Manuel D'épictète Texte Grec (... ) Épictète (0050 - 0130) bpt6k5542549w
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FRANÇAISE EN REGARD
HUITIEME EDITION
PARIS
^X- IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE CLASSIQUES
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DELALAIN FRÈRES
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115, BOULKYARDSAINT-GERMAIN* 1 15
Toule contl'e/açon sera poursuivie conformément aux
lois; tous les exemplaires sont revêtus de notre griffe.
^INTRODUCTION.
IL Philosophie d'Épictète.
1.Discours, 1,0.
.
2, Discours, 1,14.
% De Natum Deorum, 1.15.
— IX —
du langage est plus poétique, et si le mot do destinée
ne disparaît pas, ni la chose non plus, du moins est-il
plus souvent question de Providence, c C'est Dieu qui a
réglé quo, pour l'harmonio de l'univers, il y aurait des
étés et des hivers...l. < Il faut louer la Providence de tout
ce qui arrive dans le mondo. « Si Jupiter envoie tels ou
tels événements, il a aussi donné à l'homme toutes les
forces nécessaires pour les supporter, et ces forces il les a
données libres, indépendantes, affranchies do toulo con-
trainte extérieure; il les à mises à notre disposition com-
plète, sans se réserver à lui-môme la puissance de les en»
traver on de leur faire obslaclo 3. »
En un mot, tout procède de Dieu, et la parenté qui unit
l'homme à Dieu est la plus étroite de toutes. Mais est-co
seulement pour un temps quo l'homme éprouve les effets do
celte parenté ? et celte Providenco lui réserve-t-ollo autro
chose que la jouissance de la vie actuelle? Ici Épiclète ne
nous laisse malheureusement aucun doute. L'homme ost
destiné à mourir comme les épis à être coupés, comme les
feuilles à tomber; et celle mort est si naturelle, si néces-
saire par conséquent, qu'il serait superflu, injuste mémo
de rien rechercher au delà d'elle. Épiclète, à la vérité,
semble bien, en plusieurs circonstances, distinguer l'âme
du corps, ce qui dirige de ce qui est dirigé, ce qui com-
mande de ce qui obéit; et il semble encore qu'à la mort
les destinées de l'un et de l'antre lui apparaissent commo
distinctes. — « On te jettera sans sépulture I —J'y serai
jeté en effet si mon cadavre osl moi ; mais si je suis autro
chose que mon cadavro, parlo d'une façon plus justo, dis
ce qui est réellement et ne cherche pas à me faire peur 3. >
Quo devient donc ce quelque chose qui est autre quo lo
cadavre? Ici Épiclète ne s'explique pas davantage ; mais il
est évident qu'il avait retenu eur ce point, comme sur
presque tous los autres, la vratedoctrino du stoïcisme Les
âmes sont des étincelles détachéos du feu divin, des étin-
celles un peu plus riches quo les autres; elles no périront
pas : car en ce monde rien ne périt, la matière propre-
1. Discours, 1,1?.
2. Discours, 1,8.
3. Discours,'IV, 7.
ment dito npn plus ne périt pas. Mais tout changé ineei* ;;
samment dé forme, parce que tout entre dans des combi-
naisons toujours nouvelles, et, par conséquent, ce que nous
appcjbns la personnalité humaine n'existe plus après la.
mort-Mais laissons parler le philosophe; les nuances sont
ici tellement délicates que la meilleure manière d'exposer
est do traduire.
« Tu t'en iras vers des chosos amies et do même genre
que toi. Tout ce qu'il y avait de feu en toi ira vers lo
feu; tout co qu'il y avait de terre vers la terre. Point
d'enfer, point d'Achéron : tout est peuplé de dieux et do
génies 1. »
« Mais voici le moment de mourir. — Que dis-tu do
mourir? Ne grossis pas les choses d'une manière théâtrale;
dis que voici îo moment où ma substance va se décompo-
ser dans les éléments dont elle est composée. Et qu'y a-t-il
là de si terrible? Est-il donc rien qui doive périr dans co
mondoa?»
