Diamants
Diamants
Diamants
Russell H. Conwell
1
Table des matières
Profite de la vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Ce qu’il vous faut pour réussir, c’est du bon sens, pas de l’argent . . . . . . . 20
Le Secret du Succès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Credits 35
J’ai souvent songé que ce guide ressemblait à nos coiffeurs dans certaines de ses ca-
ractéristiques mentales. Il estimait que son devoir était non seulement de nous guider le
long de ces fleuves et de faire ce pour quoi il était payé, mais aussi de nous divertir en
racontant des histoires curieuses et mystérieuses, anciennes et modernes, étranges et
familières. J’en ai oublié beaucoup, et je suis heureux qu’il en soit ainsi, mais il y en a une
que je n’oublierai jamais.
Le vieux guide menait mon chameau par le licou sur les rives de ces cours d’eau antiques
et me racontait histoire sur histoire, jusqu’à ce que je me lasse de les entendre et que
je ne les écoute plus. Ce guide ne m’a jamais irrité lorsqu’il se mettait en colère du fait
que j’arrêtais de l’écouter. Mais je me souviens qu’il ôtait sa coiffe turque et qu’il la faisait
tournoyer pour attirer mon attention. Je le voyais du coin de l’œil, mais je ne le regardais
pas directement par crainte qu’il me raconte une autre histoire. Bien que je ne sois pas
une femme, je finissais par le regarder, et aussitôt il en commençait une nouvelle.
Il m’a dit :
— Je vais maintenant vous raconter une histoire que je réserve à mes amis intimes.
Lorsqu’il a insisté sur les mots « amis intimes », j’ai écouté, et je me félicite de l’avoir fait.
Je lui suis profondément gré de cette histoire, car j’en ai fait un cours que 1.674 jeunes
gens ont entendu au collège, se félicitant également que je l’aie écoutée.
Le vieux guide m’a dit qu’autrefois, un ancien Perse du nom d’Ali Hafed vivait à proximité
de l’Indus. Ali Hafed possédait une vaste exploitation agricole. Il avait des vergers, des
champs de céréales et des jardins. Il avait de l’argent placé ; il était riche et satisfait. Il
était satisfait parce que riche et, riche parce que satisfait.
Un jour, le vieil agriculteur perse reçut la visite d’un vieux prêtre bouddhiste, un sage
d’Orient. Le prêtre s’assit au coin du feu et dit au vieil agriculteur comment notre monde
avait été créé. Il lui dit que ce monde n’était autrefois qu’une nappe de brume. Le Tout-
Puissant mit son doigt dans cette nappe et commença à le tourner lentement, puis de plus
en plus vite jusqu’à ce qu’enfin, la nappe de brume tourbillonne pour se transformer en
une boule de feu.
Ensuite, cette boule roula dans l’univers, atteignant en passant d’autres nappes de brume,
dont elle condensa l’humidité extérieure jusqu’à ce qu’elle tombe dans un déluge de pluie
sur sa surface torride et en refroidisse la croûte extérieure. Alors, le feu intérieur, jaillissant
vers l’extérieur en traversant la croûte, forma les montagnes et les collines, les vallées,
les plaines et les prairies de notre monde merveilleux. Si cette masse fondue jaillissait et
refroidissait très rapidement, elle devenait du granit ; moins rapidement, du cuivre ; moins
rapidement, de l’argent ; moins rapidement encore, de l’or, et, après l’or, les diamants
virent le jour.
Or, cela est littéralement exact sur le plan scientifique : un diamant est un dépôt de carbone
provenant du soleil. Le vieux prêtre dit à Ali Hafed que s’il possédait un diamant de la taille
de son pouce, il pourrait acheter le comté, et que s’il possédait une mine de diamants, il
pourrait asseoir ses enfants sur des trônes grâce à l’influence que leur donnerait leur
grande richesse.
Ali Hafed avait tout entendu sur les diamants et sur leur valeur, et il fut un homme pauvre
lorsqu’il alla se coucher ce soir-là. Il n’avait rien perdu, mais il était pauvre parce que
mécontent, et mécontent par crainte d’être pauvre. Il dit : « Je veux une mine de diamants »
et resta éveillé toute la nuit.
Tôt le matin, il alla voir le prêtre. Je sais d’expérience qu’un prêtre est très indisposé
lorsqu’on le réveille tôt le matin. Ali Hafed secoua le prêtre, dissipant ses rêves, et lui
demanda :
— Dans ce cas, va et trouve-les. C’est tout ce que tu as à faire : partir les chercher. Ensuite,
ils seront à toi.
— Eh bien, si tu tombes sur un cours d’eau qui court à travers du sable blanc, entre de
hautes montagnes, tu trouveras toujours des diamants dans ce sable.
— Oh si, il y en a plein. Tout ce que tu as à faire, c’est partir les chercher. Ensuite, ils seront
à toi.
— Je vais partir.
Ainsi, il vendit son exploitation, rassembla son argent, confia sa famille à un voisin et partit
à la recherche de diamants. Il commença ses recherches, avec raison à mon avis, dans
les monts de la Lune. Ensuite, il se rendit en Palestine, erra en Europe, puis enfin, lorsqu’il
eut dépensé tout son argent, qu’il se trouva en haillons, pauvre et pitoyable, il se retrouva
sur le bord de la baie de Barcelone, en Espagne, où un immense raz-de-marée vint rouler
entre les piliers d’Hercule.
Lorsque le guide m’eut raconté cette histoire terriblement triste, il arrêta le chameau que
je montais et se rendit à l’arrière de la caravane pour fixer les bagages qui se détachaient
d’un autre chameau. J’en profitai pour réfléchir à son histoire. Je me souviens de m’être
demandé : « Pourquoi réserve-t-il cette histoire à ses “amis intimes” ¿‘. Il semblait n’y
avoir ni début, ni milieu, ni fin, rien du tout. Il s’agissait de la première histoire que j’avais
entendue de ma vie où le héros mourait au premier chapitre. Je n’avais qu’un chapitre de
cette histoire, et le héros était mort.
Lorsque le guide revint pour reprendre le licou de mon chameau, il poursuivit immédiate-
ment son histoire, passant au deuxième chapitre, comme s’il n’y avait eu aucune interrup-
tion.
L’homme qui avait acheté l’exploitation d’Ali Hafed mena son chameau dans le jardin
pour le faire boire. Comme le chameau se penchait vers l’eau peu profonde du ruisseau,
le successeur d’Ali Hafed remarqua un curieux éclat de lumière provenant du sable blanc
du cours d’eau. Il en retira une pierre noire ayant un oeil lumineux qui réfléchissait toutes
les nuances de l’arc-en-ciel. Il apporta la pierre dans la maison, la déposa sur le dessus
de la cheminée centrale et l’oublia.
Quelques jours plus tard, le même vieux prêtre vint rendre visite au successeur d’Ali Hafed.
Dès qu’il ouvrit la porte du salon, il remarqua l’éclat de lumière provenant du dessus de
cheminée, se précipita et cria :
— Oh non, Ali Hafed n’est pas revenu, et il ne s’agit pas d’un diamant. Ce n’est qu’une
pierre que j’ai trouvée juste là, dans notre propre jardin.
— Mais, rétorqua le prêtre, je t’assure que je sais reconnaître un diamant quand j’en vois
un. Je suis certain qu’il s’agit d’un diamant.
Alors, ils se précipitèrent ensemble vers le vieux jardin, remuèrent le sable blanc avec
leurs doigts, et voilà qu’apparurent d’autres gemmes, plus belles et plus précieuses que
la première.
C’est ainsi, me dit le guide et c’est la pure vérité, que fut découverte la mine de diamants
de Golcanda, la mine la plus magnifique de toute l’histoire de l’humanité, surpassant les
gisements de Kimberley, en Australie. Le Koh-i-Noor, qui orne la couronne d’Angleterre,
et l’Orloff, le plus gros diamant du monde, qui pare la couronne de Russie, proviennent
tous deux de cette mine.
Lorsque le vieux guide arabe m’eut raconté le deuxième chapitre de son histoire, il enleva
sa coiffe turque et la fit tourner en l’air pour attirer mon attention sur la morale. Les histoires
des guides arabes ont toujours une morale, bien qu’elle ne soit pas toujours morale.
Si Ali Hafed était resté chez lui et avait fouillé dans son propre cellier, dans ses propres
champs de blé ou dans son propre jardin, il aurait possédé des « mines de diamant » au
lieu de souffrir d’une pauvreté extrême, de la faim et de mourir en se suicidant dans un
pays étranger. Car chaque hectare de cette ferme ancienne, oui, chaque pelletée de terre
a permis par la suite de mettre à jour des pierres précieuses qui, depuis lors, ont orné les
couronnes des monarques.
Lorsqu’il eut raconté la morale de son histoire, je compris pourquoi il réservait celle-ci à
ses « amis intimes ». Mais je ne lui dis pas que je l’avais compris. C’était la manière de
ce vieil Arabe mesquin d’exprimer indirectement ce qu’il n’osait pas dire franchement qu’à
son avis, il y avait un certain jeune homme qui parcourait alors le Tigre et qui serait mieux
chez lui, en Amérique. Je ne lui dis pas que j’avais compris. En revanche, je lui dis que
son histoire m’en rappelait une autre, que je lui racontai rapidement et dont je vais vous
faire part également.
Je lui parlais d’un homme qui, en 1847, possédait un ranch en Californie. II avait entendu
dire qu’on avait découvert de l’or dans le sud de la Californie. Passionné par l’or, il vendit
son ranch au colonel Sutter et partit pour ne jamais revenir. Le colonel Sutter construisit
un moulin sur un cours d’eau qui traversait le ranch.
Un jour, sa petite fille ramena chez elle du sable mouillé qu’elle avait ramassé dans la
rigole et le tamisa dans ses doigts devant le feu. Dans ce sable qui s’écoulait, un visiteur
vit les premiers dépôts brillants d’or véritable qu’on eut jamais découvert en Californie.
L’ex-propriétaire du ranch voulait de l’or, et il aurait pu en trouver abondamment chez lui.
En fait, depuis cette époque, on en a extrait pour 38 millions d’euros sur à peine quelques
hectares. Il y a 8 ans environ, j’ai fait un cours à ce sujet dans une ville proche du ranch et
l’on m’a dit que depuis des années et des années, un propriétaire recueille pour un tiers,
pour 1270 euros d’or tous les quarts d’heure, jour et nuit, non imposables.
