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et du développement durable
Rapport du CESE
« L’économie bleue :
pilier d’un nouveau modèle de développement du Maroc »
Décembre 2018
Figures Titre
N°1 Les différents secteurs de l’économie bleue
N°2 Les différentes composantes du capital maritime
N°3 L’économie Bleue : de nombreuses activités marchandes et non marchandes
N°4 Chaîne de valeur des secteurs pêche et mariculture
N°5 Chaîne de valeur des secteurs : tourisme, croisière, plaisance, loisirs & sports
nautiques
N°6 Chaîne de valeur des secteurs : transport de passagers, livraison, construction &
réparation navale
N°7 Chaîne de valeur des secteurs exploitation de pétrole et de gaz & énergie
renouvelable
N°8 Chaîne de valeur du secteur biotechnologie marine
N°9 Chaîne de valeur de la recherche biotechnologique
N°10 Chaîne de valeur du secteur du dessalement
N°11 Interrelation entre les activités marchandes et non marchandes
N°12 La gouvernance des politiques publiques
N°13 Délimitation du territoire maritime marocain
N°14 Les axes stratégiques de l’économie bleue
Encadrés Titre
N°1 La transition vers une économie bleue inclusive du Bangladesh
N°2 Accord de pêche
N°3 La pêche artisanale : le poids des villages de pêcheurs dans le secteur de la pêche
N°4 Stratégie de la pêche au Sénégal
N°5 Taghazout Bay : vers un tourisme éco-durable
N°6 Route de la soie
N°7 Protocole de Nagoya
N°8 Gabon Bleu
N°9 Expérience de la Norvège
N°10 Principes de l’approche écosystémique
L’économie bleue apparait alors comme une nouvelle opportunité qui s’inscrit parfaitement
dans cet esprit de durabilité et de résilience prôné par l’Agenda des Nations Unies pour le
Développement Durable. L’économie bleue contribue ainsi à l’atteinte des objectifs de
l’Agenda 2030 et notamment de l’ODD14 : « Conserver et exploiter de manière durable les
océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ».
A l’échelle africaine, l’Union Africaine a clairement inscrit cette ambition dans sa vision de
l’Agenda 2063 « l’Afrique que nous voulons » et qualifie l’économie bleue de « Nouvelle
frontière de la renaissance africaine (…) l’économie bleue de l'Afrique sera un contributeur
majeur à la transformation continentale et de la croissance, en permettant les progrès des
connaissances sur la biotechnologie marine et aquatique, la croissance d’une industrie
maritime à l’échelle de l’Afrique, le développement du transport maritime, fluvial et lacustre
ainsi que de la pêche; et l’exploitation et la valorisation des minerais qui ne sont pas encore
exploités ainsi que d’autres ressources (…) L’économie bleue peut jouer un rôle essentiel dans
la transformation structurelle de l’Afrique, la croissance économique durable et le
développement social (…) ».1
C’est dans cette perspective que s’est tenu le premier forum sur l’économie bleue en Afrique
(FEBA) le 17 juin 2018 qui a conclu sur la nécessité pour le continent africain de travailler de
concert aux niveaux régional et national afin d’assurer une gouvernance maritime durable
qui profitera à l’ensemble du continent.
Cette ambition a aussi été mise en exergue lors de la récente conférence mondiale sur
l’Economie Bleue qui s’est déroulée du 26 au 28 novembre 2018 à Nairobi au Kenya. Près de
15 000 participants venus du monde entier, inspirés par l’opportunité unique de créer
davantage de prospérité pour tous, tout en préservant les ressources en eau pour les
générations présentes et futures, ont mené des discussions stratégiques pour la mise en
valeur et la préservation des ressources d’une économie bleue durable et pour accroître les
efforts visant à éliminer la pauvreté et améliorer la santé nutritionnelle. Grâce à une
détermination collective et des efforts aux niveaux local, national et international, la
communauté mondiale peut intensifier ainsi ses investissements et exploiter pleinement le
potentiel des océans afin d’accélérer la croissance économique, générer des emplois et
lutter contre la pauvreté.
1
Texte de l’Agenda 2063
Avec ses deux façades maritimes méditerranéenne et atlantique, ses 3500 km de littoral et
ses 1.2 millions de km² de zone économique maritime exclusive, sa richesse halieutique
convoitée et ses ressources énergétiques, fossiles et renouvelables, au potentiel encore
sous-exploité, le Maroc jouit d’un capital maritime important. Grâce à sa position
géostratégique à la croisée des civilisations et des chemins maritimes (Afrique, Europe et
région MENA), le Maroc a été un lieu de transit incontournable pour les flux de
marchandises échangées. Le Maroc s’est donc tout naturellement construit autour de ses
ports, ses comptoirs et a développé une expertise et un savoir-faire dans les différents
métiers liés à la mer.
Aujourd’hui, cette économie bleue marocaine doit être conçue autour d’une vision
écosystémique. La préservation de la santé des océans et de la biodiversité marine en est un
axe essentiel, sans occulter le potentiel d’atténuation et d’adaptation au changement
climatique. Elle doit contribuer à la réduction des inégalités territoriales et sociales tout en
assurant un meilleur partage des richesses. Une économie bleue fondée sur une exploitation
durable et socialement inclusive des ressources et du potentiel de la mer et de ses services
écosystémiques. Une économie bleue performante économiquement, socialement inclusive
et respectueuse de l’environnement, pouvant constituer l’un des piliers d’un nouveau
modèle de développement du Maroc de demain.
Pour être effective, cette vision doit se décliner à tous les niveaux, acteurs, dimensions et
échelles territoriales, dans une stratégie globale et intégrée.
Le but du présent rapport du CESE est de présenter une réflexion stratégique sur le capital
maritime marocain et d’en analyser les atouts, les contraintes, les opportunités et les
menaces actuelles, avant de proposer des lignes directrices et des recommandations
opérationnelles pour la mise en place d’une Stratégie Nationale de l’Economie Bleue (SNEB).
Pour parvenir à cristalliser cette vision d’une nouvelle économie bleue marocaine durable et
inclusive dans des axes stratégiques concrets, le CESE s’est livré à une analyse approfondie et
croisée de l’espace marin marocain et de l’ensemble de ses activités sectorielles associées. Il
a pour cela, adopté une approche participative, en auditionnant et recueillant les avis et
perspectives de l’ensemble des parties prenantes intervenantes sur le territoire maritime et
littoral du Royaume. Après avoir identifié les moteurs de la croissance bleue, le présent
rapport souligne aussi les pressions et les contraintes subies par ce territoire, pour aboutir à
Le pari d’un nouveau modèle d’une économie bleue marocaine résiliente convoque
aujourd’hui la restructuration, certes à des degrés variés, des secteurs maritimes dans le but
d’une triple performance économique, sociale et environnementale. Ces activités doivent
migrer vers davantage de durabilité, d’inclusion, de respect de l’environnement et des
écosystèmes. Ainsi, une analyse de la chaine de valeur de l’ensemble des secteurs, associés à
la mer et au littoral, a été faite pour identifier les modèles permettant de capter la valeur
locale de manière plus optimale. De plus, le CESE a évalué les activités non marchandes,
supports fondamentaux des activités économiques de la mer. En effet, le développement de
l’expertise, l’innovation, la connaissance des milieux marins et la recherche scientifique,
l’éducation, l’observation et la surveillance sont des conditions préalables pour assurer le
déploiement et la viabilité des secteurs maritimes compétitifs et résilients, sur la base d’une
approche écosystémique.
La transition vers une économie bleue nécessite, en effet, un leadership au plus haut niveau
à même d’assurer la coordination et l’arbitrage entre les différents acteurs concernés. Ce
leadership permettra également de contribuer à la mise en œuvre des engagements du
Maroc au titre des conventions internationales ratifiées.
Cependant, cette croissance a un coût. En effet, les activités maritimes produisent des
externalités négatives qui se traduisent souvent par la perturbation des écosystèmes marins,
mais surtout par la diminution des ressources halieutiques et menacent grandement le
potentiel économique des océans. .
Le concept d’économie bleue nait dans ce contexte en 1990 par Günter Pauli, un
entrepreneur et économiste belge qui inscrit les activités maritimes dans une économie
circulaire, par l’effet de la régénération. Ce concept se veut biomimétique et s’inspire des
forces régénératrices de la nature. Ainsi, il est possible de continuer à exploiter les océans et
d’arriver à un objectif « zéro déchet » par l’innovation technologique et les opportunités de
réindustrialisation qu’elle offre.
Plusieurs définitions ont été retenues pour ce concept, tenant compte du contexte et de la
géographie ciblés. Elles ont été initialement élaborées par les institutions internationales qui
mènent les réflexions autour des stratégies nationales et régionales de l’économie bleue. Ci-
après quelques-unes d’entre elles:
«Une économie qui entraine une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout
en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de
ressources».
« C’est la gamme des secteurs économiques et des politiques connexes qui déterminent
ensemble si l'utilisation des ressources océaniques est durable».
Par ailleurs, l’initiative pour le développement durable de l’économie bleue de l’Union pour
la Méditerranée considère l’économie bleue comme une politique de voisinage et un
engagement visant à sauver les ressources halieutiques et a trois grands objectifs : un espace
maritime plus sûr, une économie bleue intelligente et résiliente et une meilleure
gouvernance de la mer et ses ressources.
Dans sa démarche, le CESE propose de définir l’économie bleue comme étant : « une gestion
durable des écosystèmes marins et des ressources qui leur sont associées. Elle vise à
promouvoir la croissance économique, l’inclusion sociale et la conservation ou l’amélioration
des moyens de subsistance tout en assurant la durabilité de l’environnement des océans et
des zones côtières ».
1. Défendre une gestion et une utilisation durables des écosystèmes aquatiques et des
ressources correspondantes, à travers une approche et des regroupements
multisectoriels, en mettant l’accent sur la création de plus-value et d’emplois,
l’acquisition de compétences, les technologies générales et le renforcement des liens
entre l’économie bleue et les autres secteurs;
2. Optimiser les retombées socioéconomiques du développement durable des milieux
aquatiques, avec la participation des parties prenantes à tous les niveaux et à toutes
les étapes, afin d’installer une croissance inclusive et respectueuse de la parité
hommes-femmes et de renforcer la sécurité alimentaire ;
3. Préserver les écosystèmes aquatiques et les ressources associées en réduisant les
menaces et les impacts liés au changement climatique et aux catastrophes naturelles;
4. Accomplir les objectifs de développement durable (ODD) relatifs à̀ la conservation et
l’exploitation durables des océans, des mers et des ressources marines et à la
garantie d’un accès à l’eau et à l’assainissement pour tous.
Au delà des secteurs maritimes traditionnels tels que la pêche, le tourisme et les activités
portuaires, l’économie bleue comporte désormais de nouveaux secteurs porteurs de forts
potentiels de croissance, tels que : l’aquaculture, l’écotourisme, les bioproduits marins ou les
biotechnologies, etc.
Économie
Bleue
«Au fur et à mesure que les coûts diminuent et que la technologie s’améliore, les pays au-
delà du marché européen existant poursuivront leur potentiel éolien offshore pour soutenir
les priorités stratégiques en matière d’énergie», a déclaré Dolf Gielen, Directeur du Centre
Innovation et Technologie de l’IRENA. Il a aussi ajouté «Le moment est venu de développer
Parmi les nombreux avantages associés aux normes internationales, il y a lieu de citer la
confiance accrue des consommateurs et des investisseurs, l’amélioration de la sécurité, une
plus grande fiabilité et des coûts de transaction réduits pour la technologie offshore, créant
ainsi une voie vers une croissance accélérée.