« 11 n'y a dans tout cela que des transformations des
choses les unes dans los autres; il n'y a pas d'anéanlisse-
monl. Ordre, règle, disposition de l'ensemble, voilà toul
ce qu'il y a là. 11 n'y a pas autre chose dans la mort : co
n'est qu'un grand changement. L'être actuel s'y change, non
pas en non-être, mais en quelque chose qui n'est pas
actuellement. —- Est-ce dono que je ne serai plus?—:
Si, tu seras; mais tu seras quelque autre chose dontlot
monde aura besoin en ce moment. Tu n'es pas né enjF
effet quand tu l'as voulu, mais quand le monde a eu besoin ~
do toi *» >
Ainsi notre destinée, celle du moins donl nos personnes
libres ont lo souci tant quo dure la forme propro à la vie
,
humaine, cette destinée n'a qu'un temps. • Jo suis une
partie du grand Tout, comme l'heure est uno parlio du
jour. Il faut quo je, vienne comme vient l'heure, et que
je passe commo elle*. »< Mais pendant cette vie, quel est
dono le devoir de l'homme ? De comprendre autant qu'il le
1. Discours, 1,12.
ment nous ne pouvons rien changer aux événements, mais
il ne dépend même pas de nous d'améliorer les esprits et
les coeurs de ceux qui nous entourent. « Nous devons avoir
la pensée de cet ordre (universel), non pour changer
l'état des choses, car cela n'est pas possible et ne nous
serait: pas utile, mais pour apprendre, tandis que les
choses qui nous entourent sont comme elles sont et comme
il est dans leur naluro d'être, à conformer notre propre
volonté aux événements. Voyez, en effet, pouvons-nous
fuir les hommes ? — Eh I comment le pourrions-nous ?
— En vivant avec eux, pouvons-nous du moins les chan-
ger? — Qui nous en a donné les moyens? — Que roslo-t-il
donc de possible, et quelle façon trouver d'en user avec
eux? No sera-ce pas de leur laisser faire ce qui leur sem-
blera bon, tandis que nous, personnellement, nous reste-
rons malgré tout en conformité avec la nature ' ? »
Mais comment concilier avec ces passages si clairs l'a-
mour de l'enseignement, on peut dire de la prédication, qui
tourmentait les derniers stoïciens, Épictète comme les
autres? Lui-même n'a-t-il donc pas écrit? N'a-t-il pas
du moins enseigné les règles do la sagesse ? N'a-t-il pas ou
des disciples ? N'a-t-il pas exposé, sons les traits du cy-
nique idéal, le type de l'apostolat païen? Tout d'abord, cela
ne se concilierait pas qu'il ne faudrait pas s'en étonner
outre mesure. Bien des systèmes, bien des opinions ne so
soutiennent auprès des âmes sincères et honnêtes quo par
les contradictions, tant que celles-ci ne sont pas trop ap-
parentes. Mais Épiclète avait sa manière d'entendre la pré-*
dication. 11 faut choisir ceux à qui l'on parle. Tout le
monde n'est pas digne d'écouter les leçons du sago, parco
que tout le monde n'y est pas également préparé. Mais
il est des esprits auxquels on peut faire voir clairement
qu'ils se trompent. Si dono on est assez heureux pour con-
naître soi-même la vérité, qu'on la leur montre, ils l'aperce'
vront immédiatement, et d'eux-mêmes ils changeront de
conduite. Ce n'est pas encoro là cependant la plus consi-
dérable et la meilleure partio de l'enseignement du philo-
sopho. Il doit surtout prêcher d'exemple 11 est dans sa
nature d'être plus sage que le reste des hommes. Qu'il soit
1. Discours,!. 1».
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donc un témoin de la Divinité, qui l'inspire. Qu'il se dise'
-
1. Discours, IV, 1.
2. Discours, III, 13.
3. Discours, II, 4.
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1. Discours, III, 7.
2. Discours, I, 22.
. 3. Ou peut voir, entre autres. Discours, I, 18.
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de nous rendre nous-mêmes misérables en troublant le
calme de notre âme.