Mais je peux mieux illustrer mon propos en relatant un fait qui s’est produit chez moi,
en Pennsylvanie. S’il y a quelque chose que j’aime par-dessus tout lorsque je suis sur
une estrade, c’est d’avoir devant moi un auditoire d’Allemands de Pennsylvanie auquel
m’adresser.
Mais avant de la vendre, il avait décidé d’assurer son avenir en recueillant de l’huile lourde
de houille pour son cousin, qui travaillait dans ce secteur au Canada, premier endroit où
l’on a découvert du pétrole sur le continent nord-américain. À cette époque reculée, où on
l’extrayait des cours d’eau.
Ainsi, cet agriculteur de Pennsylvanie écrivit à son cousin pour lui demander du travail.
Vous voyez, mes amis, cet agriculteur n’était pas idiot. Il n’avait pas abandonné son ex-
ploitation avant d’avoir autre chose à faire.
De tous les nigauds qui courent le monde, je n’en connais pas de pire que celui qui aban-
donne son travail avant d’en avoir trouvé un autre.
C’est particulièrement le cas dans ma profession, mais ce n’est pas du tout le cas pour un
homme qui cherche à divorcer. Lorsqu’il écrivit à son cousin pour lui demander du travail,
celui-ci lui répondit : « Je ne peux pas t’engager, car tu ne connais rien à l’industrie du
pétrole ».
Eh bien, se dit le vieil agriculteur, je vais me renseigner. Et, avec un zèle des plus louables,
il se mit à tout apprendre sur le sujet. Il commença par le deuxième jour de la création,
époque où le monde était recouvert d’une végétation épaisse et luxuriante qui, depuis
lors, s’est transformée en gisements primitifs de charbon. Il étudia le sujet jusqu’à ce qu’il
découvre que l’exploitation de ces riches gisements de charbon fournit l’huile lourde de
houille qu’il est intéressant de pomper et jusqu’à ce qu’il apprenne comment cette huile
jaillit du sol avec les sources. Il étudia jusqu’à ce qu’il connaisse son aspect, son odeur,
son goût, et qu’il sache comment la raffiner. Ensuite, il écrivit à son cousin :
Ainsi, il vendit son exploitation, qui, selon les archives du comté, lui rapporta 8330 euros,
fort exactement. Il était à peine parti que l’homme qui avait racheté son exploitation décida
de s’occuper de l’alimentation en eau du bétail. Il découvrit que l’ancien propriétaire, des
années auparavant, avait jeté une planche en travers du ruisseau qui courait à l’arrière
de l’étable. Le bord de cette planche s’enfonçait de quelques centimètres dans l’eau. La
planche, ainsi disposée sur le ruisseau, avait pour but de rejeter sur l’autre rive un rebut
dégoûtant pour que le bétail n’y accède pas. Le bétail buvait donc en aval de la planche.
Mais l’homme qui était parti au Canada avait ainsi retenu pendant 23 ans un torrent d’huile
lourde de houille qui, selon les déclarations des géologues d’État de Pennsylvanie, dix ans
plus tard, valait, déjà à l’époque, 100 millions d’euros pour l’État.
Il y a quatre ans, notre géologue a déclaré que la découverte valait un milliard d’euros
pour l’État. L’homme qui possédait ce territoire, sur lequel a été bâtie ultérieurement la
ville de Titusville et où se trouvent les vallées de Pleasantville, avait étudié le sujet depuis
le deuxième jour de la création jusqu’à aujourd’hui. Il l’avait étudié jusqu’à ce qu’il sache
tout à son propos, et pourtant, il a tout vendu pour 83.300 euros. Encore une fois, j’affirme
que c’est insensé.
Mais il me faut une autre illustration. J’ai trouvé celle-ci dans le Massachusetts, et je suis
désolé qu’il en soit ainsi, car c’est mon État d’origine. Ce jeune homme du Massachusetts
alimente aussi ma pensée. Il avait fréquenté le collège de Yale, où il avait étudié les mines
et l’exploitation minière. Il devint un excellent ingénieur des mines, auquel les autorités de
l’université confièrent la charge de former les étudiants qui avaient pris du retard dans
leurs cours. Lors de sa dernière année d’études, il gagnait 150 euros par semaine pour
ce travail. Lorsqu’il fut diplômé, son salaire passa de 150 à 450 euros par semaine.
On lui offrit une chaire, et il alla immédiatement chez lui voir sa mère. Si l’on avait fait
passer le salaire du jeune homme de 150 à 156 euros, il aurait gardé son travail, dont il
aurait été fier, mais comme on l’avait fait passer à 450 euros d’un seul coup, il dit :
— Mère, je ne vais pas travailler pour 450 euros par semaine. Un homme avec un cerveau
comme le mien, travailler pour 450 euros par semaine ! Allons en Californie découvrir des
mines d’or et d’argent, et nous serons immensément riches.
Sa mère répondit :
— Écoute, Charlie, c’est tout aussi bien d’être heureux que d’être riche.
— Oui, dit Charlie, mais c’est aussi bien d’être riche et heureux.
Et ils avaient tous deux raison. Comme il était fils unique et qu’elle était veuve, ce fut lui
qui l’emporta. Il en est toujours ainsi.
Ils rendirent leurs biens dans le Massachusetts et, au lieu d’aller en Californie, se rendirent
dans le Wisconsin, où il trouva du travail pour une société d’exploitation de mines de cuivre,
la Superior Copper Mining Company, encore une fois pour 150 euros par semaine, mais
une condition de son contrat stipulait qu’il aurait un intérêt dans toutes les mines qu’il
découvrirait pour l’entreprise. Je ne pense pas qu’il découvrit jamais une seule mine, et si
je songe à n’importe quel actionnaire de la société, je regrette qu’il n’ait rien découvert.
J’ai des amis qui ne sont pas ici parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’acheter un titre
de transport. Ils avaient des parts dans cette société à l’époque où le jeune homme y
travaillait. Ce jeune homme s’était rendu là-bas, et je n’ai jamais plus entendu parler de
lui. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de lui, s’il a trouvé des mines ou non, mais je ne
pense pas que ce soit le cas.
Cependant, je connais l’autre côté de l’histoire. Le jeune homme avait à peine quitté sa
vieille exploitation que le nouveau propriétaire se mit à ramasser des pommes de terre.
Les pommes de terre poussaient déjà dans le sol lorsqu’il racheta la ferme.
Alors que le vieil agriculteur ramenait un panier plein de pommes de terre, il le plaça contre
le mur de pierre. Dans le Massachusetts, les Fermes sont presque toutes entourées de
murs de pierre. Il faut prendre garde de bien dégager l’entrée pour avoir de la place pour
mettre les pierres. Lorsque le panier fut plein, il le posa sur le sol, le tira d’un côté, le
poussa de l’autre. Alors qu’il déplaçait le panier, il remarqua, dans un coin du mur de
pierre, à proximité de l’entrée, un bloc d’argent natif formant un carré de 20 centimètres
de côté.
Il était né dans la propriété, y avait été élevé, et avait maintes fois frotté la pierre avec sa
manche jusqu’à ce que son expression s’y reflète. Il semblait dire : « Voici un demi million
d’euros ici même, il n’y a qu’à les ramasser », mais il ne les avait pas ramassés.
Il était quelque part à Newsburyport, Massachusetts, et il n’y avait pas d’argent à cet
endroit. Il y en avait ailleurs, je ne sais où, et il était professeur de minéralogie.
Mes amis, ce type d’erreur est vraiment universel, et ce n’est même pas la peine de sourire
de l’aventure de ce jeune homme. Je me demande souvent ce qu’il est advenu de lui. Je
n’en sais vraiment rien, mais je vais vous dire ce que je pense. Je pense qu’il est assis
auprès d’un feu avec ses amis autour de lui, et qu’il leur dit quelque chose de ce genre.
Et cela gâche la plaisanterie, parce que vous et moi avons fait la même chose que lui, et
tandis que nous sommes là à rire de lui, il est en droit a fortiori de rire de nous. Je sais
que j’ai commis les mêmes erreurs, mais, bien sûr, cela ne fait aucune différence, parce
qu’on ne peut pas attendre d’un homme qu’il prêche et qu’il pratique en même temps.
Alors que je suis ici, ce soir, à scruter cet auditoire, je vois de nouveau ce que je vois sans
cesse depuis 50 ans : des hommes qui commettent précisément la même erreur.
Je nourris souvent l’espoir de voir des jeunes gens. J’aimerais que le collège soit rempli
ce soir de collégiens, d’élèves du secondaire, auxquels je puisse parler. J’aurais préféré
un tel auditoire, car il est impressionnable au plus haut point, n’ayant pas les préjugés que
nous avons, n’ayant pas pris des habitudes impossibles à extirper, n’ayant pas subi les
échecs que nous avons subis.
J’aurais pu faire à un tel auditoire plus de bien qu’à des adultes, mais je vais faire de mon
mieux avec ce que j’ai sous la main.
J’affirme que vous disposez de « mines de diamants », où vous vivez. Mais, rétorquerez-
vous, vous ne devez pas connaître grand-chose à l’endroit où je vis si vous pensez qu’elle
recèle des « mines de diamants ».
Je me suis beaucoup intéressé à un article paru dans le journal à propos du jeune homme
qui a trouvé un diamant en Caroline du Nord. Il s’agissait d’un des diamants les plus purs
jamais découverts, et il y en avait eu d’autres dans la même région. Je suis allé voir un
professeur distingué de minéralogie et lui ai demandé d’où venaient ces diamants, à son
avis. Le professeur a sorti une carte des formations géologiques de notre continent et l’a
pointée. Il a affirmé qu’ils venaient des couches carbonifères sous-jacentes susceptibles
de fournir une telle production, s’étendant vers l’ouest dans l’Ohio et le Mississippi, ou
alors, plus probablement, vers l’est, à travers la Virginie et jusqu’aux rives de l’Atlantique.
Il est vrai que les diamants se trouvaient là, car on les a découverts et vendus, et qu’ils y
ont été transportés au cours d’une période de dérive, en provenance de quelque endroit
situé au nord.
Or, qui, à part une personne partant de Philadelphie avec sa perforatrice, pourra trouver
aussi loin les traces d’une mine de diamants ? Ah, mes amis, vous ne pouvez pas affirmer
que vous ne vous trouvez pas au-dessus d’un des plus grands gisements de diamants
du monde, car de tels diamants ne proviennent que des mines les plus rentables qu’on
trouve sur Terre.