L’énergie hydrolienne présente également des opportunités importantes. Celle-ci est encore
en phase de développement et de recherche, même si de timides tentatives ont été
amorcées notamment en France qui dispose du deuxième gisement européen d’énergie
générée par les courants marins.
L’océan est aussi le terrain d’installation des premières centrales électriques flottantes qui
ont commencés à émerger au large des côtes. La Russie vient d’installer la première centrale
nucléaire flottante dans les ports sibériens, tandis que la Chine vient d’inaugurer la plus
grande centrale solaire photovoltaïque flottante. Depuis 2010, les premières flottes de
navires-centrales électriques au monde ont été lancées au large de l’Afrique avec 15
powerships raccordés à plus de 9 pays différents et produisant une capacité installée totale
dépassant 2800 MW.
Selon les Nations Unies, près de 3 milliards de personnes devraient subir un stress
hydrique d'ici 2025. Assurer des quantités suffisantes d’eau est donc un enjeu capital.
Le dessalement de l’eau de mer joue un rôle particulièrement important dans les régions
arides et semi-arides. Le nombre total d’usines de dessalement dans le monde a été estimé à
18 400 en 2017, dont la moitié se trouve au Moyen Orient. L’industrie du dessalement
produit actuellement un total de 80 millions de m3 d’eau potable par jour, au profit de plus
de 300 millions de personnes.
Les océans et leur littoral sont extrêmement riches en ressources énergétiques et minières
et abritent une grande variété de processus géologique responsable de la formation et de la
concentration de ces ressources. Près de 20 % des réserves mondiales de pétrole et environ
30 % de celles de gaz naturel sont actuellement situées dans les espaces marins. Toutefois,
les États doivent souvent opérer un arbitrage, dans la mesure où si l’exploration et
l’exploitation du pétrole et gaz sont lucratives, elles excluent souvent d’autres activités
marines plus respectueuses des écosystèmes.
2
Rapport de l’Agence Internationale des Energies Renouvelables (IRENA) « Nourrir les marchés
éoliens offshores: les bonnes pratiques pour la normalisation internationale », 2018
- Marchés matures : les marchés des cosmétiques et de l’alimentation sont les plus
matures. Ils connaissent une croissance annuelle liée à l’engouement actuel pour les
ingrédients d’origine naturelle.
- Marché de la santé : le marché de la santé s’intéresse à deux approches : (1)
considérer l’organisme marin comme « usine cellulaire » pour produire des
molécules d’intérêt (protéine, vaccins, etc.) ou (2) extraire de la biomasse marine des
molécules (pigments, métabolites secondaires, polymères, etc.) pour des cibles telles
que la lutte contre le cancer, la réparation des tissus, la réduction de l’obésité, la
lutte contre les maladies neurodégénératives, les maladies infectieuses, etc.
- Marchés émergents : les segments énergie et industrie sont émergents, mais
prometteurs pour le long terme. Les programmes de R&D sont importants sur ces
sujets (biocarburant de troisième génération, bio-bitume, plastique biodégradable,
traitement des effluents, etc.).
Semences 45 Milliards
Ce secteur est peu développé dans les pays du sud. Les couts élevés des investissements et
notamment des infrastructures nécessaires représentent un frein majeur à son
développement. Cependant, certains pays à l’image du Bangladesh ont en fait un levier pour
une croissance économique bleue inclusive et pour l’amélioration des conditions de vie des
populations (cf. encadré n°1).
Le Bangladesh a mis en place une politique marine permettant de tracer les grandes lignes
de l’économie bleue afin de poursuivre son développement socio-économique. En effet, son
économie est très dépendante de la mer avec 118 000 km2 de territoire marin et 30 millions
de personnes dépendant directement des activités océaniques. Cette transformation
économique a été menée principalement grâce à des initiatives locales et inclusives,
soutenues par le gouvernement. Aujourd’hui, le Bangladesh contribue à 24,8% dans la
croissance globale de l’industrie de la construction et du démantèlement des navires.
Afin d’assurer une exploration adéquate des ressources marines et une bonne coordination
au niveau du secteur, le gouvernement a mis en place une cellule spéciale pour l’économie
bleue, placée au niveau du bureau du Premier Ministre. L’objectif de cette cellule est : (i) de
mettre en place une feuille de route pour l’implémentation de la Stratégie de l’économie
Bleue, (ii) d’augmenter le PIB de 5 %, et (iii) d’atteindre les objectives du Développement
Durable (ODDs). Elle a également pour objectif de s’assurer de l’utilisation des ressources
marines sans affecter l’environnement de la mer. La Cellule Bleue promouvoie également un
tourisme balnéaire écologique, ainsi que la de production d’énergie à partir des océans et
l’extraction des ressources marines de manière durable.
L’exemple du Bangladesh met en avant un pays qui a su exploiter les richesses de l’océan en
trouvant de nouvelles sources de croissance à partir des zones côtières et de l’océan. Cette
activité a permis d’augmenter le PIB par habitant. Toutefois, cet impact positif sur la
réduction de la pauvreté ne pourra s’inscrire sur le long terme que si le Bangladesh continue
La déclaration adoptée au deuxième sommet sur l’économie bleue le 19 janvier 2016 à Abu
Dhabi a appelé les États, les organisations internationales et les donateurs à prendre des
mesures concertées et à faciliter la mise en œuvre de l’économie bleue dans la réalisation
des objectifs de développement durable et l’Accord de Paris sur le climat.
Les institutions et organismes internationaux ont depuis lors été très actifs dans
l’élaboration des stratégies nécessaires. Celles-ci s’opèrent le plus souvent à un niveau
régional, niveau de coopération privilégié puisque les mers et océans couvrent plusieurs
espaces territoriaux à la fois. A cet effet, l’Union Européenne t a lancé une stratégie
Croissance Bleue intégrée dans la stratégie Europe 2020 visant le soutien d’une croissance
durable dans les secteurs maritimes. La Commission Européenne chargée des affaires
maritimes et de la pêche a été désignée pour la mise en œuvre de cette stratégie afin de
développer certains secteurs maritimes essentiels comme ceux des énergies renouvelables,
de l’aquaculture, du tourisme et des biotechnologies marines en améliorant la connaissance,
la planification et la sécurité des océans.
L’Union pour la Méditerranée (UpM) - organisation qui réunit les pays riverains de la
Méditerranée, dont le Maroc – œuvre aussi pour l’économie bleue. Elle soutient la mise en
œuvre d’agendas régionaux sur l’eau, l’environnement et l’économie bleue, porteurs
d’objectifs stratégiques comme la gestion intégrée des ressources en eau et la protection de
la mer Méditerranée et son environnement par la dépollution et la prévention.
L’économie bleue est également retenue dans l’Agenda 2063 de l’Union Africaine comme
étant l’un des moteurs de la transformation structurelle du continent africain. C’est dans
cette perspective que s’est tenu le premier forum sur l’économie bleue en Afrique (FEBA) le
17 juin 2018 qui a conclu sur la nécessité pour le continent africain de travailler de concert
aux niveaux régional et national afin d’assurer une gouvernance maritime durable qui
profitera à l’ensemble du continent.
1.3 Les engagements du Maroc vers une économie bleue durable et résiliente
1.3.1 La Stratégie Nationale du Développement Durable
A l’échelle nationale, le Maroc s’est engagé à relever les défis du 21 ème siècle en faisant du
développement durable un vrai projet de société. Des initiatives impulsées sous des
Rapport du CESE : L’économie Bleue 17
orientations royales dans les discours du trône de 2009 et 2010, ont permis d’élaborer une
Charte Nationale pour l’Environnement et le Développement Durable (CNEDD), formalisée à
travers la loi-cadre 99-12 qui constitue une véritable référence de politique publique en
matière de développement durable. Cette volonté politique d’opérer une transition pour le
Maroc trouve aujourd’hui sa place dans la Stratégie Nationale pour le Développement
Durable (SNDD) adoptée par le Conseil des Ministres le 25 juin 2017. Dans ce cadre, cinq
enjeux de développement durable ont été définis. En particulier, l’enjeu n°5 de la SNDD a
mis l’accent sur la nécessité d’accorder une vigilance particulière aux zones sensibles et
notamment le littoral. En effet, le littoral, milieu fragile, connait une grande pression en
raison de la coexistence de différentes activités économiques et des concentrations
humaines et urbanistiques.
Le PNL permettra de dresser une feuille de route qui pourrait contribuer à la concrétisation
du développement intégré des secteurs de l’économie bleue.
A l’échelle du continent africain, la stratégie de l’économie bleue ne reconnaît pas les limites
géopolitiques et sa biodiversité traverse les frontières, incitant à des développements
concertés entre l’ensemble des pays voisins. C’est pourquoi, une coordination continue et
une croissance proactive des économies bleues entre les pays de l’Afrique de l’Ouest qui
longent l’Océan Atlantique, est prévue par l’Agenda 2063 de l’Union Africain et doit être
établie sur la base des principes suivants :
Ces principes vont permettre aux nations africaines de construire leur capital technique et
humain et de bénéficier de vastes connaissances permettant d’étayer la croissance durable
de l’économie bleue.
C’est dans ce cadre que la UNECA (Commission Economique pour l’Afrique des Nations
Unies), a publié en mars 2016 un Guide pratique de l’économie bleue en Afrique3 qui invite
les États à se doter des institutions nécessaires et des moyens adéquats pour mieux
exploiter le potentiel de l’économie bleue. La CEA a souligné dans son rapport l’importance
de la Stratégie maritime intégrée de l’Union Africaine (SMIUA) pour l’horizon 2050, qui
comprend aussi la Charte africaine du transport maritime4. Afin d’accélérer la mise en œuvre
de cette stratégie et, dans le même temps, approfondir l’approche des différents cadres
internationaux concernés, à l’instar de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
(CNUDM) ou la Convention de Montego Bay. Ce guide pratique offre un mode d’emploi,
étape par étape, de l’introduction de l’économie bleue dans toutes les politiques nationales,
régionales, continentales, de même que dans tous les plans, lois et règlements.
Pour compléter ce travail, le bureau sous régional de la CEA en Afrique du Nord (qui
comprend 7 pays, à savoir le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Egypte, le Soudan et la
Mauritanie), a réalisé une étude pour évaluer le potentiel de croissance bleue de deux
secteurs majeurs de l’économie bleue : le transport maritime et le tourisme balnéaire dans
les 7 pays de la sous-région. Les conclusions de cette étude seront discutées lors de la
conférence à haut niveau prévue en novembre 2018 à Nairobi, au Kenya. Cela démontre
l’intérêt croissant, dans un grand nombre de pays africains pour l’intégration d’une stratégie
de l’économie bleue dans leurs politiques publiques.
3
Guide pratique de l’économie bleue en Afrique, UNECA, 2016
4
http://pages.au.int/maritime/documents/2050-aim-strategy
Cet engagement a été consacré en 2014 par l’adoption de la loi cadre n°99.12 portant
Charte Nationale de l’Environnement et du Développement Durable et en 2017 par
l’adoption du Conseil des ministres de la Stratégie Nationale pour le Développement Durable
qui a infusé plusieurs stratégies sectorielles qui doivent intégrer davantage les paramètres
de durabilité dans leurs objectifs.
