Cours Ecophysiologie Des Organismes Aquatiques

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Ecophysiologie des organismes S.

KHERIJI

L’eau milieu de vie des organismes aquatiques


L’eau, vecteur des gaz, des particules minérales et de la matière organique morte et vivante
mais aussi des polluants, constitue donc un milieu complexe, à la fois source de vie et milieu
de mort pour tous les organismes aquatiques dont toutes les fonctions vitales (Locomotion,
respiration, alimentation, reproduction…) sont directement dépendantes d’elle.

Les propriétés de l’eau qui sont très différentes de celles de l’air, imposent aux organismes
aquatiques des conditions parfois avantageuses mais aussi souvent particulièrement
contraignantes vis-à-vis de leurs exigences écophysiologiques.

Les caractères physico-chimiques de l’eau conditionnent les comportements et les activités


vitales de ces organismes. Parmi les paramètres physicochimiques, outre les facteurs
hydrodynamiques qui sont importants, les facteurs prépondérants les plus souvent évoqués
sont la salinité et la température. Cependant, la lumière, le pH, le taux d’oxygène dissous, la
dureté (eau douce), la turbidité et surtout la richesse en sels nutritifs (Effet indirect sur la
production de la matière organique ou « production primaire ») constituent des variables
essentielles exerçant des effet important sur la respiration, l’osmorégulation, l’alimentation,
la reproduction donc la survie des espèces en fonction de leurs exigences physiologiques
spécifiques et de leurs besoins vitaux.

I. Propriétés de l’eau
1. Propriétés mécaniques de l’eau

1.1. Densité et viscosité


La densité de l’eau et sa viscosité sont respectivement 800 fois et 60 fois supérieures à celle
de l’air. Etant donné que le squelette des organismes aquatiques, particulièrement les
poissons, représente souvent une faible proportion (≈ 40%) de la masse corporelle [à la
différence des vertébrés aériens], la densité de ces organismes est plus ou moins proche de
celle de celle du milieu ambiant. Ainsi l’effort musculaires de sustentions et les dépenses
énergétiques afférentes en sont amoindris. En revanche, l’effort de propulsion (nage) et la
dépense d’énergie qui lui est associée sont considérablement accrus.

1.2. Vitesse du courant


Les courants d’eau constituent des caractéristiques très importantes de l’environnement des
organismes aquatiques. Ils déterminent le choix de leurs habitats, d’alimentation et de
reproduction et constituent des stimulis conditionnant la communication intra et
interspécifique, l’orientation et les migrations.

1.2.1. Dans les eaux douces


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La vitesse du courant dans un cours d’eau est la résultante de plusieurs paramètres


physiques du milieu : La pente, la profondeur, la largeur et la distance à la source. On
distingue des zones rapides ou « lotiques » (Cascades, radiers) et des zones calmes ou
« lentiques » (mouilles, fosses).

La vitesse du courant a une double action sur les organismes dulçaquicoles :

- Effets directs de la vitesse du courant par son action mécanique et par sa force
d’entrainement.

-Effets indirects sur la température, le taux d’oxygène, le type de substrat et les composants
floristiques et faunistiques. Ceci mène à différencier deux grandes catégories d’espèces
dulçaquicoles adaptées à un type d’hydrodynamisme :

* Les rhéophiles : occupent les faciès lotiques des zones amont caractérisés par des eaux
rapides, fraiches, peu profondes et bien oxygènées. Exemple : Les salmonidès à profil
subcirculaire , la truite Salmo trutta fario

* Les limnophiles : Occupent les faciès lentiques des zones aval correspondant à des cours
d’eau plus larges et plus profonds, aux eaux lentes, plus chaudes et moins oxygénées.
Exemple : Les cyprinidés à profil transversale , Carpe, Cyprinus carpio.

1.2.2. En mer
On distingue plusieurs types de courants marins :

- Les grands courants marins : Utilisés par les larves de poissons pour leur dérive locale ou
transocéanique. Exemple : Larves leptocéphales des anguilles.

- Les courants de marée (ou tidaux) : Déterminent les comportements de certaines espèces
de poissons littoraux qui les utilisent dans la zone intertidale, dans le transport passif au
moment du flot tandis qu’ils s’enfouissent dans le sédiment au moment du jusan.

Exemple 1 : Larves de poissons plats Solea solea. Le gain d’énergie lors d’un tel transport
passif est évalué à 90% chez les juvéniles et 40% chez les adultes par comparaison avec une
nage active sur une même distance.

Exemple 2 : Les anguilles, migrateurs amphihalins, adoptent un transport sélectif par marée
montante, au stade civelle, afin de pénétrer dans les fleuves et les lagunes et par courant de
marée basse, au stade anguille argentée, avant d’entre prendre leur migration
transocéanique.

- Des courants de dérive côtiers : utilisés par certains prédateurs comme le loup
(Dicentrarchus labrax) qui présente un comportement fortement réhotaxique positif (face
au courant) et chasse les poissons dans les zones à forte turbulence qui déstabilise les
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proies. Ces courants jouent également un rôle important dans le transport et donc la
dispersion des larves dans les zones littorales et les milieux estuariens et lagunaires.

- De véritables « courants potamiques marins » : Créés lorsque les eaux continentales


arrivent en mer. Ils jouent un rôle prépondérant tant par leur volume et leur vitesse que par
les informations chimiques qu’ils véhiculent (Phéromones).

