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VOLUME I
AUX SOURCES DE L’AGRICULTURE AFRICAINE:
DE LA PRÉHISTOIRE AU MOYEN ÂGE
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Table des matières
AVANT-PROPOS vii
PRÉFACE ix
REMERCIEMENTS xix
iii
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
iv
Table des matières
v
Avant-propos
AVANT-PROPOS
L’Afrique est le berceau de l’homme, et sans doute aussi l’un des premiers
foyers d’activités agricoles, pastorales et sylvicoles de l’humanité. On y
rencontre encore aujourd’hui une grande diversité de systèmes de production
traditionnels qui atteste de la diversité des situations que la «protoculture»
des temps préhistoriques a traversées dans le temps et dans l’espace, avant de
prendre les formes que nous connaissons aujourd’hui.
Mais ce continent reste encore aujourd’hui celui où les perspectives de la
sécurité alimentaire demeurent les plus incertaines à court et à moyen terme
pour la majorité de sa population. L’Afrique n’a pas réussi dans la seconde
moitié du 20ème siècle, à capitaliser son riche patrimoine en technologies
agricoles pour hisser la production et la productivité de son agriculture au
niveau requis pour nourrir ses habitants. Il n’en a pourtant pas toujours été
ainsi.
L’histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone nous
décrit l’itinéraire que ce patrimoine a parcouru à travers des millénaires, pour
se constituer. Elle montre le cheminement de la création technologique,
«obscur et silencieux», au départ, vers une recherche organisée et
scientifique, qui s’est mise en place dès la fin du 19ème siècle avec une
finalité immuable: la satisfaction des besoins alimentaires, économiques,
sociaux et culturels des êtres humains.
René Tourte, un grand agronome et un ami, fait œuvre d’historien, même
s’il s’en défend, avec humilité et modestie, nous permettant de faire nôtres
deux leçons essentielles tirées de ce long cheminement. La première leçon est
que ce patrimoine, tout comme celui des autres continents, est un mélange
inextricable de technologies d’origines endogènes et exogènes, ce qui
confirme l’idée qu’aucune agriculture, «traditionnelle» ou non, n’est figée,
mais que toutes suivent une dynamique évolutive, résultat d’héritages
multiples.
La deuxième leçon est que la faiblesse actuelle de la recherche agricole
dans la partie tropicale du continent africain n’est pas une fatalité. Dans les
années 1950, cette partie du monde a abrité plusieurs centres d’excellence de
la recherche agricole mondiale d’alors. Cela résultait de la priorité que les
responsables politiques des métropoles lui accordaient, dans la stratégie de
développement économique des territoires d’outre-mer qui prévalait alors,
même si les africains n’en étaient pas toujours les principaux bénéficiaires.
vii
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
Henri Carsalade
Sous-Directeur général
Département de la coopération technique
(Ancien Sous-Directeur général au département du développement durable)
viii
Préface
PRÉFACE
«Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. Nous voyons
plus loin qu’eux […] parce qu’ils nous élèvent de toute leur hauteur»
(Bernard de Chartres, philosophe scolastique du XIIe siècle)
«Si tu veux savoir qui je suis, si tu veux que je t’enseigne ce que je sais,
cesse momentanément d’être ce que tu es, et oublie ce que tu sais»
(Tierno Bokar Salif, sage de Bandiagara, XXe siècle, cité par son élève
Amadou Hampaté Ba)
L’idée de faire cet ouvrage remonte au dernier trimestre de 1996. Elle est du
Service du développement de la recherche et de la technologie (SDRR) de la
FAO, qui appartient à la Division de la recherche, de la vulgarisation et de la for-
mation (SDR), et au Département du développement durable (SD). Sa supervi-
sion était initialement placée sous la FAO et le défunt SPAAR (Programme spé-
cial pour la recherche agronomique en Afrique) de la Banque mondiale.
Il a été rédigé durant la période allant de 2001 à 2005; la période de 1997
à 2000 ayant servi essentiellement à: contacter différents organismes de
recherche et de documentation en France, au Portugal et au Sénégal;
rassembler et classer les documents collectés; et analyser les différents
documents retenus et les résumer.
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
x
Préface
xi
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
xii
Préface
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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Préface
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
Des citations
L’auteur n’ignore pas le danger des citations, surtout isolées de leur contexte
et, a fortiori, mal rapportées. Il y recourt toutefois, fréquemment, préférant
laisser s’exprimer le contemporain d’une époque, dans ses propres termes,
plutôt que de tenter d’en résumer l’essence et l’esprit dans un discours
d’aujourd’hui.
«Je rapporte les opinions de ces écrivains (il s’agit des agronomes de
l’Antiquité et du Moyen Age, nabatéens, grecs, latins, arabes, entre autres),
textuellement, selon qu’ils les ont consignés dans leurs œuvres, sans jamais
chercher à modifier l’expression», écrivait, déjà, au XIIème siècle,
l’agronome andalou Ibn Al-‘Awwâm, par honnêteté intellectuelle. (Cité par
Mohammed El Faïz, dans son introduction de la réédition, en 2000, du Kitab
Al–Filâha (Le Livre de l’agriculture) d’Ibn Al–‘Awwâm; traduction de J.J.
Clément – Mullet, «Thesaurus», Actes Sud/Sindbad, p 20).
«La multiplication des références aux textes fondateurs (lui) apparaît
comme une exigence pédagogique et didactique» (Ibidem).
Les citations peuvent, en effet, être la moindre des trahisons des pensées
et opinions authentiques.
xvi
Préface
De la bibliographie
Les sources documentaires consultées sont abondantes. Près de 1500
ouvrages, études et rapports ont été analysés, exploités, souvent dans le
détail, aussi avant que possible. Bien d’autres fonds et sites d’informations
ont été utilisés pour apporter précisions, critiques, commentaires. Référence
de ces différentes sources est, à chaque fois que besoin faite dans le texte. La
liste des principaux documents consultés figure in fine dans chacun des
volumes de l’ouvrage, classée alphabétiquement par auteurs.
Des sigles
De nombreux sigles apparaissent tout au long de l’ouvrage. Ils sont toujours
explicités, au moins à leur première apparition. Une liste complète en sera
jointe à l’édition intégrale.
GRATITUDES DE L'AUTEUR
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
ouvrage n'aurait sans doute pas été entrepris; à ses successeurs Jacques Paul
Eckebil et Isabel Alvarez-Fernandez et leurs très aimables collaboratrices
Cristine Sanderson et Charlotte Lietaer.
Une gratitude toute spéciale de l'auteur va enfin à son épouse Christiane qui
tout au long d'une tâche passionnante, mais ardue, lui a apporté un soutien
sans faille, a assuré la gestion informatique de la documentation rassemblée
et a su à, tout moment, conseiller, corriger, aménager la présentation d'un
ouvrage dont elle partagera le mérite, si mérite en est reconnu.
René Tourte
xviii
Remerciements
REMERCIEMENTS
xix
Introduction - L’Afrique berceau de l’humanité
Introduction
L’AFRIQUE BERCEAU DE L’HUMANITÉ
1
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
2
chapitre 1
De la préhistoire à l’Antiquité:
les millénaires avant notre ère
3
Les grands événements climatiques et écologiques
section I
Les grands événements climatiques
et écologiques
C’est sans doute après la dernière glaciation du quaternaire que les signes
avant-coureurs de l’agriculture se manifestent en Afrique.
Cette glaciation, dite de Würm intervient, dans le Pléistocène supérieur,
entre 20 000 ans et 10 000 ans avant notre ère, et correspond
approximativement, pour les préhistoriens, au paléolithique final de la pierre
taillée («later stone age»). Cette période se caractérise, en Afrique, par une
grande sécheresse. Le Sahara connaît même jusque vers -15 000 -10 000, un
temps d’hyperaridité: «Le désert s’étend jusqu’à 400 ou 500 kilomètres au
sud de sa limite actuelle […] De l’Atlantique à l’Ethiopie, à la hauteur d’une
ligne approximative Bamako-Niamey-Khartoum, des cordons dunaires,
parfaitement visibles aujourd’hui, (barrent) le cours des fleuves Sénégal,
Niger, Logone, Nil.»
Cet immense territoire est vide de toute vie animale et végétale, à
l’exception de la vallée du Nil alimentée par le massif éthiopien qui culmine
à plus de 4 000 mètres, et où de petits groupes humains vivent «de la pêche
et de la collecte de graminées sauvages et de tubercules broyés sur des
meules […]» (Cornevin, 1998). Au sud de ce Sahara hyper-aride, l’actuelle
savane arborée est une steppe et l’actuelle forêt dense est «parsemée de très
vastes clairières avec des prairies de graminées […], milieu extrêmement
favorable à des petits groupes de chasseurs, collecteurs de graines et de
tubercules […]».
5
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
6
Les grands événements climatiques et écologiques
Méditerranéen
Forêt
Savane
Steppe
Désert
Lacs
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
8
Les grands événements climatiques et écologiques
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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Les grands événements climatiques et écologiques
cycles arides. Dans cette période, vers -3 000 au Mali, le Tilemsi, qui descend
de l’Adrar des Ifoghas, coule encore toute l’année.