Par ailleurs, le Maroc a lancé le 12 novembre 2016 lors de la COP 22, organisée à Marrakech,
l’initiative internationale «Ceinture bleue» qui vise la résilience et la durabilité des océans.
Les opportunités économiques et sociales des côtes marocaines, mais également les
menaces qui pèsent sur elles, imposent une nouvelle approche stratégique du littoral
marocain. En effet, le Maroc dispose d’une géographie unique, d’un écosystème riche, d’un
vaste espace maritime et d’un patrimoine qui commencent à être menacés, et qui appelle à
la mise en place d’une stratégie nationale globale.
A cet effet, le Gouvernement gagnerait à concevoir une feuille de route nationale pour une
économie bleue, basée sur une vision prospective et intégrée, visant à protéger le
patrimoine marin et développer le capital maritime du pays. Celle-ci doit se décliner en trois
piliers principaux : (i) une économie résiliente visant à optimiser les investissements
existants, (ii) une politique orientée vers le social et l’environnemental, et (iii) une place
donnée à la création et au développement de nouvelles niches d’activité.
Le Maroc bénéficie d’une longue histoire d’activités maritimes qui génèrent une part non
négligeable du PIB, notamment grâce aux emplois qui lui sont liés. A titre d’exemple, le
secteur de la pèche recense près de 700 000 emplois directs et indirects.
Le Maroc bénéficie d’un avantage compétitif non négligeable : il est pourvu d’un capital
maritime important du fait de sa position géographique et de l’abondance de ses ressources
naturelles, et dans une moindre mesure, des infrastructures dédiées aux activités maritimes.
Le capital naturel du Maroc regroupe ses ressources naturelles, son patrimoine naturel, ses
ressources halieutiques, ses aires marines protégées...
Cependant, l’intensification des activités marines a soumis ce capital naturel à une forte
pression anthropique, compromettant ainsi ses potentiels futurs. La mer Méditerranée est
considérée comme la plus polluée au monde. Il est estimé qu’en 2050, il s’y trouvera plus de
plastique que de poissons. Plusieurs espèces de poissons sont donc menacées d’extinction
en raison de la surpêche à l’image du thon rouge actuellement en grandes concentration
dans les eaux marocaines.
Le marocain entretient un lien historique très fort avec la mer contrairement aux idées
reçues qui le rattache à la terre. L’histoire maritime marocaine remonte à l’époque des
phéniciens. Le Capital humain du Maroc présente un fort potentiel : il se compose d’une
population jeune et dynamique.
Le Maroc bénéficie également d’un capital de connaissance intéressant sur les océans. Des
efforts ont été entrepris pour développer la production des données et des connaissances
sur les écosystèmes par des universitaires et des instituts spécialisés tels que l’Observatoire
National de l'Environnement du Maroc (ONEM), l’Institut National de Recherche Halieutique
(INRH) et le Laboratoire National des Études et de la Surveillance de la Pollution (LNESP).
Toutefois l’accès à la connaissance marine demeure difficile car celle–ci reste éclatée, et peu
disponible. En effet, la connaissance souffre d’un manque de centralisation du fait de la
grande diversité des acteurs intervenant dans le secteur maritime.
Dans le but de s’imposer comme carrefour stratégique à la croisée des continents, le Maroc
a adopté plusieurs mesures visant à attirer davantage les investissements directs étrangers
(IDE) et à renforcer ses relations économiques. Parmi ces mesures, il y a lieu de citer l'Offre
Maroc, qui comprend des exonérations fiscales et aides d'État. Toutefois, le capital
technique marocain souffre de problèmes structurels tels que le déficit et la dette publique
croissante.
Les activités maritimes regroupent les six catégories suivantes : le secteur halieutique, le
tourisme, les activités portuaires, les énergies, le dessalement de l’eau de mer et les
biotechnologies marines.
Le premier accord de pêche conclu entre l'UE et le Maroc a été signé en 1988. Il a été
successivement renouvelé en 1992, 1995 et 2005. Ce dernier n’a pas pu être renouvelé
jusqu’à l’entrée en vigueur de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche en
février 2007 qui est resté en vigueur jusqu'au 27 février 2011. Il prévoyait une contribution
financière de 36,1 millions €, dont 13,5 millions € étaient consacrés au soutien de la
politique de la pêche du Maroc. Les navires de onze États membres de l'UE pouvaient
obtenir des autorisations de pêche du Maroc en vertu de cet accord et de ce protocole.
Un deuxième protocole, prolongeant d'un an son prédécesseur aux mêmes conditions, a
été négocié en février 2011 et appliqué à titre provisoire jusqu'en décembre 2011, date à
Après la crise qu’a connue le secteur en 2003-2004, les plans d’aménagement instaurés ont
permis de rétablir les stocks nationaux et de les gérer de manière scientifique, grâce au
travail de l’INRH. Les stocks de la façade méditerranéenne qui affichaient des signes
d’épuisement ont cependant repris la courbe de redressement, en témoignent les captures
de l’année en cours. Pour faire de la pêche un secteur durable et capitaliser sur ce levier
économique, le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime a lancé en 2009 un vaste
plan de développement du secteur de la pêche à l’horizon 2020 baptisé Halieutis. Ce plan
avait pour ambition de valoriser de façon pérenne la richesse halieutique marocaine et de
tripler le PIB du secteur d’ici 2020. Halieutis a été conçu autour de trois axes principaux : la
durabilité des pêcheries, la performance des infrastructures de pêche et de
commercialisation et la compétitivité des produits de la pêche. Ce plan est organisé autour
de projets phares ciblant la ressource halieutique, l’aquaculture, l’équipement et la
structuration des ports de pêche, la valorisation des captures à terre et le contrôle des flux le
long de la chaine de valeur. Depuis leur mise en œuvre, les plans d’aménagement et
mesures de gestion des pêcheries adoptés dans le cadre de cette stratégie ont permis de
couvrir 96% des volumes débarqués et les exportations ont généré des revenus s’élevant à
22 milliards de dirhams en 2017.
Le pari d’une pêche durable a été également porté en 2016 par l’initiative Ceinture Bleue qui
vise à transformer le secteur halieutique en un domaine d’activité durable et créateur de
Encadré n°3 : La pêche artisanale : le poids des villages de pêcheurs dans le secteur de la
pêche
Avec 22 ports de pêche et 40 points d’accueil des débarquements de la pêche artisanale
recensés au Maroc, dont 21 villages de pêcheurs et 27 points de débarquement, la pêche
artisanale joue par conséquent un rôle extrêmement important dans le paysage halieutique
marocain.
En 2000, le projet d’aménagement du littoral lancé par le ministère des pêches a entrepris
d’aménager les côtes marocaines, notamment les points de débarquement et des villages de
pêcheurs. Financé dans le cadre d’un partenariat entre l’Agence pour la promotion et le
développement économique et social des provinces du Sud, le Fonds Hassan II pour le
développement économique et social, le département de la pêche maritime, l’Office
national de pêche, l’Office national de l’eau potable et les autorités et collectivités locales, ce
programme avait pour objectifs d’améliorer les conditions de vie des pêcheurs, créer des
espaces d’intégration des jeunes, structurer le circuit de commercialisation, renforcer la
compétitivité des zones de pêche, mettre à niveau les infrastructures et améliorer la
rentabilité économique des produits de la mer. D’après l’agence pour la promotion et le
développement économique et social des provinces du Sud, 168 projets ont été réalisés sur
les 300 prévus dans le cadre du programme des villages des pêcheurs dans les provinces du
Sud, pour un investissement de 915 MDH. 48 villages de pêche et points de débarquement
aménagés ont été construits à ce jour. On peut citer à titre d’exemple le village de pêche
Dalia dans la région de pêcheurs Tanger-Tétouan, une région où la pêche artisanale joue un
rôle de premier plan dans le tissu socio-économique et la vie de la population. Le projet a
demandé un budget de 70 millions de DHS et a profité à 350 ménages et 70 pêcheurs
exerçant leurs activités avec des barques ne disposant d’aucune protection contre les
tempêtes. Les quatre villages de Fnidek, Chemlala, Sidi Hsaïne et Cala Iris ont aussi mobilisé
une enveloppe de 260 millions de DHS. L’Office National des ports prévoit également
l’aménagement d’infrastructures de commercialisation : un programme de réalisation de 13
Le Département de la pêche maritime a mis en place les plans Ibhar I et Ibhar II, conçus pour
mettre à niveau la flotte artisanale et côtière, à travers la valorisation des captures, la
réduction du temps de pêche, l’amélioration des conditions de sécurité et de sauvegarde des
vies humaines, l’amélioration du rendement de la barque et l’économie de gasoil et
l’amélioration de revenus des marins pêcheurs. 938 barques et 223 navires de pêche côtière
ont pu bénéficier des programmes Ibhar pour un montant de 170 MDH.. Le Département de
la pêche maritime a également introduit l’utilisation des contenants normalisés et des
caissons isothermes qui ont amélioré de manière très significative la conservation et la
qualité des captures. L’armement de la pêche côtière et artisanale est intimement intégré au
tissu socio-économique et participe de manière significative à la création d’emploi, à
l’approvisionnement du marché local et aux industries de valorisation des produits de la
mer. Plusieurs navires ont été modernisés avec une reconstruction en acier et d’autres sont
en cours de modernisation.
Avec 718 km de côtes, le Sénégal vit essentiellement de la pêche, qui représente 3,2% du
PIB. La moyenne de consommation de poissons par personne est de 29 kg par an, alors
que la moyenne mondiale tourne autour de 20 kg.
La gestion durable de la pêche et la régénération des habitacles est donc au cœur de la
stratégie de développement économique et sociale du Sénégal.
Ce pays a pris des mesures importantes dans le cadre de la protection des ressources
marines, conformément à la mise en œuvre de l’Objectif de Développement Durable
numéro 14 qui souligne la nécessité de préserver et d’utiliser de manière durable les
océans, les mers et les ressources marines.
Le gouvernement a par exemple mis en place un nouveau code de la pêche avec des
sanctions « extrêmement sévères » à l’encontre de ceux qui font de la pêche illicite.
Autres mesures : (i) les tailles de capture ont été augmentées pour qu’elles correspondent
à la taille de reproduction des poissons, (ii) le développement de l’aquaculture comme
alternative à la pêche de capture et (iii) le développement des aires marines protégées.
Au Sénégal, plus de 85% des débarquements de poissons proviennent de la pêche
artisanale. Cette pêche artisanale est protégée, elle est organisée en co-gestion au niveau
des pêcheurs pour qu’ils prennent conscience que cette ressource n’est pas pérenne.
Aujourd’hui, seulement 510 tonnes d’une valeur marchandes de 21 millions de dirhams ont
été produites par le secteur aquacole marocain. Les deux espèces les plus produites par
l’aquaculture marocaine sont le loup-bar et les huîtres, représentant respectivement 72 % et
26 % de la production totale. Les produits de l’aquaculture sont principalement destinés au
marché national et alimentent la grande distribution, les marchés de l’hôtellerie et de la
restauration.
De plus, il existe une vingtaine de fermes aquacoles et le secteur emploie 250 personnes ;
d’autres projets de production de 4400 tonnes devraient également voir le jour. La
réalisation de plan d’aménagement aquacole est un chantier phare pour l’ANDA, qui
entreprend d’identifier les potentialités des espaces et de les exploiter d’une façon durable
en favorisant l’intégration sociale. Cinq zones ont été identifiées en vue de leur
développement : Dakhla-Oued Eddahab, Guelmim-Boujdour, Imessouane-Sidi Ifni, El Jadida-
Essaouira, Kénitra-Cap Spartel, ainsi que la façade méditerranéenne. L’accent est mis sur les
écloseries de mollusques et de crustacés et la culture des algues.
