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UNIVERSITE MOULAY ISMAIL FSJES MEKNES

DROIT CONSTITUTIONNEL
Théorie générale
YOUNES BERRADA

Droit constitutionnel (Théorie générale)


L’Etat (Entre réflexion et droit);
La démocratie (Socle et applications) ;
La constitution (Conceptions, manifestations) ;
Les régimes politico-constitutionnels ;
Les agencements politico-constitutionnels ;
L’action électorale

Younes Berrada
2018
Université Moulay Smail

FSEJS Meknès

Droit constitutionnel (Théorie générale)


L’Etat (Entre réflexion et droit);
La démocratie (Socle et applications) ;
La constitution (Conceptions, manifestations) ;
Les régimes politico-constitutionnels ;
Les agencements politico-constitutionnels ;
L’action électorale

Younes Berrada Page 2


Sommaire
Introduction générale : ............................................................................................................ 5
Partie 1 : La corpus conceptuel ............................................................................................. 13
Chapitre I : Le fondement territorial (l’Etat comme exclusivité normative) ....................... 13
Section 1 : Penser l’Etat .................................................................................................. 14
Section 2 : La dimension juridique de l’Etat .................................................................... 33
Section 3 : Les formes de l’Etat ....................................................................................... 48
Chapitre 2 : La démocratie ................................................................................................... 64
Section 1 : La non démocratie .......................................................................................... 64
Section 2 : Les régimes démocratiques ........................................................................... 70
Chapitre III : la Constitution ................................................................................................ 75
Section 1 : La notion de Constitution ............................................................................... 75
Section 2 : Taxinomie des constitutions ........................................................................... 77
Section 3 : La valeur des Constitutions ............................................................................ 81
Section 4 : L'élaboration de la Constitution ..................................................................... 84
Section 5 : La protection de la Constitution ..................................................................... 88
Partie II : Les agencements politico- constitutionnels ...................................................... 102
Chapitre I: Les régimes constitutionnels majeurs .............................................................. 102
Section 1 : La question de la séparation des pouvoirs .................................................... 103
Section 2 : Les modèles constitutionnels cardinaux ....................................................... 110
Chapitre II : L'architecture des pouvoirs .......................................................................... 115
Section 1 : Le pouvoir législatif ..................................................................................... 115
Section 2 : Le pouvoir exécutif ...................................................................................... 130
Chapitre III : L’action électorale ........................................................................................ 134
Section 1 : Les caractéristiques du droit de suffrage ...................................................... 137
Section II : Les modes de scrutin ................................................................................... 144
Bibliographie sélective : ................................................................................................. 153
-

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YOUNES BERRADA

2020

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Introduction générale :

Le droit constitutionnel, lié à l’institutionnalisation du pouvoir dans ses


différentes manifestations, traduit amplement les différentes équations de
rapports entre le gouvernant et le gouverné ou encore entre les gouvernés.

Ces rapports marquent non seulement l’ossature constitutionnelle mais


également la raison d’être de ce droit puisqu’ils révèlent les soubassements du
pouvoir, pout délicats qu’ils soient et mènent au décryptage du degré
d’identification positive ou négative entre le gouvernant et le gouverné.

Nous sommes dès lors face à un champ où l’histoire de la vie politique a mis en
chantier un encadrement juridique des phénomènes politiques.

L’on peut avancer alors que le phénomène politique, fondamentalement social,


comporte une kyrielle de situations à la mesure de la complexité de la scène
politique elle-même.

Cela renvoie alors à des tribulations, des conflits, des attitudes contradictoires ou
paradoxales.

Les phénomènes politiques s’érigent à ce titre en phénomènes sociaux par


excellence, donc observables, quantifiables, mesurables et objectivables.

Il s’agit notamment de l’étendue du phénomène, de ses imbrications sociales et


de ses incidences sur le corps social.

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A ce stade, l’activité politique, concernée par ce raisonnement, relève de la règle
juridique et non plus de la sphère discrétionnaire d’une certaine catégorie de
gouvernants.

Les citoyens se trouveront dès lors protégés de l’arbitraire et des caprices,


initialement liées aux situations prévalant dans l’Etat de non droit.

On est donc devant des institutions et des phénomènes politiques étudiés comme
tels dans les cursus du droit public qui s’attèle à l’ensemble des règles
d’organisation de l’Etat et des rapports de l’Etat et de ses agents avec les
particuliers.

Le droit constitutionnel concerne à ce titre les règles juridiques d’organisation


et de fonctionnement des pouvoirs publics et apparaît comme étant la
transcription juridique de la vie politique, l’Etat en tête.

Il serait approprié de souligner à cet égard que le droit constitutionnel classique


est fondamentalement occidental. Il est né notamment des Révolutions anglaise
au XVIIème siècle puis américaine et française au XVIIIème siècle, des
principes à la fois constitutifs et régulateurs.

Les principes sont constitutifs puisqu’ils renvoient aux règles, normes


d'organisation concrètes incorporées au droit constitutionnel occidental.

Ils sont régulateurs au sens où leur mise en œuvre par les États est une tâche en
perpétuelle transformation, donc jamais achevée.

Le droit constitutionnel occidental puise sa légitimité de l’idée que l'application


de ses principes est l’équivalent de la volonté de progression et de la quête d’un
élan démocratique encore perfectible.
Younes Berrada Page 6
Or la question de la spécificité se présente comme un nouveau cadre de
réflexion autour d’un droit constitutionnel qui pourrait embrasser d’autres
horizons sans être cantonné ou encore limité à une sphère socio-culturelle
donnée.

Prendre en compte les différentes particularités tout en s’imprégnant des


fondamentaux serait un élément d’enrichissement qui donnerait à la discipline
toute sa mesure.

Le droit constitutionnel a alors un triple objet, et non des moindres.

Tout d'abord, il aspire à décrire les institutions politiques, à étudier les


problèmes juridiques qui les concernent et à exposer les bases
constitutionnelles des institutions administratives et juridictionnelles(le
droit constitutionnel institutionnel.)

Figure également au menu l'étude des normes (ce qui doit être fait ou non).
Assez souvent le mot "norme" est utilisé dans le même sens que le mot "règle".
Les normes sont internationales, nationales et locales (le droit constitutionnel
normatif.) 1

Le droit constitutionnel a de surcroit pour objet l'étude des Droits fondamentaux


de la personne humaine et donc de ses libertés(le droit constitutionnel
relationnel ou substantiel.)

D’évidence, le droit constitutionnel met en place des instruments de la gestion


politique aux niveaux vertical (gouvernés) et horizontal (gouvernant). Une

1
La question de normativité fait de ce droit un corpus fondamentalement juridique

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interaction logique confortée par des moyens adaptés, cohérents et mis en forme.
2
Nous sommes dès lors face à un droit « instrumental ».

Dans la tradition anglo-saxonne, le droit constitutionnel est le droit qui prescrit


l'exercice du pouvoir par les divers organes de l'État.

Il mentionne quels organes de l'État peuvent exercer le pouvoir législatif (faire


des lois), le pouvoir exécutif (mettre en œuvre les lois) et le pouvoir judiciaire
(arbitrer les conflits) et donne les limites à ces pouvoirs.

Etant le droit qui fonde l'ordre juridique qui reconnaît, organise et garantit, les
Droits fondamentaux de la personne humaine et donc ses libertés (l'Etat de
Droit) le droit constitutionnel s’érige à juste titre en droit fondamental, duquel
tous les autres droits découlent nécessairement.

Le Droit constitutionnel, fondement de tous les droits, est fait pour l'être humain,
pour lui permettre de se réaliser pleinement, et non pour permettre aux
dirigeants d'imposer leurs intérêts.

C’est le droit de la constitution, ce qui le caractérise c’est sa vocation à encadrer


les phénomènes politiques (HAURIOU). Et c‘est « l’ensemble des institutions
grace auxquelles le pouvoir s’établit, s’exerce et se transmet » (M. PRELOT)

« Cette partie du droit qui réglemente les institutions publiques de l’Etat » (M.
Duverger) avec des normes dont « la suprématie s’impose à tous » (F. Luchaire).

On est enclin à opiner que le droit constitutionnel se focalise sur la politique et


le droit, notions à la fois complémentaires et contradictoires.
2
Nous sommes devant un droit instrumental dans la mesure où le droit consitutionnel met à la disposition des
acteurs du jeu politique « un arsenal e règles et de procéures dans lequel chacun puise ses insruments ».
Voir :
Phlippe Ardant , Bertrand Mathieu , Institutions politiques et droit constitutionnel, LGDJ, Point Delta, 20 ème
édition , 2008, p3.

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La notion de pouvoir politique se trouve au cœur même de la définition de
l’Etat, épine dorsale du droit public en général et du droit constitutionnel en
particulier.

Ceci étant, l’on serait tenté d’avancer que le droit constitutionnel peut être
appréhendé de manière dynamique loin de tout formalisme ou « dogmatisme
juridique » tout en s’imprégnant de la trilogie : normative, institutionnelle et
relationnelle. 3

Un effort de paramétrage s’impose également pour inscrire la discipline dans


une démarche réflexive sans appel, donc se basant sur les principes majeurs de
conceptualisation, de problématisation et de contextualisation.

D’abord le cadre historique qui traduit les rapports de force existant avec tout
ce que cela comporte en termes d’imbrications socio-politiques, socio-
économiques et socio-culturelles. La règle juridique ne peut qu’avoir une
histoire et des prolongements, autrement elle ne serait qu’une abstraction loin de
cerner la dynamique sociale, complexe de toute évidence : Intérêts,
promesses, attentes, moyens, pressions, actions, réactions.

3
Voir à ce propos :
-Jean- Claude Masclet , Jean- Paul Valette, Méthodologie du droit constitutionnel , Ellipses, 2
ème édition, Paris, 2014,
- Hugues Portelli, Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 1999 ;

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Ensuite, les transformations ou encore les évolutions des sociétés qui ne
manquent pas de se répercuter sur l’élan normatif, le texte constitutionnel au
premier chef.

Dans cet ordre d’idées, le paramètre de la particularité (éléments endogènes)


s’annonce capital, dans la mesure où il met en exergue les spécificités de chaque
société.

De surcroit, on retient le paramètre de confrontation – inspiration qui pourrait


aboutir soit à « une inspiration salutaire » au niveau du texte soit à une «
greffe » quasi « caricaturale » puisque non conforme à la réalité sociétale
hormis pour les sociétés qui représentent des ressemblances énormes justifiant
une systématisation normative.

Un cinquième paramètre a trait à la question de l’adéquation entre le texte et le


contexte (signifiant- signifié). L’harmonie escomptée passe indubitablement
par la concordance des deux dans la mesure où la norme constitutionnelle
devrait être l’équivalent d’une volonté de démocratisation réelle loin de toute
instrumentalisation ou saupoudrage.

En tout état de cause nous sommes amenés à constater deux objectifs centraux,
et non des moindres, au niveau du droit constitutionnel. D’abord le fait d’avoir
une nomenclature normative, bien définie et clairement identifiée, permet une
sorte de visibilité juridique et politique loin des états d’âmes liés, de toute
évidence, à l’arbitraire ou au despotisme.
Ensuite le gouverné se sent protégé tout autant que le gouvernant via « un
contrat d’assurance politique » où les deux parties ont des engagements et des
droits bien établis. Une sorte de garantie pour les deux, a priori partenaires à
parts égales.

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Le droit constitutionnel se présente alors sous une forme de continuité, de
stabilité voire de pérennité. Une œuvre consensuelle puisqu’elle engage, en
principe, tous les partenaires en vue d’une action saine loin des ruptures ou des
fractures, hautement pernicieuses pour la stabilité de la société dans ses
différentes composantes.

Droit de continuité et d’assurance, il accompagne les institutions, établit les


normes de la gestion politique, garantit la substance de libertés individuelles et
collectives et met en œuvre les instruments de l’action politique.

On est par ailleurs enclin à admettre que le droit constitutionnel dans sa forme
4
traditionnelle renvoie au XIXe siècle.

Était Droit Constitutionnel tout ce qui était écrit dans le texte solennel appelé
constitution depuis 1787 en Amérique (Etats Unis) et depuis 1789 en France
dans la foulée de la Révolution.

L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne disait-il


pas que «Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la
séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». 5

Ce droit se focalisait à ses débuts surtout sur l’étude des régimes politiques
libéraux en s'appuyant sur une approche exégétique et normative (faire l'exégèse
des textes) avec comme clef de voûte la vision libérale des institutions
politiques.

(Une chaire a été créée à la faculté de Paris en 1834 par Guizot) 4


5
Voir annexes : la décalaration de 1789

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Cette vision n’a pas manqué de subir une transformation presque radicale pour
baliser la voie à une conception moderne.

Désormais ce n'est pas seulement l'étude d'un texte appelé Constitution mais
également des institutions politiques qui sont l’ensemble des formes ou
structures fondamentales d'organisation sociale, telles qu’elles sont établies par
la loi ou la coutume d'un groupement d’humains.

La lecture exclusive du texte a cédé la place à une approche globale insérant le


contexte et l'agencement de toutes les institutions politiques et de la réalité
politique avec ses démembrements historiques, sociaux, idéologiques ou
économiques.

Toutefois, le droit constitutionnel ne trouve sa traduction originale que dans la


trilogie : Etat, constitution et démocratie. Un corpus6 induisant un véritable
débat sur les singularités que peuvent faire valoir certains régimes politiques.

Les évolutions de techniques de gestion de pouvoir se manifestent, à leur tour,


amplement sur la configuration du texte constitutionnel. En témoignent les
techniques foisonnantes du scrutin et les différents modes y afférents. On est
donc interpellé par la dynamique évolutive du texte et du contexte.

6
Puisqu’il s’agit de normes d’une part et de rapport avec des situations sociétales d’autre part.

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Partie 1 : Le corpus notionnel

Mis à part le débat classique autour de l’identité et de l’étendue du droit


constitutionnel, il semble pertinent de mettre en exergue les fondamentaux qui
ont trait aux concepts cardinaux : l’Etat, la démocratie et la constitution,
domaines par excellence du droit constitutionnel.

Toujours est-il que cette trilogie donne toute sa mesure à cette discipline qui
parait dès lors comme traduction normative d’un système fondamentalement
démocratique.

En revanche, « la spirale » du constitutionnalisme de façade, remarquée dans les


pays sous développés ne représente, dans son essence, qu’une
instrumentalisation de texte pour légitimer un pouvoir « en déficit » de
légitimité.

Chapitre I : L’Etat comme « exclusivité normative »

L'État,7 personne morale de droit public souveraine sur un territoire peuplé ou


encore selon la définition du sociologue allemand Max Weber « une institution
qui sur un territoire déterminé, revendique avec succès pour son propre compte
le monopole de la violence physique légitime ». 8

7
Georges Burdeau et autres, Droit constitutionnel et institutions politiques, 30 ème édition, Librairie générale
de droit et de jurisprudence, Paris, 2007

8
- Olivier Gohin, Droit constitutionnel, Edition : Litec, Paris, 2010.

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A la fois une idée et un fait le mot Etat vient du latin « stare » qui renvoie aux
notions de « force », de permanence et de la stabilité.

Par l’Etat, la force du pouvoir devient le droit du pouvoir.

Section 1 : Penser l’Etat

Nous nous retrouvons face à quatre tendances : Celle qui appréhende l’Etat dans
une perspective volontariste puis celle qui s’articule autour des aspects
institutionnels du phénomène étatique, puis celle qui met en valeur la
dimension contractuelle, critiquée par l’analyse marxiste.

a) L’approche approche volontariste :

Elle renvoie à un Etat perçu comme la résultante d’une volonté. Il existe en tant
que tel, soit en réponse à un instinct naturel de l’homme d’organiser sa vie
collective, soit en application des lois divines. L’Etat est alors considéré, dans le
premier cas, comme phénomène naturel (Aristote, Saint Thomas d’Aquin…),
Alors que c’est son origine providentielle qui est mise en exergue dans le
deuxième cas (Saint Augustin…).

Aristote, figure emblématique de la philosophie antique grecque, a une


conception plus ou moins organiciste de la société. Il la compare à un corps
dont aucun organe ne peut subsister isolément.

« La communauté- avance Aristote dans Politique – née de plusieurs villages est


la cité parfaite, atteignant désormais, le niveau de l’autarcie complète.»

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Pour lui, l’homme est un animal politique : social et raisonnable d’autant que
« la cité est une réalité naturelle et que l’homme est par nature destiné à vivre en
cité.» L’homme et la cité forment par conséquent un ensemble homogène.

Etant un animal politique l’homme se distingue, aux dires d’Aristote, des autres
animaux par son appartenance à une polis (cité), qu’il défend sur le plan
philosophique en l’appréhendant comme étant une forme naturelle contredisant
ainsi les penseurs cyniques du IVème siècle, qui ne voyaient dans la vie
politique qu’un obstacle à « la vie publique ».

Seize siècles après lui, le philosophe Italien Saint Thomas D’Aquin (1225-
1274) est venu pour concilier entre le christianisme et la pensée aristotélicienne,
connue en Europe occidentale grâce à l’œuvre du philosophe arabe Ibnou Rochd
(Averroès).

L’œuvre de Thomas d’Aquin s’articulait globalement autour de la justice et du


meilleur gouvernement.

Thomas d’Aquin établit une distinction entre la loi divine et la loi naturelle qui
ont une réalité transcendante et la loi positive qui est humaine. Pour lui, dans la
mesure où la nature est inscrite dans l’essence divine la loi naturelle « n’est pas
distincte de Dieu dont elle provient ». Toute loi doit être en conformité avec les
principes universels du droit naturel pour arriver à la justice et à l’application de
la vertu.

« Le pouvoir spirituel et le pouvoir séculier proviennent- dit-il – l’un et l’autre


du pouvoir divin » avant de préciser que celui-ci n’est soumis à celui là que «
dans la mesure où Dieu l’y a soumis ». C’est une distinction entre les deux
Younes Berrada Page 15
pouvoirs, certes, mais qui ne peut aller jusqu’à la revendication d’une autonomie
ou d’une séparation structurelle. Le meilleur gouvernement se présente donc
comme cadre référentiel pouvant réaliser le bien commun lié naturellement à
l’essence de l’existence.

Quant à la conception religieuse on peut citer Saint Augustin (354- 430) dont
les œuvres les plus célèbres sont : « confessions » (400) et « la cité de Dieu »
(420-429) où l’apport politique demeure incontestable.9

La théologie politique d’Augustin repose sur la distinction des deux cités qui se
partagent l’humanité. « Deux amours, écrit Augustin, ont bâti deux cités,
l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu : la cité de la terre ; l’amour de Dieu
poussé jusqu’au mépris de soi : la cité de Dieu. »

La cité pour Augustin est une donnée de la nature et l’homme a une tendance
naturelle à se réunir en communauté : « le peuple est l’association d’une
multitude raisonnable qui s’unit pour jouir en commun et d’un même cœur les
choses qu’elle aime.»

Très influencé par les manichéens (doctrine fondée sur l’opposition des
principes du bien et du mal) ainsi que par Aristote et Cicéron, Saint Augustin
estime que la cité terrestre est nécessairement corrompue parce qu’elle est
humaine tandis que la cité de Dieu demeure intemporelle étant donné que c’est
la providence divine qui gouverne l’histoire.

9
Voir : Y . Berrada , Penser…, déjà cité, pp.151-156

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Si l’Etat de la cité terrestre peut tolérer que se développent en son sein des
controverses philosophiques dont la solution est inaccessible, il ne saurait
toutefois, selon Augustin, en être de même pour la cité de Dieu.

Il apparaît néanmoins que l’augustinisme politique se manifeste amplement au


niveau de la nature de liaison entre l’Eglise et l’Etat basée sur le principe de
séparation et de l’indépendance réciproque du spirituel et du temporel sans
toutefois nier une certaine supériorité du spirituel : « Au roi sont confiés les
corps, au prêtre les âmes.»

Au niveau de l’origine du pouvoir, Saint Augustin conclut que tout pouvoir


vient de Dieu tout en soulignant que le chrétien doit se soumettre à l’autorité
terrestre du moment que tout pouvoir vient de Dieu insistant toutefois sur le fait
que la justice est une notion éternelle et universelle. L’autorité doit être fondée
sur ce principe de justice qui est l’œuvre de Dieu. En la bafouant, le pouvoir
devient injuste et tyrannique.

10
b) L’approche institutionnelle a comme toile de fond la notion de pouvoir
politique, avec comme incidence les rapports de domination au sein d’une
société. La dimension institutionnelle équivaut à une volonté
d’institutionnalisation. Tantôt on est devant un Etat qui devrait avoir la main
haute même au détriment de la société tantôt c’est l’équilibre qui a le dessus.

Entre la volonté et le pouvoir, l’élan institutionnel trouve ses premiers repères.

Au 16 ème siècle, L’Italien Nicolo Machiavelli (ou Nicolas Machiavel) pose les
fondements de cette approche. Il estime qu’au delà des justifications

10
Voir notamment : jean – Jacques Chevallier, Les grandes œuvres politiques, Librairie Armand Colin, paris,
1964, pp.4-51

Younes Berrada Page 17


philosophiques ou théologiques il ya incontestablement la volonté instauratrice
de l’ordre politique. Dans sa pensée, la cité n’existe pas en tant que telle, mais
plutôt parce qu’elle a été voulue. Il y a Etat lorsqu’une volonté s’impose et
incarne la puissance de la collectivité.

Il a rédigé des ouvrages dont le plus célèbre reste Le prince 11 qui s’est fondé sur
deux postulats centraux demeurent : L’homme n’est pas naturellement vertueux
et la violence est justifiée quand elle est constructive.

Le Machiavélisme atteint son apogée conceptuelle quant il évoque la question


de légitimation de pouvoir où la conduite politique est définie indépendamment
de toute valeur morale puisque la fin justifie les moyens. « Le prince –dit-il –
qui veut se faire craindre doit s’y prendre de telle manière que, s’il ne gagne
point l’affection, il ne s’attire pas non plus la haine ; ce qui, du reste, n’est point
impossible. » 12

La méthode qui s’impose pour un pouvoir politique durable à l’abri des aléas
conjoncturels concilie les inconciliables et met en avant tout ce qui est à même
de mener à bon port ceux qui président aux destinées y compris celui qui est en
butte au risque de délégitimation. Ce qui a poussé certains auteurs à le taxer
d’idéologue de « légitimation de l’usurpation » tout en relevant qu’il est le
fondateur de l’autonomie du politique voire de la science politique.

Ne disait –il pas dans Le prince que « ce qui est absolument nécessaire, c’est de
savoir bien déguiser cette nature de renard, et de posséder parfaitement l’art de
simuler et de dissimuler. Les hommes sont si aveuglés, si entraînés par le besoin
du moment, qu’un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse tromper » ?

12 En 1513 et fut dédié à Laurent de Médicis dans le but de rentrer en grâce 11


12
Machiavel, Le prince, les classiques de la philosophie, Librairie génarale française, paris, 2000, pp.55-167

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L’art de gouverner qui est « un art stratégique non subordonné à l’éthique » se
réduit, du reste, à la maîtrise de la ruse et de la tremperie puisque le but ultime,
selon la logique machiavélienne, n’est autre que la pérennité du pouvoir.

Cette stratégie de sauvegarder le pouvoir ou encore de maintenir l’indépendance


de la principauté ou de l’Etat passe par une armée nationale. « seules bonnes
armes, seules bonnes troupes, celles qui sont propres au prince, composées de
ses citoyens, de ses sujets » - dit-il avant de mettre en exergue la nécessité d’un
prince rusé dont les caractéristiques sont la crainte éprouvée par ses sujets, la
non fidélité à ses engagements si besoin est ainsi que le recours au paraître sur
les décombres de l’être.

Avec ce penseur c’est la légitimation de la stabilité qui est mise au devant


avec un pouvoir fortement centralisé incarné dans un prince – gouvernant
dont tous les moyens d’action restent justifiés en vue d’asseoir sa
domination et se maintenir au pouvoir autant que possible.

Le Français Jean Bodin (in « Les Six Livres de la République », 1571) épouse le
même cheminement tout en tablant sur la valeur de l’institutionnalisation.13

Pour lui, l’absolutisme monarchique s’impose comme frein aux luttes


d’influence ; l’organisation étatique doit reposer sur un pouvoir royal dont la
force permet de réduire les divisions avant de conclure que ce pouvoir se doit
toutefois d’être respectueux du parlement et des états généraux. 14

13
Voir la synthèse de Younes Berrada déjà citée
15 L’idée de l’unité du pouvoir trouvera même sa plateforme doctrinale dans un référentiel religieux (unicité).

Younes Berrada Page 19


Avec le politologue franco-suisse Charles de Montesquieu (1689- 1755) une
nouvelle étape est franchie dans la réflexion autour du pouvoir politique.
L’intellectuel et homme de droit qu’il était, est orfèvre en arcanes du pouvoir. Il
était prédisposé, de par son statut et sa formation, à imprimer au savoir politique
une dimension originale qui allait se développer pour donner forme à la
doctrine libérale en matière de pouvoir politique.

Avant son chef-d’œuvre L’esprit des lois (1748), Montesquieu - considéré par
certains chercheurs comme disciple direct de John Locke- a pu acquérir la
légitimité scientifique grâce à plusieurs contributions brassant entre la littérature
et l’histoire dont Lettres persanes et les considérations sur les causes de la
grandeur et de la décadence des Romains (1734).

Son œuvre est dominée par des questions centrales portant particulièrement sur
la loi dans ses dimensions normatives et anthropologiques, la liberté politique et
la taxinomie des régimes politiques. Mais ce qui a fait de lui un théoricien
d’envergure réside incontestablement dans son élan méthodologique basé sur
des paramètres non contemplatifs ou impressionnistes ou précisément
sociologiques.

Selon la définition classique, le concept de la loi est confiné dans le


commandement et l’ordre ou encore pour désigner la relation entre un
législateur et ses sujets. Mais à partir du dix-huitième siècle cette conception
allait s’éclipser pour voir éclore une nouvelle, sous l’effet du développement
scientifique, selon laquelle la loi est appréhendée en termes de relation constante
entre des phénomènes.

