JEAN

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JEAN-JACQUES ROUSSEAU

(1712-1778)
Les œuvres principales de Rousseau se groupent naturellement en trois catégories, qui
correspondent à trois moments de sa pensée:

1. Œuvres de critique négative : Les Discours sur le rétablissement des sciences et des arts,
Le Discours sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes, La Lettre a
Dalembert sur les spectacles

2. Œuvres constructives : La Nouvelle Héloïse, Le Contrat social, L’Emile

3. Œuvres autobiographiques dont la publication est posthume : Les Confessions, les


Rêveries d’un Promeneur solitaire, œuvre inachevé

Rousseau connaît la gloire avec son premier ouvrage, Discours sur les sciences et les arts,
écrit en 1749 et couronné en 1750 par l’Académie de Dijon. Il s’y élève contre la civilisation
et devient le champion de la vie simple, de la pauvreté et de la vertu. Il se propose de reformer
sa vie, de gagner son existence en copiant de la musique.

Il expose plus clairement sa pensée dans le Discours sur l’inégalité parmi les hommes :
l’homme est bien par nature, mais il est corrompu par la société.

Rousseau se singularise dans l’histoire des lettres françaises par ce que l’exégèse a nommé le
destin de l’homme-œuvre, victime de sa propre biographie, qu’il essaie de plier aux exigences
de son idéologie. Le conflit de Rousseau avec la société le rendra un étranger et il se plaira à
se voir et à se présenter comme tel. Il le sera partout où son destin de « picaro » portera ses
pas. Il le sera encore par ses idées qui augmenteront la distance réelle ou imaginaire qui le
sépare tour à tour des gens de lettres et des philosophes de son temps, devenus, à ses yeux,
tous ses ennemis, ses persécuteurs. La rupture de Rousseau avec la société représente en
même temps la rupture du créateur avec la pensée des Lumières et l’ouverture vers le
Romantisme.

Julie ou La Nouvelle Héloïse, Lettres de deux amants habitants d’une petite ville au pied des
Alpes, recueillies et publiées par J.J. Rousseau, a source dans l’amour de l’auteur pour
madame d’Houdetot. L’illusion d’un dernier amour, la déception, l’aliénation, font partie des
éléments autobiographiques qu’il y mettra. La Nouvelle Héloïse est une œuvre complexe qui
apparaît comme une somme des idées, des sentiments et des rêves de Rousseau. Car
Rousseau, l’étranger se retire dans la fiction, en édifiant un monde à sa guise, qui le
recompose de l’amertume de la réalité, un univers qui lui offre une revanche sur la vie.

Ecrite sous forme de roman épistolaire, l’œuvre profitera des ressources du genre, permettant
à l’auteur de multiplier les voix et les points de vue sur les questions qu’il y débat. Tour à tour
le je sera assumé par Julie, Saint-Preux, Claire, M. Edouard, M. de Wolmar, le ton traversant
lui aussi un champ assez divers : confession, dissertation, réquisitoire.

Il y a dans La Nouvelle Héloïse deux parties distinctes : jusqu’au mariage de Julie c’est le
roman de la passion contrariée des amants, après le mariage c’est le roman de la vertu
conjugale. Au point de vue de la composition, Rousseau crée une symétrie entre les deux
parties par la reprise de certaines scènes, ce qui éclaircit l’évolution sentimentale des
protagonistes.

En ce qui concerne l’ordre temporel du roman, on peut affirmer qu’en grandes lignes le temps
du discours coïncide avec le temps du récit : le destinateur s’adresse à son destinataire en lui
racontant des faits, en lui présentant des états d’âme, en lui décrivant des paysages qu’il vient
de vivre ou de voir. C’est cette superposition des deux temporalités qui permet à l’auteur de
tresser les fils des événements. Mais l’évocation des moments ponctuels s’accompagne
souvent d’un retour en arrière, à des moments révolus, que le mémoire actualise et fait
revivre. Tout moment présent est le temps du malheur, par rapport auquel le passe devient le
bonheur perdu. Le ton élégiaque transforme, dans cette perspective, même le temps de
l’absence en moments de félicite, car il était animé par l’espoir, tandis que le présent en est
exempt. Pour Julie, le temps passé se colore de péché, ce qui lui donne le sentiment de
culpabilité. Dans cette perspective temporelle moralisée, ce qui pour le cœur a été le bonheur,
devient pour la conscience un bonheur coupable.

