La Revolution 000000239 PDF
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RÉVOLUTION
RECHERCHES HISTORIQUES
PAR
GR
M GAUME
PROTÛNOTAIRE APOSTOLIQUE, DOCTEUR EN THÉOLOGIE
RÉVOLUTION FRANÇAISE
LILLE
AU SECRÉTARIAT DE LA SOCIÉTÉ DE SAINT-PAUL
45, rue Nationale
1877
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LA
RÉVOLUTION
FRANÇAISE
OUVRAGES iiv jiEME AUTEUR :
RÉVOLUTION FRANÇAISE
P É R I O D E D E D E S T R U C T I O N .
CHAPITRE PREMIER
HE LA RÉVOLUTION.
LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
* « Nous ne serons républicains, disait Cambon, que quand nuu< serons tous
minés, et il faut que les choses arment au point qu'une portion de sun coûte trois
cent» livres. « Un autre ajoutait : * Pourquoi f-mt-il des lui» au peuple français?
N'y a-t-il pas des peuples qui existent avec le» simple- luis de la nature ? • Ce sont
les systèmes de la sainte égalité qui ont ruiné la France, concluait Dubois-Crancé.»
Munit. 16 (lor. an VI.
24 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
lontés arbitraires aux lois éternelles, et faisant son apothéose
religieuse et sociale.
A. moins de n i e r l'histoire, rien de tout cela ne peut être
contesté. Mais, à son tour, la Révolution française de 1780
n'est pas née dans une nuit, comme un champignon sous un
a r b r e . Elle a ses racines dans le passé : quelles sont ces ra-
cines? Elle est la mise en scène de certains principes, de cer-
taines idées : quels sont ces principes et ces idées ? d'où sont-
ils v e n u s ?
Soit qu'on envisage la Révolution française comme un
simple fait, soit qu'on la considère comme le fait g é n é r a t e u r
de la grande Révolution qui nous menace, il importe sou-
verainement à l'Europe de savoir d'où elle est sortie.
Envisagée simplement comme un fait, la Révolution de 1789
est sans contredit l'événement capital de l'histoire moderne
Elle n ' a pas seulement imprimé à l'Europe un ébranlement
qui dure encore : elle coupe la vie de l'Europe en deux. La
Révolution a mis fin à l'ordre social européen dont J'origine
se perdait dans la nuit des siècles. Du milieu des ruines du
passé, elle a fait surgir un ordre nouveau. Elle a proclamé
des principes religieux, philosophiques et politiques; elle a
i n a u g u r é des coutumes, des m œ u r s , un langage inconnus des
peuples chrétiens. La plupart de ses maximes sont entrées
dans les esprits et régissent l'opinion. Elle a fait plus, elle
s'est traduite en institutions et en lois qui forment une large
base du droit public européen.
Si elle a cessé d'exister comme fait matériel, si môme elle
a été modifiée dans plusieurs de ses actes, la Révolution dans
son esprit vit toujours. Cet esprit puissant continue de souffler
sur l'Europe. Il inspire toutes les révolutions que nous voyons,
depuis soixante ans, éclater autour de nous. To.ites reconnais-
sent la Révolution française pour leur mère : Magnas matri
grata fila Ses théories sont leurs théories; ses promesses,
leurs promesses; ses grands hommes, leurs grands hommes ; ses
ennemis, leurs ennemis ; sa m a n i è r e de procéder, ses actes et
son langage, restent le modèle obligé de leur manière de pro-
céder, de leurs actes et de leur langage.
Aussi, q u a n d on veut y r e g a r d e r de près, on voit que c'est
* T. I, ch. LSZXI.
28 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
pour la réception de l'abbé Barthélémy à l'Académie française,
un discours qui nous donne le thermomètre des idées qu'on
était à . la veille d'appliquer à la France. Caractérisant les
utiles et surprenants travaux du nouvel académicien, M. de
Bouffters dit au récipiendaire ; « Egalement fait pour avancer
à pas de géant dans toutes les carrières, vous avez préféré-
celle qui vous ramenait vers la saye antiquité, et, moins occupé
de vous faire le grand nom que vous méritez, que de rappeler
tuus les hommes des anciens âges à la mémoire et à l'attention de
celui-ci, vous vous êtes consacré à Pétude de la belle antiquité.
« Vous parlez ; aussitôt la nuit de vingt siècles fait place à
une lumière soudaine, et laisse éclore à nos yeux le magnifi-
que spectacle de la Grèce entière, au plus haut degré de son
antique splendeur. Argos, Corinthe, Sparte, Athènes et mille
autres villes disparues sont repeuplées. Vous nous ouvrez les
temples, les théâtres, les gymnases, les académies, les édi-
fices publics, les maisons particulières, les réduits les plus
intérieurs. Admis sous vos auspices dans leurs assemblées, à
leurs écoles, à leurs repas, nous voilà mêlés à tous leurs jeux,
initiés à tous les mystères, confidents de toutes les pensées,
et jamais les Grecs n'ont aussi bien connu la Grèce, jamais ils
ne se sont aussi bien connus entre eux, que votre Anacharsis
nous les a fait connaître En nous les offrant pour modèles,
vous nous rendes leurs émules. Déj>i,eit fait de patriotisme, un
même sentiment nous élève, une même raison nous dirige.... Nous
savons comme les Grecs qu'il n'est de véritable existence qu'avec la
1
liberté, sans laquelle on n'est point homme ... «
Si cela n'est pas assez clair, écoutons le témoignage d'un
homme qui connaissait bien l'influence de l'enseignement
classique, puisqu'il l'avait longtemps pratiqué; et l'esprit de
la Révolution, puisqu'il en l'ut un des plus cl) unis partisans.
La même année que M. de Bouffiers prononçait son discours,
ce religieux publiait trois odes imitées d'Horace. Dans la pré-
face, il s'exprime en ces termes : « L'esprit littéraire a produit
l\sprit philosophique; l'esprit philosophique a produit l'esprit
législatif. » Voilà, en trois mots, toute la généalogie de la
Révolution.
E!le est tellement évidente qu'on la trouve racontée dans
les mêmes termes par un homme dont les vues et les princi-
1 Monit., ibid.
CHAPITRE DEUXIÈME 29
pes n'ont rien de commun avec ceux de l'auteur que nous ve-
nons de citer. «La rétrogradation, dit l'illustre Douoso Corlès,
a commencé en Europe avec la restauration du paganisme lit-
téraire, qui a amené successivement les restaurations du pa-
ganisme philosophique, du paganisme religieux et du paga-
nisme politique. Aujourd'hui le monde est à la veille de la
dernière de ces restaurations, la restauration du paganisme
1
socialiste . »
Aussi, l'écrivain du Moniteur qui rend compte de l'ouvrage
du religieux a soin d'ajouter: « Les leçons d'Horace revêtues
d'images fortes et vraies s'approprient merveilleusement et ap-
partiennent à (ette révolution. Horace nous avertit des prodiges
du temps présent, tandis que le temps présent nous met Ho-
race en lumière et lui sert de vivant commentaire *. »
Écoulons un nouveau témoin. L'auteur du Château des Tui-
leries trace le tableau suivant de la société française au mo-
ment où la Révolution éclata : <c L'homme des champs, dit-il,
qui avait amassé quelque argent, envoyait son fils au collège
dans l'intention d'en faire un prêtre, un avocat, un médecin.
De la masse de ces enfants de cultivateurs qui peuplaient les
collèges, les trois quarts rentraient dans leurs foyers avant
d'avoir parcouru les huit années consacrées aux études, pré-
férant guider le soc de la charrue au défrichement des lan-
gues mortes ; maïs le peu de temps qu'ils avaient donné à ce
.travail avait suffi pour leur inculquer quelque teinture de
l'histoire ancienne. A la veillée, les coules des fées étaient
remplacés par des récits, des fragments de l'histoire grecque
ET romaine. Enfin, Un'était pas un village ok Von u'entendit COH-
fondre les noms de Vesta, Alcibtade, Auguste, Ne/on. etr.
« Vous sentez bien que dans cette situation des esprits,
dont les pores ouverts de l'entendement, si on prut s'expri-
M E R ainsi, étaient disposés à pomper toutes les idées nouvel-
LES, quelque gigantesques qu'elles pussent être, rien ne fut
plus facile que de surprendre la confiance et les suifrages de
cette nombreuse portion de la société, et d'établir ainsi cette
chaîne secrète de communication entre les esprits les plus
â
élevés et les moins instruits . »
i Souvenirs, t. I, p. S 3.
32 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
l'a éfrouvé : cette éducation a été celle du siècle qui a fiât la Ré-
volution ou qui Ta l a i s s é faire ; et CK VICE, je le repèle, EST
LA CAUSK INCONTESTABLE DE TOUS NOS MALHEURS. F f ' a u ç a î S , UOUS
n'avions pas reçu une éducation française; citoyens d'une
monarchie, nous n'avions pas reçu une éducation monarchi-
que ; ajoutez: chrétiens, nous n'avions pas reçu une éduca-
tion chrétienne. Soit inadvertance, soit préjugé, soit ignorance
et présomption, on nous avait formés comme à dessein pour
un ordre de choses dans lequel nous n'étions pas nés, pour
un Lut qui ne pouvait jamais se présenter à notre esprit,
pour une destination politique que nous nous sommes don-
née à la fin, non qu'elle- convint à nos mœurs et à notre
caractère, mais parce qu'on l'avait rendue plus ou moins né-
cessaire à tous.
« De quoi retentissait, en effet, depuis longtemps la chaire
de l'instruction, sinon des exemples déplacés et dangereux de
quelques républiques et de quelques héros des temps passés,
dont nous ne pouvions nous rapprocher que par des parodies
indécentes et cruelles?... Le Français, presque dépouillé du
sentiment national, se réfugia dans les souvenirs de l'antiquité
et se prêta sans elTorts au projet bizarre des dépositaires de
l'instruction, en accueillant une éducation historique fondée sur
des idées et des affections propres à d'autres temps, à d'autres
lieux, à d'autres gouvernements, à d'autres hommes.
« Ou reçut l'éducation, c'est-à-dire la vie sociale, au nom des
Grecs et des Romains, qui n'avaient rien de commun avec
uou- ; on ne pensa point que Ja plupart de ces actions écla-
tantes dont leurs annales ont perpétué le souvenir, incompa-
tibles avec la morale perfectionnée des sociétés modernes, ne
sont, aux yeux de la raison" et de l'humanité, que des crimes
détestables; et que certains des demi-dieux de nos coHéges
auraient été justement livrés à la claie et à l'échafaud... Aveu-
gle enthousiasme, fausse et malheureuse imitation qui a rap-
pelé trop souvent le popularisme anarchique des Gracques, la
criminelle ambition de César, le désespoir de Caton et le par-
1
ricide de Brutus ! » '
Ailleurs encore, et avec une nouvelle énergie, il rend l'é-
ducation de collège responsable non-seulement des parodies
grotesques de la Révolution, mais encore des atrocités qui
4
Pauvre homme, en effet, qui ne connaissait que l'Évangile et la seieace de*
•aints ! Et c'est un prêtre qui tient ce langage !
36 LA. R É V O L U T I O N FRANÇAISE
* P. S i i
* P. 5J4
3.
46 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
i Monit. Ibid
CHAPITRE CINQUIÈME. 61
toutes parts. Rallions-nous autour du roi pour le défendre et
1
pour relever avec lui le temple de la patrie ! »
C'est à qui r é p u d i e r a les gloires de la France chrétienne,
et déclarera le christianisme non avenu dans le royaume de
Charlemagne et de saint Louis : « Les droits de l'homme,
disait le comte de Montmorency, sont invariables comme la
justice, étemels comme la raison. Loin de nous ces détestables
principes, que les représentants de la nation doivent craindre
de l'éclairer. Nous ne sommes plus dans ces temps de barbarie
où les préjugés tenaient lieu de raison. Serions-nous ici si les lu-
mières de la sagesse rieussent dissipé les ténèbres qui couvraient
2
notre horizon ? »
« Messieurs, s'écrie à son tour le comte de Castellane, si
vous daignez jeter les yeux sur la surface du globe terrestre,
vous frémirez avec moi, sans doute, en considérant le petit
nombre de nations qui ont conservé, je ne dis pas la tota-
lité de leurs droits, mais quelques idées, quelques restes de
leur liberté. Sans sortir de notre Europe, ne voyons-nous pas
des peuples entiers s'imaginer qu'ils doivent obéissance à
des lois faites p a r des despotes, qui ne s'y soumettent pas ?
