MAE MO SCM ProgrammeCas 2018 19 Partie3

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MANAGEMENT DES OPERATIONS

& DE LA SUPPLY CHAIN

MASTER MAE

Christine TRIOMPHE

Programme & Cas – Partie 3

2018
Management des Opérations 39

VIDEO 2
Management LEAN
Méthode 6SIGMA

Objectifs de la séance :
 Comprendre le Management Lean, ses principes de management et ses outils
 Comprendre la méthode Kanban
 Discuter de la Démarche 6SIGMA

Livre de référence à lire :


Voir programme

Articles joints
Management des Opérations 40

SEANCES 6 et 7
Management Lean
L’amélioration des processus

Objectifs de la séance :
 Expérimenter le Management Lean, ses principes et ses principaux outils, à
travers un jeu de rôles
 Savoir analyser un processus et calculer les indicateurs suivants :
 takt time
 temps de cycle
 temps de production total
 temps d’écoulement
 ratio de fluidité ou % valeur ajoutée.

Cas à traiter :
Cas SymColor

Livre de référence à lire :


Voir programme

Articles joints
Fiches Lean
Management des Opérations 41

Cas SYMCOLOR – Partie 1

L'entreprise SymColor est le numéro 1 mondial de la fabrication des circuits colorés.


Vous allez par équipe simuler son processus de production en appliquant les
standards de travail actuels, puis analyser de façon approfondie les résultats et
faire des propositions d’amélioration pour la séance 2 (travail noté).

A la séance 2, vos propositions seront mises en œuvre au cours d’une 2ème


simulation, qui montrera la pertinence de vos propositions.

A l’issue de la 1ère simulation, vous ferez un diagnostic du processus de


production :

1. Analyse de la qualité de la production et de la satisfaction du client : relevé des


défauts, Pareto, calcul des dpmo, etc.

2. Analyse des causes de défauts en utilisant entre autres le diagramme


d’Ishikawa.

3. Modélisation et analyse du processus de production avec le VSM et le


diagramme Spaghetti. Analyse des MUDA, puis calcul des indicateurs suivants :
 takt time
 temps de cycle de chacun des postes
 temps de production total
 temps d’écoulement à la fin de la simulation
 ratio de fluidité ou % valeur ajoutée.
Vous identifierez le ou les postes goulots dans le processus et les différents
problèmes.

Puis en utilisant les principes et techniques appropriés du Lean management, que


vous indiquerez (comme par exemple les 5S, la méthode SMED, etc.), vous ferez
des propositions d’amélioration en évaluant les conditions de mise en œuvre
(facilité, investissement nécessaire, etc.).

L’analyse détaillée de votre équipe et les propositions


d’améliorations seront présentés avec un support ppt à l’ensemble
du groupe après la 2ème simulation.
Les transparents (ppt) sont A ENVOYER PAR EMAIL à l’animateur ainsi qu’au
responsable de l’UE ([email protected]) la veille de l’exposé.
Management des Opérations 42

Cas SYMCOLOR – Partie 2

A la séance 2, vos propositions seront mises en œuvre au cours d’une 2ème


simulation, qui montrera la pertinence de vos propositions.

L’analyse détaillée de votre équipe et les propositions


d’améliorations seront présentés avec un support ppt à l’ensemble
du groupe après la 2ème simulation.(travail noté).

Les transparents (ppt) sont A ENVOYER PAR EMAIL à l’animateur ainsi qu’au
responsable de l’UE ([email protected]) la veille de l’exposé.
Management des Opérations 43

Le Management Lean
VSM
La cartographie du processus de production du produit X (Value Stream Mapping)
est présentée ci-dessous.

Poste A Poste B Poste C

1 C/T = 15 mn 6 C/T = 20 mn 1 C/T = 600 sec


pièce pièces pièce

I = Inventory
C/T = Cycle Time
Tous les postes sont libres et fonctionnent en FIFO.
Le processus fonctionne 8 heures/jour avec une disponibilité opérationnelle de 75%.

La demande est de 24 pièces / jour.

1) Calculez les indicateurs suivants en minutes :

- Temps de cycle du poste de travail C (Cycle Time)

- Temps de production total d’1 pièce (Processing Time)

- Temps d’écoulement (Throughput Time) de la pièce qui se trouve dans le


premier stock

2) Calculez les indicateurs suivants :

- % temps à valeur ajoutée de la pièce qui se trouve dans le premier stock

- Nombre de pièces produites / jour par le processus

- Taux d'utilisation du poste de travail C

3) Qu’est-ce qu’un poste de travail goulot d’étranglement ? Quel est le poste


goulot dans le processus ?

4) Calculez le takt time. Que représente le takt time ? Comment peut-il servir
pour organiser un processus de production ?
Management des Opérations 44

SEANCE 6
Articles
HrsTorRE ECONOMTQUE

Pouravoirsu tirer parti de seseTreurset des


contrainteslocales,le constructeurj aponais
estdevenunuméro r mondial del'autbmobile
en zoo7.Unebellefaçondefêterses70 ans!

une ç91]
1ndustrielle
o

Jean-LouisLoubet'r
cte I. En zoo3, Toyota ravit le annéeJà,augmentaitsaproduction de A I'origine,f usine se prépare mreux
deuxième rang mondial des produisait des
7,8/" qtand Ford,labaissaitde 3,6%. ooùr orendre sa
constructeurs à Ford, le père de Acte IL Le 28 août 2oo7, Toyotafête méliersà tisser 1"", t" match
"À"
f industrie automobile mondiale. Alors son 7o" anniversaire et s'offre trois suivant. . La lecon
que Ie trio des Big Threeestmort après esl sa Dremlere
cadeaux: un bénéfice historicrue de v o i t u r à{ r q 1 6 } . e s t .o a u t a n t P l u s
les malheurs répétésde Chrysler, on ra milliards d euros, soit zoolode nueux DeuxTabddailes bellequeToyotân'a
croyaitle tandem des Big Two - Gene- que l'an passé,un objectifde ro mil- en kiÉono posent c-essé dapprendre
ral Motors et Ford - indétrônable. Qui lions de véhiculesproduits en zoo8, et de\antla TovoDet de ses échecsaux
pouvait supplanter ces deux groupes la oremière olace des constructeurs crown, modèlè Etats-Unis. Venu
qui, depuis r9ro, régnaient sanspar- devant GM, émpêtré depuis trois ans de 1959,à droite. tardivement à Lau-
tage sur la planète automobiie I Avec dans des difficultés inextricables.Pas tomobile, en 1936,
courtoisie,s'excusantpresque,les diri- de contestation cette fois. Si Toyota a il commence par copier Airflow, une
geantsjaponais ont fait remarcluer que bien compté Lexus, Scion, Daihatsu Chrysler. RebaptiséeAA, dotée d'un
Ford n'avait pas comotabilisé dans sa et Hino, General Motors n'a oublié moteur V6 de 3,4 1,la première Toyota
production mondiale zoo3 les résultats aucune de sesmarques dont Chewolet, connaîtra i 4o4 exemplaires jusqu à
de Mazda friale à y%) alors qu eux- Buick, Cadillac, Opel, Saabet GMC. son arrêt en 1943.La guerre achèvede
mêmes avaientpris soin dajouter leurs Cette fois, Rick Wàgoner dégaine le briser le rêve automobile japonais.Le
marques Hino et Daihatsu à lews addi' premier: . Ce n'est pas un bon jour. constructeur retourne aux Etats-Unis
tions. Beaujoueur ce Toyotaqui, cette Mais j'ai déjà perdu des matches de en 1957,cherchant les marchés por-
* Professeurdhistoireà l'universitéd'Ëwylqr)et basketdansma jeunesse.Laleçon que teurs que son archipellui refuse.Il y
eùIetnd u|fleH i stoi redeI automobilefran çais; lïeiil). j'en ai tirée est qu'avecune défaite,on débarque,crée la filiale ToyotaMotor
E n i e u x N o v e m b r ez o o l 126
i#
:.1.

Enjeu\ Nove'nbre 1ac- t2l


H I S T O IR EÉ C O N O M I Q UÉ .T O Y O T A

<<Tovotainventeaprès-suerreson
propre systèmeprbducïif, Ie rnû,da,
barfaiteaâtithèsedu eâchisoôcidental.
Sachanceestdes'org"aniser envaseclos.r,