Vous possédez vous aussi une mine de diamant qui peut vous rendre immensément riche
Mais ceci ne sert qu’à illustrer ma pensée, que je souligne en affirmant que si vous ne pos-
sédez pas littéralement de véritables mines de diamants, vous disposez de tout ce qui fait
leur valeur dans votre cas. La reine d’Angleterre ayant fait le plus grand compliment qu’ait
jamais reçu une Américaine pour sa tenue du fait qu’elle est apparue sans aucun bijou
lors d’une réception récente en Grande-Bretagne, l’usage des diamants est pratiquement
passé de mode de toute façon. Vous voudrez désormais n’en porter que quelques-uns si
vous souhaitez être modeste, et vous vendrez le reste.
Il n’y a jamais eu d’endroit sur Terre plus adapté pour cela que l’endroit où vous vivez au-
jourd’hui, et jamais dans l’histoire du monde un homme pauvre dépourvu de capitaux n’a
eu une telle occasion de s’enrichir rapidement et honnêtement qu’ici, maintenant, grâce
aux technologies nouvelles. J’affirme que c’est la vérité, et je veux que vous l’acceptiez
comme telle, car si vous pensez que je suis venu ici simplement pour déclamer, je ferais
mieux d’être ailleurs. Je n’ai pas de temps à perdre à de tels propos. Je suis là pour dire
ce que je crois être vrai et, à moins que certains d’entre vous deviennent plus riches grâce
à ce que je vous dis ce soir, j’aurai perdu mon temps.
Je déclare que vous devriez vous enrichir, que c’est votre devoir. Combien de mes frères
pieux me demandent :
— Est-ce que vous, pasteur chrétien, passez votre temps à parcourir le pays pour
conseiller aux jeunes gens de devenir riches, de gagner de l’argent ?
Ils rétorquent :
— Mais c’est terrible ! Pourquoi ne prêchez-vous pas l’Évangile au lieu de parler des façons
de s’enrichir ?
Voilà la raison. Les hommes qui s’enrichissent peuvent devenir les plus honnêtes qu’on
trouve dans la communauté.
— Mais, me déclare un jeune homme qui est ici ce soir, on m’a dit toute ma vie que si
quelqu’un a de l’argent, il est malhonnête, peu honorable, mesquin et méprisable.
— Mon ami, voilà pourquoi vous n’avez rien : c’est parce que vous avez cette idée des
gens. Le fondement de votre foi est complètement faux. Je tiens à le dire clairement et
brièvement, bien que cela pourrait faire l’objet d’une discussion que je n’ai pas le temps
d’aborder ici : 98 % des hommes riches de notre pays sont honnêtes. C’est pour cela qu’ils
sont riches. C’est pour cela qu’on leur confie de l’argent. C’est pour cela qu’ils mènent de
grandes entreprises et trouvent beaucoup de gens disposés à travailler pour eux. C’est
parce qu’ils sont honnêtes.
— Oui, bien sûr, vous en entendez parler, et moi aussi. Mais ils sont tellement rares, en
fait, que les journaux en parlent tout le temps, à tel point qu’on a l’impression que tous les
autres riches se sont enrichis malhonnêtement.
— Mon ami, emmenez-moi et conduisez-moi si vous avez une auto dans les banlieues de
Philadelphie, et présentez-moi aux gens qui possèdent leur propre maison autour de cette
grande ville, une de ces belles maisons avec des jardins et des fleurs, de ces maisons
magnifiques artistiquement construites, et je vous montrerai les gens qui ont le meilleur
caractère et les meilleures entreprises de la ville. Vous savez que c’est vrai. Un homme
n’est pas un homme véritable tant qu’il ne possède pas sa propre maison, et ceux qui
possèdent la leur sont plus honorables, honnêtes et purs, loyaux, économes et prudents,
du fait qu’ils possèdent leur maison.
Le fait pour un homme d’avoir de l’argent, même beaucoup d’argent, n’est pas contra-
dictoire. Nous prêchons contre l’avidité, et vous savez que nous le faisons, en chaire, si
souvent, en parlant du lucre de façon tellement extrême que les chrétiens ont l’impres-
sion que lorsque nous sommes en chaire, nous estimons qu’il est inique pour tout homme
d’avoir de l’argent, jusqu’à ce que nous lassions passer le panier. À ce moment-là, nous
manquons de nous emporter contre les gens parce qu’ils ne donnent pas davantage d’ar-
gent. Ah, l’inconséquence de telles doctrines !
pas. Je suis toujours disposé à ce que mon Église augmente mon salaire, car l’Église qui
paie le plus gros salaire est toujours celle qui obtient l’argent le plus facilement. Il n’y a
aucune exception à cette règle.
L’homme qui a le plus gros salaire est celui qui peut faire le plus de bien grâce au pouvoir
qui lui est accordé. Il le peut, bien sûr, s’il fait preuve de l’esprit voulu pour l’employer à
bon escient.
C’est pourquoi j’affirme qu’il vous faut de l’argent. Si vous pouvez vous enrichir honnête-
ment, il est de votre devoir de chrétien pieux de le faire. Les gens pieux commettent une
terrible erreur en pensant qu’il faut vivre dans le dénuement pour être pieux.
— Bien sûr que oui. Sinon, je n’aurais pas donné de conférences pendant toutes ces
années. J’admets que j’accorde ma sympathie aux pauvres, mais le nombre de pauvres
qui méritent la sympathie est très faible.
Accorder sa sympathie à une personne que Dieu a punie pour ses péchés, donc l’aider
alors que Dieu la poursuit d’une juste punition, c’est commettre indubitablement le mal, et
nous faisons plus de mal que nous n’aidons ceux qui le méritent. Nous devons accorder
notre sympathie aux pauvres de Dieu, c’est à dire à ceux qui ne peuvent subvenir à leurs
propres besoins, mais souvenons-nous qu’il n’y a pas un seul pauvre aux États-Unis qui
ne soit devenu pauvre en partie à cause de ses propres défauts ou de ceux de quelqu’un
d’autre. On ne doit pas se glorifier d’être pauvre. Dieu nous a donné l’abondance et la
richesse. À nous de savoir les utiliser.
— Ne pensez-vous pas qu’il existe des choses dans le monde qui ont plus de valeur que
l’argent ?
— Bien sûr que je le pense, mais en ce moment, c’est de l’argent dont je parle. Évidemment
qu’il y a des choses plus importantes que l’argent. Oh oui, je sais qu’il existe des choses
en ce monde plus élevées, plus douces et plus pures que l’or.
L’amour est la plus grande chose qui existe sur Terre, mais heureux celui qui aime et qui
a beaucoup d’argent. L’argent, c’est le pouvoir, c’est la force. L’argent fait le bien autant
que le mal.
Entre les mains des hommes et des femmes de bien, il peut faire et fait le bien.
J’ai horreur de laisser les choses en cet état. J’ai entendu un homme, qui s’était levé lors
d’une réunion de prières dans notre ville, remercier le Seigneur, car il était « l’un des
pauvres de Dieu ».
Eh bien, je me demande ce que sa femme en pense. C’est elle qui gagne tout l’argent du
ménage, et il en fume une partie sur la véranda. Je ne veux plus voir de pauvres de Dieu
de ce type et je ne pense pas que le Seigneur les approuve. Il existe pourtant des gens
convaincus que pour être pieux, il faut être très pauvre et très sale. Ça n’a aucun sens.
Tout en apportant notre sympathie aux pauvres, n’enseignons pas une telle doctrine.
À notre époque, nous sommes prévenus contre le fait de conseiller à un chrétien ou,
comme diraient les Juifs, à un homme de Dieu, d’atteindre à la richesse. Le préjugé est
tellement universel et il sévit depuis si longtemps, je pense, que je peux citer à coup sûr le
cas d’un jeune homme que j’ai connu il y a de nombreuses années, à l’Université Temple.
Celui-ci, qui fréquentait notre école de théologie, se croyait le seul étudiant pieux de la
faculté. Un soir, il vint me voir dans mon bureau, s’assit devant mon bureau et me dit :
— Monsieur le président, je pense qu’il est de mon devoir de venir parler avec vous.
— Je vous ai entendu dire à l’école, lors de la remise des diplômes, que selon vous, c’est
une ambition honorable pour un jeune homme que de désirer avoir des richesses, que
cela lui donne de la modération, le rend industrieux et désireux de se faire une bonne
réputation. Vous avez affirmé que l’ambition d’un homme de gagner de l’argent contribue
à en faire un homme de bien. Or, je suis venu vous dire que selon la Sainte Bible, « l’argent
est la source de tous les maux ».
Je lui répondis que je n’avais jamais rien vu de tel dans la Bible. Je lui conseillai d’aller à
la chapelle, d’y prendre la Bible et de me montrer la citation. Il alla donc chercher la Bible.
Bientôt, il revint dans mon bureau en tenant la Bible ouverte, avec toute la fierté fanatique
du sectaire étroit d’esprit ou de celui qui fonde sa chrétienté sur une interprétation erronée
des Écritures. Il jeta la Bible sur mon bureau et me cria aux oreilles :
Je lui répondis :
— Eh bien, jeune homme, vous apprendrez lorsque vous serez un peu plus vieux que
vous ne pouvez pas demander à un membre d’une autre confession de lire la Bible pour
vous. Vous appartenez à une autre confession. Cependant, on vous apprend à l’école de
théologie que l’accent mis sur une citation, c’est l’exégèse. Maintenant, voulez-vous bien
prendre cette Bible, la lire vous-même et y mettre l’accent voulu ?
À ce moment-là, il avait raison, et lorsqu’on cite à juste titre les Saintes Écritures, on dit
la vérité absolue. Pendant 50 ans, j’ai vécu la plus grande bataille que le Livre Saint ait
jamais livrée, et j’ai vécu pour voir son étendard flotter librement, car jamais dans l’histoire
du monde les grands esprits de la Terre n’ont si universelle-ment reconnu que la Bible est
la vérité, l’entière vérité qu’en ce moment même.
Ainsi, lorsque j’affirme qu’il a cité la Bible à juste titre, il a bien évidemment dit la vérité
absolue. « L’amour de l’argent est à la source de tous les maux ». Celui qui cherche à
se l’approprier trop rapidement ou de façon malhonnête tombe dans de nombreux pièges,
c’est une certitude.
L’amour de l’argent. Qu’est-ce que c’est que cela ? C’est de faire de l’argent une idole,
et l’idolâtrie pure et simple, quelle qu’en soit la forme, est condamnée par les Saintes
Écritures et par le bon sens de l’Homme. Celui qui voue un culte à l’argent au lieu de
songer à l’usage qu’il faudrait en faire, celui qui idolâtre tout simplement l’argent, l’avare
qui amasse l’argent dans son grenier ou le cache dans un bas de laine, qui refuse de
l’investir de façon à faire du bien au monde, celui-là a en lui la racine de tous les maux.