Mais c'est de la France que nous devons nous occuper, et,
j e le d e m a n d e , est-il une nation qui ait plus constamment mé-
connu les principes d'après lesquels doit être établie toute bonne
3
constitution ? »
Vient ensuite Durand de Maiilane, qui dit : « Je suis chargé
par mon bailliage de réclamer une déclaration des droits de
l'homme. Cette déclaration, qui devrait être affichée dans les
villes, dans les tribunaux, dans les églises même, serait la
première porte par laquelle on doit entrer dans l'édifice de la
constitution nationale. Un peuple qui a perdu ses droits, et qui
les réclame, doit connaître les principes sur lesquels ils sont
fondés *. »
Pas une fois les noms de Jésus-Christ, de l'Évangile, du
christianisme ne se trouvent sur les lèvres de ces législateurs,
1 Monit. n° 18. — C'est ce même Grégoire qui fit passer en décret l'abolition
de la royauté, et qui, nourri de la belle antiquité, s e m a i t dramatiquement à la
tribune :
Si fradus iîlabatur orbis, impavidum ferieat ruinas.
2 Monit. n. 3 1 .
3 Monit. n» 31.
* Monit. n° 31.
4
LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
pendant la discussion des droits de l'homme; ce terrain, en
effet, est tout païen. La fable classique de l'état de nature et
d'un contrat social primitif, cercle vicieux qui fait dériver de
l'homme la puissance sur l'homme, est le point de départ de
leurs théories : l'homme de la nature, l'homme des bois,
l'homme avant et sans la révélation, tel est pour eux le vrai
type de l'humanité.
« Messieurs, dit M. de Crénière, je viens vous présenter
ce que j'ai médité dans le calme de la retraite. Je n'ai pour
guide que ma raison, pour mobile que l'amour de l'humanité.
Les Français demandent et veulent une constitution libre. J'ai
juré de la demander pour eux, mais avant de faire une constitu-
tion, déterminons le sens qu'il faut donner à ce mot.-
<* L'homme dans Y état de nature n'est ni libre ni esclave : il
n'a ni droit à exercer ni devoir à remplir. En entrant en société,
il contracte des devoirs, mais il n'a pu s'imposer des devoirs
sans acquérir des droits équivalents; il n'a pu faire le sacrifice
de son indépendance naturelle sans obtenir en échange la
liberté politique. Les droits qu'il acquiert par son acte d'asso-
ciation sont donc naturels ; ils sont, par la même raison, im-
prescriptibles, et ils sont la base de cette même association.
Ces droits sont le code naturel de toutes les nations de l'uni-
vers. Il suit de là que toute société existant par un pacte, et ne
pouvant se conserver que par rétablissement des lois et l'action
des lois, les associés ont le droit imprescriptible de faire leurs
lois, de créer, de conserver, circonscrire et déterminer l'auto-
rité qui les exécute *. »
Ce pathos mythologique est couvert d'applaudissements.
Après avoir, pendant deux mois, prodigué les injures et les
calomnies au passé chrétien de la France et de l'Europe, les
douze cents lettrés concluent, par l'organe de l'évoque d'Au-
tun, qu't'J fmt tout détruire parce que tout est à refaire*. Et la
Révolution, s'armant du marteau, au lieu de conserver soi-
gneusement ce qui était bon, de modifier avec prudence
ce qui ne l'était pas, frappe à coups redoublés sur les bases
mêmes de la constitution religieuse et monarchique du plus
i>eau royaume après celui du ciel. Réaction aveugle et terribb*
i Monit. n« 31.
s Adresse outojec au peu,ilf lYm.rui» le M février 1780, au nom de lAs^enUtle*
nat>uuale, rédigée et biçirf" par Talleyrand et par Guillutiii.
CHAPITRE CINQUIÈME.
du paganisme bourgeois contre le paganisme royal ! Depuis
la Renaissance, les rois avaient travaillé à se l'aire Césars, et
ils avaient, à leur profit, abatlu l'aristocratie, annihilé les
libertés des provinces, ils avaient voulu se faire Paves, et ils
avaient systématiquement opprimé l'Eglise. A son tour le
peuple, achevant cette œuvre p a ï e n n e , se fait Ctsar, et il
détruit la royauté ; il se fait Pape, et il abolit toute religion
a u t r e que la sienne.
Arrivela nuit fameuse du 4 août, nuit de fièvre et de délire,
où tous les membres de l'Assemblée travaillant à l'envi à faire
des ruines, décrètent ce qui s u i t :
e r
ART. I . L'Assemblée nationale détruit entièrement le ré-
gime féodal.
ART. II. Les privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en
matière de subsides sont abolis à j a m a i s .
ART. RI. Une constitution nationale et la liberté publique
étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont
quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire
a Vunion intime de toutes les parties de Vempve, il est déclaré
que tous les privilèges particuliers des provinces sont abolis
sans retour.
ART. IV. Tous les citoyens, sans distinction de naissance,
pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiasti-
ques, civiles et militaires, et nulle profession n'emportera
dérogance.
ART. V. A l'avenir il ne sera envoyé en cour de Rome aucuns
deniers pour annales ou pour quelque autre cause que ce soit.
ART. VI. L'Assemblée nationale décrète qu'en mémoire des
grandes et importantes délibérations qui viennent d'être prises
pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et
qu'il sera chanté en actions de grâces un Te Deum dans toutes
1
les paroisses et églises du r o y a u m e .
A la vue de ce monceau de ruines, terrible prélude de ruines
plus grandes encore, les apôtres de la Révolution battent des
mains. En l'honneur de cette nuit désastreuse qui forme de
tant de débris la première marche du trône et de l'autel où
l'homme souverain doit bientôt s'asseoir, ils chantent un di-
thyrambe, comme le chrétien pourrait en chanter pour célé-
brer la nuit Dénie où naquit le Libérateur du inonde*.
8
1 Mont, n 40.
4>4 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
« En une nuit, la face de la France a changé ; l'ancien ordre
dû choses que la force a maintenu malgré l'opposition de cent
générations, a été renversé.
« En une nuit, l'arbre fameux de la féodalité, dont l'ombre
couvrait toute la France, a été déraciné.
« En une nuit, l'homme cultivateur est devenu l'égal de
celui qui, en vertu de ses parchemins antiques, buvait la
sueur et dévorait le fruit de ses veilles. L'homme noble a
repris la place que lui marquaient la nature et la raison.
« En une nuit, les longues entreprises de la cour de Rome,
ses abus, son avidité, ont trouvé un terme et une barrière in-
surmontable que viennent de poser pour une éternité la sa-
gesse et la raison humaine.
« En une nuit, le triple pouvoir féodal, aristocratique,
parlementaire, a été anéanti. Ces corporations fameuses par
leur tyrannie et leurs cruautés, ne présentent plus aujour-
d'hui qu'un corps languissant, terrassé par un bras vigoureux,
et se débattant inutilement contre les efforts du patriotisme*
« En une nuit, la France a été sauvée, régénérée.
« En une nuit, un peuple nouveau semble avoir repeuplé
ce vaste empire, et sur les autels que les anciens peuples
avaient élevés à leurs idoles, ils placeront l'image d'un Dieu
juste, bienfaisant, tel qu'une raison sauvage le leur avait montré
et tel qu'ils l'avaient appris de la nature dans le fond des forêts
Après ce premier acte de souveraineté absolue, la Révolution
déclare qu'elle a retrouvé les droits de l'homme oubliés et violés
depuis dix-sept siècles ; puis, les rédigeant en axiomes, elle les
proclame comme la base d'un nouvel ordre de choses'et le gage
d'une ère de bonheur éternel pour le genre humain.
Elle dit : « Les représentants du peuple français, constitués
en assemblée nationale, considérant que Vignorance, Voubliou
le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs
publics et d e l à corruption des gouvernements, ont résolu
d'exposer dans une déclaration solennelle les droits naturels,
inaliénables et sacrés de l'homme.... En conséquence, l'Assem-
blée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les
auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'homme et du
citoyen :
' « Il est un principe qui doit s e n i r de guide dans toutes les diseussions; rc
principe exilait avant nos dè>ret«, mai*, nos décrets uni rendu un hommage solen-
nel A ce principe. Tuwe t-utorite >eside dans le peuple; tout? autorité vient du
peuple; tout pouroir légitime émane ûu peuple : >uîlà le principe. * Paroles du
comte d'Antraipu.s, 2 sepicmli. 90- — Vingt foi , dans les di-coiin> révolution-
?
boucher que ce législateur exerçait naguère, et pour se défendre il lui crie : • Le-
gendre, fais d'abord décréter que je suis bœuf, et tu m'assommeras après. » Ce
mot eut un succès complet.
1 T. Il, n<> 25.
CHAPITRE SIXIÈME
Pour bien connaître le nouveau Dieu, il est nécessaire de le
suivre sur ce nouveau théâtre, ou plutôt « dans ce pandœmo-
nium où les cris, les colères, les injures, les jurements, les ac-
cusations réciproques, les menaces du geste et de la voix, tout
retraçait les séances des esprits infernaux, lorsque sous des
voûtes brûlantes ils complotent des crimes et se flattent d'obs-
curcir la grandeur de l'Eternel K »
Ce fameux club commença d'exister en 1390, dès que les
dominicains ou jacobins de la rue Saint-Honoré eurent été
expulsés de leur maison. Il tenait ses séances dans le local de
la bibliothèque du couvent. C'était une salle vaste, de forme
gothique, haute, construite de manière à pouvoir contenir
une réunion nombreuse. On l'accommoda au moyen de con-
structions : il y eut des tribunes, un bureau, une place pour le
président. Les murs étaient tendus de draperies tricolores or*
nées de devises anarchiques, des portraits et des bustes des
révolutionnaires les plus fameux.
» J'y ai vu, bien antérieurementau meurtrede LouisXYI, deux
portraits, ceux de Jacques Clément et de Ravailllac, environ-
nés d'une guirlande de chêne en manière de couronne civique.
Au-dessus était leur nom, accompagné de la date de leur régi*
cide, et au-dessous il y avait ces mots ; Ils furent heureux, ils
tuèrent un roi *. »
Autour de la salle régnaient des tribunes, destinées au peu-
pie roi. C'est là qu'on recevait la canaille des deux sexes, et
dont on se servait en façon de représentation du souverain,
pour faire approuver les propositions atroces ou incendiaire
que mettaient en avant les anarchistes purs \
Le club des Jacobins, composé de treize cents membres en-
viron, était le chef de tous ceux du même genre qui infectaient
le sol de Ja France, qui l'agitaient, la mettaient à feu dans»
presque toutes les communes. Il y avait entre eux une corres-
pondance active, détaillée,journalière, invariablement hostile
à ceux qui ne portaient pas le bonnet rou<je et qui ne proi't -
saient pas des principes destructeurs de tout empire.
Tous les chefs de la Montagne étaient membre* du club,
ainsi que les révolutionnaires d'un rang inférieur et non
moins démagogues. Jamais la Convention n'osa preudre de
1 T. Il, n° 211.
S T. I. H» IC9.
» T. 1, i r luv.
72 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
mesures importantes qu'après en avoir conféré avec les Jaco-
bins. Leur club fut véritablement la double de la puissance sou-
vcraine, et mportion la plus énergique. On ne pouvait assez
le redouter, tant sa susceptibilité était extrême et ses ven-
geances terribles. Il ne concevait la liberté qu'avec le con-
cours des prisons, des fers, et à demi noyée dans le sang. Tous
les maux, tous les crimes, toutes les résolutions funestes qui pen-
dant trois années désolèrent la France, pat tirent de cetantre d'hor-
reur\
Au club des Jacobins, chaque nouveau venu un peu mar-
quant, chaque général débarquante Paris devait se montrer,
sous peine de voir suspecter son civisme. Les présentations
avaient lieu le soir, caries séances se tenaient pendant la
nuit, lorsque les têtes étaient échauffées parla nourriture et les
libations bachiques. Les noms et lessouvenirs des Grecs et des
Romains, mêlés aux jurons et aux expressions les plus gros-
sières retentissaient jusqu'au jour sous les voûtes de cette ta-
nière démagogique.
C'est là qu'au nom du peuple souverain, le comédien Coilot-
d'Herboîs, donnant une leçon à Dumouriez, lui disait dans un
langage parfaitement classique : « Que sont devenus les géné-
raux à grande renommée ? Leur ombre s'est évanouie devant
le génie tout-puissant de la liberté. Ce n'est pas un roi qui t'a
nommé, Dumouriez, ce sont tes concitoyens. Souviens-toi qu'un
général de la république ne doit jamais transiger avec des ty-
rans. Tu as entendu parler de Thêmistocle. Il fut calomnié, et
il fut injustement puni par ses concitoyens; il trouva un asile
chez les tyrans, mais il fut toujours Thêmistocle. On lui pro-
posa de porter les armes contre sa patrie : « Mon épée, dit-il,
ne servira jamais les tyrans, et il se renfonça dans le cœur \ »
A l'imitation du peuple de Sparte, d'Athènes et de Rome, le
peuple français investi par les lettrés de la toute-puissance
législative, ne tarde pas à vouloir jouir, comme son modèle,
de la puissance executive. Les journées du *4 juillet, des 6 et
7 octobre 1789, du 10 août, des 2, 3 et 4 septembre 1792 et
beaucoup d'autres éclairent quelques-uns de ses actes. Lais-
sons dans l'ombre les horreurs qui souillèrent la plénitude de
1 T. I, a° 109-
* T. I, P 116.
