d‟un ordre juridique A peut renvoyer à une définition ou à une
norme donnée par l‟ordre B »338. Pour M. le Professeur Salmon, cette technique est
« utilisée pour la formulation des textes du droit international consistant à se référer aux
textes du droit interne. Le procédé consiste à appliquer non pas une règle de conflit
consacrée par un droit interne mais le droit substantiel de celui-ci »339. Un renvoi peut être
soit de l‟ordre international à l‟ordre national ou inversement de l‟ordre national à l‟ordre
international. Dans le cadre de la définition de l‟agent public étranger: la règle
internationale se réfère à la notion de fonctionnaire ou agent public national; s‟il y a renvoi
au droit national, il faudra d‟abord déterminer le droit national compétent, ensuite établir le
contenu de cette notion selon le droit compétent 340. Cette hypothèse démontre
« l‟importance pratique du renvoi : en l‟absence d‟une langue internationale, les règles
internationales sont formulées dans une langue nationale ; les termes de celle-ci sont
justiciables d‟un double lexique, l‟un vers le droit national et il y a alors renvoi, l‟autre

336 M. LEVI, op.cit., p. 33.


337 R. A. CANO, op.cit., p. 88.
338 P. REUTER, Droit international public, 3ème édition, Paris, Presses Universitaires de France, p. 25.
339 J. SALMON, op.cit., p. 972.
340 P. REUTER, op.cit., p. 25.
96
vers le droit international. Le partage entre les deux cas n‟est pas toujours effectué une
fois pour toutes au départ ; on voit souvent par un « développement » du droit
international celui-ci édifier progressivement ses notions propres et les substituer à celles
du droit national »341.

§ 2 - Le champ d’application de la qualité d’« agent public étranger »


au sein de l’Union européenne selon la convention relative à la lutte contre
la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes
ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne du 26 mai
1997

Les instruments de l‟Union européenne se rapportent à une organisation


d‟intégration économique régionale qui n‟a pas de compétence directe en matière pénale.
Le droit de l‟Union européenne envisage plutôt une harmonisation minimum du droit pénal
national dans certains domaines342. L‟Union européenne a identifié un vide juridique,
susceptible de placer le fonctionnaire communautaire « au dessus des lois »343. Dans le
silence des textes, une quasi immunité de juridiction permettait effectivement au personnel
communautaire d‟échapper à l‟action des juridictions nationales du fait de « l‟indifférence
des droits pénaux internes »344 à leur égard345.

Dans le sens où elle ne s‟applique qu‟au sein des Etats membres de l‟UE, à
l‟encontre de la corruption des fonctionnaires des Etats membres de l‟UE, 346 le champ
d‟application de la convention de l‟Union européenne paraît très limité. En ce sens, la

341 Ibid., p. 25.


342 I. ZERBES, op.cit., pp. 57-59.
343 F. GOUTTEFARDE, E. AHIPEAUD, « Les politiques de l‘Union européenne en matière de lutte
contre la corruption », in La Corruption et le droit international, D. DORMOY, dir., Bruxelles,
Bruylant, 2010, p. 8.
344 L. SALAZAR, « Les projets législatifs de l‘Union européenne sur la lutte contre la corruption », in
Corruption de fonctionnaires et fraude européenne, Actes du colloque de Bruxelles 21 et 22 novembre,
Centre d‘étude pour l‘application du droit communautaire en matière pénale et financière, 1996,
Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 148.
345 F. GOUTTEFARDE, E. AHIPEAUD, op.cit., p. 80.
346 T. SWANSON, op.cit., p. 405 ; voir également : R. C. BAKER, op.cit., pp. 670 – 671.
97
convention s‟apparente à un accord d‟autoprotection entre les Etats membres de l‟Union
européenne puisqu‟il n‟existe pas d‟obligation de respecter la convention à l‟extérieur de
l‟Union européenne347. D‟ailleurs, elle semble faire abstraction de la corruption des agents
publics étrangers lorsque cette personne ne vient pas d‟un Etat membre 348. La notion de
« fonctionnaire étranger » est définie par le texte de la convention (A), alors que l‟Union
européenne renvoie (B) aux Etats membres la définition dans le droit national des
fonctionnaires nationaux.

A - La définition de la notion de « fonctionnaire communautaire »

L‟article 1(b) de la convention éclairci la notion de « fonctionnaire


communautaire ». C‟est une notion qui désigne trois catégories de personne. Elle concerne
« non seulement les fonctionnaires titulaires des Communautés européennes stricto sensu,
auxquels s‟applique le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, mais
aussi les différentes catégories d‟agents engagés par contrat au sens du régime applicable
aux autres agents des Communautés européennes. Ce concept englobe les experts
nationaux mis à la disposition des Communautés européennes pour y exercer des fonctions
équivalentes à celles qu‟exercent les fonctionnaires et autres agents des Communautés
européennes »349.

Il faut noter que les membres des institutions européennes, c‟est-à-dire la


Commission, le Parlement européen, la Cour de justice des Communautés européennes et
la Cour des comptes européenne, ne sont pas compris dans cette définition 350. Les
membres des institutions européennes « sont visés de façon séparée par le biais du

347 T. SWANSON, op.cit., p. 405


348 Ibid., p. 405.
349 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre 1998, § 1.2.
350 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre 1998, § 1.2.
98
principe d‟assimilation »351. Ce principe d‟assimilation, d‟abord consacré par la
jurisprudence de la CJCE 352puis la Traité de Maastricht, 353 est un substitut à l‟absence de
compétence pénale des Communautés européennes. Ce principe a pour conséquence que
les Etats membres doivent, en matière pénale, pour combattre la fraude portant atteint aux
intérêts de la Communauté européenne, prendre des mesures et notamment des sanctions
identiques à celles qu‟ils ont instaurés pour combattre les atteintes frauduleuses à leur
propres intérêts financiers. Dans le cadre de ce principe d‟assimilation les membres de la
Commission européenne, du Parlement européen, et de la Cour de Justice et de la Cour des
comptes doivent être assimilés dans le droit pénal national de chaque Etat membre aux
ministres, aux parlementaires et membres des plus hautes juridictions.

L‟article 1 (b) de la convention précise que « [l]es membres des organismes créés
en application des traités instituant les Communautés européennes et le personnel de ces
organismes sont assimilés aux fonctionnaires communautaires lorsque le statut des
fonctionnaires des Communautés européennes ou le régime applicable aux autres agents
des Communautés européennes ne leur sont pas applicables »354. Si le rapport a désigné
ces organismes, « la définition a vocation à s‟appliquer également à tous les organismes
de droit communautaire à venir »355.

Le paragraphe 4 de l‟article 4 dispose que la convention de l‟Union européenne

351 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre 1998, § 1.1.4.
352 Affaire 68/69, Commission contre République hellénique (affaire « du maïs grec »).
353 Article 209 A.
354 J.O.C.E., n° C 195/1 du 25 juin 1997.
355 D. FLORE, op.cit., p. 21, voir également Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la
corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de
l‟Union européenne, approuvé par le Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre
1998, § 1.3 : « l‟Agence européenne de coopération, la Banque Européenne d‟investissement, le Centre européen
pour le développement de la formation professionnelle, la Fondation européenne pour l‟amélioration des conditions de
vie et de travail, l‟Institut universitaire européen de Florence, le Fonds européen d‟investissement, l‟Agence européenne
pour l‟environnement, la Fondation européenne pour la formation, l‟Observatoire européen des drogues et des
toxicomanies, l‟Agence européenne pour l‟évaluation des médicaments, l‟Agence européenne pour la sécurité et la
santé au travail, l‟Office de l‟harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) ; la Banque
centrale européenne, l‟Office communautaire des variétés végétales, le Centre de traduction des organes de l‟Union,
l‟Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes » .
99
s‟applique et ne porte pas préjudice à l‟application des dispositions relatives à la levée de
l‟immunité des membres des institutions communautaires 356. Le rapport explicatif indique
que « [l]a levée de l‟immunité reste donc une condition préalable de l‟exercice de la
compétence. La convention constate à cet égard, l‟obligation pour chacune des institutions
concernées d‟appliquer, dans le respect des procédures existantes et des voies de recours
ordinaires prévues en droit communautaire, les dispositions régissant leurs privilèges et
immunités »357. La levée de l‟immunité des membres des institutions communautaires est
donc une condition préalable à toute poursuite pénale à leur encontre 358.

B - Le renvoi de la définition de la notion de « fonctionnaire


national »

L‟Union européenne renvoie aux Etats membres 359 la définition dans le droit
national des fonctionnaires nationaux. En ce sens « l'expression «fonctionnaire national»
est interprétée par référence à la définition de «fonctionnaire» ou d'«officier public» dans
le droit national de l'État membre où la personne en question présente cette qualité aux
fins de l'application du droit pénal de cet État membre »360.

Une telle approche rend « ainsi possible un élargissement de l‟incrimination des


comportements de corruption aux faits de corruption « active » dès lors que les définitions
de la qualité de « fonctionnaires » de différents Etats membres étaient compatibles entre
elles »361.

Les rapports explicatifs précisent que « lorsqu‟un fonctionnaire national de l‟Etat


poursuivant est impliqué, c‟est la définition nationale qui est clairement d‟application.
Cependant, lorsqu‟un fonctionnaire d‟un autre Etat membre est impliqué, c‟est la

356 R. A. CANO, op.cit., p. 93.


357 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre 1998, § 4.5.
358 R. A. CANO, op.cit., p. 93.
359 Article 1 (c), J.O.C.E., n° C 195/1 du 25 juin 1997.
360 Article 1 (c), J.O.C.E., n° C 195/1 du 25 juin 1997.
361 P. CAVALERIE, op.cit., p. 617.
100
définition du droit de cet Etat membre qui devrait en principe être appliqué par l‟Etat
membre poursuivant »362. Ce choix serait dans le souci de « tenir dûment compte des
spécificités nationales en matière de statut des personnes exerçant des fonctions
publiques »363. L‟article 1 (c) alinéa 2 de la convention prévoit que « néanmoins, si des
poursuites impliquant un fonctionnaire d'un État membre sont engagées par un autre État
membre, ce dernier n'est tenu d'appliquer la définition de «fonctionnaire national» que
dans la mesure où celle-ci est compatible avec son droit national»364. L‟alinéa 2 de cet
article ouvre donc une possibilité de dérogation365 au principe posé par l‟alinéa premier.

On peut considérer que l‟interprétation de ce texte est toujours assez floue, comme
le précise D. Flore : « [c]e qui n‟est pas clair dans le texte des instruments et qui l‟est
encore moins à la lecture des rapports explicatifs, c‟est le fait de savoir si cette dérogation
doit s‟appliquer de façon cumulative et fonctionner comme une condition de double
qualification – l‟obligation de répondre aux critères de fonctionnaire national aussi bien
du point de vue de l‟Etat de nationalité que de l‟Etat poursuivant – ou bien si elle doit au
contraire s‟interpréter de façon alternative, comme signifiant que l‟Etat poursuivant peut
considérer que la personne est bien un fonctionnaire au regard de son droit national,
quand bien même elle ne serait pas considérée comme tel par son Etat d‟origine »366.

§ 3 - Le champ d’application selon la convention pénale sur la


corruption du Conseil de l’Europe du 27 janvier 1999

La convention pénale est, tout d‟abord, un instrument pour promouvoir l‟entraide


judiciaire, l‟extradition et la confiscation des produits du crime 367. L‟objectif de la
convention est d‟établir des conditions juridiques qui satisfont aux exigences de la double

362 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, op.cit, § 1.4.
363 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, op. cit, § 1.4.,
alinéa 2.
364 J.O.C.E., n° C 195/1 du 25 juin 1997.
365 D. FLORE, op.cit., p. 19.
366 Ibid., p. 19.
367 I. ZERBES, op.cit., p. 57.
101
incrimination368 exigences qui sous-tendent traditionnellement une telle entraide369. C‟est
en ce sens que la convention renvoie la définition de l‟agent public étranger aux Etats
membres.

En érigeant une incrimination pour la corruption des agents publics étrangers de


tout pays, cet article va bien au delà des dispositions de la convention de l'Union
Européenne. La convention pénale du Conseil de l‟Europe va également au delà de la
disposition contenue dans l'accord de l'OCDE, et ce à un double titre 370. D‟une part parce
que cet article concerne à la fois la corruption active et passive. Selon les rapports
explicatifs l'inclusion de la corruption passive d'agents publics étrangers dans l'article 5
procède du souci de montrer la solidarité de la communauté des Etats face à la corruption,
partout où celle-ci se produit. D‟autre part, alors que la convention de l‟OCDE vise des
contextes très spécifiques, l‟article 5 de la convention pénale n'énonce aucune restriction
quant au contexte dans lequel survient la corruption de l'agent étranger. D‟une manière
générale, il s'agit non seulement de protéger la libre concurrence, mais aussi de
sauvegarder la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et l'Etat de droit.

Dans le droit national de nombreux pays, les « maires » des communes et les
« ministres » sont assimilés à des agents publics à l‟égard des infractions pénales commises
dans l‟exercice de leur fonction. Pour éviter tout vide juridique concernant ce genre de
personnage public, la convention y fait expressément référence dans l‟article 1.

Le terme « agent public » comprend également, au sens de cette convention, le


« juge » c'est-à-dire : « les membres du ministère public et les personnes exerçant des

368 La double incrimination est définie in, J. SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles,
Bruylant, 2001, p 336 : « A. Critère d‟application des conventions d‟extradition en matière pénale selon lequel,
pour donner lieu à extradition, le fait visé par les conventions doit être punissables par les lois pénales de l‟Etat
requérant et de l‟Etat requis. B. Critère d‟application de certaines compétences personnelles à caractère
extraterritorial en vigueur dans un Etat selon lequel l‟infraction commise sur le territoire d‟un autre Etat n‟est
punissable par le premier Etat que si elle est sanctionnée par le droit des deux Etats ».
369 I. ZERBES, op.cit., p. 57.
370 Pour la convention pénale sur la corruption du Conseil de l‘Europe, se rapporter au Rapport
explicatif que l‘on trouverait sur le site suivant :
http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm.
102
fonctions judiciaires »371. Selon le rapport explicatif : la notion de « juge » doit être
interprétée le plus largement possible : l'élément décisif, ici, ce n'est pas le titre officiel de
la personne, mais le caractère judiciaire des fonctions qu'elle exerce. En ce sens le champ
d‟application de la définition s‟étend aux procureurs, même si dans certains pays ils ne
soient pas considérés comme faisant partie de la magistrature. Dans certains pays, les
membres de la magistrature, les juges et parfois les procureurs « constituent une autorité
indépendante et impartiale, distincte du pouvoir exécutif »372.

La question de la compatibilité des droits nationaux se pose dans les conditions


comparables à celles que connaît l‟Union européenne. Lorsque l‟infraction relative à la
convention pénale implique un agent public d‟un autre Etat, c‟est l‟article 1 (c) qui
s‟applique373.

Il faut souligner que dans la définition de l‟agent public, la convention pénale sur la
corruption est muette sur le cas des chefs d‟États et de gouvernements qui détiennent un
mandat exécutif. Sans doute faut-il se référer au droit national de chaque État, il ne faut pas
oublier que les titulaires d‟un mandat exécutif jouissent toujours d‟une certaine
immunité374. Hormis la corruption des agents publics nationaux et étrangers, la convention
pénale du Conseil de l‟Europe renvoie également aux dispositions du droit national pénal
la définition des actes de corruption lorsqu‟ils impliquent les membres d‟assemblées
publiques nationales375 ; la corruption de membres d‟assemblées publiques étrangères 376 ;
la corruption des fonctionnaires internationaux 377 ; la corruption de membres d‟assemblées
parlementaires internationales378 ; et la corruption de juges et d‟agents de cours
internationales379.

371 Article 1 (b), http://conventions.coe.nt/treaty/fr/Treaties/Html/173.htm.


372 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm § 29.
373 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm § 30.
374 R. A. CANO, op.cit., p. 90.
375 Article 4.
376 Article 6.
377 Article 9.
378 Article 10.
379 Article 11.
103
Enfin, il faut noter que le Conseil de l‟Europe, à l‟instar de l‟OCDE, ne vise pas les
ONG dans le cadre de l‟incrimination de la corruption des fonctionnaires internationaux. 380
Le protocole additionnel à la convention pénale381 du Conseil de l‟Europe, signé le 15 mai
2003 entend davantage son champ d‟action car elle prévoit l‟incrimination de la corruption
active et passive d‟un arbitre ou d‟un juré, qu‟ils soient nationaux ou étrangers.

Dans son ensemble, la convention pénale du Conseil de l‟Europe est un texte


international qui s‟étend de manière très substantielle la notion de l‟agent public étranger.

CONCLUSION

La définition de l‟agent public étranger connaît deux approches par des textes
internationaux : la première consiste à définir cette notion au sein des textes de manière
spécifique et autonome alors que la deuxième - privilégiée par institutions européennes -
renvoie cette définition aux droits nationaux.

Pour au moins un commentateur juridique, la définition dite autonome de la


convention de l‟OCDE est potentiellement la plus répressive.382. Selon ce texte, un Etat
partie peut procéder de différentes manières pour s‟acquitter de ses obligations, dès lors
que, pour qu‟une personne soit convaincue de l‟infraction, il n‟y a pas à apporter la preuve
d‟éléments autres que ceux dont la preuve devrait être apportée si l‟infraction était
définie.383 Il s‟agit alors d‟une définition qui n‟exige pas « la preuve du droit du pays
particulier de l‟agent public »384. Autrement dit, savoir si un agent public étranger a été
corrompu doit être décidé par le texte de la convention sans faire référence à d‟autres
sources juridiques comme le droit interne de l‟Etat dont dépend l‟agent public étranger
pertinent. 385 Cela implique un départ de la conception classique de la corruption au niveau

380 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 61.


381 http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/191.htm
382 G. STESSENS, « The international fight against corruption », International Review of Penal Law

(Vol. 72), p. 911.


383 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf, § 3

384 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf, § 3.

385 I. ZERBES, op. cit., p. 95.

104
du rapport entre l‟agent et l‟Etat puisque cet agent pourrait ne pas être considéré en tant
que tel par l‟Etat dont « l‟agent » est corrompu.386

Le modèle de la définition autonome et spécifique n‟est pas cependant sans faille.


Certaines lacunes ont déjà été relevées par le Groupe de travail de l‟OCDE à ce niveau. On
relèvera notamment le maintien par certains Etats parties d‟une définition non autonome
ou l‟existence de définitions qui sont lacunaires ou plus étroites que celle de la convention
de l‟OCDE 387. Lorsqu‟il est question de satisfaire aux exigences de la double
incrimination, les situations de non coïncidences dans la définition de l‟agent public
étranger seraient très dommageables pour l‟efficacité des poursuites.

On pourrait regretter également que la convention de l‟OCDE ne vise pas les


membres de partis politiques ou les candidats à des fonctions publiques ou à des élections.
De manière générale, la corruption d‟un agent d‟une ONG ne concerne pas les conventions
internationales et cela peut être considérée comme un manque important du dispositif.

Cette première analyse constitue un avant-goût des difficultés nées du manque


d‟harmonisation des textes juridiques pertinents. Cette problématique vient s‟imbriquer
dans un ensemble d‟obstacles plus large. On verra ainsi que de nombreuses barrières à
l‟efficacité de la lutte contre la corruption sont constituées par la difficile pratique du droit
international par les Etats.

386 G. STESSENS, « The international fight against corruption », op.cit., p. 911.


387 Ibid., pp. 35 – 36.
105
CHAPITRE 2

LA RELATIVE SYMETRIE DES DEFINITIONS TEXTUELLES DES


INFRACTIONS

Après avoir étudié les définitions de l‟agent public étranger au sein des textes
pertinents, il convient de se tourner vers les éléments constitutifs de la corruption dudit
agent public étranger. Il est bien entendu que certains textes internationaux pris ici en
considération visent la corruption de tout agent qui peuvent être des agents nationaux ou
des agents public étrangers. Dans le cadre de cette thèse on étudiera ici, à titre principal, la
corruption des agents publics étrangers 388.

Dans le domaine de la corruption d‟agent public étranger, il nous importe de savoir


à quel point les rédacteurs de textes internationaux ont pu ériger des articles uniformes389 :
il est évident que des situations de non coïncidence pourraient avoir pour conséquence des
difficultés dans l‟application harmonieuse des textes internationaux, et donc une relative
inefficacité dans la lutte contre la corruption dans le commerce international.

Dans un premier temps, il nous importe de procéder à une étude comparative de


l‟infraction de corruption au sein des textes internationaux pertinents (Section 1). En ce
sens, nous procéderons à une analyse de certaines similitudes dans le libellé des infractions
et des auteurs d‟infractions, et aussi de certaines différences dans la liste des infractions
mentionnées dans les textes pertinents. Nous étudierons en profondeur les éléments

388 Sur les motifs qui ont déterminé ce ciblage de recherche sur les seuls agents publics étrangers, cf.,
supra., Introduction générale.
389 On fait ici référence au principe de la double incrimination. A ce titre voir J. SALMON, op.cit.,
p. 336 : « A. Critère d‟application des conventions d‟extradition en matière pénale selon lequel, pour donner lieu à
extradition, le fait visé par les conventions doit être punissables par les lois pénales de l‟Etat requérant et de l‟Etat
requis. B. Critère d‟application de certaines compétences personnelles à caractère extraterritorial en vigueur dans un
Etat selon lequel l‟infraction commise sur le territoire d‟un autre Etat n‟est punissable par le premier Etat que si elle
est sanctionnée par le droit des deux Etats ».
106
constitutifs des infractions de corruption (directe et indirecte). Dans un deuxième temps, un
état de certains comportements qui sont insusceptibles d‟être qualifiés d‟acte de corruption
en raison des circonstances et des contextes sera dressé (Section 2).

107
SECTION 1

ETUDE COMPARATIVE DE L’INFRACTION DE CORRUPTION AU SEIN


DES TEXTES INTERNATIONAUX PERTINENTS

Une première approche comparative laissera entrevoir certaines spécificités


relatives aux infractions mentionnées par les textes internationaux pertinents (§ 1). Un
deuxième niveau d‟analyse comparative et approfondie portera sur les éléments constitutifs
de l‟infraction (§2). On verra qu‟au-delà des questions de traduction que posent les
différentes langues que les textes internationaux, même s‟ils n‟utilisent pas exactement les
mêmes termes, font référence à des notions très proches et l‟on est ainsi frappé par la
similitude des approches juridiques. En dernier lieu, il convient de porter notre regard sur
l‟infraction de la corruption indirecte (§3), une notion particulière, de laquelle jaillit des
questions juridiques importantes.

§ 1 – Première approche comparative : la spécificité des infractions


mentionnées dans les textes internationaux

Dans l‟ensemble, les textes contiennent un libellé assez similaire de l‟infraction de


corruption. Il faut néanmoins relever certaines spécificités. Le FCPA texte de droit
national, a été le texte de référence pour les rédacteurs des textes internationaux
postérieurs, doit être étudié en premier lieu (A). On étudiera ensuite le texte de l‟IACAC
dans le cadre de l‟OEA (B), les textes de l‟Union européenne qui lient ensemble comme
les corollaires indissolubles les infractions de corruption active et de corruption passive
(C), la convention de l‟OCDE -qui vise très spécifiquement l‟infraction de la corruption
active de l‟agent public étranger dans le contexte du commerce international (D) - et la
convention pénale du Conseil de l‟Europe de 1999 (E). On note que la convention de
l‟Union africaine ne prévoit pas une infraction spécifique incriminant la corruption d‟agent
public étranger (F). La CNUCC vise la corruption d‟agent public étranger d‟une manière
très proche à celle de la convention de l‟OCDE et du FCPA, en se référant spécifiquement
108
à des activités de commerce international.

A - Le FCPA : des éléments constitutifs à géométrie variable

Le FCPA incrimine la corruption active d‟un « fonctionnaire étranger» sans


néanmoins aborder la question de la corruption passive dudit « fonctionnaire étranger»390.
Le FCPA vise plusieurs catégories d‟auteurs de la corruption active : des « émetteurs
d‟actions », 391 des «personnes et entités des Etats-Unis » 392 ou « toute autre personne »
393
. Les éléments constitutifs de l‟infraction peuvent ainsi varier en fonction de la catégorie
de corrupteur. Le FCPA vise également les agents de chaque catégorie d‟auteur et en ce
sens vise la corruption dite « indirecte ».

Pour certaines catégories de corrupteur, il faut démontrer l‟usage, par l‟auteur du


courrier postal ou tout moyen ou instrument de commerce entre États 394. De façon

390 Voir cependant D. FLORE, op.cit., p. 45 : Il existe une interrogation quant à la possibilité, en droit
américain, d‘incriminer, par d‘autres moyens, la corruption passive de l‘agent public étranger. Le
Department of Justice américain avait cru voir cette possibilité si le fonctionnaire étranger ne pouvait
être poursuivi pour violation du FCPA de la manière suivante: « [...]il [le fonctionnaire étranger] pouvait
cependant être poursuivi sur la base des dispositions fédérales applicables en matière d„«entente » (conspiracy) ou
d‟assistance et de complicité (aiding and abetting) en vue de commettre l‟infraction de corruption active. »
Cependant, l‘affaire United States v. Castle 5925 Federal Reporter (2d series), 1992, (pp. 831-832) a
écarté cette approche en considérant que les « agents publics étrangers ne peuvent être poursuivis pour avoir
reçu des paiements illégaux, de la même manière, ils ne peuvent être poursuivis pour avoir fait une entente pour
recevoir de tels paiements en violation du Foreign Corrupt Practices Act. » ; voir également : Judge Sanders‘
Memorandum Opinion and Order, 4.06.1990. 925 Federal Reporter (2d series), 1992, p. 835 :
Selon ce dernier, « les auteurs du texte étaient tout à fait conscients qu‟ils pouvaient, en conformité avec le droit
international, viser les agents publics étrangers dans certaines circonstances. Mais ils étaient aussi conscients et ils
prenaient en considération les difficultés en termes de compétence, d‟exécution et de diplomatie, qui étaient inhérentes
à l‟application du texte à des non citoyens américains. […] le Congrès a positivement choisi d‟exempter [les agents
public étrangers] des poursuites ». Il reste néanmoins des moyens d‘incriminer le fonctionnaire étranger
même si le FCPA n‘ouvre pas cette voie. Il existe l‘éventualité de poursuivre le fonctionnaire
étranger « sur la base d‟autre dispositions du droit américain, soit des États (les lois des Etats sur la corruption
dans le commerce), soit fédéral (les lois fédérales sur la fraude dans le transfert de valeurs, en particulier le Interstate
Travel in Aid of Racketeering Act (United States Code, Title 18, §1952, introduit en 1961) ».
391 15 U.S.C. §§ 78dd-1, « issuer ».
392 15 U.S.C. §§ 78dd – 2, « domestic concern ».
393 15 U.S.C. §§ 78dd – 3, « any person »; voir en sens, les modifications du FCPA en 1998 suite à
signature de la convention de l‘OCDE par les Etats-Unis.
394 § 78dd-1 « issuers »; § 78dd-2 « domestic concerns »; § 78dd-3 « any person ».
109
générale, l‟acte corrompu doit être, suivant l‟expression américaine, «pour faciliter »395
une offre, paiement, promesse de payer ou autorisation de procurer un avantage 396. Dans
tous les cas, il doit s‟agir d‟un comportement « malhonnête»397 selon la notion anglo-
saxonne « corruptly »398.

L‟auteur de l‟acte corrompu doit tenter de corrompre, par ledit acte : un


« fonctionnaire étranger » ; un parti politique étranger ou à l‟un de ses responsables ; un
candidat briguant un siège au sein d‟une instance politique afin d‟influencer un acte
officiel ou une décision officielle.

L‟auteur peut aussi être aussi celui qui sans personnellement accomplir
matériellement cette corruption a simplement connaissance de celle-ci399 : l‟auteur a agi
« tout en sachant que l‟argent, dans son entièreté ou en partie, ou la chose de valeur, dans
son entièreté ou en partie, sera offert ou offerte, donné ou donnée, ou promis ou promise
directement ou indirectement à tout officiel étranger, à tout parti étranger ou officiel de tel
parti ou à tout candidat à un poste politique étranger »400. En pareil cas, on rentre dans la
cadre d‟une corruption indirecte qui n‟est peut être pas sans lien au point de vue des
principes généraux du droit pénal avec la notion de complicité et peut être regardé comme
impliquant une obligation de dénonciation.

L‟objectif de l‟acte de corruption (spécialement par l‟entreprise) est double : d‟une


part il entend influencer la personne investie d‟une compétence publique de telle manière
qu‟elle modifie sa décision ou qu‟elle s‟abstienne d‟accomplir un acte, en violation de sa
fonction, ou ménager un avantage indu ou user de son influence ; d‟autre part, la personne
publique corrompue doit aider l‟entreprise ou particulier corrupteur à obtenir ou à

395 § 78dd-1 « issuers »; § 78dd-2 « domestic concerns »; § 78dd-3 « any person ».


396 §§ 78dd-1(a), (g) « issuers »; § 78dd-2(a), (i) « domestic concerns »; § 78dd-3(a) « any person ».
397 § 78dd-1 « issuers »; § 78dd-2 « domestic concerns »; § 78dd-3 « any person ».

398 Cette notion n‘est pas définie par le FCPA, c‘est donc le texte qui renvoi implicitement aux juges

pour la définition ici essentielle de ce terme.


399 §§ 78dd-1(a)(1)-(2), (f) « issuers »; §§ 78dd-2(a)(1)-(2), (f)(2)(A) « domestic concerns »; § 78dd-3(f)(1),

(2)(A)-(B) « any person ».


400 § 78 dd- 1 (a) (3).

110
conserver un marché international, soit pour lui-même, soit pour un tiers401.

B - L’IACAC : une corruption d’agent public étranger conditionnée


par la Constitution et principes fondamentaux du droit interne des
Etats parties à la convention

L‟IACAC 402 cible à la fois la corruption nationale et internationale. L‟IACAC vise


d‟abord la corruption nationale active et passive à l‟article 6 : le champ d‟application
spatial de l‟article 6 se limite aux frontières nationales des Etats parties 403. Il faut rappeler
que certains textes dans le dispositif international ne visent absolument pas la corruption
passive404. En matière de corruption internationale, l‟article 8 ne vise que la corruption
active des agents publics étrangers.

En ce sens le FCPA, l‟IACAC et la convention de l‟OCDE font clairement état des


difficultés relatives à l‟incrimination des agents publics étrangers 405.

L‟IACAC vise les avantages qui ont une influence sur l‟exercice des fonctions406 de
l‟agent public étranger 407. C‟est l‟article 6 de l‟IACAC qui précise les comportements
qu‟elle considère comme des « actes de corruption »408 au plan national et qui rentrent

40115 U.S.C. § 78dd-1(a)(1)-(2) (2006) « issuers » ; 15 U.S.C. § 78dd-2(a)(1)-(2) (2006) « domestic concerns »;
15 U.S.C. § 78dd-3(a)(1) « any person ».
402 Voir L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison

with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., pp. 245 - 246 : L‘IACAC porte
naturellement l‘empreinte du FCPA. Cependant, en tant que norme unilatérale qui a été érigée
selon les principes juridiques d‘un seul pays et qui visait principalement les activités des
ressortissants américains à l‘étranger, le FCPA ne pouvait pas être la seule base pour une
convention anticorruption multilatérale qui serait mise en œuvre dans de nombreux pays avec des
systèmes juridiques différents, et servirait aussi comme base pour la coopération internationale.
403 G. D. ALTAMIRANO, op.cit., p. 501.

404 Par exemple la convention de l‘OCDE ; voir en ce sens : P. WEBB, op.cit., pp. 193 – 205.

405 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the

United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p .265 ; On note également que l‘IACAC se
borne à combattre la corruption dans la sphère publique et ne vise pas la corruption privée.
406 Voir l‘article 6 de l‘IACAC.

407 Disposition assez analogue à celle du FCPA qui fait référence aux avantages qui influent sur « any

act or decision of such foreign official in his [or her] official capacity" ».
408 Article 6.

111
dans le champ d‟application de la convention409. L‟article 7 de la convention exige des
Etats parties une transposition de l‟incrimination de ces « actes de corruption » telles que
définies par le texte international dans leur droit pénal interne. L‟article 8 énonce les
éléments constitutifs de l‟infraction corrompu : « l'acte d'offrir ou de donner à un
fonctionnaire d'un autre Etat, directement ou indirectement, tout objet de valeur
pécuniaire ou tout autre bénéfice, tels que des dons, des faveurs, des promesses ou des
avantages en échange de la réalisation par ce fonctionnaire de tout acte ou omission dans
l'exercice de ses fonctions, en liaison avec une transaction économique ou commerciale,
lorsque cet acte aura été commis par un national d'une Partie, ou par des personnes ayant
leur résidence habituelle sur son territoire, ou par des entreprises qui y sont domiciliées ».

L‟obligation des Etats parties est cependant « sous réserve de sa Constitution et des
principes fondamentaux régissant son système juridique »410. Il existe alors une
échappatoire pour certains Etats parties qui n‟auraient pas besoin d‟émettre une réserve
pour éviter de transposer cette infraction dans leur droit pénal interne411. En effet, l‟IACAC
prévoit la possibilité de réserves à l‟article 24 412 A ce jour, aucune réservation n‟a
cependant été formulée à l‟encontre de l‟article 8. Le texte précise à cet égard que les Etats
parties qui n‟incriminent pas ces actes de corruption visés à l‟article 8, doivent prêter «
l'assistance et la coopération prévues par la présente convention en relation avec cette
infraction, dans la mesure où sa législation le lui permet»413.

409 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 247.
410 http://www.oas.org/juridico/fran%C3%A7ais/b-58.htm
411 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., pp. 248 – 249.
412 « Chaque Partie peut formuler des réserves à la présente convention au moment de l'adopter, de la signer, de la
ratifier ou d'y adhérer, à la condition que la réserve porte sur une ou plusieurs dispositions particulières et qu'elle ne
soit pas incompatible avec les buts et objectifs de la présente convention ».
413 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 3.
112
C - L’Union Européenne : la corrélation des éléments constitutifs en
matière de corruption active et de corruption passive

La convention de l‟Union européenne contre la corruption vise à la fois la


corruption active et la corruption passive des fonctionnaires communautaires et nationaux
des Etats membres414. La convention et le premier protocole à la convention relative à la
protection des intérêts financiers des Communautés européennes « conçoivent les
incriminations de corruption passive et de corruption active comme deux infractions
parfaitement autonomes, consistant en des actes essentiellement unilatéraux, même si la
réussite de la corruption impliquera nécessairement la rencontre de deux volontés et la
contribution de deux parties»415. Ces textes contiennent une définition quasiment identique
de ces infractions, sauf que le premier instrument [le premier protocole] en limite la portée
au cas où l‟acte de la fonction qui est l‟enjeu de la corruption porte atteinte ou est
susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes, ce que
le second ne fait pas416.

D - L’OCDE : les éléments constitutifs orientés par le mandat


spécifique de cette organisation

Le champ d‟application de la convention de l‟OCDE se limite aux paiements


illicites dans le commerce international. Son champ d‟application géographique reste
néanmoins important 417. La justification à l‟appui de ce choix de champ d‟application, se
trouve dans le mandat spécifique de l‟OCDE, c‟est-à-dire le mandat d‟une organisation

414 Voir en ce sens : I. ZERBES, op.cit., p. 53, cette approche reflète des objectifs liés à l‘intégration
économique des Etats au sein de l‘Union.
415 D. FLORE, op.cit., p. 2.
416 Ibid., p. 21 : L‘article 3 définit la corruption active de la manière suivante : « le fait intentionnel, pour
quiconque, de promettre ou de donner, directement ou par interposition de tiers, un avantage de quelque nature que ce
soit, à un fonctionnaire, pour lui-même ou pour un tiers, pour qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir, de façon
contraire à ses devoirs officiels, un acte de sa fonction ou un acte dans l'exercice de sa fonction. » Selon l‘article 2, la
corruption passive comprend « le fait intentionnel, pour un fonctionnaire, directement ou par interposition de
tiers, de solliciter ou de recevoir des avantages de quelque nature que ce soit, pour lui-même ou pour un tiers, ou d'en
accepter la promesse, pour accomplir ou ne pas accomplir, de façon contraire à ses devoirs officiels, un acte de sa
fonction ou un acte dans l'exercice de sa fonction » .
417 I. ZERBES, op.cit., p. 50 ; en ce sens voir la liste des pays signataires de la convention de l‘OCDE.
113
économique de la plupart des grandes nations industrielles du monde. La convention de
l‟OCDE cherche à « niveler le terrain de jeu », la corruption étant un phénomène qui
« fausse les conditions internationales de concurrence »418. Les mesures de la convention
OCDE incriminant la corruption de l‟agent public étranger sont le reflet de ces objectifs
économiques et commerciaux 419. Comme on le verra par la suite, la CNUCC, dans
l‟incrimination de la corruption active d‟agent public étranger se limite, elle aussi, aux
transactions commerciales internationales

L‟article 1 de la convention de l‟OCDE précise les éléments constitutifs de


l‟infraction de la corruption de l‟agent public étranger : « le fait intentionnel, pour toute
personne, d‟offrir, de promettre ou d‟octroyer un avantage indu pécuniaire ou autre,
directement ou par des intermédiaires, à un agent public étranger, à son profit ou au profit
d‟un tiers, pour que cet agent agisse ou s‟abstienne d‟agir dans l‟exécution de fonctions
officielles, en vue d‟obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le
commerce international »420.

Comme le FCPA et l‟IACAC 421, la convention de l‟OCDE vise seulement la


corruption internationale active. Les textes souhaitent alors « réduire l‟afflux de
commissions illicites sur les marchés en réprimant les corrupteurs actifs et le plus
complices et en élaborant un cadre de prévention »422. Les aspects de la corruption
passive, toujours couverts par les lois internes des pays dont relève le fonctionnaire « n‟ont
pas été retenus par l‟OCDE dans le champ d‟incrimination des actes de corruption »423.
Cette convention « s‟en remet aux pays eux-mêmes pour la répression (ou la non-
répression) de leurs agents publics nationaux » 424. L‟OCDE a, a priori, voulu « éviter des
conflits de juridiction […] parce que le droit de la fonction publique fait l‟objet dans

418 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/3028103.pdf.
419 Ibid., p. 51.
420 D. FLORE, op.cit., p. 53.
421 L‘IACAC vise la corruption active et passive au niveau national.
422 M. LEVI, op.cit., p. 31.
423 P. CAVALERIE, op.cit., p. 617.
424 M. LEVI, op.cit., p. 31.
114
nombre de pays de dispositions particulières »425. L‟OCDE a ainsi laissé aux pays dont
relève le fonctionnaire, le soin de réparer ce manquement à la confiance de la population
dans le fonctionnement de l‟Etat, symbolisé par l‟acceptation d‟un pot-de-vin426.

La convention de l‟OCDE ne vise pas la corruption dans le secteur privé. On


pourrait évidemment envisager une révision de la convention de l‟OCDE dans la mesure
où la corruption dans le secteur privé fausse aussi les conditions internationales de
concurrence. La convention de l‟OCDE reste silencieuse sur la question de la corruption
des agents publics nationaux. A titre de comparaison, les conventions de l‟Union
européenne, du Conseil de l‟Europe, l‟IACAC et la CNUCC visent la corruption des
agents publics nationaux tels que définis dans la convention427.

E - La convention pénale du Conseil de l’Europe : les éléments


constitutifs inspirés des définitions nationales et internationales
existantes

La convention pénale du Conseil de l‟Europe vise la corruption active et la corruption


passive de plusieurs catégories de personnes. L‟article 2 de la convention définit la
corruption active d‟agents publics nationaux comme étant : « lorsque l‟acte a été commis
intentionnellement, le fait de proposer, d‟offrir ou de donner, directement ou
indirectement, tout avantage indu à l‟un de ses agents publics, pour lui-même ou pour
quelque un d‟autre, afin qu‟il accomplisse ou s‟abstienne d‟accomplir un acte dans
l‟exercice de ses fonctions »428.

Selon le rapport explicatif de la convention pénale, la définition donnée s‟inspire

425 P. CAVALERIE, op.cit., p. 617.


426 I. ZERBES, op.cit., p. 51.
427 H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the
Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? »,
26 N.C.J.Int‟l. & Com. Reg., pp. 268 – 269.
428 L‘article 3 définit la corruption passive des agents publics nationaux de la manière suivante :
« lorsque l‘acte a été commis intentionnellement, le fait pour un de ses agents publics de solliciter
ou de recevoir directement ou indirectement, tout avantage indu pour lui-même ou quelqu‘un
d‘autre ou d‘en accepter l‘offre ou la promesse afin d‘accomplir ou de s‘abstenir d‘accomplir un
acte dans l‘exercice de ses fonctions ».
115
des définitions nationales et internationales, et cite en particulier la convention de l‟Union
européenne sur la protection des intérêts financiers des Communautés européennes 429.

Les définitions amples de la notion de corruption par la convention pénale du


Conseil de l‟Europe et son protocole additionnel correspondent à l‟un des buts même de
l‟organisation, c‟est-à-dire, l‟amélioration de la coopération judiciaire entre ses membres
par le biais de l‟entraide judiciaire, l‟extradition ou confiscation 430. La convention pénale
du Conseil de l‟Europe a alors un champ d‟application « très étendu et complète les
instruments juridiques existants de l‟UE et de l‟OCDE »431. Les comportements visés par
ce texte sont les suivants : corruption active et passive d‟agents publics nationaux et
étrangers ; corruption active et passive de membres d‟assemblées publiques nationales et
étrangères ; corruption active et passive de membres d‟assemblées parlementaires
internationales ; corruption active et passive dans le secteur privé ; corruption active et
passive de fonctionnaires internationaux ; corruption active et passive de juges de cours
nationales, étrangères et internationales et d‟agents de cours internationales ; trafic
d‟influence actif et passif ; blanchiment du produit des délits de la corruption ; infractions
comptables (factures, documents comptables, etc.) liées aux délits de la corruption. On voit
que la convention vise très largement l‟infraction de corruption et les délinquants qui y
concourent.

La convention du Conseil de l‟Europe se rapproche des conventions de l‟Union


européenne et de l‟OCDE dans le sens où « la corruption est construite comme un acte
unilatéral, même si la réussite de la corruption implique la rencontre de deux volontés et
la contribution de deux volontés et la contribution de deux parties »432.

429 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm§ 32: Ce rapport explicatif a été


préparé par le secrétariat général du Conseil de l‘Europe et discuté au sein du Groupe
Multidisciplinaire sur la corruption (GMC). Le comité des ministres en a pris note lors de sa
646ème réunion, les 21 et 22 octobre 1998. Il reste de la responsabilité du secrétariat général et n‘a
aucune valeur interprétative particulière, sinon qu‘il est censé refléter les discussions qui ont eu lieu
au sein du GMC sur les différents points de la convention.
430 I. ZERBES, op.cit., p. 52.
431 M. LEVI, op.cit., p. 33.
432 D. FLORE, op.cit., p. 65.
116
F - L’Union africaine : l’absence d’une disposition visant
l’incrimination de la corruption des agents publics étrangers

Le champ d‟application de la convention de l‟Union africaine est large : elle vise la


corruption passive et active, le trafic d‟influence, l‟enrichissement illicite et l‟usage ou la
dissimulation des produits des actes corrompus 433. La convention de l‟Union africaine
proscrit cinq catégories d‟actes corrompus : la corruption des agents publics434, la
corruption dans le secteur privé 435, l‟obtention d‟un avantage illicite par un agent public ou
toute autre personnes, 436 le détournement des biens de l‟Etat par un agent public dans
l‟exercice de ses fonctions437 et l‟usage ou la dissimulation du produit de l‟un quelconque
des actes visés dans le présent article 438.

Cependant, à la différence des autres textes régionaux ou à vocation universelle, la


convention de l‟Union africaine ne vise pas la corruption des agents publics étrangers ni les
fonctionnaires des organisations internationales 439. En ce sens, le présent travail de
recherche, tout en reconnaissant l‟importance de cette question sur le continent africain,
n‟approfondira pas néanmoins les réponses normatives africaines à la lutte contre la
corruption. La raison principale de cette orientation est la motivation de rester dans le
cadre des textes visant de manière spécifique la corruption des agents publics étrangers. On
rappellera cependant que de nombreux Etats africains sont parties à la CNUCC.

G - La convention des Nations Unies contre la corruption : des


éléments constitutifs analogues à ceux de la convention de l’OCDE et
du Foreign Corrupt Practices Act

La CNUCC est le texte qui a le plus grand champ d‟application et le plus gros

433 Pour un rapprochement avec la CNUCC, voir P. WEBB, op.cit., pp. 202 – 203.
434 Articles 4(1) (a)-(b).
435 Articles 4(1) (e)-(f).
436 Article 4(1) (c).
437 Article 4(1) (d).
438 Article 4(h).
439 Voir l‘analyse de N. KOFELE-KALE, « Change or the illusion of change: the war against official
corruption in Africa », op.cit., pp. 718 – 719.
117
potentiel normatif. Cette convention de 71 articles couvre les aspects majeurs de la lutte
contre la corruption : la prévention ; l‟incrimination, la détection et la répression ; et la
coopération internationale. De plus, ce texte consacre un chapitre entier au recouvrement
des avoirs. La CNUCC vise la corruption des agents publics nationaux et étrangers et elle
vise la corruption publique ainsi que la corruption privée. Un chapitre entier de la CNUCC
est dédié aux mesures préventives adressées à la fois au secteur public et privé. La CNUCC
appelle les Etats parties à promouvoir l‟action des organisations non gouvernementales
(ONG) et d‟autres éléments de la société civile dans la lutte contre la corruption 440.

En ce qui concerne l‟incrimination des infractions par le droit pénal national, les
Etats parties sont priés d‟adopter des mesures législatives, et autres si nécessaires, pour
conférer le caractère d‟infraction pénale, non seulement aux formes classiques de
corruption ou à la soustraction, au détournement ou autre usage illicite de biens par un
agent public, mais également, au trafic d‟influence et au blanchiment du produit du
crime441. La plupart des dispositions sont contraignantes. Mais le libellé de l‟article 23
(« conformément aux principes fondamentaux de son droit interne ») ou de l‟article 31
(«dans toute la mesure possible dans le cadre de son système juridique interne ») démontre
l‟existence des certaines échappatoires potentielles. La lecture de l‟article 4 (1) de la
CNUCC démontre aussi les précautions de langage importantes qui ont été prises par les
rédacteurs du texte dans l‟optique de la protection de la souveraineté : « les États Parties
exécutent leurs obligations au titre de la présente convention d‟une manière compatible
avec les principes de l‟égalité souveraine et de l‟intégrité territoriale des États et avec
celui de la non-intervention dans les affaires intérieures d‟autres États ».

Les Etats parties s‟accordent à coopérer en matière de prévention et de poursuite


des infractions visées442. LA CNUCC comprend ainsi des articles qui exigent des parties
qu‟elles se prêtent à des formes spécifiques d‟entraide judiciaire.

Les Etats doivent aussi prendre des mesures qui soutiennent l‟identification, le gel
ou la localisation du produit du crime. La question du recouvrement des avoirs est

440 Article 13.


441 Chapitre 3.
442 Chapitre 4.
118
primordiale pour les pays en voie de développement où des cas de corruption ont exporté
des richesses nationales vers des centres bancaires internationaux et des paradis fiscaux, et
où les ressources manquent cruellement pour la reconstruction des sociétés sous de
nouveaux gouvernements443.

L‟article 16 de la CNUCC à trait à la corruption d‟agents publics étrangers et de


fonctionnaires d‟organisations publiques en vue d‟obtenir ou de conserver un marché ou un
autre avantage indu en liaison avec des activités du commerce international. Cet article
vise à la fois la corruption active et la corruption passive de ces personnes mais n‟abordent
pas les infractions de la même manière. L‟article 16 exige que la corruption active soit
incriminée par le droit interne des Etats parties. Il demande seulement une prise en
considération de l‟incrimination de la corruption passive. Cette hétérogénéité d‟approche se
justifie car en matière d‟incrimination des activités des agents publics d‟un autre pays, il
est souvent question alors de conflits de juridiction, de difficultés relatives à l‟immunité et
du droit de la fonction publique qui fait l‟objet dans nombre de pays de dispositions
particulières444. L‟article 16, qui vise la corruption d‟agents publics étrangers et de
fonctionnaires d‟organisations publiques est une disposition analogue à celle du FCPA, à
celle de l‟article 1 (1) de la convention OCDE et à celle d‟autres conventions.

§ 2 – Deuxième approche comparative : les éléments constitutifs des


infractions de corruption mentionnées dans les textes internationaux

Il conviendrait de rappeler les catégories d‟auteurs de la corruption active (A). Puis,


nous analyserons les éléments matériels de la corruption « active » d‟agents publics. Les
éléments retenus au sein des textes se rapprochent très souvent. Nous retrouvons dans
l‟élément matériel, une promesse, une offre ou un don d‟un avantage indu à un agent
public (B). Les textes ont un champ d‟application très large à ce sujet, car souvent tout
avantage, pécuniaire ou non, peut être visé. La notion d‟avantage indu est une charnière de
l‟infraction car il est question d‟un bénéfice injustifié dont l‟agent public étranger n‟avait

443 P. WEBB, op.cit., p. 206.


444 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption: the globalisation of
anticorruption standards », op.cit., p. 8.
119
pas droit. Il est ainsi constitué l‟élément moral de l‟infraction, car on donne, promet ou
offre un avantage indu puisqu‟on attend du fonctionnaire qu‟il agisse ou s‟abstienne d‟agir
dans l‟exercice de ses fonctions (C) et parfois dans le cadre de l‟obtention ou
renouvellement d‟un marché dans le commerce international 445.

A - L’auteur de la corruption active

Dans le sens des textes internationaux, l‟auteur de la corruption active peut être
toute personne. L‟IACAC, par exemple, vise dans l‟infraction de corruption transnationale
à l‟article 8 : « lorsque cet acte aura été commis par un national d'une Partie, ou par des
personnes ayant leur résidence habituelle sur son territoire, ou par des entreprises qui y
sont domiciliées»446. La convention de l‟Union européenne vise « quiconque »447. En ce
sens, « si l‟auteur de la corruption passive est une personne bien déterminée : le
fonctionnaire, l‟auteur de la corruption active peut être n‟importe qui »448. L‟auteur peut
être «indifféremment un simple particulier agissant pour son propre compte ou pour le
compte d‟une société ou une personne exerçant une fonction publique »449. La convention
de l‟OCDE vise « toute personne »450. Ni la convention pénale du Conseil de l‟Europe, ni
la CNUCC ne précisent la catégorie des personnes corruptrices visées dans l‟infraction de
la corruption active de l‟agent public étranger : on pourrait imaginer que ces conventions
visent une catégorie d‟auteurs aussi large que la convention de l‟Union européenne ou la
convention de l‟OCDE.

A ce sujet, le FCPA, loi interne à portée extraterritoriale, se différencie des autres

445 Voir l‘analyse de R. A. CANO, op.cit., p. 71.


446 http://www.oas.org/juridico/english/treaties/b-58.html.
447 Convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou
des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne du 26 mai 1997, J.O.C.E., n° C 195/1 du
25 juin 1997.
448 D. FLORE, op.cit., p. 26.
449 Rapport explicatif sur le protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers
des Communautés européennes, approuvé par le Conseil du 19 décembre 1997, J.O.C.E., C 11 du
15 janvier 1998, p. 8, point 3.1. ; Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la
corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires
des Etats membres de l‘Union européenne, approuvé par le Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E.,
C 391, du 15.12.1998, p. 5, point 3.1.
450 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/3028103.pdf.
120
textes. Il précise les catégories des auteurs de la corruption active et les paramètres de
compétence extraterritoriale corollaires. En ce sens, pour savoir si un acte de corruption
d‟agent public étranger rentre dans le champ d‟application du FCPA, il faut prendre en
compte le type de personne concerné et les moyens 451 utilisés pour réaliser l‟acte
corrompu. On rappellera que le but de la présente recherche ne se situe pas dans une
analyse fine des différentes catégories d‟auteurs consacrées par le droit fédéral américain.
On note que le FCPA s‟applique également aux agents de chaque catégorie de personnes
citées ci-dessus. Le FCPA vise donc un très grand nombre d‟auteurs potentiels d‟acte de
corruption. Il suffit pour notre analyse néanmoins de distinguer brièvement les catégories
d‟auteurs prévues depuis les modifications du FCPA en 1998, parce que, comme on l‟a
déjà dit, le texte du FCPA est d‟une certaine manière la matrice des textes internationaux
postérieurs.

Le volet anticorruption du FCPA, tel que promulgué en 1977, s‟appliquait aux


« émetteurs de valeurs »452 et aux « personnes ou entités des Etats-Unis»453. Les
modifications du FCPA en 1998 ont également élargi la portée de la compétence des
provisions anticorruption aux actions des ressortissants américains en dehors du territoire
américain : en ce sens ils évoquent le principe de nationalité pour affirmer la compétence
américaine. Les amendements de 1998 - mettant en œuvre la convention de l‟OCDE - ont

451 Voir à ce sujet, D. FLORE, op.cit., p. 46 : Il y a deux moyens d‘agissements explicités par le FCPA :
le premier s‘appliquant à toutes les catégories d‘auteurs, le second uniquement aux personnes
autres que des entreprises américaines. Le premier est l‘utilisation des moyens et instruments du
commerce interétatique ou international. Le second est « tout autre actes ». Ceci signifie que, pour
les entreprises américaines, à l‘égard desquelles seule la première catégorie de moyen s‗applique, à
défaut d‘avoir utilisé un instrument du commerce interétatique ou international, un fait de
corruption active qui répondrait aux autres critères prévus par la loi, tomberait néanmoins hors du
champ d‘application et pourrait éventuellement rester impuni. Par contre, à l‘égard de toute autre
personne, tout acte suffira. Outre le risque d‘impunité que cette lacune crée, elle génère une
distinction entre plusieurs catégories de personnes qui n‘est justifiée que par le seul critère objectif
de leur nationalité.
452 « L‘émetteur » peut être une personne américaine ou étrangère, le FCPA ne fait pas de distinction.
Le terme « émetteur de valeur » est une entité ayant une catégorie de titres enregistrée en conformité
avec la section 78 (l) du Code des Etats-Unis, ou qui est dans l‘obligation de soumettre des
rapports conformément à la section 78 (o) (d) du même Code.
453 Les « personnes et entités des Etats-Unis » s‘entendent des ressortissants des Etats-Unis et des sociétés,
partenariats, associations, « sociétés par actions, fonds commerciaux, organisations non dotée de la personnalité
morale et entreprises individuelles, y compris les émetteurs de valeurs et les entreprises nationales, organisés en vertu de
la législation des Etats-Unis, des Etats, des territoires ou des Etats associés aux Etats-Unis ».
121
ainsi étendu le champ d‟application du FCPA aux « personnes et entités des Etats-Unis »
qui « se livrent à des activités interdites en dehors des Etats-Unis »454. Les modifications
du FCPA en 1998 ont également étendu son champ d‟application dans certaines
circonstances, à « toute personne »455, pour autant qu‟elle se soit trouvée sur le territoire
américain au moment où l‟acte a été commis. En ce sens, la notion «toute personne » est
toute personne physique autre qu‟un citoyen américain, ou toute société, association,
entreprise, régie par le droit d‟un Etat étranger ou d‟une de ses subdivisions politiques.
Sont également visés tout administrateur, directeur, employé, agent de cette entreprise ou
tout actionnaire de cette entreprise agissant au nom de celle-ci456.

Les implications de ces extensions de compétence extraterritoriale seront


examinées au sein du chapitre 4.

B - L’offre, la promesse ou le don d’un avantage indu

On donne, promet ou offre un avantage puisqu‟on attend du fonctionnaire qu‟il


agisse ou s‟abstienne d‟agir dans l‟exercice de ses fonctions et parfois dans le cadre de
l‟obtention ou renouvellement d‟un marché dans le commerce international 457. L‟octroi du
pot-de-vin peut se réaliser directement par le corrupteur ou par le biais d‟un intermédiaire.
Certains textes – la convention de l‟OCDE, la convention pénale du Conseil de l‟Europe et
la CNUCC - utilisent le terme « avantage indu ». Même sans l‟utilisation de la notion
d‟«avantage indu », il est très clair à la lecture des autres textes, que l‟on vise le même
genre de rapport : on donne quelque chose à l‟agent public étranger à quoi il n‟avait pas
droit. Ce rapport est l‟articulation qui lie l‟acte objectif à l‟élément intentionnel de
l‟infraction, c‟est-à-dire les deux côtés de l‟accord quid pro quo458.

Une analyse chronologique nous permet de mettre en relief les éléments matériels

454 H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the
Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit.,
pp. 296 et seq.
455 § 78 dd – 3.
456 D. FLORE, op.cit., p. 44 ; voir également : R. C. BAKER, op.cit., p. 651.
457 R. A. CANO, op.cit., p. 71.
458 Voir ci-dessus, introduction générale
122
de l‟infraction de chaque texte. En ce sens, nous allons aborder le FCPA (1) ; l‟article 8 de
l‟IACAC (2) ; les articles 2 et 3 de la convention de l‟Union européenne (3) ; l‟article 1(1)
de la convention de l‟OCDE (4) ; les articles 2 et 3 de la convention pénale du Conseil de
l‟Europe (5) ; l‟article 16 de la CNUCC (6).

1 - Le FCPA : « pour faciliter une offre, un paiement, une promesse de payer ou


une autorisation de paiement de tout argent ou offre, cadeau, promesse de donner ou
autorisation de donner toute chose de valeur» 459

Le FCPA vise l‟infraction suivante : « une offre, un paiement, une promesse de


payer ou une autorisation de paiement de tout argent ou offre, cadeau, promesse de
donner ou autorisation de donner toute chose de valeur». En ce sens, le FCPA définit
l‟acte corrompu de façon très large. Le fait de concrétiser un paiement n‟est pas un critère
essentiel de l‟infraction 460 : l‟offre ou la promesse suffisent. L‟agent public étranger n‟est
pas alors obligé d‟accepter le paiement pour qu‟il y ait une infraction. Les travaux
préparatoires indiquent d‟ailleurs que la loi « ne requiert pas que l‟acte ait été pleinement
consommé ou qu‟il ait réussi à produire l‟effet désiré»461. Il importe que l‟auteur ait eu en
vue d‟obtenir un tel résultat. L‟infraction ne comprend pas seulement un paiement
d‟argent, mais « toute chose de valeur». Cela a pour conséquence que l‟agent public
étranger ne peut donc facilement s‟enrichir sans être visé par cette loi 462. La notion de
« toute chose de valeur» a été décrite par S. Demming comme une notion « large et
ésotérique »463. Hormis l‟argent, pratiquement toute forme d‟avantage direct ou indirect
pourrait être envisagé comme rentrant dans le champ d‟application du FCPA 464.

459 § 78dd-1 « issuers »; § 78dd-2 « domestic concerns »; § 78dd-3 « any person ».


460 S. H. DEMMING, op.cit., p. 10.
461 Senate Report, n° 95-114, U.S.S.C.A.N., 1977, p. 4108.
462 T. SWANSON, op.cit., p. 410.
463 S. H. DEMMING, op.cit., p. 11.
464 Ibid., p.11 ; voir., l‘avis contraire de L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against
Corruption : A Comparison with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit.,
pp. 265 - 267: pour L. Low, l‘IACAC ne s‘accorde pas au FCPA sur ce point car, à son avis, aucun
effort n‘a été fait par les autorités de mise en œuvre pour élargir le champ d‘application du FCPA
afin de viser les avantages n‘ayant aucune valeur pécuniaire.
123
2 - L’IACAC : « l'acte d'offrir ou de donner à un fonctionnaire d'un autre Etat,
directement ou indirectement, tout objet de valeur pécuniaire ou tout autre bénéfice, tels
que des dons, des faveurs, des promesses ou des avantages »465

L‟article 8 de l‟IACAC 466 utilise les termes suivants pour établir l‟acte objectif :
« l'acte d'offrir ou de donner à un fonctionnaire d'un autre Etat, directement ou
indirectement, tout objet de valeur pécuniaire ou tout autre bénéfice, tels que des dons, des
faveurs, des promesses ou des avantages ». Le FCPA dispose d‟un champ d‟application
large relatif aux «avantages » proscrits, l‟IACAC, elle, va au moins aussi loin. Par exemple
puisque l‟IACAC, fait état d‟« autre bénéfice, tels que des dons, des faveurs, des
promesses ou des avantages », il est alors possible d‟imaginer que les avantages non
pécuniaire rentre dans le champ d‟application du texte 467.

465 Article 8.
466 Voir également, H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S. Government‘s
Campaign Against International Bribery », 22 Hastings International and Comparative Law Review 407,
Spring 1999, pp. 484 - 486 : Article 11 Développement progressif : « [s]tates were asked to consider
establishing other offenses under their laws to promote „the attainment of the purposes of this convention [11(1)].
These offenses included a government official‟s use of classified information or government property for personal gain
or for the gain of a third party ; procuring a decision from a public authority for personal benefit or benefit of a third
party ; and diverting government property or monies to a third party for the benefit of the government official or a
third party. These offenses, if adopted, would be considered “acts of corruption” for purposes of the convention.
(Article 11(2)) ».
467 Pour L. Low, l‘IACAC est contraire au FCPA sur ce point car, à son avis, aucun effort n‘a été fait
par les autorités de mise en œuvre pour élargir le champ d‘application du FCPA afin de viser les
avantages n‘ayant aucune valeur pécuniaire. L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention
Against Corruption : A Comparison with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit.,
p. 266; voir ibid. : selon L.A. Low, que le champ d‘application de l‘IACAC soit à priori plus
étendu que celui du FCPA est quelque chose qui doit être pris en considération car les Etats partis
pourraient choisir quels «avantages» seraient illicites. Il en découle que si les Etats parties
incriminent ces «avantages » de manière hétérogène, les entreprises cherchant à se déployer sur
plusieurs pays devront se confronter à plusieurs interprétations de cette notion. Par voie de
conséquence, les entreprises vont devoir soit, se conformer au régime le plus strict en vigueur, soit
prendre le soin de s‘informer quant au régime spécifique de chaque pays. En ce sens, les
différences concernant ces éléments constitutifs de la corruption peuvent nuire à la volonté des
Etats de coopérer sur les questions de l‘extradition ou de l‘entraide judiciaire. Le principe de la
double incrimination sera respecté si les différentes lois sont « substantially analgous » ou si elles
ciblent un « functionally identical conduct. » Il est fort possible qu‘un pays qui a choisi d‘incriminer très
peu de comportements puisse hésiter à coopérer avec l‘incrimination d‘un de ses propres
ressortissants selon les lois d‘un pays étranger qui a choisi une liste de comportements beaucoup
plus importante.
124
A l‟instar du FCPA, l‟IACAC proscrit les actes de corruption au-delà d‟un simple
paiement. Les deux textes proscrivent « l‟offre ». Il s‟en suit qu‟une entreprise pourrait se
trouver incriminée sous les deux régimes « non seulement en faisant des paiements
illicites, mais aussi sans actuellement payer de l‟argent»468. Il existe une interrogation : à
savoir si les éléments de cette infraction concernent un acte de « gratuity », qui est
différent d‟un pot-de-vin car c‟est une récompense à un agent qui n‟implique pas un
échange quid pro quo469.

3- L’Union européenne : « promettre ou de donner un avantage de quelque nature


que ce soit ».

Les textes de l‟Union européenne visent la corruption active et passive. Dans le


respect du ciblage de la présente recherche, on se concentrera uniquement sur la question
de la corruption active.

L‟article 3 de la convention et du premier protocole définissent la corruption active


comme « le fait intentionnel, pour quiconque, de promettre ou de donner, directement ou
par interposition de tiers, un avantage de quelque nature que ce soit ».

Le terme « avantage de toute nature » est défini par les rapports explicatifs comme
une « notion intentionnellement large englobant non seulement les objets matériels (argent
liquide, objets précieux, marchandises diverses, services rendus) mais également tout ce
qui peut représenter un intérêt indirect, tels que le règlement des dettes du corrompu, la
réalisation de travaux sur un immeuble lui appartenant, sans que cette énumération soit
exhaustive. La notion d‟avantage, couvre toute les sortes d‟avantages matériels ou

468 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 266.
469 P. HENNING, « Public corruption: a comparative analysis of international corruption
conventions and United States law », Arizona Journal of International and Comparative Law, Fall, 2001,
pp. 808 - 810 ; voir également ibid. : Un « gift » peut être fait avant ou après la décision, alors qu‘un
pot-de-vin doit avoir lieu avant l‘intervention gouvernementale car l‘offre est une condition de
l‘issue corrompu du processus. L‘IACAC fait référence, dans la définition de l‘infraction, au
« receipt » d‘un « gift, favour, promise ou advantage for himself » mais ces notions concernent seulement les
« avantages » qui viennent récompenser l‘échange corrompu. L‘IACAC dispose que l‘ «avantage» que
reçoit l‘agent doit être en échange d‘une intervention gouvernementale, ce qui veut dire que le
« gift » octroyé après la décision ne rentre pas dans le cadre du quid pro quo de l‘article VI
(1)(a) (b), car il sort du cadre d‘un accord préalable.
125
intellectuels »470.

On notera que les rapports explicatifs font acte d‟un cas dont ils considèrent qu‟il
ne tombe pas de façon explicite sous l‟incrimination de corruption active et qui devra être
réglé conformément au droit national de chaque Etat membre 471 ; ce cas concerne
l‟hypothèse où « le corrupteur, agissant délibérément, se trompe sur les pouvoirs dont il
croit investi le fonctionnaire sollicité »472.

4 - L’OCDE : « d’offrir, de promettre ou d’octroyer un avantage indu pécuniaire


ou autre »

L‟article 1(1) de la convention de l‟OCDE vise l‟offre473, la promesse ou


l‟octroie474 d‟un avantage indu pécuniaire ou autre.

470 Rapport explicatif du protocole, op.cit. p. 7, point 2.4. ; Rapport explicatif de la convention relative à la lutte
contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats
membres de l‟Union européenne, op.cit, p. 4, point 2.4.
471 D. FLORE, op.cit., p. 26.
472 Rapport explicatif du protocole, op.cit., p. 8, point 3.1., alinéa 3 ; Rapport explicatif de la convention relative à la
lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des
Etats membres de l‟Union européenne, op.cit, p. 5, point 3.1, alinéa 3.
473 I. ZERBES, op.cit., p 109; voir également, ibid. : une offre est une déclaration par celui qui
donnerait le pot-de-vin, sur sa propre initiative, indiquant sa volonté de payer pour l‘acte officiel en
question. En faisant une promesse, le corrupteur prend un engagement définitif. L‘offre et la
promesse peuvent être faites de façon tacite. Ni l‘offre ni la promesse exigent une réponse :
l‘infraction est réalisée dès que cela serait possible en théorie pour l‘agent d‘apercevoir que l‘on lui a
offert ou promis quelque chose pour en retour réaliser un acte officiel.
474 Ibid., p. 110 ; voir en ce sens, ibid.: par ‗octroyer‘ le texte de l‘OCDE entend le transfert d‘un
avantage vers la jouissance d‘une autre personne. La façon dont ce processus peut être réalisé
dépend de la nature de l‘avantage. Les fonds transférés sur un compte bancaire ; une place à
l‘Université etc. Le transfert sera effectué lorsque l‘objet du pot-de-vin serait dans une position
d‘en avoir la jouissance : faire une retraite sur le compte bancaire ; s‘inscrire à l‘Université.
L‘essentiel n‘est pas d‘effectuer la jouissance, l‘essentiel est d‘être dans une position d‘en faire
autant : l‘acte de donner ne dépend pas de l‘acte de recevoir. Cependant, l‘infraction visée ne doit
pas se limiter au seul transfert de l‘avantage. Il est important d‘incriminer plusieurs étapes ou actes
préparatoires au transfert de l‘avantage, ainsi que le transfert final que cela soit le fruit d‘une
préparation ou d‘un acte spontané tel qu‘un dessous de table. ‗Octroyer‘ est une manifestation
indépendante de l‘acte corrompu. En ce sens, l‘infraction peut être commise par la réalisation d‘un
accord corrompu par une personne autre que celle qui octroie le pot-de-vin. Ceux qui octroient
l‘avantage sont autant coupables que ceux qui ont conclu l‘accord antérieur ou précédent ou ont
fait une promesse illicite envers un agent public étranger. Cette chaîne d‘éléments que peuvent
impliquer un acte corrompu est pertinente du point de vue de l‘application par les Etats parties
126
La convention de l‟OCDE vise - comme les autres textes - le rapport
« quid pro quo »475 : d‟une part il y a l‟offre, la promesse ou l‟octroie d‟un avantage indu
pécuniaire ou autre à l‟agent public étranger, et d‟autre part, cet acte doit être donné en
échange d‟une action gouvernementale illicite 476. I. Zerbes pose la question des paiements
acceptés par un agent public étranger pour livrer une décision favorable, le paiement
n‟ayant pas été évoqué en amont de la décision 477. Dans une telle situation il est impossible
de savoir concrètement si l‟agent a agi en étant influencé par le paiement ou d‟autres
avantages478.

Le commentaire officiel 3 dispose que l‟article 1 « fixe une norme que doivent
respecter les Parties, mais il ne les oblige pas à reprendre son libellé exact pour définir
l‟infraction en droit interne. Une Partie peut procéder de différentes manières pour
s‟acquitter de ses obligations, dès lors que, pour qu‟une personne soit convaincue de
l‟infraction, il n‟y a pas à apporter la preuve d‟éléments autres que ceux dont la preuve
devrait être apportée si l‟infraction était définie comme dans ce paragraphe ». Il est
question ici du principe « d‟équivalence fonctionnelle». Une loi qui incrimine la
corruption des agents de façon globale mais ne se réfère pas spécifiquement à la corruption
de l‟agent public étranger et une loi qui incrimine spécifiquement la corruption de l‟agent
public étranger peuvent tous les deux être conformes à la convention OCDE. De la même
façon « une loi qui définirait l‟infraction en visant les paiements « en vue d‟inciter à la
violation d‟une obligation de l‟agent public » pourrait être conforme à la norme, à
condition qu‟il soit entendu que tout agent public a le devoir d‟exercer son jugement ou sa
marge d‟appréciation de façon impartiale et qu‟il s‟agisse donc d‟une définition «

d‘une loi de transposition. Les actes de corruption d‘un agent public étranger sont punissables
selon de telle législation dans le sens où ils ont été réalisés après son entrée en vigueur ; cela
concernerait un accord relatif à un avantage illicite qui a eu lieu avant l‘entrée en vigueur mais qui a
été conclu après ce moment. Cela impliquerait deux périodes distinctes de prescription.
475 M. LEVI, op.cit., p. 43.
476 R. C. BAKER, op.cit., p. 660.
477 I. ZERBES, op.cit., p. 111.
478 Ibid., p. 111; voir ibid. : La convention laisse ouvert à l‘interprétation des Etats parties de trancher
sur ces paiements. I. Zerbes émet les doutes sur la probité de ce genre de paiement car il existe une
possibilité que l‘agent ait agit dans l‘attente d‘une récompense ultérieure.
127
autonome » n‟exigeant pas la preuve du droit du pays particulier de l‟agent public » »479.

Selon au moins un commentateur juridique, le principe de l‟équivalence


fonctionnelle empêche une uniformisation totale des législations nationales même s‟il
rendu possible une relative harmonisation. Néanmoins – et comme on le verra au sein du
chapitre 7 – le contrôle et surveillance de la mise en œuvre des dispositions
conventionnelles par les législations nationales « ont indéniablement constitué un puissant
facteur de mise en œuvre »480.

5 - La convention pénale du Conseil de l’Europe : « le fait de proposer, d’offrir


ou de donner, tout avantage indu »

Les définitions de l‟article 2 et l‟article 3 de la convention pénale du Conseil de


l‟Europe s‟inspire des définitions nationales et internationales antérieures et à ce niveau le
rapport explicatif cite le premier protocole à la convention de l‟Union européenne sur la
protection des intérêts financiers481. D. Flore remarque cependant, que sur certains points, la
définition de la convention du Conseil de l‟Europe se rapproche plus à celle de la
convention de l‟OCDE 482 qu‟à celle de l‟Union européenne. En premier lieu, alors que
l‟Union européenne prévoit pour l‟incrimination « des avantages de quelque nature que ce
soit », le Conseil de l‟Europe, lui, exige qu‟il y ait un « avantage indu ». Le rapport
explicatif483 relève l‟importance de savoir ce qui constitue un avantage « indu » car cela a
nécessairement une importance fondamentale pour l‟incorporation de la convention dans le
droit interne. Pour le rapport 484, le terme « indu » doit être interprété, aux fins de la
convention, comme désignant quelque chose que le bénéficiaire n‟est pas légalement
habilité à accepter ou recevoir. Ce qui importe, c‟est que le corrupteur (ou un tiers, par
exemple un parent) voit sa position s‟améliorer par rapport à celle qu‟il connaissait avant
l‟infraction, et ce qui importe également, c‟est qu‟il s‟agisse d‟une amélioration qui ne lui

479 OCDE Commentaire 3.


480 P. NASTOU, op.cit., p. 35.
481 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, §32.
482 D. FLORE, op.cit., p. 66.
483 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 38.
484 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 38.
128
était pas due.485 Il faut noter néanmoins que la convention du Conseil de l‟Europe « vise à
exclure les avantages qui sont admis par la loi ou par les règlements administratifs, ainsi
que les cadeaux de faible valeur ou les cadeaux socialement acceptables »486.
Deuxièmement, la convention pénale du Conseil de l‟Europe « ne fait pas de distinction
selon que l‟agent public étranger outrepasse ou non ses fonctions, qu‟il viole ou non ses
devoirs »487. D‟après le rapport explicatif, « si un agent reçoit un avantage pour agir
conformément aux devoirs de sa fonction, il y aurait déjà là matière à infraction
pénale ».488. Le rapport explique ce choix : « l‟élément décisif de l‟infraction n‟est pas le
point de savoir si l‟agent avait ou non le pouvoir d‟agir conformément au souhait du
corrupteur, mais le point de savoir si on lui a effectivement offert, donné ou promis une
commission occulte pour obtenir quelque chose de lui» »489.

6 - La CNUCC : « de promettre, d’offrir ou d’accorder un avantage indu »

L‟article 16 (1) de la CNUCC vise le « fait de promettre, d‟offrir ou d‟accorder à


un agent public étranger ou à un fonctionnaire d‟une organisation internationale publique,
directement ou indirectement, un avantage indu ». Ce texte vise alors les avantages au-delà
d‟un simple paiement d‟argent. Nous pourrions imaginer un avantage non pécuniaire tel
que des vacances de luxes pour un tiers. Si ce tiers est un ami ou une connaissance proche
de l‟agent public étranger, ce genre d‟avantage pourrait, selon les circonstances, rentrer
dans le champ d‟application de l‟article, à condition que cela soit fait intentionnellement 490.

485 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm,§ 37.


486 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 38.
487 D. FLORE, op.cit, p. 65 ; voir également ibid., « la convention ne fait pas de différence entre ce que
le droit belge appelle « l‘acte juste » et « l‘acte injuste » ».
488 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm §39.
489 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 34 ; voir en ce sens :
D. FLORE, op.cit., p. 65.
490 CARR [I], « Fighting corruption through the United Nations convention on Corruption 2003: a
global solution to a global problem ? », International Trade Law & Regulation, 2005, p. 4.
129
C - L’élément moral : le dol

L‟auteur de la corruption active souhaite réaliser un objectif. L‟envie d‟atteindre


son objectif doit supposer une volonté et une conscience de ses actes. L‟addition de
l‟élément matériel et l‟élément moral, ainsi démontré seraient la violation de la loi
pénale491. Les éléments à prendre ici en considération sont un fait intentionnel en vu d‟un
objectif immédiat et pour certains textes, un objectif final. Il y a trois éléments à prendre en
considération : un fait intentionnel (1), un objectif immédiat (2) et pour certains textes, un
objectif final (3). L‟auteur de l‟infraction donne, promet ou offre un avantage indu
puisqu‟on attend du fonctionnaire qu‟il agisse ou s‟abstienne d‟agir dans l‟exercice de ses
fonctions et, selon certains textes, dans le cadre de l‟obtention ou renouvellement d‟un
marché dans le commerce international.

1 - Le fait intentionnel

Le FCPA exige tout d‟abord une intention spécifique de l‟auteur de l‟infraction.


Les faits doivent être commis « corruptly », c‟est-à-dire « de manière malhonnête ». En ce
sens, le terme « de manière malhonnête » est un élément essentiel de l‟intentionnel
spécifique à l‟infraction 492. « Corruptly » est une notion classique du droit anglo-saxon,
que l‟on rencontre en droit américain et en droit anglais493. Il faut noter que cette notion
connaît des nuances importantes dans différentes cultures. En ce sens, le Congress
américain a souhaité que ce critère s‟accorde avec le sens donné par la législation

491 On rappelle que l‘application du droit pénal prend en considération un élément matériel (le fait ou
l‘acte extérieur) et un élément moral (l‘intention ou dol criminel).
492 C. J. DUNCAN, op.cit., pp. 31 – 32.
493 Il convient d‘observer que cette notion a donné lieu en Angleterre à de nombreux commentaires
critiques, en raison de son caractère archaïque et tautologique (corruption is acting corruptly). Dans
l‘arrêt R v Welburn and others (1979) 69 Cr App R 254 CA, la cour d‘appel avait considéré que
« corruptly » est un simple adverbe anglais » et qu‘elle n‘allait pas l‘expliquer, « sauf pour dire que cela ne
signifie pas malhonnêtement. C‟est un mot différent. Il signifie le fait de faire intentionnellement un acte que la loi
interdit comme tendant à corrompre ». ; l‘interprétation de la notion de « corruptly » a donner lieu à
maintes débats juridiques aux Etats-Unis, il existe en sens un moyen de défense désigné comme la
« Lewis Carroll defense » en référence à une citation de cet auteur : « Moi, quand j‟utilise un mot dit
Humpty Dumpty sur un ton assez méprisant, il signifie exactement ce que j‟ai décidé qu‟il doit signifier, ni plus ni
moins. » « La question est de savoir dit Alice, si vous avez le droit de donner tant de significations différentes aux
mots. » voir en ce sens G. R. BLAKEY, B. J. MURRAY, « Threats, Free Speech, and the
Jurisprudence of the Federal Criminal Law », BYU L. Revoir 2002, p. 1076.
130
américaine relative à la corruption nationale aux Etats-Unis494. Cependant, on constate ici
un manque de clarté du FCPA car il ne définit pas la notion « de manière malhonnête ».

Le rapport du Sénat américain sur le FCPA « renvoie à une motivation ou un


objectif mauvais, une intention d‟influencer indûment la personne visée »495. Derrière
l‟offre, le paiement, la promesse ou le don, il doit avoir l‟intention d‟induire celui qui le
reçoit, de se servir de ses fonctions pour attribuer indûment un marché à celui qui paie ou
son client, ou d‟obtenir une législation ou régulation de faveur ou préférentielle 496. En ce
sens, il doit être établi que la personne visée avait connaissance de son comportement et
savait que ces agissements étaient illicites 497. Comme il a été expliqué dans United States
v. Liebo498, « un acte est « entaché de corruption » s‟il est commis de façon volontaire et
délibérée et dans l‟intention délictuelle de réaliser soit une fin ou un résultat illicite, soit
une fin ou un résultat licite par une méthode ou un moyen illicite quel qu‟il soit.
L‟expression « entaché de corruption» comporte l‟idée que l‟offre, le paiement ou la
promesse avait pour objet d‟amener le bénéficiaire à prévariquer »499. Il est question donc,
de ce que le droit américain appelle le rapport « quid pro quo » : il doit être entendu que le
paiement illicite doit être donné en échange d‟une action gouvernementale illicite, bien que
la réalisation de l‟action souhaitée n‟est pas requise 500. Une intention qui n‟est pas entachée
de corruption ne contrevient donc pas à la loi.

L‟IACAC semble rester silencieux sur la notion de connaissance de l‟acte


corrompu. Il faut également souligner que dans le cadre de la corruption indirecte,
l‟IACAC n‟explicite pas quel sens à donner à cet élément. Par ce silence, l‟article 6 de
l‟IACAC semble renvoyer le critère intentionnel au droit pénal de chaque État signataire

494 C. J. DUNCAN, op.cit., pp. 31 – 32.


495 Senate Report, n° 95-114, U.S.S.C.A.N., 1977, p. 4108
496 R. C. BAKER, op.cit., pp. 660 – 661.
497 Voir également : United States v. Kay, 513 F.3d 432, 446 (5th Cir. 2007).
498 923 F.2d 1308, 1312 (8th Cir. 1991). Voir Bryan v. United States, 118 S. CT. 1939, 1945 (1998)
(approbation d‘une définition analogue du mot « intentionnel »).
499 Voir M. LEVI, op.cit., p. 43.
500 R. C. BAKER, op.cit., pp. 660 – 661.
131
de la convention501.

Quant aux textes de l‟Union européenne, selon le premier protocole et la


convention, la corruption passive et la corruption active sont des infractions
intentionnelles. En ce sens, l‟acte constitutif de la corruption doit « procéder d‟une volonté
délibérée de faire accomplir des actes contraires aux devoirs attachés au service public »
502
dans le cas de la corruption active, et de celle d‟accomplir de tels actes, dans le cas de la
corruption passive503.

La convention de l‟OCDE utilise la notion de « fait intentionnel ». Les obligations


contraignantes de la convention ne visent que les infractions commises intentionnellement.
Cependant, cette formule n‟est peu ou pas du tout développée par la convention. Les
systèmes juridiques nationaux doivent tâcher de définir les éléments de ce « fait
intentionnel »504. Cette disposition a un champ d‟application plus vaste que la FCPA. En
général, il est relativement facile d‟établir l‟élément intentionnel dès lors que la personne
visée a organisé elle-même le paiement illicite505. D‟autres cas sont beaucoup plus difficile
à évaluer, surtout lorsqu‟il s‟agit d‟actes réalisés par les employés, agents ou filiales.

L‟article 2 de la convention pénale du Conseil de l‟Europe utilise l‟expression


« intentionnellement » dans le cadre de la corruption active. En ce sens, cela « exclut donc

501 R. A. CANO, op.cit., p. 78.


502 Rapport explicatif du protocole, op.cit, p. 8, point 3.1. ; Rapport explicatif de la convention relative
à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des
fonctionnaires des Etats membres de l‘Union européenne, op.cit, p. 5, point 3.1.
503 D. FLORE, op.cit., p. 21.
504 I. ZERBES, op.cit., p. 157 ; voir en ce sens, ibid. : I. Zerbes soulignent que dans de nombreux
systèmes juridiques, l‘intention peut comprendre deux éléments : d‘une part un certain degré de
volonté ou un choix conscient, ou au moins un degré d‘acceptation ; d‘autre part un certain degré
de connaissance ou une supposition certaine de l‘existence des éléments différents de l‘infraction,
qui va au-delà d‘un manque d‘attention. En se sens, si la personne concernée a été consciente des
éléments de l‘infraction le degré de volonté est assumée : elle ne peut pas alors, de manière
convaincante, dire qu‘elle n‘avait pas l‘intention d‘agir de cette façon.
505 Ibid., p. 158 ; voir en ce sens, ibid., les Etats parties doivent répondre à ce que I. Zerbes appelle
une problématique dogmatique : savoir si la personne visée doit être consciente de tout les facteurs
ou éléments de l‘infraction. En principe, si l‘accusé n‘était pas conscient de tous les éléments, on ne
pourrait pas dire que l‘acte a été pleinement voulu par lui lorsqu‘il a fait sa promesse ou offre. La
convention de l‘OCDE ne dicte pas d‘approche particulière à cet égard.
132
que la corruption puisse être commise par imprudence ou par négligence »506.

La CNUCC, aborde cet élément de l‟acte de corruption de l‟agent public étranger


de la même façon que comme la convention de l‟OCDE. La convention de l‟OCDE
qualifie la corruption active d‟agents publics étrangers de « fait intentionnel ». La CNUCC,
qui incrimine la corruption de l‟agent public étranger à l‟article 16, utilise la notion des
actes qui ont été commis « intentionnellement ».

2 - L‟objectif immédiat de la corruption active: le dol général

L‟objectif immédiat de la corruption « d‟agent public étranger » concerne dans


chaque cas une influence sur son comportement.

Pour le FCPA, cela comprend quatre possibilités ou objectifs immédiats. Le FCPA


a d‟abord envisagé trois catégories d‟influence ou d‟incitation. Ensuite, et depuis les
modifications de 1998, le fait de ménager un avantage indu fait aussi parti des infractions
visées507. Les quatre catégories sont les suivantes : influencer tout acte ou décision d‟un
agent public étranger dans l‟exercice de ses fonctions ; inciter un agent public étranger à
commettre ou à omettre tout acte en violation des devoirs légitimes de tel officiel ;
s‟assurer tout avantage malhonnête ; ou persuader un agent public étranger d‟employer son
influence auprès d‟un gouvernement étranger ou d‟une autorité de celui-ci pour influer sur
ou influencer tout acte ou toute décision de tel gouvernement ou telle autorité508.

506 R. A. CANO, op.cit., p. 77.


507 §§ 78dd-1(a)(1)(A), 2(a)(1) ; en ce sens : cette partie de l‘infraction comprenait trois volets avant la
modification de la loi en 1998. Depuis 1998, il contient le langage « any improper advantage » « tout
avantage indu ». Les Etats-Unis ont fait le choix d‘inclure cet élément dans la partie « quid pro quo »
et non dans la partie concernant l‘obtention ou la conservation d‘un marché à l‘étranger ; voir en ce
sens : L. LOW, « The OECD convention : A US Perspective on Combating Bribery in
International Business », in M. PIETH et. al., The OECD convention on Bribery, Cambridge,
Cambridge University Press, 2007, p. 516 ; voir aussi US-Ph1, 22 ; voir également, L. A. LOW,
T. P. TRENKLE, « U.S. Antibribery Law Goes Global », Bus. L. Today, July-Aug. 1999, p. 13 : ce
choix a été motivé par une volonté de ne pas réduire le champ d‘application du « business element »
du FCPA. En insérant cette clause au sein de la provision « quid pro quo », le champ d‘application a
certainement été élargi, car les critères deviennent moins exigeants.
508 § 78dd-1 (a) (1) « issuers »; § 78dd-2 (a) (1) « domestic concerns »; § 78dd-3 (a) (1) « any person ».
133
Comme le FCPA, l‟IACAC prévoit que les paiements doivent être fait « en échange
de la réalisation par ce fonctionnaire de tout acte ou omission dans l'exercice de ses
fonctions »509. En pratique, ce genre de paiement - en liaison avec une transaction
économique ou commerciale510- va toujours être faite afin d‟obtenir ou de conserver un
marché à le diriger vers un tiers.

S‟agissant de l‟Union européenne, il faut préciser le sens à donner à la notion


suivante : « accomplir ou ne pas accomplir, de façon contraire à ses devoirs officiels, un
acte de sa fonction ou un acte dans l'exercice de sa fonction ».

Pour les rapports explicatifs de la convention de l‟UE l‟«acte de la fonction » est


comme tout acte du fonctionnaire « relevant des compétences qu‟il détient en vertu d‟une
loi ou d‟un règlement (devoir de la fonction) »511. La différence que font les textes entre
l‟acte de la fonction et l‟acte dans l‟exercice de la fonction n‟est pas précisée. D. Flore en
déduit, du fait que les auteurs des textes ont choisi de mentionner les deux hypothèses de
façon expresse, que la seconde a un champ plus large que la première et couvre également
des actes qui, sans être étrangers à la fonction, sortent néanmoins des compétences du
fonctionnaire512. Il faut préciser que dans le cas du premier protocole, la question n‟est pas
seulement de savoir s‟il s‟agit d‟un acte de la fonction ou dans l‟exercice de la fonction. Ce
qui importe est de savoir si l‟acte porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux
intérêts financiers des Communautés européennes 513.

La notion de la contrariété « aux devoirs officiels », est certainement plus difficile à

509 Article 8.
510 Article 8.
511 Rapport explicatif du protocole, op.cit., p. 7, point 2.6. ; Rapport explicatif de la convention relative à la lutte
contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats
membres de l‟Union européenne, op.cit., p. 4, point 2.6.
512 D. FLORE, op.cit., p. 23.
513 Voir en ce sens ibid., p. 23 : Pour D. Flore, il serait à se demander si ce que prévoit l‘Union
européenne dans son protocole ne se limite pas à faire de la corruption une tentative non encore
aboutie de fraude communautaire au lieu de viser la corruption comme tentative ratée de fraude
communautaire. En effet, lorsqu‘il est question d‘un acte corrompu qui n‘a pas eu l‘effet recherché
sur les intérêts financiers des Communautés, dans le cas du premier protocole, on peut dire qu‘il
n‘est plus susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers des Communautés et ne rentre pas
dans le champ d‘application du texte.
134
éclaircir que la notion d‟« acte de la fonction ». Pour les rapports explicatifs, les devoirs de
la fonction sont les compétences mêmes que le fonctionnaire détient de la loi ou du
règlement. Est-ce que ce qui est contraire aux compétences ce qui est contraire aux devoirs
officiels ? Les rapports explicatifs assimilent la contrariété aux devoirs officiels à la
violation par le fonctionnaire de ses obligations, quelles seraient ces obligations 514?

Ces instruments ne contiennent pas d‟obligation d‟incrimination de la tentative de


corruption active ou passive. Les rapports explicatifs justifient cette absence par le fait
qu‟une telle incrimination n‟était plus nécessaire, dans la mesure où le comportement
consistant à faire des promesses, est en lui-même constitutif de l‟infraction de corruption
active ou passive, que ces promesses soient ou non effectivement tenues ou accomplies515.

L‟objectif immédiat de la corruption selon la convention de l‟OCDE est le fait


d‟induire l‟agent public à agir ou s‟abstenir d‟agir dans l‟exécution de fonctions
officielles516. Du point de vue de celui qui offre, promet ou octroie, l‟agent public étranger
lui doit un retour (le quid pro quo). L‟agent public étranger doit agir ou s‟abstenir d‟agir
dans l‟exécution de fonctions officielles. Par la notion de « fonctions officielles » au sens
de la convention OCDE, on entend non seulement les actes qui rentrent stricto sensu dans
le cadre de ces dernières, mais cela pourraient comprendre d‟autres actes ayant un rapport
moins rigide avec ces fonctions 517. Les Etats parties ont toujours la possibilité d‟étendre le
champ d‟application de leur législation interne pour couvrir d‟autres actes. Que l‟agent
prenne ou non la décision attendue n‟a pas d‟importance 518. L‟infraction existe lorsque le
corrupteur a réalisé son intention.

L‟article 2 de la convention pénale sur la corruption du Conseil de l‟Europe dispose


que l‟avantage indu est versé par le corrupteur « afin qu‟il (le corrompu) accomplisse ou

514 Ibid., p. 24, cet auteur analyse cette question en détail à la lumière du droit belge.
515 Rapport explicatif du protocole, op.cit., p. 10, point 5.1. , alinéa 3; Rapport explicatif de la
convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés
européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‘Union européenne, op.cit., p. 7, point
5.1., alinéa 3.
516 Article 1(1), voir également H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S.
Government‘s Campaign Against International Bribery », op.cit., p. 498.
517 I. ZERBES, op.cit., p. 136.
518 Ibid., p. 137.
135
s‟abstienne d‟accomplir un acte dans l‟exercice de ses fonctions. » Le corrupteur attend
donc du fonctionnaire corrompu qu‟il agisse dans un sens déterminé. L'intention doit être
liée à un résultat ultérieur, à savoir un acte que l'agent public doit accomplir ou s'abstenir
d'accomplir, en fonction de l'intention du corrupteur. Par exemple, accorder un permis de
construire est un acte positif, et ne pas l‟accorder devient alors une omission ou une
abstention519.

La CNUCC reprend de manière quasi identique à la convention pénale sur la


corruption cet élément de l‟infraction pour la corruption de l‟agent public national 520.

3 - Les infractions ayant pour objectif final un aspect commercial : le dol spécial

Le FCPA vise les opérations dont l‟objet final est l‟obtention ou la conservation
d‟un marché à l‟étranger. L‟IACAC dispose que l‟opération doit être liée à une transaction
« économique ou commerciale ». Cette formule est très large521. Les conventions de
l‟OCDE et la CNUCC disposent que l‟objectif de l‟opération est « en vue d‟obtenir ou
conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international. » La
convention de l‟Union européenne et la convention pénale du Conseil de l‟Europe
n‟exigent pas un tel contexte commercial pour constater l‟existence d‟un acte de corruption
transnationale.

L‟objectif final des opérations visées par le FCPA est l‟obtention ou la conservation
d‟un marché à l‟étranger. Les juristes américains utilisent un critère pour déterminer cet
aspect commercial, appelé le « business purpose test » ou la « commerce clause ». La
notion d‟un marché à l‟étranger n‟est pas limitée aux marchés publics avec un
gouvernement étranger ou un organe d‟un tel gouvernement, mais vise toute forme de
contrat522. Le FCPA limite son champ d‟application aux paiements et d‟autres avantages
« aux fins d‟aider523 […] à obtenir ou à conserver un marché pour ou avec toute personne

519 R. A. CANO, op.cit., p. 78.


520 Ibid., p. 80.
521 MAKINWA [A], « The rules regulating transnational bribery: achieving a common standard? »,
International Business Law Journal, 2007, p. 31.
522 D. FLORE, op.cit., p. 47.
523 Le mot « assist » doit être interprété de façon large, voir en ce sens : S. H. DEMMING, op.cit., p. 14.
136
ou à diriger le marché vers toute personne»524. La modification du « business purpose
test » a été débattue en 1998. La décision de ne pas modifier le « business purpose test » en
1998 a failli remettre en cause le respect par le FCPA de la convention de l‟OCDE.
Certains avantages ne sont pas directement liés à l‟obtention ou la conservation d‟un
marché mais peuvent faciliter les opérations de commerce 525. Une question relative à
l‟impôt a provoqué l‟interprétation du « business purpose test » par les tribunaux
américains526. En effet, réduire ou une annuler l‟impôt n‟a pas, a priori, de lien direct avec
l‟obtention ou la conservation d‟un marché. Cependant, la formule étroite du FCPA a été
étendue par la jurisprudence pour assimiler au sein du « business purpose test » certains
avantages qui mènent indirectement à l‟obtention ou la conservation d‟un marché 527.

Si l‟article 8 de l‟IACAC n‟a pas de « business purpose test » comme c‟est le cas
du FCPA, il exige néanmoins que le paiement soit fait « en liaison avec une transaction
économique ou commerciale. » En pratique, ce genre de paiement - en liaison avec une

524 15 U.S.C. § 78dd-1 (a) FCPA 1977.