Je pense que je vais maintenant laisser cette question de côté et répondre à celle que
vous vous posez presque tous :
— Monsieur Conwell, avez-vous vécu à Philadelphie pendant 31 ans sans savoir que le
temps est passé où l’on peut faire quoi que ce soit dans cette ville ?
— J’ai tenu un magasin ici pendant 20 ans, et je n’ai jamais gagné plus de 10.000 euros
au cours de ces 20 années.
— Eh bien, vous pouvez mesurer le bien que vous avez fait à cette ville par ce que cette
ville vous a versé, car un homme peut très bien juger de ce qu’il vaut par ce qu’il reçoit,
c’est à dire par ce qu’il est pour le monde en ce moment. Si vous n’avez pas gagné plus
de 10.000 euros en 20 ans à Philadelphie, Philadelphie aurait mieux fait de vous expulser
Ah, mes amis, si vous preniez la peine de parcourir quelques pâtés de maisons autour de
vous, de rechercher ce que désirent les gens et ce que vous devriez leur procurer, et de
calculer, crayon en main, le profit que vous feriez si vous le leur procuriez, vous verriez
très vite. Il y a de la richesse dans le son même de votre voix.
Quelqu’un dit :
— Vous ne connaissez rien aux affaires. Les prêcheurs ne connaissent jamais rien aux
affaires.
Eh bien, je vais devoir prouver que je suis un expert. Je n’aime pas le faire, mais j’y suis
obligé, car mon témoignage ne sera pas pris au sérieux si je ne m’affirme pas comme
expert. Mon père tenait un magasin à la campagne, et s’il y a un endroit au monde où l’on
fait toutes sortes d’expériences dans tous les types de transactions commerciales, c’est
bien dans un magasin de campagne. Je ne suis pas fier de mon expérience, mais parfois,
lorsque mon père devait partir, il me laissait gérer le magasin.
Heureusement pour lui, cela n’est pas arrivé très souvent. Mais une chose est arrivée
plusieurs fois, mes amis. Un homme entrait dans le magasin et me demandait ·
Et je me mettais à siffler un air. Que m’importait cet homme, de toute façon ? Un autre
agriculteur entrait alors et me demandait :
— Non. Pourquoi tout le monde demande-t-il des canifs ? Croyez-vous que nous avons
ce magasin pour fournir des canifs à tout le voisinage ?
dans les affaires se montre idiot en affaires, ou il est sur la voie de la faillite ou alors c’est
un voleur. Il est dans l’un de ces 3 cas, assurément. Il court à l’échec au bout de quelques
années. Il en est certainement ainsi s’il ne transpose pas sa religion dans les affaires. Si
j’avais tenu le magasin de mon père d’un point de vue chrétien, du point de vue de Dieu,
j’aurais eu un canif pour le troisième homme lorsqu’il l’a demandé.
J’aurais alors fait preuve de bonté envers lui et j’aurais moi-même reçu une récompense,
qu’il eut été de mon devoir d’accepter.
Il y a certains chrétiens trop dévots qui pensent que si l’on fait un profit lorsqu’on vend
quelque chose, on est impie. Au contraire, il est criminel de vendre des articles moins
chers que ce qu’ils coûtent. On n’a pas le droit d’agir ainsi. On ne peut confier son argent
à un homme qui est incapable de gérer son propre argent. On ne peut pas faire confiance
à un homme de sa propre famille qui n’est pas fidèle à sa femme.
On ne peut pas faire confiance à un homme dans le monde qui n’est pas à l’écoute de
son propre cœur, de son propre caractère, de sa propre vie. Il eut été de mon devoir de
fournir un canif au troisième homme, et même au deuxième, de le lui vendre et de faire
un profit. Je n’ai pas plus le droit de vendre des choses sans faire de profit que je n’en
ai de les faire payer plus cher que ce qu’elles ne valent, en toute malhonnêteté. Mais je
me dois de vendre chaque article de telle façon que la personne à laquelle je le vends en
fasse autant de profit que moi.
Profite de la vie
Vivre et laisser vivre est le principe de l’Évangile. C’est le principe du bon sens le plus
élémentaire. Oh, jeune homme, écoute-moi : vis ta vie à mesure qu’elle vient.
N’attends pas d’avoir atteint mon âge pour commencer à profiter de la vie. Si je possédais
les millions, ou même 50 % de ceux-ci, que je me suis efforcé de gagner à l’époque, ils
ne me feraient pas autant de bien que le bien que je ressens ici ce soir, en cette présence
presque sacrée. Oh oui, je suis récompensé au centuple ce soir du fait que je partage
comme je me suis efforcé de le faire dans une certaine mesure au cours des ans.
Je ne devrais pas parler ainsi, cela semble égoïste, mais je suis assez vieux maintenant
pour en être excusé. J’aurais dû aider mon prochain, ce que j’ai essayé de faire, ce que
tout le monde devrait essayer de faire, et en retirer du bonheur. Celui qui rentre chez
lui en ayant l’impression d’avoir volé dix euros ce jour-là, d’avoir dépouillé un homme de
ce qui lui était honnêtement dû, celui-là ne trouvera pas le repos. Il se lèvera fatigué le
lendemain matin, et travaillera toute la journée avec mauvaise conscience. Il n’est pas du
tout heureux en affaires, même s’il a accumulé des millions.
Mais celui qui a passé sa vie à partager constamment avec son prochain, à se prévaloir
de son propre droit et de son propre profit et à accorder à tous les autres hommes leur
droit et leur profit, vit chacune de ses journées. De plus, il emprunte la route royale de la
richesse. L’histoire de milliers de millionnaires prouve qu’il en est ainsi.
L’homme qui a affirmé qu’il ne gagnait rien dans un magasin de Philadelphie a géré ses af-
faires en s’inspirant d’un principe erroné. Admettons que je me rende dans votre magasin
demain matin et que je demande :
Connaissez-vous votre voisin Untel, qui vit à un pâté de maisons d’ici, au 1.240 ?
— D’où vient-il ?
— Je ne sais pas.
— Je ne sais pas.
— Je ne sais pas.
Si vous ne vous en étiez pas fiché, vous seriez riche maintenant. Si vous vous étiez
intéressé suffisamment à lui pour prendre de l’intérêt à ses affaires, pour chercher ce
dont il avait besoin, vous vous seriez enrichi. Mais vous parcourez le monde en affirmant
qu’il n’existe aucune possibilité de s’enrichir, et voilà l’erreur.
Je parle ici des affaires, mais le principe s’applique à tous les métiers.
Oh, créature faible et prétentieuse qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez ! Ça
vous rend sans défense que d’entendre un jeune homme affirmer :
— Jeune homme, pensez-vous que vous allez vous enrichir si vous disposez de capitaux ?
— Certainement.
— Eh bien, certainement pas. Si votre mère a plein d’argent et qu’elle vous installe dans le
commerce, c’est vous qui allez lui faire son affaire, avec les capitaux qu’elle vous fournira.
Dès le moment où un jeune homme ou une jeune femme obtient plus d’argent qu’il n’en a
eu dans sa jeunesse par une expérience pratique, il est maudit. Il ne sert à rien à un jeune
homme ou à une jeune fille d’hériter de l’argent. Cela ne sert à rien de laisser de l’argent
à vos enfants, mais si vous leur donnez une bonne éducation, si vous leur conférez un
esprit chrétien et un noble caractère, si vous leur offrez un vaste cercle d’amis, si vous leur
donnez un nom honorable, cela vaut beaucoup mieux que si vous leur laissez de l’argent.
Il serait beaucoup plus mauvais pour eux et pour le pays, de leur laisser quelque argent
que ce soit.
Oh, jeune homme, si vous avez hérité de l’argent, ne le considérez pas comme une aide.
Cet argent vous damnera toute votre vie et vous privera des meilleures choses qu’offre
l’existence humaine. Il n’y a pas de classe de gens sur laquelle il faille s’apitoyer davantage
que les fils et les filles inexpérimentés des riches de notre génération. Je m’apitoie sur le
fils de l’homme riche. Il ne pourra jamais connaître les meilleures choses de la vie.
L’une des meilleures choses de la vie, c’est quand un jeune homme gagne sa propre
vie, qu’il se fiance à une jeune femme adorable et qu’il décide d’acheter sa propre maison.
Avec cet amour vient aussi l’inspiration divine en vue de meilleures choses, et il commence
à économiser son argent. Il commence à abandonner ses mauvaises habitudes et à mettre
de l’argent à la banque.
Lorsqu’il possède quelques milliers d’euros, il se rend en banlieue pour rechercher une
maison. Il se rend à la caisse d’épargne, peut-être, pour obtenir la moitié du prix, puis il
va voir sa femme.
Lorsqu’il lui fait passer le seuil de la maison pour la première fois, il lui dit avec une élo-
quence que je ne pourrai jamais imiter :
— J’ai gagné cette maison moi-même. Elle est entièrement à moi, et je la partage avec
toi.
C’est là le moment le plus grandiose que puisse connaître le cœur d’un homme.
Il amènera son épouse dans une demeure plus belle, sans doute, mais il sera obligé de
lui dire : « Ma mère m’a donné ceci, ma mère m’a donné cela », jusqu’à ce que sa femme
souhaite d’avoir épousé sa mère. Le fils d’un homme riche me fait pitié.
Les statistiques du Massachusetts démontrent que moins d’un fils d’homme riche sur 17
meurt riche. Le fils de l’homme riche me fait pitié, sauf s’il a le bon sens de l’aîné des
Vanderbilt, ce qui arrive parfois. Celui-ci était allé voir son père et lui avait demandé :
— Oui, mon fils. J’ai commencé à travailler sur un ferry-boat, pour quelques euros par jour.
Généralement, les hommes riches ne permettent pas à leurs fils de travailler, sans parler
de leurs mères ! Comment, elles pensent que ce serait une honte que de laisser leur
pauvre petite poule mouillée sans forces gagner sa vie en travaillant honnêtement. Je n’ai
aucune pitié pour ces fils de riches.
Je me souviens de l’un d’entre eux à Niagara. Je crois que je me souviens d’un autre bien
plus proche. Je pense qu’il y a des messieurs présents qui ont assisté à un grand banquet,
et je demande pardon à ses amis. Lors de ce banquet, ici à Philadelphie, un jeune homme
au grand cœur, qui était assis à côté de moi, me dit :
— Monsieur Conwell, vous êtes malade depuis deux ou trois ans. Lorsque vous sortirez,
prenez ma limousine. Elle vous conduira chez vous sur Broad Street.