3
CHAPITRE SIXIÈME. 73
sou empire, citons seulement quelques détails sur la prise de
la Bastille, qui fut pour ainsi dire son entrée en scène.
Aux c r i s : Marchons à la Bastille, on y égorge nos frères* l
une multitude immense armée de fusils, de sabres, d'épées,
de haches, se porte vers la Bastille en c r i a n t : A la Bastille, à
la Bastille ! Le faubourg Saint-Antoine y afflue tout entier.
Les portes sont enfoncées à coups de hache, trois voitures
de paille sont amenées ; on y met le feu pour incendier les
corps de garde et les b â t i m e n t s . Des canons pris au garde-
meuble sont mis en batterie contre les tours. Le gouverneur
propose de capituler; mais le peuple-roi se récrie au nom de
capitulation, et Je combat continue avec une nouvelle fureur.
On brise les portée, les meubles, les croisées ; tout est en com-
bustion depuis les caves jusqu'au comble. L'or, l'argent, les
archives sont au pillage. Tout est ravagé, dévasté
On saisit le gouverneur, M. de Launay. Les uns lui a r r a -
chent les cheveux, les autres lui appuient leur épée s u r la
poitrine. Bientôt on aperçoit sa tête au bout d'une pique,
avec cet écriteau : De Launay, gouverneur de la Bastille, per-
fidi et traître envers le peuple. Plusieurs de ses officiers et
soldats sont égorgés ou pendus après l'action.
La victoire que le peuple vient de remporter à Paris met en
effervescence toutes les autres parties du souverain. N être pas
peuple est un crime, et le sexe même ne peut g a r a n t i r du
terrible niveau. M. de Montesson est fusillé au Mans, après
avoir vu égorger son ^ e a u - p è r e ; en Languedoc, M. de Barras
est coupé en morceaux, devant sa femme près d'accoucher.
En Normandie, un seigneur paralytique est abandonné sur u n
b û c h e r d'où on le retire les mains brûlées; en Franche-Comté,
m a d a m e de Batteville est forcée, la hache sur la tête, de faire
l'abandon de ses titres ; la princesse de Listenay y est égale-
m e n t contrainte, ayant la fourche au cou et ses deux filles
évanouies à ses pieds. Madame de Tonnerre, M. Lallement ont
le même sort. Le chevalier d'Ambly, traîné sur u n fumier,
voit danser autour de lui des furieux qui viennent lui arra-
1
Ce même cri fut poussé dans les rues de Paris pendant la nuit du 24 février 1848
«t détermina la Rcvulution.
2 Le Moniteur ajoute : « Les jours suivants tout fut rapporté, soit à l'hôtel de
ville, soit dans les districts Les hommes pauvres rendirent jusqu'à l'argent mon-
nayé : « Nous ne sommes pas des voleurs, disaient-ils, mais de bons citojeos. »
Exactement comme en 1848 !
5
74 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
cher les cheveux et les sourcils. M. d'Ormesson, M. et madame
de Montessu ont pendant trois heures le pistolet sous la gorge,
demandant la mort comme une grâce, et, ne voulant pas con-
sentir à la cession de leurs droits, ils sont tirés de leurs voi-
tures et jetés dans un étang
La Révolution vit toujours. Les Ilots de doctrines sauvages
qu'elle répand impunément sur le monde entier, la persécu-
tion organisée dans toute l'Europe, les horreurs de la Com-
mune, le massacre des otages, prouvent aux plus optimistes
que loin de reculer elle avance.
Comme leurs devanciers, les nouveaux tribuns du peuple
excusent ces peccadilles et en rejettent la faute sur la tyrannie ;
puis ils félicitent le nouveau souverain d'avoir fait revivre les
beaux jours cVAthènes et de Rome.
« Que l'on compare, écrit Mirabeau, le nombre des inno-
cents sacrifiés par les méprises et les sanguinaires maximes
des tribunaux, qu'on les compare avec les soudaines et impé-
tueuses vengeances de la multitude, et qu'après on décide de
quel côté se trouve la barbarie... Ah! si la colère du peuple
est terrible, c'est le sang-froid du despotisme qui est atroce:
ses cruautés systématiques font plus de malheureux en un
jour, que les insurrections populaires n'immolent de victimes
pendant des années.... Voilà ce qui a provoqué le peuple : il a
puni un petit nombre de ceux que le cri public lui désignait
comme auteurs de ses maux *. »
« Les premiers coups frappés parle peuple, ajoute le député
Gouy d'Arcy, sont dus à l'effervescence qu'inspirent nécessaire-
ment Vanéantissement du despotisme et la naissance de la liberté.
il n'était guère possible qu'un peuple qui venait de briser le
joug sous lequel il gémissait depuis longtemps, n'immolât à sa
fureur ses premières victimes... Le gouverneur d'un fort pris
d'assaut, d'un fort gouffre de la liberté, ne pouvait guère
avoir un autre sort. Tombé entre les mains des défenseurs de
la liberté, d'un peuple nombreux qu'il avait voulu sacrifier
au despotisme, il a eu ce qu'il méritait •
a On frémit, continue un autre démagogue, à la seule idée
i Monit,, 1.1, n° 33. — Tous ces traits rappellent la conduite d'une partie du
peuple souverain en 1848, qui descendait dans des puits les propriétaires, les me-
naçant de les noyer s'ils ne donnaient quittance des loyers.
* Lettre XVIII' à tes commettante.
3 Monit., n° U.
CHAPITRE SIXIÈME 75
1 Monit., n° 33.
* Monit., I " an., n° 37. — Pour éterniser le retour du peuple sur le trône d'où
il était déchu depuis dix-huit siècles, l'Assemblée décrète, le 27 juin 1792, qu'il
sera formé sur l'ancien terrain de la Bastille une place qui portera le nom de
place de la Liberté, et qu'il sera éle%é au milieu de cette place une colonne sur-
montée de la statue de la Liberté.
CHAPITRE VII
LA RÉVOLUTION ET LE CHRISTIANISME.
1 Momt., id.
* Monit., id*
CHAPITRE SEPTIÈME 8)
Le 3 mars 1791, il s'empare des pierres précieuses et de l'ar-
genterie des églises, chapitres et communautés, qui a été ou
qui pourra être jugée inutile.
Le 26 août, il s'empare de tous les vases, meubles et usten-
siles de cuivre et de bronze, existant dans les communautés,
églises et paroisses supprimées.
Le 14 septembre, il s'empare, chemin faisant, des posses-
sions du Saint-Siège, les États d'Avignon et le comtat Ve-
naissin.
Le 16 août 1792, il s'empare des immeubles réels affectés
aux fabriques des églises cathédrales, paroissiales et succur-
sales, à quelque titre que ce puisse être.
Le 17, il s'empare de tous les jardins, vergers, locaux occu-
pés par les religieux ou les religieuses.
Le 18, il s'empare de tous les biens des corporations, con-
grégations séculières, ecclésiastiques ou laïques, d'hommes
ou de femmes; de ceux des séminaires, collèges, familiarités,
confréries, et de toutes autres associations de piété et de
charité.
Le 9 septembre, il s'empare de l'argenterie des églises dé-
pendant de la liste civile.
Le lendemain, « considérant que les objets en or et en ar-
gent employés au service du culte dans les églises conservées
sont de pure ostentation, et ne conviennent nullement à la sim-
plicité qui doit accompagner le service, » il s'empare de tous
ces objets et les convertit en monnaie destinée au payement
de ses armées
Le 12 septembre, il s'empare de toutes les grilles en fer des
maisons religieuses, et les destine à la fabrication des piques
pour l'armement des citoyens.
Le 19, il s'empare de tous les biens de l'ordre de Malte.
Le 27, il s'empare de tous les meubles et effets des maisons
religieuses, les destine au campement des troupes et les met
à la disposition des généraux.
Le 13 août 1793, il s'empare de toutes les cloches, pour
faire les canons nécessaires à la défense de la république.
Le 25 brumaire an II, il s'empare de tous les presbytères
et de leurs revenus, et les destine au soulagement de l'huma-
nité souffrante et à l'éducation républicaine.
i m : i t . ibt.
t
5.
82 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Le 28 nivôse an II, il s'empare du linge des églises et le des-
tine aux hôpitaux militaires.
Le "23 prairial an II, il s'empare de toutes les cloches exis-
tant encore à Paris, et ordonne d'en faire des canons.
Eu Belgique, en Espagne, en Italie, ses généraux s'empa-
rent de toute l'argenterie des églises. A Rome, ils la mettent
en réquisition, et ne laissent qu'un seul calice dans chaque
église *.
Enfin, pour couronner son œuvre, le peuple-dieu con-
damne à dix ans de galères tout prêtre, qui oserait présenter
comme injuste la vente.ou l'acquisition des biens du ci-devant
clergé *.
En conséquence, on voit, chaque jour, se succéder à la
barre de la Convention, des députations municipales, qui
déposent sur Y Autel de la Patrie les dépouilles de leurs
églises.
C'est la commune de Meaux qui apporte 1 , 1 1 4 marcs
2 onces d'argent, provenant, dit-elle, des dieux inutiles de ce
district*
C'est la commune de Bercy qui offre à la P a t r i e l'argenterie
de sa pauvre église.
C'est la commune de Nemours qui apporte trois caisses
remplies d'or, d'argent, de vermeil et de pierres précieuses,
provenant d'une incursion philosophique dans les églises de
son territoire.
C'est l'administration des Invalides dont l'orateur dit :
« Nous vous apportons la dépouille de l'hypocrisie et les ho-
chets de la superstition. La superstition avait quelque chose
de hon et de réel, c'était l'or et l'argent dont elle couvrait sa
hideuse effigie, et que nous venons déposer au pied de
l'Autel de la Patrie, non pas à la vérité pour sauver des âmes,
mais pour sauver la République et consolider le règne de la
Raison et de la Liberté. »
C'est la. commune de Sèvres (Seine-et-Oise) qui fait hom-
mage de l'argenterie de son église en disant : a On n'immo-
lera plus de victimes humaines aux dieux imaginaires. Le
t Monit. 10 sept. 93; voir encore le Monit., t. XVIU, p. 20 à 659, ou sont en-
registrés d'autre* faits du même genre; Id., t. XIX, p. 234 à 609; t. XXI, p. 2 i i
* Monit. 3 nov. 91.
CHAPITRE SEPTIÈME. 8&
volution b a t des m a i n s ; et son commissaire, André Dumont,
p r e n a n t la parole, s'exprime en ces termes : « Dans la com-
mission que vous m'avez donnée dans les d é p a r t e m e n t du
nord-ouest, j ' a i trouvé dans une abbaye de moines, près
d'Hesdin, 61,000 livres, dont j ' a i fait hommage à la Convention.
On m'a accusé d'être brouillé avec la religion ; eh bien, j ' a i
fait une réquisition, et trois ou quatre cents saints m'ont demandé
à venir à la Monnaie. Il n'existe plus dans les églises du dé-
p a r t e m e n t de la Somme ni plomb, ni cuivre, ni argent. Ils
ont été remplacés par du bois, du fer-blanc et du verre. Les
flammes de la liberté ont succédé aux croix des clochers, et
1
les citoyens ont partout crié Vive la République 1 »
Les j o u r s suivants, et surtout pendant le mois de j a n -
vier 1794, de longues files de voitures conduisent à la Monnaie,
en guise de dons patriotiques, les vases sacrés, les croix, les
objets précieux des églises de Sedan, de Grenoble, de Rochefort,
des départements de Seine-et-Otse et du Loiret, de Rosai et
d'ailleurs. En façon de lettre de voiture, la commune régénérée
de Rosai envoie à la Convention la pièce s u i v a n t e : « Nous
avons fait porter à la trésorerie l'or et l'argent des églises
les lambeaux d'étoffe du fanatisme ont été déchirés, et servent
à couvrir nos enfants ; les saints de bois sont brûlés et nous-
ont chauffés une fois ; nous vous apportons une somme de
500 livres p o u r subvenir aux besoins des v a i n q u e u r s de
Toulon.*. »
La commune de Beaurepaire (Isère), en faisant hommage
de ses dons patriotiques, c'est-à-dire de l'argenterie de son
église, écrit à la Convention : « Citoyens, nous vous adressons
nos dons patriotiques dans une caisse faite avec les planches
du ci-devant confessionnal de la ci-devant religion. »
Pour insulter publiquement au christianisme, les convois,
arrivés aux portes de la ville, se transforment en processions
ou plutôt en mascarades sacrilèges. Le charretier marche
devant ses chariots, la mitre en tète, et le bâton de chantre ou
la crosse d'évêque à la main ; un grand nombre de Jacobins
le suivent affublés d'habits sacerdotaux *.