Au Niger, dans la période du 5 500 au 3 000 ans avant notre ère, les sites
de pêcheurs néolithiques sont très nombreux au sud-ouest et au nord-est du
massif de l’Aïr.
Au Tchad, jusqu’aux environs de -5 000, le massif du Tibesti apporte à
l’immense Paléo Tchad (ancêtre de l’actuel lac Tchad) une quantité
considérable d’eau. «La plaine péritchadienne (Nigéria, Tchad, Cameroun),
inondée en permanence, (commence) à s’assécher vers -1 800 ans avant notre
ère seulement et (connaît) les premières installations humaines vers -1 500»
(Cornevin, 1998).
Un aspect cependant capital de la situation, dans ce grand Sahara vert des
sept millénaires humides (entre le Xe et le IIIe) précédant notre ère, souligné
par Cornevin (1998) à la suite des travaux de l’ichtyologue W. Van Neer, est
l’existence de communications quasi permanentes possibles entre les régions
sahariennes et la vallée du Nil (donc vers l’Afrique orientale).
Sans doute ces communications sont-elles plus ou moins aisées, au gré des
alternances d’humidité et d’aridité, mais il est à peu près établi que, par exemple,
«entre 9 700 et 2 700 ans avant nos jours», un «affluent fossile du Nil», le wadi
Howar, coule «de l’ouest vers l’est, entre le massif de l’Ennedi (Tchad) et le Nil
soudanais, (représentant) une voie de passage majeure entre les massifs du
Sahara central et le massif éthiopien». Ceci peut permettre d’éclairer «la
question très discutée des éleveurs de type physique éthiopien arrivés à partir du
Ve millénaire dans le Tassili-n-Ajjer (Algérie)» (Cornevin, 1998).
À partir de -3 000, l’assèchement des régions centrales du Sahara, «le
désert dans le désert» d’aujourd’hui (entre Tanezrouft au nord et Ténéré au
sud), provoque les premiers déplacements vers le sud des «trois groupes
humains cohabitant dans le Sahara vert: noirs soudanais […], noirs éthiopiens
ou nilotiques venus de l’est, blancs de type proto-méditerranéen ou
paléoberbères» (Cornevin, 1998). Le processus de dessèchement, de
désertification est engagé.
Vers 1 000 ans avant notre ère, le Sahara est déjà, vraisemblablement, peu
différent de celui d’aujourd’hui. A cette époque, s’amorce dans les régions
côtières, la régression «post-nouakchottiène» (4 000 ans après la
transgression marine inverse), en même temps que s’assèchent les points
d’eau, «obligeant les hommes à quitter les lieux». «La civilisation néolithique
est morte de la sécheresse» Ce processus de dessèchement, apparemment
irréversible, se poursuivra jusqu’à nos jours, marqué cependant par des fortes
alternances entre périodes très sèches et périodes beaucoup plus humides, qui
seront évoquées dans les volumes suivants.
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
Lacs
Mediterrannéen
Steppe
Désert
Savane
Forêt
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De l’homme préhenseur à l’homme producteur
section II
De l’homme préhenseur à l’homme
producteur: La grande aventure de la
domestication des plantes et des animaux
2.1 POURQUOI?
En Afrique, comme plus tard dans les autres continents, l’homme des bois ou
des cavernes, pas encore tout à fait sapiens, survit, il y a quelques centaines
de milliers d’années, et à l’exemple de ses ancêtres pithèques, en prélevant
sur son biotope, de manière encore souvent instinctive, voire ludique, les
produits naturels indispensables à son alimentation et à ses besoins premiers.
Devenu sapiens sapiens (il y a 30 000 ou 40 000 ans?) et pressé par la
nécessité, mais aussi aidé par le hasard, l’homme troque progressivement
cette attitude passive et aléatoire, contre un comportement plus déterminé,
plus réfléchi et, partant, plus efficace. Il se fait volontairement cueilleur (qui
rassemble, réunit, ramène à soi), et préhenseur (qui saisit, prend), chasseur ou
pêcheur, pas obligatoirement prédateur (qui pille).
Cette évolution s’accompagne d’ailleurs d’une première séparation des
tâches au sein du ménage préhistorique: «l’image traditionnelle de l’homme
chasseur et de la femme cueilleuse (n’est-ce pas Eve qui a cueilli la première
pomme?), de la virilité et de la fécondité», se forme et s’impose comme
«première division sociale du travail basée sur la sexualité» (Malassis, 1997).
Apparues il y a des millénaires, cette image et cette répartition des activités
ne sont cependant pas prêtes de s’estomper, même de nos jours.
Puis, les besoins de l’homme, de sa collectivité, s’accroissent en quantité
et qualité; les populations deviennent plus nombreuses; et de simple
préhenseur, l’homme doit devenir producteur, en choisissant les champs de
ses activités, en fonction des caractéristiques de son milieu et de ses affinités
propres. Il lui faut impérativement apprendre à dominer, au moins
partiellement, cette nature qui l’entoure et ses composants, en particulier les
plantes et les animaux qui lui ont permis, jusqu’alors, de survivre et se
reproduire.
C’est la grande aventure de la domestication qui commence, après donc
une très longue période de relations faites d’ignorance, de méfiance ou de
complicité, entre l’homme et son milieu naturel.
13
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
2.2 COMMENT?
14
De l’homme préhenseur à l’homme producteur
15
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
superposent, c’est dans leur «zone de coïncidence (que) des civilisations ont
longtemps exercé leurs activités domesticatrices et transformatrices […]»
(Portères et Barrau, 1980).
16
De l’homme préhenseur à l’homme producteur
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
Si, de nos jours, tous les stades allant de la cueillette à la protoculture, puis
à l’agriculture, sont encore présents dans nombre de milieux africains, c’est
qu’à l’évidence cette situation perdure depuis des millénaires, et a fortiori
depuis les temps heureux du «Sahara vert», où la flore et la faune étaient
beaucoup plus exubérantes qu’aujourd’hui et l’espace beaucoup moins
sollicité par les établissements humains.
18
De l’homme préhenseur à l’homme producteur
Pour ces auteurs, les savanes sont la source de la plupart des plantes
aujourd’hui cultivées en forêt: le palmier à huile qui ne supporte pas l’ombre
épaisse; l’igname à gros tubercules, originaire de la savane où il peut résister,
grâce à ses réserves, à la sécheresse et au brûlis (les ignames de la forêt ont
des tubercules de moindre développement); le riz africain (Oryza
glaberrima) dont l’ancêtre sauvage est une herbe de savane qui utilise
l’humidité rémanente des mares en cours d’assèchement: l’Oryza Barthii ou
breviligulata, etc. Seules quelques espèces qui vont progressivement être
mises en culture sont d’origine forestière: le colatier, le caféier, le Blighia
sapida («akee apple»), etc.
19
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
Par exemple, très tôt, une spécialisation spatiale s’établit dans la zone
d’emprise d’une collectivité, entre trois grands types d’exploitation des terres:
Révolution lente pour les uns, «processus mais non événement» pour les
autres (Harlan, 1987), la domestication des plantes et des animaux se situe
donc en Afrique, dans ces millénaires humides, allant de 10 000 à 2 000 ans
avant notre ère.
Aucune des sources utilisées pour en préciser les dates n’est toutefois
encore suffisamment fiable, ou mise en œuvre, par les équipes
pluridisciplinaires de chercheurs actuellement à l’œuvre, pour en déterminer
20
De l’homme préhenseur à l’homme producteur
21
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
• la première, autour de 5 000 BP (3 000 ans avant notre ère) vers l’Est
de l’Afrique, puis vers l’Inde;
• la deuxième, à partir d’une sélection de mils tardifs issus d’un foyer
secondaire de variation, situé autour du lac Tchad, vers la zone
soudanienne (donc plus méridionale) de l’Afrique occidentale (du
Sénégal au nord Cameroun actuels), aux alentours de 4 000 ans BP. Ces
22
De l’homme préhenseur à l’homme producteur
23
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
animaux, dans le grand Sahara vert des quelques six ou sept millénaires
humides de l’holocène.
Wai-Andah (1980) rapporte la découverte de restes de brévicornes
domestiques à Uan Muhuggiag (dans le sud-ouest libyen) et à Adrar Bous (dans
l’Aïr nigérien), que les datations font remonter à -5 590 +/-200 pour le premier
site, à -3 800 pour le second. Cette présence attestée de bovins à cornes courtes
dans le Sahara central précèderait de plus d’un millénaire leur apparition en
Egypte, probablement postérieure à la construction de la grande pyramide de
Chéops (-2 600). Ceci exclut, pour cet archéologue, toute possibilité que ces
brévicornes soient originaires d’Egypte ou du Proche-Orient.
Les progéniteurs de ce bétail proviendraient du Sahara même, ou du
Maghreb. «Des vestiges culturels donnent à penser qu’il a pu exister en Libye
un premier exemple de passage de la chasse et de la cueillette au pâturage,
étendu en direction du sud-est jusqu’à Adrar Bous (Ténéré 4 000 à 2 500 ans
avant notre ère) (Niger), et du sud-ouest jusqu’à Tichitt (phase
khiminiya postérieure à 1 500 ans avant notre ère) (Mauritanie). Dans ces
dernières zones, les pasteurs ont été, apparemment, les descendants directs
des premiers habitants; à Tichitt, en particulier, cette nouvelle forme
d’existence a supplanté celle des néolithiques pratiquant la culture de
graminées, à moins qu’elle ne l’ait amalgamée».
