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Les Sciences de l’Information et de la Communication

dans le monde arabe Réflexions sur les difficultés


d’émergence d’une discipline
Sadok Hammami

To cite this version:


Sadok Hammami. Les Sciences de l’Information et de la Communication dans le monde arabe Réflex-
ions sur les difficultés d’émergence d’une discipline. Revue Tunisienne de communciation, 2005, 1
(45). �sic_00001746�

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Études

Études

Les Sciences de l’Information


et de la Communication dans le monde arabe
Réflexions sur les difficultés d’émergence d’une discipline

Sadok Hammami
Institut de Presse et des Sciences de l’information

Ce texte est une réflexion sur les évolutions de la recherche en Sciences


de l’Information et de la Communication dans le monde arabe. Il se veut une
invitation à l’ouverture d’un débat sur la situation actuelle de cette disci-
pline à un moment où l’on constate des évolutions significatives du statut des
médias et de la communication, qu’incarnent les développements actuels du
paysage médiatique arabe. La multiplication des enseignements universitai-
res et notamment des formations doctorales qui ouvrent la voie à une nou-
velle génération de chercheurs qui s‘apprête à intégrer le champ des Sciences
de l’information et de la communication rend urgent d’un autre coté ce débat
essentiel pour le développement de cette discipline.
Ce débat a été en réalité déjà engagé mais il est resté sporadique, rare
et limité. Plutôt que d’ouverture, c’est de continuation donc qu’il s’agit. Car le
débat a été interrompu par ceux là mêmes qui l’ont initié.
Evitant, autant que possible l’exercice du bilan qui doit être collectif pour
être légitime, ce texte est surtout une réflexion première plus qu’une analyse
systématique, un regard personnel, même s’il prétend engager une réflexion
épistémologique. Il se veut aussi un appel à tous ceux qui pensent pouvoir
étudier les médias, l’information et la communication sans s’encombrer des

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questions essentielles de l’identité, de la dynamique, des courants et des


modèles théoriques de la discipline à laquelle ils appartiennent.
La réflexion que nous proposons part du constat selon lequel les
Sciences de l’Information et de la Communication (nous utiliserons le terme
SIC, pour les désigner) ne se sont pas encore constituées comme champ
scientifique, malgré leur institutionnalisation depuis quelques décennies et le
nombre plus ou moins important de recherches produites par les chercheurs
appartenant à cette discipline. Les réflexions qui se sont intéressées à la ques-
tion du statut des SIC dans le monde arabe ont d’ailleurs relevé les faiblesses
institutionnelles, théoriques et méthodologiques de cette discipline.
Cette situation est d’abord la conséquence d’une représentation domi-
nante exclusivement techniciste et instrumentale de la communication par-
tagée par les élites politiques, administratives, intellectuelles et académiques
et notamment les chercheurs se réclamant des SIC(1). Une représentation
qui empêche l’émergence de la communication comme «objet de pensée»
(Bernard Lamizet,) ou «objet de connaissance» (Bernard Miège). Réduite à sa
dimension technique et médiatique, la communication a toujours été étudiée
d’un point de vue instrumental, techniciste et institutionnel (droit, contenus,
effets…). La perception de la communication chez les chercheurs arabes cor-
respond ainsi à la représentation des médias chez les élites politiques qui les
considèrent comme instrument de gestion, de contrôle et de changement de
la société.
Dans le monde arabe, les SIC fonctionnent aujourd’hui comme un
champ déstructuré, éclaté et travaillé par des logiques souvent contradictoi-
res (politiques, idéologiques, scientifiques, institutionnelles…) empêchant
leur constitution comme champ scientifique. Cette situation, dont nous
allons décrire les causes, a constamment affaibli la position des chercheurs
face aux discours idéologiques et d’expertise et a minimisé la visibilité de
leurs discours. Elle crée aussi, chez les étudiants engagés dans des recherches
doctorales, le sentiment que le champ est «vierge». Confrontés à un savoir
occidental qui ne cesse d’insister sur «l’importance théorique» de la commu-
nication, ces jeunes chercheurs s’interrogent sur l’état actuel de la recherche
arabe dans le domaine des médias et de la communication, sur ses apports
et ses courants théoriques majeurs. S’engageant dans le champ des SIC
et découvrant les débats théoriques et épistémologiques qui structurent
ailleurs les SIC et ils n’hésitent pas à exiger des réponses aux questions qu’ils
se posent déjà sur les démarches théoriques dominantes, les positionne-

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Études

ments épistémologiques de chercheurs arabes, les méthodes et les objets de


recherche qu’ils utilisent(2). En ce sens, nous voudrions que notre réflexion soit
une médiation entre des générations séparées par la défaillance d’une com-
munauté où l’on reçoit, examine et critique les héritages. Les chercheurs, jeu-
nes ou moins jeunes, sont ainsi réduits à l’état d’individus solitaires et privés
de mémoire collective que les échanges auraient pu alimenter.
En fait, si nous nous retrouvons démuni pour répondre aux questions
que posent ces jeunes chercheurs, c’est parce que nous sommes confronté
à la rareté des réflexions épistémologiques, bilans individuels ou collectifs et
états des lieux sur la situation actuelle des SIC dans le monde arabe. La rareté,
voire l’absence de démarches réflexives et épistémologiques des chercheurs,
est sans doute un des traits les plus caractéristiques de la situation des SIC
dans le monde arabe, où dominent ce que nous pouvons appeler les postures
minimalistes, libérant le chercheur de toute obligation de réflexivité sur l’objet
de ses recherches, les modèles théoriques et les méthodes qu’il utilise pour
étudier les phénomènes d’information et de communication. Cette posture
minimaliste repose sur un lien mou aux SIC, en tant que discipline. Faire de la
recherche sur les médias et la communication revient en général à utiliser une
méthode monographique pour étudier l’institution, sociologique pour étu-
dier les effets de tel ou tel média sur tel ou tel public et l’analyse de contenu
pour saisir le sens véhiculé par les médias. Il est possible ainsi d’engager des
recherches sur les institutions, les contenus et les effets, sans jamais se soucier
de la construction d’un objet de recherche spécifique aux SIC. Il est d’ailleurs
étonnant de constater la facilité avec laquelle, les jeunes chercheurs «trou-
vent » des objets de recherche qui sont souvent l’étude de l’effet d’un média
ou l’analyse d’un contenu médiatique. En fait, héritant de cette «insensibilité»
dominante à l’impératif de construction des objets de recherche spécifiques au
SIC, ces jeunes chercheurs demeurent, à l’instar de la majorité des chercheurs
confirmés, prisonniers d’une pratique routinière qui empêche toute forme
d’innovation au niveau des objets de recherche, des modèles théoriques et
des méthodes. La posture minimaliste a « l’avantage » ainsi de livrer au cher-
cheur un réservoir indéfini de sujets de recherche. Elle rend problématique
la distinction nécessaire entre discours scientifique, politico-administratif et
d‘expertise.
L’indifférence pour la réflexion épistémologique chez les chercheurs
arabes est d’autant plus importante à relever que les SIC sont justement une
«discipline» ou «interdiscipline» en cours de constitution et que des débats
importants traversent la communauté des chercheurs dans d’autres pays

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sur l’identité de cette (inter) discipline, ses rapports aux autres disciplines,
ses objets, ses méthodes et ses modèles théoriques. Les chercheurs arabes,
esquivant consciemment ou inconsciemment, ces problèmes font comme si
ils appartiennent à une discipline stabilisée.
Cette réflexion que nous proposons sur l’état actuel de la recherche
arabe sur les médias et la communication et plus particulièrement sur le sta-
tut des SIC s’organisera autour de quatre axes :
− D’abord, nous engagerons une analyse de l’état actuel des SIC dans le
monde arabe. Nous nous appuierons, dans ce sens, sur une série de réflexions
sur les SIC réalisées par des chercheurs arabes au cours des années 80 et 90.
Nous tenterons dans ce sens d’inventorier et de décrire ce que nous appelons
les logiques responsables de l’éclatement du champ des SIC dans le monde
arabe. On pourrait cependant nous contester le choix du monde arabe (et
non la Tunisie ou le Maghreb) comme cadre d’observation des savoirs et des
pratiques des SIC. Ce choix s’impose, en réalité, naturellement. Le cadre natio-
nal de la Tunisie par exemple n’est pas pertinent pour parler des SIC. Les cher-
cheurs tunisiens, dont une minorité publie en France, se positionnent surtout
dans un cadre arabe et rarement dans un contexte maghrébin. Les probléma-
tiques et les préoccupations des chercheurs tunisiens, qui publient plutôt en
langue arabe, s’inscrivent dans le contexte arabe.
− Nous tenterons ensuite de définir les orientations générales d’une
réflexion épistémologique sur les possibilités d’une reconstitution des SIC
dans le monde arabe. Cette réflexion concerne à la fois les pratiques indivi-
duelles et collectives des chercheurs. Sur le plan individuel d’abord, ces orien-
tations générales concernent le travail épistémologique sur les concepts, les
modèles théoriques, les méthodologies qu’utilisent le chercheur. En effet, la
communication doit émerger comme « objet de pensée » : « La communication
est un fait social et politique majeur qu’il convient d’analyser de façon critique,
comme un fait, qui pour n’être pas récent –tant s’en faut- n’en montre pas moins,
aujourd’hui, les signes d’un développement tout à fait particulier. Il s‘agit d’un
ensemble de concepts, de méthodes, de nature à appréhender, dans toute sa
dimension théorique, un fait auquel nous voudrions rendre toute son ampleur
et toute son importance, pour ne pas le réduire à un marché ou à un ensemble
d’illusions ou de supercheries. La communication devrait devenir un objet de pen-
sée »(3).
Les démarches collectives sont essentielles pour la communauté des
chercheurs et le développement scientifique des disciplines. Elles s’incarnent

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Études

dans les débats collectifs sur les projets scientifiques et la structuration de la


discipline. « La construction des disciplines, affirme Bernard Miège, est faite d’af-
frontements et de consensus, de périodes de discussion intenses et approfondies,
et d‘autres où les malentendus et les conflits dominent : la légitimité scientifique
ne s’acquiert que progressivement, et même sur la longue durée, elle est toujours
susceptible d’être remise en cause »(4).
Ce double travail individuel et collectif est au fondement d’une restruc-
turation du champ des SIC dans le monde arabe sur la base de logiques scien-
tifiques, favorisant l’émergence et l’accumulation des connaissances scien-
tifiques. Il incitera les chercheurs à questionner leurs pratiques et les savoirs
qu’ils produisent, à s’interroger sur le sens de leur appartenance aux SIC et sur
le statut de leurs discours dans la société.
Nous nous appuierons, pour montrer l’importance de ce double travail
individuel et collectif, sur le cas des SIC en France. Le choix de l’exemple fran-
çais n’est pas fortuit : la majorité des enseignants chercheurs évoluant dans le
champ des SIC en Tunisie ont accompli leurs études doctorales en France. De
même, la plupart des étudiants tunisiens qui poursuivent des études doctora-
les en SIC sont inscrits dans des universités françaises.
Nous proposerons enfin quelques orientations générales d’un renouvel-
lement scientifique des recherches arabes sur la communication.
Le lecteur trouvera aussi une bibliographie indicative portant sur l’épis-
témologie des SIC dans le monde arabe et en France.