- Des courants verticaux : générés par le vent « Upwelling », par des différences thermiques
ou par des différences combinée de température et de salinité (courant de densité),
favorisent le mixage des eaux, donc un approvisionnement en sels nutritifs des couches
supérieures à partir des eaux profondes et conditionnent la production primaire. Les grands
courants côtiers d’Upwelling sur les marges continentales de l’Atlantique, du Pacifique et de
l’Océan indien induit par les vents sont générateurs d’apport de nutriments dans les eaux de
surface qui conditionnent l’alimentation des espèces pélagiques comme les sardines et les
anchois dont déterminent les biomasses.

-Des turbulences hydrologiques : se produisent dans les eaux de surface sous l’action des
vents qui peuvent perturber l’activité de nage et la capture des proies planctoniques par les
larves de poisson.

1.3. Pression hydrostatique et variation de niveau


La distribution bathymétrique des poissons est déterminée par la pression
hydrostatique, facteur primordial en milieu océanique. La hauteur d’eau
écophysiologiquement disponible peut être modulée par les barrières physiques que sont la
thermocline et la pycnocline (variation rapide de la densité de l’eau) mais aussi par
l’intensité lumineuse qui détermine les limites de la « zones photique », donc la présence de
la végétation planctonique et benthique.

Le poisson le plus profond serait un Ophiidés Abyssobrotula galathae observé dans le


pacifique à -8370m alors que la profondeur maximale est de -11020m. En méditerranée
occidentale, le dernier poisson observable, le Macrouridés Chalinura mediterranea se situe à
-2904m alors que la profondeur maximale est de -5107m.

1.3.1. Dans les cours d’eau

La profondeur détermine une ségrégation verticale d’espèces de poissons en fonction


de leurs adaptations morphologiques, de leur rhéophilie et de leurs comportements
alimentaires et reproducteurs. Les préférences bathymétriques des espèces varient
également avec le cycle nycthéméral, au cours de l’ontogénèse et en fonction du niveau des
eaux.

1.3.3. En milieu lacustre


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Les populations ichtiyques présentent des variations saisonnières d’occupation


bathymétrique des lacs en fonction des profils thermiques. Ainsi les bancs de gardons Rutilus
rutilus. Se situent à plus grande profondeur (-30 à -40m) en période hivernale qu’au cours de
l’été (-20m).

1.3.3. En milieu marin


On peut classer les poissons marins en fonction de leur position bathymétrique et par
rapport aux rivages ainsi qu’en fonction de leur relation avec le substrat.

a. En fonction de leurs rapports avec le substrat

- Les poissons pélagiques : qui vivent en pleine eau à proximité de la surface (Scombridés,
Clupéidés…)

- Les necto-démersaux : qui se positionnent relativement à faible profondeur au voisinnage


du fond dont ils se rapprochent pour se nourrir (nombreux sparidés et Serranidès)

- Les benthiques : qui se situent au contact même du substrat (poissons plats, Gobiidès…)

b. En fonction de leur rapport avec le rivage

- Les littoraux ou côtiers : vivant à proximité du rivage entre 0 et 15-20m de profondeur.

- Les néritiques : qui vivent sur le plateau continental.

2. Facteur thermique
La température est un important paramètre physique de l’environnement puisqu’elle
contrôle en partie la solubilité des gaz, la densité, la viscosité et conditionne les activités
métaboliques au niveau cellulaire en terme de synthèse et de fonctionnement des enzymes
qui sont thermosensibles et thermolabiles ainsi que de fluidité des membranes biologiques
qui jouent un rôle clé dans les échanges transmembranaires.

3. Facteur halin
La salinité exprimée en S‰ ou en UPS (unité pratique de salinité) est un facteur essentiel qui
justifie en grande partie la séparation entre le domaine marin ou « thalassique », le domaine
des eaux douces ou « potamique » et celui des zones de contact et de mélange que sont les
eaux saumâtres. La répartition des poissons entre ces divers types d’eau dépend
essentiellement de leurs capacités d’adaptation aux différentes salinités.

4. Facteur lumière
La lumière représente un facteur écologique important et complexe en raison de multiples
aspects relatifs à sa qualité (spectre des couleurs), à sa quantité (intensité lumineuse) et à sa
périodicité (photopériode). En effet, des processus biochimiques, diverses fonctions
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physiologiques (alimentation, croissance, reproduction..) et de nombreux comportement de


poissons sont synchronisés avec les alternances jour-nuit et rythmés par les fluctuations
journalières et saisonnières de la photophase.

5. Gaz dissous
La proportion des gaz présents dans l’eau diffère de celle de l’air. De plus, La quantité de gaz
dissous est inversement proportionnelle à la température et à la salinité. La teneur en O 2 et
CO2 varie en fonction des équilibres chimiques (pH), des activités métaboliques (respiration,
photosynthèse) et de l’activité bactérienne (fermentation).

6. pH
Le pH traduit la concentration en ions H+. Une eau est acide si son pH se situe entre 0 et 7 ;
elle est neutre à pH 7 et elle est basique pour des pH de 7 à 14. Le pH dépend de l’équilibre
des ions carbonates et bicarbonates qui constituent la réserve alcaline de l’eau.

CaCO3 +2 H2O + 2 CO2 ↔ Ca++ + 2H+ + 2 HCO-3

La formation du CO2 à partir des carbonates entraîne la diminution des ions hydrogènes (H +)
et par la suite l’augmentation du pH de l’eau.

7. Ions

La composition ionique de l’eau varie de l’eau douce à l’eau de mer.