A l’extrême Ouest du Sahara vert, dans l’actuelle Mauritanie, la preuve
d’une occupation humaine remontant à 4 500 avant notre ère est apportée sur
le site de Tintan, à quelques cinquante kilomètres à l’est de Nouadhibou, dans
l’arrière pays de la baie du Lévrier. Des hommes, venus du nord, se sont
avancés, en longeant la côte, jusqu’à l’actuel Nouakchott. Et
100 000 personnes ont pu vivre entre le Cap Blanc et l’actuelle Sebkha
Tenioubrar (au sud du Cap Timirist) vers 1 000 ans avant notre ère, soit cent
fois plus que de nos jours.
S’agissant de la domestication des animaux, réussie par ces populations,
le gisement préhistorique de Chami, situé à l’est du Banc d’Arguin, à
30 kilomètres de l’Océan, semble prouver l’existence d’un élevage de
bovidés, 2 000 ans avant notre ère, alors possible grâce à la végétation de type
sahélo-soudanien qui y prévaut alors (Trotignon, 1991).
Plusieurs autres sites d’Afrique occidentale, datés au carbone 14,
«indiquent la possibilité que l’élevage du bétail se soit étendu du cœur du
Sahara jusqu’aux confins du Sahara méridional et du Sahel ouest-africain»,
accompagnant ainsi, vers le Sud, le dessèchement progressif du Sahara
central. Les indications recueillies sur les sites de Karkari-chinkat (au Mali,
à 75 kilomètres au nord de Gao, au débouché de la vallée du Tilemsi sur le
Niger, par Smith (1974), révèlent que, pendant au moins les derniers temps
de la phase humide la plus récente du Sahara (-2 000 à -1 300), cette zone a
24
De l’homme préhenseur à l’homme producteur
été habitée par des pasteurs qui vivaient d’une façon peu différente de celle
des pasteurs semi-nomades d’aujourd’hui, tels les Nuer du Soudan (Evans-
Pritchard, 1939) et les Peul d’Afrique occidentale.
Outre l’élevage, ces peuples semi-nomades pratiquaient également la
chasse (gazelles, sangliers, girafes, etc.), la pêche, le ramassage de
mollusques, la récolte de plantes: Grewia spp; Celtis integrifolia (micocoulier
africain); Vitex spp; Acacia nilotica (A. scorpioides). «L’écologie actuelle de
ces plantes laisse supposer des précipitations […] doubles de celles des temps
présents, dans la vallée du bas Tilemsi» (Wai-Andah, 1980).
S’inscrivant dans le même registre, l’archéologue Clark (1976) estime que
des peuples de chasseurs et pêcheurs sont bien installés dans le Sahara,
lorsque l’actuel désert y est occupé par une flore méditerranéenne, des lacs
profonds, des dépressions marécageuses dans cette période humide de
l’holocène qui va de 10 000 à 2 000 ans avant notre ère.
Ils y vivent alors «dans un des écosystèmes les plus favorables du
continent dans son entier, […] l’habitat préféré (de l’homme) depuis quelque
deux millions d’années» (Clark, 1976). La découverte d’outils et instruments
en pierre et en os dans le Sahara central prouve l’existence d’établissements
humains, vers 5 000 ans avant notre ère, aux bords des lacs, dont ils
exploitent la faune aquatique ou aquaphile: poissons, hippopotames, etc.
Des preuves directes de domestication existent dans quelques sites:
4 000 ans avant notre ère à Acacus, dans le Tassili algérien; 3 800 ans avant
notre ère dans le Ténéré nigérien (Adrar Bous); 1 500 ans avant notre ère sur
le Dar Tichitt, en Mauritanie (avec chèvres et gros bétail); 2 000 à 1 360 ans
avant notre ère dans la vallée du Tilemsi, au Mali, etc. Les peintures
pariétales des grottes d’Acacus montrent, en outre, que des gardiens de bétail
sont présents dans l’Est-Tassili dès 5 000 ans avant notre ère.
Le site malien de Kobadi, à quelques kilomètres de la frontière
mauritanienne, signalé par Monod et Mauny (1957) confirme la résence des
bovins domestiques (et du lamantin) à des dates conventionnelles entre
1 400 et 500 avant notre ère.
25
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
Dans les savanes africaines, bien des hypothèses peuvent être faites quant aux
rôles respectifs des pasteurs et protocultivateurs, dans cette domestication. Il est
très vraisemblable que bénéfices réciproques ont été tirés du partenariat, obligé
ou volontaire, de populations souvent d’origines différentes.
Clark (1976) pense, par exemple, que les premières étapes de la
domestication des cultures sont surtout le fait des populations de chasseurs-
cueilleurs-pêcheurs, en contact avec les pasteurs nomades, plutôt que de
l’initiative de ces derniers.
La période décisive de domestication, dans les savanes ouest-africaines, se
situe donc, très vraisemblablement, entre 3 000 et 1 000 ans avant notre ère,
le processus s’intensifiant ensuite sous la double pression de l’accroissement
des populations et du dessèchement climatique qui s’amorce vers 2 000 ans
avant notre ère et fait diminuer, voire disparaître, les autres ressources,
aquatiques notamment.
Il est, en outre certain que, très tôt, des populations savent associer culture
et élevage et forment ainsi les premiers groupements d’agriculteurs
sédentarisés.
L’archéologue mauritanien Mohamed Ould Khattar en donne un exemple,
celui du «dhar» (falaise) Tichitt-Oualata (Cornevin, 1998). Sur ce site,
actuellement en plein Sahel aride mauritanien (à plus de 600 kilomètres au
nord de Bamako), débute, il y a sans doute plus de trois mille ans, la culture
du mil Pennisetum, grâce à un climat alors favorable (les datations donnent
entre 1 800 et 200 ans avant notre ère).
Se développe, simultanément aux cultures, l’élevage des bovins et des
ovins; en même temps que s’établit ainsi une véritable agriculture, se
construisent les premiers villages en pierre sèche (dont des témoins
demeurent de nos jours).
En trois cents ans, le nombre des villages passe de soixante à deux cents
entre Tichitt et Oualata. L’invasion des Lybico-Berbères, venus du nord, vient
interrompre cette expansion, vers 300 ans avant notre ère. L’hypothèse la plus
courante est que les habitants alors chassés de leurs villages sont des Soninké,
et que leurs descendants sont à l’origine «du royaume de Ghana dont la limite
nord-ouest est justement constituée par la falaise Tichitt-Walata-Néma»
(Cornevin, 1998).
C’est sur ces mêmes sites du Dhar Tichitt que l’anthropologue Munson
(1976) procède, entre 1966 et 1968, à une analyse plus fine des étapes
possibles de domestication des plantes et des animaux, et d’établissement de
26
De l’homme préhenseur à l’homme producteur
27
HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
fouilles de Munson (1976). Pour ce dernier, preuve est ainsi apportée que la
graniculture («seed crop agriculture») d’Afrique de l’Ouest est bien apparue,
dans ces zones sahélo-soudaniennes, plus d’un millénaire avant notre ère.
Quant aux origines profondes de ce foyer de domestication, seules de
nouvelles recherches pourraient permettre de choisir entre:
Munson (1976) rappelle, à ce sujet, qu’à ces époques d’un Sahara humide,
une large voie de dispersion est-ouest est ouverte grâce à l’arc d’altitude,
presque ininterrompu, qui relie, à partir du Haut Nil, les plateaux et
montagnes du Darfour, de l’Ennedi, du Tibesti, du Tassili, du Hoggar, de
l’Aïr, de l’Adrar des Ifoghas: les régions centre-Niger et du Dhar Tichitt sont
alors proches et facilement accessibles.
«Comme dans le delta intérieur du Niger, les habitants […] ont dû, pour
échapper à l’inondation […] s’établir sur des buttes qui ont attiré l’attention
des archéologues», qui ont pu dater une soixantaine de ces sites. Certains sont
occupés par des chasseurs-pêcheurs néolithiques dans le courant du
Ier millénaire avant l’ère: notamment la «grande butte» de Daïma, au Nord-
Est du Nigéria, à 5 kilomètres de la frontière camerounaise (Cornevin, 1998).
Toutefois, c’est bien plus tôt que, dans ces régions tchadiennes et centro-
africaines, le sorgho est devenu culture. Pour les agronomes et botanistes
américains (Harlan et al., 1976), par exemple, la domestication du sorgho, «la
plus importante des plantes africaines domestiquées», intervient quelques
cinq millénaires avant notre ère, dans une bande est-ouest étroite de 300 à
500 kilomètres, entre le lac Tchad et le Nil, à peu près à hauteur du
12e parallèle: c’est l’aire d’origine de l’ancêtre des sorghos cultivés, Sorghum
bicolor («Early Bicolor»).
Cet ancien Bicolor, manipulé, sélectionné par divers groupements
ethniques, indépendamment les uns des autres, va donner les principales
races de sorgho actuellement cultivées:
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De l’homme préhenseur à l’homme producteur
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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De l’homme préhenseur à l’homme producteur
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De l’homme préhenseur à l’homme producteur
Conakry, par les riziculteurs Baga (surtout les Baga-Foré), les seuls à
pratiquer ce type de riziculture dans ces zones.