Younes Berrada Page 20


Montesquieu fera sienne une telle conception pour avancer dans son ouvrage
phare L’Esprit des lois que « Les lois … sont des rapports nécessaires qui
dérivent de la nature des choses. » Ce qui laisse apparaître, en définitive, une
raison humaine qui crée des rapports invariables. Et Montesquieu d’ajouter que
« la loi, en général, est la raison humaine en tant qu’elle gouverne tous les
peuples de la terre ; et les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent
être que les cas particuliers où s’applique cette raison humaine. »

Quand Montesquieu évoque la diversité des lois et des mœurs c’est pour mettre
en exergue le fait qu’elle n’est pas le fruit du hasard mais elle est tributaire de
plusieurs éléments de la réalité physique (comme le terrain et le climat) et
morale. « Plusieurs choses –dit-il- gouvernent les hommes : le climat, la
religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses
passées, les mœurs, les manières, d’où il se forme un esprit général qui en
résulte. »

C’est dans cette logique que la conceptualisation du pouvoir pour l’auteur prend
forme dans la diversité et le respect d’une certaine spécificité, c’est– dire la
compréhension des régimes politiques et leur classification à la lumière de
l’histoire.

Aussi est -il souligné que « le gouvernement le plus conforme à la nature est
celui dont la disposition particulière se rapporte mieux à la disposition du
peuple pour lequel il est établi.. . La loi, en général, est la raison humaine, en
tant qu’elle gouverne tous les peuples de la terre, et les lois politiques et civiles
de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où s’applique cette
raison humaine. »

Younes Berrada Page 21


Montesquieu classifie les gouvernements en despotiques, monarchiques et
républicains recourant de la sorte à un exercice presque sine qua non pour tous
les philosophes politologues. Et l’auteur de l’Esprit des lois de préciser que les
régimes politiques peuvent être distingués en fonction de leur nature et de leur
principe rejoignant, au final, l’esprit de la taxinomie aristotélicienne. La nature
du gouvernement, c’est sa raison d’être tandis que son principe, c’est ce qui le
fait agir.

Le pouvoir despotique est caractérisé par le fait d’être dirigé par un seul homme
au grand dam de la nation toute entière et en empiétant sur toutes les lois qui
puissent exister « un homme –relève-t-il – à qui ses cinq sens disent sans cesse
qu’il est tout, et que les autres ne sont rien. » Son principe est la crainte du
moment que les sujets obéissent par peur.

La démocratie se traduit « dans un Etat populaire » où « il faut un ressort de


plus, aux dires de Montesquieu, qui est la vertu. »

De là, le gouvernement républicain revêt soit un caractère démocratique soit un


aspect aristocratique. Il est démocratique si sa nature est le peuple dans son
entier et régi par le principe de la vertu politique où l’intérêt général a le dessus
sur l’intérêt particulier. Il est, en revanche, aristocratique si sa nature est juste
pour une partie du peuple et le principe s’incarne dans la modération.

La monarchie se traduit par la détention de la puissance politique par un seul


même si le principe dominant est l’homme et en dépit de la présence des corps
intermédiaires pour aider dans la mission de gouverner.
Younes Berrada Page 22
La logique aristotélicienne est remise en honneur quand Montesquieu évoque la
question de la dégradation du pouvoir ou la corruption des gouvernements. Une
éventualité à ne pas écarter dans l’appréhension des différents régimes politiques
puisqu’ils sont tous susceptibles de corruption, le régime despotique étant
corrompu par nature.

La démocratie tire sa révérence si l’Etat n’a plus de signification qu’à travers le


prisme des avantages qu’il procure et les lois se font bafouées. La monarchie
subit le même sort si le monarque fait peu de cas aux lois limitatives de sa
puissance et s’érige en tyran.

Pour parer à une telle éventualité qui ne peut que s’avérer nocive Montesquieu
annonce l’idée qui ne manque pas d’ingéniosité et qui fait de la séparation des
pouvoirs non seulement le socle d’un édifice politique cohérent et permanent
mais encore l’emblème de l’institutionnalisation du pouvoir. « Pour qu’on ne
puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir
arrête le pouvoir. »

A dire vrai, le fait de mettre en valeur ce garde-fou est en lui-même un pas


conceptuel décisif dans le processus de fermentation doctrinale du libéralisme en
général et le libéralisme politique en particulier.

Le lien entre cette régulation institutionnelle et la liberté politique est organique


dans la mesure où la liberté politique en tant que telle dans une société
respectant ses lois consiste, comme le relève Montesquieu, « à faire ce que les
lois permettent. »
Younes Berrada Page 23
C) Les théories du contrat social:

Face à un certain naturalisme, puisant notamment de la philosophie grecque, ou


encore à l’institutionnalisme, faisant des institutions le postulat dogmatique,
d’autres courants sont montés au créneau pour battre en brèche l’approche
institutionnelle de l’Etat.

Faut-il rappeler, au début, que l’idée de contrat est empruntée au domaine


juridique. Du latin "societas", le mot société désigne un contrat par lequel des
individus mettent en commun des biens et des activités.

La conception contractuelle de l'Etat résulte d’une culture qui définit l’être


humain comme un être rationnel balisant la voie à une idéologie
individualiste et utilitariste de la nature humaine :

 Les individus préexistent à la société qu’ils fondent d’un commun


accord. (Conception « artificialiste » de la société).
 Les individus sont naturellement égaux et compétitifs tout comme leur
tendance à rechercher la sécurité.
 Les individus sont naturellement calculateurs. (tendance à la
maximisation du profit et des avantages respectifs de différentes
situations).

Selon les définitions classiques fournies par le juriste et philosophe allemand du


droit naturel Samuel von Pufendorf (1632- 1694) dans son ouvrage De jure
naturae et gentium (Du droit naturel et des gens, 1672) :

• L’état de nature est l’état des hommes n’ayant entre eux d’autre lien que leur
qualité commune d’être des êtres humains, chacun étant libre et égal à tous.
Younes Berrada Page 24
• Le contrat de société ou « contrat d’association » renvoie au contrat des
hommes quand ils décident de s’unir pour conférer à une seule personne ou à
une assemblée la mission de prendre des décisions concernant la sécurité et
l’utilité commune de telle sorte que ces décisions soient considérées comme la
volonté de tous en général et de chacun en particulier.

• Le contrat de gouvernement ou « contrat de soumission », lui, est


l’abandon volontaire et complet de la souveraineté individuelle aux mains des
gouvernants qui s’engagent de leur côté à veiller sur la sécurité et l’utilité
commune. C’est un contrat des hommes avec un maître.

A ce stade l’on retient les explications de Locke, de Hobbes et de Rousseau,


porteurs de l’étendard du contractualisme, tout en se distanciant dans le
paramétrage de la société et les manifestations institutionnelles.

On pourrait même se retrouver face à des extrêmes d’identification du statut de


15
la société tout en puisant du même « terreau doctrinal ».

Thomas Hobbes souligne dans son Leviathan (1651) souligne que: « La


renonciation par l’homme à sa puissance naturelle au profit de l’Etat s’impose
comme une nécessité de la vie en société ; L’autorité publique doit cependant
accepter les limites qu’impose le respect du droit de la personne. »

Hobbes (1588-1679), réagissant à une réalité de confrontation et de vulnérabilité


de l’Etat dans son pays natal, l’Angleterre, il s’érigera en défenseur par
excellence de la stabilité et d’un Etat omni-présent et intensément
interventionniste.

15
Revenir à la synthèse de Younes Berrada, déjà citée

Younes Berrada Page 25


The Leviathan a évoqué la nature humaine, la formation et la nature de l’Etat
sans occulter d’établir la place escomptée à la religion et le rôle que devrait
jouer le souverain pour asseoir son autorité et consolider son pouvoir.

Le raisonnement de Hobbes constitue une rupture avec le concept philosophique


du droit naturel selon lequel les sociétés répondaient à un ordre naturel
conformément à la raison divine.

Il avançait que « Les hommes sont égaux par nature » et que « le droit de
nature … est la liberté que chacun a d’user de sa puissance propre, comme il
l’entend, pour la préservation de sa propre nature, c’est-à-dire de sa propre
vie » avant de marteler : « la condition humaine est une condition de guerre de
chacun contre chacun , où chacun est gouverné par sa propre raison , et , de ce
que , pour préserver sa vie contre ses ennemis , il n’est aucun moyen qui ne
puisse être de quelque utilité , il s’ensuit que dans de une telle condition ,
chacun a droit sur toutes choses , même sur le corps des autres. »

L’état de nature est considéré donc sous le prisme de la guerre. «Aussi


longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous
en respect, ils sont dans une condition –dit-il- qui se nomme guerre. » L’Etat
pointe à l’horizon donc comme solution optimale pour parer contre cette
déliquescence de l’être humain que seul un pouvoir solide, unique et homogène
est à même de lui assurer la quiétude et la paix. « L’homme est un loup pour
l’homme », écrit Hobbes.

Suivant la même logique Thomas Hobbes met en lumière le fait que « l’accord
entre les hommes n’existe qu’en vertu d’un pacte, ce qui est artificiel ; il n’y a

Younes Berrada Page 26


donc rien d’étonnant que quelque chose d’autre soit exigé pour rendre leur
accord constant et durable : un pouvoir commun pour les maintenir dans la
crainte et diriger leurs actions vers le bien commun.»

Et Hobbes d’ajouter que « la seule manière d’ériger un tel pouvoir commun …


est de transférer tout leur pouvoir et toutes leurs forces à un seul homme ou à
une assemblée pour les représenter ; et chacun admettra et reconnaîtra que lui-
même est l’auteur de tous les actes que son représentant fera ou sera incité à
faire dans ces matières qui concernent la paix et la sécurité communes... Ceci
est davantage qu’un consentement ou un accord ; c’est une réelle unité de tous
dans une seule et même personne qui résulte du pacte de chaque homme avec
chaque homme. »

L’on retient alors que Hobbes était le théoricien de l’absolutisme puisque, selon
lui, le contrat social qui fonde l’état de société demeure un contrat de
soumission ayant comme caractéristiques d’une part la soumission totale et
d’autre part le fait que le maître lui-même ne soit pas lié par ce contrat.

Ce qui préserve l’État, selon cette logique, c’est l’autorité. « Sans le glaive, dit-
il, (sword), les pactes ne sont que des mots (words) ».

La seule chose que Hobbes exige des citoyens, c’est l’obéissance .En
contrepartie, ils gagnent la sécurité et le respect de leurs biens.16

John Locke (1632 – 1704), contemporain d’ailleurs de Hobbes, se faisait une


image assez reluisante de l’état de nature où le mot d’ordre n’était pas le chaos

Idem 16

Younes Berrada Page 27


et « la guerre de tous contre tous » mais plutôt une liberté et des actions
s’inscrivant dans la logique du droit naturel.

L’état dans lequel tous les hommes se trouvaient selon l’auteur britannique «
c’est un état de parfaite liberté, où ils règlent leurs actions et disposent de leurs
biens et personnes comme ils l’entendent, dans les limites de la loi naturelle,
sans demander d’autorisation, ni dépendre d’aucune autre volonté humaine. »

L’état de nature, aux yeux de l’auteur, est « un état de paix, de bonne volonté,
d’assistance mutuelle et de conservation » mentionnant toutefois que « le
pouvoir civil est bien le remède convenable aux inconvénients de l’état de
nature. »

Dans « Lettres sur la Tolérance », 1689 et « Le Second Traité du Gouvernement


Civil », 1690) il annonce sans ambages que La mission de l’Etat est d’assurer le
respect des droits naturels du citoyen avec comme limite la possibilité
d’insurrection du citoyen contre lui en cas de dépassement.

Pour Locke, le passage de l’état de nature à l’état de société se fait par


consentement mutuel sauf que nul gouvernement légitime (c’est-à-dire
librement consenti) ne saurait être un gouvernement absolu.

L’idée de Locke est que, dans l’état civil, la règle est celle de la majorité et non
de l'autorité absolue d'une quelque instance.

Avec Jean jacques Rousseau (1712- 1778) la dimension contractuelle trouvera


toute sa traduction.

L’auteur précise l’origine de l’autorité dans son ouvrage Du contrat social où il


élucide la problématique du pouvoir d’un point de vue quasi-anthropologique et

Younes Berrada Page 28


met en avant le fait que « l’homme est né libre… Renoncer à sa liberté c’est
renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. »

La solution que l’auteur met en exergue n’est autre que le contrat social qui
sauvegarderait la liberté de l’homme et ses droits inaliénables surtout que le
recours à la force ne peut en lui -même expliquer la naissance de la société
puisqu’il ne peut fonder une obligation sociale que seul le consentement peut
prévaloir.

Selon cette logique chaque homme contracte avec ses semblables pour éviter
d’hypothéquer la liberté ou de la perdre pour forger la volonté générale. «
Chacun de nous, aux dires de Rousseau, met en commun sa personne et toute sa
puissance sous la suprême direction de la volonté générale, et nous recevons en
corps chaque membre comme partie indivisible du tout. Chaque associé s’unit à
tous et ne s’unit à personne en particulier ; il n’obéit ainsi qu’à lui-même et
reste aussi libre qu’auparavant. »

Les théories du contrat social avant Rousseau mettent en équation partiellement


ou totalement la liberté de l’individu or, avec lui, le problème est de prime
abord de préserver la liberté. D’où l’énoncé de son problème : « Trouver une
forme d’association par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant
qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant. » 17

Le Contrat social a parfois été considéré comme le texte fondateur de la


République française, non sans malentendus, ou à titre d'accusation de la part
des opposants à la République.

17
Ibid

Younes Berrada Page 29


On s'est surtout attaché à sa théorie de la souveraineté : celle-ci appartient au
peuple et non à un monarque ou à un corps particulier.

Assurément, c'est chez Rousseau qu'il faut chercher les sources de la conception
française de la volonté générale : contrairement aux théories politiques anglo-
saxonnes, Rousseau ne considère pas la volonté générale comme la somme des
volontés particulières -c'est-à-dire la volonté de tous -, mais comme ce qui
procède de l'intérêt général : « ôtez [des volontés particulières] les plus et les
moins qui s'entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté
générale ».

Dans le Contrat social, Rousseau cherche le fondement d'une autorité légitime


parmi les hommes. « Trouver une forme d'association qui défende et protège de
toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par
laquelle chacun, s'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste
aussi libre qu'auparavant ».

Faut-il préciser par ailleurs que Rousseau destinait son Contrat social à de
petits États s’inspirant de deux modèles, l'un antique (la cité grecque,
notamment Sparte alors tenue pour démocratique), l'autre moderne (la
République de Genève).

Rousseau s'opposait également avec véhémence au principe de la démocratie


représentative lui préférant une forme de démocratie directe, calquée sur le
modèle antique.

« La souveraineté, dit-il, ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne


peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la
volonté ne se représente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n’y a point
de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses
représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure

Younes Berrada Page 30


définitivement », concluant que « Toute loi que le peuple en personne n’a pas
ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi ».

D) La dimension conflictuelle sera la pierre angulaire de l’école marxiste dès


la deuxième moitié du 19 ème siècle.

Il serait adéquat de mentionner que le marxisme en tant que doctrine de


philosophie économique et historique ne peut se confiner à l’œuvre de Karl
Marx eu égard à son évolution surtout au vingtième siècle à partir du marxisme-
léninisme et du maoïsme qui ont donné d’autres dimensions pratiques aux idées
jalonnées par le philosophe allemand Marx (1818-1883) et l’économiste anglais
Frédéric Engels (1850-1895).

En tout état de cause, il semble que le pouvoir politique pensé par les fondateurs
du Marxisme dans toutes ses manifestations historiques ne pouvait que river
vers les déterminants épistémologiques forgeant ce courant, à savoir la pensée
économique.

A cet égard, il y a lieu de constater que Marx et Engels, qui ont voulu se
démarquer méthodologiquement du socialisme utopique, ont fondé les
explications de l’histoire sur la notion du matérialisme historique dont l’idée
centrale n’est autre que « ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine
leur être, c’est au contraire leur être social qui détermine leur conscience. »

Younes Berrada Page 31


On est donc face à une conception purement matérialiste de l’histoire qui part de
la thèse que « la production, et après la production, l’échange de ses produits,
constituent le fondement de tout régime social… En conséquence, ce n’est pas
dans la tête des hommes, dans leur compréhension croissante de la vérité et de
la justice éternelles, mais dans les modifications du mode de production et
d’échange qu’il faut chercher les causes dernières de toutes les modifications
sociales et de tous les bouleversements politiques. »

Marx - dans Le manifeste du parti communiste (1848)- faisait de la lutte des


classes la clef de voûte à même d’expliquer l’histoire. Pour lui « l’histoire des
sociétés jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de lutte de classes » pour
conclure que « la bourgeoisie n’a pas seulement forgé les armes qui la mettront
à mort ... Le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la
bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production
et d’appropriation. »

Cela étant, la classe ouvrière ou le prolétariat finirait, selon la thèse marxiste, par
avoir le dessus en profitant des contradictions du système capitaliste et de
l’exploitation exorbitante pour instaurer leur propre dictature ayant comme
conséquence inéluctable la disparition de l’Etat puisqu’il n’est que la
transposition des antagonismes de classes.

De surplus le marxisme, qui décrit l’histoire humaine comme une suite


d’aliénations dont l’origine est de nature économique, est guidé par l’idée
cardinale selon laquelle que parmi tous les phénomènes sociaux seul le
phénomène économique serait fondamental.

Younes Berrada Page 32


« L’ensemble de ces rapports de production constitue –selon Marx- la structure
économique de la société, la base concrète (l’infrastructure) sur laquelle s’élève
une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes
de conscience sociale déterminées… Le changement dans la base économique
bouleverse plus ou moins rapidement toute l’énorme superstructure. »

A partir donc de l’infrastructure de la société (forces productives et rapports de


production) qui regroupe les bases technico-économiques d’une société –
poursuit l’analyse marxiste- que l’on peut expliquer la superstructure qui incarne
les institutions politiques, sociales, juridiques ainsi que ses bases phares
philosophiques, culturelles, morales et religieuses.

Section 2 : La dimension juridique de l’Etat

Selon l’analyse classique quatre éléments doivent être réunis pour avoir un État :
la population, le territoire, le gouvernement assumant l'organisation et le

Younes Berrada Page 33


fonctionnement des services essentiels à la population et au territoire puis la
souveraineté. 18

a) Une population identifiée :

L’État doit avoir un groupe de personnes juridiquement liées avec lui via la
nationalité qui signifie droits et devoirs.

Qu'elle soit minime ou importante, disséminée ou concentrée, il faut qu'il y ait


une population.

Un Etat est nécessairement constitué d’une population, unie ou non. « Faire


partie d’un Etat n’est pas une question de sentiment, mais de droit », selon le
juriste autrichien Hans Kelsen.

Les étrangers et les nationaux sont tous deux assujettis à ce droit, de manière
permanente ou pas, ou par filiation.

La constitution d’une population s’élabore également grâce à un sentiment


d’appartenance, une histoire ou de lieux communs ; ces sentiments subjectifs
sont tout le fondement d’une Nation, formée par le désir de vouloir-vivre
collectif.

18
Jacques Chevallier, L'Etat de droit, (5e édition), Editeur : Montchrestien, Paris, 2010.

Francis Hamon et Michel Troper, Droit constitutionnel, Paris, L.G.D.J, coll. « Manuels », 2012

Younes Berrada Page 34


Mais la constitution d’une Nation peut reposer sur des éléments
fondamentalement subjectifs comme la religion ou la langue.

Ces éléments, qu’ils soient subjectifs ou objectifs, permettent l’émergence d’une


population unie, possédant de nombreux points communs favorables à cette
unité.

Cette conscience morale amène à la construction des Etats-Nation. Pourtant


certaines Nations ne constituent pas un Etat : c’est le cas des palestiniens à cause
de l’occupation israélienne ou encore les Kurdes ; éparpillés sur plusieurs
territoires.

Cependant, il faut aussi que sociologiquement, la population consente à


participer collectivement à l'existence de cet État. Sinon l'État est lui-même
remis en question. C’est dans ce cadre que se pose le problème entre la notion
d'État et de Nation.

B. Le territoire :

Juridiquement, le territoire est le seul élément qui permet de tracer dans l'espace
une limite à l'intérieur de laquelle l’Etat existera et à l'extérieur de laquelle l'État
n'existera plus.

Les limites du territoire se sont les frontières. À l’intérieur l'État est compétent, à
l'extérieur et ne l’est pas.

Younes Berrada Page 35


Les problèmes de frontières sont sensibles. Des contestations fusent toujours
menant à des guerres ou à tout le moins à une situation de tension souvent
inextricable. 19

Faut-il rappeler que l’Etat est de prime abord une géographie. Aucun Etat ne
peut être viable sans territoire, donc sans frontières qui sont nécessairement
terrestres, aériennes et dans la majorité des cas, sauf dans les pays isolés,
également maritimes. 20
Tout Etat dispose d’un territoire délimité par des frontières, constituant ainsi les
limites géographiques d’application des normes juridiques. Cet espace à trois
dimensions comprend un espace terrestre, un espace maritime (sous-sol) et un
espace aérien, le tout étant naturellement délimité par des frontières.

Cette notion n’a pas toujours été effective, comme ce fut le cas des empires
romains ou africains. Désormais ces frontières sont synonymes de délimitation
culturelle, historique, rappelant une identité particulière, un lieu de souvenir,
d’affection pour ce territoire.

La séparation de deux domaines d’application juridique, naturelle (par les mers),


ou artificielle (établies par traité) renvoie au phénomène de l’interdépendance
économique et politique qu’engendre la mondialisation.

C. Le gouvernement :

19
Ces problèmes sont gérés par le droit international public

21 (L’ONU compte pour l’heure près de 200 Etats alors qu’ils n’étaient que 51 en 1945, date de la création de
l’organisation mondiale).

Younes Berrada Page 36


Cette structure est le porte-parole du groupe quoique le problème de l'effectivité
21
se pose. Pour prouver l'effectivité de gouvernement, on exige de ce dernier
d’exécuter certaines tâches et services publics essentiels.

Figurent au sommet de ses compétences la justice, le maintien de l'ordre et la


défense nationale. Autrement on serait devant un vide institutionnel ou encore
devant une situation d’absence d’autorité.

L’effectivité est sujette à interprétation des autres États qui en reconnaissent ou


non la réalité. Cela peut subir l’effet de rapports de force à l’échelle
internationale.

Des gouvernements peuvent donc exister réellement sans toutefois bénéficier de


la reconnaissance de plusieurs Etats. Ce qui conduirait à avancer que la question
de reconnaissance renvoie au statut du gouvernant et de ses rapports avec les
autres acteurs à l’échelle du globe.

Ceci dit, si le gouvernement est effectivement reconnu par les autres États ils le
feront entrer, ou non, dans le milieu international.

Par ailleurs, l’Etat possède le monopole de la violence légitime en ce sens que


seul l’Etat pour utiliser la force à l’inverse des particuliers. L’Etat peut au
contraire exercer une violence illégitime dans le cadre d’un régime dictatorial ou
autoritaire, tout en restant un Etat.

22(Il faut une présence effective qui exerce pleinement son autorité sur le territoire et la population).

Younes Berrada Page 37


Le monopole de cette violence légitime équivaut à une souveraineté qui se veut,
en principe, « absolue, perpétuelle et indivisible », selon les termes de Jean
Bodin (16 ème siècle).

Au XXIe siècle, l'État reste le fondement du droit public aussi bien interne
qu’international.

Malgré les critiques l'État demeure la notion juridique essentielle et l'une des
seules notions juridiques universelles.

Pour assumer ses responsabilités, l’autorité politique doit être apte à surmonter
les contestations internes et les menaces extérieures. Il doit ainsi assumer ce qui
selon les époques, on lui attribue.22

Dans cet ordre d’idées on retient la place centrale qu’occupe la notion de


Légitimité qui traduit la qualité par laquelle les gouvernés reconnaissent le droit
des gouvernements à commander.

Le sociologue allemand Max Weber (1864-1920) a insisté, dans le savant et le


politique (1919) sur trois sortes de légitimités : 23

22
Si l’Etat dispose du statut juridique de personne morale, il n’est pas le seul, sauf que les associations, les
syndicats et corps similaires n’ont pas le pouvoir souverain. L’Etat est donc indépendant de toute norme
juridique qui lui serait supérieure.

Le pouvoir de contrainte est le pouvoir normatif, émettant des obligations sous forme de normes et de règles à
appliquer. Cette application du droit se fait sur les particuliers, provenant de l’Etat, mais aussi de particulier
(cadre d’un contrat, ou d’un syndicat).

23
Max Weber, Le savant et le politique, Librairie Plon, Paris, Edition 2014, pp. 71-222 où nous pouvons détecter
les différents paramètres relationnels entre le savant et le politique à travers « le métier et la vocation du savant »
et « le métier et la vocation d’homme politique ». Mais c’est la taxinomie de légitimités qui a pris le dessus dans
cette œuvre, à l’origine deux conférences tenues en 1919, un an seulement avant sa mort.

Younes Berrada Page 38


- La légitimité traditionnelle : Les gouvernés acceptent d’obéir aux
gouvernements parce que c’est la situation répétée, une sorte de pratiques
historiquement ancrées, acceptées consensuellement ou juste par la force des
choses. Donc la logique de la tradition et de la récurrence tiennent le haut du
pavé et deviennent la réponse quasi logique à des demandes ou à des attentes
sans contestation aucune.

Au Maroc, à titre d’exemple, la tradition détermine amplement les contours de


la gestion politique à travers le rôle de l’institution makhzénienne, induisant le
pouvoir politique traditionnel basé sur une relation de soumission, d’arbitrage et
24 25
de compromis. Sachant que le Makhzen s’est transformé en pouvoir
dominant structurellement, ayant une logique d’action qui lui est propre ou
encore sui generis au point qu’il s’est érigé, dans la mémoire collective de la
population, en une sorte de « Léviathan ». 26

- La légitimité charismatique : Elle s’appuie sur les qualités personnelles,


souvent exceptionnelles, de celui et de ceux qui exercent le pouvoir.
Reste à savoir si ces qualités sont intrinsèquement liées au gouvernant ou c’est
l’exercice du pouvoir qui érige le tutélaire en personne charismatique aux yeux
du peuple.

Le charisme peut puiser dans un stock de légitimités mariant le traditionnel au


moderne. Toutefois, il doit être relativisé selon qu’il s’agit d’une adhésion
consentante, donc d’une reconnaissance sans ambages, ou d’un « panurgisme »
24
Younes Berrada, « Les partis politiques et la transition. L’équation de changement et de restructuration », in
Revue marocaine de sciences politiques et sociales, centre de recherche et d’études en sciences sociales, Rabat,
Numéro 1, Volume 1, 2011, pp.107-125
Compris dans le sens de magazin ou encore entrepôt fortifié pour le stockage des aliments surtout. Le pouvoir
central avait comme mission principale, aux yeux de la population, de collecter les fonds ( impôts et autres) 25
21Pour reprendre la notion de Hobbes( Voir les origines de l’Etat).