1. Les SIC dans le monde arabe : les logiques de


l’éclatement
Les premières réflexions sur les savoirs et les pratiques des SIC dans le
monde arabe ont été réalisées relativement tôt, c’est-à-dire au début des
années 80. Elles se sont attachées à décrire les tendances majeures des recher-
ches et ont constitué plutôt des initiatives individuelles, rares et partielles.
Pour Mohammed Talel, les SIC sont, dans le monde arabe, en retard
par rapport aux sciences humaines et sociales. Ce retard est le résultat, entre
autres, d’une représentation des médias et de l’information comme « ensem-
ble de pratiques professionnelles ne prétendant pas au statut de champ scientifi-
que »(5). Cette représentation empêche, ainsi, toute fondation scientifique. Les
médias et l’information apparaissent comme moyens et instruments et non
comme un champ où sont appliqués les concepts et les théories des scien-

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ces sociales et humaines. Cette situation explique l’absence de « tout effort


académique susceptible de délimiter un cadre pour des recherches fondées sur
une approche scientifique des médias et de l’information ». Partant d’une vision
plutôt interdisciplinaire des SIC, mais sans pour autant la nommer en tant
que telle, comme « ensemble composé de toutes les différentes sciences lié à la
compréhension de l’action sociale » Mohamed Talel constate « l’absence dans le
monde arabe de réflexions étudiant de façon scientifique les questions de l’infor-
mation et de la communication ».
Le bilan que propose Mohammed Talel retient une série de faiblesses
constitutives des SIC. Il relève en effet l’intérêt faible pour la recherche sur les
médias et la communication et les limites méthodologiques et théoriques
des recherches arabes. Selon lui, les études arabes sont quantitativement fai-
bles, narratives et sans fondement scientifique.
Mohammed Talel constate au terme de son bilan non seulement l’ab-
sence d’un quelconque apport arabe aux SIC mais aussi une « vérité misé-
rable » qui s’incarne dans la pauvreté des études, recherches et ouvrages
portant sur les questions de l’information et de la communication, situation
d’autant plus étrange, selon lui, que l’enseignement de l’information a débuté
à l’université égyptienne depuis 1930.
La réflexion de Mohammed Talel est pourtant symptomatique des
contradictions qui travaillent les chercheurs arabes. Elle reflète des logiques
contradictoires et antagonistes qui empêchent l’émergence des SIC comme
champ scientifique autonome et organisé en tant que discipline. Tout en
dénonçant l’absence d’un intérêt scientifique et académique pour les médias
et l’information », Mohammed Talel donne, en effet, une définition idéo-
logique, instrumentale et quasi-politique des SIC, en contradiction avec ce
qu’il réclame : « l’objectif de la recherche scientifique est donc, dit-il, d’œuvrer
au succès du processus médiatique et de ses applications pour faire réussir les
programmes de développement et de renforcer le processus politique qui sert le
développement et le progrès ».
Youssef Ben Romdhane considère, de son coté, que les recherches ara-
bes sont « modestes sur le plan théorique, méthodologique et épistémologique ».
Elles sont relativement importantes d’un point de vue quantitatif mais leur
« valeur scientifique est limitée ». La responsabilité de cette situation incombe,
selon Youssef Ben Romdhane, à la première et deuxième générations (mais
sans les situer dans le temps : qui sont-elles ?) qui étaient « incapables de
mettre en place un cadre théorique et méthodologique unifié»(6). Le «suivisme »

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Études

théorique et méthodologique des chercheurs arabes est aussi un facteur res-


ponsable des carences des recherches arabes : « les productions les plus impor-
tantes… ne sont que des travaux qui reproduisent de façon presque automatique
les théories et recherches américaines ».
Le troisième texte auquel nous allons nous référer est une réflexion col-
lective. Les auteurs de ce texte intitulé « Les recherches scientifiques dans les
domaines de la radio et de la télévision dans le monde arabe »(7), reconnaissent
eux aussi les limites de l’apport arabe à la compréhension des médias et de
la communication. S’appuyant sur l’expérience tunisienne, ils situent ces limi-
tes à plusieurs niveaux : la dépendance des médias nationaux aux modèles
dominants de production des programmes, l’absence d’innovation et le faible
intérêt pour les questions du public qui raréfie les possibilités de recherches
dans ces institutions. Les chercheurs, privés d’accès aux données statistiques,
préfèrent des approches partielles et indifférentes aux réalités historiques et
sociales.
Un autre bilan, réalisé par un chercheur tunisien et s’intéressant en par-
ticulier à la recherche maghrébine, nous fournit une série d’indications inté-
ressantes sur l’évolution de la recherche maghrébine. Le bilan réalisé par Larbi
Chouikha(8) montre que les recherches maghrébines en information – com-
munication sont quantitativement limitées. D’un point de vue théorique et
méthodologique, ces recherches sont descriptives, quantitatives, monogra-
phiques et limitées à quelques disciplines à prédominance juridique et histo-
rique. Il y a donc, selon Larbi Chouikha, des « courants de pensée dominants »
qui ont résisté aux évolutions politiques et culturelles des sociétés maghrébi-
nes, privilégiant une approche segmentée, réductionniste et exclusivement
empirique. Les échecs répétés de création d’une association maghrébine
regroupant les chercheurs en SIC illustrent le caractère « éphémère et non ins-
titutionnalisé » de la communauté des chercheurs maghrébins.
Enfin, et pour clore ce diagnostic de la situation des SIC dans le monde
arabe au cours des décennies 80 et 90, nous évoquerons l’étude très intéres-
sante de Nicole Khouri qui analyse le champ des SIC en Egypte à travers une
enquête sur la « production des thèses sur le champ télévisuel en Egypte de 1976
à 1993 ». Cette enquête est un double éclairage institutionnel et épistémolo-
gique du lien aux SIC des savoirs produits sur les médias et la communication
par les jeunes chercheurs de la Faculté de Mass Communication du Caire
(FMCC), une des plus importantes institutions de formation à l’information
et à la communication dans le monde arabe. Nicole Khouri cherche, à travers

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l’analyse des objets d’études, des thématiques et des méthodologies domi-


nantes, à comprendre le fonctionnement du champ des SIC, tout en s’ap-
puyant sur une analyse très fouillée de l’ensemble du dispositif de formation
et de recherches en SIC à l’université égyptienne.
De l’enquête de Nicole Khouri se dégage un profil-type du jeune cher-
cheur qui correspond trait par trait aux tendances dominantes relevées par
les analyses précédentes. Ce jeune chercheur préfère l’analyse de contenu
et ignore les nouvelles approches sémiologiques. Reproduisant des métho-
des dominantes, le jeune chercheur en Egypte, conformiste, réfléchit sur les
questions des médias en suivant une démarche immuable, n’hésitant pas à
s’adonner, au terme de son travail, à la dénonciation morale et idéologique
qui assure la conformité des résultats du travail de terrain aux valeurs de
l’identité et de l’authenticité culturelle. Nicole Khouri constate ainsi la fai-
blesse du lien de la production de ces jeunes chercheurs égyptiens au champ
des SIC : « En dehors du grand paradigme de la diabolisation (national/étranger,
Nord/sud, nouvel ordre mondial de la communication / résistance culturelle…)
qui prend tous les thèmes dans sa glue, nous n’avons pas vraiment rencontré
dans les thèses une problématisation des thèmes choisis à l’intérieur du champ
des sciences de l’information et de la communication. Peut-être faut il la chercher
ailleurs, dans un autre type de production académique… »(9)
Les recherches arabes sont donc monographiques, descriptives, empiri-
ques et quantitativement faibles. Elles reproduisent de façon mécanique de
modèles théoriques et méthodologiques occidentaux que les chercheurs
s’interdisent de soumettre à l’examen critique. Ces recherches sont disper-
sées, sans logiques d’unité ou de cohérence, et maquant d’innovation. Leurs
apports théoriques à la compréhension des médias et de la communication
sont extrêmement limités. Voilà le constat auquel ont aboutit les chercheurs
arabes (et notamment tunisiens) qui se sont intéressés à l’analyse des SIC en
Tunisie, au Maghreb et dans le monde arabe au cours des années 80 et 90.
Ce constat aurait pu alimenter une dynamique de construction indi-
viduelle et collective de la discipline.Cependant, cette dynamique ne s’est
pas réalisée. Les chercheurs arabes ont continué, en réalité, à produire des
recherches empiriques et quantitatives. Les positionnements théoriques,
tant réclamés, sont restés faibles. Pire encore, ce débat essentiel ne s’est pas
poursuivi. Délaissé par ceux là mêmes qui l’ont initié, il a été tout simplement
ignoré par les générations suivantes. L’absence de débat a aggravé de la sorte
la situation d’atomisation institutionnelle et de faiblesse théorique, constatée

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Études

par Mohammed Hamdane en 2004, qui relève « la disparité, la divergence,


l’absence de priorité et de vision stratégique »(10) des recherches tunisiennes et
arabes.
Comment expliquer les difficultés d’émergence des SIC comme champ
scientifique ? Si la situation n‘a pas véritablement changé depuis les premiers
diagnostics, c’est que des logiques contradictoires et antagonistes travaillent
le champ des SIC, empêchant leur émergence comme discipline et affaiblis-
sant leur dynamique de structuration.
Qu’entend-t-on par champ éclaté ? L’éclatement, dont il s’agit ici, concer-
ne la dispersion des chercheurs et la faiblesse d’une communauté que traduit
l’absence d’accord sur une des problématiques constituant un programme
de recherche permettant l’accumulation des savoirs et alimentant les débats
entre chercheurs. L’éclatement signifie aussi la faible autonomie du champ
par rapport à des logiques extérieures qui empêchent l’émergence d’un dis-
cours scientifique.
Ce blocage peut être saisi en termes d’antagonismes, responsables de
l’éclatement du champ de la communication.