525 I. ZERBES, op.cit., p. 154.
526 Selon I. Zerbes (I. ZERBES, op.cit., p. 155), cette question n‘avait pas été traitée auparavant par les
tribunaux car certaines affaires avaient fait l‘objet d‘un settlement out of court.
527 I. ZERBES, op.cit., p. 155 ; voir en ce sens : U.S. v. Kay, 200 F. Supp. 681 (S.D. Tex. 2002),
L‘affaire principale concerne les pots-de-vin payés à des agents de la douane et des impôts à Haïti
afin d‘obtenir une réduction sur les droits et impôts d‘importation. Dans l‘affaire U.S. v. Kay un
district court à Houston, Etats-Unis, a considéré que ce « business purpose test » ne concerne pas les
paiements aux agents douaniers et a donc interprété l‘article de façon étroite. Cependant la Cour
d‘appel a donné un avis contraire en exprimant que ce genre d‘avantage pourrait assister à
l‘obtention ou à la conservation d‘un marché et a ainsi adopté une interprétation large ; voir
également, L. LOW, « The OECD convention : A US Perspective on Combating Bribery in
International Business », op.cit., p. 517 ; SEC v. Mattson, Civil Action 01-CVH-01-3106 (S.D. Tex.
2001), dans l‘affaire Mattson v. Harris, un autre juge dans le même district de Houston a considéré
que cet élément ne concerne pas les paiements aux percepteurs d‘impôts. En appel, le Fifth Circuit a
rejeté cet avis étroit en considérant que de tels paiements pourraient satisfaire les exigences du
« business purpose test » s‘il existait un nexus entre le paiement et l‘obtention ou la conservation d‘un
marché à l‘étranger. Dans son avis, la Cour d‘appel du Fifth Circuit a cité les commentaires officiels
de la convention de l‘OCDE. Il est néanmoins possible que la Cour ait interprété le « business
purpose test » de la même façon même en l‘absence du langage de la convention de l‘OCDE relative
à l‘avantage indu. Il est cependant très clair que, dans l‘avis de la Cour, la convention de l‘OCDE a
été un facteur important dans la décision de la Cour.527 I. Zerbes souligne néanmoins les doutes
qui subsistent quant à l‘interprétation de cet article. Surtout dans la présence d‘un avantage autre
qu‘une réduction d‘impôt, par exemple dans le cadre de l‘inspection des travaux de bâtiment ; U.S.
v. Kay, 359 F. 3d 738 (5th Cir. Feb. 4, 2004).
137
transaction économique ou commerciale528- va toujours être faite afin d‟obtenir ou de
conserver un marché à le diriger vers un tiers. En ce sens, suivant la loi de transposition par
les Etats parties, la différence de libellé n‟aurait pas de signifiance pratique, mais le champ
d‟application de l‟IACAC pourrait s‟étendre à une catégorie de transactions plus large 529.

L‟article 1 de la convention de l‟OCDE restreint son champ d‟application à


l‟obtention ou la conservation d‟un marché ou un autre avantage indu dans le commerce
international. Selon le commentaire 4 de la convention de l‟OCDE, « au sens du
paragraphe 1, le fait de corrompre pour obtenir ou conserver un marché ou un autre
avantage indu constitue une infraction, même si l‟entreprise a par ailleurs fait l‟offre la
mieux disante ou si elle aurait pu se voir attribuer légitimement le marché pour une
quelconque autre raison ». Ainsi, l‟obtention ou la conservation d‟un marché dans le
commerce international seraient toujours considérés comme un « avantage indu ». Chaque
enchérisseur dans un marché devrait alors être incriminé dans un cas de corruption, même
si ce dernier aurait obtenu un marché sans se servir des méthodes illicites 530. Pour ce qui
est d‟un « autre avantage indu », cette notion est définie par le commentaire officiel 5 :
« un avantage qu‟une entreprise n‟aurait pas clairement dû recevoir, par exemple
l‟autorisation d‟exercer une activité pour une usine ne remplissant pas les conditions
réglementaires ». Un exemple de ce genre d‟avantage se trouve dans l‟affaire InVision531.
Cette affaire concerne les pénalités contractuelles pour les retards de livraison. Selon la
SEC, corrompre un agent public étranger dans l‟optique de voir supprimer ces pénalités
pourrait être considérée comme un avantage indu au sens de l‟article 1 de la convention.

LA CNUCC comprends également un dol spécial de la même manière que la


convention de l‟OCDE, car l‟objectif ultime de l‟acte corrompu est « en vue d‟obtenir ou

528 Article 8.
529 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 269.
530 I. ZERBES, op.cit., p 150 ; en ce sens, ibid. : ce n‘est pas le montant de l‘avantage ni l‘avantage
économique pour l‘Etat concerné qui nous importent. Selon I. Zerbes, il est très important de
souligner qu‘il serait toujours question d‘un acte corrompu, selon la convention, dans l‘hypothèse
où l‘agent public étranger est payé pour l‘obtention ou la conservation d‘un marché, sans égard aux
bénéfices économiques que cela pourrait procurer à l‘Etat étranger en question.
531 SEC Securities Exchange Act of 1934 Release No. 51199, Accounting and Auditing Enforcement
Release No. 2186, In Vision Settlement, February 14, 2005.
138
de conserver un marché ou un autre avantage indu en liaison avec des activités de
commerce international »532.

§ 3 - L’infraction de la corruption indirecte

La corruption internationale se réalise souvent à travers un tiers, un intermédiaire :


c‟est la corruption indirecte. En ce sens, le but pour un responsable d‟une entreprise est
d‟éviter des poursuites pénales car il n‟apparaîtrait pas explicitement dans l‟acte corrompu.
Si la corruption est découverte, l‟intermédiaire sera sans doute poursuivi, voire condamné
comme complice533.

Dans le sillage du FCPA, chaque convention anti-corruption vise la corruption


indirecte. La convention de l‟Union européenne utilise, par exemple, la notion
d‟«interposition de tiers »534(C). LA CNUCC utilise l‟adverbe «indirectement » (F) 535. Le
FCPA précise les critères de connaissance nécessaires pour constituer l‟infraction de
corruption indirecte (A). L‟article 11 de l‟IACAC concerne l‟infraction de la corruption
indirecte (B) et semble viser non seulement l‟auteur principal de l‟acte corrompu mais
également l‟intermédiaire. La convention de l‟OCDE dispose que l‟on ne peut éviter une
responsabilité en cas de corruption des agents publics étrangers en déléguant l‟acte
corrompu à autrui (D). Le rapport explicatif de la convention pénale du Conseil de Europe
précise que la transaction peut impliquer un ou plusieurs intermédiaires. Ainsi, l‟article 12
de cette convention prévoit l‟infraction de la corruption indirecte (E).

A - FCPA : « quiconque, tout en sachant »

Le FPCA incrimine la corruption indirecte. En effet, le FCPA, tel que modifié en


1998, interdit l‟utilisation d‟intermédiaires aux fins de versement de commissions illicites.
La notion d‟intermédiaires peut comprendre par exemple les agents ou les partenaires de

532 Article 16 (1).


533 R. A. CANO, op.cit., p. 74.
534 Articles 2 et 3 de la convention.
535 Par exemple l‘article 16 (1) de la CNUCC.
139
« joint venture ». Les tribunaux américains ont basé la responsabilité de la société mère des
actes des filiales sur les principes d‟agency536. La responsabilité de la société mère pour les
actes d‟une filiale se mesure à l‟aune de son implication et son contrôle de ladite filiale 537.

Les situations de poursuites engendrées par cette infraction peuvent être complexes.
Par exemple, lorsqu‟un intermédiaire (agent) agit d‟une manière qui pourrait provoquer
une incrimination de la société mère par le FCPA la question est aussi de savoir si
l‟intermédiaire (agent) a lui aussi commis une infraction. Ces deux questions doivent être
analysées séparément, surtout pour les questions de compétence 538. Il est possible que
l‟agent n‟ait pas commis d‟infraction sous le FCPA alors que l‟entreprise aurait commis,
par le biais de l‟agent, une infraction sous la même loi. En réalité, cela est un scénario
assez banal et le FCPA reconnaît explicitement cette analyse : une filiale à l‟étranger fait
quelque chose, agissant en tant qu‟agent de la société mère, qui a pour cause la violation du
FCPA par ladite société mère.

L‟infraction de corruption indirecte a exigé une définition spécifique de l‟élément


de dol nécessaire pour l‟incrimination de cette infraction. Cela est prévu d‟une certaine
façon par le texte. La législation539 fait référence à une personne agissant en connaissance

536 Voir en ce sens : United States v. Exxon Corp. & Exxon Shipping Co., No. A90-015-1CR, at 2-8
(D. Alaska Oct. 29, 1990) ; United States v. Johns-Manville, 231 F. Supp 690, 698 (E.D. Penn.
1963).
537 H. LOWELL BROWN, « Parent-Subsidiary Liability Under the Foreign Corrupt Practices Act »,
50 Baylor L. Rev. 1, 1997, p. 36 ; voir en ce sens Pacific Can Co. v. Hewes, 95 F.2d 42, 46 (9th Cir.
1938) : « where one corporation is controlled by another, the former acts not for itself but as directed by the latter, the
same as an agent, and the principal is liable for the acts of its agent within the scope of the agent's authority ».
538 La corruption indirecte soulève les questions relatives à la compétence juridique : nous étudierons
cette problématique au sein du chapitre 4 .
539 L‘histoire législative du FCPA démontre que la volonté des rédacteurs a été de supprimer la
« politique de l‟autruche » (« head in the sand problem ») en ce sens voir : H.R. Rep. No. 100-576, at
920 (1988), reprinted in 1988 U.S.C.C.A.N. 1949, 1953 ; un rapport dispose spécifiquement que
« knowledge » comprend « both prohibited actions that are taken with „actual knowledge‟ of intended results as
well as other actions that . . . evidence a conscious disregard or deliberate ignorance of known circumstances that
should reasonably alert one to the high probability of violations of the Act »539, H.R. Rep. No. 100-576, at 920
(1988) ; voir également : B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « On the
threshold of the Adoption of Global Antibribery Legislation : A Critical Analysis of Current
Domestic and International Efforts Toward the Reduction of Business Corruption », op.cit., p. 8 ;
M. MARIS, E. SINGER, « Foreign Corrupt Practices Act », American Criminal Law Review, Spring,
2006, pp. 585 – 587.
140
de ses actions : le FCPA vise une offre, un paiement, une promesse de payer ou une
autorisation de paiement de tout argent ou offre, cadeau, promesse de donner ou
autorisation de donner toute chose de valeur « à quiconque, tout en sachant que l‟argent,
dans son entièreté ou en partie, ou la chose de valeur, dans son entièreté ou en partie, sera
offert ou offerte, donné ou donnée, ou promis ou promise directement ou indirectement à
tout officiel étranger, à tout parti étranger ou officiel de tel parti ou à tout candidat à un
poste politique étranger »540.

Cette connaissance peut être démontrée si «une telle personne est consciente
qu‟elle se livre à une telle conduite, que de telles circonstances existent ou qu‟il y a forte
certitude qu‟un tel résultat se produira »541. Cette connaissance peut aussi être démontré si
« une telle personne croit fortement que de telles circonstances existent ou qu‟il y a forte
certitude542 qu‟un tel résultat se produira»543. On estimerait la personne aurait
connaissance de l‟acte si elle décide de faire abstraction des éléments de preuve
démontrant l‟usage de méthodes illicites par un intermédiaire 544. En ce sens la notion de
connaissance requise comprend l‟idée de « deliberate disregard » ou même « wilful

540 § 78 dd- 1 (a) (3), § 78 dd – 2 (a) (3), § 78 dd – 3 (a) (3) ; voir M. MARIS, E. SINGER, op.cit., p. 5 :
le but de cet article est de viser les personnes qui ‗ne tirent pas la sonnette d‘alarme‘ en présence de
signes ou indices d‘infraction du FCPA.
541 15 U.S.C. §§ 78 dd-1 (f)(2) (A) (i), 78 dd- 2 (h) (2) (A) (i), 78 dd-3 (h) (2) (A) (i) 1977.
542 C. F. CORR, J. LAWLER, « Damned if You Do, Damned if You Don‘t? The OECD convention
and the Globalization of Anti-Bribery Measures », 32 Vand. J. Transnat‟l L., pp. 1259 - 1260 ; voir
par exemple § 78 dd 1 (f) (2) (B) ; pour l‘interprétation de la notion de « forte probabilité » voir
I. ZERBES, op.cit., p. 123 : cette réflexion a été suivie par la SEC lors de l‘affaire Baker Hughes
Incorporated (BH) à qui la SEC a accusé de faire des paiements illicites en Inde et au Brésil sans
prendre la peine de vérifier la légitimité de ces paiements. Dans ces affaires, il n‘a pas été prouvé
que l‘argent de l‘acte corrompu a été transféré, mais « concern » aurait du éliminé cette possibilité,
comme prévu par le volet comptabilité du FCPA; voir en ce sens : SEC Securities Exchange Act of
1934 Release No. 51199, Accounting and Auditing Enforcement Release No. 2186, InVision
Settlement, February 14, 2005 : Une autre affaire de corruption indirecte se trouve dans l‘affaire
InVision. Dans ce cas, la SEC a conclu que InVision était « aware of a high probability » que ces
responsables de vente à l‘étranger ou distributeurs payaient ou offraient de payer « something of
value » aux agents publics afin d‘obtenir ou retenir des transactions pour InVision ; malgré cela,
InVision a autorisé les paiements illicites aux agents ou distributeurs, ou leur a permis de procéder
aux transactions sur la part d‘InVision, en violation du FCPA ; voir également : I. ZERBES, op.cit.,
p. 124.
543 15 U.S.C. §§ 78 dd-1 (f)(2) (A) (ii), 78 dd- 2 (h) (2) (A) (ii), 78 dd-3 (f) (2) (A) (ii) 1977.
544 I. ZERBES, op.cit., p. 161.
141
blindness »545. Selon le FCPA lorsque la connaissance de l‟existence d‟une circonstance
spécifique est requise pour un délit, une telle connaissance est établie si une personne est
consciente de la forte probabilité de l‟existence d‟une telle circonstance à moins que la
personne croie en fait que telle circonstance n‟existe pas 546.

Comment alors l‟entreprise peut-elle alors s‟informer quant à un éventuel acte


corrompu de la part de l‟agent pour réagir avec des contre mesures ? Sur la base de
l‟expérience des entreprises multinationales, certains critères ont été élaborés afin
d‟évoquer l‟existence de certains « red flags » ou « drapeaux rouges » qui devraient avertir
l‟entreprise en cas de comportements douteux 547. Ce raisonnement a été adopté par la
Cour de cassation dans l‟affaire du port de Bonifacio. En l‟occurrence, la tentative
d‟essayer de démontrer un manque de connaissance relatif au paiement d‟un intermédiaire
de 10000 euros aux membres de l‟administration corse n‟a pas suffi à éviter la
responsabilité de l‟entreprise 548.

Peuvent être des intermédiaires, les partis politiques ou des candidats à une fonction
politique. Les partis et les candidats ne sont pas considérés comme des agents publics

545 On pourrait traduire ces notions par l‘idée d‘un « aveuglement volontaire » relatif à un comportement
corrompu.
546 15 U.S.C. §§ 78 dd-1 (f)(3) (B), 78 dd- 2 (h) (3) (B) , 78 dd-3 (f) (3) (B) 1977.
547 I. ZERBES, op.cit., p. 125 ; voir en ce sens, ibid. : pourraient être cités comme des exemples de
drapeaux rouges : la société qui, agissant comme intermédiaire, n‘a pas de siège dans le pays dans
lequel il fournit un service et ne réalise pas d‘autres transaction commerciales dans ce pays ; la
société qui agit comme agent demande paiement de sa commission avant de conclure le contrat en
question ; un manque de transparence comptable ; une commission disproportionnée ; la société
de l‘agent demande paiement par le biais d‘un tiers. Ces drapeaux rouges sont des indices de
corruption sans prouver son existence, et cela est bien connu des entreprises multinationales. Avec
la présence des ces drapeaux rouges dans la relation entre l‘agent et l‘entreprise cherchant à obtenir
le marché, il est possible de présumer l‘intention de l‘entreprise de procéder à un acte de
corruption à travers l‘agent.
548 Cass. Crim., 8 janvier 1998 ; voir également : I. ZERBES, op.cit., p. 127 ; l‘affaire Statoil s‘agit aussi
d‘un acte de corruption par une société agissant en tant qu‘intermédiaire. L‘affaire Acres-Lesotho
fournit un autre exemple d‘un cas de corruption de l‘agent public étranger par le biais d‘un
intermédiaire. L‘affaire Titan Corporation est, du point de vue de l‘accusé, l‘affaire la plus coûteuse
de l‘histoire du FCPA. Afin d‘aider ses intérêts commerciaux au Bénin, Titan a décidé d‘employer
un intermédiaire qui était proche du Président du pays. En l‘espace de trois ans, plus que 5 millions
de dollars ont été versé, par le biais de l‘intermédiaire, dans les poches des agents publics haut
responsables au Bénin. En particulier, l‘intermédiaire a soutenu la campagne électorale du
Président. Sur une amende de $28, 5 millions a été fixée à l‘encontre de Titan dans le cadre du Plea
agreement.
142
étrangers mais peuvent influencer les agents publics étrangers. Il n‟est pas surprenant alors
que des contributions à un parti politique sont en fait des pots-de-vin dont la cible est les
agents publics549.

L‟affaire United States c. Liebo 550 démontre l‟approche des tribunaux américains en
matière de corruption indirecte. Le défendeur, le Vice-président d‟une société américaine
cherchant à faire approuver un contrat de maintenance par le gouvernement nigérien, a
donné des billets d‟avion au Premier Consul de l‟Ambassade du Niger à Washington D.C.
pour qu‟il les utilise lors de son voyage de noces. Une heureuse coïncidence a voulu que le
cousin et meilleur ami du Consul ait été le Directeur des services de maintenance de
l‟Armée de l‟air nigérienne, dont la recommandation devait être obtenue avant que tout
contrat de maintenance d‟avions puisse être approuvé par le Président du Niger. Liebo a
parlé de « geste » à propos des billets mais, malheureusement pour lui, il en a fait, pour des
raisons comptables, une « commission » qu‟il a portée au débit du compte Diners Club de
la société. Le tribunal a considéré que cet élément de preuve était suffisant pour qu‟un jury
raisonnable en conclue que Liebo avait donné les billets au Consul dans l‟intention
d‟influer sur le processus d‟approbation des contrats du gouvernement nigérien (il serait
intéressant de savoir ce qui serait advenu si Liebo ne s‟était pas soucié de bénéficier d‟un
avantage fiscal) »551.

549 I. ZERBES, op.cit., p. 129.


550 923 F.2d 1308, 1312 (8th Cir. 1991).
551 M. LEVI, op.cit., p. 45.
143
B - L’IACAC : « Tout acte ou omission par toute personne qui, elle-
même ou par personne interposée, ou à titre d'intermédiaire,
cherche à obtenir l'adoption, par l'autorité publique, d'une décision
en vertu de laquelle cette personne obtient illicitement, pour elle-
même ou pour toute autre personne, un avantage ou bénéfice
quelconque, qu'il y ait préjudice ou non pour le patrimoine de l'Etat»

Comme le FCPA, l‟IACAC vise la corruption indirecte des agents publics


étrangers. L‟IACAC contient ces dispositions au sein de l‟article 11 552. Selon le FCPA, le
champ d‟application de cette infraction comprend même une personne qui n‟a pas
directement autorisé le paiement, si on peut démontrer que la personne concernée avait
connaissance que l‟intermédiaire allait réaliser un paiement illicite 553. Un concept similaire
existe à l‟article 11 de l‟IACAC, au sujet de « tout acte ou omission par toute personne
qui, elle-même ou par personne interposée, ou à titre d'intermédiaire, cherche à obtenir
l'adoption, par l'autorité publique, d'une décision en vertu de laquelle cette personne
obtient illicitement, pour elle-même ou pour toute autre personne, un avantage ou bénéfice
quelconque, qu'il y ait préjudice ou non pour le patrimoine de l'Etat»554. Cependant, à
l‟inverse du FCPA, l‟IACAC semble viser l‟intermédiaire ainsi que l‟auteur principal.
L‟IACAC viserait l‟intermédiaire ainsi que l‟acteur central au sein d‟un cadre plus large
que celui prévu par le FCPA. De plus, l‟IACAC n‟explicite pas le niveau de connaissance
exigé de l‟auteur principal pour qu‟il puisse être tenu responsable du paiement d‟un
intermédiaire. Comme nous l‟avons vu, le critère du FCPA ne se limite pas à une
connaissance objective de l‟acte mais fait état d‟un critère de « wilful ignorance ». Si un
critère particulier - comme le critère de connaissance du FCPA - devait être établi sous la
convention, on présumerait que cela serait fait selon les droits nationaux des Etats parties à
la convention, au sein de leur législation de transposition. Cela soulevait encore une
problématique de l‟harmonisation. Bien que le critère de connaissance du FCPA a été une

552 Article 11 : Progressive development.


553 Pour l‘analyse approfondie de cette question, voir L. A. LOW. et al., « The Inter-American
convention Against Corruption : A Comparison with the United States Foreign Corrupt Practices
Act », op.cit., pp. 267 – 268.
554 Article 11 (1) (c).
144
source d‟interrogations importantes pour les entreprises américaines cherchant à se mettre
en conformité avec le FCPA, le fait d‟étendre la responsabilité pour la corruption indirecte
au critère de « wilful blindness » est peut se justifier. La nature opaque de la corruption
rend la tâche ardue pour les entreprises de connaître avec exactitude les agissements de
leurs agents ou partenaires. Plus le comportement de l‟agent ou partenaire est élaboré,
moins l‟entreprise américaine va détenir une « connaissance actuelle ».

C - L’OCDE : « directement ou par des intermédiaires»

La convention de l‟OCDE prévoit que ni les personnes physiques ni les personnes


morales ne puissent éviter une responsabilité en cas de corruption des agents publics
étrangers en déléguant l‟acte corrompu à l‟autrui. Ainsi, comme le FCPA et l‟IACAC, la
convention de l‟OCDE, elle, vise la corruption indirecte ainsi que la corruption directe. La
notion de corruption indirecte se trouve à l‟article 1 (1) de la convention de l‟OCDE où le
libellé concerne l‟acte réalisé « directement ou par des intermédiaires ». Les questions de
compétence juridictionnelle entravent souvent les poursuites en matière de corruption
indirecte555. D‟ailleurs, les extensions de compétence prévue à l‟article 4 de la convention
ne concernent pas la poursuite des intermédiaires 556. La convention de l‟OCDE ne donne
pas un critère de connaissance relatif au comportement de l‟agent de commercialisation
local.

Il existe un chevauchement important entre la notion de corruption indirecte et la


notion de complicité. La notion de complicité est évoquée à l‟article 1 (2) de la convention
de l‟OCDE : les deux notions attribuent la responsabilité pour des paiements ou la
négociation de transactions faites indirectement par autrui557. La convention reconnaît,

555 I. ZERBES, op.cit., p. 120.


556 Ibid., p. 120.
557 Ibid., p. 120 ; voir en ce sens, ibid. : la convention de l‘OCDE a prévu, comme élément de
l‘infraction, une provision spécifique pour la corruption indirecte par le biais des intermédiaires,
afin de ne pas être tributaire des définitions hétérogènes de la complicité des droits nationaux.
L‘objectif de l‘article 1 (2) relatif à l‘infraction de complicité, est alors de garantir que le fait d‘aider,
à un moindre niveau, la réalisation de l‘infraction principale, soit également incriminé. Il
appartiendra aux Etats parties à la convention de trancher le chevauchement entre la complicité et
145
dans l‟article 1(2) la responsabilité des «complices» et les actes d‟« instigation, assistance
ou autorisation. ». Cependant, si une telle responsabilité des tiers n‟est pas incriminée par
le droit interne du pays concerné, la convention n‟exige pas sa transposition en droit
558
interne : en effet, selon le commentaire officiel 11, « Les infractions définies au
paragraphe 2 s‟entendent au sens où elles sont normalement définies dans chaque droit
national. En conséquence, si, dans le droit national d‟une Partie, l‟autorisation,
l‟instigation ou l‟une des autres conduites énumérées dans cette disposition n‟est pas
punissable lorsqu‟elle n‟est pas suivie d‟effets, cette Partie n‟a pas l‟obligation
d‟incriminer cette conduite au titre de la corruption d‟un agent public étranger ».

D - Les textes européens et le texte onusien

On estime à la lecture de ces textes, qu‟une analyse plus approfondie ici n‟a peu
d‟intérêt pour la présente recherche. En effet, en matière de la corruption indirecte, ces
textes – de l‟Union européenne, du Conseil de l‟Europe et des Nations unies - utilisent un
libellé très proche à celui des textes déjà étudiés.

SECTION 2

LES COMPORTEMENTS INSUSCEPTIBLES D’ETRE QUALIFIES D’ACTE DE


CORRUPTION EN RAISON DES CIRCONSTANCES ET DU CONTEXTE

Le qualificatif « indu » est crucial car il permet de distinguer les paiements illicites
de certains paiements licites qui sont autorisés par le droit interne de certains États, ce sont
notamment les paiements de facilitation qui sont acceptés dans le droit américain (§ 1) 559.

la corruption indirecte. Les Etats parties peuvent d‘ailleurs éviter cette question en adoptant une
définition très large de la complicité.
558 Voir en ce sens : H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S. Government‘s
Campaign Against International Bribery », op.cit., pp. 498 – 499.
559 R. A. CANO, op.cit., p. 75.
146
L‟Union européenne ne semble pas distinguer certains paiements qui par leur nature ne
seraient pas visés par les textes. Pour ce genre de paiement, afin d‟optimiser
l‟harmonisation, l‟OEA pourrait adopter une position plus précise (§2). L‟OCDE a
récemment adopté un nouveau positionnement au sujet des paiements de facilitation (§3).
Si le texte de la convention pénale du Conseil de l‟Europe ne fait pas spécifiquement
référence aux paiements de facilitation, il laisse entrevoir néanmoins, quelques
infléchissements dans le bloc des infractions visées (§4). Ni les textes de l‟Union
européenne ni celui des Nations unies ne semblent prévoir des exceptions aux paiements
corrompus.

§ 1 - Les exceptions prévues par le droit fédéral américain

Il existe certaines formes de paiements qui, en raison des circonstances et des


contextes, ne sont pas visés par le FCPA. Ce texte prévoit notamment une exception assez
controversée, pour les paiements de facilitation (A) 560. Le FCPA prévoit également
certains moyens de défense (B)561 ainsi que la procédure d‟opinion (C) 562.

A - Paiements de facilitation

La première exception concerne l‟action administrative de routine. Il s‟agit de


certains paiements dits de « facilitation », dont l‟objectif est d‟accélérer ou de garantir la
réalisation d‟une action administrative de routine par un agent public étranger, un parti
politique ou un représentant d‟un tel parti. Ces paiements ne doivent pas servir à
encourager un agent public étranger à accorder ou renouveler des transactions avec la

560 § 78dd-1 (b) ; voir également : H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S.
Government‘s Campaign Against International Bribery », op.cit., pp. 412 - 413 ; H. BROWN,
« Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the Foreign Corrupt Practices
Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit., pp. 245 – 247 ;
B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « On the threshold of the Adoption
of Global Antibribery Legislation : A Critical Analysis of Current Domestic and International
Efforts Toward the Reduction of Business Corruption », op.cit., pp. 8 – 9.
561 § 78dd-1 (c).
562 § 78dd-1(e).
147
personne visée563. La notion «d‟action administrative de routine » est définie par le FCPA.
Elle vise uniquement les actions qui sont d‟usage et fréquemment exécutée par un officiel
étranger pour –« (i) obtenir des permis, licences ou autres documents officiels pour
habiliter une personne à engager des transactions dans un pays étranger ; (ii) traiter des
documents gouvernementaux tels que les visas et les autorisations de travail ; (iii) assurer
une protection policière, le ramassage et la livraison du courrier ou la programmation
d‟inspections liées à l‟exécution de contrats ou d‟inspections liées au transit de la
marchandise par le pays ; (iv) assurer les services téléphoniques, la fourniture
d‟électricité et d‟eau, le chargement et le déchargement du cargo ou la protection, contre
la détérioration, de produits ou articles périssables ; ou (v) les actions d‟un caractère
similaire » 564.

Il faut être en mesure de connaître la différence entre un paiement de facilitation et


un paiement corrompu qui serait incriminé par le FCPA. Mais on constate qu‟il existe un
chevauchement important entre les deux concepts : la frontière semble assez floue.
D. Flore observe que « les actions administratives de routine qui sont envisagées par le
texte, même si elles n‟ont pas un caractère déterminant sur la décision d‟attribution ou de
maintien de marché, peuvent cependant être déterminantes quant à la possibilité de mise
en œuvre effective du contrat - qu‟on pense par exemple à la fourniture de l‟électricité et
de l‟eau »565. La question est épineuse : est-ce que le paiement de facilitation s‟apparente à
manière détournée de faire un paiement corrompu ? Le paiement de facilitation reste
néanmoins une exception à l‟incrimination et le fait d‟invoquer cette exception aurait un
impact important au niveau des poursuites. En effet, dans le cas où la partie poursuivie
l‟invoque, la partie poursuivante doit prouver qu‟elle n‟est pas d‟application en l‟espèce 566.
Une limite n‟a pas été fixée quant au montant de ces paiements, mais ceux qui ont été
acceptés ont été en dessus de mille dollars567. Les tribunaux américains ne se sont pas
livrés à une interprétation de cette exception, mais il a été suggéré que l‟exception se

563 M. MARIS, E. SINGER, op.cit., pp. 587 – 589.


564 §78dd-1 (f) (3) (A), § 78 dd-2 (f) (3) (A), § 78 dd-3 (f) (3) (A).
565 D. FLORE, op.cit., p. 48.
566 Ibid., p. 48.
567 M. MARIS, E. SINGER, op.cit., p. 587.
148
baserait sur l‟intention de la personne qui paie et l‟objectif du paiement 568.

B - Moyens de défense « affirmatifs »569

Au titre des exceptions aux actes visés établies par le FCPA existe les « affirmative
defenses »570. A ce titre, le FCPA fait une première exception pour « le paiement, le
cadeau, l‟offre ou la promesse de toute chose de valeur ayant été fait ou donné ou donnée,
était conforme aux lois ou règlements du pays de l‟officiel étranger, du parti politique
étranger, de l‟officiel de parti étranger ou du candidat étranger»571.

Il est rare qu‟un gouvernement permette, de façon officielle, le genre de paiement


qui est visé par les textes pertinents à cette étude. Dans la plupart de situations, cette
défense ne serait pas pertinente 572. Elle pourrait être pertinente dans le cadre des
contributions à un parti politique ou à des candidats. Le deuxième moyen de défense
comprend : « le paiement, le cadeau, l‟offre ou la promesse de toute chose de valeur ayant
été fait ou donné, était une dépense raisonnable et de bonne foi telle que les frais de
voyage et de logement, encourus par ou au nom d‟un officiel étranger, un parti étranger,
un officiel de parti étranger ou un candidat étranger, et se trouvait en relation directe avec
-- (A) la promotion, la démonstration ou l‟explication de produits ou services ; ou (B)
l‟exécution ou l‟exercice d‟un contrat avec un gouvernement étranger ou une agence d‟un
tel gouvernement»573.

C‟est au défendant qu‟il incombe la charge de prouver la nature de ces paiements.

568 Ibid., pp. 587 – 588.


569 http://www.justice.gov/criminal/fraud/fcpa/docs/fcpa-french.pdf.
570 Voir B. CRUTCHFIELD GEORGE et al., « On the threshold of the Adoption of Global Antibribery
Legislation : A Critical Analysis of Current Domestic and International Efforts Toward the Reduction of Business
Corruption », op.cit., p. 5 ; H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S.
Government‘s Campaign Against International Bribery », op.cit, p1 ; H. LOWELL BROWN,
« Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the Foreign Corrupt Practices
Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit., p. 2.
571 15 U.S.C. §78dd-1(c)(1) « issuers »; 15 U.S.C. §78dd-2(c)(1) « domestic concerns »; 15 U.S.C.
§78dd-3(c)(1) « any person ».
572 S. H. DEMMING, op.cit., p. 18.
573 15 U.S.C. §78dd-1(c)(2) « issuers »; 15 U.S.C. §78dd-2(c)(2) « domestic concerns »; 15 U.S.C.§78dd-
3(c)(2) « any person » ; voir M. MARIS, E. SINGER, op.cit., pp. 588 – 589.
149
C - Opinions du ministre de la Justice

Quant aux opinions du ministre de la Justice, ce mécanisme de défense a été


institué en 1979 par le Département américain de la justice. L‟objectif de cette procédure
est d‟ « apporter des réponses à des questions spécifiques posées […] portant sur la
conformité de leur conduite à la politique actuelle d‟application du ministère de la Justice
en matière des dispositions précédentes de la présente section »574. Elle existe maintenant
sous la forme du Foreign Corrupt Practices Act Opinion Procedure575. Cette procédure «
permet à toute entreprise qui le souhaite de soumettre au département de la justice les
informations relatives à tout marché qu‟elle se propose de conclure, en vue de savoir si
celui-ci violerait le Foreign Corrupt Practices Act et s‟il serait susceptible d‟entraîner des
poursuites de la part de ce département »576. L‟opinion de l‟Attorney General doit être
indiquée dans les trente jours de la demande 577. Si l‟opinion rendue est favorable il y a aura
« une présomption réfrangible d‟absence de violation de la loi, pour autant que les
informations transmises à l‟appui de la requête soient conformes à la réalité » 578. Selon
Federal Securities Law Reports 579, la Securities and Exchange Commission a fait savoir
officiellement, qu‟à titre de mesure discrétionnaire dans le cadre de l‟exercice des
poursuites, elle n‟entamerait pas d‟action contre une entreprise qui aurait obtenu une
opinion favorable du département de la justice 580.

574 § 78 dd- 1 (e), § 78 dd- 2 (f).


575 Code of Federal Regulations, Title 28, Part 80, Federal Register, Vol. 57, n° 170, 1992, Rules and
Regulations, pp. 39598 et suivantes.
576 D. FLORE, op.cit., p. 49.
577 § 78 dd- 1 (e), § 78 dd- 2 (f).
578 D. FLORE, op.cit., p. 49.
579 Federal Securities Law Reports, Release N° 34-17099, 28.08.1980, 1992, p. 19769.
580 D. FLORE, op.cit., p. 49 ; voir ibid. : « cette présomption s‟impose uniquement au département de la justice et
non aux autres agences fédérales ».
150
§ 2 - L’asymétrie entre le droit fédéral états-unien et le droit régional
dans le cadre de l’OEA (l’IACAC) en matière des paiements de facilitation

Une différence importante existe entre le FCPA et l‟IACAC au niveau des


paiements de facilitations dont l‟objectif est d‟accélérer ou de garantir la réalisation d‟une
action administrative de routine par un agent public étranger, un parti politique ou un
représentant d‟un tel parti. Selon le FCPA, de tels paiements de facilitation sont
explicitement prévus et donc ne comprennent pas un paiement illicite à un agent public
étranger. L‟histoire législative de 1977 démontre que le FCPA n‟avait pas pour objectif
l‟incrimination de tels paiements, car le Congrès ne considérait pas l‟objectif de ces
paiements comme étant l‟obtention ou la conservation d‟un marché 581. Il s‟agit néanmoins
de paiements qui peuvent être incriminés par le droit national du pays victime. En ce sens,
le FCPA permet aux entreprises américaines de faire des paiements aux agents publics
étrangers qui peuvent violer les lois du pays « victime » et donc augmenter la corruption de
bas niveau. L‟IACAC ne prévoit pas explicitement une exception pour de tels paiements de
facilitation582. Au vu de l‟article 6 de l‟IACAC, de tels paiements de facilitation rentrent
dans le cadre des paiements faits à un agent public « en échange de la réalisation par ce
fonctionnaire de tout acte ou omission dans l'exercice de ses fonctions » et sont donc les
583
paiements visés par l‟IACAC . L‟Organisation des Etats américains note que les Etats
devraient considérer un moyen de distinguer le concept de corruption des autres actes 584

581 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 269.
582 Ibid., pp. 270 – 271.
583 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 270 : d‘après L.A. Low, l‘Organisation des
Etats Américains semble reconnaître que les Etats parties peuvent exclure les paiements de
facilitation du champ d‘action de leur législation de transposition de l‘article 8. L‘objectif serait de
viser seulement les activités de nature économique ou commerciale. Dans ce cas, le sens se
rapprocherait de l‘optique du FCPA visant des paiements qui ont pour but d‘« obtain or retain
business » ; Organizacion de los Estados Americanos, Comite Juridico Interamericano, Informe
Anual Del Comite Juridico Interamericano a la Asamblea General (Elementos para la preparacion
de legislacion modelo con respecto al enriquecimiento ilitico y el soborno transnacional
(CJI/RES.I-1/97)), section III(e) (April 17, 1997), 10, III(a)(ii).
584 Organizacion de los Estados Americanos, Comite Juridico Interamericano, Informe Anual Del
Comite Juridico Interamericano a la Asamblea General (Elementos para la preparacion de
151
sans fournir plus de précisions585. Les Etats parties pourraient avoir des raisons politiques à
motiver une exclusion de ces paiements de facilitation des actes de corruption incriminés
par leur législation nationale, sans porter préjudice aux objectifs plus larges de l‟IACAC.
Afin d‟assurer une interprétation uniforme de l‟IACAC, il serait préférable pour les Etats
parties d‟adresser cette question de façon multilatérale 586. Une mise en œuvre importante
de l‟IACAC, incriminant les paiements de facilitation, favoriserait un conflit entre le droit
américain et le droit d‟autres pays. La ratification de l‟IACAC par les Etats-Unis leur
donnerait l‟occasion de modifier le FCPA, afin de supprimer l‟exception pour les
paiements de facilitation 587. La distinction entre les paiements de facilitation et les
paiements qui ont pour objectif l‟obtention ou la conservation d‟un marché est en pratique,
difficile à réaliser.

§ 3 – La clarification de l’approche de l’OCDE en 2009 en matière de


paiements de facilitation

Comme le FCPA, la convention de l‟OCDE reconnaît que certains paiements ne


sont pas concernés par les articles incriminant la corruption. La convention de l‟OCDE
prévoit deux paiements qui ne constituent pas une infraction visée par l‟article 1. Selon le

legislacion modelo con respecto al enriquecimiento ilitico y el soborno transnacional (CJI/RES.I-


1/97)), section III(e) (April 17, 1997), 10, III.2.c.
585 L. A. LOW. et al., « The Inter-American convention Against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 270.
586 Ibid., p. 271 ; voir également, ibid. : si ce n‘est pas possible, et que les paiements de facilitations
sont visés par l‘IACAC, les Etats parties pourraient émettre une réserve sur cette question
lorsqu‘ils procèdent à la ratification de la convention. Les Etats pourraient aussi déclarer que ces
paiements seront licites. Dans ces cas, l‘approche de l‘Etat serait claire mais l‘existence
d‘interprétations hétérogènes augmenterait le risque d‘un manque d‘harmonisation et pourrait
affaiblir l‘efficacité de la convention.
587 Ibid., p 271 ; voir également, ibid. : par une modification du FCPA, afin de supprimer les paiements
de facilitation, les Etats-Unis pourraient éliminer une échappatoire à travers lequel les entreprises
états-uniennes peuvent faire parvenir leurs paiements en pseudo conformité avec le FCPA.
Cependant, faire des paiements de facilitation une priorité à ce moment serait méconsidérer les
besoins immédiats dans la lutte contre la corruption à haut niveau. En ce sens, L.A. Low juge que
la priorité sur la question des paiements de facilitation est donner le plus d‘uniformisation possible
aux dispositions nationales afin de donner une interprétation et mise en œuvre la plus efficace
possible.
152
commentaire officiel 8 588 de la convention de l‟OCDE, obtenir un « avantage » qui était
permis selon les lois écrites du pays, où à la fois le paiement a été fait et l‟avantage obtenu,
ne se trouve pas dans le champ d‟application de la convention de l‟OCDE 589. En ce sens, il
n‟y a pas d‟infraction selon le commentaire officiel 8 de la convention OCDE, « lorsque
l‟avantage est permis ou requis par la loi ou la réglementation écrites du pays de l‟agent
public étranger, y compris la jurisprudence »590. De la même manière, les paiements de
facilitations ne seraient pas visés par la convention. Le commentaire officiel 9 591 prévoit
que « les petits paiements dits de « facilitation » ne constituent pas des paiements « en vue
d‟obtenir ou de conserver un marché ou un autre avantage indu » au sens du paragraphe 1
et, en conséquence, ils ne constituent pas une infraction au sens de cette disposition. De
tels paiements, qui sont faits, dans certains pays, pour inciter les agents publics à exécuter
leurs fonctions, notamment lorsqu‟il s‟agit de délivrer une autorisation ou un permis, sont
généralement illicites dans le pays étranger concerné. Les autres pays peuvent et devraient
s‟attaquer à ce phénomène corrosif par des mesures telles que le soutien de programmes
de bonne gestion des affaires publiques. Toutefois, l‟incrimination par les autres pays ne
paraît pas une mesure complémentaire pratique ou efficace ».

Le commentaire officiel 4 592 précise que « le fait de corrompre pour obtenir ou


conserver un marché ou un autre avantage indu constitue une infraction, même si
l‟entreprise a par ailleurs fait l‟offre la mieux disante ou si elle aurait pu se voir attribuer
légitimement le marché pour une quelconque autre raison »593. De la même façon, le
commentaire officiel 7 594 précise qu‟« il y a également infraction indépendamment, entre

588 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
589 Voir H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the
Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit.,
pp. 271 - 273 ; voir également H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S.
Government‘s Campaign Against International Bribery », op.cit., pp. 500 – 501.
590 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
591 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
592 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
593 Voir H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the
Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit.,
p. 5 ; H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S. Government‘s Campaign
Against International Bribery », op.cit., p. 18.
594 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
153
autres, de la valeur de l‟avantage ou de son résultat, de l‟idée qu‟on peut se faire des
usages locaux, de la tolérance de ces paiements par les autorités locales ou de la nécessité
alléguée du paiement pour obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu»595.

Pour D. Flore, cette prise de position est « difficile à justifier à la lumière du libellé
du texte »596. En effet, on ne voit pas très bien la compatibilité des ces commentaires
officiels avec les dispositions de la convention. Comme dans le cas du FCPA, on peut
s‟interroger du bien fondé des ces exceptions et la frontière floue entre un paiement
corrompu et un paiement de facilitation.

On constate cependant une certaine volonté de l‟OCDE de porter des


éclaircissements à cette question. En effet, le conseil de l‟OCDE a adopté, le 26 novembre
2009, une recommandation597 du Conseil visant à renforcer la lutte contre la corruption
d‟agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Au point VI
de cette recommandation, l‟OCDE recommande, « compte tenu de l'effet corrosif des petits
paiements de facilitation, en particulier sur le développement économique durable et l'état
de droit, que les pays Membres : i) s'engagent à réexaminer régulièrement leurs politiques
et leur façon d'appréhender les petits paiements de facilitation afin de lutter efficacement
contre ce phénomène ; ii) encouragent les entreprises à interdire ou décourager le recours
aux petits paiements de facilitation dans le cadre de leurs programmes ou mesures de
contrôle interne, de déontologie et de conformité, en reconnaissant que de tels paiements
sont généralement illicites dans les pays où ils sont versés et qu'ils doivent dans tous les
cas être inscrits fidèlement dans les livres de comptes et états financiers de ces
entreprise ». Le Conseil demande instamment, au point VII, « à tous les pays de
sensibiliser leurs agents publics à leurs lois nationales sur la corruption et la sollicitation
en vue de mettre un terme à la sollicitation et l'acceptation de petits paiements de
facilitation ».

595 Voir en ce sens: H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998
Ammendments to the Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed
its grasp ? », op.cit., p. 36.
596 D. FLORE, op.cit., p. 54.
597 http://www.oecd.org/dataoecd/31/53/44229684.pdf.
154
§ 4 - La banalité des exceptions prévues par la convention pénale du
Conseil de l’Europe

Selon le rapport explicatif, le mot « indu » doit être interprété comme « quelque
chose que le bénéficiaire n‟est pas légalement habilité à recevoir »598. Comme la plupart
des textes internationaux étudiés ici, la convention pénale du Conseil de l‟Europe se réfère
à la légalité comme critère d‟appréciation des avantages indus. Sur ce point, cette
convention de 1999 n‟est pas une grande originalité. A ceci près, que l‟on ne sait pas bien
si cette référence à la légalité vise seulement les textes internationaux étudiés dans la
présente thèse et - ou bien- sont visés aussi les textes de droit national pertinent lorsqu‟on
recherche l‟existence d‟un acte de corruption. Il faut noter néanmoins que cela vise à
exclure en particulier les avantages qui sont admis par la loi ou par les règlements
administratifs, ainsi que les cadeaux de faible valeur ou les cadeaux socialement
acceptables599.

Les paiements de facilitation ne sont pas expressément visés dans la convention de


1999. On ne dispose d‟aucune indication textuelle permettant de savoir s‟ils sont couverts
par le texte de la convention et s‟ils peuvent être considérés comme des avantages admis
par la loi600. Le texte du rapport explicatif n‟est pas plus éclairant.

CONCLUSION

On constate l‟existence de plusieurs obstacles qui se dressent face à une


harmonisation efficace des dispositions conventionnelles pertinentes par les droits internes.
On relève notamment certaines non coïncidences dans l‟approche des textes à l‟infraction
de l‟agent public étranger, l‟existence d‟échappatoires juridiques à l‟égard de l‟application
des textes ou encore des précautions de langage qui semblent être autant de barrières à un
dispositif efficace et harmonisé de lutte contre la corruption. En ce qui concerne

598 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm , §38.


599 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm , §38.
600 R. A. CANO, op.cit., p. 75.
155
spécifiquement la convention de l‟OCDE au moins au commentateur juridique estime que
« l‟uniformisation du droit en la matière est rendue impossible à cause du principe de
l‟équivalence fonctionnelle »601.

L‟approche ambivalente à l‟égard des paiements de facilitation est un bon exemple


de ces situations de non coïncidences. On notera dans un premier temps que plusieurs
textes – et on pense notamment au FCPA et à la convention de l‟OCDE - prévoient la
possibilité d‟effecteur et toute licéité ce genre de paiement. Il est difficile de ne pas y voir
une approche pour le moins ambiguë. On doit néanmoins relever que certains praticiens du
FCPA estiment qu‟il est très difficile de faire du commerce à l‟étranger sans effecteur des
paiements de facilitation. On pense notamment à un témoignage de l‟un des ces praticiens
que souligne la difficulté que l‟on peut rencontrer pour sortir même de l‟aéroport dans
certains pays sans payer quelque chose 602. On note que la nouvelle loi britannique de lutte
contre la corruption – UK Bribery Act – entrée en vigueur le 1 juillet 2011 interdit ce genre
de paiement. La question de savoir la mise en œuvre de cette loi qui dispose d‟un champ
d‟application potentiellement important.

On peut ainsi conclure dans le même sens que la conclusion du chapitre 1. Les
situations de non-coïncidence entre les textes internationaux et le manque d‟harmonisation
des législations démontrent les difficultés rencontrées par la lutte contre la corruption dans
son paradigme juridique actuel.

601 P. NASTOU, op.cit., p. 38.


602 Entretien avec l‘avocat spécialisé dans le FCPA, Monsieur M. Cohen du 19 août 2011.
156
CHAPITRE 3

LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES : UNE


RESPONSABILITE LACUNAIRE

La première partie de la présente recherche aborde les problématiques liées à


l‟harmonisation des textes internationaux : celle-ci étant primordiale pour assurer
l‟efficacité de ces normes. La définition de l‟agent public étranger par des textes, a été
analysée dans le Chapitre 1. Dans le Chapitre 2, nous nous sommes livrés à une étude des
éléments matériels de l‟infraction de la corruption active dudit agent. Il convient
maintenant d‟aborder dans le Chapitre 3, la problématique de la répression pénale de
l‟infraction lorsqu‟elle est commise par une personne morale. Bien que la plupart de lois
internes érigent des sanctions civiles ou administratives à l‟encontre du comportement
fautif des entreprises, très peu de pays ont organisé ces lois en réponse aux exigences du
dispositif juridique international récent 603. La volonté de cette étude est ainsi de développer
la problématique de la responsabilité pénale des personnes morales.

Lorsqu‟il est question de l‟infraction de la corruption de l‟agent public étranger, il


s‟agit souvent d‟un acte réalisé par une entreprise - souvent multinationale - dans le cadre
du commerce international. Les structures de ces entreprises multinationales sont devenues
de plus en plus décentralisées. Lors du processus de prise de décision au sein de ces entités,
il est souvent très difficile, voire impossible, de trouver un seul responsable de ladite
décision. Une personne physique peut évidemment agir seule à des fins de corruption. Mais
le plus souvent, c‟est l‟entreprise elle-même qui se livre intentionnellement à des pratiques
de corruption visées par les conventions internationales. Dans la mesure où la corruption
peut être tolérée, voire encouragée par les responsables d‟une entreprise, il semble alors
peu approprié d‟incriminer seulement ceux qui prennent les décisions en bas de

603 M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op.cit., p. 182.


157
l‟échelle604.

La clé des difficultés de compréhension du dispositif international actuel à ce sujet,


se trouve dans l‟hétérogénéité des normes du droit interne. Nous allons d‟abord observer la
façon dont les textes internationaux (Section 1) abordent la question épineuse de la
responsabilité des personnes morales. Dans un second temps, nous allons procéder à une
analyse de trois droits internes (Section 2) : les Etats-Unis, la Royaume Uni et la France.
Cette étude nous permettra de comprendre l‟approche des textes internationaux en la
matière.

604 Ibid., p. 176.


158
SECTION 1

L’APPROCHE DES TEXTES INTERNATIONAUX : LA MARGE DE LIBERTE LAISSEE


AUX AUTORITES NATIONALES CONCERNANT LES PERSONNES MORALES

Les textes internationaux de lutte contre la corruption abordent la question de la


responsabilité des personnes morales de façon très ample. Cela est tout à fait logique, car
comme on verra par la suite, certains pays ne prévoient pas la responsabilité pénale des
personnes morales. Une disposition d‟un texte international imposant le même mécanisme
à chaque Etat partie à la convention en matière de responsabilité des personnes morales,
serait probablement vouée à l‟échec.

On analysera tout d‟abord les lignes directrices des articles pertinents des textes
internationaux dans ce domaine (§ 1). Par la suite, on procédera à une analyse plus
approfondie, qui tentera de synthétiser ce qu‟il y a de commun à ces textes internationaux.
En ce sens, il faudra préciser les définitions de la personne morale par les textes pertinents
(§ 2). Il conviendra d‟étudier la question d‟imputation (§ 3) puis celle de l‟obligation de
surveillance (§ 4). On verra que les poursuites et l‟incrimination éventuelle d‟une personne
morale n‟exclut pas les poursuites à l‟encontre d‟une personne physique (§ 5). En dernier
lieu, on mentionnera les sanctions prévues à l‟encontre des personnes morales (§ 6).

§ 1 – Présentation de dispositions conventionnelles pertinentes

A –L’Union européenne : la responsabilité des personnes morales


visée par le second protocole relatif à la protection des intérêts
financiers

La convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires


des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union
européenne du 26 mai 1997 vise à l‟article 6, la responsabilité pénale du chef d‟entreprise.

159
Cependant, cette convention du 26 mai 1997 ne mentionne pas expressément la
responsabilité des personnes morales. Ni le protocole à la convention relative à la
protection des intérêts financiers des Communautés européennes du 27 septembre 1996, ni
la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union
européenne du 26 mai 1997 ne contiennent de disposition relative à la responsabilité des
personnes morales. C‟est le second protocole605 à la convention relative à la protection des
intérêts financiers des Communautés européennes qui a trait à la responsabilité des
personnes morales606.

Le champ d‟application du second protocole est pourtant limité aux actes de


corruption qui touchent aux seuls intérêts financiers des Communautés européennes. Dans
l‟hypothèse où une société offre ou paie un pot-de-vin à un agent public pour obtenir une
contrepartie pour cette société sans toucher les intérêts financiers des Communautés
européennes, le second protocole ne s‟applique pas. Comme nous le verrons, le second
protocole n‟exige pas une responsabilité strictement pénale des personnes morales607. Le
second protocole ne s‟applique qu‟en matière de corruption active, et n‟aborde pas la
problématique de la corruption passive. Cette question a été cependant relevée dans la
rédaction des mesures de l‟Union européenne de lutte contre la corruption dans le secteur
privé608.

B – L’article 2 de la convention de l’OCDE

Selon l‟article 2 de la convention de l‟OCDE, «chaque Partie prend les mesures


nécessaires, conformément à ses principes juridiques, pour établir la responsabilité des
personnes morales en cas de corruption d‟un agent public étranger. » Comme on le verra
par la suite609, les commentaires officiels à la convention de l‟OCDE précisent que si, dans

605 J.O. C 221/22, 19.7.1997.


606 Voir 2ème protocole article 3(1) et (2).
607 Cf., infra, cette section, § 6.
608 P. SZAREK-MASON, op.cit., p. 103.
609 Cf., infra, cette section, § 6.
160
le système juridique d‟un Etat partie, la responsabilité pénale ne s‟applique pas aux
personnes morales, cette partie n‟est pas tenue d‟établir une telle responsabilité pénale.

C – L’article 18 de la convention pénale du Conseil de l’Europe

L‟article 18 de la convention pénale du Conseil de l‟Europe concerne la


responsabilité des personnes morales. L‟article 18 (1) pose le principe que chaque Partie
adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour s‟assurer que les
personnes morales puissent être tenues pour responsables des infractions de corruption
active. Il faut souligner que l'article 18 (1) ne précise pas le type de responsabilité qu'il
exige des personnes morales. En conséquence, cette disposition n'oblige pas à établir que
des personnes morales seront tenues pénalement responsables des infractions qui y sont
mentionnées610. Les commentaires officiels précisent que la tendance internationale semble
être à l'heure actuelle favorable à la reconnaissance générale de la responsabilité des
personnes morales, même dans des pays qui, il y a quelques années seulement 611,
considéraient que l'incrimination des entreprises était impossible. L‟article 18 de la
convention pénale du Conseil de l‟Europe est conforme à la tendance récente c'est-à-dire
aux instruments internationaux de lutte contre la corruption comme la convention de
l'OCDE sur la lutte contre la corruption des fonctionnaires étrangers dans les transactions
commerciales internationales (article 2)612.

D – L’article 26 de la convention des Nations unies contre la


corruption

La CNUCC aborde la question de la responsabilité des personnes morales d‟une


manière semblable à la convention de l‟OCDE. C‟est l‟article 26 de la CNUCC qui
concerne la responsabilité des personnes morales. Cet article, alors qu‟il exige des Etats
parties de rendre responsable les personnes morales des actes visés, n‟exige pas de ces
pays d‟ériger, comme c‟est le cas aux Etats-Unis et dans d‟autres pays, la responsabilité

610 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 86.


611 Cf., infra, ce chapitre, section 2.
612 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 85.
161
pénale des entreprises613. Notons que la CNUCC ne limite pas la responsabilité des
personnes morales à certaines infractions comme le fait l‟article 18 de la convention pénale
sur la corruption614. En ce sens, la responsabilité des personnes morales pourra être
encourue pour toute infraction incriminée par la convention des Nations Unies contre la
corruption, par exemple en cas de recel 615.

E – La convention de l’Organisation des Etats Américains

L‟IACAC ne retiendra pas notre attention ici, car elle ne contient pas de disposition
dans ce domaine.

§ 2 - Définition de la personne morale

Les textes internationaux ne livrent pas une définition uniforme de la personne


morale. La définition de ladite personne morale est renvoyée systématiquement au droit
national applicable.

En ce qui concerne l‟Union européenne, le second protocole relatif à la protection


des intérêts financiers dispose que la personne morale serait « toute entité ayant ce statut
en vertu du droit national applicable, exception faite des États ou des autres entités
publiques dans l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique et des organisations
internationales publiques »616.

La notion de personne morale n‟est pas précisée par la convention de l‟OCDE, il


est entendu que cette notion se définit par son renvoi aux droits nationaux des Etats parties
617
. Il faut s‟interroger sur le cas des personnes morales de droit public. En effet, il existe

613 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption: the globalisation of
anticorruption standards », op. cit., p. 12.
614 R. A. CANO, op. cit., p. 314.
615 Ibid., p. 314.
616 Article 1(d).
617 Voir M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p. 185 ; voir en ce sens,
ibid. : le Groupe de travail de l‘OCDE sur la corruption est intervenu seulement dans le cas où une
Partie n‘a pas atteint les critères de sa propre loi, comme c‘était le cas de la Grèce.
162
une approche hétérogène à cette question dans le droit interne de certains Etats parties à la
convention618. Pour l‟OCDE, lorsqu‟un Etat octroi à une autorité la compétence pour
s‟engager dans des contrats au nom de l‟Etat, alors cette entité ne doit pas échapper aux
dispositions pertinentes619.

La convention pénale sur la corruption du Conseil de l‟Europe prévoit que la


personne morale est « toute entité ayant ce statut en vertu du droit national applicable,
exception faite des Etats ou des autres entités publiques dans l‟exercice de leurs
prérogatives de puissance publique et des organisations internationales publiques »620. Il
existe alors un renvoi au droit national applicable afin de définir la personne morale. Les
personnes morales de droit public 621 sont ici exclues du champ d‟application de la
convention pénale sur la corruption. Seules les personnes morales de droit privé sont
concernées. Cette exception renvoie aux différents niveaux de gouvernement: Etat, entités
régionales ou locales exerçant des prérogatives de puissance publique. Cette exception se
justifie dans le sens où « les responsabilités des entités publiques sont soumises à une
réglementation spécifique habituellement incorporés dans le droit administratif ou, dans le
cas d'organisations internationales publiques, dans des accords ou des traités »622. Notons
que les commentaires officiels précisent bien que cette disposition ne limite en aucune
façon la responsabilité des personnes employées par les différents organes de l'Etat du chef
des infractions de corruption passive visées aux articles 3 à 6 et 9 à 12 de la présente
convention.

La CNUCC ne définit pas la notion de personne morale.

618 Par exemple, l‘Allemagne ou la France.


619 M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p. 186.
620 Article 1 (d).
621 Tels que les ministères ou les organes des pouvoirs locaux, ou encore les organisations
internationales publiques comme le Conseil de l'Europe.
622 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 31.
163
§ 3 – Mécanismes d’imputation d’un acte de corruption à une
personne morale

Pour imputer une infraction à une personne morale, il faut généralement que
l‟infraction visé ait été commise dans l‟intérêt de la personne morale et dans l‟intérêt de
l‟ensemble de ses membres. On comprend ainsi que l‟on ne rend pas généralement
responsable la personne morale « de faits commis par des personnes ayant un lien avec elle
quand celles-ci n‟auraient fait que profiter du cadre juridique ou matériel de la personne
morale pour commettre des infractions dans leur propre intérêt ou contre l‟intérêt de la
personne morale »623. Il convient d‟analyser l‟approche des textes internationaux
pertinents à cette question.

Selon l‟article 3 du second protocole de l‟Union européenne : « chaque État


membre prend les mesures nécessaires pour assurer que les personnes morales puissent
être tenues pour responsables d'un fait de fraude, de corruption active et de blanchiment
de capitaux commis pour leur compte par toute personne, agissant soit individuellement,
soit en tant que membre d'un organe de la personne morale, qui exerce un pouvoir de
direction en son sein » 624.

Deux critères complémentaires sont ici essentiels pour l‟existence d‟une infraction
ainsi visée : l‟infraction a été commise pour le compte de la personne morale et l‟infraction
a été commise par une personne physique qui exerce un certain pouvoir de direction au
sein de la personne morale. Le premier critère crée le lien entre la personne morale et
l‟infraction. Le deuxième critère établit le lien entre la personne physique auteur de
l‟infraction et la personne morale qui doit être tenue pour responsable de l‟infraction 625.

623 GENEVOIS [A], op. cit., p. 329.


624 Selon cet article, les bases sont les suivantes: - un pouvoir de représentation de la personne morale
ou - une autorité pour prendre des décisions au nom de la personne morale ou - une autorité pour
exercer un contrôle au sein de la personne morale, ainsi que de la participation à la commission de
ce fait de fraude, de corruption active ou de blanchiment de capitaux en qualité de complice ou
d'instigateur, ou de la tentative de commission de ce fait de fraude.
625 Selon le rapport explicatif, le «pouvoir de direction» de la personne physique peut être déterminé sur la
base d‘un ou plusieurs des éléments mentionnés au paragraphe 1, qui vont d‘un pouvoir de forme à
164
Selon l‟article 2 de la convention de l‟OCDE, « chaque Partie prend les mesures
nécessaires, conformément à ses principes juridiques, pour établir la responsabilité des
personnes morales en cas de corruption d‟un agent public étranger ». Les dispositions de
la convention OCDE relatives à la responsabilité des personnes morales doivent
s‟appliquer à toutes les formes de corruption visées sous l‟égide de l‟article 1 626. Pour
M. le Professeur Pieth627, même si l‟existence d‟une responsabilité des personnes morales
est primordiale dans la prévention de la corruption dans le commerce transnational, les
articles 2 et 3 n‟explicitent pas très clairement le champ d‟application des actes pertinents.
L‟article 2 prévoit tout simplement l‟obligation pour chaque Etat partie d‟« établir la
responsabilité des personnes morales en cas de corruption d‟un agent public étranger ».
M. le Professeur Pieth628 souligne que la phrase de l‟article 2 « conformément à ses
principes juridiques » n‟ajoute rien de nouveau sur le fond, cette phrase rappelle
simplement l‟esprit de la convention quant à la recherche de « l‟équivalence

un pouvoir de fond: un pouvoir de représentation de la personne morale, ou une autorité pour


prendre des décisions au nom de la personne morale, ou une autorité pour exercer un contrôle au
sein de la personne morale. En conséquence, pour mettre en œuvre le deuxième protocole, les
États membres devront introduire dans leur législation nationale l‘ensemble de ces trois éléments
en fonction desquels le pouvoir de direction peut être déterminé.
En ce qui concerne les cas où la responsabilité d‘une personne morale serait fondée sur l‘autorité
de l‘auteur physique de l‘infraction pour exercer un contrôle au sein de la personne morale, il
convient de noter que le terme «contrôle» doit être interprété en ce sens que, du fait de son
pouvoir de surveillance sur la gestion de la personne morale, l‘auteur physique de l‘infraction
exerce un pouvoir de direction au sein de la personne morale. L‘autorité pour exercer un contrôle
au sein de la personne morale peut notamment résulter d‘une responsabilité´ en matière de
contrôle financier et de révision internes ou de la qualité de membre d‘un organe de contrôle ou de
surveillance interne à la personne morale, dans la mesure où ces attributs constituent une position
clé permettant d‘influer sur la gestion de la personne morale. On ne saurait dès lors prendre en
compte un pouvoir de contrôle qui n‘impliquerait, pour les intéressés, aucune possibilité
d‘influencer la gestion de la personne morale. Le paragraphe 1 ne couvre pas les personnes
extérieures chargées de vérifier les comptes de la personne morale en question, par exemple des
personnes employées par des cabinets d‘audit. La personne morale peut également être tenue pour
responsable de l‘implication de la personne physique visée au paragraphe 1 en tant que complice
ou instigatrice des infractions, ou de son implication dans la tentative de fraude.
626 Voir M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p. 186, voir ibid. :
M. le Professeur M. Pieth souligne que le Royaume-Uni a choisi d‘introduire un concept
d‘application global de la responsabilité des personnes morales, la France et la Suisse ont énuméré
les délits spécifiques pour lesquels la responsabilité des personnes morales s‘applique pendant que
les Etats-Unis ont introduit un code spécifique pour lutter contre la corruption transnationale.
627 Ibid., p. 184.
628 Ibid., p. 184.
165
fonctionnelle ». C‟est une illustration du principe de l‟équivalence fonctionnelle, pierre
angulaire de la convention OCDE629. A la lumière de la comparaison des articles plus
éloquents de la convention pénale du Conseil de l‟Europe 630 et du second protocole de
l‟Union européenne631, on peut constater que les rédacteurs de la convention de l‟OCDE
entendaient respecter les différences propres de chaque droit national 632.

L‟article 18 de la convention pénale sur la corruption du Conseil de l‟Europe


demande aux États parties de prévoir la responsabilité des personnes morales dans leur
droit interne. La convention pénale ne précise pas la nature de cette responsabilité, l‟article
19 (2) dispose simplement « qu‟en cas de responsabilité établie en vertu de l‟article 18,
paragraphes 1 et 2, les personnes morales soient passibles de sanctions efficaces,
proportionnées et dissuasives de nature pénale ou non pénale, y compris des sanctions
pécuniaires ».

Il existe trois conditions pour satisfaire la responsabilité pénale des personnes


morales sous ce texte du Conseil de l‟Europe et les trois conditions doivent être satisfaites
en même temps afin de rendre responsable la personne morale. Premièrement, il doit y
avoir une infraction de corruption active, trafic d‟influence ou de blanchiment d‟argent
comme définis par les articles pertinents du texte633. Deuxièmement, l'infraction doit
ensuite avoir été commise dans l'intérêt de la personne morale et en son nom634. La
troisième condition, enfin, sert à limiter la portée de cette forme de responsabilité et exige
l'implication d'une personne exerçant un pouvoir de direction. Ce pouvoir présumé dans les
trois situations décrites – un pouvoir de représentation ou une autorité pour prendre des
décisions ou pour exercer un contrôle – montre que cette personne physique est légalement
ou en pratique capable d'engager la responsabilité de la personne morale 635.

629 R. A. CANO, op. cit., p. 313.


630 Article 18.
631 Article 3.
632 Voir M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p. 184.
633 Articles 2, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12 et 13.
634 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 86.
635 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 86.
166
L‟article 26 de la CNUCC suit le modèle de la convention de l‟OCDE. Le principe
de la responsabilité des personnes morales est posé à l‟article 26 (1) pour que les Etats
parties adoptent « les mesures nécessaires, conformément à [leurs] principes juridiques,
pour établir la responsabilité des personnes morales qui participent aux infractions
établies conformément à la présente convention ». Comme la convention de l‟OCDE, la
CNUCC n‟élucide pas la qualité de la personne compétente pour engager la responsabilité
de la personne morale.

§ 4 - Obligation de surveillance pesant sur la personne morale

Les textes pertinents des institutions européennes comprennent des dispositions qui
ont trait à la responsabilité de la personne morale en cas de manquement en matière de
surveillance ou de contrôle notamment pour les actes commis par des subordonnés pour le
compte de la personne morale.

A l‟article 3 (2) du second protocole de l‟Union européenne, il est demandé à


chaque Etat membre636 de prendre les mesures nécessaires pour assurer qu‟une personne
morale puisse être tenue pour responsable au cas d‟un défaut de surveillance ou de contrôle
de la part d‟une personne visée au premier paragraphe pour les infractions de corruption.
En ce sens, le paragraphe 2 peut être interprété comme couvrant seulement les cas où la
personne morale en tant que telle peut se voir reprocher le comportement coupable de
personnes agissant pour son compte.

Comme c‟est le cas du second protocole de l‟Union européenne, et comme nous le


verrons pour la nouvelle loi britannique de 2010, la convention pénale du Conseil de
l‟Europe vise la responsabilité des personnes morales en cas d‟absence de surveillance ou
de contrôle. L‟article 18(2) prévoit, pour les mêmes cas cités en 18(1), que chaque Partie
doit prendre : « les mesures nécessaires pour s‟assurer qu‟une personne morale puisse être
tenue pour responsable lorsque l‟absence de surveillance ou de contrôle de la part d‟une
personne physique visée au paragraphe 1 a rendu possible la commission des infractions

636 Abstraction faite des cas déjà prévus au paragraphe 1. Il est rappelé ici que l‘obligation de
surveillance est une infraction distincte de celles prévues ci-dessus.
167
mentionnées au paragraphe 1 pour le compte de ladite personne morale par une personne
physique soumise à son autorité ».

Selon les rapports explicatifs, de la convention pénale,637 le paragraphe 2 de


l‟article 18 fait expressément état de l'obligation des Parties d'étendre la responsabilité des
personnes morales aux affaires où le manque de contrôle au sein de la personne morale
rend possible la commission de délits de corruption. Il vise à tenir pour responsables les
personnes morales de l'absence de contrôle de la part des dirigeants sur les actes commis
par des subordonnés pour le compte de la personne morale. D‟ailleurs, les rapports
explicatifs rappellent l‟existence d‟une disposition semblable au sein du second protocole
additionnel à la convention de l'Union européenne sur la protection des intérêts financiers
des communautés européennes. Comme le paragraphe 1, la convention pénale du Conseil
de l‟Europe oblige à établir non pas une responsabilité qui soit nécessairement pénale dans
ces cas mais une forme de responsabilité pénale, administrative ou civile.

Les autres textes internationaux pertinents à cette étude ne visent pas la


responsabilité des personnes morales pour manque de surveillance.

§ 5 - Le rapport entre la responsabilité à l’encontre des personnes


physiques et la responsabilité distincte à l’encontre des personnes morales

Selon le second protocole de l‟Union européenne, la responsabilité d‟une personne


morale n‟exclut pas la responsabilité pénale d‟une personne physique qui participe à la
réalisation des comportements visés pour lesquels la personne morale est responsable 638.

Même si la convention de l‟OCDE reste muette à ce sujet, pour les besoins des
sanctions « efficaces, proportionnées et dissuasives », nous pouvons assumer que dans la
logique générale de cette convention, des sanctions peuvent être instituées tant pour les

637 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 87.


638 Voir l‘article 3 (3) du deuxième protocole.
168
personnes morales que pour les personnes physiques 639.

L‟article 18 (3) de la convention pénale du Conseil de l‟Europe « précise que la


responsabilité des personnes morales n'exclut pas la responsabilité individuelle»640.
Concrètement, la responsabilité « peut être établie en même temps à plusieurs niveaux, par
exemple la responsabilité d'un organe etc. à distinguer de la responsabilité de la personne
morale dans son ensemble et de la responsabilité individuelle qui peut se combiner avec
l'une ou l'autre »641.

Le paragraphe 3 de l‟article 26 de la CNUCC dispose que « cette responsabilité est


sans préjudice de la responsabilité pénale des personnes physiques qui ont commis les
infractions ». En ce sens, si une personne morale est condamnée, cette condamnation ne
fera pas obstacle à la responsabilité pénale d‟un dirigeant impliqué dans la commission de
l‟infraction.

§ 6 - Sanctions encourues

Dans le cadre du second protocole, les Etats membres de l‟Union européenne sont
contraints d‟ériger des sanctions « efficaces, proportionnées ou dissuasives » qui peuvent
comprendre des sanctions pénales ou non pénales 642. C‟est l‟article 4 du second protocole
qui pose le principe de la sanction des personnes morales : ces sanctions incluent des

639 M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p.190 ; voir en ce sens ibid. :
La question se pose de savoir si une personne physique doit être identifiée, incriminée, voire
sanctionnée avant que la responsabilité des personnes morales puisse être engagée. Pour le
Professeur Pieth, le débat engendré est superflu puisque la corruption est un acte qui implique un
fait intentionnel. Pour incriminer la corruption, il faut qu‘une personne physique au sein de
l‘entreprise ait la connaissance requise. Or, il existe des hypothèses où le processus de prise de
décision est tellement complexe que la connaissance requise est divisée dans de nombreuses
parcelles. De plus, lorsqu‘il y a plusieurs personnes physiques ‗preneurs de décision‘, il peut être
difficile de savoir qui a participé réellement à la prise de décision. Pour satisfaire le droit interne de
certains Etats, et comme le montre la jurisprudence récente, il suffit que l‘on démontre qu‘une
personne physique pertinente puisse avoir eu la connaissance, l‘intention ou avoir contrarié ses
obligations de supervision. D‘autres droits nationaux ont refusé cette analyse.
640 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm.
641 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm.
642 Explanatory Report on the Second Protocol to the convention of the protection of the European Communities‟
financial interests, J.O. C. 91, 31.3.1999.
169
amendes pénales ou non pénales et éventuellement d‟autres sanctions et notamment : a)
des mesures d‟exclusion du bénéfice d‟un avantage ou d‟une aide publique ; b) des
mesures d‟interdiction temporaire ou permanente d‟exercer une activité commerciale ;
c) un placement sous surveillance judiciaire ; d) une mesure judiciaire de dissolution. Les
personnes morales tenues responsables pour l‟absence de surveillance 643 ou de contrôle
sont passibles, elles aussi, de sanctions « efficaces, proportionnées ou dissuasives ».
L‟approche de l‟Union européenne peut être considérée comme un compromis entre les
différents systèmes juridiques des Etats membres 644. Certains droits nationaux ne
reconnaissent pas la responsabilité pénale des personnes morales, puisqu‟ils considèrent
que le droit pénal ne s‟applique pas aux personnes morales car on ne peut pas attribuer un
élément d‟intention (dol) à une personne morale 645. De la même façon, et comme nous le
verrons, la convention de l‟OCDE, la convention pénale du Conseil de l‟Europe, et la
CNUCC, ne contraignent pas les Etats parties à ériger en infraction pénale la responsabilité
des personnes morales646.

L‟article 3(1) de la convention de l‟OCDE, prévoit que « la corruption d‟un agent


public étranger doit être passible de sanctions pénales efficaces, proportionnées et
dissuasives ». L‟article 3 (2) dispose que « [s]i, dans le système juridique d‟une Partie, la
responsabilité pénale n‟est pas applicable aux personnes morales, cette Partie fait en sorte
que les personnes morales soient passibles de sanctions non pénales efficaces,
proportionnées et dissuasives, y compris pécuniaires, en cas de corruption d‟agents
publics étrangers »647. Pour M. le Professeur Pieth648 la formulation « efficaces,
proportionnées et dissuasives » va bien au-delà de simples sanctions, car cette formule
devrait également permettre d‟appuyer les critères du processus de monitoring.

643 Article 3 (2).


644 P. SZAREK-MASON, op. cit., p. 103.
645 S. ROSE-ACKERMAN, « Corruption and the Criminal Law », in 2 (1) Forum on Crime and Society,
2002, p. 12.
646 P. SZAREK-MASON, op. cit., p. 103 ; convention OCDE article 3(2), convention pénale du
Conseil de l‘Europe article 19(2) et CNUCC article 26.
647 OECD Doc ; DAFFE/IME/BR (97)20 ; voir également H. LOWELL BROWN,
« Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the Foreign Corrupt Practices
Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit., p. 35.
648 Voir M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p. 184.
170
Si la convention du Conseil de l‟Europe n‟impose pas l‟exigence d‟une
responsabilité pénale des personnes morales, selon les rapports explicatifs,649 les Parties
contractantes s'engagent à établir une forme de responsabilité des personnes morales
pratiquant la corruption, responsabilité qui pourrait être de caractère pénal, administratif ou
civil. Par voie de conséquence, les sanctions peuvent être pénales, administratives ou
civiles. Ces sanctions doivent être, selon l‟article 19 (2), « efficaces, proportionnées et
dissuasive ». En ce sens, la convention pénale du Conseil de l‟Europe prévoit, à l‟article
19 (2), que « chaque Partie s‟assure qu‟en cas de responsabilité établie en vertu de
l‟article 18, paragraphes 1 et 2, les personnes morales soient passibles de sanctions
efficaces, proportionnées et dissuasives de nature pénale ou non pénale, y compris des
sanctions pécuniaires ».

Le paragraphe 4 de l‟article 26 de la CNUCC demande aux Etats parties à veiller en


particulier, « à ce que les personnes morales tenues responsables conformément au présent
article fassent l‟objet de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives de nature
pénale ou non pénale, y compris de sanctions pécuniaires ». La convention de l‟ONU
utilise ainsi la même formule que la convention de l‟OCDE, le second protocole de
l‟Union européenne et la convention pénale du Conseil de l‟Europe, en ce qui concerne les
sanctions des entreprises, c‟est-à-dire, « efficaces, proportionnées et dissuasives ».

On remarquera pour conclure que la formule que les rédacteurs des textes
internationaux ont affectionné en matière des sanctions est clairement la suivante : les
sanctions « efficaces, proportionnées et dissuasives ». On voit bien qu‟une telle
formulation, tout en se voulant utile, laisse une marge d‟appréciation incontestable aux
autorités nationales en charge de la législation et la réglementation pénales.

On garde présent à l‟esprit le fait que les sanctions puissent, pour toute les
conventions, être de nature administrative, est un moyen d‟éviter « les problèmes existant
dans les pays qui ne peuvent envisager, même du point de vue théorique, la responsabilité

649 § 86.
171
pénale des personnes morales »650.

SECTION 2

LA TRANSPOSITION DES REGLES JURIDIQUES INTERNATIONALES :


LES MECANISMES JURIDIQUES DE DROIT INTERNE EN MATIERE DE LA

RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES

On rappelle que l‟application du droit pénal à une personne physique prend en


considération un élément matériel (le fait ou l‟acte extérieur) et un élément moral
(l‟intention ou dol criminel) 651. Si la condition indispensable à la responsabilité pénale est
la volonté personnelle, les droits européens ont longtemps considéré son application
inconcevable envers la personne morale, cette dernière étant une fiction juridique. Les
droits continentaux ont très longtemps hésité à imputer un tel élément intentionnel à une
personne morale et ainsi rendre cette entité responsable selon le droit pénal. En effet, selon
la maxime « societas delinquere non potest », le principe était pendant longtemps
l‟irresponsabilité des personnes morales.

L‟industrialisation croissante du dix-neuvième siècle a pourtant apporté certaines


évolutions à cette question. On citera certains pays parmi ceux touchés en premier par
l‟industrialisation : l‟Angleterre et le Pays de Galles, les Etats-Unis et le Canada. Ces pays
ont développé un système d‟attribution dit « anthropomorphique ». La France, « a
largement ouvert la voie de l‟anthropomorphisme »652 avec la reconnaissance en 1992 de
la responsabilité pleine et entière de la personne morale, dans tous ses éléments, matériels
et moraux.

Sans prétendre à une analyse approfondie, la juxtaposition de trois systèmes

650M. LEVI, op. cit., p. 39.


651 En droit anglo saxon, l‘élément matériel est dénommé l‘actus reus, l‘élément moral est dénommé la
mens rea.
652 V. WESTER-OUISSE, « Responsabilité pénale des personnes morales et dérives
anthropomorphiques », Revue pénitentiaire et de droit pénal, 2009, n ° 1, p. 64.
172
juridiques nous permettra de mettre en lumière les approches différentes à cette question.
On constatera l‟utilisation modérée653 des lois relatives à la responsabilité pénale des
personnes morales654 en Europe en comparaison avec les Etats-Unis. On va apercevoir une
approche très ample du droit fédéral états-unien (§ 1). Il conviendrait aussi de porter un
regard vers le droit britannique (§ 2) du fait de la nouvelle loi sur la corruption de 2010. On
fera logiquement état de l‟approche du droit pénal français (§ 3), traditionnellement
réticente à la responsabilité pénale des personnes morales.

§ 1 - L’exemple du droit fédéral américain

En matière de droit fédéral américain, le pilier central de la responsabilité des


personnes morales est le principe de respondeat superior (A): ce principe nous renseigne
sur les personnes compétentes pour engager la responsabilité pénale de la personne morale.
On verra la catégorie d‟actes visés par le droit américain (B). On constatera quelles sont les
personnes morales visées par le texte du FCPA (C). On évoquera en dernier lieu la
question du manque de surveillance (D) de la part d‟une personne morale.

A - La notion de respondeat superior

En droit états-unien, selon la notion de respondeat superior, le « principal »


(mandant) est responsable du fait de son agent. C‟est une notion de common law qui trouve
sa racine dans la responsabilité connue sous l‟appellation vicarious liability. Ce mécanisme
couvrait tout d‟abord un principe de la responsabilité civile. Au fil de l‟évolution
jurisprudentielle, elle a été greffée vers le domaine de la responsabilité pénale des
personnes morales. En effet, au début du vingtième siècle, la jurisprudence américaine a
élargi le champ d‟application de la responsabilité des personnes morales aux infractions

653 M. LEVI, op. cit., p. 53.


654 Voir M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p.178 : certains pays
ont connu une évolution vers un système d‘imputation plus objectif, en ce sens on constate
l‘émergence de la « corporate fault ». Le common law australien en est un exemple, tout comme la loi
Suisse entrée en vigueur le 1 octobre 2003 et les modèles japonais et coréens.
173
pénales impliquant un élément intentionnel 655. Cette approche a été entérinée par l‟affaire
majeure New York Central & Hudson River Railroad Company v. US656. En droit fédéral
américain, l‟entreprise peut être pénalement responsable 657 pour des actes des hauts
responsables ainsi que des employés de rangs inférieurs.

En matière d‟actes de corruption, la tradition de la maxime respondeat superior


ouvre un champ d‟application beaucoup plus large aux Etats-Unis qu‟en Angleterre ou en
France car « les sociétés y sont responsables des actes d‟agents occupant un poste de rang
nettement inférieur »658. Il offre énormément d‟amplitude au Département de la Justice
américain pour poursuivre les entités corruptrices. Il est d‟ailleurs tellement ample que ce
mécanisme suscite de nombreuses critiques. Dans le cadre du FCPA, les personnes morales
ne seraient pas en mesure de se défendre une fois que l‟employé ou l‟agent a été déclaré ou
a plaidé coupable. En ce sens, l‟acte de la personne physique peut être imputé à l‟entreprise
même lorsque ladite entreprise n‟a pas commis de faute bien caractérisée 659.

B - L’acte visé : within the scope of employment and intended, at


least to some degree, to benefit the corporation

Selon le droit fédéral américain, les personnes morales seraient responsables pour
les infractions commises par leurs responsables, cadres, employées, et agents, si ces
infractions ont été commises « dans le champ d‟action de l‟emploi et avaient pour objet, à
un certain degré, de bénéficier à l‟entreprise »660. La question du champ d‟action (scope)
de l‟emploi est interprétée de façon très large. Il en est de même pour la question de
« l‟acte qui bénéficie à l‟entreprise ». On peut prendre en exemple l‟affaire United States

655 G. STESSENS, « Corporate criminal liability: a comparative perspective », International &


Comparative Law Quarterly, 1994, 43(3), p. 496.
656 212 U.S. 481 (1909) ; voir en ce sens, l‘avis du la Cour Supreme : « many offences might go unpunished
… We see no valid objection in law and every reason in public policy why the corporation … shall be punishable by
fine because of the knowledge and intent of its agents. ».
657 G. STESSENS, « Corporate criminal liability: a comparative perspective », op. cit., p. 496.
658 M. LEVI, op. cit., p. 48.
659 Voir M. PIETH, « Article 2. The Responsibility of Legal Persons », op. cit., p. 179.
660 « within the scope of employment and were intended, at least to some degree, to benefit the corporation » ou si « the
agent commits a tort when acting with apparent authority ».
174
v. Cincotta661 où la Cour suprême a estimé que pour « avoir un comportement qui
corresponde à ce qu‟on attend de lui » l‟employé « doit être motivé au moins en partie –
par l‟intention de procurer un avantage à la société qui l‟emploie », que cet avantage ait
été réellement procuré ou non. Même si « les règles de la société interdisent expressément
tel ou tel comportement, celle-ci peut toujours être jugée responsable »662.

C - Les personnes morales visées par le texte du FCPA

Les personnes morales et leurs agents sont clairement visés par le FCPA. Le champ
d‟application du FCPA s‟étend aux personnes suivantes : les « émetteurs d‟actions»663
américains et leurs agents ; les « entreprises nationales »664 aux Etats-Unis, c‟est-à-dire les
entités organisées aux Etats-Unis ; tout fonctionnaire, directeur, employé ou représentant
d‟une telle entreprise nationale ou tout actionnaire de telle entreprise agissant au nom
d‟une telle entreprise nationale ; les « personnes physique ou entités »665, ou leurs agents,
agissant « aux fins de faciliter » un paiement illicite sur le territoire des Etats-Unis.

Le terme « émetteur d‟actions», peu clair pour des juristes non américains est défini
comme une entité ayant une catégorie de titres boursiers enregistrée en conformité avec la
section 78 (l) du Code des Etats-Unis, ou qui est dans l‟obligation de soumettre des
rapports conformément à la section 78 (o) (d) du même Code666. Il s‟agit de manière
générale d‟une société cotée.

Le FCPA dispose que les « entreprises nationales » sont les entreprises nationales
autre qu‟un émetteur d‟actions soumis à la section 78dd-1 667. Le terme « entreprise
nationale » peut s‟entendre de tout individu qui est citoyen, ressortissant ou résident des
Etats-Unis ; ou toute société commerciale, partenariat, association, société par actions,

661 689 F. 2d 238 (Ist Cir. 1982), cert. Refusé 459 U.S. 991 (1982).
662 M. LEVI, op. cit., p. 48 ; en ce sens, voir les affaires suivantes : United States v. Hilton Hotels Corp,
409 U.S. 1125 (1973) et United States v. Beusch, 596 F. 2d 871 (9th Cir. 1979).
663 « Issuer » dans le texte.
664 « Domestic concerns » dans le texte.
665 « Any person » dans le texte.
666 §78 dd(1).
667 Voir § 78 dd (2) (a).
175
entreprise [business trust], organisation sans personnalité juridique ou entreprise
individuelle dont le siège se trouve aux Etats-Unis ou organisée en conformité aux lois des
Etats-Unis ou de tout « territoire, possession ou commonwealth des Etats-Unis »668.

Pour le terme « personne »669, le FCPA précise qu‟il s‟étend à toute personne
physique autre qu‟un ressortissant des Etats-Unis670 ou toute société commerciale,
partenariat, association, société par actions, entreprise [business trust], organisation sans
personnalité juridique ou entreprise individuelle dont le siège se situe aux Etats-Unis ou
constituée en conformité aux lois d‟un pays étranger ou une sous-division politique de
celui-ci671.

On voit donc que le droit fédéral états-unien retient une conception très large de la
notion de personne morale lorsqu‟il s‟agit de lutte contre la corruption.

D - Le manque de surveillance

Bien que les dispositions du FCPA relatives aux normes comptables672 ne


retiennent pas notre attention dans la présente recherche, il convient néanmoins de faire
état d‟un point de comparaison important. Ces dispositions prévoient une obligation pour
les émetteurs d‟action de : préparer et tenir des livres comptables, des archives et des
comptes qui refléteront, de manière raisonnablement détaillée, avec exactitude et de
manière équitable les transactions de l‟émetteur ; et concevoir et continuer à utiliser un
système de contrôles sur la comptabilité interne suffisant pour apporter des garanties
raisonnables que –(i) les transactions sont exécutées en accord avec l‟autorisation générale
ou spécifique de la direction de l‟entreprise ; (ii) les transactions sont enregistrées comme
nécessaires673.

668 § 78 dd- 2 (h).


669 § 78 dd – 3 (a).
670 8 Code des Etats-Unis §1101.

671 § 78 – dd 3 (f).

672 § 78 m du FCPA.

673 (I) afin de permettre la préparation des états financiers selon les principes comptables généralement acceptés et selon

tout autre critère qui s‟applique à de telles déclarations ; et (II) pour préserver l‟obligation de rendre compte des
176
On est ici dans le cadre de la responsabilité civile dite strict en droit fédéral
américain : en cas de manquement de surveillance de la part de la personne morale, la
charge incombe à cette dernière de démonter qu‟elle a pris les mesures nécessaires afin de
satisfaire les exigences de ces dispositions. Ces dispositions concernent seulement les
« émetteurs d‟actions». Il est intéressant de mettre en parallèle les critères de cette
responsabilité avec ceux de la section 7 de la nouvelle loi britannique de 2010 qui a trait au
manque de surveillance.

§ 2 – L’exemple du Royaume Uni

L‟Angleterre674 reconnaît la responsabilité pénale des personnes morales depuis le


milieu du dix-neuvième siècle : depuis que des peines d‟amendes, applicables à ces
personnes, sont venues se substituer aux peines classiques de pendaisons, flagellations et
autres piloris, nécessairement réservées aux personnes physiques 675.

Les tribunaux anglais ont adopté un modèle de responsabilité pénale des personnes
morales anthropomorphique dit « identification » ou « alter ego » (A). La présente
recherche doit mettre en lumière la nouvelle loi britannique de lutte contre la corruption, le
Bribery Act 2010. En ce sens, il faut d‟une part constater la liste (B) des personnes morales
visées par cette loi, et d‟autre part faire une brève analyse d‟une nouvelle infraction pour la
loi britannique en la matière : la responsabilité pénale d‟une personne morale pour un
manque de surveillance (C).

actifs ; (iii) l‟accès aux actifs est permis uniquement avec l‟autorisation générale ou spécifique de la direction ; et (iv)
les comptes rendus des actifs sont comparés, à des intervalles raisonnables, aux actifs existants et les actions
appropriées sont prises en ce qui concerne toute différence.
674 Le droit écossais reconnaît la responsabilité pénale des personnes morales seulement depuis 1987
675 J. R. SPENCER, in Droit anglais, sous la direction de J. A. JOLOWICZ, Précis, Dalloz, 1992, n°
507 ; S. LOWE, F. MCKIE, « La responsabilité des personnes morales au Royaume Unis », LPA
1993, n° 120, p. 81.
177
A - La notion de l’identification/alter ego

Des 1944, les tribunaux anglais ont apporté les éléments nouveaux au mécanisme
d‟imputation676. Les tribunaux ont trouvé leur inspiration dans le principe de l‟alter ego, un
principe civil du droit de tort677. Les tribunaux anglais ont greffé ce principe au droit pénal.

1 - L’esprit dirigeant

Le principe de l‟alter ego considère que certains organes ou dirigeants sont


l‟incarnation de la société quand ils agissent dans les intérêts commerciaux de l‟entreprise.
Selon cette théorie, « les décisions prises par certains dirigeants influents de la société
sont assimilées à des actes de la personne morale elle-même »678. En ce sens, les tribunaux
anglais ont tenu pour responsables les entreprises pour les actes de leur « directing
mind »679 ou textuellement leur « esprit dirigeant ». En faisant une analogie au corps
humain, Lord Denning 680 a ainsi décrit une personne morale dans des termes
anthropomorphiques : elle a une „main‟ et un „cerveau‟. Cette théorie de la common law
dispose que l‟on puisse présumer qu‟une personne morale pourrait commettre les
infractions prévues par le droit écrit.

Le raisonnement de «l‟esprit dirigeant» a été formulé explicitement dans l‟affaire


Tesco v. Nattrass681. En effet, les tribunaux britanniques se sont prononcés sur la question
de l‟imputation des actes des employés à la personne morale en droit pénal 682. La Chambre
des Lords a fait référence au dictum de Lord Denning comparant une entreprise à un corps
humain. Selon Lord Reid « (une société) doit agir par l‟intermédiaire de personnes

676 Ce mécanisme trouverait sa source dans le droit allemand.


677 Ce terme recouvre les mécanismes équivalents à ceux de la responsabilité civile en droit français ;
voir également, G. STESSENS, « Corporate criminal liability: a comparative perspective », op. cit.,
p. 500.
678 S. GEEROMS, « La responsabilité pénale de la personne morale », étude comparative, RIDC
3 1996, p. 533, spéc. p. 540.
679 Lennard‘s Carrying Co. Asiatic Petroleum [1915] A.C. 713.
680 Bolton (Engineering) Co. V. T.J. Graham & Sons Ltd., I Q.B. 159, 172 (C.A. 1956).
681 Tesco Supermarkets, Ltd. V. Nattrass [1972] Appeal Cases 153.
682 S. P. TISSOT-ROBERT, « A fresh insight into the corporate criminal mind: Meridian Global
Funds Management Asia Ltd v The Securities Commission », Comp. Law. 1996, 17(4), p. 100.
178
vivantes et il ne s‟agira pas toujours d‟une seule et même personne. Dès lors, cette
personne ne parle pas ou n‟agit pas pour la société ; elle agit en tant que société et sa
volonté, qui dirige ses actions, est la volonté même de la société. Il n‟est pas question
d‟une responsabilité de la société du fait d‟autrui. La personne n‟agit pas en tant
qu‟employée, représentant, agent ou délégué. Elle est l‟incarnation de la société, ou,
pourrait-on dire, elle entend et parle à travers la persona de la société, dans son domaine
propre, et sa volonté est la volonté de la société. Si c‟est une volonté coupable, alors cette
culpabilité est la culpabilité de la société »683.

Une deuxième affaire doit retenir notre attention, en l‟occurrence l‟avis du Conseil
privé dans l‟affaire Meridian Global Funds Management Asia Ltd v Securities
Commission684. L‟avis du Conseil privé a considérablement élargi le champ d‟application
de la responsabilité pénale en Angleterre 685. Dans cette affaire, Lord Hoffman a critiqué
l‟analyse anthropomorphique de Lord Denning, c‟est-à-dire la dichotomie entre le cerveau
et les mains de l‟entreprise. Selon Lord Hoffman, il faut tenir compte de l‟objet des
dispositions instituant l‟infraction correspondante 686. Ainsi, pour Lord Hoffman, selon
l‟interprétation des dispositions pertinentes, on pourrait attribuer à la personne morale des
actes et l‟intention des employés autres que les dirigeants de la personne morale.

A la lecture de la section 14 de la nouvelle loi britannique de 2010 sur la


corruption, on constate que le libellé de la loi semble respecter l‟esprit de la jurisprudence.

Selon V. Wester-Ouisse687, les effets de cette responsabilité pénale sont, en


Angleterre, infiniment moindres qu‟en France. Toute infraction nécessitant une action en
lien avec le corps ne peut concerner les personnes morales : les homicides ou blessures par
imprudence sont donc exclus, ce qui est pourtant un domaine essentiel de la responsabilité
pénale des personnes morales françaises. Un autre problème important est que le droit

683 Tesco Supermarkets, Ltd. V. Nattrass [1972] Appeal Cases 153, p. 170 ; traduction de V. WESTER-
OUISSE , op. cit., p. 67.
684 All England Reports, 918.
685 Il s‘agissait de l‘interprétation d‘une disposition d‘une loi néo zélandaise de 1988 : New Zealand
Securities Amendment Act de 1988.
686 All England Reports, 918, voir aussi : R. A. CANO, op. cit., p. 342.
687 V. WESTER-OUISSE, op. cit., p. 68.
179
anglais ne permet pas de considérer l‟intention délictueuse de l‟entreprise en rassemblant
les états d‟esprit de différentes personnes au sein de la société688. La responsabilité pénale
d‟une personne morale dépend en effet essentiellement de la preuve de l‟acte coupable et
de l‟intention d‟un seul représentant de la société, bien que la condamnation de l‟individu
en question ne soit pas exigée689.

2 - L’intérêt pour la personne morale

Les autorités britanniques précisent que l‟acte du représentant de la société doit


avoir été commis en rapport avec l‟activité de la personne morale 690. D‟autres facteurs
peuvent être également pertinents, comme le fait que l‟action soit commise dans le champ
d‟application de la compétence placée sous l‟autorité du représentant 691. L‟interprétation
de cet élément est assez large. En effet, dans l‟affaire DPP v. Kent and Sussex Contractors
Ltd,692les tribunaux anglais ont considéré que nonobstant le fait que la personne morale a
été lésée, elle reste responsable pénalement si l‟auteur de l‟infraction a agi dans le champ
d‟action de son emploi. Cette décision a été pourtant très critiquée 693.