La possession de ce calme personnel est tellement, aux
yeux d'Épictèle, le but suprême et on peut dire unique de
.,
1. Discours, I, 25.
2. Discours, I, 25.
3. Discours, î, 2. p- Ces maximes sont tristes, assurément}
mais il faut les avoir lues pour bien saisir le point auquel se
rapportait, pour ainsi dire, toute la perspective de la vie dans la
doctrine stoïcienne. Cette doctrine avait toujours approuvé le
suicide. Voyez notre traduction du Traité des Devoirs, I, 114,
et la note.
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_-4- xviï —.;" ~
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wxvm — •
1. Discours, IV, 2.
— XIX —
Épictète a peut-être entrevu les rapports de ces deux
espèces do liberté: car, ainsi que plus d'un philosophe
ancien et moderne, il les confond quelquefois luoo aveo
l'autre. Au fait, l'une est le terme du mouvement moral,
l'autre est lo mouvement moral lui-môme. Si l'homme se
sent libre de fairo bien plutôt quo de faire mal, n'est-ce
pas que, mû par une persistante espérance d'atteindre
l'idéal de cette liberté pour lequel il se croit né, il est tou-
jours, par cette espérance même, sollicité de s'élover au-
dessus de la vio animale, au-dessus de la vie humaine indi-
viduelle, personnelle, égoïste, o'est-â-diro isoléo, immobih
et stérile? N'est-ce pas précisément cette sollicitation con-
tinuelle qui l'affranchit du joug de l'instinct et do la
tyrannie des mobiles inférieurs ? Épictète ne s'est pas
élevé jusque-là. Mais, trouvant le fait du libre arbitre, il
Ta constaté souvent, et il l'a expliqué à sa manière. C'est
de quoi il nous reste à parler pour compléter l'examen de
sa morale. Nous avons vu en quoi il fait consister la loi
de l'humanité : voyons maintenant quels moyens il recon-
naît à l'humanité pour accomplir la loi.
Épiclète pose en principe que l'homme ne veut jamais
laire le mal pour le mal. Toute faute renferme une contra-
diction. Celui qui la commet ne voulait pas commettre une
faille, mais arriver à bien : donc il s'est trompé', c En
eflet, le bien qui so montrée l'âme l'attire immédiatement
à lui, le mal l'en éloigne Jamais l'âme ne refusera le bien
qui se montrera clairement à elle, pas plus que le ban-
quier la monnaie de César 3. — « Depuis que la race
humaine existo, toutes nos fautes, toutes nos erreurs sont
venues de notre ignorance. Un homme fait mal : montre-
lui clairement qu'il fait mal, et aussitôt il changera de con-
duite 3. » Épictète ne fait aucune exception, pas même
pour les fautes où il est bien difficile de croire que l'homme
pèche par erreur ou par ignorance, a Qu'est-ce que les
filous et les voleurs? Des gens qui se trompent sur ce qui
est bon et sur ce qui est mauvais. Par suite, est-ce do l'in-
dignation ou do la pitié qu'ils doivent l'inspirer? Montrc-
1. Discours, I, 26.
2. Discours, II, 3.
3. Discours, II, 24.
— XX—,
leur qu'Us se trompent, et tu verras comment ils cesseront
de mal faire'. •
Ainsi, quand l'homme fait le mal, dovons-nous crolro
/
Su'aux yeux d'Épictète il n'use ni par conséquent ne mésuso
e sa liberté? Au moment môme où il fait le mal, il semble
bjon, en effet, que notre philosophe ne le croit pas libre.
Mais il faut se poser une autre question. Dépend-Il de
l'homme do connaître ou non la vérité? Est-il libre d'éyi?
ter l'erreur ? Ici la difficulté s'accroît. D'un côté, sans doute,
nous trouvons des réponses négatives très nettes. « Il ne
sera sévère pour personne, parce qu'il sera pénétré do
cette parolo de Platon : C'est toujours malgré elle qu'une
âme est sevrée de la'vérité3. » D'autre part, cependant, nous
trouvons que le libro arbitre est aussi bien dans la faculté,
déjuger que dans celle de vouloir, ou plutôt que ces doux
facultés n'en font qu'une 9. Ou encore Epictète est en train
d'établir qu'on ne doit souffrir en soi-même aucune inquié-
tude. Et comme on lui objeclo : c Ne m'inqulétorai-je dono
pas do tomber dans l'erreur? > il répond ; • Non, car il
dépend de moi de n'y pas tomber 4. >
Assurément, les moralistes qui composent à la façon
d'Épictète ne veulent pas être serré de trop près; et vou?