L’impossible théorisation et l’obsession empirique


Les tenants d’un discours sur la nécessité des fondements théoriques
pour les recherches arabes en SIC ont toujours dénoncé le caractère exclusi-
vement empirique et quantitativiste de ces recherches. Ils n’ont cependant
jamais démontré la force de la théorisation. L’exigence d’une fondation théo-
rique est restée une simple incantation, un slogan creux, ou tout au plus un
projet esquissé mais jamais entrepris.
Restée promesse abstraite, la théorie ne s’est jamais transformée en force
créatrice guidant la compréhension des réalités complexes de l’inscription
politique, sociale, culturelle et historique des médias et de la communication
dans les sociétés arabes.
De l’autre côté, le nombre grandissant d’études de terrain n’a jamais
abouti à des apports théoriques permettant de comprendre le fonctionne-
ment des médias et de la communication dans les sociétés arabes.
Les chercheurs obsédés par le terrain et s’adonnant à l’exercice intermi-
nable de l’accumulation de données empiriques sur les contenus (analyse de
contenu) et sur les effets (études des effets des médias) sont restés insensibles
à toute forme de théorisation qui aurait pu donner sens à ce travail de terrain.
La stérilité de la recherche arabe vient de cette double ignorance.

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L’antagonisme des cultures théoriques et


méthodologiques
Un autre antagonisme traverse le champ des SIC dans le monde
arabe. Il est à situer au niveau des cultures théoriques et méthodologiques
divergentes des chercheurs. Une fracture sépare en effet les chercheurs du
Moyen-Orient, formés aux universités américaines et britanniques, et ceux du
Maghreb formés plutôt aux universités françaises. Cette fracture produit des
sensibilités de recherche différente. L’absence d’un langage commun génère
la dispersion des recherches et l’impossibilité d’une accumulation des savoirs
et l’échange entre les chercheurs.
Certains chercheurs du Maghreb produisent exclusivement en langue
française, se positionnant ainsi par rapport aux débats épistémologiques et
théoriques du champ disciplinaire français. D’autres au contraire publient en
langue arabe et utilisent des référents théoriques plutôt anglo-saxons. Ceux
qui sont informés à la fois des productions arabophones et francophones
des chercheurs arabes, et qui produisent dans les deux langues sont minori-
taires et plutôt maghrébins (du fait de la double maîtrise des langues arabe
et française). Les chercheurs arabophones du Moyen-Orient, privés de la
connaissance de la langue française, accèdent très rarement aux productions
francophones des Maghrébins.
Les conséquences de ces divisions est la faiblesse de la communauté
arabe des chercheurs en SIC. Nous pouvons légitimement soutenir l’idée que
cette communauté n’existe pas dans la mesure où nous pouvons facilement
constater la rareté des problématiques et des débats théoriques communs à
tous les chercheurs.
Les chercheurs arabes produisent dans des langues différentes, sont
animés par des préoccupations théoriques et méthodologiques divergeants
et souvent s’ignorent. Il n’existe pas aujourd’hui d’espace institutionnel ou
scientifique permettant à ces chercheurs de parler un langage commun et de
construire des problématiques communes.
Certaines recherches sont orphelines et dépourvues de toute « rattache
communautaire ». Elles sont ainsi inclassables. Le bilan de 50 ans de recher-
ches francophones en communication réalisé par la Revue belge « Recherches
en communication » n’intègre pas dans l’héritage francophone, les produc-
tions francophones non-européennes (et donc maghrébines ou sub-saha-
riennes). Cet exemple illustre la situation de « no man’s land » pour les cher-

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Études

cheurs maghrébins francophones qui ont choisi de publier exclusivement en


langue française. Inconnues de leurs collègues arabes, leurs productions sont
ignorées des francophones.

Une communauté défaillante


Cette fracture qui sépare chercheurs du Machreq et du Maghreb se
double d’une seconde logique de division propre aux contextes nationaux,
empêchant aussi l’émergence d’une communauté nationale. En effet, l’ab-
sence d’opportunités de recherche pour les chercheurs (11) (laboratoires,
groupe de recherche, financements…) a créé une situation d’isolement. Le
chercheur arabe en SIC est souvent centré sur ses propres problématiques,
référents théoriques et choix méthodologiques. Il travaille et produit seul et
dialogue rarement avec ses collègues.
La défaillance de la communauté s’observe ainsi dans la rareté de cen-
tres ou d’équipes de recherches et de réflexions collectives (sous forme
d’ouvrages collectifs). Les colloques organisés épisodiquement n’offrent pas
l’occasion d’un débat réel autour de questions communes. Ils sont souvent
le lieu d’une succession de discours d’universitaires ou de praticiens, inap-
propriée aux débats et aux échanges. Les revues spécialisées ne sont pas
nombreuses et n’offrent pas la possibilité de réflexions communes et leurs
politiques éditoriales favorisent rarement les réflexions collectives sur des
questions communes.

Discours idéologique et recherche scientifique


Les médias suscitent un discours idéologique chez les intellectuels ara-
bes, qui les considèrent comme une force surpuissante d’influence sur les opi-
nions publiques. Le déficit arabe en matière de médias professionnels a tou-
jours été considéré comme un signe du retard culturel arabe. La multiplication
récente des chaînes satellitaires généralistes et thématiques est ainsi perçue
de façon positive, comme l’acquisition d’un dispositif de puissance culturelle.
Elle a aussi renforcé les discours idéologiques sur les médias.
Le paysage médiatique arabe, constitué de plus d’une centaine de
chaînes généralistes et thématiques, gouvernementales et privées, est
aujourd’hui une thématique récurrente dans les discours des intellectuels ara-
bes. Ils observent à l’intérieur de cet espace l’évolution politique et culturelle
des sociétés arabes. D’autre part, on prête aux médias différents effets cultu-
rels. Certains y voient un facteur responsable de la « retraditionalisation » de la

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société et de sa « réislamisation ». D’autres considèrent les médias comme fac-


teur responsable de la crise morale des sociétés arabes. Les médias seraient
ainsi responsables d’une « occidentalisation pernicieuse » de la société(12).
Les universitaires, spécialistes des médias et de la communication, par-
ticipent très peu à ce débat public. La majorité des rares publications univer-
sitaires sont académiques et s’adressent à un public d’étudiants. D’un autre
coté, la diffusion très limitée des revues scientifiques empêche les réflexions
universitaires d’alimenter ces débats publics.

Experts ou chercheurs ?
L’absence et la faiblesse des mécanismes institutionnels de la recherche
dans le monde arabe raréfient à l’extrême les opportunités de recherche.
Toutefois, les chercheurs sont sollicités par des institutions publiques natio-
nales (administrations publiques…) ou panarabes telles que l’Union de la
Radiodiffusion arabe (ASBU) et l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture
et les Sciences (ALECSO), etc., qui commandent des études dans le cadre de
programmes ponctuels ou pour alimenter leurs revues spécialisées. Les con-
traintes objectives propres à ces institutions ont favorisé les approches d’exper-
tise dont la finalité est la production d‘un discours lisible pour les décideurs.

Médias et communication
Les chercheurs arabes ont souvent privilégié l’étude des médias (institu-
tions, discours, effets) à l’étude de la communication. La création tardive des
départements de communication illustre cette préférence pour la formation
aux métiers du journalisme. Mais cette situation peut aussi s’expliquer par
l’intérêt tardif des entreprises privées et du secteur public pour la communi-
cation comme technique de gestion.
La communication est encore une question sous-analysée, relativement
ignorée’(comme phénomène globale, historique, technique, culturelle, socia-
le, symbolique) ou étudiée uniquement sous l’angle des effets de la commu-
nication publique et d‘entreprise sur les publics. En ce sens les chercheurs
s’intéressent plutôt aux effets des discours publicitaires ou aux dimensions
techniques des relations publiques.

Enseignants / formateurs ou chercheurs


La rareté de formations doctorales et de structures vouées exclusive-
ment à la recherche scientifique a favorisé, dans les institutions universitaires,

18 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

une posture plutôt de formateurs enseignants. Cette posture privilégie des


préoccupations centrées sur la transmission des connaissances liées à la prati-
que du journalisme et récemment de la communication.
L’histoire des institutions universitaires explique aussi cette situation.
Ces institutions ont été créées pour répondre aux besoins des secteurs privés
et publics de l’information et de la communication. Elles sont censées former
des journalistes (puis des communicateurs) capables d’évoluer dans les entre-
prises de presse et dans les structures de communication des entreprises pri-
vées et de l’administration.
La posture du chercheur préoccupé par les questions théoriques, s’intéres-
sant à la communication comme « objet de pensée » et « objet de connaissance »
a toujours été problématique. La demande privée et publique et un discours
dominant dans les institutions universitaires privilégiant les enseignements
centrés sur la transmission des connaissances professionnelles ont toujours fra-
gilisé la position de ceux qui réclamaient une formation plus sensible aux ques-
tionnements théoriques. Les débats sur les réformes des grilles de programme
ont toujours été aussi le théâtre de « confrontations » plus ou moins organisées
entre les tenants d’une approche centrée sur les savoir-faire et ceux qui récla-
ment un enseignement intégrant les enseignements théoriques.
Dans tous les cas, la posture du chercheur sensible aux questions théori-
ques est restée problématique dans des institutions où les positions dominan-
tes sont souvent occupées par les défenseurs d’une formation privilégiant plu-
tôt la professionnalisation des enseignements, minimisant et contestant, voire
même dénigrant les postures théoriques. Cette vision dominante a eu des effets
de déstructuration de la dynamique de production des connaissances. Non
seulement elle n’a pas abouti à une production organisée de connaissances pra-
tiques, ce que montre la rareté d’ouvrages ou de manuels de journalisme et de
communication, mais elle a aussi rendu difficile, à l’intérieur des institutions, les
positionnements théoriques et épistémologiques, à la base de toute recherche
scientifique. La salle de classe est devenue de la sorte l’espace unique où l’ensei-
gnant vérifie sa compétence, d‘où il tire sa légitimité et où surtout l’on idéalise
un modèle d’enseignant plutôt formateur et fournisseur de connaissances prati-
ques sur les outils, techniques et méthodes . Bref sur les savoir-faire.