C'est ainsi que le nouveau dieu poursuit à outrance le .
1 Monit., ibi.
« Monit. 20 niv. an II.
3 Jûurn. mémor. de la He'v., t. II, p. 101.
86 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
christianisme son rival, et l'insulte en le dépouillant. Ses
propres biens, il les change en armes contre l u i . De ses
temples, il fait des écuries pour ses chevaux; de son or et de
son argent, de la monnaie pour ses sujets ; de son linge sacré,
de la charpie pour ses malades, et de ses cloches des canons
pour ses soldats. Ce qu'il fait en France il le fait partout, et
ce n'est là que le commencement.
Les sujets de Jésus-Christ, il les délie de leur serment de
fidélité, et les oblige à lui p r ê t e r serment à lui-même. Partant
du principe païen de sa souveraineté absolue, l'homme déclare
que les vœux religieux sont incompatibles avec les droits qu'il
tient de la Nature ; que le s e r m e n t du religieux est u n suicide
civil ; que l'époque la plus déplorable, pour la n a t u r e h u m a i n e ,
est celle où fut consacrée une pareille barbarie; que l'homme
ne peut aliéner ce qu'il tient de la N a t u r e ; que Dieu n e peut
reprendre à l'homme les biens et la liberté qu'il lui a donnés ;
que tous les corps étant faits p o u r la Nation, la Nation peut
les d é t r u i r e ; que le jour où elle détruira les ordres religieux,
elle r e n d r a un service inestimable à la liberté, aux arts, à l'a-
griculture
Demandez à l'histoire à quel siècle il faut r e m o n t e r pour
trouver u n pareil renversement de la raison? Demandez-lui
de quelle époque date ce mépris profond du moyen â g e , qui
eut la barbarie de reconnaître et d'encourager les vœux reli-
gieux? Qui apprit à ces Français à traiter ainsi leurs pères?
Qui enseigna à ces chrétiens u n langage si complètement
païen ?
En attendant, le 14 février 1790, le peuple souverain déclare
qu'il ne reconnaît plus les vœux monastiques^ et décrète en
conséquence que « les ordres et congrégations de l'un et de
l'autre sexe sont et demeureront supprimés en F r a n c e , sans
qu'on puisse à l'avenir en établir d'autres *.»
Le 18 août 1792, achevant son ouvrage et « c o n s i d é r a n t
qu'un État vraiment libre ne doit souffrir aucuiie corporation,
pas même celles qui, vouées à l'enseignement public, ont bien
mérité de la patrie, et que le moment d'anéantir les corpora-
tions religieuses est aussi celui de faire disparaître à jamais
tous les costumes qui leur étaient propres, et dont l'effet néces-
p
i Monit., t. III. n » 45 à 48.
* Monit., n° 45.
CHAPITRE SEPTIÈME. 87
t MoniL
t loc. ciU
CHAPITRE VIII
i 18 juillet 1790.
CHAPITRE HUITIÈME. 8ï>
e r
* Constlt. CIT., art. 4 et 19 ; décret du 1 janvier 1791.
s 4 janvier 1790.
S Monit., t. VII, p. 29, 39, 43, 62 ; t . IX, p . 1ÎS4, 250; t. X, p . 137; t. XU„
p. 200, 304, 490, 560; t. XIII, p. 464, 540; t. XXV, p. 67S.
* Monit. 30 juillet 1791,
LA RÉVOLUTION FRANÇAISE,
« Nous fondons nos espérances sur le décret contre les prê-
tres factieux. Jamais il n'y eut de loi si nécessaire et si ins-
tante. 11 n'est pas de moyens qu'ils n'aient employés pour
allumer partout les torches du fanatisme. Nous voyons em-
ployer tour à tour la flamme, le fer et le poison. Ils agitent
les esprits faibles et les dévots superstitieux; ils leur mon*
trent l'enfer prêt à s'entr'ouvrir pour engloutir ceux qui ne
-suivent pas leurs projets de révolte »
« Les prêtres réfractaires assassinent et incendient. Leurs
agents vont dans les maisons des patriotes et les égorgent. Il
y a quelques jours que dix vertueux patriotes sont tombés
sous le fer de ces cannibales Les prêtres réfractaires sont
le fléau de la République. Des plaintes éclatent de toutes parts
contre cette horde sacrilège. •. On assassine au nom de Dieu.
Les prêtres sanguinaires s'agitent pour perdre la patrie. Qu'ils
sachent, les malheureux 1 que les hommes du 9 thermidor
sont ici, et ces hommes, c'est la Convention tout entière * ! »
Comme, aux premiers jours du christianisme, le nom de
chrétien était pour les païens celui de tous les crimes, ainsi
pour leurs disciples le nom de prêtre devient synonyme de
tous les forfaits. En conséquence, les 2, 3, 4 et 5 septembre
1792, la Révolution organise contre eux un massacre général.
Les prisons des Carmes, de Sainte-Pélagie, de Saint-Firmin,
de l'Abbaye, du grand Chàtelet, de la Conciergerie, de la
Force et du cloître des Bernardins, sont teintes du sang de
plus de deux cents prêtres.
Le jour même, 3 septembre, où elle accomplit cette bou-
cherie, la commune de Paris écrit aux départements : « Une
partie des conspirateurs féroces, détenus dans les prisons, a
été mise à mort par le peuple, et sans doute la nation entière
s'empressera d'adopter un moyen si nécessaire desalutpublic K »
Ceux qui échappent au sabre des égorgeurs, n'échappent
pas aux fureurs de la loi. Le 14 février 1703, la Révolution
met leur tête à prix et promet cent livres de récompense à
quiconque découvrira ou fera arrêter un prêtre insermenté.
Cent édils de proscription sont lancés contre eux. Errants
1 Monit., ibi.
ft Révol. de Desmoulins, t. III, p . 401.
-96 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
mier instigateur de cette nouvelle croisade. Vous, SainUPère,
qui foulez aux pieds les cendres des Camille et des Cincinnatus,
vous qui jouez sérieusement des farces ridiculessur le superbe
théâtre où les Scipion et les Paul Emile triomphaient en traî-
nant des rois attachés à leurs chars, pensez-vous de bonne foi
que la liberté soit un bien facile à ravir au peuple ardent à la
conserver?...
a La Déclaration des droits de l'homme renferme en elle-
même une force absolument invincible, parce qu'elle est celle
de la Nature. Jamais Zoroastre et Confucius, Solon et Lyeurgue,
Numa ni Jésus, jamais aucun sage de l'antiquité n'a présenté un
code de morale plus simple, plus naturelle, plus attrayante que
cette déclaration.
« Quel spectacle majestueux de voir la première nation de
l'Europe se lever tout entière, et d'une seule voix dire : Je suis
libre, et je veux que le genre humain le soit avec moi ! Peuples de
tous les climats, levez-vous, secouez les chaînes de la crédulité,
de terreur, de la superstition et du despotisme. Ne souffrons
plus qu'une caste barbare nous égare encore dans la recherche
d'un salut chimérique. Périsse le sacerdoce! C'est de notre
bonheur sur la terre que nous devons nous occuper.
« Assemblez vos peuples, Saint-Père, levez-vous au milieu
d'eux et dites-leur : Descendants du plus grandpeuple du monde,
assez et trop longtemps l'imposture a désolé votre patrie; le
jour de la vérité est arrivé... Rejetez toutes les fables ridicu-
les, rentrez dans la jouissance de vos droits naturels; soyez
libres et souverains ; soyez vos seuls législateurs : RENOUVELEZ
LA RÉPUBLIQUE ROMAINE. Mais pour vous préserver des vices et
des abus qui ont anéanti l'ancienne, ne souffrez parmi vous
ni patriciens, ni chevaliers, ni cardinaux, ni prélats, ni évéques,
ni prêtres, ni moines, ni vestales, soyez tous citoyens. Je vous
remets ma tiare, j'espère que mon clergé suivra mon exem-
1
ple . »
Il est permis de douter que jamais langage aussi effronté-
ment païen soit sorti d'une bouche chrétienne. Où l'auteur
l'avait-il appris? Est-ce dans les Pères de l'Église ou les Actes
des Martyrs? Ce qu'il y a de 1res iustruclif, c'est que Hazzini
et les siens le répétaient hautriiiuiit en 1849.
Enfin, pour frapper le christianisme au cœur, la Révolution
1 Monit., ibi.
t Munit. septidi 17 ventôse an VI.
t
CHAPITRE IX
LA RÉVOLUTION ET LA MONARCHIE.
1 Atohi ., ihi.
ï Munit., 21 juin 1790.
3 Monit,. ibi.
CHAPITRE NEUVIÈME. 101
i Décrets des 2 et 12 sept, et 23 SOT. 92,18 mars 93, 13 pluviôse an II, 7 ven-
dém. an IV. 27 mars 93, 25 brum. an UI.
i Mercure nat., t. IV, p. 1813.
CHAPITRE NEUVIÈME 103
toyen. Le mot de citoyen est un mot sacré. Républicains comme
ks Romains, plus libres qu'eux, destinés à être aussi vertueux^
ne faisons précéder les noms d'aucun titre. Disons : Pétion,
Condorcet, Payne, comme on disait à Rome ; Caton, Cicéron,
Brutus. Si cette simplicité nous semble rudesse, si elle nous
semble prématurée, ajournons-la, mais ajournons aussi la Ré-
l
publique . »
C'est au nom des Grecs et des Romains, que sont anéanties
toutes les distinctions et décorations de la noblesse, « II est essen-
tiel, crient les lettrés de collège, d'après le grand principe de
l'égalité, sans laquelle il n'y a point de république, de sup-
primer, non-seulement toute distinction pécuniaire, mais
toute distinction héréditaire de prince, duc, comte, marquis.
On ne doit pas souffrir qu'un citoyen se dégrade en donnant à
son égal un nom de dignité, autre que celui qui vient du suf-
frage de ses concitoyens et de la loi.
« J'insiste pour que les nobles soient contraints de remettre
au président de leur district, leurs cordons bleus, leur toison,
de s'enrôler en qualité de simples soldats dans la garde natio-
nale; en cette qualité de faire sentinelle devant le corps de
garde du district, afin de rassurer pleinement les patriotes
sur la sincérité delà conversion des Tarquins. Alors, s'ils abju-
rent de cœur l'aristocratie, ils pourront devenir secrétaires de
district, comme ce Bêmétrius, fils du roi Ptolémée, et prince royal
de Syrie, à qui le Sénat fit avoir, à cause de sa belle main? une
charge de greffier, qu'il exerça toute sa vie, dit l'histoire, avec
beaucoup d'honneur. Ceux qui n'auront pas la philosophie
de Oémétrius, et ne seraient pas contents.de ces conditions,
peuvent aller sur les bords du Mississipi se faire appeler Mon-
seigneur, ou Votre Altesse Sérénissime K »
C'est au nom des Grecs et des Romains, qu'on se moque de la
noblesse et qu'on rend suspecte sa facilité à se dépouiller de ses
titres et privilèges. « Il ne reste plus à nos ennemis, s'écrie la
Révolution, d'autre ressource que celle dont usa le Sénat de
Rome, quand, voyant le peu de succès de toutes ses batteries
contre les Gracques, il s'avisa de cet expédient pour perdre les
patriotes : ce fut d'engager un tribun d'enchérir sur tout ce
que proposerait Gracchus, et à mesure que celui-ci ferait que!-
l Patriote fr.
t Camille Desmoulin*, lie'val., t. Il, p. 167.
LÀ RÉVOLUTION FRANÇAISE.
que motion populaire d'en faire une bien plus populaire en-
core, et de tuer ainsi les principes et le patriotisme par les
principes et le patriotisme poussés jusqu'à l'extravagance.
