Analyse de La Dynamique D'innovation en Oléiculture Dans La Wilaya de Béjaïa-Déterminants Et Perspectives PDF

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République Algérienne Démocratique et Populaire

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique


Université A.MIRA-BEJAIA

Faculté : Sciences Economiques, Commerciales et des Sciences de Gestion


Département : Sciences Economiques
Laboratoire de recherche: Economie et Développement

THÈSE
EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME DE
DOCTORAT
Domaine : SEGC Filière : Economie et Gestion
Spécialité : Sciences Economiques

Présentée par
Billal MAGHNI

Thème

Analyse de la dynamique d'innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa :


déterminants et perspectives

Soutenue le : 20/12/2018 Devant le Jury composé de :

Nom et Prénom Grade

Mr ACHOUCHE Mohamed Professeur, Université de Bejaia Président


Mr SI MOHAMED Djamel Professeur, Université de Tizi-Ouzou Examinateur
Mr BENMIHOUB Ahmed Maître de recherche classe « A », CREAD Examinateur
Mr MEZIANI Mustapha Maître de conférences classe « A », Université de Bejaia Examinateur
Mr OUKACI Kamal Professeur, Université de Bejaia Rapporteur

Année Universitaire : 2018/2019


Remerciements

Je remercie vivement mon directeur de thèse, le Professeur Docteur Oukaci Kamal, de


m’avoir aidé à mener à bien ce travail de recherche. Les conseils qu’il m’a prodigués, ses
encouragements et la confiance qu’il m’a témoignée m’ont été d’un grand secours.

Je remercie également les membres du jury qui m’ont fait l’honneur de leur présence.

Ce travail de longue haleine n’aurait jamais été accompli sans la patience et le soutien
indéfectible de mes proches, auxquels j’exprime pareillement ma profonde gratitude.

Je tiens aussi à remercier le Docteur Arabi Khelloudja de son encadrement et ses


orientations en amont de ce travail de recherche.

Les Professeurs Docteurs Hamid Kherbachi (Université de Béjaïa), Gérard Mondello


(Université de Nice Sophia Antipolis), Laura Esperanza Rugeles Chacón (Université Jorge
Tadeo Lozano de Bogota) et Piergiuseppe Morone (Université de Rome Unitelma-Sapienza)
se sont montrés très obligeants à mon égard et je leur en suis très reconnaissant.

Je remercie enfin tous ceux qui se sont montrés coopératifs dans le cadre de mon enquête
de terrain, notamment les oléiculteurs et les cadres de la Direction et des Subdivisions des
Services Agricoles de la wilaya de Béjaïa.

2
Liste des figures

Figure 1 : Structure computationnelle du modèle de Nelson et Winter………………......... 229


Figure 2 : Diagramme conceptuel d’un Système National d’Innovation Agricole………… 97
Figure 3 : Volume moyen (1990-2016) des exportations et de la production de l’huile
d’olive en Algérie et dans les pays de référence………………………………… 102
Figure 4 : classement des pays selon la valeur de l’IIDA………………………………....... 111
Figure 5 : Domaine de la connaissance Vs Domaine de l’Entreprise………………………. 112
Figure 6 : Le cadre environnemental Vs les domaines centraux…………………………… 113
Figure 7 : Indice du domaine des institutions-relais………………………………………... 114
Figure 8 : Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de la connaissance………... 115
Figure 9 : Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine des institutions-relais……... 116
Figure 10 : Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de l’entreprise…………...... 117
Figure 11 : Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de l’environnement……...... 118
Figure 12 : Classification des innovations selon le Manuel d'Oslo (2005)………………...... 180
Figure 13 : Classification des innovations selon le degré technologique………………......... 181
Figure 14 : Diagrammes en boîte de l'indice d'innovation avant et après winsorisation.......... 183
Figure 15 : Représentations graphiques de la superficie de l’exploitation oléicole (Sup)…… 184
Figure 16 : Représentations graphiques du morcellement de l’exploitation oléicole
(Disp)……………………………………………………………………….......... 185
Figure 17 : Représentations graphiques de l’âge des oléiculteurs (Age)…………………….. 186
Figure 18 : Représentations graphiques du niveau d’études des oléiculteurs (Etudes)……… 187
Figure 19 : Représentations graphiques de l’expérience des oléiculteurs (Exp)…………….. 187
Figure 20 : Diagramme en bâtons empilés des variables binaires………………………….... 188
Figure 21 : Diagrammes en boîte de la variation de l’indice d’innovation en fonction des
modalités de chacune des variables catégorielles……………………………….. 191

3
Liste des tableaux

Tableau 1 : Indicateur de l’intensité de la R&D agricole dans le secteur public……………… 230


Tableau 2 : Indicateur de l’investissement en capital humain dans la R&D agricole…………. 230
Tableau 3 : Indicateur des aides publiques au développement de la recherche agricole………. 230
Tableau 4 : Indicateur des aides publiques au développement de l’éducation et de la
formation agricoles………………………………………………………………… 230
Tableau 5 : Indicateur de la qualité des institutions de recherche scientifique………………… 231
Tableau 6 : Indicateur de la qualité du système éducatif………………………………………. 231
Tableau 7 : Indicateur du niveau de développement technologique…………………………… 231
Tableau 8 : Indicateur de l’accès à l’éducation dans les zones rurales………………………… 231
Tableau 9 : Indicateur de la production scientifique…………………………………………… 232
Tableau 10 : Indicateur du taux d’émigration des universitaires………………………………... 232
Tableau 11 : Indicateur du degré de collaboration université/entreprise………………………... 232
Tableau 12 : Indicateur de l’intensité des aides publiques au développement de la vulgarisation
agricole…………………………………………………………………………… 232
Tableau 13 : Indicateur de l’intensité des aides publiques au développement des coopératives
agricoles……………………………………………………………………………. 233
Tableau 14 : Indicateur de l’accès des agriculteurs pauvres et des femmes à la
recherche/vulgarisation agricoles………………………………………………….. 233
Tableau 15 : Indicateur du coût moyen des formalités de création d’une entreprise……………. 233
Tableau 16 : Indicateur de l’accès aux marchés des intrants et des produits agricoles………….. 233
Tableau 17 : Indicateur du transfert technologique vers le secteur de l’agriculture via les IDE... 234
Tableau 18 : Indicateur de la contribution de l’innovation à la compétitivité de l’économie
nationale…………………………………………………………………………… 234
Tableau 19 : Indicateur de la consommation moyenne d'engrais………………………………... 234
Tableau 20 : Indicateur de la machinerie agricole………………………………………………. 234
Tableau 21 : Indicateur de l’’intensité des aides publiques au développement des industries
agroalimentaires………………………………………………………………….... 235
Tableau 22 : Indicateur de l’intensité des aides publiques au développement des services
financiers agricoles………………………………………………………………… 235
Tableau 23 : Indicateur du climat des affaires dans les zones rurales…………………………… 235
Tableau 24 : Indicateur des conditions de développement des services financiers dans les zones
rurales……………………………………………………………………………… 235
Tableau 25 : Indicateur du réseau routier………………………………………………………... 236

4
Liste des tableaux

Tableau 26 : Indicateur des dépenses dans les technologies de l’information et de la


communication…………………………………………………………………….. 236
Tableau 27 : Indicateur de la qualité du régime de protection des droits de propriété physique
et intellectuelle…………………………………………………………………….. 236
Tableau 28 : Indicateur du niveau de l’insécurité……………………………………………….. 236
Tableau 29 : Indicateur d’adhésion aux régimes, accords ou conventions internationaux relatifs
à l'agriculture………………………………………………………………………. 237
Tableau 30 : Indicateur de la qualité de la gouvernance………………………………………… 237
Tableau 31 : Indicateur du niveau de la corruption……………………………………………… 237
Tableau 32 : Indicateur de l’aide extérieure à l’agriculture……………………………………... 237
Tableau 33 : Indicateur de l’allocation et la gestion des ressources publiques pour le
développement rural……………………………………………………………….. 238
Tableau 34 : Indicateur de la qualité du dialogue entre le gouvernement et les organisations
rurales…………………………………………………………………………........ 238
Tableau 35 : Indicateur de la politique et le cadre juridique pour les organisations rurales…….. 238
Tableau 36 : Indicateur de la responsabilité, la transparence et la corruption dans les zones
rurales……………………………………………………………………………… 238
Tableau 37 : Construction de l’Indice d’Innovation et de Développement en Agriculture
(IIDA)……………………………………………………………………………… 239
Tableau 38 : Résultat de l'échantillonnage stratifié……………………………………………… 240
Tableau 39 : Base de données en coupe instantanée réalisée à partir des résultats de l’enquête... 249
Tableau 40 : Innovations introduites par les exploitations oléicoles familiales…………………. 181
Tableau 41 : Statistiques descriptives des variables quantitatives………………………………. 182
Tableau 42 : Résultats de la régression univariée avec Winsor.Innov comme variable endogène 192
Tableau 43 : Résultats du test de Wilcoxon-Mann-Whitney avec Winsor.Innov comme
variable quantitative……………………………………………………………….. 193
Tableau 44 : Résultat de la régression multivariée généré par le logiciel R…………………….. 194
Tableau 45 : Résultat du test de normalité Shapiro-Wilk sur la série des résidus standardisés…. 194
Tableau 46 : Résultats des tests d’hétéroscédasticité Breusch-Pagan…………………………… 195
Tableau 47 : Résultat du test de Bonferonni sur les valeurs aberrantes…………………………. 195

5
Liste des abréviations

 Account : Accountability
 ACV : Agent Communal de Vulgarisation
 ADII: Agriculture, Development, and Innovation Index
 ADOIO : Association pour le Développement de l'Oléiculture et des Industries Oléicoles
 AF : Année Fondamentale
 AgREaccess : access to Agricultural Research and Extension services
 ALGERAC : organisme Algérien d’Accréditation
 ASTI: Agricultural Science and Technology Indicators
 AT : Association Tazarajt
 ATRBSA : Agence Thématique de Recherche en Biotechnologie et Sciences
Agroalimentaires
 ATRSNV : Agence Thématique de Recherche en Sciences de la Nature et de la Vie
 BADR : Banque de l’Agriculture et du Développement Rural
 BizCosts : Cost of business start-up procedures
 CA : Chambre de l’Agriculture
 CACQE : Centre Algérien du Contrôle de la Qualité et de l’Emballage
 CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle
 CARASE : Centre Algérien des Recherches Agronomiques, Sociologiques et
Économiques
 CAW : Chambres d’Agriculture de Wilaya
 CCAA : Conseil Communal d'Animation de l'Autogestion
 CDB : Convention sur la Diversité Biologique
 CFATSF : Centre de Formation d'Agents Techniques Spécialisés en Forêt
 CFPA : Centre de Formation Professionnelle et d'Apprentissage
 CFVA : Centre de Formation et de Vulgarisation Agricoles
 Cirad : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le
développement
 CHOK : Coopérative des Huiles d’Olive de Kabylie
 CNA : Chambre Nationale d’Agriculture
 CNMA : Caisse Nationale de Mutualité Agricole
 CNPA : Centre National de Pédagogie Agricole
 COI : Conseil Oléicole International
 Corrupt : Corruption
 CTN : Comité Technique National
6
Liste des abréviations

 CV : Chaîne de Valeur
 DAS : Domaine Agricole Socialiste
 Disp : Dispersion
 DSA : Direction des Services Agricoles
 EAC : Exploitation Agricole Collective
 EAI : Exploitation Agricole Individuelle
 Edaccess : access to Education
 EdSysQual : Educational System Quality
 ENSA : École Nationale Supérieure Agronomique
 ENV : École Nationale de Vétérinaires
 EPA : Établissement Public à caractère Administratif
 EPIC : Établissement Public à Caractère Industriel et Commercial
 EPST : Établissement Publique à caractère Scientifique et Technologique
 ESA : Enseignement Supérieur en Agronomie
 Etud : Études
 Exp : Expérience
 FAO: Food and Agriculture Organization of the United Nations
 FDI : Foreign Direct Investment
 FEDAO : Fédération Algérienne de l'Olive
 Fertlzr : Fertilizer
 FGCA : Fonds de Garantie contre les Calamités Agricoles
 FIDA : Fonds International de Développent Agricole
 FNDRA : Fonds National de Développement et de Régulation Agricole
 FNRA : Fonds National de la Révolution Agraire
 Govern : Governance
 GPI: Global Peace Index
 ha : Hectare
 Huil : Huilerie
 IAA : Institut Agricole Algérien
 IANOR : Institut Algérien de Normalisation
 ICTexp : Information and Communication Technology expenditure
 IDAF : Institut de Développement de l’Arboriculture Fruitière
 IDE : Investissements Directs Étrangers
 IFPRI: International Food Policy Research Institute
7
Liste des abréviations

 IG : Indication Géographique
 IGP : Indication Géographique Protégée
 IIDA : Indice d’Innovation et de Développement en Agriculture
 INA : Institut National Agronomique
 Innov : Innovation
 INPV : Institut National pour la Protection des Végétaux
 INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
 INRAA : Institut National de la Recherche Agronomique d’Algérie
 INRAT : Institut National de Recherche Agronomique de Tunis
 INRF : Institut National de Recherche Forestière
 INRH : Institut National de Recherche Hydraulique
 INSFP : Institut National Spécialisé de la Formation Professionnelle
 INSID : Institut National des Sols, de l’Irrigation et Drainage
 Int_agrd : agricultural R&D intensity
 Int_agrsrchr : agricultural researchers intensity
 INVA : Institut National de la Vulgarisation Agricole
 Ipregmmb : International policy regime membership
 IPRI: International Property Rights Index
 IQR: Interquartile range
 ITAF : Institut Technique d’Arboriculture Fruitière
 ITAFV : Institut Technique d’Arboriculture Fruitière et de la Vigne
 ITMA : Institut de Technologie Moyen Agricole
 ITMAS : Institut de Technologie Moyen Agricole Spécialisé
 IVV : Institut de la Vigne et du Vin
 MAAF : Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt
 Machine : Agricultural machinery
 MADR : Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural
 MADRP : Ministère de l'Agriculture, du Développement Rural et de la Pêche
 MAP : Ministère de l’Agriculture et de la Pêche
 MARA : Ministère de l’Agriculture et de la Réforme Agraire
 MESRS : Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
 MFEP : Ministère de la Formation et de l’Enseignement Professionnels
 MigrRate : Migration Rate
 MktAccess : Markets Access
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Liste des abréviations

 OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique


 ODA : Official Development Assistance
 ODA_AET : Official Development Assistance to Agricultural Education/Training
 ODA_AgFin : Official Development Assistance to Agricultural Financial services
 ODA_Agind : Official Development Assistance to Agro-industries
 ODA_Agrd : Official Development Assistance to Agricultural research
 oda_coop : Official development assistance to agricultural cooperatives
 oda_ext : Official development assistance to agricultural extension
 OMC : Organisation Mondiale du Commerce
 OMPI : Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle
 ONAPO : Office National Algérien des Produits Oléicoles
 ONFAA : Observatoire National des Filières Agricoles et Agroalimentaires
 ONG : Organisation Non Gouvernementale
 ONILEV : Office National Interprofessionnel des Légumes et des Viandes
 ONRA : Office National de la Réforme Agraire
 PAS : Programme d’Ajustement Structurel
 PASA : Plan d’Ajustement Structurel Agricole
 PIB : Produit Intérieur Brut
 PNDA : Programme National de Développement Agricole
 PNDAR : Programme National de Développement Agricole et Rural
 PolicyFrame : Policy Framework
 PPDRI : Projet de Proximité de Développement Rural Intégré
 PRAR : Politique de Renouveau Agricole et Rural
 PRCHAT : Programme de Renforcement des Capacités Humaines et de l’Appui
Technique
 PRR : Politique de Renouveau Rural
 PubRsrce : Public Resources
 P3A : Programme d'Appui à la mise en œuvre de l'Accord d'Association
 R&D : Recherche et Développement
 Ruralfin : Rural financial services
 RuralInvest : Rural Investment climate
 SAU : Surface Agricole Utile
 SCIA : Système de Connaissances et d’Informations Agricoles
 SciQual : Scientific research institutions Quality
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Liste des abréviations

 SI : Système d’Innovation
 SIA : Système d’Innovation Agricole
 SNC : Société en Nom Collectif
 SNRA : Systèmes Nationaux de Recherche Agricole
 SRI : Système Régional d’Innovation
 SSA : Subdivision des Services Agricoles
 SSI : Système Sectoriel d’Innovation
 Sup : Superficie
 SWOT: Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats
 SYRPALAC : Système de Régulation des Produits Agricoles de Large Consommation
 TechReady : Technological Readiness
 UE : Union Européenne
 UniIndcoll : University-Industry research collaboration
 Univ : Université
 UNPA : Union Nationale des Paysans Algériens
 UPOV : Union pour la Protection des Obtentions Végétales
 US: United States
 WDI: World Development Indicators
 WEF: World Economic Forum

10
Sommaire

Remerciements……………………………………………………………………………... 2

Liste des figures……………………………………………………………………….……. 3

Liste des tableaux…………………………………………………………………………... 4

Liste des abréviations………………………………………………………………………. 6

Sommaire…………………………………………………………………………............... 11

Introduction générale : Problématique et méthodologie de la recherche…………………... 12

Chapitre 1 : La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne……………………………..... 22

Chapitre 2 : Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique…….. 47

Chapitre 3 : Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation……………………………… 70

Chapitre 4 : Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole…………………... 96

Chapitre 5 : Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie…………………. 119

Chapitre 6 : Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie…………………….... 146

Chapitre 7 : Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa…..... 169

Conclusion générale………………………………………………………………………... 199

Références bibliographiques………………………………………………………………... 213

Table des matières………………………………………………………………………...... 226

Annexes ………………………………………………………………………………......... 230

Résumé

11
Introduction générale Problématique et méthodologie de la recherche

L’Algérie est un pays de la rive sud du bassin méditerranéen, à l’extrême nord du continent
africain, entre la Tunisie à l’est et le Maroc à l’ouest. C’est également le plus vaste pays
d’Afrique, quoique la majeure partie de son territoire soit désertique. Pour l’économie
algérienne, ce désert saharien constitue à la fois une aubaine et une contrainte majeure.

En effet, le Sahara algérien regorge d’hydrocarbures dont les recettes fiscales représentent
33,57% (en 2016)1 des ressources budgétaires du pays. Depuis leur nationalisation en 1971,
les hydrocarbures ont constitué une manne dont dépend l’ensemble de l’économie algérienne.

D’un autre côté, cette rente s’est traduite par des effets particulièrement pernicieux sur les
secteurs productifs du pays (hors-hydrocarbures), comme en témoigne la part importante des
hydrocarbures dans le volume global des exportations (94,54% en 2017). (CNIS, 2018)

De tous les secteurs d’activité hors-hydrocarbures, celui dont la situation est la plus alarmante
est le secteur de l’agriculture qui, tout comme celui des hydrocarbures, relève du secteur
primaire de l’économie algérienne. En effet, la dépendance alimentaire de l’Algérie depuis les
années 1970 n’a à ce jour jamais pu être atténuée d’une manière significative. En 2017, la part
des biens alimentaires dans le volume global des importations était de 18,36%, soit 8,44
milliards de dollars US (Ibid.).

Parallèlement à l’objectif de réduction des importations de produits alimentaires, le


développement de l’agriculture algérienne vise également l’accroissement des exportations
hors-hydrocarbures, en l’occurrence celles des produits agricoles et agroalimentaires, à
l’instar des produits de l’oléiculture, notamment l’huile d’olive.

En effet, du fait de son emplacement géographique et sa culture méditerranéenne, l’Algérie


est considérée comme étant à vocation oléicole, et disposerait par conséquent d’un certain
avantage comparatif en la matière.

Bien que la quasi-totalité de la partie septentrionale de l’Algérie soit propice à l’oléiculture,


celle-ci est particulièrement enracinée dans la culture et le paysage de la Kabylie, une région
située à l’extrême nord et à l’est de la capitale.

Dans la wilaya de Béjaïa en Kabylie, l’oléiculture s’étend sur plus de 60 000 ha et occupe
près de 70% de la surface arboricole totale (Boudi et al., 2013). Bien que les performances du
secteur de l’oléiculture y soient relativement appréciables comparées aux autres régions
1
http://www.mf.gov.dz/article/48/Zoom-sur-les-Chiffres-/143/Solde-global-du-Tr%C3%A9sor.html
12
Introduction générale Problématique et méthodologie de la recherche

d’Algérie, le marché international des produits et sous-produits de l’oléiculture demeure


inaccessible aux producteurs locaux. En effet, ce marché est particulièrement règlementé,
notamment en ce qui concerne le respect des normes de qualité et de conditionnement de
l’huile d’olive. Il est également très concurrentiel, en dépit du nombre relativement limité des
pays exportateurs. La difficulté des producteurs locaux à se positionner sur le marché de
l’exportation réside essentiellement dans la faible compétitivité hors-prix du secteur, et dans
une moindre mesure, sa faible compétitivité-prix. Le développement de la compétitivité hors-
prix du secteur de l’oléiculture passe par la conformité de la qualité des produits par rapport
aux normes internationales, laquelle nécessite la mise en place de processus d’attribution de
labels de qualité ; de marques de certification ; d’indications géographiques ; ou de signes
d’identification de l’origine et de la qualité. Or, la mise en place de tels processus nécessite
des changements significatifs, notamment l’innovation en matière d’organisation et de
fonctionnement actuel du secteur, d’où notre objet de recherche.

Question de recherche

Quels sont les enjeux et les défis en matière d’innovation dans le secteur de l’oléiculture de la
wilaya de Béjaïa ?

Hypothèses de recherche

H1 : A priori, le mode d’organisation et de fonctionnement actuel du secteur de l’oléiculture


dans la wilaya de Béjaïa serait le résultat de l’évolution historique de l’agriculture en Algérie.
La culture acquise en la matière au fil du temps ainsi que l’évolution du contexte
institutionnel et de l’environnement économique expliqueraient en partie les difficultés
rencontrées dans le développement du secteur oléicole.

H2 : La faible performance du secteur témoigne de l’inefficacité des politiques agricoles


mises en place à ce jour. Celles-ci auraient en effet manqué d’incitations suffisantes en
matière d’innovation, de financement, de formation et de développement de l’espace rural.

H3 : Par ailleurs, l’éducation, la formation, la recherche et la vulgarisation agricoles


souffriraient d’une mauvaise gouvernance ainsi que des insuffisances majeures en matière de
ressources humaines, financières et d’infrastructures.

H4 : Enfin, les efforts de coordination des actions des acteurs publics et privés seraient
quasiment absents, d’où la difficulté de définir et de mettre en place une politique globale
13
Introduction générale Problématique et méthodologie de la recherche

conciliant les besoins des acteurs privés et les objectifs des pouvoirs publics en matière de
développement du secteur de l’oléiculture.

Méthodologie de la recherche

Afin de répondre à la question de recherche et vérifier nos hypothèses, ce travail sera


subdivisé en sept chapitres :

Dans le premier chapitre, nous allons établir une assise théorique pour l’analyse du processus
d’innovation technologique sous la perspective de la théorie économique évolutionniste néo-
schumpétérienne. Cette théorie hétérodoxe a officiellement vu le jour depuis la publication de
l’ouvrage intitulé Théorie Évolutionniste du Changement Économique2 en 1982 par Richard
R. Nelson et Sidney G. Winter. Que ce soit en termes d’hypothèses ou du point de vue
méthodologique, cette théorie est diamétralement opposée à l’orthodoxie économique,
dominée par le courant néoclassique.

Le recours à cette approche théorique relativement récente est inhérent à la nature même de
notre problème de recherche, à savoir l’analyse de la dynamique d’innovation. En effet, c’est
en quelque sorte le « vide théorique » laissé par le courant néoclassique en matière d’analyse
de la dynamique économique et du processus d’innovation qui est à l’origine de l’émergence
de la théorie évolutionniste. Celle-ci remet d’abord en question l’hypothèse de la rationalité
de l’agent économique, appelé homo œconomicus. Plutôt que la rationalité « substantive »
supposée par le courant néoclassique, Herbert Simon, lauréat du « prix Nobel d’économie »
en 1978, développe le concept de rationalité « procédurale » qui constituera l’une des
hypothèses fondamentales de la théorie évolutionniste. En conséquence, le concept d’homo
sapiens œconomicus sera développé (Dopfer et Potts, 2007) comme alternative à celui d’homo
œconomicus. Outre la nature de la rationalité de l’agent économique, c’est sa représentativité
qui a également été remise en cause par la théorie évolutionniste. Ainsi, plutôt qu’un homo
œconomicus représentatif de l’ensemble des agents économiques, chaque agent économique
se distingue des autres, du fait de ses capacités cognitives spécifiques et de l’information dont
il dispose. Dès lors, l’agrégation directe des propriétés microéconomiques sur une échelle
macroéconomique devient pratiquement dénuée de sens, et un niveau d’analyse intermédiaire,
dit « méso-économique », a été considéré sous l’approche évolutionniste. Par ailleurs,
contrairement à l’homo œconomicus, les capacités cognitives de l’agent économique sous la

2
An Evolutionary Theory of Economic Change
14
Introduction générale Problématique et méthodologie de la recherche

théorie évolutionniste sont limitées et l’information dont il dispose est incomplète, d’où
l’incertitude affectant sa prise de décision et l’impossibilité d’atteindre un objectif
d’optimisation. Plutôt que la recherche d’un optimum, c’est le satisficing, un concept
composite — également développé par Simon à partir des termes satisfying (satisfaisant) et
sufficing (suffisant) — qui régit le comportement des agents économiques sous l’approche
évolutionniste de la théorie économique. Enfin, comme son nom le suggère explicitement, la
théorie évolutionniste est la théorie du changement ou de la dynamique économique, dans
laquelle l’équilibre est rarement, sinon jamais atteint. En revanche, dans la théorie
néoclassique, le raisonnement est essentiellement en terme statique en situations d’équilibres.
Il s’en suit alors une divergence de méthodologies entre ces deux courants de la pensée
économique.

La théorie évolutionniste se distingue également de la pensée néoclassique par rapport au rôle


central du progrès technique, autrement dit l’innovation, dans la croissance économique.
Jusqu’aux années 1980, période d’émergence de la théorie évolutionniste, le progrès
technique a été considéré par la théorie néoclassique comme un facteur résiduel et exogène
dans la fonction de production. Ceci est d’ailleurs le point caractéristique du Modèle de Solow
(1956). Parallèlement à l’émergence de la théorie évolutionniste, le courant néoclassique vit
l’avènement de la théorie de la croissance endogène, qui intègre l’innovation puis le capital
humain comme des facteurs majeurs dans la fonction de production. Toutefois, cette théorie
conserve l’essentiel des principes et de l’approche méthodologique du courant néoclassique,
ce pourquoi la théorie évolutionniste écarte toute convergence avec elle. Outre le rôle et les
facteurs à l’origine de l’innovation, la théorie évolutionniste étudie le processus d’innovation
en mettant l’accent sur son caractère interactif, sur le rôle majeur des connaissances et de
l’information, ainsi que sur la dépendance du processus d’innovation par rapport à sa
trajectoire historique.

Bien qu’elle se soit focalisée sur le changement ou l’innovation technique, la théorie


évolutionniste souligne également le rôle important des institutions. D’une manière générale,
le succès de la mise en œuvre d’un changement technologique doit souvent s’accompagner
d’un changement dans les institutions. Ce changement peut porter sur le cadre juridique et
règlementaire (règles formelles) ou sur la culture (mentalités, état d’esprit, croyances et
perceptions) des individus. Le changement institutionnel constituera d’ailleurs l’objet du
deuxième chapitre de ce travail de recherche. Parmi les diverses approches théorique en
sciences économiques, sociologiques et politiques ayant analysé le rôle et l’évolution des
15
Introduction générale Problématique et méthodologie de la recherche

institutions, l’approche soutenue par Douglass C. North — autre lauréat du « prix Nobel
d’économie » en 1993, et l’un des fondateur de la Nouvelle Économie Institutionnelle —
serait, du point de vue de Richard Nelson, la plus cohérente avec les principes de la théorie
évolutionniste néo-schumpétérienne. Ce dernier fait référence aux changements institutionnels
à travers le concept de "technologies sociales" (Nelson et Nelson, 2002). Les innovations
organisationnelles, incluses dans la définition la plus récente du concept d’innovation dans le
Manuel d’Oslo (OCDE/Eurostat, 2005), trouvent ici toute leur signification.

Le cadre théorique du changement institutionnel présenté au second chapitre est assez


éclectique. Dans un premier temps, il sera question du point de vue de Thorstein B. Veblen,
fondateur de l’institutionnalisme américain, quant au rôle des institutions dans le changement
technologique.

Après une définition et la distinction entre deux concepts de base, à savoir les institutions et
les organisations, nous allons exposer le processus du changement institutionnel tel qu’il a été
développé par Douglass North.

Par ailleurs, le phénomène de dépendance au sentier historique (path dependence) — et


l’enfermement ou le verrouillage (lock-in) subséquent — du processus du changement
institutionnel seront amplement discutés.

Deux autres visions du changement institutionnel sous l’approche de la Nouvelle Économie


Institutionnelle seront également présentées, en l’occurrence celle d’Oliver Williamson et
d’Elinor Ostrom, co-lauréats du prix Nobel d’économie en 2009.

Enfin, le processus du changement institutionnel sera analysé du point de vue de la Théorie de


la Régulation, une approche hétérodoxe de l’économie en France. Il y sera notamment
question de deux modes de changement, à savoir « l’endométabolisme » et « l’hybridation »,
selon que l’on considère le changement dans le temps ou dans l’espace, ainsi que du rôle
régulateur de l’État en tant que « vecteur du changement institutionnel ».

Jusqu’aux années récentes, les travaux de recherche empirique en sciences économiques,


relatifs à l’innovation se sont essentiellement intéressés à la démonstration et à la
quantification du rôle de l’innovation dans l’accroissement de la productivité et, par voie de
conséquence, de la croissance économique. Dans la plupart de ces travaux, ce sont plutôt les
activités d’innovation qui sont considérés, notamment en termes de dépenses consacrées à la
R&D. Or, l’enjeu majeur de la recherche en sciences économiques durant ces dernières
16
Introduction générale Problématique et méthodologie de la recherche

années s’est déplacé pour s’intéresser à l’analyse des mécanismes sous-jacents du processus
d’innovation. En effet, le rôle majeur de l’innovation dans la croissance économique a été
établi et n’est désormais plus contesté.

L’analyse du processus d’innovation fera d’ailleurs l’objet du troisième chapitre, consacré au


cadre conceptuel des Système d’Innovation (SI). L’approche systémique a été développée
depuis les années 1980, parallèlement à l’émergence de la théorie évolutionniste, comme
alternative à l’approche linéaire qui jusqu’alors, résumait le processus d’innovation en une
seule trajectoire à sens unique. A l’échelle de l’entreprise, on considérait que le processus
d’innovation commence par l’étape de la recherche qui donnait lieu à une invention ou à la
conception d’un nouveau produit ou procédé de production. S’ensuit alors une étape de
développement dudit produit ou de mise en œuvre du procédé de production. Enfin, le produit
nouvellement développé est directement présenté sur le marché, où il est censé trouver un
débouché, d’une manière automatique ou suite à une compagne de promotion. Ainsi, l’unique
sens du flux d’informations le long de la chaîne de valeur allait de l’amont vers l’aval.

Or, si cette approche correspondait plus ou moins à la réalité de la période d’après-guerre, des
sociétés de consommation et des Trente Glorieuses, cela n’a plus été le cas à partir des années
1970. La production de masse a en effet donné naissance à une aisance de la société devenue
plus exigeante dans son mode de consommation. Désormais, ce sont ces exigences ou
préférences des consommateurs — remontant le long de la chaîne de valeur dans le sens
inverse — qui dictent l’orientation de la R&D. La source principale de l’innovation n’est plus
l’offre mais la demande. Ceci constituera l’un des principes de l’approche systématique du
processus d’innovation.

Par ailleurs, comme il est suggéré à travers l’épithète « systémique », l’émergence d’une
innovation est en fait le résultat des interactions entre différents acteurs. En effet, ce sont ces
acteurs et leurs interactions qui forment un système plus ou moins étendu et plus ou moins
complexe, selon les différentes approches systémiques du processus d’innovation. A ce jour,
l’approche des SI est la plus ouverte, dans le sens où elle n’écarte a priori aucun acteur
potentiel. Ce fut suite aux travaux de trois précurseurs, à savoir Christopher Freeman (1987),
Bengt-Åke Lundvall (1992) et Richard R. Nelson (1993), que cette approche a vu le jour,
d’abord à l’échelle nationale, à travers le concept de Système National d’Innovation, avant
que d’autres auteurs attribuent au concept de SI des dimensions régionale, sectorielle et
technologique. Comme nous l’avons vu précédemment, l’un des précurseurs de cette

17
Introduction générale Problématique et méthodologie de la recherche

approche, à savoir Richard Nelson, est également un des précurseurs de la théorie économique
évolutionniste. De même que les préceptes et les principes de l’économie évolutionniste, les
institutions occupent une place centrale sous l’approche des SI (Edquist, 1997). Outre la
littérature des domaines de l’innovation, de l’économie et de la sociologie, le cadre conceptuel
des SI a trouvé un écho favorable auprès de plusieurs institutions internationales à l’instar de
l’OCDE, la Banque Mondiale et l’Union Européenne.

Après avoir présenté l’approche générique des SI, celle-ci sera appliquée particulièrement sur
le secteur de l’agriculture, à travers le concept de Système d’Innovation Agricole (SIA). Ceci
est évidemment justifié par le fait que l’oléiculture constitue l’objet de notre problème de
recherche.

Dans le quatrième chapitre, nous allons effectuer une analyse comparative des propriétés et
des performances du SIA de l’Algérie par rapport à ceux d’un échantillon de pays en voie de
développement, sélectionnés essentiellement pour leurs performances relatives dans le
domaine de l’oléiculture. À cet effet, nous allons faire appel à une méthodologie développée
par Spielman et Kelemework (2009) de l'Institut International de Recherche sur les Politiques
Alimentaires (IFPRI). Cette méthodologie est centrée sur un Indice d’Innovation et de
Développement en Agriculture (IIDA), construit à partir d’un ensemble d’indicateurs
standardisés, issus de différentes sources, telles que la base de données de l’OCDE
(OECD.Stat) ; les Indicateurs de Développement dans le Monde (WDI) de la Banque
Mondiale ; les indicateurs relatifs aux sciences et technologies agricoles (ASTI) de l’IFPRI ;
ainsi que des indices du Forum Économique Mondiale (WEF) et du Fonds International de
Développent Agricole (FIDA).

À défaut d'une méthode d’analyse basée sur le principe de l’optimisation, incompatible avec
les principes de la théorie évolutionniste, la méthode d’analyse comparative, plus connue sous
l’anglicisme de Benchmarking, est en fait particulièrement recommandée sous l’approche des
SI (Edquist, 2001). Autrement dit, c’est parce qu’il ne nous est pas possible d’étudier un
problème donné, inhérent à un système existant en le comparant à un système optimal, qu’on
a recours à la comparaison avec d’autres systèmes existants. D’ailleurs, l’un des ouvrages
fondateurs de l’approche des SI, en l’occurrence celui de Nelson (1993) intitulé National
Innovation Systems: A Comparative Analysis est, comme indiqué dans le titre, une étude
comparative réalisée sur dix-sept pays.

18
Introduction générale Problématique et méthodologie de la recherche

Bien que ce ne soit pas tout à fait pour le même motif, l’analyse comparative des
caractéristiques et de la performance des économies est, pour la Nouvelle Économie
Institutionnelle (North, 1994), l’une des approches méthodologiques pouvant être mobilisée à
défaut d’une théorie de la dynamique économique comparable en termes de précision à la
théorie de l’équilibre général dans le courant néoclassique.

Après cette analyse quantitative du SIA au niveau macro, nous allons enchaîner dans le
cinquième chapitre avec une analyse rétrospective de l’évolution de la politique agricole et de
la R&D agricole en Algérie. Cette analyse historique sera effectuée exclusivement sur la base
d’une revue documentaire des travaux académiques antérieurs.

Quelle que soit la démarche méthodologique adoptée pour étudier un problème de recherche
similaire à celui qui fait l’objet du présent travail, une analyse historique telle que celle que
nous allons effectuer dans le cinquième chapitre serait recommandée compte tenu de sa
pertinence. Dans le cas de notre travail de recherche, cette étude historique constitue une
étape incontournable. Que ce soit dans le cadre théorique évolutionniste et institutionnaliste,
ou dans le cadre conceptuel des SI, la trajectoire historique du cadre institutionnel revêt une
importance capitale, en raison de la dépendance au sentier (path dependence) du processus du
changement institutionnel.

En effet, il est pratiquement inconcevable de compter étudier un problème tel que le nôtre
sans chercher à savoir : depuis quand la politique agricole actuelle est en vigueur ? Quelles
étaient les politiques antérieures ? Pour quelle raison est-t-on passé d’une politique à une
autre ? Quelle sont les erreurs commises dans le passé et qu’il faudrait éviter de renouveler ?

Il en est de même de l’évolution du dispositif de R&D agricole. Il est en effet capital de savoir
si la situation a toujours été telle qu’elle est actuellement, ou au contraire elle aurait évolué
positivement ou négativement au cours de l’histoire. On doit également savoir quelles étaient
les efforts fournis dans ce domaine, et quelles sont les lacunes constatées par nos pairs.

Tout cela afin d’appréhender le contexte actuel et être en mesure, in fine, d’émettre des
recommandations en matière de politique publique.

Dans le sixième chapitre également, ce sera à travers une analyse rétrospective que nous
allons étudier l’évolution historique de l’oléiculture en Algérie depuis la période coloniale. De
même que pour le cadre institutionnel qui sera étudié dans le cinquième chapitre, le contexte

19
Introduction générale Problématique et méthodologie de la recherche

actuel de l’oléiculture en Algérie est également dépendant de la trajectoire d’évolution du


secteur. D’ailleurs, outre cette analyse historique, le chapitre 6 portera également sur l’analyse
de la situation actuelle du secteur de l’oléiculture, que ce soit du point de vue de la chaîne de
valeur, ou du dispositif institutionnel, ou encore en matière de R&D. L’analyse de la situation
présente du secteur et celle de sa situation antérieure sont pratiquement indissociables. En
effet, quelle que soit la pertinence d’une étude portant uniquement sur l’état actuel de
l’oléiculture ou sur la période récente, la performance ou les contraintes actuelles du secteur
ne se sont certainement pas manifestées ex nihilo !

Tout comme c’est le cas pour le chapitre 5, cette étude sera également effectuée sur la base
des travaux de recherche antérieurs. Toutefois, force est de constater que le nombre de
travaux de recherche en sciences économiques consacrés à l’oléiculture en Algérie est
particulièrement limité. En outre, la recherche documentaire que nous avons effectuée a mis
en exergue un vide flagrant en la matière entre le début des années 1970 (Alloum, 1974 ;
Rouighi, 1974) et les années 2010 (Boudi et al., 2013 ; Hadjou et al., 2013 ; Aït Mouloud,
2013 ; Lamani, 2014 ; Lamani et al., 2015 ; Lamani et Ilbert, 2016a ; Lamani et Ilbert,
2016b ; Boudi et al., 2016).

Ce n’est qu’une fois que nous aurons appréhendé l’historique et le contexte actuel du SIA en
Algérie d’une manière générale (à travers les chapitres 4 et 5) et du secteur de l’oléiculture en
particulier (dans le chapitre 6), que nous procéderons dans le septième et dernier chapitre à
une analyse microéconomique du secteur de l’oléiculture dans la wilaya de Béjaïa, au sens de
l’approche des SI. Cette étude aura pour objet de mettre en lumière les facteurs déterminants
du changement dans les techniques de production, les modes d’organisation et les canaux de
commercialisation, autrement dit l’innovation dans les exploitations oléicoles de la wilaya de
Béjaïa (Maghni et Oukaci, 2018).

A cet effet, nous allons recourir à une des méthodologies expérimentées visant à adapter celle
du Manuel d’Oslo (op. cit.) aux particularités du secteur primaire, en l’occurrence le secteur
de l’agriculture. Ladite méthodologie a été développée par un groupe de chercheurs
universitaires qui étudie différents aspects des entreprises de l’agro-industrie en Colombie.
(Ariza et al., 2013 ; Guaitero et al., 2013 ; Saavedra et al., 2012).