Positionnement identitaire ou épistémologique


« L’enracinement » de la pensée sur l’information et la communication a
constitué une préoccupation récurrente chez les chercheurs arabes. Elle était

Sadok Hammami 19
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

au cœur des premières formulations d’un projet scientifique arabe dans un


contexte international, marqué par les problématiques de « domination » et
de « dépendance culturelles », et d‘une idéologie tiers-mondiste réclamant le
droit à l’autonomie culturelle pour les peuples libérés de la colonisation occi-
dentale et magnifiant la lutte contre la domination idéologique et culturelle
de l’Occident « néocolonialiste » et « impérialiste ».
L’enracinement (attajthir) signifie la nécessité de se libérer des modèles
théoriques du savoir occidental et ensuite de produire un savoir arabe adapté
aux spécificités de la réalité arabe. Cependant, ce projet scientifique fondé sur
l’impératif et l’urgence de l’enracinement, est resté une simple incantation,
dans la mesure où il n’ a jamais donné lieu à ce véritable projet scientifique.
L’identification de ces logiques n’épuise pas toutefois la problématique
des SIC dans le monde arabe. Notre réflexion ne porte pas, en effet, de façon
prioritaire sur les conditions institutionnelles de la recherche arabe. Elle se
préoccupe plutôt de la problématique épistémologique qui veut saisir les
évolutions majeures de la pratique des SIC dans le monde arabe. On peut
cependant, pour alimenter le débat sur l’aspect institutionnel de cette pro-
blématique, évoquer d’autres questions qui constituent autant d’enjeux réels
caractéristiques de la situation des SIC dans le monde arabe.
Une analyse des conditions institutionnelles de la recherche est inté-
ressante pour monter, par exemple, la représentation des médias et de la
communication chez les décideurs. Dans ce sens, la question des politiques
de recherche en communicatrion des institutions universitaires, ses objectifs,
ses moyens et sa gestion est un élément important qui permet de compren-
dre les conditions de travail de chercheurs et le poids des contraintes liées au
contexte politique.
La gestion des carrières des chercheurs des SIC est aussi un autre aspect
important à saisir et qui pourrait enrichir, à notre avis, la réflexion sur la stagna-
tion de la recherche scientifique. De même, une analyse des incidences des
stratégies de recrutement des enseignants chercheurs sur la pratique des SIC,
à un moment où l’on remarque l’intégration au sein des départements spécia-
lisés de journalisme et de communication d’enseignants chercheurs n’appar-
tenant pas aux SIC, est importante dans la mesure où elle nous renseigne sur
la représentation de la discipline chez les chercheurs des SIC eux-mêmes.

2. La construction des SIC comme discipline


L’analyse de l’état actuel de la recherche en SIC dans le monde arabe a

20 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

montré les logiques qui empêchent leur émergence comme discipline. Les
démarches réflexives qui soumettent les modèles et les concepts théoriques
à l’examen critique nous semble un des enjeux majeurs, constamment esqui-
vés par les chercheurs arabes qui ont substitué la revendication « identitaire »
à l’examen épistémologique des modèles et des concepts : « Nous voulons
dépasser, écrit Mohammed Hemdane, les modèles théoriques préétablis et
enrichir notre discipline par les résultats de recherches qui sont conformes à nos
réalités, à nos besoins et à nos aspirations » . Cette « nouvelle école de recherche
spécifique en sciences de l’information et de la communication » que réclame
Mohammed Hamdane, est pourtant prisonnière de la promesse d’un dépas-
sement qui ne s’est jamais réalisé et qui devrait être fondé d’abord sur la
reconnaissance individuelle et collective de la nécessité des démarches
réflexives. L’empirisme identitaire explique la dispersion et l’éparpillement des
chercheurs arabes : « Les centres d’intérêt des chercheurs tunisien, arabes et afri-
cains en Sciences de l’information et de la communication sont divergeants et
disparates : recherches théoriques et appliquées, méthodologies basées sur les
documents ou sur le travail sociologique de terrain, analyse des médias écrits
ou audiovisuels. Aucune vision stratégique et aucune priorité ne se dégagent à
travers ces recherches. On ne peut pas parler d’une école de recherche spécifique
dans notre champs d’investigation scientifique…»(13)
Sur quelles bases faut-il donc engager le travail individuel et collectif de
construction de la discipline des SIC dans le monde arabe. Nous nous appuie-
rons, pour esquisser les réponses à cette question, sur l’exemple français. Outre
la proximité culturelle et scientifique du cas français pour les chercheurs tuni-
siens et maghrébins, l’exemple des SIC en France montre de façon très instruc-
tive les modalités individuelles et collectives, scientifiques et institutionnelles
de la construction, du fonctionnement et de la légitimation des SIC comme
discipline.
Cette démarche comparatiste nous parait essentielle. Non seulement,
elle peut nous aider à repérer les outils d’un diagnostic plus poussé de la
situation des SIC dans le monde arabe, mais elle est inhérente aussi aux pro-
cessus mêmes des emprunts théoriques et méthodologiques qu’effectuent
en permanence les chercheurs tunisiens, maghrébins et arabes sans qu’ils
soient souvent conscients et informés des conditions de production, de cri-
tiques et de dépassement des savoirs théoriques et méthodologiques qu’ils
exploitent.
Le cas des SIC en France est d’autant plus intéressant qu’il nous permet
de comprendre comment une discipline acquiert progressivement sa légiti-

Sadok Hammami 21
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

mité. Celle-ci est fondée d’abord sur les apports de la discipline à la compré-
hension théorique des phénomènes qu’elle étudie. Les SIC réclament en effet
le droit d’étudier les phénomènes de l’information et de la communication
de façon spécifique des autres sciences sociales et humaines. Dans ce sens,
la question de l’apport des SIC, en tant que discipline jeune, dont la création
institutionnelle remonte à trente ans, a été une préoccupation essentielle et
récurrente des chercheurs.
Les réponses à la question des apports des SIC sont différentes selon
les sensibilités théoriques des chercheurs, les projets intellectuels et la vision
qu’ils ont de la communication, en tant que question de société. Il y a cepen-
dant un accord entre les chercheurs non seulement sur la spécificité des SIC
mais aussi sur leurs apports à la compréhension de phénomènes d’informa-
tion et de communication.
Pour Dominique Wolton, cet apport se situe d’abord au niveau d’une
compréhension complexe de la communication qui distingue « l’idéal huma-
niste et démocratique et les intérêts du marché,…les techniques et la politi-
que »(14). Les SIC renouvellent l’approche de l’information et de la communica-
tion, en instituant théoriquement la distinction entre les deux phénomènes :
« La dissociation a toujours existé mais pendant des siècles la rareté de l’informa-
tion et la difficulté de sa transmission, autant que l’échelle relativement limitée
des échanges entre les hommes et les sociétés, étaient telles que l’on croyait de
bonne foi que l’information créait la communication». Cette nouvelle compré-
hension de l’information et de la communication repose aussi sur une autre
distinction entre transmission et communication. En effet, si la transmission
est technique, la communication est culturelle « l’essentiel n’est pas la transmis-
sion, mais la communication, c’est-à-dire le partage d’un minimum de valeurs
pour accepter de débattre et de partager ce qui est reçu ». Les SIC ne pensent pas
uniquement la communication en termes techniques mais elles permettent
aussi de saisir les enjeux culturels des échanges et de la mondialisation et de
relever l’importance des « identités culturelles et collectives ».
Les SIC ont ceci de particulier qu’elles questionnent la communication
d’un point de vue technique et culturel. Elles permettent de penser les sup-
ports et le sens, les pratiques et les enjeux théoriques, les contenus, les usages
et les réceptions, les collectifs et les médiations. Enfin, les SIC favorisent les
réflexions critiques sur la communication : « plus les discours publics et politi-
ques parlent de « la révolution de la communication », plus il faut introduire la
distance critique apportée par la connaissance, l’école et l’université. Distance

22 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

indispensable pour résister à la tyrannie de marchés et des techniques ».


Bernard Miège considère de son coté que « les acquis des SIC sont appré-
ciables et… mesurables »(15). Sur le plan de leur fonctionnement interne, une
double prise en compte de la nécessité des réflexions théoriques et des
approches de terrain constitue la principale caractéristique des SIC : « les SIC,
à la différence d’autres sciences humaines et sociales, obligent ses membres à se
placer régulièrement en situation de relier connaissances fondamentales/con-
naissances immédiates, acquis théoriques/savoir-faire professionnel, longue
durée/conjoncture, élaboration conceptuelle/travail de terrain ». La spécificité
des SIC serait ainsi l’application de « méthodologies inter-sciences » à des pro-
blématiques transversales de la communication.
Jacques Perrilault montre par ailleurs l’apport des SIC pour la réflexion
sur des problématiques « pratiques » telle que celle de la définition des
normes et standards pour les réseaux numériques. « Chercheurs, industriels
et décideurs sont obligés de concevoir et de tester sous pression un ensemble
complexe de notions et de médiations, sans temps pour la réflexion théoriques,
ni enrichissement par les usages et l’opinion. L’ensemble des savoirs et de prati-
ques scientifiques et techniques désigné par le terme générique de « sciences de
l’information et de la communication », apporte au traitement de cette situation
inconfortable une aide conséquente... Elle permettent d’explorer et de traiter ce
chantier de normalisation, depuis des considérations sur les techniques logicielles
jusqu’à l’espace public »(16). Les apports des SIC sont selon Jacques Perrilault le
résultat d’une pratique collective de la discipline « si, dans cette communauté
scientifique (les SIC) chacune des personnes concernées ne détient pas l’ensem-
ble des connaissances requises, un langage et des repères communs y facilitent
néanmoins la collaboration ».
La construction scientifique et institutionnelle des SIC en tant que dis-
cipline est donc un travail collectif : « au cours des vingt-cinq ans de formation
des SIC, la recherche de cohésion l’a emporté sur les divergences et les oppositions
(bien réelles, tant que la plan des théories, que du point de vue politico-syndical
ou en matière de stratégies universitaires) ».(17)

Modèles et concepts : critique et dépassement


Cependant, les apports des SIC sont indissociables des débats et con-
frontations entre chercheurs sur les modalités mêmes de production des
connaissances : « L’expérience prouve, selon Dominique Wolton, qu’il n’y a pas
de progrès de la connaissance sans l’existence d’une communauté scientifique.