« Le jacobin Gracchus proposait-il le repeuplement et le
partage de deux ou trois villes conquises, le ci-devant/ëuzïfcmf
Dmsus proposait d'en partager douze. Gracchus mettait-il le
pain à seize sous, Drusus mettait à huit le maximum. Ce qui
lui réussit si bien que, dans peu, les habitués du F o r u m trou-
vant que Gracchus n'était plus à la hauteur, et que c'était
Drusus qui allait au pas, se refroidirent pour leur défenseur
qui, une fois dépopularisé, fut assommé d'un coup de chaise
par l'aristocrate Scipion Nasica, dans la première insurrec-
tion »
C'est au nom des Grecs et des Romains, qu'on demande la pros-
cription de la noblesse et qu'on plaisante sur l'émigration à la-
quelle on la réduit Par la bouche d'un de leurs disciples les
plus dévoués et les plus influents, les antiques républicains
disent : « L'Assemblée nationale doit faire ce que pratiquait
le Sénat de Rome. Qu'elle rende cette courte sentence qui
effrayait tant César et Antoine au milieu de leurs légions...
qu'elle déclare M. de Choiseul-Gouffier et Baptiste Montmorin
ennemis de la patrie. Traître Choiseul ! 0 Scelus! o Pestis ! o
Lobes ! lui aurait.dit Cicéron...
« Les lamentations sur l'hégire du comte d'Artois sont co-
miques. « Monseigneur comte d'Artois est du nombre des
proscrits ! Ma plume s'arrête je frémis.... mes che-
veux se dressent sur ma tête La postérité le croira-t-elle ? »
Eh ! monsieur l'aristocrate, la postérité a bien cru que le roi
Denys s'était fait maître d'école à Corinthe ; elle a bien cru que
les Tarquins n'étaient jamais rentres dans Rome ; elle a bien
cru que Brutus avait fait mourir ses enfants pour avoir voulu
l'es rappeler ; elle a bien cru que Aristodême, Agis, avaient été
mis à mort par leurs sujets, et tu te récries que madame la
comtesse d'Artois ait été obligée de suivre son mari * ! -,
C'est au nom des Grecs et des Romains, qu'on demande Végor-
gcmtnt de la noblesse. « Citoyens, voilà cinq ou six conspira-
lion» consécutives, la conspiration Broglie, la conspiration
Favras, etc. Dites-moi, combien vous en faudra-t-il encore,
valiers ; les pions, l'infanterie. Ainsi on écartera du jeu d'échecs toute expression
qui pourrait contraster avec les mœurs républicaines et rappeler l'absurde idolâtrie
des rois. » L'invention de Morveaux fut jugée digne des honneurs du Moniteur.
i l nov. 1793.
* Monit. 2 août.
7
HO LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
dans la fange, on chante avec ivresse ces vers d'un élève du
collège Louis-Ie-Grand, le dithyrambique Lebrun ;
1 Révol, p. 132.
t Recul., t. III, p. 177.
CHAPITRE DIXIÈME
II dit entre autres choses : « Sire, nous nous rappelons avec
attendrissement que vous vous êtes déclaré le chef de votre
1
peuple, en vous mettant à la tête de la Révolution . »
Aussitôt les Romains de reprendre : « Pendant que vous
aduliez César, on jouait Brutus aux Français. La pièce était
applaudie à tout rompre. Quelle disparate scandaleuse entre
la conduite des représentés et le système adulateur des repré-
sentants! Combien de Brutus parmi les premiers ! « Nous
nous rappelons avec attendrissement que vous vous êtes dé-
claré le chif de votre peuple! » — Un peuple libre a-t-il un
chef? — Votre peuple 2 — Nous ne sommes donc pas à nous ?
Nous sommes le peuple d'un autre, nous sommes les esclaves
d'un maître! — Et la reine! — Des compliments à cette
femme... l'Assemblée nationale, grand Dieu ! — Et son fils!
— Un enfant! Le Sénat à ses pieds ! Les représentants d'un
peuple souverain ! O RRUTUS ! » S
1
Macharmont, Souv. des peuples, t. I.
* Billaud-Varennes, DécadephiL, t. I, p. 45.
* n o t i c e . Trag.
* Jlévol. de Desmoulins.
» Décret du 2ô juillet 1793.
CHAPITRE XI
i Monit., ib
* Monit., ibi.
* Dise, de Manuel. Monit., ib
* Id., id.
CHAPITRE ONZIÈME 125
* Monit., ibi.
* Monit., ibi.
S Monit., t. XIV, p. U l à 259.
* Monit. 8 oct. 92.
126 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE»
« Législateurs, disent ceux de Montréal, district de Condom,
le peuple souverain, indigné de la perfidie de Louis Gapet, a
désiré l'abolition de la royauté; vous l'avez prononcée, vous
avez rempli votre devoir. Nos femmes, accourues pour enten-
dre lire l'adresse que nous vous envoyons, ont demandé d'être
admises à la signer, et elles vous disent avec l'enthousiasme
du patriotisme : Et nous aussi, nous étions républicaines avant
1
le 10 août . »
Ceux de Sézanne s'expriment ainsi : « Nous demandons que
vous déclariez que Paris a bien mérité de la patrie. Louis XVI
n'est encore jugé que dans l'opinion ; nous demandons que
vous vous occupiez enfin de ce grand coupable*. »
D'autres vont plus loin ; ils célèbrent par des fêtes solennelles
l'abolition de la royauté. Voici le procès-verbal d'une de ces
fêtes. Quoique un peu long, nous le donnons en entier : car il
nous semble montrer mieux que tous les discours à quel
diapason les études classiques avaient monté les têtes, non-
seulement à Paris, mais jusque dans le fond des provinces.
Partout où se rencontre un vieux lettré ou un rhétoricien frais
émoulu, attendez-vous à trouver le langage et les idées des
Grecs et des Romains. S'ils parlent, toute leur phraséologie
est prise dans les Catilinaires ou dans les Pkilippiques de Ci-
céron. Les grands mots de patrie, de république, de liberté,
d'égalité, de haine à la tyrannie, défrayent toute leur éloquence
de théâtre. S'ils agissent, soyez sûrs que d'un seul bond ils se
reporteront jusqu'au sein de la belle antiquité, et que dans
quelque parodie ridicule, si elle n'était atroce, ils s'efforceront
de faire revivre les usages, les idées, les principes, les souve-
nirs du paganisme.
Donc, à l'extrême frontière orientale de la France, dans la
petite ville de Morteau, se trouvait un de ces jeunes admira-
teurs de Rome et d'Athènes. Les occupations du notariat
ne lui avaient rien fait perdre de son enthousiasme pour les
grands hommes et les grands peuples au milieu desquels il ve-
nait de passer ses huit années de collège. De concert avec
quelques-uns de ses camarades, il organise la fête dont on va
lire le procès-verbal.
1 Monit. 30 oct.
* Id. !•» no?.
CHAPITRE ONZIÈME. 127
« Procès-verbal de la fête de Venterrement de la Royauté, célébrée
à Morteau par les amis de la liberté et de Végalité répu-
blicaines, pour servir d'adhésion à la loi qui abolit la ,* oyauté en
France.
« L'an mil sept cenl quatre-vingt-douze, le premier de la
République française, le huit décembre, les membres de la
Société républicaine, établie à Morteau, ayant fixé au présent
j o u r la fête de l'enterrement de la Royauté, se sont assemblés
à cet effet dans la salle de leurs séances.
« Deux courriers se sont présentés et ont annoncé que leurs
frères, les bourgeois habitant les montagnes de Yalengïn, dé-
* sirant partager notre allégresse, allaient arriver.... L'assem-
blée, concertée avec la municipalité, a délibéré qu'il serait à
l'instant envoyé une députation pour les recevoir. Cette dépu-
tation a été composée de quatre officiers municipaux, douze
vétérans, vingt amazones armées de piques, vingt nourrissons de
la République, six membres de la Société républicaine, un
détachement de la garde nationale, et un piquet de la m ê m e
garde à cheval.
« Cette députation est allée recevoir ces bons voisins à
l'entrée du bourg. Vérification faite p a r appel nominal, ils se
sont trouvés au nombre de H 38, non compris l'avant et
arrière-garde, composée de cinquante-cinq cavaliers. En tête
de la troupe marchaient trois hommes de cquleur, enchaînés,
qui venaient réclamer les bienfaits de la nation française. La
musique exécutait alternativement le Ça ira et ÏHymne na-
tional.
« La troupe marchait sous un étendard représentant d'un
côté Minerve donnant la main au Génie de la Liberté sur l'Au-
tel de la Patrie, foulant aux pieds sceptres et couronnes
b r i s é s ; à droite l'Hydre terrassée, avec l'inscription : Sort des
despotes. De l'autre côté, Guillaume Tell décochant son arc.
Suivaient quantité de voitures en forme d'amphithéâtre, sur
lesquelles étaient placés les respectables vieillards, les femmes
et les enfants helvétiens, décorés des bonnets rouges et des
r u b a n s tricolores.
« Un membre de la députation était prêt à prononcer un
discours de réception, lorsque la troupe valenginoise a de-
m a n d é de r e n d r e , avant tout, hommage à l'arbre de la liberté.
Ce désir accueilli, le symbole du bonheur a été entouré.
L'hymne national a été chanté, et u n mouvement spontané
28 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
d'un saint enthousiasme a -fait fléchir les genoux, au divin
couplet : Amour sacré de la patrie. »
Après l'adoration, un citoyen du Locle prononça un discours
dans lequel il prophétisa une ère de bonheur inconnue jus-
qu'alors au peuple français régénéré. Le président de la
société répondit en acceptant l'augure et en admettant à la
séance de la Société républicaine les citoyens et citoyennes de
Valengin.
Au président succède à la tribune un membre de cette
société, lequel, imitant le fameux quousque tandem, débute par
ces mots : «Jusqu'à quand parlerons-nous de roi et de royauté?
Jusqu'à quand nous entretiendrons-nous de tyrans et de
tyrannie? Déjà depuis trop longtemps ils furent nos idoles.
Depuis trop longtemps ils ûrent courber nos tètes sous leur
sceptre de fer. Qui ignore que la vie de nos rois fut un tissu
de meurtres, de carnages, de parricides, d'empoisonnements,
d'infanticides ?... Puisse le sceptre que nous allons briser être
en horreur à nos neveux!... Si la monarchie commença par un
brigand, qu'elle finisse par un traître!...
« Les fêtes qui jusqu'ici ont été célébrées par la plupart des
peuples semblaient n'avoir d'autre but que de les entretenir
dans l'ignorance et dans le fanatisme... Un despotisme qui
-enchaîne les sentiments est plus tyrannique mille fois que
l'arbitraire des Denys et des Tarquins... Quel siècle, puissant
Architecte de l'univers! que celui où les yeux des humains,
couverts d'un épais bandeau, n'apercevaient la lumière qu'à tra-
vers un nuage plus épais encore ! Mais ils ont passé ces temps
où les Français, vieillis dans la servitude et courbés sous le
joug des tyrans et de leurs satellites, devaient se réjouir des
maux qui les accablaient.
« Nos fêtes sont plus pures, nos cérémonies sont plus reli-
gieuses. En substituant à ces Te Deum, que peu d'entre nous
comprennent, l'hymne sacré des Marseillais, nous tirons
l'homme de sa léthargie : nous lui apprenons quand, pourquoi
et contre qui il doit tirer ses a r m e s ; nous débrouillons à ses
yeux un chaos qui l'enveloppait; nous lui prouvons qu'il était
fait pour ces merveilles! Qu'elles sont incompréhensibles ! Que
l'histoire vante tant qu'elle voudra les Scipion, les Annibal...
les Dumouriez, lesCustinefigureront plus longtempsau Temple
de Mémoire. Les vainqueurs des Thermopyles céderaient la palme
aux défenseurs de la patrie».. O France! ô République! 6
CHAPITRE ONZIÈME 12*
Patrie, si chère à mon cœur! tu vas donc enfin triompher de
tous tes ennemis. »
Ces ennemis sont les rois et les prêtres, c'est-à-dire le
christianisme dans l'ordre religieux et dans l'ordre social. A
la place de la double royauté de Dieu, l'homme inaugure
la sienne : c'est l'apothéose païenne. Parlant de la bienfaisante
philosophie qui a compris tous les peuples dans les liens de la fra-
ternités l'orateur dit que les nègres et les Suisses adorent notre
sainte révolution; que les Suisses aiment à penser qu'ils ont
aussi nos sympathies, et que a le Génie bienfaisant de la France
saura distinguer ces sommets trop longtemps couverts de gla-
ces et de frimas, de ces contrées heureuses qu'embellissent
Pomone et Cèrès.... »
Un membre de la société ajoute ; « Je pense que l'on ne peut
faire que d'applaudir aux sentiments patriotiques que notre
frère vient de manifester dans ce discours; mais j'observe
que, quelque utile, quelque agréable que soit cette séance, il
est temps de se lever pour enterrer cette royauté qu'on laisse
trop longtempssur les tréteaux.»
« Le président a annoncé que la séance était suspendue jus-
qu'à huit heures du matin du lendemain.