La démarche indiquée à travers cette méthodologie a nécessité la constitution d’une base de


données à partir d’une enquête menée auprès d’un échantillon d’exploitations oléicoles dans
la wilaya de Béjaïa à l’aide d’un questionnaire semi-directif. Sur la base de ces données, nous
20
Introduction générale Problématique et méthodologie de la recherche

allons calculer la valeur d’un indice d’innovation autour duquel s’articule la méthodologie
adoptée. Par ailleurs, cette méthodologie prévoit une analyse statistique inférentielle à travers
laquelle nous serons en mesure de mettre en lumière les facteurs déterminants de l’innovation
au sein des exploitations oléicoles dans la wilaya de Béjaïa.

Enfin, en conclusion de notre travail de recherche, nous allons synthétiser les résultats
auxquels nous avons abouti à l’issue des différentes études menées à travers notamment les
quatre derniers chapitres. A partir de ces résultats, nous allons apporter des éléments de
réponse à notre problème de recherche et vérifier nos hypothèses. Ainsi, nous serons en
mesure d’émettre un certain nombre de recommandations à l’attention des pouvoirs publics.

21
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

1.1. Introduction

Au début des années 1980, l’ouvrage de Nelson et Winter (1982) intitulé Théorie
Évolutionniste du Changement Économique a officiellement marqué l’émergence d’une
approche néo-schumpétérienne de la théorie économique évolutionniste. Cette œuvre a par la
suite été suivie par une publication riche et diversifiée, sensiblement renforcée par la création
du Journal of Evolutionary Economics3 en 1991.

La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne a pour objet d’appréhender les mécanismes


sous-jacents de la dynamique économique, et se veut une alternative à la théorie néoclassique,
basée sur le principe d’optimisation et l’analyse des situations d’équilibres. Les principes
mobilisés par la théorie évolutionniste, à savoir la dynamique économique prônée par Joseph
Schumpeter et le principe de "rationalité procédurale" développée par Herbert Simon,
seraient bien plus compatibles avec la réalité économique.

La théorie évolutionniste distingue entre la théorie formelle et ce que Nelson et Winter (Ibid.)
appellent "les théories appréciatives". Celles-ci constituent une approche de développement
théorique proche des travaux empiriques, pour lesquels elle fournit une interprétation et une
orientation en vue d’une exploration plus avancée. La théorie appréciative constitue un mode
de raisonnement abstrait, exprimé à travers la description et l’articulation de la pensée de
l’économiste par rapport à ce qui se déroule effectivement dans le système économique.
(Nelson, 1998, p.500). La théorie appréciative s’avère souvent plus pertinente pour les
économistes menant des travaux de recherche appliquée en vue d’influencer les politiques
publiques. (Nelson et Winter, op. cit., p.185)

Par ailleurs, la modélisation évolutionniste rompt sensiblement avec la méthode


essentiellement analytique employée en économie néoclassique, axée sur l’analyse des états
d’équilibre, le principe d’optimisation, ainsi que les hypothèses de rationalité et
d’homogénéité des agents économiques. La théorie évolutionniste adopte une démarche
inductive, à partir des faits stylisés issus des observations empiriques, formalisés et validés
par les économistes sur la base des expériences répétées, effectuées à l’aide des programmes
de simulation informatique.

Dans ce chapitre, nous allons dans un premier temps souligner les origines schumpétériennes
de la théorie économique évolutionniste et les concepts fondamentaux de "rationalité

3
https://link.springer.com/journal/191
22
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

procédurale" et de "satisficing" développés par Herbert Simon. Sera ensuite développé le


concept de routine qui occupe une place centrale dans la théorie évolutionniste, ainsi que les
principes de l’évolution économique, à savoir la diversité, la sélection et la réplication.
D’autres concepts inhérents à la connaissance et aux processus d’apprentissage et
d’innovation seront également développés, à savoir les concepts de paradigme, de trajectoire
et de régime technologiques. Les structures de deux modèles fondamentaux de la théorie
évolutionniste néo-schumpétérienne seront par la suite exposées de façon synthétique et
illustrative. Enfin, le cadre d’analyse micro-méso-macro du processus d’innovation sera
développé.

1.2. Origines schumpétériennes de la théorie économique évolutionniste

L’influence de Joseph Schumpeter dans l’œuvre de Nelson et Winter (op. cit.) est
omniprésente. D’ailleurs, l’épithète "néo-schumpétérienne" est jugé par les deux économistes
comme étant aussi approprié que le terme "évolutionniste" pour désigner leur approche. Plus
précisément, les idées évolutionnistes offrent une approche propice au problème d’élaboration
et de formalisation de la vision schumpétérienne du capitalisme tel un moteur du changement
progressif. (Ibid., p.39)

1.2.1. Émergence de la théorie schumpétérienne

A l’époque où il a publié la Théorie de l’évolution économique en 1911, Joseph Schumpeter


était un fervent admirateur de la théorie néoclassique, et considérait d’ailleurs les travaux de
Walras sur la théorie de l’équilibre général comme l’une des œuvres les plus importantes de la
science économique. Toutefois, Schumpeter a voulu développer une théorie de l’évolution
économique différente de la théorie néoclassique de l’équilibre statique. En effet, Schumpeter
pensait qu’“… il [existerait] une source d’énergie au sein du système économique qui
perturberait tout équilibre pouvant être atteint. Si tel est le cas, il doit y avoir une théorie
purement économique du changement économique qui ne repose pas simplement sur des
facteurs externes propulsant le système économique d'un équilibre à un autre. C’est une telle
théorie que [Schumpeter] a essayé de construire... Cette idée et cet objectif sont exactement
les mêmes que ceux qui sous-tendent les enseignements économiques de Karl Marx [, à
savoir] une vision de l'évolution économique tel un processus distinct généré par le système
économique lui-même.” (Schumpeter, 1937/1989, p.166, cité par Fagerberg, 2003, pp.128-
129).

23
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

Il ressort également de ce passage que la perspective dynamique de la théorie


schumpetérienne est inspirée du marxisme. De fait, l’approche schumpetérienne peut être
considérée comme un syncrétisme des doctrines marxiste, néoclassique et celle de l’École
Historique Allemande. Avec cette dernière, Schumpeter partage l’accent mis sur la spécificité
historique de toute problématique par rapport à la technologie, au secteur d’activité, aux
institutions, etc. Quant à la composante néoclassique de son approche, elle réside dans la
nécessité d’analyser les problèmes d’un point de vue microéconomique afin de pouvoir
expliquer l’évolution à travers les interactions entre des acteurs individuels plutôt qu’une
analyse de l’économie au niveau global. (Ibid.)

1.2.2. Flux circulaire et innovation

Au départ, Schumpeter jugeait que sa théorie sur la dynamique économique et la théorie


néoclassique de l’équilibre économique pouvaient aisément coexister. D’ailleurs, sa
description du flux circulaire, dans lequel le comportement normal des agents économiques
est décrit par le concept de routine, correspond remarquablement à l’état de l’équilibre
général walrasien. La notion de routine dans le flux circulaire constitue un socle parfait pour
l’analyse de l’innovation par Schumpeter. Celui-ci définit l’innovation comme une nouvelle
manière de faire les choses, rompant avec les pratiques en vigueur (autrement dit, les
routines), et permettant de sortir des sentiers habituels. Pour Schumpeter, une économie dans
laquelle l’innovation est en marche est très différente de celle décrite en termes du flux
circulaire stable. Lorsque le processus d’innovation est en cours, les pratiques habituelles ne
sont plus viables. L’activité économique fait désormais des perdants et des gagnants, et
l’économie n’est certainement pas en état d’équilibre. (Nelson, 2012, pp.903-904)

1.2.3. Les modèles d’innovation chez Schumpeter

Schumpeter a identifié deux principaux modèles d’activités d’innovation. Le premier,


appelé4Schumpeter Mark I, fut exposé dans la Théorie de l’évolution économique. Ce modèle
est caractérisé par la “destruction créatrice” avec une facilité technologique à l’entrée et un
rôle majeur joué par les entrepreneurs et les nouvelles entreprises dans les activités
d’innovation. Le second, appelé Schumpeter Mark II, fut exposé dans Capitalisme, Socialisme
et Démocratie (1942). Cet ouvrage traite, entre autres, de l’importance des laboratoires de
R&D industriels pour l’innovation technologique ainsi que du rôle clé joué par les entreprises

4
Appellation attribuée par Nelson & Winter (1982) et Kamien & Schwartz (1982), cités par Malerba &
Orsenigo, 1996, p.452.
24
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

de grande taille. Schumpeter Mark II est caractérisé par “l’accumulation créatrice” avec une
prédominance de grandes entreprises en activité, et la présence d’importantes barrières à
l’entrée pour les innovateurs. Par ailleurs, les modèles d’innovation Schumpeter Mark I et
Schumpeter Mark II peuvent également être désignés par les termes widening (élargissement)
et deepening (approfondissement) respectivement. Un modèle d’élargissement d’activités
d’innovation est relatif à la base d’innovation, qui connait un élargissement continu à travers
l’entrée de nouvelles entreprises innovantes, ainsi qu’à l’érosion des avantages compétitifs et
technologiques des entreprises déjà en place. En revanche, un modèle d’approfondissement de
l’innovation porte sur la domination de quelques entreprises qui innovent en permanence à
travers l’accumulation de capacités technologiques et des innovations au fil du temps.
(Malerba et Orsenigo, 1996, p.452)

1.3. La rationalité procédurale et le concept de Satisficing

Un des concepts de base de la théorie économique évolutionniste néo-schumpétérienne est la


notion de rationalité procédurale ou rationalité limitée des agents économiques. Cette notion,
forgée par le courant behavioriste mené par Herbert Simon, constitue la principale critique
formulée par Nelson & Winter (op.cit.) à l’égard du courant néoclassique.

L'analyse économique néoclassique repose sur deux hypothèses fondamentales. La première


suppose que l'agent économique fixe un objectif de maximisation de l’utilité ou du profit. La
seconde hypothèse est que l'agent économique est « substantivement » rationnel. Le
comportement est substantivement rationnel quand il est en mesure d’atteindre les objectifs
fixés, à l’intérieur des limites imposées par les conditions et les contraintes données. (Simon,
1992, p.02)

Or, le comportement humain est conditionné par l’incertitude. Celle-ci peut avoir deux
origines. La première est l’insuffisance de l’information nécessaire à la prise de décision. La
seconde provient du caractère limité des capacités computationnelles et cognitives des agents
à poursuivre leurs objectifs sans équivoque, étant donné l’information disponible. La première
source d’incertitude provient de l’incomplétude de l’information disponible, alors que la
seconde découle de l’incapacité des agents à identifier et à interpréter l’information
pertinente, autrement dit, de l’insuffisance des connaissances plutôt que de l’information.
(Dosi et Egidi, 1991, p.145)

25
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

La rationalité est définie comme la capacité d’un individu à développer une réflexion
systématique et logique, comprenant une identification minutieuse des choses, la perception
des relations de causalité entre elles, ainsi que la construction de procédures logiques pour la
résolution des problèmes ou le choix entre différentes alternatives. La rationalité est une
propriété inhérente à la pensée, et non pas aux actions, quoique les actions basées sur la
rationalité sont dites rationnelles. Ce n’est pas non plus une propriété qui peut être attribuée à
une organisation ou un groupe de personnes car seul un individu a la faculté de penser. Par
ailleurs, la rationalité est dite locale, dans la mesure où un même individu ne pourra jamais
réfléchir à tout, simultanément. La réflexion de chacun est en effet conditionnée par son état
d’esprit à différents moments, à la fois en matière de connaissances dont il dispose, le niveau
de son intelligence et de ses perceptions, ainsi que son état émotionnel et son centre
d’attention. Autrement dit, la rationalité d’un individu est limitée par son ignorance (i.e. ses
connaissances limitées) ; par sa stupidité (i.e. son incapacité à percevoir correctement ou tirer
des conséquences logiques des faits ou des principes connus) ; par sa myopie (ou sa capacité
limitée à anticiper les conséquences) ; par son égoïsme (i.e. son incapacité à tenir compte
suffisamment des actions et des préférences des autres) ; ainsi que par son immaturité (l’état
de ses connaissances et de ses préférences dépend de son expérience). (Day, 2008, pp.263-
264)

Cette définition correspond à celle proposée par Simon pour qualifier le comportement des
agents économiques. En partant des mécanismes cognitifs observés chez des agents réels,
Simon s’est intéressé au fait que les agents dédient leur énergie non pas au choix de la
meilleure solution parmi une multitude d’alternatives, mais à l’analyse des problèmes
auxquels ils sont confrontés et à la construction de solutions acceptables pour ces problèmes.
Cette démarche correspond à une rationalité qui ne peut être réduite à la recherche d’un
optimum et Simon la dénomme la rationalité procédurale. (Yildizoglu, 2009, p.06) "Le
comportement est rationnel de manière procédurale quand il est le résultat d'une délibération
appropriée. Cette rationalité dépend du processus de réflexion particulier qui l'a générée."
(Simon, op. cit., p.03) Chaque être humain entreprend le processus de prise de décision à
l’intérieur d’un cadre de référence spécifique et assez restreint. Ce cadre de référence est en
continuelle mutation en fonction de notre état d’esprit et de ce que nous évoquent les
circonstances auxquelles on est confronté. (Simon, 2005, p.93) En effet, même pour un
problème pour lequel la solution substantivement rationnelle est unique, il n’y a aucune raison
pour que la rationalité procédurale conduise à une forme unique de comportement. En

26
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

fonction de leurs contraintes et de leur histoire, les agents développeront nécessairement un


ensemble diversifié de procédures pour faire face au même problème. (Yildizoglu, op. cit.,
p.06)

Au niveau des entreprises, la rationalité procédurale des agents individuels se traduit


notamment par ce que Simon appelle satisficing, un concept composite5 qui renvoie au fait
que si une entreprise juge qu’elle réalise suffisamment de profits, elle se contentera de ses
procédures (routines) actuelles sans chercher à les améliorer ou à les remplacer et ce, tant
qu’elle n’est pas confrontée à la pression de la concurrence. Le cas échéant, l’entreprise se
mettrait à chercher une alternative ad hoc pour répondre à cette pression. Cette hypothèse de
satisficing constitue une représentation à la fois simple et extrême des incitations au
changement technique au niveau des entreprises. (Nelson et Winter, op.cit., p.211)

1.4. Les routines des organisations

La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne définit le concept de routine comme tout


modèle régulier et prévisible dans le comportement des organisations, en l’occurrence les
entreprises. Le rôle des routines dans la théorie économique évolutionniste peut être comparé
à celui des gènes en biologie. Elles ont en effet un caractère durable qui assure la stabilité de
l’organisation, ce qui permet de formuler des prévisions par rapport à son comportement
futur. Elles ont également un caractère héréditaire, en ce sens que les organisations
subséquentes issues de l’organisation actuelle (ex. de nouvelles filiales) partageront un bon
nombre de caractéristiques avec l’organisation d’origine (ex. la maison-mère). Enfin, les
routines sont sélectionnables dans la mesure où si des organisations dotées de certaines
routines sont plus performantes, cela se traduirait par un accroissement de leurs fréquences
relatives dans la population (le secteur) au fil du temps. (Ibid, p.14).

Par ailleurs, les routines sont appréhendées comme des éléments fondamentaux des capacités
d’une organisation. D’abord, parce que les routines assurent la coordination de l’organisation,
en conciliant les intérêts de ses différents membres. La théorie évolutionniste a recours à la
notion de "trêve"6 pour qualifier ce rôle de coordination. Ensuite, les routines étant exécutées
dans le subconscient des membres de l’organisation en raison de leur caractère récurrent,
permettent à l’organisation d’économiser ses ressources cognitives. De plus, les routines
assurent l’articulation des connaissances notamment à travers leur application. (Becker, 2004,

5
Satisfying (satisfaisant) + sufficing (suffisant)
6
De l’anglais truce
27
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

p.662) Enfin, les routines reflètent l’expérience et l’apprentissage des entreprises au fil du
temps. (Cantner et Hanusch, 2002, p.190)

Trois catégories de routines peuvent être distinguées. La première catégorie englobe les
procédures standards de fonctionnement, qui déterminent le processus et le volume de
production d’une entreprise dans différentes circonstances, étant donné son stock de capital et
les autres facteurs de production qui demeurent fixes dans le court terme. Un exemple-type de
ce genre de routine est la technologie. Dans la seconde catégorie, les routines déterminent le
comportement d’investissement de l’entreprise à travers les équations régissant sa croissance
ou son déclin (mesurés en termes de stock de capital) en fonction des profits, et d’autres
variables éventuelles. Enfin, les processus délibératifs de l’entreprise, qui se traduisent par la
recherche de meilleures façons de faire les choses, sont également guidés par des règles de
décisions qui constituent la troisième catégorie de routines. (Nelson, 1995, p.69)

En fait, le concept d’innovation, tel qu’il est appréhendé par la théorie évolutionniste,
correspond à un changement dans la routine. Dans le système économique, l’innovation
correspond dans une large mesure, à la recombinaison de matériaux cognitifs et physiques
existants auparavant. La dynamique intense en matière de progrès scientifique, technologique
et économique dans la société moderne provient en grande partie du fait que chaque exploit
n’est pas uniquement une réponse à un problème particulier, mais constitue également un
nouvel élément utilisable, dans une nouvelle combinaison, pour la résolution d’autres
problèmes futurs. De même, l’innovation en matière d’organisation consiste essentiellement
en une nouvelle combinaison de routines existantes. (Nelson et Winter, op.cit., pp.128 ; 130)

1.5. Principes de l’évolution : diversité, sélection et réplication

De toute évidence, les mécanismes de sélection jouent un rôle important dans les processus
économiques évolutionnaires. Ces derniers partent du principe de diversité dans les
caractéristiques d’une population d’unités de sélection (ex. les entreprises), lequel est combiné
au processus de sélection. Du fait de l’interaction des unités de sélection entre elles et avec
leur environnement, le processus de sélection « évalue » les caractéristiques des unités de la
population et fait ressortir le score de performance, à partir duquel un modèle de variation
dans l’importance relative des unités de sélection va émerger. (Foster et Metcalfe, 2001,
pp.06-07)

28
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

1.5.1. Sélection de sous-ensemble et sélection générative

Partant des travaux de George R. Price sur la formulation mathématique du processus de


sélection, Hodgson et Knudsen (2006) distinguent deux différents concepts: la sélection de
sous-ensemble et la sélection générative7.

Le premier correspond à la sélection d’un sous-ensemble à partir d’une population d’entités, à


l’instar d’un certain nombre d’entreprises qui survivent à un décrochage du secteur d’activité,
ou d’autres qui succombent à la faillite. La sélection de sous-ensemble est définie comme
étant "un cycle d’élimination d’entités dans une population, de manière structurée et
différentiée, par le fait de l’interaction avec l’environnement." (Ibid., p. 479) Chaque cycle de
sélection de sous-ensemble contracte la taille de la population antérieure. A terme, ce type de
sélection tend ainsi à éliminer la diversité et peut éventuellement entrainer l’extinction de la
population. Par ailleurs, le critère de sélection opérant sur une population d’entreprises intègre
toujours la composante humaine, constituée des choix et des préférences des individus, de
façon directe ou indirecte. Dans l’exemple relatif à l’élimination des entreprises par la faillite,
différents facteurs tels qu’une faible performance technique, une tentative d’influence du
marché, une image de marque dégradée, l’absence d’un soutien institutionnel suffisant, des
produits peu attractifs ou une organisation interne inefficace, mènent souvent à la faillite. De
fait, ces facteurs résultent en partie des préférences et des choix délibérés des décideurs au
sein de l’entreprise. Enfin, les auteurs font remarquer que la sélection de sous-ensemble est
une définition incomplète de la sélection opérant dans la réalité, laissant inexpliquée la
diversité qui émerge au sein de la population.

En revanche, la sélection générative explique la génération de la diversité dans la population


par le principe de réplication imparfaite et différentiée. La sélection générative est définie
comme "un cycle de réplication, de différentiation et d’interaction avec l’environnement,
structuré de sorte que le processus de réplication engendre la diversité au sein de la
population, et que l’interaction avec l’environnement fasse que la réplication soit
différentiée." (Ibid., p.482). Par conséquent, un processus évolutionnaire mettant en jeu des
cycles répétés de sélection générative peut, en principe, se poursuivre indéfiniment.

Aux processus de réplication et d’interaction ont été associés les deux concepts relativement
récents de réplicateur et d’interacteur8.

7
De l’anglais subset selection et generative selection.
29
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

L’idée fondamentale qui sous-tend le processus de réplication est le copiage des


connaissances incarnées dans le réplicateur, en l’occurrence les routines des entreprises. Le
concept de réplicateur correspond à "l’entité dont la structure a été transmise quasiment
intacte à travers des réplications successives" (David Hull, 1988, p.408, cité par Metcalfe,
1998, p.30). Trois critères ont été fournis par Sterelny et al. (1996, cité par Metcalfe, Ibid.)
pour qualifier un processus de réplication. Ainsi, B est une copie de A du fait de la réplication
si : (1) A constitue la cause de la production de B ; (2) B contient des informations et remplit
des fonctions similaires à celles de A ; et (3) B participe à la répétition du processus menant à
C et ainsi de suite. (Metcalfe, op.cit., pp.30-31)

Le concept d’interacteur a été défini comme "une entité qui interagit directement, comme un
ensemble cohérent, avec son environnement de sorte que la réplication qui en résulte soit
différentiée" (David Hull, 1988, p.408, cité par Hodgson et Knudsen, 2004, p.295). Dans le
domaine de l’économie, l’entreprise constitue l’interacteur par excellence. (Hodgson et
Knudsen, Ibid., p.302)

1.5.2. Les sources de la diversité

A travers une lecture rétrospective de la théorie évolutionniste d’Alchian (1950), exposée


dans son fameux article intitulé "Uncertainty, evolution, and economic theory", Knudsen
(2002, pp.455-457) met en lumière les sources de la diversité dans le système économique. En
effet, bien que l’article d’Alchian se concentre sur les entreprises, les arguments qui y sont
exposés peuvent être généralisés sur le système économique dans son ensemble. Il identifie
ainsi deux sources de diversité : l’incertitude et l’innovation.

Les intercateurs chez Alchian sont les entreprises, dont la survie dépend des profits réalisés ;
des résultats (incertains) des décisions prises ; et de leur adaptation. Par ailleurs, les
réplicateurs sont implicitement identifiés à travers des règles imitatives de comportement, qui
se transmettent entre les entreprises au fil du temps. Ces règles sont définies comme des
"imitations codifiées du succès observé" (Alchian, op.cit., p.218, cité par Knudsen, op.cit.,
p.455-456) par une entreprise chez ses concurrents.

La première source de diversité chez Alchian est l’incertitude. Lorsque des agents dont
l’information et les capacités cognitives sont limitées se trouvent confrontés à l’incertitude
quand à l’évolution future du contexte économique, ainsi qu’aux conséquences de leurs

8
De l’anglais replicator et interactor
30
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

décisions, "leurs jugements et leurs opinions diffèrent" (Ibid.). Par conséquent, les décisions
prises par les différentes entreprises sur la base de leurs jugements et de leurs opinions seront
aussi diverses. Il en résulte un processus de sélection des entreprises par le marché, dominé à
la base par le hasard.

Dans un tel climat d’incertitude, les entreprises seraient en effet motivées à imiter les facteurs
clés de succès constatés ex post auprès d’autres entreprises, plutôt que de chercher à
déterminer la meilleure décision ex ante. Toutefois, il se pourrait que les règles imitées ne
soient pas les facteurs réels du succès des autres entreprises, ou qu’elles le soient
effectivement, mais uniquement dans des circonstances spécifiques. Dans ce cas, les
entreprises apporteraient des changements répétitifs par tâtonnement, jusqu’à découvrir
d’éventuelles règles adaptées à leurs contextes et qui s’avéreraient être des facteurs de succès.
Il en ressort que la seconde source de diversité chez Alchian est l’innovation, qui peut être le
résultat d’un processus conscient d’essais-erreurs, ou celui d’une imitation imparfaite lorsque
les entreprises innovent en découvrant involontairement certains attributs uniques, qui
s’avèrent être d’autres facteurs de succès dans les circonstances du moment.

1.6. Connaissance, apprentissage et innovation

Les notions de paradigme, de trajectoire et de régime technologiques ont émergé dès


l’avènement de la théorie évolutionniste moderne. Ces concepts, élaborés par Dosi (1982) et
Nelson et Winter (op.cit.), permettent d’appréhender la dialectique qui sous-tend les modèles
formels de simulation développés en économie évolutionniste, notamment à travers les
interactions entre les connaissances, le processus d’apprentissage et la dynamique
d’innovation technologique.

1.6.1. Les paradigmes et les trajectoires technologiques

Les concepts de paradigme et de trajectoire technologiques (Dosi et Sylos-Labini, 2007,


pp.331-333) ont émergé d’une part, de la quête d’éventuelles régularités dans les modèles de
recherche technologique et d’accumulation des connaissances, et d’autre part, de la volonté
d’expliquer les écarts en matière d’innovations technologiques entre différents secteurs
d’activité.

La notion de paradigme technologique est basée sur une vision de la technologie fondée sur
trois idées fondamentales :

31
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

D’abord, elle suggère que toute description de la nature de la technologie et de son processus
de changement doit inclure une représentation des formes spécifiques des connaissances sur
lesquelles une activité particulière est basée. Elle concerne essentiellement des activités de
résolution-de-problèmes qui comportent, à des degrés différents, des formes de connaissances
tacites incarnées dans des procédures individuelles et organisationnelles (les routines).

Ensuite, les paradigmes comportent des heuristiques spécifiques, souvent partagées au sein de
la communauté de techniciens de chaque secteur d’activité. Autrement dit, chaque secteur
d’activité comporte un cadre cognitif commun.

Enfin, les paradigmes définissent souvent des structures de base pour les produits ou les
systèmes, qui sont progressivement modifiées et améliorées au fil du temps, et qui peuvent
être décrites à partir de certaines caractéristiques technologiques et économiques. Souvent, ces
descriptions révèlent l’existence de régularités et de constances dans certaines caractéristiques
de ces produits. La persistance de ce genre de régularités s’explique par l’ampleur du champ
d’application d’une technologie particulière, mais aussi par le degré d’avancée dans les
connaissances nécessaires à la production de ces modèles.

La notion de trajectoires technologiques est en générale associée à la réalisation progressive


des opportunités d’innovation qui sous-tendent chaque paradigme. Une trajectoire
technologique peut en principe, être « évaluée » en termes de changements dans les
caractéristiques techno-économiques des produits et des processus de production. Cette notion
renferme trois idées essentielles :

D’abord, chaque corps particulier de connaissances, autrement dit, chaque paradigme,


façonne et conditionne l’ampleur et la direction du changement technique quasi
indépendamment des incitations du marché.

Ensuite, le changement technique est en partie guidé par des tentatives répétées de contrer les
déséquilibres technologiques qu’il a lui-même créé.

Enfin, on devrait être en mesure d'observer des régularités et des constances qui persistent
sous différentes conditions du marché (ex. différents prix relatifs) au cours du processus de
changement technique, et dont la perturbation serait principalement subordonnée à des
changements radicaux dans les bases de connaissances, autrement dit, dans les paradigmes.

32
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

Par ailleurs, les concepts de paradigmes et de trajectoires concordent avec l’idée selon
laquelle l’apprentissage serait local et cumulatif.

La localité de l’apprentissage signifie que l’exploration et la recherche de nouvelles


techniques et de nouvelles formes de produits auraient tendance à se dérouler au voisinage des
techniques et des formes de produits existantes.

Quant à la cumulativité, il s’agit du fait que les avancées technologiques actuelles se basent
sur les expériences passées dans la production et l’innovation, et qu’elles soient induites par
des séquences de résolution-de-problèmes spécifiques. De plus, il y a lieu de souligner le
caractère robuste de la notion de cumulativité de l’apprentissage comme support expliquant
les asymétries en termes de performances entre les entreprises mais aussi entre différents
secteurs, régions ou économies.

1.6.2. Les régimes technologiques

« Le concept de "régime technologique"[…] fait référence à une frontière de possibilités [en


termes de capacités des entreprises], définie dans les dimensions économiques pertinentes, et
conditionnée par des contraintes physiques, biologiques, etc., compte tenu d’une manière de
faire les choses définie au sens large. C’est un concept cognitif, relatif aux croyances des
techniciens à propos de ce qui est faisable, ou du moins, de ce qui vaut la peine d’être
tenté... » (Nelson et Winter, op.cit., pp.258-259)

Le mode d’organisation des activités d’innovation spécifique à un secteur d’activité peut être
appréhendé à travers la nature du régime technologique (ou d’apprentissage) correspondant.
La notion de régime technologique permet de représenter de manière synthétique quelques
unes des propriétés et caractéristiques les plus importantes des technologies et des processus
d’apprentissage rentrant dans les activités d’innovation. Les régimes technologiques
identifient certaines conditions fondamentales et structurelles qui contribuent à la définition
des compétences requises, les incitations ainsi que les propriétés dynamiques des processus
d’innovation. Le régime technologique est défini par la combinaison spécifique à chaque
secteur d’activité, de quatre propriétés des technologies, à savoir (Malerba, 2007, pp.347-
350) :

 Les opportunités technologiques : reflètent la probabilité d’innovation pour un montant


donné d’investissement dans la recherche. Un niveau d’opportunités important procure de
fortes incitations à entreprendre des activités d’innovation ;
33
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

 L’appropriabilité des innovations : reflète les possibilités de protéger les innovations de


l’imitation et de s’approprier les bénéfices provenant des activités innovantes ;

 La cumulativité du progrès technique : comme définie précédemment, cette notion


exprime le fait que les connaissances et les activités innovantes du moment présent
constituent la base et les matériaux des innovations futures. Chaque innovation génère en
effet un flux d’innovations subséquentes, qui représente des améliorations graduelles (ou
incrémentales) de l’innovation originelle, ou donne naissance à de nouvelles
connaissances qui seront utilisées pour d’autres innovations et éventuellement dans
d’autres domaines ;

 Les propriétés de la base de connaissances : dépendent de la nature ainsi que des moyens
de communication et de transmission des connaissances. Les connaissances
technologiques comprennent différents degrés de spécificité, de codification, de
complexité et de liberté.

Par ailleurs, l’analyse de la dynamique d’innovation dans un secteur d’activité peut être
éclairée par l’examen des relations existant entre d’une part, les propriétés du régime
technologique en termes d’opportunité, d’appropriabilité, de cumulativité et de propriétés de
la base de connaissances, et d’autre part, certains aspects relatifs aux modèles d’activités
d’innovation dans le secteur, comme suit (Breschi et al., 2000, pp.393-394) :

 Émergence d’entreprises innovantes : Ceteris paribus, un niveau d’opportunités


technologiques élevé tend à favoriser l’émergence de nouvelles entreprises innovantes
dans le secteur. En effet, en augmentant les rendements attendus de la R&D, un niveau
d’opportunité élevé accroit les incitations des entreprises à s’engager dans des activités
d’innovation. Au contraire, un niveau d’opportunités technologiques bas décourage
l’arrivée de nouveaux innovateurs et réduit la performance des entreprises déjà en place
en matière d’innovation.

Par ailleurs, lorsque la cumulativité du progrès technique est faible, ceteris paribus,
l’émergence (l’entrée) d’entreprises innovantes sera importante.

Enfin, une base de connaissances génériques relatives aux sciences fondamentales sera
négative pour l’émergence d’entreprises innovantes car celles-ci doivent avoir accumulé
auparavant des capacités d’absorption suffisantes afin de pouvoir intégrer et se servir de
ces connaissances génériques. En revanche, une base de connaissances spécifiques,
34
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

relatives aux sciences appliquées, favorise l’émergence d’entreprises innovantes qui


pourront profiter des connaissances spécialisées déjà à leur disposition.

 La concentration de l’innovation dans le secteur : Ceteris paribus, un niveau


d’opportunités technologiques élevé tend à favoriser l’émergence de nouvelles entreprises
innovantes dans le secteur, diminuant ainsi la concentration de l’innovation entre les
entreprises du secteur.

Toutefois, il y a lieu de souligner que l’impact du niveau d’opportunité technologique sur


la concentration des innovations dépendrait des interactions entre les conditions
d’opportunité, d’appropriabilité et cumulativité. En particulier, un niveau d’opportunités
technologiques élevé permettrait à certaines entreprises de réaliser des bonds
d’innovation importants (innovations radicales), qui peuvent être renforcés par des
niveaux élevés d’appropriabilité et de cumulativité, accentuant ainsi la concentration des
innovations entre les entreprises plutôt que de la réduire.

Par ailleurs, en limitant les externalités en matière d’apprentissage et en permettant aux


entreprises innovantes de maintenir leurs avantages, un niveau élevé d’appropriabilité,
ceteris paribus, accentuerait la concentration de l’innovation dans le secteur.

De même, il existe une relation positive entre la cumulativité du progrès techniques et la


concentration des innovations dans le secteur, ceteris paribus. De fait, lorsque le niveau
de cumulativité est élevé, les entreprises innovantes accumulent davantage d’innovations
sur la base des compétences et des innovations existantes, accentuant ainsi la
concentration des innovations dans le secteur.

Enfin, une base de connaissances génériques va en principe renforcer la concentration


des innovations dans le secteur, car le développement des capacités d’absorption
nécessite des efforts coûteux en R&D et en apprentissage, ce qui constitue un avantage
pour les entreprises innovantes existantes. En revanche, dans le cas d’une base de
connaissances spécifiques et relativement accessibles aux entreprises (qu’elles soient
nouvelles ou déjà en place), la concentration d’innovations dans le secteur sera faible.

 La stabilité dans le classement des entreprises innovantes : Celle-ci dépend positivement


de l’appropriabilité des innovations et de la cumulativité du progrès technique. En effet,
des niveaux élevés d’appropriabilité et de cumulativité permettront aux entreprises

35
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

leaders en matière d’innovation de maintenir leurs positions du fait qu’elles puissent


continuer à innover sur la base des innovations précédentes et de protéger leurs
innovations de l’imitation. Les connaissances technologiques et les compétences
accumulées par les entreprises innovantes déjà en place constituent ainsi une barrière à
l’entrée de nouveaux innovateurs.

Enfin, cette stabilité dans le classement des innovateurs dépend négativement du niveau
des opportunités technologiques. En effet, des opportunités importantes accroissent la
probabilité d’émergence de nouvelles entreprises innovantes, ce qui aura tendance à
perturber l’ordre existant. Toutefois, des niveaux élevés d’appropriabilité et de
cumulativité iront à l’encontre de cette tendance.

1.7. Théorie formelle et modélisation évolutionniste

Différentes approches ont été mobilisées dans le cadre de la modélisation évolutionniste, à


savoir la théorie des jeux évolutionniste ; la dynamique de sélection ; la technique de
computation évolutionniste ; ainsi que les systèmes multi-agents. Ces méthodes font appel à
des techniques mathématiques telles que les équations différentielles, les processus
stochastiques, ainsi que les graphes et les algorithmes évolutifs. (Safarzynska & van den
Bergh, 2010, p.331)

Étant donnée la diversité des méthodes et la multitude de modèles développés dans le cadre de
la théorie évolutionniste, il est pratiquement impossible de les exposer, ni même de les
recenser de façon exhaustive dans le cadre de ce travail de recherche.

Par conséquent, nous nous sommes limités à l’exposé relativement succinct des modèles
fondateurs de la théorie évolutionniste néo-schumpétérienne, à savoir le théorème de Fisher
sur la sélection naturelle, ainsi que le principal modèle développé par Nelson et Winter
(Op.cit.).

1.7.1. La dynamique de réplication et le théorème de Fisher

Le principe central de la dynamique évolutionniste est le théorème de Fisher sur la sélection


naturelle (Fagerberg, 2003, p. 147). Celui-ci stipule que “la sélection améliore la performance
moyenne dans la population, et [que] le taux de croissance de la performance moyenne est
égal à sa variance”. Autrement dit, la diversité alimente le changement. Ce principe est

36
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

formalisé à l’aide de l’équation de la dynamique de réplication comme suit (Metcalfe, 1998,


p.61) :

= = – =

Avec :

: Performance moyenne de la population (les entreprises d’un même secteur


d’activité économique ; la performance peut être exprimée à travers le taux moyen de
croissance économique) ;

: Performance de l’espèce (ou de la sous-population d’entreprises ) ;

: Fréquence relative de l’espèce (ou part de la entreprise dans la production totale) ;

: Variance de la performance moyenne (pondérée par ).

L’équation de la dynamique de réplication indique que les espèces (ou

entreprises) ayant une performance supérieure à la performance moyenne verront leur


proportion augmenter ( ≥ 0) tandis que la part des autres espèces dans la population
diminuera. Ainsi, dans le cas (hypothétique) où les performances sont constantes (absence
de diversité), la dynamique de sélection conduira à une augmentation continue de la
performance moyenne et convergera vers une population homogène formée uniquement par
l’espèce qui présente la performance la plus élevée. (Yildizoglu, 2009, p.15)

1.7.2. Le modèle de concurrence schumpétérienne de Nelson & Winter

Le modèle de simulation de Nelson et Winter (Op.cit., Chapitre 12) décrit un système


dynamique stochastique dans lequel la productivité tend à croître au fil du temps, et où les
coûts de production tendent à diminuer à mesure que de nouvelles techniques sont
découvertes. Comme résultat de ces forces dynamiques, le prix évolue à la baisse, alors que la
production du secteur tend à croître au fil du temps. Par ailleurs, les entreprises réalisant des
profits prennent de l’ampleur, alors que celles qui sont déficitaires se rétractent, et celles
menant des activités de R&D d’innovation peuvent prospérer (ou décliner). Le sort de ces
dernières influence le flux d’innovation dans le secteur (Ibid., p.287).

37
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

Le modèle décrit une structure formelle, délibérément simple, permettant d’explorer les
relations complexes les plus importantes entre la structure du marché, le progrès technique et
les différents aspects de la performance d’un secteur d’activité. (ibid., p. 281)

Dans leur ouvrage de 1982, Nelson et Winter ont exposé une description détaillée du modèle
(pp. 281-287). Toutefois, afin de faciliter l’appréhension du modèle (ce qui constitue
d’ailleurs un objectif explicitement exprimé par les auteurs), nous nous sommes inspirés
d’une autre description appuyée par un schéma de la structure computationnelle du modèle
(cf. Figure 1 en Annexe 01), présentée par Andersen et al. (1996, pp. 3-5) :

1. L’état d’un secteur d’activité économique en temps t est hérité de celui de la période
précédente, t-1. Il est défini en fonction de deux variables d’état : le niveau du stock de
capital physique (Kit) et la productivité du capital (Ait) de chacune des n entreprises du
secteur.