B - Les personnes morales visées : section 7 (5) du Bribery Act 2010

En matière de responsabilité pénale des personnes morales, la loi britannique de


2010 a trait aux infractions réalisées par des « organisations commerciales pertinentes» 694.
Cette loi est entrée en vigueur le 1 juillet 2011. Selon cette loi sur la corruption, - section 7
(5) – les entités ci-après sont considérées comme une « organisation commerciale
pertinente » : (a) une entité incorporated selon la loi de toute partie du Royaume-Uni et qui
a des activités commerciales (au Royaume-Uni ou ailleurs), (b) toute autre entité corporate
(peu importe le lieu où cette dernière a été incorporated) qui a des activités commerciales,

688 R. A. CANO, op. cit., p. 346.


689 Crown v P&O European Ferries Ltd (1990) 93 Cr App R ; voir en ce sens : R. A. CANO, op. cit.,
p. 346.
690 R. A. CANO, op. cit., p. 342.
691 Ibid., p. 342.
692 [1944] K.B. 146.
693 G. STESSENS, « Corporate criminal liability: a comparative perspective », op. cit., p. 505.
694 Traduction personnelle
180
ou en partie commerciales, dans toute partie du Royaume-Uni, (c) un partnership qui est
formé selon la loi de toute partie du Royaume-Uni et qui a des activités commerciales (au
Royaume-Uni ou ailleurs), ou (d) tout autre partnership (peu importe le lieu de création)
qui a des activités commerciales, ou en partie commerciales, dans toute partie du
Royaume-Uni.

C - Le manque de surveillance : la nouvelle infraction de la loi


britannique

La nouvelle loi britannique sur la corruption apporte un élargissement considérable


à l‟approche britannique traditionnelle et comme on le verra 695, cet article a des
conséquences importantes pour la question de la compétence extraterritoriale. On peut
même dire des maintenant que la section 7 696 de la loi britannique va potentiellement plus
loin que le FCPA dans sa portée extraterritoriale. Cet article crée une nouvelle infraction
qui a trait au manque de surveillance et à la prévention de la corruption par une personne
morale.

La section 7 s‟applique à toute « organisation commerciale pertinente ». Les


dispositions de cette loi ont pour conséquence qu‟elle s‟applique aussi à pratiquement toute
société multinationale697, car la majorité de ces sociétés pratiquent leurs activités
commerciales d‟une certaine façon sur le territoire britannique.

Pour qu‟une personne morale (corporation ou partnership) commette une des


infractions visée à la section 7, une personne qui est « associée» à la personne morale doit
violer la section 1 ou 6 (qui concerne la corruption d‟un agent public étranger) de la loi.
Cette catégorie de personnes comprend des personnes ou entités prestataires698 de services

695 Dans le chapitre 1 de la Partie II.


696 http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2010/23/section/7.
697 F. J. WARIN, C. FALCONER, M. S. DIAMANT, « The British are coming!: Britain changes its
law on foreign bribery and joins the international fight against corruption », Texas International Law
Journal, Fall 2010, p. 29.
698 Article 8 (1).
181
pour ou de la part de la personne morale. Cela inclut les employés, agents ou filiales 699.
Jusqu‟à la preuve du contraire, il y a une présomption que les employés de la personne
morale appartiennent à cette catégorie 700. Le texte de 2010 permet une interprétation très
large du lien entre cette personne ou entité et la personne morale est très large 701. Il reste
évidemment des interrogations quant aux conséquences juridiques de ces dispositions aux
filiales à l‟étranger. En effet, la section 7 pourrait concerner toutes les filiales d‟une
société multinationale702.

Ce qui est en question ici, c‟est le principe d‟une responsabilité dite « strict », c‟est-
à-dire, il appartient à la personne morale de prouver qu‟elle a entrepris les démarches
nécessaires703 pour prévenir la corruption. Selon la section 7 (2) : « c‟est une défense pour
C de prouver que C a mis en place des procédures adéquates conçues afin de prévenir la
réalisation d‟un tel comportement par une personne associé à C ».

La notion centrale est alors celle de « procédures adéquates ». Le rapport explicatif


à la nouvelle loi précise que la personne morale défenderesse doit démontrer, selon la
« prépondérance des probabilités» qu‟elle a respecté les « procédures adéquates ». La loi
britannique ne précise pas ce qu‟elle entend par la notion de « procédures adéquates ».
L‟article 9 (1) prévoit la publication des orientations relatives aux procédures
envisageables par les organisations commerciales pertinentes afin de prévenir un acte de
corruption d‟une personne associée à ladite organisation. La publication du « Guidance »
par le Ministry of Justice donne une certaine idée aux entreprises de ces « procédures
adéquates »704. Malgré ce cadre, ce document stipule que seulement les tribunaux sont en
mesure de décider si les procédures adéquates ont été respectées 705. Cette situation n‟est
pas des plus faciles pour les entreprises en quête de clarté. Il est probable néanmoins
qu‟une personne morale qui respecte les contrôles internes très stricts du FCPA,

699 Article 8 (3).


700 Article 8 (5).
701 Article 8 (2) et 8 (4).

702 F. J. WARIN, C. FALCONER, M. S. DIAMANT, op. cit., pp. 29 – 30.

703 Il est ainsi intéressant de comparer cette disposition au § 78 m du FCPA, cf. supra, cette section, § 1.

704 http://www.justice.gov.uk/guidance/docs/bribery-act-2010-guidance.pdf .

705 Ibid., p. 7.

182
respecterait aussi la notion de « procédures adéquates » de la loi britannique706.

§ 3 - L’exemple de la France

Le nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1 mars 1994, a introduit la


responsabilité pénale des personnes morales en droit français. On étudiera dans un premier
temps l‟article 121-2 du Code pénal. Aux termes de l‟article 121-2 une infraction ne peut
être imputée à une personne morale que si deux conditions sont réunies: l‟infraction doit
avoir été commise pour son compte par ses organes ou représentants (A). On étudiera
également les personnes morales visées par le Code pénal français (B).

A - L’article 121-2 du Code pénal : l’infraction commise par une


personne morale pour son compte par ses organes ou représentants

La responsabilité pénale des personnes morales a été « admise dans l‟ancien droit
(ord. De 1670, titre 21) pour les communautés, les bourgs et les villages »707. Cependant,
le Code pénal de 1810 est resté silencieux à son sujet. Au milieu du vingtième siècle, la
Cour de cassation a eu quelques occasions de se prononcer avec prudence sur la question
de la responsabilité pénale des personnes morales 708. La Cour de cassation a d‟abord pris le
parti de la personne morale - fiction, considérant que « toute peine est personnelle, sauf les
exceptions spécialement prévues par la loi ; elle ne peut donc être prononcée contre une
société commerciale, être moral, laquelle ne peut encourir qu‟une responsabilité
civile »709. Dans les années 1950, les juges ont choisi d‟affirmer le parti de la réalité : « la
personnalité civile n'est pas une création de la loi ; qu'elle appartient, en principe, à tout

706F. J. WARIN, C. FALCONER, M. S. DIAMANT, op. cit., p. 30.


707 B. BOULOC, Droit pénal général, 20ème édition, Paris, Dalloz, 2007, p273 ; en ce sens, ibid. : selon cet
auteur, dans le silence des textes, la doctrine du XIXème siècle a-t-elle soutenu que les personnes
morales ne pouvaient être ni poursuivies ni punies pour une infraction commise par leur gérant ou
dirigeant et que seule la responsabilité pénale personnelle de leurs représentants ou organes pouvait
être retenue.
708 V. WESTER-OUISSE, op. cit., p. 64.

709 Cass. crim., 8 mars 1883, S. 1885 I, 470.

183
groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts
licites, dignes, par suite, d'être juridiquement reconnus et protégés »710.
Selon V. Wester Ouisse, l‟énoncé de ce principe étant immédiatement contredit par la loi,
qui exige le respect de certaines procédures pour l‟acquisition de la personnalité morale,
aucune conséquence ne pouvait en être tirée pour le droit pénal711.

La France a abandonné la résistance à l‟idée de la responsabilité pénale des


personnes morales avec le nouveau Code Pénal. Cela constitue une réforme qui n‟était pas
sans difficulté : la chambre criminelle de la Cour de cassation, avait affirmé à plusieurs
reprises son refus de condamner pénalement une personne morale 712. La doctrine a
« largement encouragé cette évolution, considérant cette responsabilité comme une
réforme novatrice indispensable et les systèmes juridiques anglo-saxons étant désignés
comme l‟exemple à suivre »713.

Cette responsabilité pénale est donc prévue à l‟article 121-2 du nouveau Code
pénal : « les personnes morales, à l‟exclusion de l‟Etat, sont responsables pénalement,
selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur
compte, par leurs organes ou représentants. Toutefois, les collectivités territoriales et leurs
groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans
l‟exercice d‟activités susceptibles de faire l‟objet de conventions ou délégation de service
public. La responsabilité pénale des personnes morales n‟exclut pas celle des personnes
physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du
quatrième alinéa de l‟article 121-3 ».

Ainsi, une personne morale peut « se voir reprocher une infraction consommée ou
une infraction tentée, […] une personne morale peut être auteur ou complice soit par aide
ou assistance, soit par provocations. Bref, la personne morale est traitée à l‟égal des
personnes physiques »714. L‟emprunt de criminalité est l‟explication choisie pour

710 V. WESTER-OUISSE, op. cit., p. 64.


711 Ibid., p. 64.
712 Cass. crim. 8 mars 1883, préc. ; 10 janvier 1929, B. 14 ; 6 juillet 54, B. 250 ; 6 février 1975, B. 43.
713 V. WESTER-OUISSE, op. cit., p. 64.
714 B. BOULOC, op. cit., p. 279.
184
expliquer cette responsabilité des personnes morales 715. En ce sens les infractions
imputables à des personnes morales doivent avoir été commises par des personnes
physiques. On note aussi que le fait que la responsabilité des personnes morales découle de
faits délictueux commis par des individus ne peut servir d‟écran aux auteurs ou aux
complices du délit 716 : il existe la possibilité d‟un cumul des poursuites (article 121-2,
alinéa 3).

Comme en droit fédéral américain et en droit anglais, il a fallu trouver un moyen


d‟attribuer l‟élément moral à la personne morale, car cette dernière « ne peut agir que par
l‟intermédiaire d‟une personne physique, et elle ne peut omettre qu‟en raison de
l‟abstention d‟une personne physique »717. La solution suivante a été trouvée par le
législateur : l‟article 121-2 dispose que l‟infraction doit avoir été commise pour son
compte par ses organes ou représentants. La circulaire d‟interprétation du 11 octobre 2000
tendant à expliquer les dispositions de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 prévoit qu‟en
matière de délit non intentionnel, du moment que la faute d‟imprudence ou de négligence
ayant causé indirectement un dommage est imputable à une personne physique, celle-ci
pourrait engager « la responsabilité de la personne morale, sans que la personne physique
soit elle-même pénalement responsable » au sens de l‟article 123-3, al. 4 du Code pénal.

1 - Organes ou représentants

Les organes ne sont pas définis par l‟article 121-2. On entendrait par la notion
d‟organes, « les représentants légaux (président, gérant, etc.) ainsi que le Conseil
d‟administration, l‟assemblée générale »718.

Quant au représentant, il est question des « personnes physiques qui ont le pouvoir
(légal ou statutaire) d‟agir au nom de la personne morale »719. Par différence avec le droit

715 J.-C. SOYER, Droit pénal et procédure pénale, LGDJ 20e ed. 2008, n° 282 et s.
716 R. A. CANO, op. cit., p. 327.
717 B. BOULOC, op. cit., p. 281.
718 Ibid., p. 281.
719 Ibid., p. 281 ; voir ibid., le Professeur B. Belloc indique que cela peut être le directeur général
unique, le gérant, le président du Conseil d‘administration, le directeur général mais aussi
185
fédéral états-unien, cela semble exclure les hypothèses où l‟infraction a été commise par un
préposé subalterne, et cela exige que la personne physique ait été régulièrement investie du
pouvoir d‟agir au nom de la personne morale 720.

L‟organe délibérant ou le représentant engage la responsabilité de la personne


morale même s‟il dépasse ses attributions ou n‟a pas été régulièrement investi soit dans
cette fonction, soit pour un acte spécifique. Il n‟est pas nécessaire que l‟organe ou le
représentant ait été personnellement déclaré coupable des faits reprochés à la personne
morale721.

La personne physique auteur du délit de corruption, doit être en principe identifiée.


Elle peut l‟être par tout moyen, y compris sur la base de présomptions de fait 722. Sur ce
point, le droit allemand et le droit anglais diffèrent, car la personne physique, auteur du
délit de corruption n‟a pas besoin d‟être identifiée 723. L‟approche du droit français est à ce
niveau plus restrictive.

l‘administrateur provisoire ou l‘administrateur judiciaire. ; Cass. crim. 26 juin 2001 n° 4700 P, Sté
Carrefour France : RJDA 01/02 n° 42.
720 R. A. CANO, op. cit., p. 328 ; voir à ce sujet B. BOULOC, op. cit., p. 281 : Selon cet auteur, le
directeur d‘une usine ou d‘une unité de production ne devrait pas engager la personne morale, car
il demeure un salarié ou un préposé, sans être doté d‘un pouvoir de représentation de la personne
morale. Mais la Cour de cassation a considéré que les personnes physiques ayant reçu une
délégation de pouvoirs de la part des organes de la personne morale étaient les représentants de
celle-ci [Crim. 9 nov. 1999, Bull, n° 252, Rev. sc. Crim., 2000, p. 289, obs. MAYAUD et p. 600,
obs. BOULOC ; Crim 26 juin 2001, Bull. n° 161] et même que le directeur de chantier délégué par
plusieurs entreprises constituées en société en participation, étaient le représentant d‘une autre
société dont un employé avait été victime d‘un accident [Crim. 14 déc. 1999, Bull. n° 306, Rev. sc.
crim., 2000, p. 600, obs. BOULOC ; Crim ; 30 mai 2000, Bull, n ° 206 ; Rev. sc. crim., 2000, p. 816,
obs BOULOC et 856, obs. G GIUDICELLI-DELAGE.] Le délégataire de pouvoirs d‘une
personne physique appartenant à une autre entreprise pourrait donc engager la responsabilité
pénale d‘une société à laquelle il n‘appartient pas ! Toutefois, les juges sont tenus de préciser que
les négligences ou imprudences ont été commises par des organes ou représentants la personne
morale [ A été jugée insuffisante l‘indication que la SNCF avait commis par elle-même ou ses
agents des imprudences ou manquements ayant concours à la réalisation de l‘accident : Crim ;
18 janv. 2000, Bull. n° 28, JCP 2000.II.10395, note F.DEBOVE, D. 2000, p. 636, note SAINT-
PAU ; Crim. 29 avril 2003, Bull. n° 91. , Mais voir présumant qu‘un homicide involontaire est
imputable à une personne morale : Crim. 2 juin 2006, Bull. n° 188.
721 Ibid., p. 328.
722 Ibid., p. 328.
723 Ibid., p. 328.
186
2 - Infraction commise pour son compte

Le Code pénal français ne définit pas le sens de l‟expression « pour son compte ».
Il semble qu‟elle doit être interprétée de façon ample. Il est clair en effet que si l‟infraction
a été réalisée dans l‟intérêt de la personne morale, dans le but d‟obtenir un gain ou une
économie, la personne morale peut être pénalement responsable 724. Mais plus
généralement, l‟infraction engage la responsabilité pénale de la personne morale si elle a
été commise « dans l‟exercice d‟activités ayant pour objet d‟assurer l‟organisation, le
fonctionnement ou les objectifs » de celle-ci, même si elle n‟en a retiré aucun profit 725.

B - Les personnes morales visées

Toutes les personnes morales sont pénalement responsables à l‟exception de l‟Etat.


La responsabilité s‟applique alors aux personnes morales de droit privé, aux personnes
morales de droit public et même aux personnes morales étrangères. L‟article 121-2 du
Code pénal ne prend pas en compte la nationalité des personnes morales. Cela intéresse
tout particulièrement la présente recherche. En effet, « du fait de la territorialité du droit
pénal, nettement affirmée par le nouveau Code pénal, les personnes morales étrangères
qui commettent en France des infractions, pourront être déclarées pénalement

724 T. corr. Strasbourg 9 février 1996, Riegel : RJDA 6/96 n° 787.


725 Voir N. RONTCHEVSKY, « Responsabilité des personnes morales », p. 7 : Le tribunal
correctionnel de Versailles a ainsi jugé que l‘infraction de marchandage avait été commise pour le
compte de la personne morale parce qu‘elle avait été commise dans le cadre d‘une stratégie adoptée
par la personne morale (T.corr Versailles 18 décembre 1995 : JCP 1996, II n°22640 note
J. H. Robert). Il a également été jugé, dans un cas où le représentant légal d‘une société (syndic de
copropriété) avait commis une infraction en agissant au nom d‘une autre personne (syndicat de
copropriétaires), que le syndic ne pouvait échapper à sa responsabilité pénale en prétendant que
son représentant n‘avait pas agit pour son compte mais pour celui d‘une tierce personne
(Cass.crim. 24 mai 2005 n° 3041 F-PF, Sté Cabinet Loiselet père et fils : RJDA 10/05 n ° 1104) Les
juges de fond ne peuvent donc pas déclarer une personne morale coupable d‘une infraction sans
s‘assurer que celle-ci lui est personnellement imputable. C‘est ce qu‘a rappelé la chambre criminelle
de la Cour de cassation (Cass. Crim. 29 avril 2003 n° 2253 FS-PF, Association des commerçants du
centre commercial de la Thalie : D. 2004 som.p. 318 obs. G. Roujou de Boubée et comm. p 167.
Note J.C. Saint-Pau ; Bull. Joly 2003 p 955 n°200 ; RJDA 10/03 n° 937) en censurant un arrêt qui
condamnait comme auteur principal du délit de vente au déballage non autorisée l‘association de
commerçantes d‘un centre commercial, bailleresse des emplacements occupés par les vendeurs au
déballage sur le mail de la galerie marchande du centre. Les auteurs principaux de la vente illicite
étaient à l‘évidence les vendeurs et non l‘association qui leur louait les emplacements.
187
responsables des agissements accomplis »726. Poursuivre des personnes morales étrangères
et surtout exécuter des sanctions à leur encontre reste évidemment délicat. Il faut souligner
aussi qu‟une personne morale française qui s‟est livrée à un acte de corruption à l‟étranger
pourrait être poursuivie en France « si les règles de la compétence internationale rendent
les tribunaux français compétents»727. On étudiera la question de la compétence au sein du
chapitre 4 de la présente recherche.

Concernant la corruption de l‟agent public étranger, on constate que les conditions


générales de mise en jeu de la responsabilité pénale des personnes morales prévues l‟article
121-2 du code pénal s‟appliquent 728. La disposition pertinente est l‟article 435 -3 du Code
pénal729 qui concerne la corruption et le trafic d‟influence actifs. L‟article dispose ainsi :

« est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait, par
quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, à une
personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou
investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation
internationale publique, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages
quelconques, pour elle-même ou pour autrui, pour qu'elle accomplisse ou s'abstienne
d'accomplir, ou parce qu'elle a accompli ou s'est abstenue d'accomplir un acte de sa fonction,
de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ».

Le Code pénal prévoit les peines complémentaires et la responsabilité des


personnes morales à l‟article 435-15. Cet article dispose que :

« Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions


prévues à l'article 121-2, des infractions prévues aux articles 435-3, 435-4, 435-9 et
435 10 encourent les peines suivantes : 1° L'amende, suivant les modalités prévues par
l'article 131-38 ; 2° Pour une durée de cinq ans au plus, les peines prévues aux 2° à 7° de

726 B. BOULOC, op. cit., p. 280.


727 Ibid., p. 280.
728 Voir H. PORTELLI, Rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du Règlement et d‟administration général) sur le projet de loi, adopté par l‟Assemblée nationale,
relatif a la lutte contre la corruption, http://www.senat.fr/rap/l07-051/l07-051.html.
729 Modifié par Loi n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 154.
188
l'article 131-39 ; 3° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de
la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le
produit ; 4° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions
prévues par l'article 131-35 ».

En conclusion de ce développement sur la responsabilité des personnes morales, on


aperçoit bien que la mise en œuvre des traités internationaux laisse une marge
d‟appréciation assez large lorsqu‟il s‟agit de transposer une telle responsabilité dans la
législation nationale.

Le résultat est évidemment qu‟il existe dans ce domaine une non coïncidence des
législations nationales. On remarquera que le droit états-unien conduit à une incrimination
relativement aisée en matière de corruption selon l‟angle de la responsabilité de la
personne morale. Le droit français de son côté rend plus difficile la mise en œuvre de la
responsabilité d‟une personne morale pour corruption. Quant au droit du Royaume-Uni, il
faudrait attendre l‟application effective de la nouvelle loi sur une certaine durée pour
mesurer son potentiel anti-corruption.

CONCLUSION

Traditionnellement, les conventions et traités internationaux s‟appliquent aux Etats


et non aux entreprises. Les personnes morales « ne sont en principe destinataires des
règles de droit international que par la médiation d‟un ordre juridique étatique »730. Il n‟a
pas été possible d‟imposer aux entreprises des normes internationales juridiquement
contraignantes et l‟article 2 de la convention de l‟OCDE en est un bon exemple. En effet,
cet article entend réguler le comportement des entreprises dans le commerce international
mais cela est fait par le biais du droit interne, et la marge de manœuvre laissée aux Etats
parties est très (trop) importante puisque cette disposition prend en compte les principes

730 P. J. LOWE G., « La responsabilité en droit international pour corruption dans la gestion des
ressources en Afrique centrale », in La corruption et le droit international,, op. cit., p. 144.
189
juridiques de chaque partie. Une des conséquences en est alors les situations de non
coïncidence importantes. Dans ce dernier cas ou encore dans certains domaines
spécifiques, 731 il demeure la responsabilité de l'Etat de prendre les mesures appropriées.

Les dispositions très amples des textes internationaux de lutte contre la corruption
relative à la responsabilité des personnes morales est le reflet de l‟hétérogénéité des
approches à cette question. La question se pose nécessairement d‟un ordre juridique supra-
étatique compétent pour sanctionner pénalement les infractions de corruption des
personnes morales. 732

731 S. BRABANT, Les entreprises ne peuvent plus ignorer les droits de l'homme, Lemonde.fr du 23 mars 2011 :
comme par exemple les droits de l'enfant, les discriminations à l'égard des femmes, les droits des
personnes handicapées, le droit à l'alimentation et à la santé ou le droit à l'eau.
732 Cf., infra, chapitre 8

190
CONCLUSION DE LA PARTIE 1

La lutte contre la corruption de l‟agent public étranger doit faire face à une
problématique anodine de politique juridique : la difficulté de rédiger les textes uniformes
en droit international. Dans ce domaine, on ne sait pas si cette difficulté est le fruit des
subtilités de la technique juridique en matière de définition des infractions pénales (ici tout
spécialement les actes de corruption) ou d‟une situation dans laquelle les rédacteurs des
textes internationaux trouvent un intérêt à des divergences d‟infractions pénales. Il est clair
que les nombreuses situations de non coïncidence que nous avons pu relever pourraient
avoir pour conséquence des difficultés dans l‟application harmonieuse des textes
internationaux, et donc une relative inefficacité dans la lutte contre la corruption de l‟agent
public étranger.

191
SECONDE PARTIE

LA DIFFICILE APPLICATION DES TEXTES


INTERNATIONAUX

L‟efficacité de la lutte contre la corruption internationale est tributaire non


seulement de l‟harmonisation des normes nationales mais également de la coordination et
de la coopération juridique entre les Etats parties aux conventions internationales. Si
l‟optique de notre première partie a été de relever des situations de non coïncidence qui
pourraient avoir pour conséquence des difficultés dans l‟application harmonieuse des
textes internationaux, la deuxième partie se concentrera, elle, sur les dispositions
procédurales de ces textes. Il s‟agit effectivement d‟examiner la volonté réelle des Etats
parties de mettre en œuvre ces dispositions au-delà du seul niveau déclaratoire.

Le premier constat qui s‟impose est l‟absence de juridictions internationales en


matière de corruption, les poursuites se font alors devant les juridictions nationales. En ce
sens, il convient d‟analyser les titres de compétence étatique prévus par les textes
internationaux dans cette optique (Chapitre 4). Il serait alors logique de porter notre regard
sur les questions de coopération judiciaire interétatique en matière de corruption
internationale (Chapitre 5). On étudiera les conséquences juridiques de la qualification
d‟un comportement ou d‟un fait en tant que corruption et on pense notamment au transfert
des biens et des personnes (Chapitre 6). Avant de se livrer à certaines propositions
d‟amélioration des textes juridiques existants (Chapitre 8), on analysera la prévention et la
surveillance internationale continue en matière de corruption internationale (Chapitre 7).

193
CHAPITRE 4

L’EXTENSION DE LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS


NATIONALES

Dans l‟absence de juridiction internationale compétente en matière de corruption


d‟agent public étranger, cette lutte s‟organise par le biais de la transposition des
dispositions conventionnelles en droit interne. Nous avons constaté les difficultés de cette
approche au sein de la première partie relative aux critères d‟incrimination de l‟agent
public étranger. Il convient maintenant d‟analyser certaines questions procédurales, en
commençant par la problématique de la compétence des juridictions nationales pour
connaître les affaires de corruption d‟agent public étranger. On rappellera ainsi les
principes du droit international en la matière (Section 1) avant de se pencher sur l‟approche
des textes internationaux pertinents (Section 2) On doit nécessairement aborder la question
épineuse de la compétence des juridictions nationales à l‟égard des filiales à l‟étranger
(Section 3) et on analysera en dernier lieu l‟optique de la loi américaine le FCPA surtout au
vu de sa portée largement extraterritoriale (Section 4).

194
SECTION I
LES PRINCIPES DE DROIT INTERNATIONAL EN MATIERE DE COMPETENCE DES
JURIDICTIONS NATIONALES

Dans un souci de clarté, on commencera cette section par un constat préalable : en


droit international, les Etats sont obligés de prendre des mesures internes nécessaires à la
prévention et à la répression des infractions (§ 1). Ensuite, il conviendrait d‟analyser
l‟exercice de la compétence par les juridictions nationales. Parmi les organes étatiques, les
juridictions nationales ont une importance toute particulière, du moins pour le juriste.
L‟histoire institutionnelle de la construction des Etats comme le principe politico-juridique
de la souveraineté conduisent à une constatation simple et importante : les juridictions
nationales sont par principe compétentes pour juger des actes – et notamment des actes de
corruption – sur le territoire de l‟Etat (§2). Mais cela n‟empêche pas que les juridictions
nationales puissent se voir attribuer la compétence à l‟égard des personnes (§ 3). L‟une des
difficultés née de la structure même du droit international est que certains Etats sont parfois
tentés de projeter en dehors de leur territoire l‟application de leur droit national et donc
d‟attribuer un certain degré de compétence extraterritoriale à leurs juridictions
nationales (§ 4).

§ 1 – L’obligation de prendre des mesures internes d’exécution

L‟efficacité de tout système de droit dépend de l‟application effective des normes


établies par l‟ordre juridique qui l‟organise. On constate que la société internationale
étatique n‟est pas en mesure de garantir l‟efficacité de l‟application des normes comme le
font les systèmes juridiques internes. En effet, « la persistance de l‟éparpillement du
pouvoir fait peser sur les conditions d‟application du droit international des vicissitudes

195
qui nuisent particulièrement à son efficacité »733. Les règles internationales en matière de
poursuite démontrent que dans l‟absence de juridictions et procédures adéquates, c‟est dans
le droit interne qu‟il faut organiser la répression des infractions internationales. Ainsi, on
constate que l‟Etat est le principal agent d‟application du droit international 734.

En général c‟est par le biais des différentes conventions portant définition


d‟infractions internationales que les Etats s‟engagent à adapter leur droit interne aux
objectifs fixés, c‟est-à-dire la prévention et la répression de ces infractions. Le principe
pertinent du droit international est alors pacta sunt servanda : la soumission au droit
international. Il est aussi question, plus généralement, de l‟exécution de bonne foi des
engagements internationaux. En ce sens, la ratification d‟un traité par un Etat donne
naissance à l‟obligation d‟introduire dans l‟ordre juridique interne des traités qui
établissent des droits et des obligations pour les particuliers 735. Cela est une obligation
générale de nature coutumière.

Pour être applicable, « un traité doit contenir des dispositions suffisamment


précises et pouvoir s‟inscrire dans „des structures d‟accueil‟ juridiques ou financières de
droit interne »736. En ce sens, il peut être question de l‟abrogation de certaines normes
internes par l‟Etat en question si ces dernières sont en contradiction avec les obligations
internationales. De plus, l‟Etat peut être dans l‟obligation d‟adopter de nouvelles normes. Il
doit être souligné, que lorsqu‟il est question d‟inscrire des mesures dans le cadre du droit
pénal, « ces mesures se doivent d‟être normatives pour atteindre leur but »737. Ce n‟est pas

733 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, Droit international public, 10ème édition, Paris, Dalloz, p. 443.
734 Ibid., p. 446.
735 P. DAILLIER, et al., op. cit., p. 251 ; voir aussi l‘avis de la C.P.J.I. (Cour permanente de Justice
internationale) selon laquelle « un Etat qui a valablement contracté des obligations internationales est tenu
d‟apporter à sa législation les modifications nécessaires pour assurer l‟exécution des engagements pris » (Avis du 21
février 1925 sur l‟Echange des populations turques et grecques, série B, n° 10, p. 20).
736 P. DAILLIER et al., op. cit., p. 254.
737 I. FICHET-BOYLE, M. MOSSE, « L‘obligation de prendre des mesures internes nécessaires à la
prévention et à la répression des infractions », in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit
international pénal, Paris, Pedone, 2000, p. 872 ; voir ibid., : il faut rappeler que « les juristes de droit
interne, et particulièrement de droit pénal, insistent sur la nécessité d‟une législation interne, dans le mesure ou ils
adoptent une conception rigoureuse du principe de légalité, qu‟ils déclinent en trois propositions : nullum crimen sine
lege scripta : la source de l‟incrimination doit être une loi écrite, excluant ainsi la possibilité d‟incriminations posées
par le droit coutumier ; nullum crimen sine lege certa : les éléments de l‟infraction doivent être précisément définis par
196
forcément valable en matière de mesures préventives.

Les mesures internes d‟exécution de l‟incrimination conventionnelle peuvent être


directes, c‟est-à-dire instituée par une convention internationale. Elles peuvent aussi être
indirectes, c‟est-à-dire une incrimination par le droit interne sur la base d‟une obligation
internationale.

Lorsqu‟il est question d‟une incrimination conventionnelle directe, les éléments


constitutifs de l‟infraction sont définis par la convention pertinente. Plus précisément, il est
question d‟une norme érigée dans l‟ordre international et qui fait « directement naître dans
l‟ordre interne des droits au bénéfice des personnes privées, physiques et morales »738. Il
s‟agit ici d‟un traité qui possède un caractère self-executing (auto exécutoire). Dans le cas
de l‟incrimination indirecte, celle-ci est établie par le droit interne sur la base d‟une
obligation internationale. Il est question d‟un traité qui ne possède pas de caractère self-
executing, c‟est-à-dire des instruments qui « ne se suffisent pas à eux-mêmes et les Etats
parties doivent prendre les mesures internes nécessaires à leur exécution »739.

Le système d‟incrimination conventionnelle en général 740 et le dispositif

la norme, et les raisonnements par analogie sont proscrits ; nulla poena sine lege : la peine doit également être prévue
par un texte écrit ».
738 A. YOKARIS, « Les critères de compétence des juridictions nationales », in H. ASCENSIO et al.,
Droit international pénal, Paris, Pedone, 2000, p. 897 : L‘auteur souligne que dans la pratique, on peut
rencontrer également des cas d‘incrimination par un acte institutionnel d‘une organisation
internationale ; tel est le cas des tribunaux pénaux internationaux. L‘incrimination internationale
peut être aussi d‘origine coutumière, par exemple, la piraterie maritime.
739 P. DAILLIER, et al., op. cit., p. 255 ; voir ibid. : « le contrôle du respect de cette obligation s‟opère en règle
générale par le biais de la responsabilité internationale de l‟Etat, ce qui suppose qu‟en ne prenant pas les mesures
d‟application nécessaires l‟Etat a porté préjudice aux droits garantis par la convention à des ressortissants
étrangers ».
740 Voir cependant, B. STERN, « Quelques observations sur les règles internationales relatives à
l‘application extraterritoriale du droit », A.F.D.I., 1986, p.11 : il est nécessaire de rappeler en
matière de règles régissant les compétences internationales des Etats, qu‘il existe une « distinction
absolument essentielle : c‟est la distinction entre la compétence normative et la compétence d‟exécution – ou la
compétence opérationnelle – les deux n‟étant pas régies par les mêmes règles. La compétence normative est le pouvoir
qu‟a l‟Etat d‟édicter des règles générales ou individuelles, à travers ses organes législatifs, exécutifs ou juridictionnels.
La compétence d‟exécution est le pouvoir que possède un Etat de mettre en œuvre une règle générale ou une décision
individuelle par des actes matériels d‟exécution pouvant aller jusqu‟à la mise en œuvre de la contrainte étatique ».
On se concentrera au sein de ce chapitre sur la compétence normative et les critères de l‘exercice
de cette dernière.
197
conventionnel international anti-corruption en particulier appellent les Etats parties à
exercer des compétences législatives pour incriminer, établir leur compétence
juridictionnelle internationale et réprimer ou extrader. En matière de lutte contre la
corruption d‟agent public étranger, nous sommes manifestement dans le cadre de
l‟incrimination indirecte. Cela se traduit par des dispositions dans la plupart des
conventions internationales qui posent une obligation pour les Etats membres d‟adopter les
mesures internes nécessaires à la prévention et à la répression des infractions
internationales. L‟adoption de mesures internes pour transposer les obligations
internationales est une pratique banale.

§ 2 – La compétence territoriale

La compétence territoriale est le chef de compétence le plus important en droit


international. Il ne souffre d‟aucune contestation qu‟un Etat possède la compétence
juridique à l‟égard des biens et des personnes situés sur son territoire. Cette compétence
peut être définie en droit international de la façon suivante : « compétence de l‟Etat qui
s‟exerce dans les limites de son territoire (y compris les lieux assimilés à celui-ci par le
droit international), sous réserve des restrictions établies par le droit international » 741.

L‟affaire célèbre dite de l‟Île des Palmes742 nous éclaire sur la question de la
compétence territoriale. Selon l‟arbitre Max Huber, « la souveraineté dans les relations
entre les Etats signifie l‟indépendance. L‟indépendance relativement à une partie du globe
est le droit d‟y exercer à l‟exclusion de tout autre Etat les fonctions étatiques. Le
développement de l‟organisation nationale des Etats durant les derniers siècles et, comme
corollaires, le développement du droit international ont établi le principe de la compétence
exclusive de l‟Etat en ce qui concerne son propre territoire, de manière à en faire le point
de départ du règlement de la plupart des questions qui touchent aux rapports

741 J. SALMON, op. cit., p. 210 ; voir aussi P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op. cit., p. 89 : « l‟aptitude de
l‟Etat à exercer son autorité conformément au droit international, aussi bien sur les biens que sur les situations, les
personnes et les activités placées ou exercées à l‟intérieur de son territoire ».
742 Sentence rendue dans le cadre de la Cour permanente d‘arbitrage. Cette affaire concernait un
différend entre les Etats-Unis et les Pays-Bas sur l‘île de Palmes, dans le Pacifique.
198
internationaux »743. Il en ressort qu‟il y a deux caractères fondamentaux de la souveraineté
territoriale : la plénitude de son contenu et l‟exclusivité de son exercice 744.

La nature de la compétence exercée par l‟Etat est d‟être plénière, dans le sens où le
droit international « reconnaît à l‟Etat le droit d‟exercer, selon sa propre appréciation
discrétionnaire, toutes les fonctions de commandement destinés à favoriser les activités –
licites au regard du droit international – qui se déroulent sur son territoire »745. Cette
forme de compétence s‟exerce sur toutes les personnes qui résident sur le territoire de
l‟Etat, qu‟ils s‟agissent de ses ressortissants ou de résidents étrangers provenant de pays
tiers. En effet, « cela apparaît en ce qui concerne aussi bien les lois substantielles de l‟Etat
– celles par lesquelles il régit directement les conduites – que celles qui se rapportent à la
compétence de ses tribunaux pour apprécier les conduites effectives des sujets »746. Le
droit pénal en constitue un très bon exemple. Ainsi, le Code pénal codifie tous les
comportements interdits par la loi pénale et assortis de sanctions747. Il existe néanmoins
une contrepartie à cette généralité, illustrée par la sentence de l‟affaire dite du Lac Lanoux:
« la souveraineté territoriale joue à la manière d‟une présomption […] elle doit fléchir
devant toutes les obligations internationales, quelle qu‟en soit la source, mais elle ne
fléchit que devant elle »748. Les réglementations et législations édictées par l‟État sur son
territoire sont présumées être valides. Ainsi, tout acte que l‟État effectue dans les limites de
son territoire est en principe valide, sauf s‟il est manifestement contraire au droit
international 749.

La compétence territoriale est de nature exclusive. Il est alors question de la


souveraineté territoriale qui « implique le droit exclusif d‟exercer les activités étatiques.
L‟exclusivité caractérise donc l‟exercice de la souveraineté territoriale : chaque Etat
exerce, par l‟unique intermédiaire de ses propres organes, les pouvoirs de législation,

743 RSA, vol II, p. 281.


744 Voir en ce sens : P. DAILLIER et al., op. cit., p. 527.
745 Ibid., p. 527 ; voir également P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op. cit., p. 90 : « à l‟intérieur de son
territoire, l‟Etat souverain exerce l‟ensemble des pouvoirs qui s‟attachent à sa qualité d‟autorité publique ».
746 J. COMBACAU, S. SUR, Droit international public, 9ème édition, Paris, Montchrestien, 2010, p. 353.
747 R. A. CANO, op. cit., p. 511.
748 RSA, Tome XII, 281, p. 301.
749 R. A. CANO, op. cit, p. 511.
199
d‟administration, de juridiction et contrainte sur son territoire »750. M. le Professeur
P.M. Dupuy nous rappelle que le droit international s‟étant d‟abord affirmé comme celui
de la coexistence entre entités également souveraines, la première limitation qu‟il impose à
l‟Etat « est celle d‟exclure- sauf l‟existence d‟une règle permissive contraire- tout exercice
de sa puissance sur le territoire d‟un autre État »751. Ainsi, la jurisprudence internationale
souligne que « entre Etats indépendants, le respect de la souveraineté territoriale est une
des bases essentielles des rapports internationaux »752.

L‟exercice de la compétence territoriale trouve sa source dans la « théorie des


groupes ». En effet, « seuls les faits ayant eu lieu sur le territoire occupé par le « groupe »
retenaient l‟intérêt, ce qui démontrait une absence de solidarité »753. L‟exercice
« pure »754 de cette compétence concerne seulement les actes réalisés entièrement à
l‟intérieur du territoire. Il est alors question de l‟application du principe de territorialité
subjective. La conséquence d‟une telle application stricte provoquerait des lacunes dans le
champ d‟application juridictionnel, connu dans le droit anglo-saxon comme un « gap of
jurisdiction »755.

Une autre application de la compétence territoriale, dite « objective », peut


s‟exercer pour des faits qui ont eu lieu à l‟étranger. Il est question de l‟exercice de la
compétence des juridictions nationales à l‟égard des actes ayant reçu un commencement
d‟exécution sur son territoire 756. En ce sens on peut se référer à la jurisprudence de
l‟affaire du Lotus où la C.P.J.I. a déclaré qu‟ « il est constant que les tribunaux de
beaucoup de pays, même de pays qui donnent à leur législation pénale un caractère
strictement territorial, interprètent la loi pénale dans ce sens que les délits dont les auteurs
au moment de l‟acte délictueux se trouvent sur le territoire d‟un autre Etat, doivent
néanmoins être considérés comme ayant été commis sur le territoire national, si c‟est là

750 P. DAILLIER et al., op. cit., p. 532.


751 CPJI, arrêt du Lotus, série A, n° 10, p. 18-19.
752 CIJ, affaire du Détroit de Corfou, Réc. 1949, p. 35.
753 A. YOKARIS, op. cit., p. 897.
754 Ibid., p. 897.
755 Draft convention on jurisdiction with respect to crime, A.J.I.L 1935, Suppl/, pp 439s. art 3.
756 Harvard Law School Research, A.J.I.L. 1935, p. 484.
200
que s‟est produit un des éléments constitutifs du délit et surtout ses effets »757. On fait
référence ici à la « doctrine de l‟effet ». Il s‟agit d‟activités exercées à l‟extérieur du
territoire de l‟Etat mais qui produisent un effet à l‟intérieur de celui-ci. On note que la
doctrine de l‟effet élargit considérablement la portée de cette compétence et les
dispositions du FCPA en sont un exemple concret 758.

On ne fera pas référence ici à la compétence territoriale relative à la loi du pavillon.


L‟exercice de cette forme de corruption présente très peu d‟intérêt en matière de la lutte
contre la corruption.

§ 3 - La compétence personnelle

La compétence personnelle en droit international est « l‟aptitude de l‟Etat à


soumettre à son ordre juridique et, en particulier, à incriminer et juger des fait commis à
l‟extérieur de ses frontières en raison d‟un lien d‟allégeance de l‟auteur (compétence
personnelle active) ou de la victime (compétence personnelle passive) de l‟infraction à
l‟égard de l‟Etat qui exerce la compétence »759. L‟exercice de la compétence personnelle
intervient souvent dans l‟hypothèse où l‟Etat ne peut fonder sur un titre territorial
« l‟emprise qu‟il exerce sur des individus ou sur des activités »760. L‟Etat pourrait invoquer
un lien dit d‟allégeance, tel que la nationalité afin de créer la subordination.

M. le Professeur Pieth identifie deux sources différentes auxquelles on pourrait


attribuer l‟origine de ce principe 761. Premièrement, il serait question de la notion « iura
ossibus inhaerent »762 (la loi suit les os), notion qui est cependant tombée en disgrâce au

757 Série A, n° 13, p. 23.


758 Cf., infra, ce chapitre, section 2.
759 J. SALMON, op. cit., p. 211 ; voir également ibid., « par extension de sens, aptitude de l‟Etat à incriminer et
juger des faits commis à l‟extérieur de son territoire sur des biens ou au sein de collectivités relevant de sa
juridiction ».
760 P. DAILLIER, et al., op. cit., p. 532.
761 M. PIETH, « Article 4. Jurisdiction », in M. PIETH et al., The OECD convention on Bribery,
Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 280.
762 Voir également : P. DAILLIER et al., op. cit., p. 554 : « en vertu du droit coutumier, le lien de nationalité
autorise l‟Etat à « suivre » ses ressortissants dans des circonstances où le titre territorial serait inefficace, c‟est-à-dire
lorsqu‟il se trouve soit à l‟étranger, soit dans un espace qui n‟est soumis à la juridiction nationale d‟aucun Etat ».
201
début de la vingtième siècle. Deuxièmement, puisque de nombreux Etats s‟opposent à
l‟extradition de leurs ressortissants, il existe une obligation internationale pesante sur les
Etats de poursuivre leurs ressortissants auteurs d‟infraction qui cherchent à se réfugier dans
leur propre pays. On fait référence ici à l‟adage latin « aut dedere aut judicare ». On note
que l‟efficacité de l‟exercice de la compétence personnelle comporte un grand intérêt pour
l‟Etat en question. C‟est en ce sens que l‟Etat conclut des accords concernant par exemple
les conventions sur l‟entraide judicaire ou les traités d‟extradition 763.

Plusieurs nations tentent de faire valoir leur autorité à l‟encontre de leurs


ressortissants (et parfois leurs résidents), sans égard de l‟endroit où ils se trouvent. Cette
pratique est plus habituelle dans les droits continentaux. En matière de corruption, les
Etats-Unis n‟ont utilisé que rarement la nationalité seule comme base pour affirmer leur
compétence même s‟ils ont utilisé la nationalité en liaison avec d‟autres bases juridiques
pour démontrer leur compétence judiciaire764.

A - La compétence personnelle active

On rappelle que la compétence personnelle active concerne l‟aptitude de l‟Etat à


soumettre à son ordre juridique et, en particulier, à incriminer et juger des fait commis à
l‟extérieur de ses frontières en raison d‟un lien d‟allégeance de l‟auteur de l‟infraction à
l‟égard de l‟Etat qui exerce la compétence 765. L‟exercice de cette forme de juridiction
« servait à des fins de contrôle des personnes soumises au pouvoir féodal partout où ils se
trouvaient »766. Dans la mesure où l‟extradition des nationaux est prohibée par la
Constitution, cette compétence est utilisée aujourd‟hui car « les juridictions internes
doivent être tenues de sanctionner pénalement les agissements de leurs ressortissants à
l‟étranger qui sont incriminés par des normes internationales »767. On note que dans le
cadre des conventions internationales antiterroristes, l‟exercice de cette forme de

763 Pour les questions relatives à la coopération internationale, voir ci-dessous, chapitre 5.
764 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op. cit., pp. 274 – 278.
765 J. SALMON, op. cit., p. 211.
766 A. YOKARIS, op. cit., p. 900.
767 Ibid., p. 900.
202
compétence est obligatoire.

B - La compétence personnelle passive

La compétence personnelle passive a trait au lien d‟allégeance de la victime de


l‟infraction à l‟égard de l‟Etat qui exerce la compétence. Le principe de la personnalité
passive est l‟expression juridique contemporaine du principe de vengeance collective. On
peut citer l‟exemple de la Grèce antique où «les Eléens avaient déclaré la guerre aux
Lacédémoniens parce que ces derniers n‟avaient pas puni ceux qui avait fait tort aux
Eléens de passage par Sparte »768. C‟est également un principe que l‟on pouvait trouver
dans le droit romain.

Le principe de compétence personnelle passive est l‟objet de débats importants.


D‟ailleurs, d‟aucuns le considèrent comme un excès de compétence. On note cependant
que la doctrine soutient largement cette approche en matière des poursuites de crime de
guerre.

Plus concrètement, la compétence personnelle passive sert surtout dans les cas de
criminalité « qui ne sont pas toujours réprimées dans les Etats où se commet le préjudice
contre des victimes étrangères »769. On pense surtout aux conventions internationales
antiterroristes.

§ 4 – Normes extraterritoriales

Une norme est considérée comme extraterritoriale « si, au moment où elle opère,
elle prétend régir des conduites, statuer sur des situations, ou prendre en considération
des faits, extérieurs au territoire »770. Il s‟agit alors de l‟exercice « des compétences
législative, juridictionnelle et exécutive à l‟égard de personnes ou de choses situées sur le
territoire d‟un autre Etat (y compris les lieux assimilés à celui-ci par le droit

768 A. YOKARIS, op. cit., p. 900.


769 Ibid., p. 902.
770 J. COMBACAU, S. SUR, op. cit., p. 354.
203
international) »771. On ne rencontre pas de difficultés dans l‟hypothèse de l‟exercice de
cette compétence extraterritoriale dans un espace qui n‟est pas soumis à la juridiction
exclusive ou privilégiée d‟un autre Etat 772. Dans le cadre de l‟exercice de la compétence
extraterritoriale à l‟étranger, il est question d‟une hypothèse juridique nettement plus
compliquée.

La présente étude qui concerne l‟application extraterritoriale 773 du droit a


évidemment trait aux personnes physiques. En effet, en droit international, le lien de
nationalité permet « à un Etat d‟exercer notamment sa compétence sur certains individus y
compris lorsqu‟ils se trouvent sur un territoire étranger ou à l‟intérieur d‟espaces
internationalisés »774. On souligne que l‟exercice de cette compétence comprend
également les personnes morales ou encore des engins et véhicules qui se déplacent hors
du territoire national et rattachés à l‟Etat par leur immatriculation.

La notion de la compétence extraterritoriale est non sans équivoque. Ces


problématiques n‟ont cessé de croître depuis la fin de la Seconde guerre mondiale 775. Il est
logique que ces questions continueront à être très importantes dans le contexte de la
mondialisation et l‟interconnexion des rapports économiques : les gouvernements
souhaitent exporter leurs lois afin de maîtriser leur propre politique économique. La
présente recherche se focalise sur la corruption d‟agent public étranger réalisée par une
personne morale776. Les questions de compétence extraterritoriale sont ici très pertinentes,

771 J. SALMON, op. cit., p. 211.


772 P. DAILLIER et al., op. cit., p. 561.
773 B. STERN, op. cit., p. 9 : Il convient de préciser que la présente recherche ne fera pas état d‘une
forme de compétence extraterritoriale qui s‘intitule application extraterritoriale médiatisée. Cette
forme d‘application extraterritoriale du droit est celle où la mise en œuvre d‘une norme est le fait
des autorités d‘un Etat autre que l‘Etat auteur de la norme, plus précisément des tribunaux de cet
Etat. De plus, on n‘approfondira pas ici la question de l‘effet extraterritorial du droit. Il est
question ici de questions qui sont réglées par les normes de droit interne où elles posent le
problème général de la compétence de reconnaissance des normes ou décisions étrangères que
possèdent les Etats.
774 J. F. REZEK, « Le droit international et la nationalité », RCADI, 1986, III, t. 198, pp. 335-400 ;
P.M. DUPUY, Y. KERBRAT, op. cit., p. 98.
775 W. ESTEY, « The five bases of extraterritorial jurisdiction and the failure of the presumption
against extraterritoriality », 21 Hastings Int'l & Comp. L. Revoir p. 177.
776 Cf., supra, première partie, chapitre 3.
204
surtout en raison des actes de corruption réalisés par les filiales à l‟étranger pour le compte
de la société mère. Ces sociétés multinationales jouissent généralement «d‟une diversité
d‟implantation, notamment en raison de la création de filiales dans plusieurs pays, reliées
à la société mère, sont amenées du fait de la disparité des législations internes à l‟autre
pour choisir la loi la plus favorable à leurs activité »777. Il est évident que ce choix de
rattachement - qui revêt un caractère assez artificiel - peut avoir des conséquences
économiques très favorables pour l‟entreprise.

SECTION 2

LES TITRES JURIDIQUES DE COMPETENCE DES JURIDICTIONS NATIONALES DANS


LES CONVENTIONS INTERNATIONALES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

On peut répartir les formes de compétence juridique visées par les textes
internationaux de lutte contre la corruption en trois catégories différentes. La compétence
territoriale, commune à tous les droits, est souvent retenue par les textes internationaux de
lutte contre la corruption comme la seule compétence juridictionnelle obligatoire la
compétence territoriale (§ 1). Les dispositions des conventions ont également trait à
l‟exercice de la compétence personnelle (§ 2) mais leur mise en œuvre n‟est pas d‟une
manière générale obligatoire. On remarquera également l‟existence d‟une forme de
compétence sui generis. On étudiera ainsi la prise en compte, par certaines conventions, de
la compétence juridique à l‟égard des agents publics internationaux (§ 3) 778.

777 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op. cit., p. 102.


778 On précise que cette étude, qui aborde avant tout les questions de droit international public,
n‘approfondira pas ici les éléments du droit communautaire qui pourraient concerner la mise en
œuvre des instruments communautaires.
205
§ 1 – La compétence des juridictions nationales pour connaître des
actes de corruption commis sur le territoire national par des agents
nationaux et/ou des agents étrangers

Tous les textes internationaux de lutte contre la corruption d‟agent public étranger
imposent l‟exercice de la compétence des juridictions nationales pour connaître les
infractions qui ont lieu sur le territoire de l‟Etat partie.

L‟IACAC, à l‟article 5 779, appelle les Etats parties à exercer la compétence


territoriale. Bien que cette disposition de l‟IACAC relative à la compétence territoriale ne
mentionne pas expressément la doctrine de l‟effet, le champ d‟application de l‟IACAC
s‟étend aux actes de corruption commis ou ayant ses effets au sein du territoire d‟un Etat
partie780. L‟IACAC ne définit pas le terme « effets » et donc les Etats seront libre, en
accord avec le droit international, de définir le terme dans la législation nationale de
transposition781.

L‟article 7782 de la convention de l‟Union européenne prévoit les dispositions qui


s‟appliquent aux Etats membres relatifs à l‟établissement de leur compétence à l‟égard des
infractions découlant des articles 2,3 et 4 du texte. Il s‟agit des infractions de corruption
active et passive ainsi que les infractions instituées en vertu du principe d'assimilation
prévues à l'article 4. Comme dans le premier protocole relatif à la protection des intérêts
financiers des Communautés, quatre critères de compétence sont retenus. La compétence
territoriale783 est prise en compte dans le cas où l‟infraction est réalisée, en tout ou en
partie, sur le territoire de l‟Etat membre. La qualité et la nationalité du corrupteur ne sont

779 L‘article 5 (1) : « Chaque Partie adopte les mesures nécessaires pour exercer sa compétence à l'égard des infractions
auxquelles elle aura conféré ce caractère, conformément à la présente convention, lorsque ces infractions sont commises
sur son territoire ».
780 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., pp. 275 – 276.
781 Pour la doctrine de l‘effet voir ci-dessus ce chapitre, section 1.
782 « Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence à l'égard des infractions qu'il a
instituées conformément aux obligations découlant des articles 2, 3 et 4 » ; on note que le premier protocole
contient des dispositions analogues à ce sujet, on ferait référence ici au texte de la convention
seulement.
783 Article 7 (1) (a) de la convention, article 6 (1) (a) du premier protocole.
206
pas prises en considération. La mise en œuvre du principe de territorialité est obligatoire
pour tous les Etats membres. On constate néanmoins que seul le principe de territorialité
est obligatoire pour tous les Etats membres, l‟article 7 (2) prévoyant une possibilité de
dérogation pour les trois autres. On peut légitimement estimer que cette possibilité de
réserve est un frein potentiellement important dans l‟application extraterritoriale de ces
textes.

L‟article 4 (1) de la convention de l‟OCDE exige des États parties qu‟ils prennent :
« les mesures nécessaires pour établir [leur] compétence à l‟égard de la corruption d‟un
agent public étranger lorsque l‟infraction est commise de tout ou partie sur [leur]
territoire ». Cette disposition ne fait rien d‟autre que de rappeler le principe de
l‟application territoriale du droit pénal, qui est commun à tous les droits nationaux784.

On note que plusieurs pays de l‟OCDE possèdent des territoires ou départements


d‟outre mer. Il serait nécessaire de clarifier le statut juridique de ces territoires afin de
savoir si le principe de territorialité s‟y applique. Cela est surtout pertinent dans le cadre
des centres offshores ou des paradis fiscaux 785.

Les commentaires officiels786 à la convention de l‟OCDE prévoient que la


compétence territoriale devrait être interprétée de façon extensive. Une telle approche
considère que l‟usage des emails, fax ou téléphone constitue le lien territorial qui ferait
rentrer l‟acte corrompu dans le champ d‟application de la convention. Le Professeur Pieth
souligne que les dispositions en droit interne d‟un grand nombre d‟Etats parties à la
convention de l‟OCDE satisfont à ces critères 787. On fait évidemment référence ici à la
doctrine de l‟effet. La définition de J. Salmon cité ci-dessus souligne que l‟on assimile à la
compétence territoriale celle qui s‟étend aux activités exercées en dehors du territoire de
l‟Etat mais qui ont un effet à l‟intérieur de ce territoire 788. Cela est pertinent dans les cas de

784 D. FLORE, op.cit., p. 55.


785 M. PIETH, « Article 4. Jurisdiction », op.cit., p. 274.
786 Commentaire 25, http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
787 M. PIETH, Article 4. Jurisdiction, op.cit., p. 277.
788 J. SALMON, op.cit., p. 210 ; voir aussi P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 89 : « l‟aptitude de
l‟Etat à exercer son autorité conformément au droit international, aussi bien sur les biens que sur les situations, les
personnes et les activités placées ou exercées à l‟intérieur de son territoire ».
207
corruption qui, ne pouvant être rattaché au territoire de l‟Etat poursuivant, ont un «effet »
qui se fait sentir à l‟intérieur des frontières de cet Etat. Plusieurs systèmes de common law
ont développé cette approche en matière des lois économiques et antitrust 789 comme on l‟a
vu très clairement dans le cas des Etats-Unis. On note que pour l‟infraction de complicité,
le complice serait rattaché au principe de territorialité par l‟acte de l‟auteur principal de
corruption.

L‟article 17 de la convention pénale du Conseil de l‟Europe prévoit une série de


critères en vertu desquels les Parties contractantes doivent établir leur compétence
relativement aux infractions pénales définies aux articles 2 à 14 de la convention790. La
convention pénale érige les règles de compétence judiciaire des États, qui dépendent du
lieu de l‟infraction, de la nationalité de l‟auteur de l‟infraction et du statut de la personne
qui s‟est laissée corrompre 791. Trois critères de compétences sont prévus par le texte. Le
premier critère relatif au principe de territorialité est obligatoire. Cependant les deux autres
critères peuvent faire objet de réserves792. En ce sens, la convention pénale du Conseil de
l‟Europe se rapproche de la convention de l‟Union européenne.

L‟article 17 (1) (a) de la convention pénale du Conseil de l‟Europe concerne la


compétence territoriale et vise le cas où l‟infraction est commise en tout ou en partie sur le
territoire d‟un Etat partie793. La doctrine des effets est reconnue dans plusieurs Etats du
Conseil de l'Europe. Cela a pour conséquence que quel que soit l‟endroit où un élément
constitutif d'une infraction est commis ou produit des effets, on considère généralement cet
endroit comme le lieu de l'infraction. On peut souligner que l'intention du délinquant n'est

789 Cf., supra ce chapitre, section 2 ; voir également : M. PIETH, « Article 4. Jurisdiction », op.cit.,
p. 278.
790 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 78.
791 Voir en ce sens : M. HUNAULT, op.cit., p. 22.
792 Article 17 (2).
793 D. FLORE, op.cit., p. 6, en ce sens voir ibid., les considérations faites précédemment au sujet de ce
critère de compétence valent aussi ici : on imaginerait difficilement que ce critère ne soit pas
obligatoire ; voir également http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 79 :
Comme pour les autres conventions, il n‘est pas impératif que le délit de corruption soit commis
en totalité sur le territoire d'un Etat pour que celui-ci puisse établir sa compétence. Les rapports
explicatifs nous rappelle à ce sujet que dans plusieurs Etats membres (mais pas tous), le lieu où est
commis l'acte est déterminé en fonction de ce que l'on appelle la doctrine de l'ubiquité (la doctrine
de l‘effet).
208
pas prise en compte et n'affecte pas la compétence fondée sur le principe de la territorialité.
On constate également que la nationalité du corrupteur ou du corrompu n‟est pas prise en
considération.

L‟article 17 (4) de la convention pénale du Conseil de l‟Europe n‟exclut pas


l‟exercice par une Partie de toute compétence pénale établie conformément à son droit
interne. On peut citer en exemple le cas de la « compétence universelle »794 qui permettrait
aux Etats d'établir leur compétence pour des infractions graves, indépendamment du lieu
où elles ont été commises et de l'identité des auteurs, si elles menacent les valeurs
universelles et l'intérêt de l'humanité 795.

L‟article 42 de la CNUCC concerne la compétence des juridictions nationales. Les


dispositions proposées relative à la compétence juridique, qui s‟appliquent à toutes les
infractions érigées dans cette partie de la convention, sont dans la même logique que celles
établies dans d‟autres conventions. Tandis que certaines bases de compétence juridiques
sont obligatoires796 (territorialité), la plupart sont optionnelles – et sous réserve de l‟article
4797 - par exemple la compétence basé sur la nationalité798 ou sur la résidence habituelle799.

Si l‟on considère la nature complexe des infractions prévues par la CNUCC, surtout
les infractions de corruption internationale et le fait qu‟elles puissent être réalisées dans
plus d‟un Etat, il semble s‟avérer difficile d‟identifier un seul lieu de réalisation de

794 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 600 : « Les Etats disposent en principe de compétences pour protéger
leurs propres intérêts. Cependant, le droit international leur attribue aussi, dans des cas déterminés, le pouvoir de
protéger, par la voie de la répression pénale, les intérêts de la communauté internationale et de l‟humanité. C‟est ce
qu‟on appelle la compétence universelle, dont il faut ainsi bien prendre conscience du caractère dérogatoire au droit
commun des compétences étatiques ».
795 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 83.
796 La compétence fondée sur la territorialité à l‘article 42 (1).
797 Article 4 Protection de la souveraineté 1. Les États Parties exécutent leurs obligations au titre de la présente
convention d‟une manière compatible avec les principes de l‟égalité souveraine et de l‟intégrité territoriale des États et
avec celui de la non-intervention dans les affaires intérieures d‟autres États. 2. Aucune disposition de la présente
convention n‟habilite un État Partie à exercer sur le territoire d‟un autre État une compétence et des fonctions qui
sont exclusivement réservées aux autorités de cet autre État par son droit interne.
798 Article 42 (2) (a).
799 Article 42 (2) (b).
209
l‟infraction800. Dans le cas d‟une application trop stricte des critères de la compétence
juridictionnelle - comme pour les autres conventions - la mise en œuvre de ces dispositions
pourrait être difficile. En ce sens, les dispositions de la CNUCC, relatives à la compétence
juridique, pourraient manquer de développement adéquat.

Si tous les textes prévoient la mise en œuvre obligatoire du principe de territorialité,


on remarque que c‟est surtout la doctrine de l‟effet qui permet l‟application extensive de ce
dernier. En effet, la seule compétence territoriale « subjective » limitera la compétence des
juridictions nationales aux infractions ayant été commise entièrement sur le territoire de
l‟Etat partie concerné. Il est forcément dans l‟intérêt de la mise en œuvre efficace de ces
conventions de faciliter un champ d‟application le plus large possible.

§ 2 – La compétence des juridictions nationales pour connaître les


actes de corruption commis par les agents nationaux en territoire étranger

La mise en œuvre du principe de nationalité permet d‟établir la compétence des


juridictions nationales à l‟égard des actes de corruption réalisés par ses ressortissants dans
un pays tiers. Ce principe permet également d‟établir la compétence des juridictions
nationales dans les cas de corruption passive de ses agents dans un pays tiers. En portant
notre regard vers les dispositions des conventions internationales, on constate que
l‟exercice de cette forme de compétence n‟est pas obligatoire.

La plupart de systèmes internes assujettissent l‟exercice de cette compétence aux


exigences notamment de la double incrimination. En ce sens, tant que la corruption d‟agent
public étranger ne constitue pas une infraction réprimée au niveau de la législation
nationale, l‟exigence de la double incrimination resterait un obstacle important à la lutte
efficace contre la corruption internationale. G. Stessens801 souligne l‟importance de la
transposition soigneuse des mesures des conventions internationales afin de supprimer cet
obstacle. En effet, il est essentiel pour une lutte efficace contre la corruption que les Etats

800 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption: the globalisation of
anticorruption standards », op.cit., p. 15.
801 G. STESSENS, « The international fight against corruption », op.cit., p. 922.
210
soient en mesure d‟incriminer le comportement illicite de leurs nationaux à l‟étranger.

L‟IACAC prévoit à l‟article 5 (2) une compétence fondée sur la nationalité :

« chaque Partie peut adopter les mesures nécessaires pour exercer sa compétence
à l'égard des infractions auxquelles elle aura conféré ce caractère, conformément à la
présente convention, lorsque ces infractions auront été commises par l'un de ses
ressortissants ou par une personne qui a sa résidence habituelle sur son territoire».

On voit clairement par le langage de cette disposition que sa mise en œuvre n‟est
pas obligatoire. On note en relation au critère de la résidence habituelle, que cela concerne
« des citoyens étrangers qui habitent plusieurs mois dans l‟année dans un autre Etat que
leur pays d‟origine »802. Il est alors clair que plusieurs Etats puissent établir les
compétences selon l‟hypothèse dont il est question. Le texte de l‟IACAC elle-même
n‟explicite pas une solution à un cas de conflit de juridiction mais les principes généraux
du droit international – par exemple la notion de comity 803 - sont un guide804. On note que
la possibilité d‟une concertation est prévue à ce niveau par la convention de l‟OCDE805 et à
un certain niveau par la CNUCC 806 mais les conventions européennes sont muettes sur

802 R. A. CANO, op.cit., p. 516 ; voir ibid. : On note que l‘article 8 est la seule disposition dans la
convention où il y a une référence aux personnes morales et à leur « nationalité ». L‘expression «
domiciliées » (domiciliadas en espagnol) doit faire référence au critère du lieu de l‘incorporation d‘une
entreprise exerçant une activité économique ou commerciale.
803 Courtoisie envers l‘ordre juridique étranger qui présente des points de rattachement suffisant avec
l‘affaire ; voir l‘adage en latin « comitas gentium » , courtoisie entre nations, notion analogue de
courtoisie internationale ; La courtoisie international peut être définie de la manière suivante :
« ensemble de pratiques et de préceptes observés dans les rapports internationaux, et déterminés, non par le sentiment
de respecter une obligation juridique, mais par des considérations de convenance et d‟égards mutuels conformes aux
exigences d‟une bienséance réciproquement pratiquée. La courtoisie se caractérise ainsi par l‟absence d‟un sentiment
d‟obligation juridique, » J. SALMON, op.cit, p. 282.
804 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 277.
805 L‘article 4 (3).
806 L‘article 42 (5) ; le paragraphe 5 prévoit l‘hypothèse où plusieurs Etats seraient compétents pour
poursuive un acte de corruption. Si un État Partie qui exerce sa compétence en vertu du
paragraphe 1 ou 2 de l‘article 42 a été avisé, ou a appris de toute autre façon, que d‘autres États
Parties mènent une enquête ou ont engagé des poursuites ou une procédure judiciaire concernant
le même acte, les autorités compétentes de ces États Parties se consultent, selon qu‘il convient,
pour coordonner leurs actions. On constate que cette disposition ne va pas plus loin que celle de la
convention de l‘OCDE. L.A. Low évoque la nécessité d‘établir les critères, pour attribuer à un
211
cette question807.

L‟IACAC dispose aussi que les Etats parties établissent leur compétence sur la base
de nationalité sur les auteurs présumés des infractions de corruption, présents sur leurs
territoires, mais qu‟ils refusent à l‟extradition 808. Il est question du principe « aut dedere
aut judicare »809.

L‟IACAC prévoit clairement que l‟énumération des bases de compétence au sein de


la convention ne doit pas exclure d‟autres bases de compétences adoptées par l‟Etat810. Ces
dispositions doivent être interprétées à la lumière de l‟article IV de la convention, qui exige
qu‟une infraction soit commise, ou porte ses effets, sur le territoire de l‟Etat partie
concerné.

La convention811 de l‟Union européenne prévoit l‟hypothèse selon laquelle l‟auteur


de l‟infraction est un des ressortissants ou un des fonctionnaires de l‟Etat concerné. Le
texte demande aux Etats membres d‟établir leur compétence dans le cas où l‟auteur de
l‟acte visé est un ressortissant ou un fonctionnaire de l'État membre concerné (principe de
la personnalité active). Le critère tiré de la qualité de l'auteur de l'infraction permet de
déterminer la compétence indépendamment de la lex loci delicti 812. Les Etats membres
doivent alors engager des poursuites pour les infractions commises à l‟étranger. Il en est de

Etat l‘intérêt principal dans les poursuites d‘une infraction présumée. De tels critères pourraient
éviter des poursuites multiples au niveau international ; voir en ce sens L. A. LOW, « The United
Nations convention against corruption : the globalisation of anticorruption standards », op.cit.,
p. 15.
807 La raison en est probablement que la concertation institutionnelle est une pratique très ordinaire au
sein de l‘Union européenne et du Conseil de l‘Europe.
808 Voir en ce sens : G. STESSENS, « The international fight against corruption », op.cit., p. 924,
l‘exercice de ce principe « allows circumventing only the nationality exception, but not other reasons for which
extradition may be refused (e.g. the political offence exception, lack of double criminality) ».
809 L‘article 5 (3) dispose que « chaque partie adopte les mesures nécessaires pour exercer sa
compétence à l'égard des infractions auxquelles elle aura conféré ce caractère, conformément à la
présente convention, lorsque l'auteur présumé se trouve sur son territoire, et qu'il ne l'a pas extradé
vers le territoire d'un autre pays au motif de la nationalité de cet auteur présumé ».
810 L‘article 5 (4).
811 L‘article 7 (1) (b) de la convention, l‘article 6 (1) (b) du premier protocole.
812 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de
l‘Union européenne, approuve par le Conseil le 3 décembre 1998, op.cit., p. 9, point 7.2 (b).
212
même pour les actes réalisés dans des pays tiers. Comme on le verra, cette hypothèse est
très pertinente lorsqu‟il est question des Etats membres qui n‟extradent pas leurs
ressortissants813.

L‟article 4 (2) de la convention de l‟OCDE a trait à la compétence fondée sur la


nationalité. Il est question du principe de la personnalité active. Au moment de la
signature de la convention de l‟OCDE, les pays de la common law ont été fort opposés à
une disposition qui exigeait l‟application du principe de nationalité, même si le nombre de
pays opposés s‟est depuis réduit de manière importante 814.

Les commentaires officiels de la convention de l‟OCDE précisent que la


compétence fondée sur la nationalité doit être exercée en conformité avec les principes
généraux et les conditions applicables dans le droit de chaque Partie. Ces principes
concernent, par exemple, la double incrimination, principe qui ne joue pas l‟exercice de la
compétence territoriale. Au moins un commentateur fait état des problèmes posés par la
condition de la double incrimination. En effet, ce critère pourrait « soulever des problèmes
en pratique et empêcher les enquêtes et les poursuites »815. L‟exemple de la Suède est
pertinent. Selon le système juridique suédois, pour prouver que la condition de la double
incrimination est satisfaite, il existe très souvent une obligation pour les procureurs suédois
à recourir à l‟entraide judiciaire : « le témoignage d‟un spécialiste du droit pénal de l‟Etat
étranger concerné ou la traduction des dispositions pertinentes de ce droit ne suffisent
pas ; les procureurs essayent donc d‟obtenir des autorités de l‟Etat tiers une déclaration
officielle selon laquelle les actes faisant l‟objet de l‟enquête sont incriminés dans cet
Etat »816. Ainsi, c‟est le manque de coopération d‟un Etat tiers qui pourrait rendre
l‟instruction difficile.

Toutefois, selon la convention de l‟OCDE, la condition de double incrimination


doit être réputée satisfaite lorsque l‟acte est illicite dans le territoire où il est commis,

813 Cf., infra, chapitre 5.


814 M. PIETH, « Article 4. Jurisdiction », op.cit., p. 273 ; cet auteur cite en exemple le Danemark, la
France, les Pays-Bas, l‘Espagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
815 P. NASTOU, op.cit., p. 41.
816 Ibid., p. 41.
213
même s‟il a une qualification pénale différente dans ce territoire.

On note que l‟article 4 (2) de la convention de l‟OCDE dispose que chaque Partie
ayant compétence pour poursuivre ses ressortissants à raison d‟infractions commises à
l‟étranger doit prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence à l‟égard de la
corruption d‟un agent public étranger selon les mêmes principes. Pour les pays qui
appliquent la compétence fondée sur la nationalité uniquement à certains types
d‟infractions, la référence dans les commentaires aux « principes » comprend les principes
gouvernant le choix de ces infractions 817. Il est question ici d‟équivalence fonctionnelle 818.
On constate alors un aspect «discriminatoire » 819 au sein de cet article, comme dans le cas
des textes de l‟Union européenne. Un Etat partie qui dispose d‟une législation peu sévère à
l‟égard de cette question aura peu d‟effort à fournir pour être en conformité avec la
convention. Un bon exemple de l‟application de l‟article 4 (2) de la convention de l‟OCDE
se trouve dans les modifications du FCPA de 1998 relative à la compétence fondée sur la
nationalité.

Plutôt que de demander l‟extradition des ressortissants si une partie n‟applique pas
la compétence basée sur la nationalité, la convention de l‟OCDE exige que les nations qui
ont compétence à l‟égard d‟une infraction présumée visée dans la présente convention, les
Parties concernées se concertent, à la demande de l‟une d‟entre elles, afin de décider quelle
est celle qui est la mieux à même d‟exercer les poursuites820. Cette possibilité de
concertation pourrait permettre de résoudre un certain nombre de problèmes en matière de
conflit de compétence entre les juridictions nationales.

Le dernier alinéa de l‟article 4 de la convention de l‟OCDE dispose que chaque


Partie doit examiner « si le fondement actuel de [leur] compétence est efficace pour lutter
contre la corruption d‟agents publics étrangers ; si tel n‟est pas le cas, elle prend les
mesures correctrices appropriées». Il s‟agit d‟une disposition essentiellement

817 Commentaire officiels n° 26.


818 Pour la notion d‘équivalence fonctionnelle, cf., supra, introduction générale.
819 D. FLORE, op.cit., p. 55.
820 Article 4 (3).
214
déclaratoire821. Cette disposition de compromis a été acceptée par les Etats parties, qui
n‟ont pas accepté l‟obligation du principe de la compétence personnelle. Le mécanisme de
suivi du Groupe de travail sur la corruption de l‟OCDE pourrait surveiller l‟efficacité de la
mise en œuvre de cette disposition822.

L‟article 17 (1) (b) de la convention pénale du Conseil de l‟Europe a trait à la


compétence extraterritoriale basée sur le principe de personnalité active, c‟est-à-dire, la
nationalité. Les rapports explicatifs823 de la convention pénale rappellent que lorsque le
ressortissant d'un Etat contractant a commis une infraction à l'étranger, cet Etat est en
principe compétent, surtout s'il n'extrade pas ses ressortissants. Le paragraphe précise en
outre que la compétence doit être établie, non seulement si les ressortissants commettent
l'une des infractions définies par la convention, mais aussi lorsque les fonctionnaires et
membres des assemblées nationales du pays commettent une infraction de ce type.

L‟article 17 (2) permet aux Etats d‟émettre une réserve relative à la compétence
juridictionnelle érigée dans le paragraphe 1 (b) et (c). On note cependant, l‟application du
principe «aut dedere aut judicare», prévu au paragraphe 3 qui oblige les Parties
contractantes à établir leur compétence dans les affaires où l'extradition du délinquant
présumé est refusée en raison de sa nationalité et si le délinquant est présent sur leur
territoire.

Comme les autres textes internationaux, la CNUCC prévoit l‟exercice de la


compétence fondée sur la nationalité, sans la rendre obligatoire. La disposition de la
CNUCC qui a trait à cette forme de compétence 824 peut cependant faire objet d‟une réserve
relative à l‟article 4 de la CNUCC qui a pour objet la protection de la souveraineté. La
CNUCC prévoit que les États Parties exécutent leurs obligations au titre de la présente
convention d‟une manière compatible avec les principes de l‟égalité souveraine et de
l‟intégrité territoriale des États et avec celui de la non-intervention dans les affaires

821 D. FLORE, op.cit., p. 55.


822 M. PIETH, « Article 4. Jurisdiction », op.cit., p. 287.
823 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm, § 80.
824 Article 42 (2).
215
intérieures d‟autres États. 825 Aucune disposition de la CNUCC n‟habilite un État Partie à
exercer sur le territoire d‟un autre État une compétence et des fonctions qui sont
exclusivement réservées aux autorités de cet autre État par son droit interne 826.

On note également que l‟article 42 (3) et l‟article 42 (4) de la CNUCC ont trait au
principe aut dedere aut judicare.

La mise en œuvre de la compétence fondée sur la nationalité est plus délicate à


réaliser que celle relative à la compétence territoriale. Il existe dans les dispositions des
conventions un reflet des réticences des Etats à l‟égard de l‟exercice de la compétence
juridictionnelle sur le territoire d‟un autre Etat souverain. On constate aussi l‟obstacle que
peut présenter la double incrimination. Il en ressort alors que les Etats parties aux textes ne
sont pas dans l‟obligation d‟instituer une compétence personnelle à l‟encontre des
infractions commise par une personne physique ou morale à l‟étranger. On note cependant
que l‟application du principe « aut dedere aut judicare » est commune à chaque
convention.

§ 3 – La compétence des juridictions nationales pour connaître les


actes de corruption : une compétence sui generis à l’égard des agents
publics internationaux

Il existe une base de compétence spécifique qui a trait à la compétence des


juridictions nationales à l‟égard des actes de corruption qui impliquent des agents publics
internationaux827. Ainsi à l‟article 7 (1) (c) et (d) de la convention de l‟Union européenne
et à l‟article 17 (1) (c) de la convention pénale du Conseil de l‟Europe, on retrouve
l‟énoncé de cette base de compétence. En effet, les agents publics internationaux sont
employés par les institutions internationales et non par les Etats. Ces institutions
internationales n‟ont pas la compétence pour édicter des poursuites pénales à l‟encontre
des agents publics internationaux auteurs de corruption passive puisque ce domaine est

825 Article 4 (1).


826 Voir article 4 (2).
827 G. STESSENS, « The international fight against corruption », op.cit., p. 924.
216
réservé aux Etats828. Ainsi, pour éviter un vide juridique, les Etats devraient élaborer des
dispositions ouvrant la possibilité à ce genre de compétence.

Les textes communautaires829 prévoient cette situation lorsque l'infraction est


commise à l'encontre d'un ressortissant de l'État membre concerné, qu'il soit fonctionnaire
ou membre d'une institution des Communautés européennes (principe de la personnalité
passive). Ce critère est particulièrement pertinent lorsqu‟il est question d‟un acte de
corruption active commise à l'étranger par des personnes qui ne sont pas des ressortissants
de l'État membre concerné830.

La convention de l‟Union européenne prévoit également l‟hypothèse où l'auteur de


l'infraction est un fonctionnaire communautaire au service d'une institution des
Communautés européennes ou d'un organisme créé conformément aux traités instituant les
Communautés européennes et ayant son siège dans l'État membre concerné 831. L‟utilité de
ce critère de siège se trouve dans certaines hypothèses exceptionnelles qui ne rentrent pas
dans le cadre d‟autres règles de compétence. On peut donner comme exemple la situation
où un acte de corruption est réalisé hors du territoire de la Communauté par un
fonctionnaire communautaire qui n‟est pas ressortissant d‟un Etat membre832.

La convention pénale du Conseil de l‟Europe prévoit833 le cas où l‟infraction


implique l‟un de ses agents publics ou membres de ses assemblées publiques nationales ou
toute personne visée aux articles 9 à 11, qui est en même temps un de ses ressortissants. Il
s‟agit alors d‟une compétence extraterritoriale basée sur les principes de personnalité
active et de protection (des intérêts de l‟État concerné). Ce paragraphe est différent du
paragraphe précédent car ici la compétence repose sur le statut de la personne qui s'est

828 Ibid., p. 924.


829 L‘article 7 (1) (c) de la convention, l‘article 6 (1) (c) du premier protocole.
830 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de
l‘Union européenne, approuve par le Conseil le 3 décembre 1998, op.cit, p. 9, point 7.2.c).
831 L‘article 7 (1) (d) de la convention, l‘article 6 (1) (d) du premier protocole.
832 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de
l‘Union européenne, approuve par le Conseil le 3 décembre 1998, op.cit, p. 9, point 7.2.d).
833 L‘article 17 (1) (c).
217
laissée corrompre.

Lors de notre analyse de la définition de l‟agent public étranger dans les textes, on a
constaté que certains textes visent la corruption de tout fonctionnaire ou agent d‟une
organisation internationale publique. A la lumière des compétences sui generis que l‟on
vient de citer, on peut poser la question du droit applicable dans le cas des fonctionnaires
internationaux hormis ceux des institutions européennes. La réponse semble assez simple.
En effet, puisque les autres textes internationaux (et le FCPA ont tendance à ne viser que
les infractions de corruption d‟active, il ne serait pas question de compétence
juridictionnelle à l‟égard du fonctionnaire international. Puisqu‟il s‟agit de l‟incrimination
seulement de l‟auteur de la corruption active, il faudrait alors établir la compétence à
l‟égard de ce fait.

SECTION 3

LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS NATIONALES A L’EGARD DES FILIALES A


L’ETRANGER

Il est bien connu que l‟usage des filiales offshore permet de faciliter les actes de
corruption. Malgré cela, les textes internationaux de lutte contre la corruption présentent
des lacunes de compétence importantes à cet égard. On doit considérer dans quelle mesure
ces entités, les filiales à l‟étranger, seraient néanmoins visées par les textes. En ce sens, il
convient d‟abord de déterminer la nationalité de la personne morale (§ 1). En effet, des
entreprises peuvent avoir des filiales détentrices d‟une autre nationalité que celle de la
société mère. Le silence des textes internationaux à cet égard est étonnant. Il nous importe
d‟analyser l‟approche d‟une de ces conventions, celle de l‟OCDE, à la question des filiales.
(§ 2). On se retournera vers le droit fédéral américain pour étudier sa manière d‟aborder
cette question et les solutions proposées (§3). Enfin, il est opportun de se poser la question
de la portée extraterritoriale éventuelle de la nouvelle loi britannique relative aux
filiales (§ 4).

218
§ 1 Les critères de rattachement de nationalité de la personne morale

Préciser le rattachement national dont relève juridiquement une entreprise est une
« opération préalable à la détermination de la loi qui lui est applicable comme à la
détermination des droits dont elle a la jouissance »834.

Les critères de rattachement d‟une personne morale peuvent varier selon l‟Etat
concerné. Ces critères sont établis à la discrétion de l‟Etat. Cette liberté à l‟égard du
rattachement a pour conséquence que « les solutions retenues sont aussi diverses que pour
la nationalité des individus »835. Cependant, le rattachement des sociétés à un Etat et
l‟appartenance à la population de cet Etat ne peut pas être assimilé. En ce sens, on
n‟applique pas les règles du régime spécifique de la nationalité des personnes physiques au
rattachement national des sociétés. En règle générale, « le juge saisi rattache les sociétés
étrangères par application de dispositions empruntées au droit du for. Par conséquent,
c‟est en vertu de règles françaises qu‟un juge français dira de telle société qu‟elle est
belge et que telle autre est japonaise »836.

Les critères peuvent avoir trait au siège social, au lieu d‟incorporation ou à


l‟exercice du contrôle au sein de la personne morale. C‟est ainsi que l‟on regroupe en trois
catégories les critères pertinents au rattachement national.

De manière générale, les pays anglo-saxons retiennent le critère de l‟enregistrement


ou « incorporation ». Cela représente certainement la solution la plus simple car il s‟agit de
rattacher une entreprise à l‟Etat ou l‟enregistrement a eu lieu conformément à la législation
locale. Les sociétés ainsi constituées « acquièrent la nationalité sans qu‟il y ait lieu de se
préoccuper ni de la nationalité des fondateurs ou des associés, ni du siège social ou du
siège d‟exploitation, ni de la composition du capital social, ni même du contrôle

834N. CASTEL, G. de LA PRADELLE, « Les entreprises », in P. DAILLIER, G. de LA PRADELLE,


H. GHERARI, Droit de l‟économie internationale, Paris, Pedone, 2004, p. 68.
835 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 551.

836 N. CASTEL, G. de LA PRADELLE, op.cit., p. 69 ; voir en ce sens ibid. : « Ce genre de démarche est

impensable s‟agissant de nationalité des personnes physiques : les règles françaises en la matière déterminent
exclusivement qui est Français et qui ne l‟est pas : on ne peut leur faire dire qui est anglais ou mexicain ».
219
financier »837. Le terme incorporation «subsiste de l‟époque où l‟on considérait cette
personnalité comme l‟effet du souverain qui, de la sorte, donnait « corps » sur son
territoire à une personne nouvelle »838. L‟affaire de la Barcelona Traction839 semble
favorable au critère de l‟enregistrement. Ce critère est le seul retenu par les Etats-Unis en
ce qui concerne leurs entreprises 840. On constate que ce critère est à la fois souple et
simple. En effet, « il s‟accorde au caractère contractuel de la société puisqu‟il permet à
ses fondateurs de choisir la loi à laquelle il souhaitent se soumettre »841.

Certains systèmes déterminent le critère de rattachement par celui du siège


social842. Il s‟agit ici de tout « un ensemble de systèmes qui, tout en exigeant des sociétés,
qu‟elles se constituent conformément à la loi du pays dont elles réclament la nationalité,
subordonne l‟octroi de celle-ci à des conditions de fait de nature économique »843. Il est
question ici de pays où « l‟incorporation est suspectée de fictivité, on lui préfère des
critères qui traduisent l‟enracinement véritable de l‟entreprise »844. Cela est le cas de la
France. Ces critères privilégient surtout l‟intérêt pour l‟économie nationale du pays dont il
est question.

Un autre critère concerne la nationalité des personnes ou intérêts qui contrôlent


effectivement la personne morale. C‟est en ce sens que « la nationalité des personnes (à

837 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 100.


838 N. CASTEL, G. de LA PRADELLE, op.cit., p. 70.
839 C.I.J., Rec. 1970 ; voir également P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 101 : « La Belgique
prétendait en effet exercer sa protection diplomatique à l‟égard d‟une société constituée au Canada, mais dont les
actionnaires étaient en très grande majorité belges, alors que le Canada ne paraissait pas vouloir exercer cette
protection au titre d‟Etat de nationalité ».
840 Restatement (Third) of the Foreign Relations Law of the United States § 213 (1987).
841 N. CASTEL, G. de LA PRADELLE, « Les entreprises », op.cit., p. 71 ; voir en ce sens, N.
CASTEL, « Etablissement des entreprises », in P. DAILLIER, G. de LA PRADELLE, H.
GHERARI, Droit de l‟économie internationale, Paris, Pedone, 2004, p. 823 : « Eventuellement justifiable à
l‟égard du conflit de lois, cette position l‟est beaucoup moins vis-à-vis de la nationalité, dans la mesure où il peut ne
pas paraître souhaitable d‟en abandonner ainsi l‟attribution à la seule volonté des associés. En outre, certains Etats,
comme l‟Angleterre, acceptent d‟incorporer, et ainsi de protéger des sociétés non constituées sur leur territoire et donc
régies par une loi terce, comme ils admettent l‟incorporation à l‟étranger des sociétés créées sous l‟empire de leur
droit. »
842 K. LOKEN, « The OECD anti-bribery convention: coverage of foreign subsidiaries », George
Washington International Law Review, 2001, p. 331.
843 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 100.
844 N. CASTEL, G. de LA PRADELLE, op.cit., p. 71.
220
l‟origine personnes physiques) qui contrôlent une société grâce à leur participation dans
le capital social, peut servir à déterminer la nationalité de ladite société »845. On peut ainsi
« pierce the corporate veil » et supprimer en quelque sorte l‟écran formé par l‟entreprise.
On trouve l‟utilisation de ce critère lors de la Première Guerre mondiale où il avait pour
objectif « de permettre la mise sous séquestre des sociétés contrôlées en fait par des
nationaux ennemis »846. Il s‟agit de la théorie du contrôle.

La question des règles du droit international public gouvernant l‟opposabilité


internationale de la nationalité conférée par un Etat à une personne morale a été analysée
par la Cour internationale de Justice dans l‟affaire de la Barcelona Traction847. La C.I.J. a
refusé d‟appliquer la notion de contrôle pour caractériser les sociétés bénéficiaires de la
protection diplomatique. Selon la CIJ : « le droit international se fonde, encore que dans
une mesure limitée, sur une analogie avec les règles qui régissent la nationalité des
individus. La règle traditionnelle attribue le droit d‟exercer la protection diplomatique
d‟une société à l‟Etat sous les lois duquel elle s‟est constituée et sur le territoire duquel
elle a son siège […]. Sur le plan particulier de la protection diplomatique des personnes
morales, aucun critère absolu applicable au lien effectif n‟a été accepté de manière
générale »848. L‟interprétation de la Cour « rejoint celle de nombreuses juridictions
nationales, qui ne retiennent le critère de contrôle effectif que dans des circonstances
exceptionnelles (temps de guerre, en particulier) »849.

845 Ibid., p. 72.


846 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 101.
847 C.I.J., Rec. 1970 ; voir également P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 101 : « La Belgique
prétendait en effet exercer sa protection diplomatique à l‟égard d‟une société constituée au Canada, mais dont les
actionnaires étaient en très grande majorité belges, alors que le Canada ne paraissait pas vouloir exercer cette
protection au titre d‟Etat de nationalité ».
848 C.I.J., Rec. 1970, p. 43.
849 P. DAILLIER et al.,op.cit., p. 552 ; on note cependant, ibid., que « dans le cadre spécifique du contentieux
de la protection de l‟investissement, […] le critère de contrôle a regagné une certaine importance en vertu des
dispositions de certains traités bilatéraux de protection et de promotion des investissements et de l‟article 25 (2) (b) de
la convention de Washington de 1965 qui prévoit, expressément, que les parties à un différend peuvent se mettre
d‟accord pour prendre en compte le « contrôle exercé sur [une société] par des intérêts étrangers. » » ; voir
également P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 101 : « Cette solution, quoique conforme à la tendance
générale des juridictions internes qui restreignent l‟application du critère de contrôle à des situations exceptionnelles, a
cependant été fréquemment critiquée en doctrine en raison des risques qu‟elle fait naître de rattachement purement
fictif de la société à un Etat déterminé ».
221
Lorsqu‟il est question de corruption internationale, il ne suffit pas cependant de
constater la nationalité d‟une personne morale, la nationalité étant déterminée selon les
critères de rattachement appropriés. Ce qui importe aussi est de savoir s‟il existe des
filiales à l‟étranger de la société mère qui jouissent d‟un autre rattachement national.
Lorsqu‟une entreprise souhaite exercer son activité dans un pays étranger, elle s‟établit de
deux manières : « soit une société de droit interne décide de constituer des sociétés filiales
étrangères, soit de mettre en place de simples établissements tels que les succursales,
agences, bureaux ou usines sur le territoire d‟autres Etats »850. La notion d‟entreprise
multinationale est alors très pertinente. On utilise le qualificatif d‟«entreprise
multinationale » dans deux situations. La première situation concerne l‟organisation d‟un
groupe de sociétés implantées dans plusieurs pays. La deuxième situation est moins
fréquente est concerne une entreprise qui a été crée sur le fondement d‟un accord entre
Etats ce qui peut être une véritable « société internationale »851.

De manière générale, les sociétés multinationales bénéficiant « d‟une diversité


d‟implantation, notamment en raison de la création de filiales dans plusieurs pays, reliées
à une société mère, sont amenés du fait de la disparité des législations nationales à jouer
sur les différences existant d‟un droit interne à l‟autre pour choisir la loi la plus favorable
à leurs activités »852. Il est dans l‟intérêt de l‟entreprise voulant s‟implanter durablement
dans un pays étranger d‟y créer une filiale. Cela peut donner naissance à des groupes
internationaux. Ces groupements de sociétés « peuvent également se constituer sans
participation des unes au capital des autres mais à partir des liens purement

850 N. CASTEL, op.cit., p. 821 ; voir ibid. : « Dans le premier cas, l‟établissement de l‟entreprise donne naissance à
de nouvelles personnes morales, distinctes de la société mère. Le second illustre la dissémination transnationale du
patrimoine d‟une seule et même entité juridique ».
851 N. CASTEL, G. de LA PRADELLE, op.cit., p. 68 ; voir ibid. : « Certains organismes interétatiques dotés
de personnalité juridique sont constitués par voie d‟accords entre Etats – de traités – dans un but d‟intérêt général
mais avec une activité semblable à celle de véritables entreprises. Il s‟agit, en effet, d‟organismes financiers comme la
Société financière internationale (S.F.I.) ou de compagnies de transport aérien comme le Scandinavian Air Line
System (S.A.S.) ou la société Air Afrique. Il est donc impossible de les rattacher à un Etat particulier et de leur
attribuer une « nationalité » comme l‟on fait pour les personnes morales ordinaires. Par ailleurs, la nature de leurs
activités qui est, dans une certaine mesure, intéressée, empêche qu‟on les assimile à des organisations internationales
proprement dites ou, encore, à des O.N.G. Finalement, le terme par lequel on les désigne, résume leur double
particularité : ce sont des « sociétés » parce qu‟elles ont une activité économique ; mais elles sont « internationales »
parce qu‟elles ne dépendent d‟aucun Etat en particulier ».
852 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 102.
222
contractuel »853. Il s‟agit bien évidemment de se procurer des avantages économiques
significatifs. C‟est la relation entre la société mère et la filiale à l‟étranger est bien
évidemment une problématique important dans la lutte contre la corruption d‟agent public
étranger. En effet, pour lutter efficacement contre la corruption, il serait nécessaire
d‟établir les compétences des juridictions nationales pertinentes à l‟égard des paiements
corrompu réalisés par ces filiales.

On n‟approfondira pas ici la question de savoir si l‟entreprise a été valablement


créée et de préciser en ce sens les modalités de son fonctionnement. Cela constitue une
autre problématique que celle du rattachement national « dans la mesure où il n‟y aurait
pas à s‟interroger sur la nationalité d‟une société dont les conditions d‟existence ne sont
pas remplies »854. On note cependant qu‟il peut avoir de similitudes entre la question du
rattachement et la question de la création de l‟entreprise.

§ 2 - L’exemple de la convention de l’OCDE

Les textes internationaux ne visent pas directement la corruption réalisée à travers


les filiales à l‟étranger. On portera notre regard sur silence de l‟un des textes en particulier,
la convention de l‟OCDE. La raison de ce choix se trouve dans les caractéristiques des
Etats parties à la convention de l‟OCDE (la plupart des grandes puissances économiques
mondiales) et l‟importance de sa mise en œuvre.

De manière générale, si la société mère rattachée à un Etat partie à la convention de


l‟OCDE possède une filiale qui est enregistrée (incorporated) ou autrement considérée
comme rattachée à un Etat non partie à la convention, les dispositions de la convention
viseraient les comportements corrompus de la filiale seulement lorsqu‟il s‟agit d‟un acte
qui a lieu – ou dont les effets ont lieu – sur le territoire d‟un Etat partie de la convention. Il

853 N. CASTEL, G. de LA PRADELLE, « Les entreprises », op.cit., p. 68.


854 N. CASTEL, « Etablissement des entreprises », op.cit., p. 825 ; voir ibid. : « Il serait facile de généraliser
le laxisme dont peuvent faire preuve certains Etats en acceptant d‟immatriculer, et partant, d‟accorder la personnalité
morale à des sociétés qui ne possèdent sur leur territoire qu‟une simple ligne téléphonique, voire une simple boîte aux
lettres. Le « forum shopping » que caractérise ces situations est sans doute contestable en soi, mais n‟en demeure pas
moins librement accepté par les ordres juridiques concernés. Par ailleurs, afin de pallier tout risque de fraude, la
plupart des Etats où l‟incorporation est couramment pratiquée en limite plus ou moins strictement les effets ».
223
s‟agit évidemment de l‟exercice de la compétence territoriale, principe posé à l‟article 4 (1)
de la convention. Certains dirigeants855 de la filiale, responsables pour les actes corrompus,
pourraient être visés directement dans l‟hypothèse où ces derniers sont ressortissants d‟un
Etat partie à la convention qui reconnaît la compétence - basée sur la nationalité – de ses
juridictions nationales. Il est question ici de la disposition de l‟article 4 (2) de la
convention de l‟OCDE. Cependant, si l‟acte de corruption a eu lieu sur le territoire d‟un
Etat non partie à la convention, et si les dirigeants de la filiale sont les ressortissants d‟un
autre pays non partie à la convention, alors les dispositions de la convention de l‟OCDE ne
viseraient certainement pas les agissements illicites de la filiale ou de ses responsables.