Composition ionique en mmol.Kg-1 d'eau

ions Eau douce Eau de Eau dure de Eau de mer Eau salée mer Morte
de lac rivière rivière (moyenne) (Bad water, (Paléstine)
(lac ( (rivière Dead valley,
Nipissing, moyenne) Tuscarawas, Califonie)
Ontario) Ohio)
Sodium 0,17 0,39 6,13 475,4 640 1955
Magnésium 0,15 0,21 0,66 54,17 6 2028
Calcium 0,22 0,52 5,01 10,34 32 481
Potassium - 0,04 0,11 10,07 16 219
Chlorure 0,03 0,23 13,44 554,4 630 7112
Sulfate 0,09 0,21 1,40 28,56 54 5,3
Bicarbonate 0,43 1,11 1,39 2,37 3 3,7
Bromure - - - - - 74
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Principaux composants de l’eau de mer

La teneur en calcium est importante dans les eaux douces. Leur dureté se mesure par
leur taux de calcium qui se présente sous la forme de bicarbonates CaHCO3 et de carbonates
CaCO3. La teneur en calcium des eaux douces varie considérablement d’une région à une
autre ; elle est plus élevée dans les zones calcaires que dans les zones granitiques. Ce facteur
se révèle important dans la mesure où sa présence influence le potentiel trophique des
cours d’eau et de ce fait la biomasse ichtiyque. Exemple : Un taux élevé en calcium favorise
la croissance des truites communes, Salmo trutta fario.

8. La turbidité
La turbidité représente la charge en matière minérale et organique particulaire en
suspension MES. Elle constitue un facteur important pour le développement de la microflore
et de la macroflore aquatique dans la mesure où elle conditionne la quantité et la qualité de
la lumière accessible à l’hydrosystème. Elle contrôle donc la production primaire, premier
maillon de la chaine alimentaire dans la zone euphotique.

La couleur de l’eau ne dépend pas seulement de la charge en particules minérale en


suspension, qui est considérable en période de crue des fleuves et des rivières, et de leur
nature, mais aussi de la richesse en acides humiques et de la densité en phytoplancton et
parfois du zooplancton ainsi que de la nature des pigments.

Exemple : Les conditions de lumière diffuse dans une eau trouble, peuvent se révéler
bénéfiques pour des larves du sandre américain Stizostedion vitrium, en termes de survie, de
vitesse de nage, de taux de croissance et de remplissage de la vessie gazeuse, par
comparaison avec des élevages en eau claire.

9. Matière organique, déchets azotés et nutriments


D’origine végétale ou animale, la matière organique morte se présente sous plusieurs
formes : Dissoute MOD (˂0,5µm), finement particulaire (0,5 µm à 1mm) ou grossièrement
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particulaire MOP (˃ 1mm). La richesse en MOD et en MOP, dans les écosystèmes


dulçaquicoles, provient aussi bien des végétaux et des animaux aquatiques que du système
racinaire de la végétation rivulaire. En milieu marin, la MOD et la MOP a pour origine des
apports continentaux et intrinsèques liés aux activités et aux cycles biologiques des
organismes vivants qui peuplent ce milieu.

La matière organique animale, sous forme de déchets azotés provenant des


excréments et des cadavres de toutes sortes d’organismes, y compris les poissons, est
recyclée dans le milieu, tout comme les végétaux morts, après minéralisation, au profit du
phytoplancton ou des macrophytes.

D’autre part, la concentration en éléments azotés (ammonium NH4+, nitrites NO2-,


nitrates NO3-), en éléments phosphorés (Phosphates PO4--), en chlorures, sulfates,
carbonates et silicates, dans des proportions convenables, conditionne le potentiel
trophique des hydrosystèmes d’où leur qualificatif de « sels nutritifs » ou de « nutriments ».
Leur concentration est très variable et conditionne le développement des productions
végétales (Phytoplancton et macrophytes) et sont donc à l’origine des chaines alimentaires
et des réseaux trophiques, et conduit à la distinction de plusieurs types d’eau :

- Oligotrophe : pauvre

- Mésotrophe : moyennement riche

- Eutrophe : riches en éléments nutritifs

10. Polluants
Les polluants d’origine agricole, industrielle et urbaine sont responsables de la
dégradation de la qualité de l’eau. Les organismes aquatiques sont fortement soumis à
l’impact de la dégradation chimique de la qualité de l’eau :

- Soit directement en raison de leur sensibilité vis-à-vis des molécules toxiques.

- Soit indirectement en raison de leur toxicité qui conduit à des modifications


physicochimiques de l’eau et des perturbations biotiques (modification de la chaine
trophique) dans le milieu de vie.
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I. Quelques définitions
1. L’écophysiologie
L’écophysiologie est une discipline de la biologie, à la frontière entre l’écologie et la
physiologie, qui étudie les réponses comportementales et physiologiques des organismes à
leur environnement.

L’intégration des réponses comportementales et physiologiques permet de comprendre


comment les populations humaines, animales et végétales font face aux contraintes de leur
milieu (par exemple, température, altitude, oxygène, disponibilité en nourriture...).

Les interactions entre les organismes vivants et leur environnement sont innombrables ; les
animaux peuvent s’adapter aux conditions environnementales en augmentant leurs
dépenses énergétiques… Augmentation dans certaines limites, car une utilisation excessive
de leurs réserves détériorerait leur condition corporelle et compromettrait leur survie.

L’énergétique c’est l’étude des processus par lesquels les animaux équilibrent leurs apports
et leurs dépenses énergétiques. L’objectif est de comprendre comment les animaux
optimisent leur budget énergétique et prévoient des situations critiques et comment les
performances physiologiques des animaux sauvages en plus des stratégies
comportementales permettent à ces animaux de faire face aux conditions
environnementales.

2. L’homéostasie
Le fonctionnement des animaux dépend du maintien de la stabilité du milieu intérieur. La
capacité des animaux à survivre dans des environnements stressants et variables représente
directement leur capacité à maintenir un environnement interne stable.