A partir de ces variables d’état, le modèle définit d’une manière simplifiée un système
économique de court terme à l’aide duquel sont calculés le produit, le prix et les profits des
entreprises :

2. La production est caractérisée par des rendements d'échelle constants. Le volume de


production maximum d’une entreprise est alors Qit = Ait Kit. Le produit de chaque
entreprise est déterminé par la règle de pleine utilisation des capacités. Autrement dit, la
production réelle de chaque entreprise est égale à sa production maximale. La production
du secteur (Qt) se calcule par simple agrégation ;

3. La demande du secteur est exogène. Elle est caractérisée par une élasticité unitaire.
Autrement dit, le même revenu total (D) est généré par le secteur, quelle que soit la
quantité produite (Pt= D / Qt) ;

Le niveau de la productivité est spécifique à chaque entreprise. Le progrès technique prend la


forme d’un processus d’innovation et d’un processus d’imitation qui accroissent la
productivité du capital (Ai, t+1>Ait) :

4. Les coûts engagés par les entreprises dans la R&D et les activités d’innovation sont
déterminés par des règles de décision prédéfinies, proportionnellement au niveau du
capital physique );

38
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

5. L’innovation est un processus stochastique dont la variable aléatoire suit une


distribution de Poisson, avec un nombre moyen de succès par période proportionnel
aux coûts engagés par l’entreprise dans la R&D d’innovations, mais également
déterminé par le niveau d’appropriabilité de la technologie dans le secteur d’activité ;

6. La productivité d’une innovation "réussie" est déterminée par une distribution de


probabilités exogène, suivant une loi normale de moyenne (ln( )), définie par
l’état de l’art (ou la productivité latente) en croissance exponentielle. L’écart-type de
cette distribution est prédéfini, et les résultats en termes de productivité sont
reconvertis de la forme logarithmique vers la forme linéaire ;

7. Les coûts engagés par les entreprises dans la recherche d’imitation sont également
déterminés par des règles de décision prédéfinies, proportionnellement au niveau du
capital physique ). Ces coûts sont très faibles en raison de l’importance des
externalités dans le secteur, émanant des entreprises innovantes ;

8. La probabilité qu’une entreprise réussisse une imitation, proportionnelle aux coûts


engagés dans la recherche d’imitation, est déterminée par un facteur exogène, à savoir
la difficulté d’imitation dans le secteur ;

9. Une imitation réussie signifie que l’entreprise a eu accès à la meilleure pratique,


autrement dit, au niveau de productivité le plus élevé que toute autre entreprise du
secteur puisse atteindre ;

10. La productivité de la technique utilisée durant la période t ( ) est ensuite comparée


avec celles que l’entreprise aurait obtenues grâce à une innovation ( ), ainsi qu’à la
productivité la plus élevée (meilleure pratique) obtenue dans le secteur ( ). La
technique ayant la productivité la plus élevée est alors sélectionnée, et va déterminer la
productivité de la prochaine période : ;

Concernant les décisions en matière d’investissement :

11. Le modèle calcule le chiffre d’affaire pour chaque entreprise ( )


duquel il déduit les coûts (mesurés par unité de capital physique) afin de déterminer le
profit : . Les coûts de R&D sont déduits
au même titre que les coûts ordinaires comprenant les coûts des facteurs de

39
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

production, l’amortissement du capital physique et les intérêts (frais financiers). est


supposé constant durant toute la période de simulation ;

12. Le niveau d’investissement maximum d’une entreprise est déterminé par le profit de la
présente période auquel sont ajoutés les emprunts bancaires (proportionnels au profit) ;

13. L’investissement désiré par chaque entreprise est déterminé par le ratio prix/coûts de

production ( ), le niveau de dépréciation du capital physique (σ), le profit ( ),

ainsi que la part de marché ( );

14. L’investissement effectif est le minimum entre l’investissement désiré (13) et


l’investissement maximum (12), à condition qu’il ne soit pas négatif ;

15. Le stock de capital durant la prochaine période est alors déterminé comme suit :

1.8. Cadre d’analyse micro-méso-macro de l’évolution économique

En guise de théorie générale de l’évolution économique, Dopfer et Potts (2007) ont développé
le cadre d’analyse micro-méso-macro sur la base de trois concepts fondamentaux, à savoir
lesrègles, les vecteurs et les trajectoires.

1.8.1. Concepts de base du cadre micro-méso-macro

a) Le concept de règle

La classification horizontale des règles de l’économie distingue les règles de sujet et les
règles d’objet. De ce point de vue, une règle est définie comme l’idée servant à organiser les
actions ou les ressources afin d’exécuter des opérations de transformation et de transaction.

Les règles de sujet constituent la classe de règles inhérentes à un agent économique


individuel. Elles sont scindées en règles cognitives et comportementales. Les premières sont
les règles de fonctionnement internes à l’esprit humain, alors que les secondes sont celles qui
régissent les interactions de l’agent économique avec son environnement extérieur.

Les règles d’objet englobent quant à elles la classe de règles d’organisation des individus
(règles sociales) et de la matière (règles techniques). Les règles sociales comprennent à titre

40
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

d’exemple les entreprises, les réseaux, les hiérarchies, les marchés, etc. Les règles techniques,
désignées par le terme de technologie, sont incarnées dans la matière ayant subit une
intervention humaine.

Par ailleurs, une classification hiérarchique des règles de l’économie distingue entre les règles
constitutionnelles (règle d’ordre 0) ; les règles opérationnelles (règles d’ordre 1) ; et les
règles de mécanisme (règles d’ordre 2).

Sous cette perspective, les règles opérationnelles (règles d’ordre 1) d’un système économique
comprennent l’ensemble des règles de sujet (règles cognitives et comportementales) et des
règles d’objet (règles sociales et techniques). Celles-ci définissent le potentiel opérationnel du
système économique à un moment donné.

Toutefois, la stabilité et la dynamique des règles opérationnelles, et donc du système


économique, dépendent de l’état des règles constitutionnelles et des règles de mécanisme.

Les règles constitutionnelles (règles d’ordre 0) sont représentées par le système de règles
légales, politiques, sociales et culturelles qui définissent ce qui est possible et ce qui est
permis d’entreprendre dans le système économique. Elles constituent les règles de base de
l’économie dans son ensemble et l’espace d’opportunités et des possibilités pour la mise en
œuvre des règles opérationnelles.

Les règles de mécanisme (règles d’ordre 2) sont, quant à elles, des règles de conception,
d’adoption et de rétention de nouvelles règles opérationnelles (d’ordre 1). La conception,
l’adoption, et la rétention des règles de mécanisme par un agent économique ont pour
objectifs la conception, l’adoption, et la rétention de règles opérationnelles. Au niveau micro,
le mécanisme de règles d'ordre 2 est représenté par les systèmes d’apprentissage, et au niveau
macro, par les systèmes d’innovation.

b) Les vecteurs de règles

De même qu’une idée peut se concrétiser de diverses manières, une règle peut avoir différents
vecteurs. Ainsi, une technologie particulière (règle technique) peut se réaliser de diverses
façons dans un même produit, ou s’incarner dans des produits différents. Un comportement
donné (règle comportementale) peut également être adopté par différents agents, et à des fins
opérationnelles très variées.

41
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

Toutefois, il y a lieu de distinguer entre les vecteurs sujets (agents économiques individuels)
et les vecteurs objets (organisation d’agents ou artefacts). Les vecteurs sujets, appelés Homo
sapiens Œconomicus, sont des êtres humains qui régissent le comportement social et
technique grâce la fonction cognitive de leur esprit. Les vecteurs objets, en revanche,
incarnent les règles (ou la connaissance) à travers les formes d’organisation, appelées
agences. Des exemples de vecteurs objets sont les denrées et le capital physique (ayant subit
une transformation par l’Homme), mais aussi les principes d’organisation des systèmes
sociaux tels que les entreprises, les marchés et les nations.

Ainsi, l’évolution économique est toujours un processus de coévolution entre les vecteurs
sujets et les vecteurs objets qui incarnent les règles de l’économie de façon conjointe.

c) La trajectoire d’une règle

Un autre concept central de l’économie évolutionniste est la trajectoire. Celle-ci est définie
comme le sentier menant d’un état à l’autre, qui se traduit par un changement structurel dans
les règles et les populations de vecteurs de ces mêmes règles. Le concept de trajectoire joue
un rôle proéminent dans l’analyse schumpétérienne de l’économie qui met l’accent sur le rôle
déséquilibrant de l’entrepreneur et du processus d’adoption et d’adaptation qui en résulte,
qualifié de « destruction créatrice ».

1.8.2. Trajectoires d’évolution dans le cadre micro-méso-macro

La micro-trajectoire d’une règle correspond à la phase d’innovation (méso 1) de la méso-


trajectoire. La phase d’innovation (méso 1) reflète le processus de conception (micro 1),
d’adoption (micro 2) et de rétention (micro 3) d’une règle opérationnelle par un seul vecteur
(entrepreneur/innovateur). Cette étape représente le "point de passage" d’une règle
opérationnelle de l’état purement privé, propre à l’entrepreneur à l’origine de l’idée, vers un
stade où elle peu être adoptée par d’autres agents ou organisations.

En fait, c’est plutôt un complexe de règles de sujet et de règles d’objet qui suit une micro-
trajectoire, car l’innovation porte également sur des règles cognitives, comportementales et
sociales. En effet, l’entrepreneur à l’origine de l’innovation ne se limite pas à la découverte
d’une règle technique (ou d’un nouvel usage d’une règle déjà existante), mais conçoit
également d’autres règles d’accompagnement, visant à changer les mentalités, les
comportements et les modes d’organisation sociale afin de rendre la nouvelle règle technique

42
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

viable, dans le sens où elle pourrait être adoptée par d’autres agents ou organisations, et être
mise en œuvre à travers des opérations de transformation ou de transaction.

Sur le marché, la phase d’innovation (méso 1) se traduit par l’émergence d’une situation de
monopole. A ce stade, l’entrepreneur/innovateur est en effet le seul à maîtriser l’innovation.
Par conséquent, il est le seul à occuper le nouveau marché créé par la mise en œuvre de la
nouvelle règle opérationnelle. Enfin, la phase d’innovation (méso 1) intervient dans un climat
d’incertitude quant aux perspectives de profit.

La seconde phase de la méso-trajectoire est celle de l’adoption (méso 2) de la règle par une
population de vecteurs potentiels. La croissance de cette population est mue par l’intérêt que
d’autres agents porteraient à la nouvelle règle générique, intérêt qui se manifeste par leur
volonté d’apprentissage. En effet, tous les agents sont à l’affût de nouvelles idées susceptibles
d’accroitre les profits, pas uniquement l’entrepreneur/innovateur à l’origine de la nouvelle
règle générique.

La phase d’adoption (méso 2) est un processus de sélection caractérisé par une croissance
différentiée de la fréquence d’une règle par rapport à d’autres. Le mécanisme de sélection
s’opère en effet à la fois sur les différentes classes (règles cognitives ; comportementales ;
sociales ; et techniques) et les différents ordres de règles (règles d’ordres 0 ; 1 ; et 2), d’où la
grande complexité de la dynamique de sélection. Il en résulte que durant la phase d’adoption
(méso 2), certains agents (en tant que vecteurs de règles) vont prospérer et d’autres vont
faillir, certaines entreprises vont croître et d’autres vont périr, certaines institutions vont se
répandre et d’autres vont disparaître.

Le début du processus d’adoption (méso 2) est caractérisé par un degré d’incertitude élevé qui
s’atténue au fur et à mesure que la nouvelle règle est adoptée. Ainsi, méso 2 est un processus
cognitif au cours duquel la connaissance croît en fonction des diverses expériences et
interprétations de la nouvelle règle par les différents agents. Afin d’évaluer la nouvelle règle,
les autres agents la soumettent à l’appréciation du public en se référant aux expériences des
autres agents, notamment les mieux informés, mais aussi au marché (les consommateurs), ce
qui engendre un mécanisme de rétroaction.

Les mécanismes de sélection et de rétroaction qui s’opèrent sur des complexes de règles
alimentent un processus de dépendance au sentier (path-dependence), caractéristique de la

43
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

phase d’adoption (méso 2), dans le sens où la décision et la possibilité d’adopter une nouvelle
règle par d’autres agents dépendent de leurs expériences passées.

Durant la phase d’adoption (méso 2), une nouvelle règle est testée et examinée, donnant lieu à
de nouvelles opérations de transformation et transaction, ce qui engendre un certain remous
sur le plan opérationnel. Outre le processus de sélection qui s’exerce sur ces nouvelles
opérations, un changement s’opère au cours de la phase d’adoption (méso 2) à travers un
processus de réplication différentielle des opérations viables issues de la nouvelle règle.

Une fois que tous ceux qui veulent adopter la nouvelle règle l’ont fait, on entame à la phase
de rétention de la règle parmi la population de vecteurs, ce qui constitue la dernière phase de
la méso-trajectoire, dite méso 3. Cette phase se traduit par la réplication à un rythme stable
(en termes statistiques) de la population de la règle opérationnelle à travers un usage continu.
A ce stade, la nouvelle règle devient une institution.

Toutefois, il est rare que des situations réelles ne portent que sur une seule règle ou méso-
trajectoire, ceteris paribus. En effet, l’évolution économique est plutôt un processus de
coévolution de plusieurs règles interconnectées.

Par ailleurs, le niveau macro auquel il peut être fait référence dans ce cadre n’est pas
forcément l’économie dans son ensemble, mais pourrait s’agir d’unités inférieures, à l’instar
d’une région, d’un secteur d’activité ou même d’une seule entreprise.

Ainsi, selon le niveau considéré, une macro-trajectoire est définie à travers l’analyse des
implications structurelles d’une méso-trajectoire en termes de processus de création/
destruction sur la coordination au niveau macro.

Une macro-trajectoire est alors définie comme un processus de dé-coordination, suite à la


conception de la règle originale ; de re-coordination, du fait de l’adoption de la règle par une
population de vecteurs, et de la coordination continue parallèlement à la phase de rétention de
la règle (d’un point de vue méso). Ce processus déplace le système macroéconomique d’une
situation d’ordre à une autre, ou d’un équilibre à un autre.

L’économie de marché est caractérisée par deux situations fondamentales de macro-


coordination: la coordination de la structure profonde des règles, dite ordre macro ; et la
coordination de la structure superficielle des populations de règles, appelée équilibre macro.

44
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

L’ordre macro correspond à la situation d’interconnexion complète des règles du système.


Cependant, ceci ne signifie pas qu’il existe une connexion entre chaque paire de règles. En
revanche, toutes les règles pouvant être articulées le sont effectivement. Deux règles sont
alors articulées lorsque leur connexion génère de la valeur. Autrement dit, on assiste à une
coordination de la structure profonde des règles lorsqu’il existe une complémentarité
opérationnelle entre elles.

Enfin, l’équilibre macro apparait lorsque l’ensemble des possibilités de concrétisation des
règles en situation d’ordre macro ont été exploitées, de sorte que toutes les populations soient
au stade méso 3.

Par conséquent, une situation de macro-coordination généralisée est un processus de


coordination entre l’ensemble des populations de règles (unités méso) au stade méso 3. Dans
une telle situation, toutes les règles sont coordonnées entre elles, et l’ensemble des
populations le sont également.

45
Chapitre 1 La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne

1.9. Conclusion

Les éléments traités dans ce chapitre n’offrent qu’une représentation relativement limitée de
la théorie évolutionniste néo-schumpétérienne, comparée à la richesse de cette approche en
termes de concepts et de modèles formels.

Après avoir retracé les origines schumpétériennes de la théorie économique évolutionniste,


notamment à travers l’accent mis par Schumpeter sur le rôle de l’innovation et le caractère
dynamique du système économique, nous avons défini la notion de rationalité procédurale des
agents économiques développée par Simon, par opposition à la rationalité substantive de
l’agent économique dans la théorie néoclassique.

Ensuite, nous avons présenté le concept de routine qui constitue un élément central de la
théorie de Nelson & Winter (1982), d’autant plus qu’il a été mobilisé précédemment par
Schumpeter.

En effet, l’appréhension de ce concept est un préalable essentiel pour la compréhension des


mécanismes de sélection darwinienne et lamarckienne, dans lesquels les routines constituent
la principale unité de réplication (réplicateur), du fait qu’elles représentent la principale forme
d’articulation des connaissances de l’entreprise. Par ailleurs, l’innovation a été définie comme
un changement dans les routines de l’entreprise. De plus, les routines existantes pourraient
constituer les matériaux nécessaires pour le développement d’innovations de façon
incrémentale.

La nature du processus d’innovation a par la suite été décrite à travers les notions de
paradigme, de trajectoire et de régime technologiques.

Par ailleurs, nous avons présenté, de façon très synthétique, le théorème de Fisher et le
principe de la dynamique de réplication qui jouent un rôle majeur dans l’analyse des
mécanismes d’évolution. Enfin, nous avons résumé la structure du principal modèle de
simulation développé par Nelson & Winter (1982).

Enfin, un cadre d’analyse original — micro-méso-macro— particulièrement abstrait, a


également été présenté. Celui-ci décrit l’ensemble du processus d’innovation depuis
l’émergence d’une idée dans l’esprit d’un entrepreneur, à son éventuelle rétention dans une
population d’entreprises.

46
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

2.1. Introduction

Bien que la théorie évolutionniste Néo-Schumpéterienne, mobilisée en vue d’analyser le


processus d’innovation dans le chapitre précédent soit ouverte, voire orientée vers l'adoption
de l'analyse institutionnelle (Nelson et Nelson, 2002), l’analyse du changement institutionnel
n’y a fait l’objet que d’une contribution limitée. Or, l’innovation institutionnelle serait
indissociable de l’innovation technologique, comme nous allons le mettre en évidence à
travers ce chapitre essentiellement du point de vue de Thorstein B. Veblen, fondateur de
l’institutionnalisme américain.

Par la suite, nous allons examiner le processus du changement institutionnel sous l’approche
de Douglass C. North, un des précurseurs de la Nouvelle Économie Institutionnelle et lauréat
du prix Nobel d’économie en 1993, dans laquelle il sera notamment question d’une distinction
cruciale entre les concepts d’institution et d’organisation.

Par ailleurs, le phénomène de dépendance au sentier historique (path dependence) et


l’enfermement ou le verrouillage (lock-in) subséquent du processus du changement
institutionnel — auquel Veblen a implicitement fait référence et que North a en revanche
souligné d’une manière explicite — feront l’objet de deux contributions majeures.

Deux autres visions du changement institutionnel sous l’approche de la Nouvelle Économie


Institutionnelle seront également présentées, en l’occurrence celle d’Oliver Williamson et
d’Elinor Ostrom, co-lauréats du prix Nobel d’économie en 2009.

Enfin, le processus du changement institutionnel sera également analysé du point de vue de la


Théorie de la Régulation, une approche hétérodoxe de l’économie en France. Il y sera
notamment question de deux modes de changement, à savoir « l’endométabolisme » et
« l’hybridation », selon que l’on considère le changement dans le temps ou dans l’espace,
ainsi que du rôle régulateur de l’État en tant que « vecteur du changement institutionnel ».

2.2. Le rôle des institutions dans le changement technologique chez Veblen

Plutôt que d’admettre l’existence d’un déterminisme exclusivement technologique ou


institutionnel, Thorstein B. Veblen, fondateur de l’institutionnalisme américain, estime qu’il y
aurait une sorte d’influence mutuelle et réciproque entre le contexte institutionnel et les
technologies (ou l’innovation, terme que Veblen n’utilise guère). Ainsi, les innovations
technologiques « engendrent un cadre institutionnel et culturel qui vient régulariser leur

47
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

utilisation et inculquer aux hommes des modes appropriés de comportement par rapport à leur
technologie » (Corbo, 1973 : 305, cité par Tremblay, 2007, p.09). « Étant donné ce rôle
fondamental de la technologie dans la vie économique, Veblen affirme que si l’organisation
économique ne correspond pas aux exigences de la technologie, il en découlera "des
contradictions, des déchirements, des tensions qui ébranlent la société et la font vivre en état
de crise plus ou moins violente à laquelle elle n’échappe que par un réaménagement de ses
institutions" (Corbo, 1973 : 313) » (ibid.)

Par ailleurs, l'analyse veblenienne de l'impact du cadre institutionnel sur le processus


d'accumulation des connaissances technologiques est subordonnée à sa théorie de la nature
humaine, fondée sur le doublet conceptuel instinct/institutions (Brette, 2005, pp.119-120):

« … la théorie veblenienne des comportements humains conçoit l'individu comme un être


fondamentalement social, mû par un instinct grégaire. Veblen utilise le terme "parental bent"
pour désigner cet instinct.... En outre, la nature foncièrement sociale de l'être humain se laisse
à voir, de façon évidente, dans l'influence que les institutions exercent sur le comportement de
celui-ci. "En substance, les institutions sont des habitudes mentales prédominantes, des
façons très répandues de penser les rapports particuliers et les fonctions particulières de
l'individu et de la société" (Veblen 1899, p.125). Il s'ensuit que "le comportement humain,
qu'il soit économique ou autre, est soumis à une séquence de cause à effet, par la force
d'éléments tels que l'habituation et les exigences conventionnelles" (Veblen 1909, p. 239).
Selon Veblen, les institutions sont des objets sociaux qui non seulement s'imposent à
l'individu - par "la force du précédent" (Veblen 1914, p. 45) - mais sont eux-mêmes
constitutifs de ce qu'il est. Ainsi, "le matériau humain" (Veblen 1898a) est indissociable des
institutions qui le façonnent : il est le dépositaire et le vecteur dans le temps de ce "précipité
de l'habituation passée" (Veblen 1915a, p. 30). »

Par ailleurs, la propension de l'homme à comprendre le monde qui l'entoure s’explique par
« l'instinct de curiosité désintéressée ("idle curiosity") et l'instinct du travail bien fait ("instinct
of workmanship"), [qui] sont à l'origine de deux catégories distinctes de connaissance. Le
premier a donné naissance à tous les systèmes de représentation du monde que l'homme a
élaborés dans l'histoire, depuis les légendes primitives jusqu'à la science moderne. Le second
est à l'œuvre dans la production de toute connaissance visant à améliorer l'adaptation
matérielle de 1'homme à son milieu, c'est-à-dire dans la production de toute connaissance
technologique. En effet, "l'instinct du travail bien fait [...] oriente l'intérêt vers les expédients

48
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

pratiques, les méthodes, les mécanismes et les dispositifs de l'efficacité économique, de


l'habileté, du travail créatif et de la maîtrise technologique des phénomènes. [...] Il montre le
meilleur de lui-même à la fois dans l'efficacité technologique de l'artisan pris
individuellement et dans la croissance de la perspicacité et des compétences technologiques
de la communauté dans son ensemble" (Veblen 1914, pp. 33-34). » (Ibid. p.121)

Toutefois, ce progrès technique demeure conditionné par le contexte institutionnel plus ou


moins favorable à son expression: "Étant donné l'environnement matériel, la cadence et la
nature des gains technologiques réalisés dans toute communauté dépendront de l'initiative et
de l'application de ses membres, pour autant que la croissance des institutions n'ait pas
détourné sérieusement le génie de la race de son penchant naturel" (Veblen 1914, p. 110, cité
par Brette, 2005, 126-127).

En effet, « les institutions jouent un rôle de sélection et de formation des individus, "en ce
qu’une institution particulière favorise chez les individus certains comportements, certaines
attitudes, certaines occupations, plutôt que d’autres, et par là favorise le développement de
certaines facultés et certains traits" (Corbo, 1973 : 326). […] Veblen dira à ce sujet (1970
[1899] : 124) : "Les institutions elles-mêmes ne sont pas seulement les résultats d’un
processus sélectif et adaptatif, qui façonne les types prédominants d’attitude et d’aptitude
spirituelle ; elles sont en même temps des méthodes particulières de vie et de relations
humaines, et à ce titre elles sont à leur tour de puissants facteurs de sélection. En sorte que
les institutions, quand elles changent, favorisent une nouvelle sélection des individus doués du
tempérament le plus approprié ; elles aident le tempérament et les habitudes à se plier au
milieu transformé, grâce à la formation d’institutions nouvelles." » (Tremblay, 2007, p.11)

Le rôle des institutions dans l’innovation apparaît davantage dans l’analyse du transfert
technologique par Veblen, qui « souligne à cette occasion "l'avantage qu'il y a à emprunter
les arts technologiques plutôt qu'à les développer par une croissance domestique". En effet,
"dans le passage d'une communauté à une autre, les éléments technologiques ainsi empruntés
ne véhiculent pas les autres éléments culturels périphériques qui sont nés dans leur sillage,
au cours de leur développement et de leur utilisation" (Veblen 1915a, pp. 86-87).

De plus, en s'appropriant une technologie étrangère, le pays emprunteur échappe au processus


d'obsolescence prématurée qui peut caractériser le développement technologique. Veblen
(1915a, pp. 128-133) montre, en effet, que le progrès technique est soumis à un phénomène de
"dépendance du sentier" (Arrow 2000, p. 175) qui peut conduire le pays innovateur à
49
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

développer des infrastructures qui s'avèreront ex post techniquement "sous-efficientes". Le


pays emprunteur, quant à lui, n'est pas confronté à ce type d'irréversibilité dans la mesure où il
attend que la technologie soit arrivée à maturité pour s'engager dans la construction
d'infrastructures coûteuses (Veblen 1915a, p. 194). » (Brette, op. cit., p.128)

Sous cette perspective, Veblen souligne les tensions naissant d’un processus de
développement technologique dans un contexte institutionnel "dépassé". C’est dans ce sens
qu’il développera d’ailleurs une vision plutôt « négative » des institutions, considérant
qu’elles sont souvent en retard par rapport à l’évolution technologique. Par conséquent,
Veblen estime que les institutions « sont nécessairement instables et qu’elles doivent varier
avec le temps. » (Tremblay, op. cit., p.11).

Ainsi, pour qu’un transfert de technologie soit efficace, il faudrait que l’ensemble de la
société importatrice soit mobilisée : "Lorsqu'un individu ou une partie d'une communauté,
ayant ce qu'on appelle un faible niveau de développement économique, est séparé de sa
communauté, éduqué et formé aux principes d'une technologie plus complexe et plus efficace,
et qu'on le renvoie ensuite dans sa communauté natale, cet individu, ou cette fraction, s'avère
incapable de s'opposer aux prédispositions technologiques de l'ensemble de la communauté,
ou même incapable d'y créer une divergence de quelque effet. Une telle expérience peut avoir
de légères conséquences technologiques, peut-être provisoires et peu à peu effectives, mais
seulement par la diffusion et l'assimilation à travers la communauté tout entière, et non à un
quelconque degré par une efficience exceptionnelle de l'individu ou du groupe qui a été
soumis à cette formation exceptionnelle" (Veblen 1908c, pp. 109-110, cité par Brette, op. cit.,
p.129).

On voit ici transparaître le caractère collectif et social du processus d’innovation et de


développement technologique : « Veblen considère, en effet, que toute innovation prend appui
sur le patrimoine de connaissances dont la société est le garant et qu'elle transmet de
générations en générations. Tout innovateur est donc redevable à la société des connaissances
technologiques qu'elle lui a transmises et qui lui ont précisément permis d'innover: "Les
initiatives et les entreprises technologiques des individus, telles qu'elles apparaissent par
exemple dans les inventions et les découvertes de techniques et de méthodes nouvelles et
meilleures, continuent et étendent la sagesse accumulée dans le passé. L'initiative individuelle
ne peut réussir hors du terrain que lui offre le fonds commun, et ses résultats n'ont d'effets
que s'ils représentent un accroissement de ce fonds commun. Les inventions et les découvertes

50
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

ainsi faites incarnent toujours une telle part de ce qui est déjà donné que la contribution
créatrice de l'inventeur est négligeable en comparaison" (Veblen 1908c, p. 111). » (ibid.,
p.125)

2.3. Le processus du changement institutionnel chez Douglass C. North

Le cadre d’analyse des institutions et du processus du changement institutionnel élaboré par


Douglass C. North repose sur une distinction cruciale entre les concepts d’institutions et
d’organisations (North, 1990, pp.03-05) :

Les institutions sont appréhendées comme des contraintes conçues par l’Homme, qui
définissent et limitent l’ensemble des choix des individus. Elles sous-tendent les interactions
au sein d’une société, et par conséquent les incitations dans les échanges politiques, sociaux et
économiques. Ce sont en quelque sorte « les règles du jeu ». Les institutions peuvent être
formelles, telles que les règles écrites, ou informelles, comme les conventions et les codes de
conduite généralement non écrits. Elles peuvent également être délibérément créées, telle la
constitution d’un pays, comme elles peuvent avoir évolué au fil du temps, telles les us et
coutumes. Les contraintes institutionnelles définissent à la fois ce qui est interdits de faire et,
parfois, dans quelles conditions des individus sont autorisés à entreprendre certaines activités.
Parce que les règles et les codes informels sont parfois transgressés, des sanctions sont
également prévues et (plus ou moins) appliquées.

Si les institutions sont « les règles du jeu », les organisations doivent être appréhendées
comme les « équipes de joueurs » dont l’objectif consiste à gagner la compétition par une
combinaison de compétences, de stratégie et de coordination. Les organisations comprennent
les organes politiques (partis politiques, Sénat, conseil municipal, agence de régulation), les
organismes économiques (entreprises, syndicats, fermes familiales, coopératives), les
organismes sociaux (lieux de cultes, clubs, associations sportives) et les établissements
d'enseignement (écoles, universités, centres de formation professionnelle). Ce sont des
groupes d'individus liés par un but commun. La modélisation des organisations s’intéressent
aux structures de gouvernance, aux compétences et aux processus d'apprentissage par la
pratique déterminant le succès de l'organisation au fil du temps.

Pour Douglass C. North, le processus du changement institutionnel s’articule autour des cinq
principes suivants (North, 1997, pp.06-09 ; North, 2005, pp.59-64) :

51
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

1. L'interaction continue entre les institutions et les organisations dans le contexte


économique de la rareté et donc de la concurrence est l’élément clé du processus du
changement institutionnel.

Les institutions définissent l’ensemble des opportunités au sein d’une économie, lesquelles
déterminent à leur tour la nature des organisations créées. De leur côté, les entrepreneurs des
organisations induisent le changement institutionnel sous l’effet de la concurrence
omniprésente dans un contexte économique caractérisé par la rareté. Lorsqu'elles perçoivent
de nouvelles opportunités, les organisations induisent un changement institutionnel pour
atteindre leurs objectifs en modifiant les règles ou en entravant leur mise en œuvre ou
l’application des sanctions, soit directement par des organes politiques, soit indirectement par
des organisations économiques ou sociales faisant pression sur les organisations politiques.
Par ailleurs, à mesure que les organisations en interaction développent de nouveaux moyens
d'échange informels, les normes sociales, les conventions et les codes de conduite peuvent
disparaître.

2. La concurrence contraint les organisations à investir continuellement dans les


compétences et les connaissances pour perdurer. Ce sont les types de compétences et de
connaissances que les individus et leurs organisations acquièrent qui sous-tendent les
perceptions évolutives des entrepreneurs au sujet des opportunités et donc des choix qui
modifieront progressivement les institutions.

Les nouvelles opportunités peuvent être le résultat de changements exogènes dans


l'environnement du fait de la variation des prix relatifs ; ou une conséquence de la
concurrence endogène entre les organisations politiques ou économiques qui induisent la
croissance des connaissances et donc des innovations. Dans les deux cas, l'omniprésence de la
concurrence dans le contexte économique général de la pénurie incite les entrepreneurs et les
membres de leurs organisations à investir dans les compétences et les connaissances.

Lorsque la concurrence est faible ou absente, les organisations seront peu incitées à investir
dans de nouvelles connaissances et, par conséquent, n'entraîneront pas de changement
institutionnel rapide mais plutôt des structures institutionnelles stables.

3. Le cadre institutionnel fournit les incitations qui dictent les types de compétences et de
connaissances perçus comme ayant le maximum de rentabilité.

52
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

La matrice institutionnelle définit le type d’opportunités permettant d’assurer le rendement le


plus élevé. L’ensemble des opportunités générées par le cadre institutionnel est toujours
constitué de celles qui encouragent la productivité et d’autres qui favorisent plutôt la
redistribution. La nature des organisations émergentes ainsi que la nature des compétences et
des connaissances dans lesquelles les organisations investissent reflètent la structure des
rendements. Ainsi, si les entrepreneurs estiment que les activités de production leurs
assureraient des rendements relativement élevés, les organisations vont investir dans les
compétences et les connaissances qui accroissent la productivité. En revanche, si les
opportunités générées par l’environnement institutionnel laissent présager des rendements
plus élevés dans les activités de « piraterie » (et que l’application des sanctions est
défaillante), on devrait s’attendre à ce que les organisations investissent dans des compétences
et des connaissances qui feront d'eux de meilleurs pirates :

"Dans de nombreux pays du Tiers Monde, ainsi que ceux qui ont caractérisé une grande
partie de l'histoire économique mondiale, les opportunités pour les entrepreneurs politiques
et économiques sont encore mitigées, mais ils encouragent massivement les activités qui
favorisent la redistribution plutôt que la production, qui créent des monopoles plutôt que des
conditions de concurrence, et qui limitent les opportunités au lieu de les développer. Ils
induisent rarement des investissements dans les connaissances qui améliorent la productivité.
Les organisations qui se développent dans ce cadre institutionnel deviendront plus efficaces -
mais plus efficaces pour rendre la société encore plus improductive et la structure
institutionnelle de base encore moins propice à l'activité de production. Un tel cheminement
peut persister." (North, 1990, p.09)

4. Les perceptions sont dérivées des modèles mentaux des entrepreneurs.

Les choix que les individus (entrepreneurs) effectuent reposent sur leurs perceptions, c’est-à-
dire sur la manière dont leur esprit interprète l’information disponible. Afin d’appréhender
l’environnement qui les entourent, les individus développent des modèles mentaux dérivées
de leurs expériences, contemporaines et historiques. L'apprentissage humain est plus que
l'accumulation des expériences d'un individu au cours de sa vie. C'est aussi l'expérience
cumulative des générations passées. Cet apprentissage cumulatif d'une société constitue sa
culture. Ajouté à cela la rationalité limité des individus et la nature non-ergodique du monde
réel, une même réalité sera interprétée de différentes façons par des individus de différents
milieux.

53
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

5. Les économies d'envergure, les complémentarités et les externalités de réseau d'une


matrice institutionnelle font que les changements institutionnels sont généralement
incrémentaux et caractérisé par le phénomène de dépendance au sentier (path
dependence).

Les institutions changent généralement de façon progressive plutôt que discontinue en raison
de l'encastrement des contraintes informelles dans les sociétés. Bien que les règles formelles
puissent changer du jour au lendemain à la suite de décisions politiques ou judiciaires, les
contraintes informelles incorporées dans les coutumes, les traditions et les codes de conduite
sont beaucoup plus « imperméables » aux politiques délibérées. Ces contraintes culturelles
non seulement relient le passé au présent et au futur, mais nous permettent d’expliquer la
trajectoire du changement historique. (North, 1990, p.06)

Par ailleurs, la rentabilité et même la viabilité des organisations au sein d’une société sont très
dépendantes de la matrice institutionnelle existante, dans laquelle elles ont été créées et sur
laquelle elles ont construit leur réseau complexe d’interdépendances telles que les relations
contractuelles. C’est cette relation symbiotique entre les institutions et les organisations qui
ont évolué en conséquence de la structure d'incitation fournie par ces institutions qui explique
la dépendance au sentier du processus du changement institutionnel. Par ailleurs, lorsque cette
configuration est caractérisée par des rendements croissants, elle peut être à l’origine du
phénomène de verrouillage (lock-in) institutionnel.

2.4. Les processus sous-jacents du phénomène de dépendance au sentier

Afin de faire valoir le rôle de l’histoire dans les interactions entre les organisations et les
institutions, David (1994) met en avant trois principaux points de vue analytiques sur l’origine
du phénomène de dépendance au sentier, caractéristique du processus du changement
organisationnel et institutionnel : (1) le premier se rapporte au rôle de l'expérience historique
dans la formation de structures d'anticipations mutuellement cohérentes, permettant une
coordination sans gestion centralisée des actions des agents économiques individuels ; (2) le
second concerne la persistance des canaux d'information et des codes nécessaires au bon
fonctionnement des organisations ; (3) enfin, le troisième point de vue explique les
conséquences des fortes complémentarités, ou l’interdépendance - et la nécessité que cela
implique qu’il y ait une cohérence et une compatibilité – entre les éléments constitutifs des
organisations humaines complexes.

54
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

2.4.1. La coordination et la cohérence des anticipations mutuelles

Les expériences historiques partagées et les perceptions conscientes d'un passé commun
constituent l'un des principaux moyens par lesquels des groupes de personnes peuvent
formuler des anticipations mutuelles cohérentes lorsqu'elles ne parviennent pas facilement à
une action commune via la discussion directe du problème auquel elles sont confrontées.

Une grande variété de comportements sociaux et d'expressions linguistiques sont appelés


«conventions» pour indiquer leur statut informel et souligner leur origine spontanée. Ces
institutions constituent un moyen d'aligner les anticipations des individus afin de mieux leur
permettre de choisir parmi une multitude de solutions possibles dans un jeu de coordination
(en théorie des jeux). L'attribut distinctif des jeux de coordination dits «purs» est que toute
solution est aussi bonne qu'une autre, le but étant uniquement de parvenir à une congruence
des actions entre les joueurs. Par conséquent, ce qui importe le plus, c’est que les joueurs aient
des attentes cohérentes au sujet de la convention dominante. Pour être efficace, une
convention doit alors atteindre le statut de «connaissance commune»: chaque joueur doit
savoir que les autres joueurs en savent la même chose que lui.

Lorsque les personnes qui ne peuvent pas communiquer sont confrontées à un problème de
coordination pure, elles essaient d'obtenir un équilibre de coordination qui soit en quelque
sorte «saillant» - qui se distingue des autres par une caractéristique unique et remarquable.
Ainsi, un antécédent commun à ces personnes émerge comme l’équilibre recherché, une
solution à un jeu de coordination simplement en ayant fait partie de l'histoire commune des
joueurs qui se souviennent de son efficacité lors d’une situation similaire dans le passé. Les
«accidents de l'histoire» peuvent ainsi acquérir un statut de durabilité surprenante dans les
arrangements sociaux par le renforcement des attentes mutuelles.

Par ailleurs, la formulation d’anticipations mutuellement cohérentes entre différents membres


d’une organisation peut se baser sur la connaissance tacite ou la définition explicite des rôles.
En effet, en connaissant le rôle de chacun des autres acteurs de l’organisation, chaque
individu peut s’attendre à ce que les autres aient des comportements conformes à leurs rôles
respectifs.

La définition des rôles peut résulter de l’imitation de formes d'interaction humaine dans une
autre culture, comme elle peut apparaître spontanément à travers un processus d'essais-erreurs
(par tâtonnement). Dans tous les cas, les rôles ne sont pas créés et appris instantanément et

55
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

constituent donc une forme de «capital durable» dont les coûts sont «irrécupérables»: ils
demeurent valables, tout comme les structures complexes d'interactions humaines. Ce capital
devient plus raffiné et profondément enraciné à travers son utilisation répétée, plutôt que de
finir par s'user, comme c’est le cas pour la plupart des formes tangibles de capital productif.

2.4.2. Les canaux d'information et les codes comme capital organisationnel


«irrécupérable»

Les organisations ont recours à des canaux particuliers pour traiter l'information. Celle-ci doit
être filtrée, coordonnée et comprimée pour qu’elle soit utile à la prise de décision. Par
conséquent, des canaux de communication et des procédures de traitement de l'information
doivent être créés au sein de toute organisation. Ces canaux représentent une forme de capital
particulièrement durable de l’organisation. En outre, pour améliorer l'efficacité de la
conception des canaux qui compressent et transmettent en interne les données acquises par les
membres de l'organisation, il est possible de définir un certain «code». Mais, comme Arrow
(1974, p.55, cité par David, 1994, p.212) l’a souligné, "l'apprentissage d'un code par un
individu est pour lui un acte d'investissement irréversible. C'est donc également une
accumulation de capital irréversible pour l'organisation...". et "… puisque le code fait partie
du capital de l'entreprise ou plus généralement du capital de l'organisation, [il] ne sera
modifié que lentement au fil du temps…" (Arrow, 1974, p.56, cité par David, ibid., p.213).
Enfin, la nécessité de codes mutuellement compréhensibles au sein des organisations fait que
les individus se spécialisent dans l'information qu’ils sont capables de transmettre via leurs
codes, de sorte que, dans la formulation d'Arrow (1974, p.57, cité par David, ibid., p.213) du
processus d'auto-renforcement : "[ces individus] apprennent davantage dans le sens de leur
activité et deviennent moins efficaces dans l'acquisition et la transmission d'informations
difficilement insérées dans le code… ".

En somme, les canaux et les codes de communication au sein d’une organisation sont
généralement très persistants et influencent significativement son développement ultérieur.

2.4.3. Les interdépendances, les complémentarités et les antécédents

Toute organisation ou institution suffisamment complexe permet d'effectuer un certain


nombre de fonctions génériques, lesquelles, lorsqu’on les considère individuellement, peuvent
être effectuées dans de nombreuses manières possibles. Certaines fonctions, cependant,
s'harmonisent plus logiquement avec d'autres et rendent ainsi les principes de l'institution ou

56
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

la «culture» de l’organisation plus facile à comprendre et à transmettre. Il existe en effet dans


ces cas une certaine complémentarité dans les procédures comparable à «l’interrelation
technique» (Frankel, 1955, cité par David, ibid., p.214) dans les structures physiques, comme
par exemple la compatibilité et la complémentarité entre les dimensions des machines et
l’espacement des piliers dans une usine, ou entre le matériel (hardware) et le logiciel
(software) informatique.

Cette analogie entre les composantes complémentaires d'un système technologique et les
structures interdépendantes d'une organisation humaine complexe peut être encore étendue et
appliquée à la manière dont les arrangements institutionnels distincts s'emboîtent et
deviennent ainsi plus élaborés, formant des « grappes » institutionnelles qui se renforcent
d'elles-mêmes.