Au moins un commentateur suggère qu‟il serait raisonnable d‟interpréter la


convention comme impliquant la responsabilité de la société mère pour les actes des leurs
filiales sous une condition. La condition se rapporterait à la proximité du rapport entre la
filiale et la société mère. Une proximité importante pousserait à penser que la filiale agit en
tant qu‟intermédiaire856. Il serait question de savoir si un lien de hiérarchie existe entre la
société mère et la filiale. Il s‟agit évidemment d‟une hypothèse très différente de celle où la
filiale agit de manière indépendante. On pourrait imaginer ces conditions satisfaites dans le
cadre d‟une domination de la filiale par la société mère 857. Il faudrait savoir si en réalité la
filiale est ou non indépendante de la société mère. En effet, il convient de révéler le vrai
pouvoir de décision en œuvre et ainsi on pourra pierce the corporate veil858. On fait
référence ici aux critères d‟incrimination de la corruption indirecte 859.

La société mère et ses dirigeants peuvent être tenus responsables lorsqu‟ils sont
impliqués d‟une manière ou d‟une autre dans l‟infraction en tant que complices 860, y
compris du fait de l‟autorisation donnée.

Lorsque la maison mère n‟est pas au courant des pots-de-vin (ou peut faire valoir de

855 Pour l‘analyse de la responsabilité pénale des personnes morales, cf., supra, chapitre 3.
856 I. ZERBES, op.cit., p. 129.
857 Ibid., p. 129.
858 Soulever la voile, percer la construction juridique pour savoir comment fonctionnent en réalité les
personnes morales en question ; voir en ce sens I. ZERBES, op.cit., p. 130.
859 Cf., supra, chapitre 2 ; M. LEVI, op.cit., p. 39.
860 L‘article 1 (2) de la convention de l‘OCDE.
224
façon convaincante qu‟elle ne l‟est pas), l‟Etat d‟accueil de la société mère pourrait exercer
sa compétence sur la base de la nationalité ou en fonction des faits de la cause et en
s‟appuyant sur l‟existence (variable) de la responsabilité des personnes morales 861 pour
manquement au devoir de contrôle 862.

§ 3 - Les solutions proposées par le FCPA à l’égard des filiales à


l’étranger

En amont de la promulgation du FCPA en 1977, le Congress américain connaissait


très bien l‟utilisation par des entreprises américaines de leurs filiales comme d‟un canal
pour réaliser les paiements corrompus863. Le Congress avait initialement prévu de viser les
filiales dont une entreprise américaine était le propriétaire ou qu‟elle était en mesure de
contrôler 864. Le Congress avait estimé que c‟était « approprié d‟étendre la portée du projet
de loi aux filiales domiciliées hors des Etats-Unis en raison de l‟usage important de telles
entités comme canal pour des paiements douteux ou abusifs à l‟étranger et autorisés par la
société mère états-unienne »865. En ce sens, le Congress souhaitait élargir la compétence
des juridictions américaines à l‟égard des filiales pour éviter une échappatoire juridique
importante à travers laquelle des millions de dollars pourraient continuer à s‟écouler 866.
Cette disposition n‟a pas pourtant été étudiée par le Sénat américain pour des raisons de
difficultés de compétence, mise en œuvre et diplomatie867.

Il a été souligné que la société mère resterait néanmoins responsable pour tout acte
corrompu réalisé indirectement par le biais par exemple d‟une filiale à l‟étranger. En effet,
le FCPA vise des actes corrompus envers « quiconque, tout en sachant que l‟argent, dans
son entièreté ou en partie, ou la chose de valeur, dans son entièreté ou en partie, sera

861 Voir protocole II de l‘Union européenne, art. 3 § 2 ; Conseil de l‘Europe, art 18, § 2 ; voir
également la section 7 de la nouvelle loi britannique le Bribery Act 2010.
862 M. LEVI, op.cit., p. 39.
863 H. LOWELL BROWN, « Parent-Subsidiary Liability Under the Foreign Corrupt Practices Act »,
op.cit., p. 19.
864 H.R. Rep. No. 95-640, at 11-12 (1977).
865 H.R. Rep. No. 95-640, at 11-12 (1977).
866 H.R. Conf. Rep. No. 95-640, at 12 (1977).
867 H.R. Rep. No. 95-831, p 14 (1977), voir également 1977 U.S.C.C.A.N. 4121, 4126.
225
offert ou offerte, donné ou donnée, ou promis ou promise directement ou indirectement à
tout officiel étranger […] »868. On est ici dans le cadre de la corruption indirecte, les
paramètres ayant déjà été étudiés ci-dessus, cela ne fera pas l‟objet de développements
supplémentaires869. La responsabilité de la société mère pour les actes d‟une filiale se
mesure à l‟aune de son implication et son contrôle de ladite filiale870. Ainsi la société mère
pourrait être responsable pour un paiement réalisé par la filiale si ce paiement a été autorisé
par la société mère871.

Comme on a pu le constater 872, le FCPA tel que modifié en 1998 prévoit une
responsabilité directe à l‟encontre d‟une filiale d‟une entreprise américaine (ou son agent)
si la filiale est un émetteur d‟actions873 ou si la filiale réalise un acte aux fins de faciliter un
acte corrompu sur le territoire américain 874. Le FCPA vise également les employés des
filiales étrangères si ces derniers sont des ressortissants américains. En ce sens, le FCPA
s‟applique aux ressortissants américains employés par des filiales étrangères alors que la
filiale elle-même pourrait ne pas être assujettie aux dispositions anticorruption du FCPA.
Pour ce dernier point, les dispositions de compétence alternative prévoient qu‟il n‟est pas
nécessaire qu‟il ait été fait usage des moyens et instruments du commerce international 875.
En dehors de ce cas de figure, la filiale pourrait être visée par le droit pénal du pays où elle

868 §§ 78 – 1 (a) (3), 78 – 2 (a) (3), 78 – 3 (a) (3).


869 Cf., supra, chapitre 2.
870 Les tribunaux américains ont basé la responsabilité de la société mère des actes des filiales sur les
principes d‘agency, voir en ce sens : United States v. Exxon Corp. & Exxon Shipping Co., No. A90-
015-1CR, pp. 2-8 (D. Alaska Oct. 29, 1990) ; United States v. Johns-Manville, 231 F. Supp 690, 698
(E.D. Penn. 1963), H. LOWELL BROWN, « Parent-Subsidiary Liability Under the Foreign
Corrupt Practices Act », op.cit., p. 36 ; voir en ce sens Pacific Can Co. v. Hewes, 95 F.2d 42, 46 (9th
Cir. 1938) : « where one corporation is controlled by another, the former acts not for itself but as directed by the
latter, the same as an agent, and the principal is liable for the acts of its agent within the scope of the agent's
authority ».
871 §§ 78 dd – 1 (a), 78 dd – 2 (a), 78_dd – 3 (a).
872 Cf., supra, section 2.
873 § 78 dd – 1.
874 § 78 dd – 3.
875 § 78 dd-1(g)(2), - 2(i)(2), §§ 78 dd-1(g)(1), 2(i)(1) « ait fait ou non usage du courrier postal ou d‟un
quelconque moyen ou instrument de commerce entre États pour faciliter une telle offre, cadeau, paiement, promesse ou
autorisation » ; D. FLORE, op.cit., p. 41 ; H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction
under the 1998 Ammendments to the Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s
Reach now exceed its grasp ? », op.cit., pp. 12 – 15.
226
est opère. Si ce pays n‟incrimine pas ce genre de paiement, on pourrait imaginer que la
filiale puisse être incriminée par le pays de l‟agent public étranger corrompu 876.

On notera que le FCPA, à travers les dispositions relatives aux normes comptables,
a trouvé un moyen de viser certaines activités des filiales à l‟étranger. En effet, en cas
d‟infraction, les « émetteurs d‟actions » peuvent se trouver visés par les dispositions
relatives aux normes comptables du FCPA. Au niveau des manquements comptables, la
société mère peut être responsable pour l‟acte de la filiale selon plusieurs hypothèses : la
société mère détient au moins cinquante pour cent du pouvoir de vote dans la filiale877 ; si
les paiements corrompus sont enregistrés explicitement sur les livres comptables de la
filiale, il serait présumé que la société mère avait connaissance des paiements ; même si la
société mère n‟est pas un émetteur de valeurs (et donc pas visés par le volet comptabilité
du FCPA), si l‟influence de la société mère sur la filiale est tellement importante que les
deux entités semblent indivisibles, alors on pourrait invoquer la responsabilité directe de la
société mère878.

En ce sens, les dispositions relatives aux normes comptables du FCPA ont rendu
possible les poursuites à l‟encontre des filiales étrangères des sociétés américaines portées
devant les tribunaux américains879. On peut prendre pour exemple les poursuites à
l‟encontre de la société Montedison sous les dispositions comptables du FCPA. Dans
l‟affaire Montedison880, la SEC 881 a poursuivi une société italienne (émetteur d‟actions

876 K. LOKEN, op.cit., p. 333.


877 H.R. Conf. Rep. No. 100-576, op.cit, p 917.
878 Voir le principe de l‟alter ego dans le droit anglo-saxon.
879 Par exemple U.S. Syncor Taiwan, Inc., No. 02 – CR – 1244 – ALL (C.D. Ca.).
880 SEC v. Montedison, S.p A., Civil Action, No. 1 :96CV02631 (H.H.G.) (D.D.C.Nov.21, 1996) ; on
note que la jurisprudence américaine à ce sujet est importante, on pourrait faire référence ici aux
affaires suivantes : Baker Hughes, SEC Securities Exchange Act of 1934 Release No. 44784,
Accounting and Auditing Enforcement Release No. 1444, Findings and Order in the matter of
Baker Hughes Incorporated, September 12, 2001 ; IBM Argentina, SEC Securities Exchange Act of
1934 Release No. 43761, Accounting and Auditing Enforcement, Release No. 1355, Findings and
Order in the matter of IBM Corporation, December 21, 2000 ; SEC Litigation Release No. 16839,
IBM Settlement, December 21, 2000 ; ABB, SEC Litigation Release No 18775, Accounting and
Auditing Enforcement Release No. 2049, ABB Settlement, July 6, 2004 ; Diagnostics Products
Corporation (DPC), SEC Securities Exchange Act of 1934 Release No. 51724, Accounting and
Auditing Enforcement, Release No. 2249, Findings and Order in the matter of DPC Corporation,
May 20, 2005.
227
selon le droit américain) dont le siège social se trouvait à Milan pour des actes d‟une filiale
de Montedison, domiciliée en Suisse.

Montedison882 a été condamné à payer une amende civile de trois cent mille dollars.
Ce fut une des premières affaires de corruption intentées à l‟encontre d‟une société
étrangère qui était un « émetteur d‟actions ». Les paiements corrompus ont été versés par
une société italienne, aux agents publics italiens par le biais des filiales offshore 883. Cette
affaire démontre bien évidemment la responsabilité de la société mère pour les actes
illicites de ses filiales, mais elle illustre aussi la portée extraterritoriale du FCPA, même s‟il
s‟agit en occurrence des dispositions comptables et non l‟infraction de la corruption
proprement dite de l‟agent public étranger objet de la présente recherche. La justice
américaine aurait eu beaucoup plus de difficulté selon le droit international, à justifier la
compétence de ses juridictions relative aux actes de corruption interne en Italie.

L‟exercice de cette compétence extraterritoriale par les Etats-Unis apparaît être


fondée sur la théorie que les agissements de Montedison, bien que réalisés complètement
en dehors des Etats-Unis, ont eu néanmoins un effet important au sein du territoire des
Etats-Unis (par exemple les rapports ou informations inexacts donnés aux investisseurs
américains).

§ 4 - La portée extraterritoriale de la nouvelle loi britannique contre la


corruption de 2010

Le Bribery Act 2010, nouvelle loi du Royaume-Uni contre la corruption est entrée
en vigueur le 1 juillet 2011. Il convient de rappeler que la portée extraterritoriale de cette
loi est potentiellement très ample. En effet, la section 7 qui vise la prévention de la

881 La SEC est l'institution en charge de veiller à la bonne application des règles qui régissent
le marché boursier des Etats-Unis (règles d'admission, fonctionnement du marché et des
intervenants, suivi de l'information communiquée au marché...). La SEC est l'équivalent aux Etats-
Unis de l'AMF en France.
882 Pour une analyse plus approfondie de l‘affaire Montedison, voir : H. LOWELL BROWN, « The
extra-territorial reach of the U.S. Government‘s Campaign Against International Bribery », op.cit.,
pp. 440 – 456.
883 http://fcpa.shearman.com/?s=matter&mode=form&id=68.
228
corruption contient un libellé très large. La nouvelle loi apportera un élargissement
considérable à l‟approche britannique traditionnelle et cette disposition aura des
conséquences importantes pour la question de la compétence extraterritoriale. On peut
même dire dès maintenant que la section 7 884 de la loi britannique va potentiellement plus
loin que le FCPA dans sa portée extraterritoriale. Cet article crée une nouvelle infraction
qui a trait au manque de surveillance et à la prévention de la corruption par une personne
morale.

La section 7 s‟applique à toute « organisation commerciale pertinente ». Les


dispositions de cette loi ont pour conséquence qu‟elle s‟applique aussi à pratiquement toute
société multinationale885, car la majorité des ces sociétés pratiquent leurs activités
commerciales d‟une certaine façon sur le territoire britannique.

Pour qu‟une personne morale (corporation ou partnership) commette une des


infractions visée à la section 7, une personne qui est « associée» à la personne morale doit
avoir violé la section 1 ou 6 (qui concerne la corruption d‟un agent public étranger) de la
loi. Cette catégorie de personnes comprend des personnes ou entités prestataires 886 de
services pour ou de la part de la personne morale. Cela inclut les employés, agents ou
filiales887. Jusqu‟à la preuve du contraire, il y a une présomption que les employés de la
personne morale appartiennent à cette catégorie 888. Le texte de 2010 permet une
interprétation très large du lien entre cette personne ou entité et la personne morale 889. Il
reste évidemment des interrogations quant aux conséquences juridiques de ces dispositions
sur les filiales à l‟étranger. En effet, la section 7 pourrait concerner toutes les filiales d‟une
société multinationale890.

Pour conclure, il reste à savoir si les activités de la filiale d‟une société mère qui est
une « organisation commerciale pertinente » pourraient engager la responsabilité de la

884 http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2010/23/section/7.
885 F. J. WARIN, C. FALCONER, M. S. DIAMANT, op.cit., p. 28.
886 Article 8 (1).
887 Article 8 (3).
888 Article 8 (5).
889 Article 8 (2) et 8 (4).
890 F. J. WARIN, C. FALCONER, M. S. DIAMANT, op.cit., pp. 29 – 30.
229
filiale ou de la société mère sous la section 7 de cette loi. Dans le cas où l‟on pourrait
qualifier une filiale comme faisant partie 891 (alter ego) de la société mère, la portée de la loi
britannique aurait des effets extraterritoriaux extrêmement importants.

SECTION 4

LA TENTATION DE L’AMERICANISATION DU DROIT INTERNATIONAL :


L’ APPLICATION EXTRATERRITORIALE DU FOREIGN C ORRUPT P RACTICES ACT

Les Etats-Unis, à travers l‟application de réglementations anti-trust ou les mesures


de contrôle des exportations, font preuve d‟une forte volonté d‟exportation juridique. La
lutte contre la corruption est aussi une manifestation concrète de cette politique. En ce
sens, la présente recherche focalise tout particulièrement sur le droit américain car la
volonté extraterritoriale du FCPA semble être traduite par l‟internationalisation de la lutte
contre la corruption. Cette exportation juridique est concrétisée d‟une part par la mise en
œuvre étendue du FCPA et d‟autre part par la signature de conventions internationales sur
la base du FCPA.

Le 28 juin 2010, Technip, une société française892 a accepté de payer trois cent
trente huit millions de dollars au gouvernement des Etats-Unis afin de régler les poursuites
à son encontre sous la loi fédérale américaine, le Foreign Corrupt Practices Act. Ces
faits893 reflètent une tendance allant vers un élargissement de l‟extraterritorialité du FCPA
dans l‟incrimination des sociétés étrangères ayant des liens tangentiels avec les Etats-Unis.
Ainsi, en premier lieu on étudiera l‟approche du droit états-unien à la question de la
compétence extraterritoriale (§ 1). Dans un deuxième temps, il conviendrait d‟analyser
l‟élargissement extraterritorial du FCPA à la suite des modifications de cette loi en 1998.
Pour élargir la compétence des juridictions nationales américaines en matière des
infractions des personnes physiques et entités étrangères, le Congress américain s‟est

891 Voir la notion de l‟alter ego ci-dessus cette section.


892 Technip est considérée comme un « émetteur d‘actions » selon le droit américain.
893 Plus tôt en 2010, le géant des télécommunications – Alcatel - a annoncé un accord de
$ 137.4 millions avec les autorités des Etats-Unis afin de régler des poursuites selon la même loi.
230
appuyé sur le principe de territorialité (§ 3). En élargissant la compétence des mêmes
juridictions pour viser les actes des ressortissants ou entités américains à l‟étranger le
Congress américain s‟est appuyé sur le principe de nationalité (§ 2).

§ 1 – La volonté états-unienne d’exportation juridique

A - L’approche du droit américain en matière de juridiction


extraterritoriale

Il est dans l‟intérêt de la présente recherche de relever trois points importants


relatifs à l‟approche du droit états-unien en matière de compétence extraterritoriale.
Premièrement, le droit américain opère une présomption contre la compétence
extraterritoriale (1). Deuxièmement, il existe certains infléchissements à ce principe,
surtout en matière économique (2). En dernier lieu, on notera que le Restatement du droit
américain894 dispose que l‟exercice de cette forme de compétence doit être raisonnable (3).

1 - Une présomption contre la compétence extraterritoriale

Le droit américain opère une présomption contre la juridiction extraterritoriale 895.


Cette présomption a été retenue par les tribunaux américains depuis l‟affaire American
Banana v. United Fruit 896 devant la Cour suprême états-unienne en 1909. L‟approche des
juridictions états-uniennes est la suivante : « all legislation is prima facie territorial »897.

894 Dans le droit américain, les Restatements sont un ensemble de traités sur des sujets juridiques qui
visent à informer les juges et les avocats au sujet des principes généraux du droit commun. Il y a eu
trois séries de redressements à ce jour, tous publiés par l‘Institut de droit américain , une
organisation de juristes universitaires et praticiens fondée en 1923.
895 Le Restatement du droit américain précise les critères d‘exercice de la compétence normative : § 402.
Bases of jurisdiction to prescribe Subject to § 403, a state has jurisdiction to prescribe law with
respect to (1) (a) conduct that, wholly or in substantial part, takes place within its territory; (b) the
status of persons, or interests in things, present within its territory; (c) conduct outside its territory
that has or is intended to have substantial effect within its territory; (2) the activities, interests,
status, or relations of its nationals outside as well as within its territory; and (3) certain conduct
outside its territory by persons not its nationals that is directed against the security of the state or
against a limited class of other state interests.
896 American Banana v. United Fruit, 213 U.S. 347, 357 (1909).
897 Foley Bros. v. Filardo, 366 U.S. 281, 285 (1949).
231
Pour les tribunaux américains, le Congress érigerait les lois qui concernent principalement
les affaires domestiques et que le Congress n‟entendrait pas, en principe, enfreindre les
principes juridiques d‟autres nations898. On trouve un écho de pareille analyse dans la
jurisprudence internationale dans l‟affaire du Lotus : « la limitation primordiale qu‟impose
le droit international à l‟Etat est celle d‟exclure – sauf l‟existence d‟une règle permissive
contraire – tout exercice de sa puissance sur le territoire d‟un autre Etat »899.

2 - Une présomption nécessairement infléchie

Sous certaines conditions, le Congress américain serait cependant compétent pour


ériger des lois à portée extraterritoriale. La jurisprudence américaine estime que le
Congress devrait alors clairement signaler toute visée extraterritoriale d‟une loi 900.
Néanmoins, pour au moins un commentateur juridique, le Congress ne précise pas assez
clairement son intention concernant la portée extraterritoriale d‟une loi 901. Cela serait dans
la pratique les tribunaux américains qui détermineraient la portée éventuelle d‟une loi. En
général, le Congress américain serait disposé à ériger des lois à portée extraterritoriale dans
le cadre d‟un besoin spécifique d‟accomplir un objectif « discrete »902. Le domaine où la
portée extraterritoriale des lois américaines est le plus utilisé est surtout le domaine
économique, par exemple en matière d‟antitrust et des valeurs mobilières.

3 - Un exercice raisonnable de la compétence extraterritoriale des juridictions


nationales

Le Restatement of Foreign Relations Law précise qu‟il y a cinq bases pour


« prescribe law ». Il s‟agit de la compétence personnelle, active 903 et passive,904 la
compétence universelle905, la compétence de protection 906 et la compétence territoriale 907

898 W. ESTEY, op.cit., p. 177.


899 Affaire du Lotus, C.P.J.I. série A N° 10.
900 Equal Employment Opportunity Comm'n v. Arab-American Oil Co., 499 U.S. 244 (1991).
901 W. ESTEY, op.cit., p. 177.
902 Ibid., p. 178.
903 § 402(2).
904 § 402.
905 § 404.
232
(plus largement la doctrine de l‟effet). L‟exercice de cette compétence doit être
raisonnable. En effet, le droit américain dispose au paragraphe 403 du Restatement of
Foreign relations Law qu‟un Etat « may not exercise jurisdiction to prescribe law with
respect to a person or activity having connections with another State when the exercise of
such jurisdiction is unreasonable. » Le Restatement précise les éléments permettant de
déterminer ce caractère raisonnable 908. Selon Madame le Professeur Stern, on peut y voir
cependant « une prise de considération de facteurs politiques qui n‟ont plus grand-chose à
voir avec la détermination juridique du contenu du « rattachement raisonnable » par le
droit international public »909.

B - La possibilité d’exportation juridique ouverte par le FCPA

1 - Une motivation d’ordre éthique

A la suite des révélations dans le sillage de l‟affaire du Watergate, une enquête de


1976 par la SEC avait révélé au grand jour l‟importance des paiements corrompus réalisés

906 § 402(3).
907 § 402(1)(c).
908 Restatement (third) of foreign relations § 403. Limitations on jurisdiction to prescribe (1) Even when one
of the bases for jurisdiction under § 402 is pre sent, a state may not exercise jurisdiction to
prescribe law with respect to a person or activity having connections with another state when the
exercise of such jurisdiction is unreasonable. (2) Whether exercise of jurisdiction over a person or
activity is unreasonable is determined by evaluating all relevant factors, including, where
appropriate: (a) the link of the activity to the territory of the regulating state, i.e., the extent to
which the activity takes place within the territory, or has substantial, direct, and foreseeable effect
upon or in the territory; (b) the connections, such as nationality, residence, or economic activity,
between the regulating state and the person principally responsible for the activity to be regulated,
or between that state and those whom the regulation is designed to protect; (c) the character of the
activity to be regulated, the importance of regulation to the regulating state, the extent to which
other states regulate such activities, and the degree to which the desirability of such regulation is
generally accepted. (d) the existence of justified expectations that might be protected or hurt by the
regulation; (e) the importance of the regulation to the international political, legal, or economic
system; (f) the extent to which the regulation is consistent with the traditions of the international
system; (g) the extent to which another state may have an interest in regulating the activity; and (h)
the likelihood of conflict with regulation by another state. (3) When it would not be unreasonable
for each of two states to exercise jurisdiction over a person or activity, but the prescriptions by the
two states are in conflict, each state has an obligation to evaluate its own as well as the other state's
interest in exercising jurisdiction, in light of all the relevant factors, including those set out in
Subsection (2); a state should defer to the other state if that state's interest is clearly greater.
909 B. STERN, op.cit., p. 9.
233
par les entreprises américaines lors des marchés à l‟étranger. En 1977, dans le sillage des
ces révélations, le FCPA a été promulgué. A priori, cette législation a été motivée par une
volonté du Congress américain de relancer la confiance dans les entreprises américaines
dont la réputation a été endommagée par ces révélations. Le Congress américain estimait
que la corruption avait un effet néfaste sur la réputation des entreprises américaines. Cette
législation est, d‟une certaine manière un reflet de l‟approche moraliste de l‟administration
du Président J. Carter 910.

D‟un point de vue de politique étrangère, la législature américaine avait la


conviction que la corruption par des entreprises américaines pouvait créer des problèmes
sérieux pour les Etats-Unis. En ce sens, le Congress était de l‟avis que ces paiements
pourraient embarrasser les gouvernements „amis‟, réduire l‟estime des ressortissants
étrangers pour les Etats-Unis, et renforcer l‟idée que les entreprises américaines exercent
une influence corrompue sur le fonctionnement politique de pays tiers 911.

2 - Une motivation d’ordre économique

Il y a vingt-cinq ans, Mme le Professeur Stern posait déjà le principe de la volonté


d‟exportation juridique des Etats-Unis : « sous la pression de l‟internationalisation
croissante de l‟économie, les Etats – en en particulier les plus puissants du point de vue
économique comme les Etats-Unis [ont] tendance à méconnaître de plus en plus souvent et
gravement [l]es critères de compétence étatique, pour adopter des normes
extraterritoriales par lesquelles ils prétendent régenter des situations économiques qui
échappent à leur emprise juridique, mais qu‟ils estiment concerner leurs intérêts
économiques ou politiques »912.

L‟extraterritorialité du FCPA semble alors faire partie d‟une politique américaine

910 C. J. DUNCAN, op.cit., p. 11.


911 Business Accounting and Foreign Trade Simplification Act: Hearings on S. 430 Before the
Subcomm. on Int'l Fin. and Monetary Policy and the Subcomm. on Sec. of the Comm. on
Banking, Hous., and Urban Affairs, 99th Cong., 2d Sess. 20-21 (1986); H.R. Rep. No. 95-640, at 5
(1977).
912 B. STERN, op.cit., p. 11 ; voir également, P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 113 : « soit qu‟ils
veuillent appliquer de façon cohérente et efficace leur législation économique (notamment, les lois anti-trust), soit qu‟ils
prennent délibérément des mesures d‟application extérieure, inspirées par des mobiles de politique étrangère ».
234
plus large d‟exportation de législation économique. Il s‟agit du besoin essentiel pour les
Etats développés qui exportent beaucoup de capital – par exemple les Etats-Unis et les
autres pays de l‟OCDE – de protéger leurs investissements et contrôler au mieux ces
échanges à l‟étranger. En affirmant que le FCPA avait produit un effet anticoncurrentiel
envers ses propres entreprises, les Etats-Unis ont en ce sens exercé une forte pression
internationale pour que soit conclu une convention internationale de lutte contre la
corruption dans le sens du FCPA. Avec l‟entrée en vigueur de la convention de l‟OCDE,
les Etats-Unis ont réussi à « niveler le terrain de jeu »913. A la lecture des conventions
internationales de lutte contre la corruption en vigueur, on peut parler d‟une
internationalisation des normes américaines qui témoignent certainement de leur volonté
de maîtriser ces échanges commerciaux.

3 - Un danger d’impérialisme économique et moral

On souligne que les pays qui accueillent ces investissements étrangers ont une
volonté de faire respecter leur souveraineté territoriale et économique. Ces pays « désirent
assurer l‟application de leurs lois sur l‟ensemble des activités, nationale ou étrangères,
menées à l‟intérieur de leur zone de juridiction »914. On constate que de nombreuses
nations trouvent les dispositions extraterritoriales du FCPA intrusives et peu respectueuses.
D‟ailleurs, certains commentateurs suggèrent une volonté américaine d‟impérialisme moral
et d‟ethnocentrisme. 915 Certaines nations, tel que l‟Indonésie, ont une vision très négative
de l‟application extraterritoriale de ce genre de disposition 916. Pour le cas de l‟Indonésie,
on constate une culture forte du don et d‟octroie de « cadeaux » lors des transactions.

La question peut légitimement se poser quant aux éventuelles « lois de blocage »


par les Etats « victimes ». En effet, l‟exemple de la volonté extraterritoriale américaine
dans le domaine de l‟anti-trust démontre la promulgation de ce genre de norme par d‟autres
Etats afin de se protéger à l‟encontre des mesures qui peuvent être perçues comme des

913 Cf., supra, introduction générale.


914 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 107.
915 S. R. SALBU, « Battling global corruption in the new millennium », Law and Policy in International
Business Fall, 1999, pp. 48 – 78.
916 C. J. DUNCAN, op.cit., pp. 7 – 10.
235
atteintes à la souveraineté.

§ 2 – La loi du 12 novembre 1998 : l’extension du champ d’application


du Foreign Corrupt Practices Act par le principe de nationalité

La question de l‟extension du champ d‟application du FCPA a des répercussions


importantes pour ce qui concerne les filiales à l‟étranger des sociétés américaines. Cette
question sera traitée ci-après917. Cependant il est intéressant de présenter ici les éléments
essentiels de l‟extension du FCPA sans développer leur impact sur de telles filiales.

Avant 1998, les ressortissants et entités américaines étaient visés par le FCPA
seulement dans le cas où ils avaient utilisé « de manière malhonnête » le courrier postal ou
tout moyen ou instrument de commerce entre États pour faciliter un acte illicite. Le droit
américain utilise la notion de « nexus » territorial pour décrire ce lien territorial. Cela
constituait un frein à l‟exercice de la compétence des juridictions américaines.

Conformément au mandat de la convention de l‟OCDE, les modifications du FCPA


en 1998 ont élargi la compétence des juridictions nationales américaines relative aux actes
réalisés par des ressortissants et entités américains à l‟extérieur du territoire américain.

Cette compétence extraterritoriale est fondée sur le principe de personnalité active :


en ce sens pourront être poursuivies les personnes de nationalité américaine et les
entreprises de droit américain qui auront accompli « de manière malhonnête » tout acte
hors du territoire des Etats-Unis, « aux fins de faciliter » un acte visé par les dispositions
pertinentes du FCPA. Selon la disposition dite « compétence alternative » il n‟est pas
exigé par la loi qu‟il ait été fait usage des moyens et instruments du commerce
international 918. Le besoin du lien territorial est ainsi supprimé 919. Cela suggère, en effet,

917 Cf., infra, ce chapitre, section 4.


918 § 78 dd-1(g)(2), - 2(i)(2), §§ 78 dd-1(g)(1), 2(i)(1) « ait fait ou non usage du courrier postal ou d‟un
quelconque moyen ou instrument de commerce entre États pour faciliter une telle offre, cadeau, paiement, promesse ou
autorisation » ; D. FLORE, op.cit., p. 41 ; H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction
under the 1998 Ammendments to the Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s
Reach now exceed its grasp ? », op.cit., p. 11.
236
que le FCPA peut viser les agents et les employés des entreprises américaines et les
ressortissants américains à l‟étranger qui ont très peu de contact avec les Etats-Unis920.

§ 3 – La loi du 12 novembre 1998 : l’extension du champ d’application


du Foreign Corrupt Practices Act par le principe de territorialité

A - Le FCPA avant 1998

Au moment de la promulgation du FCPA et les premières modifications en 1988, le


Congress américain n‟a pas laissé la possibilité aux juridictions nationales américaines
d‟exercer leur compétence à l‟égard des personnes physique ou morales non américaines.
Malgré le témoignage important concernant l‟usage des filiales offshore921 aux fins de
réaliser les paiements corrompus à l‟étranger, et l‟usage des intermédiaires, le Congress
avait néanmoins décidé de ne pas viser ces catégories de personnes. Ainsi, si la personne
étrangère n‟était pas considérée comme un « émetteur d‟action » selon le droit américain,
et s‟il n‟y avait pas d‟autre base de compétence, alors cette personne ne rentrait pas dans le
champ d‟application du FCPA922.

Lors des négociations en amont de la promulgation du FCPA, la définition


d‟entreprise nationale avait compris une définition qui comprenait les filiales à
l‟étranger 923. Cependant, le Sénat américain n‟a pas retenu cette définition 924. Le Congress
avait fait part au Sénat de ses hésitations en reconnaissant les conflits possible au niveau du
droit international et comity 925 qui pourrait avoir lieu en cas de l‟exercice de la compétence

919 Voir B. CRUTCHFIELD GEORGE, K. A. LACEY, J. BIRMELE, « On the threshold of the


Adoption of Global Antibribery Legislation : A Critical Analysis of Current Domestic and
International Efforts Toward the Reduction of Business Corruption », op.cit., p. 12.
920 M. MARIS, E. SINGER, op.cit., p. 586.
921 Cf., infra, ce chapitre, section 4.
922 H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the
Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit.,
pp. 303 et seq.
923 H.R. Rep. No. 95-640, p 4 (1977).
924 S. Rep. No. 95 – 114, p 3 (1977).
925 Courtoisie envers l‘ordre juridique étranger qui présente des points de rattachement suffisant avec
l‘affaire ; voir l‘adage en latin « comitas gentium » , courtoisie entre nations, notion analogue de
237
des juridictions américaines à l‟égard des ressortissant étrangers à l‟extérieur du territoire
américain.

B - Les modifications du FCPA relative au principe de territorialité

Les modifications du FCPA ont créé une extension extraterritoriale 926 de la


compétence des tribunaux américains aux personnes autres que des personnes et entités
américaines927. En ce sens, les modifications de 1998 disposent que les provisions
anticorruption du FCPA s‟appliquent aux ressortissants étrangers qui utilisent « de manière
malhonnête les services postaux ou tout autre moyen ou instrument de commerce entre
États aux fins de faciliter une offre, un versement, une promesse de paiement ou une
autorisation de paiement de tout argent, ou offre, cadeau, promesse de donner, ou
autorisation de donner toute chose de valeur à [….] »928. Il existe alors une exigence de
lien territorial avec les Etats-Unis. Les actes comprennent, mais ne se limitent pas, à
l‟utilisation des services postaux ou au commence entre Etats 929.

Cette extension extraterritoriale du FCPA est significative. Avant les modifications


de 1998, seuls les entreprises américaines ou ressortissants américains pouvaient être visés
pour un acte corrompu par un « foreign business partner ». Dès 1998, le même « foreign
business partner » peut se trouver directement responsable selon le FCPA 930. L‟extension
juridique du FCPA aux ressortissants étrangers s‟ouvre alors à pratiquement tout contact
avec les Etats-Unis, même lorsque ce contact, ce lieu, est très tenu 931. Par exemple, un
homme d‟affaire indonésien et son entreprise indonésienne sont dorénavant

courtoisie internationale ; La courtoisie international peut être définie de la manière suivante :


« ensemble de pratiques et de préceptes observés dans les rapports internationaux, et déterminés, non par le sentiment
de respecter une obligation juridique, mais par des considérations de convenance et d‟égards mutuels conformes aux
exigences d‟une bienséance réciproquement pratiquée. La courtoisie se caractérise ainsi par l‟absence d‟un sentiment
d‟obligation juridique, » J. SALMON, op.cit., p. 282.
926 C. J. DUNCAN, op.cit., pp. 7 – 10.
927 15 U.S.C. § 78dd-3.
928 § 78 dd – 2 (3).
929 15 U.S.C. § 78dd-3(a).
930 C. J. DUNCAN, op.cit., pp. 7 - 10.
931 H. LOWELL BROWN, « Extraterritorrial Jurisdiction under the 1998 Ammendments to the
Foreign Corrupt Practices Act : Does the Government‘s Reach now exceed its grasp ? », op.cit.,
pp. 358 – 359.
238
potentiellement visés par le FCPA pour un paiement corrompu à un fonctionnaire
indonésien, qui a eu lieu en Indonésie, si une partie des fonds était en provenance des
Etats-Unis932.

CONCLUSION

L‟étude des titres de compétence des juridictions nationales pour connaître les
affaires de corruption d‟agent public étranger fournit un premier exemple important de la
manière dont l‟efficacité de la lutte contre la corruption d‟agent public étranger est
tributaire de la coordination de celle-ci entre les Etats parties aux conventions
internationales. Cela est très clair au vu de la « pluralité des chefs de compétence prévus
par les textes »933. En effet, les juridictions de plusieurs Etats parties peuvent être
compétentes pour connaître la même infraction de corruption d‟agent public étranger, ce
qui nécessiterait une coordination voire une concertation interétatique au vu de l‟efficacité
des poursuites.

On remarque que la problématique de la compétence se pose tout particulièrement


en matière d‟actes de corruption réalisés par les filiales à l‟étranger. Cela représente un
véritable chantier futur pour la lutte contre la corruption. Cette question est, en effet, peu
abordée par les textes internationaux ou de manière peu satisfaisante. On peut imaginer
que la volonté des Etats domiciles des sociétés mères de mettre en péril l‟activité
économique des filiales ne soit pas importante. Cependant, dans la mesure où ces entités
puissent se livrer à des actes corrompus pour le compte de la société mère, il serait logique
de rendre les juridictions nationales de la société mère compétentes pour connaître de tels
faits.

En dernier lieu, on note que seuls les Etats-Unis connaissent une mise en œuvre
extraterritoriale en matière de lutte contre la corruption que l‟on peut désigner d‟agressive.
Ces derniers se livrent ainsi à une lutte contre la corruption loin de son territoire. Si au vu
des certaines affaires récentes on peut y voir une efficacité relativement importante de la

932 C. J. DUNCAN, op.cit., p. 9.


933 Y. RADI, op.cit., p. 200.
239
politique étatsunienne en la matière, l‟interrogation reste ouverte quant à la motivation
principale qui conduit la première puissance économique mondiale à procéder ainsi.

240
CHAPITRE 5

LA COOPERATION JUDICIAIRE INTERETATIQUE

La justice pénale - à l‟exception de la question de l‟extradition - a été longtemps


considérée d‟un point de vu exclusivement national. La facilitation de l‟assistance ou de
l‟entraide juridique envers un autre Etat n‟était pas considérée comme obligatoire. Les lois
pénales étaient alors le reflet d‟un monde où les infractions pénales et leurs effets se
faisaient sentir surtout au sein du territoire de l‟Etat concerné 934. Cette situation a pourtant
largement évolué et comme le souligne l‟Appel de Genève ; lutter véritablement contre la
corruption internationale nécessite un dispositif de coopération judiciaire efficace. Toute
exception ou exclusion à la coopération juridique interétatique efficace serait synonyme
d‟une lacune dans le dispositif international juridique de lutte contre la corruption.

Avant d‟aborder la question spécifique de la coopération internationale dans la lutte


contre la corruption, il convient d‟étudier la question de la coopération judiciaire
interétatique dans le contexte du droit international. Il sera question de mettre en lumière
les raisons de l‟évolution de la coopération pénale internationale (Section 1). On analysera
ensuite l‟approche des textes internationaux de lutte contre la corruption et l‟efficacité de
ces derniers (Section 2).

934
A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, « Articles 9, 10 and 11. International Co-
operation », in M. PIETH et al., The OECD convention on Bribery, Cambridge, Cambridge University
Press, 2007, p. 409.

241
SECTION I

L’EVOLUTION HISTORICO INSTITUTIONNELLE DE LA COOPERATION PENALE


INTERNATIONALE

Lutter véritablement contre la corruption internationale nécessite un dispositif de


coopération judiciaire efficace. La présente recherche analysera l‟approche des textes
internationaux et l‟efficacité de ces derniers. Mais avant d‟aborder la question spécifique
de la coopération internationale dans la lutte contre la corruption, il convient d‟étudier la
question de la coopération judiciaire dans le contexte du droit international. Il est surtout
question de mettre en lumière les raisons de l‟évolution de la coopération pénale
internationale. Le droit international pénal a dû faire face aux nombreux changements dans
l‟évolution des infractions. En effet, le caractère international de certaines infractions a
nécessité une accélération de cette coopération entre les Etats (§1). La coopération
judicaire accrue a aussi été le résultat de certains changements dans la conscience
collective. Ainsi, on verra que la gravité de certains crimes exige une coopération
judiciaire spécifique (§2).

§ 1 – L’accélération de la coopération entre les Etats dans le domaine


du droit international pénal

L‟entraide judiciaire peut être défini comme la « coopération que deux ou plusieurs
Etats peuvent s‟accorder conventionnellement ou au cas par cas en matière
principalement administrative, civile, commerciale, pénale, sociale, fiscale ou judiciaire
pour la transmission, la reconnaissance réciproque et/ou l‟exécution d‟actes juridiques et
de jugements étrangers, pour la transmission d‟informations (y compris des données
informatiques), pour le transfert de personnes arrêtées (extradition, entraide pénale,
transfèrement de détenus), pour l‟exécution de missions d‟enquête, de commissions

242
rogatoires, de recherches de personnes disparus etc. »935.

La justice pénale, à l‟exception de la question de l‟extradition, a été longtemps


considérée d‟un point de vu exclusivement national 936. La facilitation de l‟assistance ou de
l‟entraide juridique envers un autre Etat n‟était pas considérée comme obligatoire. Les lois
pénales étaient alors le reflet d‟un monde où les infractions pénales et leurs effets se
faisaient sentir surtout au sein du territoire de l‟Etat concerné 937.

La mise en œuvre efficace de la coopération judiciaire interétatique doit faire face à


de nombreux obstacles. Lorsqu‟il est question de réaliser des opérations juridiques ou
matérielles sur le territoire d‟un autre Etat et qu‟un Etat requérant ne peut les y mener lui-
même, « il ne peut appartenir qu‟à l‟Etat étranger, s‟il y consent ou s‟il s‟y est engagé,
d‟user de sa compétence territoriale pour donner effet à un droit qui n‟est pas le sien »938.
Même en présence d‟une forte volonté de certains Etats d‟organiser cette coopération selon
certains principes fondamentaux protecteurs des droits de l‟individu le « renforcement de
la coopération judiciaire s‟est évidemment heurté dans bien des cas au principe de la
souveraineté»939.

Aujourd‟hui, on peut constater une accélération de l‟évolution historico -


institutionnelle de la coopération entre les Etats dans le domaine du droit international
pénal. Le droit international pénal a dû faire face à de multitudes de changements. Le
mondé a été témoin de progrès technologiques très importants, des flux migratoires de
taille, d‟une évolution des frontières au sein de l‟Europe, d‟une augmentation dans le
déplacement de personnes et de la sophistication accrue des outils de communication
moderne. Les activités humaines et la libéralisation d‟échanges et d‟économies se sont
mondialisées. Cette libéralisation serait la source d‟un changement moral « qui pousserait
chaque acteur économique à user de n‟importe quel moyen pour obtenir de nouveaux
contrats, y compris [par] la corruption. Le seul responsable de la déliquescence des

935 J. SALMON, op.cit., p. 432.


936 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 409.
937 Ibid., p. 409.
938 J. COMBACAU, S. SUR, op.cit., p. 361.
939 W. BOURDON, « La coopération judiciaire interétatique », in H. ASCENSIO et al., Droit
international pénal, Paris, Pedone, 2000, p. 921.
243
mœurs économiques serait un nouvel ordre mondial dont le marché serait le seul principe
régulateur »940. On constate par voie de conséquence l‟émergence d‟« une délinquance
présentant un caractère international qui a requis nécessairement une coopération
internationale accrue de tous les responsables de l‟ordre public » 941.

Il est alors difficilement envisageable pour les Etats de ne pas prendre en


considération les lois pénales des Etats étrangers. La nature transnationale des infractions
pénales modernes, leur complexité et l‟organisation efficace de leurs auteurs exigent des
instruments juridiques appropriés capables de surmonter les obstacles de la souveraineté et
les divergences entre les systèmes juridiques 942. La coopération de l‟Etat étranger à la
mise en œuvre du droit national est nécessaire car il est impossible « pour l‟Etat normateur
de mettre en œuvre sa compétence exécutoire sur le territoire étranger »943.

Dans le domaine de l‟entraide judiciaire, il n‟y a pas de règle de droit international


général. En effet c‟est toujours « par voie d‟accord que les Etats définissent les conditions
dans lesquelles un Etat prête son concours à l‟autre pour la réalisation de l‟ordre
juridique de ce dernier »944. En matière civile, on se réfère notamment à la convention de

940 P. JANOT, op.cit., p. 431.


941 W. BOURDON, op. cit., p. 921 ; voir ibid. : « Cette mondialisation du crime est souvent aujourd‟hui
synonyme d‟une sophistication accrue des moyens employés par la grande délinquance internationale pour rester
impunie et/ou pour rendre parfois totalement opaques et indécelables les avoirs tirés de leurs activités criminelles.
Plus précisément, l‟internationalisation par exemple du trafic des stupéfiants et la criminalité en « col blanc » sont
souvent synonymes d‟une difficulté supplémentaire pour les Etats d‟identifier les responsables ainsi que de confisquer
les richesses nées de cette criminalité compté tenu du caractère sans cesse de plus en plus complexe des techniques de
blanchiment. C‟est cette internationalisation qui a été à l‟origine de la mise en place de systèmes d‟entraide et de
coopération à l‟échelon régional et au premier chef, bien entendu, particulièrement dans le cadre de la construction de
l‟Union européenne ».
942 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 409.
943 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 115 ; voir ibid. : « deux arrêts rendus par la Cour de cassation
française en 1990 en ainsi confirmé, entre autres, que les effets extraterritoriaux de la loi pénale étrangère sont
repoussés, ce qui veut dire, notamment, qu‟un Etat étranger ne peut obtenir la réalisation sur le territoire d‟un autre
Etat d‟une poursuite et d‟une sanction pénale dont il n‟a pu assurer la réalisation sur son propre territoire ». (Civ. 2
mai 1990 1990, République du Guatemala c/SINCAFC et autres, et 29 mai 1990, Etat d‘Haïti et
autres c/J.C. Duvalier et autres, JDI, I, p. 133, et commentaire J. Dehaussy, Le statut de l‘Etat
étranger demandeur sur le for français ; droit international coutumier et droit interne, mêmes
références, p. 109 – 129 ; voir également : J. COMBACAU, S. SUR, op.cit., p. 361 : les auteurs
donnent notamment l‘exemple de la signification de documents judiciaires et l‘obtention de
preuves judiciaires, dans l‘ordre pénal comme dans l‘ordre civil.
944 Ibid., p. 115.
244
Vienne du 24 avril 1963 sur la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires. Pour
ce qui est de l‟entraide judiciaire proprement dite, cela est organisé par les Etats par le biais
des conventions bilatérales ou multilatérales. Il existe en pratique deux types de
conventions. Certains d‟entre elles ont trait aux mesures de coopération répressive qui
n‟exigent pas le transfert de la personne visée sur le territoire de l‟Etat du lieu de
l‟infraction. D‟autres organisent l‟extradition, mécanisme qui « désigne au contraire la
remise par les autorités de l‟Etat sur le territoire duquel se trouve l‟individu poursuivi par
les autorités d‟un autre Etat »945.

§ 2 – L’entraide interétatique influencée par la gravité de


certains crimes

De manière progressive, les Etats ont admis que la répression des crimes
internationaux946 « impliquait nécessairement un niveau de coopération « indexé » sur
l‟indignation universelle provoquée par ces crimes »947. Dans ce contexte, la consolidation
accrue de la coopération juridique internationale est le fruit des exigences de la société
civile qui a exigé une lutte efficace allant dans ce sens.

Au cœur de cette évolution se trouve les instruments concernant spécifiquement les


crimes contre la paix et la sécurité de l‟humanité. Il est question ici, depuis le début du
siècle, d‟une évolution dans les consciences collectives. En effet, le droit international
pénal a largement pris en compte la problématique de l‟extradition des criminels de guerre
et au-delà de la coopération entre les Etats. En ce sens, le caractère grave de certains
crimes devrait entraîner une entraide spécifique de la part des Etats. A ce titre on fera
référence dans un premier temps au Traité de Versailles qui « avait prévu que les criminels
de guerre allemands seraient livrés aux puissances alliées afin d‟être jugés par leurs

945 Ibid., p 115 ; cf., infra, chapitre 6.


946 Le crime de droit international est défini in J. SALMON, op.cit., p. 432, comme « tout fait individuel
qualifié d‟infraction internationale pénale par le droit international coutumier ou conventionnel, par exemple, la
piraterie, l‟esclavage, le crime de guerre, le crime contre l‟humanité, le trafic de stupéfiants, la capture d‟aéronefs ».
947 W. BOURDON, op.cit., p. 922.
245
tribunaux militaires et ce, en vertu de son article 227 »948.

Un régime d‟infractions graves 949 est défini par les quatre conventions de
Genève950. Ces textes visent notamment l‟homicide intentionnel, les tortures, les
traitements inhumains, les transferts illégaux de population, l‟atteinte aux droits de la
défense, la prise d‟otages et les attaques contre la population civile.

On soulignera les deux résolutions qui ont été adoptées par l‟Assemblée générale
des Nations unies recommandant aux Etats de prendre toute mesure nécessaire pour assurer
le transfert immédiat des coupables dans les pays où les crimes avaient été commis 951. De
plus, le 3 décembre 1973, l‟Assemblée générale des Nations Unies votait une résolution 952
relative au principe de la coopération internationale concernant le dépistage, l‟arrestation,
l‟extradition et le châtiment des individus coupables de crime de guerre ou de crimes
contre l‟humanité. Bien que cette résolution ne revête pas un caractère obligatoire, elle a
néanmoins « consacré le principe suivant lequel les Etats, s‟agissant des crimes
internationaux, avaient les uns envers les autres, des obligations particulières »953. On
notera que plusieurs accord sont dotés de dispositions qui « implicitement ou expressément
réitèrent, confirment cette obligation spécifique des Etats de lutter contre l‟impunité »954.

948 Ibid., p. 922 ; voir ibid., dans le même sens, « pendant la seconde guerre mondiale, les Alliés ont réitéré à
plusieurs reprises leur volonté de voir châtier les responsables « jusqu‟aux extrémités de la Terre » et de les « renvoyer
dans les pays où les forfaits abominables ont été perpétrés ». (Déclaration de Moscou 30 octobre 1943, confirmée par
l‟Acte de Londres du 8 août 1945, art. 4) ».
949 Voir à ce sujet : J. COMBACAU, S. SUR, op.cit, p. 676.
950 On fait référence ici aux traités internationaux dans le domaine du droit international humanitaire.
Ces textes définissent les règles de protection des personnes en cas de conflit armé, notamment les
soldats, les blessés et les prisonniers de guerre, les civils et leurs biens. Il s‘agit des quatre
conventions signées le 12 août 1949. Il existe deux protocoles qui datent du 8 juin 1977 et un
troisième protocole du 8 décembre 2005.
951 Résolution n° 3 du 13 février 1945 sur l‘extradition et le châtiment des criminels de guerre.
952 N° 3074.
953 W. BOURDON, op.cit., p. 923.
954 Ibid., p 923 ; voir ibid. : on relèvera notamment les dispositions suivantes : aux termes de l‘article
VIII de la convention du 9 décembre 1948 relative à la prévention et à la répression du crime de
génocide, les parties s‘obligent à s‘accorder l‘extradition conformément à leur législation et aux
traités en vigueur ; aux termes des articles 49, 50, 129, 146 respectivement de la première,
deuxième, troisième et quatrième convention de Genève du 12 août 1949, il est fait obligation aux
Etats parties de remettre à l‘Etat la requérant la personne suspecte de crimes de guerre comme
246
Les possibilités d‟une « répression directe des individus est longtemps demeurée
virtuelle après les tribunaux de Nuremberg955 et de Tokyo956»957. La répression directe des
individus peut relever de la compétence des juridictions nationales958. La question de la
répression directe des individus a trait aussi de la création de juridictions pénales
internationales. Dans un premier temps, on relèvera la création par le Conseil de sécurité
des Nations unies de deux tribunaux pénaux internationaux spéciaux. Il s‟agit des
tribunaux compétents à l‟égard des crimes commis dans l‟ex-Yougoslavie (T.P.I.Y) et lors
de l‟affaire du Rwanda (T.P.I.R.). On souligne en ce sens la coopération qui doit être
apportée au T.P.I.Y. et le T.P.I.R. par tous les Etats membres de l‟ONU 959. En effet, les
résolutions pertinentes adoptées par le Conseil de sécurité de l‟ONU relatives à ces deux
tribunaux internationaux ad hoc, rappellent les obligations de ces Etats. Cette obligation est
aussi une conséquence de l‟article 25 de la Charte des Nations Unies.

En dernier lieu, on souligne l‟institution de la Cour pénale internationale (CPI) par


la convention de Rome du 17 juillet 1998 960. Il est question de la coopération que doivent
apporter à la CPI, les Etats parties au Statut 961 de cette cour. Cette coopération « consiste
notamment pour les Etats à rechercher les personnes accusées, les arrêter, les transférer
au TPI ou à la CPI, réunir et transmettre les éléments de preuve, transférer les témoins,

alternative à la poursuite ; l‘article 8 du protocole additionnel I aux conventions de Genève du 10


juin 1977 réitère l‘obligation des Etats de coopérer en matière d‘extradition lorsque les
circonstances le permettent ; l‘article 3 de la convention sur l‘imprescriptibilité des crimes de guerre
et des crimes contre l‘humanité du 26 novembre 1968, qui n‘a pas été ratifiée par la France, en son
article 3, fait obligation aux Etats signataires d‘adopter toutes les mesures de droit interne
nécessaires pour permettre l‘extradition des personnes visées conformément au droit international.
955 Tribunal militaire constitué entre Alliés par l‘Accord de Londres du 8 août pour juger les
responsables des crimes contre la paix et des crimes de guerre commis durant la Seconde Guerre
mondiale en Europe.
956 Etabli le 19 janvier 1946 par le Commandement en chef des troupes d‘occupation au Japon.
957 J. COMBACAU, S. SUR, op.cit., p. 677.
958 Voir en ce sens : ibid., p. 677 : « Certains traités prévoient la compétence de l‟ensemble des parties pour réprimer
les auteurs de crimes internationalement définis, comme le génocide (convention de 1948). Mais peu d‟Etats acceptent
le principe d‟une compétence universelle pour connaître directement de ce type de crimes, où et par qui ils sont
commis ».
959 Articles 29/28.
960 http://www.icc-
cpi.int/menus/icc/legal%20texts%20and%20tools/official%20journal/rome%20statute?lan=fr-
FR.
961 Articles 86-102.
247
accueillir le Procureur sur leur territoire aux fins de pouvoir interroger des personnes ou
inspecter des lieux publics »962. Le chapitre 9 du Statut concerne la coopération
internationale et assistance juridique. En effet, selon l‟article 86 de la convention
« conformément aux dispositions du présent Statut, les États Parties coopèrent pleinement
avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant de sa
compétence ».

On note que certains pays importants ne participent pas à la convention de Rome.


Cela est notamment le cas de la Chine, l‟Inde, la Russie ou encore les Etats-Unis. Cette
convention a été ratifiée par la France après révision constitutionnelle. Les Etats-Unis, eux,
ont « engagé un combat juridique pour soustraire leurs nationaux à sa juridiction, en
concluant des accords bilatéraux avec les Etats parties qui s‟y prêtaient, accords dont la
légalité internationale est en débat »963.

Pour les questions d‟entraide, les Etats auront « in fine le dernier mot et qu‟en cas
de défaillances graves à leurs obligation de coopérer avec la Cour, le prononcé de
sanctions à leur encontre restera très théorique »964. On fait référence ici à l‟article 87 (7)
qui dispose que « si un État Partie n'accède pas à une demande de coopération de la Cour
contrairement à ce que prévoit le présent Statut, et l'empêche ainsi d'exercer les fonctions
et les pouvoirs que lui confère le présent Statut, la Cour peut en prendre acte et en référer
à l'Assemblée des États Parties ou au Conseil de sécurité lorsque c'est celui-ci qui l'a
saisie ». A ce sujet, l‟utilisation de l‟embargo peut être particulièrement inefficace pour
cause notamment des agissements d‟un nombre d‟organisations internationales de droit de
l‟homme et son usage mal adapté. En ce sens « l‟embargo, en raison de ses conséquences
généralement catastrophiques sur les populations civiles, n‟apparaît plus comme la
sanction la plus adaptée pour contraindre un Etat à coopérer y compris s‟agissant de la
poursuite des personnes suspectées d‟avoir commis des crimes internationaux »965.

On comprend ainsi la profonde évolution qui a eu lieu en matière de la coopération

962 J. SALMON, op.cit., p. 432.


963 J. COMBACAU, S. SUR, op.cit., p. 678.
964 W. BOURDON, op.cit., p. 924.
965 Ibid., p. 924.
248
judiciaire interétatique pendant le dernier siècle. On va maintenant procéder à une analyse
spécifique de l‟importance de cette coopération en matière de corruption internationale et
l‟efficacité des dispositions des textes pertinents.

SECTION 2

L’ANALYSE JURIDIQUE DES TEXTES INTERNATIONAUX DE LUTTE CONTRE LA


CORRUPTION EN MATIERE D’ ENTRAIDE JUDICIAIRE

La coopération judiciaire interétatique est indispensable dès que l‟auteur de


l‟infraction traverse une frontière. La corruption de l‟agent public étranger - infraction
caractère international - n‟en fait pas d‟exception (§ 1). Une vue perspective et
comparative permettra de voir l‟approche hétérogène des textes internationaux à ce
sujet (§ 2).

§ 1 – La coopération judiciaire interétatique dans le contexte de la lutte


contre la corruption internationale

La nature internationale des actes de corruption souligne la nécessité d‟une


coopération judiciaire interétatique efficace (A). Cela est rappelé par l‟Appel de Genève du
1 octobre 1996. Il convient alors de juxtaposer certains éléments de la lutte contre la
corruption aux principes d‟entraide judiciaire du droit international (B).

A- Nécessité de la coopération judiciaire interétatique en matière de


corruption internationale

Au moins un commentateur juridique a noté que l‟un « des plus grands torts de la
justice est d‟être encore organisée de manière nationale. C‟est un peu comme l‟armée»966.

966 B. BERTOSSA, in D. ROBERT, op.cit., p. 108 ; voir également, ibid. : « C‟est le dernier carré des forces
que les Etats peuvent garder sous leur coupe. Pour ce qui est de la libre circulation des marchandises, il n‟y pas de
problèmes, mais la libre circulation des informations judiciaires n‟a même jamais été envisagée ».
249
En effet, l‟Appel de Genève du 1 octobre 1996 signale la nécessité de la coopération
judiciaire pour lutter efficacement contre la corruption 967. Cet appel « avait pour objectif
d‟exhorter publiquement les gouvernements et les parlements à donner enfin aux juges des
moyens adaptés pour lutter contre la criminalité organisée et la corruption au niveau
international»968.

Avant l‟adoption des textes internationaux en matière de lutte contre la corruption,


ces actes s‟étaient d‟autant plus répandus que les juridictions nationales, limitées par les
règles de compétence territoriale, ne pouvaient pas connaître certains actes 969. C‟est en ce
sens que les Etats parties aux textes internationaux doivent incriminer les pratiques de
corruption de manière efficace et coordonnée, et donc dissuasive. La coopération judiciaire
doit permettre les Etats « d‟identifier les mouvements de capitaux suspects et prouver les
faits de corruption »970. La coopération judiciaire interétatique est indispensable dès que
l‟auteur de l‟infraction traverse une frontière. A l‟image d‟autres infractions devenues
internationales, la corruption s‟est transformée. L‟efficacité des enquêtes et des poursuites
des cas de corruption internationaux exigent une réelle volonté de coopération judiciaire et
des textes dotés de ces mécanismes. Les progrès à ce niveau au sein de l‟Union européenne
sont tout particulièrement à mettre en exergue 971.

B – Principes juridiques d’entraide judiciaire en matière de lutte


contre corruption internationale

De façon générale, ce sont les principes liés dans un premier temps au mécanisme

967 Voir à ce sujet : D. Robert, op.cit., p. 331.


968 J. DE MAILLARD, op.cit., p. 77 ; voir également ibid. : « Ces magistrats avaient pris conscience d‟une part
de l‟inquiétante évolution des formes de criminalité transnationales, d‟autre part du défi qu‟elles représentent pour les
économies mondiales et les régimes démocratiques, et enfin de l‟indigence des moyens dont les systèmes judiciaires sont
dotés pour y faire face ».
969 L‘histoire du système politique des relations internationales démontre que la coopération judiciaire
est plus difficile pour des raisons politiques de défense de la souveraineté que dans le cadre d‘un
Etat fédéral.
970 M. HUNAULT, op.cit., p. 11.
971 Cf., infra, le mandat d‘arrêt européen.
250
juridique de l‟extradition 972 qui s‟appliquent en matière d‟entraide judiciaire 973. On fait
référence ici au principe pacta sunt servanda (1), le principe de la double incrimination (2),
la règle de la spécialité de l‟extradition, (3) et le principe de réciprocité (4). On note que
certains faits et certains auteurs des faits ne sont pas généralement concernés par les
dispositions l‟extradition ou par l‟entraide judiciaire (5).

1 - L’adage latin pacta sunt servanda prévoit une soumission au droit


international

C‟est un principe fondamental du droit international public selon lequel les traités
lient les Etats parties et doivent être exécutés de bonne foi. Les accords dans le domaine de
la coopération internationale sont ainsi subordonnés à ce principe 974. En matière de
coopération internationale, les « faits » de l‟infraction ne devraient pas être remis en cause
par l‟Etat requis puisque l‟Etat requérant est présumé agir de bonne foi.

2 – Le principe de la double incrimination

Comme on l‟a constaté précédemment 975, le principe de la double incrimination


concerne le « critère d‟application des conventions d‟extradition en matière pénale selon
lequel, pour donner lieu à extradition, le fait visé par les conventions doit être punissables
par les lois pénales de l‟Etat requérant et de l‟Etat requis »976. Il peut aussi être un
« critère d‟application de certaines compétences personnelles à caractère extraterritorial
en vigueur dans un Etat selon lequel l‟infraction commise sur le territoire d‟un autre Etat
n‟est punissable par le premier Etat que si elle est sanctionnée par le droit des deux
Etats »977. Il est question alors d‟un fait visé, surtout en matière d‟extradition, qui constitue
une infraction dans le droit des deux Etats concernés et y est passible de peines similaires,

972 Cf., supra, chapitre 6.


973 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 417.
974 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 418.
975 Cf., supra. Chapitre 4.
976 J. SALMON, op.cit., p. 336.
977 Ibid., p. 336.
251
« supérieurs à un seuil minimum fixé, en général, à au moins un an d‟emprisonnement afin
d‟exclure les délits mineurs [cas bagatelle] de la procédure d‟extradition en raison,
notamment, du coût de celle-ci »978.

Par le passé, le principe de la double incrimination a notamment freiné les enquêtes


et l‟entraide internationale en matière de corruption. Cela a été le cas par exemple lors des
enquêtes à grande échelle conduites par les autorités italiennes concernant la corruption
d‟agents publics nationaux. Ces mêmes autorités italiennes ont connu certaines difficultés
avec les autorités suisses, notamment parce que ces faits concernaient les agents publics
italiens et non suisses979. On souligne que le principe de la double incrimination peut
s‟appliquer in abstracto,980 c‟est-à-dire l‟Etat requis n‟est pas tenu à se prononcer sur la
culpabilité de l‟auteur présumé de l‟infraction, mais doit seulement vérifier si le
comportement constitue une infraction selon son propre droit national. Dans le cadre de la
lutte contre la corruption de l‟agent public étranger, la transposition en droit interne de
cette infraction par chaque Etat partie satisferait aux conditions de la double incrimination.
Au moins un commentateur souligne que les rédacteurs de certains instruments ne
mentionnent pas le principe de la double incrimination 981. On note cependant que
notamment l‟IACAC 982, la convention de l‟OCDE 983 et la CNUCC font expressément
référence au principe de la double incrimination.

978 M. POUTIERS, « L‘extradition des auteurs d‘infractions internationales », in H. ASCENSIO et al.,


Droit international pénal, Paris, Pedone, 2000, p. 945 ; on note que le principe de la double
incrimination est consacrée au sein de plusieurs conventions internationales, par exemple : Article
2 (1) de la convention européenne de 1957 ; Article 3 (1) de la convention interaméricaine de
Caracas de 1981.
979 Voir G. STESSENS, The international fight against corruption, op.cit., p. 41.
980 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p 419 ; voir en ce sens A. HUET, R. KOERING-
JOULON, Droit pénal international, Presses Universitaires de France, Paris, 1994, p. 404 : « la double
incrimination constatée, il n‟appartient pas à l‟Etat requis ou à l‟Etat d‟exécution de connaître de la réalité des
charges pesant sur la personne réclamée ou ayant entraîné sa condamnation ».
981 Voir G. STESSENS, « The international fight against corruption » op.cit., p. 41 : on cite à cet égard
la convention pénale du Conseil de l‘Europe et la convention corruption de l‘Union européenne.
982 Article 8 de l‘IACAC.
983 Article 9 (2) de la convention de l‘OCDE.
252
3 - La pratique de l’extradition a donné naissance à la règle de la spécialité de
l’extradition

Il s‟agit d‟une protection de l‟individu. En effet, on ne peut pas poursuivre – sans


l‟accord de l‟Etat requis - l‟auteur présumé d‟une infraction pour des faits autres que ceux
qui ont justifié son extradition. Cette règle est « fondée sur le respect de la volonté de
l‟Etat requis, qui a accédé à la demande d‟extradition pour une demande bien précise et
pas nécessairement pour une autre »984. Il ne faut pas confondre cela avec le principe de
spécialité. Le principe de spécialité est le principe en vertu duquel « les droits et les
devoirs d‟une organisation internationale sont restreints aux buts et aux fonctions de celle-
ci, énoncés ou impliqués par son traité constitutif et développés dans la pratique »985.

4 - La pratique de la coopération internationale connaît le principe de


réciprocité

En droit international général, il est question d‟un principe « selon lequel un sujet
du droit international peut revendiquer le bénéfice de prestations équivalentes à celles
d‟autres sujets de droit et n‟est pas tenu à des obligations différentes de celles de ces
derniers »986. En droit international pénal, et spécialement en matière de coopération
judiciaire interétatique, on connaît un principe de réciprocité bien spécifique. En ce sens,
les Etats peuvent accorder une assistance à un Etat requérant avec lequel il n‟a pas conclu
d‟accord préalable. Cela implique néanmoins une obligation à celui qui reçoit l‟assistance
judiciaire dans le mesure où il doit répondre favorablement en matière d‟assistance à un
Etat qui lui a déjà fournir ce genre d‟assistance. Ce genre de réciprocité pourrait
s‟appliquer dans les affaires d‟extradition, où par exemple un Etat refuse d‟extrader ses
ressortissants. En ce sens, l‟Etat requis pourrait modifier sa position – et alors permettre
l‟extradition de ses ressortissants - sous condition que l‟Etat requérant en fasse autant. En
l‟absence de traité, le principe de réciprocité est normalement incorporé dans les

984 M. POUTIERS, op.cit., p. 944 ; voir à ce titre l‘article 14 de la convention européenne de 1957,
l‘article 13 de la convention de Caracas de 1981 et l‘article 14 du Traité type sur l‘extradition de
1990.
985 J. SALMON, op.cit., p. 1047.
986 J. SALMON, op.cit., p. 933.
253
dispositions de droit interne et cela est surtout le cas en Europe 987.

5 – Les exceptions ou exclusions à l’entraide judiciaire

Certains faits et certains auteurs des faits ne sont pas généralement concernés par
les dispositions d‟extradition ou par l‟entraide judiciaire. On fait référence ici aux motifs
légaux de refus d‟entraide. Concernant le statut de l‟auteur des faits, il est parfois question
de la nationalité de l‟auteur des faits puisque de nombreux Etats n‟extradent pas leurs
ressortissants988. Les délais de prescription 989 peuvent présenter un obstacle pour
l‟extradition. Cependant, les délais de prescription ne constituent pas habituellement un
obstacle quant à l‟assistance judiciaire par l‟Etat requis 990. La classification de certaines
infractions comme «politiques »991 ou « militaires » est également souvent considérée
comme un motif valable de refus pour l‟extradition. De plus, les infractions fiscales sont
souvent exclues des accords internationaux d‟entraide. On note que l‟exception pour les
infractions fiscales n‟est pas mentionnée dans les textes internationaux de lutte contre la
corruption. Selon G. Stessens, cette exception pourrait néanmoins être relevée en faisant
référence à d‟autres textes992. Les rapports explicatifs à la convention de l‟Union
européenne dispose clairement qu‟il n‟a pas été considéré nécessaire d‟insérer dans la
convention corruption la même disposition qui figure à l‟article 5 (3) de la convention
relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes. Selon cette

987 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 421 ; voir en ce sens M. POUTIERS, op.cit., p.
936 : « en dehors de toute convention, les Etats ont parfois négocié de simples déclarations de réciprocité. En
l‟absence de traité, chaque demande d‟extradition nécessite un accord particulier entre les deux Etats en cause.
L‟Etat requis examine alors librement l‟opportunité de faire suite à la requête dont il est saisi, le droit international
ne lui imposant pas de donner une réponse positive. Cette liberté peut cependant être restreinte par la loi interne de
l‟Etat requis comme en France, par exemple, où le régime de l‟extradition relève de la loi du 1à mars 1927 ».
988 Dans quel cas on pourrait faire référence au principe aut dedere, aut judicare, voir chapitre 6.
989 Selon J. SALMON, op.cit., p. 870, il est ici question d‘un « mode d‟extinction par non-usage d‟un droit
pendant une durée et sous des conditions fixées par le droit ».
990 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 422.
991 Voir à ce titre l‘article 17 de l‘IACAC : « Aux fins des articles XIII, XIV, XV et XVI de la présente
convention, le fait que les biens obtenus ou découlant d'un acte de corruption aient été destinés à des fins politiques,
ou le fait qu'il soit allégué qu'un acte de corruption ait été commis pour des motifs ou à des fins politiques, ne
suffisent pas, en soi, à faire de cet acte une infraction politique ou une infraction de droit commun connexe à une
infraction politique ».
992 G. STESSENS, « The international fight against corruption », op.cit., p. 41 ; à ce titre, voir 1959
European Mutual Assistance convention.
254
disposition il est interdit de refuser l‟extradition au seul motif que l‟infraction est de nature
fiscale. Selon ces rapports explicatifs à la convention corruption de l‟Union européenne,
« contrairement à ce qui est le cas pour les infractions à la protection des intérêts
financiers de la Communauté, une telle exception est sans objet dans le cas des infractions
de corruption »993.

La plupart des Etats reconnaissent le principe qu‟une personne ne doit pas être
poursuivie deux fois pour les mêmes faits. Il s‟agit du principe connu selon son adage
latin non bis in idem. L‟application de ce principe peut dépendre de la gravité des faits. Si
les accords internationaux reconnaissent que ce principe peut être un moyen de défense à
l‟encontre des poursuites, il n‟existe pas de règle claire en droit international qui
empêcherait un Etat de poursuivre des faits qui ont déjà fait l‟objet de poursuites dans un
autre Etat 994. La convention de l‟OCDE par exemple ne propose pas de solution précise à
cette question car à l‟article 4 (3) elle propose seulement la possibilité de concertation
lorsque les juridictions nationales de plus d‟un Etat partie ont compétence pour poursuivre
les faits de corruption.

Au moins deux commentateurs soulignent qu‟il peut y avoir au sein de certains


accords sur la coopération internationale, des dispositions ouvrant la possibilité de réserves
relative aux critères des articles 5 995et 6996 de la convention de sauvegarde des Droits de
l‟homme et des Libertés fondamentales 997. Il s‟agit généralement du respect des droits de la

993 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de
l‘Union européenne, op.cit., § 8 ; à ce sujet voir G. STESSENS, « The international fight against
corruption », op.cit., p. 41 : l‘auteur souligne que cette disposition n‘est pas convaincante dans le
mesure ou il n‘y aurait aucune logique de la part de celui qui reçoit le pot-de-vin de le déclarer aux
percepteurs d‘impôt.
994 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 423.
995 Droit à la liberté et à la sûreté.
996 Droit à un procès équitable.
997 http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/005.htm ; voir à ce sujet : A. V. JULEN
BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 423 ; à ce sujet voir P. DAILLIER et al.,op.cit., p. 571 à propos
de l‘extradition : « La CEDH s‟est, pour sa part, appuyée sur l‟article 5 de la convention de Rome pour contrôler
le respect de l‟exigence d‟une procédure équitable en matière d‟extradition (arrêt n° 4/1985, 21 oct. 1986, Sanchez-
Reisse), y compris en cas d‟ « extradition déguisée » (aff/ 8/1985, 18 déc. 1986, Bozano). Mais elle retient de la
notion de respect des « voies légales » prévu par l‟article 5 une conception très souple (voir la décision de la Grande
Chambre rendu le 12 mai 2005 dans l‟affaire Öcalan c. Turquie, par. 83-99) ».
255
défense. On peut ici citer l‟article 696-4, 7° du Code de procédure pénale français qui
exclut l‟extradition de droit commun « lorsque la personne réclamée serait jugée dans
l‟Etat requérant par un tribunal n‟assurant pas les garanties fondamentales de procédure
et de protection de la défense ». On fait référence également ici à la convention européenne
et la plupart de conventions bilatérales. Cela représente un exemple intéressant des
approches hétérogènes des Etats quant à leurs intérêts fondamentaux.

Un dernier exemple est l‟exception relative aux critères d‟ordre public. On retrouve
ce fondement pour refuser la coopération internationale par exemple au sein de la
convention pénale du Conseil de l‟Europe. En effet, à l‟article 26 (2), la convention pénale
précise que l‟entraide au sens de l‟article 26 (1) « peut être refusée si la Partie requise
considère que le fait d‟accéder à la demande serait de nature à porter atteinte à ses
intérêts fondamentaux, à la souveraineté nationale, à la sécurité nationale ou à l‟ordre
public »998. Un refus d‟entraide pour raisons de la sécurité nationale est un sujet d‟actualité.
On peut faire référence ici à l‟affaire « Al Yamamah »999. Il s‟agit d‟un contrat d‟armement
extrêmement lucratif qui liait la société d‟armements britannique BAE Systems à l‟Arabie
Saoudite. Malgré les divulgations de corruption, les poursuites de cette affaire – au moins
en ce qui concerne les autorités britanniques - ont été arrêtées pour des raisons de sécurité
nationale.

En conclusion on relèvera que lorsqu‟il est question d‟exceptions ou d‟exclusions


d‟entraide judiciaire, on ne peut pas s‟empêcher d‟y voir autant de lacunes dans le
dispositif international de lutte contre la corruption. Ces exceptions font partis des points à
améliorer. La présente recherche présentera, au sein du chapitre 8, certaines propositions
d‟amélioration du dispositif de lutte contre la corruption des agents public étrangers.

998 Voir en ce sens les rapports explicatifs :


http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 125 : « Les motifs de rejet de ces
demandes peuvent être fondés sur l'atteinte à la souveraineté de l'Etat, la sécurité, l'ordre public et autres intérêts
fondamentaux de la Partie requise. L'expression «intérêts fondamentaux de l'Etat » peut être interprétée comme
donnant la possibilité à la Partie requise de refuser entraide judiciaire dans les cas où des principes fondamentaux de
son système judiciaire sont en jeu, lorsque des considérations relatives à la protection des Droits de l'Homme doivent
prévaloir et, de manière générale, lorsque la Partie requise a des raisons valables pour considérer que les poursuites
pénales engagées par la Partie requérante ont été dénaturées ou détournées à des fins autres que celles de lutter contre
la corruption ».
999 Cf., supra, introduction générale.
256
§ 2 - La vue perspective et comparative des textes internationaux en
matière d’entraide judiciaire dans le cas de corruption internationale

Tous les textes de lutte contre la corruption internationale prévoient des


dispositions relatives à la coopération internationale. Cependant, on remarque une certaine
hétérogénéité d‟approche. Les textes visent généralement une coopération la plus large
possible (A). Certains textes prévoient un échange d‟information dite spontané (B).
Chaque texte – hormis la convention de l‟Union européenne - a trait à l‟établissement
d‟autorités nationales centrales chargées de la lutte contre la corruption internationale (C).
La convention pénale du Conseil de l‟Europe précise les modalités de correspondance
directe entre les autorités nationales (D). Certains textes prévoient quelle suite doit être
donnée à la demande d‟assistance (E). Il existe au sein de certains textes, des critères
relatifs au refus de coopération (F).

A - Modalités de coopération

1 - L’IACAC : l’assistance mutuelle la plus étendue

L‟IACAC comprend les dispositions obligatoires qui ont pour but la coopération et
l‟assistance d‟autres Etats parties dans les poursuites relatives à la corruption nationale et à
l‟étranger. Certaines dispositions témoignent d‟une approche générale, par exemple ;
l‟article 14 prévoit que les parties doivent encourager «les échanges d'expériences dans le
cadre d'accords et de rencontres entre les institutions et les organes compétents »1000.
D‟autres articles, tels que les provisions sur l‟extradition, sont spécifiques et très
importantes à la mise en œuvre efficace.

L‟IACAC dispose que les Etats parties coopèrent entre elles pour s‟assurer de la
mise en œuvre des mesures anticorruption de chaque Etat partie. En ce sens, les parties
coopèrent entre elles en s‟accordant l'assistance mutuelle la plus étendue, conformément à
leurs lois et aux traités applicables pour toutes requêtes émanant des autorités qui, selon
leur droit interne, sont habilitées à enquêter ou engager des poursuites sur les actes de

1000 Article 14 (2).


257
corruption décrits dans la convention. Les Etats parties s'engagent aussi à entamer les
poursuites relatives à ces actes aux fins de l'obtention de preuves et de l'application de
mesures nécessaires pour faciliter les procédures et formalités rapportant à l‟enquête ou
aux poursuites concernant les actes de corruption1001. L‟IACAC renvoie à des traités et lois
existants pour définir le contenu des obligations des Etats parties, plutôt que de les élargir,
comme le fait la disposition de l‟IACAC relative l‟extradition. L‟IACAC n‟élargit ni la
nature ni la portée de l‟assistance mutuelle, ni exige des Etats parties de promulguer
d‟autres lois de transposition.

Les Etats-Unis – Etat partie à l‟IACAC - sont notamment parties à plusieurs traités
bilatéraux relatifs à l‟assistance mutuelle dans le domaine pénal, plusieurs de ces traités
sont signés avec les pays de l‟OEA qui ont également signé l‟IACAC 1002.

2 - La convention de l’Union européenne : coopérer de façon effective

La convention de l‟Union européenne a pour objet de permettre la poursuite des cas


de corruption interne et des cas de corruption impliquant des fonctionnaires
communautaires ou des fonctionnaires d'autres États membres. Les rapports explicatifs
soulignent que cette dernière catégorie de cas est de loin la partie la plus innovatrice de la
convention et comporte nécessairement des éléments de transnationalité 1003. En effet, eu
égard à la complexité particulière des enquêtes transfrontières en la matière, la coopération
revêt une importance capitale.

La convention de l‟Union européenne prévoit que si une procédure relative à une


infraction instituée conformément aux obligations découlant des articles 2, 3 et 4 de la
convention concerne au moins deux États membres, ceux-ci coopèrent de façon effective à
l'enquête, aux poursuites judiciaires et à l'exécution de la sanction prononcée au moyen,
par exemple, de l'entraide judiciaire, de l'extradition, du transfert des poursuites ou de

1001 Voir article 14 (1).


1002 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 290.
1003 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre 1998, § 9.
258
l'exécution des jugements prononcés dans un autre État membre. 1004 On note que
l‟expression par exemple a pour objet de tenir compte de la situation des États membres
qui ne sont pas parties aux conventions européennes pertinentes sur la coopération en
matière pénale1005. On constate que les conventions pertinentes qui s‟appliquent
actuellement entre les Etats membres ne sont pas affectées par la présente convention.

De plus, la convention de l‟Union européenne dispose 1006 que lorsqu'une infraction


relève de la compétence de plus d'un État membre et que n'importe lequel de ces États peut
valablement engager des poursuites sur la base des mêmes faits, les États membres
concernés coopèrent pour décider lequel d'entre eux poursuivra le ou les auteurs de
l'infraction avec pour objectif de centraliser, si possible, les poursuites dans un seul État
membre. Les Etats membres doivent alors coopérer entre eux dans l‟enquête dans les cas
de corruption et dans les instances où plus d‟un Etat avait compétence sur l‟incrimination
afin de déterminer quel Etat doit lancer des poursuites1007. Les rapports explicatifs 1008
précisent que les États membres pourront régler ce type de conflits de compétence en
prenant, par exemple, pour critère l'importance de la corruption commise sur leur propre
territoire, l'endroit où les avantages en question ont été fournis, l'endroit où les suspects ont
été arrêtés, leur nationalité ou les poursuites antérieures.

3 - La convention de l’OCDE : une aide juridique prompte et efficace

La convention de l‟OCDE a trait à la coopération internationale dans la lutte contre


la corruption. Cette convention ne comprend pas d‟innovation en matière de coopération

1004 Article 9 (1).


1005 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre 1998, § 9 ; voir ibid. : les formes de
coopération énumérées à titre d'exemples sont les suivantes: entraide judiciaire en matière pénale,
extradition, transfert des poursuites et exécution des jugements prononcés dans un autre État
membre, ce qui permet de choisir dans chaque cas les moyens de coopération qui conviennent le
mieux.
1006 Article 9 (2).
1007 H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S. Government‘s Campaign Against
International Bribery », op.cit., pp. 516 – 517.
1008 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre 1998, § 9.
259
internationale, elle se réfère simplement aux textes en vigueur en la matière.

L‟article XIII de la Recommandation du Conseil de l‟OCDE visant à renforcer la


lutte contre la corruption d‟agents publics étrangers dans les transactions commerciales
international 1009 prévoient certaines mesures à prendre en matière de coopération
internationale pour lutter efficacement contre la corruption d'agents publics étrangers dans
les transactions commerciales internationales, en conformité avec leurs principes de
compétence et autres principes juridiques fondamentaux.

En vertu de l‟article 9 (1) de la convention de l‟OCDE, chaque pays participant


doit, dans toute la mesure autorisée par ses lois et les traités et arrangements pertinents,
fournir une aide juridique prompte et efficace aux autres pays participants dans le cadre de
l‟instruction et du jugement des affaires pénales découlant des infractions auxquelles
s‟applique la convention et des actions de nature non pénale entrant dans le champ
d‟application de la convention intentées par un pays participant contre une personne
morale. Ces dispositions peuvent être invoquées par les Parties, à l‟appui d‟une demande
d‟entraide judiciaire ou d‟extradition, même en l‟absence d‟autre traité applicable.

Le terme « prompte » est particulièrement intéressant. Le temps que peut prendre


les demandes d‟entraide peut effectivement réduire l‟efficacité de la coopération
internationale1010. En effet, il existe plusieurs façons de retarder la réalisation des
demandes d‟entraide.

L‟article 9 (1) vise également les poursuites à l‟encontre des personnes morales. On
rappelle que la convention de l‟OCDE n‟impose pas d‟obligation à l‟égard de la
responsabilité purement pénale des personnes morales 1011. Selon le droit interne de l‟Etat
partie en question, les sanctions à l‟égard de la personne morale peuvent être pénales,
administratives ou civiles mais doivent être « efficaces, proportionnées et dissuasives. » La
convention de l‟OCDE et la convention pénale du Conseil de l‟Europe prévoient des

1009 Adoptée par le Conseil le 26 novembre 2009,


http://www.oecd.org/dataoecd/31/53/44229684.pdf.
1010 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 426.
1011 Cf., supra, première partie, chapitre 3.
260
sanctions non pénales à l‟égard des personnes morales 1012. L‟Etat partie requis doit alors
fournir une entraide judiciaire dans les cas où l‟Etat requérant prend des mesures à
l‟encontre d‟une personne morale dans le cadre de l‟infraction de la corruption de l‟agent
public étranger même si les poursuites sont de nature civile ou administrative 1013.
Cependant, le Groupe de travail de l‟OCDE sur la corruption a identifié la problématique
suivante : l‟hypothèse d‟un Etat partie à la convention de l‟OCDE, alors qu‟il ne prévoit
pas la responsabilité pénale des personnes morales et ne prévoit pas non plus une entraide
judiciaire en matière de poursuites civiles ou administratives à l‟égard d‟une personne
morale. Cela constitue un vide juridique par un manque de législation de transposition.
Cette question est une priorité du Groupe de travail de l‟OCDE sur la corruption.

L‟entraide judiciaire prévue selon l‟article 9 (1) de la convention de l‟OCDE


comprend la transportation de personnes, même ceux en détention, vers le territoire du
pays qui fait la demande, afin d‟apporter leur aide dans des enquêtes ou procédures. Cette
transportation exige cependant le consentement de la personne. Les Etats parties qui
souhaitent utiliser ce mécanisme devrait également prendre des mesures leur permettant, en
tant que Parties requérantes, d‟assurer le maintien en détention de la personne transférée et
le retour de celle-ci sans qu‟une procédure d‟extradition soit nécessaire 1014.

Comme on le verra plus loin 1015, la convention de l‟OCDE ne prévoit pas l‟échange
d‟informations dites « spontanées », c‟est-à-dire un échange d‟information qui ne nécessite
pas la formulation d‟une demande préalable aux fins de transmission d‟information
pouvant aider la Partie destinataire à réaliser une enquête ou à engager des poursuites
concernant des infractions pénales pertinentes. Plusieurs d‟autres textes prévoient des

1012 Article 3 (2) de la convention de l‘OCDE et article 19 (2) de la convention pénale du Conseil de
l‘Europe.
1013 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 427 : dans l‘hypothèse où la responsabilité
pénale des personnes morales n‘est pas prévu par l‘Etat partie, il existe néanmoins plusieurs
possibilités d‘entraide, voir à ce sujet ibid., p. 428.
1014 Voir ici les commentaires officiels de la convention de l‘OCDE § 31 :
http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
1015 Cf., infra, ce chapitre, section 2.
261
dispositions affairant à cette question 1016.

La condition de la double incrimination, susceptible d‟être exigé par certains Etats,


tant pour donner suite à une demande d‟entraide judiciaire qu‟à une demande d‟extradition,
est considérée comme acquise dès lors qu‟elle concerne une infraction visée par la
convention, et sans que des Etats parties n‟exigent une qualification identique des faits1017.
Les rédacteurs de la convention souhaitaient éviter les formes de double incrimination
strictes. En effet, l‟article 9 (2) a trait à la question de l‟identité des normes dans le cadre
de la double incrimination. Les Etats parties à la convention de l‟OCDE, « dont les lois
sont très diverses puisqu‟elles vont de lois contre la corruption d‟agents en général à des
lois visant spécifiquement la corruption d‟agents publics étrangers, devraient pouvoir
coopérer pleinement dans le cadre de la présente convention pour les affaires dont les faits
relèvent des infractions visées dans cette convention »1018. On note que les dispositions de
l‟article 9 ne s‟appliquent pas entre un Etat partie et un Etat non partie à la convention de
l‟OCDE.

4 - La convention pénale du Conseil de l’Europe : la coopération internationale


la plus large possible

La convention pénale du Conseil de l‟Europe met en place un système de


coopération internationale et d‟entraide judiciaire entre les États parties.

Les délibérations en amont de la signature de la convention pénale ont étudié la


problématique concernant l‟inclusion, au sein du texte, d‟un « chapitre autonome,
important et assez détaillé recouvrant plusieurs thèmes qui relèvent du domaine de la
coopération internationale en matière pénale, ou s'il devrait simplement renvoyer aux
traités multilatéraux ou bilatéraux qui existent dans ce domaine »1019. Un tel chapitre
serait particulièrement utile dans le sens où il pourrait être la base juridique à la
coopération pour faire face aux obstacles pouvant être rencontrés afin d‟obtenir la

1016 Article 28 de la convention pénale du Conseil de l‘Europe et Article 46 (4) de la CNUCC.


1017 P. CAVALERIE, op.cit., p. 622.
1018 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
1019 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 119.
262
coopération nécessaire à la poursuite des infractions en matière de corruption. On fait
référence ici aux difficultés soulevées au sein de l‟Appel de Genève. Son utilité a
également été soulignée dans le sens où il est question d‟une « convention ouverte et que
certaines des Parties contractantes ne seraient pas – dans certains cas ne pourraient pas-
être Parties aux traités du Conseil de l'Europe relatifs à la coopération internationale en
matière pénale et ne seraient pas parties à des traités bilatéraux dans ce domaine avec la
plupart des autres Parties contractantes »1020. Ainsi, sans dispositions conventionnelles
relative à la coopération, la coopération serait plus compliquée lorsqu‟il était question
d‟Etats parties non membres du Conseil de l‟Europe. Les rédacteurs de la convention
pénale ont retenu ce besoin d‟un chapitre indépendant sur la coopération qui a donné
naissance au chapitre IV intitulé « coopération internationale ».

Le but de l‟article 25 – article introductif du chapitre IV - est de « concilier le


respect des traités ou accords de coopération internationale en matière pénale avec la
nécessité d'instaurer un fondement juridique spécifique à la coopération prévue par la
présente convention »1021. Ainsi, l‟article 25 de la convention pénale dispose que « les
Parties coopèrent, conformément aux dispositions des instruments internationaux 1022
pertinents sur la coopération internationale en matière pénale ou aux arrangements
établis sur la base des législations uniformes ou réciproques et à leur droit national, dans
la mesure la plus large possible les unes avec les autres, aux fins d‟investigations et de
procédures concernant les infractions pénales relevant du champ d‟application de la

1020 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 119.


1021 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 120.
1022 Voir en ce sens http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 120 : « Elle vise,
bien entendu, les conventions ci-après du Conseil de l'Europe : la convention d'extradition (STE n° 24) et ses
protocoles additionnels (STE nos 86 et 98), la convention d'entraide judiciaire en matière pénale (STE n° 30) et
son protocole (STE n° 99), la convention pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition
(STE n° 51), la convention sur la valeur internationale des jugements répressifs (STE n° 70), la convention sur la
transmission des procédures répressives (STE n° 73), la convention sur le transfèrement des personnes condamnées
(STE n° 112), la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du
crime (STE n° 141). Elle concerne aussi les accords multilatéraux conclus au sein d'autres organisations
supranationales ou internationales, ainsi que les accords bilatéraux conclus par les Parties. La référence aux
instruments internationaux de coopération internationale en matière pénale ne se limite pas aux instruments en
vigueur au moment de l'entrée en vigueur de la présente convention mais concerne aussi les instruments qui pourraient
être adoptés à l'avenir ».
263
présente convention »1023.

La convention pénale prévoit 1024 clairement que dans l‟hypothèse où aucun


instrument international ou arrangement parmi ceux cité à l‟article 25 (1) n‟est en vigueur
entre les Parties, les articles 26 à 31 du chapitre IV s‟appliquent. En l‟absence
d‟instruments internationaux, les Etats parties peuvent appliquer leur propre législation.

Les articles 26 à 31 du chapitre IV de la convention pénale s‟appliquent également


lorsqu‟ils sont « plus favorables » que les dispositions contenues dans les instruments
internationaux ou arrangements visés à l‟article 25 (1) 1025. L'expression «plus favorable»
vise la coopération internationale. Le sens de cette expression est que ces dispositions
doivent s'appliquer si, de ce fait, est offert une forme de coopération que, sans cela, il
n'aurait pas été possible d'offrir. Cet article pose alors « une dérogation au caractère
1026
supplétif » du chapitre IV, en disposant que malgré l‟existence d‟instruments ou
arrangements internationaux en vigueur, les articles 26 à 31 s‟appliquent lorsqu‟ils sont
plus favorables. On ne trouve pas d‟équivalent à ce caractère supplétif au sein de la
convention de l‟OCDE, la convention de l‟Union européenne ou l‟IACAC. Cependant,
l‟article 46 (6) de la CNUCC dispose que les dispositions de l‟article 46 sur la coopération
internationale « n‟affectent en rien les obligations découlant de tout autre traité bilatéral
ou multilatéral régissant ou devant régir, entièrement ou partiellement, l‟entraide
judiciaire ». A noter également que l‟article 46 (7) de la CNUCC dispose que les
paragraphes 9 à 29 de l‟article 46 « sont applicables aux demandes faites conformément au
présent article si les États Parties en question ne sont pas liés par un traité d‟entraide
judiciaire ».

1023 Voir http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 121 : « Selon le paragraphe 1,


la coopération peut aussi être fondée sur des «arrangements établis sur la base de législations uniformes ou
réciproques». Il s'agit, entre autres, du système de coopération mis en place entre les pays nordiques, qu'admettent
aussi la convention européenne d'extradition (STE n° 24, article 28, paragraphe 3) et la convention européenne
d'entraide judiciaire en matière pénale (STE n° 30, article 26, paragraphe 4). Bien entendu, la coopération peut
aussi être accordée en vertu du droit national des Parties ».
1024 Article 25 (2).
1025 Article 25 (3).
1026 R. A. CANO, op.cit., p. 574.
264
L‟article 261027de la convention pénale disposent que les Parties s‟accordent
l‟entraide la plus large possible pour traiter sans délai des requêtes émanant des autorités
qui sont habilitées, en vertu de leurs lois nationales, à enquêter sur ou à poursuivre les
infractions pénales relevant du champ d‟application de la convention pénale. Cette
disposition traduit dans le domaine spécifique de l'entraide judiciaire l'obligation de
coopérer dans la mesure la plus large possible, qui figure à l'article 25, paragraphe 11028.
Les rapports explicatifs précisent que les demandes d'entraide judiciaire n'ont pas besoin
d'être limitées à la collecte de preuves dans des affaires de corruption; elles pourraient
concerner d'autres aspects, tels que les notifications, la restitution des produits du crime ou
la transmission de dossiers. Cette disposition comprend une condition supplémentaire en
exigeant que la demande soit traitée «sans délai». De manière générale, les actes qui ont
besoin d'être accomplis en dehors du territoire de l'Etat où se déroule l'enquête exigent de
longs délais, ce qui constitue un obstacle au bon déroulement de l'enquête et peut même
compromettre celle-ci1029.

5 - La convention des Nations unies : la coopération la plus vaste possible

On trouve au chapitre IV de la CNUCC les conditions de la coopération


internationale dans la lutte contre la corruption. Les États parties à cette convention doivent
s‟accorder l‟entraide judiciaire la plus vaste possible. L‟approche de la CNUCC est
d‟établir un dispositif de coopération internationale relatif aux enquêtes et de la mise en
œuvre. Pour parvenir à ces objectifs, la CNUCC souhaite supprimer les obstacles tels que
le secret bancaire1030 et les exigences de la double incrimination. La plupart des
dispositions du Chapitre IV sont self-executing. En ce sens, elles se différencient des
dispositions relatives à l‟incrimination des comportements corrompus car elles ne
requièrent pas de loi de transposition par les Etats parties.

L‟article 43 (1) précise que les Etats parties coopèrent en matière pénale,
conformément aux articles 44 à 50 de la CNUCC, lorsqu‟il y a lieu et conformément à leur

1027 http://conventions.coe.nt/treaty/fr/Treaties/Html/173.htm.
1028 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 124.
1029 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 124.
1030 Cf., infra, chapitre 6.
265
système juridique interne les États Parties envisagent de se prêter mutuellement assistance
dans les enquêtes et les procédures concernant des affaires civiles et administratives
relatives à la corruption.

L‟article 46 qui a trait à l‟entraide judiciaire, comprend pas moins de trente articles.
On constate alors la volonté onusienne de préciser toutes les possibilités en termes
d‟entraide judiciaire dans la lutte contre la corruption.

L‟article 46 (1) pose le principe, d‟une manière semblable aux autres textes
internationaux, que les États Parties doivent s‟accorder mutuellement l‟entraide judiciaire
la plus large possible lors des enquêtes, poursuites et procédures judiciaires concernant les
infractions visées par la CNUCC. Les provisions de l‟article 46 notamment sont très
détailles.