Avec une production totale de 510 tonnes, le potentiel de production du Maroc reste
pourtant sous exploité. A titre de comparatif, la production de la Tunisie en 2014 dépassait
les 11300 tonnes. Pourtant, d’après l’ANDA, le secteur de l’aquaculture marocaine
représente un potentiel de 380 000 tonnes avec une prédominance de la pisciculture (245
000 tonnes), suivie de la conchyliculture (110 000 tonnes), et de l’algoculture (24 000
tonnes). 14170 hectares ont déjà été identifiés par l’ANDA pour développer l’aquaculture, et
la création de 2700 postes est prévue, accompagnée par une politique visant l’intégration
des pêcheurs locaux et entrepreneurs.
Enfin, le secteur de l’aquaculture pourrait entretenir des synergies avec d’autres secteurs,
notamment la logistique portuaire et le secteur de l'hôtellerie. Le développement des
programmes de recherche apparait également comme nécessaire pour favoriser l’utilisation
de méthodes novatrices. En effet, l’aquaculture peut déboucher sur des produits de
biotechnologie bleus de grande valeur dont les applications peuvent être pharmaceutiques
ou cosmétiques. Il y a lieu de citer à titre d’exemple le collagène extrait des moules issues de
l’aquaculture.
Figure n°5 : Chaîne de valeur des secteurs de tourisme, croisière, plaisance, loisirs et sports
nautiques
Dans le but de bénéficier de ce levier de croissance, le Plan Azur Vision 2020 a été lancé par
le Maroc pour attirer 10 millions de touristes à l’horizon 2020 en mettant en place six
stations balnéaires : Mediterrania Saïdia, Mazagan Beach, Mogador, Port Lixus, Taghazout
Bay et Plage Blanche Guelmim. L’un des principaux défis relevés par la Vision 2020 était celui
de l’élaboration d’une offre touristique compétitive, diversifiée et équilibrée, visant à
L’existence d’une niche de marché touristique comme la croisière pourrait être génératrice
de revenus significatifs pour le Maroc. La stratégie portuaire 2030 inclut les croisières
comme axe majeur de développement, et positionne certains ports (tels que Tanger Med, et
Casablanca) comme spécialisé dans ce domaine. Les infrastructures et offres de croisière
restent toutefois inégales selon les différentes villes côtières : elles sont par exemple très
bonnes dans certains ports (Tanger) et moins dans d’autres (Casablanca). Le secteur connait
également une crise du fait de la baisse constante du nombre de croisière et de leur qualité.
Sur les deux premiers mois de l’année 2018, l’Autorité Nationale des Ports a noté une baisse
de 8% des arrivées des croisiéristes. Seules Agadir et Casablanca ont pu afficher des arrivées
en hausse respectivement de 52 % et 11%. Cette tendance à la baisse depuis ces quatre
Une réflexion sur la chaine de valeur du secteur de la croisière pour optimiser ses retombées
économiques s’avère utile. En effet, la part locale qui découle de cette activité apparait bien
plus importante pour la croisière de petits navires que pour la croisière de grands navires ;
des pays en développement comme la Turquie ont ainsi fait le choix de se positionner sur la
croisière de petits navires.
Toutefois, si les activités commerciales que génèrent ces marinas ont été jugées
satisfaisantes, le développement des sports de plaisance restent limité. A titre d’exemple, la
pratique de la voile n’arrive toujours pas à prendre son envol. A l’heure actuelle, peu
d’initiatives sont prises pour encourager le développement du nautisme et de la plaisance.
En outre, un projet de loi n°101.13 relatif à la navigation de plaisance a été mis dans le
circuit de la validation dans l’objectif de fixer les conditions dans lesquelles la navigation de
plaisance doit être pratiquée, les règles de sécurité qui lui sont appliquées ainsi que les
obligations et responsabilités.
De plus, de véritables synergies peuvent être créées avec d’autres secteurs : la petite
construction navale pourrait par exemple bénéficier de l’essor de la plaisance. De même,
une synergie entre le tourisme et les sports nautiques pourrait profiter à l’offre touristique
marocaine dans sa globalité.
L’offre nautique au Maroc est particulièrement attractive car elle regroupe une multitude de
sports nautiques parmi lesquels le surf, la planche à voile, le jet-ski, la voile, la plongée, la
pêche sportive, le parapente et bien d’autres. Les conditions naturelles du Maroc sont
idéales pour les activités nautiques (vent, soleil, marées) et ses paysages littoraux et
subaquatiques lui confèrent un réel avantage compétitif.
Certains spots comme la baie de Dakhla, Essaouira, Safi ou Sidi Bouzid attirent de nombreux
amateurs du nautisme chaque année. Affichant une température avoisinant les 25 °C tout au
long de l’année, le spot protégé de Dakhla est idéal pour la pratique du surf, mais également
du windsurf, du kite surf ou encore de la pêche à la ligne. Le milieu sous-marin intact et
préservé offre également aux plongeurs un cadre de plongée de qualité.
Toutefois, le développement des activités autour des pôles nautiques reste lent, alors que de
réelles opportunités existent (faible besoin en infrastructure et conditions naturelles
propices). En effet, si le Maroc est le terrain de compétition internationale de surf ou wind-
surf, des synergies avec le secteur du tourisme pourraient être renforcées. En effet, le Maroc
en tant que hub incontournable des sports nautiques est promu encore trop timidement au
niveau national, et une communication en ce sens s’impose.
Figure n°6 : Chaîne de valeur des secteurs : transport de passagers, livraison, construction et
réparation navale
Quant au trafic global du transport maritime de passagers, il est passé de 2,6 millions en
2010 à 4,6 millions en 2016. Le nombre de sorties vers l’Espagne est de 300 000 contre 1 500
000 entrées.
Le Ferry est un secteur ré-émergent, à fort potentiel pour le Maroc. En effet, malgré les bas
prix affichés par les compagnies aériennes, le ferry demeure la préférence nationale. Le
Maroc s’est d’ailleurs récemment doté d’une nouvelle ligne maritime marocaine, "AML -
Africa Morocco Link", lancée en 2016, par le biais d'un partenariat privé entre BMCE Bank et
l'armateur grec Attica, destinée à relier le Maroc à l'Espagne, la France et l'Italie. Ceci dit, le
Maroc bénéficierait du développement d’autres compagnies marocaines de transport
maritimes pour assurer une meilleure gestion de la traversée, en particulier pour le voyage
estival des Marocains Résidents à l’Étranger.
Le contrôle est exercé dans 13 ports marocains par un réseau de 13 Services de contrôle
technique dans le cadre de conventions et d’accords internationaux et régionaux.
Sur sa lancée, le Maroc a mis en route une Stratégie Portuaire Nationale 2030, prévoyant de
doubler le nombre annuel de passagers d'ici 2030, passant ainsi de 3 à 7,6 millions. Cette
stratégie dénote d’une forte volonté politique de renforcer le transport national par ferry.
Elle prévoit la modernisation des infrastructures et vise à anticiper les besoins futurs.
Toutefois, le secteur du ferry est soumis à des contraintes multiples. Il nécessite une
modernisation des infrastructures et un nouveau cadre juridique, aujourd’hui non adapté.
De même, dans le cadre d’une économie bleue résiliente, il est nécessaire de réduire les
impacts des traversées sur l’environnement. Cela passe par le développement d’une offre
durable, qui rend indispensables la prise en compte des considérations environnementales,
mais aussi l’adoption de technologies écologiques.
Cette stratégie a également posé les bases nécessaires à la mise en œuvre de la Stratégie
Portuaire vision 2030. Hormis les 38 ports existants à ce jour, le gouvernement marocain à
renforcer davantage l’investissement dans les ports à travers cinq nouveaux grands ports
pour accompagner le développement du pays, d’ici 2030. De nouvelles grandes installations
portuaires à Nador, Kenitra et Dakhla mais aussi dans les ports de Safi et de Jorf Lasfar sont
au programme pour développer les industries existantes. La Stratégie Portuaire 2030
favorise le regroupement portuaire en identifiant six pôles stratégiques, dans une logique de
spécialisation régionalisée : le pôle Oriental, le pôle du Nord-Ouest, le pôle de Kenitra-
Casablanca, le pôle Abda Doukkala, le pôle du Souss –Tensift et le pôle des Ports du Sud.
L’investissement global a été estimé à plus de 74 milliards de dirhams. Il permettra de créer
un système portuaire intégré et moderne fondé sur la complémentarité et la création de
synergies des différents ports. La régionalisation portuaire s’inscrit dans l’objectif de créer
une dynamique dans l’ensemble des ports marocains et vise à créer une meilleure
répartition du trafic maritime. A titre d’exemple, le pôle de Kenitra-Mohammedia-
Casablanca s’orientera vers les produits unitaristes à forte valeur ajoutée. Cependant, les
besoins en financement des nouvelles infrastructures ou la mise à niveau des infrastructures
existantes sont très importants. A cet effet, le financement des infrastructures portuaires
devrait faire intervenir l’État et les opérateurs du secteur privé dans le cadre de concessions
ou de partenariat public-privé.
Le mémorandum d’entente sur l’initiative chinoise « One belt, one road » (« La ceinture et
la route ») vise, en effet à relancer l’ancienne route de la soie, terrestre et maritime, à
travers la création d’un réseau commercial et d’infrastructure reliant l’Asie à l’Europe et
l’Afrique.
Cette initiative vise à tirer profit des relations commerciales avec ses pays membres, à
travers la mise en place des infrastructures et des réseaux de transport nécessaires. Un
objectif qui aura des effets bénéfiques sur le développement de l’intra-commerce et les
investissements conjoints entre les pays situés dans l’espace de la « Ceinture économique
de la route de la soie ».
En outre, une modernisation du cadre législatif actuel par une réforme du code de
commerce maritime devient urgente.
Enfin, le secteur pourrait bénéficier de synergies importantes avec d’autres secteurs comme
la construction et la réparation navale. L’absence de cale sèche adaptée aux besoins de la
flotte au Maroc provoque des surcoûts pour la maintenance des bateaux. Aujourd’hui, les
navires marocains sont obligés d’aller à Barcelone ou Marseille pour la maintenance et la
réparation.
Avec la construction d’une centaine de bateaux par an, la demande nationale en matière
d’entretien, de réparation et de construction et très élevés. Cette demande est souvent
contrainte de se tourner vers l’étranger, car les trois principaux chantiers navals au Maroc
sont saturés et connaissent des problèmes d’exploitation. L’étude conduite par la Direction
des Études et des Prévisions Financières du Ministère de l’Économie et des Finances (DEPF)
pointe une industrie navale quasiment inexistante au Maroc, alors qu’elle affiche un
dynamisme soutenu au niveau mondial. Celle-ci préconise d’encourager l’émergence de
service de réparation voire de construction navale dans un premier temps, en plus de
l’ensemble des services connexes, notamment en matière de financement, d’assurances, de
gestion technique et de ressources humaines. A cette fin, le gouvernement marocain a
élaboré une stratégie nationale dédiée à l’industrie navale portant sur la réparation, la
maintenance, la construction et le démantèlement de navires et la construction de
plateformes offshore. Cette stratégie a pour objectif de faire du Maroc un hub pour la
construction navale pour des navires pouvant aller jusqu'à 120 m.