« Ce jour-là, une salve d'artillerie a annoncé l'ouverture de
la cérémonie, qui a commencé par les Vigiles de l'office des
morts, traduits en langue française et travestis, chantés autour
d'un mannequin, emblème de la royauté, représentant fidèle-
ment la double face du scélérat Louis XVI. Il était décoré de
tous les ordres et du manteau royal, tenant d'une main
le sceptre et de l'autre un poignard.
« Le convoi, éclairé par des pages aux livrées de la cour,,
s'est mis en marche.
« Les coureurs et les nègres à la livrée des princes de Co-
blentz, ont fait l'ouverture.
<( Marchaient en tête Voltaire et Rousseau, portant les flam-
beaux de la philosophie, et après eux, un Savoisien et un Belge.
« Suivaient des vétérans et des vieillards helvétiens.
« Un groupe d'élèves de la patrie ayant avec eux déjeunes
Valenginois.
« Les amazones républicaines, avec elles les citoyennes d'Hel-
vétie.
« Les jeunes citoyennes françaises et valenginoises*
« Vingt musiciens.
130 U RÉVOLUTION FRANC MSB
« Douze chantres.
« Le mannequin royal supporté par un laboureur et un j a -
cobin sans-culotte.
« La reine entre deux docteurs de Sorbonne, porteurs des
saints canons et de toute la pretintaiïte théologique.
« Suivait de très-près le cardinal Collier, avec dame Valois-
Lamothe, en grande réflexion.
« Les dignitaires de tous les ordres mendiés ou brocantés.
« L'aumônier de la cour et une entremetteuse.
« Un gros groupe d'aristocrates de toutes les classes, à lon-
gues oreilles.
« Un exempt des maréchaux de France et un lieutenant de
police fuyant devant le tableau des Droits de l'Homme, porté en
bannière par un nombreux groupe de jacobins kelvêtiens
et français, ayant au milieu d'eux trois hommes de couleur
portant les débris de leurs chaînes.
« Le convoi, égayé par des chants funèbres tournés en ridi-
cule, entremêlés à chaque strophe d'airs burlesques exécutés
par la musique, ayant parcouru les rues illuminées, est enfin
arrivé à l'arbre sacré de la liberté, au pied duquel s'est
trouvée creusée la fosse de la royauté.
« Mercure, son caducée en main, fend la presse et annonce le
Temps et le Destin; ils paraissent. Le Temps, à la tête chauve,
front ridé, barbe blanche, grandes ailes, sablière en main,
armé de sa faux, s'arrête un instant et dit : « J'ai mesuré le
cours de la tyrannie des rois; Capet, tu l'as fini. DESTIN, pro-
nonce. » Il reprend aussitôt sa marche rapide.
« Le DESTIN, le front couvert de son casque, revêtu de sa
cuirasse et armé de son bouclier, dépose sur le bord de
la fosse le vase de Pandore et prononce cet arrêt : « Afrqpos,
coupe le fil des crimes des rois; Clotko et Lachésis, filez les
siècles d'or. »
« A ces mots, le fantôme funeste est englouti, la fosse est re-
couverte et les ridicules emblèmes des distinctions, arrachés
par les sans-culottes, sont rejetés dans le vase de Pandore, qui
est à l'instant refermé par le DESTIN qui disparaît avec le
vase. »
Voyez comme tous ces collégiens connaissent leur mytholo-
gie! Le nom, les fonctions, les attributs, les moindres détails
du costume des divinités païennes, ils savent tout cefa ad
amassim.
CHAPITRE ONZIÈME. 131
« P a r a i t le Génie de la France revêtu d'une robe blanche,
coiffé à la grecque, ceint d'un ruban tricolore, tenant en main
le globe ; il prononce ces paroles consolantes : « Républicains,
essuyons nos larmes ;le Destin vient de couronner nos travaux,
notre constance et notre courage ; les oppresseurs ne sont plus ;
le règne de la liberté commence... Jurez sur la tombe de
la royauté exécration éternelle aux tyrans... »
« A l'instant un cri général se fait entendre : Périssent les ty-
rans! Vive la République universelle!
« Le convoi a formé u n cercle et a manifesté son allégresse
p a r des chants et des rondeaux civiques, publiant le triomphe
de la liberté. »
Avant l'enterrement, la Société républicaine avait tenu, dès
le matin, une séance où furent reçus membres de la société
soixante-dix-sept citoyens helvétiens. Un des récipiendaires
retraça les bienfaits de la Révolution. A ce discours u n des
membres de la société répondit par cette oraison funèbre de la
royauté ;
• Consummatum est*
• Il n'est plus._
l Monit. 26 nov.
* Monit.. t. XIV, p. 510.
136 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
m ê m e est du côté de la liberté ; et nous aurons à envier aux
Spartiates la gloire qu'ils ont eue de lutter avec peu de héros
contre des nuées d'ennemis. Nos Tkermopyîes seront toujours
couverts de légions n o m b r e u s e s . . . La France est plus avancée
que Rome ne l'était au moment de l'expulsion des Tarquins;
Home avait elle-même expulsé son tyran, et elle pouvait se
borner au m é p r i s ; notre tyran, comblé de bienfaits, nous a
trahis, et nous lui devons une haine implacable *. »
Enfin, les membres de la section du Luxembourg j u r è r e n t
de p o i g n a r d e r le m o n a r q u e , si la Convention ne le condamnait
pas à périr s u r l'échafaud. Pour avoir montré des sentiments
aussi énergiques, cette portion de Paris reçut la dénomina-
tion de Mutins Scévola *.
Pour compléter ces vœux sanguinaires, deux députations
des q u a r a n t e - h u i t sections de Paris se présentent, à quinze
j o u r s d'intervalle, à la b a r r e de la Convention.
La première, le 2 décembre au soir, s'exprime ainsi :
« Représentants du peuple français, une section du SOUVERAIN,
cette section terrible qui ne redoute point les baïonnettes, qui
a fait la Révolution, nous députe vers vous, et vous parle p a r
notre organe.
« Lorsque notre intrépidité eut tiré de l'esclavage la volonté
souveraine, elle s'arrêta, et dit : Que la vengeance d'un peuple
libre, soit solennelle. Aussitôt le peuple vous avertit de sa sou-
veraineté. Allez, vous dit-ii, le monstre qui voulait a n é a n t i r la
liberté est enchaîné. Punissez mes assassins; il n'y a d'autre
inviolabilité que la mienne. Que tarde donc votre bras ? La dé-
testable coupe de Circé circulerait-elle parmi vous ? Osez ache-
ver l'histoire de la plus horrible conjuration. Nous vous le
j u r o n s , nous sommes prêts à ratifier le j u g e m e n t que vous
3
nous devez . »
La seconde, le lundi soir 17 décembre, parle en ces termes
parfaitement classiques p a r l'organe de Gonchon, son ora-
teur : « Les hommes du faubourg Antoine paraissent à votre
b a r r e ; l'amour de la patrie leur en fait un devoir. Le monstre
du royalisme se r a n i m e à la torche des factions; que pour-
ri ez-vous espérer d'une t r a h i s o n ? Le feu sacré du 10 août a
1 Monit., ibi.
t Momt., ibi.
CHAPITRE DOUZIÈME. 445
termine ainsi : « On s'est écrié que la vertu avait toujours
été en minorité sur la terre, mais Catilina fut en minorité dans
le sénat romain : et si cette minorité insolente eût prévalu,
c'en était fait de Rome, de la patrie et de la liberté. On nous
dénonce au fer des assassins ! mais nous savons que Tibêrius
Gracchus périt par la main d'un peuple égaré qu'il avait cons-
tamment défendu. Son sort n'a rien qui nous épouvante : tout
notre sang est au peuple ; en le versant pour lui nous n'aurons
qu'un regret, c'est de n'en avoir pas davantage à lui offrir.
Us disent que c'est aux Catilinas à régner dans le sénat! Mai>
n o n ; ils sont lâches, nos assassins, ils sont lâches, nos petit*
Marius, nourris dans la fange du marais où ce tyran fut ré-
duit à se cacher un jour *. »
Pour détruire l'effet du discours de Vergniaud, Juan-Bo;.
Saint-André s'écrie : « Catilina aussi parlait de la souveraim t •
du peuple; c'était en son nom qu'on conspirait contre la li-
berté. »
Dubois-Crancé conclut en disant dans le style antique :
« Vengeons notre patrie du tyran qui a voulu l'asservir. Di-
sons ensuite au peuple : Fais voler nos têtes sur les échafauds,
nous rendrons grâces aux dieux, nous aurons sauvé la pa-
a
trie . »
La Convention semble encore indécise. Gensonné monte à
la tribune, parle dans le sens de Vergniaud, et, attaquant les
députés d e l à Montagne, qui se pavanaient de leur républica-
nisme et de leurs services, il s'écrie : « S'ils ont aidé à sau-
ver la chose publique, ils l'ont fait par instinct, comme les
^tes du Capitule. » Arguments, épigrammes, tout est pris dans
les auteurs classiques ; ils n'en connaissent, ils n'en estiment
pas d'autres : à qui la faute?
Combattant Gensonné, Barrère s'oppose à l'appel au peu-
pie. Afin de rassurer les timides qui craindraient un blâme
de la part du peuple souverain et d'obtenir un arrêt de mort
sans appel : « Non, dit-il, je ne puis penser qu'une nation
loyale et généreuse ait envoyé ses représentants sur la brèche
pour combattre la tyrannie, et qu'ensuite cette même nation
pût les poursuivre et les immoler. Non, les Français ne se-
ront jamais aussi injustes ni aussi atroces! »
Où va-t-il en chercher la preuve? Dans le caractère fran-
1 Monit., ibi.
* Monit, ibi.
9
146 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
çais? Non. Dans les faits de notre histoire? Non; mais dans
l'éternel réservoir de toutes les preuves des orateurs de la
Révolution.
« II fallait, dit-il, dérober au peuple romain la vue du Capi-
tule, pour qu'il pût se décider à punir Manlius, et Manlius était
coupable. Mais vous qui avez sauvé lé Capitole français, ne crai-
gnez pas que la nation l'oublie.... J'ai prouvé que l'appel au
peuple n'existait à Home, que parce qu'il n'y avait à Rome que
des magistratures et non pas une représentation, et que le
peuple exerçait sans cesse sa magistrature par lui-même.
Ainsi, je demande que la Convention statue elle-même sur le
sort de Louis Capet*. »
Cet ainsi est péremptoire pour les élèves des Romains. L'avis
de Barrère est adopté, et la France aura le 21 janvier.
* Monit., ibi.
CHAPITRE XIII
je vote pour la mort ; tous les peuples qui ont voulu être
libres, n'ont pu l'être que par la mort des tyrans, je vote pour
la mort ; un républicain ne consulte que les intérêts de la
patrie; je vote pour la m o r t ; je suis humain, j'abhorre le
sang, mais je crois bien mériter de la patrie en votant pour la
mort; je ne puis voir des républicains dans ceux qui hésitent
à frapper un tyran, je vote pour la mort ; un tyran disait qu'il
voudrait que le peuple romain n'eût qu'une tête, pour Vabattre
d'un seul coup. Louis Capet a, autant qu'il était en lui, exécuté
1
cet atroce désir ; je vote pour la m o r t . a
Pour un grand nombre l'idée païenne se résume dans un
nom de l'antiquité classique, et, quelle que soit leur sen-
tence, ce nom est le motif de leur vote.
Manuel, au nom des Romains, demande la réclusion dû roi,
et, au nom de Brutus, jure de le poignarder s'il tente de res-
saisir la couronne : « Des Français doivent avec leurs lumières
être plus que des Romains. Louis est un tyran, mais ce tyran
est couché par terre. Il est trop facile à tuer pour que j e
le frappe. Qu'il se relève, et j e jure que j'ai le poignard de
Brutus, si jamais un César se présente dans le sénat. »
Louvet : « J'ai pour moi les leçons de l'histoire et l'exemple
célèbre du premier des Brutus, dont l'image, citoyen président,
est au-dessus de ta tête, comme pour me rappeler ce généreux
exemple ; je vote pour la réclusion.»
Enlard : « Les rois chassés du trône n'y ont jamais re-
monté; les rois qui ont trouvé des Brutus ont eu des successeurs;
je vote pour la réclusion. »
Rabaut Saint-Étienne : « Je me suis convaincu que rien ne
peut mieux assurer l'abolition de la royauté que de laisser
vivant dans sa nullité le Tarquin qui fut roi ; je vote pour la
réclusion. »
Alassœur : « Pour établir mon opinion, j ' a i consulté l'his-
toire. Rome chassa les rois et eut la liberté. César fut assassiné
par Brutus et eut un successeur; je vote pour la réclusion. »
Marcy : « L'existence de la République naissante est atta-
chée à l'existence de Louis. L'expulsion de Tarquin enfanta la
République ; la mort de César, le triumvirat ; je vote pour l'ex-
pulsion du ci-devant roi. »
1
Monit.. ibi.