La CNUCC dispose que chaque fois que le principe de la double incrimination est
considérée comme une condition, elle est « réputée remplie, que la législation de l‟État
Partie requis qualifie ou désigne ou non l‟infraction de la même manière que l‟État Partie
requérant, si l‟acte constituant l‟infraction pour laquelle l‟assistance est demandée est une
infraction pénale en vertu de la législation des deux États Parties »1031. Cela correspond à
l‟approche de l‟OCDE consacrée à l‟article 9 (2) de la convention.

L‟article 46 (3) énumère les fins selon lesquelles l‟entraide judiciaire peut être
demandée1032.

Comme on l‟a constaté lorsque nous avons comparés des dérogations à caractère

1031 Article 43 (2).


1032 Recueillir des témoignages ou des dépositions; signifier des actes judiciaires; effectuer des
perquisitions et des saisies, ainsi que des gels; examiner des objets et visiter des lieux; fournir des
informations, des pièces à conviction et des estimations d‘experts; fournir des originaux ou des
copies certifiées conformes de documents et dossiers pertinents, y compris des documents
administratifs, bancaires, financiers ou commerciaux et des documents de société; identifier ou
localiser des produits du crime, des biens, des instruments ou d‘autres choses afin de recueillir des
éléments de preuve; faciliter la comparution volontaire de personnes dans l‘État Partie requérant;
fournir tout autre type d‘assistance compatible avec le droit interne de l‘État Partie requis;
identifier, geler et localiser le produit du crime, conformément aux dispositions du chapitre V de la
présente convention; recouvrer des avoirs, conformément aux dispositions du chapitre V de la
présente convention.
266
supplétif, l‟article 46 (6) de la CNUCC prévoit que les dispositions de l‟article 46 sur la
coopération internationale « n‟affectent en rien les obligations découlant de tout autre
traité bilatéral ou multilatéral régissant ou devant régir, entièrement ou partiellement,
l‟entraide judiciaire ». A noter également que l‟article 46 (7) de la CNUCC dispose que
« les paragraphes 9 à 29 du présent article sont applicables aux demandes faites
conformément au présent article si les États Parties en question ne sont pas liés par un
traité d‟entraide judiciaire ».

Les articles 46 (10), (11) et (12) comprennent des dispositions approfondies


relatives au transfert des personnes détenues.

L‟article 46 (14) concerne la forme des demandes d‟entraide. Il précise que les
demandes d‟entraide doivent être adressées par écrit ou, si possible, par tout autre moyen
pouvant produire un document écrit, dans une langue acceptable pour l‟État Partie requis,
dans des conditions permettant audit État Partie d‟en établir l‟authenticité. L‟article 46 (15)
concerne le contenu de ces demandes, c‟est-à-dire les informations qu‟elles
comprennent 1033.

Le texte des Nations unies prévoit la possibilité pour l‟Etat requis de demander « un
complément d‟information lorsque cela apparaît nécessaire pour exécuter la demande
conformément à son droit interne ou lorsque cela peut en faciliter l‟exécution »1034.

Chaque demande d‟entraide doit être exécutée conformément au droit interne de


l‟État Partie à la CNUCC requis et, dans la mesure où cela ne contrevient pas au droit
interne de l‟État Partie requis et lorsque cela est possible, conformément aux procédures
spécifiées dans la demande1035.

1033 « a) La désignation de l‟autorité dont émane la demande; b) L‟objet et la nature de l‟enquête, des poursuites ou de la
procédure judiciaire auxquelles se rapporte la demande, ainsi que le nom et les fonctions de l‟autorité qui en est
chargée; c) Un résumé des faits pertinents, sauf pour les demandes adressées aux fins de la signification d‟actes
judiciaires; d) Une description de l‟assistance requise et le détail de toute procédure particulière que l‟État Partie
requérant souhaite voir appliquée ;e) Si possible, l‟identité, l‟adresse et la nationalité de toute personne visée; et f) Le
but dans lequel le témoignage, les informations ou les mesures sont demandés ».
1034 Article 46 (16).
1035 Article 46 (17).
267
L‟article 46 (18) concerne les possibilités de faire entendre des témoins par
vidéoconférence. L‟article 46 (19) prévoit les modalités d‟usage par l‟Etat requérant des
éléments de preuve fournis par l‟Etat requis. Il est envisageable que l‟Etat partie requérant
puisse exiger de l‟Etat partie requis de garder le secret sur la demande et sa teneur 1036.

L‟article 46 (28) fournit des précisions quant aux frais encourus lors de la demande.
Ces frais sont en principe à la charge de l‟Etat requis, sauf en cas de dépenses importantes
ou extraordinaires où il peut être question d‟une consultation en vue de fixer un accord sur
les frais.

Certains éléments relatifs à l‟envoi des copies des dossiers, documents ou


renseignements administratifs sont prévus à l‟article 46 (29). Cela concerne autant les
documents auxquels le public a accès que les documents auxquels le public n‟a pas accès.

La dernière disposition de l‟article 46 1037 prévoit la possibilité pour les Etats parties
de conclure des accords ou des arrangements bilatéraux ou multilatéraux qui servent les
objectifs de l‟article 46, mettent en pratique ses dispositions ou les renforcent.

L‟article 47 prévoit pour les Etats d‟envisager la possibilité de se transférer


mutuellement les procédures relatives à la poursuite d‟une infraction établie conformément
à la CNUCC dans les cas où « ce transfert est jugé nécessaire dans l‟intérêt d‟une bonne
administration de la justice et, en particulier lorsque plusieurs juridictions sont
concernées, en vue de centraliser les poursuites ». Cela va un pas plus loin que les
provisions très générale et les dispositions permissives de l‟article 42 (5) où si un Etat
partie à la CNUCC qui exerce sa compétence en vertu du paragraphe 42 (1) ou (2) « a été
avisé, ou a appris de toute autre façon, que d‟autres États Parties mènent une enquête ou
ont engagé des poursuites ou une procédure judiciaire concernant le même acte, les
autorités compétentes de ces États Parties se consultent, selon qu‟il convient, pour

1036 Article 46 (20) : « sauf dans la mesure nécessaire pour l‘exécuter. Si l‘État Partie requis ne peut
satisfaire à cette exigence, il en informe sans délai l‘État Partie requérant ».
1037 L‘article 46 (30).
268
coordonner leurs actions ». Cela représente potentiellement une disposition très utile1038.

L‟article 48 appelle une coopération entre les services de détection et de répression.


La CNUCC prévoit les moyens de mise en œuvre de cette coopération. L‟article 491039 a
établi la possibilité d‟enquêtes conjointes et l‟article 501040 a trait aux techniques d‟enquête
spéciale.

L‟expérience jusqu‟à présent avec les autres conventions internationales a démontré


que les dispositions relatives à la coopération sont, potentiellement, les outils les plus
significatifs de ces textes, surtout lorsqu‟il s‟agit de la corruption d‟agent public étranger.
La raison pour cela est que les preuves relatives à une infraction se trouvent, presque par
définition, sous la compétence des juridictions nationales de plusieurs Etat 1041. Les
dispositions de la CNUCC en ce sens pourraient avoir un effet profond, non seulement à
cause de leur profondeur et largeur, mais de façon plus importante, à cause de leur
potentiel à créer un réseau de mise en œuvre global, voire universel 1042. Plus les pays sont
nombreux à ratifier, plus ce réseau aura de l‟envergure.

B - Dispositions relatives à l’échange d’information

L‟IACAC, la convention de l‟Union européenne et la convention de l‟OCDE 1043


restent silencieuses sur la question de l‟échange d‟informations dites « spontanées », c‟est-
à-dire une échange d‟information qui ne nécessite pas la formulation d‟une demande

1038 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of
anticorruption standards », op.cit., p. 15.
1039 Par le biais notamment des accords ou des arrangements bilatéraux ou multilatéraux en vertu
desquels, pour les affaires qui font l‘objet d‘enquêtes, de poursuites ou de procédures judiciaires
dans un ou plusieurs États, les autorités compétentes concernées peuvent établir des instances
d‘enquête conjointes.
1040 Par exemple la surveillance électronique ou d‘autres formes de surveillance et les opérations
d‘infiltration et pour que les preuves recueillies au moyen de ces techniques soient admissibles
devant ses tribunaux.
1041 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption: the globalisation of
anticorruption standards », op.cit., p. 19.
1042 Ibid., p. 19.
1043 On note cependant que la Recommandation révisée de l‘OCDE consacre une disposition à cette
question (section VII (i)).
269
préalable aux fins de transmission d‟information pouvant aider la Partie destinataire à
réaliser une enquête ou à engager des poursuites concernant des infractions pénales
pertinentes. Cependant, la convention pénale du Conseil de l‟Europe et la CNUCC
consacrent des dispositions à cette question.

La convention pénale du Conseil de l‟Europe dispose à l‟article 28 que sans


préjudice aux propres investigations ou procédures d‟un Etat partie, cet Etat peut, sans
demande préalable, communiquer à un autre Etat partie des informations factuelles si elle
considère que la divulgation de ces informations puissent aider l‟Etat partie bénéficiaire à
entamer ou à effectuer des investigations ou des poursuites concernant les infractions
établies en vertu de la convention pénale ou est susceptible d‟entraîner une requête de cet
Etat partie au sens du chapitre IV. Les rapports explicatifs de la convention pénale du
Conseil de l‟Europe expliquent le sens de cette disposition. Il arrive en effet que « compte
tenu du caractère transnational de nombreuses infractions de corruption, qu'une autorité
enquêtant sur une infraction de corruption sur son territoire découvre des informations
indiquant qu'une infraction a pu être commise sur le territoire d'un autre Etat »1044.

L‟article 46 (4)1045 de la CNUCC prévoit une disposition similaire à l‟article 28 de


la convention pénale. La convention pénale et la CNUCC suppriment alors le besoin de
demande préalable aux fins de transmission d‟information pouvant aider la Partie
destinataire à réaliser une enquête ou à engager des poursuites concernant des infractions
pénales pertinentes. Ce genre de communication spontanée n‟empêchera pas l‟Etat partie
qui les communique, dans le cas où il est compétence, de réaliser une enquête ou d‟engager
des poursuites relatives aux faits divulgués.

1044 http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/173.htm, § 131 : voir en ce sens ibid. :


Cette disposition, qui s'inspire de l'article 10 de la convention relative au blanchiment, au dépistage,
à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE n° 141).
1045 « Sans préjudice du droit interne, les autorités compétentes d‟un État Partie peuvent, sans demande préalable,
communiquer des informations concernant des affaires pénales à une autorité compétente d‟un autre État Partie, si
elles pensent que ces informations pourraient aider celle-ci à entreprendre ou à mener à bien des enquêtes et des
poursuites pénales, ou amener ce dernier État Partie à formuler une demande en vertu de la présente convention ».
270
C - L’établissement d’autorités nationales centrales chargées de la
lutte contre la corruption internationale

Tous les textes internationaux de lutte contre la corruption, à l‟exception de la


convention de l‟Union européenne, demandent aux États Parties d‟établir ou de nommer
une autorité centrale chargée de l‟envoi et de la réception des demandes d‟entraide
judiciaire en matière pénale. Cela constitue un moyen d‟assurer convenablement et
rapidement la transmission de ce genre de demande.

L‟IACAC dispose qu‟aux fins de l'entraide et de la coopération internationale visée


par la convention, chaque Partie peut désigner une autorité centrale, ou peut utiliser les
autorités centrales envisagées dans les traités applicables ou dans d'autres accords 1046. Les
autorités centrales sont chargées de formuler et de recevoir les demandes de coopération et
d'assistance visées dans la présente convention1047. Les autorités centrales engagent des
communications directes entre elles aux effets de l‟IACAC.

La convention de l‟Union européenne relative à la lutte contre la corruption


impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes et des fonctionnaires des
autres États membres ne prévoit pas de disposition spécifique sur la désignation d‟une
autorité centrale.

L‟article 11 de la convention de l‟OCDE prévoit qu‟aux fins de la concertation


prévue à l‟article 4 (3), de l‟entraide judiciaire prévue à l‟article 9 et de l‟extradition prévue
à l‟article 10, chaque Etat partie notifie au Secrétaire général de l‟OCDE une autorité ou
des autorités, chargées de l‟envoi et de la réception des demandes, qui joueront le rôle
d‟interlocuteur pour cet Etat partie pour ces matières, sans préjudice d‟autres arrangements
entre les Etats parties. Cependant, cette convention ne prévoit pas de disposition relative à
la communication directe entre autorités centrales ou autorités judiciaires de l‟Etat
requérant et de l‟Etat requis.

L‟article 29 de la convention pénale du Conseil de l‟Europe concerne la question

1046 Voir l‘article 18 (1).


1047 Voir l‘article 18 (2).
271
d‟une autorité centrale. Les Etats parties à la convention pénale désignent une autorité
centrale ou, au besoin, plusieurs autorités centrales, chargée(s) d‟envoyer les demandes
formulées en vertu du chapitre IV de la convention, d‟y répondre, de les exécuter ou de les
transmettre aux autorités qui ont compétence pour les exécuter 1048.

Les rapports explicatifs à la convention pénale1049 précisent que la mise en place


d'autorités centrales chargées d'envoyer les demandes et d'y répondre est une
caractéristique commune des instruments modernes de coopération internationale en
matière pénale. Il est question d'un moyen permettant d'assurer correctement et rapidement
la transmission de ces demandes. Lorsqu‟il est question des Etats fédéraux ou confédéraux,
les autorités compétentes des Etats, des cantons ou des entités qui constituent la Fédération
sont parfois mieux à même de traiter rapidement les demandes de coopération qui émanent
d'autres Parties. On note que la possibilité de désigner «plusieurs autorités centrales» vise
cette question particulière. Cette disposition n'oblige pas les Etats parties à désigner une
autorité centrale spécifique aux fins de la coopération internationale contre les infractions
établies en vertu de la présente convention. Elles pourraient désigner des autorités qui
existent déjà et qui ont une compétence générale en matière de coopération internationale.

Chaque Etat partie est invité à fournir au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe
des détails pertinents concernant la ou les autorité(s) centrale(s) désignée(s) en vertu de
l‟article 29 (1). Dans le respect de l‟article 40, le Secrétaire Général mettra ces
informations à la disposition des autres Parties contractantes.

L‟article 46 (13) de la CNUCC prévoit que « chaque Etat partie désigne une
autorité centrale qui a la responsabilité et le pouvoir de recevoir les demandes d‟entraide
judiciaire et, soit de les exécuter, soit de les transmettre aux autorités compétentes pour
exécution ». Cette disposition est analogue aux dispositions pertinentes de la convention
pénale du Conseil de l‟Europe. La seule différence concerne « la transmission directe entre
autorités judiciaires de l‟État requis et de l‟État requérant qui n‟est pas prévue, y compris
lorsque l‟exécution de la demande d‟entraide ne nécessite pas de mesures coercitives et le

1048 Voir l‘article 29 (1).


1049 http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/173.htm, § 132.
272
cas où l‟autorité judiciaire saisie n‟est pas compétente et qu‟elle reçoit la demande, alors
elle la transmet à l‟autorité compétente »1050.

On constate une approche similaire entre la convention pénale du Conseil de


l‟Europe et la CNUCC au niveau de la nomination d‟une autorité centrale. Il est même
prévu par les deux textes d‟établir plusieurs autorités centrales dans ce que la convention
pénale désigne comme des Etats fédéraux et la CNUCC par « région ou territoire spécial
doté d‟un système d‟entraide judiciaire différent ». Les deux textes prévoient la possibilité
de transmettre les demandes d‟assistance par l‟intermédiaire d‟Interpol, l‟Organisation
internationale de police criminelle. Cependant, l‟article 30 (3) de la convention pénale
dispose que les demandes peuvent être présentées à Interpol, en toutes circonstances,
même s‟il n‟y a pas d‟urgence, alors que l‟article 46 (13) de la CNUCC circonscrit la
transmission des demandes d‟entraide à Interpol en cas d‟urgence et si les Etats Parties en
conviennent.

D - Correspondance directe

L‟article 30 de la convention pénale du Conseil de l‟Europe pose le principe de la


communication directe entre les autorités centrales. En cas d‟urgence1051, ces demandes
d‟entraide peuvent être envoyées de façon directe par les juges et les procureurs de l‟Etat
requérant à leurs homologues de l‟Etat requis. C‟est le juge ou le procureur qui envoie la
demande qui apprécie la nature urgente de la demande. On note aussi que les demandes
d‟entraide peuvent être transmises par le biais d‟Interpol 1052. Ces demandes peuvent être
transmises directement, même lorsqu‟il n‟y a pas d‟urgence, si l‟autorité de l‟Etat requis
est en mesure de satisfaire à la demande sans recourir à des mesures coercitives1053. Les
rapports explicatifs à la convention pénale précisent que les autorités de l‟Etat requis qui
reçoivent une demande qui échappe à leur domaine de compétence ont, en vertu de l‟article

1050 R. A. CANO, op.cit., p. 585.


1051 Article 30 (2).
1052 Article 30 (3).
1053 Article 30 (5).
273
30 (4) une « double obligation »1054. Il y a d‟une part l‟obligation de transmettre la
demande à l‟autorité compétente de l‟Etat requis. D‟autre part, l‟Etat requis doit informer
les autorités de l‟Etat requérant de la transmission qui a été effectuée.

Puisque la communication directe entre autorités judiciaires peut créer des retards
et obstacles relatifs à la mise en œuvre de la coopération requise, la convention pénale
prévoit la possibilité pour un Etat partie d‟informer les autres Etats parties, par le biais du
Secrétaire Général du Conseil de l‟Europe, que, dans l‟optique d‟efficacité, les
communications directes doivent être adressées à l‟autorité centrale.

La convention de l‟Union européenne est muette sur la question des autorités


centrales. La convention de l‟OCDE ne contient pas de dispositions comme l‟article 30 de
la convention pénale du Conseil de l‟Europe qui pose le principe de la communication
directe entre les autorités centrales et autorités judiciaires. L‟IACAC prévoit que « les
autorités centrales engagent des communications directes entre elles aux effets de la
présente convention »1055.

E - Information des suites données à la demande d’assistance

L‟IACAC et la convention de l‟Union européenne ne disposent pas d‟obligation


d‟informer sur les suites à donner à la demande d‟assistance.

La convention de l‟OCDE prévoit à l‟article 9 (1) que « la Partie requise informe la


Partie requérante, sans retard, de tout élément ou document additionnels qu‟il est
nécessaire de présenter à l‟appui de la demande d‟entraide et, sur demande, des suites
données à cette demande d‟entraide ». Comme on le verra, cette disposition se distingue de
l‟article 30 de la convention pénale du Conseil de l‟Europe « puisqu‟elle demande à l‟Etat
requérant d‟informer de tout élément ou documents additionnels qu‟il est nécessaire de
présenter à la demande d‟assistance. De plus, la Partie requise devra informer des suites
données à cette demande, c‟est-à-dire les résultats »1056. Cette dissimilitude entre les deux

1054 http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/173.htm, § 134.


1055 Article 18 (3).
1056 R. A. CANO, op. cit., p. 588.
274
textes s‟agit du fait que l‟information sur les suites de la demande d‟assistance se fait
seulement si la Partie requérante fait une telle demande alors que dans la convention pénale
cette information est obligatoire.

L‟article 31 de la convention pénale du Conseil de l‟Europe concerne la question


des suites données aux demandes d‟entraide judiciaire. Il s‟agit de « l'obligation pour la
Partie requise d'informer la Partie requérante du résultat des mesures prises à la suite de
la demande de coopération internationale »1057. Cet article prévoit que l‟Etat partie requise
informe sans délai la Partie requérante de la suite donnée aussitôt à une demande formulée
en vertu du présent chapitre et du résultat définitif de la suite donnée à la demande. La
Partie requise informe également sans délai la Partie requérante de toutes circonstances
rendant impossible l‟exécution des mesures sollicitées ou risquant de la retarder
considérablement.

La CNUCC consacre l‟obligation d‟informer à l‟article 46 (24). Selon cette


disposition, l‟Etat partie requérant a la possibilité de présenter des demandes dites
« raisonnables »1058 d‟informations sur l‟état d‟avancement des mesures prises par l‟Etat
partie requis pour faire droit à sa demande. Dans le cadre des ces demandes raisonnables
de la part de Etat partie requérant, l‟Etat partie requis formulera une réponse quant aux
progrès réalisés dans l‟exécution de la demande. Si l‟entraide demandée n‟est plus
nécessaire, l‟Etat partie requérant en informe promptement l‟Etat partie requis.

F - Les critères relatifs au refus de coopération

En matière de coopération internationale, certains textes de lutte contre la


corruption prévoient des possibilités de refus de coopération. L‟IACAC, la convention de
l‟Union européenne et la convention de l‟OCDE ne prévoient pas de motifs de refus
d‟entraide. Cela représente un point important, surtout en vue des nombreuses possibilités
de refus d‟entraide fourni par la convention pénale du Conseil de l‟Europe et la CNUCC.

Le paragraphe 2 de l‟article 26 ouvre la possibilité de refuser des demandes

1057 http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/173.htm, § 135.


1058 Article 46 (24).
275
d‟entraide judiciaire formulée en application de la convention pénale du Conseil de
l‟Europe. Ces demandes peuvent être motivées sur le fondement de l'atteinte à la
souveraineté de l'Etat, la sécurité, l'ordre public et autres intérêts fondamentaux de la Partie
requise1059.

L‟article 46 (21) de la CNUCC dispose que l‟entraide judiciaire peut être refusée si
la demande n‟est pas faite conformément aux dispositions de l‟article 46, si l‟État Partie à
la CNUCC requis estime que l‟exécution de la demande est susceptible de porter atteinte à
sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre public ou à d‟autres intérêts essentiels; au cas où
le droit interne de l‟État Partie requis interdirait à ses autorités de prendre les mesures
demandées s‟il s‟agissait d‟une infraction analogue ayant fait l‟objet d‟une enquête, de
poursuites ou d‟une procédure judiciaire dans le cadre de sa propre compétence; au cas où
il serait contraire au système juridique de l‟État Partie requis concernant l‟entraide
judiciaire d‟accepter la demande. On constate alors les hypothèses nombreuses de refus.
Cela peut bien évidemment constituer un obstacle très important à l‟efficacité de la lutte
contre la corruption.

La CNUCC dispose que, sous certaines conditions, les Etats parties peuvent
invoquer l‟absence de double incrimination pour refuser de fournir une aide en application
de l‟article 461060. Cependant, l‟article 46 (9) (b) précise que l‟Etat partie requis, « lorsque
cela est compatible avec les concepts fondamentaux de son système juridique, accorde
l‟aide demandée si elle n‟implique pas de mesures coercitives ». Si la demande porte sur
des « questions mineures »1061 ou des questions pour lesquelles la coopération ou l‟aide
demandée peut être obtenue sur le fondement d‟autres dispositions de la CNUCC, alors
cette aide peut être refusée. Le texte de la CNUCC ne précise pas ce qu‟il faut entendre par
la notion de « questions mineures ».

1059 Voir en ce sens, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm : § 125 : « L'expression


“intérêts fondamentaux de l'Etat” peut être interprétée comme donnant la possibilité à la Partie requise de refuser
entraide judiciaire dans les cas où des principes fondamentaux de son système judiciaire sont en jeu, lorsque des
considérations relatives à la protection des Droits de l'Homme doivent prévaloir et, de manière générale, lorsque la
Partie requise a des raisons valables pour considérer que les poursuites pénales engagées par la Partie requérante ont
été dénaturées ou détournées à des fins autres que celles de lutter contre la corruption ».
1060 L‘article 46 (9) (b).
1061 L‘article 46 (9) (b).
276
CONCLUSION

La corruption qui est devenue un phénomène qui traverse les frontières, appelle une
réponse internationale. Cela ne peut pas se réaliser sans une coopération judiciaire
interétatique efficace. On remarque, surtout au sein des textes du Conseil de l‟Europe et
des Nations unies, de nombreuses dispositions ayant trait à la coopération internationale.
Malgré ces dispositions très approfondies, il reste à connaître l‟efficacité réelle de ces
dernières, au-delà de la portée purement déclaratoire. De plus, certains motifs de refus
d‟entraide soulèvent des interrogations quant à la réelle volonté des Etats de coopérer sur
chaque aspect de la lutte contre la corruption. Ce sont autant de doutes quant à l‟efficacité
du dispositif juridique international.

277
CHAPITRE 6

L’INDISPENSABLE TRANSFERT DES PERSONNES ARRETEES ET


DES BIENS SAISIS

Notre objectif ici est de connaître les conséquences juridiques de la qualification


d‟un comportement ou d‟un fait en tant que corruption et on pense notamment au transfert
des biens et des personnes. Dans cette optique, il semble opportun d‟étudier l‟efficacité
des mesures de coopération élaborée à cet effet. On analysera en ce sens l‟efficacité de la
coopération interétatique judiciaire en matière de l‟extradition qui est une condition
cruciale pour la réussite de la lutte contre la corruption internationale (Section 1). Sera
ensuite étudiée la question du la confiscation, la saisie, le gel et le transfert des avoirs en
matière de corruption internationale qui fait l‟objet notamment des dispositions
innovatrices au sein de la convention des Nations unies contre la corruption (Section 2).

279
SECTION 1

UN ACTE JURIDIQUE ESSENTIEL : L’EXTRADITION EN CAS DE CORRUPTION


INTERNATIONALE

Toutes les conventions de lutte contre la corruption internationale ont trait au


mécanisme juridique de l‟extradition. Il convient de mettre en lumière l‟approche du droit
international général à cette question (§ 1). On pourra alors mieux appréhender les
dispositions conventionnelles en matière de corruption internationale concernant cette
remise d‟individu pour qu‟il soit jugé par l‟État requérant ou pour qu‟il exécute la peine à
laquelle il a été condamné (§ 2).

§ 1 - Le droit international en matière de l’extradition

Avant d‟aborder les dispositions des conventions de lutte contre la corruption en


matière d‟extradition, il convient d‟étudier les principes généraux de droit international
dans ce domaine. Ainsi, on analysera les caractéristiques de ce mécanisme juridique très
ancien (A). La compréhension de la mise en œuvre (B) de l‟extradition exige certaines
précisions quant à la situation de l‟individu et la nature de l‟infraction. Il est également
question de certaines règles de procédure. En dernier lieu, on étudiera le principe connu
sous l‟adage latin « aut dedere aut judicare» (C), c‟est-à-dire « ou bien livrer, ou bien
juger ».

A – Les caractéristiques du mécanisme juridique de l’extradition

L‟extradition est un « mécanisme juridique par lequel un Etat (Etat requis) livre
une personne qui se trouve sur son territoire à un autre Etat (Etat requérant) qui la

280
réclame aux fins de poursuites ou d‟exécution de peine »1062. La notion d‟extradition n‟est
pas souvent définie par le droit positif1063. L‟extradition est pourtant un mécanisme
juridique d‟entraide très ancien. En effet, on trouve la trace des cas d‟extradition à Karnac,
dans l‟Egypte antique « où l‟on a découvert gravé sur un mur le traité de paix de Kadesh
conclu en 1269 avant J.C. entre Ramsès II, Pharaon, et Hattousil III, Prince des Hitties,
dans lequel figure ce qui fut, peut être, la première clause d‟extradition »1064. L‟extradition
nous intéresse tout particulièrement car elle démontre très clairement la façon dont les
Etats mettent en œuvre les procédures de coopération « pour pallier les inconvénients
résultant de l‟exclusivité de la compétence territoriale sans y porter atteinte»1065. En effet,
« il s‟agit d‟un instrument très efficace de collaboration répressive internationale au point
que l‟on parle [parfois] d‟entraide « majeure »1066.

En matière d‟extradition, il est question d‟une collaboration entre deux Etats. Cette
collaboration a lieu au niveau gouvernemental. Elle est, historiquement « entourée de
garanties procédurales destinées à protéger l‟individu, à respecter l‟ordre public de l‟Etat
requis et à éviter des ingérences dans les affaires intérieures des autres Etats »1067. La
requête d‟extradition et sa réponse, sont des actes diplomatiques interétatiques. En ce sens,

1062 J. SALMON, op.cit., p. 489.


1063 Cf., l‘article 1 de la loi de Haïti de 1912 : « L‟extradition est l‟acte par lequel un Etat livre à un autre, sur sa
demande, un individu prévenu d‟avoir commis telle infraction déterminée par la loi ou les traités, ou condamné pour
l‟avoir commise sur le territoire de l‟Etat qui réclame afin de la faire juger par l‟autorité compétente ou lui faire subir
sa peine. » ; le Statut de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998 à Rome prévoit la définition
suivante à l‘article 102 (b) : « On entend par „extradition‟ le fait pour un Etat de livrer une personne à un autre
Etat en application d‟un traité, d‟une convention ou de la législation nationale ». A noter que ce texte distingue
la notion d‘ « extradition » de la notion de « remise ».
1064 M. POUTIERS, op.cit., p. 933 ; voir ibid. : De nos jours, on constate que « parmi les auteurs
d‟infractions internationales, seuls les individus (gouvernants, supérieurs hiérarchiques, exécutants et individus en
tant que personnes privées), sont susceptibles d‟être extradés, dans les limites spécifiques à l‟extradition elle-même et
au statut de ces individus, notamment aux problèmes posés par l‟immunité. » M. Poutiers (ibid.) souligne que
« selon le Statut de la Cour pénale internationale, la seule différence qui oppose l‟extradition à la remise est la
qualité du requérant, un Etat pour l‟extradition, la Cour pour la remise, ainsi que la source de l‟obligation, un
traité, une convention ou une loi nationale pour l‟extradition, le Statut de la Cour pour la remise ».
1065 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 571.
1066 A. HUET, R. KOERING-JOULON, op.cit., p. 397.
1067 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 570 ; selon ces auteurs « la procédure de l‟extradition fait l‟objet depuis
quelques années de controverses aiguës, en raison du nombre croissant de conventions tendant à limiter la portée du
principe traditionnel excluant l‟extradition lorsque la demande est fondée sur des motifs politiques (lutte contre le
terrorisme international et le trafic des stupéfiants, répression des mouvements sécessionnistes, tensions internes dans
les Etats à régime autoritaire) et de la multiplication des demandes d‟asile politique ».
281
« l‟acte d‟extradition est donc un acte de gouvernement souverain et non un acte de
1068
pouvoir judiciaire » . On distingue alors l‟extradition d‟autres formes de coopération
judiciaire interétatique.

L‟extradition concerne le droit interne mais surtout le droit international. Le


régime de l‟extradition est souvent prévu par « la combinaison de la législation nationale,
de traités bilatéraux précisant les hypothèses où l‟extradition est possible, éventuellement
de conventions multilatérales générales »1069. On fera notamment référence à la convention
européenne d‟extradition du 13 décembre 19571070 qui « définit un régime complet de
coopération entre les Etats membres du Conseil de l‟Europe»,1071 la convention
européenne sur la répression du terrorisme du 27 janvier 1977 1072 ou encore la convention
de Caracas du 25 février 19811073 dans le cadre de l‟OEA. On fera référence également à
l‟article 8 de la convention de La Haye pour la répression de la capture illicite d‟aéronefs
du 16 décembre 1970 1074, bien qu‟il ne s‟agisse pas d‟un texte régissant exclusivement les
questions d‟extradition.

En droit interne, la plupart des Etats ont adopté une loi régissant l‟extradition et
protégeant les droits des individus susceptibles d‟être extradés1075. Cependant, « ces lois ne
sauraient toutefois entrer en contradiction avec les règles internationales en la matière,

1068 M. POUTIERS, op.cit., p. 934 ; voir ibid. : « Ce n‟est qu‟après que la demande d‟extradition a été reçue par le
gouvernement de l‟Etat requis que ce dernier la transmet à ses juridictions nationales compétentes qui se prononcent
alors sur la validité de la demande ».
1069 P. DAILLIER et al., op.cit, p. 570 ; les auteurs soulignent que par la résolution 45/116 du
14 décembre 1990, l‘Assemblée générale des Nations Unies a adopté un « traité-type d‟extradition »
dont les Etats sont invités à s‘inspirer.
1070 http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/024.htm.
1071 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 116 ; voir ibid. : Ce régime est « conditionné par le fait que les
infractions motivant la demande d‟extradition formulée par un Etat parie à l‟égard d‟un autre soit punies par les
lois des deux Etats d‟une peine privative de liberté ou d‟une mesure de sûreté d‟au moins un an, condition que la
France a pour sa part élevée à deux ans, afin d‟en réserver l‟application aux cas d‟une suffisante gravité. En
revanche est demandée pour l‟exécution d‟un jugement, il suffit que le maximum de la peine encourue soit d‟au moins
un an et que la sanction prononcée soit d‟une durée minimale de quatre ans ».
1072 http://conventions.coe.int/treaty/fr/treaties/html/090.htm.
1073 http://www.oas.org/juridico/english/sigs/b-47.html.
1074 http://treaties.un.org/doc/db/Terrorism/Conv2-french.pdf.
1075 Voir à ce sujet : P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 116 : en effet, il peut relever du droit
interne, « comme, en France, la loi du 10 mars 1927 dont l‟interprétation et l‟application ont d‟ailleurs connu une
importante évolution dans la jurisprudence des juridictions administratives et judiciaires ».
282
qui s‟imposent à chacun des Etats »1076.

A cette notion d‟extradition dite « classique » ont été ajoutées des procédures
équivalentes plus souples, dénommées « procédures de remise »1077. On fait référence ici à
la remise d‟une personne à la Cour pénale internationale 1078 et surtout la remise d‟une
personne à un Etat membre au sein de l‟Union européenne, l‟Etat « d‟émission », par un
autre Etat membre de la même Union, l‟Etat « d‟exécution ». Dans la section 2, on étudiera
la décision cadre1079 adopté par le Conseil le 13 juin 2002, c‟est-à-dire le mandat d‟arrêt
européen.

B – La mise en œuvre de l’extradition

Dans la mesure où nous avons déjà procédé à une analyse de certains principes de
la mise en œuvre de la coopération judiciaire interétatique - principes souvent eux-mêmes
issus du mécanisme juridique de l‟extradition - on n‟approfondira pas ici cette question. 1080
Il convient néanmoins de rappeler certains points que l‟on peut considérer comme
prioritaires en matière d‟extradition. Par le biais des dispositions conventionnelles que l‟on
vient d‟évoquer ci-dessus, « les Etats parties s‟engagent chaque fois qu‟ils en sont requis à
livrer la personne en cause, sous réserve de conditions tenant à la situation de l‟individu et
à la nature de l‟infraction »1081. On analysera ainsi les questions relatives à la situation de
l‟individu (i), la nature de l‟infraction (ii) et les questions de procédures pertinentes (iii).

1 - La situation de l’individu

Pour ce qui est de la situation de l‟individu, « peuvent être extradées toutes


personnes qui se trouvent sur le territoire de l‟Etat requis, quelle que soit leur nationalité ;

1076 M. POUTIERS, op.cit., p. 935.


1077 A. HUET, R. KOERING-JOULON, op.cit., p. 397.
1078 Statut de la Cour, article 89 et 91, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/6A7E88C1-8A44-42F2-
896F-D68BB3B2D54F/0/Rome_Statute_French.pdf.
1079 2002/584/GAI,
http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/judicial_cooperation_in_crimin
al_matters/l33167_fr.htm.
1080 Cf., supra, chapitre 5.
1081 J. COMBACAU, S. SUR, op.cit., p. 364.
283
celle de l‟Etat requérant, celle d‟un Etat tiers, ou même la leur »1082. Cependant, selon le
droit international, aucun Etat n‟est obligé d‟extrader ses propres ressortissants si cette
obligation n‟est pas précisée au sein d‟une convention1083. Si cette règle « serait atténuée
par le jeu de la compétence personnelle active »1084 la règle de la non extradition des
nationaux est très critiquée par la doctrine.

2 - La nature de l’infraction

La question de la nature de l‟infraction exige certaines clarifications. M. le


Professeur Combacau et M. le Professeur Sur citent ainsi plusieurs éléments pertinents1085.

Premièrement, c‟est la gravité de l‟infraction qui justifie ou non le transfert de la


personne. Le mécanisme juridique de l‟extradition ou de la remise est « lourd et coûteux
pour les Etats concernés, et coercitif pour la personne qui en est l‟objet, il est logique
qu‟on le réserve aux infractions relativement graves »1086.

Les questions d‟extradition concernent notamment le principe de la double


incrimination. En ce sens, l‟extradition va seulement être accordée si les mêmes faits sont
considérés comme des infractions selon le droit de l‟Etat requis et que ces faits soient
passibles de peines comparables. Selon au moins deux commentateurs, ce principe est
relativement facile à comprendre : premièrement « l‟exigence d‟une qualification pénale
par la loi de l‟Etat requérant apparaît s‟imposer au nom du bon sens » et deuxièmement
« il est légitime que l‟Etat requis ou l‟Etat d‟exécution ne veuille pas livrer un individu
pour un comportement que son système juridique ne pénalise pas ; en outre, il n‟est pas
d‟entraide répressive sans un minimum de langage commun ni sans une définition

1082 J. COMBACAU, S. SUR, op.cit., p. 364.


1083 Voir à ce titre : l‘article 6 (1) (a) et (b) de la convention européenne sur l‘extradition du
13 décembre 1957.
1084 A. HUET, R. KOERING-JOULON, op.cit., p. 398, il serait question d‘une « solidarité mal placée » ;
pour une analyse de la question du statut de réfugié voir ibid. notamment au titre de l‘article 33 (1)
de la convention de Genève du 28 juillet 1951 selon lequel « Aucun des Etats contractants n‟expulsera ou
ne refoulera, de quelque manière que ce soir, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté seraient
menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de
ses opinions politiques». ; pour une analyse de la compétence personnelle active, cf., supra, chapitre 4.
1085 J. COMBACAU, S. SUR, op.cit., p. 364.
1086 A. HUET, R. KOERING-JOULON, op.cit., p. 409.
284
commune du but poursuivi »1087. On peut faire référence ici à l‟article 2 (1) de la
convention européenne de 1957. Lorsqu‟il est question des infractions internationalement
définies,1088 « le refus d‟extradition fondé sur le non respect du principe de la double
incrimination ne saurait être admis. En effet, les Etats sont liés soit par la définition
coutumière donnée à certaines de ces infractions, soit par les traités auxquels ils sont
parties »1089. Pour satisfaire aux exigences de la double incrimination, la sanction pénale
doit généralement avoir été prévue en amont selon la règle nulla poena sine lege.

Depuis peu de temps, le principe de la double incrimination connaît une exception


importante. Il s‟agit des 32 catégories ou listes d‟infractions du mandat d‟arrêt européen.
En effet, un tel mandat est exécuté sans contrôle de la double incrimination des faits
reprochés lorsque les agissements considérés sont, aux termes de la loi de l‟Etat membre
d‟émission, punis d‟une peine privative de liberté d‟une durée égale ou supérieure à trois
ans d‟emprisonnement ou d‟une mesure de sûreté privative de liberté d‟une durée similaire
et entrent dans l‟une des catégories d‟infractions suivantes 1090. Il s‟agit notamment du
terrorisme, la traite des êtres humains, l‟exploitation sexuelle des enfants, le trafic illicite
d‟armes, de munitions, d‟explosifs, l‟homicide, le viol ou tous crimes et délits contre
l‟humanité, la corruption, la fraude, le blanchiment des produits du crime et l‟émission de
fausse monnaie.

Troisièmement, une demande d‟extradition peut être refusée par l‟Etat requis si ce
dernier poursuit lui-même les faits visés. Il s‟agit notamment du principe aut dedere aut

1087 Ibid., p. 402.


1088 Le crime de droit international est défini in J. SALMON, op.cit., p. 432 comme « tout fait individuel
qualifié d‟infraction internationale pénale par le droit international coutumier ou conventionnel, par exemple, la
piraterie, l‟esclavage, le crime de guerre, le crime contre l‟humanité, le trafic de stupéfiants, la capture d‟aéronefs ».
1089 M. POUTIERS, op.cit., p. 945 ; l‘auteur précise que « les Etats, de plus, doivent avoir intégré ces infractions
dans leur ordre interne et avoir prévu les sanctions pénales applicables », voir en ce sens :l‘article 5 de la
convention pour la prévention et le répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 ; les
articles 49, 50, 129 ; et 146 respectivement des Ière, IIème, IIIème et IVème conventions de
Genève de 1949 relatives à la protection des victimes des conflits armés internationaux).
1090 Voir à ce titre Article 695-23 du Code de procédure pénale français, créé par Loi n°2004-204 du
9 mars 2004 - art. 17 JORF 10 mars 2004.
285
judicare1091.

En dernier lieu, certains délits font l‟objet d‟un refus d‟extrader. On souligne
notamment l‟hypothèse des infractions politiques. Par le passé, le mécanisme d‟extradition
« fut élaboré pour pouvoir poursuivre les ennemis politiques réfugiés à l‟étranger »1092.
Cette situation a nettement évolué car le droit international reconnaît que l‟extradition, en
principe, « ne sera accordée que si le délit invoqué par l‟Etat invoqué par l‟Etat requérant
n‟est pas politique [et] si la demande n‟a pas été faite dans un but politique »1093. Cette
interdiction n‟est pas cependant absolue.

En matière de faits s‟inscrivant dans un contexte politique, on doit distinguer deux


situations « d‟une part, celle de la véritable délinquance politique, par son objet ou par sa
motivation ; d‟autre part, celle de l‟individu qui, officiellement réclamé pour une
infraction de droit commun, l‟est en fait pour des raisons politiques inavouées par l‟Etat
requérant »1094. Pour la première hypothèse on pourra faire référence à l‟article 3 de la
convention européenne de 1957. La deuxième hypothèse est celle d‟un « véritable
détournement de procédure qu‟est confronté l‟Etat requis, l‟Etat requérant réclamant
l‟auteur présumé d‟une infraction de droit commun pour des raisons politiques ; déjouant
ses plans, l‟Etat requis va lui opposer un refus »1095.

Plusieurs conventions interdisent l‟extradition dans l‟hypothèse où l‟infraction est


de nature militaire. Certaines conventions prévoient un motif de refus d‟extradition en
matière fiscale (taxes, impôts, douane et change). On doit également citer le refus
d‟extrader pour les délits qui font l‟objet de certaines peines, par exemple la peine de mort.
On note aussi que les considérations humanitaires ou personnelles -l‟âge, l‟état de santé -

1091 Cf., infra, ce paragraphe – B.


1092 M. POUTIERS, op.cit., p. 941 ; cet auteur souligne que « la Révolution française et ses répercussions au
XIXème siècle apporteront des modifications fondamentales en matière d‟extradition ».
1093 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 571.
1094 A. HUET, R. KOERING-JOULON, op.cit., p. 404 ; selon ces auteurs, « sont assurément des infractions
politiques toute les atteintes à la sûreté de l‟Etat ou plus largement toutes les infractions « qui portent atteinte à
l‟ordre politique, qui sont dirigées contre la constitution du gouvernement et contre la souveraineté, qui troublent
l‟ordre établi par les lois fondamentales de l‟Etat et la distribution des pouvoirs » [Grenoble, 13 janv. 1947,
JCP, 1947, II, 3664, note Magnol] ».
1095 Ibid., p. 407.
286
peuvent être prises en compte dans les motifs de refus de l‟extradition. L‟extradition doit
être refusée par l‟Etat requis dans l‟hypothèse où il constate « une volonté discriminatoire
de la part de l‟Etat requérant à l‟égard de la personne faisant l‟objet de la
procédure »1096. L‟extradition peut être refusée « si la peine prononcée dans l‟Etat
requérant ou d‟émission est insusceptible d‟exécution à raison d‟un obstacle de fond, tel
que la prescription, l‟amnistie, la grâce, le sursis »1097.

Puisque nous avons déjà étudié le principe de réciprocité 1098 en matière de


coopération judiciaire interétatique, on n‟approfondira pas cette question ici. Il convient
néanmoins de rappeler que par le biais de déclarations de réciprocité, les Etats peuvent
procéder à l‟extradition même dans l‟absence de dispositions conventionnelles.

3 - Les questions de procédure pénale

Lors de la mise en œuvre de l‟extradition, il peut survenir que l‟auteur d‟une


infraction fasse l‟objet de plusieurs poursuites pour des faits identiques. L‟hypothèse d‟un
cas de conflit entre les demandes d‟extradition est fréquente. En effet « si l‟Etat requérant
doit être internationalement compétent pour juger la personne réclamée ou lui faire purger
sa peine, encore faut-il que cette compétence ne se heurte pas à celle revendiquée par
l‟Etat requis ou d‟exécution »1099. Cela peut concerner un conflit entre au moins deux
demandes d‟extradition relatives au même individu ou un conflit relative à une demande
d‟extradition et une demande de remise devant une juridiction internationale.

Certaines conditions relatives à la procédure d‟extradition ont été étudiées au sein


du chapitre 5 de la présente recherche. Premièrement, il s‟agit de la reconnaissance par la
plupart des Etats du principe qu‟une personne ne doit pas être poursuivie deux fois pour les

1096 M. POUTIERS, op.cit., p. 940 ; voir ibid., p. 939 « la protection des droits fondamentaux concerne les
situations dans lesquelles la personne pour laquelle une mesure d‟extradition est envisagée risquerait une violation
grave de ses droits, comme d‟être torturé ou de subir un traitement inhumain ou dégradant. » Selon le même
auteur « alors que la convention européenne des droits de l‟homme ne régit pas expressément l‟extradition, la Cour
européenne a élaboré une jurisprudence en la matière, par ricochet (C.E.D.H., arrêt Soering, 7 juillet 1989, Série
A n° 161) pour faire bénéficier les individus faisant l‟objet d‟une procédure d‟extradition de l‟interdiction absolue
contenue en l‟article 3 de la convention ».
1097 A. HUET, R. KOERING-JOULON, op.cit., p. 414.
1098 Cf., supra, chapitre 5.
1099 A. HUET, R. KOERING-JOULON, op.cit., p. 414.
287
mêmes faits. Il s‟agit du principe connu selon son adage latin non bis in idem.
Deuxièmement, il peut être question du respect des droits de la défense1100. Compte tenu de
certains aspects très spécifiques à la procédure pénale proprement dite on n‟abordera pas
ici les questions touchant à la prescription de l‟action publique, l‟amnistie avant jugement,
le classement sans suite ou cessation des poursuites dans l‟Etat requis ou d‟exécution, les
poursuites en cours dans l‟Etat requis ou d‟exécution pour les mêmes faits et le défaut de
plainte ou d‟avis officiel.

C - Aut dedere, aut judicare

Selon le droit international, l‟Etat n‟est pas obligé – hormis le cas d‟une disposition
conventionnelle expresse – d‟extrader ses ressortissants. Plusieurs conventions prévoient
en leur sein le principe « aut dedere aut judicare ». La traduction de l‟adage de locution
latine serait « ou bien livrer, ou bien juger ». Il s‟agit de l‟ «obligation imposée à l‟Etat sur
le territoire duquel se trouve l‟auteur présumé d‟un crime de l‟extrader (aut dedere) ou de
le juger (aut judicare). Destinée à éviter l‟impunité, elle constitue une partie essentielle du
système de compétence et de coopération étatiques en matière pénale »1101.

Une disposition conventionnelle qui prévoit une obligation d‟extrader des


nationaux ferait l‟objet d‟une opposition très importante de la plupart des droits
continentaux européens1102. Le principe « aut dedere aut judicare » constitue alors une
solution dans le sens où si la demande d‟extradition est refusée sur la base de nationalité,
l‟Etat requis doit alors juger la personne concernée. Il est néanmoins difficile dans la
pratique de poursuivre une personne pour une infraction réalisée en dehors de la
compétence territoriales des autorités juridiques, en l‟occurrence celles de l‟Etat requis.
Selon le Nordic Extradition Act de 1975, le Danemark, le Finlande, l‟Islande, la Norvège et
la Suède prévoient l‟extradition d‟un ressortissant d‟un autre pays nordique à condition que
ce ressortissant a été résidant de l‟Etat requérant pendant au moins deux ans précédant la

1100 Cf., supra, chapitre 5, section 2.


1101 J. SALMON, op.cit., p. 109.
1102 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 433.
288
réalisation de l‟infraction 1103. L‟article 7 de la convention de l‟Union européenne relative à
l‟extradition dispose qu‟un Etat membre ne doit pas refuser l‟extradition sur la base de
nationalité. Cependant, la convention prévoit une réserve à cette disposition. Le mandat
d‟arrêt européen prévoit que les ressortissants des Etats membres de l‟Union européenne
peuvent et doivent être remis aux autorités judiciaires d‟autres Etats membres selon les
conditions prévues au sein des instruments communautaires.

Une grande partie de la doctrine « pousse à la consécration du principe [aut dedere


aut judicare] hors de tout cadre conventionnel, du moins à propos des actes de terrorisme
d‟une gravité si considérable qu‟ils sont considérés comme portant atteinte aux intérêts de
la communauté internationale dans son ensemble »1104. On souligne que l‟affaire de
Lockerbie démontre très clairement la problématique qui peut être posée par le refus par un
Etat d‟extrader ses ressortissants. On peut faire référence ici au vote du Conseil de Sécurité
de l‟ONU à l‟unanimité de la résolution 731 du 21 janvier 1992 « par laquelle il enjoignait
à la Libye de livrer deux de ses agents accusés d‟avoir commis un attentat à la bombe de
la PanAm qui explosa en vol au-dessus de Lockerbie en Ecosse en 1988. La même
résolution demande instamment à la Libye de coopérer à l‟enquête sur un autre attentat
contre un appareil d‟UTA, dans lequel furent également impliqués des agents libyens»1105.

On verra ci-dessous que les textes internationaux de lutte contre la corruption


consacrent systématiquement le principe « aut dedere aut judicare» en leur sein.

§ 2 - Les textes internationaux de lutte contre la corruption, base


juridique de l’extradition

Tous les textes internationaux de lutte contre la corruption ont trait à la question de

1103 Ibid., p. 434.


1104 P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 117 ; voir en ce sens : Résolution de l‘Institut de Droit
International à sa session d‘Oxford en 1983.
1105 Ibid., p. 118 ; selon ces mêmes auteurs : « Toujours en matière pénale, on constate notamment que la
convention des Nations Unies du 20 décembre 1988 contre le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes ou la
convention du 4 décembre 1989 sur le mercenariat, mais aussi le projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l‟humanité que la Commission du Droit international a adopté en première lecture, prévoient un système
de « juridiction universelle » fondé sur le principe « ou réprimer ou extrader » ».
289
l‟extradition. Au sein de chaque texte, on y retrouve une approche assez semblable (A).
D‟une part, lorsqu‟il existe un traité d‟extradition entre les Etats parties à une convention
de lutte contre la corruption, les infractions relevant du champ d‟application de la
convention sont réputées être des infractions pouvant donnant lieu à extradition. D‟autre
part les dispositions conventionnelles prévoient la possibilité pour les Etats parties de
considérer – en l‟absence de traité d‟extradition - les textes comme base légale pour
l‟extradition. Il convient également d‟analyser les motifs de refus d‟extradition consacrés
par les textes de lutte contre la corruption (B).

A- L’approche générale des conventions internationales de lutte


contre la corruption en matière d’extradition

L‟IACAC prévoit les dispositions relatives à l‟extradition à l‟article 13. Cet article
s'applique aux infractions auxquelles les Etats parties ont conféré ce caractère
conformément à l‟IACAC. Chacune des infractions auxquelles s'applique l‟article 13 est
d'emblée incluse dans tout traité d'extradition en vigueur entre les Etats parties en tant
qu'infraction pour laquelle l'auteur peut être extradé. Les Etats parties s'engagent à inclure
dans tout traité d'extradition qu'elles concluront entre elles ces infractions pour lesquelles
l'auteur peut être extradé 1106. Si un Etat partie qui subordonne l'extradition à l'existence
d'un traité reçoit une demande d'extradition d'un Etat partie avec laquelle il n'a pas conclu
pareil traité, il peut considérer l‟IACAC comme base légale de l‟extradition pour toutes les
infractions auxquelles s‟applique l‟IACAC 1107.

Les Etats parties qui ne subordonnent pas l‟extradition à l‟existence d‟un traité
reconnaissent aux infractions auxquelles s‟applique l‟article 13 le caractère d‟infraction
pour lesquelles l‟auteur peut être extradé d‟un Etat partie à l‟autre 1108. Cela constitue le

1106 Article 13 (2) ; voir en ce sens L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against
Corruption : A Comparison with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 253 :
La convention peut servir de Traité sur l‘extradition de nature self-executing parmi les Etats parties
qui n‘ont pas conclu de traité sur l‘extradition entre elles, ou pour lesquelles l‘extradition n‘est pas
sous condition de l‘existence d‘un de ces traités.
1107 Article 13 (3).
1108 Article 13 (4).
290
seul engagement de soft law1109 de l‟IACAC dans ces dispositions relatives à l‟extradition.
Selon cette hypothèse, les Etats parties peuvent, même si ce n‟est pas une condition,
considérer l‟IACAC elle-même comme un traité d‟extradition relatif aux infractions visées
par la convention1110.

Les règles qui figurent à l'article 8 de la convention de l‟Union européenne visent à


compléter, pour les infractions impliquant les fonctionnaires communautaires et les
fonctionnaires des États membres, les dispositions relatives à l'extradition des
ressortissants des États membres qui sont déjà en vigueur entre les États membres et qui
résultent de conventions d'extradition bilatérales ou multilatérales. L'article 8 ne prévoit
pas de conditions préalables concernant la procédure engagée par l'État membre requis.
L'Etat membre requérant n'a pas à présenter de demande pour que l'État membre requis
engage les poursuites.

Bien que la présente recherche n‟approfondira pas les questions de droit


communautaire en la matière, il convient néanmoins de mettre en lumière la décision
cadre1111 adopté par le Conseil le 13 juin 2002. Cette décision cadre concerne la procédure
du « mandat d‟arrêt européen ». Dans l‟hypothèse où l‟Etat membre d‟émission et l‟Etat
membre d‟exécution ont l‟un et l‟autre transposé cette décision cadre, la procédure de
remise est plus simple et plus vite qu‟en droit commun dans le sens où est elle totalement
judiciarisée. Cette procédure judiciarisée est en principe plus efficace pour deux raisons.
En premier lieu, puisque la demande formulée s‟adresse directement de l‟autorité judiciaire
de l‟Etat d‟émission à celle de l‟Etat membre d‟exécution, la procédure évite la voie
diplomatique et ne s‟encombre pas de la demande préalable d‟arrestation provisoire de la

1109 Voir à ce titre J. SALMON, op.cit., p. 1039 : « Expression anglaise, employée parfois comme telle par certains
auteurs francophones et par laquelle ils entendent désigner des règles dont la valeur normative serait limitée soit parce
que les instruments qui les contiennent ne seraient pas juridiquement obligatoires, soit parce que les dispositions en
cause, bien que figurant dans un instrument contraignant, ne créeraient pas d‟obligations de droit positif, ou ne
créeraient que des obligations peu contraignantes. […] Considérée comme processus à finalité normative, une règle de
soft law serait cependant susceptible, pour les défenseurs de cette expression, d‟aboutir par l‟accumulation convergente
des prétentions normatives, à la constitution d‟une norme nouvelle ayant un caractère juridiquement obligatoire ».
1110 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 286.
1111 2002/584/GAI, JO L 190 du 18 juillet 2002 ; http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32002F0584:fr:NOT.
291
personne recherchée. Deuxièmement, l‟examen de cette demande est « exclusivement
l‟œuvre de l‟autorité judiciaire est c‟est à elle seule, et non plus à un gouvernement, qu‟il
appartient de décider si la personne réclamée doit ou non être remise à l‟autorité
judiciaire de l‟Etat membre d‟émission »1112. Ce mandat d‟arrêt européen « se caractérise
par la remise de la personne faite par l‟État d‟exécution à l‟État d‟émission et se substitue
à la procédure classique de l‟extradition qui comprend une phase politique et
administrative et une phase judiciaire »1113.

Quant à la convention de l‟OCDE, selon son article 10, la corruption d‟un agent
public étranger est réputée constituer une infraction pouvant donner lieu à extradition en
vertu du droit des Etats parties et des conventions d‟extradition entre celles-ci. Dans
l‟hypothèse où un Etat partie qui subordonne l‟extradition à l‟existence d‟une convention
d‟extradition reçoit une demande d‟extradition de la part d‟un autre Etat partie avec
laquelle elle n‟a pas de convention d‟extradition, cet Etat partie peut considérer la
convention de l‟OCDE comme base juridique pour l‟extradition en ce qui concerne
l‟infraction1114 de corruption d‟un agent public étranger. Sur ce point, les commentaires
officiels de la convention de l‟OCDE apportent des précisions. Selon ces commentaires, un
pays qui exige une convention d‟extradition pour extrader ses ressortissants, mais pas pour
extrader des étrangers, peut considérer la convention de l‟OCDE comme base pour
l‟extradition de ses ressortissants1115. Dans certains pays – et l‟on pense notamment aux
Etats-Unis – l‟extradition n‟aura lieu que dans la présence d‟une convention
d‟extradition1116 L‟article 10 (2) de la convention de l‟OCDE est alors particulièrement
utile.

L‟article 27 de la convention pénale du Conseil de l‟Europe concerne l‟extradition.

1112 A. HUET, R. KOERING-JOULON, op.cit., p. 471 ; voir en ce sens, P. M. DUPUY,


Y. KERBRAT, op.cit., p. 116 : « l‟autorité judiciaire de chaque Etat membre est ainsi requise de faire droit à la
demande d‟extradition formulée par l‟autorité judiciaire d‟un autre Etat membre, ceci afin d‟éviter l‟intervention de
l‟Exécutif d‟un pays ou de l‟autre dans le cours de la procédure, en se fondant sur la confiance réciproque entre Etats
membres ».
1113 R. A. CANO, op.cit., p. 537.
1114 Article 10 (2) ; voir également : H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S.
Government‘s Campaign Against International Bribery », op.cit., pp. 505 – 507.
1115 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf, p.18.
1116 Voir en ce sens A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 432.
292
Les paragraphes 1 et 3 de cet article prévoient que les infractions en matière de corruption
qui relèvent du champ d'application de la convention pénale sont réputées être des
infractions pouvant donner lieu à extradition. Les rapports explicatifs précisent qu‟une telle
obligation découle aussi de l'article 19, paragraphe 1, selon lequel ces infractions doivent
faire encourir à leur auteur une sanction privative de liberté pouvant donner lieu à
extradition1117. Cela n‟implique pas une obligation d‟extrader à chaque fois que la
demande en est faite. Il est question surtout de la possibilité d'accorder l'extradition des
personnes qui ont commis l'une des infractions établies en vertu de la convention pénale.
Selon l‟article 27 (1) « les infractions pénales relevant du champ d‟application de la
présente convention sont considérées comme incluses dans tout traité d‟extradition en
vigueur entre les Parties en tant qu‟infractions donnant lieu à l‟extradition ». Ce
paragraphe exige également d‟inclure les infractions de corruption dans la liste de celles
qui peuvent donner lieu à extradition dans les traités d‟extradition conclus dans l‟avenir.
Les Etats Parties à la convention pénale qui ne subordonnent pas l'extradition à l'existence
d'un traité sont dans l‟obligation de reconnaître que ces infractions peuvent donner lieu à
extradition1118.

L‟article 27 (2) dispose clairement que la convention pénale peut servir de base
légale à l‟extradition pour les Etats parties qui subordonnent l'extradition à l'existence d'un
traité. En ce sens, un Etat partie à la convention pénale qui n'accorderait pas l'extradition
« soit parce qu'elle n'a pas de traité d'extradition avec la Partie requérante soit parce que
les traités en vigueur ne s'appliqueraient pas à une demande formulée pour une infraction
de corruption établie en vertu de la présente convention, peut considérer la convention
elle-même comme fondement permettant de remettre la personne demandée »1119.

Le Chapitre IV de la CNUCC intitulé « coopération internationale » concerne


principalement l‟entraide judiciaire et l‟extradition. Les dispositions de la CNUCC sont
élaborées pour fonctionner comme des traités indépendants lorsque cela est en accord avec
les droits nationaux pertinents. Ces dispositions compléteront également des traités

1117 http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/173.htm, § 127.


1118 Article 27 (3).
1119 http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/173.htm, § 128.
293
existants sur l‟extradition et l‟entraide judiciaire. Les dispositions de la CNUCC dans ces
domaines sont très détaillées. Contrairement aux dispositions relatives à l‟incrimination
pénale, la plupart de dispositions du chapitre IV sont self-executing.

L‟article 44 de la CNUCC concerne l‟extradition et comprend dix-huit dispositions.


De la même manière que les autres textes internationaux de lutte contre la corruption,
l‟objectif de l‟article 44 est de créer, au sein du traité, un mécanisme d‟extradition, sans
avoir besoin de recourir à d‟autres traités ou des lois nationales. En ce sens, l‟article 44 (5)
prévoit que si un État Partie à la CNUCC qui subordonne l‟extradition à l‟existence d‟un
traité reçoit une demande d‟extradition d‟un État Partie avec lequel il n‟a pas conclu pareil
traité, il peut considérer la CNUCC comme la base légale de l‟extradition pour les
infractions auxquelles le présent article s‟applique.

Reconnaissant, cependant, que certains pays - tels que les Etats-Unis - exigent
l‟existence d‟un traité d‟extradition avec tout pays vers lequel ils procèdent à une
extradition, pour assurer un niveau de cohérence avec le système juridique de ce pays, la
CNUCC encourage les Etats qui n‟acceptent pas la convention en tant que base pour
l‟extradition à chercher à conclure de tels traités avec les autres pays de la CNUCC en vue
d‟une mise en œuvre efficace de cet article 1120.

B- L’approche des conventions anticorruption en matière des motifs


de refus d’extradition

Les dispositions de l‟IACAC précisent que l‟extradition sera subordonnée aux


conditions prévues par le droit de la Etat partie requis ou par les traités d'extradition
applicables, y compris les motifs pour lesquels l‟Etat partie requis peut refuser

1120 Article 44(6) (b) ; voir L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the
globalisation of anticorruption standards », op.cit., p. 18 : « Article 44 (6)(b) : Un État Partie qui
subordonne l‟extradition à l‟existence d‟un traité: a) Au moment du dépôt de son instrument de ratification,
d‟acceptation, d‟approbation ou d‟adhésion à la présente convention, indique au Secrétaire général de l‟Organisation
des Nations Unies s‟il considère la présente convention comme la base légale pour coopérer en matière d‟extradition
avec d‟autres États Parties; et b) S‟il ne considère pas la présente convention comme la base légale pour coopérer en
matière d‟extradition, s‟efforce, s‟il y a lieu, de conclure des traités d‟extradition avec d‟autres États Parties afin
d‟appliquer le présent article ».
294
l'extradition1121. Cette disposition laisse penser que le principe de la double incrimination
pourrait constituer un motif de refus valable dans la mesure où il est une condition du droit
de l‟Etat partie requis.

L‟article 13 (6) de l‟IACAC consacre le principe aut dedere aut judicare en


disposant que si l'extradition demandée à raison d'une infraction à laquelle s'applique
l‟IACAC est refusée uniquement sur la base de la nationalité de la personne qui fait l'objet
de la requête, ou parce que la Partie requise se considère compétente en l'espèce, la Partie
requise soumet l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale, sauf
si d'autres dispositions auront été convenues avec la Partie requérante, et l'informe en
temps opportun du jugement définitif.

L‟IACAC – comme les autres textes - reste silencieuse sur la question importante
désignée par certains juristes anglo-saxons comme le double jeopardy. On fait référence ici
au principe selon lequel les personnes ne devraient pas être poursuivies deux fois pour les
mêmes actes ou infractions, principe qui est fermement ancrée dans le common law et les
droits continentaux, où ce principe est connu selon l‟adage latin non bis in idem1122. Dans
le contexte de la corruption internationale, un consensus multilatéral sur cette question
pourrait faciliter une application et mis en œuvre uniforme de l‟IACAC et les autres textes
pertinents.

L'article 8 de la convention de l‟Union européenne fixe des règles visant à


empêcher les personnes soupçonnées d'avoir commis des actes de corruption de rester
impunies parce que l'extradition est refusée par principe. Selon l'article 8 de la convention

1121 Article 13 (5) ; voir également, L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against
Corruption : A Comparison with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 288 -
289 : le droit américain octroie aux branches exécutive et judiciaires du gouvernement l‘autorité
d‘extrader seulement si le pays requêtant et les Etats-Unis ont un accord préalable en forme de
traité contraignant.
1122 Voir ci-dessus ce chapitre section 1 ; L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against
Corruption : A Comparison with the United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., pp. 288
– 289.
295
de l‟Union européenne, l‟Etat membre qui n‟extrade pas ses ressortissants 1123 doit prendre
les mesures nécessaires pour établir sa compétence 1124 sur les infractions définies et punies
au sens des articles 2, 3 et 4 de la convention lorsqu'elles sont commises par ses propres
ressortissants dans un autre État membre 1125. Dans l‟hypothèse où un acte de corruption a
été commis sur le territoire d'un État membre par un ressortissant d'un autre État membre
qui ne peut pas être extradé uniquement parce que ce dernier État membre n'extrade pas ses
ressortissants, l'article 8 impose à l'État requis de soumettre le cas à ses autorités judiciaires
pour qu'elles entament des poursuites. Il est alors question du principe aut dedere aut
judicare1126. Cette disposition n'est cependant pas censée porter atteinte aux règles
nationales de procédure pénale. Pour l‟application de ce principe, les rapports explicatifs
précisent que « l'État membre requérant s'engage à adresser les dossiers, informations et
objets relatifs à l'infraction à l'État membre qui doit poursuivre son ressortissant. L'État
membre requérant sera tenu au courant des poursuites et de leur résultat »1127.

Comme au moment de la conclusion du Premier protocole, les rédacteurs des textes


communautaires n‟ont pas inséré de disposition semblable à celle qui se trouve à l'article 5
(3) de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes1128, qui interdit de refuser l'extradition au seul motif que l'infraction est de
nature fiscale. Une telle exception serait sans objet dans le cas des infractions de
corruption.

Dans le cadre du mandat d‟arrêt européen, on trouve dans le Préambule de cette


décision cadre le reflet de l‟optique communautaire, c‟est-à-dire, la « nécessité d‟éliminer
la complexité et les retards potentiels inhérents à la situation actuelle en matière

1123 Le terme de «ressortissant» doit être interprété à la lumière des déclarations faites à l'article 6 (1) (b)
de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 par les Etats parties à cette
convention.
1124 Sur les questions relatives à la compétence des juridictions nationales voir ci-dessus chapitre 4.
1125 Voir en ce sens : H. LOWELL BROWN, « The extra-territorial reach of the U.S. Government‘s
Campaign Against International Bribery », op.cit., pp. 516 – 517.
1126 Article 8 (2).
1127 Rapport explicatif de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l‟Union européenne, approuvé par le
Conseil le 3 décembre 1998, J.O.C.E., C 391, du 15 décembre 1998, § 8.2.
1128 JO C 316 du 27 novembre1995.
296
d‟extradition »1129. L‟objectif de cette décision est d‟établir un régime simplifié afin de
pouvoir soumettre plus aisément la personne appréhendée à une action pénale comme à
l‟exécution de la peine prononcée à son égard. Une liste de trente deux infractions a été
dressée. Il est question notamment de le terrorisme, la traite des êtres humains,
l‟exploitation sexuelle des enfants, le trafic illicite d‟armes, de munitions, d‟explosifs,
l‟homicide, le viol ou tous crimes et délits contre l‟humanité, la corruption, la fraude, le
blanchiment des produits du crime et l‟émission de fausse monnaie. On note qu‟il n‟y a pas
d‟obligation relative à la double incrimination. Dans un premier temps, le projet de
décision cadre sur le mandat d‟arrêt européen rédigé par la Commission européenne
laissait croire à un remplacement des traités d‟extradition existants par le mandat d‟arrêt
européen. Cependant, le Conseil a décidé que la décision cadre remplacera les dispositions
pertinentes de certaines conventions. Il est question alors du remplacement d‟une
procédure par une autre1130.

En matière de la convention de l‟OCDE, le principe « aut dedere aut judicare »,


permettant à tout Etat partie de refuser l‟extradition d‟un de ses ressortissants en raison de
sa nationalité à la condition d‟engager des poursuites à son encontre est retenu 1131. Le
libellé du texte s‟inspire de la formule de la convention de l‟Union européenne selon
laquelle l‟Etat partie concernée s‟engage à soumettre l‟affaire à ses autorités compétentes
aux fins de poursuites.

On rappelle que la convention de l‟OCDE dispose, de façon analogue à l‟IACAC


que l‟extradition pour corruption d‟un agent public étranger est soumise aux conditions
fixées par le droit national et par les accords et arrangements applicables pour chaque Etat
partie à la convention. L‟IACAC ne donne pas de précision supplémentaire à cette
question. La convention de l‟OCDE dispose, elle, que lorsqu‟une Partie à la convention

1129 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32002F0584:fr:NOT.
1130 Voir à ce sujet : R. A. CANO, op.cit., p 539 : « Le nouveau régime du mandat d‟arrêt européen se substitue à
celui de l‟extradition. De plus, il faut noter aussi que les États membres sont aussi liés par des conventions relatives à
l‟entraide judiciaire en matière pénale et celles relatives à la reconnaissance mutuelle des décisions de justice, la convention
européenne du 28 mai 1970 sur la valeur internationale des jugements répressifs étrangers, la convention de Bruxelles du
13 novembre 1991 sur l‟exécution des condamnations pénales étrangères dans le cadre de l‟Union européenne. Ces
conventions ont une portée géographique variée ».
1131 Article 10 (3).

297
subordonne l‟extradition à l‟existence d‟une double incrimination, cette condition est
réputée remplie lorsque l‟infraction pour laquelle l‟extradition est demandée relève de
l‟article 1 de la convention1132.

L‟article 27 (4) de la convention pénale du Conseil de l‟Europe dispose, elle aussi,


que « l‟extradition est subordonnée aux conditions prévues par le droit de la Partie
requise ou par les traités d‟extradition applicables, y compris les motifs pour lesquels la
Partie requise peut refuser l‟extradition ». Cela constitue alors une possibilité de rejeter
une demande d'extradition parce que les conditions fixées par les traités applicables ne sont
pas réunies. Les rapports explicatifs1133 précisent que l‟Etat partie requis a la possibilité de
rejeter la demande pour les motifs autorisés par ces traités. On souligne que la convention
pénale ne prive pas les Parties contractantes du droit de refuser l'extradition si l'infraction
pour laquelle elle est demandée est considérée comme une infraction politique.

L‟article 27 (5) de la convention pénale du Conseil de l‟Europe consacre le principe


«aut dedere aut judicare». Il s'inspire en ce sens de l'article 6 (2) de la convention
européenne d'extradition du 13 décembre 1957 1134.

L‟article 44 de la CNUCC s‟applique obligatoirement aux infractions établies


conformément à cette convention lorsque la personne faisant l‟objet de la demande
d‟extradition se trouve sur le territoire de l‟État Partie requis, à condition que l‟infraction
pour laquelle l‟extradition est demandée soit punissable par le droit interne de l‟État Partie
requérant et de l‟État Partie requis1135. Il est question ici du principe de la double
incrimination. Si les conditions de la double incrimination ne sont pas réunies, les
dispositions de l‟article 44 s‟appliquent de manière non contraignante.

Le texte des Nations unies consacre le principe «aut dedere aut judicare» à l‟article

1132 Article 10 (4).


1133 http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/173.htm, § 129.
1134 http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/024.htm.
1135 Article 44 (1).
298
44 (11)1136.

Les fondements pour refuser l‟extradition selon les dispositions de la CNUCC sont
limités. Cependant, l‟article 44 (15) dispose qu‟aucune disposition de la CNUCC ne
constituent une obligation pour l‟Etat partie d‟extrader « s‟il a de sérieuses raisons de
penser que la demande a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne en
raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son origine ethnique ou
de ses opinions politiques, ou que donner suite à cette demande causerait un préjudice à
cette personne pour l‟une quelconque de ces raisons ». Tout fondement présent en droit
national ou au sein d‟un traité d‟extradition pertinente, peut être invoqué : l‟extradition est
subordonnée aux conditions prévues par le droit interne de l‟État Partie requis ou par les
traités d‟extradition applicables, y compris, notamment, aux conditions concernant la peine
minimale requise pour extrader et aux motifs pour lesquels l‟État Partie requis peut refuser
l‟extradition1137.

On note cependant que les États Parties à la CNUCC ne peuvent refuser une
demande d‟extradition au seul motif que l‟infraction est considérée comme touchant aussi
à des questions fiscales1138. On verra également que le secret bancaire n‟est pas un motif
valable de refus d‟extradition.

En conclusion, il convient de rappeler que l‟efficacité de la coopération


interétatique judiciaire en matière de l‟extradition est une condition cruciale pour la
réussite de la lutte contre la corruption. En subordonnant l‟extradition aux conditions
prévues par le droit de la Etat partie requis ou par les traités d'extradition applicables, on
pourra logiquement craindre que la lourdeur de la procédure en matière d‟extradition nuise
aux efforts entrepris dans la lutte contre la corruption. Bien que les textes internationaux

1136 « Un État Partie sur le territoire duquel se trouve l‟auteur présumé d‟une infraction, s‟il n‟extrade pas cette personne
au titre d‟une infraction à laquelle s‟applique le présent article au seul motif qu‟elle est l‟un de ses ressortissants, est
tenu, à la demande de l‟État Partie requérant l‟extradition, de soumettre l‟affaire sans retard excessif à ses autorités
compétentes aux fins de poursuites. Lesdites autorités prennent leur décision et mènent les poursuites de la même
manière que pour toute autre infraction grave en vertu du droit interne de cet État Partie. Les États Parties
intéressés coopèrent entre eux, notamment en matière de procédure et de preuve, afin d‟assurer l‟efficacité des
poursuites ».
1137 Article 44 (8).
1138 Article 44 (16).
299
aient consacré en leurs seins le principe aut dedere aut judicare, ces textes ne semblent pas
aller assez loin. On souligne cependant les progrès relatif à la procédure d‟extradition
démontré par le mandat d‟arrêt européen. Comme on le verra en détail au sein du chapitre
8 de la présente recherche 1139, il est de notre avis que seule la reconnaissance de
l‟infraction la corruption de l‟agent public étranger en tant que crime international
punissable par le Statut de Rome pourrait fournir la dynamique nécessaire pour atteindre
un niveau de coopération internationale à la hauteur de l‟importance de ce phénomène.

SECTION 2

LA CONFISCATION, LA SAISIE, LE GEL ET LE TRANSFERT DES AVOIRS EN MATIERE


DE CORRUPTION INTERNATIONALE

Chaque convention de lutte contre la corruption internationale - à l‟exception de la


convention de l‟Union européenne – a trait aux mesures relatives à la propriété (§ 1). On
retiendra tout particulièrement l‟approche de la convention des Nations unies qui prévoit
un chapitre entier à la question du recouvrement des avoirs (§ 2).

§ 1 – Les dispositifs généralement prévus par les textes


internationaux : les mesures concernant la propriété en matière de lutte
contre la corruption

Il est ici question de dispositions qui ont trait à la question de la saisie, de la


confiscation, du gel ou encore du transfert de la propriété suite à une infraction de
corruption. Ces mesures relatives à la privation juridique de propriété sont d‟une grande
pertinence dans la lutte contre corruption (A). On analysera en ce sens l‟approche générale
des conventions internationales de lutte contre la corruption (B). On soulignera également
que tous les textes disposent que le secret bancaire ne peut refuser d‟accorder l‟entraide
judiciaire en matière pénale en invoquant le secret bancaire (C).

1139 Cf., infra, chapitre 8.


300
A- La pertinence des mesures relatives à la privation juridique de
propriété

Si l‟on considère les dispositions de la Déclaration des droits de l‟homme et du


citoyen de 1789, on constate la nature «inviolable et sacré » du droit à la propriété. A la
lumière du libellé de la Déclaration de 1789, on aperçoit que les mesures relatives à la
privation juridique de propriété ont alors un retentissement profond.

Selon l‟article 544 du Code civil français les prérogatives du propriétaire sont la
jouissance et la disposition « auxquelles il faut ajouter le droit de percevoir les fruits si
l‟on veut reprendre la trilogie romaniste classique : usus, fructus et abus. »1140 L‟usus, le
fructus et l‟abusus sont « l‟effet externe de la propriété, la réalisation externe du
droit »1141. On peut ici ajouter la précision qui est apportée par Emile Durkheim : « il ne
faut pas perdre de vue qu‟à elle seule, la jouissance ne caractérise pas la propriété ; c‟est
la jouissance exclusive ; c‟est l‟interdiction de jouissance de l‟objet considéré à tous les
autres sujets […] Le droit de propriété se définit beaucoup plus par un côté négatif que
par un contenu positif ; par les exclusives qu‟il implique que par les attributions qu‟il
confère »1142.

Si l‟objet de la présente recherche ne se trouve pas dans l‟approfondissement de la


question du droit de propriété, il concerne néanmoins la propriété des produits de la
corruption. On doit alors aborder la question de leur saisie, leur confiscation, leur gel ou
leur transfert suite à une infraction de corruption. Il s‟agit en réalité des biens placés sous
main de justice dans l‟optique éventuelle d‟une restitution. Selon au moins un
commentateur la réparation du dommage - matériel ou moral – provoqué par une infraction
pénale « ne peut intervenir que par l‟allocation de dommages-intérêts qui comprend la
perte subie (damnum emergens) et le gain dont la victime a été privée (lucrum cessans). La

1140 L. GAVARRI, Le Bien Information : Possession, Appropriation, Exploitation, Université du Sud Toulon-
Var, 2008, p. 146 ; voir également, F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit civil, les biens, Dalloz, 6ème
édition, 2002, n° 121 et s, p. 116.
1141 Ibid., p. 157.
1142 E. DURKHEIM, Leçons de sociologie, physique des mœurs et du droit, Publications de l‘Université
d‘Istanbul, p. 171.
301
restitution n‟est pas une réparation en nature quand elle porte sur des objets placés sous
main de justice, elle ne joue ce rôle que lorsqu‟elle permet de condamner le responsable
de l‟acte de dépossession à rendre à la victime le bien qu‟il lui avait injustement
dérobé»1143. Cette restitution peut relever d‟une démarche spontanée de l‟auteur de
l‟infraction comme de la voie judiciaire et des conditions de sa mise en œuvre.

La restitution des produits de la corruption est une question particulièrement


pertinente dans les pays en voie de développement, lorsque les affaires de corruption
exportent des richesses nationales vers les centres bancaires internationaux ou des paradis
fiscaux, alors que ces Etats auront besoin de ces richesses dans l‟optique de la construction
du pays. Déjà en 2006, certains pays africains ont déclaré que cent quarante milliards de
dollars ont été soustrait de l´Afrique illégalement et en faisant appel à la corruption, par des
politiciens, soldats, hommes d´affaire et autres dirigeants, puis déposés à l‟étranger en
espèces, titres, biens et autres avoirs1144.

Cette exportation des produits de la corruption a des conséquences importantes sur


l‟Etat à qui ces produits échappent. Cela peut réduire l‟efficacité de l‟aide étrangère,
épuiser les réserves d‟argent, réduire les possibilités d‟imposition, nuire à la concurrence et
au commence libre et augmenter le seuil de pauvreté. Les Etats tels que Haïti, l‟Iran, le
Pakistan, les Philippines, le Pérou ou encore l‟Ukraine ont souffert de ce genre de fuite de
liquidités à la suite des actes corrompus des dirigeants politiques ou autres agents publics.
On peut également soulever l‟exemple du Président Mobutu Sese Seko qui a détourné cinq
milliards de dollars de l‟Etat de Zaïre. Finalement, on estime à plus de deux milliards de
dollars le montant détourné par le dictateur nigérien Sani Abacha 1145.

1143 D. AUGER, Droit de propriété et droit pénal, Presses Universitaires d‘Aix-Marseille Faculté de Droit et
de Science politique, p. 177.
1144 La Déclaration de Nairobi sur les obligations internationales et sur le recouvrement et le
rapatriement des richesses africaines illégalement obtenues et mise en banque ou investies a
l‘étranger
(http://www.transparency.org/news_room/latest_news/press_releases/2006/07_04_06_nairobi_
declaration) ; voir également, Nyanga Declaration on the Recovery and Repatriation of Africa‟s wealth :
http://www.ipocafrica.org/index.php?option=com_content&view=article&id=69&Itemid=68
1145 P. WEBB, op.cit., pp. 210 – 212.
302
B - Les textes internationaux de lutte contre la corruption en matière
de propriété : approche générale

Les traités relatifs à l‟entraide judiciaire connaissent souvent des dispositions


relatives au gel et confiscation des avoirs obtenue par la commission d‟une infraction
acquise à travers de l‟activité illicite. Le droit américain par exemple permet l‟Attorney
General1146 de partager avec un pays étranger des biens ou avoirs saisis ou lorsqu‟un pays
étranger a participé dans le saisi ou la confiscation de la propriété1147. C‟est un mécanisme
qui est utilisé par les Etats-Unis pour encourager d‟autres Etats à participer dans l‟enquête
et l‟incrimination d‟infractions internationales 1148. Ces mesures relatives à la propriété,
devraient augmenter la capacité des Etats parties d‟enquêter et poursuive des cas de
corruption.

En matière de corruption internationale, il est moralement peu justifiable, pour un


Etat confiscatoire de bénéficier de la simple présence des avoirs sur leur territoire, sans
égard à l‟endroit où l‟infraction a eu lieu. La confiscation a trait à la solidarité et au
partage. Dans certains Etats, la législation nationale a été promulguée à cet effet. Par
exemple, la Suisse, de par sa loi fédérale relative au partage des avoirs confisqués,
reconnaît que l‟argent de la corruption doit être restitué à l‟Etat où la corruption a eu
lieu 1149.

Comme on le verra, l‟IACAC ne retient pas la même approche que celle adoptée
notamment par la convention de l‟OCDE et la convention pénale du Conseil de l‟Europe.
On verra que pour l‟OCDE et le Conseil de l‟Europe, la confiscation et la saisie des
produits du crime peuvent constituer les sanctions des infractions de corruption et des

1146 Le procureur général des États-Unis (United States Attorney General) est membre du Cabinet du
président des États-Unis. Il dirige le département de la Justice (DOJ) et est chargé du ministère
public près les juridictions fédérales, assiste et plaide pour l'État dans les actions administratives,
responsable de l'application des lois d'immigration et administre les prisons. Le procureur général
est nommé par le président des États-Unis après ratification par le Sénat.
1147 L. A. LOW et al., « The Inter-American convention against Corruption : A Comparison with the
United States Foreign Corrupt Practices Act », op.cit., p. 291.
1148 Ibid., p. 22.
1149 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 439 ; ces auteurs soulignent que dans le cas des
affaires Roldan et Abacha, la Suisse a restitué les avoirs à l‘Espagne et au Nigeria respectivement.
303
infractions liées à la corruption.

L‟article XV de l‟IACAC dispose que dans la mesure où cela est conforme à la leur
législation interne et aux traités applicables ou à d‟autres accords qui peuvent être en
vigueur entre elles « les Parties s'accordent l'assistance mutuelle la plus large pour
l'identification, le dépistage, le gel, la confiscation et la saisie des biens obtenus ou
découlant de la commission des actes auxquels ils ont conféré le caractère d'infraction »
conformément à l‟IACAC ou « des biens utilisés dans le cadre de la commission de ces
infractions, ou du produit de ces biens ». Les dispositions de l‟IACAC concernent
également le transfert de ces biens. En effet, l‟article XV (b) dispose que « dans la mesure
permise par ses lois, et dans les conditions jugées appropriées, cette Partie pourra
transférer la totalité ou une partie de ces biens à une autre Partie qui aurait apporté son
assistance à la conduite de l'enquête ou des procédures ayant mené à la saisie ».

La convention de l‟Union européenne n‟a pas trait à la saisie et la confiscation des


produits de la corruption 1150.

L‟article 3 (3) de la convention de l‟OCDE prévoit que « chaque Partie prend les
mesures nécessaires pour assurer que l‟instrument et les produits de la corruption d‟un
agent public étranger ou des avoirs d‟une valeur équivalente à celle de ces produits
puissent faire l‟objet d‟une saisie et d‟une confiscation ou que des sanctions pécuniaires
d‟un effet comparable soient prévues ». La convention de l‟OCDE prévoit alors une
alternative à la confiscation des produits de la corruption d‟un agent public étranger. Elle
concerne le versement d‟une amende lorsqu‟il pourrait avoir un effet comparable. Les
commentaires officiels1151 de la convention de l‟OCDE précisent que l‟article 3 (3)
n‟empêche pas la fixation de limites appropriées pour les sanctions pécuniaires. On note
que la convention de l‟OCDE « tente de concilier l‟approche européenne et américaine, en

1150 Le Conseil de l‘Union européenne a adopté plusieurs décisions-cadre afin d‘harmoniser les
législations des États membres en matière de confiscation des instruments et des produits du crime
et du gel des avoirs et des éléments de preuve. voir en ce sens, la décision-cadre 2005/212/JAI du
Conseil relative à la confiscation des produits, des instruments, et des biens en rapport avec le
crime et la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative au gel des avoirs et des éléments de preuve.
Pour une analyse approfondie de ces textes, voir R. A. CANO, op.cit., pp. 377 – 399.
1151 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf.
304
effet, les États européens sont dotés de lois sur la confiscation alors que les Etats-Unis ont
opté pour le système des amendes »1152. Ces deux options sont cependant juridiquement
différentes. M. le Professeur Pieth précise que « la confiscation dépend de la provenance
des fonds, à savoir un acte criminel, tandis qu‟une amende est fonction de la culpabilité de
celui qui enfreint la loi. Alors qu‟en principe tout gain illicite doit être confisqué, l‟amende
est calibrée avec précision selon le degré de culpabilité »1153. Dans le cadre du principe de
l‟équivalence fonctionnelle1154 consacrée par la convention de l‟OCDE, les deux options
sont acceptables. La convention de l‟OCDE reste silencieuse sur l‟autorité habilitée à
prononcer la confiscation. Comme nous avons précisé, cette convention ne prévoit pas
comment disposer des biens confisqués. Cela constitue une lacune du texte.

L‟article 19 (3) de la convention pénale du Conseil de l‟Europe dispose que


« chaque Partie adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour
lui permettre de confisquer ou de priver autrement des instruments et des produits des
infractions pénales établies en vertu de la présente convention, ou des biens dont la valeur
correspond à ces produits ». Il est question d‟une obligation générale pour les Etats parties
contractants de se doter des instruments juridiques appropriés pour permettre la
confiscation ou d'autres formes de privation juridiques (par exemple, la confiscation dite
«civile») des moyens et des produits de la corruption, selon la gravité des infractions citées
aux articles 2 à 14. L‟article 19 (3) doit être interprété en tenant compte de la convention
du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation

1152 R. A. CANO, op.cit., p. 373.


1153 Voir en ce sens, M. PIETH, « Assurer le succès de l‘initiative de l‘OCDE contre la corruption », in
Affairisme : la fin du système, Paris, OCDE, 2000, p. 63 : « Les pays européens ont adopté des lois de
confiscation de large portée dans la lignée de la convention de Vienne de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et
la convention du Conseil de l‟Europe 141 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des
produits du crime. Les Etats-Unis et la Corée cherchant à atteindre un résultat similaire au moyen d‟une forte
amende.[…] Dans le contexte de la convention de l‟OCDE, les deux solutions sont tout à fait acceptables si leurs
effets sont comparables. C‟est certainement le cas lorsque le critère utilisé est la proportionnalité simple et objective par
rapport au gain. Mais lorsque le juge dispose d‟une marge d‟appréciation très large en lieu et place d‟une mesure de
confiscation, la question de la comparabilité doit être examinée de plus près. Souvent, le Groupe de travail de
l‟OCDE se réserve le droit de se prononcer sur l‟efficacité d‟une telle sanction, en pratique lors d‟une deuxième série
d‟évaluations ».
1154 Cf., supra, introduction générale.
305
des produits du crime1155. La convention pénale du Conseil de l‟Europe consacre l‟idée que
la confiscation des produits du crime et une arme efficace de lutte contre la corruption. En
ce sens, en vue du fait que « l'avantage indu promis, donné, reçu ou accepté dans la
plupart des délits de corruption a un caractère matériel, il est clair que les mesures
aboutissant à la privation d'un bien lié à l'infraction ou résultant de cette infraction
devraient être prévues » 1156 dans le domaine de la corruption.

La CNUCC a trait au gel, à la saisie, à la confiscation et surtout au transfert des


avoirs. Les notions de « gel » et «saisie » sont définies à l‟article 2 (f) de la CNUCC. Par
les notions de « gel » ou « saisie », la CNUCC entend une « l‟interdiction temporaire du
transfert, de la conversion, de la disposition ou du mouvement de biens, ou le fait
d‟assumer temporairement la garde ou le contrôle de biens sur décision d‟un tribunal ou
d‟une autre autorité compétente ». La notion de confiscation est définie à l‟article 2 (g) :
« la dépossession permanente de biens sur décision d‟un tribunal ou d‟une autre autorité
compétente ».

L‟article 31 de la CNUCC exige des Etats parties de prendre, dans toute la mesure
possible dans le cadre de son système juridique interne, les mesures nécessaires pour
permettre la confiscation. Cette disposition est obligatoire. Elle s‟applique au produit du
crime provenant d‟infractions établies conformément à la CNUCC ou de biens dont la

1155 Strasbourg, 8 novembre 1990 : voir


http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/173.htm, §
94 : « L'article 1 de la convention relative au blanchiment définit les termes «confiscation», «instruments», «produits» et
«biens» employés dans cet article. Par «confiscation», il est fait référence à toute sanction ou mesure pénale ordonnée
par un tribunal à la suite d'une procédure liée à une infraction pénale aboutissant à la privation définitive du bien.
Les «instruments» couvrent tout l'éventail d'objets qui sont utilisés ou destinés à être utilisés en partie ou totalité pour
commettre les infractions pénales définies aux articles 2 à 14. Le terme «produits» signifie tout avantage économique
et toute économie obtenue grâce à l'infraction commise. Il peut s'agir de tout «bien» selon l'interprétation donnée à ce
terme plus loin. Dans le libellé de ce paragraphe, il est tenu compte du fait qu'il peut y avoir des différences entre les
législations nationales quant au type de bien qui peut être confisqué à la suite d'une infraction. Il peut être possible de
confisquer des objets qui constituent (directement) le produit du crime ou d'autres biens appartenant aux délinquants
qui, bien que non directement acquis grâce à l'infraction commise, correspond à la valeur du produit directement
acquis de manière illégale, ce que l'on appelle les "avoirs de substitution". Le «bien» doit donc être interprété, dans ce
contexte, comme tout bien, matériel ou immatériel, meuble ou immeuble, document ou instrument juridique prouvant
le titre de propriété ou l'intérêt dans cette propriété. Il faut noter que les Parties Contractantes ne sont pas tenues de
prévoir la confiscation pénale de biens de substitution puisque les mots «ou de priver autrement» autorisent également
la confiscation dite «civile» ».
1156 http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/173.htm, § 93.

306
valeur correspond à celle de ce produit 1157. Le champ d‟application de cette disposition
s‟étend à des biens, matériels ou autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour
les infractions établies conformément à la CNUCC.

L‟article 31 (2) dispose que chaque État Partie prend les mesures nécessaires pour
permettre l‟identification, la localisation, le gel ou la saisie de tout ce qui est mentionné à
l‟article 31 (1) aux fins de confiscation éventuelle. Cela constitue une obligation de résultat
et les Etats parties à la CNUCC disposent d‟une grande latitude quant aux moyens de
mettre cette disposition en œuvre.

Même si le produit du crime a été transformé ou converti, en partie ou en totalité,


en d‟autres biens, ces derniers peuvent faire l‟objet des mesures visées à l‟article 31 en lieu
et place dudit produit 1158. Si ce produit du crime a été mêlé à des biens acquis
légitimement, ces biens, sans préjudice de tout pouvoir de gel ou de saisie, sont
confiscables à concurrence de la valeur estimée du produit qui y a été mêlé 1159. Les revenus
ou autres avantages tirés de ce produit du crime, des biens en lesquels le produit a été
transformé ou converti ou des biens auxquels il a été mêlé peuvent aussi faire l‟objet des
mesures visées au présent article, de la même manière et dans la même mesure que le
produit du crime1160. Il peut être question alors des « loyers retirés d‟une maison achetée
avec des capitaux blanchis, les dividendes réinvestis dans une société dont le capital est
constitué en tout ou partie avec des capitaux ou des actifs provenant de la commission
d‟une infraction »1161.

Aux fins de l‟article 31 et de l‟article 55 (coopération internationale aux fins de


confiscation), chaque État Partie habilite ses tribunaux ou autres autorités compétentes à
ordonner la production ou la saisie de documents bancaires, financiers ou commerciaux.
Un État Partie ne peut invoquer le secret bancaire pour refuser de donner effet aux

1157 Article 31 (1) (a).


1158 Article 31 (4).
1159 Article 31 (5).
1160 Article 31 (6).
1161 R. A. CANO, op.cit., p. 376.
307
dispositions de ce paragraphe1162.

Les États Parties à la CNUCC peuvent envisager d‟exiger que l‟auteur d‟une
infraction établisse l‟origine licite du produit présumé du crime ou d‟autres biens
confiscables, dans la mesure où cette exigence est conforme aux principes fondamentaux
de leur droit interne et à la nature des procédures judiciaires et autres 1163. Cependant, la
CNUCC prévoit que ces dispositions « ne doit en aucun cas porter atteinte aux droits des
tiers de bonne foi »1164. Bien qu‟un nombre de droits nationaux contiennent déjà des
dispositions similaires, ils ne sont en aucun cas universels. En ce sens, la transposition
importante de telles dispositions pourraient avoir un impact significatif sur l‟activé des
entreprises et les autorités chargées de la mise en œuvre1165.

L‟article 31 (10) constitue un renvoi au droit interne de chaque Etat partie pour la
définition et l‟exécution des mesures de confiscation, de gel, et de saisie.

En conclusion, on peut relever une volonté des rédacteurs des textes d‟établir « un
standard ou un principe »1166 dans le droit international de lutte contre la corruption en
matière des mesures de confiscation, de gel, et de saisie. L‟efficacité de ces mesures est
relative, il s‟agit avant tout d‟une volonté politique internationale de coopérer efficacement
à ce niveau.

C – L’argument du secret bancaire : motif irrecevable en matière de


coopération pour la lutte contre la corruption

Plusieurs textes internationaux de lutte contre la corruption visent la levée du secret


bancaire. Combattre efficacement la nature opaque de certaines pratiques bancaires par une
seule disposition conventionnelle au sein de chaque texte paraît difficile ou même illusoire.
Afin de lever le secret bancaire, l‟Etat requis exigerait de nombreux éléments de preuve

1162 Article 31 (7) ; cf., infra, cette section – C.


1163 Article 31 (8).
1164 Article 31 (9).
1165 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of
anticorruption standards », op.cit., p. 20.
1166 R. A. CANO, op.cit., p. 377.
308
relatifs à l‟infraction et demanderait souvent l‟établissement d‟un lien entre l‟infraction et
les renseignements bancaires demandés. La demande de levée du secret bancaire peut
également engendrer des délais importants qui constituent autant d‟obstacles lors des
enquêtes. De plus, la levée du secret bancaire relève souvent d‟une décision de justice 1167.
Dans le cadre des conventions internationales de lutte contre la corruption, il s‟agit de
dispositions qui interdisent d‟invoquer le secret bancaire comme motif de refus pour
répondre favorablement à une demande d‟entraide judiciaire.