Younes Berrada Page 39


trempeur, fruit de manipulation ou d’instrumentalisation. Le charisme ne
s’impose que par ses qualités « intrinsèques », pourrions-nous dire.

- La légitimité rationnelle : Etant fondée sur le respect des procédures


d'accession au pouvoir, la légitimité rationnelle se veut une clef logique à une
société qui se démocratise et qui se « juridicise ».

La légalité, signifiant conformité au droit et aux procédures, du gouvernant lui


sert dès lors de légitimité. Le pacte est scellé entre le gouvernant et le gouverné
au vu des liens légaux qui les fédèrent. Un contrat de partenariat politique par
excellence garantissant la pérennité des institutions et la stabilité de la confiance.

La légitimité devient légalo-rationnelle. Une osmose s’installe entre les deux


composantes pour donner corps à une société rationnelle tout en étant animée
par la loi.

Le cas marocain reste édifiant, aux yeux de beaucoup, dans la mesure où les
légitimités mises en avant tacitement ou explicitement renvoient à un recours
fondamentalement pluriel et diamétralement opposé. 27

D) la souveraineté :

27
L’universitaire marocain Abdellatif Menouni était même catégorique dans la taxinomie de légitimités
correspondant à l’autorité royale estimant, concernant l’unicité du pouvoir royal, que « (…) l’existence d’une
seule volonté , d’un seul maître du jeu politique et dont le rôle échoit naturellement à l’institution qui bénéficie
d’une légitimité plurielle, religieuse, historique et légalo-rationnelle ; le Roi » reste « l’une des réalités
fondamentales , clé de voûte du système constitutionnel marocain… »
Voir : Abdellatif Menouni, « Constitution et séparation des pouvoirs » in Trente années de vie constitutionnelle
au Maroc, édification d’un Etat moderne, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1993, p. 80

Younes Berrada Page 40


A ce stade, il ya lieu d’expliquer le sens de la souveraineté avant de préciser les
différentes théories ayant tenté d’expliquer ses contours, ses origines et ses
incidences.

1) Qu’est ce que la souveraineté ?

L’État est une personne morale, faut-il le rappeler, Cependant la personnalité


juridique reconnue à l'État est particulière et a un sens politique spécifique.

De ce fait, il est la seule personne morale en droit public à avoir une compétence
générale sur un territoire du moment que d’autres personnes morales
(département, région...) n’ont qu’une compétence générale sur un territoire
déterminé ou alors des personnes morales avec une compétence spécifique sur
tout le territoire (la sécurité sociale...).

L'Etat demeure ainsi le seul acteur à être doté de la souveraineté, c'est lui qui
fonde l'ordre juridique ; il élabore ses propres règles d'organisation,
normalement inscrites dans une constitution, dont découlent toutes les autres.
« L'Etat a la compétence de ses compétences », dit-on à juste titre.

La signification de la personnalité juridique de l'État est le seul moyen de


dissocier le pouvoir politique des gouvernants.

Les gouvernants ne sont pas titulaires du pouvoir politique, les gouvernants


exercent temporairement le pouvoir politique et dans le cadre des institutions de
l'État.

Younes Berrada Page 41


La souveraineté renvoie à une notion de pouvoir initial, suprême,
28
inconditionnel et originel. Une équation de souveraineté - autonomie se
précise à ce niveau de réflexion. 29

Aucune autre autorité ne peut sans son aval imposer quoi que ce soit à un
État.

La doctrine classique estime que la souveraineté est la caractéristique juridique


essentielle de l'État. L’adhésion des États au droit international reste libre
(engagement, désengagement...) même si à un certain niveau d'intervention de la
communauté internationale, la souveraineté s’estompe notamment quant il s’agit
d’une menace à l’ordre mondial.

2) Les théories de l'autorité souveraine

A partir du XVIIIe siècle, notamment en France, la notion de souveraineté a fait


l'objet de tentatives doctrinales pour la théoriser. Ce qui a donné lieu à des
conceptions aussi variées qu’opposées.

a. La théorie du droit divin

C'est une conception religieuse. L'origine de la Souveraineté est en Dieu qui en


confie seulement l'exercice aux hommes. Une appréhension qui a mis au grand
jour la problématique de la sacralisation du politique et la politisation du sacré,
notamment chez les Chrétiens puis dans la pensée politique islamique classique.

28
Manuel Delamarre, Leçons de droit constitutionnel…, op.cit, pp.10-11
29
Idem

Younes Berrada Page 42


La question de l’origine divine escamote tout élan volontariste, la Cité
devient ainsi une enceinte « eschatologique ». Une origine discutable
puisque faisant l’amalgame entre « l’origine principielle » et « l’origine
politique ».

2. La théorie démocratique de la souveraineté

Avec la Révolution française, l'origine de la souveraineté devient démocratique.


Art. 3 Déclaration de 1789 : « Le principe de toute souveraineté réside
essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité
qui n'en émane expressément ». 30Le titulaire de la Souveraineté est la Nation ou
le Peuple. 31

E) L’Etat de droit : 32

L’Etat de droit est une notion apparue au 19eme siècle en Allemagne, en


réaction à Bismarck33. Alors que la force primait à cette époque sur le droit,

30
Voir Annexes
31
On emploie indifféremment les termes de Nation et de Peuple dans les premières Constitutions
révolutionnaires

32
Voir notamment :

- Jacques Chevallier, L'Etat de droit, (5e édition), Editeur : Montchrestien, Paris, 2010.

- Riccardo Guastini, Leçons de théorie constitutionnelle, Dalloz, 2010.

33
Premier chancelier du nouvel Empire allemand en 1871

Younes Berrada Page 43


34
aucune légitimité n’était réellement accordée aux détenteurs du pouvoir
législatif.

De nos jours, le terme a évolué, même si les fondements demeurent les mêmes.
Le système démocratique, garantissant les droits, a permis de développer la
notion puisque l’Etat de droit suppose l’égalité des droits et des devoirs des
citoyens.

La définition prévalant actuellement admet que l’état de droit renvoie à un état


où le droit est établi de manière irréversible, il est écrit, respecté, appliqué et
consensuellement admis.

A l’origine, l’état de droit était un système où le droit prévalait, auquel tous


étaient soumis.

Tout en considérant que l’expression « Etat de droit » relève de la tautologie


puisque c’est l’Etat qui personnifie l’ordre juridique le juriste Hans Kelsen
précise qu’il s’agit d’un Etat dans lequel les normes sont hiérarchisées, afin que
chacune d’elles se soumettent à un droit qui lui est supérieur, les rendant ainsi
légitimes. 35

En effet on admet, et notamment en France la validité des normes en ce qu’elles


découlent d’autres normes auxquelles elles sont assujetties. Pour être légitime,
chaque loi doit être subordonnée à une autre loi ; celle-ci ne sera valide que si
conforme à une autre loi.

Chacun est donc soumis au droit, de l’organe législatif en particulier.

22(l’Etat de droit devait permettre d’assujettir la force au droit).34


Voir : Philippe Ardant, déjà cité, pp.22-23 35

Younes Berrada Page 44


Les actions administratives doivent également appliquer le droit à partir des
normes établies par les autorités qui lui sont supérieures. Les traités
internationaux surpassent les règles nationales, ce qui implique la possibilité
d’actes illégaux lorsque les normes nationales ne se conforment pas aux règles
internationales.

L’Etat est donc soumis, lui aussi, aux règles juridiques, ce qui le légitime. Il n’a
pas de pouvoir arbitraire, mais doit respecter les règles établies et reconnaitre les
libertés.

Le domaine constitutionnel s’est vu élargi en 1971, lorsque le Préambule est


considéré comme porteur de principes fondamentaux, et ainsi acquière valeur
constitutionnelle. Le Préambule de 1946 et la Déclaration de l’homme et du
citoyen de 1789 édictent de grands principes très généraux, grâce auxquels le
juge dispose d’une large marge de manœuvre.

Au Maroc, on retient que la constitution de juillet 2011 a mis l’accent sur cet
attachement aux fondamentaux de l’Etat de droit.

« Fidèle à son choix irréversible de construire un Etat de droit démocratique, le


Royaume du Maroc poursuit résolument le processus de consolidation et de
renforcement des institutions d'un Etat moderne, ayant pour fondements les
principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance », lit-on au
préambule de ce texte.

On est enclin à admettre que cette notion s’érige en véritable dogme puisqu’elle
traduit l’essence même de l’ossature démocratique. L’Etat se soumet au droit
tout en gardant les droits aux citoyens.

Younes Berrada Page 45


L’Etat de droit, au sens actuel, traduit le passage de l’Etat légal à l’Etat légitime
suivant une équation où les gouvernés choisissent les gouvernants qui protègent
les droits fondamentaux des gouvernés.

Les Allemands, au sortir de la deuxième guerre mondiale, ont donné aux droits
fondamentaux et à l’attachement à la démocratie une valeur supra-
constitutionnelle pour ne pas reproduire l’expérience du totalitarisme hitlérien,
arrivé grâce à la démocratie à laquelle il n’a pas rechigné de renoncer pour
fonder son nouveau pouvoir.

En tout état de cause l’on peut conclure que l’Etat de droit nécessite trois
principes interférents :

a. Le respect de la hiérarchie des normes

L’existence d’une hiérarchie des normes constitue l’une des plus importantes
garanties de l’Etat de droit. Dans ce cadre, les compétences des différents
organes de l’Etat sont précisément définies et les normes qu’ils édictent ne sont
valables qu’à condition de respecter l’ensemble des normes de droit supérieures.
Au sommet de cet ensemble pyramidal figurent la Constitution, suivie des
engagements internationaux, de la loi, puis des règlements.

b. L’égalité des sujets de droit

L’égalité des sujets de droit serait la deuxième condition sine qua non de
l’existence d’un Etat de droit. Incidence juridique : Toute personne physique ou

Younes Berrada Page 46


morale 36est en mesure de contester l’application d’une norme juridique, dès lors
que celle-ci n’est pas conforme à une norme supérieure.

c. L’indépendance de la Justice

Le principe de l’Etat de droit suppose l’existence de juridictions indépendantes,


compétentes pour trancher les conflits entre les différentes personnes juridiques.

Il ya lieu au premier chef d’appliquer le principe de légalité, qui découle de


l’existence de la hiérarchie des normes, en l’absence duquel tout l’édifice de
l’Etat de droit s’estompe puisque c’est l’arbitraire qui dominera et c’est le bon
vouloir qui l’emportera.

Le principe d’égalité serait le deuxième pilier de cette indépendance, avec


en toile de fond le bannissement de tout traitement différencié des personnes
juridiques, mis à part leur statut, social ou politico-social.

D’évidence, un tel modèle implique l’existence d’une séparation des pouvoirs et


d’une « vraie » justice, donc d’une justice indépendante.

36
Les individus et les organisations reçoivent en conséquence la qualité de personne juridique.

Younes Berrada Page 47


Section 3 : Les formes de l’Etat

Faut-il avancer de prime abord que la distinction majeure se fait entre l'État
37
simple et l’État composé.

A) les États unitaires :

a) L’organisation de l’État unitaire

C’est la forme la plus répandue (environ 180 Etats sur les 200 de la planète le
sont). Un statut qui lui confère tous les attributs étatiques. Il n'y a pas de partage
de compétence.

L’État, dans ce cas de figure, peut néanmoins déléguer, tout en contrôlant,


certaines attributions à d'autres institutions.

Un État totalement centralisé, c'est-à-dire qu'il gèrerait tout un pays relève de


l’utopie. Un État ne peut tout centraliser.

1. La déconcentration

La déconcentration : l'État administre et gouverne grâce à des agents à qui il


reconnait certaines compétences de décision pour une partie du territoire.

Ces fonctionnaires sont subordonnés, nommés, et révoqués discrétionnairement


selon l’appréciation ou la discrétion de leurs chefs hiérarchiques. Ils ne sont pas
donc redevables aux citoyens que de manière indirecte, faut-il le mentionner.

37
24-Philippe Ardant, Bertrand Mathieu, Institutions politiques et droit constitutionnel, 20 ème édition, LGDJ,
Point Delta, Paris,2008, pp.28-39

Younes Berrada Page 48


Le lien entre ces agents, nommés dans le cadre du régime de déconcentration, et
les citoyens reste, a priori, manifestement limité du moment qu’ils n’ont pas de
comptes à rendre à la population.

38
Mais, au vu de la pression que les citoyens peuvent exercer on serait tenté de
reconsidérer le statut des uns et des autres à l’aune de plusieurs imbrications
sociétales et pas forcément administratives ou politico-territoriales. 39
2. La décentralisation

Quant au régime de la décentralisation, il renvoie à la situation où l'État crée des


collectivités territoriales qui peuvent s’administrer elles-mêmes dans les limites
fixées par l'État.

Ces collectivités ont la personnalité juridique. Elles reçoivent des secteurs dont
elles ont la gestion.

Elle se rapproche de la déconcentration par la volonté de transférer du niveau


central vers le niveau local certaines compétences administratives.

Elle se distingue toutefois de l’autre modèle en confiant des compétences


administratives à une autorité qui n’est pas désignée par le gouvernement mais
élue par les habitants du territoire concerné. C’est la cristallisation de la «
démocratie locale ».

Notamment gràce aux médias ou encore aux réseaux sociaux devenus ces dix dernières anneés comme une
véritable épée de Damoclès 38
39
Au Maroc, à titre d’exemple, plusieurs responsables d’administration locale, subissent la loi de manque
d’affinités avec la population et se voient renvoyés ou dégradés .

Younes Berrada Page 49


Les Etats unitaires sont engagés dans cette dynamique de décentralisation sous
la pression de contraintes sociales d’une part et dans la perspective de plus
d’efficacité managériale d’autre part. Ce sont des représentants élus qui sont
chargés de la gestion de ces collectivités.

La décentralisation est considérée comme un véritable levier pour une plus


grande démocratie au niveau local. Les organes disposent d'un véritable pouvoir
de décision ainsi que de ressources propres qui leur permettent de financer leurs
décisions.

A titre d’exemple, la France est un Etat unitaire déconcentré et décentralisé.


Cette dénomination implique que l'Etat ne saurait admettre toute atteinte au
principe d'indivisibilité de la souveraineté et de la république.

Dès lors, si le constituant reconnaît une libre administration pour les collectivités
territoriales, il n'en demeure pas moins qu'il exige que ces collectivités
respectent le droit de la République.

Il existe donc un certain contrôle sur les collectivités ce qui a fait dire à G.
Burdeau que la décentralisation était " un régime de liberté surveillée ". 40 Avec
tout ce que cela induit en termes de révision à la baisse ou encore de
41
compression de prérogatives de l’autorité centrale.

Le Maroc, Etat indiscutablement unitaire, s’est également engagé dans ce


processus notamment depuis les années 70 avant d’envisager une sorte de
décentralisation avancée.

40
En France, jusqu'aux lois de 1982, cette surveillance résidait dans le pouvoir de tutelle.
41
Il ne reste plus entre les mains du représentant de l'Etat que le déféré préfectoral pour contrôler l'activité des
collectivités territoriales.Voir à ce propos :
Claude Emeri , Christain Bidégaray , La constitution de France . De 1789 à nos jours, Armand Colin Paris,1997,
pp. 267-272
-www.vie-publiqu-fr

Younes Berrada Page 50


Cependant cette gestion ne peut être réellement autonome que si les autorités qui
gèrent les collectivités locales sont indépendantes de la hiérarchie administrative
de l'État, il faut que ces représentants soient élus par les populations qui résident
sur le territoire donné.42

La décentralisation ne peut être palpable que si elle est réelle, effective,


fonctionnelle et efficace.

Une équation qui renvoie ouvertement à une démocratie locale sans


équivoque fonctionnant conformément aux besoins et attentes sociaux et
sociétaux loin de toute instrumentalisation ou manipulation ; pratiques qui
ne manqueraient nullement de vider la décentralisation de son véritable
sens.

3. L’Etat régional :

L'Etat régional 43est une phase de transition entre l'Etat unitaire et l'Etat fédéral.
En effet, il va plus loin que l'Etat unitaire classique en reconnaissant une réelle
autonomie politique au profit d'entités régionales. Cependant, il ne va pas
jusqu'à une autonomie totale telle que celle existant dans un Etat fédéral. Dans
L'Etat régional l'autonomie reste relative et contrôlée.

42
Voir en substance :
Manuel Delamarre.Emmanuel Maurel, Leçons de droit constitutionnel et d’institutions
politiques, ellipses, Paris, 2010, pp.8- 14

43
Philippe Ardant , Institutions politiques…, op.cit, p39

Younes Berrada Page 51


On retient que les entités régionales n'ont pas les attributs d'un Etat fédéré, car
leur pouvoir d'auto-organisation est encadré et leur participation à l'exercice du
pouvoir étatique national très limité.

Ce mode d’organisation reconnaît une véritable autonomie politique aux entités


régionales, le but étant de tenir compte des spécificités tant culturelles que
linguistiques.

L’Italie et l’Espagne, à titre d’exemple, sont deux Etats européens où la


régionalisation a fait ses preuves depuis les années 90.

L’Espagne s’est lancée dans un processus de régionalisation qui pourrait


44
enclencher un fédéralisme réel. On retient une auto-organisation de régions
avec comme incidences : autonomie financière et la résolution même des
conflits Communautés- Etat devant le Tribunal constitutionnel.

L’Italie, elle, a d’ores et déjà, sous la pression des mouvements séparatistes du


nord, transférer plusieurs compétences de l‘autorité centrale aux régions, dotées
d’un pouvoir législatif étendu, limité par le contrôle de légalité a posteriori de la
cour constitutionnelle.

Les régions ne sont pas directement représentées par le Parlement, le Sénat (à la


différence des Etats fédéraux) n'a pas cette vocation même si son élection se fait
sur une base régionale.

Le régionalisme italien conserve les caractéristiques d'un Etat unitaire mais il


connaît une décentralisation poussée à l'extrême en donnant une autonomie
certaine aux régions. Cependant, cette autonomie paraît bien pâle
44
Peut -être pour éviter la disclocation de l’Etat . Les tentatives de démarcation identitiares amorcées
notamment par les Basques pourraient accélerer le processus de fédéralisme.

Younes Berrada Page 52


comparativement à celle reconnue aux Länder. En cela le fédéralisme allemand
consacre une autonomie quasi-totale.

B) Les Etats composés :

Un Etat composé peut prendre plusieurs formes mais la forme fédérale reste
presque la seule structure encore présente.

1) Les unions personnelles :

C’est un Etat dans lequel deux Etats se partagent le même chef. Chaque Etat a
sa propre administration et ses propres organes de justice.45

2) Les unions réelles :

Il y a un chef d'État commun. Dans plusieurs domaines l'exercice du pouvoir est


unifié.

Dans des domaines considérés comme importants comme la monnaie, la


défense, un seul chef chapeaute alors que les deux gouvernements de l’union
s’acquittent du reste.
3) La Confédération d’États :

La Confédération d’États a des caractéristiques juridiques spécifiques :

45
Au 18ème siècle une dynastie régnait sur les Pays-Bas alors que George Ier, a accédé au trône d'Angleterre et
jusqu'en 1837. Les deux pays ont eu le même souverain.

Younes Berrada Page 53


a) elle est créée par un traité international : les Etats conservent leur
personnalité d’État indépendant mais acceptent dans le traité de constituer un
ensemble.

b) Elle crée une organisation permanente commune à tous les État : la Diète.

Chacun des Etats siège à titre égalitaire.

c) Les décisions prises par l'organe commun doit l’être à l'unanimité pour
respecter l'indépendance et l’égalité.

L'exécution des décisions relève de chacun des Etats membres.


La confédération ne crée pas une volonté supérieure à celle des Etats
existants ce qui veut dire que l’État peut se retirer juridiquement de la
confédération.

A ses débuts en 1957 la construction européenne s’est faite sur un schéma


confédéral.

La confédération pourrait aboutir à un fédéralisme ou à un retour à l’Etat


unitaire en cas de retrait d’un de ses membres.

4) L’Etat fédéral 46:

a) La notion d'État fédéral

46
47 - Jean Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, 16 ème édition, Paris, 2000

Younes Berrada Page 54


On peut définir l’Etat fédéral comme coexistence d’Etats préservant leur identité
et leur pouvoir d’auto-organisation tout en restant liés par une superstructure
commune.

Un État fédéral est stipulé par un acte de droit public interne c'est-à-dire une
constitution. Chaque État membre conserve sa propre constitution sous réserve
de respecter la constitution de l'État fédéral.

L’État fédéral a ses propres organes au sein desquelles les décisions sont prises à
la majorité et sont exécutoires dans les états membres.

Dans ces organes, il faut qu’ils soient respectés la population et les structures
étatiques de chacun des Etats fédérés. Les Etats membres n'ont ni le droit ni la
capacité de se retirer.

Le fédéralisme pourrait être par association (Etats-Unis) dans la mesure où les


Etats souverains acceptent de se regrouper au sein d’un nouvel Etat et lui
transfèrent une grande partie de leurs compétences surtout en acceptant de ne
plus s’acquitter des attributs externes : armée, diplomatie, monnaie …

Cette forme peut également être par dissociation lorsqu’un Etat unitaire opte
pour le modèle fédéral afin de faire face à des attentes sociales ou contrecarrer
les risques de dislocation.

La répartition des compétences permet de savoir à quel niveau les matières


seront gérées et les décisions seront prises. 47

47
La répartition est plus ou moins inscrite dans la Constitution fédérale.

Younes Berrada Page 55


Dans la plupart des Etats fédéraux, les matières les plus importantes ont été
réservées aux compétences des organes de l’Etat fédéral : la défense, les affaires
étrangères, la monnaie.

D'autres domaines sont partagés entre les deux niveaux étatiques : La fiscalité,
l’économie, le droit pénal.

Certaines matières relèvent exclusivement des Etats membres : Le droit civil, la


santé, la culture, l’enseignement....

En cas de silence de la Constitution, c'est le Droit commun qui s'applique c'est-


à-dire que ce sont les Etats membres qui sont compétents.

L'État fédéral a une compétence d'exception alors que les Etats fédérés ont
des compétences de Droit commun.48

Pour garantir la répartition des compétences le système fédéral assure le recours


à une juridiction constitutionnelle.

La structure fédérale est choisie par un nombre minoritaire d’États. Ces Etats
sont les plus importants économiquement et démographiquement 49
Le fédéralisme offre plus que l'État unitaire, la possibilité de préserver les
autonomies locales. Ce qui contribue à une sorte d’équilibre organisationnel et

48
Voir :
Philippe Ardant, Institutions politiques et droit …, op.cit, pp 34-36 .
49
Exemple : l'Allemagne, la Russie, les États-Unis, le Canada et l'Inde

Younes Berrada Page 56


sociétal et renvoie aux calendes grecques les tentations identitaires
« négatives ».

B) Les principes majeurs : Trois règles fondamentales, et non des


moindres, régissent le fédéralisme.

D’abord, le principe d'autonomie : il signifie une autonomie constitutionnelle


dans la mesure où c’est le texte constitutionnel qui fixe les contours de la
50
répartition des compétences entre fédération et entités fédérées. Chaque Etat
dispose du droit de se doter de ses propres textes fondamentaux.

En revanche, la Constitution fédérale détermine le cadre d'exercice de cette


autonomie.

L’article 47 de la constitution helvétique, à titre d’illustration, affirme que « la


Confédération respecte l’autonomie des cantons. Elle laisse aux cantons
suffisamment de tâches propres et respecte leur autonomie d’organisation ».51

52
Aux Etats-Unis, le X ème amendement à la constitution de 1787 dispose
que « les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux Etats-Unis par la
Constitution, ni refusés par elle aux Etats, sont conservés par les Etats ou par
le peuple ».

50
Voir la constitution américaine ( annexes)
51
Voir la constitution suisse dans
http://mjp.univ-perp.fr/constit (constitutions du monde)
52
Voir annexes

Younes Berrada Page 57


Le principe de participation, est le deuxième socle de ce modèle. Il
signifie que les Etats fédérés participent à l'élaboration de l'arsenal juridique
fédéral.

Cela se traduit généralement par la mise en place d’un parlement bicaméral


(deux chambres) où l’une des deux chambres est composée des représentants
des Etats fédérés, comme le Sénat aux Etats-Unis.

Le nombre des élus à la chambre haute (sénateurs) peut être en fonction de la


population. Une possibilité à laquelle déroge certains pays comme les Etats-
Unis eux-mêmes dont la constitution attribue à chaque Etat fédéré deux
sénateurs envoyés à la capitale pour siéger au Sénat.

Le troisième principe est la superposition : Dans l’Etat fédéral on constate


une superposition des ordres juridiques.

A un premier niveau, une constitution fédérale règle l’organisation des


pouvoirs publics et énumère des droits fondamentaux que les entités fédérées
doivent respecter.

La fédération exerce les fonctions régaliennes : politique monétaire,


défense, politique extérieure, nationalité …

En cas de conflit entre la législation fédérale et la législation fédérée, le droit


fédéral l'emporte sur le droit des Etats fédérés.

A un deuxième niveau, les entités fédérées ont leur propre constitution,


disposent d’un pouvoir exécutif et d’un pouvoir législatif voire d’un pouvoir
judiciaire.

Younes Berrada Page 58


C) Exemples marquants: 53

1) Le cas allemand :

L'Etat fédéral allemand reconnaît aux Etats fédérés un droit à l'auto-organisation


(1) ainsi qu'un droit à légiférer (2).

a) Liberté d'auto-organisation : autonomie constitutionnelle

Les Etats fédérés ont leur propre constitution ce qui leur permet de s'organiser
eux-mêmes, mais en conformité avec la constitution fédérale. Ainsi, les Etats
fédérés se voient reconnaître un véritable pouvoir constituant.

b) Liberté de légiférer : autonomie législative :

Le domaine de compétence législative des Etats fédérés est garanti par la


constitution. Ni le gouvernement ni le parlement fédéral ne peuvent y porter
atteinte.

Ainsi, toutes les matières qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de la


Fédération sont de la compétence des Etats fédérés (article 73 de la loi
fondamentale de l'Allemagne de 1949).

La constitution fédérale énumère les matières qui sont de la compétence du


fédéral (compétence d'attribution), toutes les autres matières sont donc à
défaut de la compétence du fédéré (compétence de principe).