Par ailleurs, les conditions initiales et le contexte historique dans lequel les institutions ou les
organisations sont formées, peuvent devenir des contraintes persistantes. Ils peuvent aboutir à
la sélection d'une solution particulière pour ce qui est alors perçu au départ comme la fonction
générique optimale, ce qui peut limiter la conception d'autres règles et procédures, de sorte
que même si la raison d'origine devenait hors de propos, modifier la politique de
l'organisation risquerait de perturber de nombreux autres aspects de ses opérations et
d'imposer ainsi des coûts de réajustement considérables. De cette manière, la structure
organisationnelle peut devenir «enfermée» ou « verrouillée » (locked-in) dans un sous-
ensemble relativement restreint de routines.

Il y a lieu également de souligner que les institutions développent généralement de nouvelles


fonctions et parce qu'elles sont ajoutées d’une manière séquentielle, elles sont façonnées par
les antécédents historiques. Ceux-ci peuvent donc devenir importants dans la formation de
l'ensemble de la grappe institutionnel, simplement parce que chaque nouvelle composante
ajoutée doit être adaptée pour s'imbriquer avec les éléments de la structure préexistante, à
moins que le tout ne soit abandonné et remplacé dans son intégralité. Des «catastrophes»
institutionnelles de ce genre se produisent parfois, mais les coûts élevés et irrécupérables
représentés par le développement de routines bien rodées, soutenues par des codes
d'information localement efficaces et la formulation d'anticipations communes de la part des
individus habitués à la structure organisationnelle et/ou institutionnelle existante, tous se
combinent pour favoriser le statu quo ou, tout au plus, un cours de changement qui est dans la
plupart des cas «progressif» et presque imperceptible. Au sein de ces organisations en

57
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

évolution lente, il est moins coûteux d'éviter les révolutions et de privilégier un mode de
réponse fondamentalement conservateur aux éventuels dysfonctionnements constatés dans les
arrangements existants.

2.5. Les phases de développement du processus de dépendance au sentier

Arthur (1994, cité par Sydow et al., 2009, p.03) définit quatre propriétés
générales caractéristiques d’un processus de dépendance au sentier, à savoir: (1)
l’imprédictibilité : le résultat est indéterminé ; (2) la non-ergodicité : plusieurs résultats sont
possibles (équilibres multiples), et l'histoire sélectionne parmi les différentes alternatives ; (3)
l’inflexibilité : les acteurs sont enfermés de sorte qu’il leur est impossible de basculer vers une
autre option ; et (4) l’inefficience : les actions résultant du « sentier » verrouillent le marché
dans une solution sous-optimale.

Toutefois, ces propriétés générales ne s’appliquent pas sur l’ensemble du processus mais
plutôt sur des phases spécifiques. Ainsi, l’imprédictibilité du résultat ne s’applique qu’au
début du processus. À mesure que le processus prend forme, les actions deviennent de plus en
plus prévisibles. Une fois dans la phase de verrouillage (lock-in), le comportement devient
complètement prévisible. L'inverse est vrai pour la non-ergodicité et l'inflexibilité: ce n'est
qu'aux stades ultérieurs qu'un processus peut devenir rigide. Au début, il est en effet supposé
être flexible. Ceci est également le cas de l'inefficience qui n’apparaît qu’en aval du
processus; au départ, avant qu’un « sentier » ne se forme, la situation est ouverte et les choix
peuvent être efficients. Ce n'est qu'à un stade ultérieur qu'une option plus efficiente peut
émerger, mais que les acteurs ne peuvent plus choisir parce qu'ils sont « enfermés » (locked-
in) dans les routines du moment. C’est à partir de ces considérations que Sydow et al. (2009)
et Schreyögg et Sydow (2010) ont jugé nécessaire de distinguer explicitement trois différentes
étapes dans le processus d’émergence du phénomène de dépendance au sentier et de spécifier
leurs propriétés structurelles :

2.5.1. La phase de préformation

Elle est caractérisée par un large champ d’action. A ce stade, l’effet ou les conséquences du
choix d’une option par une organisation ne peut être prédit. Une fois qu'une décision est prise,
ce choix peut cependant constituer un « petit événement » (Arthur, 1994: 14, cité par Sydow
et al. 2009, p.05) qui déclenche un processus d'auto-renforcement. Ce moment d'entrée dans

58
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

la dynamique d'un processus d'auto-renforcement constitue un «moment critique» et indique


la fin de la phase de préformation.

En tant que « petit évènement », la décision initiale prise par une organisation constitue une
impulsion, un déclencheur stimulant d'autres actions, susceptibles de s’accumuler. Parce que
plusieurs résultats sont possibles au départ, la séquence historique des choix devient décisive
pour déterminer le résultat final, alors que le premier choix (ou action) peut revêtir un
caractère plus ou moins aléatoire. Toutefois, les événements déclencheurs dans les
organisations risquent de ne pas être si aléatoires ou «petits» que le concept de « petits
évènements » laisse entendre. En effet, il peut s’agir d’une décision majeure et même d’une
stratégie. En outre, ces décisions initiales d’une organisation, préalables à la formation d’un
processus de dépendance au sentier ne sont pas prises ex-nihilo mais plutôt dans le cadre des
institutions qui constituent les « vecteurs de l’histoire ». En effet, les actions et les choix
initiaux des organisations font eux-mêmes partie des routines desdites organisations, dont ils
reflètent les règles et la culture qui constituent son héritage institutionnel.

2.5.2. La phase de formation

Durant cette phase, le champ d’action se rétrécit de plus en plus et il devient davantage
difficile pour l’organisation d'inverser son choix initial. La dynamique du processus d’auto-
renforcement est en cours et une solution organisationnelle ou institutionnelle dominante peut
émerger, ce qui rend le processus de plus en plus irréversible. Cependant, les différentes
alternatives parmi lesquelles il est encore possible choisir ne conduisent pas toutes vers
l’émergence d’un processus de dépendance au sentier. Les processus décisionnels durant cette
phase sont en effet "non-ergodiques" (David, 1985, cité par Sydow et al. 2009, p.06) ; ils ne
convergent pas encore complètement vers une solution unique. Autrement dit, le choix est
encore possible. Ainsi, ce n’est qu’en présence de certains mécanismes d’auto-renforcement
du choix initial que l’émergence d’un processus de dépendance au sentier devient possible.
Parmi les mécanismes pertinents dans le cas du changement organisationnel et institutionnel,
Sydow et al. (Ibid.) distinguent : les effets de coordination ; les effets de complémentarité ; les
effets d’apprentissage ; et les effets des anticipations adaptatives.

a) Les effets de coordination

Ces effets sont au cœur du fonctionnement organisationnel et s'appuient sur le fait que les
comportements des individus soient guidés par des règles. Ainsi, plus le nombre d’acteurs

59
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

ayant adopté une institution spécifique (par exemple, une règle organisationnelle ou une
routine) est élevé plus leurs interactions seront efficaces, puisque leurs comportements sont
guidés par les mêmes règles, et peuvent donc être réciproquement anticipés. En outre, la
généralisation d’une règle peut réduire considérablement les coûts de coordination. Il y a là
une nette similitude avec l'effet des économies d'échelle: l'augmentation du nombre de
participants entraîne une diminution du coût (de coordination) par unité. De ce fait, il devient
intéressant d'adopter des règles que d'autres individus ou organisations ont également
adoptées.

Les effets de coordination résultent donc des avantages de suivre la même règle unique ou un
ensemble de règles connexes auxquelles d'autres sont disposés à se conformer. En
conséquence, sous l’effet d’une réplication continue, un modèle spécifique de pratiques est
susceptible de devenir fixe. La persistance de tels arrangements apparait lorsque des membres
d'une organisation auraient identifié de nouveaux défis, mais se retrouvent dans l’incapacité
de rompre avec leurs routines bien établies.

b) Les effets de complémentarité

Une explication bien connue des complémentarités sont les économies d’envergure, qui
apparaissent lorsque le coût de revient de deux ou plusieurs biens ou services produits
conjointement est inférieur à la somme de leurs coûts de revient lorsqu’ils sont produits
séparément. Sur un plan plus général, les complémentarités se traduisent par une synergie
résultant de l'interaction de deux ou plusieurs ressources, règles ou pratiques distinctes mais
interdépendantes. Les avantages de combiner de façon répétée des activités interdépendantes
ne se résument pas simplement à la somme de leurs effets respectifs mais produisent un effet
supplémentaire. David (1994, p.214) appelle de telles combinaisons des « grappes
institutionnelles ».

En présence de complémentarités, les processus d'auto-renforcement se produisent lorsque les


routines et/ou les pratiques sont interconnectées de telle sorte qu'il devient de plus en plus
intéressant d'exploiter les synergies. En conséquence, des ensembles distincts de modèles
d'activité deviennent progressivement dominants et profondément ancrés dans une
organisation.

60
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

c) Les effets d’apprentissage

Suivant ce principe, à mesure que la fréquence d’exécution d’une opération s’accroît, son
efficacité s’améliore (plus rapide, plus fiable et avec moins d'erreurs), ce qui se traduit par une
diminution des coûts moyens par unité de production. En outre, plus le mode opératoire choisi
est attrayant en raison de l'accumulation des compétences et de la diminution des coûts, moins
il est intéressant d'apprendre d’autres alternatives.

Au niveau des organisations, une dynamique d’auto-renforcement similaire des effets


d'apprentissage aboutit à une trajectoire organisationnelle le long des pratiques routinières. En
effet, il existe une certaine myopie ou préférence pour l’apprentissage et l’amélioration
progressive des pratiques routinières susceptibles de gagner plus d'acceptation ou de
légitimité, plutôt que l’apprentissage de nouvelles pratique qui viendraient remplacer les
pratiques organisationnelles bien établies.

d) Les effets des anticipations adaptatives

Ces effets d'auto-renforcement se rapportent à la nature interactive du processus de formation


des préférences individuelles. Celles-ci varient sous l’impulsion du besoin d'appartenance
sociale et le désir de se positionner du côté des gagnants, en réponse aux anticipations sur les
préférences des autres. Ainsi, plus on s'attend à ce que les gens préfèrent un produit ou service
particulier, plus ce produit ou service devient attrayant. Les utilisateurs étant souvent
incertains du bon choix, ils se sentent rassurés par le fait que d'autres fassent le même choix.
En raison de cette dynamique d’auto-renforcement, une solution dominante est susceptible
d'émerger.

Dans le contexte des organisations, la diffusion des bonnes pratiques suit souvent cette
logique. Les membres d’une organisation sont prêts à adopter certaines pratiques parce qu'ils
s'attendent à ce que les autres fassent de même et souhaitent se retrouver du côté des
gagnants. Cette tendance est renforcée par d'autres facteurs, tels que la recherche de la
légitimité.

2.5.3. La phase d’enfermement ou de verrouillage (lock-in)

La transition de la phase de formation à la phase III se traduit par une plus forte restriction du
champ d’action et pourrait éventuellement aboutir à une situation de verrouillage (lock-in) du
processus de changement institutionnel ou organisationnel. D’une manière générale,

61
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

notamment dans le cas du changement technologique, cette troisième et dernière phase du


processus est caractérisée par la prédominance d’un modèle unique qui acquiert un caractère
quasi-déterministe.

Toutefois, dans le cas des processus de changement institutionnel et organisationnel, la


conception du verrouillage devrait être nuancée. En raison de leur caractère social, les
processus institutionnels et organisationnels sont en effet plus complexes et plus ambigus.
Plutôt que d’être contraint d’adopter une solution unique, qui exclut tout autre choix, ces
processus sont susceptibles de produire un modèle d'action spécifique, profondément ancré
dans la pratique et reproduit dans diverses situations. Un tel modèle d'action fixe et récursif ne
peut cependant être assimilé au déterminisme. Par conséquent, la phase de verrouillage du
processus de changement institutionnel ou organisationnel devrait être appréhendée de
préférence comme un corridor afin de mettre en évidence l’existence d’une certaine marge de
variation, bien que très restreinte, plutôt qu’une rigidité totale.

Quoi qu’il en soit, une fois que le processus est entré dans cette phase de verrouillage, les
acteurs auraient du mal à rompre avec les pratiques en vigueur pour adopter librement des
solutions alternatives plus efficientes qu’ils auraient identifiées. Ainsi, la perte de flexibilité
du processus s’accompagne d’une perte d’efficience sur une période plus ou moins longue.

2.6. Autres approches du changement dans la Nouvelle Économie Institutionnelle

Williamson (2000, pp.596-600) établit une hiérarchie de quatre niveaux d’institutions selon
leurs rythmes de changement. En haut de la hiérarchie se trouvent « les institutions
d’encastrement social » (the social embeddedness level) telles que les institutions informelles,
les normes, les coutumes, les traditions, la religion, les codes de conduite, etc. A ce niveau, le
changement institutionnel est très lent, d’ordre séculaire ou millénaire. Cette lenteur est
attribuée au caractère spontané et évolutionnaire des mécanismes d’émergence et de maintien
des institutions informelles. Une fois adoptées, celles-ci affichent une forte inertie et revêtent
un caractère durable, certaines en raison de leur nature fonctionnelle (comme c’est le cas des
conventions) ; d’autres par rapport à leur valeur symbolique aux yeux d’une coterie de
croyants ; et d’autres encore du fait qu’elles soient fortement liées à d’autres institutions
(formelles et informelles) ; etc.

Le second niveau, appelé environnement institutionnel, est constitué de règles formelles de


premier ordre : les constitutions, les lois, les droits de propriété. Ces institutions sont en partie

62
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

le résultat de processus évolutionnaires, quoique des opportunités de conception puissent


exister également. Sous la contrainte du passé et des institutions d’encastrement, les
instruments de conception des règles à ce niveau comprennent les fonctions exécutives,
législatives, judiciaires et bureaucratiques des pouvoirs publics, ainsi que le mode de
répartition du pouvoir (fédéralisme, autonomie, décentralisation et déconcentration
administratives). Dans ce cadre, la définition et la protection des droits de propriété ainsi que
les lois contractuelles revêtent une importance particulière. Toutefois, en dépit de
l’importance du choix de ces règles de premier ordre pour la performance d’une économie, la
planification d’un changement progressif et cumulatif est difficile à réaliser, en raison des
interruptions brusques qui surviennent occasionnellement (guerre civile ; invasion ; coup
d’État, crise financière, etc.). Par conséquent, les opportunités pour effectuer des réformes de
grande envergure sont plutôt rares. De ce fait, les changements majeurs dans ce type de règles
interviennent sur des décennies ou même des siècles.

Le troisième niveau est celui des «institutions de gouvernance», dans lesquelles les ensembles
de règles («structures de gouvernance») qui régissent les interactions quotidiennes («relations
contractuelles») sont supposés s'ajuster afin de minimiser les coûts de transaction.
L'ajustement à ce niveau prend généralement des années.

Enfin, au niveau le plus bas, les prix et les quantités spécifiés dans les contrats individuels
s'ajustent continuellement. A ce niveau, les institutions se rapportent aux incitations et à la
prise de décision en matière d’allocation des ressources.

Bien que Williamson ait davantage mis l’accent sur la contrainte exercée par les institutions
d’un niveau supérieur sur celle du niveau inférieur, il souligne qu’en fait, le système est
complètement interconnecté et que des rétroactions s’exercent à long terme depuis les niveaux
inférieurs vers les niveaux supérieurs.

Une autre hiérarchie de règles imbriquées développée par Ostrom (2005, citée par Kingstone,
2009) permet de distinguer entre les « règles opérationnelles » qui régissent les interactions
quotidiennes des individus ; les « règles de choix collectif » servant à sélectionner les règles
opérationnelles ; les « règles constitutionnelles » déterminant les règles de choix collectif ;
ainsi que les « règles méta-constitutionnelles » permettant de choisir les règles
constitutionnelles. Afin d’analyser la formation des règles sur l’un des niveaux, Ostrom
considère temporairement les règles des niveaux supérieurs comme étant fixe. A titre
d’exemple, lorsque les règles opérationnelles sont définies, les règles constitutionnelles et les
63
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

règles de choix collectif sont considérés comme exogènes. Le processus du changement


institutionnel se présente alors comme suit : chaque individu « calcule » les coûts et les
bénéfices attendus d’un éventuel changement institutionnel ; et dans le cas où une « coalition
minimale » nécessaire est favorable, alors le changement institutionnel aura lieu. Ce qui
constitue une coalition minimale est déterminé par les règles de niveaux supérieurs : à titre
d’exemple, dans une dictature, la coalition dominante pourrait être le dictateur à lui seul. Au
contraire, dans une démocratie, la majorité correspond à la coalition gagnante. Ainsi,
l’occurrence d’un changement institutionnel est tributaire des règles de niveaux supérieurs
ainsi que des anticipations des décideurs quant aux conséquences des éventuels changements.
Par ailleurs, Ostrom fait valoir que si les bénéficiaires du changement institutionnel ne
peuvent pas s'engager à compenser les perdants, des groupes puissants peuvent être en mesure
de bloquer les changements bénéfiques ou d'imposer des changements inefficaces. Un autre
obstacle à un changement institutionnel efficace souligné par Ostrom est la rationalité limitée
des acteurs, dont les croyances ou les perceptions quant aux effets probables d'un changement
institutionnel proposé peuvent être erronées. En outre, conscient de leur rationalité limitée, les
acteurs peuvent expérimenter des innovations institutionnelles et tenter d'imiter les institutions
réussies observées ailleurs.

2.7. Le changement institutionnel dans la théorie de la régulation

En mettant l’accent sur la dimension spatio-temporelle, la théorie de la régulation distingue


deux modes de changement institutionnel, à savoir « l’endométabolisme » et
« l’hybridation », selon que l’on considère le changement dans le temps ou dans l’espace
respectivement. Par ailleurs, le rôle régulateur de l’État en tant que « vecteur du changement
institutionnel » est également mis en avant. (Boyer, 2003)

2.7.1. Le changement institutionnel par endométabolisme

Dans la théorie de la régulation, l’endométabolisme, défini comme « la transformation d’un


mode de développement sous l’impact de sa propre dynamique interne » (Ibid., §.41),
constitue « un facteur déterminant de changement institutionnel… d’autant plus clairement
que s’allonge l’échelle de temps considérée. » (Ibid.)

Un des exemples mis en avant pour illustrer ce mécanisme est le succès de la production de
masse et de l’internationalisation des échanges, à l’origine d’un enrichissement qui à son tour,

64
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

a donné lieu à une demande croissante de différenciation des produits, ce qui a finalement
engendré des difficultés grandissantes à obtenir des gains de productivité.

Ainsi, la généralisation d’une institution dans un système induit des changements d’abord
stabilisateurs, puis déstabilisateurs sur le long terme. Ce mécanisme décrit une dynamique de
longue période d’une succession de changements marginaux, opérant dans la même direction
jusqu’à ce qu’un seuil pouvant faire déstabiliser le système soit atteint.

Toutefois, une trajectoire pure d’un tel mode de changement est difficile à observer du fait
qu’elle soit conjuguée avec d’autres facteurs d’évolution institutionnelle.

2.7.2. Le changement institutionnel par hybridation

Un autre mode de changement institutionnel sous la perspective de la théorie de la régulation


met l’accent sur l’influence de la spécificité du contexte spatial sur l’évolution d’une
institution. Ce mécanisme d’hybridation désigne« le processus largement inintentionnel à
travers lequel les tentatives d’imitation et d’implantation d’une institution ayant fait les
preuves de son effectivité sur un autre espace débouchent sur une configuration originale. La
diffusion d’une institution ne se fait quasiment jamais sur le modèle de l’imitation pure, mais
de l’altération plus ou moins conséquente. » (Ibid. §.42)

Autrement dit, une institution en vigueur dans un pays n’est pratiquement jamais reproduite
exactement de la même manière dans un autre pays, et son succès dans le pays d’origine ne
garantit pas son succès ailleurs. En effet, l’introduction d’une institution « importée » se voit
généralement confrontée à des contraintes spécifiques à la configuration domestique. Un
exemple type est celui du système allemand de la formation professionnelle. Un autre
exemple d’hybridation institutionnelle mis en avant est le capitalisme. Ainsi, l’économie
japonaise, en dépit de son « américanisation », n’est pas identique à celle des États-Unis. Plus
spécifiquement, le toyotisme, bien qu’il soit inspiré du fordisme, ne lui est pas tout à fait
identique. Dans ce cas, l’altération du système de production de masse américain a entrainé
l’émergence d’une configuration originale (laquelle est finalement perçue comme
relativement supérieure).

2.7.3. L’État comme vecteur du changement institutionnel

Le rôle instituant de l’État du point de vue de la théorie de la régulation s’observe à deux


niveaux (Ibid. § 45-47):

65
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

D’abord, les formes institutionnelles, définies comme la codification de rapports sociaux


fondamentaux, font intervenir dans la quasi-généralité des cas des décisions politiques
relayées par le droit et la jurisprudence.

L’expérience historique montre que, quelle que soit la forme du capitalisme, les interventions
publiques sont cruciales pour surmonter l’impasse dans laquelle s’enferrent des stratégies
purement individuelles, lorsque le succès d’un mode de régulation conduit de façon endogène
à l’épuisement de ses capacités stabilisatrices. Par ailleurs, lorsque le pouvoir politique
interdit la mise en œuvre des mesures qui permettraient un redressement de l’économie, les
acteurs privés s’avèrent généralement incapables de surmonter une crise.

L’évolution des relations de pouvoir est aussi l’un des facteurs explicatifs d’un autre mode de
changement, à savoir le basculement d’une hiérarchie institutionnelle à une autre.

À l’origine de ce basculement se trouve très souvent une crise structurelle, une guerre ou un
conflit majeur, périodes au cours desquelles se développent d’intenses luttes pour la définition
ou redéfinition des « règles du jeu ». Elles impliquent la sphère politique et débouchent, le
plus souvent, sur des « compromis institutionnalisés fondateurs », à partir desquels les agents
ont à expérimenter les conséquences de nouvelles stratégies. L’expérience est d’ailleurs le
seul moyen de s’assurer de la viabilité de la hiérarchie institutionnelle, qui est implicite ou
explicite à ces compromis institutionnalisés fondateurs dont rien ne garantit a priori qu’ils
soient cohérents ou compatibles. Toutefois, l’observation de la viabilité de cette configuration
suscite en général le développement de nouvelles stratégies qui peuvent avoir pour
conséquence inintentionnelle une déstabilisation de la capacité de régulation de cette
configuration. De ce fait, la remise en cause de la hiérarchie institutionnelle peut déboucher
sur une autre forme de crise structurelle, impliquant à nouveau la sphère politique.

66
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

2.8. Conclusion

Les différents aspects étudiés dans ce chapitre sont évidemment loin de pouvoir épuiser toutes
les approches théoriques du changement institutionnel. Toutefois, les points de vue présentés
figurent parmi les incontournables. De plus, ceux-ci répondent pertinemment aux besoins de
notre travail de recherche, en complément du cadre théorique du changement technologique
présenté au chapitre précédent.

Le rôle des institutions dans le changement technologique est d’ailleurs le premier point
exposé dans ce chapitre et cela, du point de vue de Thorstein B. Veblen, fondateur de
l’institutionnalisme américain. Son approche soutient l’existence d’une influence réciproque
entre le changement technologique et le changement institutionnel. De ce point de vue, les
innovations technologiques engendreraient un cadre institutionnel qui leur est mieux adapté.
A défaut d’un tel changement, l’incohérence entre le niveau technologique et le contexte
institutionnel serait source de tensions dans la société. Quant au rôle des institutions dans le
processus d’innovation technologique, Veblen met en avant deux aspects majeurs de sa
théorie sur la nature humaine ainsi que le caractère collectif des connaissances
technologiques. Dans sa théorie sur la nature humaine, il souligne d’une part, l’inhérence des
institutions à la nature humaine, en l’occurrence l’instinct grégaire à l’origine du caractère
sociable de l’individu, et d’autre part, l'instinct d’ingéniosité (instinct of workmanship) à
l’origine de la connaissance technologique. Par ailleurs, les institutions exerceraient une
sélection dans la société en favorisant chez les individus les traits les plus à même de
contribuer positivement au progrès technique. Toutefois, Veblen insiste sur le caractère
retardataire du changement institutionnel par rapport au changement technologique, d’où
l’effet plutôt contraignant exercé par le cadre institutionnel sur le l’innovation technologique.

Par ailleurs, le processus sous-jacent du changement institutionnel a d’abord été analysé sous
l’approche de Douglass C. North, un des précurseurs de la Nouvelle Économie
Institutionnelle et lauréat du prix Nobel d’économie en 1993. Une des contributions
fondamentales de cette approche est la distinction claire et cruciale entre les concepts
d’institutions et d’organisations. Les premières sont définies comme « les règles du jeu » ou
les contraintes créées par l’Homme en vue d’organiser la vie en société, parmi lesquelles on
distingue les institutions formelles (textes juridiques, contrats, etc.) et informelles (culture,
normes, traditions, etc.). Les organisations par contre seraient les « équipes de joueurs »
suivant la métaphore utilisée par North. Le concept d’organisation pourrait être appréhendé

67
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

comme étant un groupe d’individus dont les actions sont coordonnées en vue d’atteindre un
objectif commun. Les entreprises, les exploitations agricoles familiales, les coopératives, les
parties politiques, les associations, les syndicats, les universités, sont autant d’exemples
d’organisations.

Du point de vue de North, ce sont essentiellement les interactions entre les institutions et les
organisations dans un environnement concurrentiel qui sont à l’origine du changement
institutionnel. Ainsi, le type d’organisations émergentes est déterminé par les opportunités
offertes par le cadre institutionnel, dont le changement est à son tour induit par les
entrepreneurs au sein des organisations politiques et/ou économiques. Afin d’assurer la
viabilité de leurs organisations dans un environnement concurrentiel, les entrepreneurs
investissent dans le développement des connaissances et des compétences dont ils perçoivent
la pertinence compte tenu des opportunités. Or, les perceptions des individus, en tant que
modèles mentaux, sont elles-mêmes forgées par le cadre institutionnel. Par conséquent, ce
mécanisme pourrait constituer un cercle vertueux lorsqu’il favorise la concurrence et les
connaissances productives, comme il peut s’enfermer (locked-in) dans un cercle vicieux
caractéristique des pays sous-développés en raison notamment du phénomène de dépendance
au sentier (path dependence) affectant le processus du changement institutionnel et
organisationnel.

Ce phénomène a d’ailleurs fait l’objet dans ce chapitre de deux contributions majeures à


l’explication de ses mécanismes sous-jacents.

La première, établie par David (1994), explique le processus de dépendance au sentier


d’abords, en mettant l’accent sur le rôle des expériences passées, communes à un groupe
d’individus, dans la formulation des anticipations mutuelles et la définition de solutions
consensuelles en forme de conventions. Les anticipations mutuelles sur le comportement des
individus seraient également influencées par la connaissance et la définition des rôles dans
une organisation sociale, lesquels ont un caractère plutôt persistant. Un autre facteur de
dépendance au sentier historique serait la nature irréversible et les coûts irrécupérables des
investissements consentis dans le développement des canaux de communication et des codes
spécifiques à chaque organisation. Enfin, l’interdépendance et les complémentarités entre
différentes fonctions et institutions au sein d’une organisation rendent souvent dissuasif et
inopportune toute tentative de changement partiel dans le système.

68
Chapitre 2 Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique

La seconde contribution à l’explication du processus de dépendance au sentier (Sydow et al.,


2009 ; Schreyögg et Sydow, 2010) distingue quant à elle trois phases au cours du processus
de dépendance au sentier. Une première phase, dite de préformation, est caractérisée par un
large éventail d’options. Le choix effectué à ce stade peut s’avérer crucial et constituer un
moment critique du processus global. C’est à partir de ce moment-là que le processus entre
dans sa phase de formation caractérisée par une dynamique d’auto-renforcement des choix
antérieurs. Quatre mécanismes d’auto-renforcement ont été définis, à savoir les effets de
coordination, les effets de complémentarité, les effets d’apprentissage, ainsi que les effets des
anticipations adaptatives. Sous cette dynamique d’auto-renforcement, l’éventail d’options se
rétrécie progressivement et pourrait éventuellement se réduire à une sorte de corridor durant la
phase d’enfermement ou de verrouillage (lock-in) du processus, dans lequel la marge de
manœuvre est très faible et un changement institutionnel et/ou organisationnel significatif est
quasiment impossible.

Outre la contribution majeure de Douglass North à l’explication du processus du changement


institutionnel, nous avons également présenté deux autres visions du changement
institutionnel dans le cadre de la Nouvelle Économie Institutionnelle, en l’occurrence celles
de Williamson (2000) et d’Ostrom (2005), co-lauréats du prix Nobel d’économie en 2009.

Enfin, nous avons fait référence au point de vue de la Théorie de Régulation (Boyer, 2003)
quant au processus du changement intentionnel. Il a notamment été question de deux modes
de changement, à savoir « l’endométabolisme » et « l’hybridation », selon que l’on considère
le changement dans le temps ou dans l’espace, respectivement. Par ailleurs, le rôle régulateur
de l’État en tant que « vecteur du changement institutionnel » est également mis en avant.

69
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

3.1. Introduction

Conformément au Manuel d'Oslo (OCDE/Eurostat, 2005, p.54): « Une innovation est la mise
en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré,
d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle
dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations
extérieures. »

Depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux années 1980, le processus d'innovation a été
généralement appréhendé suivant «le modèle linéaire», formé d’un seul itinéraire à sens
unique — et donc sans la moindre boucle de rétroaction (feedback) — allant de l’étape de la
recherche vers celle du développement ; du développement à la production ; et de la
production au marketing. Or, cette vision idéale du processus d’innovation, dans laquelle des
individus omniscients conçoivent une innovation opérationnelle et optimisée dès la première
tentative, contraste avec la réalité dans laquelle l’information est incomplète et en partie
inadéquate ; où les individus sont faillibles et confrontés à un degré élevé d’incertitude. Dans
ce monde réel, les lacunes et les échecs font partie du processus d’apprentissage qui débouche
sur des innovations, d’où la pertinence du retour d’information via des boucles de rétroaction.
(Klein et Rosenberg, 1986)

La première alternative au modèle linéaire fut celui de la chaine interconnectée 9 proposé par
Klein et Rosenberg (Ibid.). Depuis lors, plusieurs approches systémiques du processus
d’innovation ont vu le jour dont celle des Systèmes d’Innovation (SI) à laquelle ce chapitre
sera consacré.

Dans un premier temps, l’approche des SI sera appréhendée dans le cadre évolutionniste
micro-méso-macro. Seront ensuite développés ses processus évolutionnistes sous-jacents en
perpétuelle interaction. Une brève rétrospective sur l’émergence de l’approche des SI sera
également présentée avant de nous étaler sur ses principales caractéristiques.

Dans un second temps, nous allons retracer succinctement l’évolution du cadre conceptuel
d’analyse de l’innovation en agriculture. En revanche, les différentes phases de
développement de la trajectoire d’innovation seront davantage développées. Enfin, nous
allons présenter la structure schématique d’un Système d’Innovation Agricole.

9
Traduction du concept anglais « The Chain-Linked Model » par Forest et al. (1997, p.07)
70
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

3.2. Les Systèmes d’Innovation dans le cadre micro-méso-macro

Dans le cadre d’analyse évolutionniste micro-méso-macro (cf. chapitre 01), Kastelle et al.
(2009) font correspondre un système d’innovation à toute organisation, structure ou système
économique, considéré comme « unité macro-économique », qu’il s’agisse d’une économie
nationale, supranationale, régionale, subrégionale (cluster), d’un secteur d’activité ou même
d’une entreprise. Une unité macro-économique est constituée de deux niveaux : 1) un système
opérationnel faisant référence à l’ensemble de structures et processus produisant des biens et
services ; et un système d’innovation, défini comme une structure de production de nouvelles
connaissances et de capacités, utilisées dans le cadre de la production de biens et services par
le système opérationnel.

Dans le cadre micro-méso-macro, on définit une micro-unité comme un agent, lequel peut
constituer un vecteur d’une règle de mécanisme (ou règle d’ordre 2). Par ailleurs, une règle de
mécanisme et sa population de vecteurs constitue une méso-unité. Cette dernière peut
également être définie comme le produit d’une méso-trajectoire d’une règle de mécanisme.
Enfin, une macro-unité, ou système d’innovation, est un système complexe adaptatif constitué
d’un ensemble coordonné de méso-unités.

Un système d’innovation est un système évolutif, en ce sens que sa dynamique est une
dynamique de populations. Celle-ci est alimentée par la diversité qui résulte de l’émergence
en continu de nouvelles règles (ou idées) d’innovation hétérogènes, ainsi que par le processus
de diffusion de ces nouvelles règles parmi la population d’entreprises au sein d’un système
d’innovation.

Outre le rôle des systèmes d’innovation en leur qualité de "moteur" de l’évolution


économique, l’analyse menée par Kastelle et al. (ibid.) dans le cadre micro-méso-macro met
en exergue le phénomène de coévolution entre l’agent et le système d’innovation. Le fait est
que d’une part, un système d’innovation certes conditionne ce qu’un agent créatif/innovateur
peut faire ou entreprendre, mais d’autre part, l’agent lui-même influence également et
alimente l’évolution du système d’innovation. En effet, les systèmes d’innovation évoluent
parce que les agents : (1) créent de nouvelles règles (idées ou connaissances), lesquelles à
travers des méso-trajectoires se verraient diffusées au sein d’une population d’agents ; et (2)
adoptent également des règles émanant des autres agents. En adoptant des innovations, l’agent
choisit parmi une multitude de règles ou institutions concurrentes dans les différents systèmes
d’innovation en chevauchement dans lesquels il évolue. En effet, un même agent peut faire
71
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

partie de plusieurs systèmes d’innovation simultanément. C’est le cas d’un entrepreneur ou


d’une entreprise faisant partie d’un système régional d’innovation, lequel lui-même constitue
un sous-système d’un système national d’innovation plus large. Ce dernier pourrait également
faire partie d’un système d’innovation supranational, d’où la notion de chevauchement.

Le choix ou la sélection opérée par les agents parmi diverses innovations substituables est un
processus majeur de l’évolution différentielle des systèmes d’innovation. C’est d’ailleurs ce
processus qui est à l’origine de la dynamique des populations, caractéristique de l’évolution
des systèmes d’innovation. De ce fait, un manque de diversité dans laquelle pourrait s’opérer
une sélection continue dans un système économique constitue un frein au changement, et
donc à l’évolution.

L’analyse des systèmes d’innovation peut être menée à chacun des trois niveaux du cadre
conceptuel micro-méso-macro, selon le contexte (Fischer, 2001, p.213):

- Une micro-analyse du SI examine les capacités internes des entreprises sélectionnées


ainsi que leurs relations extérieures en matière d’échange de connaissances avec d’autres
entreprises ou organisations non-marchandes. Une telle analyse est menée du point de
vue de l’entreprise et vise à identifier d’éventuels disfonctionnements le long de la chaîne
de valeur. Sur un second niveau ;

- Une méso-analyse se concentre sur des sous-systèmes spécifiques et tente de retracer les
différentes interactions au sein et entre les sous-systèmes. Cela peut porter sur
l’évaluation de différents flux de connaissances : interactions entre entreprises ;
interactions entre entreprises et universités ; interactions entre entreprises et d’autres
organisations du SI telles que les organismes de financement ; ainsi que la mobilité du
personnel entre les entreprises d’un même secteur ou entre le secteur scientifique et les
entreprises. Enfin, sur un troisième niveau ;

- Une macro-analyse fait appel à des indicateurs globaux tels que les ratios du personnel en
R&D, des taux d’intensité des dépenses en R&D, des taux d’innovation, des taux
d’intensité en nombre de brevets, ainsi que différents types d’indicateurs du réseautage
permettant de caractériser le système d’une manière générale.

72
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

3.3. Les processus évolutionnistes sous-jacents des Systèmes d’Innovation

Afin de caractériser les éléments constitutifs d’un Système d’Innovation abstrait ou idéal,
McKelvey (1997) a développé un cadre conceptuel et théorique évolutionniste à partir de trois
principes ou processus en perpétuelle interaction, à savoir la rétention et la transmission de
l’information ; la génération de la nouveauté qui alimente la diversité ; ainsi que la sélection
parmi diverses alternatives. Cette sélection est supposée avoir lieu dans à un environnement
particulier. Dans ce cadre, un SI est défini comme un réseau impliquant des processus
individuels et collectifs de recherche, d'apprentissage et de sélection parmi les différentes
opportunités d'innovation. Celles-ci sont définies à partir des diverses possibilités techniques
et économiques déterminées par les interactions entre les agents du SI, ses institutions et
l’environnement.

Le premier principe, à savoir la rétention et la transmission de l’information, met en évidence


un paradoxe entre le besoin à la fois de stabilité et de flexibilité au sein d’un SI. Une certaine
stabilité est en effet nécessaire comme base de créativité pour de nouvelles combinaisons des
routines existantes. D’un autre côté, les innovations remplacent ou rendent obsolètes certaines
connaissances, technologies, institutions et entreprises existantes, ce qui fait de la flexibilité
une nécessité. On distingue entre deux catégories d’informations : des informations
technologiques et scientifiques connues des ingénieurs et des scientifiques ainsi que des
informations économiques et commerciales connues par les entreprises d’un secteur
d’activité.

Le concept de « paradigme » exprime l'idée selon laquelle des ingénieurs et des scientifiques
travaillant sur des technologies similaires partagent certaines connaissances théoriques ; une
même vision des défis ; et des approches de résolution de problèmes communes. Ces
communautés d’ingénieurs et de scientifiques sont supposées exister au-delà des frontières
organisationnelles, de sorte que les ingénieurs des entreprises concurrentes peuvent tous
proposer des solutions techniques relativement similaires. Les connaissances partagées et
accumulées par ces communautés d’ingénieurs ont donc une incidence collective sur la
technologie et apportent des changements et des améliorations semblables suivant des
trajectoires technologiques.

Toutefois, les innovations vont au-delà des connaissances techniques pour inclure des
connaissances économiques, ce pourquoi le concept de «paradigme» est parfois utilisé pour
désigner des connaissances générales partagées par une population d’entreprises d’un même
73
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

secteur d’activité. Or, même si des populations d'entreprises innovantes partageant des
connaissances communes, chaque entreprise est unique dans une certaine mesure. Une raison
en est que les entreprises individuelles accumulent des connaissances tacites grâce à leurs
propres expériences et celles de leurs employés. Les entreprises ont en effet différentes façons
de traduire les connaissances en produits commercialisables à travers leurs routines. Ainsi, en
plus de l’information partagée, certaines connaissances seront propres à chaque entreprise.

Par ailleurs, on considère que les institutions aident à transmettre et à stocker des informations
sur ce que les autres font et sur les types de comportements (routines) considérés comme
acceptables et possibles, telle que l’orientation des activités de recherche et d’apprentissage.
Dans les SI, certaines institutions incitent à innover alors que d’autres en dissuadent. Elles
influencent : le fonctionnement des différents types de marchés ; la spécialisation de la
production ; le développement de modes de communication au sein et entre différentes
communautés de spécialistes ; ainsi que la mesure dans laquelle le système juridique et les
autres dispositifs de protection des droits de propriété permettent de tirer profit des
investissements dans des activités d’innovation.

Le second principe évolutionniste, qui consiste en la génération de la nouveauté, élargit


l’éventail d’alternatives disponibles dans le système d’innovation, alimentant ainsi la
diversité. Ce phénomène est le résultat des activités de recherches et d’apprentissage des
agents en quête d’opportunités techniques et économiques, dont la capacité à innover est
fonction de leurs propres connaissances et compétences techniques et économiques, ainsi que
de leurs interprétations des signaux émanant de l’environnement. La principale motivation des
agents dans leurs activités de recherche est l’éventuelle réalisation du profit. D’autres
incitations à innover peuvent émaner de l’environnement, notamment à travers l’action des
pouvoirs publics, telles que la règlementation et la normalisation des processus de production
et de distribution. En effet, lorsque le Gouvernement impose des normes à respecter à un
secteur d’activité, non seulement les entreprises se verraient éventuellement contraintes
d’apporter des changements à leurs processus de production et/ou de distribution, mais cela
leur donne de la visibilité et leur permet également de concentrer et de canaliser leurs efforts
de recherche dans la trajectoire indiquée, évitant ainsi une multiplication des lignes de
recherche. Outre la configuration institutionnelle de l’environnement, ce qu’une entreprise
peut faire est dans une certaine mesure, limité par l’information qu’elle peut obtenir de la part
des autres acteurs du SI. Les préférences des utilisateurs/consommateurs permettraient aux
entreprises d’identifier des opportunités jusque-là inaperçues, améliorant ainsi leur visibilité.
74
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

L’entreprise puise également des informations du stock de connaissances développées par


d’autres agents à but non lucratif tels que les universités. Par ailleurs, McKelvy (ibid., p.211)
élargit l’hypothèse évolutionniste de Nelson et Winter (1982) selon laquelle une entreprise, à
travers ses activités de recherche, ne ferait que réagir aux changements intervenus dans son
environnement. Autrement dit, une entreprise ne mène des activités de recherche que lorsque
les routines jusque-là en place ne sont plus efficaces. Cette hypothèse est élargit pour inclure
les perceptions des opportunités et les anticipations de l’entreprise. Autrement dit, l’entreprise
ne réagit pas de manière passive aux changements de son environnement, mais agit également
par anticipation et tente de façonner son environnement.