,j

T i\

7",
Salespourvendrela Crown G955),puis UingénieurTaiichi
la Corona(1957).Deux petitesvoitures Ohnolà droitel
de r 5oo et r ooo cml. Lesventestour- met en place le
nent àla débâcle,sonnantle repli. Len- <<juste-à-temps
"
treprise a tout faux: produit, réseau, etla flexibilité.
En r95t. Toyota
après-vente;rien ne marche.
lance le BX Truck,
Il faut apprendre,toujours, avec ci-dessus.En haut
humlTité.Le cotnebackaura lieu entre à droite, la der-
r965 et r97o. Plus questiondimposer nière génération
une voiturejaponaiseau paysde I'auto- de Prius très en
mobile. Toyotarevient avecdes nou- Yogueaux Etats-
veautéset surtout desproduits adaptés Unis. Son moteur
à ce marché.La Coronaestdèsormais hybride en fait
un véhicule
indesrmctible,mème enlre les mains
réputé écologique.
d'un Américain. Mais surtout trois
modèlesbien compris : la Crown La suite est connue.C'estune leçon tué la poule aux ceufs d'or de Detroit.
Dehxe,une berlineV8, qui sembleune daméricanisation, avecrme réorgamsa- Sanscompter la Prius, élue North Ame-
waie voih.rre de cecôtede lAdantique: tion desventes-TABC Inc. (r97o)-,la rican Car zoo4, venduezz ooo dollars
l e z o o o G l , u n c o u p és p o r t i l q u e création d'un centretechnique - Toyota - à perte - mais qui fait croire au
- publicité fabuleuse, payée au prix TechnicalCenter (1977)-, puis d un éta- monde entier que 1âvoiture verte e)oste.
fort - JamesBond himself > va adop- blissementde crédit - ToyotaMotor Cre- Cettefois, il s'agit aussi,à traversune
"
ter; enfin un pick-up,basede la moto- dit Co (1982).Dans le même temps, stratégiedevenuemondiale, de séduire
risation du paysdesgrandesplaines. 1'entreprise s'implante industrielle- la récalcitranteEurope oir une flopée
Toyotaa tout compris de la clientèle ment. Pour f image et par respect,elle d'industriels saventfaire desvoitures.
locale. Sesproduits sont vendus tout ouwe en 1984avecGM uneusine com- Deswaies,vivanteset charmeuses,au-x
e q u i p é sc a r1é l o i g n e m e ndl e su s i n e s mune - Nummi - pour monter ce que moteurs performants, aux tenues de
interdit de proposerdes options.Ce lesAmericainsappelleronteux-mêmes route époustouflantes.Bref, de la tech-
serait exigerdes délaisde liwaison de < le systèmequi vachangerle monde >>. nologie sur roues. Alors, le marché
plusieursmois. Tândisquele réseause Mais le coup de force est ailleurs,Ia e u r o p é e nr a u t b i e nq u e l q u e se f f o r t s :
construit, Toyotasefait un nom tout en consbuctionprogressjve de huil usines une belle usine en Francequi masque
bâtissantson renom. Servipar Ie choc nord-américaines dont les produits toutescellesen constructiondansl'ex-
pétrolier, le constructeur propose au deviennentla coqueluchedes clients : E u r o p ed e l E s t . u n e g a m m e m o i n s
m o m e n l l e p l u s o p p o r t u n- c e l u io ù r zr modèlesallantde rr ooo à 56 ooo fade avecl'emblématiclue Prius que les
lAmérique rejette la voiture, boudant dollars, avecdes éléments phares, la E u r o p é e n sn e f o n t p a s . E t t a n t q u a
sesdinosauresà quatre roues-, desvor- Corollaplus américainequejaponarse, faire, une image sportive pour jouer
tures économiques, certes peu sexJ le Tàcomaqui a détrônéles pick-up de dansla cour desgrandsavecla création
mais tellement robustes. cow-boys.le RAV4.premier4x4à avoir d une écuriede formule r, même si elle
En j e u x N o v e n l ' . e z o o T 125
BERG'!
<<LES
CHINOIS
DEVRAIËNTDEVENIR
TEADERMONDIAL>>
F$
F+A
;3,lioi.?::';,î.Îi:x:f"
-marché
mondial?eI auto
I llt mobileavec19millions
Jl*T:.H:'e'JS#:'"r#1.'
d hui. Tandisque les Etats.Unis,I Europe
et le Japonr€steront stâblesà resp€ctive-
ment 16et rr millions d'unités.Mais.
à la différence de Toyota,compt€ tenu
de la taille de leur pays,les consùucteurs
chinois oourront devenir leadersmon-
diaux eri seconcentrantsur leur marche
intérieur. Leul stratésieintemationale
suirra sansdoute le s-chémauhlisé par
les laoonais et les Coré€ns.Tovotaa
comrirencéà exoorterdesvéhicules
simolesversl'Ahique,lAsiedu Sud-Est
et l'Âmédquelatinèa!"nt lesannées90.
Il estensuite entré en Europeet aux
Etats-Unis,et a commencéày produire
en 1995,cequrrura Perrrusoe lEsser
le palier de 5%de part de marché, les
Coréensont suivi à oartir de zooo. Partis
de o% du marché eir Europeen 1995,
setraîneen queuede pelotondepuis ment quand1esgondolessontvides, ils en sontà z.<o/o deouis2oor. On Deut
dattendre à ce-ouelei Chinois obtiénnent
zooz malgréses4oo millionsdebud- Cestlekanban.Lesateliersserontlilrés entre7 et roToén zors. Pourl'instant,
get annuel,le deuxièmedu plateau. en <<iuste-à-temos>>. Autre contrarnre ils soÉtbloquéspar lei barrièrestechno-
Maisavec+o milliardsdebénéûces, ces d'unè économiepaurre, secontenter logiques et iomrnerciales. A r ooo euros
danseuses sontdesgouttesd eau. d un minimum d outils.la plupartsont le tnnsport d'unevoitureentrela Chine
etl'Eurôoe.et fautede réseaucommer-
Quel est donc le secretde cette récupérés desEtats-Unis, maismodi- cial struituré, il n'y a pasde Dlaceen
anciennefabricue -sontextiiedu xr siècle fiés.-AuJapon,il est impensablede Europepour desvbitures d éntreede
qui a changé nom de Toyoda dédierune machineà un seulcapot. gamme.Mais un constructeurcomme
(..rizière féconde") pour un autrequi Un changementde matriced outil se Brillant a commencéà tesler desmodèles
moyennegamme,qéneau pour lequel
ne veut rien dire ? < Pour s'adapter,le fait en quelquesminutes,permettantà il nà pasairiourd'hui de dé5ouchésen
changement le pluspersonnelestà la Toyotad inventerla flexibilité. Chinè. Actriellement. à raison de
basedela réussite>.inculcueSakichi Ia main-dceuwedestimposéeapès loo ooo à soo ooo véhiculesDroduits,
Toyodaà sonfils Kiichiro. Partivisiter delonguesluttessociales en ry49-5o, [esdix prin-cipauxconstructeuis chinois
détienient séulement55%de leur
lesusinesFordavarrtla guerre,Kiichiro puis 1962.Ellea conquis1etravailàvie, marché intérieur. Iæssix premiers sont
comprenden 1945queToyotaMotor bâti 1aconfianceréciproquepatronat- tous err ioint-venture aveddessociêés
Corporationna pas 1es meilleurs syndicatqui lui offre la possibilitéde amencunes, Êponatsesou coreennes.
atouts:Iéconomieestravagée,1emar- donnersonavis,et ainsi d apporteren la consolidadondu secteurdermit inter-
venir dans les cinq ans qui viennenl,
chéminuscule,la main-dæuwe très oermanence desaméliorations: 1ekai- Sachantoue le marchéchinois est tlès
organiséepour refuserd êtrelicenciée 2era, ajoutéàun sensdeLhonneuret de polarisé:d'un côæ,un marchérustique
et devenirinterchangeable.I1n'y aura la responsabilité,est1acléd une qualité ôue les Occidentauxne saventDlusabor-
pasde TirenteGlorieusesau paysdu chaquejour améliorée. der mêmesila tomn estune tèntativede
réponse; de l'autrè, un marchétrès haut
Soleil-Levant. Toyotainventealorsson Edifiédans1acontrainte,Toyotapro- de gamme et de niche. Entre les deux,le
propresystèmeproduaf,le mûla, par- posedesproduitsà l'imagedescondi- ma'rchémoyennegamme està prendre.
faite antithèsedu gâchisoccidental.Sa tions du pays: desenginsinusables PourlesOccidentaux,la questionest
chanceestde s'organiser en vaseclos, maissansoriginalitéetsanscharme,et de savoirdils y particiDerontet ceà ouoi
dansun )aponprivéd importations. despropulsionsdotéesdepontsarrière ils sont prèts éri termi de transfert dà
technolôgie.tes Chinois rattrapmt hès
Le systèmeToyotanaît d une addi- et de freins à tambour au momem ou vrte leur reErrd en ce oomâflle. >
tion de contraintes,puis dela mise en LEuropegénéralisela traction-avant. Et * \âce-Diésidentdu cabinetEstin& Co,
lumièredesrésultats.Toutun étatd es- si Ie salutpassaitaussiparlà ) Cesvoi- eirteûae . b Croisièreiaune.. éhrdesur
le marchéchinois.
prit. Il estle fruit de 1aréflexiond un turesrustiquesne tombentiamaisen
ingénieur,TâiichiOhno,pèrede Loh- pannepoui la tranquillitédesclients.
nisme > ou du <<toyotisme>>.Dans " Evoluantà doseshoméopathiques,
un
payssansmoyens,il n estpasquestion elless'approchent desstandardsdela
d avoirdesstocksdenièces.[e coîrtest voituremoderne.Or,la simplicitéest
exorbitant.Autant fàire comme dans peucoûteuse,surtoutaveccetétonnant
lessupermarchés américains,réappro- systèmede productiondit MST - le
visionnerau fil desachats,mais seule- ManufactuingSystemToyote- o
En i e u x N o v e n b r e 2 o o 7 129
ï.
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, . P o r r rr t ' r r i lre s J e l r r s .l . s r r g e n i e t r l s eiel Orri linrl nrr rrrrnlrrr.q nlrr'rses' toute expériencealltomobiie. Ce qtti
de Toyota or-rtimpliqr-rétrès tôt toLl . Le salarié est appelé à faire partie arrâl1geTovota qui -r'ettttransformer
tes les équipes du n-rarketrng.de 1a ciel effèctif", " il doit avoir 1afbi clans s .l l q r . l a l r ae s i x
c e sr r c i e t i s : l t l i s . L l l e
prodnctiorrou ciesmétiroclesmatisils 1eTovota Wily>... Obéiss:rnce,ser-rs scttriLines c1etttraiuetnctrt,etl opéra
olrt alussipris 1eparti d'explorer p1u- c 1 e1 ' h o n n e u r e t es p r i t d e s a c r i f i c e tenrs po1.n-a1euts. capablesc1e ior-rer
sieurs .solutionsen para11è1e afrir de sont clesclualitésrecherchéestrès tôt t o u r : i t o u r l e s p o n t i e r s , 1 e sp i l o t e s
limiter 1es peltes de telr-rps >>,raconte d a n s l e p l o c e s s u sd e r e c m t e m e n t , de 1igne.1escrrristesor-tle s contrô-
Jeffi:eyLiker. La méthocle n'est pâs i r ô m e p o n r l e s p o s t e s 1 e sm o i n s l e u r s q u a l i t é .C e t e s p r i t d e d é v o u e -
s a n s c o n s é q L l e n c es L r r1 a q u i i l i t é qua1ifiés. Chaqr.rcnouvel ernbauci-ré l n e n t e s t l a l g e r r e u t e n t r e t e n L lp a r
d e s p r o d u i i s . . .e t 1 er . n o r adl e s t f o r i - d o i t a c c e p t e rd ' o u b l i er :s c s a n c r e r l l e n r o d e c l o L ' g a n i s a t i o ud u n t a n a -
p e s . . D a n s c e c l o m : i i n ri r u s s i ,i l 1 a , ' p q ) r : 1 | i n r r e çn n i l r ' q e c o t t V r , lt i t - n t t X gerr.rent.Décrite courme familiale,
peu clegâcl-ris >. note laconiqrlenlent u s d e 1 ' e n t r e p r i s eË . t'foyota sait 1irstructure tvpe rcssemble fÛrieu
S é b : r s t i e rL. re c h e v a l i e r c, h e r c h e u rà qui elri recmter. A Valeucienues, s c r r e ' t L. t u r c . n n r e e o i t r c 5 l t t e t r t
l ' I c o l c r ] c sl r : r t - l c.s u r l ,t . > t i . t r - r n el t l a n d e p a r t i c c l c s s a l a i i é s c s t o r d r c e t d i s c i p l i n e .L e s 3 9 5 o s a l a
' i o n n a L ' , n e i r ti s s i t ed e s m é t i e r s d c ' i , ' s r a l c r r i, e r r r r o i ss e r e f â r l i s s e n t
cessociaieser alrtetlrd uue étttdesttr
T o y o t ap o u r 1 ' H E CE u r a s i rï n s t i i l r t e . .t . ' r i r n t t l ; , i t q c',rs, t. i i s c"i sr ' r t i d a r - r sc l e sb a t a i l l o n s a n t o n o m e s c 1 e
s i n i e r s . . . ) . .l.l s p < ; s s è c i e rt ri ita f i - l i si c 3O a .1O.. Lttet'DbeLS rr comDranclés
INSUFFI-ËR L'TSPR!T KAMII{A'1I tac: et ie seLrsilr-rciicrti.,'-1r:ttxtlr,tLi p a r d e s< < s r o L l p e a r l e r s "q u i s e s u b
N'est pâs . To),otisic, qr-iri'eut l , . i : s . 1 1 , , ) i , 1 , ) t; ( ' l 1 ç 1 ç l r r , l : l.l . r i l i c t t . l i ri s c r r lc r c s c o r r r d c ds c q u r l r e r
Der,enir sirlarié tltl collstl tlcteLli l i e l e n i : i r l ' , . é c i a i r eE r i c 1 4 o y è r c I. l s c i n c ls a l a L i é sc l i L i g é sp a r c l e ss o r t e s
, ' . . . . , l , 1 : t , . ! f . ., l , i ; , - , i 1 ' 1 , . r a 1 i 1 , de sefgerts. les < teân.r Suite page71
r e v j e n t à a p p l i c l u e rl c d i s c r r r : i ' s. r i ' i

L ' U 5 l NNE0 U V E LI LNE" 3 0 2 t r 2 8 S E p T F i q2B1R0E5


>suitedela page
69 leaders ,. . I1 y
HEIJUNIG un côté très militaire, constate Bill
Sus à I'effet rafale ! Pouréviterlesoroductionsen
urgence, Ie plande marchede I'usineestlissésurplusieurs Belt, un consultant en organisation.
semaines. Celaobligeà jonglersanscesseentredesmodèles Ceux qui se démarquent du groupe
différentssurlignemaisceprincipe, heijunka,limitele sont donc très vite mal vus. >,
pourlesopérateurs
stress en garantissant
un rythmeassez
régulierde travail.
sEs
EcHoYERsArARrÉs
J Toyotasait aussiêtreaux petits
soinspour sessalariésultrasollici-
tés. Pasquestionde condamnerle
maladroit.<<Nousvoulons encou-
r a g e rl e s g e n s à s i g n a l e rl e s p r o -