Sadok Hammami 23
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

Certes le travail de création intellectuelle –surtout en sciences sociales – reste le


plus souvent solitaire, mais la réception, la discussion, l’accueil, la circulation des
idées dépendent de l’existence d’une communauté… »(18).
La question des modèles théoriques constitue dans ce sens un enjeu
majeur des débats collectifs qui ont marqué l’histoire des SIC en France. On
peut décrire l’évolution de la recherche à travers la succession, la critique, la
confrontation, le dépassement et la recherche de nouveaux modèles théo-
riques. L’importance des modèles théoriques vient, selon Alex Mucchielli,
de leur capacité à donner aux chercheurs des grilles de lecture et de com-
préhension des phénomènes. La diversité des modèles est ainsi considérée
comme l’expression naturelle des positions des chercheurs et de leur centre
d’intérêt. Dans tous les cas, le chercheur ne peut aborder la communication
sans modèle théorique. En ce sens, le chercheur «ne devrait donc pas parler
de « communication » sans faire la référence à la théorie dans laquelle il se situe.
Dans le langage des spécialistes, le terme de communication devrait toujours être
suivi d’un référencement théorique… s’il ne le fait pas, il oblige son lecteur spé-
cialiste, à essayer de reconstituer son référentiel conceptuel et théorique. Lorsque
cela est possible, c’est alors un moindre mal. Mais il se peut que ses référents soient
difficiles à établir lorsqu’il glisse d’un concept à un autre. Alors, on peut lui repro-
cher de ne pas être honnête intellectuellement et d’user de ces glissements pour
jeter de la poudre aux yeux »(19).
Les chercheurs des SIC ont ainsi utilisé puis soumis à la critique épis-
témologique le modèle de Shannon considéré comme modèle fondateur
de ce qu’appelle Bernard Miège « la pensée communicationnelle »(20). Ils ont
ainsi relevé le caractère techniciste de ce modèle puis l’ont stigmatisé, mal-
gré sa réussite, comme responsable de la « stagnation de la recherche en
Communication »(21), selon l’expression de Yves Winkin.
Le dépassement du modèle de Shannon, la critique du modèle de
Lasswell, l’émergence du modèle orchestral de l’école de Palo Alto et les nou-
velles approches théoriques qui ont réhabilité le monde du récepteur et les
usages sociaux attestent de l’importance des débats et des confrontations sur
le choix des modèles théoriques pour la progression de la discipline.
Le travail de dépassement est donc inhérent à l’exercice même de la
science. Les SIC n’échappent pas à ce principe qui caractérise l’histoire des
sciences en général. Mais plutôt que d’instituer les conditions du « dépasse-
ment », comme pratique épistémologique réflexive et critique, qui aurait pu
fonctionner comme moteur pour les SIC dans le monde arabe, les chercheurs

24 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

arabes ont figé la pratique des SIC depuis leurs émergence dans le dilemme
identitaire (le savoir de l’autre /notre réalité spécifique). Car la revendication du
dépassement sur une base identitaire est non seulement inhérente à l’émer-
gence des SIC dans le monde arabe, mais elle est aussi récurrente dans leur
courte histoire : « Allons-nous continuer, s’interrogeait déjà en 1980, Youssef
Ben Romdhane, à importer les concepts et les notions scientifiques et méthodo-
logiques et à les utiliser de façon mécanique(22), tout en réclamant des recher-
ches enracinées dans le « contexte historique et culturel arabe qui ne refuse pas
l’ouverture sur les autres. Car n’oublions pas que le créateur des moyens et des
techniques de communication est aussi auteur du concept »

La diversité de postures
L’histoire des SIC montre aussi l’importance de la reconnaissance des
postures propres à chaque chercheur pour la production des savoirs. La com-
munauté n’est pas synonymique d’absence de courants, de choix théoriques
ou de positionnements épistémologiques propres à chaque chercheur.
Sortir de la situation d’éclatement qui caractérise la pratique des SIC
dans le monde arabe et abandonner cette posture minimaliste, majoritaire
chez les chercheurs, ne signifie pas uniquement reconnaître l’importance de
modèles théoriques et la nécessité de les soumettre à l’examen critique, en
dehors du positionnement identitaire, mais c’est aussi admettre l’idée que
chaque chercheur observe et analyse la communication à partir d’une pos-
ture qui lui est propre et qui doit faire l’objet d’une attitude réflexive.
Plusieurs chercheurs défendent une posture critique qui veut démys-
tifier le discours sur la communication à partir d’une d’analyse historique,
afin de résister à l’instrumentalisation de la communication. La critique de la
communication signifie critique de l’idéologie de la communication. La légiti-
mité des SIC dépend, selon le courant critique, de la capacité des chercheurs à
produire un savoir qui rompt avec l’idéologie du marché, des organisations et
des entreprises. Cette prise de distance doit prendre la forme d’un travail épis-
témologique et historique qui reconstitue la filiation historique et culturelle
de la communication.
Les approches théoriques sensibles aux questions du sujet et à la com-
munication comme vécu constituent une orientation majeure dans les SIC.
En effet, l’émergence du paradigme compréhensif a rendu possible la redé-
couverte des contextes de la communication. Celle-ci n’est plus analysée sous
une forme quantitative et statistique mais plutôt à partir des vécus, des con-

Sadok Hammami 25
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

textes sociaux, en privilégiant la compréhension à l’explication.


D’autres chercheurs considèrent que l’interdisciplinarité n’est pas simple-
ment un choix méthodologique. Elle est au fondement même de l’épistémolo-
gie des SIC, en tant qu’interdiscipline. L’approche communicationnelle propose,
selon Daniel Bougnoux, un projet intellectuel qui « met en communication les
savoirs ». La pensée de la communication est philosophique. Elle réfléchit sur les
questions de la culture, du sens, de la raison, de la connaissance et de la culture :
«à sa manière, dit Daniel Bougnoux, la communication prolonge la philosophie
en relançant les grandes questions traditionnelles sur la vérité, le réel, le lien social,
l’imaginaire, la possibilité de l’enseignement , de la justice, du consensus, du beau,
etc..., avec des concepts renouvelés(retrempés notamment dans la sémiologie et
la pragmatique). Avec moins d’idéalisme que l’approche philosophique, les SIC
examinent les conditions pratiques (l’outillage médiatique, institutionnel et symbo-
lique) qui sont les nôtres. Elles favorisent donc le retour du sujet, ou plutôt de tous les
sujets, objets et outils compris»(23).
Considérant qu’elles étudient « le tissu des rapports entres êtres, signes et
choses qui constituent l’univers humain», Pierre Lévy propose une définition
audacieuse des SIC : «Il se pourrait bien, comme dans l’antiquité et au Moyen-Âge
qu’une part importante de la réflexion philosophique s’accomplisse aujourd’hui
dans les « sciences de la communication » et non pas uniquement dans la discipline
universitaire qui porte le nom de philosophie »(24).
L’obsession du travail empirique et la renonciation au travail de théorisa-
tion a empêché la majorité des chercheurs arabes d’admettre que pour obser-
ver, analyser et comprendre la communication, le chercheur doit reconnaître
ses choix, ses prises de positions, ses parti pris et sa sensibilité, voire même la
vision qu’il se donne de la communication comme « question de société »(25).

L’identité des SIC


L’émergence des SIC comme discipline est indissociable aussi des débats
sur l’identité même de la discipline C’est là une des vocations essentielles d’une
communauté scientifique. Ce débat essentiel révèle ainsi les positionnements
théoriques et épistémologiques et les visions, que chacun des chercheurs, se
fait des SIC elles-mêmes en tant que discipline. Le débat entre chercheurs fran-
çais autour de la place que doit occuper la médiologie au sein des SIC est un
exemple révélateur.
Bernard Miège considère que la médiologie, est une « théorie globale ».

26 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

Partant d’une vision interdisciplinarite des SIC, Bernard Miège critique la médio-
logie et invite les chercheurs à ne pas suivre la médiologie dans la mesure où
sa « conception des phénomènes de communication est simplificatrice et même
unilatérale… », ce qui constitue «du point de vue de la pensée communication-
nelle…un retour en arrière »(26).
Alex Mucchielli aborde autrement le problème des rapports entre SIC
et médiologie et insiste sur l’utilité de la médiologie en tant que théorie. En
effet, la médiologie permet la réalisation de nouvelles recherches grâce aux
nouvelles hypothèses qu’elle propose aux chercheurs. La médiologie constitue
donc «un ensemble paradigmatique cohérent. Elle propose une grille de lecture
des phénomènes communicationnels et sociétaux, fondée sur le primat accordé
aux supports matériels »(27). Selon Alex Mucchielli La réponse à la question du
lien entre médiologie et SIC n’est pas épistémologique, c’est-à-dire fondée sur
une définition de l’objet des SIC : « Une discipline scientifique ne peut malheureu-
sement pas se définir avec des critères « scientifiques »… Les chercheurs en SIC se
trouvent donc, d’abord, dans la nécessité de définir, par consensus, social interne, les
systèmes paradigmatiques qui serviront de référents reconnus dans l’exportation et
l’évaluation des recherches faites en SIC ».
Les débats sur les objets, les méthodes, les frontières et les voisinages des
SIC (avec les autres disciplines) constituent de la sorte une des modalités les
plus importantes de la construction de la discipline. Une des manifestations les
plus significatives de la déstructuration du champ des SIC dans le monde arabe
est, sans doute, l’absence de ce type de débat que s’interdisent les chercheurs
arabes obnubilés par le travail de terrain solitaire. Pourtant c’est bien cette
réflexion essentielle sur les fondements mêmes de la discipline qu’ils pratiquent
qui pourraient sauver les chercheurs arabes du « suivisme » tant dénoncé.

Les bilans : tentatives pour trouver une « unité » aux SIC


Les bilans des recherches sont une des modalités la plus récurrentes de
la construction collective de la discipline. Ils favorisent en effet les réflexions
communes sur l’histoire de la discipline et son identité, les modes de son institu-
tionnalisation, ses courants et ses paradigmes théoriques dominants, ses métho-
dologies et ses objets de recherche. Réalisés par les chercheurs eux-mêmes,
ces bilans sont commandés par les pouvoirs publics ou produits dans un cadre
institutionnel. Ils peuvent être aussi le choix éditorial de revues spécialisées, limi-
tés à un cadre national (la France), ou élargis à des contextes culturels plus vaste
(francophonie, Europe).