L’homéostasie: C’est une condition de relative stabilité interne maintenue par des systèmes
de contrôle et de régulation physiologique d’où la notion de l’acclimatation.

3. L'acclimatation

L'acclimatation est une forme d'adaptation physiologique par laquelle l'animal est capable
de modifier sa tolérance à des facteurs environnementaux. Elle répond souvent aux
changements saisonniers du climat.

On considère normalement l'acclimatation comme un processus relativement lent, comparé


aux ajustements physiologiques rapides (frisson) que de nombreux animaux sont capables
de faire en réponse aux changements soudains des conditions environnementales.
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En réalité, il y a toute une gamme de processus d’adaptation allant des réflexes


physiologiques rapides à l’acclimatation lente.

Par exemple, quand une personne est transportée brusquement de basse à haute altitude, le
taux d'oxygène dans son sang baisse à cause de la raréfaction de l'air. Au début cette baisse
est compensée par une accélération de la respiration.

Cependant, ce type de réponse physiologique implique une grande dépense d'énergie. Des
formes moins coûteuses mais plus lentes d'adaptation physiologique (régulations)
supplantent alors la réponse physiologique rapide (reflexe) et celles-ci sont à leur tour
remplacées par des formes d'acclimatation à plus long terme, comme la fabrication de plus
de globules rouges.

Même ceci a son coût, puisqu'il faut de l‘énergie pour produire des globules
supplémentaires, et que leur présence dans le sang en augmente la viscosité et par la même,
le travail que le cœur doit fournir pour faire circuler le sang dans tout le corps. Quand cette
personne redescend en basse altitude, tous les processus adaptatifs se déroulent en sens
inverse. Cette réversibilité est caractéristique de l'adaptation physiologique (par opposition
à l'adaptation génétique qui se fait au fil de plusieurs générations)

A. La régulation physiologique des organismes aquatiques


vis-à-vis de la variation de la salinité
La salinité exprimée en S‰ ou en UPS (unité pratique de salinité) est un facteur essentiel
qui justifie en grande partie la séparation entre le domaine marin ou « thalassique », le
domaine des eaux douces ou « potamique » et celui des zones de contact et de mélange
que sont les eaux saumâtres. La répartition des poissons entre ces divers types d’eau
dépend essentiellement de leurs capacités d’adaptation aux différentes salinités. Un
« préférendum halin » caractérise les divers stades de développement de chacune des espèces.

Notion de Sténohalinité et d’Euryhalinité


Les espèces dulçaquicoles sont en majorité sténohalines et subissent un « stress halin » dès
qu’elles sont exposées à des eaux saumâtres à 10%. Certaines espèces d’eau douce
possèdent des capacités d’adaptation à des salinités variables comme les gambusies, les
cyprinodontidés. Les espèces marines sont pour la plupart relativement sténohalines.
Certaines sont euryhalines comme les muges, les athérines, la daurade… et participent au
peuplement des estuaires et des zones aval des fleuves et des oueds.
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I. L’osmorégulation Chez les poissons


Les poissons vivent dans des milieux, dont la concentration ionique, donc la pression
osmotique, est variable. De nombreux habitats (marins, estuariens, lagunaire) présentent
naturellement des variations halines qui peuvent être de grande amplitude et de nombreux
poissons supportent des changements souvent saisonniers de salinité (espèces euryhalines)
ou se déplacent entre ces divers habitas halins (espèces amphyalines).

La pression osmotique est exprimée en milliosmoles par volume (litre) qui définit
l’osmolarité : mOsm/L. Elle peut aussi être traduite en milliosmoles par masse (kilogramme)
qui exprime l’osmolalité : mOsmo/Kg.

La pression osmotique: C'est une pression qui correspond à la quantité de substances


dissoutes dans un fluide. Dans l'eau de mer, cette pression varie entre 800 et 1200 mOsm
(milli osmoles); elle est essentiellement due à la présence de chlorure de sodium, sel
dominant du milieu marin.
Osmose: Lorsque deux fluides de pressions osmotiques différentes sont séparés par une
membrane semi-perméable (imperméable aux ions et perméable à l'eau), l'eau se déplace
vers le milieu où la concentration est la plus élevée jusqu'à ce qu'il y ait équilibre entre les
deux fluides: c'est le phénomène d'osmose.
Fluides corporels: Ce sont les fluides intracellulaires et extracellulaires (plasma).

1. Chez les téléostéens


Une salinité ambiante de 8 à 12 ups assure habituellement un certain équilibre avec
le milieu intérieur des poissons qui est isotonique à 290-400 mOsmol/Kg. Toute
concentration inférieure ou supérieure à 8-12 ups (unité pratique de salinité) du milieu
environnant implique des mécanismes régulateurs « homéostasiques » destinés à maintenir
une concentration en eau et en ions des fluides corporels et du milieu intracellulaire. D’une
façon générale, l’osmolalité du milieu intérieur des téléostéens se situe entre des valeurs de
290 à 400 mOsmol/kg ce qui correspond à un tiers de la concentration osmotique de l’eau
de mer.

Na+ Cl- K+ Ca++ Mg++ HCO3- O

Eau de mer 500-560 550-600 10 10 50 3 1000-1100

Eau douce 0,1-5 0,2 0,05 0,5-5 0,2-0,4 1 1-10

Téléostéens 160 130 5 6 2 4 ≈320


d’eau douce
Téléostéens 165-175 145-160 6 6 3 5 ≈350
d’eau de mer
Concentration ionique (mM) et osmolarité O (mOsml/l) du plasma sanguin d’espèces dulçaquicoles et
marines de poissons.
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PO plasma PO urine Uosm/Posm FG V %r


Anguille en 280 30 0.1 0.4 0.3 22-27
eau douce
Anguille en 300-350 270 0.8-0.9 0.1 0.06 40-42
eau de mer

Concentration ionique (mM) et pression osmotique PO (mOsml/L) du plasma sanguin de l’anguille Anguilla
anguilla placée en eau douce et en eau de mer.