Si les Länders (états fédérés) veulent légiférer dans les domaines de la


compétence exclusive, une loi fédérale devra les y avoir autorisés (article 71).

c) Consécration du principe de participation :

53
Cf : www.vie-publique.fr

Younes Berrada Page 59


Les Etats fédérés doivent pouvoir participer au pouvoir fédéral. Ce sont eux qui
rendront possible la formation de la volonté fédérale. Ils participent au pouvoir
législatif et au pouvoir exécutif.

La seconde chambre (Bundesrat) représente les Länder. Ce sont des


représentants, nommés par le gouvernement de chaque Etat fédéré, qui y siège.
C'est grâce à elle que les Etats fédérés participent à la fonction législative.

Les lois qui touchent aux intérêts des Länder doivent être adoptées par les deux
assemblées, l'approbation du Bundesrat est indispensable, il dispose donc d'un
pouvoir d'approbation. Pour toutes les autres lois fédérales, le Bundesrat dispose
d'un pouvoir d'opposition.

Cette opposition pourra être surmontée par le Bundestag avec un vote à la


majorité qualifiée.

Le président fédéral est élu par l'assemblée fédérale qui se compose, à part
égale, de membres du Bundestag et de membres élus à la représentation
proportionnelle par les Assemblées des Länder. Mais en Allemagne le véritable
détenteur du pouvoir politique est le Chancelier. Il est élu sur proposition du
Président par les membres du Bundestag.

2) Les Etats - Unis d’Amérique :

54
La Constitution des Etats-Unis d’Amérique, la plus ancienne constitution
écrite au monde puisqu’ elle date de 1787, s'inspire très largement des idées
relatives à la séparation des pouvoirs émergeantes à l'époque (siècle des
lumières).

Voir annexe 54

Younes Berrada Page 60


Le système américain est un système fédéral. Selon le 10 ème amendement, l'Etat
fédéral dispose de compétences d'attribution et les Etats fédérés de la
compétence de principe. Mais cet article a été interprété de façon extensive au
bénéfice de la fédération.

Les Etats fédérés sont au nombre de 50 et disposent d'une constitution et


d'institutions sur le modèle de l'Etat fédéral : parlement bicaméral, gouverneur
élu au suffrage universel direct, système judiciaire.

Dans cet ordre d’idées il serait opportun de donner un aperçu sur les différentes
institutions fédérales américaines.

1) Le Président :

S'agissant du Président des Etats-Unis, l'élection est, dans la plupart des Etats,
précédée de primaires qui permettent aux électeurs de désigner leurs
représentants à la convention chargée de désigner le candidat à l'élection
présidentielle au cours de l'été précédant cette dernière.

Dans les autres Etats, les délégués sont choisis par la convention de chaque
parti. L'élection proprement dite a lieu la premier mardi de novembre. Les
électeurs élisent des grands électeurs qui désigneront ensuite le Président. Leur
mandat est impératif.

Les grands électeurs sont élus au scrutin de liste à un seul tour; surtout, le
système est majoritaire. Ce qui signifie que la liste arrivée en tête remporte la
totalité du nombre des grands électeurs.

Younes Berrada Page 61


Le Président est assisté de collaborateurs pour mener à bien sa mission. Le
premier est le vice-président qui est appelé à le remplacer en cas de décès ou de
55
démission ou même une éviction.

Il est aussi assisté d'une cinquantaine de conseillers, et disposent de


l'administration fédérale et d'importants organismes qui lui sont rattachés
(NASA, CIA, ...).

Le Président est le titulaire du pouvoir exécutif et possède toutes les


compétences gouvernementales.

En matière législative, normalement ses pouvoirs sont quasi nuls. Le Président


ne dispose pas, en effet, de l'initiative législative, les textes étant déposés
exclusivement par les parlementaires. Concrètement les textes sont préparés par
le Président ou ses secrétaires, mais déposés par un parlementaire.

En revanche, le Président ne dispose d'aucun moyen de pression sur le Congrès


pour faire adopter les textes qui lui conviennent. Son seul pouvoir consiste dans
le véto qu'il pourrait opposer aux lois qui ne lui conviennent pas : en cas de véto,
le texte ne pourra être adopté que s'il est voté une seconde fois par les deux
chambres à la majorité des deux tiers.

Le Président n'encourt aucune responsabilité politique, mais a une responsabilité


pénale, par la voie de l'impeachment, pour trahison, corruption ou crimes et
délits majeurs.

Dans la cadre de cette procédure, le Président doit être mis en accusation par la
chambre des Représentants à la majorité simple; puis, il doit être jugé par le
Sénat, présidé par le président de la Cour suprême, statuant à la majorité des
deux tiers des présents.

55
Manuel Delamarre …, Leçons de droit …, op.cit, pp.62-78

Younes Berrada Page 62


2) Le Congrès :

Le Congrès comporte deux chambres : le Sénat et la Chambre des


Représentants. Ces deux chambres disposent à égalité du pouvoir législatif
puisque les textes de lois doivent être votés en termes identiques par les deux
assemblées.

La Chambre des Représentants ne peut mettre en cause la responsabilité


politique du Président ou de ses secrétaires d'Etat. Les Représentants sont élus,
pour deux ans, au suffrage universel, au scrutin uninominal à un tour.

Les élections ont lieu tous les deux ans ce qui rend possible la désignation d'une
majorité à la Chambre des représentants hostile au Président.

Le Sénat représente les Etats fédérés qui sont placés sur un pied d'égalité
puisqu'ils disposent tous de deux représentants. Ces derniers sont élus au
suffrage universel direct pour un mandat de 6 ans et sont renouvelés par tiers
tous les deux ans.

Les pouvoirs du Congrès sont étendus puisque les deux chambres peuvent
s'opposer à l'adoption de textes souhaités par le Président. Son contrôle s'exerce
aussi par le biais des commissions, notamment les commissions d'enquête.

3) Le système judiciaire fédéral :

Les différentes juridictions sont chapeautées par une Cour suprême dont les
membres sont nommés à vie par le Président des Etats-Unis, ce qui leur assure
une certaine indépendance.

Par sa position dans l'ordonnancement juridique, elle assure une certaine unité
de la jurisprudence.

Younes Berrada Page 63


Chapitre 2 : La démocratie

Etudier les régimes politiques, sujet central du droit constitutionnel, mène à


évoquer les situations ou encore les régimes fondamentalement non
démocratiques avant de s’atteler aux fondements de lé démocratie s’érigeant
56
d’ores et déjà en paradigme explicatif.

Section 1 : La non démocratie

L’étude des régimes politiques balise la voie à l’appréhension des différents


régimes constitutionnels dont l’articulation traduit la réalité du pouvoir et
l’étendue des compétences de chaque acteur.

Dans cet ordre d’idées, il s’avère qu’une typologie binaire pourrait être capitale
dans la mesure où elle nous permet de se positionner par rapport à deux
catégories de systèmes politiques : non démocratique et démocratique.

Déjà au 5ème siècle avant Jésus-Christ, l’historien grec Hérodote évoquait trois
formes centrales : la monarchie est présentée comme le gouvernement d’un
seul, l’aristocratie (ou oligarchie) comme le gouvernement de quelques uns et
la démocratie comme étant le gouvernement de tous.

La même typologie s’est retrouvée chez ses prédécesseurs dont Platon (428 à
347 avant JC) qui prôna particulièrement la souveraineté de la sagesse

56
Voir notamment :

Jacques Chevallier, L'Etat de droit, (5e édition), Editeur : Montchrestien, Paris, 2010.

- Riccardo Guastini, Leçons de théorie constitutionnelle, Dalloz, 2010.

- Francis Hamon et Michel Troper, Droit constitutionnel, Paris, L.G.D.J, coll. « Manuels », 2012

Younes Berrada Page 64


(sophocratie) dans laquelle le pouvoir doit revenir à ceux qui détiennent le
savoir.

Ce fut enfin Aristote qui, à l’époque antique déjà, explicita ces diverses formes
de gouvernement sur la base de critères quantitatifs;

Pour lui, le nombre de détenteurs du pouvoir permet alors de définir la forme de


gouvernement
• Le gouvernement d’un seul au bénéfice de tous; c’est la royauté ou
monarchie dans son état pur; la succession y est héréditaire.

• Le gouvernement d’un petit nombre, appelé aussi gouvernement des


meilleurs, oligarchie ou aristocratie; L’accès aux leviers de commande
peut revêtir soit la voie héréditaire soit celle de la cooptation.

• Le gouvernement du grand nombre, exercé dans l’intérêt général, auquel


Aristote applique la dénomination de république: la démocratie s’y
retrouvant incarnée par l’exercice du pouvoir par des gouvernants choisis
sur la base de la vertu

Dans cette catégorie on peut inventorier : la monocratie et l’oligarchie.

A) La monocratie :

Elle signifie la forme de gouvernement dans laquelle le pouvoir appartient à un


seul homme.

Le détenteur unique du pouvoir peut être un Roi, un Empereur ou un dictateur.


Younes Berrada Page 65
Ceci dit, on peut avancer, ne serait-ce que pour des raisons de commodité et de
simplicité taxinomique, que l’histoire de la pensée politique et constitutionnelle
nous mène à répertorier quatre sortes de régimes à gouvernement
monocratique.
• 1. la monarchie
• 2. la théocratie
• 3. le césarisme populaire
• 4. la dictature

1) La monarchie se base sur deux variantes:

a) La Monarchie Absolue: C’est le gouvernement d’un seul homme; elle est


fondée sur l’hérédité; le monarque y détient tous les pouvoirs (législatif, exécutif
et judiciaire); il puise la souveraineté du droit divin.

b. La Monarchie Limitée: Régime mixte combinant la monocratie à d’autres


formes de pouvoir partagé; exemple des monarchies constitutionnelles qui ont
pris de l’élan depuis la fin du 18 ème siècle.

2) La théocratie renvoie à une conception qui met en avant quatre paramètres :

• C’est une forme de confusion absolue du pouvoir politique et religieux;


• C’est également une forme de confusion des pouvoirs législatif et
exécutif;
Younes Berrada Page 66
• Le chef y détient des compétences illimitées;
• Il est assimilé à un envoyé de Dieu.

Cette conception mène à une légitimation religieuse qui pourrait avoir des
imbrications institutionnelles capitales.

3) Le césarisme populaire : C’est une autre forme du gouvernement d’un seul


basée sur le plébiscite et sur l’exercice d’un pouvoir autoritaire.

Napoléon Bonaparte57 a mis en place un régime politique basé sur une


apparence démocratique 58 et une réalité dictatoriale. 59

4) La dictature : Peut être définie comme une forme de gouvernement


autoritaire qui, à l’opposé de la démocratie, supprime la liberté comme
fondement du pouvoir.

Le dictateur gouvernera arbitrairement et sans contrôle démocratique. Il sera un


autocrate. Ainsi, les dictatures incarnent des régimes dans lesquels un homme,
qui accède généralement au pouvoir par la force, définit lui même ce qu’il
entend par « intérêt public ».

• On retient comme première forme les dictatures militaires (du fait de


certaines situations de crise, de désordre ou de dysfonctionnement de
certains régimes civils, l’armée s’est généralement trouvée comme seul
corps organisé capable de résorber la crise et rétablir la confiance);

57
Au pouvoir entre 1799 et 1815
58
Souveraineté du peuple, suffrage universel, assemblées délibérantes, exécutif collégial (le Consulat)
59
Des élections de façade, une collégialité illusoire, des assemblées sans pouvoirs et un régime despotique.

Younes Berrada Page 67


On a également les régimes fascistes :
 Leur ambition est de faire absorber la vie de chaque individu par la
collectivité étatique, érigée elle-même en valeur suprême;
 Surinvestissement identitaire et exaltation chauviniste du sentiment
national;
 Rejet du libéralisme pour le motif qu’il dresse l’individu contre l’Etat;
 Invocation de la religion (Salazar au Portugal jusqu’à 1970 et Franco en
Espagne jusqu’à 1975), de la race (Hitler en Allemagne) ou de la grandeur
passée (Mussolini en Italie);
Embrigadement du peuple au service de la nation: “Croire, obéir, combattre”.

Le marxisme instaure, lui, une autre forme de dictature, appelée : dictature de


prolétariat visant à atteindre le dépassement de l’antagonisme des classes
sociales et le dépérissement de l’Etat, par le biais d’un régime de dictature du
prolétariat dans lequel l’ensemble de la société est assujettie à une légalité
socialiste garantie par le parti communiste.

B) L’oligarchie :

C’est une conception aristocratique et élitiste du pouvoir qui est détenu par une
classe sociale privilégiée.

Nous retenons quatre formes essentielles :

1. L’aristocratie
2. La Ploutocratie
3. La partitocratie
4. La technocratie

Younes Berrada Page 68


1) L’aristocratie : C’est une classe sociale privilégiée; la conception
aristocratique du pouvoir repose sur une approche élitiste; elle se veut le
gouvernement des meilleurs.
• Dans l’antiquité grecque, Sparte a été un modèle de cité adoptant un
régime aristocratique. Parmi les formes modernes: les régimes
d’Apartheid en Rhodésie et en Afrique du Sud jusqu’à 1994.

2) La ploutocratie :

C’est une forme de gouvernement dans laquelle le pouvoir est confié aux
plus riches, les titulaires du pouvoir sont désignés par conséquent sur la base
de leur richesse.

L’une des formes d’expression de cette conception du pouvoir est celle du


« régime censitaire » ou appliquant le « cens électoral ». Il consiste à assortir
le droit de vote et/ou l’éligibilité au paiement d’une certaine taxe électorale.

3) Le partitocratie :

C’est le régime dans lequel le pouvoir est détenu par les dirigeants des partis
politiques. Les systèmes de coalitions partisanes y font accaparer le pouvoir
par les appareils des partis.

4) La technocratie :

C’est une forme d’organisation gouvernementale dans laquelle le pouvoir est


détenu par une minorité qui se distingue par la qualité de son savoir. Il est
généralement fait appel à des technocrates pour former des gouvernements

Younes Berrada Page 69


afin de parer aux carences potentielles des partis politiques. Ce qui mène à
une marginalisation périlleuse de l’action politique et provoque un désintérêt
vis-à-vis de tout ce qui symbolise la participation à la chose publique.

60
Section 2 : Les régimes démocratiques
Face à toutes les autres formes d’exercice de pouvoir la démocratie se veut non
seulement un dépassement des pannes mais surtout un paradigme global, un
système cohérent qui renvoie à une trilogie : le gouvernement du peuple par le
peuple et pour le peuple.

Ce système, conçu dans sa phase embryonnaire depuis l’antiquité grecque, a


trouvé dans le constitutionnalisme du 18 ème siècle un terreau de foisonnement
à partir des crédos mis en avant et de l’évolution rampante dans la pratique qui a
donné lieu à une nouvelle articulation de pouvoirs en dépit des différences
structurelles des régimes constitutionnels.

1) Les principes fondateurs


Nous sommes amenés à opiner que la démocratie s’est érigée en véritable
paradigme expliquant l’évolution des régimes et servant de thermomètre de
l’état d’avancement des rapports : gouvernants-gouvernés.
Le débat autour de la démocratie induit en lui-même une kyrielle de
constatations dont notamment la prévalence du modèle démocratique comme

60
- Des sites sur le web fournissement plusieurs éclaircissements à
caractère conceptuel tels : http://www.conseil-constitutionnel.fr (pour
les textes du droit politique français)
- vie-publique.fr (pour une sélection de textes sur la vie politique
française)
- http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers

Younes Berrada Page 70


crédo de la gestion de la chose publique et le recours quasi-systématique à une
taxinomie : démocratie-non démocratie.

Ce débat, non dénué, de manifestations idéologiques, traduit à lui seul toute la


portée du modèle démocratique.

In globo, la démocratie ne peut avoir lieu, en principe, sans l’application de


certains bases ou fondements relevant de la quintessence du modèle.

a) Le principe de la Liberté :

En régime démocratique, tous les citoyens sont libres. 61 La liberté comporte de


multiples composantes: liberté de circuler, liberté d’opinion, liberté
d’association, etc…
Toutefois la libre désignation des gouvernants à travers des élections libres
figure au sommet de ses composantes. Une évidence puisque l’essence même de
la démocratie reste politique.

b) L’égalité :

C’est une égalité juridique et politique, en ce sens que tous les citoyens sont
égaux en droit.
Aucune distinction alors n’est tolérable ni d’origine, ni de race, ni de sexe ou de
religion.
Ceci dit, on reproche à la démocratie, dans son acception libérale, que cette
égalité demeure « formelle » et non substantielle, puisque sur le plan
économique et social beaucoup d’inégalités persistent dans les sociétés pourtant
politiquement démocratiques.

61
Art. 2 de la Constitution française: “La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité”

Younes Berrada Page 71


c) La légalité :
Le principe signifie que la société repose sur des normes juridiques clairement
et démocratiquement établies. Il implique également le respect des règles de
droit; ne laisse pas de place à l’arbitraire et est garanti par l’exercice d’un
contrôle judiciaire.

d) La participation du citoyen au pouvoir

La participation du citoyen au pouvoir donne corps à la pratique démocratique,


le citoyen étant le socle du système. Autant il est dedans autant la démocratie se
fait sentir et devient palpable. C’est le principe de la démocratie participative
qui est mis en avant.

Le foisonnement des réseaux sociaux grâce à l’évolution des technologies de


communication, l’évolution de la société civile, via un tissu associatif de plus en
plus pesant et la multiplication des canaux de contre-pouvoirs ne font que
renforcer cette propension à se démocratiser en balisant la voie à une
intervention en amont et en aval de la société

Le choix démocratique, devenu irréversible, se retrouve, pour paradoxal que


cela puisse paraitre animé par un souci de réinvention, de perfectionnement et de
reflet de l’esprit démocratique. Faute de quoi le socle démocratique s’effondre et
se transforme en « hantise électorale », court-termiste, de toute évidence

2) Classification de démocraties :

A ce stade on peut recourir à une classification bicéphale :

Younes Berrada Page 72


1) Démocratie directe et démocratie représentative

La démocratie directe correspond à un régime où le peuple exerce directement le


pouvoir. Ce type de régime n'est applicable que dans les Etats fort peu peuplés.
Ces procédés peuvent être utilisés au niveau local, comme cela a été le cas dans
quelques cantons suisses.

A l'inverse, la démocratie représentative implique la désignation de


représentants, élus au suffrage universel, qui sont chargés de décider au nom de
la nation. Dans ce système, l'élu est libre de ses décisions, mais il représente la
nation toute entière et non ses électeurs.

Ce système implique la désignation des parlementaires par les électeurs. Alors


que les organes exécutifs peuvent, selon les cas, être désignés soit par les
parlementaires, soit directement par le peuple. Dans le premier cas, les
parlementaires sont alors dotés d'un prestige dont ne disposent pas les organes
exécutifs.

Ce système suppose, par ailleurs, l'émergence de partis politiques. Mais, il


connait dans certains cas des déviances. Ainsi, dans certaines hypothèses, les
parlementaires peuvent ne plus tenir compte des choix des électeurs, la
souveraineté appartient véritablement au Parlement. De plus, dans un système
où les partis politiques sont bien établis, la discipline de vote peut faire de ces
derniers la véritable autorité de décision, affaiblissant ainsi les pouvoirs du
Parlement.

2) La démocratie semi-directe

Ce type de régime combine système représentatif et possibilité pour le peuple de


décider directement. Présentement, ces procédures d'intervention populaire ne
cessent de se développer.

Younes Berrada Page 73


Au titre de ces procédures, figure au premier rang le référendum c'est-à-dire la
soumission au peuple d'un projet de texte constitutionnel ou législatif.

L'initiative de cette procédure peut être laissée à la discrétion des gouvernants ou


imposée par les textes. Lorsque la réponse à la question posée se fait, non sur la
base du texte soumis, mais sur celle de la personnalité de l'auteur du texte, il y a,
62
dans ce cas, plébiscite. Une autre procédure est constituée par le véto
populaire. Celui-ci permet au peuple, après dépôt d'une pétition et organisation
d'un référendum, de demander l'abrogation d'une loi. Cette technique peut se
muer en révocation populaire, selon les mêmes conditions, lorsqu'il s'agit de
mettre fin au mandat d'une autorité.

La dernière technique est l'initiative populaire qui permet au peuple, après


dépôt d'une pétition, d'adopter un texte constitutionnel ou législatif.
Concrètement, le projet est soumis au Parlement, et si son vote est négatif, le
projet est soumis au référendum. Cette technique est utilisée en Suisse. Ainsi, le
peuple peut demander la révision totale de la Constitution par le dépôt d'une
pétition signée par 100 000 personnes.

Par la suite, un référendum est organisé pour savoir s'il y a lieu ou non de réviser
la Constitution. En cas de réponse positive, les assemblées élaborent le projet de
révision, qui est ensuite soumis au peuple par la voie du référendum.

62
C'est surtout lorsque l’on fait dépendre son maintien en fonction de la réponse donnée par les électeurs, ou
lorsqu'il y a une forte concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul organe.

Younes Berrada Page 74


Chapitre III : la Constitution
Il ya lieu de passer au crible la notion de constitution avant d’aborder
l’élaboration du texte constitutionnel, les types de constitutions, la valeur de la
constitution et la protection de la constitution. 63

64
Section 1 : La notion de Constitution

C'est la norme juridique généralement suprême qui contient à la fois :


- Les principes clés de l'ordre juridique étatique : elle définit les buts et les
finalités qui doivent guider les opérateurs du droit ;

- Les règles de base concernant l'aménagement et la transmission du pouvoir


d'État : la Constitution institue des organes d'État qu'on appellera « pouvoirs
constitués » ;

- L'énoncé des libertés fondamentales protégées par l'Etat : ces droits sont
généralement énoncés dans le Préambule de la Constitution qui lui-même
contient une Déclaration de droits ou s'y réfère.

On peut ainsi distinguer la constitution au sens matériel et la constitution au sens


formel.

a) La constitution au sens matériel :

63
Philippe Ardant , Institutions politiques…, op.cit, pp. 49 ;130
64
Voir à titre d’exemple :

- Manuel Delamarre.Emmanuel Maurel, Leçons de droit constitutionnel et d’institutions


politiques, ellipses, Paris, 2010, pp.16-23

Younes Berrada Page 75


Le contenu de la constitution au sens matériel renvoie aux règles juridiques qui
ont pour objet la désignation, l’organisation, le fonctionnement et les rapports
des pouvoirs publics ainsi que l'énumération des droits et libertés.

La constitution doit aussi aménager le pouvoir politique et proclamer


solennellement les obligations de l'État à l'égard des individus et essentiellement
de certains groupes.

Au sens matériel la constitution désigne donc le contenu du texte fondateur,


c'est-à-dire le fonctionnement et l’organisation des pouvoirs publics.

b) La constitution au sens formel :


La constitution a la forme d'un texte original, élaboré suivant des procédures
particulières par un organe spécial, éventuellement modifiable d'une manière
prévue.

La notion de constitution correspondant exactement au texte solennel qui dans


chaque État a pour nom constitution.

La constitution au sens formel s’attache davantage au contenant : le statut du


texte (norme suprême), son élaboration et sa modification faisant l’objet de
procédures spécifiques.

La constitution se situe alors au sommet de la hiérarchie des normes. Elle est


privilégiée puisque distinguée. Elle est également protégée puisque les autres
règles ne peuvent la contredire, elles lui sont inférieures (le contrôle de la
constitutionnalité des lois en témoigne largement).

Younes Berrada Page 76


Section 2 : Taxinomie des constitutions

On distingue principalement 2 types :

a) La Constitution coutumière :

Cette constitution est l’ensemble des règles coutumières relatives à la dévolution


et à l’exercice du pouvoir.

La coutume constitutionnelle est une règle de droit non écrite qui résulte de
précédents.

Pour qu’une pratique constitutionnelle soit qualifiée de coutumière, il faut que


quatre conditions soient réunies : la constance (répétition dans le temps du
même fait), la continuité (la répétition doit être ininterrompue), la clarté (les
motifs qui justifient la répétition d’une pratique sont sans ambages) et le
consensus (la coutume doit être la résultante de larges concertations pour
qu’elle soit érigée en véritable règle de droit).

Le Royaume Uni est l’exemple type de recours à ce type de constitution quoique


des textes anciens existent et restent intégrés dans la pratique constitutionnelle
coutumière comme la Grande charte de 1215 (La magna carta) ou encore la liste
des droits (Bill if rights) de 1689. Mais l’organisation des pouvoirs publics n’est
pas codifiée. Pour les Britanniques ce sont les usages qui entrainent un
sentiment d’obligation par leur répétition.

La coutume vient combler les oublis et lacunes des constitutions (coutume


praeter legem).

Elle doit être répétée pendant une certaine durée et ceux qui la respectent
doivent avoir le sentiment que cette pratique est obligatoire. Elle peut revêtir

Younes Berrada Page 77


deux formes soit elle est interprétative (les dispositions constitutionnelles ne
sont pas claires, la pratique lèvera l'ambiguïté), soit elle est supplétive (la
coutume va venir combler les lacunes du texte constitutionnel).

Mais en tout état de cause, la coutume ne pourra jamais modifier ou abroger une
disposition écrite constitutionnelle (absence de coutume contra legem). Par
conséquent, la coutume ne peut pas porter atteinte à la constitution, elle permet
juste de pallier à certains oublis du constituant.

A ce niveau , on peut rappeler que l'ordre constitutionnel britannique, la


Constitution matérielle du Royaume-Uni, est complexe ; il repose d'abord sur un
corpus de documents écrits dont le plus vénérable est la Magna Carta, la Grande
Charte des Libertés d'Angleterre, acceptée par Jean sans Terre, dans la prairie de
Runnymede, le 15 juin 1215, qui inaugure une série de tentatives couronnées de
succès pour limiter le pouvoir du Roi. 65

Cette Grande Charte a été 37 fois révisée ou confirmée avec des modifications
plus ou moins importantes d'Henri III à Henri V. Au gré des vicissitudes de
l'histoire, plusieurs textes viennent ainsi confirmer, préciser ou étendre les
libertés des sujets et les droits des Lords et des Communes.66

Ces textes ne sont pas constitutionnels par leur forme : ils ne sont pas inscrits
dans un texte dénommé « Constitution », charte, loi fondamentale ou forme de
gouvernement, et ils peuvent être modifiés comme n'importe quelle autre loi.

Ces textes sont constitutionnels par leur objet : ils concernent l'organisation et le
fonctionnement des institutions politiques, ainsi que les « droits », c'est-à-dire
les libertés ou les privilèges des individus ou des groupes de personnes.