Le troisième principe évolutionniste, à savoir la sélection parmi diverses alternatives au sein


d’un SI s’opère par le marché10. L’importance de ce dernier apparait dans la définition même
des innovations, en tant que nouveautés techniques ayant une valeur/utilité économique. « Du
point de vue de Nelson et Winter (1982), la sélection s’opère au niveau des entreprises sur la
base du critère de rentabilité. Le taux de profit relatif au fil du temps détermine pour chaque
entreprise la possibilité de survie, d’adaptation, de reproduire des stratégies gagnantes, des
technologies et des produits à succès. Au fil du temps, certaines entreprises vont disparaître
du fait qu’elles opèrent avec des routines inefficaces qu’elles n’ont pas remplacées à temps ;
alors que d’autres entreprises vont se développer. » McKelvy (ibid., p.217)

Au sein d’un SI (le marché), la sélection ne s’opère pas de façon ponctuelle ou immédiate,
mais plutôt sous forme d’un processus de plus ou moins long terme, lors duquel diverses
alternatives (routines, technologies) et différentes entreprises concurrentes coexistent. Il s’agit
d’un processus lent, car à mesure qu’il opère (réduction de la diversité), des innovations
apparaissent de façon plus ou moins continue.

Par ailleurs, le processus de sélection est intimement lié à celui de la génération de nouveautés
en raison de l’incertitude qui les caractérise. En effet, la tâtonnement des entreprises lors des
étapes de conception, d’expérimentation et d’interprétation des opportunités et contraintes de
l’environnement au cours du processus de génération de nouveautés, constitue un aspect
important du processus de sélection. Étant donné le caractère changeant de l’environnement,
il est difficile de savoir ex ante les innovations qui seront sélectionnées et qui seront adaptées
aux futures conditions de l’environnement.

10
Du moins dans le cas d’une économie capitaliste.
75
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

3.4. Émergence de l’approche des Systèmes d’Innovation

Différentes définitions du concept de Système National d’Innovation (SNI) avaient été


avancées par les précurseurs de l’approche des SI, à savoir Christopher Freeman, Bengt-Åke
Lundvall et Richard R. Nelson (Soete et al. 2010, pp 1163-1166) :

Le concept de Système National d’Innovation (SNI) fut initialement utilisé par Christopher
Freeman en 1987 et fut défini comme le réseau d’institutions (dans le sens organisations) des
secteurs public et privé, dont les activités et les interactions initient, importent, modifient et
diffusent de nouvelles technologies. Freeman a notamment mis l’accent sur le rôle de la
politique publique ; de la R&D ; le rôle du capital humain et de l’organisation du travail au
niveau de l’entreprise et d’un secteur d’activité ; ainsi que sur l’importance de l’exploitation
par les entreprises des externalités relatives à l’innovation le long de la chaîne de valeur.

Par ailleurs, dans un ouvrage datant de 1992, Lundvall a davantage souligné la dimension
national du SNI défini comme l’ensemble des éléments et des relations situés à l’intérieur des
frontières de l’État-Nation et qui interagissent dans la production, la diffusion et l’utilisation
de nouvelles connaissances économiquement utiles. Lundvall a défini trois piliers théoriques
pour les SNI. Le premier concerne les sources de l’innovation ou les activités des acteurs du
système qui mènent à l’innovation. Il distingue ainsi entre, d’une part, l’apprentissage et
d’autre part, "la recherche et l’exploration". Il associe l’apprentissage aux activités de routine,
telles que la production, la distribution, la commercialisation et la consommation, qui
procurent de l’expérience et des idées menant à de nouvelles connaissances et à l’innovation.
Cela parait compatible avec le concept de "l’apprentissage par la pratique". La seconde source
de l’innovation, représentée par "la recherche et l’exploration" inclut à la fois les activités de
R&D menées par les entreprises (la recherche) et la R&D académique (l’exploration). Le
second pilier théorique, porte sur la nature de l’innovation et distingue entre les innovations
dites incrémentales et les innovations radicales. Lundvall a ainsi souligné la nature
incrémentale et cumulative de l’innovation qui consiste généralement en de petits progrès,
résultat des processus continuels d’apprentissage et de recherche menés par l’entreprise. Il a
également fait référence aux rétroactions entre les différents acteurs du système dans la
mesure où l’innovation incrémentale est, du moins en partie, une réaction à de précédentes
innovations mises en œuvre par d’autres acteurs du SI. Le troisième et dernier pilier théorique
du concept de SNI établi par Lundvall est constitué par des facteurs non-marchands auxquels
il attribue deux principales formes. La première est relative aux interactions entre utilisateurs

76
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

et producteurs en matière d’échange d’informations. Ces interactions vont au-delà des


transactions commerciales dans la mesure où les producteurs adaptent leurs produits en
fonction des réactions des utilisateurs. La seconde forme de facteurs non-marchands est
constituée par les institutions du système, qui sont essentiellement déterminées par l’histoire
et étroitement liées à la culture. Ces institutions réduisent l’incertitude et assurent la stabilité
pour les acteurs du SI.

Enfin, dans un ouvrage paru en 1993, Nelson décrit le SI comme un ensemble d’institutions
(dans le sens organisations) dont les interactions déterminent la performance des entreprises
nationales en matière d’innovation et considère que les institutions les plus importantes sont
celles qui soutiennent les efforts fournis dans le domaine de la R&D. Pour Nelson, la
compétitivité du SNI s’explique par les particularités organisationnelles de ses acteurs, leurs
motivations et leurs modes de collaboration. Il souligne en particulier le rôle majeur que les
entreprises jouent dans la définition des programmes de recherche des universités, d’où
l’importance de la nature de l’organisation du système universitaire, notamment en matière de
collaboration avec le secteur privé.

Outre les Systèmes Nationaux d’Innovation (SNI) sur lesquels les précurseurs de l’approche
des SI avaient initialement mis l’accent, deux autres variantes, sectorielle et régionale, ont
également vu le jour. Les Systèmes Sectoriels d’Innovation (SSI) se concentrent sur différents
domaines de technologie ou types de produits, alors que les Systèmes Régionaux
d’Innovation (SRI) se définissent essentiellement à partir des frontières géographiques du
système. Celles-ci peuvent en effet se situer au sein d’un même pays (infranationales) ou
couvrir un ensemble de pays (supranationales). Il est important de souligner qu’une
dimension sectorielle peut être associée à chacune des dimensions géographiques des SI. Par
ailleurs, la délimitation des frontières géographiques des SI ne doit pas se borner
automatiquement aux frontières géographiques officielles, mais doit être fondée sur le degré
de cohérence dans le processus d’innovation dans une zone géographique. Des critères
pouvant être utilisés à cet effet consisteraient en l’existence d’un certain niveau d’externalités
entre les organisations, notamment en matière de transfert de connaissances tacites ; la
mobilité des travailleurs qualifiés au niveau local; ainsi qu’un niveau minimum de
collaboration entre les organisations contribuant à l’innovation ; autrement dit, l’existence de
réseaux locaux d’apprentissage. (Edquist 2001, pp. 2 ; 13-14)

77
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

3.5. Caractéristiques de l’approche des Systèmes d’Innovation

L’approche des Systèmes d’Innovation constitue à la fois un moyen d’étudier l’innovation, un


cadre conceptuel pour la politique publique, et une base pour la formulation des stratégies
d’innovation pour les entreprises. Afin de mettre en avant ces avantages, mais également
souligner quelques limites, Edquist (1997, pp.15-29) a défini neuf caractéristiques de
l’approche des SI comme suit :

1. L’approche des SI place les innovations et les processus d’apprentissage au centre de


l’attention

Sous l’approche des SI, l’innovation technologique consiste à mettre sur le marché de
nouveaux produits ou mettre en œuvre de nouveaux processus économiquement significatifs,
à partir de nouvelles connaissances, ou de nouvelles combinaisons de connaissances déjà
existantes. Outre les modes d’apprentissage et de R&D formels, l’innovation peut résulter
également de divers processus d’apprentissage incarnés dans les activités économiques de
routine. Du point de vue de Lundvall (cité par Edquist, Ibid., p.16), un des précurseurs de
l’approche des SI, ces processus comprennent l’apprentissage par la pratique (learning-by-
doing), qui accroît l’efficacité des opérations de production ; l’apprentissage par l’utilisation
(learning-by-using), qui accroissent l’efficacité d’utilisation de systèmes complexes ; et
l’apprentissage par l’interaction (learning-by-interacting), impliquant utilisateurs et
producteurs dans des interactions aboutissant à des innovations de produits. Lundvall
considère que les connaissances constituent la ressource fondamentale dans l’économie
moderne, et que par conséquent, l’apprentissage est le processus le plus important. Outre la
création des connaissances, leur diffusion et leur exploitation au sein du système d’innovation
est tout aussi cruciale.

2. L’approche des SI adopte une perspective holistique et interdisciplinaire

L’approche des SI est dite holistique en ce sens qu’elle englobe l’ensemble des déterminants
importants de l’innovation, que ce soit dans un contexte national, régional ou sectoriel. Elle
est holistique par opposition à une approche réductionniste, qui exclurait des déterminants
potentiellement importants. Ainsi, l’approche des SI se distingue des approches précédentes
d’analyse de l’innovation qui se focalisent essentiellement sur le système de R&D au sens
restreint, à travers l’étude des ressources budgétaires et en personnel allouées à la R&D.
L’une des raisons pour lesquelles l’approche des SI va au-delà du système de R&D est que

78
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

des technologies sont également développées en dehors du système formel de R&D, à travers
par exemple l’apprentissage par la pratique, par l’utilisation et par l’interaction. En outre, les
technologies ne sont pas uniquement développées, mais elles sont également produites,
diffusées et utilisées. Au cours de ces différents processus, les technologies peuvent
également évoluer. L’ensemble de ces facteurs sont pris en considération sous l’approche des
SI, ce qui n’est pas le cas du système de R&D.

Par ailleurs, l’approche des SI inclut non seulement les facteurs économiques influençant
l’innovation, mais aussi les facteurs institutionnels, organisationnels, les facteurs sociaux et
les facteurs politiques. C’est cela qui lui confère un caractère interdisciplinaire.

Du point de vue méthodologique, un SI devrait être appréhendé comme un tout en raison de


ses multiples éléments plus ou moins reliés les uns aux autres. Autrement, la notion même de
« système » serait hors de propos. Néanmoins, il est parfois nécessaire de se pencher sur
quelques parties uniquement du SI, individuellement ou en tant que sous-système, sans que
cela soit assimilé au réductionnisme.

3. L’approche des SI adopte une perspective historique

Afin d’appréhender les processus d’innovation, il est nécessaire d’adopter une perspective
historique du fait que l’innovation se développe au fil du temps. En effet, le décalage temporel
est souvent long entre une invention technique, sa transformation en une innovation revêtant
une importance économique et sa diffusion généralisée. Par ailleurs, l’une des principales
caractéristiques du processus d’innovation est « la dépendance au sentier : de petits
événements sont renforcés et deviennent d'une importance cruciale grâce à une rétroaction
positive. » (Edquist, ibid., p.19). Il n’y a d’ailleurs pas que l’innovation qui se développe de
cette manière ; les institutions, les organisations et même les systèmes d’innovation se
développement au fil du temps, à travers notamment l’accumulation des connaissances et des
compétences. L’ensemble de ces processus peuvent être appréhendés en termes de
coévolution des connaissances, des innovations, des organisations et des institutions.
Cependant, les systèmes d'innovation peuvent également être sujets à l'inertie. Leurs
structures peuvent être assez stables sur de longues périodes et la résistance structurelle au
changement est souvent considérable.

4. L’approche des SI favorise la comparaison des systèmes et exclue la notion


d’optimalité

79
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

La notion d’optimalité est absente sous l’approche des SI. On ne peut par conséquent définir
un système d’innovation optimal car les processus d’apprentissage évolutionnaires occupent
une place prépondérante dans ce type de systèmes, et sont donc sujets à un changement
continu. Du fait de la nature ouverte des processus évolutionnaires et leur dépendance au
sentier historique, on est dans l’incapacité de savoir si c’est la meilleure trajectoire qui a été
empruntée, puisqu’elle-même est inconnue.

En l’absence de la notion d’optimalité qui aurait permis la définition d’un SI optimal auquel
on pourrait comparer les systèmes existants, la comparaison de différents systèmes
d’innovation existants s’est avérée nécessaire pour pouvoir évaluer différentes variables
qualitatives et quantitatives d’un SI par rapports à un ou plusieurs autres systèmes pris comme
référence(s) (ou benchmark(s)). Cette méthode peut être assimilée au benchmarking effectué
au niveau des entreprises.

5. L’approche des SI met en avant l’interdépendance et la non-linéarité

L’approche des SI part du principe selon lequel les entreprises n’innovent presque jamais
isolément. Au cours du processus d’innovation, les entreprises interagissent avec d’autres
organisations dans un contexte institutionnel spécifique et plus ou moins complexe. Ces
organisations peuvent être aussi bien des entreprises (clients, concurrents et fournisseurs)
mais également d’autres types d’organisations telles que les universités, les instituts de
formation, les agences gouvernementales, etc. Sous l’approche des SI, les innovations ne sont
pas déterminées uniquement par les éléments du système, mais également par les relations
extrêmement complexes entre ces éléments, lesquelles sont souvent caractérisées par la
réciprocité, l’interactivité, et une multitude de boucles de rétroactions. Il va donc sans dire que
ces relations ne sont ni unilatérales ni linéaires.

L’une des conséquences de l’interdépendance et de la non-linéarité caractéristiques des SI est


qu’il est naturel d’inclure la demande du marché comme un déterminant de l’innovation. Cet
aspect du processus d’innovation a essentiellement été développé par Lundvall qui s’est
focalisé sur le processus d’apprentissage interactif entre producteurs et utilisateurs. Cette
vision de la demande en tant que déterminant important de l’innovation élargit la vision
traditionnelle sur la politique d’innovation. En effet, la vision traditionnelle, fondée sur le
modèle linéaire du processus d’innovation, met l’accent sur les instruments de politique
d’innovation du côté de l’offre, tels que les subventions et le soutien à la R&D, ou
l’importation de nouveaux produits et de nouveaux procédés.
80
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

6. L’approche des SI inclut les innovations de produits et les innovations


organisationnelles

L’approche des SI élargit le concept d’innovation pour inclure également les innovations
organisationnelles. Trois arguments sont avancés à cet effet :

 D’abord, les changements organisationnels constituent d’importantes sources pour la


croissance de la productivité et de la compétitivité, et influenceraient l’emploi également;

 Ensuite, les changements organisationnels et technologiques sont étroitement liés et


enchevêtrés, et le changement organisationnel est souvent un préalable pour la réussite
des processus d’innovation technologique ;

 Enfin, les technologies sont toujours créées par des humains, et sont donc conçues dans le
cadre social pouvant prendre diverses formes organisationnelles.

7. Les institutions occupent une place centrale sous l’approche des SI

L'approche des Systèmes d'Innovation met un accent particulier sur le rôle des institutions
dans les processus d’innovation. Toutefois, la définition du terme "institutions" ne fait pas
l’unanimité (Edquist, 2005, pp. 185-186). Une des connotations qu’on lui attribue souvent est
le concept d’"organisations". Afin d’appréhender le rôle des institutions dans les Systèmes
d’Innovation, il est important de distinguer entre les deux concepts en raison de leurs rôles
différents dans les processus d’innovation ainsi que l’importance et la complexité de leurs
interactions. Les organisations sont des structures formelles sciemment créées, ayant un but
explicite. En revanche, les institutions peuvent se développer spontanément et ne sont souvent
pas caractérisées par un but spécifique. Celles-ci sont définies comme des habitudes, des
routines, des pratiques établies, des règles ou des lois qui régissent les interactions et la
communication entre les individus et les groupes d’individus au sein d’une même
organisation, mais aussi entre différentes organisations et l’environnement extérieur. Au sein
d’un Système d’Innovation, les institutions assurent trois fonctions essentielles. La plus
fondamentale consiste en la modération du risque inhérent aux activités d’innovation et aux
comportements des individus en fournissant l’information ou en en réduisant le volume
nécessaire. La seconde fonction des institutions est la gestion et la règlementation des conflits
et de la coopération dans le cadre des interactions socio-économiques en générale, et des
processus d’innovation en particulier. Enfin, les institutions procurent des incitations à
prendre part aux processus d’apprentissage et d’innovation, à travers par exemple
81
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

l’exonération ou l’abattement fiscal, les droits de propriété intellectuelle, les normes et les
standards techniques, etc. Cependant, les institutions peuvent également constituer des
entraves ralentissant les processus d’innovations. Cette vision correspond d’ailleurs à la
perspective traditionnelle sur la relation entre l’innovation et les institutions. Celle-ci
considère en effet que les institutions assurent la stabilité, et même une certaine rigidité, au
sein de l’économie et agissent comme un frein plutôt qu’un stimulateur de l’innovation.
(Edquist et Johnson, 1997, pp. 46-55)

8. L’approche des SI est plutôt vague du point de vue conceptuel

Plusieurs concepts de base de l’approche des SI demeurent en effet ambigus. Comme nous
venons juste de le souligner, les définitions associées aux termes « institutions » et
« organisations » sont des exemples de telles ambiguïtés. Celles-ci proviennent
essentiellement du fait que différents auteurs proposent différentes définitions des SI. En
effet, aucun des auteurs précurseurs de cette approche n’a défini les limites opérationnelles
d’un Système (National) d’Innovation, en précisant à la rigueur quels sont les éléments qui
devraient y être inclus. Autrement dit, ils n’ont distingué aucune démarcation claire entre le
système lui-même et son environnement.

Toutefois, ces ambigüités peuvent être perçues plutôt comme un « pluralisme » conceptuel,
assez normal pour une approche relativement récente et toujours en cours de consolidation.
De ce point de vue, l’ambiguïté conceptuelle caractéristique de l’approche des SI constituerait
plutôt une force, en ce sens qu’elle permet une certaine ouverture et flexibilité faisant de la
place à des perspectives et des solutions concurrentes. Une telle diversité est en effet
nécessaire afin que des contributions particulièrement pertinentes ne soient écartées
prématurément.

9. L’approche des SI constitue un cadre conceptuel plutôt qu’une théorie formelle

L’approche des SI ne constitue certainement pas une théorie formelle, ni d’ailleurs une théorie
appréciative. Certes, elle fourni une base pour la formulation de conjectures, comme par
exemple le fait que divers facteurs, comme les institutions ou l'apprentissage, sont importants
pour les innovations technologiques. Cependant, de telles hypothèses n’ont pas été
suffisamment confrontées à la réalité à travers des études empiriques. Autrement dit, les
relations de cause à effet entre différentes variables n’ont toujours pas été établies d’une
manière convaincante.

82
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

Par conséquent, l’approche des SI n’est à ce stade qu’un cadre conceptuel que de nombreux
chercheurs et décideurs considèrent pertinent pour l’analyse des processus et des déterminants
de l’innovation. En tant que tel, il est à un stade avancé et renferme un grand potentiel.

3.6. Évolution du cadre conceptuel d’analyse de l’innovation en agriculture

En matière d’innovation, le secteur agricole est dominé par les fournisseurs. Les activités
d’innovation y sont généralement orientées vers les innovations de procédés, souvent
incrémentales. La contribution des exploitations au processus d’innovation y est généralement
marginale. La plupart des innovations proviennent en effet des fournisseurs d'équipements et
d’intrants, bien que dans certains cas, les grands clients et les services publics de recherche et
de vulgarisation y contribuent également. Ainsi, le processus d'innovation en agriculture est
avant tout un processus de diffusion de biens d'équipement améliorés et d'intrants
intermédiaires innovants, alors que les opportunités générées de manière endogène et les
dépenses en R&D y sont plutôt limitées. (Pavitt, 1984 ; Dosi, 1988)

Possas et al. (1996) proposent la taxonomie suivante des sources d'innovation dans le secteur
de l'agriculture :

1. Les sources privées comprenant les entreprises industrielles, fournisseurs d'équipements et


d'intrants agricoles ;

2. Les sources institutionnelles publiques, comprenant les universités et les organismes


publics de recherche. Ces institutions mènent des activités de recherche fondamentale ainsi
que le développement et le transfert de technologies ;

3. Les sources privées comprenant les entreprises de l’agro-industrie de transformation des


produits agricoles. L'action de ces sources peut être soit individuelle ou collective, provenant
d'entreprises ou de consortiums de transformation industrielle qui définissent des normes à
respecter pour les agriculteurs ;

4. Les sources privées comprenant des organisations sans but lucratif, telles que des
coopératives ou des associations de producteurs dont le but principal est de développer et de
transférer de nouvelles variétés de semences et des pratiques agricoles telles que les nouvelles
méthodes de plantation, le dosage d'engrais et de pesticides, les méthodes de lutte contre les
ravageurs, etc.

83
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

5. Les sources privées de prestation de services, telles que les entreprises d’assistance
technique, de planification et de gestion de la production, ainsi que les services relatifs à la
production de semences et au stockage ;

6. Les exploitations agricoles au sein desquelles le processus d’apprentissage peut parfois se


traduire par des innovations. En effet, de nouvelles compétences et connaissances tacites et/ou
spécifiques peuvent être développées par l’agriculteur à travers un processus d’apprentissage
par la pratique.

Par ailleurs, un large éventail d'approches sur l'innovation agricole a émergé au cours des 40
dernières années, dont les plus éminentes sont celles des Systèmes Nationaux de Recherche
Agricole (SNRA), les Système de Connaissances et d’Informations Agricoles (SCIA), et enfin
l’approche des Système d’Innovation Agricole (SIA).

3.6.1. L’approche des Systèmes Nationaux de Recherche Agricole

L’approche des SNRA, développé durant les années 1970, s’appuie sur les théories de
l’adoption et de la diffusion des innovations, qui considèrent le contexte institutionnel et
politique comme un facteur externe qui influence l'adoption des innovations par les
agriculteurs (Klerkx et al., 2012, p.462). Un SNRA comprend toutes les entités au sein d'un
pays responsables de l'organisation, la coordination, ou l'exécution des travaux de recherche
agricole, et qui contribue directement au développement de son agriculture et à la préservation
de ses ressources naturelles. L’approche des SNRA a été le pilier de la planification du
développement agricole pour les 40 dernières années. Le principe sous-jacent du SNRA est
linéaire: la recherche agricole, à travers le transfert de technologie, conduit à l'adoption de
technologies et la croissance de la productivité. L’efficacité de ce principe repose sur les
organismes de recherche, de formation et de vulgarisation agricoles du secteur public, dont la
capacité est développée grâce aux investissements dans l'infrastructure scientifique ; la
dotation des ressources humaines avec des compétences actualisées ; la définition des
priorités de recherche ; et la mise à leur disposition des fonds opérationnels pour mettre en
œuvre ces priorités. Ce modèle s’est avéré très efficace dans les régions et les sous-secteurs
agricoles où les solutions technologiques avec un large potentiel d’applications ont été
nécessaires. Toutefois, la recherche n’est pas en contact direct avec les utilisateurs finals des
technologies développées, d’où la lenteur du SNRA à répondre aux besoins des clients et à
réagir aux changements des circonstances dans le secteur. Ainsi, le modèle des SNRA s’est
avéré mal adaptée pour répondre à l'évolution rapide des conditions du marché et pour
84
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

développer des technologies que les producteurs pourraient utiliser pour pénétrer de nouveaux
marchés à forte valeur ajoutée. Enfin, en mettant l’accent sur le développement de la capacité
du système de recherche, le cadre d’analyse des SNRA tend à limiter l'attention sur d'autres
facteurs qui permettent aux nouvelles technologies d’être utilisées (Banque Mondiale, 2006,
pp. 23-24).

3.6.2. L’approche des Systèmes de Connaissances et d’Informations Agricoles

Durant les années 1980, le concept de Système de Connaissances et d’Informations Agricoles


(SCIA) a émergé en réponse aux limites des approches linéaires de transfert de technologies.
Le concept de SCIA a été défini comme "un ensemble d'organisations agricoles et/ou
d’individus, ainsi que leurs interactions et les liens qui existent entre eux, engagés dans des
processus tels que la production, la transformation, la transmission, le stockage, la
récupération, l'intégration, la diffusion et l'utilisation des connaissances et de l'information,
dans le but de travailler en synergie pour soutenir la prise de décision, la résolution de
problèmes et l'innovation dans l'agriculture dans un pays donné ou un de ces domaines"
(Röling N., 1990 : 01, cité par Klerkx et al.,op. cit., p. 462). Comme on peut le constater dans
cette définition, SCIA a initialement été considéré comme ayant une frontière claire (national
ou sectorielle), et que l’ensemble de ses acteurs partagent un but commun. Cela a suscité des
critiques invoquant l’adoption de l’approche des "systèmes rigides" qui admet que les
systèmes existent indépendamment de l'observateur, et qu’ils peuvent être analysés,
appréhendés et conçus dans un but déterminé. Par la suite, on a été amené à adopter
l’approche de systèmes souples, qui considère qu’un système et ses frontières sont
appréhendés par ses acteurs sous différents points de vue, étant donné leurs différents
objectifs et expériences. Ainsi, l'approche des SCIA se focalise sur la coordination entre des
acteurs ayant différentes perspectives, et faisant partie d’un "système humain d’activité" aux
frontières arbitraires (Klerkxet al.,op. cit., pp.462-463). L’approche des SCIA présente
toutefois certaines limites dans la mesure où elle met l’accent sur les acteurs et les processus
du milieu rural, et accorde une attention limitée au rôle des marchés, au secteur privé, à
l'environnement politique favorable, et aux autres secteurs d’activité. De plus, le cadre des
SCIA reconnaît l'importance du transfert des informations des agriculteurs aux systèmes de
recherche, mais tend à suggérer que la plupart des technologies seront transférées des
chercheurs vers les agriculteurs (Banque Mondiale, op. cit., pp. 25-26).

85
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

3.6.3. L’approche des Systèmes d’Innovation Agricole

Parallèlement au concept des SCIA, l’approche des Systèmes d’Innovation Agricole (SIA) a
été développée et élargit encore davantage les frontière du système. Un système d’innovation,
tel que défini par la Banque Mondiale, est "un réseau d’organisations, d’entreprises et
d’individus susceptibles d’introduire de nouveaux produits, de nouveaux procédés et de
nouvelles formes d'organisation dans l’activité économique, ainsi que les institutions et les
politiques qui influent sur leurs comportements et leurs performances. Le concept de système
d'innovation comprend non seulement les producteurs de connaissances, mais la totalité des
acteurs impliqués dans l'innovation ainsi que leurs interactions. Outre la création de
connaissances, un système d’innovation englobe les facteurs qui influent sur la demande de
connaissances et leurs utilisations de manières novatrices et utiles." (Ibid., pp. iv-vii). Le
cadre conceptuel des SIA se distingue de celui des SCIA par l’accent plus important mis sur
l’influence des institutions et des infrastructures sur les processus d’apprentissage et
d’innovation, ainsi que par l’intégration explicite de toutes organisations pertinentes en dehors
des systèmes de recherche et de vulgarisation agricoles.

3.7. Les trajectoires d’innovation en agriculture

Le processus d’innovation en agriculture est influencé par deux principaux facteurs


contextuels, à savoir : (1) le type d’acteurs (publics ou privés) qui enclenchent le processus ;
et (2) les facteurs à l’origine de l’innovation (la politique publique ou le marché). Deux
différents scénarios peuvent alors s’ensuivre : (1) dans un premier scénario, les interventions
de l’État dans le domaine de la recherche encouragent l’innovation, lorsqu'elles sont
organisées de manière à promouvoir l'interaction ou lorsqu'elles font partie d’un soutien
sectoriel intégré ; (2) dans le second scénario, des entrepreneurs identifient de nouvelles
opportunités de marché et innovent afin de pouvoir accéder au marché. Étant donné la
dépendance au sentier caractéristique du processus d’innovation, ces conditions initiales
donnent lieux à deux trajectoires ou systèmes d'innovation distincts qui évoluent en parallèle :
« une trajectoire planifiée » et « une trajectoire guidée par le marché ». La phase ultime de
développement vers laquelle convergent ces deux trajectoires est celle d’un système
d'innovation dynamique. (Banque Mondiale, 2006 ; Rajalahti et al., 2008)

86
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

3.7.1. Les phases de développement dans la trajectoire planifiée

Cette trajectoire peut être scindée en plusieurs phases de développement: la phase « pré-
planifiée », la phase « de fondation », et la phase « d'expansion ». (Ibid.)

a) La phase pré-planifiée

Dans la phase pré-planifiée, de nouvelles opportunités n'ont pas encore été identifiées.
L'expertise locale est disponible, mais les producteurs et les entrepreneurs ne sont pas
suffisamment en interaction pour pouvoir évaluer conjointement les tendances du marché et
identifier les opportunités émergentes.

 Des organismes publics de recherche et de formation, ainsi que des acteurs du secteur
privé sont présents, mais ils se concentrent sur les priorités traditionnelles du secteur
agricole. Les organisations intermédiaires qui pourraient établir des liens ou des
partenariats entre les acteurs, ou fournir un accès à de nouvelles sources de connaissances
et d'informations sont absentes.

 Les organismes de recherche opèrent isolément. Les secteurs public et privé travaillent
indépendamment les uns des autres, et la confiance entre les deux est limitée.

 L'interaction entre les acteurs est structurée autour des secteurs traditionnels. Le lien entre
la recherche et les agriculteurs passe par la vulgarisation agricole; il y a peu ou pas
d'interaction entre la recherche et le secteur privé; et le secteur privé interagit avec le
gouvernement principalement via le lobbying politique. Les secteurs public et privé ont
un accès limité à l'information relative aux marchés émergents, ce qui les empêche de
partager des connaissances sur de nouvelles opportunités.

 Des dispositions génériques en matière de recherche et de formation pourraient être en


place, mais les mesures à l'appui d'un secteur spécifique ne le sont pas, car des
opportunités n'ont pas été identifiées. Les mécanismes de financement de l'innovation
sont généralement absents.

b) La phase de fondation

Dans la phase de fondation, le gouvernement a identifié de nouvelles opportunités et


a défini des priorités sectorielles. Les principaux outils de stimulation de l'innovation sont les
investissements dans la recherche et la formation, mais leur impact est limité et le secteur n'a

87
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

pas décollé. Le secteur privé a commencé à s'engager dans les domaines offrant de nouvelles
opportunités.

 Le gouvernement et les organismes de R&D ont choisi des thèmes prioritaires ou ont
établi des programmes spécifiques. Bien que de nouvelles technologies aient pu être
développées, elles n'ont pas été adoptées par les agriculteurs ou les entrepreneurs.
L'activité entrepreneuriale est déjà plus importante que dans la phase pré-planifiée. Les
entreprises explorent de nouvelles opportunités identifiées par le secteur public. Les
organisations intermédiaires qui pourraient relier les acteurs sont absentes ou faibles. Les
organisations financières ne sont pas efficaces.

 Les systèmes de recherche sont compartimentés, hiérarchiques et ne favorisent pas la


collaboration interdisciplinaire. Les secteurs public et privé ont peu confiance les uns
envers les autres mais ils s’efforcent à travailler ensemble.

 L'interaction reste à l'intérieur de chaque secteur et ne traverse pas la cloison séparant le


secteur public et le secteur privé (par exemple, les agences de recherche collaborent avec
les agences de vulgarisation mais pas avec les fournisseurs d'intrants). Ceci est
susceptible d'être la principale contrainte à l'innovation dans cette phase.

 Des dispositifs publics de recherche et de formation, principalement axés sur l'offre, sont
en place. Des incitations à l'activité entrepreneuriale peuvent également être en place,
mais le financement de l'innovation peut encore constituer un goulot d'étranglement.

c) La phase d’expansion

Le gouvernement a identifié quelques opportunités prometteuses pour atteindre des objectifs


nationaux tels que la croissance des exportations ou la réduction de la pauvreté rurale. Une
gamme de projets et de programmes limités dans le temps — dont certains réussissent — est
caractéristique de cette phase. Celle-ci constitue une phase pilote importante, car elle permet
de savoir quels types d'arrangements sont susceptibles de conduire à l'émergence d'un système
d'innovation dynamique dans différents contextes (secteurs et pays spécifiques).

 Les acteurs publics, privés et de la société civile, chacun avec des rôles différents, ont
formé des « pôles de compétitivité », généralement centrés sur la recherche ou le
développement des entreprises. L’efficacité des principaux acteurs dans leurs rôles
respectifs est variable. Les organisations de coordination sectorielle, généralement

88
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

établies avec le soutien du gouvernement, peuvent être en place. Les organisations


financières ne sont souvent pas encore incluses dans le système d'innovation.

 Les interventions pilotes ont renforcé la volonté de collaborer entre les secteurs public et
privé, mais la pratique de la collaboration reste fragile et sujette aux malentendus.

 Les principaux acteurs au sein des pôles de compétitivité interagissent, mais leur
interaction dépend encore des incitations et du soutien du secteur public. L'inclusion est
encore plutôt faible; par exemple, les ONG ne peuvent souvent pas garantir la
participation des pauvres.

 Le financement de la recherche et de la formation est en place. La disponibilité de capital


risque et d'incitations fiscales pour les investissements dans l'innovation peut être limitée.
L'absence d'un régime clair de droits de propriété intellectuelle peut entraver la
collaboration et l'innovation.

3.7.2. Les phases de développement dans la trajectoire guidée par le marché

Ces trajectoires peuvent être scindées en plusieurs phases de développement: la phase


« naissante », la phase d’« émergence » et la phase de « stagnation ». (Ibid.)

a) La phase naissante

Durant la phase naissante de la trajectoire guidée par le marché, les entrepreneurs et parfois
les ONG ont commencé à reconnaître les opportunités d'innovation, telles que les nouveaux
produits de grande valeur, les produits de l’agriculture biologique, les biocarburants ou les
opportunités de transformation dans les secteurs traditionnels. Les compétences et les acteurs
locaux étant présents, certaines initiatives débouchent sur de nouveaux marchés. Cependant,
le gouvernement ignore ces opportunités prometteuses.

 Les principaux acteurs sont constitués d'un petit nombre de producteurs, d'entrepreneurs
ou d'ONG qui ont reconnu de nouvelles opportunités. Des organismes de recherche
publique traditionnels peuvent être en place.
 Les entrepreneurs impliqués affichent un comportement caractérisé par un faible degré
d’aversion au risque et une forte tendance à la recherche d'opportunités.

89
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

 Les entrepreneurs ont suffisamment de contacts au niveau local pour obtenir des
informations concernant les marchés émergents et d'autres nouvelles opportunités, mais
n'ont développé aucun réseau au sein du secteur.

 Des programmes publics de recherche et de formation peuvent être en place mais ne sont
pas axés sur les nouvelles opportunités.

b) La phase d’émergence

Dans le sillage d'une entreprise ou d'un individu pionnier, d'autres entreprises ou individus se
sont impliqués dans la même activité agricole, imitant ou même améliorant les réalisations du
pionnier. À ce stade, le secteur repose souvent sur des prix bas comme source de
compétitivité. Cette phase peut être de courte durée dans des conditions de marché dynamique
et souvent, les réseaux qui pourraient répondre aux nouvelles conditions par l'innovation sont
absents et le secteur risque de stagner.

 Le système d'innovation est dominé par des entrepreneurs qui s'appuient sur leurs propres
connaissances et qui ont accès à de nouvelles technologies et informations grâce à leurs
réseaux informels. La compétence technique pourrait être achetée auprès de fournisseurs
privés. La recherche publique joue un rôle traditionnel et limité. Des associations
d'agriculteurs et d'industriels peuvent avoir été créées.

 Les entreprises n'ont pas l'habitude de prêter attention aux considérations sociales et
environnementales, et elles n’ont pas beaucoup confiance dans les partenariats avec le
secteur public. Des normes de qualité et d'environnement peuvent exister mais sont
généralement inapplicables.

 Malgré leurs réseaux locaux informels, les entrepreneurs n'interagissent guère avec les
communautés de recherche et d'élaboration de politiques. Les liens médiocres entre les
entrepreneurs et les organismes de recherche créent un cercle vicieux caractérisé par une
faible demande pour la recherche et des résultats subséquents non pertinents. Les prix bas
étant la principale source de compétitivité dans le secteur, la modernisation du secteur ou
la création d'une image de marque nationale retiennent peu l'attention. Là où les
associations professionnelles existent, elles se concentrent sur le lobbying pour le
changement de politique.

90
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

 L'environnement favorable est plutôt fragile. Les organismes de recherche, de formation


et de financement ne se concentrent pas sur les besoins du secteur. Les décideurs
commencent tout juste à reconnaître l'importance du secteur.

c) La phase de stagnation

De nombreux sous-secteurs traditionnels se retrouvent bloqués durant cette phase, alors que
d’autres, apparus plus récemment, y accèdent souvent très vite. Généralement, les acteurs ne
parviennent pas à tirer parti de nouvelles opportunités, ou n’arrivent pas innover sous des
contraintes émergentes. Une autre complication réside dans le fait que la capacité à traiter les
questions sociales et environnementales en tant que partie intégrante du développement du
secteur se trouve limitée. Le gouvernement et les donateurs essaient activement de soutenir le
secteur, avec plus ou moins de succès; ils abordent généralement les problèmes d’une manière
isolée et n’arrivent pas à créer une capacité d'innovation durable.

 Les différent acteurs se sont bien établis mais souvent trop enracinés. Les entrepreneurs
et les agriculteurs traditionnels jouent un rôle important. Le secteur public a reconnu le
potentiel du secteur et fournit un soutien. Les organisation de la société civile peuvent
être devenues actives, mais sont souvent embourbées dans un rôle de transfert de
technologie. Les organes de coordination, souvent établis par le secteur public, sont
généralement inefficaces. Les associations professionnelles peuvent ne pas être capables
d'élargir leur champ d'action et de promouvoir l'innovation.

 La plupart des acteurs sont devenus efficaces dans leurs rôles initiaux, mais ont du mal à
transformer leurs pratiques pour répondre à de nouvelles situations. L'accent mis par les
associations professionnelles sur le marketing ou le lobbying politique restreint leur
capacité à s'engager dans la mise à niveau technologique. L'orientation réglementaire des
organismes publics de coordination limite leur capacité à agir comme médiateurs. Des
programmes de recherche publique sont en place mais mal articulés avec la communauté
agricole et commerciale. En conséquence, la recherche est souvent considérée comme
non pertinente. Les interventions se concentrent davantage sur l'assistance technique et la
résolution de problèmes et moins sur la capacité à anticiper et à résoudre de nouveaux
problèmes.

 La collaboration entre les différents acteurs est faible. Les liens du secteur privé avec la
communauté de la recherche et de la formation sont encore médiocres; Les organisations

91
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

de la société civile agissent souvent indépendamment des autres acteurs. Même lorsque
les pressions de la concurrence fournissent de fortes incitations au partenariat, la
collaboration ne se développe pas.

 Des mécanismes de soutien à la recherche et à la formation et des mécanismes de


financement sont en place mais sont mal adaptés aux nouveaux besoins du secteur. La
protection de la propriété intellectuelle peut être devenue importante pour permettre aux
fournisseurs de nouvelles technologies de se développer, mais un régime de droits de
propriété n'est pas en place ou ne peut pas être appliqué.

3.7.3. La phase du système d'innovation dynamique

A ce stade ultime, le secteur de l’agriculture est souple ; réagit rapidement aux défis et aux
opportunités émergentes ; et connaît une croissance inclusive sur le plan social et durable sur
le plan environnemental. Le secteur n'est pas dirigé uniquement par des acteurs publics ou
privés, mais se caractérise par un degré élevé d'interaction entre les deux, y compris la
collaboration dans la planification et la mise en œuvre.