Je l’ai remercié avec effusion, et peut-être ne devrais-je pas mentionner l’incident de cette
façon, mais je ne fais que relater les faits. Je suis monté sur le siège à côté du chauffeur
de cette limousine, et pendant que nous roulions, je lui ai demandé :
En entendant cela, le chauffeur se mit à rire de si bon cœur qu’il perdit le contrôle de
la voiture. Il fut tellement surpris de ma question qu’il monta sur le trottoir et frôla un
lampadaire en redescendant. Lorsqu’il fut de nouveau dans la rue, il continua à rire jusqu’à
ce que l’auto tremble tout entière. Il dit :
— Lui, conduire cette voiture ! C’est tout juste s’il en sait assez pour en sortir lorsque nous
arrivons à destination.
Ce qu’il vous faut pour réussir, c’est du bon sens, pas de l’argent
Je dois aussi vous parler du fils d’un homme riche, à Niagara. Je revenais d’une confé-
rence à l’hôtel, et en m’approchant de la réception, je vis le fils d’un millionnaire de New
York. Il s’agissait d’un spécimen indescriptible d’impuissance anthropologique. Il avait une
calotte sur le côté du crâne, avec un gland doré sur le dessus. Il portait sous le bras une
canne avec un pommeau en or qui pesait plus que sa tête. Il est difficile de décrire un
être tel que ce jeune homme. Il portait un monocle à travers lequel il ne voyait rien, des
bottillons en cuir verni qui l’empêchaient de marcher, et des pantalons qui l’empêchaient
de s’asseoir : habillé comme une sauterelle. Ce criquet humain s’approcha de la récep-
tion alors que j’entrais, ajusta son monocle opaque et s’adressa ainsi au réceptionniste. Il
pensait parler un « langage châtié ».
Oh, le pauvre, le misérable, le méprisable petit singe américain ! Il n’était pas capable
de porter du papier et des enveloppes sur cinq mètres. J’imagine qu’il ne pouvait pas
baisser les bras pour le faire. Je n’éprouve aucune pitié pour de telles parodies de la
nature humaine.
Si vous ne possédez pas de capitaux, jeune homme, vous m’en voyez heureux. Ce qu’il
vous faut, c’est du bon sens, pas des pièces de monnaie.
Le Secret du Succès
La meilleure chose que je puisse faire est d’illustrer mon propos par des faits bien connus
de vous tous. A. T. Stewart, garçon pauvre de New York, possédait 15 euros pour se
lancer dans la vie. Il perdit la moitié dans sa toute première entreprise.
Heureux ce jeune homme qui perd la première fois qu’il joue. Le garçon se dit : « Jamais
plus je ne dilapiderai l’argent des affaires ». Et il ne le fit jamais plus.
Comment en vint-il à perdre la moitié de son argent ? Vous connaissez sans doute tous
son histoire : il acheta des aiguilles, du fil et des boutons pour les revendre, mais les gens
n’en voulaient pas. Ils lui restèrent sur les bras. Le garçon se dit : « Jamais plus je ne
perdrai d’argent de cette façon ».
Il commença ensuite par frapper chez les gens pour leur demander ce qu’il leur fallait.
Lorsqu’il eut trouvé ce qu’il leur fallait, il investit ce qui lui restait dans des articles pour
lesquels il y avait une demande. Étudiez le marché quelle que soit votre voie, dans les
affaires, votre profession, votre ménage, quelle que soit votre vie. C’est là le secret du
succès. Vous devez commencer par connaître la demande.
Vous devez découvrir d’abord ce dont ont besoin les gens, puis vous investir là où on a
le plus besoin de vous. A. T. Stewart partit de ce principe jusqu’à ce qu’il valut ce qu’on
chiffra par la suite à 40 millions de dollars, grâce au magasin dans lequel M. Wanamaker
poursuit son oeuvre admirable à New York. Il fit fortune en commençant par perdre, ce qui
lui apprit une grande leçon : il ne faut s’investir ou investir son argent que dans ce dont
les gens ont besoin.
Quand les vendeurs vont-ils l’apprendre ? Quand les fabricants vont-ils apprendre qu’ils
doivent connaître les besoins changeants de l’humanité pour réussir dans la vie ?
La meilleure illustration que j’aie jamais entendue est celle de John Jacob Astor. Vous
savez qu’il a fait la fortune de la famille Astor alors qu’il vivait à New York. Il avait traversé
l’océan en s’endettant pour payer son billet. Mais ce garçon pauvre, qui n’avait rien dans
les poches, fit la fortune de la famille Astor en partant d’un principe unique.
— Eh bien, on peut gagner une telle fortune à New York, mais pas chez moi !
Mes amis, n’avez-vous jamais lu le livre merveilleux de Riis dont nous honorons ici la
mémoire à la suite de son décès récent où il présente un exposé statistique du rapport,
concernant les 107 millionnaires de New York ? Si vous lisez le compte rendu, vous consta-
terez que sur ces 107 millionnaires, sept seulement ont fait fortune à New York même. Sur
les 107 millionnaires dont les biens immobiliers valaient à l’époque 100 millions d’euros,
67 ont fait fortune dans des villes de moins de 3.500 habitants. L’homme le plus riche
de ce pays, aujourd’hui, selon la valeur de ses biens immobiliers, n’a jamais quitté une
ville de 3.500 habitants. Ce qui importe, ce n’est pas tant où vous vous trouvez que ce
que vous êtes. Mais si vous ne pouvez pas vous enrichir à Philadelphie, vous ne pourrez
certainement pas le faire à New York.
Or, John Jacob Astor a apporté la preuve de ce qui peut se faire n’importe où. Une fois,
il avait pris une hypothèque sur un magasin de mode, et il n’arrivait pas à vendre suffi-
samment de chapeaux pour payer les intérêts. Alors, il a saisi le bien hypothéqué, pris
possession du magasin, conclu une association avec les mêmes gens, dans le même
magasin, avec les mêmes capitaux. Il ne leur a pas donné un seul euro de capital. Ils ont
dû vendre des marchandises pour avoir de l’argent.
Ensuite, il les a laissés seuls dans le magasin, comme ils étaient auparavant, et il est allé
s’asseoir sur un banc, dans le parc, à l’ombre. Que faisait là John Jacob Astor, associé à
des gens qui avaient échoué sous sa propre conduite ? Il détenait la partie la plus impor-
tante et, à mon avis, la plus agréable de cette association. Car, alors qu’il était assis sur
ce banc, John Jacob Astor observait les dames qui passaient. Et quel est l’homme qui
ne s’enrichirait pas à faire ainsi ? Il restait assis sur ce banc et si une dame passait, les
épaules rejetées en arrière et la tête bien droite, en regardant droit devant elle, comme si
elle se fichait que le monde entier la regarde, il étudiait son chapeau. Le temps qu’elle ait
disparu, il en connaissait la forme, la couleur de la passementerie et les plis de la plume.
Je m’efforce parfois de décrire un chapeau, mais je n’y arrive pas toujours. Je suis inca-
pable de décrire un chapeau moderne. Quel est l’homme qui pourrait le faire ? Comment
décrire cet entassement de fanfreluches collées à l’arrière de la tête ou sur le côté, faisant
songer à un coq auquel il ne resterait qu’une plume à la queue ?
Mais à l’époque de John Jacob Astor, la chapellerie féminine relevait de l’art. Il se rendit
dans le magasin de mode et dit aux employés :
— Mettez en vitrine le type de chapeau que je vais vous décrire, car j’ai vu une dame qui
les aime. N’en mettez pas d’autre jusqu’à ce que je revienne.
Ensuite, il sortit et s’assit de nouveau. Une autre dame passa avec un chapeau de forme,
de texture et de couleur différente.
Il ne remplissait pas sa vitrine du centre ville de chapeaux propres à faire fuir les gens
pour ensuite se plaindre parce que les dames allaient les acheter chez Wanamaker. Il
n’avait dans cette vitrine que des chapeaux que des dames allaient aimer avant même
qu’ils soient fabriqués.
Admettons que je parcoure cet auditoire ce soir et que je vous demande s’il n’y a pas de
possibilités de s’enrichir.
— Oh oui, me répond un jeune homme, il reste des possibilités ici si vous travaillez avec
confiance et que vous disposez de deux ou trois millions d’euros de capitaux pour com-
mencer.
— Jeune homme, l’histoire de la façon dont les trusts ont été cassés par les attaques
contre les grosses entreprises ne fait qu’illustrer les possibilités désormais ouvertes aux
petits. Jamais dans l’histoire du monde le moment n’a été aussi propice que maintenant
pour s’enrichir rapidement sans posséder de capitaux. Mais, me répondrez-vous, on ne
peut rien faire de la sorte. On ne peut pas démarrer sans capitaux.
— Jeune homme, laissez-moi illustrer mon propos. Je dois le faire. C’est mon devoir en-
vers tout jeune homme ou jeune fille, car nous allons tous nous lancer très bientôt en
affaires dans les mêmes termes. Jeune homme, sachez que si vous savez ce dont ont
besoin les gens, vous disposez de davantage de connaissances en vue de faire fortune
que ce que vous apporteront des capitaux, quelle qu’en soit la somme.
Il y avait un pauvre homme sans travail qui vivait à Hingham, dans le Massachusetts.
Il restait à flâner autour de la maison jusqu’à ce qu’un jour sa femme lui dise de partir
travailler et, comme il vivait dans le Massachusetts, il obéit à sa femme. Il partit, s’assit
au bord de la baie et tailla un morceau de bois au couteau pour en faire une chaîne. Ce
soir-là, ses enfants se battirent pour avoir la chaîne, et il en tailla une deuxième pour faire
la paix. Alors qu’il taillait la deuxième chaîne, un voisin vint le voir et lui demanda :
— Pourquoi ne tailles-tu pas des jouets au couteau pour les vendre ? Tu pourrais gagner
de l’argent ainsi.
— Pourquoi ne demandes-tu pas à tes enfants, dans ta propre maison, ce que tu peux
faire ?
— À quoi cela servirait-il d’essayer ? rétorqua le menuisier. Mes enfants sont différents de
ceux des autres.