Uosm/Posm : pression osmotique urinaire par rapport au plasma ; FG : filtration glomérulaire ml/h pour
100g ; V : volume d’urine ml/h pour 100g ; % r ; pourcentage d’eau résorbée.

L’existence de gradients osmotiques et ioniques entre les milieux extérieurs et intérieurs


implique une régulation de pertes ou de gains d'eau ainsi qu’une Régulation de pertes ou de
gains de Na+ et Cl-. Le maintien des gradients en plus de la régulation des gains et des pertes
entrainent des phénomènes d'entrée et de sortie qui à leur tour font intervenir mécanismes
actifs et passifs.

Les phénomènes passifs : ce sont les mouvements diffusionnels d'eau, de Na+ et Cl- qui
s'établissent suite à l'existence des gradients. Les phénomènes actifs consomment de
l'énergie et s'opposent aux mouvements passifs et interviennent dans le transport contre
gradient des ions Na+ et Cl- ainsi que dans les mouvements osmotiques d'eau couplés à un
transport actif d'ions.

Classification des poissons en fonction de leurs capacités osmorégulatrices

L’osmolarité sanguine des poissons peut évoluer de différentes manières en fonction des
espèces. On distingue:

 Les hyperosmorégulateurs d'eau douce : Osmolarité du sang maintenue à une valeur


supérieure à celle du milieu extérieur lorsque cette dernière est basse
 Les hyperosmorégulateurs marins :
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o Forts: s’adaptent à l’eau douce


o Faibles: ne peuvent survivre qu'en eau saumâtre
 Les hypoosmorégulateurs marins : Osmolarité du sang maintenue à une valeur inférieure
à celle du milieu extérieur.
 Les hyper-hypoosmorégulateurs :
o Marins, Osmolarité du sang Inférieure au milieu extérieur
o Eau douce, Osmolarité du sang Supérieure au milieu extérieur

Les organes d'osmorégulation

Les phénomènes impliqués, qu'ils soient actifs ou passifs, ne concernent finalement qu'un
nombre limité de structures.

Il y a tout d'abord le tractus digestif qui peut être une source de gains d'eau et d'ions à un
bout et une source de perte d'eau et d'ions à l'autre.

Il y a ensuite les systèmes dits rénaux (les néphrons). Ces systèmes sont toujours une
source de perte d'eau et d'ions. La plupart des téléostéens possèdent des glomérules. La
taille et le nombre de glomérules variant selon les espèces et surtout selon le type d’habitat
(eau douce ou marine).

L’importance du glomérule est en rapport avec la filtration urinaire:

Glomérule important (Eau douce): entre 48 et 105µm selon les espèces (71µm) éliminant
400 cm3 d’urine/kg/j. Filtration glomérulaire active.

Glomérule peu important ou absent (Eau de mer): entre 48 et 50 µm éliminant 2 à 5 cm3


d’urine/kg/j. (économie d’eau)

Il y a aussi une série d'organes particuliers servant plus ou moins spécifiquement au


transport actif d'ions. Ils peuvent être selon le cas une source de gain ou de perte. Il s'agit
des branchies des poissons téléostéens.

Les branchies sont un site important de diffusion passive de l’eau et d’un transport actif
d’ions entre le milieu intérieur et extérieur.

Les échanges sont dévolus à des cellules spécialisées ou « ionocytes » dénommées


également « cellules à chlorures ». Elles sont riches en mitochondries qui fournissent
l’énergie nécessaire aux échanges d’ions contre gradient ainsi que d’un réticulum
endoplasmique qui assure la biosynthèse des enzymes ATPasiques. Deux types de cellules à
chlorures α et β ont été identifiés. Ils correspondent à deux fonctions différentes: excrétion
en eau salée et absorption en eau douce.

Il y a enfin les téguments externes qui sont le siège de l'essentiel des mouvements
diffusionnels. Ils peuvent être la source de pertes ou de gains d‘eau et d'ions.
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LES POISSONS ET LE MILIEU MARIN

Les poissons osseux marins ont une pression osmotique interne qui varie entre
370 et 480 mOsm. Leur peau, malgré la présence d'écailles, est considérée
comme une membrane semi-perméable. L'eau est attirée vers le milieu le plus
salé, le poisson a donc tendance à se déshydrater. Pour lutter contre la
déshydratation, une régulation se produit entre les fluides extracellulaires et le
milieu extérieur. Une régulation secondaire existe entre fluides intra et
extracellulaires. Le processus de régulation permet l'absorption et le maintien
du potassium nécessaire à la vie cellulaire et excrète le sodium vers l'extérieur.
C'est le principe des "pompes à sodium" des cellules à chlorures (le chlorure de
sodium est nocif à la vie cellulaire).

Un poisson perd donc de l'eau au travers de sa peau. Cette perte est limitée par
la présence d'écailles et par la sécrétion de mucus. La principale zone
d'échanges et source de pertes importantes se trouve au niveau des branchies.
Pour compenser les pertes d'eau, un poisson boit l'eau de mer; le taux de
boisson est variable suivant l'espèce et la salinité du milieu. Plus le milieu est
salé, plus le poisson boit pour compenser ses pertes. Un poisson osseux boit en
moyenne 20 à 25 % de son poids par jour, jusqu'à 40 % maxi.
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Les cellules à chlorures se trouvent au niveau des branchies. Les transferts


ioniques se font sous l'action d'une enzyme: la "Na+,K+,ATPase". Le sodium, le
chlore et le potassium sont introduits dans la cellule (ex au centre). Le sodium
est excrété depuis la cellule vers les réseaux tubulaires (il y a échange d'ion
avec du potassium K+), puis rejeté vers l'extérieur par les jonctions percées.
L'excrétion du chlore se fait par la membrane apicale, elle est également liée à
l'activité enzymatique.