Dans deux dispositions1168 potentiellement très importantes, l‟IACAC prohibe


l‟usage du droit sur le secret bancaire ou la nature présumée politique d‟un acte de
corruption comme le fondement du refus de coopérer avec d‟autres Etats parties. En effet,
l‟Etat partie requis ne peut pas invoquer le secret bancaire pour refuser d'apporter la
collaboration sollicitée par l‟Etat partie requérante. L‟Etat partie requis applique l‟article
XVI de l‟IACAC conformément à sa législation interne, en fonction de ses dispositions
procédurales ou des accords bilatéraux ou multilatéraux le liant à l‟Etat partie requérante.
L‟IACAC prend le soin de disposer que l‟Etat partie requérant s'engage à n'utiliser les
informations protégées par le secret bancaire qu'elle reçoit, à nulle autre fin que celle du
procès pour lequel elles ont été sollicitées, sauf si l‟Etat partie requise y autorise.

L‟article 9 (3) de la convention de l‟OCDE dispose qu‟un Etat partie à la


convention « ne peut refuser d‟accorder l‟entraide judiciaire en matière pénale dans le
cadre de la présente convention en invoquant le secret bancaire ».

Les rapports explicatifs1169 de la convention pénale du Conseil de l‟Europe


soulignent que l‟article 26 (3) rejette la possibilité d'invoquer le secret bancaire comme
motif de refus de l'assistance demandée. Le texte de cette disposition s'inspire de celui de
l'article 18, paragraphe 7 de la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie
et à la confiscation des produits du crime du 8 novembre 19901170. Avant d'accorder
l'assistance demandée qui implique la levée du secret bancaire, la Partie requise peut, si son

1167 A. V. JULEN BERTHOD, M. HARARI, op.cit., p. 430.


1168 Article XVI.
1169 http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/173.htm, § 126.
1170 http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/141.htm.
309
droit interne le prévoit, exiger l'autorisation d'une autorité judiciaire compétente en matière
pénale.

L‟article 46 (8) de la CNUCC dispose que « les États Parties ne peuvent invoquer
le secret bancaire pour refuser l‟entraide judiciaire prévue au présent article ».

§ 2 - Le cas particulier de la convention des Nations Unies : une


réglementation détaillée du recouvrement des avoirs issus de la corruption

A l‟égard des mesures relatives à la propriété, les dispositions de la CNUCC vont


plus loin que les autres conventions de lutte contre la corruption. En ce sens, la CNUCC
consacre un chapitre entier à la question du recouvrement des avoirs.

Le recouvrement des avoirs pose de nombreuses difficultés. Ces avoirs sont souvent
domiciliés au sein des pays développés. Le droit interne de ces pays développés en matière
du gel et de la confiscation de ces avoirs est souvent complexe et doté de procédures
rigoureuses. De nombreux pays en voie de développement – victimes de la fuite des avoirs
nationaux – connaissent des lacunes relatives à la capacité financière et à la technique et
l‟expertise juridiques nécessaires pour pouvoir enquêter et poursuivre en matière du
recouvrement des avoirs. En effet, les poursuites relatives au recouvrement des avoirs sont
très coûteuses car il peut être question par exemple d‟enquêter dans de nombreux pays, de
transférer des témoins ou encore de traduire des documents. Le chevauchement entre les
poursuites civiles et pénales peut aussi nuire au recouvrement des avoirs puisqu‟il peut être
question de procédures différentes. En dernier lieu, le recouvrement des avoirs peut poser
des difficultés internes au niveau politique. Ainsi, ceux qui portent soutient – au sein de
l‟Etat requérant - à l‟ancien régime corrupteur pourrait s‟opposer à ce genre de poursuites.
Au sein de l‟Etat requis, il peut être question des doutes quant à la légitimité du pouvoir
dans l‟Etat requérant et à la destination finale des avoirs que l‟Etat requérant souhaite
récupérer 1171. En ce sens, le recouvrement des avoirs issus de la corruption dépend

1171 P. WEBB, op.cit., pp. 210 – 212.


310
largement du sérieux et de l‟engagement des Etats lors de la coopération juridique
interétatique. C‟est aussi pour cette raison que la lutte contre les paradis fiscaux est
essentielle1172.

La CNUCC est seul à aborder la question du recouvrement des avoirs issus de la


corruption et les dispositions de cette convention constituent une innovation dans la lutte
contre la corruption. Selon la CNUCC, la restitution des avoirs est un « principe
fondamental »1173 du droit international.

Le chapitre V de la CNUCC est effectivement un traité dans le traité 1174. La


CNUCC est la première convention de lutte contre la corruption qui aborde de manière
aussi détaillée la question du recouvrement des avoirs. Ce chapitre comprend aussi un
nombre de mesures préventives1175. Ces mesures doivent être lu en conjonction avec les
provisions du chapitre II sur les mesures préventives. Les mesures préventives efficaces
pourraient éviter le besoin d‟entreprendre les efforts de recouvrement des avoirs coûteux et
difficiles1176. La CNUCC encourage les institutions financières à surveiller l‟identité des
comptes de leurs clients les plus importants et prévoit les mesures à prendre pour le
recouvrement direct de biens aux fins de la confiscation 1177.

La disposition générale qui se trouve à l‟article 51 de la CNUCC consacre la


restitution d‟avoirs en tant que principe fondamental de la convention. Il prévoit que les
États Parties s‟accordent mutuellement la coopération et l‟assistance la plus étendue à cet
égard. Le chapitre V de la CNUCC introduit un mécanisme de restitution des avoirs, qui
constitue la disposition la plus novatrice de la convention. Il pose un principe de restitution
des produits des infractions de détournement de fonds publics à l‟État ayant formé une

1172 I. CARR, « The United Nations convention on Corruption: Making a Real Difference to the
Quality of Life of Millions? », MJIEL, Vol 3 Issue 3 2006, p. 28.
1173 Article 51.

1174 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of

anticorruption standards », op.cit., p. 19.


1175 Voir l‘article 52 ; ces mesures préventives concernent également le blanchiment des capitaux

1176 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of

anticorruption standards », op.cit., p. 19.


1177 H. PORTELLI, op.cit., p. 30.

311
demande de coopération aux fins de confiscation. Il comprend ainsi des mesures visant à
faciliter la détection de transferts illicites de fonds et à renforcer la coopération
internationale en vue de leur restitution 1178.

Le chapitre établit des mécanismes de recouvrement des avoirs à travers la


coopération internationale par le biais de la confiscation, tout en exigeant les pays d‟établir
des mesures pour le recouvrement direct de la propriété, par exemple, à travers les
poursuites civiles1179. Il est exigé des Etats de prendre « les mesures nécessaires pour
permettre à ses tribunaux d‟ordonner aux auteurs d‟infractions établies conformément à la
présente convention de verser une réparation ou des dommages-intérêts à un autre État
Partie ayant subi un préjudice du fait de telles infractions »1180. Ce choix de libellé - «
réparation ou dommages-intérêts » - signifient certainement que la CNUCC « reconnaît la
réparation du dommage en nature, c‟est-à-dire la restitutio in integrum ou par équivalent
en payant une somme d‟argent, des dommages-intérêts »1181. Cette disposition, qui est
probablement plus étroite que les provisions de l‟article 35, augmente clairement les
hypothèses de la responsabilité civile 1182. La CNUCC dispose également que les Etats
parties prennent les mesures nécessaires pour permettre à ses tribunaux ou autorités
compétentes, lorsqu‟ils doivent décider d‟une confiscation, de reconnaître le droit de
propriété légitime revendiqué par un autre État Partie sur des biens acquis au moyen d‟une
infraction établie conformément à la CNUCC 1183. Comme on l‟a constaté, la CNUCC
souhaite protéger les droits des tiers de bonne foi. Le degré de succès de cette tentative sera
déterminé selon les cas individus soulevés selon les droits nationaux1184.

L‟article 54, intitulé « mécanismes de recouvrement de biens par la coopération


internationale aux fins de confiscation », a trait aux modalités de recouvrement des avoirs,

1178 M. HUNAULT, op.cit., p. 24.


1179 Article 53.
1180 Article 53 (b).

1181 R. A. CANO, op.cit., p. 602.

1182 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of

anticorruption standards », op.cit., p. 19.


1183 Article 53 (c).

1184 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption : the globalisation of

anticorruption standards », op.cit., p. 19.


312
c‟est-à-dire à la reconnaissance des décisions étrangères de confiscation et les jugements
de saisie ou de confiscation prononcés dans l‟État requis à la suite d‟une demande
d‟entraide de l‟État requérant1185. Selon l‟article 54 (1) de la CNUCC, l‟optique de ces
dispositions est d‟assurer l‟entraide judiciaire prévue à l‟article 55 1186 de la même
convention concernant les biens acquis au moyen d‟une infraction établie conformément à
la CNUCC ou utilisés pour une telle infraction. La possibilité que la propriété peut être
assujetti a des demandes du recouvrement des avoirs souligne le besoin pour les entreprises
d‟être vigilantes lorsqu‟elles acquièrent des droits en propriété, surtout lorsqu‟il est
question de régimes corrompus, pour déterminer quels risques sont inhérents à
l‟acquisition1187. Même si les tiers acquéreurs de bonne foi peuvent être protégé, il semble
peu probable que les entreprises puissent se prévaloir d‟être de bonne foi si ces dernières
manquent de vigilance1188. Ce chapitre aurait des implications potentiellement étendues,
surtout dans l‟hypothèse d‟un manque de vigilance de la part de l‟entreprise.

L‟article 54 pose le principe qu‟afin d‟assurer l‟entraide judiciaire prévue à l‟article


55 de la CNUCC concernant les biens acquis au moyen d‟une infraction établie
conformément à la CNUCC ou utilisés pour une telle infraction, chaque État Partie,
conformément à son droit interne prend les mesures nécessaires pour permettre à ses
autorités compétentes de donner effet à une décision de confiscation d‟un tribunal d‟un

1185 Voir R. A. CANO, op.cit., p. 602.


1186 Article 55 de la CNUCC vise la coopération internationale aux fins de confiscation : voir l‘article
55 (1) : « 1. Dans toute la mesure possible dans le cadre de son système juridique interne, un État Partie qui a reçu
d‟un autre État Partie ayant compétence pour connaître d‟une infraction établie conformément à la présente convention
une demande de confiscation du produit du crime, des biens, des matériels ou autres instruments visés au paragraphe 1 de
l‟article 31 de la présente convention, qui sont situés sur son territoire: a) Transmet la demande à ses autorités
compétentes en vue de faire prononcer une décision de confiscation et, si celle-ci intervient, de la faire exécuter; ou b)
Transmet à ses autorités compétentes, afin qu‟elle soit exécutée dans les limites de la demande, la décision de confiscation
prise par un tribunal situé sur le territoire de l‟État Partie requérant conformément au paragraphe 1 de l‟article 31 et à
l‟alinéa a) du paragraphe 1 de l‟article 54 de la présente convention, pour autant qu‟elle porte sur le produit du crime, les
biens, les matériels ou autres instruments visés au paragraphe 1 del‟article 31, qui sont situés sur son territoire ».

1187 L. A. LOW, « The United Nations convention against corruption: the globalisation of
anticorruption standards », op.cit, p. 19.
1188 Ibid., p. 19.
313
autre État Partie1189. L‟article 54 (1) (b) consacre « le principe de la confiscation des biens
étrangers issus d‟une infraction de blanchiment ou d‟une autre infraction telle que la
corruption lorsque les juridictions pénales de l‟État ont à juger ces actes délictueux »1190.
La confiscation sera de nature pénale. Le libellé choisi par les rédacteurs de la CNUCC - «
par d‟autres procédures autorisées par son droit interne » paraît laisser une marge de
manœuvre importante aux États Parties dans le sens où la confiscation peut être prononcée
par des autorités administratives ou civiles à condition que ces types de procédures soient
autorisés par son droit interne. Les Etats parties doivent envisager de prendre les mesures
nécessaires pour permettre la confiscation de tels biens en l‟absence de condamnation
pénale lorsque l‟auteur de l‟infraction ne peut être poursuivi pour cause de décès, de fuite
ou d‟absence ou dans d‟autres cas appropriés1191.

L‟article 54 (2)1192 précise les mesures que doivent prendre les Etats parties,
conformément à son droit interne, afin de d‟accorder l‟entraide judiciaire qui lui est
demandée en application du paragraphe 2 de l‟article 55. L‟article 55 (2) dispose que dans
le cas d‟une demande faite par un autre Etat partie qui a compétence pour connaître d‟une
infraction prévue par la CNUCC « l‟État Partie requis prend des mesures pour identifier,
localiser et geler ou saisir le produit du crime, les biens, les matériels ou les autres
instruments visés au paragraphe 1 de l‟article 31 de la présente convention, en vue d‟une
confiscation ultérieure à ordonner soit par l‟État Partie requérant soit, comme suite à une
demande formulée en vertu du paragraphe 1 du présent article, par l‟État Partie requis ».

1189 Article 54 (1) (a).


1190 R. A. CANO, op.cit., p. 603.
1191 Article 54 (1) (c).
1192 « 2. Afin d‟accorder l‟entraide judiciaire qui lui est demandée en application du paragraphe 2 de l‟article 55, chaque
État Partie, conformément à son droit interne: a) Prend les mesures nécessaires pour permettre à ses autorités
compétentes de geler ou de saisir des biens, sur décision d‟un tribunal ou d‟une autorité compétente d‟un État Partie
requérant ordonnant le gel ou la saisie, qui donne à l‟État Partie requis un motif raisonnable de croire qu‟il existe
des raisons suffisantes de prendre de telles mesures et que les biens feront ultérieurement l‟objet d‟une ordonnance de
confiscation aux fins de l‟alinéa a) du paragraphe 1 du présent article;
b) Prend les mesures nécessaires pour permettre à ses autorités compétentes de geler ou de saisir des biens sur la base
d‟une demande donnant à l‟État Partie un motif raisonnable de croire qu‟il existe des raisons suffisantes de prendre
de telles mesures et que les biens feront ultérieurement l‟objet d‟une ordonnance de confiscation aux fins de l‟alinéa a)
du paragraphe 1 du présent article; et c) Envisage de prendre des mesures supplémentaires pour permettre à ses
autorités compétentes de préserver les biens en vue de leur confiscation, par exemple sur la base d‟une arrestation ou
d‟une inculpation intervenue à l‟étranger en relation avec leur acquisition ».
314
Les dispositions de l‟article 46 de la CNUCC ont trait à l‟entraide judiciaire.
L‟article 55 (3) dispose que « les dispositions de l‟article 46 de la présente convention
s‟appliquent mutatis mutandis » à cet article sur la coopération internationale aux fins de
confiscation. Outre les précisions de l‟article 46 (15) sur les renseignements nécessaires
pour une demande d‟entraide judiciaire, l‟article 55 (3) ajoute des dispositions
complémentaires. En ce sens, outre les informations exigées dans l‟article 46 (15), dans le
cas où la demande relève de l‟article 55 (1) (a), elle contient une description des biens à
confisquer, y compris, dans la mesure du possible, le lieu où ceux-ci se trouvent et, selon
qu‟il convient, leur valeur estimative et un exposé des faits sur lesquels se fonde l‟État
Partie requérant qui soit suffisant pour permettre à l‟État Partie requis de demander une
décision de confiscation sur le fondement de son droit interne.

Si la demande concerne l‟article 55 (1) (b), elle doit contenir une copie légalement
admissible de la décision de confiscation émanant de l‟État Partie requérant sur laquelle la
demande est fondée, un exposé des faits et des informations indiquant dans quelles limites
il est demandé d‟exécuter la décision, une déclaration spécifiant les mesures prises par
l‟État Partie requérant pour aviser comme il convient les tiers de bonne foi et garantir une
procédure régulière, et une déclaration selon laquelle la décision de confiscation est
définitive1193.

Lorsque la demande concerne l‟article 55 (2) - relatif aux mesures de gel, de saisie
en vue d‟une confiscation ultérieure - elle doit contenir un exposé des faits sur lesquels se
fonde l‟État Partie requérant et une description des mesures demandées ainsi que,
lorsqu‟elle est disponible, une copie légalement admissible de la décision sur laquelle la
demande est fondée1194.

Les décisions ou mesures prévues à l‟article 55 (1) et l‟article 55 (2) de la CNUCC


sont prises par l‟État Partie requis conformément à son droit interne et sous réserve des
dispositions dudit droit, et conformément à ses règles de procédure ou à tout accord ou

1193 Article 55 (3) (b).


1194 Article 55 (3) (c).
315
arrangement bilatéral ou multilatéral le liant à l‟État Partie requérant 1195.

Dans l‟hypothèse où un Etat partie à la CNUCC souhaite subordonner l‟adoption


des mesures visées à l‟article 55 (1) et l‟article 55 (2) à l‟existence d‟un traité en la matière,
il considère la CNUCC comme une base conventionnelle nécessaire et suffisante1196.

Les dispositions de l‟article 55 (7) précisent que la coopération en vertu de l‟article


55 peu être refusée ou les mesures conservatoires peuvent être levées si l‟Etat partie requis
ne reçoit pas en temps voulu des preuves suffisantes ou si bien est de valeur minime.

On note qu‟avant la levée éventuelle de toute mesure conservatoire prise en


application de l‟article 55, l‟État Partie requis donne, si possible, à l‟État Partie requérant
la faculté de présenter ses arguments en faveur du maintien de la mesure 1197. Les
dispositions de l‟article 55 ne doivent pas être interprétées comme portant atteinte aux
droits des tiers de bonne foi1198.

L‟article 56 de la CNUCC prévoit que sans préjudice de son droit interne, chaque
État Partie doit s‟efforcer de prendre des mesures lui permettant, sans préjudice de ses
propres enquêtes, poursuites ou procédures judiciaires, de communiquer, sans demande
préalable, à un autre État Partie des informations sur le produit d‟infractions établies
conformément à la CNUCC lorsqu‟il considère que la divulgation de ces informations
pourrait aider ledit État Partie à engager ou mener une enquête, des poursuites ou une
procédure judiciaire ou pourrait déboucher sur la présentation par cet État Partie d‟une
demande en vertu du présent chapitre de la convention.

L‟article 57 de la CNUCC a trait à la restitution et la disposition des avoirs. En


effet, un État Partie qui a confisqué des biens en application de l‟article 31 ou 55 de la
CNUCC en dispose, y compris en les restituant à leurs propriétaires légitimes antérieurs,

1195 Article 55 (4) ; voir également Article 55 (5) de la CNUCC qui dispose que « chaque État Partie remet
au Secrétaire général de l‟Organisation des Nations Unies une copie de ses lois et règlements qui donnent effet au
présent article ainsi qu‟une copie de toute modification ultérieurement apportée à ces lois et règlements ou une
description de ces lois, règlements et modifications ultérieures ».
1196 Article 55 (6).
1197 Article 55 (8).
1198 Article 55 (9).
316
en application du de l‟article 57 (3) et conformément aux dispositions de la CNUCC et à
son droit interne1199.

L‟article 57 (3) prévoit les modalités de ce recouvrement. Ainsi, conformément aux


articles 46 et 55 de la CNUCC et à l‟article 57 (1) et (2), dans les cas de soustraction de
fonds publics ou de blanchiment de fonds publics soustraits, visés aux articles 17 et 23 de
la CNUCC, lorsque la confiscation a été exécutée conformément à l‟article 55 et sur la
base d‟un jugement définitif rendu dans l‟État Partie requérant, exigence à laquelle il peut
renoncer, restitue les biens confisqués à l‟État Partie requérant 1200; dans le cas du produit
de toute autre infraction visée par la CNUCC – par exemple la corruption de l‟agent public
étranger -, lorsque la confiscation a été exécutée conformément à l‟article 55 de la CNUCC
et sur la base d‟un jugement définitif dans l‟État Partie requérant, exigence à laquelle il
peut renoncer, restitue les biens confisqués à l‟État Partie requérant, lorsque ce dernier
fournit des preuves raisonnables de son droit de propriété antérieur sur lesdits biens à l‟État
Partie requis ou lorsque ce dernier reconnaît un préjudice à l‟État Partie requérant comme
base de restitution des biens confisqués 1201; dans tous les autres cas, envisage à titre
prioritaire de restituer les biens confisqués à l‟État Partie requérant, de les restituer à ses
propriétaires légitimes antérieurs ou de dédommager les victimes de l‟infraction 1202.

L‟article 57 (4) offre une possibilité pour les Etat requis de déduire des dépenses
raisonnables encourues pour les enquêtes, poursuites ou procédures judiciaires ayant abouti
à la restitution ou à la disposition des biens confisqués en application de l‟article 57. Les
États Parties à la CNUCC peuvent aussi envisager de conclure des accords ou des
arrangements mutuellement acceptables pour la disposition définitive des biens
confisqués1203.

1199 Voir également l‘article 57 (2) de la CNUCC : « Chaque État Partie adopte, conformément aux principes
fondamentaux de son droit interne, les mesures législatives et autres nécessaires pour permettre à ses autorités
compétentes de restituer les biens confisqués, lorsqu‟il agit à la demande d‟un autre État Partie, conformément à la
présente convention, et compte tenu des droits des tiers de bonne foi ».
1200 Article 57 (3) (a).
1201 Article 57 (3) (b).
1202 Article 57 (3) (c).
1203 Article 57 (5).
317
L‟article 58 de la CNUCC prévoit une coopération entre les Etats parties afin de
prévenir et de combattre le transfert du produit des infractions établies conformément à la
CNUCC, ainsi que de promouvoir les moyens de recouvrer ledit produit. Il s‟agit de la
création d‟un service de renseignement financier. L‟article 59 prévoit des accords ou des
arrangements bilatéraux ou multilatéraux afin de renforcer l‟efficacité de la coopération
internationale instaurée en application du présent chapitre de la CNUCC.

CONCLUSION

On rappellera que l‟efficacité des dispositions relatives au recouvrement des avoirs


dépendra de l‟entraide judiciaire interétatique. Lors des négociations, plusieurs Etats
développés ont insisté sur le principe de la double incrimination en tant que préalable à
l‟entraide judiciaire. Les Etats parties ont trouvé un compromis à la problématique de la
double incrimination dans le sens où il serait question de ce principe lorsque l‟entraide
judiciaire requière une action coercitive. Même si le chapitre de la convention des Nations
unies relatif au recouvrement des avoirs ne va pas aussi loin que suggéré par certains
commentateurs, il représente néanmoins une avancée importante dans la question des
affaires internationales. De plus, la CNUCC prévoit des dispositions relatives au
recouvrement des avoirs dans plusieurs domaines. En ce sens, la CNUCC a une approche
beaucoup plus large que l‟IACAC, la convention de l‟OCDE ou la convention pénale du
Conseil de l‟Europe. On remarquera que la CNUCC reconnaît à la fois la nature
protéiforme de la lutte contre la corruption et le besoin de dispositions pertinentes à chaque
forme de corruption.

Au-delà de l‟effet déclaratoire de ces dispositions, nous devons nous interroger sur
leur efficacité. La thèse de R.A. Cano 1204 souligne les obstacles rencontrés par les juges
dans l‟exécution des commissions rogatoire internationales et rappelle ainsi l‟esprit de
l‟Appel de Genève. A ce sujet, une comparaison avec le mandat d‟arrêt européen est
intéressante. En effet, pour ce qui est des textes internationaux de lutte contre la corruption,
la « transmission directe [des commissions rogatoires internationales] entre autorités

1204 R. A. CANO, op.cit., p. 609.


318
judiciaires comme c‟est déjà le cas pour l‟émission et l‟exécution des mandats européens
entre Etats membres devrait être effective ce qui n‟est pas le cas »1205. On répète que la
création du mandat d‟arrêt européen – par la décision cadre de l‟Union européenne sur le
mandat d‟arrêt européen de 2002 - oblige les États membres à remplacer entre eux la
procédure d‟extradition par la nouvelle procédure du mandat d‟arrêt.

Malgré tous les dispositifs ci-dessus analysés, de nombreux obstacles perdurent : la


lenteur des délais d‟exécution des commissions rogatoires internationales, l‟invocation du
secret bancaire par certains États pour ne pas leur communiquer des informations, le
manque de moyens de personnels et de ressources financières pour mener à bien des
enquêtes et des poursuites1206.

1205 Ibid., p. 609 : « De plus, en ce qui concerne les demandes d‟entraide judiciaire entre les Etats de l‟Union et des
Pays tiers, la transmission directe de ces commissions rogatoires aux autorités judiciaires compétentes devrait être
instituée par des conventions ou des accords bilatéraux ou multilatéraux facilitant la coopération internationale et
l‟entraide judiciaire et matière pénale et impliquerait également que la transmission des commissions rogatoires par
voie diplomatique soit supprimée ».
1206 Ibid., p. 609.
319
CHAPITRE 7

LE ROLE ESSENTIEL DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES


INTERGOUVERNEMENTALES :
LES MECANISMES INSTITUTIONNELS DE CONTROLE DE
L’APPLICATION DES TEXTES INTERNATIONAUX

Il a été rappelé au sein du chapitre 4 de la présente recherche que l‟efficacité de tout


système de droit dépend de l‟application effective des normes établies par l‟ordre juridique
qu‟il organise. Alors que les systèmes juridiques internes où existe l‟Etat de droit 1207
connaissent une autorité centrale de poursuites qui met en œuvre la loi1208 ; ce n‟est pas le
cas du droit international qui n‟est pas en mesure de garantir l‟efficacité de l‟application
des normes. Le manque de mécanismes efficaces de contrôle de l‟application des traités a
depuis longtemps été perçu comme l‟une des principales lacunes du droit international 1209.
La présente recherche analysera le besoin d‟un contrôle de l‟application des traités et le
rôle fondamental des OIG en la matière (Section 1)1210. Ensuite, on portera notre regard sur
les mécanismes de suivi et de surveillance propres aux textes internationaux de lutte contre
la corruption (Section 2).

1207 Au sujet de l‘Etat de droit, voir l‘introduction générale de la présente recherche.


1208 S. ROSE-ACKERMAN, « Establishing the Rule of Law », in R. ROTBERG (ed), When States Fail:
Causes and Consequences, Princeton: Princeton University Press, 2004, p 83 ; J. W. THOMAS, « After
the Decision: Implementing Policy Reforms in Developing Countries », 18 World Development, 1990,
p. 1163 ; M. EHRMANN, « Procedures of Compliance Control in International Environmental
Treaties », 13 Colorado Journal of International Law and Policy, p. 1.
1209 N. BONUCCI, « Article 12. Monitoring and Follow-up », in M. PIETH et al., The OECD convention
on Bribery, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 448.
1210 Pour la définition de ces notions voir ://www.transparence-
france.org/e_upload/pdf/uncacrapportjuillet2006.pdf : Par surveillance on entend : un processus
d‘examen international pour évaluer si les gouvernements nationaux ont pris les mesures adéquates
pour appliquer les dispositions conventionnelles. Par application on entend : les mesures, y
compris la ratification, l‘adoption de lois, prises par les gouvernements nationaux pour faire
appliquer les dispositions conventionnelles, ainsi que les mesures administratives, de
réglementation et de détection et répression pour mettre en application les dispositions
conventionnelles.
321
SECTION 1

LES SPECIFICITES DU PROCESSUS DE CONTROLE L’ APPLICATION DES TRAITES DE


LUTTE CONTRE LA CORRUPTION INTERNATIONALE

Il convient de souligner le contexte particulier de l‟application des textes


internationaux de lutte contre la corruption. On pourra le comprendre à travers d‟une part
un rappel de la difficile mise en œuvre du droit international et d‟autre part par l‟étude de
certaines théories contemporaines relatives à l‟application des textes dans ce
domaine (§ 1). Ainsi, on pourra mieux comprendre l‟approche du droit international à cette
question où on remarque une tendance vers l‟institutionnalisation du contrôle de
l‟application du droit international (§ 2).

§ 1 - Le contexte particulier de l’application des textes internationaux


de lutte contre la corruption

L‟application efficace des traités internationaux de lutte contre la corruption connaît


des problématiques juridiques, pratiques ou encore morales. On pourra analyser ces
question d‟abord par l‟optique du droit international général (A) et ensuite à travers la
notion anglo-saxonne de « theories of compliance » (B).

A- La difficile mise en œuvre du droit international :


un constat préalable

Pour mettre en exergue la nécessité d‟un processus de contrôle efficace des textes
internationaux, il convient de souligner deux différences majeures entre le droit

322
international et le droit national 1211.

Premièrement, le droit international des traités est de nature volontaire et on


rappelle alors la définition du traité du M. le Professeur Paul Reuter : « une manifestation
de volontés concordantes imputables à deux ou plusieurs sujets de droit international et
destinée à produire des effets de droit selon les règles du droit international »1212. La
volonté des sujets de droit international est un facteur déterminant dans l‟élaboration de la
règle de droit 1213. Il y a là une très forte contraste avec le droit interne : en effet, en droit
interne une personne physique ne pourrait pas par exemple décider quelle disposition
respecter ou ne pas respecter, elle n‟a pas le choix. Cela est même vrai lorsque la personne
ignorerait la disposition concernée et on rappelle le principe connu selon son adage latin
nemo censetur ignorare legem1214.

Deuxièmement, le droit international ne connaît pas de puissance souveraine


compétente pour mettre en œuvre son droit. Même les trois branches de pouvoir des
Nations unies - organisation intergouvernementale universelle - ne connaissent pas de telle
compétence. En effet, la Cour International de Justice (CIJ) - l‟organe judiciaire principal
des Nations unies - n‟est pas l‟équivalent à une cour nationale puisqu‟elle n‟a pas
compétence pour exécuter ses propres décisions. Le Secrétaire général de l‟ONU n‟est pas
l‟équivalent d‟un Président d‟un Etat souverain 1215. L‟Assemblée générale des Nations
unies – le principal organe délibérant, directeur et représentatif des Nations Unies – ne

1211 O. A. HATHAWAY, « Between Power and Principle: A Political Theory of International Law »,
71 U. Chi. L. Rev, May 2005, p. 487.
1212 P. REUTER, Introduction au droit des traités, Paris, PUF, p. 26.
1213 C. LALY-CHEVALIER, La violation du traité, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 1 ; voir en ce sens
P. M. DUPUY, Y. KERBRAT, op.cit., p. 29 : « l‟affirmation par la Cour internationale de Justice selon
laquelle « un Etat ne peut, dans ses rapports conventionnels, être lié sans son consentement » (Avis consultatif relatif
aux réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Rec. 1951, p. 21) n‟est-elle que
l‟une des nombreuses réitérations d‟un principe consensualiste posé dès le premier arrêt de la CPJI (Affaire du vapeur
Wimbledon 1923, série A, n° 1), dans lequel la doctrine volontariste voit un véritable axiome de tout le droit public
international ».
1214 Voir à ce sujet O.A. HATHAWAY, op.cit., p. 488, selon la common law, « every one is conclusively
presumed to know the law », State v Woods, 107 Vt 354, 179 A 1, 2 (1935).
1215 P. WEBB, op.cit., p. 222 ; voir à ce sujet les propos de l‘ancien Secrétaire général des Nations
Unies, Monsieur Boutros Boutros-Ghali : « I can do nothing. I have no army. I have no money. I have no
experts. I am borrowing everything. If the member states don't want [to do something], what can I do? », PBS,
‗Kofi Annan: Center of the Storm‘, http:// www.pbs.org/wnet/un/print/job_print.html.
323
correspond pas à une législature nationale dans le sens où ses résolutions ne sont pas
contraignantes. En effet, la Charte des Nations unies « ne prévoit pas expressément
l‟intervention de l‟Organisation pour assurer le respect des traités et la formule du
préambule les visant (§ 3) […] ce n‟est donc que tout à fait indirectement que l‟utilisation,
par le Conseil de sécurité, des pouvoirs qu‟il tient des chapitres VI et VII de la Charte,
peut avoir, dans certains cas, pour objet d‟assurer l‟exécution des traités »1216.

Ce constat préalable nous permet ensuite d‟aborder la question du respect du traité


de manière plus théorique. On verra en ce sens que l‟application efficace des normes
internationales de lutte contre la corruption doit faire face à des problématiques complexes.

B - Les traités de lutte contre la corruption et les « theories of


compliance »

En matière de lutte contre la corruption, on peut juxtaposer au moins trois théories


relatives au respect – par les Etats parties - des dispositions conventionnelles. Ces
questions sont connues par certains juristes anglo-saxons comme les « theories of
compliance »1217. On analysera certaines raisons qui motivent les Etats à appliquer le droit
international (1). Ensuite, on verra que l‟analyse des comportements des Etats peut se
réaliser à travers la « théorie des jeux » (2). On soulignera en dernier lieu que l‟application
des textes internationaux de lutte contre la corruption se confronte à des questions
d‟ethnocentrisme et d‟impérialisme moral (3).

1 - « State behaviour » et le respect du droit international

Une première théorie soutenue par une partie de la doctrine internationale a trait au
rôle du droit international dans « state behaviour »1218. Cette théorie se compose de deux

1216 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 248 ; voir ibid., ces commentateurs ajoutent que « de toutes les
organisations universelles, c‟est certainement l‟OIT qui, si l‟on excepte le cas, très particulier des conventions de
désarmement, a mis sur pied les procédures de contrôle et d‟application des conventions élaborées sous ses auspices, les
plus perfectionnées ».
1217 P. WEBB, op.cit., pp. 222-227.
1218 O.A. HATHAWAY, op.cit., p. 6 ; .J. L. BRIERLY, The Law of Nations: An Introduction to the
International Law of Peace, 6th edn, New York: Oxford University Press, 1963, 228p ; T. FRANCK,
324
volets.

Une première approche soutient qu‟en droit international les Etats seraient guidés
avant tout par leurs propres intérêts. C‟est-à-dire que les Etats appliqueraient le droit
international seulement lorsque - pour l‟Etat - il y a une récompense objective et précise en
contrepartie. Au moins deux commentateurs désignent cette approche comme la « logic of
consequences »1219. Pour Mme le Professeur Hathaway, cette théorie se fonde sur
l‟approche pragmatique de la coopération internationale qui a dominé la doctrine des
sciences politiques américaines à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Certains
commentateurs1220 ont même argué que c‟est l‟intérêt des seuls Etats les plus puissants qui
décident de l‟existence même des textes internationaux et leur mise en œuvre. Une partie
de la doctrine américaine plus récente fournit néanmoins une précision importante : les
Etats respecteraient les textes internationaux parce que ces dispositifs ouvrent la voie vers
une coopération qui serait autrement impossible 1221.

Deuxièmement – et selon une autre approche - les Etats deviendraient signataires et


appliqueraient les dispositions des traités non seulement parce qu‟ils attendent une
récompense en retour, mais parce que le respect du droit international traduit un
engagement de principe envers la norme et les idées contenues en son sein. Pour
Mme le Professeur Hathaway, le comportement d‟un Etat est en partie motivé par « the
power of principled ideas »1222. Cette approche a été désignée comme la « logic of
appropriateness »1223.

Fairness in International Law and Institutions, Oxford: Clarendon Press, 1995, 536p ; H. HONGIU
KOH, « Why Do Nations Obey International Law? », 106 Yale L.J., 1997, p. 2603.
1219 J. G. MARCH, J. P. OLSEN, The Organizational Basis of Politics, Free Press, 1989, pp. 160-62.
1220 Voir notamment : H. J. MORGENTHAU, K. W. THOMPSON, D. CLINTON, Politics Among
Nations, 7ème edition, Broché, 752 p ; E. H. CARR, The Twenty Years' Crisis: 1919-1939 , Palgrave
Macmillan 2001, 233 p ; H. J. MORGENTHAU, « Positivism, Functionalism, and International
Law », 34 Am J Intl L, p. 260.
1221 Voir O.A. HATHAWAY, op.cit, p 479: « by allowing states to restrain themselves and others from pursuing
short-term interests at the expense of shared long-term goals, regimes make it possible for states to obtain benefits that
exceed the costs of membership ».
1222 Ibid., p. 481.
1223 J. G. MARCH, J. P. OLSEN, op.cit., pp. 160-62.
325
2 - « Game theory » : le dilemme du prisonnier

Une deuxième théorie concerne ce que M. le Professeurs Ginsburg et


M. le Professeur McAdams désignent comme « game theory »1224. La « game theory » a
été utilisée avec succès dans un nombre de problèmes internationaux. 1225. Une des
hypothèses centrales de cette théorie est le « dilemme du prisonnier » 1226. Le « dilemme du
prisonnier » est particulièrement pertinent en matière de lutte contre la corruption
internationale car les Etats se sont souvent interrogés sur les effets anticoncurrentiels des
lois anti-corruption dans le sens où les Etats avaient peur de pénaliser leurs propres
entreprises. Même si un Etat peut reconnaître les dangers de la corruption, les agents
publics d‟un Etat peuvent se trouver confrontés au « dilemme de prisonnier » car « au
niveau officiel, on [peut considérer] qu‟après tout, le fait d‟obtenir des marchés à
l‟étranger, même avec la corruption, [peut] aider à combattre le chômage et à améliorer
la balance des paiements de son propre pays »1227. Il peut alors être très dur pour les agents
publics d‟éviter ce genre de comportement corrompu. Même si les Etats ont depuis de
nombreuses années fait des déclarations sur les maux de la corruption, « la quasi-absence
de toute législation nationale incriminant la corruption transnationale attestait de
l‟existence de ce « dilemme de prisonnier » »1228.

Il serait dans tous les cas avantageux pour les Etats concernés de coopérer 1229. En

1224 La théorie des jeux constitue une approche mathématique de problèmes de stratégie tels qu‘on en trouve en
recherche opérationnelle et en économie. Elle étudie les situations où les choix de deux protagonistes — ou
davantage — ont des conséquences pour l‘un comme pour l‘autre. Le jeu peut être à somme nulle (ce qui est
gagné par l‘un est perdu par l‘autre, et réciproquement) ou, plus souvent, à somme non-nulle. Un exemple de jeu
à somme nulle est celui de la mourre, ou celui du pierre-feuille-ciseaux.
1225 T. GINSBURG, R. H. MCADAMS, « Adjudicating in Anarchy: An Expressive Theory of
International Dispute Resolution », 45 Wm. & Mary L. Revoir 2004, p. 1235.
1226 Le dilemme du prisonnier est un exemple célèbre de la théorie des jeux caractérisant les situations où
deux joueurs auraient intérêt à coopérer, mais où les incitations à trahir l'autre sont si fortes que la
coopération n'est jamais sélectionnée par un joueur rationnel lorsque le jeu n'est joué qu'une fois. Il
illustre ainsi que les concepts d'équilibre de la théorie des jeux ne conduisent pas nécessairement à
des allocations qui seraient pourtant préférées par tous les joueurs.
1227 U. DRAETTA, « La lutte contre la corruption des fonctionnaires publics étrangers : premières
observations sur les examens de la phase 2 au titre de la convention OCDE », Revue de droit des
affaires internationales, 2005, n° 1, p. 99.
1228 Y. RADI, op.cit., p. 172.
1229 P. WEBB, op.cit., p. 226.
326
effet, dans le cadre du « dilemme du prisonnier », le contexte est instable car chaque
individu peut trouver une motivation pour corrompre si les autres Etats parties, eux,
préfèrent suivre une politique axée sur la coopération 1230. Cependant, lorsque chaque partie
souhaite coopérer dans la lutte contre la corruption, la situation se stabilise. Cette deuxième
théorie ne fait que renforcer la conclusion qu‟une coopération juridique interétatique
efficace est primordiale pour la réussite de la lutte contre la corruption.

Le but alors serait de sortir du « dilemme du prisonnier » pour établir un « jeu » de


coopération. Le « jeu » de la coopération a été défini par les Professeurs Ginsburg et
McAdams comme des « situations where parties have fully or partially common interests
that can be achieved only if they coordinate their strategies among multiple possible
equilibria »1231.

Un « jeu » de coopération peut survenir par le biais « d‟un dialogue permettant, à


force de répétition, l‟adoption d‟une convention, que [les Professeurs Ginsburg et
McAdams] conçoivent comme un équilibre stratégique »1232 que l‟on peut définir comme
« a form of spontaneous order that emerges even in a state of anarchy »1233. La
coopération peut aussi venir à travers ce que peut être désigné comme « legalization » et
« gradualisme»1234. Il s‟agit d‟un processus qui est particulièrement mis en lumière par
l‟adoption de la convention de l‟OCDE. En ce sens, les Professeurs Abbott et Snidal
démontrent comment les Etats-Unis ont réussi à engendrer de la coopération à travers un

1230 S. ROSE-ACKERMAN, « Corruption and the Global Corporation: ethical obligations and
workable strategies », in M. LIKOSKY (ed), Transnational Legal Processes, London, Butterworths,
2002, p. 163.
1231 T. GINSBURG, R. H. MCADAMS, op.cit., p. 1235.
1232 Y. RADI, op.cit., p. 172.
1233 T. GINSBURG, R. H. MCADAMS, op.cit., p. 1245 ; Le dilemme du prisonnier peut aussi être
transformé vers le jeu de la coopération à travers le dialogue et les relations publiques. . On doit
aussi souligner le rôle de l‘ONG « Transparency international ». Son travail a largement contribué à
ce que la question de la corruption reste une question d‘importance mondiale ; voir ci-dessus cette
section § 3.
1234 K. W. ABBOTT, D. SNIDAL, « Filling in the Folk Theorem: The Role of Gradualism and
Legalization in International Cooperation to Combat Corruption », Document présenté à
l‘American Political Science Association Meeting, Boston, 30 août 2002 : « legalization refers to a set of
rules, norms, institutions and practices that shape the expectations and interactions of international actors » ;
Gradualism est « breaking cooperation into a series of steps ».
327
processus de « legalization » graduelle1235. On rappelle que les Etats-Unis, soucieux d‟un
effet anticoncurrentiel du FCPA sur leurs propres entreprises, ont donné mandat en 1988 à
l‟exécutif américain pour chercher à élaborer une convention internationale en la matière.
Les Etats-Unis, « tels un « accoucher d‟âme », entamèrent dès lors un dialogue avec leurs
partenaires, aux fins de stabiliser la coopération interétatiques, et d‟ «enfanter » une
convention internationale »1236. En conclusion, on pourrait dire que le FCPA1237 - loi
fédérale américaine - est la « genèse »1238 d‟un processus de coopération en matière de
lutte contre la corruption.

3 - Impérialisme moral et corruption internationale

Une troisième approche théorique soulignée par le Docteur Ph. Webb concerne la
question de l‟impérialisme morale 1239. Comment en effet envisager la mise en œuvre
efficace des normes conventionnelles à un niveau régional ou universel lorsque ces normes
ne correspondent pas aux cultures ou croyances de tous les Etats concernés ? Cette
question est particulièrement pertinente en matière de la lutte contre la corruption puisque
le phénomène de corruption connaît de nombreuses approches culturelles variées.
M. le Professeur Salbu évoque cette question en profondeur et soutient notamment que le
monde n‟est pas encore devenu une communauté – un « village mondial » - à qui on
pourrait imposer un « single set of extrinsically imposed rules »1240. Selon cet auteur, le
danger existe de se montrer trop paternaliste et peu respectueux à l‟égard des autres Etats,
une situation qui est provoquée « whenever one state imposes its discretionary values upon
another state »1241. M. le Professeur Salbu suggère que même si tous les Etats du monde
étaient parties à une convention – et on pense à la CNUCC - leur capacité d‟évaluer
objectivement les activités extérieures à leurs propres frontières serait appauvris car
assujettie à l‟ethnocentrisme et à l‟impérialisme moral. Cet auteur avoue néanmoins que

1235 Ibid., pp. 22 – 37 ; voir aussi ci-dessus l‘introduction générale.


1236 Y. RADI, op.cit, p. 169.
1237 Cf., supra, introduction générale.

1238 Y. RADI, op.cit., p. 172.

1239 Cf., supra, introduction générale.

1240 S. R. SALBU, Extraterritorial Restriction of Bribery: A Premature Evocation of the Normative Global Village,

op.cit., p. 226.
1241 Ibid., p. 227.

328
son propre postulat pourrait devenir obsolète à cause des dynamiques de
mondialisation1242.

En conclusion, on constate que l‟application efficace des normes internationales de


lutte contre la corruption doit face à des obstacles inhérents au droit international général
mais aussi à des problématiques particulières à la corruption. On se tournera alors à des
solutions proposées par les OIG mais aussi par la société civile.

§ 2 - Le rôle des OIG dans les processus de contrôle de l’application


des traités de lutte contre la corruption internationale

La pratique du droit international a vu naître des mécanismes de garanties de


l‟application des traités. On étudiera les mécanismes de garanties à caractère interétatique
(A) et ceux qui revêtent un caractère institutionnel (B). Les mécanismes de garantie
institutionnels créés par des organisations internationales sont la clé de voute de
l‟application des dispositions conventionnelles de lutte contre la corruption internationale.

A - Mécanismes de garanties interétatiques

On analysera tout d‟abord des mécanismes « établis sur une base ad hoc et [qui]
1243
présentent un caractère purement interétatique » . Ces mécanismes interétatiques de
garantie peuvent revêtir des formes variées que l‟on peut regrouper sous trois rubriques
principales.

Premièrement on citera le gage, qui est un terme qui désigne traditionnellement « le


dépôt effectué à titre de garantie de l‟exécution d‟une obligation. Ceci se rencontrait

1242 Pour le Docteur Ph. Webb, il y a deux façons de répondre aux interrogations de M. le Professeur
Salbu. Premièrement, l‘avis relatif aux effets négatifs de la corruption suggère que son
incrimination pourrait devenir une « hyper norme » qui traversent les frontières nationales. P. M.
NICHOLS, « Regulating Transnational Bribery in Times of Globalization and Fragmentation », 24
Yale J. Int'l L, 1999, pp 302-03 ; Deuxièmement, au moins deux commentateurs précisent que les
textes comme la CNUCC ne sont pas des actes d‘impérialisme moral, mais plutôt des tentatives de
« donner une voix ou une contribution aux valeurs d‟une large communauté », voir D. WINDSOR, K. A.
GETZ, op.cit., p. 762.
1243 Voir P. DAILLIER et al., op.cit., p. 246.
329
notamment en cas d‟emprunt international »1244.

Deuxièmement, il peut être question de la garantie. La garantie constitue


l‟« engagement pris par un ou plusieurs Etats envers un ou plusieurs autres états de
maintenir un état de fait ou de droit existant : maintient de l‟intégrité territoriale ou des
frontières, d‟un statu quo politique, de l‟existence de l‟Etat, d‟un statut territorial ou de
neutralisation, du respect des termes d‟un traité […] »1245.

En troisième lieu on remarque l‟existence de conférences périodiques des Etats


parties. Il s‟agit d‟une « autre forme d‟institutionnalisation partielle » selon laquelle des
conférences sont « chargées d‟examiner l‟application du traité (conférences dites de suivi).
Cette technique de « pressions » autant que la garantie à proprement parler, est usitée
surtout en matière de désarmement ou la protection de l‟environnement »1246.

B - Mécanismes de garantie institutionnels créés par des


organisations internationales

Selon plusieurs commentateurs juridiques « la création d‟organisations


internationales permanentes a contribué à faciliter la garantie de l‟exécution des traités en
l‟institutionnalisant, tant au plan universel que dans des cadres régionaux »1247.

Ce genre de contrôle se base généralement sur l‟échange d‟information, sans lequel


tout mécanisme de contrôle serait voué à l‟échec. Les conventions internationales de lutte
contre la corruption consacrent pour la plupart cette obligation d‟information. Pour
P. Nastou cette obligation est cristallisée « comme une obligation distincte de celle

1244 J. SALMON, op.cit., p. 524.


1245 J. SALMON, op.cit., p. 524 ; voir à ce titre, P. DAILLIER et al., op.cit., p. 246, « plus récemment, les
Etats-Unis ont garanti l‟application du Traité de paix égypto-israélien du 26 mars 1976. Cet engagement
américain a été combiné avec la création de la Force multinationale d‟observateurs, garantie institutionnalisée sur une
base ad hoc, comme les commissions internationales de contrôles mises en place successivement pour veiller au
rétablissement et au maintien de la paix en Indochine (accords de Genève de 1954 ; Accord sur la neutralité du
Laos de 1962 ; Accord de Paris du 27 janvier 1973 sur le Viêt-Nam ; Arrangement israélo-libanais du 26 avril
1996 ».
1246 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 247.
1247 Ibid., p. 247.
330
d‟appliquer la convention»1248. Cette collecte d‟information s‟appuie sur plusieurs
techniques dont la plus utilisée est la remise périodique par les Etats parties des rapports à
des organismes spécialisés chargés de leur évaluation 1249.

Le contrôle de l‟exécution des traités dans le cadre des organisations internationales


s‟est largement développé dans le contexte régional. Le Conseil de l‟Europe est un
exemple intéressant de cette évolution puisqu‟il « dispose de systèmes de contrôle, très
contraignants pour les Etats, en ce qui concerne la mise en œuvre de la convention
européenne des droits de l‟homme et, dans une mesure moindre, de la Charte sociale
européenne » 1250.

En matière de lutte contre la corruption, le contrôle de l‟application des textes est


effectué par un organe institutionnel de l‟OIG pertinent. En effet, la convention de l‟OEA,
la convention de l‟OCDE, la convention pénale du Conseil de l‟Europe et la CNUCC
prévoient des mécanismes de surveillance et de suivi institutionnels. L‟utilisation de cette
technique « s‟inscrit dans la tendance vers l‟institutionnalisation du contrôle de
l‟application du droit international »1251. On rappelle que la naissance d‟un traité
international et l‟adoption d‟un mécanisme de suivi institutionnel est issu d‟un certain
processus qu‟il convient d‟identifier. Il s‟agit tout d‟abord de l‟initiative puis la
négociation et enfin la signature du traité avec l‟existence en son sein d‟une clause
instituant l‟adoption d‟un organe de contrôle de l‟application. En matière des conventions
de lutte contre la corruption internationale, on présentera ces étapes dans la section 2 du
présent chapitre.

1248 P. NASTOU, op.cit., p. 16 ; cet auteur ajoute (ibid.) que « les Etats jouent inévitablement un rôle crucial
dans le processus de collecte d‟information, qui a, en principe, un caractère décentralisé. Il est aisé de justifier ceci en se
référant aux principaux traits de l‟ordre juridique international ».
1249 Ibid., p. 16 ; voir ibid., « Un autre trait marquant les préoccupations des Etats à l‟égard des procédés de collecte
d‟information par les organes internationaux de contrôle consiste en la préservation du secret de certaines activités.
C‟est le problème du « droit au secret », qui s‟est posé au sein des institutions internationales au fur et à mesure de
leur développement et qui est lié en grande partie à l‟évolution de la fonction du contrôle de la société internationale ».
1250 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 249.
1251 P. NASTOU, op.cit., p. 14.
331
§ 3 – L’intervention des ONG et de la société civile dans les
mécanismes de lutte contre la corruption

La société civile connaît un développement international important (A). Dans la


lutte contre la corruption, l‟ONG Transparency International joue un rôle prépondérant
même dans le suivi de l‟application des textes internationaux (B).

A – L’éclosion de la société civile mondiale

Le rôle grandissant de la société civile en général et des ONG en particulier dans


l‟application du droit international est désigné par M. le Professeur Nouvel comme une
« réalité juridique »1252. Cette réalité est le reflet de l‟influence grandissante de la société
civile sur la scène publique depuis plusieurs années1253.

Selon au moins un commentateur, la notion de « société civile » est issue de la


pensée politique anglaise du seizième siècle 1254. Si la notion de « société civile » ne connaît
pas de définition unanimement acceptée, font partie des activités de la société civile « les
efforts délibérés d‟associations non lucratives et non officielles pour peser sur les
politiques, les normes ou de plus profondes structures sociale […] la société civile existe
quand les gens mènent des efforts visant à transformer les règles par le biais
d‟associations bénévoles »1255. La société civile comprend en ce sens « des organisations,

1252 Y. NOUVEL, « La société française pour le droit international peut-elle lutter contre la corruption
dans le secteur de l‘eau autrement qu‘en organisation un colloque sur la question? », in L‟eau en droit
international, SFDI Colloque d‘Orléans, Paris, Pedone, 2011, p. 245.
1253 M. H. WIEHEN, « Le rôle de la société civile : demander des comptes aux gouvernements », in
Affairisme : la fin du système, Paris, Editions OCDE, 2000, p 231 ; voir ibid., p. 232 : « le terme « société
civile » […]Il est le reflet d‟une constatation : les gens ne sont pas que des variables socio-économiques, mais des
citoyens actifs qui jouent un rôle dans la société. La société civile témoigne d‟une volonté d‟accepter le pluralisme (c‟est
l‟argument libéral), d‟un élargissement de la participation (c‟est l‟argument démocratique) et de la mobilisation des
énergies culturelles (c‟est l‟argument de l‟efficacité) ».
1254 J. A. SCHOLTE, « Qu‟est-ce que la société civile mondiale ?», Courrier de la planète, n° 63, disponible sur
le site : http://courrierdelaplanète.org/63/article1.html : selon cet auteur, la « société civile » est la
notion la plus ancienne dans un vocabulaire politique qui est « désormais truffé de mots comme « société
civile », « mouvements sociaux », « organisations non gouvernementales», « association sans but lucratif »,
« organisation de bénévoles », « groupes d‟interpellation indépendants » ».
1255 Ibid.
332
des structures et des réseaux distincts des pouvoirs législatif, administratif et judiciaire de
l‟Etat et, on l‟affirme souvent, du monde des entreprises, mais elle agit en interaction à la
fois avec l‟Etat et le monde des entreprises de diverses manières »1256.

Depuis 20 ans, la société civile a connu un développement international important à


tel point où on peut parler d‟une société civile « mondiale »1257. Cette embellie dans la
taille et l‟influence de la société civile fait partie d‟un « processus plus large de
mondialisation et a été mise en route par les mêmes forces »1258. La société civile
internationale peut être définie comme « un conglomérat d‟acteurs non étatiques de nature
variée qui considèrent que la diplomatie classique des Etats ne prend pas en charge de
manière satisfaisante les questions d‟importance planétaire »1259.

La présente recherche ne se penchera pas sur les nombreuses répercussions


politiques du développement de la société civile mondiale. On soulignera néanmoins que la
société civile mondiale peut permettre de renforcer la légitimité de la gouvernance et il
s‟agit généralement d‟exiger des pouvoirs publics ce qui est souvent désigné par les anglo-
saxons comme « accountability »1260. Elle peut aussi s‟engager directement dans la

1256 M. H. WIEHEN, op.cit., p. 231 ; selon cet auteur, « Alexis de Tocqueville attribuait la force de la démocratie
aux Etats-Unis au foisonnement et au dynamisme d‟un « millier de divers types » d‟associations de citoyens
conjuguant leurs efforts pour atteindre un même objectif. La « société civile » est par conséquent un terme moderne
servant à désigner une forme sociale ayant déjà une longue histoire ».
1257 Voir J. A. SCHOLTE, op.cit., on peut évoquer l‘existence d‘une société civile mondiale lorsque

certains critères sont remplis : « lorsque les groupes civiques : s‟occupent de questions transfrontalières ; utilisent
des modes de communication transnationaux ; disposent d‟une organisation mondiale ; et/ou partagent comme
prémisse une solidarité transfrontalière ».
1258 Ibid., « c‟est-à-dire une pensée globale, autorisant les gens à imaginer le monde comme un lieu unique ; le

développement capitaliste sur une échelle mondiale ; des innovations technologiques en matière de communications et
de traitement de l‟information ; des évolutions en termes de régulation, comme la libéralisation et la standardisation,
créant un cadre juridique favorable à la mondialisation ».
1259 M. GOUNELLE, op.cit., p. 106.

1260 Voir S. ROSE-ACKERMAN, Causes, consequences and reform, op.cit., pp. 167 – 172 ; Pour le

Professeur S. Rose-Ackerman, il existe « three routes to accountability ». (Le terme accountability peut se
traduire par « demander des comptes. ») Si l‘objectif de celle-ci est la mise en pression du pouvoir public
afin qu‘il agisse dans l‘intérêt général alors le rôle des medias et les groupes organisés est essentiel.
Si l‘objectif est la mise en responsabilité du pouvoir public à l‘égard des individus, alors il faut
prévoir les moyens de recours au niveau individuel. Mme e Professeur S. Rose-Ackerman souligne
que les medias auront plus tendance à se focaliser sur les scandales que de se soucier de provoquer
les réformes nécessaires afin par exemple de réduire la corruption. Les groupes et les individus
seraient plus à même de bouleverser la donne. ; voir aussi O.A. HATHAWAY, op.cit., p. 497 : Pour
333
formulation et la mise en œuvre de régulations. On souligne qu‟en « pénétrant les canaux
officiels de la formulation des politiques, les organisations de la société civile ont un peu
plus troublé la division privé/public dans le domaine de la gouvernance »1261.

Si la société civile pèse de plus en plus sur la scène internationale, il convient de


mettre tout particulièrement en exergue le travail des ONG. On parle ici des nouveaux
acteurs majeurs de la mondialisation : « la société civile dans toute sa diversité. […] Les
gens ne font plus confiance aux politiques, ni aux médias. En revanche, les ONG, elles,
restent très populaires et désormais elles font preuve d‟une expertise unique sur certains
sujets »1262. Les ONG peuvent s‟occuper des questions très variées : la bonne
gouvernance ; la défense des droits de l‟homme (Comité international de la Croix rouge,
Amnesty International) ; la politique économique et de l‟emploi (Chambre internationale
de commerce ; des organismes de défense de l‟environnement (Greenpeace) ; certaines
associations internationales sportives (CIO, FIFA) 1263, les organismes de défense des droits
civiques (International Confederation of Free Trade Unions) ; les organismes de
développement régionale ou mondiale (Oxfam) 1264.

La société civile est tout particulièrement utile dans la lutte contre la corruption et
on note d‟ailleurs que selon au moins un commentateur juridique, « seule la société civile a
répondu […] aujourd‟hui efficacement à ce phénomène de corruption internationale »1265.
On notera surtout à ce niveau la création et le rayonnement des groupes tels que les ONG

Mme le Professeur Hathaway, « the internalization of international legal requirements and compliance with
them depends on the extent to which those outside the government can be expected to act to enforce the state's
international legal commitments against the government ».
1261 J. A. SCHOLTE, op.cit : la société civile crée de « nouveaux espaces de démocratie. Les associations civiques
transnationales ont non seulement créé de nouveaux canaux de participation populaire, de consultation et de débats,
mais aussi de nouvelles formes de pression pour une gouvernance plus ouverte et plus responsable ».
1262 Propos de Daniel Lebègue, Président de Transparence France recueillis dans : E. JOLY, op.cit.,
p. 155.
1263 CIO – Comité International Olympique ; FIFA - Fédération Internationale de Football
Association.
1264 I. ZERBES, op.cit., p. 78.
1265 A. GENEVOIS, op.cit., p. 487 ; pour Monsieur A. Genevois, la société civile a agi efficacement via
le développement de la déontologie et de l‘éthique de l‘entreprise. Voir le développement de cet
auteur relatif à la mise en place par la multinationale Thales d‘une politique globale basée sur des
séminaires de formation, la rédaction de codes de conduite et une procédure de contrôle interne
permettant de limiter les risques d‘infraction au sein du Groupe.
334
Transparency International et le Réseau d‟Intégrité de l‟Eau - Water Integrity Network
(WIN) 1266 ou encore l‟association Sherpa. Le rôle de Transparency International dans la
lutte contre la corruption et particulièrement dans le suivi des textes internationaux fera
l‟objet d‟une analyse ci-dessus1267. On note en dernier lieu les ONG de lutte contre la
corruption ont dernièrement tenté de mettre en mouvement l‟action publique par le dépôt
de plaintes1268.

B – Le rôle de l’ONG Transparency International dans la lutte


contre la corruption

L‟ONG Transparency International (TI) est un acteur majeur dans la lutte pour la
transparence et l‟intégrité de la vie publique et économique (1). TI comprend plus de cent
sections nationales et il convient de mettre en exergue le travail de la section française (2).
Enfin on soulignera l‟implication de TI dans la rédaction et suivi des conventions de lutte
contre la corruption internationale (3).

1 - Transparency International : lutter pour la transparence et l’intégrité de la


vie publique et économique

L‟ONG Transparency International (TI) est la principale organisation de la société


civile qui se consacre à la transparence et à l‟intégrité de la vie publique et économique. Il
s‟agit de l‟ONG « devenue, en quinze ans, la référence de lutte contre la corruption au
niveau international » 1269. A travers plus de cent Sections dans le monde et de son Secrétariat
International à Berlin (Allemagne), TI sensibilise l‟opinion aux effets dévastateurs de la
corruption1270 et s‟emploie, en partenariat avec les pouvoirs publics, le secteur privé et la
société civile, à concevoir et mettre en œuvre des mesures efficaces à lutter contre ce

1266 Voir à ce titre l‘article de M. CASTELLAN, S. A. NDIAYE, op.cit., pp. 253 – 265.
1267 Voir ce paragraphe - B.
1268 Y. NOUVEL, op.cit., p. 246 ; voir ci-dessus l‘affaire des Bien prétendument mal acquis dans laquelle
l‘association Transparence International France portait plainte avec constitution de partie civile
contre trois chefs d‘Etat africains pour détournement de fonds publics, blanchiment et recel.
L‘association alléguait que des biens immobiliers situés en France avaient été acquis par ces
dirigeants grâce au produit de la corruption.
1269 E. JOLY, op.cit., p. 153.
1270 Cf., supra, introduction générale.
335
phénomène. Sur le plan international, l‟objectif principal de TI est de « renforcer le système
mondial de valeurs en faisant de la transparence et de la responsabilité des normes publiques
significatives »1271.

TI a été créé en 1993 par un ancien directeur de la Banque mondiale, l‟allemand


Peter Eigen. Depuis 2005, cette ONG est présidée par la canadienne Huguette Labelle,
chancelière de l‟Université d‟Ottawa et ancienne présidente de l‟agence canadienne de
développement. TI connaît un mode de fonctionnement très décentralisé selon lequel le
Secrétariat joue un rôle d‟impulsion, de coordination et d‟élaboration d‟outils commun.
Les sections nationales, elles, jouissent d‟une large autonomie d‟action. En ce sens, chaque
section nationale détermine elle-même son plan d‟action, ses objectifs et l‟allocation de ses
moyens, s‟autofinançant à l‟intérieur d‟une stratégie d‟ensemble discutée chaque année en
assemblée générale1272.

TI s‟occupe systématiquement des causes et effets sociaux et environnementaux de


la corruption et les dégâts qu‟elle provoque 1273. Elle vise en ce sens des changements
systématiques dans des domaines tels que le droit pénal, les règles fiscales, les procédures
de marchés publics et les systèmes de contrôle financier 1274.

L‟action concrète de TI prend de multiples formes se fondant notamment sur trois


priorités : la sensibilisation, la promotion et la surveillance de la lutte contre la corruption.

1271 A. GENEVOIS, op.cit., p. 256.


1272Voir le site de TI France :
http://www.transparence-
france.org/ewb_pages/p/presentation_transparence_international_france.php
1273 On soulignera à ce titre : les répercussions économiques et politiques de la corruption ; les aspects

institutionnels de la lutte contre la corruption et de la prévention de la corruption ; le contenu et la


qualité des textes législatifs et réglementaires nationaux et internationaux et des pratiques
administratives dans ce domaine ; la répression de la corruption ; l‘attitude et les initiatives des
entreprises en matière de corruption, les programmes institutionnels, avec notamment les codes
d‘éthique, les programmes de mise en conformité, et les offres de conseil aux entreprises ;
l‘ensemble des systèmes nationaux d‘intégrité, notamment le processus démocratique, les systèmes
judiciaires, les médiateurs, les autorités de vérification des comptes publics, les agences
indépendantes de lutte contre la corruption, les commissions et les bureaux et les systèmes de
passation de marchés publics ; Voir le « Source Book » de TI (http://www.transparency.org) ; voir
également, M.H. WIEHEN, op.cit., p. 233.
1274 Voir L. LOUVET, op.cit., p. 188.

336
Deux exemples de l‟action de TI sont le Pacte d‟Intégrité et L‟Indice de perception de la
corruption.

Le Pacte d‟intégrité répond au sentiment de TI que les Etats qui reformaient les
dispositions internes de lutte contre la corruption devraient démontrer clairement leur
détermination de mettre en œuvre des changements concrets. La solution de TI était de
créer « ce qu‟elle a appelé des « îlots d‟intégrité » (baptisés « Pactes d‟intégrité »), pour
réaliser un ou plusieurs grands projets d‟investissement »1275. Cela se traduit notamment
par une situation où les offres des entreprises souhaitant obtenir ou conserver un marché
doivent être accompagnées d‟un engagement personnel du président de n‟offrir ni verser
aucun pot-de-vin. Ce concept date du milieu des années 90 et s‟est révélé très efficace1276.
On note également que ce concept a été « sensiblement affiné avec notamment le recours à
l‟arbitrage international sous les auspices de la Cour d‟arbitrage de la Chambre de
commerce international »1277.

L‟Indice de perception de la corruption et l‟Indice de corruption des pays


exportateurs sont des outils de TI dans son rôle de surveillance de la lutte contre la
corruption. Chaque année depuis 1995 TI publie l‟Indice de perception de la corruption qui
élabore un classement par pays qui traduit la perception que les populations ont de leurs
propres pays face à la corruption. En 1999, TI a publié pour la première fois l‟Indice de
corruption des pays exportateurs (ICPE) qui est un autre indicateur de la corruption. Cet
indice établit un classement des 19 premiers pays exportateurs en fonction de l‟image que
l‟on peut se faire en tant que lieu d‟accueil pour les sociétés versant des pots-de-vin1278.

1275M.H. WIEHEN, op.cit., p. 240.


1276 Pour plus d‘informations sur la Pacte d‘intégrité, se rapporter à
http://www.transparency.org/tools/contracting.
1277 M.H. WIEHEN, op.cit., p. 240.

1278 Ibid., p. 244 ; on note finalement que « ni l‟IPC ni l‟ICPE ne se fondent sur des données empiriques
quantifiables qui permettraient de véritablement mesurer la corruption […] ; ils reflètent les perceptions de ceux qui
ont répondu au questionnaire ». Même s‘il reste un écart entre la perception et la réalité, les perceptions
demeurent malgré tout « la meilleure information disponible et elles influencent indéniablement les investisseurs et
d‟autres intervenants dans les relations commerciales ».
337
2 – TI France

Les sections nationales de TI sont enregistrées au niveau local et sont juridiquement


indépendantes du Secrétariat international 1279. La section française de TI – Transparence
International France (TI France) - rassemble des citoyens, des entreprises et des
associations autour de la volonté commune d‟améliorer significativement la gouvernance
publique et privée en termes de transparence, d‟intégrité et de responsabilité. Elle
affectionne particulièrement des actes de prévention et de lutte contre les différentes
formes de corruption, le blanchiment de l‟argent sale et les divers types de fraudes 1280.

Certains exemples concrets de l‟action de TI Frances sont à mettre en évidence.


Premièrement, la participation tout au long de l‟année 2010, du groupe de travail de TI -
qui associe l‟ensemble des sections présentes dans les Etats membres du G20 - a été très
actif pour poursuivre son plaidoyer engagé au moment de la crise financière de 2008. TI a
été en contact régulier avec les représentants des Etats pour tenter de peser sur les agendas
et les résultats des sommets de Toronto en juin et de Séoul en novembre 1281.
Deuxièmement depuis la crise financière de 2008, TI a multiplié ses actions de plaidoyer
dans le domaine de la circulation de l‟argent sale et lutte contre les centres financiers non
coopératifs (paradis fiscaux).

En dernier lieu, on soulignera la victoire remporté dans l‟affaire dite des « biens
mal acquis ». Cette affaire a trait aux conditions dans lesquelles un important patrimoine
immobilier et mobilier a été acquis en France par les président Denis Sassou Nguesso1282,

1279 A. GENEVOIS, op.cit., p. 259.


1280 Le Rapport moral 2010 de TI France précise le cadre de ses actions : la sensibilisation des
décideurs et du grand public aux enjeux de l‘intégrité et de la transparence ; le plaidoyer et l‘alerte
en faveur du renforcement et de la mise en œuvre effective du cadre juridique et institutionnel de
lutte contre la corruption ; l‘apport d‘expertise au service de tous les acteurs de la société –
particuliers, administrations, entreprises et autres composantes de la société civile, le Rapport moral
de TI France 2010, p 6 http://www.transparencefrance.org/e_upload/pdf/ti_france_rapport_mor
al_2010.pdf.
1281 Voir le Rapport moral de TI France 2010, p 20 http://www.transparence-
france.org/e_upload/pdf/ti_france_rapport_moral_2010.pdf.
1282 Congo-Brazzaville.
338
Omar Bongo Ondimba 1283 et Téodoro Obiang Mbasogo1284 ainsi que des membres de leur
entourage. Puisque TI France portait plainte avec constitution de partie civile contre ces
trois chefs d‟Etat africains, la question se posait « en quoi une association de droit français
peut pâtir d‟actes de corruption dont il est soutenu qu‟ils sont imputables à une autorité
publique étrangère »1285. Lors de l‟arrêt rendu le 9 novembre 20101286, la chambre
criminelle de la Cour de cassation a reconnu l‟intérêt à agir de TI France dans cette affaire.
La Cour de cassation a cassé l‟arrêt de la Cour d„appel « sans renvoi et ordonné le retour
du dossier au juge d‟instruction. Ce dernier, régulièrement saisi, est désormais appelé à
vérifier par une information préalable et contradictoire la réalité des faits dénoncés dans
la plainte »1287. Il reste à savoir si cette instruction débouche sur la mise en œuvre effective
du droit à restitution expressément consacré par la convention des Nations Unies contre la
corruption ratifiée par la France en 2005 1288.

On analysera au sein du chapitre 8 de la présente recherche les propositions


concrètes de TI France quant à l‟amélioration du dispositif juridique international actuel de
lutte contre la corruption.

3 - TI dans la rédaction et suivi des conventions de lutte contre la corruption


internationale

TI s‟est montré déterminée depuis de nombreuses années non seulement à soutenir


la rédaction de conventions internationales de lutte contre la corruption mais aussi dans la
vérification de la transposition et l‟application efficace par les Etats parties des dispositions
conventionnelles dans leur droit interne.

On note tout particulièrement le soutien de TI aux travaux de l‟OCDE contre la


corruption. Avant la signature de la convention de l‟OCDE par les Etats parties, TI a su

1283 Gabon (décédé).


1284 Guinée Equatoriale.
1285 Y. NOUVEL, op. cit., pp. 246 – 247.

1286 Cass. Crim., 9 novembre, n° de pourvoi 09-88272.

1287 Y. NOUVEL, op. cit., p. 247.

1288 Voir le Rapport moral de TI France 2010, p 26 : http://www.transparence-

france.org/e_upload/pdf/ti_france_rapport_moral_2010.pdf ; voir ci-dessus chapitre 6 de la


présente recherche.
339
dynamiser la réalisation de ce texte en participant – en tant qu‟observateur – aux réunions
du Groupe de travail de l‟OCDE. TI a pu alors soumettre à l‟OCDE « des propositions et
des recommandations précises, et en usant fréquemment de ses propres possibilités
d‟accès aux médias pour souligner l‟importance de conclure un accord
intergouvernementale en vue d‟une action commune dans le cadre de l‟OCDE »1289. A ce
niveau il convient de souligner la qualité et l‟expérience des professionnels impliqués dans
TI. TI a su – avec succès - mobiliser des chefs d‟entreprises de renom qui ont ensuite écrit
à leur gouvernement afin de demander le soutien de celui-ci à l‟approche de l‟OCDE.

Quant au suivi de l‟application de la convention de l‟OCDE, TI joue un rôle


important. En effet, lorsque l‟OCDE a commencé le travail d‟évaluation des mesures de
transposition des dispositions de la convention entreprises par les Etats membres, elle a
demandé à TI d‟élaborer un rapport de progrès coordonné par le secrétariat de TI. Le
rapport de TI propose des données quant à la transposition de la convention dans les droits
internes et sur le nombre d'enquêtes, de poursuites et de condamnations lancées ou
prononcées en vertu de ses dispositions. Le rapport fournit ainsi un indicateur pour estimer
si un Etat a réellement la volonté politique de mettre en œuvre ses engagements 1290. TI
France participe chaque année – en collaboration avec toutes les autres sections de TI
présentes dans les Etats membres de la convention de l‟OCDE – à l‟élaboration d‟un
rapport de progrès qui est coordonnée par le secrétariat international de TI.

Le rapport annuel 2011 de TI sur la convention de l‟OCDE concerne la mise en


œuvre de celle-ci dans 37 des 38 Etats parties1291. Le rapport élabore un classement des
pays en trois catégories : (1) mise en œuvre active, (2) modérée ou (3) faible, voire
inexistante. Le classement repose sur le nombre d‟enquêtes ouvertes et condamnations
prononcées pour corruption d‟agents publics étrangers. Une pondération tient compte de la

1289 M.H. WIEHEN, op.cit., p. 237.


1290 Voir le rapport moral de TI France 2010 pp 19-20 : http://www.transparence-
france.org/e_upload/pdf/ti_france_rapport_moral_2010.pdf.
1291 L‘Islande fait figure d‘exception car il n‘existe pas de Section nationale de TI en Islande.
340
part des exportations des pays analysés dans les exportations mondiale 1292.

Si on analysera certains résultats du rapport de 2011 au sein du chapitre 8 de la


présente recherche, on note néanmoins que selon TI France, les critères du classement des
Etats parties à la convention de l‟OCDE doivent être améliorés. En effet, « un nombre
élevé de poursuites et de condamnations peut, certes, témoigner d‟une volonté politique
forte et de la mise en œuvre de moyens de détection et de répression efficaces, mais il peut
aussi signifier que le pays est très corrompu, et ne garantit en rien que tout ce qui méritait
d‟être poursuivi l‟ait été »1293. Cette approche dans l‟analyse profite alors aux pays qui ont
connu plusieurs affaires importantes de corruption tel que l‟Allemagne. On note également
qu‟un pays peut « avoir connu d‟assez nombreuses condamnations, et donc mériter un bon
classement, tout en ayant étouffé sans vergogne des affaires susceptibles de porter atteinte
à ses intérêts économiques majeurs (exemple du Royaume Uni dans le dossier BAE
Systems) »1294.

De l‟aveu propre de TI, le chemin qui reste à parcourir est considérable. En effet, de
trop nombreux Etats parmi les 38 signataires refusent encore de s‟acquitter de leurs
obligations. Et il s‟agit pourtant de la convention la plus opérationnelle à ce jour.

L‟engagement de TI à ce niveau ne se limite pas à la convention de l‟OCDE. TI a


également soutenu d‟autres initiatives nationales et internationales contre la corruption 1295.
A ce titre on citera l‟intervention de TI auprès de la Commission européenne en 1995 et la
publication qui s‟en est suivi en mai 1997 par la Commission d‟un rapport officiel à
l‟adresse des ministres du Conseil et du Parlement européen intitulé « Projet d‟action
commune relative à l‟incrimination de la corruption dans le secteur privé »1296.

1292 Voir le rapport moral de TI France 2010 pp 19-20 : http://www.transparence-


france.org/e_upload/pdf/ti_france_rapport_moral_2010.pdf.
1293 Ibid., pp 19-20 :
1294 Ibid., pp 19-20
1295 Voir M.H. WIEHEN, op.cit., p. 239.
1296 Par lettre du 22 septembre 1997, le Conseil a consulté le Parlement, conformément à l'article K.6,
2e alinéa, du traité UE, sur le projet d'action commune relative à l'incrimination de la corruption
dans le secteur privé (10017/97 - C4-0478/97 - 97/0914(CNS)). ; voir
341
On soulignera également la contribution importante de TI - Etats –Unis et les
Sections nationales de tous les autres pays membres de l‟OEA dans la rédaction et
l‟adoption de l‟IACAC. On note que l‟article 3 (11) de l‟IACAC prévoit que les Parties
conviennent d'envisager, à l'intérieur de leurs systèmes institutionnels, l'applicabilité de
mesures destinées à créer, à maintenir et à renforce les mécanismes visant à encourager la
participation de la société civile et des organisations non gouvernementales aux efforts
tendant à prévenir la corruption.

Quant aux Nations Unies, le préambule de la CNUCC prévoit « qu‟il incombe à


tous les États de prévenir et d‟éradiquer la corruption et que ceux-ci doivent coopérer
entre eux, avec le soutien et la participation de personnes et de groupes n‟appartenant pas
au secteur public, comme la société civile, les organisations non gouvernementales et les
communautés de personnes, pour que leurs efforts dans ce domaine soient efficaces ».
Cette déclaration ne suffit pas néanmoins d‟empêcher le rôle attribué à la société civile
d‟être faible. L‟article 63 (6) de la CNUCC dispose que « les contributions reçues
d‟organisations non gouvernementales compétentes, dûment accréditées conformément
aux procédures devant être arrêtées par la Conférence des États Parties, peuvent aussi
être pris en compte ». A la lecture des travaux préparatoires, cette section ne comprend
rien qui a pour intention de limiter la discrétion de la Conférence des Etats parties dans la
prise de décision1297.

Le travail de TI relatif à l‟adoption d‟un mécanisme de suivi par la CNUCC doit


être cependant mis en lumière. Au moment de la négociation de la CNUCC, TI a pu faire
« valoir quelques considérations essentielles à ses yeux, en particulier l‟importance
majeure d‟un bon dispositif de suivi »1298. TI a depuis constamment appuyé la nécessité
d‟un mécanisme de suivi efficace. L‟objectif de TI a été de s‟assurer qu‟un processus de
suivi veille à ce que la CNUCC évolue et devienne un cadre mondial efficace pour

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=REPORT&reference=A4-1997-
0348&language=FR#Contentd317604e336.
1297 Report of the Ad Hoc Committee for the Negotiation of a convention against Corruption on the
work of its first to seventh sessions, Addendum: Interpretative notes for the official records
(travaux preparatoires) of the negotiation of the United Nations convention against Corruption, p 12,
U.N. Doc. A/58/422/Add.1, 2003.
1298 A. GENEVOIS, op.cit., p. 85.
342
combattre la corruption. Le 28 juillet 2006, TI a publié un rapport sur le processus de suivi
de la convention des Nations Unies contre la corruption. Dans ce rapport, TI souligne
qu‟un « processus de suivi et de surveillance est essentiel pour permettre à la CNUCC de
devenir un cadre efficace pour combattre la corruption qui sévit dans le monde »1299. TI a
également publié des « Recommandations sur le processus de suivi de la convention des
Nations Unies contre la corruption »1300 et TI France a rédigé un « Plaidoyer pour un
mécanisme de suivi de la convention des Nations Unies contre la corruption »1301 à
l‟attention de Monsieur Olivier Weber, Ambassadeur en charge de la lutte contre la
criminalité organisée.

SECTION 2

LES ORGANES INTERNATIONAUX SPECIFIQUES CREES PAR LES TRAITES DE LUTTE


CONTRE LA CORRUPTION INTERNATIONALE

Avant d‟aborder le fonctionnement des mécanismes de contrôle de l‟application des


textes de lutte contre la corruption au niveau régional et au niveau universel (§ 2), il
convient d‟analyser la naissance de ces mécanismes au sein des OIG (§ 1).

§1 – La naissance des mécanismes institutionnels de contrôle des


conventions de lutte contre la corruption internationale

On rappelle que l‟adoption par les Etats signataires à un traité d‟un mécanisme
institutionnel de suivi est le fruit d‟un processus établi qu‟il convient de préciser. Plus
précisément il s‟agit de l‟initiative (A), de la négociation et de la signature (B) du texte. Le

1299 Voir le Rapport sur le processus de suivi pour la convention des Nations Unies contre la
corruption de TI p. 5, http://www.transparencefrance.org/e_upload/pdf/uncacrapportjuillet2006.
pdf.
1300 F. HEIMANN, G. DELL, Recommandations sur le processus de suivi de la convention des Nations Unies
contre la corruption, 15 août 2007,http://www.transparencefrance.org/e_upload/pdf/uncacrecomma
ndations2007.pdf.
1301 Du 22 février 2009, http://www.transparence-france.org/e_upload/pdf/cnucc.pdf.
343
plus souvent, les textes internationaux de lutte contre la corruption contiennent en leur sein
une clause qui prévoit l‟adoption d‟un mécanisme de suivi (C). On note que dans la mesure
où les textes adoptés dans le cadre de l‟Union européenne suivent des « règles de jeu »
[…] assurément différentes »1302, ils ne retiendront pas notre attention au niveau des
mécanismes institutionnels de mise en œuvre. Même s‟il ne s‟agit pas ici de rappeler en
détail l‟historique de l‟adoption de chaque convention pertinente, il convient néanmoins de
retracer la naissance de ces textes pour comprendre l‟adoption des mécanismes de contrôle
institutionnels au sein des OIG.

A - L’initiative en vue de l’élaboration d’un traité

L‟initiative d‟un traité international au sein d‟une OIG prend le plus souvent la
forme d‟une déclaration, une recommandation ou d‟une résolution.

Dans le cas de l‟IACAC il s‟agit de la Summit Declaration du 11 décembre 1994 à


Miami, Etats-Unis dans le cadre de l‟Organisation des Etats Américains. Par ce document,
l‟OEA a reconnu publiquement le besoin de lutter contre la corruption et a surtout exprimé
sa volonté de réagir contre la corruption. Le document précise que cela pourrait se réaliser
par le biais d‟un accord international 1303.

Même si les travaux de l‟OCDE sur la corruption ont commencé de manière


concrète en 1989 1304 sous impulsion américain, on soulignera qu‟à la suite des travaux du
Comité de l‟Investissement international et des Entreprises Multilatérales (CIME) le

1302 Y. RADI, op.cit., p. 188.


1303 Summit of the Americas: Declaration of Principles and Plan of Action, 34 I.L.M. 808, 808-38
(1994) ; Le « Summit Plan of Action » propose le développement d‘une approche régionale
coordonnée de lutte contre la corruption dans la forme d‘un accord international qui permettrait
entre autres une coopération judiciaire interétatique accrue qui permettrait l‘extradition et les
poursuites en cas d‘infraction de corruption ; voir R. H. SUTTON, « Controlling Corruption
Through Collective Means : Advocating the Inter-American convention Against Corruption »,
op.cit., p. 1456.
1304 Cela a été réalisé par le biais de la création d‘un Group de travail ad hoc qui a dans un premier temps
procédé à une étude comparative de législations nationales des différents pays Membres et des
concepts fondamentaux concernant aussi bien l‘infraction de corruption que l‘application du droit
national à des infractions commises pour tout ou partie à l‘étranger. Voir :G. SACERDOTI,
« Corrompre ou ne pas corrompre », op.cit., p. 35.
344
Conseil de l‟OCDE a adopté au niveau ministériel une première Recommandation du
27 mai 19941305 invitant les pays Membres à « prendre des mesures efficaces pour
décourager, empêcher et combattre la corruption d‟agents publics étrangers dans le cadre
de transactions commerciales internationales ».

L‟initiative de la convention pénale du Conseil de l‟Europe se trouve dans la


e
19 conférence des ministres européens de la Justice, tenue à la Valette en 1994, où ces
ministres ont estimé que la corruption représente une grave menace pour la démocratie,
l'Etat de droit et les droits de l'homme. Les ministres de la Justice ont recommandé au
Comité des Ministres la création d'un groupe multidisciplinaire sur la corruption 1306. Une
fois créé, le Groupe multidisciplinaire sur la corruption a été chargé par le Comité des
Ministres de conclure rapidement l'élaboration d'un instrument juridique international.

On peut dater le début des initiatives onusiennes dans la lutte contre la corruption
au 15 décembre 1975 et la résolution relative aux « mesures contre les actes de corruption
commis par les sociétés transnationales et autres, leurs intermédiaires et d‟autres
pratiques en cause »1307. Les initiatives des années 1970 n‟ont pas connu d‟accord. La
CNUCC est née de la « Déclaration de Vienne » adoptée par le Dixième Congrès des
Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui a eu lieu en
avril 2000 et les travaux préparatoires de la convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée1308. En décembre 2000, l‟Assemblée Générale des
Nations Unies a reconnu la nécessité d‟un instrument juridique international efficace

1305 Recommandation sur la corruption dans le cadre des transactions commerciales internationales, Acte du Conseil
de l‘OCDE C (94) 75 du 27 mai 1994.
1306 Le Comité des Ministres a ainsi établi en septembre 1994 le Groupe multidisciplinaire sur la
corruption (GMC) et il lui a donné mandat d'examiner quelles mesures on pourrait inclure avec
profit dans un programme international d'action contre la corruption. A sa 101e session, le
6 novembre 1997, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adopté les 20 Principes
directeurs pour la lutte contre la corruption.
1307 Résolution n°3514, http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?
symbol=A/RES/3517(XXX)&Lang=F.
1308 On rappelle néanmoins que les premières implications des Nations Unies dans la lutte contre la
corruption datent des années 1970. On soulignera notamment la proposition d‘accord international
sur les paiements illicites du 4 août 1978 ou encore la déclaration des Nations Unies contre les
pots-de-vin et la corruption – Nations Unies, 12 décembre 1996, Résolution 51/191 : Declaration
against Coruption and Bribery in International Commercial Transactions.
345
indépendant de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée. Les Nations Unies avaient alors travaillé sur la question de la corruption
pendant deux décennies avec l‟adoption de la résolution 55/61 du 4 décembre 20001309.
Dans sa résolution 55/61, l‟Assemblée générale a prié le Secrétaire général de convoquer,
une fois terminées les négociations sur la convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée et les protocoles s‟y rapportant, un groupe
intergouvernemental d‟experts à composition non limitée chargé d‟examiner et d‟élaborer,
sur la base du rapport du Secrétaire général et des recommandations de la Commission à sa
dixième session, un projet de mandat pour la négociation du futur instrument juridique
contre la corruption1310.

B – La négociation et signature du traité

Moins de deux ans se sont écoulés entre la « Summit Plan of Action » du 11


décembre 1994 et l‟ouverture de la signature de l‟IACAC à Caracas, Venezuela le 29 mars
1996. Dans le cadre des négociations, on souligne les travaux à l‟Assemblée générale de
l‟OEA à Haïti en 1995 pendant lesquels le Groupe de travail sur la probité et l‟éthique
civique a élaboré un projet de convention interaméricaine contre la corruption à inspiration
vénézuélienne.

En ce qui concerne l‟OCDE, ses pays membres ont discuté le choix entre la
négociation d‟une convention et une recommandation. Un compromis a été trouvé dans
l‟optique de donner un double objectif à la Recommandation du 23 mai 1997 : « d‟une
part, les pays Membres devaient, en tout état de cause, adopter des lois nationales au plus
tard fin 1998 ; d‟autre part, ils devaient ouvrir des négociations immédiatement pour
conclure avant fin 1997 une convention devant entrer en vigueur fin 1998 »1311. Le Groupe
de travail de l‟OCDE a dès lors fonctionné comme une conférence de négociations qui a
réunit les pays Membres et non membres participant aux travaux. Le Groupe de travail a

1309 http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/un/unpan038989.pdf.
1310 Rapport du Comité spécial chargé de négocier une convention contre la corruption sur les travaux
de ses premières à septième sessions, A/58/422, p. 2.
1311 G. SACERDOTI, Corrompre ou ne pas corrompre, op.cit., p. 37.
346
conclu les négociations sur le texte de la convention de l‟OCDE en novembre 1997 et la
signature officielle de cette convention a eu lieu le 17 décembre 1997.

Dans le cadre du Conseil de l‟Europe, le Groupe du travail du GMC a entrepris


l'élaboration d'un projet de convention pénale en février 19961312. Lors de sa 47e session
plénière, le CDPC a donné officiellement son avis sur le projet de convention.
L'Assemblée parlementaire, quant à elle, a adopté son avis pendant la troisième partie de sa
session de 1998, en juin 1998. Conformément à son mandat, le GMC a examiné les
deux avis lors de sa 14 e réunion plénière, en septembre 1998. A cette occasion, il a
approuvé le texte définitif, qu'il a soumis au Comité des Ministres. A sa 103e session au
niveau ministériel (novembre 1998), le Comité des Ministres a adopté la convention, a
décidé de l'ouvrir à la signature le 27 janvier 1999 1313.

Après les négociations officieuses à Buenos Aires en décembre 2001, la


négociation formelle de la convention s‟est ouverte à Vienne où les Nations Unies ont
décidé d‟établir un Comité ad hoc afin de négocier l‟instrument dans le Centre des Nations
Unies pour la prévention internationale du crime à l‟Office des Nations Unies contre la
drogue et le crime. Le texte de la CNUCC a été négocié pendant les sept séances du
Comité ad hoc qui ont eu lieu entre le 21 janvier 2002 et le 1 octobre 2003. La Conférence
de la signature de la CNUCC a eu lieu entre le 9 et 11 décembre 2003 1314.

C – Les clauses conventionnelles créant un mécanisme institutionnel


de contrôle

Aucune clause spécifique du texte de l‟IACAC ne prévoit l‟adoption d‟un tel


mécanisme. Le manque d‟un mécanisme de monitoring a été pendant plusieurs années une
lacune majeure de l‟IACAC. En quelque sorte, l‟adoption d‟un mécanisme de monitoring a

1312 Entre février 1996 et novembre 1997, le GMPC a tenu dix réunions et procédé à deux lectures
complètes du projet de convention. En novembre 1997, il en a transmis le texte
au GMC pour examen.
1313 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm
1314 Voir P. WEBB, op.cit., pp. 204-205.
347
été pour les rédacteurs de ce texte un « afterthought »1315 et on constate que la société
civile, les chercheurs et les différents experts avaient à ce moment peur que l‟IACAC ne
soit une coquille vide1316.

Quant à la convention de l‟OCDE, l‟article 12 prévoit que les Etats parties doivent
coopérer afin de mettre en œuvre un programme de suivi systématique afin de surveiller et
promouvoir la pleine application de la convention. On précise que le Groupe de travail de
l‟OCDE est désigné pour mener cette action 1317.

Lors de sa 102e session1318 le Comité des Ministres du Conseil de l‟Europe a adopté


la Résolution (98) 7, portant autorisation de créer le «Groupe d'Etats contre la corruption
« GRECO »» sous la forme d'un accord partiel et élargi. L'accord instituant le GRECO et
contenant son statut a été adopté le 5 mai 19981319. L‟article 24 de la convention pénale du
Conseil de l‟Europe prévoit que « le Groupe d‟Etats contre la Corruption (GRECO)
assure le suivi de la mise en œuvre de la présente convention par les Parties ».

C‟est l‟article 63 de la CNUCC qui prévoit la mise en œuvre du mécanisme


d‟application. Il prévoit dans son premier alinéa qu‟une « Conférence des États Parties à
la convention est instituée pour améliorer la capacité des États Parties à atteindre les
objectifs énoncés dans la présente convention et renforcer leur coopération à cet effet ainsi
que pour promouvoir et examiner l‟application de la présente convention ».
L‟institutionnalisation éventuelle du mécanisme de suivi est prévue à l‟article 63 (7) : « la
Conférence des États Parties crée, si elle le juge nécessaire, tout mécanisme ou organe

1315 Ibid., p. 194.


1316 Voir R. DE MICHELE, « The Follow-Up Mechanism of the Inter-American convention Against
Corruption, A Preliminary Assessment: Is the Glass Half Empty? », 10 Sw. J.L. & Trade Am, 2004,
p. 300.
1317 Voir article 12 : « sauf décision contraire prise par consensus des Parties ».
1318 5 mai 1998.
1319 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Reports/Html/173.htm § 16 : Le GRECO est un organe
ayant vocation à suivre, par le biais d'un processus dynamique d'évaluation et de pression
mutuelles, l'application des principes directeurs pour la lutte contre la corruption et la mise en
oeuvre des instruments juridiques internationaux qui seront adoptés en application du Programme
d'action contre la corruption. La qualité de membre à part entière du GRECO est réservée aux
Etats qui participent pleinement au processus d'évaluation mutuelle et qui acceptent de faire l'objet
d'une évaluation.
348
approprié pour faciliter l‟application effective de la convention ».

§ 2 – Le fonctionnement des mécanismes de contrôle de l’application


des textes de lutte contre la corruption au niveau régional

Le contrôle de l‟exécution des traités dans le cadre des organisations internationales


est souvent désigné par les juristes anglo-saxons comme le monitoring. Il s‟agit d‟un
processus de revue international afin de connaître si les gouvernements nationaux ont pris
l‟action adéquate pour mettre en œuvre les dispositions des instruments internationaux
pertinents1320. Dans ce contexte régional, l‟OEA a attendu plusieurs années avant d‟adopter
un mécanisme de suivi pour l‟IACAC (A). La convention pénale du Conseil de l‟Europe
(C) et la convention de l‟OCDE (B) connaissent des mécanismes de monitoring développé
et rigoureux.

A – La convention de l’OEA : le MESICIC

Les Etats parties à l‟IACAC ont mis plusieurs années avant d‟adopter un
mécanisme de mise en œuvre. En effet, quatre ans après l‟entrée en vigueur 1321 de
l‟IACAC, il n‟existait toujours pas de mécanisme de surveillance et de suivi 1322. Le silence
du texte à ce niveau a été clairement dommageable pour l‟efficacité du texte.

L‟OEA a pu profiter du modèle des mécanismes d‟autres institutions déjà


constitués (Groupe de travail de l‟OCDE et le GRECO) pour élaborer leur propre
mécanisme de contrôle1323. En 2001, en adoptant le Rapport de Buenos Aires lors de la
première Conférence des Etats parties, l‟Assemblée générale de l‟OEA a défini un

1320 F. HEINMANN, G. DELL, Report on the Follow-Up Process for UN convention Against
Corruption (Transparency International 2006), p 1 : http://www.transparency.org/global_prioritie
s/international_conventions/projets_conventions/uncac/uncac_monitoring_report.
1321 L‘IACAC est entrée en vigueur le 6 mars 1997.
1322 L‘avocate nicaruagarienne G.D. Altamirano développe la question de l‘adoption nécessairement
tardive d‘un mécanisme de suivi pour l‘IACAC : G. D. ALTAMIRANO, op.cit., pp. 7 – 8.
1323 R. DE MICHELE, op. cit., p. 300 ; voir également : Conference, « The Experts Roundtable: A
Hemispheric Approach to Combating Corruption », 15 Am. U. Int'l L. Rev, 2000, p. 766.
349
mécanisme de suivi et de mise en œuvre de l‟IACAC 1324.

Le rapport de Buenos Aires précise l‟objectif, les caractéristiques et les procédures


relatifs au mécanisme de suivi de l‟IACAC dans l‟optique de la promotion de la mise en
œuvre de l‟IACAC et la facilitation de l‟harmonisation d‟une législation anticorruption
efficace à travers l‟hémisphère 1325.