(J’ai rencontré des personnes comme celle-ci à l’époque où j’enseignais.) Mais il suivit le
conseil qu’on lui avait donné. Le lendemain matin, quand Mary descendit l’escalier, il lui
demanda :
Elle commença à lui dire qu’elle aimerait avoir un lit de poupée, une console de toilette
pour poupée, un petit parapluie de poupée, et continua d’égrener une liste d’objets qu’il
Ainsi, ayant consulté ses propres enfants dans sa propre maison, il prit le bois pour le feu,
car il n’avait pas d’argent pour acheter du bois d’œuvre, et tailla au couteau les jouets de
Hingham, robustes et non peints, qui furent célèbres dans le monde entier pendant de
nombreuses années.
Cet homme commença par faire ces jouets pour ses propres enfants, puis il en exécuta
des copies qu’il vendit par l’intermédiaire d’un magasin de chaussures voisin. Il commença
à gagner un peu d’argent, puis un peu plus. M. Lawson, dans Frenzied Finance, affirme
qu’il est maintenant l’homme le plus riche du Massachusetts, et je pense que c’est vrai.
Cet homme, qui vaut aujourd’hui 100 millions d’euros, a oeuvré pendant 34 ans, seulement
en se fondant sur le principe selon lequel ce que ses enfants aiment chez lui, les enfants
d’autres gens l’aimeront aussi chez eux. Juger du cœur humain par soi-même, par sa
femme ou par ses enfants est la voie royale du succès en matière de fabrication. Mais,
me direz-vous, n’avait-il aucun capital ? Si, il avait un canif, et il l’avait peut-être emprunté !
J’ai parlé ainsi à un auditoire à New Britain, dans le Connecticut. Une femme qui m’avait
écouté, assise au quatrième rang, est revenue chez elle et a essayé d’enlever son col. Le
bouton restait coincé dans la boutonnière. Elle l’a jeté et a déclaré :
— Après ce qu’a dit Conwell ce soir, tu vois qu’il existe un besoin d’améliorer les attaches
des cols, pour qu’elles soient plus faciles à manier. Allez, invente un bouton de col et
enrichis-toi.
Il se moquait d’elle, puis il se moqua de moi, et c’est là l’une des choses les plus tristes
qui m’arrivent parfois, comme un nuage épais au milieu de la nuit, bien que j’aie travaillé
dur pendant plus de cinquante ans, en accomplissant pourtant si peu de choses.
Malgré vos compliments généreux ce soir, je ne pense pas qu’un sur dix d’entre vous va
gagner un million d’euros du fait qu’il est venu m’écouter. Mais ce n’est pas de ma faute ;
c’est de la vôtre. Je l’affirme sincèrement.
À quoi cela me sert-il de parler si les gens ne font jamais ce que je leur conseille de faire ?
Lorsque son mari l’a ridiculisée, elle a décidé qu’elle inventerait un meilleur bouton de col,
et lorsqu’une femme se décide, elle a de la volonté. Elle ne dit rien et elle agit. C’est cette
femme de Nouvelle-Angleterre qui a inventé le bouton-pression qu’on trouve partout de
nos jours. Il s’agit du premier bouton de col muni d’un ressort fixé de l’autre côté.
Tous ceux d’entre vous qui portent des blousons modernes connaissent le bouton sur
lequel on appuie simplement pour le fermer et qu’on tire pour l’ouvrir. C’est le bouton dont
je parle et qu’elle a inventé.
Par la suite, elle a inventé plusieurs autres boutons, elle a investi dans d’autres, et elle
s’est associée à de grandes usines.
Désormais, cette femme part sur la mer tous les étés sur son yacht privé — c’est la vérité
et elle emmène son mari avec elle !
Or, quelle leçon puis-je tirer de cette histoire ? La leçon est la suivante : je lui ai dit alors,
bien que je ne la connusse point, ce que je vous dis à l’instant : « Votre possibilité de vous
enrichir est également près de vous. Vous avez les yeux dessus ». Et elle avait vraiment
les yeux dessus, car elle se trouvait directement sous son menton.
J’ai lu dans le journal que les femmes n’ont jamais rien inventé. Eh bien, ce journal est
mal informé. Bien entendu je ne me réfère pas à des racontars, je parle de machines et
dans ce cas, je ferais mieux d’inclure les hommes. Ce journal n’aurait jamais pu paraître
si les femmes n’avaient pas inventé quelque chose.
Pensez, mes amis. Songez, femmes ! Vous prétendez que vous ne pouvez pas faire for-
tune parce que vous travaillez dans une blanchisserie, que vous faites fonctionner une
machine à coudre, peut-être, que vous êtes devant un métier à tisser, et pourtant, vous
pouvez devenir millionnaires si vous ne faites que suivre cette voie pratiquement infaillible.
Lorsque vous affirmez que les femmes n’inventent rien, je vous demande : qui a inventé
le métier jacquard qui a tissé toutes les mailles que vous portez ? Mme Jacquard. Le
rouleau de presse, la presse à imprimer ont été inventés par des femmes d’agriculteurs.
Qui a inventé l’égreneuse à coton du Sud qui a tellement enrichi notre pays ? C’est la
générale Greene qui a inventé l’égreneuse à coton et qui en a donné l’idée à M. Whitney.
Celui-ci, comme tout homme, l’a exploitée. Qui a inventé la machine à coudre ? Si j’allais
à l’école demain et que je demandais aux enfants, ils me répondraient : « Elias Howe ».
Elias Howe a fait la guerre de Sécession avec moi. Il était souvent dans ma tente, et je l’ai
fréquemment entendu dire qu’il a travaillé quatorze ans pour mettre au point la machine
à coudre.
Mais sa femme a décidé un jour qu’ils mourraient de faim si quelque chose n’était pas in-
venté rapidement. Ainsi, en deux heures, elle a inventé la machine à coudre. Évidemment,
il a pris le brevet à son nom. Les hommes agissent toujours ainsi.
Qui a inventé la faucheuse et la moissonneuse ? Selon une communication confidentielle
de M. Mc Cormick, récemment publiée, c’est une femme de Virginie de l’Ouest qui, après
que son père n’eût pas réussi à fabriquer une moissonneuse et en eût abandonné l’idée,
prit plusieurs cisailles, qu’elle cloua ensemble sur le bord d’une planche, une branche de
chaque paire étant laissée libre, et qui les attacha avec du fil de fer de telle façon que
lorsqu’elle tirait le fil de fer d’un côté, elles se fermaient, et lorsqu’elle le tirait de l’autre
côté, elles s’ouvraient. Le principe de la faucheuse avait été inventé.
Si vous observez une faucheuse, vous constaterez qu’il ne s’agit que d’une série de ci-
sailles. Si une femme peut inventer une faucheuse, si une femme peut inventer un métier
jacquard, si une femme peut inventer une égreneuse à coton, si une femme peut inven-
ter un interrupteur de caténaires ce qui a été le cas et ce qui a permis aux trolleybus
de fonctionner, si une femme peut inventer, comme l’a affirmé M. Carnegie, les grandes
presses d’acier qui sont à la base des millions gagnés dans la sidérurgie aux États—Unis,
« nous les hommes » pouvons inventer n’importe quoi sur cette Terre ! Je dis cela pour
encourager les hommes.
Qui sont les grands inventeurs du monde ? Une fois encore, la leçon s’impose à nous. Le
grand inventeur est tout à côté de vous, ou c’est même vous. « Mais, me rétorquerez-
vous, je n’ai jamais rien inventé de ma vie ». Les grands inventeurs non plus, jusqu’à ce
qu’ils découvrent un grand secret. Pensez-vous qu’il s’agisse d’hommes ayant une grosse
tête ou la rapidité de l’éclair ?
Ce n’est ni l’un ni l’autre. Le véritable grand homme est un homme ordinaire, simple, franc,
direct, un homme de bon sens. Vous n’imagineriez pas qu’il est un grand inventeur si vous
ne voyiez pas quelque chose qu’il a effectivement réalisé. Ses voisins ne le considèrent
pas comme si formidable que cela. On ne voit jamais quelque chose de formidable à côté
de chez soi. Vous prétendez qu’il n’y a rien de formidable chez vos voisins. La grandeur
est toujours loin, autre part. La grandeur de ces hommes est tellement simple, ordinaire,
sincère et pratique que les voisins et les amis ne la reconnaissent jamais !
La véritable grandeur est souvent méconnue. C’est une certitude. Vous ne connaissez rien
à propos des hommes et des femmes les plus grands. J’ai entrepris d’écrire la biographie
du général Garfield. Un voisin savait que j’étais pressé. Comme il y avait une grande foule
autour de la porte de devant, il m’a fait passer par la porte de derrière et a crié :
— Jim, Jim !
Et très vite, « Jim » est venu à la porte et m’a laissé entrer. J’ai ainsi écrit la biographie
d’un des plus grands hommes de la nation, et pourtant, c’était toujours le même bon vieux
« Jim » pour ses voisins. Si vous connaissiez un grand homme à Philadelphie et que vous
deviez le rencontrer demain, vous lui diriez : « Comment vas-tu, Sam ? » ou « Bonjour,
Jim ». Cela est évident. C’est exactement ce que vous feriez.
— Le bureau du Président est juste là. Vous n’avez qu’à frapper et à entrer.
Mes amis, je n’ai jamais été aussi déconcerté de ma vie, jamais. Le secrétaire m’avait
rendu les choses encore plus pénibles, car il m’avait dit d’entrer avant de sortir lui-même
par une porte latérale, à gauche, qu’il a fermée. Et j’étais là, seul dans ce vestibule devant
la porte du Président des États-Unis d’Amérique. J’avais été sur des champs de bataille,
où les obus m’ont parfois sifflé aux oreilles et où les balles m’ont parfois atteint, mais j’ai
toujours eu envie de m’enfuir. Je ne porte aucune sympathie au vieil homme qui affirme :
— Je peux aussi bien marcher vers la bouche des canons qu’avaler mon repas.
Je n’ai pas confiance en un homme qui ne connaît pas assez les choses pour avoir peur
lorsqu’on lui tire dessus. Je n’ai jamais eu aussi peur, alors que les obus tombaient autour
de nous à Antietam, que ce jour-là en entrant dans cette pièce.
Mais j’ai fini par prendre mon courage à deux mains, je ne sais pas comment j’ai fait, et
par frapper à la porte à bout de bras. L’homme à l’intérieur ne m’est pas venu en aide,
mais il a crié :
— Entrez et asseyez-vous !
Je suis entré et me suis assis au bord d’une chaise, rêvant d’être loin en Europe, et
l’homme à la table n’a pas levé les yeux.