•
loir faire sortir de leurs écrits un système un, complet,
harmonieux, o'esl s'exposer à forcer leur pensée. Et puis.
les difficultés que nous trouvons ici dans les doctrines ne
sont-elles pas également dans les choses, du moins dans les
portions des choses qu'il est donné à notre faible intelli-
gence de contempler? Nous ne voulons dono pas chercher
à concilier à tout prix des affirmations qui semblent si
différentes. Cependant un peu d'attention apportée au lan-
gage d'Épictète nous fournira peut-être quelque explication.
Il est uno expression qui revient souvent dans ses écrits,
lorsqu'il veut parler de la puissance que nous avons sur
nous-mêmes, c'est xp*5<»î *«v Ç«VT*«»»V. Les çxvtaotàt, ce
sont proprement les images qui s'ollren* à nous ; mais ces
images, produits do nos sensations, forment la matière de
' ï '. "".
1. Discours, I, 18.
2. Discours, I, 22.
3. Discours, I, 17.
4. Discours, II, 13.
— XXI —
nos pensées: elles viennent dono, dans mille combinaisons,
assaillir notre intelligence, diriger à notre insu lo cours de
nos idées. N'influent-elles pas également sur nos désirs et
nos résolutions? Quand nous sommes tentés, par oxemple,
n'est-ce pas toujours à la suite de quelque imago qui vient
se présenter à nous sans que nous 1 ayons appelée, ou mal-
gré nous? Or, qu'est-ce dono qui dépend do nous? C'est
la manière d'user de tout cela : Xf»>Wi<. Ainsi quand nous
montrons clairement la vérité à quoiqu'un, son esprit de-
vient à l'instant même libre d'user do cotte vérité, d'y
donner son adhésion et d'y conformer sa conduite Pour-
quoi? Parce que nous avons réussi à modifier les idées qui
s'offrent à lui. Mais, par contre, n'y a-t-il pas une multitude
d'individus qui sont forcément esolaves des fantômes, des
apparences, des imaginations en un mot, quo leur imposent
le milieu où ils se trouvent, leur éducation, leur nature?
Ceux-là se trompent, en eiïel, et ils ne peuvent pas ne pas
se tromper. Et il en est même sur qui les régies les plus
olaires de la logique ni les enseignements du plus sago ne
peuvent rien'. Telles sont les distinctions qui peuvent
peut-être atténuer les contradictions d'Épictète Rappelons,
d'ailleurs, que les contradictions des stoïciens-étaient déjà
fameuses dans l'antiquité môme 3. Et enfin, si Épictète
s'est peu soucié à ce qu'il semblo,d'éclaircir la vraie nature
du libre arbitre de chacun, c'est qu'il se préoccupait avant
tout sinon du sage, du moins de celui qui était déjàcapablo
de le devenir, faisant en réalité peu d'attention au com-
mun des hommes.
Telle est la doctrine stoïcienne dont Épictète s'est in-
spiré. Il était nécessaire, pensons-nous, de reconstituer
l'ensemble d'où sont tirées les maximes qui composent lu
Manuel. Il est rare, en effet, qu'un précepto moral puisse
être pris isolément. Le plus souvent il ost nécessaire do
voir quels sont les principes dont il découle et qui peuvent,
à côté de co précepte, en inspiror d'autres qui le com-
plètent, le rectifient, ou qui. le compromettent et en res-
treignent la portée. Ainsi telle philosophie commande la
patience, la résignation. Mais dans quel but et au nom
n.
IV.
.
v.
m.
Quelles que soient les choses qui te charment, qui servent
à tel besoins ou que tu aimes, connais-en bien la nature,
à commencer par les plus humbles. Si tu aimes un pot de
terre, dis-toi : i J'aime un pot de terre, » car s'il so casse,
tu n'en seras pas troublé. Si lu embrasses ton fils ou ta
femmo, dis-toi que c'est un ôtro humain quo tu embrassos,
car, s'il meurt, tu n'en soras pas troublé*.