7t7t7 b l è m e sp o u r n e p a s b r i s e r 1 ' é l a n
de créativité>,confieEric Moyère.

ry
., Nous pratiquonsun mode diffé-
rent de communicationbaséesur
la franchise,professeDidier Leroy,
le P-DG de TMMF. Je recherche
p o u r c e l a d e s m a n a g e r sc a p a b l e s
de se mettre au servicedes autres
et non dejugerou de condamneren
râlant.>>L'entrepriseveille à chaque
instant à se mettreà la portéede ses
opérateurs... en utilisant la roboti-
sationet les systèmesd'information
a v e cp a r c i m o n i e*. E t n o u s r e c o u -
r o n s à c e s t e c h n i q u e ss e u l e m e n t
quandla sécuritéde I'opérateurest
en jeu ou quand la complexitédu
travail est telle que la qualitésou-
haitéene peut être atteinteà main
d'homme>>, assureun responsable.
In fine,chaque.. member>doit pou-
voir comprendrele fonctionnement
du processus auquelil participe.
Pour motiverses<.ouaillesrr, 1'usine
de Valenciennesa égalementdéve-
loppé un systèmed'intéressement
c a l c u l és u r d e s o b j e c t i f sd e q u a -
l i t é , d e s é c u r i t ée t d e r e s p e c td u
plan de productionhebdomadaire.
Depuisle débutde l'année,chaque
< T o y o t i s t e >d, u P-DGau <<mem-
b e p d e b a s e ,a a i n s i t o u c h é u n e
prime identiquede 2oo eurosbrut
par mois. Les meilleursont égale-
ment bénéficiéd'une politique de
JIDOKA
Larobotisationà promotionsinternesdynamiqueset
taillehumainetait POKAYOKE rapides.Depuis2oo1,surle sitenor-
partiedu credode limiter lesrisques diste,779personnes ont pu grimper
Toyota.Pasquestion d'erreulsc'estles
de mettreun robot prévenir en aidantles à l'échelonsupérieurpar cettevoie.
q u a n ou n n o m m e à fairebon du
salariés Qui dit mieux?
p e u tf a i r ea u s sbi i e n . premiercoup.Pourcela,
< U n em a c h i n n Toyotaa mis en place
vousproposera
ee
jamais desstandards et inventé ficurnvrn E sENs DucUENT
>, lesdétrompeurs (pokayoke). llf Le client, c'est | sacré C'est
de solution
explique, légèrement Endonnantdesformes l u i q u i t i r e t o u t e l ' o r g a n i s a t i o ne n
i r o n i q u eu,n auxpièces
différentes et auxoutils,le salariélimiteau fonction des besoins qu'il exprime.
responsable deToyota. maximumleserreurs oarinadvertance.
Et les usines Toyota Suiie Page 73 >

L'UsINE
NOUVELLE 2006
I N" 3024I 28SEPTEMBRE
> S u id t eel ap a g e 7 1 " s o n t l e s p r e -
mièresconcernées par ce principe.
Non seulementle rythme de la pro-
| | Uneévolution
seranécessaire',
duction est calésur les commandes
Sébastien
Lechevalier,
chercheurà
I'Ecote
des
hautes
maisellesdoiventen plus assumerle (Ehess)
coût du serviceaprès-vente en pre-
-. études
ensciences
sociales
età laMaison
auteur
franco-japonaise,
de(lToyotapeut-il
CHROME
tVrl,:
nant en chargela garantiede trois
ansofferteavecchaquevéhicule.Un
sauver
I'HE[
lemonde
Eurasia
?) Dour
lnstitute.
loisseztomber!
trophéeest mêmedécerné,chaque ((['undesdangers qui guettele plus
année,pour récompenser les sitesle Toyota, c'estla sufhsance. Habitué
plus performantsdansce domaine auxpositions de challenger,
- Valenciennes s'estclassédeuxième I'industrielva seretrouver leader
l'an dernier.Cetteattentionextrême, : danslesprochains mois.
Toyotal'oriente aussivers sesfour- Saura-t-ilmaintenirsonexcellence danscecontexte?
nisseurs...Impossible,en effet,d'af- Nulne le sait.ll va en tout casdevoirseflxerde nouveaux
f i c h e r u n s y s t è m ed e p r o d u c t i o n objectifspourremobiliser sessalariés. Levirageneserapas
efflcacesi les sous-traitantsen sont simpleà négocier. Surtoutavecla nouvellegénération.
mis à l'écart.Aux Etats-Unis,Toyota Ellen'acceptera pasforcémentd'êtrepressurée comme
M o t o r M a n u f a c t u r i n ga c r é éu n e les<<anciens>>, deseretrouver en permanence surlefil
entité à part entière chargéede dif- du rasoir.Conséquence, sijusque-là leshommes
fuserla culturequalitéchezsespar- s'adaptaient assezbienauxcontraintes du système
tenaires.Cetterèglede vie devrait de production (TPS), demain,c'estlui qui devraévoluer.
p e r m e t t r ea u j a p o n a i sd e d e v e n i r S'ilne lefait pas,il mourraetToyota seraaffaibli...
l e p r e m i e r c o n s t r u c t e u rm o n d i a l fauted'avoirsus'adapterà tempsauxnouvelles attentes
d'automobilesen 2oo7...soixante- de la main-d'æuvre. > DELTA.PROTEKT"
dix ans aprèsla sortie de son pre- Protections
mier modèle,la AA. onti-corrosion en
M a i s c e t t e p r e s s i o np e r m a n e n t e couche mince.
NEPAs5EREPOSER peut égalementgénérerdes effets
SURSESTAURIERS
Le premierennemide Toyota,c'est
pervers,en incitantpar exemplecer-
tains salariésà cacherles défauts.
tifri':?""")l',il
Toyota! Croulantsous les succèset Dernièrement,trois dirigeantsde
les superlatifs,ayant éliminé un à Toyotaontété épingléspar les auto- Systèmes anticorrosion
de haute performance,
un sesconcurrents,le constructeur ritésjaponaisespour avoirocculté
exempts de chrome (Vl) :
ne craintqu'uneseulechose:I'auto- pendanthuit ans certainesfailles
s a t i s f a c t i o nU. n b o n < T o y o t i s t e > sur le modèleHilux Surf. Le scan- I Revêtements de zinclamellaire
est ainsi prié d'affichersa modes- dale a contraint cet été le président avec protection cathodique.
tie -parfois jusqu'à outrance- Watanabeà fairedesexcusespubli- I Protectionanticorrosion
optimaleen couchesminces.
e t d e f a i r e p r o f i l b a s . < < N o u sn e ques...et à reconnaîtreles faiblesses
I Solutionsrépondantà diverses
nous contentonsjamais du niveau rirr crrctème
exigencestechniques.
atteint>>, avanceen guised'explica- En zoo5, 2,5 millions de véhicules I Bassestempératuresde
tion DidierLeroy,le P-DGde TMMF. ont étérappeléspour desproblèmes cuisson.
Quotidiennement,chaquesalarié de qualité en I'espacede deux mois I Répondaux exigencesen
nordiste est invité à se remettreen seulement.Un gouffre que le futur matièred'environnement de
cause.Avecune questionlancinante numéro r mondial devra combler l'industrieautomobileet de
: < Q u ' a s - t uf a i t a u j o u r d ' h u ip o u r rapidements'il veut conserverson la directiveUE 2000/53/CE
améliorerton travail, ta producti- leadershio.r relativeauxvéhiculeshors

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v i t é ? >< S ' i l l e f a u t , n o u s s o m m e s d usage.
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liorer.> Messagereçu : pas ques- méthodologie Fax03 89 56 40 25 t
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System(TPS)>,assurele chercheur industrielle.
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Sébastien Lechevalier.
d'organisation -e l.t
IA
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2006
I N" 3024I 2BSEPTEMBRE
I'UsINENOUVEIIE
U N I V E R S I T E P A R I S 1 P A N T H E O N S O R B O N N E

Management des
Opérations
MBAIP
Christine TRIOMPHE

Fiches Lean
Management des Opérations 41

SEANCES 6 et 7
Management Lean
L’amélioration des processus

Objectifs de la séance :
• Expérimenter le Management Lean, ses principes et ses principaux outils, à
travers un jeu de rôles
• Savoir analyser un processus et calculer les indicateurs suivants :
• takt time
• temps de cycle
• temps de production total
• temps d’écoulement
• ratio de fluidité ou % valeur ajoutée.

Cas à traiter :
Cas SymColor

Livre de référence à lire :


Chapitre 4 p100-112

Articles joints
Fiches Lean
Management des Opérations 45

SEANCE 8
Le Management Lean et la
méthode Kanban
Démarche 6SIGMA

Objectifs de la séance :
 Discuter de l’application du Lean Management
 Discuter de la démarche 6SIGMA
 Comprendre la méthode Kanban

Cas à traiter :
6Sigma (et Kanban)

Livre de référence à lire :


Voir programme

Articles joints
Management des Opérations 46

Cas : Six Sigma à Xchanging


Adapté et traduit de « Six Sigma at Xchanging, Slack et al., 2014 » par C. Triomphe

«Je pense que la démarche Six Sigma est puissante. Un processus fonctionnant à
moins de 3,4 dpm signifie que vous vous rapprochez de la perfection. Mesurer les
défauts par opportunité permet vraiment d’analyser et d’améliorer les processus.»,
dit Paul Ruggier, responsable des processus à Xchanging, et ferveur partisan de
Six Sigma ; il met le succès de l'entreprise, au moins en partie, au crédit de cette
approche.

Xchanging, créée en 1998, est un nouveau type de société, fonctionnant comme


une entreprise de sous-traitance pour les fonctions de back-office pour diverses
entreprises, telles que la compagnie d'assurance Lloyds à Londres. La proposition
de Xchanging est pour l'entreprise cliente de transférer l'exécution de la totalité, ou
d’une partie, de ses fonctions de back-office à Xchanging, soit pour un prix fixe, soit
pour un prix déterminé par les économies réalisées. Le défi de Xchanging est de
gérer le back office de manière plus efficace et efficiente que ne le faisait la société
cliente par le passé. Ainsi, plus Xchanging est efficace dans la gestion de ses
processus, plus grands sont ses bénéfices. Pour atteindre ces gains d'efficience,
Xchanging travaille à plus grande échelle, avec un niveau plus élevé d'expertise des
processus, de spécialisation et d'investissement dans la technologie. Mais, avant
tout, Xchanging utilise une approche Six Sigma.

«Tout ce que nous faisons peut être divisé en processus » dit Paul Ruggier, «cela
peut paraître plus simple dans les entreprises de fabrication, car ils utilisent un
grand nombre d'outils et de techniques de Six Sigma depuis des années. Le concept
d'amélioration des processus est relativement nouveau dans de nombreuses
entreprises de service. Pourtant, ce concept est puissant. Grâce à la mise en œuvre
de cette approche, nous avons obtenu 30 % d'amélioration de productivité en 6
mois.»

«Il y a cinq étapes dans le processus d'amélioration de Six Sigma» explique


Rebecca Whittaker, qui est ce que les praticiens Six Sigma appellent un « Master
Black Belt » (un praticien expert) de la technique Six Sigma. L'entreprise a adopté
cette approche Six Sigma pour gérer ses projets d'amélioration, y compris la
terminologie associée pour les praticiens : Master Black Belt (Maître ceinture noire),
Black Belt (ceinture noire) et Green Belt (ceinture verte). Atteindre le statut de Black
Belt est très recherché.