2. Les chondrichtyens
Ces espèces n’ont pas de problèmes de balance hydrique, leur sang étant isosmotique au
milieu extérieur.

Les pertes d'urée seront limitées par une réabsorption au niveau rénal.

Les chondrichthyens paraissent être les seuls animaux capables d'effectuer une réabsorption
rénale active d'urée importante. Le mécanisme impliqué reste à l'heure actuelle totalement
inconnu. Il est très efficace.

On a en effet pu démontrer que chez Squalus acanthias plus de 90 % de l'urée filtrée au


niveau du rein est réabsorbée (urée filtrée: 1225 mmol/kg.h - urée excrétée: 115
mmol/kg.h).
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TMAO: Oxyde de triméthylamine

L'osmorégulation va porter ici sur une régulation des gains de NaCl.


Ecophysiologie des organismes S. KHERIJI

Les poissons cartilagineux, (Requins, Raies), ont une pression osmotique


avoisinant les 1000 mOsm, valeur très voisine de celle du milieu marin. Leur
surface branchiale est assez faible et ne possède pas de cellules à chlorures. Par
contre, il existe chez les cartilagineux une glande rectale capable de réguler les
excès de sels.

II. Invertébrés aquatiques


Sont en général osmoconformes: ne contrôlent pas activement l’osmolarité de leur milieu
intérieur et s’adaptent au milieu extérieur (en équilibre avec leur milieu).

+ +
Na Na

- -
Cl Cl

M. Extracellulaire M. Extérieur
Ecophysiologie des organismes S. KHERIJI

La régulation physiologique des organismes aquatiques vis-


à-vis de la variation de la température
La thermorégulation chez les poissons
Certains ectothermes, dont les poissons, sont capables d’une
thermorégulation.

En effet, chez certains poissons pélagiques de grande taille comme différentes


espèces de thons et de requins sont capables de maintenir la température
interne de certaines masses musculaires à plusieurs degrés au dessus de la
température de l’eau.

Cependant, les poissons sont les vertébrés dont les pertes de chaleurs sont les
plus importantes puisqu’ils exigent de grandes surfaces d’échange avec le
milieu pour respirer notamment au niveau des branchies.

Le principe du système circulatoire échangeur de chaleur peut être schématisé


de la manière suivante:

le sang, chauffé par l'activité métabolique, est dirigé par les veines vers les
branchies pour y être ré oxygéné; ce sang veineux chaud va donner une partie
de sa chaleur au sang bien oxygéné, mais plus froid, qui vient des branchies et
se dirige, dans les artères, vers les muscles.

Cet échange de chaleur peut se faire grâce à l'existence d'un écheveau de


vaisseaux capillaires, très fins et très rapprochés, Ces échangeurs sont appelés
des rétes mirabiles véritable dentelles de veines et d’artère accolés les unes
aux autres. Comme la circulation du sang dans les deux réseaux, artériel et
veineux, se fait en sens inverse, il y a échange de chaleur entre le sang veineux
« chaud» et le sang artériel « froid ».

L’écoulement du sang dans ces deux types de capillaires est ralenti par la
complexité même du réseau, ce qui favorise l‘échange de chaleur.

Ecophysiologie de la reproduction chez les poissons


Le climat change, le saumon peut-il s’adapter?
Ecophysiologie des organismes S. KHERIJI

La température est parmi les facteurs les plus structurants pour le milieu
aquatique d'eau courante et les plus susceptibles d'être affectés par les
évolutions du climat.

Ces évolutions ont un impact sur les poissons. Les changements climatiques
observés pour l'instant semblent encore trop faibles pour conduire à des
modifications profondes, comme des invasions ou des extinctions d’espèces.
Néanmoins, des chercheurs de l’INRA ont déjà observé des évolutions dans la
stratégie de reproduction chez le Saumon atlantique.
En effet, 3 populations de saumon atlantiques correspondant à 3 régions : Basse-Normandie,
Bretagne Nord et Bretagne Sud, avec un échantillon d’environ 21000 individus, ont été
étudiées sur une période de plus de 30 ans.

Il faut rappeler que Le Saumon atlantique (Salmo salar) est un poisson migrateur se
reproduisant en eau douce et grossissant en mer. La femelle enfouit ses œufs dans les
graviers des rivières. Après 1 ou 2 ans de vie en eau douce, les jeunes issus de ces œufs, les
tacons, migrent vers la mer (stade « smolt »). La phase marine dure 1 à 3 ans avant le retour
dans la rivière d’origine pour s’y reproduire. Le Saumon atlantique est une espèce
sténotherme d’eau froide (qui supporte peu les variations de température) et très sensible à
la qualité de l’eau.

la modification du milieu continental et marin (température et eutrophisation) semble


déclencher un processus adaptatif de l’espèce à un milieu devenu plus instable et
défavorable à ses exigences écologiques.

Modification des stratégies de reproduction

La plage de températures favorables pour le frai des saumons, en fin d’automne, varie de 3 à
12°C. Cependant, les femelles à maturité doivent impérativement expulser leurs ovules dans
un délai de 8 à 10 jours après ovulation sous peine de voir leur fécondabilité ou la survie des
œufs chuter considérablement. L’expulsion des œufs doit se faire à une température ne
dépassant pas 11.5°C.