C’était l’un des plus grands hommes du monde, et une seule règle en faisait un grand
homme. Oh, si tous les jeunes gens de Philadelphie se trouvaient devant moi maintenant,
je pourrais ne dire que cela, et ils s’en souviendraient. Je donnerais une vie entière pour
l’effet que cela aurait sur notre ville et sur notre civilisation.
Le principe de la grandeur d’Abraham Lincoln peut être adopté par presque quiconque.
Telle était sa règle : quoi qu’il eût à faire, il s’y consacrait tout entier et s’y tenait jusqu’à
ce que ce soit terminé. Il restait fixé sur ses papiers, sur son bureau, et ne levait pas les
yeux vers moi. Je restais assis là, en tremblant.
Finalement, lorsqu’il eut mit ses papiers en liasse, il les repoussa sur un côté, me regarda,
et un sourire illumina ses traits tirés. Il dit :
— Je suis un homme très occupé et n’ai que quelques instants à vous accorder. Mainte-
nant, dites-moi en quelques mots quel est l’objet de votre visite.
— Je connais toute la question. Vous n’avez pas besoin d’en dire davantage. Mr Stanton
m’en parlait il y a quelques jours à peine. Vous pouvez rentrer à votre hôtel. Je vous assure
que le Président n’a jamais signé un arrêt pour faire tuer un garçon de moins de vingt ans
et qu’il ne le fera jamais. Vous pouvez l’annoncer à sa mère.
Ensuite, il me demanda :
Je répondis :
— Ça va. Nous allons gagner maintenant. Nous sommes très près du bout du tunnel.
Personne ne devrait envier la place de Président des États-Unis, et je serai heureux quand
j’en aurai fini.
Ensuite, Tad et moi nous rentrons à Springfield, dans l’Illinois, j’y ai acheté une ferme et
je me fiche de ne gagner de nouveau que 25 cents par jour. Tad possède un attelage de
mules, et nous allons planter des oignons.
Ensuite, il me demanda :
Je répondis :
— J’ai entendu dire de nombreuses fois, depuis que je suis jeune, que là-bas dans les
collines, vous devez affûter le museau des moutons pour qu’ils puissent atteindre l’herbe
entre les pierres.
Il était si familier, si ordinaire, si paysan, que je me suis senti immédiatement à l’aise avec
lui.
— Bonne matinée.
Je compris, me levai et sortis. Après être sorti, je n’arrivais pas à imaginer que j’avais vu le
Président des États-Unis. Mais quelques jours plus tard, alors que je me trouvais toujours
en ville, je vis la foule traverser la Salle de l’Est et passer devant le cercueil d’Abraham
Lincoln. Lorsque je regardai le visage renversé du Président assassiné, j’eus le sentiment
que l’homme que j’avais vu peu de temps auparavant, si simple, si ordinaire, était l’un des
plus grands hommes que Dieu ait jamais porté à la tête d’une nation pour la conduire à la
liberté ultime.
Pourtant, il n’était que « ce bon vieux » Abe » pour ses voisins. Lors de ses funérailles, je
fus invité parmi d’autres et j’allai voir le même cercueil porté en terre à Springfield. Autour
du tombeau se tenaient les anciens voisins de Lincoln, pour lesquels il n’était que « ce
bon vieux Abe ». Bien entendu, il n’était que cela à leurs yeux.
Avez-vous jamais vu un homme qui se pavane tellement qu’il ne remarque même pas un
mécanisme ordinaire ? Pensez-vous qu’il ait de la grandeur ? Il n’est qu’un ballon gonflé,
retenu au sol par ses grands pieds. Il n’y a aucune grandeur en lui.
Qui sont les grands hommes et les grandes femmes ? Mon attention a été attirée l’autre
jour par une toute petite chose qui a fait la fortune d’un homme très pauvre. C’était une
chose terrible, et pourtant, en raison de cette expérience, lui qui n’était pas un grand in-
venteur ou un génie a inventé l’épingle qu’on appelle maintenant épingle de sûreté. Grâce
à celle-ci, il a fait la fortune de l’une des grandes familles aristocratiques de ce pays.
Un pauvre homme du Massachusetts qui travaillait dans une clouterie avait été blessé à
l’âge de 38 ans et ne pouvait gagner que peu d’argent. Il était employé dans un bureau
à effacer les marques laissées sur les factures par des notes écrites au crayon. Il maniait
la gomme jusqu’à ce que sa main se fatigue. Il eut alors l’idée de fixer un morceau de
caoutchouc au bout d’un bâton et de s’en servir comme d’un rabot. Sa petite fille vint le
voir et s’exclama :
— Ma fille m’a affirmé, lorsque j’ai pris ce bâton et que j’ai mis un morceau de caoutchouc
au bout de celui-ci, qu’il y avait un brevet à prendre. Ça a été la première fois que j’y ai
pensé.
Chacun d’entre vous qui a une gomme au bout de son crayon paie désormais tribut à ce
millionnaire. Il n’a pas investi de capitaux, pas un seul cent. Il n’a reçu que des revenus,
se chiffrant en millions d’euros.
Montrez-moi les grands hommes et les grandes femmes qui vivent dans votre ville.
— Nous n’avons pas de grands hommes. Ils ne vivent pas ici. Ils vivent loin, à Rome,
Saint-Pétersbourg, Londres ou Manayunk, ou n’importe où ailleurs, sauf ici, dans notre
ville.
J’en suis venu au cœur même de la question et au centre de ma lutte : pourquoi votre
ville n’est-elle pas une plus grande ville dans sa plus grande richesse ? Il n’y a qu’une
seule réponse : c’est parce que nos concitoyens disent du mal de leur propre ville. S’il y
a jamais eu de communauté dans ce monde qu’il soit nécessaire de pousser en avant,
c’est bien votre ville. Si nous voulons construire un boulevard, dites-en du mal. Si nous
souhaitons obtenir de meilleures écoles, dites-en du mal. Si vous voulez une législation
avisée, dites-en du mal. Dites du mal de toutes les améliorations qui seront proposées.
C’est le seul grand tort que je puisse imputer à cette ville, qui a eu en toutes circonstances
tant de bontés pour moi. Je déclare qu’il est temps que nous nous bougions dans notre
ville, que nous commencions à dire du bien de ce qui se trouve dans cette ville et que nous
commencions à l’affirmer avant que le reste du monde ne le fasse, comme les habitants
de Chicago, de New York, de Saint-Louis et de San Francisco. Oh, si seulement nous
pouvions insuffler un tel esprit parmi nos gens et soutenir que nous pouvons faire des
choses à Philadelphie, et les faire bien !
Debout, millions de citoyens, ayez confiance en Dieu et en l’homme et donnez foi aux
grandes possibilités qui se trouvent ici même, pas à New York ou à Boston, mais ici, en
matière de commerce et de tout ce qui vaut la peine d’être vécu sur Terre.
Jamais les possibilités n’ont été plus grandes. Disons du bien de notre ville.
Mais il y a deux autres jeunes hommes ici ce soir, et c’est tout ce que je vais m’aventurer
à dire, car il est trop tard. L’un d’eux, là-bas, se lève et dit :
— Jeune homme, n’allez-vous pas apprendre de leçon à propos des premiers éléments
de la politique, qui soit un commencement de preuve de la mesquinerie d’un poste sous
notre type de gouvernement ?
De grands hommes sont parfois élus, mais ce dont a besoin ce pays, c’est d’hommes qui
feront ce que nous leur dirons de faire. Cette nation, où c’est le peuple qui fait la loi, est
gouvernée par le peuple et pour le peuple et, tant qu’il en sera ainsi, l’élu ne sera que
le serviteur du peuple. La Bible affirme d’ailleurs que le serviteur ne peut être supérieur
au maître. La Bible dit : « Celui qui est envoyé ne peut être plus grand que Celui qui l’a
envoyé ». Le peuple gouverne ou devrait gouverner, et, dans ce cas, nous n’avons pas
besoin de grands hommes comme élus.
Je connais un grand nombre de jeunes femmes, maintenant que les femmes vont avoir le
droit de vote, qui affirment : « Un jour, je serai Président des États-Unis ». Je crois dans le
vote des femmes ; il ne fait pas de doute qu’il est imminent, et je m’incline, de toute façon.
Il se peut que je brigue un poste pour moi-même, mais si l’ambition d’un poste influence
les femmes dans leur désir de voter, je tiens à préciser ici ce que j’affirme aux jeunes
femmes : que si l’on n’obtient que le privilège de voter, on n’obtient rien qui en vaille la
peine. À moins d’être en mesure de commander plus d’un vote, vous restez un inconnu et
votre influence est tellement dispersée qu’on ne la sent pratiquement pas. Ce pays n’est
pas régi par les votes. Pensez-vous qu’il le soit ?
Il est régi par l’influence. Il est régi par l’ambition et par les entreprises qui commandent les
votes. La jeune femme qui est convaincue qu’elle va voter pour obtenir un poste commet
une terrible bévue.
— Vraiment ? Et quand ?
— Lorsqu’il y aura une grande guerre, lorsque nous aurons des problèmes à force d’obser-
ver patiemment la situation au Mexique, lorsque nous serons en guerre contre l’Angleterre
en raison d’un contrat frivole, ou contre le Japon, la Chine, le New Jersey ou quelque pays
lointain. Alors, je marcherai au pas vers la bouche des canons, je me glisserai vers les
baïonnettes étincelantes, je descendrai dans l’arène, j’arracherai le drapeau et l’emporte-
rai triomphalement, je reviendrai chez moi avec des étoiles sur les épaulettes, j’obtiendrai
tous les postes au nom de la nation et j’aurai la grandeur.
Non, il n’en sera pas ainsi. Vous pensez que vous serez grandi par une charge, mais
souvenez-vous que si vous n’avez pas déjà la grandeur avant d’obtenir cette charge, vous
ne l’aurez pas non plus après l’avoir obtenue. Ce ne sera qu’une caricature sous cette
forme.
Nous avons eu un jubilé de la paix ici après la guerre d’Espagne. Certains d’entre vous
ont assisté au défilé qui a remonté Broad Street. Je n’y étais pas, mais ma famille m’a
écrit que la voiture qui transportait le lieutenant Hobson s’est arrêtée juste devant la porte
principale et que les gens se sont mis à crier : « Vive Hobson ¡‘. Si j’avais été là, j’aurais
crié aussi, car il mérite nettement davantage de son pays que ce qu’il n’en a jamais reçu.