Rebecca Whittaker remarque : «À la fin d'un projet, il s'agit d’obtenir un processus


redessiné en profondeur, simplifié et consolidé, afin que les gens disent : «C'est
tellement mieux qu'auparavant». Ce processus améliore leur vie et les résultats de
l'entreprise, et c’est cela qui qui valorise un Black Belt». Rebecca a été recrutée par
Management des Opérations 47

Xchanging avec un certain nombre d'autres Master Black Belts, dans le cadre d'une
décision stratégique de lancement de Six Sigma dans la société. Cette fonction de
Master Black Belt est considérée comme particulièrement importante par la société ;
les Master Black Belts sont censés être experts dans les techniques Six Sigma et
être capables de dispenser la formation et le savoir-faire afin de faire progresser
d'autres membres du personnel au sein de l'entreprise. Dans le cas de Rebecca,
elle a travaillé comme un facilitateur de Six Sigma pendant cinq ans, initialement
comme Green Belt puis comme Black Belt.

En règle générale, une personne identifiée comme ayant des compétences


analytiques et interpersonnelles sera sélectionnée, formée et plongée dans les
concepts d'amélioration, puis envoyée pour travailler avec le personnel de
production comme chef de projet/animateur ; son rôle en tant que Black Belt sera
de guider le personnel de production pour apporter des améliorations dans la
manière de travailler. Une des nouvelles Black Belts à Xchanging, Sarah Frost, tient
à insister sur la responsabilité qu'elle a envers les personnes qui auront à travailler
dans le processus d'amélioration. «Un Black Belt est un chef de projet. Il doit
travailler avec le personnel et combiner ses compétences et sa connaissance du
processus Six Sigma avec leurs connaissances de l'entreprise. Vous devez toujours
vous rappeler que vous, vous irez sur un autre projet, mais qu’ils (le personnel du
processus) auront à vivre avec le nouveau processus. Il s'agit de créer des solutions
en lesquelles ils peuvent croire.»

Questions
1. Quels sont les objectifs de la méthode Six Sigma ?

2. Quels sont les étapes d’un projet Six Sigma ? Vous expliquerez sommairement
les objectifs de chaque étape.

3. Un des processus, réalisé par Xchanging pour une compagnie d'assurance


française, consiste à traiter les dossiers de sinistres et à indemniser les clients
ayant subi des dommages. Si le montant estimé du sinistre est inférieur à 2000€,
le traitement du dossier se fait uniquement à distance (sans intervention
physique d’un expert chez l’assuré). Un échantillon de 300 dossiers a été tiré au
hasard et analysé : 51 dossiers comportent 1 ou plusieurs défauts, et il y a au
total 74 défauts. 4 types d’erreurs ont été observés : erreurs de codage, erreurs
sur les conditions du contrat, erreurs sur l’évaluation des responsabilités et
erreurs de notification.

Calculer le pourcentage de dossiers défectueux, de DPU (defects per unit) et de


DPMO (defects per million opportunities).

Que signifie 3.4 DPMO ? Pourquoi est-il important pour l’entreprise Xchanging
d’avoir des processus à 3.4 DPMO ?
Management des Opérations 48

4. Quels sont les avantages et les inconvénients de la démarche qui consiste à


spécialiser des Black Belts dans la conduite de projets d'amélioration en leur
faisant quitter leur poste ? Comparer avec d’autres démarches d’amélioration
des processus comme le reengineering et le Kaizen.
Management des Opérations 49

Cas Kanban
Rédigée par C. TRIOMPHE

Votre entreprise souhaite mettre en place le JAT. La première étape consiste à


mettre en place un système Kanban entre les ateliers de sous-assemblage et
d’assemblage final. Vous devez calculer le nombre de cartes Kanban requis dans
la boucle entre ces 2 ateliers.

Les caractéristiques du système de production sont les suivantes :


 L’atelier fonctionne 7 heures par jour
 La chaîne d’assemblage final consomme 1750 pièces A par jour
 Le temps de réglage de la machine est de 1 heure
 Le temps opératoire des pièces A est de 6 secondes
 La capacité des conteneurs est de 100 pièces
 La manutention d’un conteneur d’un atelier à l’autre prend 15 minutes
 Il est prévu de réaliser le ramassage des cartes Kanban toutes les heures
 Le temps d’attente moyen des conteneurs pleins dans le stock amont est
estimé à 5 minutes.

Questions
1) Vérifier globalement l’équilibre charge-capacité.

2) Calculer le nombre de Kanban nécessaire au fonctionnement de la boucle


en faisant l’hypothèse qu’il n’y aura pas d’attente avant la production.

3) Calculer le nombre de Kanban nécessaire au fonctionnement de la boucle


en faisant l’hypothèse qu’il n’y aura pas d’attente avant la production, et que
la taille des lots de production est de 1000 pièces pour A.

4) En fait, le poste amont (sous-assemblage) produit 2 références, par


conséquent le délai d’attente maximum prévisible est de 3 heures. Calculer
le nombre de Kanban nécessaire au fonctionnement de la boucle sous cette
hypothèse, indiquez le niveau de lancement et le seuil d’alerte.

5) Que faudrait-il faire pour améliorer le fonctionnement du système ?


Management des Opérations 50

SEANCE 8
Articles
Management des Opérations 53

SEANCE 8
Articles
INTRODUCTION 1

I n t r o d u c t i o n

Toute entreprise
peut être transformée

Pour la majorité des gens l’idée de « transformer » l’entreprise


évoque un certain nombre d’opérations précises : compression de
personnel, vente ou clôture des activités en perte de vitesse, ces-
sion des actifs excédentaires, réduction de la dette, augmentation
des bénéfices à court terme, enfin cession de l’entreprise elle-
même. Ils n’imaginent pas qu’une entreprise cherche à améliorer
son mode de création de valeur ajoutée pour mieux se transformer.
Pourquoi ? La raison tient sans doute au fait que l’on associe sys-
tématiquement le terme de transformation aux opérations de réin-
génierie financière mentionnées ci-dessus. Par ailleurs, la
quasi-totalité des entreprises, bonnes ou mauvaises, tendent à
considérer leurs activités porteuses de valeur ajoutée comme une
chose acquise. La mentalité du « nous avons toujours procédé
ainsi » a encore de beaux jours devant elle.
Pourtant, si on prend du recul et si on y réfléchit, c’est préci-
sément la manière dont une entreprise crée de la valeur ajoutée
qui la distingue de ses concurrentes. C’est en réalité ce qui prime
et ce qui conditionne sa réussite à long terme. Et la seule straté-
gie qui vaille consiste à tenter d’améliorer chaque élément sus-
ceptible d’apporter de la valeur ajoutée. Il n’existe pas de
transformation effective de l’entreprise si l’on ne transforme pas

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2 LE VIRAGE LEAN

également chaque activité porteuse de valeur ajoutée, en suppri-


mant le gaspillage et en laissant la valeur affluer vers le client.
En appliquant ce précepte, toute entreprise, performante ou non,
à quelque secteur qu’elle appartienne, qu’elle soit spécialisée dans
la production ou la fourniture de services, est susceptible d’être
transformée – y compris la vôtre.
Améliorer vos opérations (vos activités à valeur ajoutée) en
cherchant à détecter et à éliminer le gaspillage devrait devenir
votre priorité, le cœur de votre stratégie. En mobilisant l’en-
semble du personnel sur cet objectif, il ne s’agit pas de créer
seulement un levier stratégique, mais d’instaurer dans l’entreprise
une culture de l’amélioration continue ou kaizen1 (selon la termi-
nologie propre à Toyota). Et lorsque vous aurez atteint ce stade,
vous deviendrez pratiquement invincible.

Définir un plan d’action


J’ai appris qu’en changeant simplement de regard sur la manière
d’aborder la création de valeur dans l’entreprise, on s’ouvre à
des opportunités que l’on ne soupçonnait pas. Telle est la raison
d’être de ce livre : vous montrer comment créer davantage avec
moins. Ce n’est pas difficile. Nous allons vous expliquer com-
ment modifier vos priorités pour améliorer ce qui est porteur
de valeur ajoutée dans votre entreprise et nous vous fournirons
les outils qui vous permettront d’identifier et d’éliminer le gas-
pillage. J’y suis moi-même parvenu grâce aux principes Lean
développés à l’origine chez Toyota par Taiichi Ohno et ses
équipes.

1. Kaizen, un terme que je reprends souvent, signifie mot à mot en japonais « rendre
quelque chose meilleur ». Utilisé par Toyota Motors, il se réfère à l’idée d’amélioration
continue. Une culture kaizen n’est pas autre chose qu’une culture de l’amélioration
continue. Kaizen peut également désigner une activité d’amélioration, comme un évé-
nement kaizen d’un week-end ou un atelier. Le bureau du kaizen est une fonction de
l’entreprise responsable des activités d’amélioration continue, tel le bureau de promotion
du kaizen ou KPO.

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INTRODUCTION 3

Depuis 1982, j’ai mis en œuvre les principes Lean dans plu-
sieurs entreprises. J’ai conduit ou inauguré la conversion au
système Lean dans plus de trente entreprises (ou filiales) répar-
ties dans quatorze pays différents. Je ne portais pas toujours le
même titre, mais j’ai assumé à chaque fois la responsabilité du
changement. Je n’étais ni responsable du bureau du kaizen, ni
consultant, ni spécialiste de l’amélioration continue mais un
dirigeant comme vous, qui s’efforce d’améliorer les résultats de
son entreprise. J’ai utilisé les principes Lean en les mariant à
des recettes de management plus traditionnelles et en faisant
appel au bon sens.
Je peux me féliciter ici que mon approche a toujours produit
des résultats exceptionnels pour l’ensemble des parties prenantes.
En 1987, George Koenigsaecker (qui veillait aux destinées de
Jacobs Engine Brake en tant que président) et moi avons imposé
le système Lean chez Danaher Corporation. Depuis lors, les prin-
cipes Lean ont joué un rôle de premier plan ; tant du point de vue
de la croissance de l’entreprise, passée de 1 milliard de dollars à
17 milliards de dollars, que de sa réputation comme l’une des
entreprises industrielles les plus performantes des États-Unis.
Pendant mon mandat de PDG de Wiremold Company de sep-
tembre 1991 à juillet 2000, ma décision d’appliquer la stratégie
Lean a permis de multiplier par quatre la taille de l’entreprise et
d’accroître sa valeur de 2 476 %.
Je me suis formé aux principes Lean avec l’aide de quatre
membres de Shingijutsu Company qui avaient travaillé pendant
plusieurs années chez Toyota sous la direction de Taiichi Ohno.
Ils m’ont monté comment organiser un chantier kaizen, quelles
formes et quelles pratiques utiliser et comment diffuser la philo-
sophie Lean dans toute l’entreprise. Je suis convaincu qu’on ne
peut transformer une entreprise avec succès grâce à la stratégie
Lean, sans adhérer le plus étroitement possible aux préceptes
développés par Toyota. Simultanément, j’ai conçu ma propre
méthode de gestion de ce processus. Si mes sensei (mes maîtres)
de Toyota m’ont initié au maniement des outils Lean, il a fallu
que j’apprenne de moi-même par essais successifs à les combiner
pour aboutir à une stratégie à part entière.