65
Manuel Delamarre, Leçons de droit constitutionnel…, op.cit, pp.46-61 .
66
Ibid

Younes Berrada Page 78


L'évolution des rapports entre la Couronne et les chambres a donné naissance à
l'autre source du droit constitutionnel britannique : les conventions de la
Constitution (règles de pratique politique considérées comme obligatoires),
formées par la sédimentation de certains usages parlementaires ; par exemple,
aucune loi ne règle la nomination du premier ministre, il s'agit d'une convention.
Ainsi, au fil du temps s'est constitué le modèle de Westminster.

Mais à la veille des élections de 1997, M. Blair avait promis « le plus important
programme de modification de la démocratie jamais proposé ». De fait 12
projets de lois constitutionnelles ont été présentés durant la première année de la
législature et plusieurs autres par la suite, touchant à la plupart des aspects du
droit constitutionnel.

La mise en place partielle d'un système fédéral inégalitaire, la loi sur les droits
de la personne, la réforme de la Chambre des lords et l'institution d'une Cour
suprême indépendante : on peut dire que la Constitution britannique a été
davantage modifiée en 10 ans qu'en huit siècles, et que les sources écrites de ce
droit et de cette Constitution ont été considérablement développées.

Si l'on tient compte aussi de l'acceptation de la subordination de la loi


britannique au droit communautaire (Factortame, 1991), on peut se demander ce
qui demeure de la Constitution décrite par Dicey (1885) et de ses trois aspects
principaux : la souveraineté du Parlement, les conventions de la Constitution et
la primauté du droit. On peut douter que la démocratie ait été renforcée, mais le
vieil adage suivant lequel « le Parlement de Westminster peut tout faire sauf
changer un homme en femme » est bien périmé.

Younes Berrada Page 79


b) la Constitution écrite :

C'est le cas le plus fréquent. La Constitution se présente comme un document


condensé qui a été adopté sous la forme d'une loi soit :

1. Particulière : loi adoptée par le Parlement à une majorité qualifiée ou par


le peuple directement. Généralement, ce type de Constitution écrite est
précédé d'un Préambule ou d'une Déclaration de Droits, comme le
montrent les cas des Etats-Unis et de la France. 67

2. Ordinaire : loi votée comme toutes les autres lois par le Parlement à la
majorité simple. 68

C’est dans ce sens qu’on peut distinguer en se référant à la procédure de


l’élaboration entre la Constitution souple et la constitution rigide.

La constitution souple peut être réalisée par les mêmes organes et suivant les
mêmes procédures que ceux utilisés pour le vote des lois ordinaires.

La constitution rigide : sa révision nécessite l'intervention d'un organe différent


suivant une procédure particulière.

On retient néanmoins que la coutume peut jouer des rôles dans les Etats à
constitution écrite : Il s’agit pour rappel de la coutume interprétative qui permet
d’éclairer les dispositions constitutionnelles qui sont imprécises ou ambigües.
On peut également être devant une coutume supplétive qui comble une lacune
de texte.

67
Voir annexes
68
Ex : GB pour certains textes constitutionnels (Cf. Grande Charte de 1215, Bill of Rights de 1689).

Younes Berrada Page 80


Section 3 : La valeur des Constitutions

La nécessité d'une constitution correspond au besoin d'avoir une norme


contraignante pour le pouvoir. L'idée d'une constitution participe donc aussi au
désir de rationaliser le pouvoir. Par la suite, la constitution deviendra une
garantie au bon fonctionnement du pouvoir et à la protection des citoyens.

La constitution est devenue le fondement de l'ordre juridique en ce sens


qu'elle est la norme de référence à laquelle les autres normes doivent se
conformer. L'importance qu'elle revêt impose également une protection
appropriée.

La constitution, en fixant le mode de désignation des gouvernants, ainsi que


leurs compétences, et en déterminant les droits ou libertés des gouvernés,
apparaît comme la norme qui fonde la société. Tout procède d'elle, elle est la
«loi des lois »69 et occupe le sommet de la hiérarchie des normes.

Cette suprématie se retrouve à deux niveaux : l'un, matériel70, se focalisant sur


les principes cardinaux composant l’ossature de l’exercice du pouvoir, l'autre,
formel, menant à une singularité de conception et de révision du texte
constitutionnel. 71

La valeur juridique des Constitutions

Pendant longtemps, notamment en France ou aux Etats-Unis, la valeur juridique


des Constitutions et de leurs Préambules a été discutée, un débat qui a tiré sa
révérence du moment que les Constitutions ont acquis leurs lettres de noblesse :
69
Selon jean Giquel
70
La constitution est la norme la plus importante parce qu'elle contient les principes fondamentaux de l'Etat)

71
La procédure de révision de la constitution est beaucoup plus complexe que celle des autres normes.

Younes Berrada Page 81


elles sont d’ores et déjà considérées non plus comme des textes politiques mais
bien comme des textes juridiques à part entière sanctionnés par le juge.

Concernant les Préambules et les textes solennels auxquels ils renvoient (par
exemple la DDHC de 1789 pour le Préambule de la Constitution française de
1958), la discussion continue notamment en France. Cela malgré la décision de
1971 du Conseil constitutionnel qui a admis la valeur juridique et
constitutionnelle du préambule de la Constitution de 1958 et des textes auxquels
il fait référence.

a) La supériorité des Constitutions

Les Constitutions ont une valeur supérieure à celle de toutes les autres normes
de droit interne : lois ordinaires, règlement, actes administratifs... Cela
s'explique par l'importance (au sens matériel) des règles ou principes qu'elles
contiennent. Dès lors toutes les autres normes devront respecter la Constitution
et pourront être déclarées inconstitutionnelles par la justice constitutionnelle
dans le cas d’une violation ou d’un dépassement.

Cependant, lorsque la Constitution est contenue elle-même dans une loi


ordinaire, elle a la valeur de cette loi. Elle ne bénéficie donc pas d'une
supériorité par rapport à ces lois.72

c) Les fonctions des constitutions :

Faisant abstraction des régimes totalitaires, où la constitution ne peut


remplir qu’un rôle de « vitrine » politique en vue d’une légitimation sans
fondement ni assise réelle, on serait tenté d’avancer que le texte

72
C'est le cas en GB.

Younes Berrada Page 82


constitutionnel vise, dans l’absolu, une panoplie de fonctions, une fois en
chantier dans un contexte libéral, seul terreau viable de la démocratie dont
la constitution n’est que l’illustration textuelle principielle.

D’abord la constitution pose les règles du jeu politique et s’attèle à distribuer


les rôles entre les différents acteurs.

Ensuite, elle définit les rapports entre l’Etat et la société au regard des
garanties qu’elle assure et des libertés individuelles ou autres qu’elle précise.

On est dès lors amené à avancer que la constitution, qui se veut la traduction de
la volonté populaire et par conséquent aspire à s’inscrire dans une logique de
continuité, est animée, entre autres, par le souci de réserver une place de choix
au peuple tant dans la conception du texte que dans sa teneur. Un constat qui
conduit à stigmatiser les expériences de constitutionnalisation de façade où la
démocratie relève plutôt de la surenchère discursive loin de toute émanation de
la volonté populaire. Le texte constitutionnel ne fait dès lors que confirmer un
état d’absolutisme déguisé.

Le texte constitutionnel est appelé, en outre, à limiter les pouvoirs et non à les
étendre. Réagir de la sorte serait contraire à l’esprit même du
constitutionnalisme tel qu’il était conçu dès la fin du dix-huitième siècle ou
comme a été pensé en Europe ou aux Etats-Unis d’Amérique.

La constitution se veut également une réponse continue aux attentes du peuple


afin d’éviter la spirale de « textes sclérosés » menant aux déphasages. Un
constat de mode de gouvernement démocratique serait dès lors la réponse
logique à cette équation.

Enfin, le texte ne peut être stagnant pour idéal qu’il puisse être. Il doit s’inscrire
dans un élan évolutif. Tout texte est modifiable suivant l’ère du temps. Le

Younes Berrada Page 83


sacraliser en tant que tel ou le présenter comme exemplaire est non seulement
une vision réductrice mais aussi relevant de la pure autoglorification, hautement
périlleuse pour la démocratie elle-même.

Section 4 : L'élaboration de la Constitution

La réalisation d'une constitution appartient au pouvoir constituant originaire qui


s'étend du «pouvoir d'établir les règles fondamentales relatives à la dévolution et
à l'exercice du pouvoir politique ».

Le pouvoir constituant originaire peut être exercé par une personne, par une
assemblée ou par le peuple. Le degré démocratique d'élaboration peut donc
fortement varier. Autres nuances, l'assemblée constituante peut être souveraine
ou limitée, exclusivement constituante ou non.

Dans le droit constitutionnel occidental classique, la Constitution qui est


généralement écrite, supérieure aux autres normes juridiques, fait l'objet de
procédés d'établissement particuliers, solennels.

Le procédé le plus souvent retenu depuis le XVIIIe siècle consiste à avoir


recours à une Assemblée constituante ou au gouvernement approuvé par le
peuple. Un procédé qui permet de respecter le principe de souveraineté
démocratique.

A ce stade il ya lieu de constater que la mise en œuvre du pouvoir constituant


originaire peut suivre plusieurs procédés :

a) Les procédés non démocratiques :

- La technique de l’octroi : le titulaire du pouvoir accorde de sa seule volonté


une Constitution à son peuple ou à ses sujets ;

Younes Berrada Page 84


- La constitution imposée directement au peuple (sans consultation ni
référendum, juste pour une légitimité virtuelle);

- L’appel au peuple de façon fictive : appel au peuple pour accorder un blanc-


seing populaire aux rédacteurs de la constitution ou pour ratifier une
constitution élaborée en secret par un groupe.

b) les procédés démocratiques :

Ils se manifestent via l’assemblée constituante ou l’intervention du pouvoir


exécutif.

1) Le recours à l'assemblée constituante ou au gouvernement

a) l'assemblée constituante :

On distingue à ce niveau entre deux instances :

L'assemblée constituante spéciale (ad hoc) : on convoque une assemblée dans


le but qu'elle élabore une Constitution. Elle a uniquement cette mission -
pouvoir, ne pouvant pas s’atteler aux autres pouvoirs (législatif, contrôle
politique...) 73

-L'assemblée constituante et législative : L'assemblée chargée d’élaborer la


Constitution est l'assemblée ordinaire qui produit les lois au sein du pays. Une
double mission : une liée, semble-t-il, à une optique d’optimisation et

73
Ex : la Convention de Philadelphie qui élabora la Constitution américaine fédérale en 1787.

Younes Berrada Page 85


d’efficacité législative. La deuxième étant animée par un souci de corrélation
puisque cette assemblée est censée être la voix du peuple l’ayant choisi.

2) Le gouvernement approuvé par le peuple :

C'est la solution préférée aujourd'hui. Ainsi, la Constitution de 1958 en France a


été élaborée par le gouvernement du Général De Gaulle sur le fondement de la
loi constitutionnelle du 3 juin 1958. 74

On admet généralement que l'organe qui élabore la Constitution détient un


pouvoir constituant : - originaire (ou inconditionné) notamment à la naissance
d'un État ou à l'occasion d'un changement complet de régime politique
(révolution). Dans ce cas l'organe agit au nom du souverain en toute liberté.

- institué (c'est-à-dire conditionné) les conditions étant généralement prévues par


la Constitution précédente ou une loi spéciale. C'est le cas lorsqu'il y a simple
révision. Ici l'organe agit au nom du souverain mais est lié par des obligations,
interdits fixés au préalable.

Au Maroc, la constitution a été « une affaire royale » dans la mesure où


c’est la monarchie qui s’est adjugée le pouvoir constituant originaire.

Le balancier constitutionnel, depuis le premier texte de 1962, n’a pas


changé dans son essence quoique la procédure d’élaboration ait connu une
cetaine adaptation conformément à la logique des rapports de force
existants et en étroite relation avec le contexte socio-politique pesant.

Nous sommes devant une évolution procédurale marquée par une


75
domination royale dans l’élaboration même si le contexte politique

74
Voir : Claude Emeri , La constitution en France, déjà cité
75
D’aucuns parlent de constitution octroyée. Même « les apologistes » n’hésitent pas à l’admettre.
Voir : - Nadia Bernoussi, « le juge constitutionnel », article déjà cité, p.209

Younes Berrada Page 86


marocain a donné lieu à des cycles de concertations plus ou moins poussés à
la lumière de l’interaction entre la monarchie à la classe politique nationale.

Si les trois premiers textes (1962, 1970, 1972) ont été une exclusivité royale,
ceux de 1992 et de 1996 ont été marqués par la quête d’un consensus
transitionnel. Ce qui a donné lieu à une sorte de « navette revendicatrice »
entre les partis d’opposition, dits de mouvement national, et la monarchie
via la procédure de mémorandums.

Mais en définitive c’est la monarchie qui détenait la « réalité de


l’élaboration », c'est-à-dire le pouvoir de la validation de la mouture finale
avant le recours au référendum populaire.

La constitution de juillet 2011, elle, était plus animée politiquement, sur


fond de ce qui est communément appelé « le printemps arabe » et a donné
lieu à une large concertation avec les composantes de la société civile et les
différents acteurs politiques.

Une commission nommée par le Roi, composée d’universitaires et d’acteurs


associatifs,76 a eu la tâche, trois mois durant, de préparer un « nouveau
texte » en concertation avec une autre instance à caractère politique. 77

Si la concertation autour de ce texte était la plus large dans l’histoire


constitutionnelle du pays il n’en reste pas moins que les aspects consultatifs
entourant les missions des deux instances les ont confinées par la force des
choses à un rôle de second plan. 78

76
19 membres ont composé la Commission consultative de révision de la constitution. Tous nommés par le Roi
77
Le Mécanisme politique de suivi et de concertation, composé de leaders de partis politiques marocains
reconnus . Il était présidé par un conseiller du Roi.
Indépendamment de la teneur du texte qualifié d’ « avancé » 78 par plusieurs chercheurs.
Voir : Le centre d’études internationales ( sous la direction) , La Constitution marocaine de 2011, L.G.D.J, paris,
2012.

Younes Berrada Page 87


Section 5 : La protection de la Constitution

Cette protection de la Constitution écrite se justifie évidemment par l'importance


des règles ou garanties pour les libertés qu'elle contient. Cette protection peut se
manifester de deux façons :

Par la mise en place :

- d'une procédure spéciale de révision qui sera longue, complexe pour éviter
que la Constitution ne soit modifiée trop facilement ;

- d'une procédure de contrôle de la conformité à la Constitution des normes


qui lui sont inférieures pour éviter que de telles normes soient édictées et
viennent ainsi enfreindre et modifier implicitement la Constitution.

A) La procédure spéciale de révision :

Ce sont les Constitutions qui, elles-mêmes, en général organisent cette


procédure spéciale les rendant par conséquent difficilement modifiables. On les
dit rigides selon une expression qui nous vient de MM. Dicey et Bryce (juristes
anglais ayant proposé cette formulation au début du 20 ème siècle). C'est le cas
en France et aux États-Unis.79

Trois procédures sont à noter :

a) La révision par le Parlement :

79
La France a suivi cette voie durant la Révolution. Les assemblées de la révolution étaient constituantes et
législatives.

Younes Berrada Page 88


Cette révision se fait par le Parlement en formation spéciale et selon des
modalités de vote particulières. Exemple : France IIIe République [la révision
est faite par la Chambre des Députés et le Sénat réunis en une Assemblée
appelée Assemblée nationale]. Belgique [Les 2 chambres peuvent effectuer une
révision mais après avoir été renouvelées et en votant à la majorité des 2/3
(art.195)].

b) La révision par une Assemblée spéciale :

Cette révision se fait par une Assemblée spécialement élue à cet effet. Exemple :
États-Unis ; la révision peut être effectuée par une Convention élue à cet effet
mais cette procédure se voit préférer en général la solution du Congrès votant à
la majorité des 2/3.80

c) l'intervention directe du peuple par la voie du référendum

Généralement, cette intervention est combinée avec l'utilisation du Parlement


ou d'une Assemblée spéciale.

Les dernières révisions de la Constitution française se sont faites surtout par


l'intervention du Parlement (17 novembre 1993 la réforme du droit d'asile
consécutive à l'adoption du traité de Schengen - 31 juillet 1995 sur
l'élargissement du domaine du référendum ordinaire et l'allongement de la durée
de session du Parlement). La réduction du mandat présidentiel est intervenue par
référendum (le taux d'abstention a dépassé 60 %).

Pour le cas du Maroc il ya lieu de noter que le balancier constitutionnel, au


niveau du texte, était animé par les aléas du contexte global, tension ou

80
Philippe ardant, Institutions politiques et droit constitutionnel, op.cit.pp.405-440

Younes Berrada Page 89


apaisement, sans toutefois remettre en question la suprématie effective de la
monarchie en la matière.

Un tour d’horizon nous permettrait de nous situer par rapport à l’évolution de la


question de la révision, appelée également à être contextualisées. 81

Le texte de 1962, qui a placé le Maroc indépendant dans l’enceinte « des pays à
constitution », a réservé 'initiative de la révision de la Constitution au premier
ministre et au Parlement, alors que c’est le Roi qui a détenu exclusivement le
pouvoir constituant originaire.

Le projet de révision est arrêté en Conseil des ministres et doit faire l'objet d'une
délibération des deux Chambres.

La proposition de révision doit être adoptée dans chaque Chambre par un vote à
la majorité absolue des membres la composant. Et la révision est définitive après
avoir été soumise à référendum, selon l’article 107.

Après cinq années d’état d’exception, un autre texte est venu apporter les
réponses –réactions à la situation politique du pays.

En matière de révision, ou de pouvoir originaire dérivé, le texte de 1970 a écarté


les organes exécutif et législatif de toute proposition. L’article 97 résume la
situation en stipulant que « L'initiative de la révision de la Constitution
appartient au Roi. » 82

Le texte de 1972, n’a fait que reproduire le même scénario alors que vingt ans
plus tard la constitution de 1992 a essayé d’opter pour un bicéphalisme en la
matière en stipulant dans son article 97 que « l'initiative de la révision de la
Constitution appartient au Roi et à la Chambre des représentants. » tout en
mentionnant que « le Roi peut soumettre directement au référendum le projet de
révision dont il prend l'initiative » et que « la proposition de révision, émanant

81
Le fait que la monarchie est régnante et gouvernante limite clairement la marge des autres acteurs
82
Même si l’article 98 mentionne que la Chambre des représentants peut, à la majorité des deux tiers des
membres la composant, proposer au Roi la révision.

Younes Berrada Page 90


d'un membre de la Chambre des représentants, ne peut être adoptée que par un
vote à la majorité des deux tiers des membres qui composent la Chambre. » 83

Quatre ans après la constitution de septembre 1996 n’a pas chambardé la


logique déjà instaurée.

L’article 103 stipule à cet effet que « L'initiative de la révision de la Constitution


appartient au Roi, à la Chambre des représentants et à la Chambre des
conseillers ». Le Roi, peut soumettre directement au référendum le projet de
révision dont il prend l'initiative, lit-on également.

« La proposition de révision émanant d'un ou de plusieurs membres d'une des


deux chambres ne peut être adoptée que par un vote à la majorité des deux tiers
des membres qui composent cette chambre. Cette proposition est soumise à
l'autre chambre qui peut l'adopter à la majorité des deux tiers des membres la
composant », assure l’article suivant selon une logique relevant de la fiction
juridique puisque la majorité requise transforme toute proposant en aventure
chimérique.

84
La constitution de juillet 2011, elle, n’a pas jugé utile de tout remettre en
question même si la réconciliation avec l’esprit du texte de 1962 s’est fait
sentir.85

L’article 172 nous rappelle que « L'initiative de la révision de la Constitution


appartient au Roi, au Chef du Gouvernement, à la Chambre des Représentants et
à la Chambre des Conseillers » alors que « Le Roi peut soumettre directement au
référendum le projet de révision dont il prend l'initiative. »

La proposition de révision émanant d'un ou de plusieurs membres d'une des


deux Chambres du Parlement « ne peut être adoptée que par un vote à la
majorité des deux tiers des membres la composant », indique l’article 173 qui

83
Article 98
84
Adoptée pourtant dans un contexte de volonté de décrispation politique dans la foulée de la réaction au «
printemps arabe ».
85
Un survol comparatif des textes figurant dans les annexes serait instructif

Younes Berrada Page 91


rappelle, toutefois, que « cette proposition est soumise à l'autre Chambre qui
l'adopte à la même majorité des deux tiers des membres la composant ». 86

Quant à la proposition de révision émanant du Chef du Gouvernement,


innovation du texte de 2011, elle est « soumise au Conseil des ministres 87après
délibération en Conseil de Gouvernement88 », selon le même article.

Nous retenons également que « Le Roi peut, après avoir consulté le Président de
la Cour constitutionnelle, soumettre par dahir au Parlement un projet de révision
de certaines dispositions de la Constitution. Le Parlement, convoqué par le Roi
en Chambres réunies, l'approuve à la majorité des deux tiers des membres. » 89

B) Les limitations à la révision de la Constitution :

Le constitutionnalisme moderne consiste à fixer des limites à la révision des


textes constitutionnels.

1- On retient d’abord des limites matérielles qui portent sur la matière. Elles ont
trait à la nature ou aux particularités du régime. Une sorte de sécurité
stratégique pour éviter les cataclysmes institutionnels.

En Allemagne, à titre d’exemple, la révision du caractère fédéral de l’Etat est


prohibée. En France et en Italie, une limite stratégique a porté sur la nature
républicaine de l’Etat.

Au Maroc, l’article 175 de la constitution de juillet 2011 a stipulé qu’aucune


« révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la religion
musulmane, sur la forme monarchique de l'Etat, sur le choix démocratique
de la nation ou sur les acquis en matière de libertés et de droits
fondamentaux inscrits dans la présente Constitution. »

86
Ce qui est pratiquement impossible en l’état actuel des choses : carte politique éclatée et réalité du pouvoir
dominée par des agencements tacités.
87
Présidé par le Roi
88
Présidé par le chef de gouvernement
89
Article 174

Younes Berrada Page 92


Si L’islam et la forme monarchique ont relevé depuis le premier texte de 1962
de l’inamovible, l’insertion du choix démocratique et des libertés et droits
fondamentaux traduisent une autre dynamique dans la délimitation de la sphère
stratégique dans le bloc de constitutionnalité. 90

Toutefois la jubilation ne doit pas corroborer les réactions à l’égard de n’importe


quel texte, aussi prometteur qu’il se présente. C’est en le confrontant à la réalité
qu’il peut se rapprocher ou non des canons de la démocratie et suivre le cortège
des constitutions démocratiques.

2- Les limites circonstancielles :

Certains textes interdisent la révision pendant les périodes troubles. La


constitution française interdit formellement toute révision lorsqu’il est porté
atteinte à l’intégrité du territoire.

3- Les limites formelles :

Elles ont trait à une procédure ad hoc de révision afin de la rendre solennelle.
Cela traduit également une volonté d’asseoir une image de supériorité aux yeux
des différents acteurs. Ces limites semblent être un obstacle face à la
banalisation qui pourrait avoir lieu en vas de simplification procédurale.

Une appréciation valable pour les pays à textes écrits mais loin de cerner la
réalité pour les régimes à constitutions coutumières. Il ne s’agit nullement de
sous-estimer la Loi fondamentale mais seulement de la mettre au même niveau

90
Un élan apologiste a suivi le texte de 2011 au point que certains chercheurs , comme Nadia Bernoussi (
membre d’ailleurs de la Commission consultative de révision de la constitution , n’est pas allée par quatre
chemins pour estimer que « les discours royaux et la nouvelle constitution agissent en effet dans l’objectif de
redonner confiance, de tenter de recréer du lien social , de reprendre langue avec le peuple, de rappeler que la loi
est la même pour tous… » Voir :
Nadia Bernoussi, « la constitution de 2011 et le juge constitutionnel » in ( sous la direction du centre d’études
internationales). La constitution marocaine de 2011. Analyses et commentaires , LGDJ, Paris, 2012, p.207

Younes Berrada Page 93


normatif que les autres lois puisqu’elles sont censées émaner, toutes, du peuple
et servir le peuple. Une question d’ordre philosophique qui finit par se
concrétiser sur le plan normatif.

C) La procédure du contrôle de constitutionnalité

Cette procédure spéciale, presque toujours juridictionnelle, a pour but


d'empêcher les normes inférieures (principalement les actes du Législatif)
d'enfreindre la Constitution. Elle a pour conséquence de garantir le
fonctionnement normal des institutions politiques et le respect des libertés
fondamentales.

a) Origine du contrôle de constitutionnalité des lois

L’idée d'un contrôle de constitutionnalité des lois n'a été développée et


mise en chantier que tardivement par les États occidentaux avant sa
généralisation.

Cette idée est appliquée :

- Aux États Unis dès le XIXe siècle sur l'initiative de la Cour Suprême (1803,
décision Marbury c. Madison)

- En Europe au XXe siècle sur l'initiative du Constituant qui crée un Tribunal


constitutionnel 91 chargé de vérifier la conformité des lois à la Constitution.

91
1920 en Autriche, 1958 en France

Younes Berrada Page 94


B) justification du contrôle de constitutionnalité des lois

Les opposants au contrôle invoquent son caractère illégitime car la loi ordinaire,
œuvre d’assemblées élues et représentatives, est l’expression de la volonté
générale. Une thèse qui devrait être rejetée puisqu’elle mène à une sacralisation
de la loi ordinaire qui remet en cause la hiérarchie des normes y compris la
primauté de la constitution.

La mise en place de ce type de contrôle se justifie, elle, par une position de


scepticisme vis-à-vis des aux autorités politiques, notamment le Parlement pour
respecter la Constitution. Ses lois peuvent être contraires à la Constitution. Il
faut donc pouvoir les annuler ou les déclarer inconstitutionnelles. Conséquence :
on permettra à certains organes, de préférence juridictionnels de contrôler ses
lois.

Les juges feront un contrôle de constitutionnalité par rapport à la Constitution au


sens strict ou mieux, par rapport à la Constitution au sens large (Constitution +
déclaration des droits ou préambule, c'est-à-dire le bloc de constitutionnalité).

En effet, seul le contrôle par rapport à la Constitution au sens large permet


un respect complet par le législateur des libertés fondamentales, autrement
on se retrouve face à un texte à plusieurs niveaux ou étages.

D) Exercice du contrôle

Le contrôle de constitutionnalité effectué par un juge peut intervenir selon


deux mécanismes très différents :
Younes Berrada Page 95
1- Le contrôle par voie d'exception ( contrôle concret):

C'est un contrôle effectué par un juge ordinaire, non spécialisé à l'occasion d'une
quelconque action en justice. Le justiciable invoquera le non respect de la
92
Constitution par la loi appliquée à son cas. Et le juge vérifiera si cette loi est
conforme ou non à la Constitution.