Mais admettons que je me rende dans une école et que je demande : « Qui a coulé le
Merrimac à Santiago ? » et que les enfants me répondent : « Hobson », ils me diraient
les sept huitièmes d’un mensonge. Il y avait sept autres héros sur ce vapeur, qui, étant
donné leur position, étaient continuellement exposés au feu espagnol, alors qu’Hobson,
en tant qu’officier, était sans doute retranché derrière la cheminée. Vous avez rassemblé
dans cette maison vos sujets les plus brillants et cependant, il n’y a sans doute pas l’un
d’entre eux qui puisse nommer les sept autres hommes.
Nous ne devrions pas enseigner l’histoire. Nous devrions apprendre que, quelle que soit
l’humilité de la situation d’un homme, s’il fait vraiment son devoir là où il se trouve, il a
autant droit aux honneurs du peuple américain que le roi sur son trône.
Mais ce n’est pas ce que nous enseignons. Nous apprenons partout, actuellement, que
ce sont les généraux qui font tous les combats.
Je me souviens, après la guerre, d’être allé voir le général Robert E. Lee, ce superbe gent-
leman chrétien dont le Nord et le Sud sont également fiers désormais, à titre d’Américain
éminent.
Le général m’a parlé de son serviteur, Rastus, qui était un Noir engagé. Il l’avait appelé
un jour pour se moquer de lui et lui avait dit : Rastus, j’entends dire que le reste de ta
compagnie s’est fait tuer. Pourquoi ne t’es-tu pas fait tuer » ?
Je me souviens d’une autre illustration. Je n’en parlerais pas, sauf que lorsqu’on se rend
à la bibliothèque pour lire ce cours, on constate que ce que j’affirme y est imprimé depuis
25 ans. Je ferme les yeux, je les ferme vraiment fort et je vois les visages de ma jeunesse.
Oui, ils me disent parfois :
— Tes cheveux ne sont pas blancs. Tu travailles jour et nuit sans jamais sembler t’arrêter !
Tu ne peux pas être vieux.
Mais lorsque je ferme les yeux, comme tout autre homme de mon âge, voilà qu’appa-
raissent en groupe les visages de ceux que j’ai aimés et perdus il y a longtemps, et je
sais, quoi qu’on puisse dire, que c’est le soir.
mais j’étais le capitaine de cette compagnie et bouffi d’orgueil. Une aiguille m’aurait fait
éclater en morceaux. J’ai ensuite pensé que cet événement était le plus important qu’un
homme ait connu sur Terre. Si vous avez jamais songé que vous aimeriez être roi ou reine,
faites-vous recevoir par le maire.
Les fanfares jouaient et tout le monde s’avançait pour nous accueillir. Je marchais au pas
sur le terrain communal, fier comme Artaban, à la tête de mes troupes, puis nous nous
dirigeâmes vers la mairie. Là, on assit mes soldats à proximité de l’allée centrale et je
m’assis au premier rang. Une grande assemblée de cent ou deux cents personnes vint
remplir la mairie. Ils étaient debout tout autour de nous. Ensuite, les représentants de la
ville arrivèrent et formèrent un demi-cercle. Le maire s’assit au milieu de l’estrade.
C’était un homme qui n’avait jamais occupé cette charge auparavant, mais c’était un
homme bon, et ses amis m’ont affirmé que je pouvais le dire sans les offenser. C’était
un homme bon, mais qui pensait que sa charge lui donnait de la grandeur. Il vint et prit
son siège, ajusta ses grandes lunettes et regarda autour de lui.
Soudain, il m’aperçut, assis au premier rang. Il vint directement à moi sur l’estrade et
m’invita à prendre place parmi les représentants de la ville. Aucun de ces représentants
n’avait jamais pris garde à moi avant que je parte à la guerre, sauf pour conseiller à
l’instituteur de me donner une bonne correction, et maintenant j’étais invité à monter sur
l’estrade avec eux. Mon Dieu ! Le maire était alors l’empereur, le roi de la journée et de
l’époque. Lorsque je montai sur l’estrade, on me donna une chaise placée tout près de
l’avant.
Lorsque je fus assis, le président des conseillers municipaux se leva et s’avança jusqu’à
la table. Nous pensions tous qu’il allait présenter le ministre congrégationiste, qui était le
seul orateur de la ville, et que celui-ci allait prononcer un discours solennel en l’honneur
des soldats revenus de la guerre.
Mais, mes amis, vous auriez dû voir la surprise qui parcourut l’auditoire lorsqu’il découvrit
que le vieux bonhomme allait prononcer le discours lui-même. Il n’avait jamais pronon-
cé de discours de sa vie, mais il commit la même erreur qu’ont commise des centaines
d’autres hommes.
Il semble étrange qu’un homme ne sache pas qu’il doive apprendre à parler lorsqu’il est
jeune s’il a l’intention de devenir orateur quand il sera vieux, mais il semblait à celui-ci qu’il
lui suffisait d’occuper une charge pour être un grand orateur.
Il s’avança donc, prenant avec lui le texte d’un discours qu’il avait appris par cœur en
faisant des allers et retours dans le pâturage, où il avait effrayé le bétail. Il emporta le
texte de son dis-cours avec lui et l’étala sur la table pour être sûr de bien le voir. Il ajusta
ses lunettes, se pencha un moment sur son discours, revint sur l’estrade et s’avança d’un
pas lourd.
Il avait dû beaucoup étudier sa prestation, quand on y pense, car il prit une attitude in-
carnant l’éloquence. Il s’appuya lourdement sur le talon gauche, rejeta les épaules en
arrière, avança légèrement le pied droit, ouvrir l’organe de la parole et mit le pied droit à
un angle de 45 degrés. Il prit cette attitude incarnant l’éloquence, mes amis, et c’est ainsi
que démarra son discours. Certains me diront : « Mais n’exagérez-vous pas ? » Cela
semble impossible. Cependant, je suis ici pour faire la leçon, pas pour l’histoire. Donc, il
commença ainsi :
— Chers concitoyens…
Dès qu’il entendit le son de sa propre voix, ses doigts se mirent à bouger, ses genoux à
trembler, puis son corps entier fut agité d’un tremblement. Il s’étrangla, avala sa salive et
fit le tour de la table pour jeter un oeil au texte. Ensuite, il se ressaisit et, les poings serrés,
recommença.
Nous sommes très heureux d’accueillir dans leur ville natale ces soldats qui ont combat-
tu et perdu leur sang.., et qui sont revenus dans leur ville natale. Nous nous félicitons…
Nous nous félicitons… Nous nous félicitons particulièrement d’avoir avec nous aujour-
d’hui ce jeune héros (c’était moi), ce jeune héros que dans notre imagination (mes amis,
souvenez-vous qu’il a dit cela : s’il n’avait pas dit « dans notre imagination », je ne serais
pas suffisamment imbu de moi-même pour en parler), ce jeune héros que dans notre ima-
gination, nous avons vu commander.., nous avons vu commander… commander. Nous
l’avons vu commander ses troupes pour percer les lignes ennemies. Nous avons vu son
épée… nous avons vu son épée… son épée… son épée étincelante briller au soleil alors
qu’il criait à ses troupes : « En avant ! »
Oh, mon Dieu ! Que ce pauvre homme connaissait mal la guerre. S’il avait su ce que
n’importe lequel de mes camarades présents ici ce soir pourront vous dire : que c’est
pratiquement un crime pour un officier d’infanterie, au moment du danger, que de se porter
à l’avant de ses hommes. Avec son épée étincelante brillant au soleil, il criait à ses troupes :
« En avant ¡‘.
Je n’ai jamais fait cela. Pensez-vous que j’irais me mettre à l’avant de mes hommes pour
me faire tirer dessus depuis le front par les ennemis et depuis l’arrière par mes propres
soldats ? Cela n’est pas la place d’un officier. La place d’un officier, au moment d’une
bataille, c’est derrières les lignes. Combien de fois, en tant qu’officier d’état-major, ai-je
parcouru les lignes, à l’instant où nos hommes étaient soudainement appelés sur le front
et que les cris des insurgés sortaient des bois, pour crier : « Les officiers à l’arrière ! Les
officiers à l’arrière ! »
Alors, tous les officiers se mettaient derrière la ligne formée par les simples soldats. Plus
un officier avait un rang élevé, plus il se mettait en arrière. Non pas qu’il fût moins coura-
geux, mais parce que les lois de la guerre l’exigent.
Et pourtant, le vieux bonhomme criait : « Avec son épée étincelante…“. Dans cette as-
semblée se tenaient mes soldats, qui avaient fait traverser à un garçon les rivières de
Caroline pour lui éviter de se mouiller les pieds. Certains d’entre eux s’étaient rendus très
loin pour trouver un cochon ou un poulet. Certains avaient trouvé la mort sous les pins arro-
sés par les obus, dans les montagnes du Tennessee, et pourtant, ils étaient pratiquement
méconnus dans le discours du brave homme.
Il avait fait allusion à eux, mais de manière secondaire. Le héros du jour était ce garçon.
La nation lui devait-elle quelque chose ? Non, ni à l’époque ni maintenant. Pourquoi était-
il le héros ? Simplement parce que cet homme avait commis l’erreur humaine courante
de penser que ce garçon avait de la grandeur du fait qu’il était officier et que les autres
n’étaient que de simples soldats.
Oh, j’ai alors appris une leçon que je n’oublierai jamais tant que le battant de la cloche
du temps continuera de battre pour moi. La grandeur consiste non pas à occuper une
charge quelconque à l’avenir, mais à réaliser de grandes actions avec peu de moyens et
à accomplir de vastes choses en toute simplicité.
Pour atteindre à la grandeur, il faut être éminent ici, maintenant, chez vous. Celui qui
peut donner à cette ville de meilleures rues, de meilleurs trottoirs, de meilleures écoles
et davantage de lycées, davantage de bonheur, davantage de civilisation, davantage de
Dieu, celui-là sera grand n’importe où.
Au cas où vous ne me reverriez plus, vous tous qui êtes présents ici, rappelez-vous ceci : si
vous souhaitez atteindre à une quelconque grandeur, vous devez commencer là où vous
êtes et avec ce que vous avez, maintenant. Celui qui peut faire don à sa ville d’un bienfait,
celui qui peut être un bon citoyen en vivant ici, celui qui peut construire de meilleures
maisons, celui qui peut être une bénédiction, qu’il travaille à l’atelier, derrière un comptoir
ou à la maison, quelle que soit sa vie, celui qui peut atteindre à la grandeur où qu’il soit
doit, d’abord y parvenir dans sa propre ville.
Credits
Le Club Positif de Christian Godefroy espère que vous avez apprécié la lecture de ce livre
de développement personnel.
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Bien amicalement,
Le Club Positif