2019-04-Transfusion Patient Drépanocytaire F

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Caduceus Express

Publication de l’Institut Central des Hôpitaux à l’intention du corps médical


Publikation des Zentralinstituts der Spitäler für medizinisches Fachpersonal

Avril 2019, Vol. 21, N° 4

La transfusion chez le patient drépanocytaire


J. Kaiser-Guignard, G. Canellini, Institut Central des Hôpitaux, Hôpital du Valais, Sion

Introduction
La drépanocytose est une pathologie héréditaire de l’hémoglobine fré- Indications
quente dans les populations d’origine africaine, liée à une mutation sur la
Les indications reconnues à la transfusion sont résumées dans la Figure
chaîne β de l’hémoglobine (HbS) qui induit une instabilité de cette der-
2(5). Ainsi la transfusion n’est pas recommandée pour le traitement d’une
nière avec le risque de polymérisation et de déformation des globules
CVO simple sans anémie symptomatique.
rouges entraînant une hémolyse, des crises vaso-occlusives (CVO) et
une inflammation endothéliale.
Les patients avec une maladie drépanocytaire (phénotypes HbSS, Sβ,
SC) présentent une anémie hémolytique permanente et sont à risque de
développer des atteintes chroniques ou aigues d’organe (cerveau, pou-
mon, rétine, rein, etc...) parfois sévères (1, 2).
Enjeux de la transfusion
La transfusion de culots érythrocytaires permet de diminuer le pourcen-
tage d’hémoglobine anormale et la viscosité du sang et améliore le trans-
port d’oxygène. Les modalités sont la transfusion simple ou les échanges
(saignées puis transfusions) manuels ou automatisés. C’est donc une
thérapie centrale de cette pathologie, mais elle est associée à des risques
souvent peu connus des médecins prescripteurs:
 Risque d’allo-immunisation élevé pouvant entraîner des réactions
hémolytiques post-transfusionnelles, voir une impasse transfusion-
nelle, en raison de différences et de variants dans les antigènes éry-
throcytaires. Par exemple le phénotype D+C-E- est retrouvé chez 60%
des populations africaines mais seulement 2% des caucasiennes. Les Fig. 2: Indications, cibles et complications de la transfusion chez le patient drépanocytaire.
taux d’allo-immunisation sont de 19-43% chez les patients drépanocy-
Adaptée de Russel E Ware et al., Lancet 2017 ;390 :311-23. (TC=test de compatibilité, Hb= hémo-
taires (contre 1-3% dans la population générale)(3). Des altérations globine, CVO=crise vaso-occlusive
dans la régulation de l’immunité (lymphocytes Trég diminués, altéra-
tion du profil des cytokines) participent à ce phénomène. Pour des Recommandations en pratique
raisons encore peu claires, certains patients sont plus à risque de
développer des allo-anticorps (responders) que d’autres. La variation Pour chaque patient drépanocytaire de type HbSS, Sβ ou SC le médecin
du taux d’HbA mesurée 24h après la transfusion et dans les 60 jours traitant doit:
suivant permet d’estimer la probabilité d’une hémolyse post-  Connaître son taux d’hémoglobine de base; son histoire transfusion-
transfusionnelle retardée (Figure 1) puisque les paramètres d’hémo- nelle (antécédents de réaction transfusionnelle) et s’il a développé des
lyse peuvent être aussi augmentés lors de CVO(4). anticorps irréguliers (inscrits sur la carte de groupe sanguin).
 Risque de syndrome d’hyperhémolyse: indiqué par un taux d’hémoglo-  S’assurer qu’une détermination du groupe sanguin et du phénotype
bine post-transfusionnel inférieur à la valeur pré-transfusion avec aug- érythrocytaire élargi par phénotypage ou génotypage (ABO, Rhésus-
mentation des paramètres d’hémolyse et hémoglobinurie. Des transfu- Kell, systèmes Duffy, Kidd, MNS) aient été réalisés afin de sélection-
sions supplémentaires peuvent aggraver la réaction et doivent para- ner du sang le plus compatible possible.
doxalement être évitées.
Si la question d’une transfusion se pose :
 Risque d’hyperviscosité : le taux d’hémoglobine ne devrait pas dépas-
ser les 100 g/l, au-delà une augmentation de la viscosité sanguine  Evaluer le risque/bénéfice de la transfusion avec l’aide d’un hémato-
peut aggraver les troubles circulatoires. logue.
 Surcharge en fer avec le risque de développer une insuffisance car-  Informer le laboratoire de la situation clinique (avertir qu’il s’agit d’un
diaque, une cirrhose, un diabète. patient drépanocytaire), des antécédents transfusionnels et d’éven-
tuels alloanticorps irréguliers connus (transmettre la carte de groupe).
 Réaliser systématiquement une recherche d’anticorps irréguliers (RAI)
et un test de compatibilité avant la transfusion.
 Sélectionner le sang le plus compatible possible.
 Un contrôle biologique dans les 2 à 3 semaines suivant la transfusion
est souhaitable, ainsi qu’une RAI 6 à 12 semaines après la dernière
transfusion.

Références
1] Piel FB, Steinberg MH, Rees DC. Sickle Cell Disease. N Engl J Med. 2017;377(3):305.
2] Sundd P, Gladwin MT, Novelli EM. Pathophysiology of Sickle Cell Disease. Annu Rev Pathol.
2019;14:263-92.
3] Yazdanbakhsh K, Ware RE, Noizat-Pirenne F. Red blood cell alloimmunization in sickle cell
disease: pathophysiology, risk factors, and transfusion management. Blood. 2012;120(3):528
-37.
4] Mekontso Dessap A, Pirenne F, Razazi K, Moutereau S, Abid S, Brun-Buisson C, et al. A
diagnostic nomogram for delayed hemolytic transfusion reaction in sickle cell disease. Am J
Hematol. 2016;91(12):1181-4.
5] Yawn BP, Buchanan GR, Afenyi-Annan AN, Ballas SK, Hassell KL, James AH, et al. Man-
agement of sickle cell disease: summary of the 2014 evidence-based report by expert panel
members. JAMA. 2014;312(10):1033-48.

Personnes de contact
(DHTR =Delayed Hemolytic Transfusion Reaction) Dr Julie Kaiser-Guignard [email protected]
Dr Giorgia Canellini [email protected]
Figure 1 (adaptée de (4)) : Normogramme d’aide au diagnostic de réac-
tion transfusionnelle retardée chez le patient drépanocytaire

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