Or, Portères (1976) a retrouvé les cinq formes de la variété cultivée, le
«Baga-Malé», dans la variété agraire Boussa-Diambou de la région de Mopti
(en plein delta central nigérien): la variété flottante en est donc bien originaire
ainsi que les riziculteurs Baga-Foré.
Ces derniers, maîtrisant bien le riz flottant, auraient, lors de leur migration,
recherché les plaines inondables similaires à celles de leur berceau ethnique,
et atteint, ainsi, la côte entre le XVIe et le XVIIIe siècles, soit par le haut
bassin du Niger, puis par celui de la Gambie, vers le Sénégal; soit en
traversant les rios Corubal (Guinée-Bissau) et Kogon (Guinée-Conakry) pour
atteindre les plaines des rios Nunez et Pongo.
Les premiers échantillons de ce riz africain, Oryza glaberrima, seront
d’ailleurs recueillis, d’une part, en 1826, par le pharmacien de la marine Le
Prieur, dans les Niayes, près de Dakar (où la riziculture a pratiquement
disparu), et, d’autre part, de 1845 à 1848, par le commissaire à la marine Ed.
Jardin, dans les îles de Los, face à la presqu’île de l’actuelle Conakry. Ce sont
ces derniers échantillons qui permettront à Steudel de décrire l’espèce en
1885 (Portères, 1955).
Cependant, à évoquer cette lente mais opiniâtre migration de la riziculture
inondée du delta central nigérien vers l’ouest et le sud-ouest, et son
adaptation à des milieux aussi hostiles que la mangrove à palétuviers des bas-
pays de la façade maritime du Sénégal, des Guinées, de la Sierra Leone, on
ne peut manquer d’éprouver une réelle admiration pour ces expérimentateurs
empiriques qui ont su les conduire. Leurs dons d’observation, leur goût du
risque et leur ténacité les ont amenés à une remarquable maîtrise de la gestion
des terres et des eaux, face, en particulier, aux phénomènes naturels de
submersions fluviatiles, de marée, de salure.
Bien des agro-hydrologues d’aujourd’hui reconnaissent volontiers que
leurs propres technologies sophistiquées de barrages, de polders, de
pompage, etc. ne fonctionnent guère mieux (quand elles n’échouent pas) que
les anciens aménagements des Diola, Baga et autres ethnies côtières.
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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chapitre 2
De l’antiquité au moyen âge
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La dégradation bioclimatique, «irréversible»
section I
La dégradation bioclimatique, «irréversible»
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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La dégradation bioclimatique, «irréversible»
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
âge»: Nachtigal en recueille encore la tradition orale lors de son voyage des
années 1880 (Mauny, 1961).
A côté des causes naturelles, une autre cause majeure de désertification est
évidemment l’homme lui-même. Dans l’ancien Sahara vert, déjà, les besoins
sans cesse croissants des populations en forte augmentation, de leurs animaux
domestiques, bovins, ovins, caprins, en grand nombre, rendent les
prélèvements sur la végétation, les eaux superficielles, les nappes
phréatiques, de plus en plus sévères.
Le débat reste cependant ouvert sur l’irréversibilité de ce processus de
désertification. De nombreux témoignages semblent prouver que lorsque, «pour
une raison ou une autre, l’homme se retire d’un pays ou qu’il en soit chassé, la
végétation reprend immédiatement le dessus», si toutefois «la pluviométrie est
suffisante pour permettre à la végétation de reparaître […]. Il ne faut pas
exagérer l’aggravation de la désertification du Sahara lui-même depuis trois
millénaires environ. Le Sahara était déjà tel sous Hérodote (Ve siècle avant notre
ère), les Romains et les Arabes du moyen âge» (Mauny, 1961).
Très différent est le problème dans les régions de savanes et forêts où
l’homme, par ses défrichements, ses feux de brousse, ses exploitations de
plus en plus continues, voire abusives des terres, peut être le facteur essentiel
de dégradation.
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La dégradation bioclimatique, «irréversible»
Au regard des travaux de nombreux auteurs, dont Mauny (1953; 1961), fait
d’ailleurs une excellente synthèse, on retiendra, pour le présent ouvrage (limité,
rappelons-le, aux régions tropicales d’Afrique, donc sous influence de la
mousson guinéenne à l’exclusion des régions méditerranéennes à pluies
hivernales), la terminologie et le zonage agro-bio-climatique suivants, du nord
au sud.
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
Mediterrannéen
aride à pluies hivernales
sahélo-soudanien
désert et saharo-sahélien
soudano-guinéen
équatorial humide
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La dégradation bioclimatique, «irréversible»
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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La dégradation bioclimatique, «irréversible»
Nul doute que, dans les temps antiques et médiévaux, sa pénétration dans
l’hinterland est beaucoup plus profonde. Aucune mention directe n’en est
cependant faite par les auteurs arabes, à l’exception de Ibn Saïd, voyageur
grenadin (né en Andalousie) du XIIIe siècle, qui évoque les «forêts
inextricables» du Sud (du Kanem) (Mauny, 1961). Les seules connaissances
alors disponibles proviennent des contacts avec les marchands qui apportent
du sud des denrées appréciées: or, ivoire, cola, etc.
C’est pourtant dans ce milieu réputé hostile à l’homme que se développent
les civilisations florissantes du pays yorouba, du Bénin, d’Ifé, des
Bantouphones, etc.
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Les grands empires, royaumes, ensembles ethniques et linguistiques subsahariens
section II
Les grands empires, royaumes, ensembles
ethniques et linguistiques subsahariens
2.1 LE GHANA
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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Les grands empires, royaumes, ensembles ethniques et linguistiques subsahariens
2.2 LE TEKROUR
2.3 LE MALI
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Les grands empires, royaumes, ensembles ethniques et linguistiques subsahariens
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
Et c’est sans doute à Sonni que l’on doit le premier projet grandiose
d’aménagement hydro-agricole de l’Afrique occidentale sub-saharienne. Vers
1475, il entreprend, en effet, «le creusement d’un canal de Râs el-Mâ (à
l’extrémité ouest du Lac Faguibine) vers Walata (Oualatâ dans l’actuelle
Mauritanie), en s’appuyant sans doute sur des oueds aujourd’hui desséchés
ou sur un diverticule des lacs plus abondants que de nos jours» (Ki-Zerbo,
1981). Ce canal, dont la longueur projetée est ainsi d’au moins
300 kilomètres, a pour objectif «de valoriser la région sur le plan agro-
pastoral et de relier directement Djenné à Walata en délaissant ainsi plus ou
moins la ville suspecte de Tombouctou».
Un conflit avec les Mossi, puis la mort de Sonni en 1492, viennent
interrompre cette fabuleuse entreprise que les ingénieurs du XXe siècle
ressusciteront, quelque 200 kilomètres au sud, en créant l’Office du Niger.
L’empire Songhaï connaît son apogée au XVIe siècle. A la mort de Sonni, il
surpasse déjà en puissance le Mandé (Mali). A la dynastie des Sonni succède
celle des Askia, musulmans, dont le premier souverain Mohammed entreprend,
à l’exemple de Kankou Moussa, son pèlerinage à la Mecque, non moins
fastueux, en 1496. En 1520, l’empire Songhaï s’étend pratiquement de
l’Atlantique (Sénégambie) au Niger (Agadès) - Nigéria (Kano, Zaria),
englobant ainsi les royaumes du Tekrour, de Dyarra, du Mali, du Macina, de
l’Aïr, etc.
L’empire éclate après la défaite de Tondibi, au nord de Gao,
le 15 avril 1591, où l’armée songhaï de l’Askia Ishaq II est battue par un
corps expéditionnaire marocain, commandé par l’Espagnol rénégat Djouder,
qui s’installe à Tombouctou.
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Les grands empires, royaumes, ensembles ethniques et linguistiques subsahariens
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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Les grands empires, royaumes, ensembles ethniques et linguistiques subsahariens
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
2.10 MADAGASCAR
Outre les plantes, ou plutôt leurs graines, noyaux, pépins, tubercules, les
Bantouphones ont également introduit divers animaux que cite Perrier de la
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Les grands empires, royaumes, ensembles ethniques et linguistiques subsahariens
Les Indiens arrivent ensuite, sans doute avant l’hégire (622 de l’ère
chrétienne), créent des comptoirs au nord de l’île (côtes ouest et est) et
apportent vraisemblablement:
Puis, ce sont les Arabes, déjà installés sur la côte orientale de l’Afrique,
qui accèdent, dès le VIIe ou VIIIe siècle, à la côte occidentale où ils fondent
d’importants établissements.
Leur apport en plantes cultivées est probablement constitué par Ziziphus
spina Christi, le «lamotifotzy»; Vigna sinensis, «le voemba»; Punica granatum,
le grenadier; la vigne.
Les Européens n’arriveront qu’au début du XVIe siècle avec une nouvelle
palette d’introductions, cependant riche et variée.