Figure n°7 : Chaîne de valeur des secteurs : exploitation de pétrole, de gaz et énergies
renouvelables
La géologie du Maroc est prometteuse avec une superficie totale de 920 000 km² de bassins
offshore et onshore.
D’ici à 2020, le Maroc s’est fixé comme objectif de porter à 42 % la part des énergies
renouvelables dans le mix électrique national. Pour l’instant, l’effort du Maroc pour parvenir
à cet objectif se concentre sur la terre. Pourtant, les océans pourraient représenter à ce titre
un atout considérable pour atteindre cet objectif, par le développement de solutions
énergétiques impliquant les océans.
En effet, les 3500 km de littoral qui couvre le Maroc pourrait représenter 20 fois le potentiel
éolien national on-shore, soit 350 GW. Même si l’énergie éolienne en mer connaît une
croissance rapide ces dernières années, notamment dans les pays les plus avancés, le coût
de cette infrastructure représente un frein au développement des éoliennes offshore au
Maroc.
Les Stations de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) marines sont aussi des pistes
intéressantes de production et de stockage d’énergie renouvelable rentable. Les STEP
marines permettent de stocker l’électricité produite par des sources d’énergie
intermittentes (type éolienne ou panneaux solaires) par l’utilisation infinie de l’eau de mer
et sa force hydraulique. Des études de faisabilité pour développer ces stations en bord de
mers sont en cours. L’énergie hydraulique, qui permet de transformer l’énergie des courants
marins en électricité pourrait également être une source d’énergie potentielle importante,
notamment grâce à la force des marrées des grandes mers de l’Atlantique. Toutefois, les
contraintes techniques et les coûts d’exploitation élevés sont également une barrière à leur
modèle économique.
Le Maroc n’est pas doté d’une stratégie ou de cadre juridique visant à stimuler la recherche
et la valorisation dans ce domaine. En matière de ressources génétiques, le Maroc a ratifié le
protocole de Nagoya et un projet de loi APA (l’Accès et le Partage des Avantages) est en
cours d’adoption en la matière. Celui-ci vise à garantir les opérations d’accès aux ressources
La recherche biotechnologique n’est pas prise en compte dans les documents stratégiques
existants régissant le secteur maritime, alors que cette recherche touche à tout l’écosystème
(figure n°9). Il est également nécessaire qu’une plus grande collaboration soit menée entre
les acteurs privés des différents secteurs économiques et la recherche.
Les précipitations irrégulières que connait le Maroc le placent dans une position de stress
hydrique critique dans les années à venir. Le dessalement de l’eau de mer s’impose ainsi
comme une priorité de l’économie bleue. Les conditions de production sont d’ailleurs
favorables à une croissance de ce secteur au Maroc : les coûts de production d’eau par les
activités de dessalement ont connu une tendance à la baisse (10 dhs par m3), et le
développement de nouvelles technologies ont un impact limité sur les milieux marins et
côtiers.
Cependant, le dessalement présente un besoin élevé en énergie, aujourd’hui assuré par les
importations d’énergie. Des synergies peuvent être développées avec le secteur des
énergies renouvelables pour couvrir les besoins de ces nouvelles technologies énergivores.
En effet, il est possible de combiner photovoltaïque et dessalement, ce qui permet de
parvenir à des tarifs compétitifs. Au Maroc, le secteur du dessalement est en pleine
émergence. Un mégaprojet de dessalement d’eau de mer est en cours de construction à
Agadir. Cette centrale constituera la première unité de dessalement au monde alimenté par
l’énergie renouvelable dans la mesure où elle sera raccordée au complexe solaire Noor
Ouarzazate. Toutefois, les investissements pour les stations de dessalement sont
extrêmement importants et nécessiteront le recours à l’investissement privé, notamment à
travers des PPP. .
Des synergies avec d’autres secteurs, comme celui de la recherche innovation pourront
contribuer à l’amélioration de la qualité de l’eau.
Le Maroc figure parmi les 10 pays mondiaux les plus touchés par le stress hydrique. Ce
phénomène pourrait s’amplifier avec l’intensification croissante des activités de production.
Le dessalement des océans permettra de satisfaire une partie des besoins en eau du Maroc,
3.2 Les activités non marchandes : matrice support des activités marchandes
Les activités non marchandes sont indispensables pour protéger, entretenir, gérer et
développer le capital maritime marocain. Recherche et innovation, collecte et traitement
des données, éducation et sécurité sont la matrice support des activités marchandes. Les
synergies créées entre les activités marchandes et non marchandes sont de ce fait
extrêmement importantes et assurer une coordination entre les différents acteurs est
primordial.
La recherche et l’innovation occupent une place essentielle dans l’économie bleue. En effet,
le développement des technologies innovantes et méthodologies novatrices est
indispensable pour stimuler la croissance économique durable des secteurs maritimes et
assurer la conservation du milieu marin, des ressources et du patrimoine culturel.
Parallèlement, il existe des initiatives privées comme celles des centres spécialisés ou des
clusters. Le Centre spécialisé en Valorisation et Technologie des Produits de la Mer (CVTPM)
d’Agadir, conduit des recherches pour la valorisation biotechnologique des produits marins.
De même, l’Agadir Haliopole Cluster, qui est le premier cluster au Maroc travaillant sur la
performance de la pêche, fédère des acteurs innovants de l’industrie de la pêche marocaine.
Il fournit aux développeurs de projets, une ingénierie à chaque étape de leur projet, de l’idée
à la maturité du projet.
3.2.2 L’observation et le suivi des espaces maritimes : un appui essentiel aux politiques
publiques
Il y a lieu de citer l’initiative Ceinture Bleue, dont l’un des axes principaux est l’observation
côtière. En effet, l’initiative tend à renforcer les capacités technologiques et humaines
d’observation des océans en priorité par l’acquisition et l’installation du matériel
d’observation continue ainsi que le transfert et l’échange de connaissances. L’initiative met
également l’accent sur la surveillance et la gestion du risque pour comprendre les
phénomènes de pollutions marines et limiter les risques sanitaires.
L’INRH est un acteur de premier plan dans ce domaine puisqu’il irrigue la compréhension du
milieu marin par l’étude du fonctionnement des écosystèmes marins et littoraux mais aussi
la surveillance de la qualité et de la salubrité du milieu marin. Dans une vision plus
globalisée, l’Observatoire National de l’Environnement du Maroc (ONEM) œuvre pour la
mise à disposition d’informations sur l’environnement et le développement durable en
déployant une base informationnelle accessible et en favorisant les échanges d’information
entre les différents acteurs.
Sur le plan régional, la participation du Maroc à l’initiative Blue Med financée par l’Union
Européenne dénote également de sa volonté d’observer et de surveiller les océans. Celle-ci
La formation professionnelle dans le domaine des pêches maritimes vise à fournir au secteur
halieutique national une main d’œuvre possédant les qualifications et les compétences
nécessaires en matière de conduite des opérations de pêche, mais aussi en matière de
traitement et de valorisation des produits de la pêche. Cette dernière est particulièrement
importante dans la mesure où le contexte international a fait apparaitre de nouveaux
besoins. Dans ce contexte, L’Institut Supérieur des Pêches Maritimes (ISPM) a été créé en
novembre 2006. L’ISPM est un espace de formation supérieur pour la promotion des
connaissances et de la recherche liées au secteur des pêches dans ses multiples aspects
relatifs à la technologie, à la gestion et aux techniques d’exploitation, à la valorisation et à la
commercialisation des produits halieutiques, ainsi qu’à l’aquaculture. L’école de la marine
marchande, l’Institut Supérieur d’Etudes Maritimes (ISEM), est un établissement étatique de
formation des cadres supérieurs de la marine marchande. Depuis sa création, l’ISEM a formé
4000 officiers destinés à l’exploitation de la flotte commerciale : experts et pilotes
Le développement des connaissances et des compétences des domaines marins est notable,
mais la formation se limite à certains secteurs (pêche, sécurité et logistique). Il n’existe pas
encore de réelle offre privée visant à former une main d’œuvre qualifiée aux métiers de la
mer.
De la diversité des activités maritimes peuvent surgir des conflits liés à la gestion de l’espace
maritime. En outre, l’espace maritime peut être le terrain d’activité illégale ou illicite,
comme la pêche illicite, le trafic d’armes et de drogues, ou encore le terrorisme. A cet effet,
des agences nationales de renforcements des lois maritimes, comme les gardes côtiers et la
police marine, sont présentes sur le littoral pour assurer la sécurité des biens et des
personnes.
Le Maroc accorde une place capitale à la sécurité maritime. Parmi les actions mises en
œuvre par le Maroc figurent la création d’un centre de surveillance et de suivi du trafic
maritime à Gibraltar assurant la surveillance et la sécurité de la navigation, et la mise en
place d’un centre de coordination du sauvetage maritime basé à Bouznika qui permet la
coordination des opérations de recherche et de sauvetage en mer de toute la région Nord-
Ouest de l’Afrique. En outre, le Maroc compte un réseau national de 14 stations côtières AIS
(Identification Automatiques des Navires) installés le long des côtes et comportant une base
de données pour le suivi du transport des matières dangereuses. Le partage de son
expérience en termes de sécurité maritime occupe une place importante, notamment dans
le cadre d’une coopération sud-sud.
Un accent particulier a également été mis sur la pêche illicite au Maroc. La pêche illicite, non
déclarée et non réglementée représente un problème majeur pour la population de
poissons. La pêche illicite est une pêche ayant recours à des engins non autorisés, sur des
périodes interdites ou dans des zones protégées, ayant pour cible des espèces de poissons
interdites ou en quantité supérieure aux quantités autorisées. Celle-ci représente jusqu'à 31
% de la capture mondiale de poisson et elle sévit de manière non négligeable sur les côtes
marocaines. Au Maroc, le trafic illicite et l’utilisation d’engins prohibés (par exemple pêche à
la dynamite) menacent la durabilité des ressources et participent à la surpêche. Pour lutter
Selon l’UNESCO, 20% de la pollution marine provient des activités en mer et plus de 80% de
la pollution provient des activités terrestres, via les fleuves ou par ruissellement et
déversement à partir des zones côtières. Ces rejets sont liés à différentes activités autour de
l’économie bleue, à savoir les activités sur le littoral (pêche, aquaculture, tourisme), les
stations d’épuration des eaux usées, les ports et les activités industrielles côtières, mais elles
sont aussi dues à des activités agricoles, industrielles ou domestiques.
4.1 L’impact des changements climatiques et des activités anthropiques sur les
océans
Selon la FAO, le changement climatique et l’augmentation des activités anthropiques
menacent les océans par la hausse de la température de l’eau et du niveau des mers, la
fonte des glaces, les modifications de la salinité et de l’acidité des océans et la diminution
des pluies. Ces pressions environnementales mettent en danger la durabilité et la
productivité d’une ressource économique et environnementale fondamentale : le poisson.
Les pays en développement tributaires du poisson pour l’alimentation et l’exportation
seront confrontés à un véritable défi pour s’adapter aux changements.
La combustion des fuels fossiles est la principale cause de la pollution de l’air; et aussi
responsable de celle des océans. En effet, la mer absorbe aujourd’hui un quart de toutes les
émissions carbones émises par l’homme, causant le changement du pH de ses eaux de
surface, entrainant leur acidification. Selon de dernier rapport du GIEC, si les activités sont
poursuivies à ce rythme, le taux d’acidification des océans va augmenter de plus de 150 %
par rapport au taux d’acidification actuel.