CHAPITRE TREIZIÈME. 449
Lakanal le lettré, le pédagogue, se posant en Spartiate:
« Un vrai républicain parle peu ; je vote pour la mort. »
Guesnos, se posant en Romain et singeant Brutus : «Je vote
pour la mort, et je renouvelle le serment de ne jamais exister
sous un nouveau tyran et de ne vivre désormais que pour combat-
tre celui qui voudrait succéder au tyran que je condamne. »
Duprat, singeant Caton : « Je condamne à mort Louis le
traîlre. Je prévois que l'exécution de son jugement hâtera
les sinistres projets des ambitieux conjurés. Mais si les Catilinas
pouvaient l'emporter sur les nombreux défenseurs des droits du
peuple, je vous apprendrais comment un Français doit mourir
quand la liberté est perdue. »
Milhaud : « Quiconque ne pense pas comme Caton, n'est pas
digne d'être républicain ; je vote pour la mort. »
Barrère : « L'arbre de la liberté, a dit un auteur ancien.
croit lorsqu'il est arrosé du sang des tyrans ; je vote pour la
mort. »
Bazire: « Tarquin exilé se présente bientôt devant Home ; Co-
riolan, simple sénateur banni, met en péril la république romaine.
Les despotes ne pardonnent jamais h leur patrie ; je vote
pour la mort. »
Biad : « Si vous faites tomber la tête d'un roi conspirateur,
vous devez à l'exemple de Rome chasser la famille des Tarquins ;
je vote pour la mort de Capet et l'expulsion de sa fa-
mille. »
Porchel : « Si les Tarquins bannis ne purent rentrer dans Rome
asservie, c'est qu'ils n'avaient pas, comme Capet, de nombreux
amis ; je vote pour la mort. »
Mais c'est Brutus, le patron de l'Assemblée, qui a Y éloquent
honneur de motiver le plus grand nombre de ces votes régici-
des. En voici quelques-uns :
Fréron : « Je demande qu'avant de prononcer le décret de
réclusion, l'image de Brutus soit voilée et son buste retiré de
cette enceinte ; je vote pour la mort. »
Louchet : « Si l'opinion de ceux qui votent pour la détention
ou le bannissement venait à prévaloir, j'appuierais la motion
faite par Fréron, pour qu'on emporte d'ici l'image de Brutus ;
je vote pour la mort. »
Vouland : « Je demande pour Louis le même supplice qui fut
infligé par Brutus à ses fils ; je vole pour la mort. »
Péiissier : « Le grand homme, Brutus, dont je vois ici Veffigie,
150 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
terrassa le tyran de Rome ; il ne donna point de motifs ; je vote
pour la mort. »
Taille fer : « J'applique en frémissant la loi qui fait mourir
mon semblable ; mais foi les yeux fixés sur V image de celui qui
délivra Rome des tyrans ; je vote pour la mort. »
Chasles : « En présence de l'image de Brutus, je vote* pour la
mort. »
Amar : « La mort de Louis est nécessaire, fen jure par Bru-
1
tus ; je vote pour la m o r t . »
et que son retour se marque chaque année par la ehute d'une tète royal»», afin que
la race funeste des rois, bientôt éteinte, laisse toutes les natious dignes de célébrer
la fête de leur mort. •
Ainsi parlent les lettrés de Saint-Sever, Reims, Richelieu, Marseille, Poitiers,
Montpellier, Nimcs, Mcaux, Ap% Rennes, Beaune, Aueh, Strasbourg, le M.ins,
Nevers, Alençon, Autun, Brest, Moulins, Beaucaire, etc., etc. Monit. du 25 janv.
au 20 fév. 1793.
Louis XVI un tyran, Louis XVI un tigre, un assassin, un traître; le peuple roi,
le peuple inviolable; le régicide un acte digne d'admiration, digne de Bmtus :
où se "trouve, si ce n'est dans les auteurs classiques, l'inspiration d*? paretln* senti-
ments et d'un pareil langage ?
CHAPITRE XIV
RÉFLEXIONS.
* Des enfants dans les prisons, par M. Vingt renier, médecin en chef des prisons.
* Tableau de Paris, eh. CCLTIII.
s De 1835 à 1846, ce nombre avait été de 33,032. — Tout en tenant compte do
l'augmentation de la population et de l'activité plus grande de la justice, on Toit
dans quel sens le progrès s'est accompli.
156 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
sur 100 prévenus condamnés par les tribunaux correctionnels,
38 étaient également récidivistes. Quant aux suicides, il en
a été constaté pendant l'année 5,617, SOIT 16 SUICIDES PAR JOUR.
« C'est, ajoute le rapport, le chiffre le plus élevé que la sta-
tistique criminelle ait jamais présenté. »
Et les non-constatés !
Tel est le dernier bordereau de la moralité chez la fille
aînée de l'Église ! ses sœurs ne se portent pas mieux l Que
les optimistes veuillent bien méditer ce fait lamentable, in-
connu, depuis le commencement du monde, chez n'importe
quelle nation, et, s'ils en ont le courage, qu'ils osent affirmer
le progrès continu dans le bien 1
Au contraire, de ces chiffres effrayants il nous semble per-
mis de conclure en disant avec un savant médecin : « De
même que les maladies et la mort servent à mesurer la salu-
brité d'un pays et l'état sanitaire d'une population, de même
le nombre et la qualité des crimes peuvent donner la mesure
de la moralité d'un pays et de l'amélioration des idées*. »
Nous ajouterons : et de la sécurité avec laquelle on peut con-
tinuer un système d'éducation qui a si puissamment contri-
bué à nous faire ce que nous sommes.
On se hâte de reprendre : L'enseignement classique n'est plus
le même ! — En quoi est-il changé ? N'est-ce pas toujours Cor-
nélius. Quinte-Curce, Salluste, Ovide, Virgile, Tite-Live, Ho-
race, Démosthène, les Grecs et les Romains qui régnent dans
les établissements d'instruction publique, aujourd'hui comme
au dix-huitième siècle ?
Voyez ce qui se pratique. Le jeune enfant que sa mère livre
aux collèges, lycées, séminaires, institutions, pour y recevoir
l'instruction, et qui n'a appris jusque-là qu'à lire, écrire et
prier Dieu, est aussitôt mis en face de l'antiquité, qu'il doit
contempler» étudier, méditer, approfondir pendant huit mor-
telles années.
11 vit une année avec les hommes illustres de Home, dont
l'histoire et la glorification sont extraites de Tite-Live par le
bon M. Lhomond. C'est là qu'il apprend à admirer Brutus,
Mucius Scaevola et les farouches défenseurs de la liberté ro-
maine; il passe à Cornélius Nepos et à la vie des grands hom-
* Monit., ibi.
CHAPITRE XV
HISTOIRE DU R É G I C I D E POLITIQUE.
iid.
106 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
aux distributions de prix, dans toutes les maisons d'éducation,
ne sont guère qu'un long dithyrambe en l'honneur des Grecs
et des Romains.
Et puis les rois s'en vont; et l'Europe est menacée de deve-
nir républicaine ou cosaque ; et sur les bancs des collèges on
courbe la tête sous le joug des tyrans, mais on admire en secret
Brutus et Chéréas; et les révolutions se succèdent, les régicides
se multiplient : et l'on s'en étonne !
Il est un nom surtout q u i , depuis la Renaissance, est d e -
venu pour la jeunesse de collège l'objet d'un véritable culte et
le cri de ralliement des assassins politiques : c'est celui d e
Brutus.
Vers la fin du quinzième siècle, à l'aurore môme de la Re-
naissance, vivait à Miian un célèbre professeur de littérature
appelé Montanus. Ayant reçu une injure du duc Galéas Sforza,
il dissimule, mais j u r e de se venger. Au nombre de ses élèves
était un jeune homme, à peine âgé de dix-huit a n s , appelé
Jérôme Oligati. Un jour, Montanus, après avoir suivant son
habitude, exalté devant sa classe Brutus et Cassius, prend Oli-
gati en particulier, lui montre, à l'exemple de Cicéron, Brutus
traversant les siècles environné d'une auréole impérissable et
comblé des éloges de la postérité. II fait briller à ses yeux la
gloire immortelle qu'il acquerra lui-môme en délivrant sa pa-
trie du tyran Galéas. Ces leçons portent leur fruit. Quelques
j o u r s après, le 26 décembre 1476, Oligati assassine le duc de
Milan, en présence de tout le peuple, dans l'église de Saint-
1
Etienne .
On l'arrôte, on le condamne au dernier supplice, e t j u s q u ' à
la mort, le j e u n e démocrate conserve son stoïcisme républi-
cain. Pas un sentiment chrétien ne s'éveille dans cette â m e
paganisée. La pensée de son immortalité l'occupe tout entier
et lui inspire, même s u r l'échafaud, ces paroles dignes d'un
Romain : Courage, Jérôme, dans tous les siècles on parlera de toi;
le supplice sera cruel, sans doute, mais il sera court, tandis que
8
ta gloire sera éternelle .
1 Obligatum pêne imberbem levissimumque adolescentem inani spe parant!»
gloriae intlaTcrat Cola Montanus litterarii ludi magister, si occiso tyranno patriara
in libertatem assereret; sœpe Cassios et Brutos m schola magais extollens Iaudi-
:
bus, qu gluria ducti pulcherrimi facti cousilium olim suscepissent. P. Jov., Elog.
Galeacci, p. 245.
* Oligatus ipse YÎSU audituque vesana constantia obstinâtum animum in conspeetu
earnificis gerens, seseque in ipsa morte confirmans haec contumaci orc protulit
CHAPITRE QUINZIÈME 167
Ce premier régicide commis dans les temps modernes, h
l'imitation de Brutus, excite l'enthousiasme des lettrés de l'é-
poque. Nous avons encore les odes latines où, réunissant dans
une commune louange l'imitateur et le modèle, ils appellent
tous les coeurs généreux à suivre leur exemple. Contentons-
nous de citer Petrus Cri ni tus, qui, dans un chant fameux,
quoique peu connu de nos jours, célèbre, avec un enthou-
siasme parfaitement classique, l'héroïsme du nouveau Brulus :
« La vertu de l'antique Italie préparait un sacrifice aux
mânes de Brutus. Tout à coup, en immolant une victime choi-
sie à Mars vengeur, elle tourne ses regards vers les braves
lnsubrïens; elle admire un bras courageux. Que vois-je? s'é-
crie-t-elie, où suis-je appelée? Adieu, sacrifice de Brulus.
Voici mon élève, voici ma gloire, voici le vengeur du crime
qui me montre son poignard teint du sang d'un tyran. Quel
courage! quelle haine de la tyrannieI C'est vraiment mon
nourrisson. Nouvelle hostie, qu'on lui prépare de nouvelles
victimes et qu'elles soient dignes de son grand cœur.
Quiconque déteste les tyrans, abhorre la tyrannie, viendra
sacrifier avec moi et consacrer ce jour solennel par l'immo-
lation d'une hécatombe »
ferbft : Collige te, Hieronyme; stabit vetm memoria facti; mors quidem erit
acerba, sed tormentum brève, atque ejus fama perpétua. Id., id., 248,
» Parabat olim sacra Bruti manibus
Antigua virtus Italum,
Ac forti lei'tam dum rependit hostiam
Marti dicatam vindici,
Frontem retorsit illico ad acres Insubrei
AIirata furtem dextaram :
Quid, in qui t, hoc tandem video? quô evocor?
Valete Brutorum sacra.
Hic noster alumnus, o certum decus
Vindex nefandi criminis
Qui tam cruento aciuace ferai îudicat
Sparsum tyranni sanguinem.
Ut spiral audax in tyianoicura scelusl
Vere est alumuus hic meus,
Alie hustîœ, n o v s parentur MCtlma,
Quîs alta surgat induits.
Quod si quis improbos tjrjunos ejicit
Aut odit insolentiam,
Litare débet mc-cura, et hanc Iucem saciam
Sertare eentum m t i m i s .
P. Crinilus, De virtute Joannis André* Lamponiani (complice d'Oligati) tyran*
nieidg, lib. II, p. 134, in-fol-, edit. 1513.
168 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
Ce concert d'éloges insensés n'a jamais été i n t e r r o m p u . On
est stupéfait en voyant toutes les tragédies de collège, tous
les suasoires de rhétorique, tous les commentaires écrits, où
sont présentés à l'admiration de la jeunesse le caractère et les
actes du premier et du second Brutus. Ce qui n'a pas moins
le droit de s u r p r e n d r e , c'est l'incontestable bonne foi des
hommes qui croyaient pouvoir sans péril j o u e r avec de pa-
reilles idées.