Le mécanisme de suivi a été adopté le 4 juin 2001 et le « Follow-up Mechanism for


the Implementation of the Inter-American convention against Corruption » - connu selon
son acronyme espagnol « MESICIC » - est entré en vigueur en janvier 20021326. Le
mécanisme de mise en œuvre opère selon un système de revue par les pairs où chaque pays
fournira une auto évaluation des améliorations à effectuer par le biais d‟un questionnaire
qui est ensuite analysé par les autres Etats parties à l‟IACAC 1327.

Il existe trois documents qui délimitent le champ d‟application de cette procédure.


Le rapport de Buenos Aires, les « Règles de procédure et d‟autres dispositions »,1328 et une
méthodologie spécifique aux « rounds »1329.

Le mécanisme est principalement un outil intergouvernemental, composé de deux


organes : la Conférence des Etats parties et le Comité des experts 1330. La Conférence des
Etats parties représente un organe politique qui est responsable de la revue de la
performance du Comité des experts et du financement de ce dernier 1331. Les règles de
procédure prévoient la structure et le fonctionnement du Comité, qui comprend les
représentants désignés par chaque Etat partie, qui doivent être neutres et objectifs lors des

1324 Voir en ce sens : http://www.oas.org/juridico/english/doc_buenos_aires_en.pdf.


1325 OAS, Report of Buenos Aires: Mechanism for Follow-up of Implementation of the Inter-
American convention Against Corruption, AG/RES. 1784 (XXXI-O/01) (May 2-4, 2001) : http://
www.anticorrupcion.gov.ar/acta%20de%C20buenos%C20aires%20ingles.pdf.
1326 http://www.oas.org/juridico/english/faq_ac.htm#1.
1327 R. DE MICHELE, op.cit., p. 304.
1328 http://www.oas.org/juridico/english/mesicic_rules.pdf.
1329 http://www.oas.org/juridico/english/mesicic_rounds.htm.
1330 http://www.oas.org/juridico/english/mec_com_exp_en.htm.
1331 OAS, Rules of Procedure of the Conference of the States Parties to the Mechanism for Follow-Up
on Implementation of the Inter American convention Against Corruption, SG/MESICIC/doc.58/
04 rev.7 (Apr. 2, 2004). : http://www.oas.org/juridico/english/followup_conf_rules.pdf.
350
évaluations1332. Le Comité des experts est responsable de l‟analyse technique de la mise en
œuvre de l‟IACAC.

La revue des mesures des Etats parties est réalisée par le Comité des experts lors
des « rounds ». Au début de chaque « round », le Comité peut choisir quelle disposition
doit être analysée, adopter un questionnaire en vue des réponses des Etats parties et de la
société civile et adopter une méthodologie qui servira de guide afin d‟analyser les
dispositions pertinentes du « round ». Les règles de procédure régulent le rôle des ONG
dans le processus de revue. Un rapport pour la méthodologie du troisième « round » a été
publié en 20081333.

Les ONG sont des éléments importants dans le processus de mise en œuvre de
l‟IACAC parce qu‟elles sont capables de fournir une évaluation indépendante des mesures
de mise en œuvre. D‟ailleurs, les ONG peuvent participer et faire des présentations lors des
réunions formelles du Comité1334.

Après l‟analyse des réponses du questionnaire des Etats parties et ONG, le Comité
émet un rapport relatif au pays comprenant des observations et recommandations à l‟égard
du degré du respect de l‟IACAC. A la requête du pays évalué, les rapports des pays
peuvent être rendu publics par le biais de l‟internet avant la fin du round 1335. Si un pays
évalué n‟autorise pas sa publication, cependant, le rapport du pays peut seulement être
rendu public après la fin du round entier, c‟est-à-dire, après l‟évaluation des tous les Etats
parties1336. Les rapports présentés par les Etats parties qui reflètent le progrès de la mise en

1332 http://www.oas.org/juridico/english/mesicic_rules.pdf.
1333 Methodology for the review of the implementation of the provisions of the Inter-American
convention against corruption selected in the third round and for follow-up on the
recommendations formulated in the previous rounds http://www.oas.org/juridico/english/mesici
c_method_IIIround.pdf.
1334 Voir Report on Activities to Date by the Committee of Experts of the Follow-up Mechanism for
the Implementation of the Inter-American convention Against Corruption,
SG/MESICIC/doc.95/04 rev.3 (17 février 2004), http://www.oas.org/juridico/english/mec_
activity.pdf.
1335 Rules of Procedure, art. 25(g).
1336 Methodology, § VIII.
351
œuvre de l‟IACAC sont rendus publics par le biais de l‟Internet 1337. D‟ailleurs, les
réponses aux questionnaires par les Etats parties et la société civile sont aussi publiques par
le biais de l‟Internet 1338.

En avril 2004, la Conférence des Etats parties a adopté la « Schedule for


Accelerating the Process of Analysis within the Framework of the First Round »1339. Ce
comité est impliqué dans l‟analyse des dispositions portant sur les mesures préventives 1340
l‟assistance et la coopération et la désignation de l‟autorité centrale 1341. A partir de 2007, il
s‟est réuni à de nombreuses occasions et a évalué les mesures de mise en œuvre d‟un grand
nombre des Etats parties à l‟IACAC 1342.

Le MESICIC comporte certains points faibles. Premièrement, les précautions de


vocabulaire ont été prises dans le texte du MESICIC qui laissent une marge de manœuvre
importante aux Etats parties. En ce sens les Etats parties s‟engagent à prendre en compte
« the principles of sovereignty, nonintervention, and the juridical equality of the states, as
well as the need to respect the Constitution and the fundamental principles of the legal
system of each State Party ». Deuxièmement, le MESICIC ne compte pas une participation
de tous les Etats parties à l‟IACAC et cela constitue nécessairement une lacune
fondamentale du mécanisme. En dernier lieu, on constate que les visites sur place ne sont
pas prévues par le MESICIC et cela réduit l‟efficacité du mécanisme.

1337 Rules of Procedure, article 30.


1338 OEA, Questionnaire on Provisions selected by the Committee of Experts for Analysis within the
Framework of the First Round (24 mai 2002), / http://www.oas.org/juridico/english/questionnai
re.doc.
1339 OAS, Schedule for Accelerating the Process of Analysis Within the Framework of the First Round,
available at http:// www.oas.org/juridico/english/mec_sched.htm.
1340 Voir à ce titre article III de l‘IACAC.
1341 OAS, Report on Activities to Date by the Committee of Experts of the Follow-up Mechanism for
the Implementation of the Inter-American convention Against Corruption (17 février 2004), p. 4,
http:// www.oas.org/juridico/english/mec_activity.pdf.
1342 OAS Follow-up Mechanism, http:// www.oas.org/juridico/english/mec_rep_progress.htm.
352
B - La convention de l’OCDE : le Groupe de travail de l’OCDE sur la
corruption dans le cadre de transactions commerciales
internationales

L‟article 12 de la convention de l‟OCDE désigne le Groupe de travail de l‟OCDE


sur la corruption dans le cadre de transactions commerciales internationales pour mener -
sauf décision contraire prise par consensus des Parties - le suivi systématique de la
convention. Ce groupe est composé d‟experts gouvernementaux des pays participants. Le
Groupe de travail, composé de représentants des 38 pays Parties à la convention, se réunit
quatre fois par an à Paris et publie tous ses rapports de suivi de pays en ligne1343 et de
documents connexes. Le mécanisme de suivi par les pairs est mené en trois phases et est
considéré par l‟ONG Transparency International comme étant la «règle d'or» en matière de
suivi.

On relève que les documents relatifs aux négociations en amont de la signature de


la convention évoquent peu la question du monitoring. Les documents publiés n‟abordent
pas vraiment ni la question du monitoring ni comment les rédacteurs ont élaboré l‟article
12 de la convention de l‟OCDE ou les commentaires officiels 34-36 s‟y référant. Il est clair
néanmoins que rédacteurs du texte s‟accordaient sur la nécessité d‟élaborer un mécanisme
de monitoring rigoureux 1344. L‟accord relatif à la plupart de détails techniques du
mécanisme de monitoring a été trouvé après la négociation de la convention.

Le processus retenu par l‟OCDE est une procédure d‟évaluation mutuelle par les
Etats parties. Cette procédure qui trouve sa source dans les procédures classiques de
l‟évaluation par les pairs se base « sur un modèle plus élaboré, qui est celui de la
procédure d‟évaluation mutuelle mise en place par le groupe d‟action financière sur le
blanchiment de capitaux (GAFI) »1345. Ce modèle a été repris dans le cadre de certains
instruments de l‟Union européenne relatifs à la criminalité organisée 1346. Il a été repris

1343 http://www.oecd.org/document/5/0,3746,fr_2649_34859_35876299_1_1_1_1,00.html.
1344 N. BONUCCI, op.cit., p. 448.
1345 D. FLORE, op.cit., p. 58 ; GAFI – Groupe d‘Action Financière.
1346 Voir ce sens ibid., p. 58 : « Ce modèle a été repris par l‟Union européenne dans le cadre de la mise en œuvre du
programme d‟action relatif à la criminalité organisée du 27 avril 1997 (Programme d‟action approuvé par le Conseil
353
également par le Conseil de l‟Europe dans le cadre du groupe d‟États contre la corruption
(GRECO).

Les commentaires officiels de la convention de l‟OCDE précisent le mandat du


Groupe de travail 1347. On y relève plusieurs missions : la réception des notifications et
autres informations qui lui seront soumises par les pays participants ; un examen régulier
des mesures prises par les pays participants pour la mise en œuvre de la recommandation et
la formulation de propositions appropriées en vue d'aider les pays participant dans cette
mise en œuvre. Les examens mentionnés dans cette phrase se rapportent aux procédures
complémentaires suivantes : - une procédure d‟auto-évaluation, les réponses des pays
participants à un questionnaire permettant d'évaluer dans quelle mesure la recommandation
a été mise en œuvre, - une procédure d'évaluation mutuelle, chaque pays participant étant
examiné à tour de rôle par le Groupe de travail sur la corruption, à partir d'un rapport
évaluant de façon objective les progrès accomplis par le pays participant dans la mise en
œuvre de la recommandation ; un examen de questions précises ayant trait à la corruption
dans les transactions commerciales internationale 1348 ; l'information régulière du public sur
ses travaux et activités et sur la mise en œuvre de la recommandation 1349.

Jusqu‟en 2009, ce système a connu deux phases d‟évaluation. La Phase 1 a consisté


en un examen approfondi des législations nationales adoptées en application des textes
pertinents1350. La Phase 2 comprenait l‟étude de l‟efficacité, dans la pratique, des

européen d‟Amsterdam les 16 et 17 juin 1997, J.O.C.E., C 251, du 15.08.1997, p.1), et fait l‟objet de l‟action
commune du 5 décembre 1997 adoptée par le Conseil sur la base de l‟article K.3 du traité sur l‟Union européenne
instaurant un mécanisme d‟évaluation de l‟application et de la mise en œuvre au plan national des engagements
internationaux en matière de lutte contre la criminalité organisée (J.O.C.E., L n° 344, 15.12.1997 p 7) ».
1347 Le mandat de ce groupe de travail en ce qui concerne la surveillance et le suivi avait déjà été établi
par le Conseil de l‘OCDE dans sa recommandation de 1997 de cette recommandation.
1348 Le Conseil de l‘OCDE a donné instruction au groupe de travail, en décembre 1997, à l‘occasion de
l‘adoption de la convention, d‘étudier cinq questions liées à l‘incrimination de la corruption
d‘agents publics étrangers. Ces questions portent sur les partis politiques étrangers, les candidats à
un poste, la législation relative au blanchiment de capitaux et le rôle des filiales à l‘étranger et des
centres extra-territoriaux dans les opérations de corruption. Le groupe de travail s‘est aussi vu
confier d‘autres missions d‘analyse à propos de la corruption dans le secteur privé, la sollicitation
de pots-de-vin et les recours prévus par le droit civil.
1349 http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf, p. 18.
1350 La convention, de la Recommandation révisée de 1997 et de la Recommandation du Conseil sur la
déductibilité fiscale des pots-de-vin versés à des agents publics étrangers de 1996.
354
mécanismes répressifs et institutionnels mis en place par les Etats Parties. La Phase 2 a
également été l‟occasion d‟étendre le périmètre de l‟examen à d‟autres instruments
anticorruption connexes de l‟OCDE. Au cours de cette phase, les visites sur place ont joué
un rôle important, permettant aux équipes d‟examen de s‟entretenir directement avec les
parties concernées comme les représentants de la police, du parquet, de l‟administration
publique, du secteur privé et de la société civile. Les rapports préparés pour chaque pays à
l‟issue de cet examen1351 formulent des recommandations sur la manière dont les pays
peuvent améliorer la mise en œuvre de la convention. La Phase 2 inclut également des
examens de suivi réguliers pour vérifier les progrès réalisés par les Parties1352.

A la fin de 2009, le Groupe de travail a adopté une procédure détaillée pour la


troisième phase de suivi. L‟objectif de la Phase 3 est le renforcement de la capacité des
Etats Parties à lutter contre la corruption dans les transactions commerciales internationales
à travers l‟examen des mesures qu‟elles ont prises dans ce domaine, au moyen d‟un
processus dynamique d‟évaluation mutuelle et de pressions exercées par les pairs. Cet
examen est exclusivement centré sur la mise en œuvre de la convention, de la
Recommandation anticorruption de 2009, ainsi que des recommandations en suspens
formulées au cours des précédents cycles d‟examen. L‟examen type de Phase trois
comprend la désignation de deux pays comme examinateurs principaux ; une analyse des
réponses données par le pays évalué à un questionnaire préparé pour l‟examen et à des
question supplémentaires, une mission sur place de trois jours dans le pays évalué, la
préparation d‟un rapport préliminaire sur les performances du pays, l‟évaluation du rapport
préliminaire par le Groupe de travail sur la corruption, et l‟adoption par le Groupe de
travail d‟un rapport, comportant des recommandations, sur les performances du pays

1351 www.oecd.org/daf/nocorruption .
1352 Rapport annuel du Groupe de travail, pp. 11 – 12 ;
http://www.oecd.org/dataoecd/1/46/46900020.pdf ; ce rapport précise qu‘ « au cours de l‟examen de
ses instruments anticorruption, le Groupe de travail a constaté que le manque de sensibilisation à la corruption
transnationale était l‟un des principaux obstacles à la lutte contre ce fléau. En octobre 2009, il a donc approuvé des
projets en vue d‟une Initiative mondiale de sensibilisation à la lutte contre la corruption transnationale. L‟Initiative a
été lancée le 9 décembre 2009, date de la Journée internationale de lutte contre la corruption, lors d‟une manifestation
de haut niveau célébrant le dixième anniversaire de l‟entrée en vigueur de la convention et la publication de la
nouvelle Recommandation anticorruption ».
355
évalué. Ce rapport sera publié en ligne1353.

Au moins un commentateur juridique met en évidence néanmoins des points qu‟il


convient de clarifier dans l‟approche de l‟OCDE à la question du monitoring de la
convention. Premièrement, à la lecture de l‟article 12 1354 de la convention, on aperçoit que
le monitoring ne connaît pas de délimitation dans le temps. En ce sens, il s‟agit d‟une
disposition de nature obligatoire jusqu‟au moment où les Etats parties décident de la
modifier ou de la supprimer. Deuxièmement, la convention de l‟OCDE, bien que négociée
au sein de cette organisation, est ouverte à la signature d‟autres Etats non membres de
l‟OCDE. Cependant le monitoring du texte est attribué entièrement au Groupe de travail de
l‟OCDE. Le Groupe de travail doit alors remplir une double fonction. D‟une part il agit en
tant qu‟organe de l‟OCDE sous l‟autorité de cette dernière. D‟autre part il remplit la
fonction de Conférence des Etats parties dans le respect de ce qui est prévu par de
nombreux traités internationaux 1355. En se trouvant au sein d‟une organisation
internationale, le mécanisme de suivi évite l‟appréciation unilatérale par les Etats de
l‟application des dispositions conventionnelles mais on note néanmoins que «le mécanisme
de suivi au sein du Groupe de travail réserve une place prépondérante aux Etats et
conserve un caractère intergouvernemental »1356.

C – Le Conseil de l’Europe : le GRECO

L‟article 24 de la convention pénale du Conseil de l‟Europe attribue au GRECO le


rôle du suivi de la mise en place du texte par les Etats parties.

En 1998, le Comité des Ministres du Conseil de l‟Europe1357 a autorisé la création


de l‟accord partiel et élargi établissant «le Groupe d‟Etats contre la Corruption

1353 Rapport annuel du Groupe de travail, pp 16 -17;


http://www.oecd.org/dataoecd/1/46/46900020.pdf ; pour plus d‘information sur le processus
d‘examen de la phase 3 voir : http://www.oecd.org/dataoecd/39/16/44687836.pdf.
1354 Les Etats parties doivent coopérer afin de « mettre en œuvre un programme de suivi systématique afin de
surveiller et promouvoir la pleine application de la présente convention ».
1355 N. BONUCCI, op.cit., p. 449.
1356 P. NASTOU, op.cit., p. 14.
1357 Par la résolution (98)7 adoptée le 5 mai 1998 lors de 102 ème séance ministérielle.
356
(GRECO) ». Cette résolution a été basée sur le projet élaboré par le GMC 1358. Il s‟agit d‟un
accord partiel et élargi qui prévoit que le texte « serait considéré comme ayant été adopté
le premier jour du mois suivant la réception de la 14ème notification provenant d'un État
membre du Conseil de l'Europe exprimant sa volonté de joindre l'accord puis le 1er mai
1999 la Résolution (99) 5 adoptèrent la résolution instituant le GRECO, Groupe d'États
contre la corruption »1359. Cet accord est élargi dans le sens où les Etats qui ne sont pas
membres du Conseil de l‟Europe peuvent néanmoins se joindre aux travaux du GMC et ces
Etats peuvent être membre de l‟accord. Ici on fera notamment référence aux Etats-Unis et
au Canada. L‟accord est partiel dans le sens où sa mise en œuvre est tributaire de la volonté
des Etats membres du Conseil de l‟Europe 1360.

Le GRECO a été établi dans l‟optique de la surveillance de l‟application des vingt


principes directeurs1361 et la mise en œuvre de la convention pénale, la convention civile
sur la corruption, et deux recommandations sur les codes de conduite des agents publics et
le financement des parties politiques. L‟objectif du GRECO est d‟améliorer la capacité de
ses membres à lutter contre la corruption en s‟assurant, par le biais d‟un processus
dynamique d‟évaluation et de pression mutuelles par les pairs, qu‟ils respectent les normes
du Conseil de l‟Europe en matière de lutte contre la corruption. Le GRECO doit identifier
les lacunes dans les politiques nationales de lutte contre la corruption et incite ainsi les
Etats à procéder aux réformes législatives, institutionnelles et pratiques nécessaires. Le
GRECO est également un forum pour le partage des meilleures pratiques en matière de
prévention et de détection de la corruption 1362.

De façon assez similaire au Groupe de travail de l‟OCDE, le GRECO fait du

1358 Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption, créé en en septembre 1994, sous les auspices du
Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC).
1359 R. A. CANO, op. cit., p. 50 ; La Belgique a été, le 16 avril 1999, le quatorzième pays à exprimer sa
volonté de participer à cet accord, qui est dès lors entré en vigueur le 1 mai 1999 entre quinze Etats
(la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Finlande, la France, l‘Allemagne, la Grèce, l‘Estonie, l‘Irlande,
l‘Islande, la Lituanie, la Roumanie, l‘Espagne, la Slovénie et la Suède).
1360 Voir en ce sens P. SZAREK-MASON, op.cit., p. 38 : on souligne l‘existence de deux mécanismes
de monitoring dans le domaine du blanchiment d‘argent conduit sous l‘égide du GAFI et le
MONEYVAL au sein du Conseil de l‘Europe.
1361 http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/Resolution(97)24_fr.pdf.
1362 http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/general/3.%20What%20is%20GRECO_fr.asp.
357
monitoring à travers l‟évaluation mutuelle et la pression par ses pairs 1363. Cela implique la
collecte d‟information par le biais des questionnaires et les visites des pays sur place, ainsi
que la rédaction de rapports d‟évaluation. Ces rapports sont ouverts au public et
comprennent des recommandations pour les pays évalués afin d‟améliorer leur niveau de
conformité avec les dispositions pertinentes 1364.

La grande force du monitoring du GRECO est que la mise en œuvre des


recommandations doit être examinée après l‟adoption du rapport d‟évaluation 1365. Dans le
cas où il n‟y aurait pas de mise en conformité avec les recommandations, une procédure
spéciale peut viser le renforcement de la pression de ses pairs pour forcer un membre d‟un
pays membre de se mettre en conformité avec recommandation et cela peut mener à la
rédaction d‟une déclaration publique du Comité statutaire du GRECO 1366.

Quant aux règles de l‟évaluation mutuelle, elles sont précisées par l‟accord du
GRECO 1367 du 12 mai 1999. Cette évaluation est divisée en deux cycles dont la durée est
fixée par le GRECO 1368. Ces règles précisent également les modalités des

1363 Voir l‘article 22 (2) du règlement intérieur adopté par le GRECO lors de sa 1ère réunion plénière
(Strasbourg, 4-6 Octobre 1999) : « La procédure d'évaluation est fondée sur les principes d'évaluation mutuelle
et de pression par ses pairs et contribue à réaliser les objectifs du GRECO, tels qu'établis aux articles 1 et 2 de son
Statut».
http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/Greco(2010)9_RulesOfProcedure_FR.
pdf.
1364 P. SZAREK-MASON, op.cit., p. 37.

1365 Voir l‘article 30 (2) du règlement intérieur adopté par le GRECO lors de sa 1ère réunion plénière

(Strasbourg, 4-6 Octobre 1999) : « Conformément à l‟Article 15, paragraphe 6 du Statut, les membres doivent
présenter au GRECO un rapport de situation (ci-après «rapport RS») indiquant les mesures prises pour se
conformer aux recommandations contenues dans le rapport d‟évaluation. Le GRECO examine ces rapports et décide
si le membre s‟est conformé ou non aux recommandations » :
.http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/Greco(2010)9_RulesOfProcedure_FR
.pdf.
1366 Voir les articles 32 et 33 du règlement intérieur adopté par le GRECO lors de sa 1ère réunion

plénière (Strasbourg, 4-6 Octobre 1999) :


http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/Greco(2010)9_RulesOfProcedure_FR.
pdf.
1367 http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/1999/Greco(1999)1_FR.pdf

1368Article 10 (2) : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/1999/Greco(1999)1_FR

.pdf.
358
questionnaires1369.

L‟article 12 a trait aux équipes d‟évaluation. Il précise que le GRECO nomme, sur
la base des experts mentionnés à l'Article 10 (4) du texte, une équipe ad hoc pour
l'évaluation de chacun des membres.

L‟article 13 concerne les visites. L‟équipe peut effectuer des visites afin de
demander des informations complémentaires. La visite sera effectuée selon un programme
établi par le membre concerné en tenant compte des souhaits exprimés par l'équipe
d'évaluation. L‟information réunie fera l‟objet d‟un avant projet de rapport. Il est préparé
par l‟équipe d‟évaluation sur l'état de la législation et de la pratique relatives aux
dispositions sélectionnées pour le cycle d'évaluation 1370.

Le GRECO débat ensuite en séance plénière du projet de rapport soumis par


l'équipe d'évaluation1371. L‟Etat évalué a le droit de soumettre des observations orales ou
écrites à la plénière1372. A l‟issue du débat, le GRECO adopte, avec ou sans amendements,
le rapport relatif au membre évalué1373. Le rapport d‟évaluation est confidentiel en
principe1374.

Le Comité Statutaire du GRECO peut procéder à une déclaration publique lorsqu'il


est d'avis qu'un membre ne prend pas de mesures suffisantes pour mettre en œuvre les
recommandations qui lui ont été adressées concernant l'application des Principes

1369Article 11, http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/1999/Greco(1999)1_FR.pdf


.
1370 Article 14 (1) ; voir également Article 14 (2) L‘Etat évalué a ensuite la possibilité d‘émettre ses

commentaires, lesquels doivent être pris en considération par l‘équipe d‘évaluation lorsqu‘elle
conclut le projet de rapport. Cet avant projet de rapport est ensuite transmis pour commentaires au
membre faisant l'objet de l'évaluation. Les commentaires du membre sont pris en compte par
l'équipe d'évaluation lorsqu'elle conclut le projet de rapport.
1371 Article 15 (1).

1372 Article 15 (2).

1373 Article 15 (3).

1374 Article 15 (5).

359
Directeurs1375.

La convention pénale du Conseil de l‟Europe – par le biais du GRECO – semble


jouir d‟un mécanisme de monitoring efficace car il comprend la formation des évaluateurs,
un financement constant et dispose d‟assez de flexibilité pour pouvoir modifier ses règles
et procédures. De plus, la composition du GRECO – des Etats membres, les non Etats
membres et des organisations – démontre le cadre très large de la convention pénale.

Le GRECO lui–même s‟est félicité d‟avoir sensibilisé les décideurs et le grand


public à l‟existence de la corruption et aux dommages qu‟elle provoque, en particulier pour
les catégories sociales les plus défavorisées. En effet, l‟examen par les pairs est à cet égard
un atout essentiel 1376. On peut constater que le soutien à la mise en œuvre et l‟assistance
technique restent des facteurs essentiels. Le GRECO a souligné que ce soutien doit encore
être renforcé afin de traduire les conclusions du suivi, et en particulier les
recommandations pertinentes, en réalisations concrètes et pérennes. Toutefois, il est clair
que c‟est en dernier ressort aux autorités nationales qu‟il incombe de prendre des mesures
en réponse aux résultats de ce suivi 1377.

§ 3 - Le mécanisme de contrôle de l’application du texte de lutte contre


la corruption au niveau universel : le Mécanisme d’examen de l’application
de la convention des Nations Unies contre la corruption

L‟article 63 (7) de la CNUCC dispose que « la Conférence des États Parties crée,
si elle le juge nécessaire, tout mécanisme ou organe approprié pour faciliter l‟application

1375 Article 16 :
http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/1999/Greco(1999)1_FR.pdf.
1376 Voir les Conclusions relatives à la Conférence de haut niveau à l‘occasion du 10e anniversaire du
GRECO Strasbourg, 5 octobre 2009 : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/
10th%20Anniversary%20Conf/Greco%20Inf%20_2009_%205F%20CONCLUSIONS%2010th%
20Anniversary.pdf.
1377 Voir en ce sens : les Conclusions relatives à la Conférence de haut niveau à l‘occasion du 10e
anniversaire du GRECO Strasbourg, 5 octobre 2009 :
http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/
10th%20Anniversary%20Conf/Greco%20Inf%20_2009_%205F%20CONCLUSIONS%2010th%
20Anniversary.pdf.
360
effective de la convention »1378.

Selon l‟ONG Transparency International, une mise en œuvre efficace de la CNUCC


pourrait réduire la corruption de manière importante. Au niveau mondial, cela aurait un
effet bénéfique sur la bonne gouvernance démocratique, un développement international
accéléré, l‟attribution de marchés publics plus efficace, une meilleure concurrence et une
diminution de la pauvreté dans le monde 1379. Dans l‟absence de mise en œuvre appropriée,
le risque est de voir ce texte perdre sa crédibilité 1380.

Le début des négociations au sein des Nations Unies a été l‟occasion de


propositions de l‟Autriche et des Pays-Bas avec des modifications encourageantes
soutenues par la Norvège1381. La Norvège a proposé un processus d‟évaluation en deux
étapes, basé sur le modèle de la convention de l‟OCDE : la Phase 1 se concentrerait sur les
dispositions internes pour savoir si les Etats parties satisfont aux exigences de la
convention. On est donc bien en présence de propositions juridiques qui mettent en place
un véritable contrôle interétatique multilatérale par les Parties aux traités elles-mêmes des
législations nationales pertinentes.

La Phase 2 étudierait les structures mises en place afin de mettre en œuvre les

1378 Sur ce point voir P. DAILLIER et al., op.cit., p. 689 : « Qu‟ils soient plénières ou restreints, les organes
composés de membres désignés par les gouvernements des Etats membres sont en de nombreux points comparables
aux conférences diplomatiques traditionnelles. Ces représentants doivent suivre strictement les instructions de leur
gouvernement respectif, comme ils le feraient dans une réunion diplomatique. Par leur intermédiaire, les Etats
membres conservent l‟initiative de l‟action dans les organisations internationales, dont l‟interétatisme se trouve ainsi
confirmé. Parallèlement, les organes perdent peu ou proue leur aptitude théorique à exprimer une volonté propre,
autonome, de l‟organisation ».
1379 F.HEINMANN, G. DELL, Report on the Follow-Op Process for UN convention Against Corruption
(Transparency International 2006), p. 6 : http://www.transparency.org/global_priorities/
international_convnetions/projets_conventions/uncac/uncac_monitoring_report.
1380 Pour un commentaire de cette question se rapporter à P. WEBB, op.cit., pp. 218 – 223.
1381 Voir en ce sens : Proposals and Contributions Received from Governments: Austria and The Netherlands:
Amendments to Articles 66 to 70, U.N. Doc A/AC.261/L.69 (2003) ; Article 66 in Proposals and
Contributions Received from Governments: Austria and The Netherlands: Amendments to Articles 66 to 70,
U.N. Doc A/AC.261/L.69 (2002) ; Article 66 in Proposals and Contributions Received from Governments:
Austria and The Netherlands: Amendments to Articles 66 to 70, U.N. Doc A/AC.261/L.69 (2002) ;
Articles 67 and 68 in Proposals and Contributions Received from Governments: Austria and The Netherlands:
Amendments to Articles 66 to 70, U.N. Doc A/AC.261/L.69 (2002).
361
dispositions, et prévoirait des visites sur place1382. Ce sont les propositions autrichiennes et
néerlandaises en vue d‟établir une Conférence des Etats parties afin de faciliter les activités
et échanger l‟information qui ont été retenues. Cependant, les modifications norvégiennes
ne l‟ont pas été. Cette conférence est compétence en vue d‟échanger des informations et
faciliter par cela même le contrôle international. Il est regrettable que les propositions
norvégiennes n‟ont pas été retenues et les visites sur place purement et simplement écartés
de ce mécanisme probablement pour ménager la susceptibilité de gouvernants très attachés
au principe de la souveraineté.

Lors de sa troisième session à Doha, au Qatar, du 9 au 13 novembre 2009, la


Conférence des États parties à la convention des Nations Unies contre la corruption a
adopté la résolution 3/1, intitulée « Mécanisme d'examen ». Dans la même résolution, la
Conférence a adopté, sous réserve des dispositions de ladite résolution, les termes de
référence du Mécanisme d'examen de l'application de la convention. Le Groupe de travail
intergouvernemental à composition non limitée1383 chargé d‟examiner l‟application de la
convention des Nations Unies contre la corruption s‟est rencontré à cinq reprises avant
l‟adoption du cadre de référence du Mécanisme d‟examen de l‟application de la convention
des Nations Unies contre la Corruption. Chaque phase d‟examen comprendra deux cycles,
d‟une durée de cinq ans chacun, et un quart des États parties seront examinés pendant
chacune des quatre premières années de chaque cycle d‟examen 1384.

Le Groupe d‟examen de l‟application est un groupe intergouvernemental d‟États


parties à composition non limitée fonctionne sous l‟autorité de la Conférence et lui fait
rapport. Il a pour objet de superviser le processus d‟examen afin de recenser les problèmes
et les bonnes pratiques et d‟examiner les besoins d‟assistance technique pour veiller à la

1382 Proposals and Contributions Received from Governments: Norway: Amendments to Article 68 as
Submitted in the proposal by Austria and The Netherlands, U.N. Doc A/AC.261/L.78 (2002).
1383 Equivalent à la notion anglo-saxonne « open ended »: tous les Etats membres de l‘ONU, Etats
observateurs, organisations intergouvernementales et ONG dotes du statut consultative ECOSOC
peuvent assister aux réunions publiques du Groupe de travail.
1384 http://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/Publications/ReviewMechanism-
BasicDocuments/Mechanism_for_the_Review_of_Implementation_-_French.pdf ; La Conférence
des Etats parties a décidé d‘examiner, pendant le premier cycle, les chapitres III (Incrimination,
détection et répression) et IV (Coopération internationale) et, pendant le deuxième cycle, les
chapitres II (Mesures préventives) et V (Recouvrement d‘avoirs).
362
bonne application de la CNUCC.

La Conférence des Etats parties est responsable de la définition des politiques et des
priorités liées au processus d‟examen. Elle examine les recommandations et les
conclusions du Groupe d‟examen de l‟application. La Conférence fixe les phases et les
cycles, ainsi que la portée, la séquence thématique et les modalités du processus d‟examen.
La Conférence approuve tout amendement futur des termes de référence du Mécanisme. À
la fin de chaque cycle d‟examen, la Conférence évalue la performance et les termes de
référence du Mécanisme1385.

En ce qui concerne la conduite de l‟examen du pays, chaque Etat partie est examiné
par deux autres Etats parties. Selon les documents de base du Mécanisme d‟examen de
l‟application de la convention des Nations Unies contre la corruption, les États parties
examinateurs établissent un rapport d‟examen pour le pays examiné, ainsi qu‟un résumé
analytique s‟y rapportant, en étroite coopération et coordination avec l‟État partie examiné
et avec l‟aide du secrétariat. Ce rapport recense les succès obtenus, les bonnes pratiques
adoptées et les problèmes rencontrés dans l‟application de la CNUCC et formule des
observations à cet égard. Le rapport peut déterminer l‟assistance technique nécessaire pour
améliorer l‟application de la convention1386. Ce rapport d‟examen de pays, ainsi que le
résumé analytique s‟y rapportant, est finalisé par accord entre les États parties
examinateurs et l‟État partie examiné 1387. Les rapports d‟examens restent confidentiels
mais l‟État partie examiné est encouragé à exercer son droit souverain de publier tout ou
partie de son rapport d‟examen de pays. Ce mécanisme présente plusieurs facettes
intéressantes. La première facette est que l‟Etat examiné participe à ce qui ressemble
beaucoup à une négociation avec l‟Etat examinateur à la finalisation du rapport qui le
concerne. On n‟est donc pas en présence d‟un document élaboré par un tiers mais au
contraire par un document à la finalisation duquel participé l‟Etat qui est l‟objet du
contrôle international. L‟autre facette de cette procédure est donc qu‟on est en présence
d‟un contrôle international de faible intensité qui ne prévoit même pas d‟obligation de

1385 http://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/Publications/ReviewMechanism-
BasicDocuments/Mechanism_for_the_Review_of_Implementation_-_French.pdf, p. 10.
1386 Ibid., p. 9.
1387 Ibid., p. 9.
363
publication d‟ensemble de rapports mais un simple recommandation dit procédé, qui peut
être suivi ou ignoré, à son choix, par l‟Etat examiné.

Les documents onusiens précisent qu‟au cours de la phase d‟examen suivante,


chaque État partie fournit, dans ses réponses à la liste de contrôle détaillée pour l‟auto-
évaluation, des informations sur les progrès accomplis par rapport aux observations
contenues dans les rapports d‟examen précédents. Le cas échéant, les États parties
fournissent également des informations indiquant si l‟assistance technique demandée en
relation avec leurs rapports d‟examen de pays a été fournie 1388.

Dans le domaine du monitoring, la CNUCC démontre peu d‟innovation. Ce texte


suit les formules des conventions régionales les moins contraignantes en octroyant aux
Etats parties une marge de manœuvre importante afin de décider l‟étendu de la
transposition des dispositions conventionnelles au sein de leur droit interne 1389. Comme
l‟on a précisé ci-dessus, les visites sur place ne sont pas prévues et cela constitue une
lacune qui n‟est pas fortuite mais que les négociateurs ont installé en vue d‟accroître la
marge d‟appréciation et de souveraineté de chaque Etat partie.

Les documents de base du « Mécanisme d‟examen de l‟application de la convention


des Nations Unies contre la corruption » rappellent le respect de l‟article 4 (1) de la
CNUCC qui dispose que les États parties exécutent leurs obligations au titre de la
convention d‟une manière compatible avec les principes de l‟égalité souveraine et de
l‟intégrité territoriale des États et avec celui de la non-intervention dans les affaires
intérieures d‟autres États. Les potentialités de cet article laissent ainsi aux Etats parties une
marge de manœuvre considérable dans l‟application des dispositions conventionnelles de
la CNUCC. Cela semble faire écho aux « précautions de vocabulaire qui semblent lui
retirer [la CNUCC] toute force contraignante »1390.

Les Nations Unies ont certainement accumulé du retard au niveau de l‟adoption


d‟un mécanisme de mise en œuvre. En effet, l‟article 63 (2) est un obstacle à la mise en

1388 Ibid., p. 10.


1389 P. WEBB, op.cit., p. 221.
1390 L. LOUVET, op.cit., p. 297.
364
œuvre rapide de la CNUCC car selon cette disposition « le Secrétaire général de
l‟Organisation des Nations Unies convoquera la Conférence des États Parties au plus tard
un an après l‟entrée en vigueur de la présente convention ». Par ailleurs l‟article 63 (7)
donne mandat à la Conférence des Etats parties d‟adopter si « elle le juge nécessaire, tout
mécanisme ou organe approprié pour faciliter l‟application effective de la convention ». Il
est évident qu‟un tel délai ralentirait considérablement la mise en œuvre de ce texte. En
reportant la considération d‟un mécanisme de monitoring au plus tard un an après l‟entrée
en vigueur de la CNUCC – après trente ratifications – les rédacteurs ont ainsi repoussé
l‟adoption du mécanisme de plusieurs années 1391. Avant l‟adoption d‟un tel mécanisme, les
gouvernements avaient bien entendu peu de contraintes pour promulguer des lois de
transposition.

On note en dernier lieu que le système d‟évaluation consacré par la CNUCC est
fondé sur le contrôle « sur pièces »1392. Il ne semble pas être en mesure d‟atteindre la
rigueur et l‟efficacité des mécanismes de suivi de la convention de l‟OCDE et la
convention pénale du Conseil de l‟Europe qui insistent – entre autres – sur des évaluations
issues des « visites sur place ».

La CNUCC est un bon exemple de la manière dont les Etats mènent leur politique
juridique extérieure au niveau universel. Comme l‟a montré il y a déjà longtemps Guy de
Lacharrière,1393 les Etats utilisent toutes les ressources procédurales de la négociation
internationale pour introduire dans le traité des articles, qui auront pour but d‟affadir les
articles voire d‟en retarder la mise en œuvre voire d‟en écarter l‟application à tel Etat
déterminé. Lorsque de tels comportements se situent dans le cadre d‟une Conférence
internationale en vue d‟adopter un traité à vocation universelle, le résultat est évidemment

1391 Article 63 (2) : « Le Secrétaire général de l‟Organisation des Nations Unies convoquera la Conférence des États
Parties au plus tard un an après l‟entrée en vigueur de la présente convention. Par la suite, la Conférence des États
Parties tiendra des réunions ordinaires conformément au règlement intérieur qu‟elle aura adopté. » ; Article 68 (1) :
« La présente convention entrera en vigueur le quatre vingt- dixième jour suivant la date de dépôt du trentième
instrument de ratification, d‟acceptation, d‟approbation ou d‟adhésion. Aux fins du présent paragraphe, aucun des
instruments déposés par une organisation régionale d‟intégration économique n‟est considéré comme un instrument
venant s‟ajouter aux instruments déjà déposés par les États membres de cette organisation ».
1392 Traduction de la notion anglo-saxonne « desk review ».
1393 G. DE LACHARRIERE, op.cit.,
365
que le texte du traité ne produit que des mécanismes juridiques édulcorés qui sont souvent
loin de satisfaire le juriste mais qui sont le résultat des multiples concessions qui
s‟accordent mutuellement les Etats au cours d‟une négociation multilatérale.

CONCLUSION

On soulignera ici que malgré les avancées et les résultats encourageants de certains
mécanismes, il existe évidement des progrès à accomplir. Cette conclusion est parfaitement
illustrée par la CNUCC. En effet, la CNUCC constitue le texte international de lutte contre
la corruption qui est doté du champ d‟application le plus étendu. Les précautions de
vocabulaire de la CNUCC et le fait que les visites sur places ne soient pas prévues par le
mécanisme de suivi réduisent d‟emblée l‟impact du mécanisme de monitoring et motivent
peu les Etats parties à appliquer ses dispositions. Cela est d‟autant plus dommageable que
même si les Etats parties à la CNUCC ont des motivations diverses, il est probable qu‟ils
auront un intérêt à coordonner leurs actions dans l‟environnement des relations
internationales contemporaines1394.

En définitive, les commentateurs juridiques et la société civile s‟accordent à dire


que sans mécanisme de mise en œuvre efficace, les dispositions de la CNUCC resteront
lettre morte. La CNUCC serait alors ce que M. le Professeur Reisman désigne comme lex
simulata, c‟est-à-dire « a legislative exercise that produces a statutory instrument
apparently operable, but one that neither prescribers, those charged with its
administration, nor the putative target audience ever intend to be applied »1395.

1394 P. WEBB, op.cit., p. 226.


1395 W. M. REISMAN, op.cit., p. 31.
366
CHAPITRE 8

PROPOSITIONS D’AMELIORATION DES DISPOSITIFS


JURIDIQUES INTERNATIONAUX EXISTANTS

§ 1 - Paragraphe introductif

L‟ombre de lex simulata 1396 plane sur la lutte contre la corruption des agents
publics étrangers. Une réaction est nécessaire pour éviter l‟échec de ce dispositif 1397.

Selon au moins un praticien de lutte contre la corruption 1398, le dispositif


international lui-même est rédigé dans des termes adéquats mais doit fonctionner
autrement. C‟est bien la mise en œuvre des textes qui est la plus difficile et ce point a été
souligné par l‟ancienne magistrate Madame E. Joly lors d‟un entretien avec l‟auteur de la
présente recherche1399. Nous étudierons certaines possibilités d‟amélioration au dispositif
avec l‟appui de l‟avis des praticiens contemporains de lutte contre la corruption
internationale. Ce chapitre s‟articule en partie autour des entretiens avec les membres de
l‟ONG Transparency International au siège de Berlin (Madame G. Dell), des sections
britanniques (Monsieur C. Krishnan) et françaises (Monsieur J. Coll) et les entretiens avec
les avocats spécialisés du FCPA Monsieur R. Cassin et Monsieur M.Cohen, les Professeurs
I. Bantekas, P. Ocheje, E. Spahn, le Docteur Ph. Webb ou encore Madame M. Pedriel-
Vaissière juriste de l‟association SHERPA.

La présente recherche entend développer deux axes de possibilités qui sont tous les
deux dépendants de la volonté politique d‟agir contre la corruption.

1396 W. M. REISMAN, op.cit., p. 31.


1397 Propos recueillis lors de deux entretiens avec Monsieur Julien Coll, délégué général de
Transparence International (France) le 27 juillet 2010 et le 22 juin 2011.
1398 Monsieur C. Krishnan, Président de la section britannique de Transparency International, lors de
l‘entretien avec l‘auteur de la présente recherche le 17 septembre 2010.
1399 Entretien à Venelles (13), le 21 novembre 2010.
367
La première piste se base sur le postulat que la volonté politique étatsunienne de
lutter contre la corruption d‟agent public étranger se traduit par une mise en œuvre
importante du FCPA et que cela constitue - à certains niveaux - l‟exemple à suivre. Il est
de notre avis que le modèle américain doit être mis en exergue. Ce choix se justifie non
seulement en raison du nombre important de poursuites en matière du FCPA ou encore les
sanctions pécuniaires payées par les auteurs d‟infractions mais aussi en vue de l‟approche
innovatrice étatsunienne à la question de corruption surtout en matière de justice
transactionnelle. Lutter contre la corruption en s‟inspirant du modèle américain constitue la
première proposition de la présente recherche (Section 1).

Dans un deuxième temps, on étudiera la question d‟un éventuel changement de


paradigme dans la lutte contre la corruption. En conclusion de thèse, A. Genevois, en
soulignant la relative inefficacité des droits anticorruption, exprime qu‟il « reste à attendre
l‟internationalisation du droit pénal en la matière ou la requalification économique de ce
comportement »1400. Les solutions existent, bien que pour l‟instant elles semblent
empreintes d‟idéalisme. La présente recherche entend proposer deux voies supranationales
pour lutter de façon plus efficace contre la corruption. Il s‟agit d‟une part de la compétence
éventuelle de la Cour pénale internationale pour juger des actes de corruption ou d‟autre
part la responsabilité des sociétés multinationales en matière des droits de l‟homme
(Section 2).

1400 A. GENEVOIS, op.cit., p. 520.


368
SECTION 1

LA REPLIQUE AU NIVEAU INTERNATIONAL D’UN MODELE NATIONAL DE MISE EN


ŒUVRE EFFICACE : L’EXEMPLE ETATSUNIEN

La première proposition de cette recherche a trait à la mise en œuvre du FCPA par


les Etats-Unis. Un premier niveau d‟approche permet d‟appréhender les raisons de cette
réussite (§1). Un deuxième niveau de recherche suggère que le système de justice
transactionnelle utilisé aux Etats-Unis en matière du FCPA serait un exemple à
suivre (§ 2). L‟objectif de cette section est de suggérer que le modèle efficace étatsunien
pourrait être transposé au niveau international.

§ 1 – La politique étatsunienne de mise en œuvre du FCPA : première


approche

Les autorités de poursuite de la lutte contre la corruption étatsunienne bénéficient


de ressources considérables (A). On verra en premier lieu – à travers l‟analyse du Groupe
de travail de l‟OCDE, que la mise en œuvre américaine fait figure de meilleur élève des
Etats parties à la convention (B).

A – L’analyse favorable de la mise en œuvre étatsunienne par le


Groupe de travail de l’OCDE

Selon le dernier rapport – l‟année 2011- de TI sur la mise en œuvre de la


convention de l‟OCDE, seulement sept des trente huit Etats parties connaissent une mise
en œuvre active 1401. Ce classement fondé notamment sur les nombres de poursuites dans le
cadre des dispositions de la convention démontre le faible nombre de poursuites dans la

1401 Danemark, Allemagne, Italie, Norvège, Suisse, Royaume-Uni, Etats-Unis.


369
majorité des Etats parties à la convention. La méthode d‟analyse de l‟OCDE - bien qu‟elle
connaisse des lacunes - serait la base de notre postulat.

Un pays- les Etats-Unis - fait notamment exception à la tendance de la faible mise


en place des dispositions. Les Etats-Unis –géniteurs en quelque sorte – de la convention de
l‟OCDE ne se soucient guère des aspects de l‟harmonisation. L‟objectif des Etats-Unis est
une telle mise en œuvre que le nombre de contrats gagnés par les entreprises concurrentes
(non américaines) par le biais de la corruption d‟agent public étranger se réduit de façon
importante1402. Notre approche serait fondée sur la réussite des Etats-Unis dans la mise en
œuvre du FCPA et de sa politique de dissuasion ou de ce qui est désigné par les juristes
anglo-saxons comme « deterrence »1403.

La Phase 2 du monitoring du Groupe de travail de l‟OCDE de 2005 avait déjà


signalé l‟importante mise en œuvre du FCPA par les Etats-Unis et le rapport de suivi en
atteste. Ce document rappelle la volonté dont font preuve le Département de la Justice
américain (DOJ) et la Securities and Exchange Commission (SEC) de mettre en œuvre le
FCPA1404. On est ici dans le cadre d‟une culture de ce que les anglo-saxons peuvent
désigner comme « agressive pursuit »1405. De manière générale, les entreprises américaines

1402 P. J. CULLEN, « Article 3. Sanctions », op.cit., p. 211 ; US Departement of Commerce,


International Trade Administration, Adressing the Challenges of International Bribery and Fair
Competition, the sixth Annual Report under Section 6 of the International Anti-Bribery and Fair
Competition Act of 1998, July 2004.
1403 « Dissuasion » ; voir G. F. COLE, The American System of Criminal Justice, Belmont, 1995, p. 437: la
notion de general deterrence est fondée sur le postulat que « […] the general population will be dissuaded
from criminal behaviour by observing that punishment will necessarily follow commission of a crime and that the pain
of punishment will be greater than the benefits which may stem from the illegal act ».
1404 OCDE, Etats-Unis : Phase 2 Rapport de suivi sur la mise en œuvre des recommandations au titre
de la phase 2 sur l‘application de la convention et de la recommandation de 1997 sur la lutte contre
la Corruption d‘agents publics étrangers dans les transactions Commerciales internationales, le
rapport de suivi a été approuvé et adopté par le Groupe de travail sur la corruption dans le cadre
des transactions commerciales internationales le 1er juin 2005.
1405 USA Phase 2, voir également P. J. CULLEN, « Article 3. Sanctions », op.cit., p. 239 ; à ce titre on
peut souligner l‘action répressive et les efforts redoublés des États-Unis pour mieux faire connaître
la FCPA et la convention de l‘OCDE sur la lutte contre la corruption auprès des PME et autres
entreprises exportatrices. De plus, des nouvelles obligations de communication financière ont été
imposées aux vérificateurs de sociétés cotées (les « émetteurs ») depuis la promulgation de la Loi
Sarbanes-Oxley de 2002 : aux termes de l‘article 404 de cette loi, le vérificateur est tenu de délivrer
une attestation et un compte rendu sur l‘évaluation par la direction des contrôles et procédures
internes à des fins de communication financière. En 2004, la Cour d‘appel des États-Unis a
370
ont été placées dans une position de grande sensibilisation relative au FCPA dans le sens
où elles ont pour la plupart conscience des risques juridiques encourues dans les affaires de
corruption d‟agent public étranger. L‟expérience américaine démontre également que le
fait de poursuivre la corruption de manière continue, renforce la perception parmi les
entreprises et leurs employés que l‟on est redevable juridiquement pour des actes
corrompus1406. Cette perception est aussi favorisée par les « effets dissuasifs
collatéraux »1407 des enquêtes ou poursuites du FCPA sur les entreprises. En effet, la
mauvaise publicité peut jouer sur la réputation des entreprises et certaines sanctions telles
que la suspension des conditions d‟exportation favorables ou l‟exclusion des marchés
publics peuvent avoir des conséquences commerciales négatives importantes 1408.

Le rapport de l‟OCDE sur la revue de la Phase 3 du monitoring des Etats-Unis par


le Groupe de travail a été adopté le 15 octobre 2010 1409. Depuis la Phase 2, la mise en
œuvre étatsunienne a augmenté de façon constante et on souligne l‟importance
grandissante des peines carcérales, des sanctions pécuniaires et du disgorgement des
profits, c‟est-à-dire la confiscation en matière civile des profits mal acquis. Cette mise en
œuvre accrue a été possible à travers les bonnes pratiques développées au sein du cadre
politico-juridique des Etats-Unis, surtout le Département de la Justice américaine (DOJ), le
Federal Bureau of Investigation (FBI) et la Securities and Exchange Commission (SEC).
La nouvelle législation a aussi renforcé les critères relatifs aux normes comptables (voir ci-
dessus la loi 2002 Sarbanes-Oxley déjà étudié lors de la phase 2), la protection des
« whistleblowers »1410 sous la loi de juillet 2010 « Dodd-Frank Wall Street Reform and
Consumer Protection Act ».

confirmé l‘interprétation large de la FCPA par le DOJ en estimant que cette loi s‘applique aux
paiements effectués afin de se procurer un avantage indu pour obtenir ou conserver un marché, y
compris un traitement fiscal ou douanier favorable.
1406 P. J. CULLEN, « Article 3. Sanctions », op.cit., p. 239.
1407 Collateral deterrent effects.
1408 P. J. CULLEN, « Article 3. Sanctions », op.cit., p. 239.
1409 OCDE, United States: Phase 3, Report On The Application Of The convention On Combating
Bribery Of Foreign Public Officials In International Business Transactions And The 2009 Revised
Recommendation On Combating Bribery In International Business Transactions, adopté le 15
octobre 2010.
1410 Lanceur d‘alerte.
371
Plusieurs commentateurs juridiques soutiennent que cette montée de mise en œuvre
est à attribuer aux évènements juridiques, politiques ou encore internationaux 1411. Selon
certains observateurs, cette nouvelle dynamique a été lancée par les scandales des affaires
Enron et WorldCom qui ne concernaient pas la corruption étrangère mais plutôt le regard
étatique à l‟égard du comportement des entreprises. De plus, on assiste à une augmentation
de self reporting (auto dénonciation) par les entreprises dans le sillage de la loi de 2002
connue sous l‟appellation Sarbanes-Oxley. Deuxièmement, on peut arguer que la mise en
œuvre accrue est explicable de part l‟acceptation généralisée de la justice transactionnelle
en matière du FCPA. On peut aussi mettre en lumière les objectifs précis de leur politique
de poursuite du DOJ et la SEC en matière du FCPA. En dernier lieu on doit rappeler
l‟existence d‟un contexte global qui favorise la lutte contre la corruption et qui facilite la
politique agressive américaine en la matière.

B - Autorités de poursuite étatsuniennes : moyens et volonté


importants

L‟optique de la présente recherche est de savoir comment les Etats-Unis ont réussi
une telle mise en œuvre du FCPA. L‟OCDE, a recensé une augmentation des poursuites de
4.6 par an de 2001 à 2005 à 18.75 par an entre 2006 et 2009. Une des raisons qui explique
la mise en œuvre importante du FCPA est l‟organisation des autorités de poursuite en la
matière. Le FCPA concerne à la fois les poursuites pénales et civiles.

Il existe trois autorités américaines responsables pour les poursuites des violations
du FCPA : le DOJ, la SEC et le FBI. Les trois organismes ont des cellules spécialisées
concernées uniquement par le FCPA. On note également que sans égard à l‟autorité de
poursuite, il est souvent question d‟un accord négocié au niveau privé et qui ne connait pas
d‟analyse juridique approfondi par les tribunaux. Autrement dit, dans la plupart de cas de
mise en œuvre du FCPA, il n‟existe pas d‟analyse indépendante quant aux preuves 1412.

1411 Voir en ce sens l‘analyse de D. C. WEISS, The Foreign Corrupt Practices Act, Sec Disgorgement Of Profits,
And The Evolving International Bribery Regime: Weighing Proportionality, Retribution, And Deterrence, 30
Mich. J. Int‟l L, 2009, p. 483.
1412 M. KOEHLER, « The Façade Of FCPA Enforcement », 41 Geo. J. Int‟l L, 2010, pp. 923 – 924.
372
1 – La Fraud Section du DOJ

La « Fraud Section » du DOJ1413 basée à Washington D.C. est l‟organisme


responsable pour toutes les poursuites pénales et civiles à l‟encontre des personnes
physiques ou morales qui ne sont pas des « émetteurs de valeurs »1414 tels que ces derniers
sont définis par le FCPA. La cellule FCPA a été créé au sein de la « Fraud Section » en
2006 afin de traiter notamment des poursuites, des procédures d‟opinion 1415 ou encore la
sensibilisation du public en matière de corruption. Selon le rapport de la Phase 3 du
Groupe de travail de l‟OCDE, on compte jusqu‟à 16 avocats travaillant à plein temps dans
la cellule pertinente au DOJ.

2 - La Criminal division du DOJ

Le FBI – sous la supervision de la Criminal Division du DOJ - conduit des enquêtes


criminelles en matière de violations du FCPA. Deux cellules spécialisées dans le FCPA ont
été créées en son sein : l‟International Corruption Unit (ICU) et une cellule nationale à
Washington D.C. L‟avocat spécialiste du FCPA M. Cohen a confirmé à l‟auteur de la
présente recherche l‟engagement croissant du FBI dans la mise en œuvre du FCPA 1416.

3 – L’Enforcement division de la SEC

Quant à la SEC, son Enforcement division est responsable de la mise en œuvre


civile du FCPA à l‟encontre des « émetteurs de valeurs ». La SEC a plusieurs armes à
utiliser contre les « émetteurs » auteurs de la corruption comme par exemple les sanctions
civiles ou le « disgorgement » des biens mal acquis. Cette cellule de la SEC a été créée en
janvier 2010 avec une cellule spécialisée en matière du FCPA qui comprend environ 30
avocats. On note également que la SEC dispose d‟un grand nombre d‟experts et de
technologie très moderne afin de lutte contre les infractions du FCPA 1417.

1413 Criminal Division.


1414 Pour la définition de la notion de « émetteurs de valeurs » se rapporter à l‘analyse du Chapitre 2 de
la présente recherche.
1415 Pour l‘analyse des « procédures d‘opinion » voir ci-dessus chapitre 2.
1416 Entretien avec l‘auteur de la présente recherché du 19 août 2011.
1417 OCDE, United States: Phase 3, op.cit., p. 9.
373
4 – Conclusion sur les autorités de poursuites en matière du FCPA

L‟évaluation de la Phase 3 par le Groupe de travail de l‟OCDE a démontré les


ressources importantes affectées à la mise en œuvre du FCPA par les Etats-Unis. De plus,
la création des cellules du FCPA au sein du DOJ, de la SEC et du FBI a très largement
profité à l‟efficacité du travail. Eu égard à la complexité des affaires en matière du FCPA,
il est clair que l‟efficacité de ces cellules spécialisées est vitale1418.

Le rapport de la Phase 3 note que depuis la création de la cellule FCPA en 2006 au


sein du DOJ, le niveau de mise en œuvre a accru de manière importante. La création de
l‟International Corruption Unit au sein du FBI en 2008 a renforcé cette tendance.
L‟attribution des ressources et expertises de l‟appareil de mise en œuvre judiciaire aux
Etats Unis à la lutte contre la corruption de l‟agent public étranger est le reflet de
l‟importance de cette problématique dans la politique étatsunienne1419.

§ 2 – La tentation de la réplication du système étatsunien de justice


transactionnelle en droit international

En matière du FCPA, les Etats-Unis font un usage étendu de la justice


transactionnelle (A) et connaissent l‟utilisation croissante des poursuites civiles qui ont
pour but la récupération des profits mal acquis (D). L‟utilisation des corporate monitors à
la suite des accords transactionnels pourrait aussi être une voie à répliquer (C). Bien que
certains Etats n‟affectionnent pas traditionnellement la justice traditionnelle, elle pourrait
être une arme efficace de lutte contre la corruption (B).

A – La justice transactionnelle américaine en matière du FCPA

Les méthodes innovatrices utilisées aux Etats-Unis - notamment en matière de


justice transactionnelle - doivent être mises en exergue. On fera référence d‟abord aux

1418 Ibid., p. 13.


1419 Ibid., p. 13.
374
« Principles of Prosecution »1420. Ces principes prévoient les facteurs à prendre en compte
par l‟autorité de mise en œuvre lors de la décision de lancer des poursuites pénale à
l‟encontre d‟une entité ou négocier un accord à l‟encontre de cette entité dans l‟optique de
résoudre les poursuites pénales éventuelles. Les facteurs à prendre en considération
comprennent le disclosure - volontaire et dans les délais impartis - par l‟entreprise de son
comportement corrompu et sa volonté de coopérer avec les enquêtes de ses agents. Ces
principes disposent clairement que la coopération est un « potential mitigating factor » par
lequel l‟entreprise peut favoriser sa situation qui est autrement destinée aux poursuites
devant les tribunaux. Dans ce contexte, les entreprises soupçonnées de violations du FCPA
sont très souvent d‟accord pour résoudre ces affaires de cette manière. De plus, puisque le
disclosure volontaire est récompensé par le DOJ, de nombreuses entreprises sont souvent
prêtes à accepter l‟accord proposé par le DOJ –nonobstant le fait que le comportement
n‟est pas forcément une violation du FCPA 1421.

Il est question ici de ce qui est désigné aux Etats-Unis par plea agreements (PA),
Deferred Prosecution Agreements (DPA) ou encore Non-Prosecution Agreements (NPA).
On peut ajouter à cette liste l‟utilisation des corporate monitors puisque cela est une
conséquence directe de ces accords. Il s‟agit d‟une mise en œuvre rigoureuse, des sanctions
importantes alliées à l‟engagement croissant du secteur privé à encourager l‟établissement
d‟un programme et des mesures de « compliance » rigoureux, surtout au sein des grosses
entreprises. Il est de l‟avis du Groupe de travail de l‟OCDE que ces pratiques pourraient
être considérées par d‟autres Etats parties à la convention dans la mesure du possible, selon
leurs propres cadres politicos-juridiques 1422.

Aux Etats-Unis, le DOJ résout la plupart des affaires en matière du FCPA par le
biais des plea agreements (PA), les deferred prosecution agreements (DPA) et des non-
prosecution agreements (NPA). Ces accords fournissent à la fois des sanctions appropriées
mais aussi assez de souplesse pour pouvoir récompenser la coopération ou encore des
voluntary disclosures. Cette pratique a très bien fonctionné dans le système juridique

1420 DOJ, U.S. Attorney's Manual §9-28.000 (2008) disponible au site:


http://www.justice.gov/opa/documents/corp-charging-guidelines.pdf.
1421 Pour une analyse de cette question, voir M. KOEHLER, op.cit., pp. 924 – 932.
1422 OCDE, United States: Phase 3, op.cit., p. 9.
375
étatsunien et a eu pour résultat une forte mise en œuvre du FCPA et des efforts de
conformité remarqué du secteur privé 1423.

1 - Plea agreements

Les Plea agreements sont des accords écrits et négociés entre les parties dont
l‟objet est de préciser les obligations des deux parties lorsque le défendeur plaide coupable.
Les « Principles of Prosecution » précise que les personnes physiques ou morales peuvent
être parties d‟un tel accord. Il s‟agit le plus souvent d‟un accord négocié entre l‟entreprise
et le DOJ. Nonobstant les interrogations sur le bien fondé juridique de tels accords, les
entreprises à qui le DOJ propose un tel accord sont souvent tentées de les accepter 1424.

Lorsque le défendeur plaide coupable, le Plea agreement est divulgué au tribunal.


Ensuite, le tribunal accepte, modifie ou rejette le Plea agreement1425.

2 - Deferred prosecution agreements et des Non-prosecution agreements

Les Deferred prosecution agreements (DPA) et les Non-prosecution agreements


(NPA) n‟ont pas pour finalité la conviction du défendeur et en ce sens ils se différencient
des plea agreements. Les « Principles of Prosecution » dispose que « in certain instances,
it may be appropriate... to resolve a corporate criminal case by means other than
indictment ». Il s‟agit pour le DOJ d‟une troisième voie autre que la décision de poursuivre
pénalement l‟auteur présumé de la corruption ou de ne pas le poursuivre 1426.

Lors d‟un DPA, les poursuites sont reportées pour la durée de l‟accord et le
défendant doit satisfaire certains critères pour la durée de l‟accord, auquel cas la
prosecution retire les poursuites. Un DPA est déposé au tribunal. Il est question d‟un
accord privé négocié entre l‟entreprise et le DOJ.

Quant au NPA, ce dernier ne concerne pas les tribunaux. En effet, le NPA n‟est pas
déposé au tribunal mais constitue un accord privé négocié entre l‟entreprise et le DOJ. Il

1423 Ibid., p. 31.


1424 M. KOEHLER, op.cit., p. 939.
1425 Federal Rules of Criminal Procedure, Rule 11 ; voir également USAM 9-27.400.
1426 M. KOEHLER, op.cit., p. 933.
376
comprend souvent un document écrit au sein duquel on trouve l‟aveu de l‟entreprise des
faits reprochés et également des engagements au niveau de « compliance » que l‟entreprise
décide de respecter.

Outre le fait de déposer ou non l‟accord au tribunal, il y a peu de différence entre le


NPA et le DPA.

Depuis 2004, ces accords ont été souvent utilisés lors des poursuites pénales à
l‟égard des entreprises. Le rapport de l‟OCDE sur la revue de la Phase 3 du monitoring
fournit des explications qui justifient cette approche de la part des autorités de poursuite
étatsuniennes. L‟importance de cette approche a largement accru peu de temps après les
poursuites et l‟effondrement du cabinet comptable Arthur Andersen. Cet évènement a
causé la perte de milliers d‟emplois. Eviter des « conséquences collatérales » des
poursuites est généralement la motivation derrière l‟utilisation des DPA et des NPA. Dans
des affaires de FCPA, les facteurs tels que la protection des employés et des actionnaires
sont des considérations importantes pour les autorités américaines. Selon ces mêmes
autorités, les entreprises préfèrent le cadre des DPA et les NPA à la tenue d‟un procès qui
est potentiellement longue et peut nuire à la réputation de l‟entreprise. De tels accords
peuvent motiver les entreprises à procéder à une « disclosure» volontaire et à la
coopération ; d‟ailleurs c‟est souvent la coopération du défendant qui provoque l‟accord.
L‟autre avantage de ces accords réside dans la vitesse d‟exécution qui leur est propre. En
dernier lieu, les affaires du FCPA concernent souvent un besoin d‟obtenir des preuves des
pays étrangers, qui peut prendre du temps et n‟aboutit pas toujours à des résultats positifs.
Les DPA et les NPA peuvent être utilisés afin de provoquer la coopération de l‟entreprise
et afin d‟obtenir des preuves qui auraient nécessité autrement un processus lourd ou même
voué à l‟échec.

Les autorités américaines cherchent également à accroître la transparence en


sensibilisant le public à ces accords. Le DOJ publie par exemple sur son site internet les
PA, les NPA et les DPA. Les publications relatives au PA sont particulièrement
informatives1427. On note qu‟en janvier 2010, la SEC a annoncé qu‟elle commencera à

1427 OCDE, United States: Phase 3, op.cit., p. 33.


377
utiliser les « co-operation agreements », les DPA et les NPA dans les affaires du FCPA.
Un « co-operation agreements » est similaire à un « plea agreement » lors de la procédure
pénale mais est utilisé par la SEC en matière civile.

B – Comparaison des droits nationaux en matière de justice


transactionnelle

Comme nous le montre le système américain, la justice transactionnelle peut


prendre plusieurs formes. Cela peut comprendre le fait de plaider coupable en échange
d‟une peine réduite pour l‟infraction concernée ou encore de remplacer des chefs
d‟accusation avec d‟autres moins sévères. La justice transactionnelle, sous ses formes
variées, fait partie des systèmes justiciers de nombreux pays du Common law, mais n‟en
est pas le domaine exclusif de ces derniers puisque les pays de droit romano-germaniques
sont sous pression d‟introduire un tel système pour des raisons administratives 1428.

Le système américain montre-t-il la voie à suivre ? A premier vu, la réussite des


Etats-Unis en la matière – les condamnations et les accords - semblent soutenir une telle
conclusion. Pour G. Dell à TI Berlin, la justice transactionnelle peut représenter une
solution en matière de lutte contre la corruption mais doit être utilisée avec précaution. En
effet, il reste une grande divergence à ce niveau entre les différents systèmes juridiques et
on peut arguer que ce système est d‟une certaine manière moins dissuasif 1429. On peut
également arguer que la justice transactionnelle porte atteinte aux droits de la défense.
Cependant, la justice transactionnelle peut augmenter considérablement le nombre de
dossiers traités en encourageant la volonté des entreprises à coopérer avec la justice.

En France – pays traditionnellement hostile au plaider coupable- cette question a


été tout dernièrement analysée par la Section nationale de Transparence Internationale
France1430. TI France rappelle que le recours à la justice transactionnelle a été de plus en

1428 P. J. CULLEN, « Article 5 – Enforcement », in M. PIETH et al., The OECD convention on Bribery,
Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 308.
1429 Entretien avec l‘auteur de la présente recherche du 28 juillet 2011.
1430 Le Rapport moral de TI France 2010, pp. 13 - 14 : http://www.transparencefrance.org/
e_upload/pdf/ti_france_rapport_moral_2010.pdf.
378
plus fréquent lors des affaires de corruption dans certains grands pays industriels
signataires de la convention de l‟OCDE – tout particulièrement au Royaume-Uni et en
Allemagne. Si pour TI la procédure permet à priori une justice plus efficace eu égard aux
procédures rapides, l‟ONG apporte néanmoins certaines précisions à cette question. Ainsi,
si TI prend acte des avantages de la justice transactionnelle, il recommande néanmoins de
la soumettre à plusieurs conditions et ceci dans l‟optique de préserver les droits de toutes
les victimes des malversations. Les conditions de TI sont les suivantes : les accords
conclus par les procureurs doivent être validés par d‟autres magistrats et les résultats de ces
validations rendus publics ; les points de vue de toutes les personnes et organisations
affectées par l‟accord doivent être considérés ; les amendes prévues pour mettre fin aux
poursuites doivent être suffisamment dissuasives (elles doivent clairement excéder les
profits retirés du recours à la corruption) ; les pays victimes doivent pouvoir récupérer au
moins une partie des amendes prévues par les accords ; les accords conclus par les
entreprises pour mettre fin aux poursuites qui les visent ne doivent pas avoir pour effet
d‟empêcher de rechercher les responsabilités individuelles ; afin notamment que toutes les
victimes puissent faire valoir leurs droits, les juridictions recourant à la justice
transactionnelle doivent pleinement coopérer avec les juridictions des autres pays saisies
des mêmes affaires (transfert d‟information) ; les entreprises concluant ce type d‟accord
doivent s‟engager à mettre en œuvre des programmes anti-corruption supervisés par des
contrôleurs indépendants1431.

Cette question connaît également une actualité juridique au Royaume-Uni. En effet,


la personne morale, Macmillan Publishers Limited – qui a avoué les tentatives de
corrompre des employées de la Banque mondiale afin d‟obtenir des contrats en Afrique –
doit payer £ 11 million dans un accord civil annoncé par le Serious Fraud Office (SFO) le
22 juillet 20111432. Macmillan a été debarred (exclu) par la Banque mondiale pour une
durée trois ans, et l‟entreprise s‟est retirée volontairement de toutes les offres publiques
d‟achat dans le secteur pertinent en Afrique de l‟Ouest et de l‟Est. On souligne que les
poursuites civiles dans l‟affaire Macmillan ont été fondées sur la loi britannique de 2002 –

1431 Le Rapport moral de TI France 2010, p 14 : http://www.transparencefrance.org/


e_upload/pdf/ti_france_rapport_moral_2010.pdf.
1432 http://www.fcpablog.com/blog/2011/7/22/macmillan-in-11-million-uk-civil-settlement.html.
379
Proceeds of Crimes Act – et non la nouvelle loi britannique contre la corruption – la UK
Bribery Act qui est une loi pénale entrée en vigueur le 1 juillet 2011. L‟approche du SFO a
été critiquée par des juges britanniques par le passé pour ce qui était vu comme leur
tentative de régler les poursuites pénales de la corruption internationale par le biais de la
justice transactionnelle à l‟américaine. Le directeur du SFO –R. Alderman - a néanmoins
justifié une approche qui favorise la justice transactionnelle. Selon ce dernier, ce genre de
recouvrement civil est un moyen de traiter efficacement de certains cas de comportements
fautifs par les entreprises. Cela réduit les dépenses publiques puisqu‟il n‟est pas question
de poursuites potentiellement longues et coûteuses et d‟ailleurs les avoirs produits du
comportement illicite peuvent être récupérés. En dernier lieu, un tel processus oblige
l‟entreprise de reformer ses pratiques à l‟avenir 1433.

C - L’utilisation des Corporate monitor

Dans le cadre du FCPA, une des conséquences de la justice transactionnelle est


souvent l‟exigence que l‟entreprise qui a violé le FCPA doit travailler avec ce qui est
désigné comme un corporate monitor. L‟objectif du corporate monitor est d‟évaluer et
surveiller le respect par l‟entreprise des termes de l‟accord 1434. Cette pratique peut réduire
la possibilité d‟une violation prolongée du FCPA, s‟assurer de la mise en œuvre d‟un
programme de conformité ou encore fournir un mécanisme pour évaluer les conditions des
accords sans l‟investissement nécessaire des ressources additionnelles occasionnées lors
des poursuites judiciaires. Une entreprise qui entre dans un PA, DPA ou NPA doit assumer
le coût d‟un corporate monitor1435. On note également que la SEC a aussi utilisé les
corporate monitors de façon extensive dans les affaires relatives au FCPA et d‟autres lois.

L‟approche étatsunienne est de considérer que l‟usage des corporate monitors et


des mécanismes « self-reporting » sont des moyens d‟assurer que les entreprises ont
conscience de la nature sérieuse des violations du FCPA. Une violation du FCPA par une
entreprise doit lui servir de leçon et cette dernière doit alors analyser les infractions

1433 http://fcpablog.squarespace.com/
1434 OCDE, United States: Phase 3, op.cit., p. 35.
1435 Ibid., p. 35.
380
commises et mettre en œuvre des contrôles afin d‟éviter des infractions futures 1436. Le fait
de sensibiliser le public aux accords réalisés dans le cadre du FCPA crée également de la
transparence selon l‟avis étatsunien.

En vue de l‟efficacité de sa mise en œuvre, le modèle américain des sanctions fait


office d‟exemple. L‟innovation démontrée par les PA, DPA et NPA et l‟utilisation des
« corporate monitors » sont devenues un élément important du paysage juridique pénal
étatsunien et ont largement favorisé la forte mise en œuvre du FCPA.

D - Confiscation des produits de la corruption

La revue de la phase 2 aux Etats Unis avait déjà souligné deux autres solutions
utilisées en matière de produits de la corruption : disgorgement et forfeiture.

La SEC utilise le procédé du « disgorgement » des biens mal acquis lors des
poursuites civiles en matière du FCPA à l‟encontre d‟un « émetteur de valeurs » ou les
personnes agissant pour le compte desdits « émetteur de valeurs ». Le disgorgement est
prévu par la Securities Exchange Act du 6 juin 1932. Il est ici question de s‟assurer que les
auteurs des infractions ne profitent pas de leurs activités illicites. De plus, on peut
dédommager des investisseurs qui ont été lésés par de telles violations même si
techniquement cela n‟a pas été prévu explicitement par la loi. On précise néanmoins que le
but principal du disgorgement est de récupérer des biens mal acquis et ainsi d‟éviter
l‟enrichissement illicite : « [I]t is simple equity that a wrongdoer should disgorge his
fraudulent enrichment »1437. Cette technique n‟entend pas récupérer une somme plus
importante que le profit mal acquis par l‟entité concernée.

Le « disgorgement » est devenu un remède très utilisé dans la mise en œuvre du


FCPA à l‟égard des entreprises. La SEC a utilisé le remède du « disgorgement » des profits
depuis l‟entrée en vigueur du FCPA et elle a récupéré par ce moyen des bonus et d‟autres
bénéfices produits du comportement corrompu des responsables et employés qui ont violé
le FCPA. La SEC a également récupéré des commissions faites à des tiers qui ont facilité

1436 Ibid., p. 37.


1437 Janigan v. Taylor, 344 F.2d 781, 786 (1st Cir. 1965).
381
la corruption pour le compte de « l‟émetteur de valeurs ». En matière de poursuites civiles
des violations du FCPA, depuis 2004, le « disgorgement » est devenu un outil juridique
utilisé régulièrement dans le domaine du FCPA et dans ce cadre, les tribunaux américains
ont demandé plus de un milliard de dollars. Le paiement de disgorgement en moyenne est
de vingt cinq millions de dollars.

On remarque que la SEC avait largement évité le recours au disgorgement entre


1977 date de l‟entrée en vigueur du FCPA et 2004. Depuis 2004, ce procédé est devenu un
recours privilégié du SEC. Cette dynamique a été largement accélérée par le paiement de
huit cent millions de dollars par Siemens AG en sanctions américaines aux fins de mettre
terme à une enquête en matière du FCPA. Moment critique de l‟histoire du FCPA, l‟affaire
Siemens a changé la façon dont les grandes multinationales appréhendent cette loi fédérale
américaine1438.

Une violation du FCPA peut aussi provoquer la forfeiture (procédure civile ou


pénale) des avoirs retenus par le corrupteur, qui représentent les produits de la corruption.
Cela est cependant rare au niveau pénal puisqu‟il constitue la même chose que le
disgorgement des profits par la SEC 1439. La forfeiture des produits de la corruption retenus
par l‟agent public étranger est logiquement rare puisque le pot-de-vin est localisé dans un
pays étranger et les Etats-Unis auraient rarement compétence juridictionnelle sur l‟agent
corrompu.

Le Groupe de travail de l‟OCDE a répété que la confiscation des produits de la


corruption est un élément important des sanctions efficaces de la corruption étrangère et on
constate que la SEC a souvent obtenu la confiscation des produits (FCPA) à travers le
disgorgement à l‟encontre des émetteurs de valeurs ou ceux qui ont agit pour leur compte.
La forfeiture (par exemple par le DOJ en matière pénale) pourra jouer un rôle important
puisque le disgorgement peut servir seulement à l‟encontre des « émetteurs de valeurs » et
ceux qui agissent pour leur compte.

1438 Entretien avec l‘avocat spécialiste du FCP, M. Cohen.


1439 OCDE, United States: Phase 3, op.cit., p. 42.
382
Au moins un commentateur juridique 1440 remet partiellement en cause le bien fondé
juridique de l‟utilisation du disgorgement par la SEC en matière du FCPA et demande si
cela a été l‟intention du Congress américain de permettre une augmentation aussi
importante de l‟utilisation de cette méthode. On peut néanmoins difficilement remettre en
question l‟effet dissuasif des procédures de disgorgement lorsque ce dernier est
proportionné à l‟importance des comportements illicites. L‟exemple étatsunien en matière
de disgorgement semble une piste propice à répliquer ou au moins d‟en tirer inspiration. La
technique de disgorgement utilisée par la SEC en matière FCPA aurait dans les années à
venir besoin néanmoins de clarification juridique. En confisquant les profits mal acquis en
matière de corruption, le disgorgement est un outil extrêmement dissuasif. Reste
néanmoins la question de proportionnalité qui doit être régler puisque la plupart de
conventions internationales insistent sur les sanctions « efficaces, proportionnées et
dissuasives ». On peut également s‟interroger sur l‟exactitude de l‟estimation des profits
assujettis au disgorgement.

SECTION 2

L’ETUDE DES HYPOTHESES DE CHANGEMENT DE PARADIGME EN MATIERE DE


LUTTE CONTRE LA CORRUPTION EN VUE D’UNE EFFICACITE ACCRUE

Pour lutter de manière efficace contre la corruption, il est obligatoirement question


d‟une volonté politique internationale importante. Cela pourrait se traduire par la
reconnaissance de la compétence de la Cour pénale internationale pour incriminer les
crimes de corruption (§1). Une deuxième voie - plus novatrice – concerne l‟évolution du
corpus de soft law grandissant qui a trait à la protection des droits de l‟homme dans le
commerce international (§2).

1440 D. C. WEISS, op.cit., p. 499.


383
§ 1 - Le rôle potentiel de la répression internationale dans la lutte
contre la corruption

Plusieurs commentateurs juridiques estiment que la Cour pénale internationale doit


devenir compétente pour connaitre des crimes de corruption. Afin d‟exposer ce postulat, on
rappellera préalablement la place de la corruption dans le contexte de la répression
internationale (A). La mutation préconisée pourrait se cristalliser soit à travers la
modification du Statut de Rome pour viser la corruption en tant qu‟agression économique
(B), soit par la reconnaissance de la corruption en tant que crime contre l‟humanité (C).

A – La corruption dans le contexte de la répression internationale

1 – L’évolution de la répression internationale : approche synthétique

Dans un intérêt de clarté, on rappelera certains éléments clés de l‟évolution de la


répression internationale afin d‟octroyer un contexte cohérent à notre analyse 1441.

A la suite de la Première Guerre mondiale, le Traité de Versailles a été signé le


28 juin 1919. Selon l‟article 227 du texte « les puissances alliées et associées mettent en
accusation publique Guillaume II de Hohenzollern, ex-empereur d'Allemagne, pour
offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée des traités. Un
tribunal spécial sera constitué pour juger l'accusé en lui assurant les garanties essentielles
du droit de défense ». S‟il s‟agissait bien de la première commission d‟enquête
internationale, mais l‟exil – et non extradition - de Guillaume II aux Pays-Bas et les procès
peu convaincants de la Cour allemande de Leipzig ont pourtant été décrits par le Professeur
Bassiouni comme « a complete farce »1442.

Les Alliés ont réagi d‟une manière juridique plus efficace face aux atrocités de la

1441 Voir à ce titre P. DAILLIER et al., op.cit., pp 797 – 799 ; M. C. BASSIOUNI, « L‘expérience des
premières juridictions pénales internationales », in H. ASCENSIO et al., Droit international pénal,
Paris, Pedone, 2000, pp. 635 – 659 ; M. C. BASSIOUNI, « The International Criminal Court In
Historical Context », op.cit., pp. 55 – 67.
1442 M. C. BASSIOUNI, « The International Criminal Court In Historical Context », op.cit., p. 59.
384
Seconde Guerre mondiale qu‟en 1918-19191443. A la suite de la Seconde Guerre mondiale,
les alliés ont ainsi créé les Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg 1444 et de
Tokyo1445dans l‟optique de châtier les criminels de guerre.

Entre 1951 et 1992, malgré les efforts des Nations Unies - surtout dans leur volonté
de créer une cour pénale internationale - on constate une absence de poursuites
internationales. On peut souligner à ce sujet une « double hostilité de l‟URSS à la
reconnaissance d‟une personnalité juridique internationale aux individus et au principe
même de toute juridiction internationale »1446. En 1992, à la suite des violences armées et
de graves conflits ethniques dans l‟ancienne Yougoslavie, surtout en Bosnie-Herzégovnie,
1447
le Conseil de Sécurité des Nations Unies s‟est inspiré du précédent du Tribunal
International de Nuremberg de 1945 et a alors institué un tribunal spécial pour juger les
auteurs présumés de violations graves du droit humanitaire dans l‟ex-Yougoslavie.1448
Suite aux massacres au Rwanda en 1994 un tribunal ad hoc similaire.a également été
créé1449. On note également l‟existence d‟un nouveau type de juridiction dit hybride chargé
de réprimer les violations graves du droit humanitaire international 1450.

Le Statut de la Cour pénale internationale (CPI) a été adopté par la Conférence de


Rome le 17 juillet 1998. Il s‟agit de « l‟évènement juridique le plus marquant et le plus
significatif de l‟après-guerre froide. […] la conception qui a prévalu dans l‟élaboration de
ce statut est très significative du recul de l‟Etat et, plus précisément, du concept classique

1443 Voir la Déclaration de Moscou du 1 novembre 1943 ; M. C. BASSIOUNI, « The International


Criminal Court In Historical Context », op.cit., p. 60.
1444 Accord de Londres du 8 août 1945.
1445 Décision du Commandement en chef des troupes d‘occupation au Japon du 19 japon 1946.
1446 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 800.
1447 M. GOUNELLE, op.cit., p. 59.
1448 Tribunal pénal international pour l‘ex-Yougoslavie (TPIY).
1449 Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
1450 Ce type de juridiction a commencé à voir le jour notamment au Cambodge et en Sierra Leone.
L‘objectif de ces tribunaux n‘est pas de suivre le même modèle du TPIY ou le TPIR mais des
instances nationales soumises à un contrôle international des Nations Unies c‘est-à-dire les
juridictions mixtes qui devraient appliquer partiellement le droit international et le droit national
des pays concernés.
385
de la souveraineté en tant que fondement du droit international »1451. Le Statut de la Cour
pénale internationale prévoit la compétence de la Cour pour juger les individus présumés
coupables de crime de génocide, de crime contre l‟humanité, de crime d‟agression et de
crime de guerre. On note néanmoins le refus de certains Etats puissants de ratifier la
convention de Rome – notamment les Etats-Unis, la Russie et la Chine – qui nuit
largement à l‟effectivité de cette juridiction 1452.

La CPI est un organe complémentaire des tribunaux nationaux. Il est question d‟une
compétence partagée entre les juridictions nationales et cette dernière. En ce sens, selon le
statut de Rome, la CPI n‟agit qu‟en complémentarité des juridictions nationales - les Etats
sont tenus de coopérer pleinement avec la CPI lors des enquêtes et poursuites pour les
crimes relevant de sa compétence. La coopération prévue par le Statut de Rome se
différencie de la coopération prévue par les textes internationaux de lutte contre la
corruption notamment parce qu‟elle est « emprunte du sceau de la verticalité et de
l‟obligatoriété »1453.

Le Statut de Rome prévoit un pouvoir de contrôle sur l‟action des tribunaux


nationaux dont l‟objectif est d‟éviter que les Etats parties laissent sans punir les
responsables des crimes internationaux. L. Louvet souligne en ce sens que le principe
« non bis in idem » subit une exception importante lorsque la CPI constate, d‟une part, que
le procès entamé par un tribunal national avait pour optique de soustraire l‟accusé de
crimes de droit international à toute responsabilité pénale, plus précisément lorsqu‟un
tribunal national cherche à constituer une impunité judiciaire et, d‟autre part, lorsque le

1451 M. BENNOUNA, « La Cour pénale internationale », in H. ASCENSIO et al., Droit international


pénal, Paris, Pedone, 2000, p. 735 ; voir ibid. : « Dès lors, la souveraineté ne peut plus constituer cette
enveloppe opaque, protégée par le principe de non-ingérence, derrière laquelle les dictateurs et les grands criminels
peuvent s‟abriter, en toute impunité, sous prétexte qu‟ils défendent l‟intérêt général de leur Etat ».
1452 M. GOUNELLE, op.cit., p. 59 ; voir également les commentaire de L. LOUVET, op.cit., pp. 406 –
416, « sous couvert de lutte contre le terrorisme, le gouvernement américain a affirmé craindre des plaintes sans
fondement et teintées d‟arrière-pensées politiques dirigées contre ses nationaux […] un arsenal juridique complexe
visant l‟impunité des nationaux américains a été depuis lors mis en place. Pourtant la Cour sera gouvernée par le
principe de complémentarité qui confère aux juridictions nationales la primauté de poursuite et de jugements des
crimes ».
1453 Y. RADI, op.cit., p. 210 « tout d‟abord cette coopération vise de très nombreux domaines. Posés à l‟article 86 du
Statut, l‟obligation est ensuite détaillée, article par article, pour toute les phases de l‟enquête, jusqu‟aux suites du
procès. » ; voir en ce sens, articles 86 – 88 du Statut de Rome.
386
procès n‟avait pas été conduit avec impartialité 1454.

Le règlement de la Cour a été adopté par les juges le 26 mai 2004. La CPI a ouvert
sa première enquête - concernant la situation en République Démocratique du Congo
(RDC) - le 21 juin 2004.

2 – L’évolution de la lutte contre la corruption : vers la troisième étape du


processus d’internationalisation du droit pénal

Pour comprendre l‟évolution potentielle de la lutte contre la corruption sur le plan


de la répression internationale, on doit conceptualiser cette notion. Il existe en effet
certaines dimensions ou étapes de développement du droit international pénal1455 et il nous
importe d‟étudier le statut de la corruption à la lumière de ces critères.

La première étape de ce développement « se limite à l‟établissement conventionnel


d‟une coopération policière et judiciaire entre Etats pour une meilleure application de
leurs droits pénaux internes»1456. Un exemple classique de cela est une convention
d‟extradition.

La lutte contre la corruption actuelle connaît 1457 la deuxième étape du processus


d‟internationalisation du droit pénal, c‟est-à-dire la définition des « incriminations pénales
par des règles internationales, ou au minimum à prévoir leur incrimination, généralement
par des conventions multilatérale »1458. La deuxième étape concerne toujours
l‟internationalisation normative et non institutionnelle puisqu‟il est ici question
uniquement de répression par le biais des juridictions nationales. On vise ici l‟ubiquité de
la répression qui a pour finalité une compétence universelle qui a toujours pour cadre les
tribunaux internes.

Dans l‟optique de l‟efficacité de la lutte contre la corruption, l‟espoir serait

1454 L. LOUVET, op.cit., p. 404.


1455 Voir l‘analyse du S. SUR, Le droit international pénal entre l‟Etat et la société internationale, Actualité et
Droit international, octobre 2001, (http://www.ridi.org/adi), pp. 1 – 10.
1456 Ibid., p. 1.
1457 Voir en ce sens l‘avis de Y. RADI, op.cit., p. 176.
1458 S. SUR, op.cit., p. 2.
387
d‟amener cette lutte à un processus de transformation vers ce que peut être désigné comme
la troisième étape du processus d‟internationalisation du droit pénal. En ce sens, il s‟agit de
la constitution d‟une juridiction internationale pénale, compétente pour juger les auteurs
d‟infractions en vertu d‟incriminations résultant de normes internationales, suivant des
procédures internationales. On est ici dans le cadre d‟une internationalisation supérieure en
comparaison aux autres étapes car il s‟agit d‟une internationalisation institutionnelle qui
mène « à l‟apparition d‟un droit international pénal, au delà du droit pénal international
classique reposant sur une coordination des droits et procédures pénaux internes »1459.

L‟objectif serait ainsi de dépasser les spécificités nationales pour atteindre


« l‟internationalisation normative intégrée du crime de corruption […] »1460. C‟est en ce
sens que Y. Radi suggère que la Cour pénale internationale pourrait en devenir le
« passeur » et pourrait faciliter la « cristallisation institutionnelle » du crime de la
corruption1461.

Plusieurs commentateurs juridiques s‟accordent ainsi sur une approche qui


affectionnerait la modification du Statut de Rome afin de connaître les crimes de
corruption notamment sous la forme d‟une agression économique 1462 alors que d‟aucuns
estiment que la corruption devrait être reconnue comme crime contre l‟humanité et être
dorénavant visée par la CPI 1463.

1459 Ibid., p. 2.
1460 Y. RADI, op.cit., p. 193.
1461 Y. RADI, op.cit., p. 193.

1462 Voir par exemple : l‘avocat spécialiste du FCPA, R. CASSIN; L. LOUVET, op.cit., pp. 403- 426 ;

Y. RADI, op.cit., pp. 169 – 213.


1463 I. BANTEKAS, « Corruption as an International Crime and Crime Against Humanity – An

Outline of Supplementary Criminal Justice Policies », Journal of International Criminal Justice, 2006, n°
4, pp. 466 – 484 ; S. STARR, « Extraordinary Crimes At Ordinary Times: International Justice
Beyond Crisis Situations », 101 Nw.U.L.Rev, pp. 1257 – 1314.
388
B – La modification du Statut de Rome : la corruption comme crime
d’agression économique

1 – L’identification de la corruption en tant que crime international

Il nous importe d‟identifier le statut de la corruption en droit international pénal


dans l‟optique de savoir si ce crime est réprouvé de manière universelle. Cela est
primordial dans notre analyse car la Cour pénale internationale est « dotée d‟une
compétence générale […] a vocation à connaître à terme des crimes universellement
réprouvés »1464.

Depuis fort longtemps et tout particulièrement à partir de la fin de la Seconde


Guerre mondiale « les Etats ont jugé tellement graves certains agissements des individus
qu‟ils les ont érigé en infractions internationales »1465. On note que cette dynamique ne
répond pas « à un plan d‟ensemble et l‟on peut guère qu‟énumérer les diverses infractions
internationales en suivant l‟ordre chronologique de leur apparition »1466. La liste – non
exhaustive - des infractions internationales est la suivante : la piraterie en haute mer
(d‟origine coutumière), la traite des esclaves, le trafic de stupéfiants, trois infractions
distinctes en matière d‟interférence illicite dans l‟aviation civile internationale, le
terrorisme, la circulation et le trafic des publications obscènes, la protection de biens
culturels en cas de conflit armé, la protection physique des matières nucléaires et la
corruption.

Au moins deux commentateurs juridiques démontrent que c‟est la formalisation de


la réprobation universelle de la corruption active par les conventions internationales qui
l‟institue implicitement en crime international conventionnel1467. L‟avis de ces auteurs
s‟accorde en faisant explicitement référence aux écrits de M. le Professeur Bassiouni.
Selon ce dernier, certains critères permettent de conclure à l‟institution conventionnelle

1464 Y. RADI, op.cit., p. 207.


1465 P. DAILLIER et al., op.cit., p. 780.
1466 Ibid., p. 780.
1467 N. KOFELE-KALE, « The Right To A Corruption-Free Society As An Individual And Collective
Human Right: Elevating Official Corruption To A Crime Under International Law », op.cit., p. 172 ;
Y. RADI, op.cit., p. 178.
389
d‟un crime international par l‟accumulation de plusieurs caractères pénaux par les
conventions internationales1468. On précise en ce sens que M. le Professeur Bassiouni a
dénombré – à travers ces critères - vingt-huit crimes internationaux, dont le vingt-huitième
est le « bribery of foreign public officials»1469.

On voit par exemple que les conditions du premier critère de


1470
M. le Professeur Bassiouni apparaissent amplement remplies. D‟une part, la corruption
a été depuis longtemps incriminée dans les lois et les constitutions de la plupart des Etats et
ces développements sont la preuve des « expressions of de lege feranda for treating
corruption as a crime punishable under international law »1471. D‟autre part, on souligne
qu‟il existe ; depuis plusieurs années une réprobation universelle de la corruption et cela
paraît très clair à la lecture des préambules des textes internationaux étudiés par la présente
recherche.

Le statut pénal international de la corruption est renforcé davantage par ce que


Y. Radi désigne comme le parachèvement du processus de « coutumiérisation » de
l‟incrimination internationale de la corruption. En effet les traités de lutte contre la
corruption conclus à compter de 1996 « apparaissent avoir cristallisé la norme coutumière

1468 M. C. BASSIOUNI, Introduction to International Criminal Law, Transnational Publishers Inc., Ardsely,
New York, 2003, pp. 114-115 ; (1) explicit recognition of proscribed conduct as constituting an
international crime, a crime under international law, or a crime; (2) implicit recognition of the penal
nature of the act by establishing a duty to prohibit, prevent, prosecute and punish; (3)
criminalization of the proscribed conduct; (4) duty or right to prosecute; (5) duty or right to punish
the proscribed conduct; (6) duty or right to extradite; (7) duty or right to cooperate in prosecution,
punishment (including judicial assistance in penal proceedings); (8) establishment of a criminal
jurisdictional basis (or theory of criminal jurisdiction or priority in criminal jurisdiction); (9)
reference to the establishment of an international criminal court or international tribunal with
penal characteristics (or prerogatives); and (10) elimination of the defense of superior orders ; voir
également M. C. BASSIOUNI, « The Penal Characteristics of conventional International Criminal
Law », 15 CASE W. RES. J. INT'L L., 1983, pp. 27 – 37.
1469 N. KOFELE-KALE, « The Right To A Corruption-Free Society As An Individual And Collective
Human Right: Elevating Official Corruption To A Crime Under International Law », op.cit., p. 170 ;
Y. RADI, op.cit., p. 179 ; M. C. BASSIOUNI, Introduction to International Criminal Law, op.cit., p. 117.
1470 « Explicit ou implicit recognition of proscribed conduct as constituting an international crime, or a crime under
international law, or a crime. » : M. C. BASSIOUNI, Introduction to International Criminal Law, op.cit.,
p. 114.
1471 N. KOFELE-KALE, « The Right To A Corruption-Free Society As An Individual And Collective
Human Right: Elevating Official Corruption To A Crime Under International Law », op.cit., p. 170.
390
de prohibition de la corruption alors en formation »1472.

2 – L’idéal de la modification du Statut de Rome

On est ici dans le cadre d‟une proposition de modification du Statut de Rome en


soulignant que « le cadre institutionnel international qui constitue la Cour permettrait
d‟inscrire les négociations interétatiques, et son enjeu, l‟incrimination de la corruption, à
un niveau proprement supra-étatique »1473. La question serait alors de savoir si la
corruption serait inscrite dans le statut de la CPI aux côtés du crime de génocide, des
crimes contre l‟humanité, des crimes de guerre et du crime d‟agression.