IV.
Avant d'entreprendre quoi que ce soit, penso bion à ce
quo tu vas faire. Si lu veux aller aux bains, roprésonte-toi
d'avance tout ce qui s'y passe: représonte-toi les gens qui
vous jettent de l'eau, ceux qui vous poussent, ceux qui vous
insultent, ceux qui vous volent. Ainsi tu seras plus assuré
dans ton action, si dès lo principe tu t'es dit: c Je veux me
baigner, mais je veux maintenir ma volonté en conformité
aveo la nature. • Et qu'il en soit ainsi pour tout ce que tu
feras, De cotto manièro, si quelque obstaulo t'empêcho do
te baigner, tu te diras aussitôt : < Ce n'est pas là seulement
co quo jo voulais ; je voulais aussi conservor ma volonté en
conformité avec la naluro, ot jo ne la conserverais point
telle, si je m'indignais contre ce qui m'arrive 3. »
V.
vu.
VIL
IX.
X.
XI.
? ; —; —
1. Nom n'Avons pas besoin de faire remarquer que ces
maximes, prises sans restriction, impliquent ce qu'on appelle te
fatalisme historique. Il était sans doute excusable au temps
d'Épictète, sous la tyrannie des Césars.
— H— '
VIII.
X.
Quel que soit le danger qui te menace, souviens-toi de to
replier sur loi-même et de te demander quelle est la force
dont tu disposes contre ce danger. Si tu as à te défendre
contre uno séduction quelconque, lu trouveras ta forco dans
l'empire que tu as sur toi-même ; contré une fatigue à sup-
porter, lu auras le courago; conlro une injure, la patience.
Pronds cette habitude, et les fantômes de ton imagination no
pourront rien contre toi.
XL
Ne dis jamais : « J'ai perdu cela ; » dis plutôt : « Je l'ai
rendu. Mon fils est mort, je l'ai rendu ; ma femme est
morte, je l'ai rendue 3. » Donc si ton bien t'est ravi, lu peux
dire que lui aussi lu l'as rendu. « Mais celui qui mo Tôle
est un méchant I • Quo l'importe? puisque celui qui le
l'avait donné to le redemande. Tant qu'il to lo laisse, iouis-
en comme d'un bien qui appartient à autrui, comme un
voyageur use d'une hôtellerie.
Xll.
XIII.
XIV.
XII.
XIII.
Veux-tu faire des progrès ? Résigne-toi à passer pour un
insensé, pour un fou, à cause do ton mépris des biens
extérieurs. Ne liens pas à paraître un savant ; et si, près de
tel ou tel, tu passes pour un personnage, défie-toi de toi-
même. Sache, en effet, qu'il est difficile de conserver à la
fois une volonté conforme à la nature et l'amour des choses
du dehors. Il est inévitable que celui qui s'attache à l'un
néglige l'autre9*
XIV.
4. Si tu désires que ta femme et tes enfants vivent tou-
jours, tu es un fou : car tu désires que ce qui no dépend
pas de toi dépende de toi, que ce qui ne t'appartient pas
t'appartienne. De même, si lu prétends que ton esclave no
fasse point de fautes, tu es un insensé : car tu veux quo lo
vice ne soit plus vice, mais quelque autre choso. Veux-lu
XV.
XV.
XVI.
XVII.
XVIII.
xvi. ;
Si tu vois un homme dans le chagrin, pleurant soit la
mort de son fils, soit la perle de sa fortune, prends garde
d'être la dupe de ton imagination et d'attribuer le malheur
de cet homme à des événements extérieurs. Dis-loi bien
vite: « Ce qui le trouble, ce n'est pas la choso en elle-
même : car un autre n'en serait pas troublé ; mais bien
l'opinion qu'il a sur elle. » Ne crains pas cependant d'ac-
commoder tes discours à sa douleur, et même, s'il le faut, de
gémir aveo lui ; mais ne gémis qu'en paroles, et que ton
âme ne partage point sa douleur*.