Des travaux menés sur le détroit de Gibraltar montrent également que les eaux
méditerranéennes profondes sont en train de se saliniser davantage de l’ordre de 0,01
unité/décade. Ces phénomènes pourront avoir un impact particulièrement important sur la
faune et la flore marine marocaine. En Méditerranée par exemple, le phénomène
d’acidification est à l’origine du phénomène de blanchissement des coraux et menace les
récifs, habitat naturel de tout un écosystème marin.
Les eaux usées et les substances polluantes issues des activités humaines (minéraux et
substances issues des activités minières, et de l’agriculture) sont directement déversées
dans l’océan.
Pendant longtemps au Maroc, la grande majorité des eaux usées des grandes villes comme
Casablanca ou Rabat-Salé ont été rejetées dans le littoral atlantique et les fleuves sans aucun
traitement préalable. En vue de préserver la qualité de l’eau et la prémunir d’une pollution
croissante, le Maroc a mis en place en 2014 un arsenal législatif et réglementaire avec
l’adoption de la loi n°10-95, sur l’eau, et ses textes d’application. Cette loi a réglementé
entre autres les déversements à travers un instrument qui fixe les Valeurs Limites de Rejet
Aujourd’hui, des premiers systèmes de dépollution ont été créés. Situés en bord de mer, les
deux systèmes anti-pollution Casablanca Est et Casablanca Ouest, ont pour objectif de
rendre le littoral casablancais propre, et purifier ses eaux usées. La généralisation de ces
stations de dépollution à l’ensemble des villes pourrait constituer une avancée dans la lutte
contre le déversement des substances chimiques polluantes.
Le déversement des produits liquides toxiques industriels issus des rejets industriels ou de
l’agriculture sont une autre forme commune de rejet direct de déchets dans les océans. Le
rejet de liquides toxiques dans les océans affecte directement la vie marine dans la mesure
où celui-ci a pour effet direct d’augmenter la température des océans ; la température de
ces liquides étant élevée par rapport à la température aquatique. Les populations de
poissons ne pouvant survivre à de hautes températures sont condamnées à périr ou à se
déplacer.
Les recherches de l’INRH confirme que l’Atlantique est affecté par un phénomène de
réchauffement de la température de surface avec une valeur moyenne de 0,28 °C/décade.
De même pour la Méditerranée, des études scientifiques convergent pour montrer que les
eaux profondes méditerranéennes deviennent de plus en plus chaudes. Une augmentation
moyenne de 0.74°C est prévue à l’échelle du bassin entre les décennies 2030-2040.
L’augmentation pourrait atteindre 1.5°C dans les zones les plus impactées. Ces élévations
sont considérables pour les milieux marins et pourraient conduire à des modifications
notables des écosystèmes. Les phénomènes de réchauffement peuvent avoir des impacts
conséquents sur les aires de répartition des poissons et du plancton, qui se déplacent vers le
nord en réponse à l’augmentation des températures. La population des tortues de mer serait
également menacée par ce phénomène de réchauffement.
Sous l’effet des courants marins, le plastique forme des gyres océaniques, de gigantesques
mouvements circulaires d’eau propulsé par plusieurs courants marins. C’est dans les années
90 que le premier constat d’une accumulation de plastique dans la mer a été fait par le
navigateur américain Charles Moore. Sous l’effet de courant circulaire qui anime les cinq
grands bassins océaniques, ces mouvements de plastique s’accumulent dans des gyres
subtropicales. Il existe 5 zones d’accumulation océanique de plastique dans le monde qui se
situent dans le Pacifique Nord, le Pacifique Sud, l’Atlantique Nord, l’Atlantique Sud et
l’Océan Indien, créant un véritable 7ème continent. Ces gyres piègent d’immenses quantités
de plastique qui en se dégradant, sont réduits à la taille de zooplancton et sont absorbés par
les poissons. Ces particules de micro-plastiques forment des concentrations de surface dans
les gyres tropicaux de 200 000 à 600 000 morceaux par kilomètre carré, ce qui portent
l’estimation de cette pollution plastique à 5 000 milliards de particules flottantes dans les
océans. La première conséquence de ce phénomène est l’emprisonnement des espèces, qui
représente une cause de moralité importantes des espèces marines. Le deuxième impact
direct est l’ingestion de plastique par les espèces de l’écosystème marin. 134 espèces dont
certaines classées en danger critique d’extinction sont victime de l’ingestion de plastique et
90 % des oiseaux de mer ont des fragments de plastique dans leur estomac. En outre, de
nouvelles bactéries, différentes des bactéries naturelles et potentielles pathogènes se
développent dans ces gyres et peuvent bouleverser l’écosystème marin. Les gyres causent
chaque année la mort d’un million d’oiseaux marins et plus de 100 000 animaux marins. Les
études ont montré que les dommages économiques totaux causés par le plastique dans
l’écosystème marin mondial s’élèvent à au moins 13 milliards de dollars chaque année.
Plusieurs initiatives ont été entreprises pour réduire la pollution en amont par un meilleur tri
et une meilleure récupération des déchets. Celles-ci s’organisent également autour de la
réduction de la consommation du plastique accompagnant la promotion du recyclage du
plastique. Les ONG dénoncent entre autres l’usage abusif et croissant de micro-plastiques et
microbilles contenus dans les produits cosmétiques et de soins. Les soupes de plastiques
trouvées dans les gyres sont composées entre autres par ces microbilles. Un seul tube ou
flacon peut contenir jusqu'à 300 000 microbilles alors qu’il existe des alternatives peu
couteuses et biodégradables. Plusieurs États aux États Unis ont déjà commencés à légiférer
contre ces microbilles incitant de grands groupes à arrêter le développement de ces
produits.
La mer Méditerranée est la mer la plus sujette à la pollution plastique : mer la plus polluée
du monde, elle est soumise à une forte pression anthropique. En effet, alors qu’elle
représente 1% des eaux mondiales, la Méditerranée contient 7 % des micro-plastiques
mondiaux. Le bassin méditerranéen (zone côtière) abrite 150 millions de personnes, qui
produisent entre 208-760 kg par an de déchets solides au monde soit parmi les plus grandes
quantités de déchets urbains solides par habitant. Les touristes d'été en Méditerranée
génèrent également une augmentation de 40% des déchets marins.
Le Maroc a adopté la loi 77-15 contre l’utilisation des plastiques qui a permis de les
minimiser voire les éradiquer dans certains secteurs. Toutefois, une enquête entreprise par
l’association « Zéro Zbal », en partenariat avec la Fondation Henrich böll, a montré que la
Enfin, la pollution plastique des océans reste principalement due aux déchets provenant des
activités terrestres au niveau du littoral et national. C’est pourquoi, en vue de diminuer les
risques économiques, sanitaires et environnementaux, le cadre réglementaire doit être
accompagné par une mobilisation à tous les niveaux pour éradiquer l’utilisation des
plastiques.
Il y lieu de noter que plusieurs initiatives ont été lancées ces dernières années pour
sensibiliser les populations à la pollution du littoral, notamment le programme Plages
Propres. Ce programme, lancé en 1999 par la Fondation Mohammed VI pour la protection de
l’environnement, a pour objectif de (i) mettre en place progressivement le label « Pavillon
Bleu » dont les critères constituent la référence pour la qualification des plages, (ii) créer des
partenariats entre la Fondation, les entreprises citoyennes et les collectivités territoriales,
(iii) contribuer à la mise à niveau des sites balnéaires dans la perspective de la vision 2020,
(iv) mettre en place une planification stratégique partagée par l’ensemble des partenaires
pour arriver à terme à une gestion durable du littoral, (v) assurer l’équipement, l’entretien,
le nettoyage, la sécurité, la couverture sanitaire et l’animation de la plage et enfin, (vi)
informer, sensibiliser et éduquer les estivants au développement durable.
En 2018, 21 plages ont étés labélisées « Pavillon Bleu », et 71 plages ont pu avoir le soutien
de 25 entreprises publiques et privées. Ceci étant, cette initiative gagnerait à être renforcée
par des actions pérennes tout au long de l’année.
L’océan est loin d’être un monde de silence : le son des vagues voyagent plus rapidement et
plus loin dans les profondeurs océaniques qu’il ne le fait dans l’air. De nombreuses espèces
marines comme les baleines et les dauphins, en plus des poissons et autres espèces marines,
dépendent de la communication sonore pour se nourrir, se reproduire ou naviguer.
Un barrage de pollution sonore créé par les activités humaines est en train d’altérer
l’acoustique du paysage sous-marin menaçant et tuant plusieurs espèces marines. Le
mouvement incessant des bateaux citernes et conteneurs, les activités de sonar à haute
intensité ou encore les bateaux de prospection pour le pétrole et le gaz offshore ont conduit
plusieurs espèces de poissons et mammifères à abandonner leur habitat.
En plus de la pollution sonore, les opérations de pétrole et de gaz peuvent être à l’origine de
déversement et fuites qui peuvent causer des dommages irréversibles pour
l’environnement. La catastrophe du BP Deepwater Horizon au large du golfe du Mexique a
Pour faire face à la pollution maritime accidentelle, le Maroc a élaboré le Plan d‘Urgence
National (PUN) approuvé par décret en 1996 et complété par un arrêté du Premier Ministre
en 2003. Le PUN est un outil d'intervention pour lutter contre tout déversement massif
d’hydrocarbures ou de substances chimiques résultant d'accidents maritimes. Ce plan
autorise l'organisation rapide, efficace et coordonnée des opérations de lutte et l'utilisation
rationnelle des mécanismes, équipements et matériels d'intervention.
Au Maroc, deux navires se sont échoués au niveau de Jorf Lasfar en 2010 et, ont pu être
remorqués rapidement sans avoir aucun impact environnemental grâce à la réactivité des
autorités concernées. Récemment, le Secrétariat d’État chargé du Développement Durable a
organisé un exercice de simulation de la lutte contre la pollution marine accidentelle en
collaboration avec les différents départements civils, militaires et paramilitaires concernés.
Une grande partie du littoral marocain était pollué principalement par les rejets des eaux
usées. Aujourd’hui, toutes les villes et les agglomérations ont une exigence particulière
quant au traitement des eaux usées avant qu’elles ne soient rejetées dans les océans.
Les océans représentent une part importante de cette biodiversité, puisqu’ils accueillent
99% du volume offert à la vie. Cependant, la biodiversité des océans est en forte régression
depuis plus de 50 ans, incontestablement du fait de la surpêche et de la pollution et
l’artificialisation des ports et zones côtières. Par exemple, certaines populations de grands
poissons comme le marlin, l’espadon, le requin et la morue ont déjà diminué de 90 %.
De même, la stratégie Halieutis met en place des Aires Marines Protégées (AMP) et récifs
artificiels pour une meilleure gestion écosystémique des milieux et de leurs usagers. Les
AMP présentent un intérêt biologique et écologique particulier puisqu’elles œuvrent à la
protection des habitats marins, à la restauration des zones dégradées, à la protection de la
diversité biologique et à la protection des ressources halieutiques exploitées. Trois AMP ont
été élaborées et validées en septembre 2011 parmi lesquelles la zone Oued Amtter –
Tamrabet, la zone Souiria Kdima – Moulay Bouzerktoum et la zone Aglou – Legzira. Ces
zones sont régies par des mesures de gestion régissant les aires protégées.