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4 LE VIRAGE LEAN

Au début de notre initiation à la méthode Lean chez Danaher


Corporation, alors que nous nous trouvions Georges Koenig-
saecker et moi en compagnie de Yoshiki Iwata, le président de
Shingijutsu, nous lui avons posé cette question : « Comment le
groupe Toyota peut-il concéder à d’autres entreprises une arme
stratégique aussi redoutable que le système de production Toyota
(TPS) ? » (Le terme Lean n’avait pas encore été inventé.) Dès le
départ, George et moi l’avions en effet perçu comme un avantage
stratégique décisif. Appliqué dans les règles, il avait le pouvoir
de tout changer – il rendait invincible l’organisation qui le maî-
trisait. La réponse d’Iwata fut instructive. « Je peux vous enseigner
les principes du TPS, je peux même vous montrer concrètement
comment il fonctionne. Mais je vous parie que vous ne réussirez
pas à l’appliquer chez vous. » J’ai constaté au cours des années qui
suivirent à quel point il avait vu juste. S’il est facile d’expliquer
comment transformer les activités à valeur ajoutée et la culture
de l’entreprise et d’en tirer parti sur le marché, c’est plus com-
pliqué à mettre en œuvre. Voilà pourquoi il vaut mieux disposer
d’un plan d’action à la fois simple, répétable et adaptable à tout
type d’entreprise.
Ce livre montre comment transformer une entreprise – de
production ou de services – en réalisant des produits de qualité
avec moins de ressources, en sauvegardant les emplois, en défi-
nissant la valeur réelle de manière fiable et répétable, grâce à la
pensée Lean. Puis en exploitant ces acquis sur le marché pour
générer de la richesse et apporter un bénéfice personnel à toutes
les parties prenantes.

Effectuer un virage à 180°


Fondée sur l’idée qu’il n’y a pas de réussite possible en continuant
d’ignorer les activités à valeur ajoutée ou en les tenant pour
acquises, la démarche Lean se situe à l’opposé des principes de
management moderne qui nous ont été enseignés. Preuve, s’il en
est, que nous continuons à vivre selon ces préceptes dépassés, nous
passons tous une bonne partie de notre temps à tenter de

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INTRODUCTION 5

convaincre nos clients d’accepter nos façons de procéder au lieu


d’essayer de répondre à leurs attentes.
De fait, quand il s’agit d’améliorer les résultats de l’entreprise,
l’approche managériale moderne s’intéresse à tous les aspects, sauf
aux activités à valeur ajoutée. Les entreprises de services, par
exemple, installent un nouveau système informatique (coûteux)
au lieu d’analyser les processus de travail en eux-mêmes – avec
comme seul effet d’automatiser le gaspillage existant, non de le
supprimer. Dans le secteur manufacturier, on développe en prio-
rité de nouveaux produits, on investit dans des équipements
d’automatisation gourmands en capital, ou, de plus en plus sou-
vent, on externalise les activités réellement porteuses de valeur
ajoutée à des fournisseurs à bas prix situés en Chine.
En tant que spécialiste du capital-investissement, je vois se
refléter la philosophie du management moderne dans les pré-
visions qui nous sont communiquées avant toute opération
d’acquisition. Le plus souvent, elles font état d’une augmenta-
tion faible ou graduelle des marges à terme et reprennent des
données clés du bilan comme la rotation des stocks. Dans l’es-
prit des responsables, les progressions les plus spectaculaires
sont à attendre d’un produit ou d’un marché nouveau qui chan-
gera le portefeuille de l’entreprise. On lit rarement des prévi-
sions portant sur les gains (soit sous forme de marges ou en
termes de parts de marché) générés par des changements fon-
damentaux dans la manière dont l’entreprise crée de la valeur.
En résumé, si les entreprises classiques sont capables de croître
et de transmettre de la richesse, elles s’avèrent moins perfor-
mantes dès lors qu’il s’agit de créer de la richesse en améliorant
leur productivité.
Prenons l’exemple d’une entreprise de services qui met 20
ou 30 jours pour répondre à une demande de prix, alors que la
concurrence réagit en 18 à 20 jours. Cette même entreprise
connaît le danger auquel elle s’expose, ce qui n’empêche pas
ses responsables à tous les niveaux d’expliquer qu’il est impos-
sible de raccourcir les délais. Ils cherchent la parade en propo-
sant éventuellement des produits nouveaux dont les
caractéristiques compenseront les délais d’attente ou bien ils

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6 LE VIRAGE LEAN

installent un coûteux dispositif informatique (sans garantie de


réussite) censé les réduire. L’entreprise dispose d’un réseau
d’agents et d’intermédiaires commerciaux qui représentent
probablement quatre ou cinq produits concurrents. La situation
est donc claire. Si elle avait la possibilité d’utiliser les outils
Lean et d’améliorer sa valeur ajoutée en limitant ses délais à
10 jours seulement, elle dominerait le marché. Les nouveaux
produits ne constitueraient qu’un plus. Le problème reste que
comme la plupart des entreprises, elle ne voit pas les avantages
stratégiques qu’apporte l’amélioration de leurs activités à valeur
ajoutée.

Ouvrez les yeux


Pour vous aider à transformer votre entreprise, je dois vous
conduire à envisager les choses de manière différente. Vous
devez « ouvrir les yeux » et apprendre à voir le gaspillage qui
pollue vos activités porteuses de valeur ajoutée. Si je faisais le
tour de votre usine ou de vos bureaux avec vous, je détecterais
partout des opportunités qui vous échappent. Inutile de vous
stresser ; vous ne modifierez pas vos habitudes en une nuit, mais
si vous suivez la méthode que je préconise, vous y parviendrez
rapidement.
Dans le secteur manufacturier, le principal obstacle au flux de
valeur est la longueur des temps de changement d’outils. Suivant
la démarche Lean, vous devez les raccourcir pour qu’ils ne
dépassent pas une durée à un chiffre (au-dessous de 10 minutes).
Fort heureusement, c’est un objectif facile à atteindre et peu
coûteux en capital. Le principal obstacle à surmonter est la résis-
tance des contremaîtres, des ingénieurs et des techniciens char-
gés de lancer les processus. Ils vous opposeront toute une liste
de raisons expliquant pourquoi il est impossible de réduire les
deux ou trois heures de délais. Pour vous permettre de contrer
leur argumentation, j’ai reproduit dans le tableau I.1 les résultats
que nous avons obtenus chez Wiremold sur différents équipe-
ments en l’espace d’une semaine. La réduction moyenne obtenue

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INTRODUCTION 7

était de 91 %. Et cela ne constituait encore qu’un début. Pour


les presses à injection, le temps de changement d’outils a même
été réduit à 1 ou 2 minutes par la suite.

Délai de changement d’outils (en minutes)


Type d’équipment Avant Après % de réduction
Laminoir 720 34 95 %

Presse de 150 tonnes 90 5 94 %

Presse à découper 52 5 90 %

Poinçonneuse 1228 64 5 92 %

Extrudeuse 2 1/2 180 19 89 %

Presse à injection 120 15 88 %

Réduction moyenne des délais de changement d’outils = 91 %

Tableau I.1 Exemple de résultats : réduction des délais de changement


d’outils à l’issue d’une semaine de chantiers kaizen

Quand le temps de changement d’outils est court, tout change.


Le client est directement relié à la cellule de production et au
personnel qui crée de la valeur ajoutée. Cette nouvelle relation
avec le client accroît l’implication des employés, ils comprennent
mieux les objectifs de l’entreprise en termes de satisfaction des
clients. La réduction des délais de changement d’outils se traduit
aussi par un allégement des coûts, l’amélioration de la qualité,
une réduction du temps de réalisation et un service au client
supérieur. Résultat : vous gagnez des parts de marché et bénéficiez
d’une croissance plus rapide que la moyenne de votre secteur.
Ne croyez pas pour autant que ces considérations s’appliquent
exclusivement à la fabrication ! Il existe partout des opportunités
similaires. Considérez par exemple les entreprises de services.
Dans leur cas, le gaspillage existant dans les activités à valeur
ajoutée se trouve le plus souvent masqué par la structure organi-
sationnelle qui a été mise en place et s’est développée avec les
années. Chaque fief coïncide avec une fonction qu’il est seul
capable d’assurer (selon le domaine de spécialisation ou les capa-

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8 LE VIRAGE LEAN

cités du personnel qui y travaille). Prenons l’exemple d’une


demande de prêt à la banque. Elle transite par six services diffé-
rents qui se trouvent à six étages différents avant d’être finalement
accordée ou refusée. Les documents vont circuler entre les étages
plusieurs fois dans une seule journée. Pour peu que le dossier
atterrisse sur le bureau d’une personne qui se trouve en réunion
tout l’après-midi, il ne sera traité que le lendemain matin. Et s’il
arrive sur celui d’un employé qui s’est accordé le jeudi et le ven-
dredi de congé, il restera en attente jusqu’au lundi. En ajoutant
tous les retards susceptibles de se produire, on arrive à trois ou
quatre semaines en moyenne pour boucler le dossier de demande
de prêt.
Que se passerait-il si on avait envisagé l’opération en termes
de valeur ajoutée ? Nous savons que le courrier contenant entre
autres les demandes de prêts arrive chaque jour à 10 h et à 14 h.
Et si on réunissait autour d’une grande table une personne issue
de chaque fief (c’est-à-dire de chaque service concerné) ? Il suffirait
de vider le sac de courrier devant la première personne qui exa-
minerait la demande et la passerait à la suivante, laquelle la trans-
mettrait à la troisième… chaque employé traitant la partie qui
le concerne. Le déroulement du processus complet serait plus
proche de trois minutes que de trois semaines. En cas d’augmen-
tation du volume des demandes de prêt, pourquoi ne pas ajouter
une ou deux tables supplémentaires, ou étudier le moyen d’accé-
lérer le flux à la première table (ce qui revient à accroître la pro-
ductivité) ?
Quoi qu’il en soit, le fait de privilégier les activités à valeur
ajoutée en réponse aux exigences du client aurait un impact
considérable sur la valeur que l’entreprise apporte à ce client
– sans parler des retombées positives sur les coûts, l’espace
utilisé et la qualité. Imaginez les avantages compétitifs que
vous gagneriez à traiter une demande de prêt en deux jours au
lieu des trois ou quatre semaines nécessaires à vos concurrents.
Quel merveilleux argument publicitaire à diffuser sur la chaîne
de télévision locale ; les clients se bousculeront devant votre
porte !

© 2014 Pearson France – Le virage Lean – Art Byrne

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INTRODUCTION 9

Avant tout, vous devez comprendre l’intérêt du flux continu


par rapport au système des lots2 pour les activités à valeur ajoutée
– il ne s’agit pas seulement d’accroître votre production, mais
d’acquérir les outils vous permettant de « voir » les opportunités
qui s’offrent à vous et d’apprendre à les exploiter. Ce livre vous
guidera étape par étape tout au long du processus.
Deux exemples témoignent des bénéfices apportés par la
démarche Lean. Aux États-Unis, un grand nombre d’hôpitaux se
sont convertis au Lean ; parmi eux, le Virginia Mason Medical
Centre à Seattle, dans l’État de Washington, et Thedacare à
Appleton, dans le Wisconsin. Les principes Lean, rappelons-le,
sont transposables à différents types d’organisation, y compris à
votre propre entreprise.