Sadok Hammami 27
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

Les bilans théoriques


La revue belge « Recherches en communication » (28) a consacré un
numéro important à la production d’un bilan critique de 50 ans d’études fran-
cophones en communication. Présenté sous forme de synthèse historique
de la pensée francophone de la communication, ce bilan cherche à retracer
l’évolution de la pensée théorique de la communication et ses paradigmes
dominants.
Les années 50 sont ainsi marquées par la prédominance des recherches
sur les médias de masse ou les « mass media » et les analyses de contenu. Le
schéma de Lasswell, plutôt « classificateur » qu’heuristique »(29), n’ayant pas la
force d’un modèle théorique et dépourvu d’hypothèses théoriques, a dominé
les premières recherches américaines.
Le dépassement de ces modèles favorisera une vision plus complexe
de la communication et une problématique des médias recentrée autour
des concepts d’appropriation, relativisant la théorie des effets. En Europe,
les premières recherches se sont intéressées plutôt à la culture de masse.
L’évolution des recherches en communication connaîtra ensuite une diversi-
fication, la recherche de la scientificité et la rupture avec ce qu’appelle Jules
Gritti « l’empirisme énumératif »(30). Après une période où ont dominé les para-
digmes sémiologiques, une « révolution en profondeur » affectera les recher-
ches sur la communication, aboutissant, selon Jean Lohisse, à des ruptures
favorisant les questions du vécu (contextes, usages et situations de commu-
nication). Les chercheurs seront de plus en plus soucieux des questions
théoriques et de la conceptualisation. Le modèle compréhensif poussera les
chercheurs à abandonner les études sur les contenus et les messages pour se
tourner vers l’étude des contextes où sont créées les significations.

Les bilans institutionnels


Les chercheurs français en SIC se sont organisés dans le cadre d’une
association : « La Société Française des Sciences de l’Information et de la
Communication » (SFSIC) qui constitue un espace collectif d’échanges, de
débats mais aussi un acteur de la dynamique de structuration institutionnelle
de la discipline au niveau national et international.
En 1997, la SFSIC mettait en place un groupe de travail baptisé « Théories
et pratiques scientifiques » chargé d’engager le débat sur l’histoire et l’évolu-
tion des savoirs et des pratiques scientifiques au sein des SIC. En 2002, parait

28 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

un ouvrage collectif : « Les origines des sciences de l’information et de la commu-


nication. Regards croisés »(31) où sont regroupées des réflexions sur l’histoire
institutionnelle et scientifique des SIC. « Les origines des SIC » sont donc analy-
sées à partir des évolutions des positionnements théoriques (théories domi-
nantes), de la délimitation du territoire scientifique des SIC, des pratiques liées
à la formation, et à l’enseignement des SIC et des questions en rapport avec la
carrière des enseignants et des chercheurs.
Pour les auteurs de cet ouvrage, les réflexions collectives ont pour objec-
tif de susciter les interrogations, les débats et les échanges sur le « passé de la
discipline ». Les SIC, écrit Robert Boure, « ne doivent pas avoir honte de leurs ori-
gines sans doute moins nobles (quoique...), plus hétérogènes, voire hétéronomes,
que celles d’autres disciplines académiques. Le coup de force pratique et symboli-
que opéré dans les années 1970 par leurs « inventeurs » à partir de positions et de
ressources diverses, dans un contexte favorable dû à l’absence sur le marché des
innovations de disciplines prêtes à assumer la montée en puissance de l’informa-
tion et de la communication, a ouvert la voie non seulement à la codification et
au contrôle par des « nouvelles autorités légitimes », mais surtout à l’autonomisa-
tion institutionnelle et symbolique d’un champ »(32).

3. Re-penser la communication dans la cul-


ture arabe
Rappelons l’hypothèse de départ de ce texte : La représentation domi-
nante instrumentale et techniciste de la communication a libéré la majorité
des chercheurs de toute obligation de questionnement des concepts et des
modèles théoriques qu’ils utilisent de façon spontanée ou inconsciente et
routinière. La majorité des chercheurs arabes en SIC manquent d’attitudes
réflexives et analysent très peu leurs pratiques de recherche. Cette crise de
la réflexion sur les médias et la communication est le résultat d’une pos-
ture épistémologique qui a constamment coupé la communication de ses
contextes historiques d’émergence et d’évolution et isolé de l’autre coté la
compréhension de la communication des sciences humaines et sociales.
Les recherches arabes ont surtout esquivé la problématique philosophique,
anthropologique et historique des médias et de la communication. La néga-
tion de l’historicité de la communication et des modèles culturels qui l’organi-
sent s’est exprimée ainsi dans la préférence donnée à des modèles théoriques
privilégiant les logiques de l’émetteur et celles du contenu.
Les chercheurs arabes évoluent dans un champ « éclaté », à la fois sur

Sadok Hammami 29
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

le plan scientifique et communautaire.Ce champ est en effet marqué par la


prédominance de démarches partielles et réductrices, et l’usage inconscient
et implicite de modèles théoriques qui ont appauvri la compréhension de la
communication, réduite à un processus technique de transmission de mes-
sages. Les recherches arabes sur la communication sont ainsi des enquêtes
isolées sur les aspects institutionnels, les contenus véhiculés et les effets des
médias sur les publics. Cette situation d’éclatement a toujours généré des
confusions permanentes entre discours scientifique, idéologique, politique et
d’expertise (conséquence, entre autres, de la mobilité des acteurs d’un champ
à l’autre et de frontières trop poreuses), affaiblissant de la sorte toute possibi-
lité de construction d’une démarche scientifique pour l’étude des phénomè-
nes de communication.
Un examen critique de la pratique des SIC dans le monde arabe est aussi
un questionnement de la place que devrait occuper l’analyse de la commu-
nication dans la réflexion sur la société et la culture arabes. La marginalité de
la pensée scientifique, innovante, proposant de nouvelles problématiques et
des analyses originales a confiné la réflexion sur la communication dans les
espaces du débat idéologique (médias…), et a avantagé les études d’expertise
et la recherche de type administratif. La communication représente une entrée
ignorée pour comprendre les évolutions actuelles de la société et de la culture
arabes.
Des clarifications sont donc nécessaires à faire. Elles lèveront définitive-
ment les confusions entre discours des chercheurs, des experts ou des politi-
ques et des intellectuels. Chaque discours a en effet ses spécificités, contraintes
et publics.
Deux questions nous semblent urgentes
D’abord redécouvrir l’historicité de la communication.
Contrairement à une idée partagée, la crise de la réflexion sur la commu-
nication dans le monde arabe n’est pas le résultat d’emprunts mécaniques et
linéaires puisés dans les savoirs théoriques occidentaux. Nous sommes en réa-
lité face à un paradoxe. C’est en fait, la tentation de rupture qui est responsable
de la faiblesse des productions scientifiques arabes. La désoccidentalisation
de la réflexion sur la communication ne veut pas dire refus des modèles théo-
riques occidentaux mais un double mouvement qui fonde la réflexion sur la
communication, à partir de la société et de la culture, et une attitude réflexive
rendant possible le questionnement permanent des méthodes et des modèles
théoriques utilisés.

30 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

Cet exercice de réinterprétation de la communication est au cœur du


projet que nous défendons. Il permet de comprendre l’histoire culturelle et
non technique de la communication. Comprendre la Communication, c’est
expliquer les évolutions historiques qui ont donné naissance à cet ensem-
ble de pratiques sociales, culturelles et politiques, de techniques, d’idéo-
logie, de mythes et d’utopies qui constituent ce qu’on appelle aujourd’hui
la Communication. Toute réflexion arabe doit nécessairement retrouver ce
lien perdu entre communication, histoire et société, c’est-à-dire ce que nous
appelons l’historicité de la communication.
C’est ce lien entre communication et culture qui doit être enfin révélé. Il
permet de comprendre la communication dans son rapport à la modernité et
à ses évolutions historiques, ce qui implique l’étude des formes d’appropria-
tion de la communication dans le monde arabe, comme aspect des tensions
liées à la modernisation. Cette redécouverte de la communication comme
phénomène historique peut ainsi rendre possible la prise en compte de pro-
blématiques telle que celle de l’espace public, sa genèse, ses formes et ses
évolutions dans les sociétés arabes.
Dans ce sens, un courant théorique important des SIC réclame l’étude
de la communication à partir de ses relations historiques et philosophi-
ques à la modernité. A une approche techniciste soucieuse de comprendre
la relation étroite des publics aux médias, l’approche anthropologique et
philosophique, fondée sur un questionnement des modèles culturels de la
communication, analyse la communication à partir de l’univers culturel dans
lequel elle s’organise. L’analyse de la communication est donc une analyse de
la culture et de la société. Elle est ensuite interrogation sur le statut du sens
et du lien social dans une société. Comprendre la communication, c’est aussi
la relier au modèle culturel qui l’a enfantée et rendue possible : la modernité
occidentale(33).
La redécouverte des origines culturelles de la communication est aussi
analyse du triomphe de la communication dans les sociétés occidentales. En
effet, la communication est une « notion moderne et tardive »(34) qui permet de
comprendre les évolutions récentes de la modernité occidentale et une uto-
pie dont la montée est indissociable de l’éclatement de ses grands principes
et récits. Le triomphe social, idéologique et politique de la communication est
en quelque sorte une réponse à la crise des sociétés occidentales. La commu-
nication est « un grand récit de substitution en une période où la fin des idéolo-
gies donne lieu à d’incessants faire-part »(35).