Rousseau maîtrise parfaitement, d’une manière très moderne, la temporalité de son roman, en
la soutenant avec le devenir de ses héros : leur parcours linéaire est fait d’une succession de
moments passés relatés par des narrateurs différents, de sorte qu’à la fin le lecteur découvre
qu’ils ont changé, tout en restant fidèles à eux-mêmes.

La nouveauté de La Nouvelle Héloïse ne consiste pas uniquement dans la thématique abordée,


mais aussi et surtout dans le style lyrique crée par Rousseau. Il laisse ses héros exprimer
directement leurs passions, il cultive l’effusion sentimentale. De plus, il y a tout un langage
des gestes qui accompagne la parole et trahit les états d’âme que la pudeur voudrait cacher.
Mais surtout l’associer à l’homme. La nature n’est plus un simple décor, elle est un véritable
personnage lyrique, présent dans la vie des héros, fusionnant avec leurs états d’âme, les
provoquant même.

Chez le Rousseau le temps, l’espace et le sentiment forment un triangle inséparable, ou


chaque élément conditionne les autres, comme dans le célèbre fragment de la promenade sur
le lac : ici, le mouvement régulier des vagues suggère au héros la répétition temporelle et
ressuscite le passé, provoquant un moment de crise sentimentale. Le même mouvement, par
sa douceur, induit le calme dans son âme.

La nouvelle Héloïse représente la première confirmation esthétique de la valeur du roman


sentimental. Son succès à l’époque est immense. Par cette œuvre Rousseau rompt
définitivement avec l’esprit des Lumières, donnant à la littérature une orientation vers
l’exploration de l’âme humaine et ouvrant la perspective du futur roman romantique.

Emile- le problème de l’éducation devait fatalement s’imposer à Rousseau : c’est seulement


en agissant sur les jeunes générations qu’on peut espérer faire revivre l’homme naturel dans
l’ordre social. Il écrivit Emile avec amour, en pensant à l’enfant qu’il aurait voulu être. On
objecta à l’auteur que son postulat initial (sur l’absence de mauvais instincts chez l’enfant)
était faux, - que le sens, l’intelligence et la moralité se développaient simultanément, - que les
truquages perpétuels grâce auxquels le percepteur d’Emile dirige l’éducation de cet enfant de
la nature en lui laissant l’illusion de sa liberté, étaient le comble de l’artifice. Il rappelait que
l’objet essentiel de l’éducation est de former des hommes et non des mandarins.

Contrat social-fragment d’un livre inachevé, les Institutions politiques. – construction


purement théorique, menée en dehors du temps et du l’espace.

Ce petit livre devenait le Coran des révolutionnaires ; il inspirait la déclaration des droits de
l’homme et du citoyen; il servait à légitimer les violences des jacobins. Aujourd’hui encore,
sa critique de la propriété est à la base des doctrines sociales et communistes modernes

Il formule la théorie de l’étatisme absolu : le souverain y est souverain maître des biens, de la
personne, de la conscience même des particuliers. On a soutenu que Rousseau, si
passionnément attache aux droits de l’individu, s’était ici contredit lui-même ; c’est faute
d’avoir pris garde que l’étatisme était pour lui un moyen, le seul qui lui paraissait possible
pour dissoudre les forces qui opprimaient l’individu et pour maintenir au profit de l’individu
l’égalité ainsi rétablie.
Les Confessions- écrit autobiographique

Par cette œuvre, Rousseau prétend se montrer à ses adversaires réels ou imaginaires tel qu’il
est, sans aucune correction, en pleine sincérité. Par la confession de ses erreurs et péchés,
l’auteur veut se justifier et s’absoudre lui-même contre tout calomniateur. Les confessions ont
un double destinataire : dieu et les hommes. On constate la présence diffuse du lecteur, le
témoin possible se réduisant le plus souvent au on indéfini.

Rousseau nous présente vraiment sa transformation : il est devenu un homme moral par une
rude confrontation avec les imperfections, les impuretés, les vices de son être, tout aussi
puissants que ses vertus.

En parlant du style de Rousseau, on découvre 2 « tonalités » particulièrement significatives :


le ton élégiaque, qui exprime le sentiment du bonheur perdu, favorisant le passé au détriment
du présent et faisant du moment de l’écriture le temps de la disgrâce, et la narration de type
picaresque, pour laquelle le passe est « le temps faible », c’est-à-dire temps des faiblesses, de
l’erreur, des humiliations.

Passé et présent sont doublement valorisés par Rousseau : le passé est tour à tour objet de
nostalgie et objet d’ironie, le présent est regardé tantôt comme état de dégradation morale,
tantôt comme état de supériorité intellectuelle.

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