Ce contrôle par voie d'exception est né et s'est développé aux États-Unis au


XIXe siècle. Dans une décision Marbury contre Madison (1803), la Cour
Suprême américaine a considéré que le juge ordinaire avait le pouvoir de faire
un tel contrôle. 93

La cour a estimé que ce contrôle était inhérent à la fonction de juger. Car le juge
doit toujours faire prévaloir la norme supérieure sur la norme inférieure ; ici la
Constitution sur la loi. En cas de contradiction, il ne fera pas application de la
loi.

Dans la pratique, les juges ordinaires américains sont habilités à examiner le


respect des lois par rapport à la Constitution d'un État fédéré ou par rapport à la
Constitution fédérale. La Cour suprême n'intervient qu'en dernier recours
comme juge d'appel.

Le contrôle par voie d'exception est toujours un contrôle a posteriori. Il


intervient alors après la promulgation et l’entrée en vigueur de la loi. Ce qui a un
avantage : la systématicité (toutes les lois potentiellement sont susceptibles
d'être contrôlées) et un inconvénient : l'insécurité juridique (toutes les lois
quelle que soit leur antériorité peuvent être déclarées non constitutionnelles ce
qui pourrait fragiliser l'ordre juridique).

92
(une exception d'inconstitutionnalité)
93
Manuel Delamarre, déjà cité , p.23

Younes Berrada Page 96


2- le contrôle par voie d'action (contrôle abstrait)

C'est un contrôle effectué par un juge spécialisé devant lequel à l'occasion d'un
recours, on lui demandera de vérifier la constitutionnalité d'une loi. Ce juge
spécialisé siège dans un tribunal ou une cour constitutionnelle. Le juge ordinaire
est incompétent dans ce domaine.

C'est un contrôle qui été mis en place et développé en Europe au XXe siècle.
L'Autriche dès 1920 a pour la première fois instauré un tribunal constitutionnel,
puis a été suivie notamment par l'Espagne républicaine en 1931 alors que La
France n'a créé un véritable contrôle de constitutionnalité qu'en 1958 avec la
mise en place d'un Conseil constitutionnel composé de 9 juges nommés par le
président de la République, les présidents de l'Assemblée Nationale et du Sénat.

Le contrôle par voie d'action est : - soit a posteriori, soit a priori. Dans le premier
cas, le Tribunal constitutionnel pourra contrôler une loi déjà promulguée (par
exemple en Italie, en Allemagne...). Dans le deuxième cas, celui de la France, le
contrôle intervient après le vote de la loi et avant sa promulgation. Le contrôle a
priori a un inconvénient et un avantage.

Si ce contrôle pêche par la fait qu’il n’est pas systématique (car certaines lois
n'ayant pas fait l'objet d'un recours ne seront jamais contrôlées) il a néanmoins
l’avantage de baliser la voie à une sécurité juridique (car avant même de
produire des effets, ces lois seront suspendues et d'autre part, les personnes
juridiques seront sûres que les lois qui leur sont appliquées ne seront pas remises
en cause).

On retient en outre que le contrôle de constitutionnalité ne pourrait


qu’aboutir à une consolidation de l’Etat de droit puisqu’elle a vocation à

Younes Berrada Page 97


garantir l’équilibre des institutions. Même dans les Etats fédéraux, les cours
contrôlent la répartition des compétences entre entités fédérées et fédérations. La
justice constitutionnelle a également contribué à protéger les droits
fondamentaux, cités directement dans la constitution (Allemagne, Italie,
Espagne) ou contenus dans une déclaration rattachée au texte comme ce fut le
cas de la France.

D) Pratiques de contrôle :

Quant à la désignation, on retient qu’en majorité, les juges constitutionnels sont


désignés par une ou plusieurs autorités politiques.

Aux Etats-Unis, les 9 juges de la Cour suprême, sont nommés à vie par le
président américain avec l’aval du Sénat.

En France, les 9 juges du conseil constitutionnel (mandat unique de 9 ans) le


sont par les Présidents de la république, du sénat et de l’assemblée nationale (3
chacun) alors que les anciens présidents de la République sont membres de
droit.

Par ailleurs, les juridictions doivent être en mesure de confronter les différentes
normes, afin de juger de leur légalité, y compris s’il s’agit de règles ayant un
rang élevé dans la hiérarchie. Une loi ou une convention internationale contraire
à la Constitution doit ainsi être écartée par le juge et considérée comme non
valide. L’Etat de droit suppose donc l’existence d’un contrôle de
constitutionnalité.

Compte tenu du caractère complexe d’un tel contentieux, Hans Kelsen a proposé
de le confier à une juridiction unique et spécialisée, ayant la qualité de Cour
constitutionnelle.

Younes Berrada Page 98


L’Etat de droit est avant tout un modèle théorique. Mais il est également devenu
un thème politique, puisqu’il est aujourd’hui considéré comme la principale
caractéristique des régimes démocratiques. En faisant du droit un instrument
privilégié de régulation de l’organisation politique et sociale, il subordonne le
principe de légitimité au respect de la légalité. Il justifie ainsi le rôle croissant
des juridictions dans les pays qui se réclament de ce modèle.

En France, comme ce fut le cas dans d’autres pays, la question prioritaire de


constitutionnalité (QPC) est un nouveau droit reconnu par la révision
constitutionnelle du 23 juillet 2008 (art. 61-1) et entré en vigueur le 1er mars
2010. Il permet à tout justiciable de contester, devant le juge en charge de son
litige, la constitutionnalité d’une disposition législative applicable à son affaire
parce qu’elle porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.94

Cette réforme modifie deux aspects importants du contrôle de


constitutionnalité :

 la saisine du Conseil constitutionnel n’est plus réservée à des autorités


politiques (président de la République, Premier ministre, présidents des
assemblées, 60 députés ou sénateurs) ;
 le contrôle ne s’effectue plus seulement a priori, c’est-à-dire avant la
promulgation d’une loi, mais également sur tous les textes législatifs déjà
entrés en vigueur (contrôle a posteriori) y compris avant la création du
Conseil constitutionnel en 1958.

En Allemagne, 95c’est aux deux chambres du Parlement (à la majorité des deux


tiers) que revient le choix des 16 juges du tribunal constitutionnel (à égalité)
pour un mandat non renouvelable de douze ans. Ils sont des magistrats ou des
professionnels du droit contrairement aux autres cas.

94
Voir : www.vie-publique.fr
95
Manuel delamarre , Emmanuel Maurel, Leçons de droit …, op.cit, p79-91

Younes Berrada Page 99


96
Quand à la justice constitutionnelle au Maroc, dont le Roi joue un rôle
moteur via sa prérogative de nomination (la moitié des douze membres dont le
président), l’observateur peut retenir deux aspects novateurs dans le texte de
2011:

Le premier est lié à la méritocratie puisque les six membres nommés par le
parlement ne peuvent plus l’être selon « le bon vouloir » du chef de chaque
chambre mais à l'issue d'un vote à bulletin secret et à la majorité des deux tiers
des membres composant chaque Chambre.

En plus, les membres choisis, y compris par le Roi, doivent disposés « d'une
haute formation dans le domaine juridique et d'une compétence judiciaire,
doctrinale ou administrative, ayant exercé leur profession depuis plus de quinze
ans, et reconnues pour leur impartialité et leur probité ».

Cette disposition a tendance à mettre un terme, vraisemblablement, à certains


marchandages et à des nominations « très politiques ».

Le deuxième a trait aux compétences de la cour qui pourrait être saisie des lois
et des engagements internationaux du pays.

A ce stade c’est l’article 133 qui trouvera inéluctablement grâce aux yeux de la
société civile puisqu’il stipule que la « Cour Constitutionnelle est compétente
pour connaître d'une exception d'inconstitutionnalité soulevée au cours d'un
procès, lorsqu'il est soutenu par l'une des parties que la loi dont dépend l'issue du
97
litige, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. » Une
sorte de réhabilitation du citoyen dans la saisine constitutionnelle.

96
Voir :
Nadia Bernoussi, « la constitution de 2011 et le juge constitutionnel », op.cit, pp.207-227
97
Voir Annexes

Younes Berrada Page 100


Younes Berrada Page 101
Partie II : Les manifestations politico- constitutionnelles

Le droit constitutionnel, fondamentaux à l’appui, se trouve devant une


réalité de pluralité dans la conception du constitutionnalisme et dans le
choix du régime constitutionnel à même de répondre aux attentes de la
société.

Nous sommes, en définitive, devant des agencements reflétant une pluralité


dans la pratique sans toutefois contredire le socle trilogique du droit
constitutionnel.

A ce stade, il ya lieu de mettre en évidence quatre questions


fondamentales justifiant amplement la question de la pluralité : la
séparation des pouvoirs entre rigidité et souplesse, la diversité des choix
constitutionnels, l’architecture des pouvoirs constitutionnels et les
techniques électorales.

Chapitre I: Les régimes constitutionnels majeurs

Si les démocraties se distinguent par l’existence d’une pluralité de partis


politiques, par la liberté de choix laissée aux citoyens et par la distinction des
pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire la différentiation peut néanmoins se
faire selon qu’ils privilégient la collaboration des différents pouvoirs (régime
d’assemblée, régime parlementaire) ou leur stricte séparation (régime

Younes Berrada Page 102


présidentiel). Certains régimes présentent par ailleurs un caractère mixte, à la
fois parlementaire et présidentiel.

A ce niveau il s’avère incontournable d’entamer l’étude par la question de la


séparation des pouvoirs avant d’aborder les manifestations institutionnelles à
travers la diversité des régimes constitutionnels.

Section 1 : La question de la séparation des pouvoirs


La démocratie ne peut trouver sa traduction institutionnelle qu’à travers le
principe de la séparation des pouvoirs, clé d’un agencement à la fois équilibré et
fonctionnel à partir duquel des catégorisations institutionnelles prennent forme.

A : Le concept

L'idée générale d’une nécessaire séparation des pouvoirs a d'abord été exprimée
par la doctrine anglaise à la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle. Le mérite en
revint principalement à John Locke dans son second Traité sur le gouvernement
civil (1690).

La préservation des droits naturels, notamment la propriété et la liberté, doit être


l'objectif prioritaire de la vie en société, laquelle ne peut se traduire que si le
pouvoir politique est limité.

Pour préserver la liberté politique, considérée par lui comme le plus essentiel,
Montesquieu reprend l'idée de Locke. Dans le célèbre chapitre VI du livre XI de
L'esprit des lois, consacré à l'analyse de la seule constitution, celle de
l'Angleterre, qui ait pour objet direct la consécration de la liberté politique,
Montesquieu explique la nécessité et les modalités générales de la séparation des
pouvoirs.

Younes Berrada Page 103


Pour lui tout homme, tout organisme, qui dispose d’un certain pouvoir a
tendance à en abuser. Pour éviter ces abus qui mettent inéluctablement la liberté
en péril, il faut que « par la disposition naturelle des choses le pouvoir arrête le
pouvoir ». Une division en son sein parait une condition incontournable pour
assurer son équilibre.

Toujours est-il que la division du pouvoir n'est pas le seul moyen qui permette
de l'arrêter. La théorie politique de Montesquieu va au-delà de la simple
séparation des pouvoirs ; c'est une théorie des contrepoids. Le pouvoir politique
peut également être arrêté par l'existence d'autres forces ; les corps
intermédiaires, la morale, la décentralisation sont autant de moyens qui
empêchent de verser dans le despotisme.

Montesquieu affirme qu’ « il y a dans chaque État de trois sortes de pouvoir :


la puissance législative, la puissance exécutive des choses qui dépendent du
droit des gens et la puissance exécutive de celle qui dépend du droit civil

Il faut pour diviser le pouvoir, pour arrêter le pouvoir par lui-même, que
chacune des fonctions soit confiée à trois organes différents, c'est là la logique
du raisonnement de Montesquieu.

Lorsque les trois fonctions sont assumées par un seul et même organe alors la
liberté politique cours les plus grands risques car elle ne dépend que de la
volonté d'une seule personne. La théorie de la séparation des pouvoirs
correspond à une division horizontale du pouvoir, il n'y a pas de partage du
pouvoir entre des organes subordonnés (division verticale) mais entre des
organes considérés sur un pied d'égalité.

Younes Berrada Page 104


La théorie de la séparation des pouvoirs est devenue un élément indissociable de
la démocratie.

Si elle reste un impératif, elle sera appliquée de façon quelque peu différente
selon les époques et les pays.

II : Les pratiques

Nous sommes généralement devant deux séparations qui finissement par des
traductions institutionnelles majeures :

a) La séparation rigide :
L'indépendance de l’organe exécutif par rapport au législatif est totale. Et
inversement, le chef de l'État n'est pas élu par les assemblées, il tiendra son
origine soit de l'hérédité, soit des élections pour le corps électoral.

L'organe législatif est à l'abri de l'intervention de l'exécutif, lequel ne peut


désigner les parlementaires ni mettre un terme à leur mandat.

Chaque organe devra accomplir l'intégralité de ses tâches, mais exclusivement


ses propres tâches, sans interférer avec la fonction de l'autre pouvoir.

Le chef de l'État ne participe en rien au pouvoir législatif. Il ne participe pas aux


débats des assemblées. Les assemblées sont libres de choisir leur façon de
travailler.

Les assemblées n’ont aucune capacité de contrôle à l'encontre de l'exécutif : «


l'exécutif et politiquement irresponsable ».

Younes Berrada Page 105


L'objectif de cette séparation rigide a été historiquement de protéger un pouvoir,
dont on craignait qu'il ne soit plus faible, des empiètements de l’autre. Les Etats-
Unis par exemple connaissent une séparation stricte des pouvoirs, le régime
présidentiel ne permet pas en effet la remise en cause de l'existence de l'un des
autres pouvoirs. Cela étant, on ne peut pas concevoir une distanciation
structurelle où chacun est dans sa « sphère exclusive ». Une certaine
collaboration entre les pouvoirs s’impose donnant lieu à une sorte de séparation
semi-rigide.

Cette théorie, faut-il le souligner, a fortement inspiré les rédacteurs de la


Constitution américaine, qui ont institué en 1787 un régime présidentiel organisé
selon une séparation stricte des trois pouvoirs, tempérée par l’existence de
moyens de contrôle et d’action réciproques conçus conformément à la doctrine
des "checks and balances" (contrôles et de contrepoids). 98

Afin d’éviter que chacun des pouvoirs n’abuse de ses prérogatives, les
constituants américains ont ainsi prévu un strict partage des compétences
entre organes fédéraux et Etats fédérés.

Ils ont également réparti le pouvoir législatif entre deux assemblées, donné au
président un droit de véto sur les textes législatifs, et reconnu parallèlement au
Sénat la faculté de s’opposer aux nominations relevant du Président ou encore
aux traités internationaux négociés par l’administration.

b) La séparation souple :

Pour que les pouvoirs aillent dans le même sens, il faut favoriser entre eux des
relations par des passerelles qui permettent des débats, des compromis, la

98
Revenir à la constitution américaine ( annexes)

Younes Berrada Page 106


négociation. Il y a dès lors une panoplie de mécanismes qui permettent aux deux
pouvoirs d'influer, de discuter, de s'entendre pour une gestion cohérente de
l'État.

Cette conception sert de philosophie au régime parlementaire qui met en


chantier des techniques de relations entre les pouvoirs sur le plan organique et
fonctionnel.

La France, à titre d’exemple, est un régime parlementaire et la constitution du 4


octobre 1958 pratique une séparation souple des pouvoirs. La collaboration est
poussée à son maximum au point que le qualificatif de confusion des pouvoirs
avec l'existence du fait majoritaire ne semble plus étranger à la réalité politique
du pays.

Chaque pouvoir peut contester l'autre voire mettre un terme à l'existence de


l'autre. Ainsi, le Parlement peut voter une motion de censure et obtenir la
démission du gouvernement. L'exécutif peut de même dissoudre l'Assemblée
nationale.

1) Prérogatives de l'exécutif sur le législatif :

c) Le droit de dissolution

C'est l’institution essentielle qui permet à l'exécutif d'agir sur la durée


d'existence de l'organisme législatif.

Il s'agit d'un décret portant la signature du chef de l'État par lequel il est mis fin
au mandat d'une assemblée avant le terme normal. Des élections suivent
obligatoirement dans un délai bref. Il reste que les dissolutions permettent à
l'exécutif de renvoyer une assemblée.
Younes Berrada Page 107
d) L'investiture

C'est l'obligation faite aux ministres de se présenter devant les chambres et


d'obtenir leur accord avant d'entrer effectivement en fonction. Le chef de l'État
désigne le gouvernement, mais celui-ci n'existe juridiquement qu'après avoir
obtenu un vote favorable devant l'assemblée. C'est un trait important de la
collaboration qui s'inscrit dans les faits au niveau de la formation même du
ministère.

e) La responsabilité politique du gouvernement

C'est la caractéristique la plus importante de la séparation souple et l’institution


nécessaire à l'existence d'un régime parlementaire.

Elle a pour objet d'assurer une identité de vues entre le Parlement et le


gouvernement. La responsabilité politique du ministère implique, en effet, que
celui-ci peut être renversé par les assemblées si elles n'ont plus confiance en lui.

La responsabilité politique peut être mise en cause sur l'initiative même du


gouvernement : c'est la question de confiance.99

La responsabilité politique être mise en cause son initiative des députés : c'est la
motion de censure.

f) Initiative en matière législative

99
Voir les concepts ( annexes)

Younes Berrada Page 108


C'est une initiative reconnue au pouvoir exécutif. Cela signifie que le
gouvernement à la faculté d'établir « un projet » de loi qu'il déposera sur le
bureau des assemblées qui en discuteront.

g) La procédure législative

L'exécutif peut intervenir dans la procédure législative via l'ordre du jour qui
porte sur les sujets que les parlementaires abordent, et qui est fixé par accord
entre les représentants du parlement et les ministres.

L’intervention de l'exécutif se fait aussi au moment de la discussion grâce à des


amendements que le gouvernement dépose.

2) Les prérogatives du législatif sur l'exécutif

a) L'interpellation

C'est le processus qui permet à tout parlementaire d'inviter un ministre ou


l'ensemble du gouvernement à expliquer et éventuellement justifier la politique
suivie.
b) La motion de censure

C'est une procédure assez proche de la précédente, mais qui est soumise à des
formalités particulières. Elle consiste pour l'assemblée à se prononcer sur une
motion, déposée à l'initiative de certains de ses membres, par laquelle il est
demandé au gouvernement de se retirer. Cette motion de censure est adoptée le
gouvernement est démis.

c) Procédures d’information
Younes Berrada Page 109
Le Parlement contrôle le Gouvernement par des moyens d’information et
d’investigation et par la mise en jeu de sa responsabilité.

En France, à titre d’exemple, ces procédures comprennent les questions écrites,


publiées, avec les réponses, au Journal officiel , les questions orales sans débat
pour interroger un ministre dans l’hémicycle sur un sujet technique, les
questions orales avec débat.

Outre les commissions d’enquête, le Parlement mène des investigations par


plusieurs biais dont les missions d’information et groupes de travail créés par
les commissions permanentes. 100

Section 2 : Les modèles constitutionnels cardinaux

I : Le régime d’assemblée

Le régime d’assemblée est un système institutionnel dans lequel tous les


pouvoirs procèdent d’une assemblée élue au suffrage universel direct. Celle-
ci élit en son sein des comités qui exercent les fonctions exécutives et, le cas
échéant, judiciaires. Un tel régime est caractérisé par la confusion des pouvoirs
et par l’omnipotence du Législatif. Il n’est le plus souvent pratiqué qu’à titre
transitoire par des assemblées chargées d’élaborer une constitution. Tel fut
notamment le cas de la Convention (1792-1795) : on parle pour cette raison de
régime conventionnel.

Présentement, le modèle suisse reste un cas édifiant du moment que le


gouvernement de la Confédération helvétique (Suisse) est formé des sept
membres du Conseil fédéral, élus pour un mandat de quatre ans par l'Assemblée

100
Voir : www.vie-publique.fr

Younes Berrada Page 110


fédérale, Chambres réunies. Le président de la Confédération est élu chaque fois
pour un an et devient pendant cette période le premier parmi ses pairs (primus
inter pares).

Le Conseil fédéral tient en règle générale une séance ordinaire par semaine. Il
est ainsi amené à prendre des décisions concernant quelque 2000 à 2500 objets
par an. A ces séances ordinaires s'ajoutent chaque année plusieurs séances
spéciales consacrées à l'examen de thèmes complexes et particulièrement
importants.

Ceci dit, il est d’usage de qualifier ce régime de « collégial ». Il n’est ni


parlementaire, puisque le parlement ne peut renverser le gouvernement, ni
présidentiel, du moment que l’exécutif collégial est élu par le parlement. Mais
c’est un régime qui associe tous les grands partis politiques au pouvoir.

II : Le régime parlementaire

Le régime parlementaire se distingue du régime d’assemblée par une plus


grande séparation des différents pouvoirs et par l’existence de mécanismes
de régulation en cas de désaccord entre l’exécutif et les assemblées
parlementaires.

La principale caractéristique de ce régime réside dans la nécessité pour le


Gouvernement de disposer de la confiance de la majorité parlementaire : il est
donc responsable devant elle et doit remettre sa démission s’il ne dispose plus
d’une majorité. Pour cette raison, l’exécutif est dissocié entre le chef de l’État et
le Gouvernement. Le premier, qui peut être un monarque, incarne la continuité
de l’État et ne participe pas à l’exercice du pouvoir en dehors de la nomination
du chef du Gouvernement. N’ayant pas, en principe, de rôle actif, il est
politiquement irresponsable.

Younes Berrada Page 111


L’exemple de la Grande Bretagne est un cas d’école à cet égard. D’autres pays
suivent cette logique comme les pays scandinaves ou encore l’Espagne depuis la
constitution de 1978.

En revanche, le chef du Gouvernement et ses ministres assument la conduite de


la politique nationale sous le contrôle des assemblées parlementaires : l’autorité
et la responsabilité politique sont ainsi étroitement liées. Pour cette raison, la
plupart des actes du chef de l’État doivent être contresignés par les membres du
Gouvernement concernés.

Le fonctionnement du régime parlementaire implique une étroite collaboration


entre le Gouvernement et les assemblées. Le plus souvent les membres du
Gouvernement sont choisis parmi les parlementaires et ont accès aux
assemblées. Le Gouvernement dispose par ailleurs de l’initiative législative et
participe à l’élaboration de la loi. Compte tenu des risques de blocage pouvant
résulter de la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement ou de la perte
de confiance dans l’une des chambres, un pouvoir de dissolution est reconnu au
chef de l’État ou au chef de Gouvernement. Le renversement du
Gouvernement ou la dissolution apparaissent ainsi comme deux
mécanismes de régulation permettant de surmonter les tensions qui peuvent
survenir entre le Gouvernement et sa majorité. La dissolution présente, en outre,
l’intérêt de solliciter l’arbitrage des électeurs.

III : Le régime présidentiel

Younes Berrada Page 112


Mis en œuvre par les États-Unis en 1787, le régime présidentiel se caractérise
par une stricte séparation des pouvoirs : le pouvoir législatif a le monopole de
l’initiative et la pleine maîtrise de la procédure législative ; le pouvoir exécutif,
qui dispose d’une légitimité fondée sur le suffrage universel, ne peut être
renversé ; le pouvoir judiciaire dispose de larges prérogatives.

Dans ce régime il ya irrévocabilité des pouvoirs : les mécanismes


constitutionnels de règlements des conflits (question de confiance, motion de
censure, dissolution) n’existe pas.

La principale caractéristique du régime présidentiel réside dans le mode de


désignation du chef de l’État, élu au suffrage universel direct ou indirect. Le
président jouit ainsi d’une forte légitimité qui fonde les larges pouvoirs dont il
dispose. Il a le pouvoir de nommer et de révoquer les ministres et a autorité sur
eux. L’exécutif relevant du seul président, celui-ci est à la fois chef de l’État et
chef du Gouvernement.

Sa responsabilité politique ne peut être mise en cause par les assemblées, mais,
réciproquement, il dispose de peu de moyens de contrainte à leur égard. En effet,
il ne peut pas les dissoudre et dispose seulement d’un droit de veto sur les
textes législatifs qui ne lui conviennent pas.

Les assemblées parlementaires détiennent pour leur part d’importantes


prérogatives de législation et de contrôle. Elles ont ainsi la pleine maîtrise du
vote des lois et le monopole de l’initiative législative. Elles disposent
également de moyens d’investigation très poussés sur le fonctionnement des
services relevant de l’exécutif.

Younes Berrada Page 113


IV : Le régime mixte

Ce régime correspond à celui de la Ve République en France depuis 1958


depuis l’introduction de l’élection du président de la République au suffrage
universel direct.

On y trouve certaines caractéristiques du régime présidentiel : le chef de


l’État, élu par le peuple, choisit et révoque les membres du Gouvernement, s’il
dispose d’une majorité parlementaire conforme à ses vues. Le régime mixte
emprunte aussi des éléments au régime parlementaire : le chef du
Gouvernement est distinct du chef de l’État et sa responsabilité peut être mise en
cause par l’une des deux assemblées.

Le chef de l’État dispose du pouvoir de dissolution et le Gouvernement


bénéficie d’importantes prérogatives dans la procédure législative. Un tel régime
ne peut fonctionner qu’en cas d’accord entre le chef de l’État et la majorité
parlementaire : dans une telle configuration le chef du Gouvernement est
doublement responsable (devant le président de la République et devant le
Parlement). Dans le cas contraire, le régime fonctionne comme un régime
parlementaire à part entière, le président cède sa prééminence au Premier
ministre. C’est le cas de figure de la « cohabitation » de la Ve République.

Younes Berrada Page 114


Chapitre II : L'architecture des pouvoirs

En plus du pouvoir judiciaire, principal appareil dans l’organisation de


l’Etat et garant par excellence de l’application de la loi dans un Etat de
droit, le parlement et le gouvernement restent les deux piliers de
l’ordonnancement du pouvoir. De la nature de leurs rapports et de
l’étendue et les limites de leurs pouvoirs dépendent l’ossature du pouvoir.

Section 1 : Le pouvoir législatif

Le Parlement assure la représentation du peuple et se voit confier, dans les Etats


démocratiques, deux fonctions : voter la loi et contrôler l’action
gouvernementale.