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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Vers une agriculture médiévale africaine
section III
Vers une agriculture médiévale africaine
De nos jours, l’agriculture africaine est, au moins dans son volet végétal,
fortement marquée par la présence de plantes d’origines américaine et
asiatique. A ce constat, nombre d’auteurs contemporains éprouvent quelque
perplexité quant aux ressources dont pouvaient disposer les populations
africaines pour satisfaire leurs besoins alimentaires, domestiques, de santé, de
vie sociale, etc. avant ces apports exotiques, et notamment avant le
XVe siècle, celui des grandes «découvertes».
Certains imaginent même l’Afrique précolombienne en proie à la pénurie,
à la disette, les schèmes préhistoriques ou antiques de la cueillette, la chasse,
la pêche ne suffisant plus à couvrir les demandes de sociétés de plus en plus
nombreuses, organisées, à la recherche de leurs identités, leurs espaces, leurs
avenirs.
La réalité d’alors, donc du millénaire couvrant le début de notre ère et
jusqu’au moyen âge, est, fort vraisemblablement, beaucoup moins sombre.
Sans doute d’incontestables difficultés proviennent-elles de l’assèchement
climatique (causant les migrations déjà évoquées), de l’accroissement
démographique, et surgissent-elles d’inévitables conflits politiques et
ethniques.
Cependant, l’espace sahélo-soudanien et, a fortiori, les espaces soudano-
guinéens et forestiers, sont loin d’être humainement saturés; les ressources
naturelles animales et végétales y abondent encore. Il est, en outre, certain
que, nonobstant la tendance générale à l’assèchement, le Sahel d’alors,
encore très raisonnablement habitable, se situe, sans doute, à au moins
200 kilomètres au nord de ses limites actuelles. Les nombreux témoignages
de voyageurs arabo-berbères qui parcourent ces régions bien avant la fin du
Ier millénaire, et dont les récits écrits sont heureusement conservés depuis le
VIIIe siècle de notre ère, le prouvent abondamment.
Une brève lecture des textes les plus instructifs à cet égard, résumés ci-
après, permet d’en esquisser les grands contours agricoles. En première
preuve d’une situation écologique bien plus favorable que de nos jours, pour
le Sahel subsaharien, tous ces récits attestent de l’existence, aux premiers
siècles de notre ère, de grandes agglomérations urbaines à des latitudes telles
que, de nos jours, elles sont menacées, ou presque effacées, par le désert.
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Vers une agriculture médiévale africaine
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Vers une agriculture médiévale africaine
de plusieurs années a pourtant failli anéantir, tant «les gens avaient offert de
bœufs en sacrifice pour obtenir la pluie. Sécheresse et misère ne faisaient que
croître» (Cuoq, 1975). Al-Bakri confirme ainsi, qu’il y a un millénaire, le
climat sahélo-soudanien était déjà affecté par des alternances de périodes plus
ou moins humides ou arides.
Puis, on atteint la boucle du Niger, où le mil est toujours la base de la
nourriture et où coexistent des tribus berbères musulmanes sur la rive nord et
des populations noires polythéistes sur la rive sud.
Les «épitaphes de Gao» (Mali) méritent également d’être mentionnées ici.
Découvertes en 1939, les stèles de Sané (8 kilomètres au nord-est de Gao) qui
les portent sont datées entre 1100 et 1264. Bien qu’elles n’aient aucun lien
apparent avec l’agriculture (elles rappellent des événements concernant les
personnages dont elles marquent les tombes), «ces épitaphes témoignent de
façon indubitable […] de relations commerciales importantes avec
l’Andalousie d’où plusieurs de ces pièces sont originaires; les plus anciennes
ont été sculptées à Almería, Espagne, (d’après Sauvaget, 1950), peu d’années
après l’entrée des Almoravides en Espagne (en 1086)». Ces derniers y sont
d’ailleurs supplantés, quelques décennies plus tard, par les Berbères
Almohades (Cuoq, 1975).
Or, dans ces mêmes XIe et XIIe siècles, l’agronomie andalouse est à son
apogée, notamment avec les Tolédans Ibn Wàfid et Ibn Bassal, les Sévillans
Khayr et Ibn Hadjadj, pour le XIe siècle; «le botaniste anonyme de Séville»
et surtout l’agronome sévillan Ibn al-Awwam, pour le XIIe siècle. Tous ces
auteurs, souvent autant praticiens que théoriciens, sont à la fois héritiers des
agronomes nabathéens (particulièrement du Mésopotamien Ibn Wahsiyya, du
IXe siècle), et, tous, dans la «tradition de Columelle» (les Géoponiques du
Ier siècle de notre ère). «Ils pratiquent intensément une agriculture
expérimentale qui laisse l’impression moderne d’un groupe de recherche:
micro-hydraulique: modalités d’ensemencement; complication des
assolements […]» (Bolens, 1981).
Ils procèdent à de nombreuses introductions et acclimatations de plantes
exotiques, utilisant pour ce faire les analogies climatiques: Babylonie et
Andalousie sont, par exemple, pour Ibn al Awwam, situées dans le même
quatrième climat des Anciens. Ils ont, en outre, d’excellentes connaissances
des différents types de sols, de leurs qualités respectives et des méthodes pour
leur amélioration.
Ils maîtrisent les techniques de culture des nombreuses plantes, tant en
agriculture pluviale qu’en agriculture irriguée (des céréales dans les «végas»,
des cultures maraîchères dans les «huertas»): riz, cotonnier, canne à sucre,
palmier, figuier, légumineuses à graines (haricots, fèves, etc.), blé, orge, millet,
agrumes, etc. pour ne citer que celles susceptibles d’une acclimatation tropicale.
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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Vers une agriculture médiévale africaine
d’après lui, couvre une surface considérable, et dont il fait sortir le Nil
d’Egypte, celui de Ghana (le Niger et le Sénégal) et celui de Makdishu (le
Zambèze?) se jetant dans la mer des Hind (l’Océan indien) (Carte simplifiée
publiée par Kamal et reproduite par Cuoq, 1975).
Bien que les dimensions données, pour le lac, par Ibn Said soient fort
exagérées (2 000 kilomètres de longueur, 800 kilomètres de largueur), les
géographes d’aujourd’hui s’accordent néanmoins pour admettre que
l’abaissement du niveau des eaux du Tchad ne date que de quelques siècles:
par suite de l’usure des seuils, on assiste ainsi à la capture partielle du
Logone, principal fournisseur d’eau du Tchad, par la Bénoué». Il est donc
probable que «jusqu’au plein moyen âge les eaux du Tchad se déversent vers
le nord-est par le sillon du Bahar el-Ghazal, long de 600 km, dans le Djouras
situé à 80 mètres au-dessous du niveau du lac» (Cuoq, 1975).
Autour du lac, sur la rive nord, se trouvent des villes, dans une région
«fertile et prospère» où l’on «trouve des paons, des perroquets, des poulets
aux couleurs bigarrées (pintades?), des moutons tachetés de la taille des petits
ânes et d’une silhouette différente de celle de nos béliers». Dans les jardins et
vergers, «les fruits sont différents des nôtres. On trouve alors chez eux (à
Djimi, capitale du Kanem: très vraisemblablement le Nguimi actuel, au
Niger, à l’ouest du lac) des grenades et des pêches (?) en abondance. Ils ont
expérimenté la canne à sucre, mais avec un succès médiocre. Cette culture est
réservée au sultan, ainsi que celles du raisin et du blé» (Cuoq, 1975).
Al-Umari (ou Al-Omari) publie, entre 1342 et 1349, une véritable
encyclopédie «à l’usage de l’homme cultivé de l’époque» (Cuoq (1975), qui
se réfère aussi à la traduction de Maurice Gaudefroy-Demombynes, éminent
orientaliste et grand-père de Philippe, l’agronome, que l’on rencontrera dans
le Livre VI).
Al-Umari consacre un volume au continent africain dans lequel il reprend
les apports de certains de ses prédécesseurs, dont Ibn Said, mais ajoute
nombre de renseignements intéressants sur le Soudan du XIVe siècle.
S’agissant du royaume du Kanem, il confirme que le fond de
l’alimentation est le riz, le blé et le sorgho, mais qu’on y trouve également «la
figue, le limon, le raisin, l’aubergine et la datte fraîche», toutes plantes
importées du nord. En outre, «le riz pousse chez eux sans aucune semence».
Quant au royaume du Mali, alors à son apogée (le roi en est alors
Souleymane, le frère du grand Mansa Moussa), Al-Umari en décrit quelques
aspects agricoles. Les principaux aliments y sont le riz, le fonio (Digitaria
exilis), le sorgho, le froment (rare); mais le sorgho, signe de son abondance,
est déjà utilisé pour la nourriture des chevaux et des bêtes de somme. Les
chevaux («demi-sangs tatares»), les vaches, les moutons, les ânes «sont tous
de très petite taille».
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
«On cultive (aussi) une chose qui s’appelle kafi»: c’est l’igname africain
Dioscorea cayenensis ou D. rotundata «dont le goût est semblable à celui de
la colocasie (taro), mais il est plus agréable». On cultive aussi, au Mali, «le
haricot, la courge, le navet, l’oignon, l’ail, l’aubergine, le chou».
Parmi les arbres fruitiers figurent, dans les vergers, le figuier sycomore, ou
d’Egypte, Ficus sycomorus, très répandu; et dans la brousse: le baobab, le
néré, le karité, etc. (cf. les ressources de la cueillette, Section IV, 4.5).