XVII.
XIX.
XX.
XXI.
XIX.
toire.
%.
.'.','
1. Veux-tu être invincible, ne t'engage jamais dans un
combat où il ne dépende pas de toi de remporter la vic-
XXI.
xxtn.
XX1V.
XXV.
-13 —
'qui dono t'a dit quo ces biens dépendissent do nous el ne
nous fussent pas étrangers? Or, qui peut donnor aux autres
ce qu'il n'a pas soi-même? Ils te disent: • Amasse du bien
pour que nous aussi nous en ayons. » [Rèponds-lour :]
3. « Si je puis en acquérir tout en conservant l'honneur,
la bonne foi, la magnanimité, qu'on m'indiquo la route à
suivre, j'y arriverai. Mais si vous voulez quo je porde do
vrais biens pour vous en fairo acquérir do faux, voyez à
quoi point vous êtes iniques et déraisonnables. Que pré-
férez-vous: do l'argent ou un ami fidôlo et honnéto? Aidez-
moi dono plutôt à rostor cet ami-là et ne me demandez pas
ce qui me ferait çossor de l'être. •
4. c Mais, diras-tu encore, je priverai, autant qu'il est en
mol, ma patrie de mes services! > Encore uno fois, do quels
services? Sans doute, elle n'aura do loi ni portiques ni
bains. Eh bien I ce ne sont assurément pas los forgorons
qui lui donnent des souliers, ni les cordonniers des armes.
Il suffit que chacun fasse bien son métier. Et si tu lui four-
nissais quelque autre citoyen sûr et honorable, ne lui
aurais-tu donc rendu aucun service ? Tant s'en faut I Dono,
toi aussi, tu poux lui rendro dos services.
5. < Mais, dis-tu, quelle placo aurai-jo dans la cité ? Cello
que lu pourras obtenir sans rien perdro do ta bonno foi, do
ton honnêteté. Si, pour vouloir servir ta patrie, tu perdais
ta vertu, de quoi lui servirais-tu dono une fois devenu im-
pudent et perfide?
XXV.
XXVI,
XXVI.
XXVII.
XXVIII.
XXIX.
XXVII.
XXVIII.
XXIX.
insupportable émet une opinion qui lui est alors toute particu-
lière, qu'il ne professe qu'en ce moment. Il est en désaccord
avec les autres hommes et avec lui-même. Donc, il est dans le
faux,
2. Cette maxime ne prouve-t-elle pas, à elle seule, le pan-
théisme d'Épictète? Elle implique, en effet, que celui qui a posé
le but, c'est-à-dire Dieu, est aussi celui qui le vise et qui l'atteint;
.
que l'homme ne peut dévier dans sa marche vers un but qu'il
ne poursuit pas librement, mais qu'il est plus ou moins vite
entraîné vers ce but par la force divine.qui meut tout, ou, plu*
exactement, Uaus le sens atoïcieu, qui c&l tout.
— 28 —
XXX.
XXXI.
-31-
du premier venu, céder toujours la place aux autres dans
les honneurs, dans lo pouvoir, dans la justice, en toute
chose enfin.
7. Penses-y bien. Vois si tu veux acheter à ce prix le
calme, la liberté, le repos de l'âme. Autrement, renonce à
ton projet. Ne t'en va pas faire commo les enfants, philo-
sophe aujourd'hui, demain fermier des impôts, puis ora-
teur, et ensuite intendant de César. Tout cela ne s'accorde
pas. Il faut que tu no sois qu'un seul hommo, ou bon ou
mauvais; que tu l'appliques ou au gouvernement do toi-
même ou aux choses du dehors; que tu recherches los
biens intérieurs ou les bions extérieurs ; en un mot, que tu
sois ou un philosophe ou un homme du commun.
XXX.
XXXI.
4. Sache que la piété envers les dieux consiste avant tout
à concevoir d'eux de justes opinions, par exemple, à
croire qu'ils existent et qu'ils gouvernent toutes choses aveo
un ordre et une justice admirables, à être persuadé que
lu dois leur obéir et te plier sans murmure à tout ce qui
arrive, parce que tout est réglé par une pensée souveraine-
- - 31
XXXIII.