1 : Le champ notionnel

Le Parlement représente les citoyens mais peut aussi dans un État fédéral
représenter des territoires. La chambre dite "basse" ou encore de représentants
est désignée au suffrage universel direct selon un mode de scrutin variable en
fonction des États. Il n’existe pas systématiquement de seconde chambre.

En Europe, les Parlements sont souvent nés, contre le Souverain, pour consentir
l’impôt. Vote et contrôle étaient alors étroitement liés. Aujourd’hui, les deux
fonctions se sont étendues et séparées. Le Parlement délibère puis vote la loi.
Le Gouvernement, qui a pu participer à son élaboration, l’exécute.
Parallèlement, le Parlement contrôle l’action du Gouvernement, en ayant la
possibilité de le renverser, en le questionnant ou en procédant à des enquêtes, en
votant le budget, et en contrôlant son exécution.

Younes Berrada Page 115


Dans un régime présidentiel, comme aux États-Unis, le Parlement possède des
pouvoirs législatifs et de contrôle assez conséquents, mais ne peut renverser le
Gouvernement. Dans un régime d’assemblée, marqué par la confusion des
pouvoirs, le Parlement, concentre les fonctions législative et exécutive. Enfin,
dans un régime parlementaire, le Gouvernement émane du Parlement, est
responsable devant lui, et peut le dissoudre.

La plupart des parlements européens présentent des traits communs importants :


élection au suffrage universel direct de la chambre basse ; pouvoir de voter la
loi ; possibilité de contrôler l’action du Gouvernement, mais mise en jeu rare de
sa responsabilité ; droit de dissolution pour l’exécutif ; députés élus pour quatre
ou cinq ans. Les plus grandes différences concernent le mode de désignation et
le rôle de la chambre haute (inexistante dans les pays nordiques), et le mode
d’élection des députés.

a) En France les pouvoirs du Parlement sont le vote de la loi et le contrôle du


Gouvernement. La Constitution de 1958 a, par le parlementarisme rationalisé,
encadré strictement chacun de ces pouvoirs pour faire face aux blocages déjà
occasionnés par la constitution de 1946, dite de la quatrième république.

Le Parlement vote les lois, les lois de finances et de financement de la Sécurité


sociale, autorise la déclaration de guerre, ratifie les accords et traités ayant trait
au domaine de la loi. Il partage le vote de la loi avec le peuple (référendum) et
peut déléguer ce pouvoir au Gouvernement, qui agit alors par ordonnances
(article 38 de la Constitution).

La Constitution définit strictement le domaine de la loi. Celle-ci intervient ainsi


pour fixer les règles concernant les libertés publiques, l’état des personnes, les
crimes et délits, les impositions, le régime électoral des assemblées
parlementaires et locales, la création de catégories d’établissement public, les

Younes Berrada Page 116


garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l’État, les
nationalisations et privatisations.

La loi établit également les principes fondamentaux notamment relatifs à la


défense, aux collectivités territoriales, à l’enseignement, au droit du travail, à la
Sécurité sociale, à la préservation de l’environnement, au régime de la propriété.
Les autres matières relèvent du pouvoir réglementaire du Gouvernement.

Au titre du contrôle du Gouvernement, députés et sénateurs disposent de


différents outils :

 moyens d’information : questions écrites, orales (avec ou sans débat) et


d’actualité (au moins une séance hebdomadaire), missions d’information,
groupes de travail ;
 moyens d’investigation : commissions d’enquête, pouvoirs de contrôle sur
pièces et sur place de l’emploi de l’argent public ;
 pour les seuls députés, mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement ;
le Sénat peut seulement approuver une déclaration de politique générale
du Premier ministre.

Enfin, chaque assemblée peut émettre un avis (résolution) sur des projets d’actes
législatifs européens et les autres projets ou propositions d’actes de l’Union
européenne. Depuis la révision de juillet 2008, les assemblées peuvent voter des
résolutions sur des sujets de leurs choix, sauf si le Gouvernement considère que
leur adoption ou leur rejet mettrait en cause sa responsabilité ou que ces
résolutions comportent des injonctions à son égard (art.34-1).

Younes Berrada Page 117


2 : Des pratiques législatives :

a) Le Parlement en Allemagne

Le Parlement allemand est composé de deux assemblées : le Bundestag et le


Bundesrat. Le Bundestag comprend actuellement 622 membres élus pour 4 ans
selon un mode de scrutin mixte (proportionnel et majoritaire). Il peut être
dissout, sur proposition du Chancelier, par le président fédéral sous de strictes
conditions et peut renverser le Chancelier en désignant alors un successeur à la
majorité de ses membres (motion de défiance constructive).

Le Bundesrat se compose de membres des Gouvernements des Länder, qui les


nomment et les révoquent, avec un mandat impératif pour représenter la position
de ceux-ci : les représentants d’un Land votent ainsi globalement en fonction de
la position arrêtée par le Land. Il ne peut être dissout et ne peut mettre en cause
la responsabilité du Gouvernement. 101

Le Bundesrat participe au vote de la loi dans tous les domaines, mais le


Bundestag possède le pouvoir de dernier mot sauf en ce qui concerne la
législation portant sur le fédéralisme. L’accord des deux tiers des deux
assemblées est requis pour réviser la Loi fondamentale. Le Bundestag et des
délégués des Länder, composant l’Assemblée fédérale aux côtés de
représentants de la société civile, élisent le président de la République.

b. Le Parlement britannique

Le régime britannique, qui connaît de profondes évolutions, est régi par des
conventions constitutionnelles coutumières. Il s’appuie sur un bicamérisme
fortement inégalitaire marqué par la domination de la Chambre des
Communes.

101
www.deutschland.de/fr

Younes Berrada Page 118


Présidée par un Speaker, la chambre des Communes est actuellement composée
de 646 membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct, selon le scrutin
uninominal direct majoritaire à un tour (le candidat obtenant le plus de voix est
élu, même s’il ne dépasse pas 50 %).

Elle peut renverser le Gouvernement et être dissoute par la reine sur demande du
Premier ministre. Elle contrôle l’activité du Gouvernement et vote la loi. La
session est quasiment permanente, car seulement quelques jours séparent la
clôture d’une session de l’ouverture de la suivante. Les séances sont précédées
de questions orales les quatre premiers jours de la semaine. Les pouvoirs
budgétaires de la Chambre des Communes sont strictement encadrés (temps
limité pour examiner le budget, pas d’initiative).

La Chambre des Lords ne fait que participer à l’activité législative, disposant


du seul pouvoir de retarder d’un an l’adoption d’une loi. Les Lords ne disposent
d’aucun pouvoir de contrôle sur le Gouvernement (en dehors des questions au
Gouvernement), ni budgétaire. Le Gouvernement n’est pas responsable devant
eux. 102

La composition de la Chambre des Lords est en train de changer, suite aux


mesures prises par le Gouvernement Blair en 1999. Les Lords héréditaires
conservent leurs titres, mais ceux-ci ne leur donnent plus le droit de siéger et de
voter, de père en fils, à la Chambre.

Celle dernière n’est plus composée que de ses membres nommés par les
Gouvernements successifs depuis 1958. Cependant, et à titre transitoire, 92
Lords héréditaires, nommés par leurs pairs, ont été maintenus dans leurs
fonctions. La Chambre haute compte aujourd’hui environ 740 membres, au lieu

102
www.vie-publique.fr

Younes Berrada Page 119


de 1 295 au 1er janvier 1999. Un débat a lieu autour de la transformation de la
Chambre des Lords à l’avenir.

La réforme constitutionnelle de 2005 prévoit la mise en place prochaine d’une


nouvelle Cour suprême, distincte de la Chambre des Lords, et la suppression
consécutive des Law Lords. Par ailleurs, la Chambre des Communes, consultée
en mars 2007 par le Gouvernement, a plaidé en faveur d’une Chambre des Lords
entièrement élue.

Cette conception, si elle devait être retenue, entraînerait un renouvellement du


bicamérisme britannique tel que conçu jusqu’ici. Au total aujourd’hui, les
Communes exercent le rôle principal mais elles restent soumises à l’autorité du
Premier ministre et du Gouvernement qui contrôlent leur majorité.

c. Le bicamérisme italien

Le Parlement italien s’appuie sur un bicamérisme égalitaire unique dans les


démocraties européennes. Ses deux assemblées sont élues au suffrage
universel direct pour cinq ans. 103

La Chambre des députés se compose de 630 membres et le Sénat de 315. La


loi du 21 décembre 2005 établit que députés et sénateurs seront désormais élus
selon le scrutin proportionnel, alors que le mode de scrutin alliait auparavant
scrutin majoritaire et scrutin proportionnel.

Les deux assemblées peuvent être dissoutes et renverser le Gouvernement. Elles


élisent le Chef de l’État, votent la loi et contrôlent l’activité du Gouvernement.

103
- www.vie-publique.fr;
- /www.conseil-constitutionnel.fr;
- www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers

Younes Berrada Page 120


Le parlementarisme est faiblement rationalisé et l’équilibre du régime repose sur
la solidité de la majorité parlementaire.

Le pays a ainsi connu de nombreuses phases de forte instabilité due à la fragilité


des majorités. De profondes réformes engagées depuis une dizaine d’années
visent à corriger ce trait par le changement du mode de scrutin en 1993 et en
2005, mais aussi par un processus de décentralisation réduisant les matières dans
lesquelles intervient le Parlement national.

d. Le Congrès des États-Unis 104

Le Congrès des États-Unis présente, par rapport à ce tableau d’ensemble des


traits particuliers importants. Il se compose de deux assemblées. La Chambre
des représentants comprend 435 membres élus pour deux ans au suffrage
universel direct, selon le scrutin uninominal majoritaire à un tour dans le cadre
de circonscriptions à l’intérieur des États, chaque État disposant d’un nombre de
représentants proportionnel à sa population. Ses membres se trouvent donc en
campagne électorale quasi-permanente.

Le Sénat comprend 100 membres, deux par État, élus pour six ans au scrutin
universel direct majoritaire uninominal à un tour. Il se renouvelle par tiers tous
les deux ans. Les deux chambres partagent de manière égale le pouvoir législatif
de confection de la loi, mais le Sénat dispose de pouvoirs particuliers : il ratifie
les traités et approuve les nominations aux emplois publics les plus importants -
membres de la cour suprême, membres du Gouvernement, hauts fonctionnaires.

Le Congrès ne peut mettre en cause la responsabilité de l’exécutif, sauf en cas


de procédure d’impeachment du Président, mais exerce un contrôle permanent
de l’activité des administrations. Il utilise les auditions en permanence les

104
Voir annexes

Younes Berrada Page 121


auditions publiques (hearings), les enquêtes, et dispose de l’équivalent de la
Cour des comptes (le General Accounting Office).

A l’inverse, le Président ne peut dissoudre les chambres du Congrès et n’a aucun


pouvoir d’initiative parlementaire. Il communique avec le Congrès par message
et peut s’opposer à certaines de ses décisions par la procédure de veto. Le
Parlement occupe donc aux États-Unis une place très importante qui contraint le
Président à collaborer en permanence avec lui.105

e. Maroc :

En se référant à la constitution de 2011, on constate que le parlement marocain


est d’abord bicaméral. Un choix assuré depuis la constitution de 1996.

Le Parlement est composé de deux Chambres, la Chambre des Représentants et


la Chambre des Conseillers. Leurs membres tiennent leur mandat de la Nation.
Leur droit de vote est personnel et ne peut être délégué (article 60).

Les membres de la Chambre des Représentants, au nombre de 395 contre 325


dans l’ancien texte, sont élus pour cinq ans au suffrage universel direct.

Le nombre des représentants, le régime électoral, les principes du découpage


électoral, les conditions d'éligibilité, le régime des incompatibilités, les règles de
limitation du cumul de mandats et l'organisation du contentieux électoral, sont
fixés par une loi organique.

La Chambre des Conseillers comprend au minimum 90 membres et au


maximum 120 (contre 270 dans l’ancien texte), élus au suffrage universel
indirect pour six ans, selon la répartition suivante. 106

105
Des comparaisons pointues figurent dans : Manuel Delamarre, Leçons de droit constitutionnel , op.cit, pp.47-
163
106
Voir annexes

Younes Berrada Page 122


- Trois cinquièmes des membres représentant les collectivités territoriales. Cet
effectif est réparti entre les régions du Royaume en proportion de leurs
populations respectives et en observant l'équité entre les territoires.

Le tiers réservé à la région est élu au niveau de chaque région par le Conseil
régional parmi ses membres. Les deux tiers restants sont élus par un collège
électoral constitué au niveau de la région par les membres des conseils
communaux, provinciaux et préfectoraux ;

- Deux cinquièmes des membres élus dans chaque région par des collèges
électoraux composés d'élus des Chambres professionnelles et des organisations
professionnelles des employeurs les plus représentatives, et de membres élus à
l'échelon national par un collège électoral composé des représentants des
salariés.

Le nombre des membres de la Chambre des Conseillers et leur régime électoral,


le nombre de ceux à élire par chacun des collèges électoraux, la répartition des
sièges par région, les conditions d'éligibilité et le régime des incompatibilités,
les règles de limitation du cumul de mandats, ainsi que l'organisation du
contentieux électoral, sont fixés par une loi organique.

Les deux Chambres du Parlement sont tenues, lors de l'élaboration de leurs


règlements intérieurs respectifs, de prendre en considération les impératifs de
leur harmonisation et leur complémentarité, de manière à garantir l'efficience du
travail parlementaire.

Selon l’article 70 le Parlement exerce le pouvoir législatif. Il vote les lois,


contrôle l'action du gouvernement et évalue les politiques publiques. Il installe le
gouvernement et peut la démettre en cas de réussite de motion de censure.

Younes Berrada Page 123


Une loi d'habilitation peut autoriser le gouvernement, pendant un délai limité et
en vue d'un objectif déterminé, à prendre par décret des mesures qui sont
normalement du domaine de la loi.

Les décrets entrent en vigueur dès leur publication, mais ils doivent être soumis,
au terme du délai fixé par la loi d'habilitation, à la ratification du Parlement.

Sont du domaine de la loi, notamment : 107

- Les libertés et droits fondamentaux prévus dans le préambule et dans d'autres


articles de la Constitution ; 108
- Le statut de la famille et l'état civil ;
- Les principes et règles du système de santé ;
- Le régime des médias audiovisuels et de la presse sous toutes ses formes ;
- L’amnistie ;
- La nationalité et la condition des étrangers ;
- La détermination des infractions et des peines qui leur sont applicables ;
- L'organisation judiciaire et la création de nouvelles catégories de juridictions ;
- La procédure civile et la procédure pénale ;
- Le régime pénitentiaire ;
- Le statut général de la fonction publique ;
- Les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires ;
- Le statut des services et forces de maintien de l'ordre ;
- Le régime des collectivités territoriales, dont les principes de délimitation de
leur ressort territorial ;
- Le régime électoral des collectivités territoriales, dont les principes du
découpage des circonscriptions électorales ;

107
Voir la constitution marocaine dans annexes
108
Pour comparer il est souhaitable de revenir au texte de 1996 ou encore à celui de 1962 ( voir annexes)

Younes Berrada Page 124


- le régime fiscal et l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des
impôts ;
- le régime juridique de l'émission de la monnaie et le statut de la banque
centrale ;
- le régime des douanes ;
- le régime des obligations civiles et commerciales, le droit des sociétés et des
coopératives ;
- les droits réels et les régimes des propriétés immobilières publiques, privée et
collective ;
- le régime des transports ;
- Les relations de travail, la sécurité sociale, les accidents de travail et les
maladies professionnelles ;
- Le régime des banques, des sociétés d'assurances et des mutuelles ;
- Le régime des technologies de l'information et de la communication ;
- L'urbanisme et l'aménagement du territoire ;
- Les règles relatives à la gestion de l'environnement, à la protection des
ressources naturelles et au développement durable ;
- Le régime des eaux et forêts et de la pêche ;
- La détermination des orientations et de l'organisation générale de
l'enseignement, de la recherche scientifique et de la formation professionnelle ;
- La création des établissements publics et de toute autre personne morale de
droit public ;
- La nationalisation d'entreprises et le régime des privatisations.

Le Parlement est habilité à voter des lois-cadres concernant les objectifs


fondamentaux de l'activité économique, sociale, environnementale et culturelle
de l'État.109

109
Ibid

Younes Berrada Page 125


La plus grande nouvelle disposition reste indubitablement l’interdiction de la
transhumance politique, véritable dérapage ayant faussé l’action parlementaire
110
au pays et dénué l’action politique de toute valeur ajoutée.

Longtemps taxé de chambre d’enregistrement, le parlement du pays a vu sa


valeur constitutionnelle monter à l’occasion du nouveau texte surtout en matière
de législation et de contrôle de même que les prérogatives de la deuxième
chambre ont été revues à la baisse notamment en matière de contrôle. Une
nouvelle donne qui pourrait revaloriser le rôle de la chambre basse comme
source par excellence de légitimité populaire.

Avec la mise en place de « la régionalisation avancée » (article 1)la chambre


haute pourrait gagner en termes de légitimité et de raison d’être politique. Une
véritable dynamique nationale devrait corroborer cet élan, essentiellement
politique. Cependant la consolidation de cet escompté passe par une
restructuration globale de la vie politique et la révision de logique dominante en
matière d’agencements politiques. 111

L’institutionnalisation de l’opposition parlementaire, elle, au niveau des deux


chambres pourrait également être salutaire si l’on réussit le long processus de
démarcation : majorité – opposition, qui demeure tant équivoque que fragile. Un
« cabinet d’ombre » devrait jaillir en cas de positionnements clairs et biens
articulés.

Par ailleurs, faut-il souligner la fragilité encore visible de l’instance législative


devant l’intervention royale à l’occasion de la deuxième lecture ou encore en cas
de révision constitutionnelle.

110
Ou encore « nomadisme politique » consistant à migrer d’un parti à un autre ou d’un groupe parlementaire à
un autre en plein mandat.
111
Surtout en se livrant à un jeu politique transparent et en tablant sur un esprit démocratique.

Younes Berrada Page 126


Le droit de grâce, partagé d’emblée avec le Roi, semble être une des mesures de
réhabilitation de cette instance.

La focalisation explicite sur la légitimité démocratique du chef de gouvernement


a ouvert des sentiers de prérogatives faisant de lui « un chef de l’exécutif » mais
il est encore loin d’être « le chef de l’exécutif », toujours détenu tacitement par
le Roi.

Le domaine de compétences du gouvernement expressément mentionné


institutionnalise le conseil du gouvernement confiné longtemps dans un rôle de
préparation de textes ou de coordination logistique, préjudiciable de toute
évidence au statut de celui qui est censé être le catalyseur de l’action
gouvernementale.

Néanmoins, la monarchie parlementaire, telle qu’elle est formulée dans le


préambule du texte, semble être un vœu exprimé et non une réalité visible ou
vécue.

Toujours est-il que le pouvoir de dissoudre le parlement tout comme la


nomination de hauts fonctionnaires et la présence, de jure, dans plusieurs
instances constitutionnelles ainsi que sa consultation par le Roi dans plusieurs
mesures stratégiques, imprègnent, faut-il le mentionner, un nouvel élan à
l’institution de la primature. Des moyens d’action pour une véritable action.

L’origine obligatoirement partisane du chef de gouvernement tourne


irréversiblement la page de « bricolage gouvernemental ». On est loin alors de
1992, date du début du long débat sur l’alternance au Maroc, où le poste de
premier ministre relevait de « l’aléatoire ».

Younes Berrada Page 127


Ceci dit, le texte peut laisser entendre une éventuelle crise politique en cas de
deux partis premiers ex aequo ou d’un chef de parti premier incapable de former
une majorité. Le projet reste muet sur ce cas de figure, constaté d’ailleurs sous
d’autres cieux.

3 : La forme des assemblées

Le choix qui existe et celui entre le bicamérisme et le monocamérisme.112


Le pouvoir législatif doit-il être confié à une assemblée ou à deux assemblées ?

a) Le bicamérisme

À côté de la représentation des individus en tant que tels, il est nécessaire de


représenter l'homme vivant dans des cadres géographiques, sociaux ou
économiques déterminés. L'homme est un individu isolé et unique et il doit être
représenté à ce titre ; il est aussi l'élément d'un groupe, la composante d'une
communauté, et ce deuxième aspect doit également être pris en considération.

- Le bicamérisme aristocratique :

Il y a une chambre qui représente les citoyens individuellement et une chambre


qui représente les citoyens en tant qu'ils participent à une classe sociale, et pour
garder les privilèges d’une partie de la population.

112
Revenir à titre indicatif à Philippe Ardant, déjà cité.

Younes Berrada Page 128


Le bicamérisme transparaît quelquefois dans certains pays où en faisant varier
les modes de recrutements, on s'efforce de sélectionner les gens en moyenne
plus âgées, qui ont une autorité plus grande, qui ont réussi dans leur vie
professionnelle.

À un certain égard, le Sénat français d’aujourd'hui, en partie, peut être considéré


comme un bicaméralisme de notables.

- Le bicamérisme fédéral ou territorial :

Il s’agit, au premier chef, du cadre géographique dans lequel les citoyens vivent
au quotidien. On les représente sous forme d'entités géographiques, d’identité
territoriale. C'est la raison d'être du fédéralisme. La seconde chambre a pour
fonction de représenter les territoires, et de permettre à ceux-ci de participer à
l'œuvre législative.

Dans un État unitaire, on peut par souci de régionalisme, de défense du


territoire, rechercher une représentation de ces collectivités locales.

Le Sénat français depuis la IIIe République a été conçu et fonctionne comme


une assemblée qui défend les intérêts de vie locale au niveau de l'État.

- Le bicamérisme économique :

On s'oriente vers la représentation de la seconde chambre dans le sens d’élection


des élites professionnelles et économiques.

Younes Berrada Page 129


Le bicamérisme économique a fonctionné dans deux cas : Dans des pays
communistes (la Yougoslavie) et dans les régimes fascistes (en Italie, au
Portugal et en Espagne).

b) Les pouvoirs respectifs des deux chambres113

Si l'on choisit le bicamérisme, il faut savoir quels seront les rapports entre les
deux chambres.

1) Le bicamérisme égalitaire :
Les deux chambres ont les mêmes pouvoirs

2) Le bicamérisme inégalitaire :
La deuxième chambre a des pouvoirs moindres que la première.

Dans les régimes démocratiques, le bicamérisme aristocratique ne peut être


qu'inégalitaire. Mais le bicamérisme fédéral est le plus souvent égalitaire car
l’idée même de fédération repose sur le fait que l'État fédéral est constitué de
plusieurs parties.

Section 2 : Le pouvoir exécutif

En régime parlementaire, tel qu’il existe en Europe, le terme de gouvernement


désigne l’organe collégial et solidaire composé de ministres placés sous
l’autorité du Premier ministre (l’appellation de ce dernier peut varier :
président du Conseil en Italie ou en France avant 1958, Chancelier en
Allemagne) et qui a en charge le pouvoir exécutif. Dans la mesure où le

113
Manuel Delamarre, Leçons de droit constitutionnel , op.;cit, pp.30-31

Younes Berrada Page 130


gouvernement est politiquement responsable devant le Parlement, le chef de
l’État ne peut en faire partie, puisqu’il est considéré comme politiquement
irresponsable.

La notion de pouvoir exécutif comporte deux connotations: Il s’agit tout d’abord


de l’exécution des lois élaborées par l’organe législatif. Il s’agit également de
l’organe chargé de cette mission d’exécution.

L’appareil exécutif s’articule autour de trois composantes essentielles:


• Le Chef de l’Etat, dont le rôle peut sensiblement varier d’un régime
politique à l’autre.
• Le Chef du Gouvernement, auquel la légitimité électorale peut conférer
un véritable poids décisionnel.
• L’équipe gouvernementale, constituée par l’ensemble des ministres, et
dont l’existence permet la mise en œuvre des diverses missions
exécutives.

On peut retenir notamment deux formes : 114

A. L'exécutif monocratique 115

Quand la fonction exécutive est confiée à une personne, on parle d'exécutif


monocratique.

Cette personne est le chef de l'État, le chef du gouvernement. Elle peut


s'entourer de collaborateurs, de conseillers (les ministres), qui auront la

114
Ibid
115
irresponsable politiquement

Younes Berrada Page 131


caractéristique d'être dépendant du chef de l'exécutif et qui sont révocables à
tout moment. C'est la forme la plus ancienne d'exécutif.

Cette forme est née de la période où le roi n'est plus un monarque absolu, mais il
se voit confier des pouvoirs appréciables.

B. L'exécutif dualiste 116

Le chef de l'État n'est pas titulaire du pouvoir exécutif, il le partage avec un


gouvernement ou un cabinet dirigé par un chef du gouvernement.

Le chef de l'État ne peut toujours pas être responsable. Mais le gouvernement


peut l’être puisque c'est le gouvernement qui défend la politique de l'exécutif
devant les assemblées.

Cette forme d'exécutif est le fruit de l'histoire, d'une évolution politique


progressive en Grande-Bretagne au XVIIe et au XVIIIe siècle, qui a été un
succès.

L’exécutif a le pouvoir réglementaire (des actes exécutoires comportant des


dispositions générales et impersonnelles.)

Au Maroc le nouveau texte constitutionnel de 2011 stipule que « Le


gouvernement exerce le pouvoir exécutif » et que « Sous l'autorité du Chef du
Gouvernement, le gouvernement met en œuvre son programme gouvernemental,
assure l'exécution des lois, dispose de l'administration et supervise l'action des
entreprises et établissements publics ». 117

116
Responsable politiquement
117
Revenir au texte ( annexes)

Younes Berrada Page 132


En lisant l’article 90 l’on apprend que « Le Chef du Gouvernement exerce le
pouvoir réglementaire et peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.
Les actes réglementaires du Chef du Gouvernement sont contresignés par les
ministres chargés de leur exécution ».

Le Chef du Gouvernement, premier ministre dans les cinq autres constitutions


du Royaume (1962, 1970, 1972, 1992, 1996) nomme aux emplois civils dans
les administrations publiques et aux hautes fonctions des établissements et
entreprises publics, sans préjudice des dispositions de l'article 49 de la présente
Constitution. Il peut déléguer ce pouvoir.