Sadok Hammami 31
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

La redécouverte de l’historicité de la communication rend ainsi problé-


matique toute utilisation paisible (et techniciste) du concept. La commu-
nication n’est plus réductible à ses techniques. Considérée comme produit
d’un processus historique et d’une culture, on peut l’interroger à partir des
tensions que son irruption provoque dans les sociétés arabes.
Repenser la communication, c’est ensuite affronter les attitudes idéolo-
giques qui ont marqué la pratique des SIC dans le monde arabe telle que la
revendication d’une démarche scientifique « authentique » coupant avec les
théories occidentales, censées asservir le chercheur et altérer l’authenticité du
regard qu’il porte sur sa culture. Car, malgré les proclamations, ces chercheurs
continuent d’utiliser des méthodes développées par les sciences humaines
et sociales occidentales et surtout de penser la communication à partir d’un
modèle théorique, celui de la communication télégraphique, tout en refu-
sant aux autres chercheurs l’utilisation d’autres modèles. Etudier la commu-
nication à partir d’un modèle implicite, dénoncer l’usage d’autres modèles
occidentaux (et donc inadaptés), et s’interdire tout travail d’élaboration de
nouveaux modèles théoriques : telle est la situation dominante dans laquelle
évolue la majorité des chercheurs arabes. Celle-ci a eu pour conséquence
majeure de rendre la majorité d’eux insensibles à l’enjeu du positionnement
théorique. Pourtant « Tout chercheur a des présupposés épistémologiques sur
les phénomènes qu’il étudie, c’est-à-dire qu’il a des croyances sur la nature de ces
phénomènes, sur ses possibilités de les comprendre et sur la manière dont il doit
y arriver pour que cela soit « scientifique ». Celui qui pense ne pas avoir de tels
présupposés va mettre en œuvre les schémas mentaux qu’il ne peut pas ne pas
avoir…. On rencontre cependant encore des chercheurs qui croient encore à la
« réalité » des phénomènes bruts qu’ils étudient. Il est vrai qu’ils se situent tous,
implicitement dans le modèle émetteur récepteur de la communication, lequel
a pour référent une théorie positiviste de la communication (la communica-
tion transmission, qui a même une « mesure mathématique » avec la fameuse
formule logarithmique de la quantité d’information). Dans ce cas, les résultats
du chercheur seront entièrement pollués par sa « matrice mentale cachée non
dite ». De ce fait, les apports de ce chercheur ne pourront pas être analysés en eux-
mêmes, ils ne pourront l’être que pour les conceptions mentales implicites dont ils
sont porteurs »(36).
Le modèle de la communication télégraphique dont le caractère univer-
sel est aujourd’hui contesté par les chercheurs occidentaux eux-mêmes, per-
met aussi au chercheur arabe de proposer une vision de la communication
intelligible pour les milieux politico-administratifs pour lesquels il destine sou-

32 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

vent ses productions. Le modèle de la communication linéaire conforte ainsi


une représentation de la communication de type autoritaire, caractérisée par
un aspect unilatéral. Représentation qui correspond à une vision politique de
la société et du processus du changement social. L’Etat post-colonial, dans
toutes ses expressions idéologiques, nationalistes ou libérales, s’est caractéri-
sée en effet sur une gestion autoritaire de l’espace politique et médiatique, du
changement social et de la modernisation. Les médias (y compris l’Internet
malgré le caractère décentralisé du réseau) sont encore considérés comme
vecteurs de cette transformation de la société par le haut. L’Etat post-colonial
arabe, éducateur, a besoin de ce modèle qui formalise l’unilatéralité et l’iné-
galité de la communication, considérée comme mécanisme essentiel à un
processus d’éducation des masses analphabètes et de contrôle des désordres
crées par les changements, économiques, sociaux et culturels. Le contrôle des
médias permet de maîtriser, non seulement les significations des messages
politiques et idéologiques, mais l’ensemble du processus de leur médiation.
La communication repose alors sur trois instances, qu’on retrouve dans
la compréhension dominante de la communication chez les chercheurs
arabes : Un émetteur qu’est l’Etat et ses différentes institutions, y compris, les
médias ; porteur d’un message global pour la société, un message que les
chercheurs se proposent d’en déceler les mécanismes de construction et
enfin un récepteur : le peuple à éduquer. Emetteur, message, récepteur : voilà
les trois « objets » du « prêt-à-penser » du chercheur arabe en SIC.
On peut aussi aller plus loin dans l’analyse du « succès » du modèle
linéaire de la communication. Ce modèle a en effet permis de maintenir un
modèle traditionnel de communication structurant de la culture arabe. De ce
point de vue, le modèle de la communication linéaire, de par sa simplicité et
surtout grâce à son caractère techniciste, s’accorde idéalement à ce que nous
appelons le modèle de la communication traditionnelle dans la culture arabe,
qui a garanti l’instrumentalisation des techniques de la communication et a
aidé à l’interprétation de la communication comme technique, séparée de
son modèle culturel.
Le modèle télégraphique qui fonde la représentation de la communica-
tion chez le chercheur arabe a transformé la communication en un impensé.
La communication est soumise au même schéma cognitif dominant du réel.
La communication est soit condamnée, comme agent puissant d’occidenta-
lisation, lieu de dégradation identitaire, de corruption morale, d’asservisse-
ment politique, de « pénétration » culturelle, soit idéalisée comme force de

Sadok Hammami 33
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

changement, puissance de modernisation, technique neutre ou neutralisée


au service d’une « information médiatique authentique ».
Ce qui fait défaut, c’est cette communication vécue, observée à partir
des médiations qui la composent et qui échappe à l’observation car elle fait
partie de ce vécu qu’on dénonce, rejette et abhorre, qui fuit, et qui demeure
inabordable aux tentatives de sa compréhension. En ce sens, les chercheurs
arabes ont activement participé à dissimuler cette communication vécue.

34 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


‫‪Études‬‬

‫‪Bibliographie sur l’Epistémologie‬‬


‫‪des Sciences de l’Information et de la‬‬
‫‪Communication‬‬
‫‪Références sur les SIC dans le monde arabe‬‬
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‫ﻭﺍﻟﺘﻠﻔﺰﻳﻮﻥ‪ .‬ﺻﻔﺤﺔ ‪ .153‬ﻣﺠﻠﺔ ﺑﺤﻮﺙ ﻋﺪﺩ ‪ 7‬ـ ﻋﺪﺩ ﺧﺎﺹ‪" ،‬ﻭﻗﺎﺋﻊ ﻧﺪﻭﺓ ﻭﻣﻨﺎﻫﺞ‬
‫ﺍﻟﺒﺤﺚ ﺍﻟﻌﻠﻤﻲ ﻓﻲ ﻣﺠﺎﻝ ﺍﻹﺫﺍﻋﺔ ﻭﺍﻟﺘﻠﻔﺰﻳﻮﻥ ﻓﻲ ﺍﻟﻮﻃﻦ ﺍﻟﻌﺮﺑﻲ" ﺩﻳﺴﻤﺒﺮ ‪ 1982‬ـ‬
‫ﺑﻐﺪﺍﺩ‪.‬‬
‫‪ -‬ﻋﺒﺪ ﺍﻟﻘﺎﺩﺭ ﺑﻦ ﺍﻟﺸﻴﺦ‪ ،‬ﻳﻮﺳﻒ ﺑﻦ ﺭﻣﻀﺎﻥ ‪ ،‬ﻓﺘﺤﻲ ﺍﻟﻬﻮﻳﺪﻱ ‪" :‬ﺍﻟﺒﺤﺚ ﻓﻲ ﻣﺠﺎﻝ‬
‫ﺍﻹﺫﺍﻋﺔ ﻭﺍﻟﺘﻠﻔﺰﻳﻮﻥ ﻓﻲ ﺍﻟﻮﻃﻦ ﺍﻟﻌﺮﺑﻲ‪ ،‬ﻣﻌﻄﻴﺎﺕ ﻭﺗﺴﺎﺅﻻﺕ ﻣﻊ ﻋﺮﺽ ﺍﻟﺘﺠﺮﺑﺔ‬
‫ﺍﻟﺘﻮﻧﺴﻴﺔ"‪ ،‬ﻣﺠﻠﺔ ﺑﺤﻮﺙ ﻋﺪﺩ ﺧﺎﺹ ﻭﻗﺎﺋﻊ ﻧﺪﻭﺓ "ﻣﻨﺎﻫﺞ ﺍﻟﺒﺤﺚ ﺍﻟﻌﻠﻤﻲ ﻓﻲ ﻣﺠﺎﻝ‬
‫ﺍﻹﺫﺍﻋﺔ ﻭﺍﻟﺘﻠﻔﺰﻳﻮﻥ ﻓﻲ ﺍﻟﻮﻃﻦ ﺍﻟﻌﺮﺑﻲ"‪ .‬ﻋﺪﺩ ‪ 7‬ـ ﺩﻳﺴﻤﺒﺮ ‪1982.‬‬

‫‪Sadok Hammami‬‬ ‫‪35‬‬


R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

Articles
- Index de la Revue Tunisienne de Communication, du N°1 au N° 37/38 (1982-
2001), N° 39/40, janvier/décembre 2002, éd. Institut de Presse et des Sciences
de l’information.
- Christine Souriau : “Méthodes de recherche en histoire de l’information : le cas
de la presse écrite du Maghreb”, Revue Tunisienne de Communication,...
- Ridha Najar : “L’enseignement des Sciences de l’Information au Maghreb :
réalités et perspectives : l’expérience du centre africain de perfectionnement
des journalistes et communicateurs”, Revue Tunisienne de Communication,
n° 11, janvier/juin 1987.
- Abdelkader Ben Cheikh, Mustapha Hassen : “sciences de la communication,
sciences de l’écrit”, Revue Tunisienne de Communication, N°13, janvier-juin,
1988.
- Pierre Albert : “Les difficultés de la recherche en matière d’études de Presse au
Maghreb”, Revue Tunisienne de Communication, N° 14, décembre 1989.
- Mustapha Hassen : “L’état des recherches tunisiennes sur la presse (1881-
1986) : une approche globale”, Revue Tunisienne de Communication, N° 25,
janvier/juin 1994.
- Larbi Chouikha : “Ebauche d’une réflexion sur l’évolution des études et de la
recherche relatives à l’état de l’information au Maghreb”, Revue Tunisienne de
Communication, N°25, 1994.
- Mohammed Hamdane : « Pour une école de recherche spécifique en sciences de
l’information et de la communication », Revue Tunisienne de Communication,
éditorial, N° 42, juillet/décembre 2003

Référence sur les SIC en France


Ouvrages
- Alex Mucchielli, « La nouvelle communication », Armand Collin, Paris, 2000.
- Les Sciences de l’Information et de la Communication, éd. Hachette, Paris,
2001
- Armand et Michèle Mattelart : « Penser les médias », La découverte, coll.
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- Bernard Miège : « La pensée communicationnelle », PUG, Grenoble, 1995.
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36 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

INA, Paris, 2004.


- Daniel Bougnoux : « La Communication par la bande», La découverte,
Paris, 1991.
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Larousse, Paris, 1993.
- Denis Benoît (sous la direction) : « Introduction aux Sciences de
l’Information et de la Communication, » éd. L’organisation, Paris, 1995.
- Dominique Wolton, « Penser la communication », champ Flammarion,
Paris, 1997.
- Bernard Lamizet :”Les lieux de la communication”, éd. Mardaga, Lège, 1992.
- André Akoun : “La communication démocratique et son destin”, éd. PUF,
Paris, 1994.
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terrain”, DeBoek université, Paris- Bruxelles, 1996.
- Robert Boure (sous la direction), « Les origines des sciences de l’information
et de la communication. Regard croisés ». Ed. Septentrion, -Villeneuve
d’Asq, 2002.