Créer plus avec moins


Comment mesurer l’efficacité de la stratégie Lean ? Voici, à titre
d’illustration quelques résultats significatifs de ce que vous pou-
vez espérer.
Tous les ans, j’emmène au Japon une vingtaine de cadres diri-
geants de notre groupe. Pendant une semaine, nous visitons des
usines – entre autres, celles du groupe Toyota – particulièrement
avancées dans la pratique du Lean. Le but de ce déplacement est
de nous rendre compte du chemin qu’il nous reste à parcourir
pour arriver à la perfection. La plupart de mes compagnons se

2. C’est ce qui distingue fondamentalement le mode d’opération traditionnel et la


méthode Lean. La manière traditionnelle de travailler (c’est-à-dire d’ajouter de la valeur)
pour toute entreprise – de production ou de services – ou pour un hôpital est de pro-
céder par lots. Tous les dossiers, par exemple, arrivent au département A, où ils
séjournent jusqu’à ce qu’ils soient tous traités, puis partent au département B, C, D,
E, et ainsi de suite. Dans le cas d’un fabricant, celui-ci produira pendant la première
semaine du mois des articles rouges, puis pendant deux semaines des articles bleus, et
la dernière semaine du mois des articles verts. Ce processus allonge les délais de pro-
duction et représente également l’inconvénient de masquer le gaspillage existant. Le
flux, à l’inverse, organise le travail de telle sorte qu’une fois le traitement du dossier ou
du produit entamé, il ne s’arrête pas et n’est pas interrompu tant que le dossier ou le
produit n’est pas complètement terminé. Contrairement aux systèmes par lots, cette
manière de procéder révèle le gaspillage existant et réduit le temps de réalisation.

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10 LE VIRAGE LEAN

sont déjà familiarisés avec la méthode Lean dans leur entreprise,


mais ils ont besoin d’en voir concrètement les effets pour évaluer
l’objectif à atteindre. Il y a quelques années, nous nous sommes
rendus chez un fournisseur de premier rang de Toyota. Au cours
de la séance de questions/réponses qui concluait la visite, les sept
ou huit managers présents nous apprirent que l’entreprise dispo-
sait seulement de deux jours de stock total (matières premières,
encours et produits finis). Dans mon discours de remerciement,
je mentionnai que les quatre entreprises de notre groupe partici-
pant à ce voyage comptaient, chacune entre 70 et 80 jours de
stock. L’information, une fois traduite, déclencha chez nos hôtes
des regards perplexes et des manifestations d’incrédulité. Ce
chiffre leur semblait inouï. Sachant que je luttais sans cesse pour
convaincre nos responsables d’accélérer la rotation de leur stock,
je me réjouissais de cette occasion de leur prouver qu’une entre-
prise peut se contenter de deux jours de réserve. Après cela, ils
n’auraient plus aucune excuse…
Comment le management et la stratégie Lean peuvent-ils vous
aider à transformer votre entreprise ? D’après mon expérience et
celle d’autres acteurs du secteur de la fabrication, voici les résul-
tats auxquels il est possible de parvenir :
◆ Réduction des délais de réalisation de plusieurs semaines à
quelques jours.
◆ Rotation du stock multipliée par deux en deux ans et par
quatre en quatre ans.
◆ Gains de productivité annuelle de 15 à 20 %.
◆ Réduction de 50 % des défauts par an.
◆ Libération de 50 % de l’espace au sol en l’espace de deux ans.
◆ Amélioration de 4 à 8 % de la marge brute.
◆ Réduction de moitié du ratio fonds de roulement/ventes.
◆ Croissance générée par l’augmentation des parts de marché.
◆ Création d’une culture d’équipe dans laquelle chacun peut
apprendre et créer de la richesse individuellement.
Ils ne correspondent pas nécessairement à vos objectifs, mais
ces résultats sont typiques des entreprises qui ont appliqué la
démarche Lean avec rigueur. Élaborez un plan d’action pour les

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INTRODUCTION 11

égaler ; les performances de votre entreprise ne dépendent que de


vous. Je suis convaincu que vous les dépasserez largement (voir
les résultats de Wiremold dans le chapitre 1).
Si vous dirigez une entreprise spécialisée dans les services,
voici d’autres exemples qui vous donneront une idée précise des
résultats à attendre de la stratégie Lean. J’ai sélectionné le cas
de CHG Healthcare Services, l’une des entreprises du porte-
feuille de J.W. Childs Associates, L.P. CHG est la plus grande
entreprise privée de soins de santé des États-Unis. Elle est lea-
der dans le domaine de l’intérim médical (médecins, infirmières,
personnel paramédical). À l’instar de toutes les entreprises du
groupe, CHG applique les principes Lean pour améliorer ses
activités à valeur ajoutée et accroître ainsi sa valeur d’entreprise.
De 2006 à 2011, son revenu fiscal et son EBE (excédent brut
d’exploitation) ou EBITDA (résultat avant frais financiers,
impôts, dépréciations et amortissements) ont crû selon un taux
annuel respectivement de 6 et de 14 %, en dépit de la sévère
récession qui a affecté ses marchés en 2009 et en 2010. La stra-
tégie Lean a joué un rôle clé en :
◆ Réduisant les délais de réponse à une demande de remplace-
ment de médecin spécialiste de 25 heures à 26 minutes, ce qui
a contribué à élargir sa base de médecins.
◆ Réduisant le temps de recouvrement des créances de 10 jours,
dégageant ainsi jusqu’à 16 millions de dollars de liquidités.
◆ Mettant en place des événements kaizen qui ont permis d’éli-
miner 24 étapes d’un processus client clé, de réduire les délais
de remplacement des médecins de 22 % et de générer des reve-
nus annuels supplémentaires de 2,5 millions de dollars par an.
◆ Aidant un client à réduire les délais d’accréditation des méde-
cins de 84 jours à 42 jours – soit une amélioration de 50 %.
◆ Réduisant les délais entre la demande du client et la présen-
tation d’un candidat accrédité de 84 %.
◆ Réduisant l’endettement net de 38 % en l’espace de 12 mois.

Ce qui prouve qu’une stratégie Lean bien conduite a le pouvoir


de transformer n’importe quelle entreprise et de générer des résul-
tats financiers importants.

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12 LE VIRAGE LEAN

Comment démarrer votre processus


de transformation
La conversion au Lean constitue un défi. Peu de dirigeants éva-
luent réellement le pouvoir de transformation du Lean. Ils le
considèrent au mieux comme une « affaire de fabricant » et en
font un élément parmi d’autres (généralement mineur) de leur
stratégie globale. La conduite de la démarche est confiée aux
spécialistes des opérations pour lesquels les coûts ou la réduction
du stock ne constituent pas une priorité. Ce qui évidemment
diminue son efficacité. Cette vision des choses explique également
pourquoi 5 à 7 % seulement des entreprises appliquant le Lean
voient leur tentative couronnée de succès. Elles se condamnent à
l’échec avant même d’avoir commencé, parce qu’elles voient dans
le Lean davantage une démarche opérationnelle qu’une stratégie
à part entière.
Je sais que vous vous heurterez à de nombreux obstacles, et
que vous devrez faire face à une résistance féroce. J’espère que
ce livre vous apportera le courage nécessaire pour passer à l’of-
fensive. Je sais aussi que la conversion à la stratégie Lean ne
s’effectue pas sans déroger aux habitudes. Elle ne se délègue pas.
Le PDG doit intervenir concrètement, donner l’exemple, aller
sur le terrain, ce que les Japonais nomment le gemba3.Si la
volonté d’aboutir fait défaut et si le PDG ne s’implique pas
suffisamment (s’il ne se transforme pas en « fanatique » du Lean),
la transformation de l’entreprise restera lettre morte. Il s’agit
plus de créer de la valeur que de tailler dans les coûts. À travers
ce livre, je souhaite partager avec vous mon savoir, pour que
vous puissiez à votre tour initier une démarche Lean. Bien sûr,
vous devrez apprendre à maîtriser les outils Lean et participer
à de nombreux projets kaizen. Mais l’essentiel, qui occupe d’ail-
leurs une bonne partie de ce livre, est de vous convaincre de
porter un autre regard sur vos activités à valeur ajoutée – et en
particulier de réviser vos modes de travail. J’espère aussi vous

3. Gemba est un terme japonais qui désigne le lieu ou le site où s’effectue le travail.
Ce peut être n’importe quel type d’endroit (bureau, usine, champs cultivés, etc.).

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INTRODUCTION 13

aider à comprendre et à vaincre les résistances pour mener (il


s’agit de mener et pas seulement d’accompagner) votre équipe
vers la réussite.
J’expliquerai d’abord dans quelles circonstances j’ai abordé la
philosophie du Lean, avant de décliner une méthode simple à
mettre en œuvre.

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La fuite managériale devant la complexité : l’exemple
historique du ”lean management”
Philippe Lorino

To cite this version:


Philippe Lorino. La fuite managériale devant la complexité : l’exemple historique du ”lean
management”. ESSEC Working paper. Document de Recherche ESSEC / Centre de recherche
de l’ESSEC. ISSN : 1291-9616. WP 1410. 2014 2014. <hal-01023701>

HAL Id: hal-01023701


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abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
La fuite managériale devant la
complexité : l'exemple historique du
"lean management"

Research Center
ESSEC Working Paper 1410

2014

Philippe LORINO
La fuite managériale devant la complexité :
l'exemple historique du "lean management".

Philippe LORINO 1

Abstract
This paper studies the curious odyssey of "Lean Management"... Under this label,
managerial ideas and practices have undergone, first a decisive step towards process thinking,
and then a striking return to planning and variance control habits. The study of this historical
shift can give us clues about obstacles to process thinking in the managerial world. The paper
will first recall the key ideas originally highlighted by the pioneers of "lean management",
based on the Toyota Production System (TPS), and their distinctly processual orientation.
Then it will review the practices today labelled as "Lean Management" and the surprising
historical reversal they reveal. Finally it will review some of the potential reasons why such a
reversal took place, with a particular focus on the treatment of time and the notions of slack
and wasted time.

Key words
Complexity, Lean Management, Organizational Learning, Performance, Process, Slack,
Time, Waste

Résumé
Ce texte étudie la curieuse odyssée du "Lean Management"... Sous cette appellation, les
théories et les pratiques managériales ont connu tout d'abord un virage décisif vers une vision
processuelle et dynamique des organisations, puis un retour en arrière frappant vers les
visions planificatrices et le contrôle par écarts. L'étude de ce renversement historique peut
nous donner des clés de réflexion sur les obstacles à la vision processuelle des organisations
dans le monde managérial. Le texte rappelle d'abord les idées clés mises initialement en avant
par les pionniers du "lean management", fondées sur le Toyota Production System (TPS), et
sur leur orientation clairement processuelle. Puis il analyse les pratiques aujourd'hui désignées
comme "Lean Management" et le renversement historique surprenant qu'elles manifestent.
Enfin il tentera d'identifier quelques-unes des raisons qui peuvent potentiellement expliquer
ce renversement, en insistant particulièrement sur le traitement du temps et les notions de
"slack" et de "gaspillage".

Mots-clés
Apprentissage organisationnel, Complexité, Gaspillage, Lean Management, Performance,
Processus, Slack, Temps

1
Département Comptabilité-Contrôle de Gestion, ESSEC Business School, Avenue Bernard Hirsch, CS 50105,
95021 CERGY-PONTOISE CEDEX, [email protected]

1
La fuite managériale devant la complexité :
l'exemple historique du "lean management".
Philippe Lorino

L'un des enjeux clés de la discipline "contrôle de gestion" depuis une vingtaine d'années est d'en
élargir le champ, notamment vers les sciences de la complexité, le management, les systèmes
d'information, la gestion des opérations, la réflexion sur les instruments et la sociomatérialité, en
cherchant notamment à cerner le rôle joué par le contrôle, ses outils et ses pratiques, dans
l'apprentissage complexe de la performance. Il s'agit de dépasser les visions étroitement instrumentales
qui ont souvent caractérisé ce domaine dans le passé. Le contrôle de gestion a ainsi connu un certain
renouvellement dans les années 90 en France, tant dans le monde académique que dans les pratiques
d'entreprise. Les acteurs de ce renouvellement peuvent légitimement s'interroger aujourd'hui sur les
régressions qui se manifestent dans l'univers managérial et parfois dans les cercles académiques,
lorsque la complexité des organisations tend à être oubliée et la mesure chiffrée se voit investie de
pouvoirs quasi-magiques. On en prendra ici pour exemple l'étonnante odyssée du "lean management".