Au cours des 20 dernières années, le pourcentage de temps pendant lequel l'eau a dépassé
ce seuil tolérable est passé de 4 à 11 %. De plus, les maxima journaliers égaux ou supérieurs
à 11,5°C créant une gêne ou un stress physiologique inhibiteur sont de plus en plus
fréquents, impliquant jusqu'à 60 % des jours de la période de reproduction.

Pendant ces périodes, les femelles ne peuvent pas se reproduire, mais la maturation des
œufs continue. Ainsi, la réduction de la fenêtre de ponte pourrait conduire à des hivers sans
reproduction efficace si la température de l’eau continue à augmenter.
Ecophysiologie des organismes S. KHERIJI

Une telle éventualité est de nature à mettre en danger la population, voire à la conduire à
l'extinction si le phénomène persiste plus de 3 années consécutives.

Suite à cette instabilité du milieu, on a constaté qu’une certaine proportion des juvéniles
mâles, appelés mâles précoces, sont matures dès la première année de vie en eau douce
avant le départ en mer. Les femelles se reproduisent toujours après migration marine :1 ou 2
ans.

Ils participent au frai aux côtés des grands mâles anadromes (ayant séjourné en mer) et
peuvent féconder jusqu'à 65 % des œufs déposés. Il apparaît actuellement que leur
proportion augmente et que la stratégie de reproduction excluant la phase de croissance
marine est de plus en plus fréquente. Dans le même temps, la réduction de la fenêtre de
ponte pourrait conduire les femelles à être moins exigeantes sur le choix des mâles lors de
conditions thermiques favorables, permettant un plus grand succès reproducteur de ces
mâles précoces avec des conséquences encore inconnues pour le devenir de la population.

Ainsi, les tendances observées, d’après cette étude, montre une similitude très nette pour
les populations des 3 régions :

-une diminution de l'âge des individus en eau douce, avec l’augmentation des castillons (1 an
de mer), les males ne restent plus 3 ou 2 ans en mer

-une forte diminution des saumons de printemps (deux ans de mer ou plus) et une quasi-
disparition des individus à long séjour marin (3 ans de mer),

-tendance à l’élimination de la phase de la croissance marine

-un renforcement du caractère semelpare (reproduction unique) de l'espèce lié à la très


forte baisse des poissons qui retournent en rivière après un 2ème séjour en mer.

Ecophysiologie de l’huître creuse, Crassostrea gigas


Ecophysiologie de la reproduction chez l’huître creuse, Crassostrea gigas
L’intérêt du contrôle de la reproduction des huîtres est l’obtention de larves et/ou de
juvéniles de bonne qualité, en quantité suffisante et pendant une saison aussi longue que
possible.

L'huître creuse, Crassostrea gigas, est une espèce d'intérêt majeur pour la conchyliculture
nationale et mondiale. D’une façon générale, les objectifs techniques à atteindre pour
soutenir la demande croissante en juvéniles d’écloserie seraient :

(1) d'obtenir un allongement de la saison de reproduction, voire sa non-saisonnalité

(2) de produire des élevages fiables (des larves de bonne qualité, de taux de survie élevés…).
Ecophysiologie des organismes S. KHERIJI

Pour cela, il est nécessaire de maîtriser chacune des étapes du cycle de reproduction, ce qui
implique, en terme scientifique, de comprendre les mécanismes physiologiques mis en jeux
depuis l’initiation de la gamétogenèse jusqu’au développement larvaire ainsi que leur
régulation par les facteurs internes et les paramètres environnementaux.

Chez l'huître creuse, Crassostrea gigas, comme beaucoup d'autres organismes ectothermes,
la plupart des étapes spécifiques du cycle de vie est intimement liée aux phénomènes de
saisonnalité, càd aux changements de conditions biotiques et abiotiques.

Ainsi, la température agit sur toutes les fonctions biologiques de l'huître telles que
l'alimentation, la respiration, l'utilisation des réserves, le développement, la croissance et,
bien évidemment, la reproduction. Outre des variations de température, les huîtres
subissent aussi l'action d'autres facteurs environnementaux tels que des variations de
disponibilité en nourriture, de turbidité, de concentration en oxygène, de salinité, de pH, etc.
Dans ce contexte, la compréhension de la biologie de l’huître passe nécessairement par des
études faisant appel à de l’écophysiologie.

Effet de la température et des réserves


Afin de tester l'effet de la température et de la photopériode sur la gamétogenèse, des
huîtres adultes ont été conditionnées expérimentalement pendant un an en écloserie, dans
trois conditions de température et de photopériode différentes :

(1) conditions dites "naturelles" reproduisant les cycles de température et de photopériode


moyens enregistrés à Marennes-Oléron,

(2) conditions "accélérées", deux fois plus rapides que les cycles naturels,

(3) conditions "hivernales" constantes à 8°C et 8 heures de jour.

Ces expérimentations ont mis en évidence une grande plasticité physiologique de la


reproduction de C. gigas, dont le rythme se synchronise parfaitement sur celui des facteurs
température / photopériode. Des photopériodes décroissantes pourraient stimuler la
prolifération des cellules germinales souches alors que la température apparaît comme le
facteur prédominant dans la régulation des mitoses goniales et de la maturation. Les
températures basses (8°C - 11°C) semblent déclencher les mitoses goniales et les
températures élevées accélèrent le processus de maturation des cellules germinales.
L'utilisation de cycles de température et de photopériode modifiés (accélérés ou hivernaux)
permettent donc d’obtenir des gamètes toute l’année en écloserie, y compris en période
automnale généralement considérée comme réfractaire pour le conditionnement.