Le grand voyageur Tangitan Ibn Battûta parcourt le Soudan (actuels
Mauritanie, Mali, Haute-Guinée), d’avril 1352 à avril 1353. Ses récits,
rédigés quelques mois après son retour, par un secrétaire de Fez, Ibn Djuzayy,
sont les plus détaillés de l’époque sur cette région d’Afrique occidentale.
Dans son voyage entre Iwalatan (Oualata) et Malli (capitale de l’empire,
en Haute-Guinée), Ibn Battûta déguste des graines récoltées dans le sol,
semblables aux fèves (il s’agit du voandzou, Voandzeia subterranea) que les
habitants consomment soit grillées, soit en beignets frits au beurre de karité
(après broyage des graines).
L’huile de karité a en outre, précise-t-il, d’autres usages: éclairage, enduit
des murs des maisons après mélange à la terre, etc. On la transporte dans de
grandes calebasses qui, «au pays des Soudan, sont énormes». De ces courges,
on fait également, en les divisant en deux parties, des écuelles sur lesquelles
on grave «de beaux dessins».
Plus globalement, on retire de la lecture des récits de Ibn Battûta, une
impression assez plaisante sur l’accueil et les conditions de vie des
populations soudanaises de l’époque. «Quand on arrive dans un bourg, les
femmes des Soudan apportent du mil, du petit lait, des poulets, de la farine
de lotus, du riz, du fonio (avec lequel on fait du couscous et de la bouillie),
etc. et enfin de la farine de dolique (niébé)» (Cuoq, 1975). Le «lotus» est
vraisemblablement le fruit du jujubier, sauvage, Ziziphus jujuba (nabag en
arabe), utilisé soit en boisson, soit sous forme d’une sorte de pain, dans tout
le Soudan occidental. Mungo Park le mentionnera sous le nom de Rhamnus
lotus (Dalziel, 1937).
Quand il atteint, le 20 juin 1352, la «ville de Malli, capitale du roi des
Sudan», Ibn Battûta est hébergé dans une maison du «quartier des Blancs»,
louée à son intention par un notable. Le cadi de Mali lui offre une vache en
cadeau d’hospitalité, l’interprète désigné lui envoie un bœuf, le gendre de son
hôte deux sacs de fonio et une calebasse de karité et, à nouveau, son hôte du
riz et du fonio.
Le séjour de notre honoré voyageur se présente donc sous les meilleurs
auspices, jusqu’à ce que dix jours plus tard un plat à base d’igname
l’intoxique gravement, malgré un vomitif administré par un Egyptien: détail
qui indique que les relations avec l’Egypte se poursuivent, trente ans après le
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Vers une agriculture médiévale africaine
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
Les auteurs arabes n’ont parcouru que les pays sahélo-soudaniens et n’ont eu
quelque connaissance des pays de la forêt que par des témoignages très
épisodiques, souvent fantaisistes, de marchands s’y approvisionnant en
denrées recherchées par les commerçants du nord: ivoire, noix de kola, or,
etc.
En fait, même à l’époque de Léon l’Africain, les Arabo-berbères ignorent
que des royaumes de haute civilisation fleurissent alors vers le golfe du Bénin
(Ifé, en particulier). Les premiers témoignages en seront apportés par les
marins portugais et leurs confrères ou concurrents de l’Europe occidentale.
Ils sont évoqués dans le Livre II.
3.4 A MADAGASCAR
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Vers une agriculture médiévale africaine
section IV
Les principales ressources végétales avant
les «plantes de la découverte»
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Vers une agriculture médiévale africaine
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
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Vers une agriculture médiévale africaine
4.1.5 Le blé
Il est clair que le blé n’a jamais connu une grande extension dans les régions
tropicales subsahariennes, bien que sa culture soit techniquement possible, en
saison fraîche, sous réserve d’une irrigation ad hoc. De nos jours, le blé est
encore très présent dans les cultures jardinées du Sahel nigérien, des oasis,
etc.; et de nombreuses expériences «grande culture» en ont démontré la
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HISTOIRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE EN AFRIQUE TROPICALE FRANCOPHONE
beurre attaque les peaux (notamment les gourdes en cuir), aussi doit-il être
stocké uniquement dans des récipients faits de calebasses».
Ibn Battûta confirme, quelques années après (1352-1353) cette
information, reprise par Lewicki (1974) et qui aurait d’ailleurs pu être
écrite six siècles plus tard. Aux utilisations énumérées par Al-Umari,
Ibn Battûta ajoute les soins du corps, en onction, ce dont se
souviendront les industries cosmétiques du XXe siècle, pour élaborer
leurs baumes, pommades et autres crèmes de beauté.
Cette sorte d’huile est, d’après Ibn Battûta, produite en grande quantité
dans tout le «Soudan» (occidental) qu’il visite, et très aisée à se
procurer. On lui offre d’ailleurs, à l’occasion de sa visite au Mansa du
Mali, Soleïman (1341-1360), «prince avare» d’après Ibn Battûta, en
cadeau d’hospitalité, «trois pains ronds, un morceau de viande de bœuf
frit dans le gharti (beurre de karité) et une gourde de lait caillé», présent
que notre voyageur n’apprécie que fort peu, tant il lui paraît modeste.
La fabrication et l’utilisation du beurre de karité seront largement
évoquées par tous les voyageurs européens des siècles suivants: le
Génois Malfante, en 1477, dans les oasis du Touat (sud algéro-
marocain); Mungo Park au Mali occidental, en 1799; Caillié au Mali,
en 1828; Barth à Tombouctou, en 1853.
• Le méné, Lophira alata Banks. Cet arbre, à l’aire nettement guinéenne,
est un relais méridional du karité, comme «arbre à beurre», spontané des
savanes boisées africaines, où il constitue des peuplements groupés,
parfois importants, en lisières de forêts et sur les crêtes des collines. Il est
cousin proche du Lophira procera qui fournit le bois d’œuvre, «azobé».
Le naturaliste allemand Schweinfurth le rencontrera vers 1870 en
Afrique centre-orientale, au pays des Niam-Niam ou Sandé, ou Azandé,
entre les bassins du Nil, du Congo et du lac Tchad et le décrira ainsi:
«[…] le Zahoua (le Méné des Bambara et des Soussou occidentaux) est
l’un des arbres les plus utiles de la contrée en raison de ses fruits, qui,
de la grosseur d’une noisette, renferment une huile abondante et
singulièrement pure, huile sans odeur, sans goût particulier, bien
préférable, pour moi, à celle de l’Elaeis et du Bamia (karité)»
(Aubreville, 1950).
• Le palmier à huile, Elaeis guineensis Jacq.. Africain, comme le karité,
le palmier à huile est une espèce de tropiques plus humides (son
optimum pluviométrique étant 2 000 millimètres annuels bien répartis).
Il réclame, néanmoins, un ensoleillement minimum qui lui fait préférer
les bordures de forêts ou les grandes clairières.
«Originaire du golfe de Guinée, (il) se rencontre encore sous forme
spontanée depuis le Sénégal jusqu’à l’Angola. Sa répartition couvre la
80
Vers une agriculture médiévale africaine
Il est cultivé jusqu’à nos jours dans les savanes africaines de l’Atlantique
au Tchad, où il sera retrouvé par les explorateurs du XIXe siècle, Barth,
Nachtigal, etc.
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Vers une agriculture médiévale africaine
Caillié rencontrera, comme Ibn Battûta, mais bien plus tard, les jujubes
sur les marchés.
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Vers une agriculture médiévale africaine
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Vers une agriculture médiévale africaine
d’Alexandre le Grand, vers 300 avant notre ère. Il diffuse ensuite au sud de
la Méditerranée et en Espagne au IXe siècle, avec l’expansion de l’Islam, puis
en Afrique du Centre et de l’Ouest, au XIe siècle.
Parvient également, en Afrique, Gossypium arboreum (pérenne comme G.
herbaceum), où il est représenté par deux races: soudanense en Afrique du
Nord et de l’Ouest, et indicum en Afrique de l’Est et à Madagascar.
Ces deux espèces, G. herbaceum et G. arboreum, vont assurer, en Afrique,
la satisfaction des besoins domestiques jusqu’à l’arrivée, après «la
découverte» de l’Amérique, des espèces tétraphoïdes: G. barbadense, à fibre
longue, et G. hirsutum, à fibre de longueur moyenne. Ces «cotonniers du
Nouveau Monde» interviennent de nos jours pour, respectivement, 8 et 90
pour cent de la production mondiale.
Outre la palette, déjà fort complète, mais cependant ici très abrégée des
plantes utiles, présentée dans les pages précédentes, les Africains de
l’Antiquité et du moyen âge ajoutent d’innombrables autres espèces qu’ils
identifient parfaitement, et dont ils connaissent l’essentiel des qualités, tant
favorables que désagréables, ou dangereuses.
Certaines sont accessoirement cultivées, d’autres sont simplement
collectées quand les aléas climatiques, économiques et politiques, en rendent
la cueillette nécessaire, d’autres sont des commensales habituelles des plantes
de «grande culture». Une évocation, même très tronquée, en serait bien trop
fastidieuse. Quelques exemples peuvent en donner une touche
impressionniste.