1. Le "lean" des origines

A l'origine, "lean manufacturing" est le nom donné par des chercheurs du MIT (Womack et al., 1990)
au système productif développé par Toyota ("Toyota production system" ou TPS) au fil de décennies
d'expérience tâtonnante et d'ajustements, sous l'influence notable des pionniers de la Qualité,
notamment Shewhart, Deming et leur théorisation du progrès continu (boucle PDCA : Plan-do-Check-
Act). Le théoricien le plus notoire du TPS, Taiichi Ohno (1988), le résume en trois enjeux de
performance clés : Muda - éliminer le gaspillage, Mura - analyser et maîtriser la variabilité de la
demande, et Muri - supprimer la surcharge des équipements et des employés. Ce résumé ne laisse
planer aucun doute sur l'interprétation large qu'il faut donner à la formule lapidaire par laquelle le
"lean" est souvent résumé : "faire plus avec moins". Il s'agit, non pas de faire "plus d'output avec
moins d'input", selon une vision classique et planificatrice de la productivité, mais de créer plus de
valeur (mieux répondre aux besoins des clients) avec moins d'efforts, de stress, de charge de travail et
de ressources. Le "lean" apparaît dès lors comme un modèle d'organisation qui reconçoit continûment
le système collectif d'activité (d'où la référence centrale au Muri - à la charge de travail, c. à d. à
l'effort) pour améliorer son aptitude à créer de la valeur. Les dirigeants historiques de Toyota, dont
Ohno, et leurs exégètes japonais (Monden, 1983) et américains (Womack et al, 1990) ont caractérisé
ce nouveau modèle de la performance par quelques principes clés.

1. 1. L'efficacité avant l'efficience


Il s'agit de poursuivre en premier lieu, non l'efficience productive ("do things right") mais l'efficacité
productive ("do the right things"), ce qui signifie que la première étape de la démarche consiste à bien
comprendre la teneur de la demande.

1. 2. Réduction de la complexité
Avant de s'engager dans la quête de l'efficience, il faut donc comprendre les variations quantitatives et
qualitatives de la demande, mais aussi essayer de les réduire ou de les lisser afin d'établir le maximum
de régularité à court terme. C'est là un exemple particulier d'une attitude générale : ne pas se contenter
de traiter la complexité, en la considérant comme une contrainte intangible, mais tenter de la réduire,
en explorant, par exemple, les possibilités de standardisation pour réduire la dispersion qualitative.

1.3. Implication directe des opérateurs comme "penseurs" de l'activité


Une autre dimension clé du "lean" réside dans le retour réflexif des opérateurs sur leur propre activité,
dont ils sont considérés comme les experts. Cela manifeste un double respect pour les acteurs humains
("respect for people" dans les termes d'Ohno) et pour l'activité, dont la complexité la rend non
connaissable par des managers éloignés du terrain. La pensée créative des acteurs est donc mise en
avant comme l'un des piliers du TPS : "La production 'lean' est un modèle d'organisation du travail qui

2
favorise le développement d'employés proactifs, c. à d. compétents, prêts et motivés pour penser et
suggérer des améliorations" (Alves et al., 2012 : 220).

1.4. La dimension collective de l'activité


Les pionniers du "lean" insistent sur la dimension collective de l'activité et, par conséquent, de
l'analyse destinée à l'améliorer. Ils prônent une organisation fondée sur des équipes pluri-
fonctionnelles (Browaeys et Fisser, 2012: 212).

1.5. Un système d'apprentissage fondé sur l'expérience


En synthèse, le "lean" se présente historiquement comme un système d'apprentissage collectif
développé au fil du temps et sur la base de l'expérience collective : "Le 'lean' est un système
d'apprentissage, pas un système technique" (Alves et al. 2012: 230). L'essentiel n'est pas dans les
recettes productives qui régissent le "quoi faire", d'ailleurs différentes d'un site à l'autre, mais dans le
cheminement qui y a conduit, la méthode de progrès continu : "ce que l'on voit sur un site Toyota
résulte de nombreux cycles 'plan-do-check-act' (PDCA), et diffère d'un site à l'autre, car des
organisations différentes ont des cycles d'apprentissage différents. Un kata est une routine bien
assimilée qui devient une seconde nature. Dans ce cas la routine est le processus permettant de
produire des améliorations" (Liker & Rother, 2011 : 1). C'est le processus d'apprentissage qui compte
et non les outils techniques. Lors d'une formation qu'il supervise en 1989 et à laquelle je participe, Bill
Belt, pionnier américain du Juste A Temps et du "lean", réfute l'expression "zéro stock" et la remplace
par "one unit less" : il s'agit, non d'optimiser le stock voire de le supprimer du jour au lendemain, mais
d'en réduire le volume pas à pas. Le stock-tampon est alors vu comme un "dissimulateur de
problèmes" plutôt que comme un actif à financer. Il ne s'agit pas tant de réduire le stock comme une
fin en soi, pour abaisser le BFR et les frais financiers. La diminution progressive du volume stocké est
plutôt vue comme une heuristique du progrès continu qui fera émerger graduellement les
imperfections du système de production (manque de fiabilité des fournisseurs, défaillances des
équipements, qualité variable des matériaux ou des composants, erreurs de planification, etc.) et
permettra ainsi de les traiter.
Une telle démarche suppose des opérateurs suffisamment compétents pour se saisir des méthodes
d'analyse et les utiliser à bon escient (Sterling et Boxhall, 2013: 237), ce qui, outre la qualification
individuelle et la motivation des salariés, exige un contexte organisationnel qui leur offre des
opportunités d'apprentissage : "il est vital d'analyser l'impact de l'organisation du travail sur les
opportunités offertes aux opérateurs d'apprendre" (Sterling et Boxhall, 2013: 237), ce qui passe
notamment par la délégation à des équipes terrain du pouvoir de (re-)concevoir leur propre activité :
"la variable clé pour créer des opportunités (d'apprendre), c'est le niveau de délégation consenti aux
salariés pour résoudre les problèmes et organiser leur travail" (Sterling et Boxhall, 2013: 237).

1.6. le rôle-clé du slack organisationnel


L'impératif d'éliminer la surcharge de travail (Muri) conduit Toyota à planifier des surcapacités qui
peuvent aller jusqu'à 50% : c'est le système baptisé 8-4-8-4 (8 heures de production, 4 heures pour
accomplir les autres tâches ou faire face aux pointes inattendues). On voit là l'importance du "slack
organisationnel", le contraire d'une mise sous tension systématique. Ohno désigne le Muri (surcharge
des personnes et des équipements) comme cause première du gaspillage. Plutôt que d'intensifier
l'usage des capacités, il conseille de se donner les moyens, par une réserve de capacité, de faire face
aux variations de demande en évitant les effets d'engorgement et leur propagation rapide lorsque le
système est sous tension. Au-dessus de 80% de taux moyen d'utilisation des capacités, il est fort
probable que le moindre aléa ou la moindre sollicitation imprévue conduise à des comportements
chaotiques du système et à l'effondrement de sa capacité. De plus, le slack est indispensable à la
réflexivité des acteurs, en leur dégageant des plages de temps pour prendre du recul sur les tâches
immédiates et débattre des actions de progrès.

2. Le "lean" aujourd'hui

Dans sa thèse, Stéphanie Gentil (2011) rapporte le cas d'une clinique privée où les chirurgiens,
également actionnaires, soucieux de maximiser l'usage des blocs opératoires, avaient tendance à

3
imposer des programmes quotidiens proches de la saturation des équipements et des équipes. Il en
résultait une perte fréquente de maîtrise des délais, des files d'attente et des charges de travail difficiles
à gérer, donc une dégradation du climat de travail et... une mauvaise utilisation des blocs opératoires !
Cet exemple illustre l'erreur fréquemment commise dans la gestion de systèmes complexes : la
minimisation apparente du coût, sur la base d'un calcul statique, fait souvent basculer le système dans
des états chaotiques. Pourtant, la notion de "lean" est souvent identifiée aujourd'hui à la maximisation
théorique de la productivité, ignorant les incertitudes et variabilités du terrain. Etrange cas d'amnésie
collective, qui conduit des dirigeants d'entreprises, par une sorte de retournement historique, à baptiser
"lean" précisément les modèles organisationnels contre lesquels se sont battus les pionniers du "lean".

2.1. orientation exclusive vers la "réduction des coûts"


Lázaro Campos, PDG de SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication),
interviewé dans le magazine de McKinsey (2010), définit clairement le "lean" comme programme de
réduction des coûts visant en priorité l'efficience productive. Sa voix n'est pas isolée : les managers,
les consultants, mais aussi de nombreux chercheurs, s'accordent aujourd'hui à définir exclusivement le
"lean" comme "élimination des gaspillages", ne retenant ainsi des trois piliers d'Ohno (Muda, Mura,
Muri), que le premier (Muda), et "oubliant" le mura et le muri : "Le 'lean' est fondé sur l'objectif 'faire
plus avec moins',ce qui signifie réduire les gaspillages" (Putnik et Putnik, 2012 : 256) ; "le concept de
'lean' vise centralement à accroître l'efficience en éliminant les gaspillages" (Browaeys et Fisser, 2012
: 212). 'Eliminer le gaspillage', nous disent en chœur ces managers et ces auteurs : certes, mais cette
apparente évidence passe sous silence la question-clé : qu'est-ce qu'un gaspillage ? A l'instar de
Browaeys et Fisser (2012 : 212), nombreux sont les auteurs qui répondent : "est gaspillage tout ce qui
n'ajoute pas de valeur pour le client", réponse aux allures de tautologie, car elle soulève la question :
qu'est-ce qui n'ajoute pas de valeur pour le client ? Certains analystes identifient "coût direct" et "coût
qui ajoute de la valeur", ce qui les conduit à voir du "gaspillage" dans tous les coûts indirects et toutes
les activités de support. Les coûts de formation du personnel, les coûts logistiques ajoutent-ils de la
valeur pour le client ? Parle-t-on du client d'aujourd'hui ou de celui de demain ? Logistique et
formation sont-elles des gaspillages à supprimer, au même titre que le coût des retouches ? Pour
surmonter cette aporie, certains - comme le magazine "Quality" d'août 2013 - proposent de distinguer
entre "gaspillage requis" ("required waste") et "gaspillage pur" ("pure waste")... L'oxymore "gaspillage
requis" (qui joint le nécessaire à l'inutile...) laisse songeur et dubitatif quant à la clarté du concept de
"gaspillage" ainsi défini !

2.2. l'attention se détourne de la réflexion sur la demande


Corollaire de la focalisation exclusive sur la réduction des coûts : la mise entre parenthèses du "mura"
- l'analyse de la demande - conduit souvent à considérer la définition de la valeur comme une
évidence. Il n'y aurait alors plus qu'à s'efforcer de "faire les choses correctement" (doing things right)
puisqu'on est assuré de "faire les choses correctes" ("doing the right things"). Or la définition de la
valeur (réponse aux besoins du client) est rien moins qu'évidente. Manifestement contingente au
regard de l'observateur, elle dépend par exemple de l'horizon de temps sur lequel on se place, de la
fréquence d'observation, des cadres institutionnels dans lesquels se définit la notion même de "client",
voire de son éventuel remplacement par la notion plus large de "partie prenante". Limiter les rejets
polluants d'une usine ne bénéficie pas nécessairement au "client", mais certainement au riverain :
analyser la demande sociale adressée à l'entreprise conduit à dépasser la seule vision "client".