Sous la présidence du Chef du Gouvernement, le Conseil du Gouvernement


délibère, entre autres, de la politique générale de l'État avant sa présentation en
Conseil des ministres, présidé par le Roi, des politiques publiques, des politiques
sectorielles, de l'engagement de la responsabilité du gouvernement devant la
Chambre des Représentants, des questions d'actualité liées aux droits de
l'Homme et à l'ordre public, des projets de loi, dont le projet de loi de finances,
avant leur dépôt au bureau de la Chambre des Représentants, des décrets-lois,
des projets de décrets réglementaires, des conventions internationales avant leur
soumission au Conseil des ministres, de la nomination des secrétaires généraux
et des directeurs centraux des administrations publiques, des présidents
d'universités, des doyens et des directeurs des écoles et instituts supérieurs.

Les ministres sont responsables, chacun dans le secteur dont il a la charge et


dans le cadre de la solidarité gouvernementale, de la mise en œuvre de la
politique du gouvernement.118

118
Ibid

Younes Berrada Page 133


Les ministres accomplissent les missions qui leur sont confiées par le Chef du
Gouvernement. Ils en rendent compte en Conseil de Gouvernement. Ils peuvent
déléguer une partie de leurs attributions aux secrétaires d'État.

Chapitre III : L’action électorale

Point de démocratie sans élections, a-t-on coutume d’avancer. Ce qui fait de


l’acte électoral un déterminant constitutif du socle démocratique. Un constat
menant, de toute évidence, à une sorte de valorisation du processus électoral qui
montre, une fois bien mené, la réalité du pouvoir en place et traduit toute
l’étendue démocratique au sein d’un système.

Le mot scrutin désigne l’ensemble des opérations de vote et des modes de


calcul destinés à départager les candidats aux élections. On parle également de
scrutin lorsqu’une assemblée vote pour prendre une décision.

Le terme suffrage désigne le vote, la voix, mais aussi indique qui a le droit de
voter pour choisir ses représentants ou pour un référendum.

Il peut être :

 restreint : limité à une catégorie de population en fonction de ses revenus


(suffrage censitaire) ou de son niveau de connaissance (suffrage
capacitaire) ;
 universel : tous les citoyens majeurs votent ;
 direct : l’électeur vote lui-même pour un candidat ;

Younes Berrada Page 134


 indirect : le candidat est élu par un collège électoral, lui-même désigné
directement par les citoyens.

L’on retient à ce stade certains concepts, encore en vigueur ou désuets :

1) Le scrutin censitaire :

C’est un mode d’élection basé sur la sélection des électeurs en fonction de


leur fortune.

 Pour y avoir la qualité d’électeur, il faut payer un impôt: cens.

 Il est apparu en France en 1791.


 Du fait de sa pratique, seuls 0,03% de la population française pouvait
voter en 1830.
 A la même époque (1832), environ 4% de la population anglaise disposait
du droit de vote.
 Ce mode de suffrage a été définitivement abandonné en France en 1848.
 La pratique du « Poll Tax » a continué à prévaloir aux USA jusqu’en
1964.

2) Le suffrage capacitaire :

 Il est basé sur le niveau d’instruction


 Il peut aboutir à la restriction du droit de vote au profit d’une minorité
privilégiée

 En France, en 1795, la restriction portait sur la capacité de lire et d’écrire.


 En 1930, la détention de certains diplômes était exigée des électeurs.

Younes Berrada Page 135


 Aux USA, il était demandé aux électeurs potentiels d’expliquer un
passage de la Constitution.
 La méthode du « literacy test » était également appliquée jusqu’en 1915.

2) le scrutin féminin : Il renvoie à l’autorisation de la femme de


participer à la vie politique au même titre que l’homme.

La majorité des pays du globe, dont notamment ceux qui portaient le flambeau
de la démocratie et de l’état de droit, ont du passer par des traversées de désert
avant l’institutionnalisation de ce droit comme le montre amplement le tableau
ci-dessous :

FINLANDE 1906
DANEMARK 1915
GRANDE BRETAGNE 1918
U.S.A. 1920
France 1944
Belgique 1948
MAROC 1960, date de ses premières
élections (locales)
SUISSE 1971
Portugal 1974

4) La capacité électorale :

 Elle comporte les qualités exigibles pour qu’un citoyen puisse


valablement être électeur.
 Deux cas:
 La majorité électorale
 L’incapacité judiciaire

Younes Berrada Page 136


 Evolution en France:1814: 30 ans , 1830: 25 ans, 1848: 21 ans, 1974:
18 ans

L’âge de 18 ans n’a été retenu qu’en 1969 en Grande Bretagne G.B , R.F.A. :
1970, U.S.A. : 1971, Italie : 1975, Chine : 1975, URSS : 1977 et le Maroc en
2003.

A ce niveau il serait approprié d’évoquer les systèmes électoraux qui


désignent un ensemble de caractéristiques regroupant les modes de scrutin,
d’attribution des sièges aux assemblées, et les éléments essentiels d’un régime
(nombre de partis, stabilité ou instabilité gouvernementale).

Section 1 : Les caractéristiques du droit de suffrage

I : L'universalité du suffrage

Le suffrage universel est un fondement de la démocratie mais son organisation


s’impose comme déterminant fonctionnel dans la perspective d’une optimisation
et un encadrement à la fois judicieux et efficaces.

Les restrictions sont allées en diminuant en dépit des limitations justifiées dans
tout Etat de droit. On peut citer à cet égard :

a - Des limitations d’ordre moral :

Certains jugements entraînent la déchéance du droit de vote, comme la


condamnation pénale.

b- Limitations d’ordre intellectuel :

Younes Berrada Page 137


Le droit de vote nécessite un âge minimum. Depuis 1974, en France l'âge
minimum est de 18 ans. Auparavant il était de 21 ans.

Au Maroc, l’âge de 21 ans était la règle depuis les premières élections


communales de 1960 avant de revoir à la baisse cet âge pour le fixer à 20 ans en
1993 puis à 18 ans en 2002. Une sorte d’harmonisation et d’ajustement.

Il existe aussi la perte du droit de vote pour inaptitude intellectuelle : mise sous
tutelle, démence...

c- Limitations civiques :

Le droit de vote est accordé notamment aux personnes sur la nationalité du pays.
Certains pays accordent également ce droit aux résidents tout en émettant
certaines réserves.

La nouvelle constitution marocaine stipule à cet égard que « Sont électeurs et


éligibles, tous les citoyennes et les citoyens majeurs jouissant de leurs droits
civils et politiques. La loi prévoit des dispositions de nature à favoriser l'égal
accès des femmes et des hommes aux fonctions électives.

Le vote est un droit personnel et un devoir national. Les étrangers jouissent des
libertés fondamentales reconnues aux citoyennes et citoyens marocains,
conformément à la loi.

Ceux d'entre eux qui résident au Maroc peuvent participer aux élections locales
en vertu de la loi, de l'application de conventions internationales ou de pratiques
de réciprocité. »

Younes Berrada Page 138


Dans certains pays, le droit de vote et d'éligibilité est conditionné par la
possession de la nationalité du pays en question.

D'autres, pour des motifs divers allant du principe révolutionnaire américain


« no taxation without representation » (pas de paiement d'impôts sans droit de
regard sur la façon dont leur produit est dépensé) à la conception d'une
citoyenneté supranationale, ont décidé d'étendre ces droits à tout ou partie des
résidents étrangers sur leur territoire.

Le débat existe également aux États-Unis, où une vingtaine d'États et de


territoires ont admis pendant des décennies le vote des étrangers.

Dans un autre pays fédéral, la Suisse, ce sont également les entités fédérées qui
ont un pouvoir décisionnel en la matière, cinq cantons reconnaissent déjà le droit
de vote des étrangers, et trois autres laissent à chaque municipalité le droit de
légiférer en la matière. Des votations (référendums) ont eu lieu dans d'autres
cantons sur le sujet, sans succès.

Le Parlement européen, le Conseil de l'Europe et la Conférence des pays de la


Mer baltique ont émis diverses recommandations en faveur de l'introduction du
droit de vote et d'éligibilité à tous les résidents étrangers pour les élections
locales.

2) Les applications du principe :

A ce niveau d’analyse on retient notamment :

A) L’établissement des listes électorales : Une procédure s’inscrivant dans


une optique de transparence afin d’éviter la fraude. L'inscription sur les listes se
fait dans le territoire communal. Il est formellement interdit de demander
l'inscription sur plusieurs listes sous peine de sanctions pénales.

Younes Berrada Page 139


Comme règle, c’est la commune du domicile qui est choisie par les électeurs.
La liste électorale est permanente et révisable (chaque année en France et à
chaque rendez vous électoral au Maroc) pour les modifications.

2) L'égalité du suffrage :

D'après l'article 3 de la Constitution française : « le suffrage toujours égal »


La démocratie s'oppose à ce que certain aient plus de poids, avec leurs votes,
que d'autres. Chaque électeur n’a qu’une seule voix. C’est un principe général et
généralisé depuis des décennies.

D’autres votes avaient existé et dérogeaient diamétralement à cette règle


comme :

- Le vote multiple (Les propriétaires fonciers anglais pouvaient voter là où était


leurs terres. Ce type de vote s’atténua avec la loi du 6 février 1918 en votant
dans deux circonscriptions seulement avant d’abolir cette pratique inégalitaire à
partir de 1948).

- Le suffrage plural (Une personne peut voter plusieurs fois dans une seule
circonscription suivant son statut familial. Le chef de famille avait plusieurs
voix en fonction du nombre d'enfants mineurs de la famille. Un type ayant existé
du début du 20° siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale en Belgique.)

3) Le vote entre devoir, obligation et droit : 119

119
Au Maroc, c’est toujours un droit. Aucune sanction n’est prévue à l’encontre des absentéistes. Dire que c’est
un devoir relève tout simplement de la réthorique politique pour la sensibilisation des citoyens.

Younes Berrada Page 140


Dans l’absolu, le vote est un droit qui reste facultatif du moment que
l’obligation pourrait donner lieu à une sorte de « spirale de vote négatif » une
fois devant les urnes (vote blanc).

Plusieurs pays par contre ont fait le choix du vote obligatoire, comme ce fut le
cas de la Belgique, qui l’a instauré depuis 1893 ou encore L’Australie qui dès
1924 a fait autant pour les élections nationales. Une pratique en vogue au
Luxembourg (loi du 31 juillet 1924), en Turquie, en Grèce, en Autriche
(land du Vorarlberg depuis 1919) et dans le canton suisse de Schaffhouse
depuis 1876. D’autres pays d, amérique latine tels le Costa Rica et le Brésil
figurent sur cette liste également.

En Belgique, cas d’école à cet égard, tout électeur qui ne se rend pas aux urnes
risque des sanctions (amende de 25 à 50 euros la première fois et de 125 euros si
récidive.

L’abstention est sanctionnée aussi par des mesures administratives, du moment


que si la personne indexée s’est abstenue quatre fois en quinze ans, elle peut être
rayée des listes électorales pour dix ans et ne peut recevoir pendant ce laps de
temps ni nomination, ni promotion, ni distinction émanant d’une autorité
publique.

En Australie, l’amende en cas d’abstention est très faible, et il est assez facile de
justifier la non participation aux opérations électorales (maladie, déplacement
professionnel...).

Les détracteurs de cette approche avancent qu’elle fait l’impasse sur les raisons
profondes d’un tel acte.

4) Circonscriptions électorales entre égalité et risques de manipulation :

Younes Berrada Page 141


On a tendance à croire qu’il faut que chaque circonscription comprenne un
nombre d'électeurs égal ou presque afin de ne pas vider l’opération de vote de
son essence.

Le système d’inégalité numérique a été utilisé au XIXe siècle en Angleterre et a


donné naissance à des « Bourgs pourris », c'est-à-dire des circonscriptions
dépeuplées qui élisaient autant de députés que les autres peuplées. À la fin du
XIXe siècle, l'Angleterre décida qu'un député serait élu pour 50 000 habitants.

En France depuis 1958 la volonté est affichée pour respecter l'égalité numérique
: une circonscription est égale à 90 000 habitants. Depuis 1986 , il a été décidé
d’actualiser chaque dix ans.

Au Maroc, le débat sur le découpage revient à l’approche de chaque échéance


électorale au point qu’il résume à lui seul une des limites de l’égalité effective
dans l’expression de la volonté générale surtout qu’on a tendance à considérer
que le découpage, tel que pratiqué, pourrait aboutir à une sorte
d’instrumentalisation politique et « fausser le jeu ».

Il semble que le découpage pourrait « agir sur le résultat » surtout dans un


contexte de « régularité » ou d’obédience.

Cette vision s'appelle GERRYMANDERING, un terme politique nord-


américain pour désigner le découpage des circonscriptions électorales ayant
pour objectif de donner l’avantage à un parti, un candidat, ou un groupe donné.

Ce terme vit le jour aux États-Unis en 1811 quand le gouverneur du


Massachusetts, Elbridge Gerry, fut accusé d’avoir « dessiné » une
circonscription en forme de salamandre afin de favoriser son parti.
Younes Berrada Page 142
Gerrymandering est ainsi un mot valise composé avec le nom du gouverneur,
Gerry, et le nom anglais pour la salamandre, salamander.

Pour ce, tous les dix ans, à la suite du recensement, toutes les circonscriptions
électorales américaines sont remaniées pour refléter l’évolution démographique
du pays, le but étant de représenter le même nombre de citoyens ou presque(one
man, one vote..

Cette pratique est surtout propre aux systèmes électoraux basés sur des
circonscriptions uninominales. Dans les pays en voie de développement, elle
prend souvent la forme de l’attribution d’un plus grand nombre de sièges aux
régions où le parti au pouvoir est particulièrement fort.

Pour y faire face certains pays isolent le processus du découpage des


circonscriptions de toute ingérence politique. Au Canada, ce sont des
commissions entièrement indépendantes qui révisent les limites des
circonscriptions.

Younes Berrada Page 143


Section II : Les modes de scrutin

Si le principe de l’élection au suffrage universel fait l’unanimité dans les


démocraties représentatives, le choix du mode de scrutin connaît des différences
notoires, plusieurs éléments étant en jeu tels la culture politique, le système
partisan, le système politique en place…

Depuis 1871, la France a connu une dizaine de changements majeurs de mode


de scrutin législatif, alors que le Royaume-Uni utilise le même depuis le XVIIIe
siècle.

La distinction porte sur la manière dont est déterminé le ou les vainqueurs de


l'élection.

Les résultats d'une élection ne seront pas les mêmes selon l'utilisation de l'un ou
l'autre des modes de scrutin.

Exemple :
15 personnes peuvent désigner les trois d'entre elles
10 personnes choisissent, A, B et C
5 personnes choisissent D, E et F

Suivant le scrutin majoritaire : 10 personnes sur 15 forment la majorité, les élus


seront donc A, B et C ;

Suivant le scrutin proportionnel : 10 personnes représentent deux tiers des


votants ils éliront donc 2 personnes.

Younes Berrada Page 144


5 personnes représentent un tiers des votants ils éliront donc une personne.

Ce choix n'existe que s’il y a plusieurs personnes à élire pour plusieurs postes.
Sinon on utilisera le scrutin majoritaire.
I) Le scrutin majoritaire

Sera élu celui qui obtiendra la majorité des suffrages exprimés dans une
circonscription.

a) Le scrutin majoritaire à un ou plusieurs tours

La distinction entre scrutin majoritaire à 1 tour et scrutin majoritaire à 2 tours.

Au scrutin à un seul tour, on retient que tous les sièges sont attribués lors du
premier et unique tour. L’élu aura récolté la majorité simple (ou relative). Il
suffit d'avoir plus de voix que les autres candidats. Il n'y a qu'un seul vote.
(Exemple, la Grande Bretagne).

Pour le scrutin majoritaire à plusieurs tours, celui qui sera élu au premier
tour est celui qui aura recueilli la majorité absolue des suffrages c'est-à-dire plus
de la moitié des suffrages (51 %). Si aucun des candidats n'obtient 51 % des
voix il n’y aura pas d'élu. Il y aura à nouveau un vote : le ballottage.

Younes Berrada Page 145


Au second tour il y peut y avoir une majorité absolue et le poste sera alors
attribué.

Si ce n'est pas le cas :


Dans le cadre d'un scrutin à deux tours ; est élu celui qui a la majorité simple
lors du second tour.
Dans le cadre d'un scrutin à plusieurs tours sera élu celui qui obtiendra la
majorité absolue.

Le scrutin majoritaire à un tour conduit les candidats à « agir utile » et aux


électeurs à « voter utile. » Ce mode de scrutin favorise le bipartisme.

Le scrutin majoritaire à deux tours a été utilisé en Europe continentale jusqu'en


1920. Depuis 1958, la France l’a adopté.

Au premier tour les électeurs sont invités à choisir le candidat qu’ils préfèrent.
Lors du second tour intervient le vote utile. « Au premier tour on choisi au
second on élimine. » Ce qui en résulte une équation assez contradictoire : «
indiscipline et coalition ».

b) Scrutin majoritaire uninominal ou le scrutin majoritaire de liste

Le scrutin majoritaire uninominal équivaut à un seul élu par circonscription.


Chaque parti ne présente qu'un candidat alors que le scrutin majoritaire de
liste renvoie au fait que plusieurs élus peuvent être présents par circonscription.

Ce scrutin de liste est dit pluri nominal lorsque les candidatures isolées sont
autorisées en parallèle des listes.

Younes Berrada Page 146


Le scrutin majoritaire uninominal rapproche les élus des électeurs alors que
celui de liste éloigne les élus des électeurs.

Ce type peut être de liste bloquée ou de panachage :

- Le système de la liste bloquée :


Les électeurs n'ont pas le droit de modifier des listes proposées. Ils choisissent
une liste complète.

- Le système de la liste par panachage :

La possibilité est laissée aux électeurs de faire leur propre liste à partir de tous
Le dépouillement est long et complexe contrairement au premier de même que
les résultats sont hétérogènes inversement à ce qui est constaté au niveau de la
liste bloquée.

En France, dans les communes entre 2500 à 3500 habitants on admet la liste des
panachages.

II) la représentation proportionnelle

Ce mode de scrutin répond à un souci d'équité, le but étant de donner à chaque


parti un nombre de sièges proportionnels aux suffrages qu'il a recueillis.

La représentation proportionnelle inverse les tendances du scrutin majoritaire.


Elle est arithmétiquement juste. « Une simple photographie du pays », dit-on.

Younes Berrada Page 147


Aujourd'hui, la plupart des démocraties pluralistes de l'Europe continentale
l’utilisent. C'est le cas en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie et dans les états
scandinaves et la Suisse.

1) La représentation proportionnelle au plus fort reste

Cette technique, appliquée au Maroc au niveau des législatives pour les grandes
circonscriptions depuis 2007, est la plus simple. Elle consiste en deux
opérations :

La première conduit à répartir les sièges en fonction d'un quotient électoral, la


seconde à attribuer ceux qui ne l’auraient pas été au cours de la première.

Pour le quotient électoral, il permet de déterminer, dans chaque circonscription,


combien un siège représente d’électeurs. Pour cela, il faut d'abord connaître le
nombre de suffrages exprimés (les personnes qui ont voté moins le nombre de
bulletins blancs ou nuls). Le quotient électoral équivaut alors au nombre de
suffrages exprimés sur le nombre de sièges à pourvoir

Ainsi, chaque liste aura autant de sièges qu’elle aura de fois de quotient électoral
: pour ce faire, on divise le nombre de voix obtenues par chaque liste par le
quotient électoral.

2 : La représentation proportionnelle à la plus forte moyenne

Ce second système diffère de la représentation proportionnelle au plus fort reste


uniquement par la manière de répartir les sièges qui n'ont pas été attribués au
quotient. Il est plus exact que le précédent.

Younes Berrada Page 148


Pour attribuer « le premier siège en l’air » on calcule la moyenne d'électeurs
qu’aurait chaque liste si on lui donnait ce siège. Après avoir opéré ce calcul, on
attribue effectivement ce siège à la liste qui a la plus forte moyenne, à la liste
pour laquelle ce siège correspond au plus grand nombre d'électeurs. On procède
de la même manière pour le deuxième, troisième ou le quatrième siège.

La répartition des sièges entre les candidats dépend des modèles choisis :

1. Les listes bloquées

On admet que le parti a inscrit les noms de la liste dans un ordre préférentiel. Ce
système permet aux formations politiques de jouer un rôle très important. Elles
ont sur les candidats une autorité sans limites car, suivant la place à laquelle
elles font figurer le nom d'une personne sur la liste, cette dernière aura de
bonnes chances où aucune chance d'être élue.

2. Le vote préférentiel

L’ordre de présentation sur la liste n'est qu'une proposition faite aux électeurs
qui ont loisir de marquer leur propre préférence en modifiant cet ordre. Plusieurs
techniques existent pour émettre un vote préférentiel. Les électeurs peuvent
avoir la latitude de barrer des noms, d'inscrire des croix indiquant leur premier
choix, d'intervertir les noms.

3. Le panachage

La liberté de l’électeur est entière. Il a la latitude de constituer sa propre liste en


choisissant des candidats figurant sur des listes différentes (dépouillement très
complexe).

Younes Berrada Page 149


La moyenne s’obtient comme suit: Nombre total de voix obtenues par les
candidats d’une liste sur le nombre de candidats de cette liste.

Le mode de scrutin proportionnel est simple dans son principe puisque les sièges
sont attribués selon le nombre de voix, mais compliqué dans sa mise en œuvre.
Il s’est développé avec le rôle des partis politiques : il s’agit moins de voter pour
un homme que pour un parti ou un programme.

Dans les scrutins proportionnels, le seuil fixé pour obtenir le droit à la


répartition des sièges et la taille de la circonscription constituent des
variables déterminantes. Plus le seuil est élevé et plus le nombre de
circonscriptions important, plus l’accès des petits partis aux sièges est difficile.

Certains pays font le choix de n’avoir qu’une seule circonscription au niveau du


pays. Le niveau du seuil dépend des caractéristiques de chaque pays : fixé à 5 %
comme en Allemagne ou en France, il écarte peu de partis nationaux, alors que
dans des jeunes démocraties avec de très nombreux partis, il pourrait priver de
représentation une frange importante de la population.

3. Les scrutins mixtes

Les scrutins mixtes empruntent des éléments aux systèmes majoritaire et


proportionnel. Ils combinent donc, mais avec une grande diversité, les deux
mécanismes. Il s’agit de cumuler les avantages des deux méthodes et d’en
limiter les inconvénients.

Par exemple, le mode de scrutin utilisé en France pour les élections municipales
dans les communes de plus de 3 500 habitants a pour but d’assurer une majorité

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au vainqueur, de permettre des alliances entre les deux tours et de donner une
représentation aux minoritaires.

Synthèse:

Les débats autour des modes de scrutin s’expliquent souvent par la difficulté de
concilier plusieurs buts et par des contingences politiques (ex : 1986 en
France).

Pour les proportionnalistes, un système électoral doit donner une image fidèle de
la situation politique et du corps électoral ; pour les majoritaires, il vise à
désigner une majorité d’élus capable de gouverner.

Dans le scrutin uninominal à un tour (ex : en Grande-Bretagne ou au Maroc


jusqu’à 1997), celui qui obtient le plus de voix emporte le siège (scrutin simple).

Dans le scrutin uninominal à deux tours (ex : en France), la réussite au


premier tour est conditionnée par l’obtention d’une majorité absolue des voix,
avec parfois l’obligation de réunir un nombre minimal d’électeurs inscrits. Faute
d’avoir atteint ce seuil, un second tour est organisé.

Les scrutins de liste, à un ou deux tours, attribuent à la liste arrivée en tête


tous les sièges (désignation des grands électeurs pour la présidentielle
américaine). L’amplification de la victoire est alors très forte, même si des
injustices peuvent exister (majorité des sièges mais minorité des voix).

Les scrutins proportionnels mènent souvent à un dysfonctionnement du système


politique ; ils favorisent le multipartisme et donnent un rôle important aux petits
partis. Ce qui exposerait souvent l’échiquier politique au risque de remodelage
et de reconfiguration.

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Les scrutins proportionnels rendent difficile, faut-il le rappeler, l’émergence
d’une majorité stable et cohérente.

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Bibliographie sélective :

-Georges Burdeau et autres, Droit constitutionnel et institutions politiques, 30 ème édition,


Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 2007 ;
- Jean - Claude Acquaviva, Droit constitutionnel et institutions politiques, Gualino éditeur,
Paris, 1999 ;
- Younes Berrada, Penser le pouvoir politique, Oméga, Rabat, 2006
- Younes Berrada, Le politique à travers le temps, Dar Al Afak, Casablanca, 2016
- Christian Bigaut, Le droit constitutionnel en fiches, ellipses, Paris, 2003 ;

- Manuel Delamarre.Emmanuel Maurel, Leçons de droit constitutionnel et d’institutions


politiques, ellipses, Paris, 2010.

- Jean Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, 16 ème édition,


Paris, 2000 ;
-Philippe Ardant, Bertrand Mathieu, Institutions politiques et droit constitutionnel, 20 ème
édition, LGDJ, Point Delta, Paris,2008 ;
- Gilles Champagne, L’essentiel du droit constitutionnel. Théorie générale du droit
constitutionnel, Gualinao éditeur, 2 ème édition, Paris, 2001 ;
-Jean- Claude Masclet , Jean- Paul Valette, Méthodologie du droit constitutionnel , Ellipses, 2
ème édition, Paris, 2014,
- Hugues Portelli, Droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 1999 ;

- Hélène Simonain- Gineste, Le droit constitutionnel en schémas, ellipses, 2 ème édition,


Paris, 2008 ;

- Michel Verpeaux, Manuel de droit constitutionnel, Editeur : Puf, Paris, 2010,

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- Olivier Gohin, Droit constitutionnel, Edition : Litec, Paris, 2010.

- Pauline Türk, Théorie générale du droit constitutionnel, Gualino éditeur, Paris 2010.

- Jacques Chevallier, L'Etat de droit, (5e édition), Editeur : Montchrestien, Paris, 2010.

- Riccardo Guastini, Leçons de théorie constitutionnelle, Dalloz, 2010.

- Francis Hamon et Michel Troper, Droit constitutionnel, Paris, L.G.D.J, coll. « Manuels »,
2012
Webographie sélective :
- http://www.conseil-constitutionnel.fr (pour les textes du droit politique
français)
- http://mjp.univ-perp.fr/constit (constitutions du monde)
- michel-lascombe.-/constitintro.htm (dictionnaire du droit
constitutionnel français),
- www.vie-publique.fr (pour une sélection de textes sur la vie politique
française)
- http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers
- http://www.maroc.ma/ (portail officiel du Maroc : documentation de
base)
- https://www.deutschland.de/fr (Pour des données officielles sur
l’Allemagne),

http://www.toupie.org/ (des précisions conceptuelles)

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