Selon l‟article 121 du Statut de Rome, « à l'expiration d'une période de sept ans
commençant à la date d'entrée en vigueur du présent Statut, tout État Partie peut proposer
des amendements à celui-ci ». On rappelle le libellé de l‟article 123 du Statut de Rome qui
dispose que « sept ans après l'entrée en vigueur du présent Statut, le Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies convoquera une conférence de révision pour examiner
tout amendement au présent Statut. L'examen pourra porter notamment, mais pas
exclusivement, sur la liste des crimes figurant à l'article 5. La conférence sera ouverte aux

1472 Y. RADI, op.cit., p. 182 ; « un tel rôle « cristilisateur », des traités multilatéraux fut reconnu par la C.I.J. dans
son arrêt de 1969 rendu en l‟affaire du Plateau continental de la Mer du Nord ».C.I.J., Affaire du Plateau
Continental de la Mer du Nord (République fédérale d‘Allemagne c. Danemark ; République
fédérale d‘Allemagne c. Pays-Bas), arrêt du 20 février 1969, C.I.J., Recueil, 1969, paragraphe 62,
p. 38 ; voir également l‘analyse de N. KOFELE-KALE, « The Right To A Corruption-Free Society
As An Individual And Collective Human Right: Elevating Official Corruption To A Crime Under
International Law », op.cit., pp. 172-173 : Pour le Professeur N. Kofele-Kale, on peut conclure que
le postulat d‘une norme coutumière émergeante qui traite la corruption de crime selon le droit
international est soutenu par les points suivants : (i) la proscription et incrimination constantes et
répandues de la pratique de la corruption par les Etats ; (ii) la condamnation répandue des actes de
corruption reflétée dans les préambules des conventions de lutte contre la corruption des
organisations internationales ou encore leurs déclarations et résolutions ; (iii) les déclarations par
les Etats lors des dernières années qui démontrent la condamnation universelle des pratiques
corrompues par les agents publics (Etat de droit, droits de l‘homme, institutions démocratiques…)
(iv) un intérêt général dans la coopération afin de réprimer les actes de corruption ; (v) les écrits de
publicistes de renommé reconnaissant la corruption comme un élément des crimes économiques
internationaux.
1473 Y. RADI, op.cit., p. 194.
391
participants à l'Assemblée des États Parties, selon les mêmes conditions »1474.

La première Conférence de révision du Statut de Rome a eu lieu à Kampala


(Ouganda) du 31 mai au 11 juin 2010. Les États parties de la Cour pénale internationale,
des États observateurs, des organisations internationales, des ONG ou encore d‟autres
participants se sont réunis à Kampala pour débattre d‟amendements au Statut de Rome et
pour faire le bilan de l‟impact du Statut. Les espoirs de voir la corruption d‟agent public
comme crime à l‟égard duquel la Cour aurait compétence n‟ont pas été cristallisés. Une
preuve de la volonté de donner compétence à la CPI en matière de corruption a été donnée
par la chambre des représentants de Belgique qui avait adopté le 17 juillet 2000 une
« proposition de résolution étendant la compétence de la Cour pénale internationale à
d‟autres délits internationaux graves, en particulier les délits économiques » dans laquelle
se trouvait la corruption active et passive de fonctionnaires étrangers»1475.

La Conférence de révision du Statut de Rome a vu naître un accord sur les


modalités de la définition du crime « d‟agression » et le régime de l‟exercice de la
compétence de la Cour à l‟égard de ce crime. Néanmoins, les conditions d‟entrée en
vigueur adoptées à Kampala disposent que la Cour pénale internationale ne pourra exercer
sa compétence à l‟égard dudit crime qu‟à partir du 1er janvier 2017, date à compter de
laquelle les États parties devront prendre une décision pour activer la compétence. Lors de
l‟entretien avec l‟auteur de la présente recherche, le Docteur Ph. Webb1476 a souligné que
même si la Conférence de Révision a connu des propositions en amont relatives à certains
crimes relatifs à la drogue ou encore des armes nucléaires, la question de la corruption n‟a
pas été débattue sérieusement. Cela n‟empêcherait pas la CPI de viser néanmoins la
corruption d‟agent public dans l‟avenir. Il est évidemment tâche ardue de trouver ici un
accord et il va sans dire qu‟on est ici dans une problématique de volonté politique.
L‟exemple des crimes relatifs au terrorisme démontre que les Etats sont réticents de voir
formuler une définition qui est trop large ou trop vague. En effet une telle définition aurait
un champ d‟application étendu et il est peu probable que cela soit le désir des Etats.

1474 http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ECB09E5F-26B0-48CD-862B-
A9D6A191FC32/0/RomeStatuteFra.pdf.
1475 Y. RADI, op.cit., p. 193.
1476 Entretien à Paris le 24 juin 2011.
392
On note que la thèse de A. Genevois écarte la solution de complémentarité retenue
par la Cour pénale internationale dans « la mesure où les Etats sont largement complices
dans la plupart des cas et que l‟on ne peut envisager, dans une logique d‟équité et
d‟égalité du système de répression […] un système dans lequel la Chine […] et les USA ne
seraient pas soumis »1477. La thèse écarte l‟idée également d‟une approche semblable du
type TPI pour l‟ex-Yougoslavie qui exerce sa compétence sans le consentement des états
concernés en disposant d‟un pouvoir d‟auto saisine et de dessaisissement des autorités
judiciaires nationales.

Cette solution est certes difficilement envisageable pour l‟instant mais s‟apparente à
une des voies salvatrices qui s‟offrent à une lutte qui pourrait bien être en perte de vitesse.

C - La corruption incriminée par la Cour pénale internationale en


tant que crime contre l’humanité

Ici l‟hypothèse de mutation se nuance parce qu‟il ne s‟agit pas d‟une proposition de
modification du Statut de Rome mais une approche – selon au moins deux commentateurs
juridiques – soutenant que le crime de la corruption peut être qualifié de « crime contre
l‟humanité». Il n‟est pas forcément question ici des formes de corruption active qui sont
visées notamment par le FCPA et la convention de l‟OCDE. Ce qui nous concerne ici est
surtout la question de la corruption passive, notamment par les hauts responsables
étatiques. Il s‟agit ce que l‟on peut désigner comme « grande corruption » (grand bribery)
« c‟est-à-dire la corruption à grande échelle, à travers laquelle certains oligarques
orientent la formation des normes législatives à leur profit, influent sur toutes les décisions
politiques de l‟exécutif et imposent leurs interprétations au système judiciaire, tout en
ayant un pouvoir de pression considérable sur le quatrième pouvoir, celui de la
presse »1478.

L‟article 6 (c) de la Charte de Nuremberg a défini les crimes contre l‟humanité pour
la première fois de la manière suivante : « l'assassinat, l'extermination, la réduction en

1477 A. GENEVOIS, op.cit., p. 50.


1478 P. JANOT, op.cit., p. 429 : selon cet auteur, il s‘agit même d‘une capture d‘Etat à travers tous ses
organes de pouvoir et de contre pouvoir.
393
esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations
civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques,
raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une
violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout
crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime ».
L‟article 7 (1) du Statut de la Cour pénale internationale, lui, précise la notion de crime
contre l'humanité en fournissant une liste d‟actes pertinents lorsqu‟un tel acte est commis
dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population
civile et en connaissance de cette attaque 1479.

On note à la lecture de la Charte de Nuremberg que la plus grande différence entre


la notion de crimes contre l‟humanité et de crimes de guerre est que les premiers sont
commis par des combattants contre la population civile alors que les seconds sont commis
par un combattant contre un autre combattant 1480. D‟après la pratique des Etats et des cours
pénales internationales, aucun lien n‟est exigé entre les crimes contre l‟humanité et les
conflits armés. Pour les besoins de clarté juridique, cela entend que de tels crimes peuvent
être commis même en temps de paix.

1 – Corruption et « déportation ou transfert forcé de population »

Pour M. le Professeur Bantekas1481 un crime contre l‟humanité pourrait être commis


à l‟encontre d‟une population civile par le biais de la corruption. C‟est en ce sens que de

1479 « a) Meurtre ; b) Extermination ; c) Réduction en esclavage ; d) Déportation ou transfert forcé de population ; e)


Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du
droit international ; f) Torture ; g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou
toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité
identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du
paragraphe 3, ou en fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en
corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ; i)
Disparitions forcées de personnes ; j) Crime d'apartheid ; k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant
intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou
mentale ».
1480 M. C. BASSIOUNI, « The International Criminal Court In Historical Context », op.cit., p. 59 : Cette
différence avait pour conséquence que les crimes du régime Nazi avant 1939 n‘ont pas pu être
poursuivis puisqu‘il n‘y avait pas de nexus à la guerre. De ce fait, les Nazis ont échappé aux
poursuites pour les crimes commis avant 1939.
1481 I. BANTEKAS, op.cit., pp. 474 – 476.
394
telles pratiques augmenteraient l‟éventail des actes considérés comme des attaques pour y
inclure la déportation et le transfert forcé des populations ou encore l‟extermination.

Pour la définition de « déportation ou transfert forcé de population » on doit se


reporter à l‟article 7 (2) (d) du Statut de la CPI : « on entend le fait de déplacer de force
des personnes, en les expulsant ou par d'autres moyens coercitifs, de la région où elles se
trouvent légalement, sans motifs admis en droit international »1482. Une hypothèse de
corruption peut servir pour illustrer comment un crime de corruption peut constituer un
crime contre l‟humanité1483. L‟hypothèse ici concerne un pays en voie de développement
qui - par le biais de son gouvernement corrompu - déplace une population locale sans
prendre de mesures pour prévoir leurs moyens de vie future, afin d‟octroyer des terres et
des droits miniers à des investisseurs étrangers. Dans cette hypothèse, d‟une part le
processus coûterait la vie (meurtre par les forces de sécurité) des personnes qui ne veulent
pas se déplacer et d‟autre part, le contrat entre l‟investisseur et le gouvernement rendrait
pratiquement impossible l‟accès à la nourriture et aux médicaments à la population civile
pendant dix ans.

Apporter la preuve de l‟élément matériel de l‟infraction serait moins ardu que celle
de l‟élément moral et on rappelle en ce sens que selon l‟article 30 (1) du statut de la CPI :
« Sauf disposition contraire, nul n'est pénalement responsable et ne peut être puni à raison
d'un crime relevant de la compétence de la Cour que si l'élément matériel du crime est
commis avec intention et connaissance »1484. M. le Professeur Bantekas1485 souligne
néanmoins que l‟article 30 (2) (b) dispose qu‟il y a intention au sens de cet article lorsque
« relativement à une conséquence, une personne entend causer cette conséquence ou est
consciente que celle-ci adviendra dans le cours normal des événements »1486. Un tel
élément de dol suffit pour tenir les membres du gouvernement responsables pour les

1482 http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ECB09E5F-26B0-48CD-862B-
A9D6A191FC32/0/RomeStatuteFra.pdf.
1483 I. BANTEKAS, op.cit., pp. 474 – 476.
1484 http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ECB09E5F-26B0-48CD-862B-
A9D6A191FC32/0/RomeStatuteFra.pdf.
1485 I. BANTEKAS, op.cit., p. 474.
1486 http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ECB09E5F-26B0-48CD-862B-
A9D6A191FC32/0/RomeStatuteFra.pdf.
395
crimes contre l‟humanité commis contre sa propre population en temps de paix en les
plaçant dans des conditions de vie qui dans « le cours normal des événements » les
priveraient de l‟accès à une alimentation suffisante et à des soins médicaux.

2 – Corruption et « autres actes inhumains »

Pour Mme le Professeur Starr, il serait également question d‟utiliser le Statut de


Rome actuel et d‟incriminer la corruption en tant que crime contre humanité 1487. A
l‟encontre de M. Professeur Bantekas, selon Mme le Professeur Starr, l‟article le mieux
disposé à la réalisation de ce processus est l‟article 7 (1) (k) du Statut de Rome. Dans la
liste des crimes contre l‟humanité lorsqu‟il est commis dans le cadre d‟une attaque
généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de
cette attaque on retrouve les « autres actes inhumains de caractère analogue causant
intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l‟intégrité physique ou
à la santé physique ou mentale ». On note que les éléments de crime1488 permettent la CPI
à interpréter et appliquer les articles 6, 7 et 8 du Statut de Rome. Mme le Professeur Starr a
établi une liste de sept critères qui englobent à la fois les dispositions de l‟article 7 (1) (k)
et des éléments de crime1489 pour démontrer qu‟il n‟est pas nécessaire de définir
l‟infraction de corruption puisque dans la mesure où la nature de l‟infraction remplit les
critères du Statut, elle serait reconnue comme un crime contre l‟humanité.

Résumé des propositions d‟évolution juridique en matière de la répression


internationale de lutte contre la corruption

Malgré l‟aspect idéaliste de telles propositions, il paraît clair que la CPI est
« l‟institution la plus à même de centraliser à l‟échelon international le contentieux de la

1487 S. STARR, « Extraordinary Crimes At Ordinary Times: International Justice Beyond Crisis Situations », op.cit.,
pp. 1257 – 1314.
1488 Les éléments des crimes ci-après aident la Cour à interpréter et appliquer les articles 6, 7 et 8
conformément au Statut ; .http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/7730B6BF-308A-4D26-9C52-
3E19CD06E6AB/0/ElementsOfCrimesFra.pdf.
1489 There was an inhumane act; this act was "of a similar character" to any of the other acts listed in
Article 7(1); the act caused great suffering, or serious injury to body or to mental or physical health;
these consequences were intentional, in that the accused was aware of the factual circumstances
giving rise to them; the act was part of an attack directed against any civilian population; the attack
was widespread or systematic; and the accused knew that his act was connected to this attack.
396
corruption internationale »1490. Les avantages de la concrétisation de cette mutation sont
nombreux et combleraient les manques importants du dispositif juridique international
actuel. M. le Professeur Banketas rappelle que cela aurait pour conséquence - au vu de la
compétence de la CPI - que l‟incrimination des crimes de corruption connaitrait une
compétence universelle. Les sanctions pénales dans le cadre de la CPI seraient plus sévères
1491.
que le régime de sanctions actuelles des conventions internationales Cette approche
offre également les possibilités concrètes en matière de recouvrement des avoirs. On note
en effet que la CPI a compétence d‟ordonner la restitution des avoirs comme sanction et
peut ordonner le gel des avoirs lors de l‟enquête 1492. De plus, les sources des paiements
corrompus étrangers pourraient se tarir lorsqu‟un Chef d‟Etat se voit attribuer le statut de
criminel international, et les banques étrangères seraient moins volontaires à « cacher » les
avoirs pertinents. Les poursuites internationales contribueraient également à la
transparence, en dévoilant le rôle des entreprises étrangères avec la possibilité de les voir
poursuivies dans leurs pays d‟origine 1493.

On note en dernier lieu que la solution de la CPI serait avantageuse sur le plan
procédural et au niveau de la coopération juridique interétatique. Les potentialités de
coopération judiciaire prévue par le Statut de Rome pourraient enfin répondre enfin à
l‟Appel de Genève alors que « les modalités de saisine de la CPI paraissent bien plus à
même de permettre l‟exercice de telles poursuites »1494.

§2 - Une métamorphose souhaitable de la lutte contre la corruption : le


respect par les sociétés multinationales des droits de l’homme

La protection des droits de l‟homme dans le cadre du commerce international peut


faire l‟objet d‟un nouveau paradigme qui doit bénéficier à la lutte contre la corruption (D).
En effet l‟affirmation des droits de l‟homme peut être considérée comme un moyen de

1490 Y. RADI, op.cit., p. 207.


1491 I. BANTEKAS, op.cit., p. 475.
1492 Voir à ce sujet Statut de Rome, arts. 77, 86-87, 93, 109.
1493 S. STARR, « Extraordinary Crimes At Ordinary Times: International Justice Beyond Crisis
Situations », op.cit., pp. 1286 – 1290.
1494 Y. RADI, op.cit., p. 209.
397
lutter contre la corruption (A). Certains indicateurs soulignent l‟évolution d‟un corpus de
normes grandissant en la matière (B). Il faut à ce sujet mettre tout particulièrement en
lumière le travail des Nations Unies mené par M. le Professeur Ruggie (C).

A - Corruption et droits de l’homme

La lutte contre la corruption peut raisonnablement espérer profiter de l‟élan récent


concernant le respect par les sociétés multinationales des droits de l‟homme. On rappelle
en ce sens que la corruption peut nuire gravement aux droits de l‟homme. La corruption se
heurte à la relation d‟échange et empêche toute réciprocité qui peut léser de façon
considérable aux relations interindividuelles. Les droits de l‟homme sont incompatibles
avec la corruption qui « va de pair avec les discriminations et les inégalités, notamment
devant la justice»1495. C‟est ainsi que l‟Etat de droit même est menacé, car la corruption
« [en ébranle] les piliers que sont aujourd‟hui « la séparation des pouvoirs et
l‟institutionnalisation des droits de l‟homme »1496. La corruption s‟apparente en ce sens à «
l‟envers des droits de l‟homme »1497. Le préambule de la Déclaration des droits
de l‟homme et du citoyen de 1789 dispose que « l‟oubli ou le mépris des droits de l‟homme
sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements »1498.
On voit par cette déclaration que « l‟affirmation des droits de l‟homme se présente comme
un moyen de lutter contre la corruption »1499.

Le droit d‟une société d‟être libre de toute corruption est, selon


M. le Professeur Kofele-Kale, un droit humain fondamental puisque la vie, la dignité et
d‟autres valeurs humaines dépendent de ce droit. En d‟autres termes il s‟agit d‟un droit
sans lequel ces valeurs essentielles perdent leurs sens 1500. Une manière de justifier cette

1495 M. HUNAULT, op.cit., p. 10 ; voir également ibid., p. 10 : la corruption « porte atteinte au droit de
propriété en favorisant des appropriations abusives par des manipulations de cadastre ».
1496 P. TRUCHE, M. DELMAS-MARTY, op. cit., p. 716.
1497 Ibid., p. 716.
1498 Déclaration des droits de l‘homme et du citoyen de 1789 ;
http://www.legifrance.gouv.fr/html/constitution/const01.htm.
1499 E. ALT, I. LUC, op.cit., p. 5.
1500 N. KOFELE-KALE, « The Right to a Corruption-Free Society as an Individual and Collective
Human Right: Elevating Official Corruption to a Crime Under International Law », op.cit., p. 163.
398
approche est par le postulat que le droit à une société libre de la corruption découle du droit
d‟un peuple d‟exercer leur droit de souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs
ressources naturelles, ce qui peut être désigné comme « economic self-determination »
reconnu à l‟article 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 19661501.

La lutte contre la corruption fait alors intrinsèquement partie d‟un ensemble plus
large qui comprend la lutte pour la protection des droits de l‟homme dans le commerce
mondial ou au moins dans le cadre des sociétés multinationales, qui agissent trop souvent
dans l‟impunité. Le comportement des entreprises peut prendre plusieurs formes et peut
toucher à des aspects différents de la justice sociale, tel que les questions relatives au
travail, la santé et sécurité au travail ou encore la protection de l‟environnement 1502.

Le comportement éthique des entreprises dans le commerce mondial est un sujet


d‟actualité et c‟est par le biais de la protection des droits de l‟homme que certaines OIG –
notamment les Nations Unies – ont souhaité lutter contre ce phénomène.

1501 « 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et
culturel. 2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses
et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération
économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En
aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance. » ; L‘adoption de
plusieurs instruments par les Nations Unies - Par exemple la Résolution 1803 (XVII) de
l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1962 : «Souveraineté permanente sur les ressources
naturelles» - a élargi le sens de la notion du « patrimoine du peuple » qui ne comprend pas seulement
les richesses découlant des ressources naturelles mais toutes les « wealth-generating activities » de la
société. Le Professeur Kofele-Kale souligne alors que le droit de l‘exercice de la souveraineté à
l‘égard des richesses et ressources naturelles d‘un Etat implique deux choses. D‘une part, le droit
d‘un Etat d‘exercer la réglementation des richesses et ressources naturelles et d‘autre part le droit
de tous les peuples au sein de l‘Etat de pouvoir disposer et exploiter librement leurs richesses et
leurs ressources naturelles dans l‘intérêt suprême du développement national. Dans les deux cas,
l‘objectif final est « self-determination ». De plus le droit à une société libre de la corruption implique
également un droit collectif au développement.
1502 L. VAN DEN HERIK, J. LETNAR CERNIC, « Regulating Corporations Under International
Law From Human Rights To International Criminal Law And Back Again », 8 J. Int'l Crim. Just,
2010, p. 729.
399
B – Les indicateurs du développement croissant de la protection des
droits de l’homme dans le commerce international

Il existe certains indicateurs du développement majeur de l‟approche alliant les


droits de l‟homme et le commerce international. On analysera notamment deux d‟entre
eux : le Pacte mondial (1) et puis les nouveaux développements au sein de l‟OCDE (2).
Ces instruments constituent des outils de sécurisation des investissements étrangers ; ils
représentent le vecteur du développement des bonne relations entre les Etats et également
entre investisseurs et tous ceux qui sont directement ou indirectement intéressés par leurs
activités tels celles et ceux qui travaillent pour le projet (employés, sous-traitants, etc.), les
communautés locales et les populations 1503.

1 – Le Pacte mondial des Nations Unies

Le premier exemple de cette tendance est l‟adoption par les Nations Unies du Pacte
mondial1504. Il est question ici d‟un pacte par lequel des entreprises s‟engagent à aligner
leurs opérations et leurs stratégies sur dix principes universellement acceptés, touchant les
droits de l‟homme, les normes de travail, l‟environnement et la lutte contre la corruption.
Le premier objectif affiché de ce Pacte est de promouvoir la légitimité sociale des
entreprises et des marchés. Pour les Nations Unies, les pratiques commerciales
responsables sont celles qui favorisent un climat de confiance et la mise en valeur du
« capital social » et qui contribuent ainsi, à la viabilité des marchés et au
développement 1505. La phase opérationnelle du Pacte mondial a été lancée le
26 juillet 2000.

Le Pacte mondial vise très clairement la protection des droits de l‟homme au sein

1503 S. BRABANT, Les entreprises ne peuvent plus ignorer les droits de l'homme, op.cit.
1504 Selon le site internet des Nations Unies le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a évoqué
l'idée du Pacte Mondial dans un discours prononcé au Forum économique mondial de Davos, le
31 janvier 1999. Le Secrétaire général a invité les dirigeants d'entreprise à se joindre à une initiative
internationale - le Pacte Mondial - qui rassemblerait les entreprises et les organismes des Nations
Unies, le monde du travail et la société civile autour de neuf principes universels relatifs aux droits
de l'homme, aux normes du travail et à l'environnement. Depuis le 24 juin 2004, le Pacte Mondial
compte un dixième principe relatif à la lutte contre la corruption.
1505 http://www.unglobalcompact.org/Languages/french/index.html.
400
des deux premiers principes : 1) Les entreprises sont invitées à promouvoir et à respecter la
protection du droit international relatif aux droits de l‟homme ; 2) les entreprises sont
invitées à veiller à ne pas se rendre complices de violations des droits de l‟homme. Pour les
Nations Unies la progression constante de cet impératif moral est liée au fait de reconnaître
qu‟un bon bilan sur le plan du respect des droits de l‟homme favorise en principe
l‟amélioration des performances commerciales1506. La lutte contre la corruption est très
clairement liée à cette démarche puisque le principe dix dispose que « les entreprises sont
invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l‟extorsion de fonds
et les pots-de-vin »1507.

Les entreprises ayant adhéré au Pacte mondial s‟engagent à appliquer les dix
Principes du Pacte et à les intégrer à leurs stratégies et activités. En termes simples et
concrets, l‟application des principes du Pacte mondial consiste tout d‟abord en un
engagement, puis en l‟élaboration de politiques et de stratégies, dans l‟action à proprement
parler, et, enfin, dans la communication sur les progrès accomplis. L‟important n‟est pas
tant la performance de l‟entreprise au moment de l‟adhésion au Pacte, mais plutôt
l‟engagement de l‟entité en question de se transformer et de s‟améliorer en permanence 1508.

Si le Pacte mondial connaît de nombreuses lacunes on doit souligner néanmoins


son potentiel important et ceci à travers trois points 1509. Premièrement, le Pacte global
constitue une reconnaissance subtile d‟autres efforts en la matière tels que le travail de
l‟OCDE. Deuxièmement, le Pacte global encourage la participation de la société civile
dans ce processus et cela renforce leur légitimité à l‟égard des sociétés multinationales. Les
ONG ont à ce niveau un potentiel d‟influence très important. En dernier lieu, on remarque
que le Pacte mondial ressemble à un partenariat entre les Nations Unies et les entreprises.
Cela est particulièrement important puisque les entreprises ne sont pas traditionnellement
perçues comme des sujets de droit international. C‟est les Etats qui mettent en œuvre des
dispositions des conventions internationales à l‟égard des entreprises. L‟intérêt à long

1506 http://www.unglobalcompact.org/Languages/french/index.html.
1507 http://www.unglobalcompact.org/Languages/french/dix_principes.html.
1508 http://www.unglobalcompact.org/docs/news_events/8.1/ATS_FR.pdf.
1509 E. OSHIONEBO, « The U.N. Global Compact And Accountability Of Transnational
Corporations : Separating Myth From Realities », 19 Fla. J. Int'l L, 2007, p. 30.
401
terme est alors de viser une responsabilité des personnes morales en droit international.
Ainsi le Pacte mondial semble donner un élan à un mouvement qui va dans ce sens, c‟est-
à-dire demander des comptes aux sociétés multinationales et dépasser le protectionnisme
traditionnel des Etats dont les intérêts financiers sont en jeu.

2 – Les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises


multinationales

Les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales


sont des recommandations non contraignantes adressées aux entreprises par les
gouvernements qui y ont souscrits. Leur objectif est d'aider les entreprises multinationales
à agir en conformité avec les politiques gouvernementales et les attentes de la société 1510.
Le 25 mai 2011 les ministres de l‟OCDE et des économies en développement ont entériné
de nouveaux Principes directeurs destinés à promouvoir un comportement plus responsable
de la part des entreprises multinationales dans les transactions internationales ainsi qu‟une
seconde série de recommandations visant à limiter l‟utilisation des « minerais des
conflits ». Ces Principes directeurs intègrent de nouvelles recommandations qui concernent
la violation des droits de l‟homme et la responsabilité des entreprises tout au long de la
chaîne d‟approvisionnement, ce qui en fait le premier accord intergouvernemental dans ce
domaine.
Les principes directeurs imposent aux entreprises de respecter les droits de l‟homme dans
tous les pays avec lesquels elles travaillent 1511.

Ces nouveaux principes directeurs comprennent le chapitre sur les droits de


l‟homme en s‟appuyant notamment sur le travail de M. le Professeur Ruggie, Représentant
spécial des Nations Unies pour la question des droits de l‟homme et des sociétés
transnationales et autres entreprises. Les nouveaux principes élargissent le champ d‟action
des recommandations. En effet, au-delà des anciens principes qui concernaient
l‟environnement, les sciences et technologies ou encore la corruption, ils comprennent un
chapitre sur les droits de l‟homme qui s‟appuie directement sur le travail du

1510 http://www.oecd.org/department/0,3355,fr_2649_34889_1_1_1_1_1,00.html.
1511 http://www.oecd.org/document/62/0,3746,fr_21571361_44315115_48035326_1_1_1_1,00.html.
402
Professeur Ruggie.

Il est question pour les entreprises de « respecter les droits de l‟homme


internationalement reconnus vis-à-vis des personnes affectées par leurs activités »1512. Le
chapitre IV est consacré aux droits de l‟homme et est ouvertement inspiré « du cadre pour
les entreprises et les droits de l‟homme « Protéger, respecter et réparer » établi par les
Nations Unies et est conforme à ses lignes directrices de mise en œuvre »1513. De plus, le
texte de l‟OCDE dispose que dans tous les cas et indépendamment du pays ou du contexte
spécifique dans lequel s‟inscrivent les activités des entreprises, il faut se référer pour le
moins aux droits de l‟homme reconnus internationalement exprimés dans la Charte
internationale des droits de l'homme, qui comprend la Déclaration universelle des droits de
l‟homme et les principaux instruments d‟après lesquels elle a été codifiée : le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, ainsi qu‟aux principes concernant les droits
fondamentaux exposés dans la Déclaration de l‟Organisation internationale du travail de
1998 sur les principes et droits fondamentaux au travail 1514.

Le nouveau chapitre recommande aux entreprises « d‟exercer une diligence


raisonnable en matière de droits de l‟homme » 1515. Cela constitue un processus qui
implique l‟évaluation des incidences réelles et potentielles sur les droits de l‟homme,
l‟intégration des résultats et le fait d‟engager des actions correspondantes, de suivre les
réponses et de faire connaître les mesures prises pour parer aux incidences.

La diligence raisonnable en matière de droits de l‟homme peut être intégrée dans


les systèmes généraux de gestion des risques de l‟entreprise, à condition qu‟ils ne se
limitent pas à identifier et gérer les risques significatifs pour l‟entreprise proprement dite,

1512
Point II (A), OCDE, Les principes directeurs de l‟OCDE à l‟intention des entreprises multinationales,
Recommandations pour une conduite responsable des entreprises dans le contexte international, Réunion
ministérielle du 25 mai 2011, p. 19, http://www.oecd.org/dataoecd/43/30/48004355.pdf.
1513 OCDE, Les principes directeurs de l‟OCDE à l‟intention des entreprises multinationales, Recommandations pour
une conduite responsable des entreprises dans le contexte international, Réunion ministérielle du 25 mai 2011,
p. 19, http://www.oecd.org/dataoecd/43/30/48004355.pdf.
1514 Ibid., p. 34.
1515 Ibid. p. 36.
403
mais s‟étendent aux risques pour les détenteurs de droits.

Cette action de la part de l‟OCDE est encore une preuve de l‟influence croissante
des droits de l‟homme dans le monde des entreprises. De plus, il est clair que le travail
onusien se développe, se propage et devient une part entière du monde des entreprises.

C - Le travail du Professeur J. Ruggie : Représentant spécial des


Nations Unies pour la question des droits de l’homme et des sociétés
transnationales et autres entreprises

La lutte contre la corruption internationale est peut être à l‟aube d‟une nouvelle ère.
En vue de la nécessité d‟adopter des mesures au niveau mondial qui s‟appliqueraient aussi
aux entreprises, même si elles ne peuvent être contraignantes, le 24 mars 2011, les Nations
Unies ont publié les « Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de
l‟homme: mise en œuvre du cadre de référence «protéger, respecter et réparer» des
Nations Unies»1516 et ces principes ont été affirmés par le Conseil des droits de l‟homme le
16 juin 2011. C‟est la première fois que le Conseil des droits de l‟homme a approuvé un
texte normatif qui n‟a pas été négocié par les gouvernements eux-mêmes. Ces principes
proposent pour la première fois, des critères mondiaux dont l‟objet est de prévenir et faire
face aux dangers pour les droits de l‟homme dans les activités commerciales. Ce cadre est
surtout destiné aux Etats et entreprises lors de la négociation des contrats d‟investissement
dans l‟optique de permettre tant aux investisseurs qu‟aux Etats de mieux appréhender les
dispositions contractuelles qui pourraient avoir des conséquences sur les droits de
l‟homme.

C‟est un Professeur de l‟Université de Harvard, J. Ruggie, dans son rôle de


Représentant spécial des Nations Unies pour la question des droits de l‟homme et des
sociétés transnationales et autres entreprises qui a mené six ans de recherche et de
consultation dans ce cadre. Son travail a concerné des gouvernements, des entreprises, la
société civile, des individus, des groupes ou encore des investisseurs partout dans le

1516 http://www.business-humanrights.org/media/documents/ruggie/ruggie-principes-directeurs-21-
mars-2011.pdf.
404
monde.

Au sein du cadre onusien, les principes sont repartis en trois piliers selon le
triptyque « Protéger, Respecter et Réparer » : le devoir étatique de protection à l‟égard des
abus des droits de l‟homme par des tiers - comprenant des entreprises – à travers des
bonnes pratiques, de la régulation et de l‟adjudication ; la responsabilité des entreprises de
respecter les droits de l‟homme qui entend que les entreprises devraient agir dans le devoir
« appropriée-raisonnable » de diligence1517 pour éviter l‟abus des droits des tiers et pour
faire face aux conséquence négatives de leurs actes et ; le besoin d‟un plus grand accès aux
recours en réparation pour les victimes des abus liés au commerce, que cela soit judiciaires
ou non1518.

Chaque pilier du triptyque est une composante essentielle d‟un système


interdépendant et dynamique de mesures de prévention et de réparation: l‟obligation de
protéger incombant à l‟État car c‟est le cœur même du régime international des droits de
l‟homme; la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l‟homme car la société
attend d‟elles au minimum qu‟elles les respectent; et l‟accès à des mesures de réparation
parce que même les efforts les plus concertés ne peuvent pas prévenir toutes les pratiques
abusives1519.

Selon l‟avocat spécialiste du FCPA, Richard Cassin1520, le travail de


M. le Professeur Ruggie a pour objectif d‟attirer l‟attention au devoir – jusqu‟alors non
contraignant – de faire du commerce dans le respect des droits de l‟homme. En soulignant
ces questions, le travail du Professeur Ruggie amène ce dialogue et ce débat vers des salles
de conseils des entreprises.

Dans un deuxième temps, le travail de M. le Professeur Ruggie encouragera des


praticiens formés dans le conseil en entreprises en matière de compliance d‟élargir
l‟éventail de leurs services afin de fournir des conseils en matière du respect des droits de

1517 Traduction de la notion anglo-saxonne de « due diligence ».


1518 http://www.fcpablog.com/blog/2011/4/25/respecting-human-rights-through-due-diligence.html.
1519 http://www.business-humanrights.org/media/documents/ruggie/ruggie-principes-directeurs-21-
mars-2011.pdf.
1520 Entretien avec l‘auteur de la présente recherche le 27 juillet 2011.
405
l‟homme. Les entreprises qui sont conseillées dans ce domaine verraient, selon le cas, les
drapeaux rouges signalant d‟éventuelles violations de droits de l‟homme dans l‟affaire
qu‟elles voulaient conclure. On pourrait alors imaginer qu‟une telle entreprise éviterait de
traiter avec des personnes soupçonnées de telles violations.

En dernier lieu, le travail de M. le Professeur Ruggie recentrerait le débat au sein


des gouvernements vers le domaine de la responsabilité des personnes morales en matière
des droits de l‟homme. Les ONG pourraient aussi jouer un rôle essentiel dans le
développement de ces principes. En effet, il sera de plus en plus important pour les
entreprises de prendre en compte le respect des droits de l‟homme lors de la négociation de
contrats internationaux avec les Etats. Les investisseurs seront plus particulièrement
« sous l'œil attentif de ces nouveaux "juges de l'éthique" des droits de l'homme – aussi
qualifiés de "tribunal de l'opinion publique" – que sont les ONG, la presse, les marchés et
organismes financiers internationaux et nationaux »1521.

A mesure que les entreprises de par le monde prennent en compte les abus des
droits de l‟homme à travers le devoir de diligence, les connaissances et expériences des
entreprises, qui disposent déjà des systèmes de prévention des impacts négatifs du
commerce, deviendraient une ressource précieuse pour les entreprises 1522. Le cadre donné
par les travaux de M. le Professeur J. Ruggie est une étape importante vers l‟établissement
d‟autres critères plus concrets à l‟égard des entreprises et gouvernements 1523. Il fourni une
base et un tremplin pour évoluer du soft law vers des normes précises et juridiquement
contraignantes.

Par une résolution du 16 juin 2011 adoptée sans vote, le Conseil des droits de
l‟homme a décidé de créer un groupe de travail pour une période de trois ans sur la
question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises
commerciales. Le Conseil des droits de l‟homme a prié ce Groupe de travail de
promouvoir la diffusion efficace et globale, ainsi que la mise en œuvre des Principes

1521 S. BRABANT, op.cit.


1522 http://www.fcpablog.com/blog/2011/4/25/respecting-human-rights-through-due-diligence.html.
1523 C. JOCHNICK, N. RABAEUS, « Business And Human Rights Revitalized: A New Un
Framework Meets Texaco In The Amazon », 33 Suffolk Transnat'l L. Rev, 2010, p. 437.
406
directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme proposés par le Représentant
spécial sur la question1524. Ces principes posent notamment le devoir de l'Etat de protéger
contre toute atteinte aux droits de l'homme par les sociétés et compagnies privées et la
responsabilité des sociétés de respecter les droits de l'homme, ce qui implique pour elles
d'éviter d'empiéter sur les droits d'autrui, de remédier aux impacts négatifs susceptibles de
se produire du fait de leurs activités et de faire en sorte que les victimes aient accès à de
véritables réparations, juridiques ou autres 1525.

La tendance est à l‟émergence d‟une reconnaissance par des institutions à vocation


universelle et régionale que la corruption est une violation des droits de l‟homme
fondamentaux.

D – Les entreprise et les droits de l’homme : vers un nouveau


paradigme juridique international

Depuis plusieurs années, le débat mondial – notamment à travers le travail de


M. le Professeur Ruggie - sur les rapports entre le commerce et les droits de l‟homme n‟a
cessé de croître1526. En effet, les activités des entreprises multinationales ont souvent
provoqué les violations des droits de l‟homme et étant donné le manque de protection
institutionnelle à ce niveau, des entreprises multinationales peuvent exploiter ces lacunes et
le manque de protection de ces droits1527.

Est-ce que le droit international peut représenter la solution pour la mise en œuvre

1524 http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=11165&LangID=F.
1525 http://www.aidh.org/ONU_GE/conseilddh/11/17_rapp_dh_ste_trans.htm.
1526 On peut dans un premier temps souligner que les tentatives onusiennes des années 1970 et 1980
ont connu peu de réussite et n‘ont pas pu concrétiser un cadre pour les sociétés multinationales
dans ce domaine. C‘est sans doute par le biais du corpus croissant de soft law en la matière qu‘un
nouveau paradigme pourrait être réalisé. Malgré le fait que le texte n‘a pas été adopté par la
Commission des droits de l‘homme de l‘ONU, on peut citer à ce sujet notamment les « Normes sur
la responsabilité en matière de droits de l‟homme des sociétés transnationales et autres entreprises » du
13 août 2003 et qui peut constituer un point de départ.
http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/0/fa319e648a7b3389c1256d5900459385?Open
document ; L. VAN DEN HERIK, J. LETNAR CERNIC, op.cit., p. 734.
1527 J. LETNAR CERNIC, « Two Steps Forward, One Step Back: The 2010 Report By The Un Special
Representative On Business And Human Rights », 11 German L.J., 2010, p 1264
407
des droits de l‟homme dans le contexte du commerce international et par ce biais constituer
une arme potentielle pour la lutte contre la corruption ?

Le débat sur les droits de l‟homme et le commerce est une question juridique
complexe puisque l‟on vient ici au cœur de la problématique de la reconnaissance de la
responsabilité des personnes morales au niveau du droit international. Même si ce débat
dépasse largement le cadre de la présente recherche on doit y faire référence. D‟une part
parce qu‟il faut trouver à long terme la solution juridique pour concrétiser la volonté
exprimée par les travaux, notamment de M. le Professeur Ruggie. D‟autre part puisque les
entreprises transnationales -corruptrices ou non - ont pris une telle place dans le monde
qu‟il faut trouver une réponse juridique à la hauteur de leur influence « d‟autant plus que
certaines [entreprises internationales] ont une puissance financière qui dépasse le budget
de nombreux Etats »1528.

Traditionnellement, les conventions et traités internationaux s‟appliquent aux Etats


et non aux entreprises. Cela constitue le centre de la problématique puisque comme
l‟exprime P. Janot, ces entreprises installent leurs activités juridiques « entre deux ordres
juridiques peu capables de les sanctionner efficacement »1529. En effet les personnes
morales « ne sont en principe destinataires des règles de droit international que par la
médiation d‟un ordre juridique étatique »1530. Il n‟a pas été possible d‟imposer aux
entreprises des normes internationales juridiquement contraignantes et l‟article 2 1531 de la
convention de l‟OCDE en est un bon exemple. En effet, cet article entend réguler le
comportement des entreprises dans le commerce international mais cela est fait par le biais
du droit interne, et la marge de manœuvre laissée aux Etats parties est très (trop)
importante puisque cette disposition prend en compte les principes juridiques de chaque
partie. Une des conséquences en est alors les situations de non coïncidence importantes.

1528 P. JANOT, op.cit., p. 427.


1529 Ibid., p 429 : selon cet auteur « le droit commercial international n‟a ni la vocation, ni la force de les atteindre,
tandis que les ordres juridiques internes trouvent les limites de leurs actions dans les frontières internationales
perméables aux enquêtes et aux poursuites judiciaires ».
1530 P. J. LOWE G., op.cit., p. 144.
1531 Pour une analyse de cet article voir ci-dessus, chapitre 3.
408
Dans ce dernier cas ou encore dans certains domaines spécifiques,1532 il demeure la
responsabilité de l'Etat de prendre les mesures appropriées.

En matière des principes concernant les droits de l‟homme, hormis quelques


exceptions – le droit du travail ou le droit de l‟environnement – on est ici dans un domaine
régi par le « soft law ». Maitre S. Brabant souligne que malgré la prédominance de soft
law, que « quand bien même la règle pourrait-elle être « soft », sa sanction peut être
particulièrement lourde notamment en termes de réputation ou pour l'obtention de
financements »1533. C‟est en ce sens que les ONG et la société civile en général peuvent
jouer un rôle prépondérant. Une autre solution pourrait se trouver dans le cadre des
tribunaux du Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements
(CIRDI). En effet, les arbitres sont de façon de plus en plus fréquente amenés à connaître
des questions liées au respect de certains droits de l‟homme lors de différends avec des
investisseurs internationaux et cela concerne surtout le prix de l‟eau. Dans le secteur de
l‟eau, les requêtes sont déposées devant le CIRDI par l‟entremise des Traités bilatéraux
d‟investissements (TBI)1534. Il est intéressant de mentionner une décision CIRDI1535 qui
soutient que les Etats doivent autant respecter leurs obligations en matière des droits de
l'homme que celles résultant de leurs engagements internationaux envers les investisseurs
étrangers (même valeur juridique). Ainsi la protection des investisseurs internationaux d'un
Etat pour leurs investissements dans un autre Etat résultant des traités bilatéraux de
protection des investissements entre les deux Etats doit être à tout moment compatible, en
accord et sans contradiction avec la protection des droits de l'homme 1536.

En attendant une réponse supranationale normative contraignante, les entreprises


sont désormais dans une situation où il serait peu prudent de faire abstraction de ces
principes et la prise en compte de ces principes serait particulièrement conseillée lors des

1532 S. BRABANT, op.cit. : comme par exemple les droits de l'enfant, les discriminations à l'égard des
femmes, les droits des personnes handicapées, le droit à l'alimentation et à la santé ou le droit à
l'eau.
1533 Ibid.
1534 H. VASQUEZ, « La corruption devant les tribunaux CIRDI », in L‟eau en droit international, SFDI
Colloque d‘Orléans, p. 270.
1535 No ARB/03/19 du 30 juillet 2010.
1536 S. BRABANT, op.cit.
409
investissements à l‟étranger. Cela est d‟ailleurs dans l‟intérêt des entreprises car en
respectant les droits de l‟homme tel que le corpus grandissant des normes internationales
l‟entend, elles « ne pourront avec le temps qu'attirer le meilleur personnel, les meilleurs
actionnaires et partenaires et aussi assurer la stabilité et une "profitabilité" de leurs
investissements sur le long terme et dans l'intérêt de tous »1537.

Bien que la responsabilité de respecter les droits de l‟homme dans ce cadre précis
ne relève pas de la « hard law », ces principes ont un potentiel juridique important. Comme
le reflet d‟un consensus social mondial sur le comportement des entreprises, il fait parti
d‟un corpus dynamique de normes soft et hard internationales, droit international et droit
coutumier qui convergent vers l‟émergence d‟une « lex mercatoria » des droits de
l‟homme. Ce système normatif hybride guide et oriente le comportement des entreprises en
l‟absence d‟une structure de gouvernance et de contrôle mondial 1538.

On ne croit pas que le droit international pénal en un coup de baguette magique


puisse être « the panacea that solves all theoretical and practical obstacles surrounding
the debate on corporate human rights obligations »1539. Mais dans tous le cas « le temps
paraît […] venu de penser à établir une gouvernance économique internationale réelle,
afin de lui subordonner les firmes transnationales et de permettre ainsi l‟assujettissement
effectif de ces multinationales aux Etats »1540.

1537 Ibid.
1538 J. SHERMAN, A. LEHR, Human Rights Due Diligence: Is It Too Risky?, Corporate Social
Responsibility Initiative Working Paper No. 55. Cambridge, MA: John F. Kennedy School of
Government, Harvard University. 2010, p 15
1539 L. VAN DEN HERIK, J. LETNAR CERNIC, op.cit., p. 729.
1540 P. JANOT, op.cit., p. 435.
410
CONCLUSION

La première proposition d‟amélioration de la présente recherche a trait à l‟approche


étatsunienne efficace de mise en œuvre du FCPA. Si la possibilité de « greffer » le modèle
américain – et on penser notamment à la justice transactionnelle – dans d‟autre systèmes
rencontrera de nombreux obstacles de caractère juridiques ou politiques, il est de notre avis
que ce système constitue - à un certain niveau - l‟exemple à suivre.

La deuxième voie seraient fondée sur un changement de paradigme par le biais


duquel on pourrait imaginer un jour les crimes de corruption visés par la Cour pénale
internationale. On peut évidemment émettre des doutes quant à la volonté politique
internationale de prendre une telle orientation. En effet, on peut difficilement imaginer
pour l‟instant les Etats exportateurs puissants mettre en péril leurs intérêts économiques de
cette manière. De plus, la non participation des certains Etats puissants au Statut de Rome
semble réduire encore plus l‟efficacité d‟une telle approche à court terme. On souligne
néanmoins - à long et moyen terme - que la modification du Statut de Rome en ce sens
serait évidemment un pas majeur pour l‟efficacité de la lutte contre la corruption et pourrait
la libérer de certains obstacles majeurs.

Pour conclure, l‟avis du rédacteur de la présente recherche est que les travaux de
M. le Professeur Ruggie en tant que Représentant spécial des Nations Unies pour la
question des droits de l‟homme et des sociétés transnationales et autres entreprises
constituent un grand espoir pour la lutte contre la corruption en droit international. La
suite du travail onusien - en cette fin de mandat de M. le Professeur Ruggie - aura la
possibilité – et la lourde tâche - de rechercher un consensus intergouvernemental universel
et de faire émerger une réelle volonté politique de faire face aux manques du dispositif
international juridique en la matière.

411
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

Dans la mesure où le chapitre 8 de la présente recherche a pour objet de formuler


certaines propositions d‟amélioration au dispositif juridique international, il ne paraît pas
utile de délivrer une conclusion supplémentaire.

412
CONCLUSION GENERALE

Après analyse détaillée, on voit bien que les arcanes de la pratique du droit
international par les Etats se prêtent difficilement à l‟efficacité de la lutte contre la
corruption internationale. Les Etats, soucieux de sauvegarder leurs intérêts et avides de
protéger leur souveraineté peuvent en ce sens bénéficier d‟un – trop - grand nombre
d‟obstacles au bon fonctionnement des textes pertinents.

La question est alors de savoir si la communauté internationale souhaite réellement


accélérer la lutte contre la corruption des agents publics étrangers, c'est-à-dire doter cette
lutte des armes capables de réduire ce phénomène de manière concrète. Certaines
solutions ont en ce sens été mises en exergue au sein de la présente recherche : la tentation
de la réplication du système étatsunien, le rôle potentiel de la Cour pénale internationale
ou encore les récents travaux onusiens sur le respect des droits de l‟homme dans le
commerce international.

Il ne fait guère de doute que toute accélération de cette lutte serait le fruit d‟une
volonté politique importante et coordonnée des Etats concernés. Dans l‟attente d‟un
changement éventuel de paradigme juridique tel que proposé au sein du chapitre 8, quels
signes forts pourraient être envoyés à court terme au niveau international pour démontrer la
volonté des Etats de lutter contre ce phénomène destructeur ?

On peut estimer en premier lieu que l‟adhésion de toutes les puissances industrielles
majeures sans exception- on pense à la Chine, l‟Inde et la Russie - à la convention de
l‟OCDE serait une condition essentielle du progrès de la lutte contre la corruption
internationale. Si l‟OCDE souhaite réellement uniformiser autant que possible les
conditions juridiques de cette lutte, cela semble irréaliste sans la participation active de ces
Etats. L‟implication de la Chine - la deuxième puissance économique mondiale - sur le
continent africain constitue ainsi un élément de réflexion important. Si les entreprises
américaines peuvent craindre l‟approche parfois draconienne du Department of Justice des
Etats-Unis ou la Securities and Exchange Commission, les entreprises chinoises semblent
opérer dans un cadre moins rigide, ce qui permet d‟obtenir ou de conserver plus facilement

413
des marchés en pays étrangers.

On peut estimer en second lieu que l‟efficacité de la mise en œuvre du Bribery Act
de 20101541 par les autorités du Royaume-Uni est largement attendue par tous les
praticiens de lutte contre la corruption. Si pour certains commentateurs – on pense à
Transparency International – la lutte contre la corruption internationale semble marquer le
pas, le Bribery Act pourrait être le catalyseur, l‟accélérateur d‟une nouvelle dynamique.
En ce sens, il s‟agirait non seulement d‟épauler le Foreign Corrupt Practices Act
étatsunien, mais également de continuer de tisser une véritable « toile d‟araignée »
mondiale de lutte contre la corruption qui aurait le potentiel de réduire de manière très
importante les paiements illicites ainsi visés.

Trente quatre ans après l‟adoption du Foreign Corrupt Practices Act aux Etats-
Unis, il existe un dispositif juridique international qui en porte clairement l‟empreinte.
Personne ne sait vraiment si l‟internationalisation de cette norme fédérale étatsunienne
constituait ou non un objectif délibéré de l‟administration Carter en 1977. On constatera
simplement que les amendes payées notamment par la société allemande Siemens (2008)
ou la société française Technip (2011) dans le cadre du FCPA témoignent de la tentation
d‟assurer l‟extraterritorialité de cette loi fédérale et de la volonté étatsunienne de viser les
entreprises multinationales ostensiblement européennes. Alors qu‟il peut être hâtif de
conclure que le FCPA constitue une arme de la guerre économique, la question se pose tout
de même de l‟intérêt final de la lutte étatsunienne contre la corruption. On peut alors
légitimement se demander dans quelle mesure le FCPA constitue véritablement la
matérialisation juridique d‟une croisade morale née dans le sillage de l‟affaire du
Watergate ou bien si cette loi ne serait pas plutôt un outil de protection des intérêts
américains à l‟égard des entreprises européennes ou asiatiques : le chasseur cacherait-t-il
ou non le loup ?

1541 Entré en vigueur le 1 juillet 2011.


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3. DOCUMENTATION OFFICIELLE

i - Droit interne états-unien

Foreign Corrupt Practices Act 1977, Pub.L.No. 95-213, 91 Stat. 1494.

The Omnibus Trade and Competitiveness Act 1988, Pub.L.No. 100-418, 102 Stat.
1107.

International Anti-Bribery and Fair Competition Act of 1998, Pub.L.No. 105-366,


112 Stat. 3302.

ii - Royaume-Uni

Bribery Act 2010 : http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2010/23/contents.

iii - Législation française

http://www.legifrance.gouv.fr

iv - Organisation des Etats Américains

Convention interaméricaine contre la corruption, Caracas, 29 mars 1996, DAI,


1996, http://www.oas.org/juridico/english/treaties/b-58.html

433
v - Conseil de l‟Europe

Convention pénale sur la corruption du 27 janvier 1999, Conseil de l‟Europe,


http://conventions.coe.nt/treaty/fr/Treaties/Html/173.htm

Convention civile sur la corruption, Conseil de l‟Europe, Strasbourg, 4 novembre


1999, R.G.D.I.P., 1999, pp1006-1011

vi - OCDE

Recommandation du Conseil sur la corruption dans les transactions commerciales


internationales, 27 mai 1994, http://www.oecd.org/dataoecd/9/29/1952630.pdf

Recommandation révisée du Conseil sur lutte contre la corruption dans les


transactions commerciales internationales du 23 mai 1997, C(97)123/FINAL, 36
I.L.M. 1016

Convention O.C.D.E sur la lutte contre la corruption d‟agents publics étrangers


dans les transactions commerciales internationales, 17 décembre 1997,
http://www.oecd.org/document/20/0,3343,fr_2649_34859_2649236_1_1_1_1,00.ht
ml

Recommandation du Conseil visant à renforcer la lutte contre la corruption d‟agents


publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, adoptée par le
Conseil le 26 novembre 2009, http://www.oecd.org/dataoecd/31/53/44229684.pdf

vii - Union européenne

Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés


européennes, J.O. C 316 du 27 novembre 1995

Protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des


Communautés européennes du 27 septembre 1996, J.O.C.E., C 313 du 23 octobre
1996

434
Convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires
des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union
européenne du 26 mai 1997, J.O.C.E., C 195/1 du 25 juin 1997

Second protocole du 19 juin 1997 du Conseil à la convention relative à la


protection des intérêts financiers des Communautés européennes, J.O.C.E., C 221
du 19 juillet 1997

viii - Union africaine

Convention de Maputo du 11 juillet 2003 sur la prévention et la lutte contre la


corruption élaborée par l‟Union africaine http://www.africa-
union.org/Official_documents/Treaties_conventions_fr/convention%20sur%la%20l
utte%20contre%20la%20corruption.pdf

ix - ONU

Convention des Nation Unies contre la corruption, 9 décembre 2003,


http://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/Publications/convention/08-
50027_F.pdf

4. DOCUMENTATION ELECTRONIQUE

i – Sites des institutions internationales pertinentes

Conseil de l‟Europe : http://www.coe.int/lportal/web/coe-portal/home

Organisation de coopération et de développement économique :


http://www.oecd.org/home/0,3675,fr_2649_201185_1_1_1_1_1,00.html

Organisation des Etats américains : http://www.oas.org/fr/

Organisation des Nations Unies : http://www.un.org/fr/

435
Union africaine : http://www.africa-union.org/root/ua/index/index.htm

Union européenne : http://europa.eu/index_fr.htm

ii - Trois sites internet de l‟ONG Transparency international ont été régulièrement


consultés :

Siège Berlin : http://www.transparency.org/

Royaume-Uni : http://www.transparency.org.uk/

France : http://www.transparence-france.org/

iii - Le blog du FCPA tenu par l‟avocat spécialiste de cette loi étatsunienne Richard
Cassin a été une source d‟information précieuse : http://www.fcpablog.com.

436
SIGLES ET ABREVIATIONS

I. Annuaires – Recueils - Revues

AFDI Annuaire français de droit international

Am. Crim. L. Rev American Criminal Law Review

Am. U. Int‟l L. Rev American University International Law Review

Ann. Dr. Louvain Annales de droit de Louvain

Ariz. J. Int‟l & Comp. L Arizona Journal of International and Comparative Law

Baylor L. Rev Baylor Law Review

Brook. J. Int‟l L Brooklyn Journal of International Law

Cal. L. Rev California Law Review

Case w. Res. J. Int'l l Case Western Reserve Journal of International Law

Comp. Law Company Lawyer

Conn. J. Int‟l L Connecticut Journal of International Law

Cornell Int'l L.J. Fla. J. Int'l L Cornell International Law Journal

Denv.J.Int‟l L.& Pol‟y Denver Journal of International Law and Policy

Dick. J. Int‟l L Dickinson Journal of International Law

Fordham Int‟l L.J Fordham International Law Journal

Geo. J. Int‟l L Georgetown Journal of International Law

Geo. Wash. Int'l L. Rev George Washington International Law Review

German L.J German Law Journal

Hastings Int'l & Comp. L. Rev Hastings International and Comparative Law Review

Int'l Law International Lawyer

437
J.C.P Jurisclasseur périodique

J. Int'l Crim. Just Journal of International Criminal Justice

J. Legal Stud Journal of Legal Studies

Law & Contemp. Pro Law and Contemporary Problems

Law Pol‟y & Int‟l Bus Law and Policy in International Business

Loy. L. Rev Loyola Law Review

Mich. J. Int‟l L Michigan Journal of International Law

MJIEL Manchester Journal of International Economical Law

Mo. L. Rev Missouri Law Review

Nw. J. Int‟l L. & Bus Northwestern Journal of International Law & Business

Nw.U.L.Rev Northwestern University Law Review

NYUJ. Int‟l L. Pol New York University Journal of International Law and Politics

Pac. Rim L. & Pol‟y J Pacific Rim Law & Policy Journal

RDAI Revue de Droit des Affaires Internationales

Revue de droit de l‟ULB Revue de droit de l‟Université libre de Bruxelles

RID. Pén Revue internationale de droit pénal

San Diego Int‟l L.J San Diego International Law Journal

St. Louis-Warsaw Transatlantic L.J Saint Louis-Warsaw Transatlantic Law Journal

Suffolk Transnat'l L. Rev Suffolk Transnational Law Review

Sw. J.L. & Trade Am Southwestern Journal of Law and Trade in the Americas

U. Chi. L. Rev University of Chicago Law Review

Va. J. Int‟l L Virginia Journal of International Law

Vand. J. Transnat‟l L Vanderbilt Journal of Transnational Law

Wash. & Lee L. Rev Washington and Lee Law Review

Wm. Mitchell L Rev William Mitchell Law Review

Yale I.L.J Yale Journal of International Law

438
II. Juridictions internationales

CIJ Cour internationale de justice

CPI Cour pénale internationale

TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda

TPIY Tribunal pénal international pour l‟ex-Yougoslavie

III. Organisations internationales et sigles divers

CEDEAO Communauté économique des Etats de l‟Afrique de l‟Ouest

CDPC Comité européen des problèmes criminels

CIME Comité de l‟Investissement international et des Entreprises


Multilatérales

CNUCC Convention des Nations Unies contre la corruption

DOJ Department of Justice

DPA Deferred Prosecution Agreements

FCPA Foreign Corrupt Practices Act

FMI Fonds monétaire international

GMC Groupe multidisciplinaire sur la corruption

GRECO Groupe d‟Etats contre la Corruption

IACAC Convention interaméricaine contre la corruption

INTERPOL International Criminal Police Organization

NPA Non-Prosecution Agreements

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

439
OEA Organisation des Etats Américains

OIG Organisation internationale intergouvernementale

OMC Organisation mondiale du commerce

ONG Organisation non gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

PA Plea agreements

SADC Southern African Development Community

SEC Securities and Exchange Commission

TI Transparency International

UE Union européenne

WIN Water Integrity Network

440
INDEX ALPHABETIQUE

N.B. Les chiffres renvoient aux pages. Les caractères soulignés renvoient à des
développements étendus.

441
A Common law…...173, 178, 208, 213, 295, 378

Compétence des juridictions nationales….194

Acte accompli dans l'exercice de ses Compétence extraterritoriale…….120, 181,


fonctions…………………………...…19, 122 195, 203, 228, 230

Acte de délégation…………………...…….80 Compétence universelle….209, 232, 387, 397

Affaire dite des « biens mal acquis »…….338 Complicité…………………..…110, 145, 208

Agent public étranger (définition)…..…….67 Concurrence….…..42, 85, 102, 114, 307, 361

Agent public national………………...75, 136 Confiscation……..….101, 116, 189, 300, 367

Agression économique……………….55, 389 Conflits de juridiction………………114, 119

Al Yamamah (Royaume-Uni)……...…61, 256 Conseil de sécurité des Nations Unies…..247,


289, 324, 385
Appel de Genève….27, 53, 241, 249, 263,
397 Contrôle de l‟application des traités…329,
349
Arbitrage……………………………..55, 337
Convention civile sur la corruption du
Aut dedere aut judicare (« extrader » ou Conseil de l‟Europe………………......45, 357
« juger »)…………………………………288
Convention de l‟OCDE sur la lutte contre la
Avantage indu………………..…………..122 corruption d‟agents publics étrangers dans les
transactions commerciales internationales 35,
71, 77, 83, 87, 113, 126, 132, 144, 152, 160,
207, 223, 259, 292, 303, 353
B
Convention des Nations Unies contre la
corruption…39, 74, 93, 117, 130, 161, 209,
265, 290, 306, 360
Barcelona Traction………………………220
Convention interaméricaine contre la
corruption de l‟Organisation des Etats
Bonne gouvernance……………..13, 334, 361 américains…34, 68, 79, 86, 111, 124, 131,
144, 151, 206, 262, 290, 303, 349
Bribery Act 2010 (Royaume-Uni)…56, 156
177, 180, 228, 380, 414 Convention pénale sur la corruption du
Conseil de l‟Europe…42, 72, 95, 115, 128,
Business purpose test……………........….136 132, 155, 161, 208, 262, 292, 305, 356

Convention sur la prévention et la lutte contre


la corruption de l‟Union africaine .50, 73, 117
C
Convention relative à la lutte contre la
corruption impliquant des fonctionnaires des
Communautés européennes ou des
Centre international de règlement des fonctionnaires des États membres de l'Union
différends relatifs aux investissements européenne…45, 70, 95, 113, 125, 130, 159,
(CIRDI)…………………………………..409 206, 258, 291, 304

Charte des Nations Unies…………...247, 324 Coopération judiciaire interétatique…...…249

442
Corporate monitor (Etats-Unis)……….…380 331, 345, 397

Corruption active (définition)…..…………17 E

Corruption indirecte…………..………….139

Corruption passive………………………...17 Echappatoire à l‟application des textes


internationaux……………112, 118, 155, 225
Corruption privée………………………….18
Eléments matériels de l‟infraction de la
Corruption publique………...……………..18 corruption de l‟agent public étranger…….119

Corruptly – (Etats-Unis)………………... 130 Elément moral de l‟infraction de la corruption


d‟agent public étranger……………..130, 136
Cour Internationale de Justice……...221, 323
Emetteurs de valeurs (Etats-Unis)…109, 121,
Cour Pénale Internationale…55, 247, 283, 175, 227, 373, 382
385, 393
Enron (affaire)………………….……18, 372
Crime contre l‟humanité…………………393
Entraide mutuelle (v. coopération judiciaire
Crime international………………………389 internationale)

Crise de l‟énergie………………………….24 Entrée en vigueur de textes internationaux en


matière de corruption…...............................33

Entreprise multinationale…26, 61, 142, 157,


218, 222, 389
D
Entreprise publique………………………..80

Equivalence fonctionnelle (OCDE)…38, 127,


Déclaration des droits de l‟homme et du
155, 166, 214
citoyen de 1789……………...….11, 301, 398
Etat de droit………..12, 23, 42, 102, 321, 398
Deferred Prosecution Agreements (Etats-
Unis)…………………………………...…376
Etats-Unis d‟Amérique…28, 68, 77, 79, 86,
93, 120, 123, 130, 139, 146, 175, 225, 230,
Department of Justice (DOJ, Etats-Unis)..369
369
Dilemme du prisonnier……………..…....326
Ethnocentrisme…………………33, 235, 328
Disgorgement (Etats-Unis)………………381
Exportation juridique……………...……..231
Dol général…………….…………………130
Extradition………………………………..279
Dol spécial…………………….....………136
Extraterritorialité……………………203, 230
Dommages-intérêts…………......45, 301, 312

Double incrimination….101, 105, 210, 213,


F
216, 251, 285, 295, 318

Drapeaux rouges (Etats-Unis)………142, 406


Fait intentionnel………………….………130
Droit international pénal………241, 387, 410
Filiales à l‟étranger………………………218
Droit international public…57, 77, 221, 233,
251
Fonctionnaire communautaire…………….97
Droits de l‟homme…11, 22 43, 56, 255, 301,

443
Fond monétaire international (FMI)…..61, 92 J

Foreign Corrupt Practices Act (FCPA)…28,


68, 77, 79, 86, 93, 120, 123, 130, 139, 146,
175, 225, 230, 369 Juridiction internationale…62, 193, 287, 385,
388
France….…17, 22, 38, 61, 183, 248, 338, 378
Juridiction nationale……………62, 97, 193
Frégates de Taïwan (Affaire dite des)……..61
Justice transactionnelle…………………..369

G
L

Gel des avoirs……………….………300, 397


Lex mercatoria……………………...……410
Groupe d‟Etats contre la corruption
(GRECO)……………………..………….356 Lex simulata……………...…10, 58, 366, 367

Groupe des 77 (ONU)……………………..40 Lockheed Aircraft Corporation (Etats-


Unis)………………………….……………29
Groupe du travail de l‟OCDE………353, 369
Lotus (Affaire dite)……………...….200, 232
Guerre froide…………..……………..24, 385

M
H

Mandat d‟arrêt européen………..49, 283,


Historique sommaire…………………..…..20 289, 291, 292, 296, 318

Mécanisme d‟examen de l‟application de la


convention des Nations Unies contre la
I corruption………….……………………..360

Mondialisation……….….….25, 58, 204, 329

Immunité………………………..97, 100, 119 Montedison (affaire)……………………...227

Impérialisme moral……………..32, 235, 324 Monitoring………………………….170, 347

Imputation………………………………..164

Industrialisation…………………………..172 N

Infractions internationalement définies…..285

Institutionnalisation du contrôle de Non bis in idem………..…255, 288, 295, 386


l‟application du droit international……….322
Nationalité des personnes morales…….…218

Négociation des textes internationaux


anticorruption…………………………….346

Non Prosecution Agreements (EtatsUnis)…


……………………….…………………...376

444
Normes comptables………..60, 176, 227, 371 Responsabilité pénale des personnes
morales……….……….………….....157, 402
Nulla poena sine lege……………….197, 285
Restitution des produits de la
corruption………………...301, 311, 339, 397

O Royaume-Uni………….61, 90, 180, 228, 379

Obligation de surveillance…….167, 176, 181 S

Organisation internationale intergouvernementale


………………………………….…… 33, 321

Organisation non gouvernementale….52, 94, Saisie……………………………………..300


332
Sanctions……………... 60, 99, 168, 371, 397

Secret bancaire……………61, 265, 299, .307


P
Securities exchange commission (SEC, Etats-
Unis)…28, 138, 150, 227, 370, 413

Pacte mondial (ONU)……………………400 Self executing (dispositions conventionnelles)


....................................................................197
Paiement de facilitation…………………..147
Séparation de pouvoirs…………………….12
Paradis fiscaux….61, 90, 119, 302, 311, 338
Serious fraud office (SFO, Royaume-
Plea agreements (Etats-Unis)…………...376 Uni)………………………………………379

Prescription........................................254, 287 Société civile internationale………….51, 332

« Procédures adéquates » (Royaume- Soft Law………………….291, 383, 406, 409


Uni)………………………………………182
Souveraineté…59, 89, 90, 118, 195, 198, 199,
215, 235, 243, 244, 256, 276, 364, 386, 399,
413
Q
Statut de Rome (v. Cour Pénale International)

Quid pro quo (Etats-Unis)….16, 19, 122,


125, 131 T

R Technip (société française)…………230, 414

Theories of compliance (Etats-Unis)….…324

Recouvrement des avoirs (ONU)………...310 Toute chose de valeur (anything of


value)……………………………………..123
Renvoi (technique juridique de)……….…..96
Traité d‟Amsterdam…………………….…46
Réparation……...……..45, 55, 301, 312, 405
Traité de Maastricht…...…………..…..46, 99
Respondeat superior……………………..173
Traité de Versailles……...……...…..245, 384

445
Transparency International…33, 52, 56, 60,
90, 327, 414

Tribunal International de Nuremberg…247,


385

Vicarious liability………………………...173

Visites sur place……….…353, 355, 362, 364

Watergate.....................................28, 233, 414

Whistleblowers (Etats-Unis)……….……371

Wilful blindness …………………….141, 145

446
TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE ........................................................................................................ 7

INTRODUCTION GENERALE ................................................................................. 8

PREMIERE PARTIE LA DELICATE HARMONISATION DES CRITERES


D’INCRIMINATION....................................................................................................... 65
CHAPITRE 1 LES RECENTES DEFINITIONS TEXTUELLES DE LA NOTION D’AGENT PUBLIC
ETRANGER...............................................................................................................................66
Section 1 Les définitions de l’agent public étranger dans les textes : première approche
chronologique ........................................................................................................................................ 67
§ 1 - La matrice des textes internationaux ultérieurs : une loi nationale, la loi fédérale
américaine du 19 décembre 1977 ..................................................................................................... 68
§ 2 - L’Inter-american convention against corruption de Caracas, conclue dans le cadre de
l’OEA le 29 mars 1996........................................................................................................................ 68
§ 3 – La convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires
des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l'Union européenne
du 26 mai 1997 .................................................................................................................................. 70
§ 4 - L’OCDE : la convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers
dans les transactions commerciales internationales du 17 décembre 1997 .................................... 71
§ 5 - La convention pénale sur la corruption du Conseil de l’Europe du 27 janvier 1999 ... 72
§ 6 – La convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption
du 11 juillet 2003 ............................................................................................................................... 73
§ 7 - La convention des Nations Unies contre la corruption du 11 décembre 2003 ........... 74
Section 2 Analyse des éléments constitutifs et comparaison des définitions d’agent public
étranger.................................................................................................................................................. 76
§ 1 - L’identification de l’agent public étranger par son appartenance à l’appareil
institutionnel de l’Etat ....................................................................................................................... 77
A - La notion de « gouvernement » en droit international ............................................. 77
B - Observations concernant les textes les plus couramment mentionnés par les
professionnels de lutte contre la corruption ................................................................................ 78
§ 2 - L’identification de l’agent public étranger : le critère fonctionnel .............................. 78
A - L’agent public étranger, agent chargé d’une activité d’intérêt public au sein de l’Etat
...................................................................................................................................................... 79
B - L’agent public étranger, agent rattaché à un organisme public ou une entreprise
publique ........................................................................................................................................ 81
1 - La difficile compatibilité entre le texte états-unien du FCPA et l’IACAC ............... 81

447
2 - La souplesse de la convention de l’OCDE pour la définition de « l’agent public
étranger » ................................................................................................................................ 83
C - L’agent public étranger, agent chargé occasionnellement et de facto d’une activité
d’intérêt publique ......................................................................................................................... 86
1 – Le continent américain......................................................................................... 86
2 - Pays de l’OCDE ...................................................................................................... 87
§ 3 - L’identification de l’agent public étranger par le critère de l’attribution de la qualité
d’agent............................................................................................................................................... 89
A - L’attribution par l’Etat ............................................................................................... 89
B - Peut-on considérer au point de vue du droit international de lutte contre la
corruption une partie du territoire d’un Etat comme un territoire étranger sur lequel intervient
des agents de l’Etat, mais qui sont alors qualifiés comme des agents publics étrangers ? .......... 91
C - Attribution par une organisation intergouvernementale.......................................... 91
1 - Par la convention de l’OCDE ................................................................................. 91
2 - Foreign Corrupt Practices Act................................................................................ 93
3 - La convention des Nations unies .......................................................................... 93
D - Agents publics et organisations non gouvernementales .......................................... 94
Section 3 La spécificité du droit de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe : absence
de définition internationale, régionale, européenne de « l’agent public étranger » et renvoi au droit
national .................................................................................................................................................. 95
§ 1 - La technique juridique du renvoi ................................................................................. 96
§ 2 - Le champ d’application de la qualité d’« agent public étranger » au sein de l’Union
européenne selon la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de
l'Union européenne du 26 mai 1997 ................................................................................................. 97
A - La définition de la notion de « fonctionnaire communautaire » .............................. 98
B - Le renvoi de la définition de la notion de « fonctionnaire national » ..................... 100
§ 3 - Le champ d‟application selon la convention pénale sur la corruption du Conseil de
l’Europe du 27 janvier 1999............................................................................................................. 101
CONCLUSION .......................................................................................................................... 104

CHAPITRE 2 LA RELATIVE SYMETRIE DES DEFINITIONS TEXTUELLES DES INFRACTIONS


.............................................................................................................................................. 106
Section 1 Etude comparative de l’infraction de corruption au sein des textes internationaux
pertinents ............................................................................................................................................. 108
§ 1 – Première approche comparative : la spécificité des infractions mentionnées dans les
textes internationaux ...................................................................................................................... 108
A - Le FCPA : des éléments constitutifs à géométrie variable ...................................... 109
B - L’IACAC : une corruption d’agent public étranger conditionnée par la Constitution et
principes fondamentaux du droit interne des Etats parties à la convention.............................. 111
C - L’Union Européenne : la corrélation des éléments constitutifs en matière de
corruption active et de corruption passive ................................................................................. 113
D - L’OCDE : les éléments constitutifs orientés par le mandat spécifique de cette
organisation ................................................................................................................................ 113

448
E - La convention pénale du Conseil de l’Europe : les éléments constitutifs inspirés des
définitions nationales et internationales existantes................................................................... 115
F - L’Union africaine : l’absence d’une disposition visant l’incrimination de la corruption
des agents publics étrangers ...................................................................................................... 117
G - La convention des Nations Unies contre la corruption : des éléments constitutifs
analogues à ceux de la convention de l’OCDE et du Foreign Corrupt Practices Act ................... 117
§ 2 – Deuxième approche comparative : les éléments constitutifs des infractions de
corruption mentionnées dans les textes internationaux ................................................................ 119
A - L’auteur de la corruption active .............................................................................. 120
B - L’offre, la promesse ou le don d’un avantage indu ................................................. 122
1 - Le FCPA : « pour faciliter une offre, un paiement, une promesse de payer ou une
autorisation de paiement de tout argent ou offre, cadeau, promesse de donner ou
autorisation de donner toute chose de valeur» ..................................................................... 123
2 - L’IACAC : « l'acte d'offrir ou de donner à un fonctionnaire d'un autre Etat,
directement ou indirectement, tout objet de valeur pécuniaire ou tout autre bénéfice, tels que
des dons, des faveurs, des promesses ou des avantages » .................................................... 124
3- L’Union européenne : « promettre ou de donner un avantage de quelque nature
que ce soit ». .......................................................................................................................... 125
4 - L‟OCDE : « d’offrir, de promettre ou d’octroyer un avantage indu pécuniaire ou
autre » .................................................................................................................................... 126
5 - La convention pénale du Conseil de l’Europe : « le fait de proposer, d’offrir ou de
donner, tout avantage indu » ................................................................................................ 128
6 - La CNUCC : « de promettre, d’offrir ou d’accorder un avantage indu » ............. 129
C - L’élément moral : le dol........................................................................................... 130
1 - Le fait intentionnel .............................................................................................. 130
3 - Les infractions ayant pour objectif final un aspect commercial : le dol spécial.. 136
§ 3 - L’infraction de la corruption indirecte ....................................................................... 139
A - FCPA : « quiconque, tout en sachant ».................................................................... 139
B - L’IACAC : « Tout acte ou omission par toute personne qui, elle-même ou par
personne interposée, ou à titre d'intermédiaire, cherche à obtenir l'adoption, par l'autorité
publique, d'une décision en vertu de laquelle cette personne obtient illicitement, pour elle-
même ou pour toute autre personne, un avantage ou bénéfice quelconque, qu'il y ait préjudice
ou non pour le patrimoine de l'Etat».......................................................................................... 144
C - L’OCDE : « directement ou par des intermédiaires» ............................................... 145
D - Les textes européens et le texte onusien................................................................ 146
Section 2 Les comportements insusceptibles d’être qualifiés d’acte de corruption en raison
des circonstances et du contexte ......................................................................................................... 146
§ 1 - Les exceptions prévues par le droit fédéral américain .............................................. 147
A - Paiements de facilitation ......................................................................................... 147
B - Moyens de défense « affirmatifs » .......................................................................... 149
C - Opinions du ministre de la Justice ........................................................................... 150
§ 2 - L’asymétrie entre le droit fédéral états-unien et le droit régional dans le cadre de
l’OEA (l’IACAC) en matière des paiements de facilitation ............................................................... 151
§ 3 – La clarification de l’approche de l’OCDE en 2009 en matière de paiements de

449
facilitation ........................................................................................................................................ 152
§ 4 - La banalité des exceptions prévues par la convention pénale du Conseil de l’Europe
......................................................................................................................................................... 155
CONCLUSION .......................................................................................................................... 155

CHAPITRE 3 LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES : UNE


RESPONSABILITE LACUNAIRE ................................................................................................ 157
Section 1 L’approche des textes internationaux : la marge de liberté laissée aux autorités
nationales concernant les personnes morales ..................................................................................... 159
§ 1 – Présentation de dispositions conventionnelles pertinentes..................................... 159
A –L’Union européenne : la responsabilité des personnes morales visée par le second
protocole relatif à la protection des intérêts financiers ............................................................. 159
B – L’article 2 de la convention de l’OCDE .................................................................... 160
C – L’article 18 de la convention pénale du Conseil de l’Europe .................................. 161
D – L’article 26 de la convention des Nations unies contre la corruption .................... 161
E – La convention de l’Organisation des Etats Américains ........................................... 162
§ 2 - Définition de la personne morale .............................................................................. 162
§ 3 – Mécanismes d’imputation d’un acte de corruption à une personne morale ........... 164
§ 4 - Obligation de surveillance pesant sur la personne morale ....................................... 167
§ 5 - Le rapport entre la responsabilité à l’encontre des personnes physiques et la
responsabilité distincte à l’encontre des personnes morales ......................................................... 168
§ 6 - Sanctions encourues.................................................................................................. 169
Section 2 La transposition des règles juridiques internationales : les mécanismes juridiques
de droit interne en matière de la responsabilité pénale des personnes morales ............................... 172
§ 1 - L’exemple du droit fédéral américain........................................................................ 173
A - La notion de respondeat superior ........................................................................... 173
B - L’acte visé : within the scope of employment and intended, at least to some degree,
to benefit the corporation .......................................................................................................... 174
C - Les personnes morales visées par le texte du FCPA ................................................ 175
D - Le manque de surveillance ...................................................................................... 176
§ 2 – L’exemple du Royaume Uni ...................................................................................... 177
A - La notion de l’identification/alter ego..................................................................... 178
1 - L’esprit dirigeant ................................................................................................. 178
2 - L’intérêt pour la personne morale ...................................................................... 180
B - Les personnes morales visées : section 7 (5) du Bribery Act 2010 .......................... 180
C - Le manque de surveillance : la nouvelle infraction de la loi britannique ................ 181
§ 3 - L’exemple de la France .............................................................................................. 183
A - L’article 121-2 du Code pénal : l’infraction commise par une personne morale pour
son compte par ses organes ou représentants........................................................................... 183
1 - Organes ou représentants .................................................................................. 185
2 - Infraction commise pour son compte................................................................. 187
B - Les personnes morales visées ................................................................................. 187
CONCLUSION .......................................................................................................................... 189

CONCLUSION DE LA PARTIE 1 ................................................................................... 191


450
SECONDE PARTIE LA DIFFICILE APPLICATION DES TEXTES INTERNATIONAUX . 193

CHAPITRE 4 L’EXTENSION DE LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS NATIONALES.....194


Section I Les principes de droit international en matière de compétence des juridictions
nationales ............................................................................................................................................. 195
§ 1 – L’obligation de prendre des mesures internes d’exécution ..................................... 195
§ 2 – La compétence territoriale ....................................................................................... 198
§ 3 - La compétence personnelle....................................................................................... 201
A - La compétence personnelle active .......................................................................... 202
B - La compétence personnelle passive........................................................................ 203
§ 4 – Normes extraterritoriales ......................................................................................... 203
Section 2 Les titres juridiques de compétence des juridictions nationales dans les
conventions internationales de lutte contre la corruption .................................................................. 205
§ 1 – La compétence des juridictions nationales pour connaître des actes de corruption
commis sur le territoire national par des agents nationaux et/ou des agents étrangers ............... 206
§ 2 – La compétence des juridictions nationales pour connaître les actes de corruption
commis par les agents nationaux en territoire étranger ................................................................. 210
§ 3 – La compétence des juridictions nationales pour connaître les actes de corruption :
une compétence sui generis à l’égard des agents publics internationaux ...................................... 216
Section 3 La compétence des juridictions nationales à l’égard des filiales à l’étranger ....... 218
§ 1 Les critères de rattachement de nationalité de la personne morale .......................... 219
§ 2 - L’exemple de la convention de l’OCDE ...................................................................... 223
§ 3 - Les solutions proposées par le FCPA à l’égard des filiales à l’étranger ..................... 225
§ 4 - La portée extraterritoriale de la nouvelle loi britannique contre la corruption de 2010
......................................................................................................................................................... 228
Section 4 La tentation de l’américanisation du droit international : l’application
extraterritoriale du Foreign Corrupt Practices Act ............................................................................... 230
§ 1 – La volonté états-unienne d’exportation juridique .................................................... 231
A - L’approche du droit américain en matière de juridiction extraterritoriale ............. 231
1 - Une présomption contre la compétence extraterritoriale ................................. 231
2 - Une présomption nécessairement infléchie ....................................................... 232
3 - Un exercice raisonnable de la compétence extraterritoriale des juridictions
nationales............................................................................................................................... 232
B - La possibilité d’exportation juridique ouverte par le FCPA ..................................... 233
1 - Une motivation d’ordre éthique ......................................................................... 233
2 - Une motivation d’ordre économique ................................................................. 234
3 - Un danger d’impérialisme économique et moral ............................................... 235
§ 2 – La loi du 12 novembre 1998 : l’extension du champ d’application du Foreign Corrupt
Practices Act par le principe de nationalité ..................................................................................... 236
§ 3 – La loi du 12 novembre 1998 : l’extension du champ d’application du Foreign Corrupt
Practices Act par le principe de territorialité................................................................................... 237
A - Le FCPA avant 1998 ................................................................................................. 237
B - Les modifications du FCPA relative au principe de territorialité ............................. 238
CONCLUSION .......................................................................................................................... 239

451
CHAPITRE 5 LA COOPERATION JUDICIAIRE INTERETATIQUE .................................... 241
Section I L’évolution historico institutionnelle de la coopération pénale internationale ..... 242
§ 1 – L’accélération de la coopération entre les Etats dans le domaine du droit
international pénal .......................................................................................................................... 242
§ 2 – L’entraide interétatique influencée par la gravité de certains crimes ...................... 245
Section 2 L’analyse juridique des textes internationaux de lutte contre la corruption en
matière d’entraide judiciaire................................................................................................................ 249
§ 1 – La coopération judiciaire interétatique dans le contexte de la lutte contre la
corruption internationale ................................................................................................................ 249
A- Nécessité de la coopération judiciaire interétatique en matière de corruption
internationale ............................................................................................................................. 249
B – Principes juridiques d’entraide judiciaire en matière de lutte contre corruption
internationale ............................................................................................................................. 250
1 - L’adage latin pacta sunt servanda prévoit une soumission au droit international
............................................................................................................................................... 251
2 – Le principe de la double incrimination ............................................................... 251
3 - La pratique de l’extradition a donné naissance à la règle de la spécialité de
l’extradition ............................................................................................................................ 253
4 - La pratique de la coopération internationale connaît le principe de réciprocité 253
5 – Les exceptions ou exclusions à l’entraide judiciaire........................................... 254
§ 2 - La vue perspective et comparative des textes internationaux en matière d’entraide
judiciaire dans le cas de corruption internationale ......................................................................... 257
A - Modalités de coopération ....................................................................................... 257
1 - L’IACAC : l’assistance mutuelle la plus étendue.................................................. 257
2 - La convention de l’Union européenne : coopérer de façon effective ................ 258
3 - La convention de l’OCDE : une aide juridique prompte et efficace .................... 259
4 - La convention pénale du Conseil de l’Europe : la coopération internationale la
plus large possible.................................................................................................................. 262
5 - La convention des Nations unies : la coopération la plus vaste possible ........... 265
B - Dispositions relatives à l’échange d’information .................................................... 269
C - L’établissement d’autorités nationales centrales chargées de la lutte contre la
corruption internationale ........................................................................................................... 271
D - Correspondance directe .......................................................................................... 273
E - Information des suites données à la demande d’assistance ................................... 274
F - Les critères relatifs au refus de coopération ........................................................... 275
CONCLUSION .......................................................................................................................... 277

CHAPITRE 6 L’INDISPENSABLE TRANSFERT DES PERSONNES ARRETEES ET DES BIENS


SAISIS .................................................................................................................................... 279
Section 1 Un acte juridique essentiel : l’extradition en cas de corruption internationale .... 280
§ 1 - Le droit international en matière de l’extradition ..................................................... 280
A – Les caractéristiques du mécanisme juridique de l’extradition ............................... 280
B – La mise en œuvre de l’extradition .......................................................................... 283
1 - La situation de l’individu ..................................................................................... 283

452
2 - La nature de l’infraction...................................................................................... 284
3 - Les questions de procédure pénale .................................................................... 287
C - Aut dedere, aut judicare.......................................................................................... 288
§ 2 - Les textes internationaux de lutte contre la corruption, base juridique de l’extradition
......................................................................................................................................................... 289
A- L’approche générale des conventions internationales de lutte contre la
corruption en matière d’extradition ........................................................................................... 290
B- L’approche des conventions anticorruption en matière des motifs de refus
d’extradition ............................................................................................................................... 294
Section 2 La confiscation, la saisie, le gel et le transfert des avoirs en matière de corruption
internationale ....................................................................................................................................... 300
§ 1 – Les dispositifs généralement prévus par les textes internationaux : les mesures
concernant la propriété en matière de lutte contre la corruption.................................................. 300
A- La pertinence des mesures relatives à la privation juridique de propriété.............. 301
B - Les textes internationaux de lutte contre la corruption en matière de propriété :
approche générale ...................................................................................................................... 303
C – L’argument du secret bancaire : motif irrecevable en matière de coopération pour
la lutte contre la corruption........................................................................................................ 308
§ 2 - Le cas particulier de la convention des Nations Unies : une réglementation détaillée
du recouvrement des avoirs issus de la corruption......................................................................... 310
CONCLUSION .......................................................................................................................... 318

CHAPITRE 7 LE ROLE ESSENTIEL DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES


INTERGOUVERNEMENTALES : LES MECANISMES INSTITUTIONNELS DE CONTROLE DE
L’APPLICATION DES TEXTES INTERNATIONAUX.....................................................................321
Section 1 Les spécificités du processus de contrôle l’application des traités de lutte contre la
corruption internationale ..................................................................................................................... 322
§ 1 - Le contexte particulier de l’application des textes internationaux de lutte contre la
corruption........................................................................................................................................ 322
A- La difficile mise en œuvre du droit international : un constat préalable ................. 322
B - Les traités de lutte contre la corruption et les « theories of compliance »............. 324
1 - « State behaviour » et le respect du droit international..................................... 324
2 - « Game theory » : le dilemme du prisonnier ...................................................... 326
3 - Impérialisme moral et corruption internationale ............................................... 328
§ 2 - Le rôle des OIG dans les processus de contrôle de l’application des traités de lutte
contre la corruption internationale ................................................................................................. 329
A - Mécanismes de garanties interétatiques ................................................................ 329
B - Mécanismes de garantie institutionnels créés par des organisations internationales
.................................................................................................................................................... 330
§ 3 – L’intervention des ONG et de la société civile dans les mécanismes de lutte contre la
corruption........................................................................................................................................ 332
A – L’éclosion de la société civile mondiale .................................................................. 332
B – Le rôle de l’ONG Transparency International dans la lutte contre la corruption ... 335
1 - Transparency International : lutter pour la transparence et l’intégrité de la vie

453
publique et économique ........................................................................................................ 335
2 – TI France ............................................................................................................. 338
3 - TI dans la rédaction et suivi des conventions de lutte contre la corruption
internationale ........................................................................................................................ 339
Section 2 Les organes internationaux spécifiques créés par les traités de lutte contre la
corruption internationale ..................................................................................................................... 343
§1 – La naissance des mécanismes institutionnels de contrôle des conventions de lutte
contre la corruption internationale ................................................................................................. 343
A - L’initiative en vue de l’élaboration d’un traité ........................................................ 344
B – La négociation et signature du traité ...................................................................... 346
C – Les clauses conventionnelles créant un mécanisme institutionnel de contrôle .... 347
§ 2 – Le fonctionnement des mécanismes de contrôle de l’application des textes de lutte
contre la corruption au niveau régional .......................................................................................... 349
A – La convention de l’OEA : le MESICIC....................................................................... 349
B - La convention de l’OCDE : le Groupe de travail de l’OCDE sur la corruption dans le
cadre de transactions commerciales internationales ................................................................. 353
C – Le Conseil de l’Europe : le GRECO........................................................................... 356
§ 3 - Le mécanisme de contrôle de l’application du texte de lutte contre la corruption au
niveau universel : le Mécanisme d’examen de l’application de la convention des Nations Unies
contre la corruption......................................................................................................................... 360
CONCLUSION .......................................................................................................................... 366

CHAPITRE 8 PROPOSITIONS D’AMELIORATION DES DISPOSITIFS JURIDIQUES


INTERNATIONAUX EXISTANTS............................................................................................... 367
§ 1 - Paragraphe introductif .............................................................................................. 367
Section 1 La réplique au niveau international d’un modèle national de mise en œuvre
efficace : l’exemple étatsunien ............................................................................................................ 369
§ 1 – La politique étatsunienne de mise en œuvre du FCPA : première approche ........... 369
A – L’analyse favorable de la mise en œuvre étatsunienne par le Groupe de travail de
l’OCDE ......................................................................................................................................... 369
B - Autorités de poursuite étatsuniennes : moyens et volonté importants ................. 372
1 – La Fraud Section du DOJ ..................................................................................... 373
2 - La Criminal division du DOJ ................................................................................. 373
3 – L’Enforcement division de la SEC ........................................................................ 373
4 – Conclusion sur les autorités de poursuites en matière du FCPA........................ 374
§ 2 – La tentation de la réplication du système étatsunien de justice transactionnelle en
droit international ........................................................................................................................... 374
A – La justice transactionnelle américaine en matière du FCPA .................................. 374
1 - Plea agreements ................................................................................................. 376
2 - Deferred prosecution agreements et des Non-prosecution agreements ............ 376
B – Comparaison des droits nationaux en matière de justice transactionnelle ........... 378
C - L’utilisation des Corporate monitor ........................................................................ 380
D - Confiscation des produits de la corruption ............................................................. 381
Section 2 L’étude des hypothèses de changement de paradigme en matière de lutte contre

454
la corruption en vue d’une efficacité accrue ........................................................................................ 383
§ 1 - Le rôle potentiel de la répression internationale dans la lutte contre la corruption 384
A – La corruption dans le contexte de la répression internationale............................. 384
1 – L’évolution de la répression internationale : approche synthétique ................. 384
2 – L’évolution de la lutte contre la corruption : vers la troisième étape du processus
d’internationalisation du droit pénal ..................................................................................... 387
B – La modification du Statut de Rome : la corruption comme crime d’agression
économique ................................................................................................................................ 389
1 – L’identification de la corruption en tant que crime international ..................... 389
2 – L’idéal de la modification du Statut de Rome .................................................... 391
C - La corruption incriminée par la Cour pénale internationale en tant que crime contre
l’humanité ................................................................................................................................... 393
1 – Corruption et « déportation ou transfert forcé de population » ....................... 394
2 – Corruption et « autres actes inhumains » .......................................................... 396
§2 - Une métamorphose souhaitable de la lutte contre la corruption : le respect par les
sociétés multinationales des droits de l’homme ............................................................................. 397
A - Corruption et droits de l’homme ............................................................................ 398
B – Les indicateurs du développement croissant de la protection des droits de l’homme
dans le commerce international ................................................................................................. 400
1 – Le Pacte mondial des Nations Unies .................................................................. 400
2 – Les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales
............................................................................................................................................... 402
C - Le travail du Professeur J. Ruggie : Représentant spécial des Nations Unies pour la
question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises ............ 404
D – Les entreprise et les droits de l’homme : vers un nouveau paradigme juridique
international ............................................................................................................................... 407
CONCLUSION .......................................................................................................................... 411

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE ......................................................................412

CONCLUSION GENERALE ................................................................................. 413

BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................. 415

SIGLES ET ABREVIATIONS ............................................................................... 437

INDEX ALPHABETIQUE .................................................................................... 441

TABLE DES MATIERES ..................................................................................... 447

455
Les dispositifs juridiques internationaux de lutte contre la corruption des agents publics étrangers

Les Etats ont depuis de nombreuses années incriminé la corruption des agents publics nationaux. La crise de
l‟énergie de 1973 et la fin de la guerre froide de 1989 ont néanmoins stimulé l‟apparition d‟une forme spécifique de
corruption jusqu‟alors passé sous silence par les textes juridiques : la corruption d‟un agent public étranger.

La lutte contre la corruption des agents publics étrangers a récemment connu un essor international normatif
considérable notamment avec l‟entrée en vigueur de plusieurs conventions internationales à visée régionale et universelle.
La genèse de cette réaction internationale est avant tout d‟inspiration étatsunienne. Promulgué aux Etats-Unis en 1977
dans le sillage de l‟affaire du Watergate, le Foreign Corrupt Practices Act fut la première loi nationale incriminant la
corruption d‟un agent public étranger. Cette loi est progressivement devenue la matrice des textes internationaux
ultérieurs.

La lutte contre la corruption internationale doit faire face aux difficultés de mise en œuvre qui sont inhérentes à
l‟application des conventions internationales. Il est parfois estimé que ce dispositif juridique international n‟est pas
toujours d‟une efficacité parfaite. Un premier niveau de recherche qui consiste à opérer une analyse des textes
juridiques, conduira à étudier la dimension opératoire des dispositifs en vigueur. A la lumière des avis des praticiens
contemporains de lutte contre la corruption, un second niveau d‟analyse complétant le premier aura pour objectif final de
formuler des propositions d‟amélioration des mécanismes juridiques existants en droit international positif.

The international normative framework combating the corruption of foreign public officials

States have criminalised the corruption of their national public officials for many years. The 1973 energy crisis
and the end of the Cold War catalyzed however the increase of a specific form of corruption which had been until that
point largely ignored by the legislators: the corruption of a foreign public official.

The combat against the corruption of foreign public officials has recently witnessed major international
normative developments notably with the entry into force of several international conventions at regional and g lobal
levels. The genesis of this international reaction can largely be attributed to the United States. In the wake of the
Watergate scandal, the Foreign Corrupt Practices Act was signed into law by President Carter in 1977 becoming the first
national legislation criminalising the corruption of foreign public officials. This law progressively became the template
of the future international texts.

The fight against this form of corruption faces many of the enforcement difficulties which are inherent to the
application of international conventions. The efficacy of the international legal framework can logically be questioned.
A primary analysis of the pertinent legal instruments will therefore attempt to highlight the strengths and weaknesses of
this framework. In the light of the opinion of various experts in the combat against corruption, a second level of analysis
which completes the first shall formulate proposals to improve the existing legal mechanisms in current international law.

_________________________________________________________________________________________________

DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Agent public étranger, commerce international, coopération judiciaire interétatique, corruption active, Cour Pénale
Internationale, Foreign Corrupt Practices Act, harmonisation des textes internationaux, justice transactionnelle,
monitoring, recouvrement des avoirs, responsabilité des personnes morales.

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Université du Sud Toulon –Var. UFR Faculté de droit.

Centre de droit et de Politique Comparés Jean-Claude Escarras. UMR CNRS 6201

35, avenue Alphonse Daudet – BP 1416

83056 TOULON Cedex

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