Déterminisme du conditionnement de Crassostrea gigas : II. effet de la


nourriture
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L’intérêt du contrôle de la reproduction des huîtres est l’obtention de larves et/ou de


juvéniles de bonne qualité, en quantité suffisante et pendant une saison aussi longue que
possible.

Une étude sur la variabilité du cycle de reproduction de l'huître creuse, Crassostrea gigas, a
été réalisée (1) in situ dans la Baie des Veys (BDV) et dans le Bassin de Marennes-Oléron
(MO) et (2) en condition contrôlée à deux niveaux trophiques correspondant respectivement
à un apport journalier de 4% et 12% de matière sèche d’algues par matière sèche d’huître.
L’objectif général du travail était d’évaluer la relation entre l’abondance de nourriture et
l'intensité de la gamétogenèse. L'activité reproductrice a été décrite sur la base d’analyses
histologiques de la gonade.

Les huître élevées en présence d’une ration trophique riche (BDV et 12%) ont fortement
développé leur gonade (fig.1). Cependant, l'efficacité pour émettre leurs gamètes était
réduite, entraînant des phénomènes de ponte partielle et une période de résorption
prolongée jusqu'à l'hiver. Par contre, les huîtres élevées en régime nutritionnel appauvri
(MO et 4%) suivent un cycle de gamétogenèse saisonnier que l’on pourrait qualifier de
“classique”. Elles ont produit une gonade “normale” avec une émission de gamètes totale
pendant l'été et avec une période de résorption courte pendant l’automne.

En conclusion, Crassostrea gigas a montré une stratégie reproductrice plastique aux


différents niveaux de nourriture. Ainsi, la concentration de phytoplancton peut moduler le
processus reproducteur au niveau de (1) la production de gamètes, (2) l'efficacité de
l’émission de gamètes et (3) la durée de la période de maturité et de résorption de gamètes.

Exemple de l’influence de la température sur la physiologie de l'huitre Crassostrea gigas

A la suite d'une acclimatation de quatre semaines à différentes températures (25, 20, 15 et


10°C), pour une concentration donnée de nourriture (2.107 cellules de Chaetoceros
caLcitrans/l), un suivi de la croissance et de l'évolution des constituants biochimiques de
Crassostrea gigas a montré un effet négatif de la température élevée et de la température
basse (30°C et 10°C) sur la croissance; la teneur en sucres totaux et en glycogène est
inversement proportionnelle à la température, en relation avec la gamétogenèse.

Parallèlement, des mesures de filtration, de respiration et de consommation, effectuées à


des concentrations de nourriture variables (106 à 8.107 cellules/l ) ont montré une meilleure
adaptation des huitres à 20°C au bout d'un mois d'acclimatation.

EXPERIENCES SUR L'ACCLIMATATION DE LA LANGOUSTE DU CAP (JASUS


LALANDEI DANS LES EAUX DE LA COTE ATLANTIQUE FRANÇAISE
En France, la pêche de la langouste connaît une crise due à une exploitation excessive de
tous les lieux productifs. Pour essayer de rétablir un certain équilibre, on a envisagé
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d'acclimater une langouste particulièrement robuste et féconde qui serait susceptible de


compenser l'appauvrissement du stock des langoustes autochtones.

La langouste du Cap appartient au genre Jasus qui comprend sept espèces dont la
distribution géographique se limite uniquement à l'hémisphère sud(fig. 1).

Cette langouste semble avoir un potentiel de reproduction relativement élevé et la femelle


peut pondre plus de 200 000 œufs. Ce crustacé accomplit des déplacements limités, qui sont
probablement dus à la recherche de zones riches en nourriture ou plus abritées et favorables
à la mue, la reproduction ou la ponte.

Le milieu de prédilection de la langouste du Cap est donc une eau variant de 11 à 13° dont la
salinité est de l'ordre de 34,50 à 35,20 %0.

Comportement des crustacés.

1 ) vis-à-vis de l’Alimentation.

Au cours de l’expérience les langoustes se sont alimentées normalement sauf


lorsque la température est descendue en dessous de 9° : on constate alors un
net ralentissement de leur activité.

Il en est de même pendant les quinze jours qui précèdent la mue mais dès
celle-ci terminée, les crustacés recherchent la nourriture avec avidité.

Les animaux placés en extérieur avaient tendance à s'alimenter davantage que


ceux en intérieur.

2) Résistance de Jasus lalandei aux variations de température et de salinité.


Les langoustes ont étés placés dans un bac où la température moyenne a été supérieure à
15° de janvier à octobre. En novembre elle est tombée brusquement de 18 à 10° pour
atteindre 7°5 en moyenne en février et remonter en mai à 16°, le minima temporaire
observé pendant cette période étant de 6°.

Quant à la salinité, elle a varié de 36 à 42 %0.

Ces différentes variations n'ont pas amené de changement notable dans le comportement
des langoustes qui se sont alimentées normalement : l'une d'elles a mué en mai, les deux
autres en juin.

Leur activité n'a été réduite que lorsque la température est descendue en dessous de 9° :
elles ne se déplaçaient et ne s'alimentaient alors que très peu. Elles ont repris un
comportement normal dès que la température s'est élevée.
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Un mâle provenant d'un vivier où la salinité était de 34,50 %o a été placé dans cet aquarium
alors que la salinité y était de 45 %0 : il est mort immédiatement.

Ces expériences montrent que les langoustes du Cap sont capables de résister à des
variations de température progressives, dans des limites comprises entre 6 et 22°, et à des
changements lents de la salinité allant de 36 à 45 %o.

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