 Les organisations gouvernementales, privées et celles de la société civile jouent toutes un


rôle actif dans le secteur. La recherche joue un rôle prépondérant, soit par le fait d’une
forte demande du secteur privé pour la recherche publique, soit par le biais de travaux de
recherche financés et/ou menés par le secteur privé. Les organes de coordination
sectoriels aident à identifier et à traiter les questions techniques et organisationnelles, y
compris les priorités en matière de recherche ; les normes de qualité ; l'image du secteur ;
et les négociations commerciales et politiques. Les organisations financières ont
développé des produits financiers pour les besoins spécifiques du secteur.

 Le secteur est également caractérisé par une ouverture au partenariat ; une tradition de
collaboration ; la confiance entre les principaux groupes d'acteurs ; l'inclusion des acteurs
pauvres ; une forte culture de la recherche au sein des entreprises ; et une faible aversion
au risque. Les préoccupations sociales et environnementales font partie de la culture
d'entreprise.

 Par ailleurs, il existe un réseau complexe d'interactions entre les acteurs clés. Ces liens
peuvent être basés sur des contrats, sur des projets, sur la gouvernance, comme il peut
s’agir de liens informels. Le réseau se renouvelle et s'adapte en fonction des nouvelles
opportunités et des nouveaux défis.
92
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

 Enfin, des ressources suffisantes sont disponibles pour la recherche et la formation,


organisées de manière à encourager l'interaction entre les organisations. Il existe
également des incitations pour la prise de risque, et le capital-risque est disponible pour
promouvoir l'innovation.

3.8. Structure et principaux éléments d’un Système d’Innovation Agricole

Spielman et Birner (2008, pp.6-7) ont développé un cadre conceptuel qui définit les éléments
essentiels d’un SIA, les liens entre ses différentes composantes, ainsi que les institutions et les
politiques qui constituent le contexte de l’innovation. Ce cadre conceptuel est schématisé sur
la Figure 2 ci-après.

Le schéma décrit un SIA constitué de trois éléments essentiels, à savoir (a) un domaine de la
connaissance ; (b) un domaine de l’entreprise ; ainsi que (c) les institutions-relais qui assurent
la jonction entre les deux domaines.

Le domaine de la connaissance, représenté sur le côté gauche de la Figure 2, est constitué des
systèmes d’enseignement et de recherche agronomiques. Le domaine de l’entreprise est
illustré sur le coté droit, et comprend l’ensemble des acteurs de la chaine de valeur qui ont
recours aux produits du domaine de la connaissance, mais qui innovent également de manière
indépendante. Ces deux domaines sont reliés par des institutions qui facilitent le transfert de
connaissances et de l’information, à l’instar des services de vulgarisation, les canaux
politiques ainsi que les forums des parties prenantes.

Ce cadre comprend également l’environnement qui favorise (ou entrave) l’innovation, à


savoir les politiques publiques d’innovation et de l’agriculture ; les institutions informelles qui
définissent les règles, les normes et les caractéristiques culturelles de la société ; ainsi que les
comportements, les pratiques et les mentalités qui conditionnent les manières dont les
individus et les organisations agissent et interagissent.

Les agriculteurs sont représentés dans le système de façon implicite, à la fois en tant que
consommateurs et générateur de connaissances et de l’information ; en tant que producteurs et
consommateurs de biens et services agricoles ; en tant qu’institutions reliant différentes
composantes ; et en tant qu’acteurs de la chaîne de valeur.

Au-delà des frontières du système, mais néanmoins importants, figurent des facteurs influents
tels que les liens avec les autres secteurs de l’économie ; la politique scientifique et

93
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

technologique ; les acteurs, les sources de connaissances et les marchés internationaux ; ainsi
que le système politique.

Figure 2 : Diagramme conceptuel d’un Système National d’Innovation Agricole

Domaine de l’Environnement

Institutions informelles, pratiques, comportements et attitudes


Exemples : Culture organisationnelle, axes d’apprentissage, pratiques de communication

Domaine de la Connaissance Domaine des Domaine de l’Entreprise


Institutions-Relais
Système de recherche et Acteurs & organisations de
d’enseignement agricole Canaux la chaîne de valeur agricole
politiques
Système d’enseignement Consommateurs
agricole Plateformes
- Primaire / secondaire de parties
- Postsecondaire prenantes Transformation,
- Professionnel / technique distribution, commerce de
Système de gros, commerce de détail
vulgarisation
agricole
Système de recherche - Secteur public
agricole - Secteur privé Agriculteurs
- Secteur public - Société civile
- Secteur privé
- Société civile
Fournisseurs d’intrants
Intégration sur
la chaîne de
valeur

Politiques agricoles générales &


Politiques d’innovation agricole & investissements investissements

Liens avec d’autres


bbbbb Liens avec la politique Liens avec les acteurs Liens avec le
secteurs économiques scientifique et technologique internationaux système politique

Source : Adapté par l’auteur à partir de Spielman et Birner (2008, p.6)

3.9. Conclusion

Depuis que le modèle de la chaine interconnectée a été développé par Klein et Rosenberg
(1986) comme alternative au modèle linaire du processus d’innovation, plusieurs autres
approches systémiques ont par la suite été développées. Parmi ces approches, celle des
Systèmes d’Innovation (SI) est la plus inclusive.

Dans ce chapitre, nous avons d’abord développé l’approche générique des SI, pour ensuite
examiner le concept spécifique des Systèmes d’Innovation Agricole (SIA).

94
Chapitre 3 Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation

Développé essentiellement sur la base de la théorie économique évolutionniste et de


l’économie institutionnelle (Nelson et Nelson, 2002), l’approche des SI constitue un cadre
conceptuel plutôt qu’une théorie appréciative, et encore moins une théorie formelle. Elle
adopte une perspective holistique, interdisciplinaire et historique. Étant donné ses fondements
théoriques, l’approche des SI favorise la comparaison (benchmarcking) de différents systèmes
et exclue la notion d’optimalité universelle. Par ailleurs, les processus d’apprentissage et les
institutions y occupent une place centrale. Du fait de son caractère systémique, l’approche des
SI met en avant l’interdépendance et la non-linéarité, autrement dit, les interactions et les
effets de rétroaction (feedback) notamment en provenance du marché. Outre les innovations
de procédés et de produit, l’approche des SI inclut également les innovations
organisationnelles. (Edquist, 1997).

Bien que les précurseurs de l’approche des SI se soient focalisé sur les Systèmes d’Innovation
Nationaux (Christopher Freeman, Bengt-Åke Lundvall et Richard R. Nelson) des dimensions
technologique ; régionale ; et sectorielle ont fait l’objet des contributions subséquentes.

Dans le secteur de l’agriculture, un large éventail d'approches sur l'innovation a émergé au


cours des 40 dernières années, dont les plus éminentes sont celles des Systèmes Nationaux de
Recherche Agricole (SNRA), les Système de Connaissances et d’Informations Agricoles
(SCIA), et enfin l’approche des Système d’Innovation Agricole (SIA). Ce dernier est décrit
comme un système complexe composé de quatre domaines distincts, à savoir (Spielman et
Birner, 2008) : (1) le domaine de la connaissance ; (2) le domaine de l’entreprise ; (3) le
domaine des institutions-relais qui assurent la jonction entre les deux premiers domaines ;
ainsi que (4) le domaine de l’environnement qui favorise (ou entrave) l’innovation.

Par ailleurs, un SIA dynamique constitue l’étape ultime vers laquelle convergent deux
trajectoires d’innovation qui évoluent en parallèle : « une trajectoire planifiée » et « une
trajectoire guidée par le marché ». (Banque Mondiale, 2006 ; Rajalahti et al., 2008)

95
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

4.1. Introduction

L’analyse comparative des caractéristiques et de la performance des économies est l’une des
approches méthodologiques pouvant être mobilisée à défaut d'une théorie de la dynamique
économique comparable en termes de précision à la théorie de l’équilibre général. (North,
1994)

Par ailleurs, sous l’approche des Systèmes d’Innovation (SI), les processus d'innovation sont
perçus comme ayant des caractéristiques évolutionnistes. Dans un tel contexte, la notion
d'optimalité n'est, par conséquent, plus pertinente. Autrement dit, un « problème » ne peut être
appréhendé par la comparaison d’un système existant à un système optimal. La méthodologie
recommandée pour identifier les «problèmes» devant faire l'objet de mesures de politique
publique consiste à comparer les systèmes existants les uns par rapport aux autres, pratique
qui est actuellement en vogue, désignée par l’anglicisme "benchmarking". (Edquist, 2001)

Une telle méthodologie s’avère particulièrement pertinente pour une analyse des SI au niveau
macro, faisant appel à des indicateurs globaux tels que les ratios du personnel en R&D, des
taux d’intensité des dépenses en R&D, des taux d’innovation, des taux d’intensité en nombre
de brevets, etc. (Fischer, 2001)

Dans le cadre des Systèmes d’Innovation Agricole (SIA), Spielman et Birner (2008) ont
développé une ébauche d’une méthodologie de benchmarking des SIA à l’aide d’un ensemble
d’indicateurs issus de différentes sources. Cette méthodologie se distingue des précédents
travaux réalisés sur le benchmarking à l’aide d’indicateurs d’innovation du fait qu’elle soit
spécialement conçue aux fins des études comparatives des SIA entre des pays en voie de
développement.

Un développement subséquent de cette méthodologie a été apporté par Spielman et


Kelemework (2009) à travers la définition d’un Indice d’Innovation et de Développement en
Agriculture (IIDA) permettant de mettre en lumière les propriétés des SIA et d’évaluer leurs
performances.

Cette méthodologie a été mobilisée dans ce chapitre en vue d’analyser le SIA en Algérie, en
comparaison avec un échantillon de pays en voie de développement qui se sont distingués par
des performances plus ou moins significatives dans le domaine de l’oléiculture.

96
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

Après une présentation de l’approche méthodologique et la définition des différents


indicateurs utilisés, nous allons procéder dans ce chapitre à une analyse graphique des
différentes composantes de l’IIDA. Notre objectif à travers cette démarche est notamment de
mettre en lumière les différents niveaux de contraintes impactant la performance du SIA en
Algérie, ce qui reviendrait à définir un ordre de priorité pour les mesures de politique
publique.

4.2. L’Indice d’Innovation et de Développement en Agriculture

Conformément au cadre conceptuel des SIA schématisé initialement par Arnold et Bell (2001)
et adapté par Spielman et Birner (2008) (cf. Chapitre 3), Spielman et Kelemework (2009) ont
construit un Indice d’Innovation et de Développement en Agriculture (IIDA) 11 spécialement
conçu aux fins des études comparatives (benchmarking) entre des pays en voie de
développement. L’IIDA permet notamment de mettre en lumière les propriétés des SIA et
d’évaluer leurs performances.

Comme nous l’avons présenté dans le chapitre précédent, le cadre conceptuel en question a
été décrit comme un système complexe composé de quatre domaines distincts, à savoir : (1) le
domaine de la connaissance ; (2) le domaine des institutions-relais ; (3) le domaine de
l’entreprise ; et (4) le domaine de l’environnement (politico-légal, social, etc.). La
méthodologie de construction de l’IIDA fait correspondre un sous-indice à chacun de ces
quatre domaines. D’ailleurs, l’IIDA n’est en fait que la moyenne arithmétique desdits sous-
indices.

Par ailleurs, l’IIDA est un indice composite, construit à partir d’un ensemble de données
issues de différentes sources secondaires relatives à l’agriculture, au développement et à
l’innovation. En ayant recours à cette méthodologie, nous avions dû ignorer quelques
indicateurs rentrant dans la construction de l’indice original du fait que les sources
correspondantes ne couvrent pas les pays sélectionnés dans le cadre de la présente étude. D’un
autre côté, nous avons veillé à ce que les données recueillies soient actualisées dans la mesure
du possible.

4.3. Le choix des pays de référence

Notre objectif à travers cette étude consiste à évaluer les performances relatives du SIA en
Algérie par rapport à un échantillon de huit autres pays en voie de développement, à savoir :

11
Traduction adaptée de l’appellation originale : the Agriculture, Development, and Innovation Index (ADII)
97
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

le Maroc et la Tunisie, deux pays frontaliers de l’Algérie ; l’Égypte, la Jordanie, le Liban et la


Turquie dans le Proche-Orient ; ainsi que l’Argentine et le Chili en Amérique du Sud.

La présente méthodologie met un accent particulier sur le choix des pays de référence. En
effet, Spielman et Kelemework (2009) partent du principe selon lequel le contexte
géographique, la dotation factorielle, la structure de l’industrie et l’expérience historique d’un
pays influencent la cohérence structurelle et la maturité de son système d’innovation. Ils ont
par conséquent souligné l’importance de sélectionner un échantillon de pays ayant en
commun un certain nombre de caractéristiques sous-jacentes. Il est notamment recommandé
que les pays sélectionnés aient des trajectoires de développement et des caractéristiques
structurelles similaires, et que leurs systèmes d’innovation soient à des niveaux de maturité
comparables.

Toutefois, ces critères permettent de sélectionner parmi plusieurs dizaines de pays en voie de
développement. Par conséquent, d’autres cirières s’avèrent nécessaires afin d’affiner la
sélection d’un échantillon exploitable. Étant donné la problématique traitée dans le cadre de
notre travail de recherche, nous avons jugé pertinent de sélectionner les principaux pays (en
voie de développement) exportateurs12 d’huile d’olive. Notons cependant que d’autres pays 13
exportateurs d’huile d‘olive, en particulier l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce, ne
figurent pas parmi l’échantillon sélectionné, en raison de la dissemblance marquée des
trajectoires de développement de ces pays membres de l’Union Européenne et celle de
l’Algérie.

Sur la figure 3 ci-après sont représentés les volumes moyens sur la période 1990-2016 de la
production et des exportations d’huile d’olive dans les neuf pays de l’échantillon étudié. Il
apparaît à travers ce graphique que la quantité d’huile d’olive exportée par l’Algérie est nulle,
quoiqu’en termes de production, l’Algérie occupe la quatrième place du classement. Par
ailleurs, la Tunisie et le Maroc occupent les première et troisième places en termes
d’exportations et de production. Ceci rend particulièrement pertinent la sélection de ces deux
pays comme références.

12
http://www.internationaloliveoil.org/documents/viewfile/4213-exportations1-ang/
13
http://www.internationaloliveoil.org/documents/viewfile/4215-exportations2-ang/
98
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

Figure 3 : Volume moyen (1990-2016) des exportations


et de la production de l’huile d’olive en Algérie et dans les pays de référence

Tunisie
Turquie
Maroc
Argentine
Chili
Liban
Jordanie
Egypte
Algérie

0 50 100 150 200 250 300

Exportations d'huile d'olive (1000 t) Production d'huile d'olive (1000 t)

Source : réalisé par l’auteur sur la base des données du C.O.I. 14

4.4. Les différentes composantes de l’IIDA

Dans le cadre de ce travail de recherche, l’IIDA a été calculé sur la base de 36 indicateurs : 10
dans le domaine de la connaissance ; 04 dans le domaine des institutions-relais ; 12 dans le
domaine de l’entreprise ; et enfin, 10 dans le domaine de l’environnement.

4.4.1. Les indicateurs du domaine de la connaissance

Parmi les indicateurs utilisés afin de décrire le domaine de la connaissance dans les différents
SIA examinés, quatre indicateurs mesurent divers aspects de l’investissement public en
matière de R&D agricole :

Le premier indicateur (Int_agrd) mesure l’intensité de la R&D agricole dans le secteur public
par le montant des dépenses nationales consacrées à la recherche agricole, exprimées en
pourcentage du PIB agricole (cf. Tableau 01, Annexe 02). Ces dépenses comprennent les frais
salariaux, les coûts d’exploitation et de programme, ainsi que les immobilisations de tous les
organismes gouvernementaux, sans but lucratif et d’enseignement supérieur. (ASTI)

Le second indicateur (Int_agrsrchr) mesure l'intensité en capital humain dans la R&D


agricole par le nombre de chercheurs agronomes dans le secteur public pour 100 000
agriculteurs (cf. Tableau 02, Annexe 02). Ce recensement concerne les scientifiques ayant le

14
Conseil Oléicole International.
99
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

statut officiel de chercheur travaillant au sein d’organismes gouvernementaux, d’instituts à


but non lucratif et d’établissements d’enseignement supérieur. (ASTI)

Ces deux indicateurs sont calculés comme la moyenne des valeurs annuelles sur la période
2009-2014.

Les deux autres indicateurs se rapportent aux aides publiques au développement de la


recherche agricole (ODA_Agrd) (cf. Tableau 03, Annexe 02), de l’éducation et de la
formation dans le domaine agricole (ODA_AET) (cf. Tableau 04, Annexe 02). Chaque
indicateur est calculé comme la moyenne du rapport des versements annuels bruts en
provenance de pays étrangers durant la période 2002-2015 (OECD.Stat) sur le PIB agricole
annuel. (Banque Mondiale, 2017) Suivant la méthodologie adoptée, ces deux indicateurs sont
utilisés comme variables proxy des investissements publics dans les domaines de la recherche,
de l’éducation et de la formation agricoles.

Par ailleurs, la qualité de l’enseignement et de la recherche agricoles a été évaluée à l’aide de


deux variables proxy, à savoir la qualité des institutions de recherche scientifique (SciQual)
(cf. Tableau 05, Annexe 03) et la qualité du système éducatif (EdSysQual) (cf. Tableau 06,
Annexe 03). En outre, un indicateur composite a été inclus afin de rendre compte du niveau
de développement technologique (TechReady) du pays en tant que facteur de compétitivité
(cf. Tableau 07, Annexe 03). Cet indicateur est une combinaison de 07 variables
déterminantes de la qualité du système de recherche et d’éducation, à savoir la disponibilité
des dernières technologies ; la capacité d’absorption technologique au niveau des entreprises ;
les IDE et le transfert technologique ; ainsi que des mesures d’accès, d’utilisation et de qualité
d’internet. (WEF, 2016)

Un autre indicateur a été utilisé pour évaluer l’accès à l’éducation dans les zones rurales
(Edaccess) (cf. Tableau 08, Annexe 03). Plus précisément, cet indicateur évalue les lois, les
politiques, les institutions et les pratiques qui favorisent l'égalité d'accès des garçons et des
filles à l'éducation dans les zones rurales. En effet, l'innovation dans de nombreux pays en
développement est limitée par les taux élevés d'analphabétisme parmi les agriculteurs et la
population rurale en général. (FIDA, 2005).

Afin d’évaluer la mesure dans laquelle le système de recherche et d'éducation d'un pays
produit effectivement un certain type de production scientifique, une mesure couramment
admise est la publication d'articles dans des revues scientifiques. Dans le cas présent, les

100
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

publications recensées concernent les sciences agricoles et biologiques. Plus précisément,


l’indicateur utilisé (Journals) a été calculé comme la moyenne du nombre de publications
annuelles sur la période 2012-2016 dans cinq domaines de recherche de la base de données
SCImago Journal & Country Rank15, à savoir "l’agronomie et sciences des plantes" ;
"l’écologie, l’évolution, le comportement et la systématique" ; "les sciences alimentaires" ; "la
science des plantes" ; et "la science du sol" (cf. Tableau 09, Annexe 04).

Enfin, la variable MigrRate a été introduite comme indicateur du taux d’émigration des
personnes âgées de 25 ans et plus et ayant un niveau d’étude universitaire en 2000 (cf.
Tableau 10, Annexe 04). En effet, l'innovation dans de nombreux pays en développement est
limitée par l'émigration et les pertes du capital humain, en particulier dans les domaines de la
recherche et de l'éducation en raison de l’attractivité des pays industrialisés. (Docquier et
Marfouk, 2004).

4.4.2. Les indicateurs du domaine des institutions-relais

Dans le domaine des institutions-relais, 04 indicateurs ont été utilisés pour décrire les
institutions intermédiaires reliant le domaine de connaissance et celui de l’entreprise :

Le premier indicateur (UniIndcoll) mesure le degré de collaboration université/entreprise en


matière de R&D agricole (cf. Tableau 11, Annexe 04). (WEF, 2016)

Deux autres indicateurs mesurent le ratio d’intensité moyen des montants des aides publiques
en provenance de pays étrangers, allouées au développement de la vulgarisation (oda_ext) (cf.
Tableau 12, Annexe 04) et des coopératives agricoles (oda_coop) (cf. Tableau 13, Annexe 05)
durant la période 2002-2015 (OECD.Stat) par rapport au PIB agricole annuel. (Banque
Mondiale, 2017). Suivant la méthodologie adoptée, ces deux indicateurs sont utilisés comme
variables proxy des investissements publics.

Enfin, le quatrième indicateur (AgREaccess) évalue l’accès des agriculteurs pauvres et de la


gent féminine aux services de recherche et de vulgarisation agricoles (cf. Tableau 14, Annexe
05). (FIDA, 2005)

4.4.3. Les indicateurs du domaine de l’entreprise

Les indicateurs utilisés dans l’IIDA pour décrire le domaine de l’entreprise peuvent être
regroupés en deux catégories : la première catégorie d’indicateurs mesure la nature et la

15
http://www.scimagojr.com/countryrank.php?area=1100&year=2016
101
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

performance des entreprises et de l’innovation dans le secteur de l’agriculture ; alors que la


seconde regroupe des indicateurs mesurant la qualité des institutions et des infrastructures
favorisant l’entreprenariat et l’innovation dans le secteur de l’agriculture.

Parmi les 12 indicateurs utilisés, 07 font partie de la première catégorie et sont définit comme
suit :

- BizCosts (Banque Mondiale, 2017) : mesure le coût moyen des formalités de création
d’une entreprise sur la période 2003-2017, exprimé en pourcentage du Revenu National
Brut par habitant (cf. Tableau 15, Annexe 05).

- MktAccess (FIDA, 2005) : nous renseigne sur l’accès aux marchés des intrants et des
produits agricoles. Il indique dans quelle mesure le cadre politique et institutionnel
soutient le développement des marchés agricoles efficaces, équitables, ancrés dans le
secteur privé et accessibles aux petits agriculteurs (cf. Tableau 16, Annexe 05).

- FDI (Banque Mondiale, 2017) : Il s’agit d’une variable proxy du potentiel de transfert
technologique vers le secteur de l’agriculture, véhiculé par les Investissement Directs
Étrangers (IDE). Les IDE sont les rentrées nettes d'investissement (flux nets
d’investissement moins les désinvestissements) pour acquérir une participation durable
(10 % ou plus des actions avec droit de vote) dans une entreprise opérant au sein d'une
économie autre que celle de l'investisseur. Cet indicateur mesure la moyenne des flux
annuels entrants nets des investisseurs étrangers dans l’économie déclarante sur la
période 2000-2016 en pourcentage du PIB (cf. Tableau 17, Annexe 06).

- Innov (WEF, 2016) : c’est un indice composite mesurant la contribution des facteurs
d’innovation dans la compétitivité de l’économie nationale. Il est calculé comme la
moyenne arithmétique des valeurs de deux autres indices, à savoir : 1) le développement
des entreprises16 et 2) l’innovation, eux-mêmes calculés à partir de plusieurs autres
variables (cf. Tableau 18, Annexe 06). L’indicateur du développement des entreprises est
le résultat de la combinaison des 11 variables suivantes : le nombre et la qualité des
fournisseurs locaux ; le niveau de développement des clusters (pôles de compétitivité) ; la
nature de l’avantage concurrentiel ; la « largeur » de la chaîne de valeur ; le contrôle du
commerce extérieur ; le développement du processus de production et du marketing ;
ainsi que la disposition à déléguer le pouvoir. L’indicateur d’innovation est quant à lui la

16
Business Sophistication
102
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

moyenne indiciaire de la capacité d’innovation ; la qualité des institutions de recherche


scientifique ; les dépenses de l’entreprise en R&D ; la collaboration université/entreprise
en matière de R&D ; les marchés publics de produits de technologie de pointe ; la
disponibilité de scientifiques et d’ingénieurs ; ainsi que le nombre de demandes pour le
dépôt de brevets.

- Fertlzr (Banque Mondiale, 2017) : mesure la consommation moyenne d'engrais (par unité
de 100 grammes) utilisés sur un hectare de terre arable sur la période 2002-2014 (cf.
Tableau 19, Annexe 06). Les engrais comprennent les engrais azotés, à la potasse et au
phosphate (notamment les engrais au phosphate de chaux naturel). Les éléments nutritifs
traditionnels, tels que les fumiers animaux et végétaux, ne sont pas inclus dans ce calcul.

- Machine (Banque Mondiale, 2017) : est un indicateur de la machinerie agricole, et fait


référence au nombre moyen de tracteurs à chenille et à pneus utilisés pour l'agriculture
par 100 km2 de terres arables sur la période 1961-2008(cf. Tableau 20, Annexe 06).

Ces deux derniers indicateurs fournissent respectivement, des mesures de l'utilisation des
intrants modernes et du stock de capital dans le secteur agricole. Ils mesurent le potentiel
d'innovation dans les entreprises agricoles et sont souvent utilisés pour distinguer entre la
production agricole de subsistance et la production commerciale dans les pays en
développement.

Les 05 autres indicateurs du domaine de l’entreprise sont regroupés dans la catégorie


mesurant la qualité des institutions et des infrastructures favorisant l’entreprenariat et
l’innovation dans le secteur de l’agriculture. Ces indicateurs sont définis comme suit :

- ODA_Agind : c’est le ratio d’intensité des aides publiques au développement des


industries agroalimentaires, calculé comme la moyenne du rapport des versements
annuels bruts en provenance de pays étrangers sur la période 2002-2015 (OECD.Stat),
divisés par le PIB agricole annuel (Banque Mondiale, 2017). (cf. Tableau 21, Annexe 07)

- ODA_AgFin : c’est le ratio d’intensité des aides publiques au développement des services
financiers agricoles, calculé comme la moyenne du rapport des versements annuels bruts
en provenance de pays étrangers sur la période 2002-2015 (OECD.Stat) divisés par le
PIB agricole annuel (Banque Mondiale, 2017). (cf. Tableau 22, Annexe 07)

103
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

Ces deux indicateurs constituent des variables proxy de l'investissement public dans le
développement des marchés agricoles. Par ailleurs, les deux indicateurs suivants évaluent le
développement du marché rural :

- RuralInvest (FIDA, 2005) : évalue le climat des affaires dans les zones rurales (cf.
Tableau 23, Annexe 07). Il indique dans quelle mesure le gouvernement a adopté un
cadre politique, juridique et réglementaire approprié pour soutenir l'émergence et le
développement d'entreprises rurales privées ;

- Ruralfin (FIDA, 2005) : évalue la présence de conditions favorables au développement


des services financiers dans les zones rurales (cf. Tableau 24, Annexe 07). Autrement dit,
il indique dans quelle mesure le cadre politique et institutionnel soutient le
développement d’un marché de finance rurale efficace, équitable, ancré dans le secteur
privé et accessible aux populations à faible revenu dans les zones rurales.

Enfin, les infrastructures nécessaires au développement du secteur de l’agriculture sont


évaluées par les indicateurs Roads et ICTexp définis comme suit :

- Roads (Banque Mondiale, 2008) : mesure le réseau routier en kilomètres par habitant
pour l’année 2003 (cf. Tableau 25, Annexe 08). Cela comprend les autoroutes, les routes
principales ou nationales, les routes secondaires ou régionales et toutes les autres routes
d'un pays.

- ICTexp (Banque Mondiale, 2008) : mesure les dépenses dans les technologies de
l’information et de la communication en pourcentage du PIB durant l’année 2006 (cf.
Tableau 26, Annexe 08). Ces dépenses concernent le matériel ; les logiciels ; et les
services informatiques ; ainsi que les services et équipement de communication avec et
sans fil.

4.4.4. Les indicateurs du domaine de l’environnement

Les indicateurs relatifs au domaine de l'environnement englobent un large éventail de facteurs


qui favorisent (ou entravent) l'innovation dans l’économie nationale d’une manière générale et
dans le secteur agricole en particulier.

104
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

Un premier indicateur dans ce domaine est relatif à la qualité du régime de protection des
droits de propriété physique et intellectuelle (Property), évaluée à l’aide de l'International
Property Rights Index (IPRI)17 pour l’année 2017. (cf. Tableau 27, Annexe 08)

Un second indicateur mesure le niveau de l’insécurité dans le pays (Conflict) comme la


moyenne du Global Peace Index (GPI) sur la période 2010-2017 (IEP, 2010 - 2017). (cf.
Tableau 28, Annexe 08)

Un troisième indicateur (Ipregmmb) renseigne sur l’adhésion d’un pays aux principaux
régimes de politique internationale, accords ou conventions qui régissent l'agriculture. Les
principaux régimes inclus dans cet indicateur sont : le Protocole de Carthagène sur la
prévention des risques biotechnologiques, relatif à la Convention sur la Diversité Biologique
(CDB)18 ; le Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l'Alimentation et
l'Agriculture19 ; l'Union pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV) 20 ;
l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) 21 et l’Organisation Mondiale du
Commerce (OMC)22. A ces institutions prévues dans l’indicateur original, nous avons ajouté
le Conseil Oléicole International (COI) 23. Ainsi, l’indicateur (Ipregmmb) est calculé comme la
somme des variables binaires correspondant à chacune de ces institutions. (cf. Tableau 29,
Annexe 09)

Les sept autres indicateurs mesurent divers aspects de la gouvernance dans le secteur de
l’agriculture et/ou dans l’économie nationale d’une manière générale.

Les deux indicateurs généraux de gouvernance sont :

- Govern (Kaufmann et al., 2006) : qui évalue la qualité de la gouvernance d’une manière
générale. Cet indicateur est calculé comme une moyenne arithmétique de 06 composantes
de la gouvernance, à savoir l’indicateur « voice and accountability »24, la stabilité
politique, l'efficacité du gouvernement, la qualité de la réglementation, la primauté du
droit et la lutte contre la corruption. (cf. Tableau 30, Annexe 09)

17
https://www.internationalpropertyrightsindex.org/countries
18
http://bch.cbd.int/protocol/parties/
19
http://www.fao.org/plant-treaty/fr/
20
http://www.upov.int/portal/index.html.fr
21
http://www.wipo.int/about-wipo/fr/index.html
22
https://www.wto.org/indexfr.htm
23
http://www.internationaloliveoil.org/?lang=fr_FR
24
Cette désignation est en quelque sorte « idiomatique » dans la mesure où elle ne trouve pas une traduction
symétrique en français. On peut toutefois la définir comme la latitude (des gouvernés) à prendre part au
processus de prise de décision et la responsabilisation des décideurs.
105
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

- Corrupt (Banque Mondiale, 2008) : indique le niveau de la corruption dans le pays. Cet
indicateur mesure la part des cadres supérieurs qui ont classé la corruption comme une
contrainte majeure en 2003. (cf. Tableau 31, Annexe 09)

D’autres indicateurs de gouvernance spécifiques au secteur de l’agriculture concernent :

- L’aide extérieure à l’agriculture (ODA), au sens large (Agriculture, sylviculture et pêche ;


agro-industries ; protection de l’environnement ; développement rural ; développement
des basins versants ; production d’engrais chimiques ; engrais minéraux). Cet indicateur
est calculé comme la moyenne du rapport des engagements de tous les donateurs sur la
période 1995-2015 (OECD.Stat) divisés par le PIB agricole annuel (Banque Mondiale,
2017). (cf. Tableau 32, Annexe 09)

- L’allocation et la gestion des ressources publiques pour le développement rural


(PubRsrce). Cet indicateur évalue la politique gouvernementale, la stratégie et les
programmes d'investissement pour le développement du secteur agricole et rural, ainsi
que l'efficacité, la cohérence, la transparence et la supervision en matière d’allocation et
de gestion des ressources (FIDA, 2005). (cf. Tableau 33, Annexe 10)

- La qualité de la communication entre le gouvernement et les organisations rurales


(Dialogue). Cet indicateur évalue dans quelle mesure les populations rurales pauvres
peuvent communiquer avec le gouvernement ou faire pression sur les représentants du
gouvernement ; et exprimer leurs préoccupations et priorités concernant les questions
cruciales relatives à leurs moyens de subsistance. Il permet également de déterminer si le
gouvernement répond aux besoins de cette catégorie de la population ; si leurs points de
vue sont pris en considération dans l'élaboration du cadre stratégique et d'investissement
dans le secteur agricole et rural; et si le gouvernement assure un environnement propice à
de tels échanges (FIDA, 2005). (cf. Tableau 34, Annexe 10)

- La politique et le cadre juridique pour les organisations rurales (PolicyFrame). Cet


indicateur évalue la présence d’un environnement politique et juridique favorable
permettant aux populations rurales pauvres de s'organiser en groupes autonomes, en
associations ou en d'autres formes d'action collective (FIDA, 2005). (cf. Tableau 35,
Annexe 10)

- La responsabilité, la transparence et la corruption dans les zones rurales (Account). Cet


indicateur évalue dans quelle mesure : (1) le gouvernement peut être tenu responsable
106
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

vis-à-vis des populations rurales pauvres de l'utilisation des fonds publics et des résultats
des actions entreprises ; (2) les fonctionnaires et les élus sont tenus de rendre compte de
l'utilisation des ressources, des décisions administratives et des résultats obtenus. Les
deux niveaux de responsabilité sont renforcés par la décentralisation du pouvoir et par la
transparence dans la prise de décision et la divulgation de l'information. Un degré élevé
de responsabilité et de transparence est susceptible de décourager la corruption ou l'abus
de pouvoir (FIDA, 2005). (cf. Tableau 36, Annexe 10)

4.5. Unités de mesure et standardisation des indicateurs

De ce qui précède, il apparaît que les données brutes utilisées pour la construction de l’IIDA
sont exprimées dans différentes unités de mesure. Certains indicateurs sont des ratios
d’intensité (% PIB ; % PIB agricole ; unité/habitant ; etc.) alors que d’autres sont déjà sous
forme indiciaire, quoique l’échelle varie d’une source à une autre. En effet, les données du
FIDA (2005) sont des indices dont les valeurs varient entre 1 et 6, et calculées sur la base des
notes attribuées dans le cadre d'un processus consultatif géré par le FIDA en 2004. Les
données du WEF (2016) également sont des indices, basées sur les scores du sondage
d'opinion des dirigeants du WEF, quoique leurs valeurs varient entre 1 et 7.

Or, l’IIDA étant la moyenne arithmétique des différents indicateurs, la sommation des
variables telles qu’elles ont été recueillies est pratiquement impossible. Par conséquent, il a
été prévu de procéder à la standardisation de l’ensemble des indicateurs suivant la formule ci-
après pour les indicateurs dit « positifs »25 :

En revanche, les indicateurs jugés « négatifs »26 sont standardisés suivant la formule
suivante :

Ainsi, les valeurs possibles de l’ensemble des indicateurs seront contenues dans l’intervalle
[1 ; 10].

25
"Good" indicator
26
"Bad" indicator
107
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

La classification d’un indicateur comme étant « positif » ou « négatif » repose sur son impact
attendu sur l’innovation et le développement de l’agriculture. Ainsi, la majeure partie des
indicateurs utilisés ont été jugés « positifs » (32 indicateurs plus exactement). Seuls 04
indicateurs ont été considérés « négatifs », à savoir le taux d’émigration des personnes ayant
un niveau universitaire (MigrRate) ; le coût des formalités de création d’une entreprise
(BizCosts) ; le niveau d’insécurité (Conflict) ; ainsi que le niveau de la corruption (Corrupt).
En effet, il paraît évident qu’un niveau élevé dans l’un de ces indicateurs serait « négatif »
pour le développement et la stimulation de l’innovation.

4.6. Analyse graphique de l’IIDA

Les valeurs de l’IIDA de l’Algérie et des huit pays de référence, portées sur le tableau 37 en
Annexe 11, sont projetées par ordre croissant sur la figure 4 ci-dessous.

Figure 4 : classement des pays selon la valeur de l’IIDA

Chili

Jordanie

Liban

Argentine

Tunisie

Turquie

Maroc

Egypt

Algérie

0,00 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00 7,00 8,00


Source : réalisé par l’auteur

De ce graphique, il apparaît clairement que l’Algérie enregistre la valeur la plus faible de


l’IIDA agrégé. Autrement dit, le SIA en Algérie est le moins performant par comparaison aux
autres pays de l’échantillon sélectionné.

En revanche, le SIA du Chili s’avère être leader en termes de performance, alors que la
Tunisie affiche la valeur médiane de l’IIDA. Outre l’Algérie, trois autre pays ont enregistré
des valeurs inférieures à la médiane, à savoir l’Égypte, le Maroc et la Turquie. Cependant,
cette comparaison en termes d’IIDA agrégé ne saurait nous renseigner davantage à propos des
spécificités des différents SIA. Dans le cas présent en particulier, il nous est impossible à ce

108
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

stade de déterminer les forces et les faiblesses du SIA en Algérie : la valeur relativement
faible de l’IIDA de l’Algérie est-elle due à une mauvaise performance dans les quatre
domaines du SIA à la fois ? Ou au contraire, seul un domaine particulier constitue son « talon
d’Achille » ?

Afin de répondre à ce type de questions, une première étape prévue par la méthodologie
adoptée consiste à confronter la valeur indiciaire de chaque pays dans le domaine de la
connaissance et celle du domaine de l’entreprise, comme le montre le graphique sur la figure
5 ci-après. Ceci constitue un moyen recommandé de classification des pays en fonction des
différentes propriétés de leurs systèmes d'innovation.

Figure 5 : Domaine de la connaissance Vs Domaine de l’Entreprise


10,00
Indice du Domaine de l'Entreprise

9,00
8,00
7,00 Jordanie
Argentine Chili
6,00 Liban
5,00 Tunisie
4,00 Maroc Turquie
3,00 Algérie
Egypt
2,00
1,00
0,00
0,00 2,00 4,00 6,00 8,00 10,00
Indice du Domaine de la Connaissance

Source : réalisé par l’auteur

L’examen de la disposition des pays par rapport aux valeurs moyennes de l’indice du domaine
de la connaissance (axe horizontal) et celui de l’entreprise (axe vertical) permet de distinguer
trois groupes de pays :

Le premier groupe est constitué des pays ayant les valeurs indiciaires relatives les plus fortes à
la fois dans le domaine de la connaissance et celui de l’entreprise. Le Chili, la Jordanie et le
Liban font partie de cette catégorie de leaders en la matière.

La seconde catégorie de pays, en l’occurrence l’Argentine et la Tunisie, est caractérisée par


des SIA relativement forts dans le domaine de l’entreprise mais plutôt faible dans le domaine
de la connaissance. Cette configuration est typique des économies tirées par la demande
(demand-oriented), dans lesquelles le transfert technologique et l'imitation dans le secteur

109
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

commercial sont les moteurs de la performance en matière d’innovation, et où les


performances scientifiques et éducatives accusent un certain retard.

Enfin, les pays dit « suiveurs » (followers) sont ceux ayant enregistré les valeurs indiciaires
les plus faibles à la fois dans le domaine de la connaissance que celui de l’entreprise.
L’Algérie, tout comme le Maroc, l’Égypte, et dans une moindre mesure, la Turquie, rentrent
dans cette dernière catégorie.

Une autre classification projetée sur la figure 6 ci-dessous établit une correspondance entre la
qualité du domaine de l'environnement dans le système d'innovation et la moyenne des autres
domaines « centraux » : la connaissance, les institutions-relais et l’entreprise. Encore une fois,
les pays leaders et suiveurs émergent de cette caractérisation. Le graphique montre également
une certaine corrélation positive entre un environnement favorable et la performance de la
composante principale d’un SIA.

Figure 6 : Le cadre environnemental Vs les domaines centraux


10,00
Indice du Domaine central de l'IIDA

9,00
Chili
8,00
7,00 Jordanie
6,00 Tunisie
Maroc Argentine
5,00
4,00
Egypt Turquie
3,00
Algérie Liban
2,00
1,00
0,00
0,00 2,00 4,00 6,00 8,00 10,00
Indice du Domaine de l'Environnement

Source : réalisé par l’auteur

Il y a lieu de souligner la similitude remarquable des deux classifications 27. Le second


graphique confirme notamment la position relative de l’Algérie dans l’échantillon étudié. En
effet, l’analyse que nous avons effectuée jusque-là conclut que l’Algérie enregistre la
performance la plus faible dans quasiment tous les domaines du SIA, en comparaison avec les
huit autres pays examinés.