P o u r n'en citer qu'un exemple ; au commencement du dix-
huitième siècle, u n célèbre professeur de rhétorique dans
un des principaux collèges de Paris, faisait r e p r é s e n t e r - p a r
ses élèves sa Tragédie de Brutus. Or, la pièce finit ainsi : ré-
p o n d a n t au licteur qui vient lui annoncer la mort de ses fils
exécutés par ses ordres, Brutus se lève et s'écrie : « C'est bien ;
Rome est vengée. Maintenant, dieux tutélaires, écoutez ma
prière : J'ai délivré ma patrie des t y r a n s ; si jamais il se ren-
contrait un homme qui voulût l'asservir, qu'il sorte de mon
sang un citoyen généreux qui, en présence de Rome e n t i è r e ,
poignarde l'usurpateur, et qu'à jamais le nom de Brutus soit
fatal aux tyrans. C'est tout ce que demande le père, le consul,
le vengeur de la liberté *. »
Pas une voix ne s'éleva pour signaler le danger d'une pa-
reille pièce, jouée devant des jeunes gens et par des jeunes
gens de dix-huit à vingt ans. Au contraire, le public applaudit.
Quelque temps après la représentation de la pièce, Voltaire
donne, en 1732, sa tragédie deBrutus, calquée sur la première.
Cette pièce dit en français, pour le théâtre public, ce que
l'autre avait dit en latin, pour les théâtres de collège. On y
lit entre autres les vers fameux :
i fiene est.
Jam vindicata est Roma. Nunc, o nunc meas
Dii sospitales, sequa si posco, preces
Audit''. Duro patnam exeini j u g o j
Hanc deinde si quis preniere servitio velit,
Exorere nostro sanguine impatiens jugi,
Liberque civis, teste qui Roma novum
Feriat tyrannum, sitque fatale omnibus
Nomen tyrannis Brutus. Hoc unum precor,
Unum hoc pareuti, eonsuli, ultori, date.
CHAPITRE QUINZIÈME. m
Que le perfide meure au milieu des tourments;
Que sa cendre coupable et condamnée aux vente,
Ko laisse ici qu'un nom plus odieux encore
Que le nom des tyrans que Rome entière abhorre.
i Now, was this not absurd ? Was it not wantonly sowing danger to be reaped
in after life? P. 27.
i Lettre du 25 a^ril 1852.
10.
RÉSUMÉ GÉNÉRAL
AVPRTISSEMENT 5
INTRODUCTION *
CHAPITRE PREMIER.
LA RÉVOLUTION.
CHAPITRE III.
Nouveaux témoignages : Dumonchel. — Auger. — Grégoire. — Ber-
nardin de Saint-Pierre. — Daunou. — Briot. — Dupuy. — Boissy
d'Anglas. — Dupuis. — Fourcroy. — La Dé<:ade philosophique. —
Camille Desmoulins. — Pages. — Condorcet. — Danton. — Tal-
leyrand. — Chateaubriand 84
CHAPITRE IV.
Suite des témoignages : Henri Heine. — Frédéric SchlegeL — An-
drieux. — Le Moniteur. — M. Michelet. — M. Bastiat. —M. le comte
de Champagny. — François de Neufchateau. — Chazal. — AUoury.
— La Révolution elle-même. — Deux périodes dans son histoire :
la période de destruction et la période de reconstruction 41
CHAPITRE V.
LA RLVOLLTION ET LES DROITS DE L'HOHHg.
CHAPITRE VIL
LA DÉVOLUTION ET LE CHRISTIANISME.
CHAPITRE VIÏÏ.
LA RÉVOLUTION ET LE CHRISTIANISME (suite).
ie
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Les titres suivants donneront une idée générale de l'ou-
vrage :
T. I. — La Révolution française, sa généalogie. — Son
double travail de destruction religieuse et de destruction so-
ciale. — États généraux, Constituante, Législative, Conven-
tion. — Persécutions et régicide.
T. H. — La Révolution française, son travail de recon-
struction religieuse. — Religion officielle de Chaumette et de
Robespierre. — Fêtes. — Religion des théophilanthropes. —
Dogmes et liturgie. — Polythéisme de Quintus Aucler.
T. III. — La Révolution française, son travail de re-
construction sociale. — Constitutions. — Lois, institutions,
costumes, langage.
T. IY. —• La Révolution française, son travail d'affer-
missement. — Education. — Théâtres. — Mœurs privées et
publiques. -^-Triumvirs, proconsuls, victimes. —Biographies
de Robespierre, Saint-Just, Camille Desmoulins, Charlotte
Corday, etc.
T. V. — Le Voltairianismt, ses caractères. — Se gé-
néalogie. — Voltaire, Rousseau, Mably, Montesquieu, ete. —
Doctrines et biographies.
T. VI. — Le Césarisme, sa définition, sa généalogie. —
Machiavel, Bodin, Buchanan, etc. — Biographies. — Doc-
trines politiques des derniers siècles.
T. VII. — Le Protestantisme, won origine. — Ulrich de
Butten. — Luther, Zwingle, etc. — Biographies et doc-
trines.
T. VIII. — Le Rationalisme, sa généalogie. — Notice
sur les principaux rationalistes. — Caractères et progrès de
leurs doctrines.
, T. IX. — La Renaissance, son origine. — Ses carac-
tères. — Biographies des principaux renaissants dans toute
l'Europe.
T. X. — La Renaissance, propagation de soi esprit. —
Enseignement. — Pièces de collège. — Littérature. — Théà-
v -
i e
DE GAUME ET C , É D I T E U R S . 9
(Archivée théologiques
LES PRINCIPALES AMÉLIORATIONS APPORTÉES À CETTE ÉDITION
Table générale,
SONT :
Dictionnaire
1 ° LA
abrégé d'Histoire COMPLÈTEMENT REFONDUE
Les Éditeurs
DÉSIRER.
ses
4* La révision du style de
citations; e
{'AUTEUR
DES
Atlas géographique,
Annales,
4 ° UN QUI EST, AI
LE COMPLÉMENT INDISPENSABLE DU LIVRE DE L'
ROHRBACHER. L'INTENTION DE L'ABBÉ ROHRBACHER ÉTAIT QUE Ion
COMPOSÂT, SON LIVRE À LA MAIN, DE NOMBREUSES CARTES DE GÉO-
GRAPHIE OÙ FUSSENT TRACÉES AVEC UNE EXACTITUDE RIGOUREUSE LES
LIMITES DES DIVERS EMPIRES OÙ SE SONT PASSÉS LES FAITS QU'IL A RA-
CONTÉS, QU'ON PÛT SUIVRE FACILEMENT LE TRAVAIL D'ACCROISSEMENT
DES NATIONS QUI VIVENT ET SE MEUVENT DANS SON LIVRE, ET SURTOUT
LA MARCHE CONQUÉRANTE DU CHIISTIANISME CHEX TOUS LES PEUPLES.
LE SAVANT ET HABILE GÉOGRAPHE AUQUEL NOUS AVONS REMIS LE
SOIN DE CET IMPORTANT TRAVAIL S'EST CONFORMÉ AU DÉSIR DE L'ABBÉ
ROARBACHER ; MAIS, QUELQUE ÉTENDU QUE FÛT CE CADRE, IL EÛT ÉTÉ
DIFFICILE À M . DUI-OUR DE S'Y RENFERMER; U A DÛ MAINTES FOIS
COMPLÉTER LES INDICATIONS DE L'HISTORIEN.
CES ADDITIONS FONT DE l'Atlas l'Histoir
QUE NOUS AVONS ÉDITÉ UN OU
VRAGE FORT UTILE, NON-SEULEMENT AUX LECTEURS DE
l'Eglise,
TIÈRE.
MAIS À CEUX DE TOUS LES LIVRES ÉCRITS SUR CETTE M
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Cet ouvrage est, à beaucoup d'égards, le complément né-
cessaire des Mélanges de U. L. VEUILLOT. L'auteur a donné
une grande place à l'examen des doctrines socialistes, com-
munistes et phalanstériennes. Cette étude, pleine d'aperçus
ingénieux, de révélations curieuses et de traits piquants, n'a
rien perdu de l'intérêt qu'elle offrit il y a quelques années
aux lecteuis de l'Univers. M. B. VEUILLOT l'a augmentée de
nombreux chapitres inédits, et la démonstration qu'il a voulu
taire est complète.
U n'a pas moins apporté de soin à la réimpression de ses
articles sur la question italienne et sur la question romaine. Là
encore il a exposé, dans un style net et précis, le véritable
caractère des institutions religieuses et civiles du gouverne-
ment romain, et montré l'iniquité des récentes attaques de la
Révolution contre l'Église.
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ments et commentaires. 1 fort vol. in-18 Jésus.... t fr,
M. E. VBCILLOT a condensé dans ce volume tous les élé-
ments d'une histoire complète des événements doot l'Italie est
le théâtre depnii» la campagne de 1 8 5 9 . L'auteur suit pas à
pas et jour par jour tous les incidents qui ont marqué cette his-
toire: articles de journaux, débats des Chambres, proclama-
tions, notes diplomatiques, circulaires ministérielles, tous les
documents propres à donner aux choses leur vrai sens, et aux
hommes leur vrai caractère, sont mis à contribution avec un
soin et une exactitude irréprochables.
Tous les documents officiels forment un chapitre final.
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FRANÇAISE ONT SALUE AVEC JOIE, ET ON NOUS PERMETTRA BIEN DE
LE DIRE, AVEC UNE SORTE .T'ENTHOUSIASME, LE BEAU MONUMENT
EUE M. FRKDBRIC CODBFROV VIENT D*LEVER À LA GLOIRE DES LET-
TRES FRANÇAISES.
MERVEILLEUSEMENT PRÉPARÉ À CE LABEUR DIFFICILE PAR DES ÉTU-
DES DE LINGUISTIQUE ET DE GRAMMAIRE QUE NUL EN CE TEMPS N'A
APPROFONDIES COMME LUI, L'AUTEUR EST DOUE D'UNE FINESSE DE
GOÛT EL D'UNE DÉLICATESSE DANS LES SENTIMENTS QUI DONNENT À
SES APPRÉCIATIONS SI COMPLÈTES ET SI LARGES UN PARFUM DE NOU-
VEAUTÉ ET UNE FRAÎCHEUR PLEINE D'ORIGINALITÉ : * CE QUI ME FA-
TIGUE DANS PLUSIEURS HISTOIRES LITTÉRAIRES QUE JE CONNAIS, ÉCRI-
VAIT A M. (TODBPROY UN EVÈQUE DONT NUL NE CONTESTERA LA
COMPÉTENCE EN CES MATIÈRES, CE QUI ME MET EN DÉFIANCE
CONTI E CELLES QUE JE NE CONNAIS PAS, CE SONT LES JUGEMENTS
TOUT FAITS ET LES ÉTERNELLES RE IITES. » ET MGR DUPANLOUP
AJOUTAIT : < VOUS, MON AMI, VOUS AVEZ SU, SANS MULTIPLIER
LES P^GES, APPROFONDIR VOS MATIÈRES, ET PAR LA ÊTRE AUSSI
IIEUT QUE SOLIDE. VOS LECTEUR» PUISERONT DANS CHACUNE DE VOS
ÉLUDES UNE SCIENCE DE BON ALOI, EL SE DÉPRENDRONT DE CES
FAUSSES IDÉES QUI COURENT POUR AINSI DIRE LA LITTÉRATURE, RE-
CUEILLIE- ET RÉPÉTÉES PAR DES CRITIQUES SANS PORTÉE ET DES
ÉCI'IVAIUS SANS VALEUR. »
EFFECTIVEMENT, PLUSIEURS DES ÉTUDES DE M. GODBFHOY SONT
DE VRAIES RÉVÉLATIONS, EL IL EST IMPOSSIBLE DE SOUHAITER DES AP-
PRÉCIATIONS PLUS SAUTES, PLUS NETTES ET, CELA NE GÂTE JAMAIS
RIEN, MIEUX ÉCRITES QUE LES SIENNES. AJOUTONS COMME UN DES
GRANDS MÉRITES DE CES VOLUMES PRÉCIEUX, QUE LE CHOIX DES
MORCEAUX RITÉSDONNE TOUJOURS UNE LEÇON DE MORALE OU D'HIS-
TOIRE EN MÊME TEMPS QU'UNE LEÇON DE LITTÉRATURE. IL EN RÉ-
SULTE UO RECUEIL DE LECTURES IRRÉPROCHABLES QUE L'ON PEUT
METTRE ENTRE TOUTES LES MAINS. NOUS SOUHAITONS QU'IL ARRIVE
AUPRÈS DE NOMBREUX LECTEURS: IL FERA L'ÉDUCATION DES JEUNES
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