Articles
- Luiz C. Martino « Épistémologie de la communication :scepticisme et intel-
ligibilité du savoir Communicationnel », Les Enjeux de l’information et de la
communication, www.u-grenoble3.fr/lesenjeux/, Article mis en ligne le 29
septembre 2003.

Revues scientifiques
- Recherche et communication, MEI « Médiation et Information », revue
internationale de communication. N° 19 (médiations et médiateurs)
- Revue Hermès : A la recherche du public, n°11-12, éditions du CNRS, paris,
1993.
- Revue Naqd : Médias, Communication et société, Alger, N°8/9.- P a t r i c e
Flichy et Louis Quéré : « Communiquer à l’ère des réseaux, Revue Réseaux,
N° 100, Volume 18, 2000.
- Yves Janneret et Bruno Ollivier : les « Sciences de l’information et de la com-
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Sadok Hammami 37
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

Webographie
Ressources en ligne sur les Sciences
de l’Information et de la Communication
- Institut de Presse et des Sciences de l’Information
Le site web de l’IPSI propose une sélection d’articles de la Revue Tunisienne
de Communication.
www.ipsi.rnu.tn
- Réseaux
Réseaux est une revue bimestrielle de sciences sociales, consacrée aux rap-
ports entre technique, communication et société. Le site propose l’index
complet de la revue du n°1 au n°86, ainsi que les textes intégraux des
numéros 49 à 91 (de 1991 à 1998).
www.enssib.fr/autres-sites/reseaux-cnet
- Quaderni
Crée en 1987, sous la direction de Lucien Sfez, la revue Quaderni publie
trois numéros par an. Les questions de la communication sont abordées
dans une «perspective résolument interdisciplinaire ».
http://quaderni.univ-paris1.fr/
- La société française des Sciences de l’information et de la communication
La Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication,
a été créée en 1974. La SFSIC est une société savante qui «rassemble qua-
tre cent cinquante chercheurs des universités et des grandes institutions
spécialisées telles que l’INA ou le CNRS. En tant que telle, elle constitue un
important foyer de réflexion et d’échanges sur les grandes questions rela-
tives à la place de l’information, de la communication et des technologies
numériques dans le monde d’aujourd’hui ».
www.sfsic.org
- Les enjeux de l’information et de la communication
Les Enjeux de l’information et de la communication est la revue publiée par
le Gresec, (Groupe de recherche sur les enjeux de la communication), labo-
ratoire de l’université Stendhal-Grenoble 3.
www.u-grenoble3.fr/lesenjeux/
- Les cahiers de médiologie
«Les cahiers de médiologie» est une publication régulière. Elle se définit
aussi comme un «livre». Le site de la revue propose, entre autres, les articles
des Cahiers de médiologie du n° 2 au n° 15.
www.mediologie.org

38 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

Notes
(1) La définition des SIC fait l’objet de débats constants entre chercheurs.
Le Conseil National des Universités en France (voir http://cnu71.online.
fr/12-compe.html) definie les SIC comme suit :
1. Les études sur les notions d’information et de communication, sur les
relations, sur la nature des phénomènes et des pratiques ainsi désignés, de
même que les différentes approches scientifiques.
2. L’étude dans les processus d’information et de communication, d’une
part des productions, et des usages, d’autre part de la réception, de
l’information et de la communication.
3. L’étude des acteurs individuels, collectifs et institutionnels, de l’information
et de la communication et des changements dont ils participent
4. L’étude de l’information, de ses contenus, de ses enjeux, de ses traitements
et de ses représentations.
5. L’étude des systèmes de production et d’accès à l’information,
documentaires ou non, informatisés ou non.
6. L’étude des médias de communication sous leurs divers aspects.
(2) Ce texte est aussi le fruit des débats, discussions et réflexions avec
les étudiants du cours « Epistémologie des Sciences de l’information et
de la communication » que nous assurons dans le cadre du mastère
« Sciences de l’information et de la communication » de l’IPSI.
(3) Bernard Lamizet : « Les lieux de la communication », éd. Mardaga, Liège,
1992, page 7.
(4) Bernard Miège, « L’information et la communication, objets de
connaissance », De Boeck, INA, Paris, 2004, page 226.
(5) Mohammed Talel : « La communication dans le monde arabe, questions
et approches » , Société Marocaine d’Impression et d’Edition, Rabat,
1993, page 13,voir la bibliographie en arabe.
(6) Youssef ben Romdhane « Lecture critique du concept de public dans les
recherches sur la radio et la télévision, voir bibliographie en arabe, page
163.
(7) Abdelkader Ben Cheikh, Youssef Ben Romdhane, Fethi Houidi, Ridha
Najar : « Les recherches scientifiques dans les domaines de la radio et de la
télévision dans le monde arabe », voir bibliographie en arabe.
(8) Larbi Chouikha : « Ebauche d’une réflexion sur l’évolution des études et
de la recherche relatives à l’état de l’information au Maghreb », Revue
Tunisienne de Communication, N°25, 1994,
(9) Nicole Khouri : « De la production des thèses sur le champ télévisuel en

Sadok Hammami 39
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

Egypte (1976-1993) », Revue Naqd, N°8/9, Alger,


(10) Mohammed Hamdane : « Pour une école de recherche spécifique en
sciences de l’information et de la communication », éditorial du numéro
42 de la Revue Tunisienne de Communication, Juillet/décembre 2003.
(11) Ce n’est qu’en 2003 que l’institut de Presse et des Sciences de
l’information s’est doté de structures de recherche. Deux unités
de recherches en communication publique et technologies de
l’information et de la communication ont été en effet créées.
(12) Les débats que connaissent de façon récurrente la presse arabe sur des
émissions telles que « Star Academy » ou sur le rôle des programmes
religieux animés par les nouveaux prédicateurs tel que Amrou Khaled
illustrent cette représentation ambivalente des effets des médias.
(13) Mohammed Hamdane : « Pour une école de recherche spécifique en
sciences de l’information et de la communication », op. Cit.
(14) Dominique Wolton : « Information et communication : les dix chantiers
scientifiques, culturels et politiques » Hermès n° 38 « Les sciences de l’in-
formation et de la communication. Savoirs et pouvoirs », p177
(15) Bernard Miège : « L’information et la communication. Objets de
connaissances », op. Cit. Page 230. Voir aussi l’article «Les apports à la
recherche des sciences de l’information et de la communication » publié
par la Revue Réseaux n° 1000 (voir bibliographie).
(16) Jacques Perrilault : « Le numérique, une question politique », « Les
sciences de l’information et de la communication. Savoirs et pouvoirs,
Hermès n° 38 page 183.
(17) Bernard Miège : «l’information et la communication, objet de
connaissance» op.cit. page 221
(18) Dominique Wolton : « Penser la communication », coll. Champs,
Flammarion, 1997, page 80.
(19) Alex Mucchielli : « La nouvelle communication », éd. Armand Collin,
Paris, 2000, page 33.
(20) Bernard Miège : « La pensée communicationnelle », PUG, Grenoble,
1995.
(21) Yves Winkin : « Une anthropologie de la communication : de la théorie au
terrain », DeBoek université, Paris- Bruxelles, 1996, page 85
(22) Youssef Ben Romdhane: « Lecture critique du concept de public dans les
recherches sur la radio et la télévision»,op.cit, page 164.

40 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe


Études

(23) Daniel Bougnoux, « Introduction au Sciences de la communication ».édt


la dicouverte, 2001, page 7.
(24) Pierre Lévy : « La place de la médiologie dans le trivium », in Les cahiers
de la médiologie, «pourquoi des médiologues» N° 6 page 50.
(25) Selon Dominique Wolton, « la communication est une question aussi
importante pour les équilibres sociaux, culturels, politiques et économiques
que la Santé, la défense, la recherche, l’éducation… le paradoxe est qu’en
dépit de cette omniprésence il n’ y a pas encore de prise de conscience de
l’importance cardinale des problèmes théoriques de la communication ».
Dominique Wolton, « Penser la communication » op. cit. page 39
(26) Bernard Miège : « l’information et la communication, objets de
connaissance », op. cit., page 217.
(27) A l e x M u cc h i e l l i : « Le s s c i e n ce s d e l ’i n fo r m at i o n e t d e l a
communication », éd. Hachette supérieur, 3ème édition, Paris, 2001,
page 145
(28) La revue belge « Recherches en communications » est publiée par le
département COMU à l’université Louvain La Neuve. Voir le numéro « Un
demi siecle d’études de la communication », N° 11, 199
(29) Jules CRITTI : « Les années 50 dans les recherches en communication »,
«recherches en communication » , N° 11 page 24.
(30) Ibid, p 40 .
(31) Robert Boure (sous la direction), « Les origines des sciences de l’information
et de la communication. Regard croisés ». Ed. Septentrion, -Villeneuve
d’Asq, 2002. Notons aussi pour illustrer par des exemples l’intérêt des
bilans institutionnels, le rapport élaboré par Yves Stourdzé et Armand
Mattelart « Technologie, culture et communication » et publié1982, Paris,
La Documentation française. Commandé par le ministre de la recherche
et de l’industrie, ce rapport a été réalisé dans le cadre d’une mission
interministérielle sur l’évolution de la recherche française dans les
domaines des sciences sociales relatives à la technologie, la culture et
la communication. Voir l’entretien avec Armand Mattelart par Thierry
Lancien et Marie Thonon in MEI «Recherche et Communication » N° 14,
L’harmattan, Paris, 2001, p. 11.
(32) Robert Boure, Ibid, page 14. Trois contributions nous semblent
intéresser la problématique que nous discutons ici :
− Robert Boure : « Quelle histoire pour les sciences de l’information et de la
communication ? ».

Sadok Hammami 41
R T C N° 45 - Janvier/Juin 2005

− Jean Myerat et Bernard Miège : « Le projet des Sic : de l’émergeant à


l’irréversible »
− Jean-François Tétu : « Les origines littéraires des sciences de l’information
et de la communication ».
(33) André AKOUN : « la communication démocratique et son destin»,
éd.PUF, Paris, 1994.
Dominique Wolton : « Penser la communication », op. Cit. Page
(34) Philippe Breton : « L’utopie de la communication »,Edition la découverte,
Paris, 1995.
(35) Erik Neveu : « une société de communication », éd. Montchretien, Paris,
1994, p 63
(36) Alex Mucchielli : « la nouvelle communication », op. Cit. Page 37.

42 Les sciences de l’information et de la communication dans la monde arabe

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