27
À une exception près (le Liban)
110
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

Dans le domaine des institutions-relais également, le retard de l’Algérie est assez perceptible.
De même que dans les domaines de la connaissance, de l’entreprise et de l’environnement, le
graphique représenté sur la figure 7 ci-après indique que dans le domaine des institutions-
relais, le SIA de l’Algérie est le moins performant parmi ceux des pays étudiés. Dans ce
domaine, les performances de la Tunisie et du Maroc ne sont pas remarquables non plus. En
revanche, le Liban s’est avéré y être leader.

Figure 7 : Indice du domaine des institutions-relais


Algérie
8,00
Turquie 6,00 Argentine
4,00
Tunisie 2,00 Chili
Indice du Domaine des
0,00
Institutions-Relais

Maroc Egypt

Liban Jordanie

Source : réalisé par l’auteur

Ainsi, dans la mesure où l’Algérie ait enregistré les performances relatives les plus faibles
dans tous les domaines de l’IIDA, son SIA serait apparemment l’un des moins efficaces.

Après cette analyse générale, un examen plus minutieux des différentes composantes de
l’IIDA s’impose afin de discerner les lacunes spécifiques à l’Algérie de celles qui seraient
communes aux autres pays en voie de développement. Ceci s’avèrerait particulièrement utile
pour la définition des priorités en matière de politique publique.

Pour chaque indicateur rentrant dans la composition du sous-indice du domaine de la


connaissance (respectivement de l’entreprise, des institutions-relais et de l’environnement), la
figure 08 (09, 10 et 11, respectivement) ci-après représente les écarts entre la moyenne des
valeurs des huit pays de référence et la valeur correspondant à l’Algérie.

4.6.1. Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de la connaissance

Sur la figure 8, il apparaît clairement que l’écart entre l’Algérie et les autres pays de référence
dans le domaine de la connaissance est réparti sur quasiment tous les indicateurs, avec une
ampleur plus ou moins importante.

Deux contraintes majeures ressortent de l’observation du graphique, à savoir :


111
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

- Des dépenses publiques extrêmement faibles en matière de R&D agricole (Int_agrd);

- Un niveau de développement technologique excessivement bas (TechReady).

Les autres indicateurs rendent compte des retards qu’on peut regrouper en contraintes
intermédiaires et mineures.

Figure 8 : Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de la connaissance


4,50
4,00
3,50
3,00
2,50
2,00
1,50
1,00
0,50
0,00

Source : réalisé par l’auteur

Parmi les contraintes intermédiaires, une insuffisance des aides publiques au développement
de la recherche agricole (ODA_Agrd), de l’enseignement et de la formation agricole
(ODA_AET) s’ajoute à celle des dépenses budgétaires en matière de R&D agricole. Outre les
ressources financières, la R&D agricole accuse également un retard assez important en termes
de ressources humaines (Int_agrsrchr). Un retard encore plus évident est également visible en
matière de production scientifique, en l’occurrence le nombre de publication d’articles dans
des revues de sciences agricoles et biologiques (Journals). Une autre contrainte, et pas des
moindres, altérant la performance du SIA en Algérie est l’inégalité d'accès des garçons et des
filles à l'éducation dans les zones rurales et un taux d'analphabétisme relativement élevé parmi
les agriculteurs et la population rurale en général (Edaccess).

Enfin, des contraintes dites mineures du fait de l’écart relativement faible entre les pays de
référence et l’Algérie résident dans la qualité des institutions de recherche scientifique
(SciQual) ; et dans une moindre mesure, la qualité du système éducatif (EdSysQual).

En revanche, en matière d’émigration des personnes ayant un niveau d’étude universitaire


(MigrRate), l’Algérie semble moins impactées que la plupart des autres pays.
112
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

4.6.2. Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine des institutions-relais

De la même manière que dans le domaine de la connaissance, la hiérarchie des contraintes


dans le domaine des institutions-relais entravant l’efficacité du SIA en Algérie sont clairement
mises en évidence sur la figure 9 ci-après. Dans ce domaine, la contrainte majeure réside dans
le manque de collaboration université/entreprise en matière de R&D agricole (UniIndcoll). La
dichotomie entre le domaine de la connaissance et celui de l’entreprise est davantage
accentuée par la difficulté d’accès des agriculteurs pauvres et de la gent féminine aux services
de recherche et de vulgarisation agricoles (AgREaccess). Enfin, le graphique met également
en évidence l’insuffisance des aides publiques allouées au développement de la vulgarisation
(oda_ext) et des coopératives (oda_coop). Toutefois, ceci ne constitue qu’une contrainte
relativement mineure comparée aux deux premières.

Figure 9 : Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine des institutions-relais


4,00

3,50

3,00

2,50

2,00

1,50

1,00

0,50

0,00
UniIndcoll oda_ext oda_coop AgREaccess
Source : réalisé par l’auteur

4.6.3. Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de l’entreprise

Sur la figure 10, on constate que sur les douze indicateurs rentrant dans la composition de
l’indice du domaine de l’entreprise, l’Algérie affiche un manque de performance relatif plus
ou moins significatif dans neuf indicateurs. L’observation du graphique permet de discerner
trois catégories de contraintes —majeures, intermédiaires et mineures— auxquelles fait face
le SIA en Algérie selon leur importance relative.

113
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

Figure 10 : Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de l’entreprise


6,00

5,00

4,00

3,00

2,00

1,00

0,00

-1,00

-2,00
Source : réalisé par l’auteur

Les contraintes majeures concernent les indicateurs MktAccess, ICTexp et Innov. Autrement
dit, la faible performance du SIA dans le domaine de l’entreprise s’explique principalement
par :

- La difficulté d’accès des petits agriculteurs aux marchés des intrants et des produits
agricoles ;

- Des dépenses insuffisantes en matière de technologies de l'information et de la


communication ; et

- Une faible contribution des facteurs d’innovation à la compétitivité de l’économie


nationale, et du secteur de l’agriculture en particulier.

D’autres contraintes, d’ampleur intermédiaire, résident dans :

- L’inefficacité ou l’insuffisance du transfert technologique vers le secteur de l’agriculture


en Algérie via les IDE (FDI);

- Le niveau relativement bas du stock de capital (Machine) et la sous-utilisation des


intrants modernes (Fertlzr) dans le secteur agricole.

Enfin, des faiblesses relativement mineures du SIA algérien concernent :

- L’insuffisance des aides publiques au développement des services financiers agricoles


(ODA_AgFin) ; ainsi que

114
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

- Le climat des affaires défavorable à l’investissement dans les zones rurales (RuralInvest).

En revanche, l’innovation en Algérie, en l’occurrence dans le secteur de l’agriculture, serait


plutôt favorisée par le coût relativement faible des formalités de création d’entreprises
(BizCosts) ; des aides publiques au développement des industries agroalimentaires assez
conséquentes (ODA_Agind) ; des conditions plutôt favorables au développement des services
financiers ruraux (Ruralfin) ; ainsi que par une infrastructure routière assez développée
(Roads).

4.6.4. Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de l’environnement

Dans le domaine de l’environnement, le premier constat qui ressort de l’examen de la figure


11 ci-après est l’écart flagrant entre le niveau de la corruption en Algérie et les autres pays de
référence. Autrement dit, le phénomène qui altère le plus la qualité relative de
l’environnement institutionnel en Algérie, et qui constitue une contrainte majeure à
l’innovation, serait la corruption.

Figure 11 : Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de l’environnement


8,00

6,00

4,00

2,00

0,00

-2,00

-4,00

-6,00

-8,00
Source : réalisé par l’auteur

Un second indicateur dont l’Algérie se distingue sensiblement des autres pays est l’indice
d’adhésion aux principales conventions ou organisations internationales régissant le secteur
de l’agriculture ou l’activité économique d’une manière générale. Plus précisément, sur les
six conventions et organisations rentrant dans la composition de l’indicateur Ipregmmb,
l’Algérie n’est adhérente ni de l’OMC ni de l’UPOV.

115
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

Dans une moindre mesure, l’Algérie se démarque des autres pays étudiés par la faiblesse
relative de son régime de protection des droits de propriété physique et intellectuelle
(Property), ainsi que par la mauvaise gouvernance (Govern). Ce dernier constat concorde
avec le niveau de corruption élevé constaté précédemment (Corrupt), et se voit confirmé par
l’écart entre l’Algérie et les pays de référence en termes de responsabilité et de transparence
en matière d’allocation des ressources publiques, notamment celles qui sont destinées au
développement rural, ainsi que par le niveau de la corruption dans les zones rurales (Account).

Par ailleurs, le graphique montre également que la qualité de l’environnement du SIA en


Algérie est impactée par d’autres contraintes mineures, telles que l’insuffisance de l’’aide
extérieure à l’agriculture (ODA) ; la qualité de l’environnement politico-légal en faveur des
organisations d’agriculteurs et de l’action collective (PolicyFrame) ; ainsi que le niveau
d’insécurité dans le pays (Conflict).

En revanche, le domaine de l’environnement du SIA en Algérie s’avère relativement meilleur


que dans les pays de référence sous deux aspects : d’abord en matière de communication entre
le gouvernement et les organisations rurales (Dialogue) ; ensuite, en terme d’allocation et de
gestion des ressources publiques pour le développement rural (PubRsrce).

116
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

4.7. Conclusion

Ce chapitre a été consacré à une analyse comparative (benchmarking) des propriétés et des
performances du SIA en Algérie avec un échantillon de huit pays en voie de développement, à
savoir : la Tunisie et le Maroc ; l’Égypte, la Jordanie, le Liban et la Turquie ; ainsi que
l’Argentine et le Chili. Ces pays ont été sélectionnés sur la base du volume annuel moyen des
exportations de l’huile d’olive sur la période 1990-2016.

L’analyse a été effectuée suivant une méthodologie basée sur un Indice d’Innovation et de
Développement en Agriculture (IIDA). Cet indice composite est construit à l’aide de 36
variables relatives à l’agriculture, au développement et à l’innovation, issues de différentes
sources, telles que la base de données de l’OCDE (OECD.Stat) ; les Indicateurs de
Développement dans le Monde (WDI) de la Banque Mondiale ; les indicateurs relatifs aux
sciences et technologies agricoles (ASTI) de l’IFPRI ; ainsi que des indices du Forum
Économique Mondiale (WEF) et du Fonds International de Développent Agricole (FIDA).

L’analyse graphique des différentes composantes de l’IIDA a permis de constater, ou plutôt


de confirmer la très faible performance relative du SIA en Algérie, et de mettre en lumière les
contraintes à l’innovation en agriculture dans les différents domaines. L’ampleur relative des
contraintes permettrait notamment de définir les priorités des actions à entreprendre en
matière de politique publique. Trois catégories de contraintes ont été constatées : majeures,
mineures et intermédiaires.

Les contraintes majeures de l’innovation en Algérie dans le secteur de l’agriculture se


rapportent aux dépenses publiques extrêmement faibles en matière de R&D agricole ; un
niveau de développement technologique excessivement bas ; un manque de collaboration
université/entreprise en matière de R&D agricole ; la difficulté d’accès des agriculteurs
pauvres et de la gent féminine aux services de recherche et de vulgarisation agricoles ; la
difficulté d’accès des petits agriculteurs aux marchés des intrants et des produits agricoles ;
des dépenses insuffisantes en matière de technologies de l'information et de la
communication ; une faible contribution des facteurs de l’innovation à la compétitivité de
l’économie nationale, et du secteur de l’agriculture en particulier ; ainsi que le phénomène de
corruption.

Par ailleurs, des contraintes d’un niveau intermédiaire ont également été identifiées, à savoir
une insuffisance des investissements publics pour le développement de la recherche, de

117
Chapitre 4 Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole

l’enseignement et de la formation agricoles ; une insuffisance des ressources humaines dans la


R&D agricole, en l’occurrence le nombre de chercheurs agricoles ; un retard visible en
matière de production scientifique ; l’inégalité d'accès des garçons et des filles à l'éducation
dans les zones rurales et un taux d'analphabétisme relativement élevé parmi les agriculteurs et
la population rurale en général ; une insuffisance des investissements publics pour le
développement de la vulgarisation et des coopératives agricoles ; l’inefficacité ou
l’insuffisance du transfert technologique vers le secteur de l’agriculture en Algérie via les
IDE ; le niveau relativement bas du stock de capital et la sous-utilisation des intrants
modernes dans le secteur agricole ; la faiblesse relative du régime de protection des droits de
propriété physique et intellectuelle ; la mauvaise gouvernance, notamment en termes de
responsabilité et de transparence en matière d’allocation des ressources publiques,
particulièrement celles qui sont destinées au développement rural.

Enfin, des contraintes relativement mineures, quoique perceptibles, concernent la qualité des
institutions de recherche scientifique et dans une moindre mesure, la qualité du système
éducatif ; l’insuffisance des investissements publics pour le développement des services
financiers agricoles ; un climat des affaires défavorable à l’investissement dans les zones
rurales ; l’insuffisance de l’aide extérieure à l’agriculture ; la qualité de l’environnement
politico-légal en faveur des organisations d’agriculteurs et de l’action collective ; ainsi que le
niveau de l’insécurité dans le pays, lequel est certainement meilleur que dans le passé (durant
la décennie 1990 et début des années 2000) mais qui demeure plutôt élevé en comparaison
avec les pays considérés dans notre étude.

118
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

5.1. Introduction

« Pour comprendre les paradoxes de l’agriculture algérienne, il est nécessaire de l’inscrire


dans sa trajectoire historique particulièrement tourmentée dans les 50 dernières années. »
(Omari et al., 2012, p.130) C’est en effet ce à quoi nous allons procéder à travers ce chapitre.

L’agriculture algérienne semble être verrouillée (locked-in) le long d’une trajectoire de sous-
développement, résultat de l’auto-renforcement de pratiques et de politiques antérieures.
Autrement dit, le processus d’évolution du secteur de l’agriculture affiche une forte
dépendance au sentier (path-dependence) historique. Par conséquent, les contraintes entravant
le développement de l’agriculture en Algérie seraient d’autant plus complexes et difficiles à
surmonter que leur profondeur historique est importante.

Cette dimension historique du problème de sous-développement de l’agriculture en Algérie


sera analysée sous deux perspectives : celle de la politique agricole et celle de la R&D
agricole.

La rétrospective de la politique agricole retracera l’évolution du secteur agricole depuis


l’indépendance, d’abord dans le cadre de l’économie planifiée d’inspiration socialiste jusqu’à
la fin des années 1980. Nous examinerons ensuite les conditions dans laquelle a eu lieu la
transition vers l’économie de marché jusqu’à la fin des années 1990 ; pour enfin présenter les
efforts déployés depuis le début de la décennie 2000 dans le cadre des différents programmes
et politiques agricoles.

Dans un second temps, nous allons retracer l’évolution du système de R&D agricole depuis
l’époque coloniale et les premières années d’Indépendance. Cette période est caractérisée,
comme il est de notoriété publique, par la performance remarquable de la recherche et de
l’enseignement agricole, et par conséquent celle du secteur de production agricole. Nous
décrirons ensuite l’évolution du dispositif de R&D agricole sous le système de l’économie
planifiée ainsi que depuis la transition vers l’économie de marché. Depuis la fin des années
1960 à ce jour, le système de R&D agricole connaitra une décadence et sera caractérisé par
une inefficacité structurelle.

5.2. Rétrospective de la politique agricole en Algérie

Sur le plan politique, depuis son accession à l’indépendance en 1962, « l’Algérie a vécu sous
un régime de parti unique jusqu’à la Constitution de 1989, laquelle a autorisé pour la première

119
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

fois dans l’histoire du pays la formation libre de partis politiques. Plusieurs dizaines se sont
créés en l’espace de quelques mois […Toutefois,] l’interruption du processus électoral avant
le deuxième tour des élections législatives [de décembre 1991 a] aboutit au maintien en place
au niveau du pouvoir des mêmes forces qui ont depuis toujours géré le pays […] » (Bedrani,
1995, p.84)

Sur le plan socio-économique, les gouvernements successifs « […] se devaient de ne pas être
exigeants vis-à-vis de la force de travail en particulier, et de toutes les autres couches de la
population en général […] Ainsi a-t-on créé des emplois sans aucunement tenir compte d’un
minimum d’exigences en matière de productivité du travail, subventionné des entreprises
publiques perpétuellement déficitaires, obligé les mêmes entreprises à vendre en-dessous de
leurs prix de revient, accru de façon considérable les effectifs de la fonction publique, accordé
des avantages sociaux comparables à ceux de pays fortement développés, [...] Tous les
groupes sociaux [...] ont profité de [...] « l’économie distributive ». [Cet] énorme gaspillage de
ressources [...] était [toutefois] masqué par l’importance de la rente pétrolière. » (Ibid., p.85)

En effet, l'accroissement spectaculaire du prix des hydrocarbures en 1973 et son maintien à un


niveau élevé durant toute la période des années 1970 ont permis à l'Algérie une remarquable
aisance financière. Celle-ci fut mise à profit pour investir dans tous les secteurs de l'économie
mais particulièrement dans les hydrocarbures et le secteur industriel. Elle induit en revanche
un relatif manque de vigueur dans la gestion de l'agriculture dans la mesure où les besoins
alimentaires pouvaient être facilement couverts par les importations. Outre les ressources des
hydrocarbures, l'Algérie, profitant de sa bonne santé financière, contracta des emprunts.
(Bedrani, 1990)

Cependant, « dès que [le prix des hydrocarbures] chute brusquement en 1986, et continue
d’être faible de façon durable, [...] le pays ne peut plus à la fois honorer ses engagements
extérieurs (paiement du service de la dette), importer les biens et services nécessaires au
fonctionnement des entreprises et à la création d’entreprises nouvelles, importer les biens et
services de consommation auxquels les différentes couches de la population ont été habituées.
La rareté des moyens de paiement extérieurs a conduit dans un premier temps à trouver des
emprunts à des conditions désavantageuses et, parallèlement, à tenter de diminuer les
dépenses en devises étrangères. Dans un deuxième temps, il a bien fallu accepter le
rééchelonnement de la dette et les contraintes qui l’accompagnent. » (Bedrani, 1995, p.85)

120
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

Cette crise marqua la rupture avec le système de l’économie planifiée jusque-là en vigueur,
pour une transition problématique mais néanmoins nécessaire vers l’économie de marché.
Dans le secteur de l’agriculture, la période de l’économie planifiée était caractérisée par le
système de l’autogestion adopté au lendemain de l’indépendance, suivi par la « révolution
agraire » en 1971 et la constitution des Domaines Agricoles Socialistes (DAS) au début des
années 1980.

5.2.1. L’autogestion du secteur agricole

Afin de rendre compte de l’origine et de la forme du système de l’autogestion dans le secteur


de l’agriculture qui a prévalu en Algérie durant la période 1962-1987, Bedrani (1990)
distingue deux périodes : celle de l’émergence d’une autogestion plutôt conforme aux
principes théoriques de ce mode d’organisation, de l’Indépendance jusqu’au mois de mars
1963 ; et la période 1963-1987 marquée par le dévoiement du principe d’autogestion et sa
transformation en un mode de gestion centralisé, se conformant aux strictes directives des
pouvoirs publics à différents niveaux.

La forme de gestion, qualifiée par les autorités algériennes d’« autogestion », qui a été
adoptée au lendemain de l'Indépendance sur les terres agricoles ayant appartenu aux colons,
trouve son origine essentiellement dans le départ brusque de nombreux exploitants agricoles
européens ; et la vacuité temporaire de l’État au niveau local durant la période de l'été 1962.
En effet, durant l'été 1962, nombre de paysans et d'ouvriers algériens placés devant le fait de
l'exode massif de la population européenne abandonnant les exploitations agricoles, se
seraient spontanément organisés en comités de gestion et auraient poursuivi la production. Les
ouvriers des fermes coloniales se trouvèrent du jour au lendemain sans patron et sans
directives d'aucune autorité centrale alors que les récoltes étaient sur pieds, les bâtiments
d'exploitation et le matériel agricole à l'abandon et personne n’était plus en mesure de leurs
verser les salaires. Ces travailleurs auraient d'abord protégé les fermes puis assuré la
continuité des processus de production.

La création en septembre 1962 du Bureau National des Biens Vacants, et les déclarations du
Chef de l’État concernant les formes collectives de gestion vont raffermir les formes
autogestionnaires avant de les légaliser. Une circulaire du Bureau National des Biens Vacants
datée du 6 octobre 1962, ordonnait aux préfets de faire gérer les biens vacants agricoles par
des coopératives dirigées par des « Comités de gestion », auxquels le décret du 22 octobre
1962 donnera un caractère légal. Ce décret stipule que l'exploitation agricole vacante est dotée
121
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

d'un comité de gestion devant recevoir l'agrément du préfet, le président du comité de gestion
tenant le rôle de l'administrateur-gérant.

Par ailleurs, des décrets de mars 1963 instaureront ce qui va être l'autogestion jusqu'en 1987.
Les premiers textes instituant l'autogestion agricole attribuent aux travailleurs les pouvoirs
d'affectation des moyens de production. En matière de gestion quotidienne, les travailleurs
disposent aussi de pleins pouvoirs puisqu'ils adoptent les règlements en matière d'organisation
du travail, de définition et de répartition des tâches et des responsabilités.

Toutefois, les textes de mars 1963, après avoir donné aux travailleurs le pouvoir d'affectation
des moyens de production, les leur retirent en conférant au directeur, nommé par
l'administration de tutelle et représentant de l'État, des prérogatives qui peuvent empêcher les
travailleurs d'exercer les leurs.

Le directeur, en effet, bien qu'il ait pour rôle d'exécuter les décisions des organes de
l'autogestion, a un droit de veto sur toutes les décisions des travailleurs puisque la
réglementation le charge de veiller à la légalité des opérations économiques et financières de
l'exploitation agricole ; de s'opposer aux plans d'exploitation et de développement non
conformes au plan national ; de signer les pièces d'engagement financier et les ordres de
paiement ; de détenir les fonds en espèces pour les paiements courants ; d'établir et de tenir
l'inventaire mobilier et immobilier ; et de déterminer annuellement le nombre optimum de
travailleurs.

Outre les prérogatives du directeur de l'exploitation, la capacité de décision des travailleurs se


trouvait annihilée par l'intervention d'autres institutions. Ainsi, le Conseil Communal
d'Animation de l'Autogestion (CCAA) créé par le décret n°63-95 « coordonne l'activité des
entreprises et exploitation d'autogestion de la commune », alors que l'Office National de la
Réforme Agraire (ONRA), créé par le décret n° 63-90 du 18/03/1963 a pour mission
« d'organiser la gestion des fermes abandonnées par leurs propriétaires ». Comme la
nomination et l’agrément du directeur de l'exploitation relèvent de l'ONRA et du CCAA
respectivement, ces deux institutions peuvent donc lui donner des directives, lesquelles
s'imposeront aux travailleurs.

Enfin, bien que l'ordonnance n°75-42 du 17 Juin 1975 ait supprimé le post de directeur, elle
n'abroge pas le décret n°69-19 indiquant les prérogatives du Ministre de l'Agriculture. Par
conséquent, la multiplicité des intervenants extérieurs dans les affaires de l'exploitation

122
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

agricole se maintient puisque non seulement le Ministère de l'Agriculture, mais aussi les
Assemblées Populaires de Wilaya et des Communes « coordonnent, animent et contrôlent
l'ensemble des activités du secteur autogéré agricole ». Juridiquement, les producteurs ne
peuvent donc toujours pas affecter librement les moyens de production, le Ministère de
l'Agriculture reconnaissant lui-même, fin 1977, que « la pleine responsabilité reconnue aux
travailleurs de l'autogestion reste subordonnée à la parution des textes d'application qui ont été
préparés, mais qui n'ont pas encore été adoptés ». Cette situation s’est perpétuée jusqu'à la loi
n° 87-19 du 8 décembre 1987.

En ce qui concerne les prix des produits agricoles, le décret n° 69-19 du 15 février 1969
stipule qu'ils sont fixés par le Ministère de l'Agriculture pour leur livraison aux organismes de
commercialisation officiels. En effet, la commercialisation des produits agricoles et d'élevage
du secteur agricole « autogéré » s'était obligatoirement effectuée jusqu'en 1980 par des
institutions pseudo-coopératives (ou des offices d'État à représentation minoritaire des
travailleurs) dont les directeurs étaient nommés par l'administration de tutelle ou une autorité
administrative décentralisée.

5.2.2. La révolution agraire

La loi du 8 novembre 1971 portant «Révolution agraire» décide l’extension de la


nationalisation du foncier agricole au profit d’un «Fonds national de la révolution agraire»
(FNRA) pour deux ensembles fonciers (Ait-Amara, 1999) :

- les biens à caractères agricoles des collectivités publiques : communes, wilaya, domaine
privé de l’État, terres de statut collectif (arch) et bien des fondations religieuses (habous);

- les biens des propriétaires agricoles privés qui n’exploitent pas directement et
personnellement leurs terres et ceux dont les superficies excèdent un plafond déterminé.

Au terme de l’application des mesures de la révolution agraire, le secteur public avait totalisé
plus de 40% de la superficie agricole utile. L’essentiel des terres nationalisées avait été
consacré à la constitution d’exploitations collectives. Les distributions individuelles ont été
exceptionnelles et n’ont concerné que 13% du nombre des attributaires.

Parallèlement à l’autogestion sur les grandes exploitations coloniales, un autre système


d’exploitation a vu le jour sous la forme de coopératives agricoles de production sur les terres
du FNRA. En optant pour la forme coopérative dans la phase de la révolution agraire, l’État

123
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

entendait lever les ambiguïtés du système d’autogestion et favoriser un nouveau type de


relations entre les travailleurs et leur entreprise. Les procédures formelles de constitution des
coopératives ont mis l’accent sur le caractère individuel et transmissible des droits de
jouissance, l’installation des coopératives ayant donné lieu à une remise officielle de titre à
chaque coopérateur.

L’un des principes de la loi du 8 novembre 1971 fut le maintien en place des travailleurs qui
assuraient l’exploitation des terres nationalisées, «qu’ils aient la qualité de simples salariés ou
la qualité de fermiers, métayers, khammès ou gérants associés au produit des récoltes en vertu
de contrats conclus de quelque manière que ce soit» (art. 120). Cependant les conditions de
travail et de rémunération proposées dans le cadre des coopératives mises en place ont
finalement assuré la prépondérance dans les effectifs des catégories d’ouvriers et de paysans
prolétarisés.

5.2.3. Les Domaines Agricoles Socialistes

Une autre réforme d’envergure du secteur agricole public a été menée dans le cadre du Plan
quinquennal 1980-84. Celle-ci s’est traduite par une restructuration des unités de production
de l'autogestion et de la réforme agraire, et un élargissement du secteur privé. (Sutton et
Aghrout, 1992)

En effet, à partir de 1981, le secteur de l'autogestion et les coopératives de production de la


réforme agraire ont été fusionnés pour créer 3 415 Domaines Agricoles Socialistes (DAS) et
103 168 exploitations individuelles. Ainsi, les trois secteurs de l'agriculture algérienne ont été
restructurés en deux secteurs, un secteur socialiste constitué de grandes unités (DAS), d'une
superficie moyenne de 830 hectares, et un secteur privé sensiblement accru.

Environ 500 000 hectares ont en effet été ajoutés au secteur autogéré entrainant une
augmentation de 63% du nombre de DAS et une diminution de 27% de leur taille moyenne.
En dépit de leur taille relativement réduite, l’exploitation des DAS demeurait complexe en
raison de leurs superficies excessives ; du nombre de travailleurs ; et souvent à cause de la
fragmentation de ses exploitations.

Par ailleurs, les 40 643 exploitations individuelles, résultant de la réforme agraire occupant
157 000 hectares, ont été portées à 103 168 exploitations individuelles totalisant 705 000
hectares, ce qui suggère un quasi doublement de leur taille moyenne.

124
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

5.2.4. La transition vers l’économie de marché

Vers la fin de l’année 1987, intervient une réforme radicale dans l'organisation du secteur
agricole de l'État. Celle-ci fait partie de tout un ensemble de réformes économiques tendant à
débureaucratiser le secteur public, à rendre son fonctionnement plus simple, à donner
davantage d'autonomie à ses gestionnaires en vue d’améliorer sa productivité. (Bedrani, 1990)
La privatisation du secteur agricole a été amorcée et a conduit en un temps relativement court
au démantèlement du secteur agricole public, à la suppression des subventions aux intrants
agricoles mais aussi à toute forme d'intervention directe de l'État dans ce secteur : on parlait
alors de réorganisation du secteur public. (Djenane, 1999)

« En Juillet de cette année là, et avant même qu’une loi ne soit adoptée, les terres du domaine
privé de l’État - soit 2,8 millions d’hectares - ont été attribuées en jouissance perpétuelle à des
exploitants agricoles. Ces terres seront dorénavant gérées sous forme d’exploitations agricoles
collectives (EAC) ou d’exploitations agricoles individuelles (EAI). L’innovation juridique
introduite était la séparation entre le droit de propriété (le droit sur le sol appartient à l’État) et
le droit d’exploitation (droit portant sur l’ensemble des actifs agricoles et qui est transféré aux
exploitants bénéficiaires). Les DAS, créés au début des années 1980, sont ainsi dissous à leur
tour et leur capital d’exploitation est cédé en pleine propriété à 29 556 exploitations agricoles
collectives (EAC), 22 206 exploitations agricoles individuelles (EAI) et 165 fermes pilotes. »
(Bessaoud, 2008, p.377)

Les réformes ainsi entamées — qui furent en fait un prélude d’un Plan d’Ajustement
Structurel Agricole (PASA) — ont été cependant précédé, depuis 1984-85 déjà, par quelques
mesures de libéralisation du système des prix agricoles. Dans cet esprit, la loi 87-19 du 08
décembre 1987 dénie à l'État le droit d'intervenir directement dans la réorganisation du
secteur agricole public. Le remembrement des DAS est confié aux travailleurs de la terre eux-
mêmes, auxquels la loi précitée reconnaît également le droit de se regrouper par cooptation
directe de même qu'elle interdit d'autre part, aux institutions de l'État de s'immiscer dans le
remembrement des unités de production. C'est pourquoi cette opération, contrairement aux
précédentes, va se caractériser par l'absence d'un modèle technique de réorganisation
préalablement défini et que les producteurs directs de l'ancien secteur agricole public vont être
poussés à copier le schéma foncier en vigueur dans le secteur privé. (Djenane, op.cit.)

Une loi d’orientation foncière (loi 90-25) parachève en 1990 le nouvel édifice juridique
d’inspiration libérale. Cette loi engage les bénéficiaires de la réforme agraire à restituer les
125
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

terres nationalisées à leurs anciens propriétaires de 1971-73. « Ces réformes foncières ont
ouvert la voie à une privatisation de fait du domaine public agricole. Les exploitants titulaires
de lots de terres publiques ont, dans les faits, modifié les situations. Des quotes-parts
attribuées collectivement ont fait l’objet de partages individuels, des exploitants se sont
associés avec des apporteurs de capitaux (commerçants et bailleurs de fonds privés), certains
ont vendu leurs actifs et/ou cédé leurs droits d’exploitation, d’aucuns ont transféré à leurs
ascendants ou à leurs descendants leur part, d’autres enfin ont abandonné leurs droits et laissé
en déshérence les terres attribuées… Tous ces faits témoignent de l’existence de véritables
transactions portant sur les droits d’exploitation dont les règles obéissent aujourd’hui aux lois
d’un marché informel. » (Bessaoud, op.cit., p.377)

Au milieu de l'année 1992, soit quatre années et demie après le lancement de l'opération de
réorganisation, le secteur agricole public est quasi-entièrement privatisé et le libéralisme
comme mode d'organisation et de régulation par le marché de l'activité agricole est enfin de
rigueur en Algérie. (Djenane, op.cit.)

Enfin, « sous l’impact des réformes structurelles et de la politique des prix, les conditions
matérielles et sociales des petits exploitants (qui forment l’immense majorité dans les
campagnes algériennes) se sont sans doute détériorées, et la pauvreté rurale connaît une
extension remarquable. » (Bessaoud, op.cit., p.378)

5.2.5. La politique de développement agricole et rural durant les années 2000

Dans le cadre du plan de soutien à la relance économique 2001-2004, un Programme National


de Développement Agricole (PNDA) lancé en 2000 avait pour objectifs le développement et
la modernisation des exploitations agricoles ; l'intensification et l'expansion des zones
irriguées ; le développement de la production agricole et de la productivité grâce à des
investissements substantiels ; et l'utilisation appropriée et durable des ressources naturelles.
Le PNDA était accompagné de mesures de soutien telles que la supervision, le suivi,
l'évaluation et les conseils techniques des services de vulgarisation. (Laoubi et Yamao, 2012)

Financé par le Fonds National de Développement et de Régulation Agricole (FNDRA), le


PNDA affichait des actions de grande ampleur, à savoir (Bessaoud, op.cit., pp.379-380):

- La reconversion des sols visant à concentrer la production de céréales dans les zones dites
favorables (1,2 million d’hectares) et la reconversion, dans les régions sèches et soumises

126
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

à l’aridité, des cultures traditionnellement dédiées aux céréales, au profit de


l’arboriculture rustique, de la viticulture et des petits élevages ;

- Le développement des filières, visant à multiplier le rendement des cultures et la


productivité du travail dans les productions de céréales, de lait, de pomme de terre et de
fruits ;

- La mise en valeur par les concessions de terres dans les zones de montagnes, de
piémonts, les terres steppiques et les zones sahariennes ;

- Un programme national de reboisement portant sur 1,2 million d’hectares ;

- L’amélioration des revenus des agriculteurs via des soutiens financiers (à la culture du
blé, à l’irrigation, aux actions de plantations, à la mise en valeur, à l’utilisation des biens
favorisant l’intensification…) et de l’emploi.

Parallèlement à la création du ministère délégué en charge du développement rural en 2003, le


PNDA a évolué et fut rebaptisé Programme National de Développement Agricole et Rural
(PNDAR). Le PNDAR a été conçu pour apporter une réponse globale et cohérente aux
principaux défis et contraintes des problèmes naturels, techniques, organisationnels et
institutionnels responsables de l'affaiblissement des bases de la sécurité alimentaire nationale,
de la dégradation des ressources naturelles et de la réduction de la cohésion sociale dans les
zones rurales. (Laoubi et Yamao, op.cit.)

Enfin, « la politique de renouveau rural (PRR) adoptée en 2005 (MADR, 2005), qui cible en
particulier les ménages ruraux des zones enclavées ou isolées, se structure autour de quatre
grands programmes. Le premier concerne l’amélioration des conditions de vie des ruraux. Le
deuxième dit de « diversification des activités économiques en milieu rural» est appelé à
favoriser le développement de revenus alternatifs aux populations des zones rurales. Le
troisième a trait à la « protection et à la valorisation des ressources naturelles et des
patrimoines ruraux, matériels et immatériels ». Ces programmes devront être exécutés dans le
cadre de la démarche participative et de proximité de développement rural, formalisée par
l’outil « projet de proximité de développement rural intégré » (PPDRI). Diverses évaluations
et études montrent que les PPDRI adoptés sont essentiellement des projets collectifs définis
par les collectivités locales, ayant pour objectif le renforcement des équipements sociaux et
d’équipements collectifs des communes rurales. Ils traduisent des attentes réelles des

127
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

populations rurales de voir s’améliorer leurs conditions d’existence. » (Bessaoud et


Montaigne, 2009, p.74)

Toutefois, ces différentes réformes de la politique agricole et rurale furent limitées et en


grande partie infructueuses. Les politiques étaient caractérisées par une approche globale,
centralisée et standardisée, associée à une prolifération de réglementations qui manquaient de
continuité et d'efficacité. En dépit des efforts déployés, le secteur n'a pas connu de croissance
significative. Les problèmes de propriété foncière, tels que le statut des terres publiques (EAC
et EAI), sont considérés comme des obstacles à l'investissement. La politique de
modernisation des exploitations agricoles dans le cadre du PNDA était sélective et n’a
bénéficié qu’à peu d'agriculteurs. Elle était également affectée par un manque de transparence
et d'équité en matière d’allocation des aides de l’État pour différentes activités et catégories
d’agriculteurs. De plus, le soutien de l'État n'était pas adapté aux situations des agriculteurs,
lesquels n'ont pas été impliqués dans l'organisation de ce soutien. (Laoubi et Yamao, op.cit.)

En effet, le dispositif d’octroi des subventions, des prêts bancaires ou des appuis techniques
fut inaccessible à l’immense majorité des petits agriculteurs, non titulaires de titres de
propriété et d’actes authentiques exigés par les organismes de crédit. Ces derniers ne
maîtrisent ni les circuits administratifs, ni les procédures de formulation des projets, et sont
absents des structures de représentation de la profession agricole (chambres agricoles et
interprofession) (Bessaoud, op.cit.). Par ailleurs, « le dispositif d’aide aux exploitations
agricoles a souvent été détourné au profit de réseaux d’une clientèle politique (non agricole
souvent), très active dès lors qu’il s’agit de capter des ressources financières publiques dont
les montants sont parfois considérables (de l’ordre de plusieurs millions de dinars algériens
pour certain projets). Par ailleurs, les réalisations du PNDA ont été largement dépendantes des
importations d’intrants et de matériel d’équipements agricoles (de matériel d’irrigation, de
cheptel, de plants fruitiers…). De nombreuses sociétés d’importation et de services se sont
greffées sur ce programme pour réaliser leurs chiffres d’affaires et prospérer sans prise de
risques » (Ibid., p.381)

D’autres facteurs ont entravé l’efficacité du PNDA et du PNDAR parmi lesquels : le manque
de crédit ; le manque d'investissement ; un accès insuffisant aux intrants ; une disponibilité
insuffisante de l'eau d’irrigation ; un manque de loyauté parmi les agriculteurs à l’égard des
organisations agricoles ; le faible niveau d'éducation et de formation agricole ; le faible
soutien aux services de vulgarisation ; les contraintes en matière de canaux de

128
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

commercialisation ; la bureaucratie et la lenteur du processus d'octroi de subvention. (Laoubi


et Yamao, op.cit.)

5.2.6. La Politique de Renouveau Agricole et Rural (2009 à ce jour)

La reformulation des orientations présentes dans les programmes précédents a donné


naissance à la Politique de Renouveau Agricole et Rural (PRAR) faisant suite à l’adoption de
la loi 08-16 du 03 août 2008 portant orientation agricole (Bessaoud et Montaigne, op.cit.).

Axée sur le renforcement de la sécurité alimentaire nationale, la PRAR vise à réduire les
vulnérabilités dans le cadre d’un partenariat public-privé et, grâce à une implication des
différents acteurs, à aboutir à l’émergence d’une nouvelle gouvernance dans la politique
agricole, ceci à travers l’accompagnement de : l’accroissement de la production nationale en
produits de large consommation ; la modernisation et la diffusion du progrès technologique
dans les exploitations agricoles ; la modernisation et l’organisation des réseaux de collecte et
de commercialisation de la production ; la mise en place des systèmes de régulation
interprofessionnels ; l’extension des systèmes d’irrigation agricole ; ainsi qu’un
développement des espaces ruraux équilibré, harmonieux et durable. La PRAR repose sur
trois piliers complémentaires : a) le Renouveau Agricole ; b) le Renouveau Rural ; et c) le
Programme de Renforcement des Capacités Humaines et de l’Appui Technique aux
producteurs (PRCHAT). (MAAF, 2014)

a) Le Renouveau Agricole : il s’articule autour de trois grands types d’actions :

- Le lancement de programmes d’intensification et de modernisation qui visent


l’accroissement de la production et de la productivité ainsi que l’intégration de 10 filières
prioritaires : céréales, lait cru, légumes secs, pomme de terre, oléiculture, tomate
industrielle, arboriculture, phœniciculture, viandes rouges et aviculture ;

- La mise en place d’un système de régulation des marchés (SYRPALAC) avec deux
objectifs: d’une part, sécuriser et stabiliser l’offre de produits de large consommation
(céréales, lait, huiles, pommes de terre, tomates, viandes) et d’autre part assurer une
protection du revenu des agriculteurs ;

- Des mesures d'incitation et de sécurisation de l'activité agricole: un crédit de campagne


sans intérêt (RFIG) ; le renforcement du crédit leasing pour l’acquisition de machines et
matériels agricoles ; un dispositif d’assurance contre les baisses de rendement et les

129
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

calamités agricoles (FGCA) ; le renforcement de la mutualité rurale de proximité ; le


soutien des organisations professionnelles et interprofessionnelles ; une meilleure
adaptation des mécanismes de soutien et des circuits d’approvisionnement en intrants ; et
un effort de sécurisation foncière.

b) Le Renouveau Rural : construit sur la base d’une approche novatrice du développement


rural (les Projets de Proximité du Développement Rural Intégré – PPDRI), il cible
prioritairement les zones où les conditions de production sont les plus difficiles pour les
agriculteurs (montagnes, steppe, Sahara) ; et une gouvernance forestière plus efficace, en
particulier en matière de maîtrise des feux de forêts. Il vise à réinsérer dans l’économie
nationale les zones marginalisées en mettant en valeur les ressources locales et les produits de
terroir jusque-là négligés. Ces zones sont ainsi appelées à devenir une source potentielle
d’exportations agricoles algériennes. Le Renouveau Rural s’appuie sur cinq programmes : la
protection des bassins versants ; la gestion et la protection des patrimoines forestiers ; la lutte
contre la désertification ; la protection des espaces naturels et des aires protégées ; et la mise
en valeur des terres.

c) Le Programme de Renforcement des Capacités Humaines et de l’Appui technique aux


producteurs (PRCHAT) : il s’agit d’un programme d’envergure qui vise :

- la modernisation des méthodes de l’administration agricole ;

- un investissement plus conséquent dans la recherche, la formation et la vulgarisation


agricole afin de faciliter la mise au point de nouvelles technologies et leur transfert rapide
chez les producteurs ;

- le renforcement des capacités matérielles et humaines de toutes les institutions et


organismes chargés de l’appui aux agriculteurs et aux opérateurs du secteur ;

- le renforcement des services de contrôle et de protection vétérinaires et phytosanitaires,


des services de certification des semences et plants, de contrôle technique et de lutte
contre les incendies de forêts.