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Vers une agriculture médiévale africaine
sont comme des noisettes, et ils mangent ce fruit encore vert […]». Le
baobab, dont il s’agit bien évidemment, gardera d’ailleurs le nom de
calebassier jusqu’à ce que Adanson le baptise baobab qui est, en arabe
d’Egypte, le nom donné à la pulpe, en général (Zurara, 1960).
• le Raphia ruffia de Madagascar, «qui, sans être cultivé
méthodiquement, est cependant l’objet de soins et parfois même
ensemencé», sans doute très anciennement (Chevalier, 1948).
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Les ressources animales
section V
Les ressources animales
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Les ressources animales
Au XIVe siècle, Ibn Battûta, qui séjourne en 1352 dans l’oasis de Oualata,
indique que l’agneau y est nourriture commune. Al-Umari, à la même
époque, observe bon nombre de béliers et brebis divagant, dans la ville de
Mali, sur les tas de détritus et ordures.
Léon l’Africain (voyages de 1507 à 1512) mentionne également de grands
troupeaux de moutons dans les provinces Haoussa du Gober (région de
Maradi, Niger), de Kano (Nigeria). Pour le territoire des Songhai, il précise
que, hors la ville de Gao, la région est habitée par des cultivateurs et des
pasteurs, ces derniers se couvrant, en hiver, de peaux de moutons, sans aucun
doute abattus pour leur viande.
Plus à l’est, dans le Royaume du Bornou (ouest du lac Tchad), Ibn Saïd
(deuxième moitié du XIIIe siècle) mentionne l’élevage de béliers sahariens
d’un format semblable à celui d’un petit âne, donc Ovis longipes.
Encore plus à l’est, Al-Makrizi (début du XVe siècle) signale de grands
troupeaux de moutons conduits par la tribu des Ankarar, comme Léon
l’Africain dans l’Etat de Gaoga fondé par les Bulala près du lac Fitri (à
quelques 200 kilomètres à l’est du lac Tchad).
L’élevage des caprins est sans doute aussi ancien que celui des ovins,
auxquels ils sont bien souvent étroitement associés.
Les races semblent provenir de trois souches:
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Les abeilles sont également exploitées au moyen âge, bien qu’il s’agisse
beaucoup plus de récolte d’essaims sauvages que de véritable apiculture. Le
miel est souvent cité comme constituant des aliments et boissons.
Al-Bakri (1068) consomme des friandises au miel à Aoudaghost; Ibn
Battûta mentionne la récolte du miel dans les arbres creux, par les
populations entre Oualata et Mali. Ces pratiques seront confirmées par les
premiers navigateurs portugais: Valentim Fernandes (1506-1507), par
exemple, indique qu’en pays mandingue, «il y a beaucoup de cire et de miel
et des ruches très nombreuses dans les arbres et ces ruches sont faites de
paille avec de l’argile par-dessus». Il décrit également la fabrication du vin de
miel par les Ouolof (Mauny, 1961).
5.5 LE CHEVAL
Par la voie orientale, les Arabes de Haute Egypte introduisent, vers la fin
du XIIIe siècle:
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Les ressources animales
5.6 LE CHAMEAU
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Les ressources animales
plus tôt. Il y est utilisé pour le transport, mais aussi dans l’art militaire: Al-
Bakri signale, par exemple, que Tin Yeroutan d’Aoudaghost «peut mettre en
campagne 100 000 guerriers à chameau» (Mauny, 1961).
C’est incontestablement au chameau que l’on doit l’exceptionnelle
pérennité du commerce trans-saharien, dont l’ampleur, considérable au
moyen âge, connaîtra encore de beaux échos jusqu’au XXe siècle, et ce
malgré la concurrence des voies maritimes et ferrées, tournées vers le sud.
«Bien qu’il ne soit pas un animal «noble» […] l’âne a et avait, dans les siècles
passés, une énorme importance comme animal de transport. L’âne […] en
zone sahélienne et soudanaise relaie donc à propos le chameau saharien
jusqu’à la limite des pays infestés par la trypanosomiase […] à laquelle il est
sensible. Tout à fait adapté au climat, rustique et endurant, il peut porter des
charges de 50 à 100 kg […]. L’âne gris est d’ailleurs originaire d’Afrique»
(Mauny, 1961).
• Le beurre.
«Il est consommé en grandes quantités, et, en premier, par les pasteurs
berbères nomadisant à la limite du Sahara et du Soudan» (Lewicki,
1974), comme le décrit Al-Bakri. Ibn Battûta et Léon l’Africain
mentionnent également l’utilisation du beurre par les Berbères du
Takadda (au nord-ouest de l’actuel Niger).
Dans l’actuel Sénégal, Al-Magribi, l’un des principaux informateurs de
Al-Kazwini (XIIIe siècle) rapporte qu’au Takrour (dans la vallée du
fleuve, vers l’actuel Podor), qu’il a personnellement visité, le beurre est
remarquablement bon marché, comme d’ailleurs le miel et le riz. Léon
l’Africain indique que le beurre est également très employé à Kabara
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• Les graisses
La graisse des animaux abattus pour leur chair est souvent utilisée, en
dernier recours, par les Africains de l’ouest, au moyen âge. En
particulier, Al Bakri (1068) rappelle que les habitants de l’actuelle
Mauritanie se nourrissent de viande séchée, hachée et mélangée à de la
graisse fondue ou du beurre (probablement de brebis ou de chamelle)
(Lewicki, 1974).
• Le miel
La collecte du miel des abeilles sauvages, déjà évoquée ci-dessus,
constitue, sans doute, au moyen âge, un des apports sucrés les plus
importants de l’alimentation, tant pour les mets que pour les boissons.
La canne à sucre n’est guère cultivée, si toutefois elle est déjà connue,
le sorgho sucré, le «bourgou» (Echinochloa stagnina, ou roseau à miel
du Niger), etc. ne sont que des appoints ou des palliatifs.
Ibn Battûta, Al-Muhallabi mentionnent, en particulier, l’utilisation du
miel pour la fabrication de boissons à base de mil.
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Les ressources animales
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Quelle image retenir de l’agriculture africaine, à ses stades antique et médiéval?
section VI
Quelle image retenir de l’agriculture
africaine, à ses stades antique et médiéval?
La rapide revue des ressources agricoles, objet des pages précédentes, laisse
globalement une impression de grande diversité et de relative suffisance, sous
les réserves, déjà exprimées, d’une répartition sans doute inégalitaire de ces
ressources entre couches sociales de la population, et d’une très certaine
irrégularité inter-annuelle des productions. Mais en va-t-il autrement dans les
autres sociétés humaines, même très modernes?
Si l’on retient le concept «d’espèces fondatrices» des systèmes agro-
alimentaires, de Malassis (1997) on peut affirmer que, sans conteste,
l’Afrique tropicale détient les siennes propres et ce, bien avant notre ère.
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Quelle image retenir de l’agriculture africaine, à ses stades antique et médiéval?
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Quelle image retenir de l’agriculture africaine, à ses stades antique et médiéval?
Les témoignages écrits des auteurs médiévaux sur les types, modes et
systèmes agricoles, leurs structures et fonctionnements sont parcimonieux:
l’agriculture n’est certainement pas leur principal centre d’intérêt, hors ses
produits commercialisables. Les sources archéologiques sont encore très
insuffisamment exploitées, et l’ethnologie comparée s’avère ainsi bien
précieuse.
L’ensemble des preuves disponibles permettent cependant de brosser
quelques grands traits des principaux modes et procédés agricoles, par
analogie avec des images beaucoup plus contemporaines.
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Quelle image retenir de l’agriculture africaine, à ses stades antique et médiéval?
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Quelle image retenir de l’agriculture africaine, à ses stades antique et médiéval?
Sans doute, l’exhaure de l’eau (des puits, des «céanes», des mares
résiduelles, des rivières, etc.) a-t-elle été longtemps manuelle, à l’outre, à la
calebasse. Elle l’est encore largement de nos jours. Il est cependant probable
que quelques dispositifs de l’Afrique méditerranéenne, au moins les puits à
bascule, les «chadouf», aient très tôt traversé le Sahara, avec les pénétrations
berbères et arabes. On en trouve, de nos jours, en maints lieux du Sahel, mais
les preuves archéologiques manquent encore.
Valentim Fernandes (1506-1507) mentionne néanmoins «l’arrosage par
puits à bascule des carrés de blé, d’orge et de mil, avec moisson en mars»,
des jardins des oasis de l’Adrar mauritanien (Mauny, 1961).
C’est, cependant, à la fin de cette période médiévale que s’élabore l’un des
projets les plus grandioses d’hydraulique fluviale que l’Afrique
subsaharienne ait jamais envisagé: le canal de Soni-Ali, empereur du Songaï.
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dont l’altitude est comparable: 275 mètres pour le premier, 260 mètres pour
le second; «et la topographie […] n’est pas incompatible avec le tracé d’un
canal passant par Bassikounou et Néma» (actuelle Mauritanie). En fait, au
XVe siècle, l’hydrographie, fossile de nos jours, devait constituer à l’ouest du
lac Faguibine, et grâce à son trop plein, une vaste zone lacustre, d’inondation,
s’étendant à des dizaines de kilomètres en direction de la corne sud-est de la
Mauritanie actuelle.