En juillet 2010, le Maroc a adopté la Charte Nationale de l’Environnement durable, qui s’est
concrétisée par un processus d’intégration des principes de développement durable dans
deux stratégies nationales : la Stratégie Nationale de Protection de l’Environnement SNPE et
la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD). C’est cette dernière stratégie qui
a ensuite infusé de principes environnement les stratégies sectorielles de l’économie bleue :
la vision Tourisme 2020, la Stratégie Énergétique Nationale et la stratégie Halieutis.
L’initiative Ceinture Bleue, lancée en 2016 lors de la COP22 propose un plan d’action global
basé sur des bonnes pratiques pour transformer le secteur halieutique en un domaine
d’activité durable et créateur de richesse. La Ceinture Bleue encourage en ce sens les actions
pour la pêche durable et pour la valorisation, de l’écosystème au consommateur.
Concernant l’aquaculture, celle-ci favorise l’émergence d’une aquaculture basée sur des
La Gestion Intégrée des Zones Côtières ou GIZC témoigne des efforts du Maroc d’avancer
vers une gestion durable des côtes. En effet, elle prône une gestion globale et non sectorielle
fondée sur l’exploitation durable des ressources (Cf. Chapitre 5). Cette stratégie nationale a
été lancée en février 2005 et concerne plusieurs zones de la Méditerranée orientale, dans
lesquelles elle met en place des mesures visant à la protection et la préservation des
ressources côtières. Parmi ses axes principaux, il y a lieu de citer l’amélioration de la
conservation et de la gestion des zones côtières sensibles à travers la restauration des
écosystèmes dégradés, la réalisation d’études et de diagnostics écologiques, la mise en
œuvre de campagnes de sensibilisation publique, la conservation des sols et de l’eau, la
promotion des activités génératrices de revenus et enfin la promotion de l’écotourisme.
Enfin, le Plan National de Gestion Intégrée du Littoral (PNL) est la première tentative de
gestion intégrée et durable du littoral marocain à l’échelle nationale. Lancé en 2015, le PNL
est en processus d’élaboration. Sur ces cinq axes d’intervention, le plan contient deux axes
qui visent la protection de l’environnement, à savoir l’intégration de la dimension de
protection du littoral dans les politiques sectorielles (industrie tourisme, habitat et travaux
d’infrastructure) et la mise en place de mesures pour prévenir, lutter et réduire la pollution
du littoral.
Au cours des dernières décennies, les activités maritimes au Maroc se sont souvent
développées de manière isolée, sans qu’elles ne soient encadrées par une stratégie globale.
Or l’économie bleue, appelle une action à plusieurs niveaux. A travers le monde, l’économie
bleue est un processus qui fédère et rassemble de nombreux acteurs de secteurs et
géographies différentes.
La mer territoriale du Maroc s’étend jusqu'à 12 Milles (environ 19,3 kilomètres). Le Maroc y
a le droit d’exercer ses prérogatives, notamment en termes de régulation du trafic maritime
et de répression des infractions ; ses droits s’étendent à l’espace aérien au-dessus de la mer
territorial et au fond de cette mer sur son sol. Au-delà de la mer territoriale se trouve la ZEE,
un espace dans lequel le Maroc peut exploiter ses ressources (pêche, exploration et
exploitation des ressources énergétiques voire minières).
Le plateau continental, qui suit la ZEE, est quant à lui situé à 200 milles marins à partir des
lignes de base et s’étend jusqu'à la limite extérieure de 350 milles des côtes : le Maroc a des
droits souverains exclusifs de l’exploration et l’exploitation des ressources et ce, sans
proclamation. Le Maroc est en cours de procédure pour l’extension du plateau continental
qui revêt une importance stratégique, puisque celle-ci permettra d’étendre la juridiction du
pays. A compter de la date de ratification de la convention des Nations Unies sur le droit de
la mer en 2007, le Maroc avait 10 ans soit jusqu’à juin 2017 pour introduire une demande
Les activités maritimes ont donné lieu à différentes stratégies sectorielles nationales les
régissant (cf. Chapitre 2). Du fait de la grande diversité de ses activités, les stratégies de
l’économie bleu concerne plusieurs départements ministériels.
A titre d’exemple, pour les activités de la pêche et de l’aquaculture, différents acteurs
interviennent sur ce secteur : le Ministère de l’agriculture et de la pêche maritime (qui
pilote la stratégie Halieutis), l’ANDA (qui pilote la stratégie de développement de
l’aquaculture) et l’INRH (qui est le support scientifique). En ce qui concerne le volet
portuaire, il y a lieu de souligner le Ministère de l’équipement, du transport et de la
logistique, l’Agence Marocaine pour le Développement de la Logistique (AMDL), l’ANP, etc.
5.2.2 Le rôle central des acteurs privés dans les secteurs maritimes
A côté des acteurs gouvernementaux et agences publiques, les acteurs privés jouent un rôle
central dans les secteurs maritimes. Qu’ils soient agents économiques, groupements de
professionnels ou organisations non gouvernementales, les acteurs privés sont très présents
dans l’économie bleue et participent à l’implémentation des politiques publiques
sectorielles.
Dans le secteur halieutique, aquacole, ou encore du pétrole et du gaz offshore, il y a lieu de
noter le rôle très important des clusters. Par exemple, l’Initiative pour la Croissance Bleue
européenne a mis en place des clusters industriels, qui s’appuient sur différents secteurs de
l’économie bleue. Les organisations qui portent les clusters peuvent être de vraies alliées
pour les gouvernements, et contribuer ainsi au développement de l’économie bleue. Il y a
lieu de retenir à titre d’exemple le « Blue Maritim Cluster » en Norvège, l’initiative CREA
Hydro&Energy de la République tchèque ou encore Maritime Technology Cluster en Italie
qui contribuent significativement à la croissance bleue locale.
Au Maroc, les clusters maritimes sont encore peu nombreux, et restent cantonnés pour la
plupart au secteur de la pêche. A titre d’illustration, le Centre spécialisé en Valorisation et
Technologie des Produits de la Mer (CVTPM) d’Agadir qui conduit des recherches pour la
valorisation biotechnologique des produits marins ou encore l’Agadir Haliopole Cluster, qui
constitue le premier cluster au Maroc sur le thème de la performance de la pêche. Le Maroc
gagnerait beaucoup à développer les politiques de clusters car celles-ci incitent à
La mise en place d’une politique publique nationale des zones côtières telle que le PNL
passerait par la création d’une véritable entité interministérielle spécialement chargée de
cet espace, et fédérant les acteurs des activités maritimes.
S’il existe des schémas nationaux et régionaux d’aménagement du territoire (SNAT et SRAT),
ceux-ci régissent l’ensemble du territoire et traitent de la mer de façon marginale. A titre
d’exemple, parmi les 51 orientations du SNAT, une seule concerne le littoral tandis que 4
pôles de croissance sur 6 sont situés sur le littoral. Des tentatives pour mettre en place une
gestion maritime rationnalisée ont depuis lors été mises en place à travers le GIZC et le PNL
(cf. Chapitre 4).
La Gestion intégrée des Zones côtières (GIZC) est un nouvel outil de gouvernance locale
lancée dans la région de la méditerranée orientale qui vise à pallier la fragmentation des
politiques sectorielles marines et du cadre juridique régissant l’espace marin. Elle constitue
un processus dynamique qui concerne à la fois la planification et la gestion des ressources et
de l’espace côtier et vise à rapprocher les diverses politiques sectorielles ayant une
incidence sur ce milieu. Une série d’initiatives côtières et de programmes d’importance
Rapport du CESE : L’économie Bleue 62
nationale ont permis d’adresser certains enjeux environnementaux et socio-économiques en
collaboration avec les habitants des zones côtières et les autres parties prenantes. Les
projets du GIZC ont par exemple permis la réhabilitation et la restauration de certains sites
sensibles, l’installation d’un récif artificiel semi-industriel, la mise en place de fermes
d’algoculture et de conchyliculture, la plantation de plusieurs hectares d’arbres fruitiers ainsi
que la distribution de plusieurs ruches. Le bilan du GIZC tel que dressé par le Secrétariat
d’État chargé du développement durable en décembre 2017 a révélé des impacts positifs
« concrets et palpables » : les réalisations du GIZC ont par exemple permis d’améliorer la
qualité de vie des femmes ainsi que les revenus des pêcheurs et agriculteurs bénéficiaires de
20 à 70 %.
Le succès d’une action globale maritime localisée a orienté le gouvernement marocain vers
la mise en place d’un plan d’action à l’échelle nationale. Conformément aux préconisations
du SNAT, le gouvernement marocain a en ce sens adopté le Plan National de Gestion
Intégrée du littoral ou PNL. Le PNL a été lancé en 2015 par la loi n°81.12 et constitue un outil
de gouvernance décisif pour la gestion du littoral. Il vise à assurer une gestion intégrée et
durable du littoral marocain en s’appuyant sur des données scientifiques, socio-
économiques et environnementales. Il comporte à cet effet cinq axes d’orientation
stratégiques. Dans un premier temps, le plan prévoit la définition des objectifs généraux de
la protection et la valorisation du littoral. Dans un second temps, il a pour ambition la
protection et la préservation de l’écosystème dans les politiques sectorielles. Le troisième
axe est celui de l’identification d’indicateur pour assurer la cohérence entre les programmes
d‘investissement et définir les moyens permettant l'harmonisation des projets de
développement à réaliser sur le littoral. Ensuite, le plan prévoit des mesures dans le but de
lutter et réduire la pollution. Enfin, il assure la cohérence et la complémentarité entre les
schémas régionaux du littoral. La vision exprimée par le plan est celle d’une économie bleue
qui se doit être une source de valeur ajoutée et d’emploi en particulier pour les populations
littorales, tout en assurant une fonction stratégique en termes d’approvisionnement
d’énergie, de matière première et de transport et de télécoms. De ce plan national intégré
devront découler des schémas régionaux du littoral, élaborés par des administrations
régionales. Les schémas régionaux du littoral devront adopter une approche de gestion
intégrée qui prend en considération l’écosystème du littoral et les changements climatiques.
Conformément aux dispositions susmentionnées, le Secrétariat d’Etat chargé de
développement durable a lancé une étude pour l’élaboration de ce PNL le 20 avril 2017. Une
ébauche de ce plan a déjà été présentée à la Commission Nationale de la Gestion Intégrée
du Littoral lors d’un atelier organisé le 10 janvier 2018, et une série de concertations avec les
membres de la Commission est en cours pour la finalisation du PNL avant son adoption par
décret.
Au Maroc, 9 régions sur 12 sont des régions littorales et sont concernées par l’économie
bleue. Depuis le discours Royal du 30 juillet 2012, les régions sont devenues un échelon
territorial privilégié pour l’intégration des politiques sectorielles. Elles ont d’ailleurs un rôle
très important à jouer dans l’économie bleue puisqu’elles représentent un relais essentiel à
la gouvernance. En effet, les régions et collectivités territoriales sont indispensables pour
opérationnaliser l’économie bleue et mettre en œuvre les lignes stratégiques définies dans
Les Conseils des Régions et des Communes intègrent les stratégies relatives au littoral par la
mise en œuvre des documents de planification stratégiques et de développement des
territoires.