4
2.3. approche centrée sur la productivité individuelle
Pour nombre de ses partisans actuels, le "lean" consiste à mettre sous tension les acteurs, opérateurs et
cadres de proximité, dans le cadre de leur poste de travail individuel. Est ainsi effacée la dimension
collective qui avait été mise en avant par les pionniers du TPS. Il devient alors difficile de prendre en
compte la dimension organisationnelle dans l'analyse de la performance. Par exemple, la suppression
plus ou moins brutale des "tampons" (stocks intermédiaires, piles de travaux en attente), au nom de la
réduction du BFR et des frais financiers afférents, augmente brusquement les interdépendances et
renforce les couplages entre acteurs d'un même processus transverse que, précédemment, ces
dispositifs " tampons" découplaient et autonomisaient. Pour qu'une telle mutation puisse se réaliser
sans trop de heurts, il faut avoir au préalable construit les solidarités inter-métiers requises par un tel
niveau d'interdépendance. Condition rarement remplie lorsque les managers s'intéressent en priorité à
la réduction des actifs circulants.

2.4. désintérêt pour le système d'apprentissage


L'attention se concentre sur les méthodes techniques plus que sur les processus d'apprentissage : "Au
fil des années, l'attention de nombreux auteurs qui étudient le TPS s'est centrée sur le système de Juste
a temps, sur le concept d'autonomation, etc., c. à d. sur les composants techniques du TPS. Cette
compréhension partiale du TPS conduit à une vision limitée (souvent déformée) du système, qui
caractérise la production 'lean' comme intensification de la production de masse ou comme néo-
taylorisme. Cet accent mis sur le système technique dissimule l'aspect le plus spécifique du 'lean' : la
promotion de penseurs du système de production" (Alves et al. 2012 : 226). "La différence entre les
objectifs visibles et invisibles des outils du 'lean', c'est la différence entre mettre en œuvre des outils
ou en faire un usage heuristique pour apprendre le progrès continu. Le 'kata' du progrès continu est la
méthode destinée à accomplir des choses dont vous ne savez pas a priori comment vous pourrez les
accomplir" (Liker et Rother, 2011 : 2).

2.5. suppression du slack


Au nom de la suppression du gaspillage ("waste"), c'est en fait le slack organisationnel qui est souvent
éliminé, mettant l'organisation dans un état de tension qui bascule souvent dans des états de chaos
incontrôlables... et prive les acteurs de leur capacité de recul réflexif : "Les pressions productives
limitent les opportunités d'apprendre, car tant les managers de première ligne que les opérateurs sont
trop occupés pour pouvoir réexaminer leurs méthodes de travail actuelles" (Sterling et Boxhall, 2013 :
237).

Rien d'étonnant dès lors à ce que Womack, l'un des chercheurs du MIT auteurs du fameux ouvrage
"The machine that changed the world" (1990), inventeurs du terme "lean manufacturing", constate
avec quelque étonnement, voire quelque amertume (2006) : "Vingt ans après, il est frappant pour moi
de constater combien nous avons consacré d'efforts à éliminer le gaspillage (muda) et combien peu
nous nous sommes préoccupés du mura (irrégularité) et du muri (surcharge). En bref, l'irrégularité et la
surcharge sont à présent les causes premières de gaspillage dans nombre d'organisations. Pire : elles
ramènent le gaspillage là même où les managers et les équipes opérationnelles croyaient l'avoir
éliminé". Le "lean new look" de 2013 s'avère ainsi un passeport assez sûr pour l'échec.
L'intensification des pressions productives combinée avec une faible autonomie dans l'organisation du
travail s'avère une impasse (Sterling et Boxhall, 2013 : 237). Elle fait aussi peser une menace sur
l'intégrité physique et psychologique des acteurs (Les Echos du 5 avril 2013). Selon une enquête
réalisée par le magazine Industry Week en 2008 (Pay, 2008), seuls 2% des projets "lean" parviennent à
remplir leurs objectifs. C'est en somme la vérification empirique éclatante, quoique coûteuse, que les
pères du TPS et du "lean"... avaient raison de prôner grosso modo le contraire de ce que les managers
tendent à faire aujourd'hui au nom de ce même "lean" !

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3. Contresens et confusions

Comment un tel renversement a-t-il été possible ? Il révèle en fait quelques confusions majeures.

3.1. Le caractère problématique de la notion de "gaspillage" et la confusion entre "gaspillage" et


"slack"
La notion de "gaspillage" ne peut se définir que par rapport à une norme. Comment s'établit cette
norme, qui la décrète, par rapport à quelle situation de référence (d'autant plus difficile à déterminer
que la variabilité de la demande est grande et n'a pas été analysée prioritairement, puisqu'on a délaissé
le "mura"), cette norme peut-elle être considérée comme stable ? Le partage entre ce qui crée et ce qui
ne crée pas de valeur ne peut guère être considéré comme une frontière nette entre deux domaines
clairement délimités, comme le laissent entendre de nombreux auteurs et praticiens (voir à cet égard
l'interview du PDG de SWIFT déjà citée). Ce partage relève plutôt d'une logique floue et mouvante,
appréciée subjectivement par les acteurs en situation.
Or jeter le "bébé slack" avec l'eau du bain "gaspillage" pourrait bien signifier que l'on tue la poule aux
œufs d'or pour préparer le pot-au-feu de midi... Bourgeois (1981 : 30), s'inspirant de Cyert et March
(1963), définit le slack organisationnel comme "le matelas de ressources réelles ou potentielles qui
permet à une organisation de s'adapter avec succès aux pressions internes ou externes ou d'engager des
changements stratégiques". De nombreux auteurs (Cyert et March, 1963 ; Bourgeois, 1981) lui
attribuent des fonctions essentielles dans la vie des organisations : 1/ réduire les tensions entre buts
organisationnels distincts, 2/ réduire les besoins en traitement de l'information, 3/ lisser et amortir les
variations dans le temps (élément essentiel du Mura) et permettre l'adaptation rapide à des
changements environnementaux importants, 4/ permettre la créativité organisationnelle (réflexivité,
recul). A contrario, les organisations qui combinent complexité et mise sous tension (absence de
slack), donc couplage étroit des sous-systèmes, sont fortement exposées à des accidents systémiques,
selon la théorie des "accidents normaux" (Perrow, 1984). Recherche sur la qualité, recherche sur le
risque et recherche sur la performance se rejoignent donc ici sur un constat partagé : l'importance
vitale du slack organisationnel pour la survie et le développement des organisations.

3.2. vision représentationnelle et non expérimentale du pilotage


Les pionniers du management par la qualité (Deming, 2002) et du TPS (Ohno, 1988) insistèrent sur
deux règles méthodologiques fondamentales : 1/ il n'y a pas de substitut à l'expérience directe de
l'activité (manière pour eux de reconnaître et respecter la complexité de l'activité) ; 2/ toute démarche
de progrès doit être expérimentale, c. à d. procéder par hypothèses / expérimentation / évaluation, la
fameuse boucle PDCA empruntée par Deming à Shewhart (1939) et directement inspirée du concept
d'enquête des pragmatistes américains Peirce (2002) et Dewey (1980/1938). Dans cette optique, le
changement organisationnel doit toujours être structuré comme une expérimentation et les managers
sont des "coach" plus que des prescripteurs directs. Au contraire, l'approche actuelle du "lean" postule
que les managers peuvent, de l'extérieur de l'activité, déterminer la performance optimale atteignable
en représentant le système d'activité de manière pertinente.

3.3. une vision statique remplace la vision dynamique des pionniers


Dans les pratiques contemporaines se dessine une vision statique du "lean" qui s'oppose terme à terme
à la vision dynamique historique, comme le résume le tableau suivant :

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Vision dynamique Vision statique
Méthodes d'amélioration (comment améliorer) Recettes techniques (que faire)
Capacités conçues pour répondre à la variabilité Ajustement strict des capacités à la demande
irréductible des situations moyenne
Changements vus comme des expérimentations Changements vus comme des optimisations
organisationnelles
Rôle de coaching de l'encadrement dans la Rôle de résolution de problèmes de
résolution de problème par les acteurs l'encadrement, les opérateurs étant des exécutants
Stocks et files d'attentes intermédiaires vus Stocks et files d'attentes intermédiaires vus
comme réponses à des carences (incertitude, comme sources de coûts de possession dont il
déficit de compétence, déficit de maîtrise) qu'ils faut organiser l'élimination le plus vite possible.
dissimulent et qui sont donc partiellement
ignorées. Les réduire progressivement permet de
faire émerger les enjeux d'amélioration. Cette
réduction ne peut se décréter.
Tableau 1

D'une vision dynamique à une vision statique

4. Conclusion : la fuite devant la complexité

Dans une certaine mesure, les règles du "lean" original sont contre-intuitives (ex. pour maîtriser le
coût, il faut maintenir une réserve de capacité), car elles s'attachent à maîtriser la grande complexité
des systèmes d'activité. Or les dirigeants d'entreprises (et des structures publiques) sont souvent
formés à la résolution de problèmes plus qu'à la pensée complexe. De plus, "complexité" signifie
"risque" pour le décideur. La complexité de l'activité semble menaçante au manager éloigné des
opérations. C'est une tentation naturelle que de fuir le risque en niant la complexité, en se berçant des
illusions du contrôle et en cherchant le salut dans des méthodes qui réduisent les systèmes d'activité à
des équations mettant en relation mesures d'inputs, mesures d'outputs et rentabilité. Depuis Deming et
Ohno, les fausses évidences facilitées par le manque d'expérience du terrain de beaucoup de dirigeants
et leur arrogante certitude de détenir les solutions ont fait et continuent de faire des ravages. Cette
impasse a toutes sortes de conséquences désastreuses. Par exemple, les files d'attente ne servent plus à
gérer des situations exceptionnelles (aléas, pics de demande), mais deviennent un outil destiné de
manière permanente à imposer une charge de travail maximale aux acteurs. Là où la maîtrise de la
complexité exigerait que le système d'activité fonctionne normalement en mode sous-critique, il est
systématiquement placé en mode critique (mode saturé), prêt à basculer au moindre événement dans
des comportements chaotiques. La complexité de la demande – sa variabilité quantitative et qualitative
– est négligée, bien qu'elle entraîne la non-pertinence des modélisations statiques adoptées par ailleurs.
Le potentiel d’apprentissage et d'adaptation de l’activité humaine est ignoré, voire combattu, parce
qu'il inspire plus de méfiance que d'espoir. Le mura - la maîtrise de la variabilité des situations - et le
muri - la lutte contre la surcharge aux effets délétères - sont ignorés au seul profit du "muda", assimilé
à la productivité taylorienne, mais ils se vengent souvent !
Enseignants et chercheurs en gestion, notamment en contrôle, portent leur part de responsabilité dans
cette dérive. N'ont-ils pas trop souvent négligé la complexité des systèmes d'activité humains et
surestimé la puissance des modélisations statiques et "top-down" ? La recherche en contrôle s'est aussi
souvent enlisée dans des visions dualistes qui opposent changement à régularité, standard à
apprentissage, conception à exécution, qualité à productivité, principe de simplicité à principe de
complexité. Or c'était peut-être là le message central du TPS, du "lean", et au-delà, des théoriciens du
progrès continu, Deming, Ohno ou chercheurs du MIT : chercher les régularités, c. à d. tenter de
réduire la complexité (Mura), ne revient pas à la nier ; abolir les surcharges (Muri) n'est pas
contradictoire avec la recherche de productivité (Muda) ; la complexité ne se laisse pas enfermer dans
des options binaires de type "A ou B/non A". Il est possible et même indispensable de simultanément

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réduire et traiter la complexité, innover et reproduire, agir sans perdre de temps et prendre le temps de
penser...

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