En outre, «la circulation de l’eau, dans un tel système, se faisait d’est en
ouest. C’est l’évidence même si l’on considère que Ras el-Ma est à la côte
275, le seuil de Goundam par lequel s’alimente toute la zone lacustre à la
côte 280, et le seuil de Tassakrant, par lequel le Niger se déverse, à la côte 290
(nivellement de l’Office du Niger) […]. Rappelons que les Daouna (vallées
fossiles au sud du lac Faguibine et parallèles au lac, à l’ouest de Goundam et
des lacs Téré et Oro) étaient accessibles en bateau il y a 60 ans […]. Chudeau
(vers 1910) avait entendu dire qu’en 1850 on pouvait se rendre par voie d’eau
à Basskounou» (à 200 kilomètres à l’ouest).
En fait, le projet de canal de Soni-Ali consistait plutôt à l’aménagement
«d’un chenal dans une région marécageuse». Il est cependant entrepris en
1483, mais une guerre avec les Mossi, puis la mort de Soni-Ali, en
1493, mettent fin au programme qui s’arrête «au lieu-dit Chan-Fenech», qui
se serait trouvé «dans la région de Tabeybarit».
L’idée de Soni-Ali sera reprise, bien plus modestement il est vrai, au début
du XXe siècle.
Il ne fait pas de doute que les différents modes de culture, ainsi brièvement
évoqués, existent et même souvent coexistent, depuis des millénaires. Les
premiers témoignages écrits font, par exemple, état de la double culture
annuelle pratiquée sur les rives des lacs et rivières. Al-Bakri, au XIe siècle,
indique ainsi qu’au bord du fleuve Sénégal «les semailles se font deux fois
par an: d’abord sur le sol arrosé par le «Nil» à l’époque de l’inondation,
ensuite dans les terrains qui conservent encore leur humidité». C’est ainsi
qu’on cultive encore de nos jours les terres fondé et hollaldé.
Les archéologues, de leur côté, font «remarquer que l’implantation de la
population néolithique dans la basse Vallée du Tilemsi, d’In Tassit (à
140 kilomètres au nord de Gao) à Gao, est exactement la même que celle des
populations actuelles de la boucle du Niger» (Mauny, 1961). On peut, sans
grand risque, déduire de cette analogie d’habitat, une similitude des activités
agricoles, avec double culture annuelle (riz, mil, sorgho), pastorales et
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Quelle image retenir de l’agriculture africaine, à ses stades antique et médiéval?
évolutions que l’on peut observer, encore de nos jours, en maints lieux de
l’espace sahélo-soudanien?
Cette très ancienne et continuelle adaptation des sociétés rurales à leurs
environnements, tour à tour favorables et agressifs, les a fait survivre et souvent
s’épanouir grâce aux équilibres durables qu’elles ont pu établir entre leurs
besoins fondamentaux et leurs milieux naturels. Ces équilibres, souvent
instables, mais toujours retrouvés, dénotent d’incontestables dynamismes et de
nombreuses innovations, donc d’une recherche constante, «empirique»,
cependant humble et anonyme. Il n’en subsiste, en général, aucune trace, hormis
les résultats: ni champs d’expériences, ni jardins d’essais, ni comptes-rendus.
Une exception, souvent citée, est celle rapportée par Ibn-Saïd, qui écrit au
XIIIe siècle. Elle concerne le royaume du Kanem, au nord du lac Tchad, donc
à moins de 400 kilomètres du site sahelien évoqué ci-dessus. D’après Ibn-
Saïd, c’est un véritable jardin d’essai que le sultan Muhammadi (il s’agirait
du sultan Abd al-Djalil qui a régné de 1193 à 1210) installe à quelque
40 milles (60-70 kilomètres) de sa capitale Djimi, en la ville de Navy (non
identifiée).
En ce lieu, «il possède des jardins, des parcs et des barques. On trouve
alors chez eux des grenades et des pêches en abondance. Ils ont expérimenté
la canne à sucre, mais avec un succès médiocre. Cette culture est réservée au
sultan, ainsi que celle du raisin et du blé» (Cuoq, 1975).
Nul doute que d’autres jardins d’essais, ou d’acclimatation semblables,
existent, à cette époque, en d’autres lieux et d’autres royaumes africains, mais
leur mémoire en est, peut-être, à jamais perdue. Quel souverain ou homme
d’influence ne rêve, du reste, pas de connaître, posséder, étaler chez lui les
fruits de l’exotisme, de l’insolite?
En Afrique notamment, la pénétration arabe apporte souvent, outre
l’Islam, un véritable art des jardins, qui a peut être inspiré notre sultan du
Kanem. En Afrique du Nord, les Omeyyades le diffusent jusqu’à l’Océan
atlantique et le transportent même jusqu’en Andalousie ibérique, dès le
VIIIe siècle, à Cordoue.
Les Almoravides, ces austères berbères sahariens, le perpétuent à leur tour,
notamment dans leur nouvelle capitale, Marrakech, qu’ils fondent en
1062. En Espagne méridionale, eux-mêmes et leurs successeurs Almohades
en reprennent la tradition à Séville, à Grenade, où au XIVe siècle, les émirs
nasrides érigent le magnifique palais de l’Alhambra et ses splendides jardins,
figuration terrestre du jardin céleste.
L’Europe chrétienne ne voudra évidemment pas être en reste. Alphonse Ier
d’Este, duc de Toscane, est peut être précurseur lorsqu’il crée, vers 1528, le
jardin botanique de Ferrare. D’autres princes ou notables suivront, les jardins
botaniques, d’acclimatation se multiplieront.
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Index des mots
bovins; 8; 10; 24; 25; 26; 27; 40; 42; 44; Cenchrus echinatus; 87
60; 62; 91; 92; 96; 101 Cenchrus Prieuri; 87
Brachiaria deflexa; 16; 18; 23; 27; 31; 87 Cenival; 81
Brachiaria kotschyana; 88 céréales; 27; 30; 44; 61; 63; 69; 73; 82; 89;
Brassica oleracea L.; 77 101; 103; 107
Brazzaville; 34; 54 Ceuta; 64
brebis; 93; 98 chadouf; 109
Bulala; 93 chameau; 62; 64; 70; 95; 96; 97; 99; 100;
bulrush; 70 102; 104
Bushman; 54 chamelle; 98; 100
Busson; 75 Chami; 24
Butyrospermum Parkii; 16; 18; 44; 79 Chan-Fenech; 110
Ca Da Mosto; 93; 95; 108 Chari; 22; 75; 78; 88
cad; 18 Charles Darwin; 15
caféier; 19 Charles de Lécluse; 114
caïlcedrat; 112 chat; 57
Caillié; 80; 83 Chebka; 27
Caire; 38; 50; 107 Chéops; 24
Cajanus cajan; 57 cheval; 44; 62; 65; 71; 94; 95; 96; 98; 99;
calebasse; 66; 78; 109 102; 104
Calicut; 55 cheval de Bandiagara; 94
Calotropis procera; 88 cheval du Hodh; 94
Cambay; 55 cheval du Liptako; 94
Camélidés; 95 cheval du Mossi; 94
Camelus; 95 cheval haoussa; 94
Camelus Bactrianus; 95 cheval songaï; 94
Camelus dromedarius; 95; 96 chèvre; 10; 25; 34; 62; 64; 92; 93; 100;
Camelus thomasi; 96 103; 108
Cameroun; 8; 11; 22; 29; 34; 54; 71; 74; Chine; 15; 28; 85
88; 106; 108; 111; 112 Chinguetti; 43
Campbell; 76 choux; 77
canards; 93 citron; 55; 103
Canaries; 85 citronnier; 83; 103
Cancer; 8 citrouille à huile; 78
Canna mellis; 85 Citrullus vulgaris; 67
canne à miel; 85 Citrullus vulgaris Schrader; 78
canne à sucre; 54; 55; 57; 63; 64; 65; 85; Citrus aurantium L.; 83
86; 98; 113 Citrus limon L.; 83
Cano; 103 Citrus spp; 57; 83
Cap Blanc; 24 Citrus vulgaris; 67; 78; 83
Cap Bojador; 38 civilisation Nok; 31
Cap Timirist; 24 Cocos nucifera; 57
Cap Vert; 31; 85; 99 cocotier; 54; 55; 57; 81
caprins; 27; 40; 42; 60; 93; 101 Coffea canephora; 17
Casamance; 32; 72; 73; 108 Coffea spp; 17
Casena; 103 Cola acuminata; 17; 86
castanhas (chataigne) de Inhambane; 78 Cola nitida; 17; 86
Caudatum; 29 Cola spp.; 86
Cavendish; 84 colatier; 19; 86
Ceiba pentandra; 43 Coleus Dazo; 16; 31; 88
Celtis integrifolia; 25; 27 Coleus dysentericus; 88
Cenchrus biflorus; 18; 23; 27; 42; 88 Coleus rotundifolius; 56; 88
Cenchrus ciliaris; 87 Coleus spp; 17; 31; 56; 88
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ISBN 92-5-205407-3
9 789252 054078
TC/M/A0217F/1/11.05/1200