Pour ce faire, deux instruments de planification sont à la disposition des conseils des régions
pour l’implémentation des stratégies régionales : Le Schéma Régional d’Aménagement du
Territoire (SRAT) et le Plan de Développement Régional (PDR). Situé sur un échelon plus
élevé que le PDR, le SRAT est l’outil de prédilection pour intégrer les nouveaux concepts de
développement durable sur un plan régional. En effet, c’est le SRAT qui a été par exemple
choisi pour mettre en œuvre les stratégies relatives à l’économie verte. Les SRAT sont des
outils de planification qui possèdent une visibilité sur 20 ans et établissent une vision
stratégique de développement d’une région. A l’instar du SNAT, les SRAT demeurent des
stratégies de développement économique généralistes. Toutefois, le Plan National de
Gestion Intégrée du Littoral prévoit de créer des outils de planification régionaux
spécifiquement adaptés à la gestion du littoral, à savoir : les Schémas Régionaux du Littoral
(SRL). Ces SRL permettront aux régions de définir des mesures d’aménagement, de
protection, et de mise en valeur et de conservation du littoral, en se fondant sur les données
scientifiques socio-économiques et environnementales régionales disponibles.
A plus petite échelle, les Plans d’action des communes (PAC) établissent des projets et
actions prioritaires de mise en œuvre des stratégies relatives au littoral définies à un niveau
plus élevé. Par exemple, 6 communes issues de la région ont intégré dans leurs PAC
l’approche GIZC, qui a permis le renforcement des capacités et la sensibilisation des acteurs
locaux.
L’économie bleue présente en effet pour un pays comme le Maroc de grandes opportunités
à même de le situer comme un hub maritime ouvert sur l’international. Pour tirer profit du
potentiel de son espace maritime, le Maroc devrait se doter d’une stratégie de l’économie
bleue selon une approche écosystémique, qui consolide durablement les secteurs productifs
traditionnels (pêche, infrastructures portuaires, tourisme…), qui accélère la croissance
autours de secteurs émergents (comme l’aquaculture) et qui identifie des secteurs d’avenir,
comme notamment les biotechnologies et la gestion des ressources génétiques liées à la
biodiversité marine. Une telle stratégie doit intégrer les principes de la durabilité et de la
soutenabilité afin de positionner le Maroc dans une économie durable, inclusive, équitable,
prospère et intégrée dans les flux d’échanges internationaux.
La particularité de l'approche par écosystème est qu’elle reconnaît que les populations
humaines, dans leur diversité culturelle, sont une composante intégrante de nombreux
écosystèmes.
Basées sur les besoins d'information de gestion et les efforts de recherche scientifique visant
à mieux cerner le fonctionnement des éléments constitutifs de l'écosystème et leur
connectivité, elle permet aux gestionnaires de fonder leurs décisions sur les meilleures
données scientifiques disponibles, dans le contexte d'une approche de précaution. Aussi, des
mesures devraient être prises, même lorsque la relation de causes à effets n'est pas
scientifiquement établie.
Ainsi, toutes les composantes du littoral marocain doivent être incluses et capitalisées dans
l’économie bleue (capital naturel, capital humain et capital produit), et ce pour appuyer les
activités maritimes ; qui constituent le cœur de la croissance bleue. Pour répondre aux
enjeux de la durabilité de l’économie bleue, les modèles économiques des activités
maritimes existantes nécessitent d’être revisités et adaptés. Parallèlement, la stratégie de
l’économie bleue devra mettre l’accent sur le développement de nouvelles activités
5
https://www.iucn.org/sites/dev/files/import/downloads/lapproche_ecosystemique___note_introductive.pdf
De plus, le partenariat international revêt d’une grande importance pour relever les défis de
l’économie bleue liés à la sécurité marine, à la migration et à la criminalité. Le volet
sécuritaire ne doit pas être sous-estimé dans la mise en place de cette stratégie.
Enfin, la réalisation d’une transition écologique doit être une préoccupation transversale
dans la stratégie pour l’économie bleue. Le lien d’interdépendance entre préservation de
l’écosystème et durabilité des activités maritimes doit être mis en exergue tout au long de
cette stratégie.
L’ambition du CESE est de construire une vision commune et partagée avec trois objectifs
clairs :
1. un objectif de développement ;
2. un objectif de création de richesse, d’emploi et d’inclusion ;
3. un objectif de protection de l’environnement et de durabilité.
Aussi, la feuille de route de l’économie bleue devra consister en une approche basée sur le
développement durable de l’océan, regroupant l’économique, l’environnement et la
société, dans le cadre de l’Agenda du développement durable 2030, en particulier l’Objectif
14 relatif à la santé des océans, en intégrant aussi la contribution nationale déterminée du
Maroc (NDC) relative à l’engagement de l’Accord de Paris sur les changements climatiques.
Adopter une stratégie nationale de l’économie bleue durable et inclusive, adaptée aux
vocations régionales et déployée autour des secteurs économiques traditionnels (la
pêche, le tourisme et les activités portuaires), tout en développant de nouveaux secteurs
porteurs de forts potentiels de croissance (aquaculture, écotourisme, bioproduits marins
ou biotechnologies, construction navale, etc.). Les projets relatifs à la mise en œuvre de
cette stratégie devraient être à la fois élaborés en concertation avec les citoyens et les
acteurs concernés, tout en ayant pour premier objectif de favoriser l’accès aux services
et aux ressources maritimes à toutes les catégories sociales.
Déployer une croissance bleue forte autour des secteurs économiques traditionnels et
lancer de nouvelles filières :
Restructurer les filières existantes pour accompagner leur transition vers une
économie bleue :
Les filières existantes nécessitent une réadaptation de leurs modèles économiques
aux finalités de l’économie bleue, tant sur le plan légal, institutionnel, budgétaire,
qu’en termes d’offre de formation. Elles peuvent de ce fait, représenter de véritables
moteurs de la croissance bleue, en procédant à leur restructuration en vue de
renforcer leur compétitivité économique et assurer leur pérennité.
Favoriser les nouvelles activités et soutenir les activités émergentes pour en faire
de réels relais de croissance :
o Organiser des débats nationaux pour développer une vision et des
mécanismes de développement des nouvelles activités ;
o Accélérer la mise en place des dispositions institutionnelles, règlementaires,
budgétaires, de formation et d’accompagnement nécessaires pour favoriser
le développement de nouveaux secteurs et la création d’emplois pour les
jeunes en donnant une place importante aux idées innovantes et à
l’entreprenariat ;
o Créer des synergies bénéfiques au développement de ces nouveaux secteurs
et activités et les secteurs existants et traditionnels.
Veiller à l’application rigoureuse et au suivi des accords de pêche, notamment sur les
volets de la fiabilité de l’information en temps réel, au respect des clauses
environnementales et au niveau de débarquement des captures dans les ports
marocains.
• Elaborer une feuille de route fiscale pour catalyser la transition vers une économie
bleue ;
• Envisager la possibilité d’émettre des « obligations bleues » (blue bonds) à partir du
portefeuille de projet de l’économie bleue et inviter les banques marocaines à
s’investir dans le financement de ces secteurs.
• Analyser tous les risques qui se présentent autour des métiers de la mer et du
littoral, intégrer l’effort d’atténuation des impacts environnementaux et la lutte
contre le changement climatique et encourager la mise en place de mécanisme de
prévention et d’intervention ;
• Intégrer les infrastructures existantes et les différentes stratégies sécuritaires dans
un volet traitant de l’ensemble des enjeux sécuritaires maritimes au niveau de la
stratégie pour l’économie bleue.
• Faire du Maroc un hub régional dans les métiers de l’économie bleue (échanges
commerciaux, infrastructures…) ;
• Echanger les expertises avec les pays partenaires du Maroc et assurer une
coordination entre les stratégies régionales et la future stratégie nationale
d’économie bleue ;
Assurer une planification spatiale maritime (PSM) au niveau territorial pour une économie
globale et intégrée:
Renforcer le rôle central des territoires dans le développement des secteurs de l’économie
bleue dans le cadre de la régionalisation avancée :
Etablir, par les régions et les communes, un inventaire des potentialités et actifs
océaniques de leur espace maritime, en attendant l’adoption de la SNEB ;
Associer les populations locales et leurs représentants dans toutes les phases
d’analyse des potentialités et d’identification des opportunités à saisir en matière de
développement des secteurs de l’économie bleue à l’échelle inter-régionale,
régionale et communale ;
Saisir l’occasion du processus de révision des Programmes de Développement
Régional (PDR) et des Plans d’Action Communaux (PAC) pour développer de
Rapport du CESE : L’économie Bleue 73
nouveaux projets intégrés et viables liés aux différents secteurs de l’économie bleue
selon une approche écosystémique en utilisant l’outil de planification spatiale
maritime ;
Développer un mécanisme de partenariat public-privé efficient pour faire face aux
besoins de financement des projets ayant trait à l’économie bleue au niveau des
territoires ;
Intégrer dans les documents d’aménagement régional (schéma régional
d’aménagement territorial -SRAT-, schéma régional du littoral -SRL-, …), les exigences
de la planification spatiale maritime, les besoins en infrastructures et les
investissements nécessaires dans les secteurs de l’économie bleue.
Thème Intervenants
Avis des experts nationaux sur les défis et les Professeur Miloud LOUKILI
opportunités liés à l’économie bleue au Professeur Mohamed MENIOUI
Maroc Professeur Rajae CHERKAOUI
Mme NEJAR Nada de la Direction des études et
Focus sur la gestion des stocks des
prévisions financières (DEPF)
ressources halieutiques
M. Abdelmalek FARAJ, Directeur Général de l’INRH
Enjeux de délimitation de l’espace maritime Mme Amina Benkhadra, Ministre et Directeur
national Général de l’ONHYM
L’identification des possibilités de M. Alexandre Nash, expert environnement à la
financement de l’économie bleue Banque européenne d’investissement
Analyse des chaînes de valeur des filières M. Christophe Le Visage, expert en stratégie
industrielles de l’économie bleue au Maroc d’économie bleue
M. Lahcen Ait Brahim, Directeur des ports et du
Atelier de transport maritime et stratégie domaine public Maritime
portuaire Mme Amane Fathallah, Directrice de la Marine
Marchande
M. Abdeljalil Berrada, Expert, ancien diplomate
Analyse des retombées des accords de pêche
marocain auprès de l’Union Européenne
M. Mohammed Maktit, Chef de division des études
Pollution environnementale et changement
et de la planification, secrétariat d’état chargé du
climatique dans le cadre de l’économie bleue
développement durable
Mme Merethe Nergaard, Ambassadeur de la Norvège
à Rabat
M. Abdu Razzaq Guy Kambogo, Ambassadeur du
Gabon à Rabat
Benchmark international sur l’économie M. Henry DeBey, expert à la FAO
bleue M. Pierre Failler, Professeur à l’Université de
Portsmouth
M. Mohammed Maktit, Chef de division des études
et de la planification, secrétariat d’état chargé du
développement durable
Mme Maria Snoussi, Professeur à l’Université
Mohammed V faculté des sciences Rabat
M. Nibani Houssine, Président d’AGIR
Préservation de la santé des océans
Association marocaine des capitaines des
Céphalopodiers
Alliance Marocaine pour le Climat et le
Développement Durable (AMCDD)
Mme Yousra Madani, WWF
Contribution de la gestion durable des plages
M. Hassan Talib, Représentant Fondation Mohamed
et du littoral à l’économie bleue à travers le
VI pour la protection de l’environnement
programme « Plages propres »
Mme Leila Bensmail, Ministère de l’agriculture, de la
La planification spatiale maritime pêche maritime, du développement rural et des eaux
et forêts
M. Fathallah Sijilmassi, ancien secrétaire Général de
l’UpM
Audition de l’UpM
M. Garcia Herraiz, Secrétaire Général Adjoint de
l’UpM