:
3. Homère faisait déjà dire à'Hector: « Le vrai présage est
celui qui ordonne de combattre pour sa patrie. »
" — 3e -*- ' :<'.
'• '
— 37 —
2. Et d'abord garde le silence lé plus possible, ne dis
que les choses nécessaires et en peu de mots. De temps à
autre, sans doute, une occasion peut t'amener à parler da-
vantage: parte dono alors, mais que ce ne soit pas sur le
premier objet venu ; que ce ne soit ni sur les combats do
gladiateurs, ni sur les jeux du cirque, ni sur les athlètes,
ni sur le boire ou le manger; quo surtout ce ne soit pas
pour t'occuper d'autrui, pour louer celui-ci, blâmer celui-là
et comparer l'un aveo l'autre.
3. Si tu le peux, tâche par tes propres discours d'amener
la conversation sur des objets convenables ; mais si tes
paroles doivent être perdues dans celles des autres, lais-
loi.
4. Ne ris ni longtemps, ni souvent, ni haut.
6. Ne jure jamais, s'il 8e peut ; el si tu es obligé de le
faire, que ce soit lo moins souvent possible.
6. Évite d'aller loin de chez toi partager les festins da
vulgaire. Si cependant une occasion t'y pousse, surveille-
toi bien toi-même, de peur de te laisser aller à des ma-
nières Communes. Sache, en effet, que si ton voisin se salit
dans la débauche, tu ne pourras éviter de te salir toi-
même dans ton commerce avec lui, si pure que ta conduite
ait pu être jusqu'alors.
7. Pour tout ce qui regarde le corps, qu'il s'agisse du
boire OU du manger, de l'habitation, de l'habillement, des
domestiques, fais le strict nécessaire \ retranche compté*
tement tout ce qui ne sert qu'à l'ostentation ou à la son*
dualité.
8. Épargne tes offenses et tes reproches à ceux qui ne
s'abstiennent pas des plaisirs coupables, ot ne va pas te
vanter à tout le monde de ta vertu.
0. Si l'on t'annonce que quelqu'un a dit du mal de toi,
n'entreprends pas de te défendre ; mais réponds : t s'il
avait connu tous mes autres défauts, 11 en aurait dit bien
davantage. •
10. U n'est point nécessaire de paraître souvent dans
les théâtres ; mais si quelque occasion l'y amène, monlro
que tu n'as attention à rien qu'à toi-même. Autrement dit,
ne souhaite de voir arriver que ce qui arrivo, de ne voir
' — 3« —
XXXV. ::tH
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XXXVI. ! "~
•XXXVII.
XXXVIII.
XXXIX.
1
XXXVII,
ne pourra pas poser comme liées, de telle sorte que l'une doive
entraîner l'autre, ces deux propositions ! Il fait jour, il fait nuit.
2. Car il ne peut à la fois et satisfaire son appétit sans se
préoccuper des autres et se bien comporter à l'égard îles autres,
pas plus qu'il ne peut dire à. la fois qu'il fait jour et qu'il fait
nuit,
•
' J -44- --A-
XL.
XLL
XL1I.
XL1II.
— 45 —
XL.
XLI.
XLII.
* '
Si, un homme te fait du tort en paroles ou en action,
souviens-toi qu'il se juge en droit de parler ou d'agir
comme il le fait. Or, tu ne peux pas lui demander de suivre
ton idée plutôt que la sienne. Si son idée n'est pas juste, il
se porté donc tort à lui-môme en se trompant. Ainsi, quand
quelqu'un trouve faux un syllogisme qui est bon, ce n'est
pas lo syllogisme qui en souffre, c'est celui qui l'a mat
cornprls. Pars de ces principes, et tu supporteras aisément
ceux qui parleront mal de tôt. A chaque propos qu'on aura
tenu sur ton compte, tu diras : < Cet homme croit avoir
raison,»
XLIII.
XLV.
XLVI.
XLV.
XLVI.
XLVII.
XLV11I.
XLVII.
XLVIII.
XLIX.
XL1X.
LU.
LUI.