5.3. Évolution du système de la R&D agricole en Algérie

Durant la période coloniale et les premières années d’indépendance, l’agriculture a été la


principale source d’accumulation du capital, ce qu’il lui a valu une place prépondérante en

130
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

matière de recherche scientifique jusqu’aux années 1970, à partir desquelles les hydrocarbures
lui raviront durablement ce statut. (Chehat, 1995)

« La recherche agronomique n’a bénéficié que de peu de crédits et a subi trop de


bouleversements organisationnels et humains (turnover élevé des responsables et des
chercheurs), ceci empêchant la capitalisation des expériences et la production de résultats
probants immédiatement vulgarisables. En particulier, l’éclatement de l’Institut National de la
Recherche Agronomique d’Algérie (INRAA), au début des années soixante-dix et la
dispersion d’une grande partie de ses faibles moyens entre une multitude d’instituts de
développement, censés faire de la recherche appliquée et de la vulgarisation, n’a pas, non
plus, été bénéfique au développement de la recherche.

La vulgarisation agricole a été quasi inexistante du fait de la faiblesse des résultats de la


recherche et de la modicité des crédits qui lui ont été consacrés. L’absence d’un corps de
vulgarisateurs chevronnés, motivés et socialement acceptés par les agriculteurs, l’absence
d’associations professionnelles capables d’orienter les programmes de vulgarisation en
fonction des besoins réels de leurs adhérents, l’absence de priorité accordée à la vulgarisation
de la part de l’administration agricole, tout ceci a fait que le progrès technique et agronomique
s’est très faiblement diffusé dans le secteur agricole privé et mal diffusé dans le secteur
agricole public. » (Bedrani et al., 1997, p.127)

5.3.1. La R&D agricole jusqu’aux premières années d’indépendance

La première institution d’agronomie en Algérie fut l’Institut Agricole Algérien (IAA) de


Maison-Carrée28, créé en 1889. L’IAA disposait de services et de laboratoires modernes, et
demeurera pour une longue période l’unique centre de recherche agronomique de toute la
colonie. En 1943, le Service d’Expérimentation Agricole fut créé et doté de laboratoires
centraux renforçant ceux de l’IAA, ainsi que onze stations réparties sur tout le territoire
d’Algérie. Quelques années plus tard, d’autres services et unités de recherche spécialisés
furent créés, dont la station de Sidi-Aïch pour l’arboriculture fruitière. Après l’indépendance
en 1962, ces institutions ne seront plus opérationnelles en raison du départ du personnel
qualifié vers l’Europe et l’absence d’une relève algérienne. Le Ministère de l’Agriculture et
de la Réforme Agraire (MARA) créa alors le Centre Algérien des Recherches Agronomiques,
Sociologiques et Économiques (CARASE) qui récupéra l’ensemble des structures existantes,
et deviendra en 1966 l’Institut National de la Recherche Agronomique d’Algérie (INRAA).

28
Actuelle El-Harrach (Alger).
131
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

Toutefois, en matière d’affectation du personnel national qualifié et des nombreux expatriés


venu dans le cadre de l’assistance apportée à l’Algérie par des pays étrangers, la priorité fut
accordée aux administrations et aux établissements d’enseignement supérieur, à l’instar de
l’Institut National Agronomique (INA) qui succéda à l’IAA et passa de la tutelle du MARA à
celle du Ministère de l’Enseignement Supérieur. (Benbelkacem et al. 1999, pp.49-50)

5.3.2. La R&D agricole dans le cadre de l’économie planifiée

A partir de 1974, le MARA réorganisa son système de R&D en mettant en place des Instituts
de Développement spécialisés avec pour mission le soutien au développement d’une dizaine
de domaines dont celui de l’arboriculture fruitière (IDAF) et la protection des végétaux
(INPV). La création de ces instituts a entrainé un important transfert de ressources humaines
et physiques depuis l’INRAA, qui se retrouva de ce fait avec un nombre réduit de chercheurs
et de domaines de recherche. Par ailleurs, de nombreuses écoles agricoles nationales furent
créées, dont une à Tizi-Ouzou. Entre 1981 et 1982, les instituts de développement spécialisés
sous la tutelle du MARA se sont avérés inefficaces: la recherche y fut négligée et les activités
de recherche aux niveaux national et régional n’ont pas pu être coordonnées. En 1987, le
Ministère de l’Agriculture et de la Pêche (MAP, qui remplaça le MARA) rebaptisa les
instituts de développement en Instituts Techniques, dont certains furent fusionnés, à l’instar
des Institut Technique d’Arboriculture Fruitière (ITAF) et l’Institut de la Vigne et du Vin
(IVV) qui donnèrent naissance à l’actuel Institut Technique d’Arboriculture Fruitière et de la
Vigne (ITAFV). Par ailleurs, d’autres organisations non moins importantes pour la recherche
agronomique furent créées durant cette période dans les secteurs connexes. Sous la tutelle du
Ministère de l’Hydraulique et de l’Environnement, ce fut le cas de l’Institut National de
Recherche Forestière (INRF) créé en 1981, ainsi que l’Institut National de Recherche
Hydraulique (INRH) et l’Institut National des Sols, de l’Irrigation et Drainage (INSID) créés
en 1984. Sous la tutelle du Ministère des Industries Légères également, un Centre de
Recherche sur les Industries Agro-alimentaires fut créé en 1994. (Ibid., p.50)

5.3.3. Le Projet de Recherche Agricole et de Vulgarisation agricole pilote

En 1990, l’Algérie contracta un prêt d’un montant initial29 de 32 millions de dollars à la


Banque Mondiale dans le cadre du Projet de Recherche Agricole et de Vulgarisation agricole
pilote (Banque Mondiale, 1998), dont le coût total fut initialement estimé à 74,9 millions de

29
Le prêt n’a pas été débloqué dans sa totalité et a été revu à la baisse en 1996. Le montant final du prêt sera de
19,44 millions de dollars.
132
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

dollars. Le projet a été mis en œuvre à partir de juin 1991 par l’INRAA et le Centre National
de Pédagogie Agricole (CNPA), qui deviendra l’Institut National de la Vulgarisation Agricole
(INVA) en 1995, auxquels se joindra par la suite l’INA en juin 1996.

Ce projet avait pour objectifs finals le développement de la production et de la productivité


agricoles, et par là même, la réduction de la dépendance aux importations de denrées
alimentaires. Les objectifs intermédiaires du projet consistaient à réformer et rationaliser le
Système National de Recherche Agronomique (SNRA) ; expérimenter de nouvelles approches
de vulgarisation dans le cadre de projets pilotes ; et renforcer les liens entre les agriculteurs, la
recherche et la vulgarisation agricoles. Sur le volet "recherche", les objectifs étaient de :
renforcer la structure institutionnelle ; former un personnel compétent et motivé ; améliorer la
coordination entre les différents instituts ; introduire la méthode de programmation de la
recherche par objectifs ; introduire un système d’allocation des ressources et de suivi par
programme de recherche ; et mettre en place des programmes de recherche prioritaires. Par
ailleurs, la composante "vulgarisation" avait pour objectifs d’expérimenter sur une base pilote,
différentes approches de vulgarisation agricole au profit des EAC et des EAI ; former le
personnel de vulgarisation et renforcer les centres de formation ; et enfin, mettre en place un
système de suivi et d’évaluation.

Du point de vue global, le projet s’est soldé par un échec. En effet, les objectifs majeurs n’ont
pas été atteints. Dans le domaine de la recherche, la faiblesse des liens institutionnels et le
manque de coordination entre l’INRAA et les Instituts Techniques a empêché la
restructuration de la recherche agronomique. Après un réexamen du projet à mi-parcours,
l’INRAA avait certes renforcé ses propres capacités en matière de recherche fondamentale et
a réussi, bien que tardivement, à introduire la méthode de programmation de la recherche par
objectifs, mais sa collaboration avec les Instituts Techniques et la capacité de ces derniers en
matière de recherche demeurèrent insatisfaisantes. Par ailleurs, le projet n’a pas pu renforcer
le lien entre la recherche et la vulgarisation non plus. Dans le domaine de la vulgarisation, le
projet a permis certains progrès en matière d’organisation et de formation du personnel, la
programmation des activités, la communication avec les agriculteurs à travers les médias et un
système de suivi plus proactif. Toutefois, le projet n’a pas permis la conception d’une
stratégie nationale de vulgarisation, et n’a eu qu’un impact limité sur le développement du
système national de vulgarisation. Enfin, l’instabilité du contexte politico-social de l’époque a

133
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

constitué une entrave majeure à la mise en œuvre et la réussite du projet, qui prit fin en
décembre 199730.

5.3.4. La réorganisation de l’INRAA31

Créé le 11 avril 1966 sous le statut juridique d’Établissement Public à caractère Administratif
(EPA) par l’ordonnance 66/78, l’INRAA acquit le statut d’Établissement Publique à Caractère
Scientifique et Technologique (EPST) à partir du 20 décembre 2004, par Décret exécutif 04-
419, sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture. Conformément à son nouveau statut,
l’INRAA a explicitement pour missions de :

- Contribuer à l’élaboration de programmes de recherche et à la définition des mécanismes


et des modalités de leur mise en œuvre ;

- Exécuter les programmes de recherche et d’expérimentation relevant de son domaine


d’activité ;

- Coordonner à l’échelle nationale, en collaboration avec les structures sectorielles et


intersectorielles, les activités de recherche agronomique ;

- Participer à l’élaboration de plans de formation et de perfectionnement pour les besoins


de la recherche ;

- Valoriser les résultats de recherche et veiller à leur diffusion et à leur utilisation en


collaboration avec les institutions concernées.

Les activités de l’INRAA se rapportent essentiellement aux domaines suivants:


la connaissance et la maîtrise du milieu physique ; l’amélioration et le développement des
productions végétales et animales ; la conservation, la transformation et l’amélioration de la
qualité des produits agricoles ; les biotechnologies appliquées à l’agriculture ; l’économie et la
sociologie du monde agricole et rural ; l’écologie et l’environnement liés à ses missions.

Outre l’entité centrale sise à la capitale Alger, l’INRAA est doté de Structures décentralisées
organisées en 13 Stations de Recherche, dont celle d’Oued Ghir dans la wilaya de Béjaïa,
créée en 1999. Celle-ci a pour objectif d’effectuer les activités de recherche ayant trait
à l’agriculture de montagne. Elle a pour mission d’étudier le meilleur moyen de valoriser au
maximum les potentialités de la région par :

30
La dernière tranche du prêt de la Banque Mondiale a en fait été débloquée le 30 avril 1998.
31
http://www.inraa.dz
134
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

- La définition d’un système de production répondant aux aspirations socio-


économiques des agriculteurs et spécifique à la région ;

- L’identification, la caractérisation et l’évaluation sur le plan agronomique, botanique,


pathologique et technologique, des ressources phytogénétiques locales ;

- La connaissance et la caractérisation du milieu physique pour un choix d’un programme


de développement judicieux ;

- L’introduction des techniques culturales les plus performantes (Irrigation, fertilisation,


traitement, etc.) ;

- Le développement de tout type d’élevage et l’amélioration de l’existant.

5.3.5. Le projet d’un Observatoire de la recherche agronomique en Algérie

Dans le cadre d’un projet triennal 2008/2010 de coopération algéro-français, le projet d’un
Observatoire algérien de la recherche agronomique a été lancé sur la base d’un partenariat
traditionnel entre l’École Nationale Supérieure Agronomique (ENSA) 32 d’Alger et le Cirad de
Montpellier33, garant de la qualité de ses cahiers des charges et de la fiabilité de sa
conception. Ce projet fut le résultat d’une co-construction et d’une vision partagée entre ces
deux parties qui a permis de définir un outil adapté aux besoins et au contexte de l’Algérie.
Outil de pilotage et de gestion de la recherche, il est censé en assurer autant la valorisation
que la planification en fonction des besoins du développement. Pour les acteurs du secteur, il
s’affirmerait comme un cadre de mutualisation et de fertilisation des ressources. A moyen et
long terme, son implantation dans plus d’une centaine d’établissements spécialisés devait
doter l’Algérie d’un système d’information intégré. Cet observatoire devait essentiellement
permettre de (Issolah, 2010, pp.98-100):

- Rendre visibles et accessibles les résultats de la recherche agronomique en Algérie ;

- Faciliter le transfert et la diffusion des résultats de recherche, leur appropriation et leur


exploitation par les acteurs économiques concernés ;

- Offrir un outil stratégique pour la définition, le pilotage et l’évaluation des activités de


recherche agronomique ;

32
Ex-INA (Institut National Agronomique)
33
En collaboration avec trois autres établissements fondateurs : l’École Nationale Vétérinaire, l’Institut National
de la Recherche Agronomique, l’Institut des Sciences Marines et du Littoral.
135
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

- Localiser facilement les compétences des experts algériens, et prendre connaissance de


leurs activités, leurs projets et leurs publications ;

- Valoriser les compétences développées à travers une base de données de connaissances.

5.3.6. Le projet de l’Observatoire National des Filières Agricoles et Agroalimentaires34

Dans le cadre de la PRAR et d’un jumelage institutionnel remporté par la France en 2012
(MAAF, 2014, p.6) à travers le Programme d’Appui à la mise en œuvre de l’Accord
d’Association (P3A) avec l’UE, un Observatoire National des Filières Agricoles et
Agroalimentaires (ONFAA) a été institué à l’INRAA, afin d’apporter un appui aux instituts
techniques ; d’assurer les traitements et analyse des données du Ministère de l'Agriculture, du
Développement Rural et de la Pêche (MADRP) ; et de produire des informations se rapportant
aux filières agricoles et agroalimentaires. Il s’agit d’un outil de production et de diffusion de
l’information, et un support aux activités de recherche et d’aide à la décision. L’ONFAA a
pour principales missions :

- La connaissance et le suivi des prix agricoles ;

- L’observation des données technico-économiques des exploitations agricoles ;

- Le suivi de campagne des principales spéculations ;

- La veille commerciale des marchés internationaux des produits agricoles et


agroalimentaires;

- L’observation des entreprises agroalimentaires et des unités de transformation ;

- La mise en place d’un système d'information de l'observatoire en coordination avec ceux


déjà développés par les institutions opérant dans le secteur agricole, les Instituts
Techniques, les Offices et la Chambre Nationale d’Agriculture.

5.3.7. Autres organisations de recherche et d’enseignement agronomique

Outre les organisations placées sous la tutelle du ministère de l’agriculture, la recherche et


l’enseignement agricoles sont également assurés au sein des facultés et laboratoires
d’agronomie35 et unités de recherche relevant des différentes universités, sous la tutelle du
Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS). Ce dernier

34
http://onfaa.inraa.dz/
35
Et dans une moindre mesure, ceux de biologie, des sciences de l’environnement, d’économie et de sociologie.
136
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

est d’ailleurs à la tête des principales entités du système national de la recherche scientifique
d’une manière générale. En 2012, le SNRA s’est vu directement renforcé par deux Agence
Thématique de Recherche placées sous la tutelle du MESRS, à savoir l’Agence Thématique
de Recherche en Sciences de la Nature et de la Vie (ATRSNV) 36 et l’ L'Agence Thématique
de Recherche en Biotechnologie et Sciences Agroalimentaires (ATRBSA)37, sises
(provisoirement) au sein des Universités de Béjaïa et de Constantine respectivement. L’article
6 de la Loi n° 15-21 du 30 décembre 2015 portant loi d’orientation sur la recherche
scientifique et le développement technologique définit une Agence thématique de recherche
comme un « établissement pilote situé entre l’administration centrale et les entités
d’exécution des activités de recherche chargé de coordonner et de valoriser la mise en œuvre
des programmes de recherche relevant de son champ de compétence. ».

5.3.8. Le dispositif et la politique de formation agricole

L’appareil national de formation agricole est réparti sur trois ministères de tutelle (Berranen,
2007) :

- Le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural compte 13 établissements de


niveau moyen dont 09 ITMAS pour la formation de techniciens spécialisés (recrutement
à partir du niveau de 3ème AS) ; et 04 CFVA et 02 CFATSF pour la formation d’adjoints
techniques (recrutement à partir du niveau de 9 ème AF). Ces établissements assurent en
plus de la formation initiale, le perfectionnement de cadres vulgarisateurs ainsi que la
formation des agriculteurs. Les spécialités assurées au niveau des établissements du
MADR sont : les cultures maraîchères ; les grandes cultures ; l’arboriculture ; les
productions animales ; le pastoralisme ; le paysagisme et l’horticulture ornementale ;
l’agriculture de montagne ; l’agriculture saharienne ; et la foresterie.

- Sous la tutelle du Ministère de la Formation et de l’Enseignement Professionnels, il existe


par ailleurs 64 établissements de niveau moyen, dont 11 INSFP pour la formation de TS
spécialisés (recrutement à partir du niveau de 3 ème AS), et 53 CFPA pour la formation
professionnelle de niveau CAP (recrutement à partir des classes moyennes des collèges).
En plus de la formation initiale, ces établissements assurent également le
perfectionnement. Les spécialités assurées au niveau des établissements du MFEP sont:
l’horticulture ; jardin et espaces verts ; petits et gros élevages ; l’arboriculture ; la santé

36
http://www.atrsnv.dz
37
http://www.atrbsa.dz
137
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

animale ; la protection des végétaux ; la protection de l’environnement ; les cultures


maraîchères.

- Enfin, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique compte


20 établissements de niveau supérieur (pour les titulaires du Bac), dont l’INA pour la
formation d’Ingénieurs en Agronomie ; l’ENV pour la formation de Vétérinaires ; 18
universités dispensant les filières agronomiques et dont 06 disposent également d’instituts
vétérinaires. Les spécialités assurées au niveau des établissements du MESRS sont :
l’agro-alimentaire ; la phytotechnie ; la botanique ; la pédologie ; la zootechnie ; la
protection des végétaux ; la foresterie ; l’économie rurale ; le génie rural ; l’hydrologie
agricole ; les cultures pérennes ; les sciences alimentaires ; le machinisme ; l’agronomie
saharienne ; les cultures maraîchères.

Dans une des rares publications consacrées à la formation agricole en Algérie, Aït Belkacem
(1987) a fait référence à une série de baccalauréat en Sciences Agricoles nouvellement créée,
dont les premiers lauréats étaient attendus en juin 1988. Jusqu’alors, seules les séries de
baccalauréat en Sciences ou Mathématiques (et sous certaines conditions, l’obtention
préalable du diplôme de technicien agricole) donnaient accès à l’enseignement supérieur en
agronomie. L’agriculture était introduite dans les programmes d’enseignement à partir du 3 ème
palier de l’école fondamentale, c’est-à-dire la 7ème, 8ème et 9ème années fondamentales, où une
initiation technologique agricole était dispensée aux élèves. Des rudiments d’agriculture et
des cultures sous serre étaient assurés à l’école même, et de nombreuses sorties dans les
exploitations agricoles sont organisées pour les élèves. À l’issue de la 9 ème année
fondamentale (qui marquait la fin de la scolarité obligatoire), les élèves pouvaient s’orienter
soit vers les filières agricoles du lycée, ou suivre une formation de technicien agricole
dispensée sur une durée de 3 ans par l’ITMA, sous la tutelle du MAP. Ceux qui n’ont pu
rejoindre ni le lycée ni l’ITMA pouvaient soit : 1) suivre une formation aux métiers
spécifiques à l’agriculture (agent de maîtrise) dispensée dans les CFVA du MAP ; soit 2)
préparer divers CAP dans les métiers de soutien à la production agricole (mécanique agricole,
comptabilité agricole, forge, etc.). Enfin, ceux qui ne pouvaient pas rejoindre un établissement
pouvaient suivre une formation par alternance en mode d’apprentissage in situ soutenu par un
enseignement théorique et technologique dispensé par les centres de formation agricole.

En dépit du dispositif en place, « la politique de formation pour l’agriculture a privilégié la


quantité aux dépens de la qualité, la formation des ingénieurs aux dépens de la formation des

138
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

producteurs directs et des techniciens moyens et celle des agriculteurs du secteur d’État aux
dépens des agriculteurs du secteur privé.

La formation dans l’agriculture a privilégié la formation des cadres de conception et a négligé


la formation des cadres intermédiaires et surtout des producteurs directs, freinant ainsi les
effets positifs de la formation sur la croissance de la productivité et de la production agricoles.
Par ailleurs, la politique de formation a opté pour une formation quantitativement massive
d’ingénieurs agronomes sans fournir aux institutions de formation les moyens suffisants
nécessaires à une formation de qualité. Ces institutions ont toujours manqué d’enseignants et
de techniciens de laboratoire correctement formés, de moyens pédagogiques, de matériels
scientifiques, de produits pour les laboratoires, ... La qualité des ingénieurs sortants, et dans
une moindre mesure des techniciens agricoles, a donc beaucoup baissé en moyenne, tant du
point de vue des connaissances agronomiques proprement dites que de «l’opérationnalité»
effective de ces ingénieurs et de ces techniciens.

En outre, sur le plan technique, la formation s’est, pendant longtemps, surtout adressée aux
travailleurs du secteur agricole d’État, négligeant les agriculteurs du secteur privé qui
cultivent pourtant plus des deux-tiers de la superficie agricole utile et élèvent aussi la quasi-
totalité du bétail du pays. Sur le plan de l’agronomie «de conception», elle s’est surtout
adressée aux enfants des classes urbaines aux dépens des enfants des ruraux, ceci s’expliquant
par la localisation des institutions de formation essentiellement en milieu urbain et par le
besoin pressant des jeunes de ce dernier milieu de se trouver coûte que coûte (vu l’écart
permanent et croissant entre l’offre et la demande de formation) une place pédagogique.

Enfin, l’affectation des cadres formés a pendant longtemps, et jusqu’à la fin des années
quatre-vingt, surtout bénéficié aux structures des institutions administratives et para-
administratives aux dépens des exploitations agricoles et des institutions directement au
service de celles-ci (par exemple les coopératives de services). » (Bedrani et al., 1997,
pp.126-127)

5.3.9. Les limites du Système National de Recherche Agronomique

Jusqu’au début des années 1990, le SNRA n’a pas pu jouer le rôle fondamental qui lui revient,
d’impulsion et de soutien du développement agricole et agro-alimentaire. Les raisons tenaient
essentiellement à (Heddadj et al. 1993, pp.89-90):

139
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

- l’absence d’une politique agricole et agro-alimentaire définissant de manière précise les


objectifs de production et de développement à long terme, et capable d’orienter les
activités de recherche dans le cadre de programmes nationaux ;

- la non-identification de programmes de recherche à long terme ;

- des approches sectorielles, distinctes et réductrices de la recherche agronomique, agro-


alimentaire et hydraulique ;

- la mise en œuvre de programmes d’intensification agricole via l’importation massive de


modèles technologiques et de moyens de production, inadaptés aux situations et projets
des agriculteurs ciblés, et au contexte socio-économique local ;

- un effectif très réduit de scientifiques de haut niveau mobilisables pour une relance de la
recherche agronomique, du fait de l’inefficacité de la coopération étrangère, n’ayant
permis ni un réel transfert technologique, ni la capitalisation des expériences ;

- un déséquilibre important entre les poids respectifs des différentes disciplines


scientifiques et filières dans les programmes au détriment, en particulier, du milieu de
l’agro-météorologie, de l’économie et de la sociologie rurales ;

- l’incohérence des travaux de recherche sur les plans naturel, technique et socio-
économique du fait d’une approche très cloisonnée ;

- un défaut d’articulation formation/recherche/vulgarisation qui a empêché une interaction


positive entres ces secteurs ;

- la très faible valorisation des ressources humaines et matérielles disponibles, affectées


sans une claire hiérarchisation des priorités de recherche et de développement ;

- l’absence ou un fonctionnement inefficace d’organes collégiaux et pluri-institutionnels


d’évaluation scientifique des actions de R&D ;

- un manque de continuité dans l’effort de recherche et la méconnaissance des travaux


antérieurs dus à l'absence de procédures de valorisation (publications, banques de
données, système d’informations, etc.) ;

- la mauvaise gouvernance du système national de recherche agronomique et agro-


alimentaire (succession de réformes inefficaces) ;

140
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

- un fonctionnement souvent bureaucratique des structures de la recherche agronomique, se


traduisant par une marginalisation de la fonction scientifique ;

- une dotation limitée en moyens de toutes natures ;

- la recherche des moyens nécessaires dans le cadre de projets de coopération avec les
institutions étrangères, ce qui a souvent entraîné des incohérences et des discontinuités ;

- la non-évaluation de la production des chercheurs, seule en mesure de faire émerger une


hiérarchie objective et reconnue des priorités de la recherche ;

- l’absence de statut pour les chercheurs, qui aurait assuré un minimum de compétence, de
stabilité et de motivation ;

- l’importance médiocre accordée à la recherche scientifique et technologique en


agriculture dans la stratégie de développement agricole et agro-alimentaire ;

- le fractionnement des structures en divers instituts très spécialisés et ayant en charge les
fonctions à la fois de recherche et de développement, ce qui a empêché la cohérence
générale des programmes de recherche et a conduit à la focalisation sur des programmes
de développement à court terme au détriment de la recherche ;

- une considération insuffisante et superficielle de la réalité agricole et de la dynamique de


sa transformation ;

- le manque de pragmatisme quant aux besoins réels des producteurs ;

- l’absence d’une gestion rationnelle sur les plans scientifique, administratif et budgétaire.

A la fin des années 2000, le potentiel de la recherche agronomique peinait toujours à


s’exprimer en raison d’un certain nombre de facteurs, quasi similaires d’ailleurs à ceux
identifiés près d’une vingtaine d’années auparavant, parmi lesquels on peut citer (Anseur,
2009, pp.40-41) :

- l’instabilité institutionnelle en matière de recherche agronomique, due à une succession


de restructurations conjoncturelles sans projection sur le long terme ;

- le cloisonnement des activités de recherche et la dispersion des responsabilités, entravant


une approche intersectorielle de la recherche et la cohérence indispensable sur les plans
naturel, technique et socio-économique ;

141
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

- une insuffisance en matière d’élaboration d’une politique agricole et agroalimentaire


définissant de manière précise les objectifs de production et de développement à long
terme ;

- le manque de clarté et de continuité dans les orientations de la politique de recherche ;

- le manque de coordination et de synergie entre les secteurs de la formation, de la


recherche et celui de la vulgarisation ;

- l’absence d’un système d’information performant qui aurait contribué à la valorisation de


la recherche ;

- le manque de cohérence et la redondance dans les programmes de recherche par


méconnaissance des travaux antérieurs et en cours, en raison de l’absence d’un système
d’information performant ;

- l’absence de processus et de critères scientifiques d’évaluation de la recherche ;

- la faiblesse des ressources financières allouées à la recherche, à laquelle s’ajoutent des


méthodes de fonctionnement bureaucratiques ;

- le manque d’un personnel hautement qualifié apte à conduire les programmes de


recherche ;

- le nombre très limité de publications issues des travaux de recherche ; le secteur agricole
ne représentant que 4% des publications de la recherche scientifique nationale ;

- l’absence d’un environnement propice à l’exercice des activités de recherche, ce qui


favorise le départ de cadres compétents vers l’enseignement supérieur ou d’autres
secteurs économiques beaucoup plus attrayants sur le plan pécuniaire ;

- la prééminence de la hiérarchie administrative sur la fonction scientifique, favorisant des


actions impulsées par la tutelle, ce qui restreint l’implication des chercheurs dans les
prises de décision ;

- les changements récurrents dans les missions assignées aux instituts techniques ayant
engendré une dispersion des actions, avec une marginalisation des activités de recherche.

142
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

A l’issue du premier quinquennat depuis la mise en œuvre de la PRAR — en particulier le


PRCHAT — les efforts consentis en matière de R&D agricole ont demeuré insuffisants.
Parmi les problèmes et insuffisances, on relève (ASTI/IFPRI and INRAA, 2014):

- Un sous-investissement patent dans la R&D agricole. Les niveaux d’investissement


restent encore en deçà des standards internationaux et sont faibles par rapport aux pays
voisins ; en 2012, l’Algérie n’a en effet investi que 0,21% de son PIB agricole dans la
R&D agricole, ce qui est nettement inférieur aux efforts fournis par ses voisins du
Maghreb ou l’objectif d’au moins 1% défini au niveau international ;

- L’absence de mécanismes de financement fiables et durables. En moyenne, 80 % des


dépenses totales des organismes de R&D agricole sont affectés aux dépenses salariales,
ce qui laisse peu de ressources pour assurer la couverture des frais de fonctionnement des
programmes de recherche. Le ratio 80:20 est même officiellement intégré dans a Loi de
finance ;

- L’État demeure la principale source de financement de la R&D agricole. Les ressources


générées par les donateurs, les prêts bancaires ou par la vente des biens et des services,
sont forts limitées ;

- L’absence de mécanismes d’incitation du secteur privé à financer la R&D agricole. La


R&D agricole menée par le secteur privé à but lucratif demeure en effet négligeable ;

- Le nombre de chercheurs agronomes a enregistré une croissance régulière en Algérie


durant la période 2009–2012. Il en est de même du niveau moyen de qualification de ces
chercheurs. Toutefois, la disparité dans le statut officiel des scientifiques travaillant en
tant que chercheurs permanents dans les centres de recherche et des scientifiques
universitaires (enseignants-chercheurs) empêche l’INRAA, l’INRF, et d’autres
organismes gouvernementaux d’offrir des salaires compétitifs et les avantages nécessaires
pour attirer, motiver et retenir le personnel scientifique. Le départ de nombreux jeunes
chercheurs en faveur des meilleures conditions dans les universités font que l’INRAA se
retrouve avec un personnel scientifique âgé et vieillissant, notamment pour ce qui est des
chercheurs titulaires d’un doctorat ;

- En termes de nombre de chercheurs titulaires d’un doctorat, la capacité de recherche


agronomique de l’INRAA semble limitée comparativement à celle de l’INRA au Maroc
et de l’INRAT en Tunisie ;
143
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

- Un manque de précision concernant les priorités de R&D à long terme.

5.4. Conclusion

L’analyse rétrospective réalisée à travers ce chapitre a mis en évidence les principaux aspects
de la trajectoire d’évolution de la politique et de la R&D agricole en Algérie. Ceci a
notamment confirmé la dimension historique et structurelle du problème de sous-
développement de l’agriculture.

La première section a été consacrée à l’évolution de la politique agricole depuis


l’Indépendance. L’analyse a révélé trois périodes majeures : la première, allant de 1962 à
1987, fut celle dite de l’ « autogestion » agricole dans le cadre du système de l’économie
planifiée d’inspiration socialiste. La seconde période fut celle de la transition vers l’économie
de marché. Bien qu’il ne soit pas évident de déterminer la fin de cette période de transition, la
hausse du prix des hydrocarbures et l’expiration du Programme d’Ajustement Structurelle à la
fin des années 1990 furent si marquants qu’il est naturel de considérer le passage à la
décennie 2000 comme le début d’une ère nouvelle. Celle-ci a en effet été marquée par
d’importants efforts de développement, lesquels toutefois peinent toujours à réaliser les
objectifs classiques de la politique agricole en Algérie, à savoir la sécurité alimentaire via la
baisse des importations, ainsi que le développement des exportations hors-hydrocarbures.

Dans la seconde section, nous avons passé en revue l’évolution du dispositif de la R&D
agricole en Algérie depuis la période coloniale. Celle-ci fut d’ailleurs caractérisée par un
investissement substantiel et une qualité avérée de la recherche et de la formation agricole.

Après l’indépendance en 1962, le Centre Algérien des Recherches Agronomiques,


Sociologiques et Économiques (CARASE) fut créé et récupéra l’ensemble des structures
existantes. En 1966, le CARASE deviendra l’Institut National de la Recherche Agronomique
d’Algérie (INRAA). Durant toute la période de l’économie planifiée, celui-ci sera
sensiblement affaibli par l’important transfert parmi ses ressources humaines et physiques
vers plusieurs Instituts de Développements devenus Instituts Techniques, tels que l’ITAFV.

Au début des années 1990, l’inefficience avérée de l’ensemble du dispositif sera à l’origine
d’un important Projet de Recherche Agricole et de Vulgarisation agricole mené par la Banque
Mondiale en Algérie. Toutefois, cet effort de développement s’est soldé par un échec, en
raison notamment du cloisonnement institutionnel entre les différents organismes de

144
Chapitre 5 Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie

recherche et de vulgarisation, mais aussi par l’insécurité régnant à l’époque, notamment dans
les zones rurales.

A la fin des années 2000, le système de R&D agricole affichait pratiquement les mêmes
faiblesses qu’une vingtaine d’années auparavant. Le premier quinquennat de la PRAR non
plus ne semble pas avoir surmonté les principales contraintes du système de R&D. Celui-ci
demeure notamment caractérisé par un sous-investissement patent dans la R&D agricole ;
l’absence de mécanismes de financement fiables et durables ; la prédominance du
financement public de la R&D agricole et l’absence de mécanismes d’incitation du secteur
privé à financer la R&D agricole ; la disparité dans le statut officiel des chercheurs travaillant
à l’INRAA et les enseignants-chercheurs universitaires ; la capacité limitée de l’INRAA en
terme du nombre de chercheurs titulaires d’un doctorat ; ainsi que le manque de précision
concernant les priorités de R&D à long terme.

145
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

6.1. Introduction

Après avoir passé en revue l’évolution de la politique publique et de la R&D agricoles dans le
chapitre précédent, nous allons présenter à travers ce chapitre l’évolution et le contexte actuel
de l’oléiculture en Algérie. A cet effet, nous allons nous baser sur les rares travaux de
recherche consacrés au problème du sous-développement de l’oléiculture en Algérie.

Ceci constitue une étape cruciale de notre travail de recherche dans la mesure où la
connaissance de la situation du secteur de l’oléiculture en Algérie d’une manière générale
facilitera sensiblement l’examen de la dynamique d’innovation en oléiculture dans la wilaya
de Béjaïa au chapitre suivant. De plus, l’analyse de la dimension historique des contraintes du
secteur de l’oléiculture nous permettra de discerner d’éventuelles particularités de la
trajectoire d’évolution de l’oléiculture par rapport à celle de l’agriculture d’une manière
générale. Cela permettra notamment de savoir si l’oléiculture algérienne a déjà connu dans le
passé une période faste à laquelle on pourrait se référer pour que le secteur puisse surmonter
les contraintes auxquelles il est confronté actuellement. L’analyse historique permet
également d’éviter la redondance des mesures de politique publique, et de mettre en lumière
les mesures qui n’ont jamais été prises dans le passé, et qui constitueraient éventuellement un
préalable pour le développement du secteur.

Comme nous l’avons constaté au chapitre 4, l’Algérie ne figure pas parmi les pays
exportateurs d’huile d’olive, et ce malgré une production assez appréciable comparée à celles
des autres pays en développement à vocation oléicole. Par ailleurs, il est de notoriété publique
en Algérie que la production de l’huile d’olive est essentiellement localisée en Kabylie, sous
forme d’une agriculture familiale, et que la part d’autoconsommation y est importante. Enfin,
le conditionnement « moderne » et la distribution de l’huile d’olive locale via le circuit formel
du commerce de détail sont plutôt rares et relativement récents. Hormis ces informations
générales, le sous-développement de l’oléiculture en Algérie en dépit de la vocation oléicole
du pays — de part sa situation géographique et l’ancrage historique et culturel de l’oléiculture
— demeure a priori paradoxal.

A travers ce chapitre, nous allons dans un premier temps retracer l’évolution du secteur de
l’oléiculture en Algérie depuis l’époque coloniale, pour ensuite procéder à la description du
contexte actuel du point de vue du processus de production et de distribution ; du cadre
institutionnel ; ainsi que par une analyse SWOT de la chaîne de valeur de l’huile d’olive en
Algérie. Nous présenterons également quelques projets de R&D en oléiculture conduits en
146
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

coopération avec des institutions internationales. Les enjeux et les défis d’une démarche de
valorisation de l’huile d’olive algérienne par les signes d’identification de la qualité et de
l’origine seront ensuite discutés d’une manière succincte. Nous terminerons par une série de
recommandations formulées par d’autres auteurs pour une modernisation de l’oléiculture en
Algérie.

6.2. Évolution de l’oléiculture en Algérie

« L’oléiculture algérienne s’inscrit dans une tradition séculaire… Cette oléiculture fonde le
paysage et la culture même des populations de certaines régions productrices comme la petite
et la grande Kabylie. Il est possible d’identifier deux types de système de production:
moderne et traditionnel, avec une forte prédominance de ce dernier… La plupart des
oliveraies (80%) sont situées dans des zones de montagne, sur des terrains accidentés et
marginaux, peu fertiles et caractérisés par une pluviométrie moyenne comprise entre 400 et
900 mm/an. Le reste des oliveraies (20%) sont localisées dans les plaines occidentales du pays
(Mascara-Sig-Relizane), où la pluviométrie moyenne annuelle est de 300-400 mm. » (Hadjou
et al., 2013, p.36)

6.2.1. L’oléiculture durant la période coloniale

Durant les années 1900, l’oléiculture du secteur traditionnel, destinée à la production de


l’huile d’olive, enregistrait un rendement moyen de 4,3 tonnes d’olives à l’hectare, et la
production nationale d’huile d’olive dépassait les 30 000 tonnes/an. Depuis cette époque et
jusqu’à la veille du déclenchement de la Guerre d’Indépendance en 1954, le régime colonial a
freiné le développement normal de l’oléiculture du secteur traditionnel, et a concentré les
efforts de développement exclusivement sur le secteur moderne de l’oléiculture, pratiquée sur
les terres de la colonisation à l’Ouest du pays, et spécialisée dans la production d’olives de
table destinées à l’exportation. En effet, les oléiculteurs du secteur traditionnel ne
bénéficiaient d’aucune mesure de soutien, et furent privés de la vulgarisation des techniques
modernes et des institutions susceptibles de leur faciliter l’acquisition de moyens de
production. Astreints à une économie de subsistance, les paysans n’ont pu ni renouveler les
plantations de façon régulière, ni moderniser leurs équipements de trituration archaïques,
responsable en partie de la qualité médiocre de l’huile d’olive. Par conséquent, les effets du
vieillissement et de l’insuffisance des soins apportés aux oliviers devaient fatalement se
manifester à long terme. En effet, le rendement moyen et la production avaient
progressivement diminué, pour se stabiliser à partir de 1940 à 1,6 tonne d’olives à l’hectare et
147
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

entre 15 000 et 20 000 tonnes d’huile d’olive par an. Cette situation s’est même empirée
durant la Guerre d’Indépendance (1954-1962) : lorsqu’elles sont épargnées par les incendies,
la quasi-totalité des oliveraies étaient enclavées dans les « zones interdites » et furent par
conséquent abandonnées. A cela s’est ajouté l’exode rural ainsi que la réorientation des
paysans vers d’autres cultures plus rentables qui ont accentué le délaissement de l’oléiculture
du secteur traditionnel. (Alloum, 1974, p.46)

6.2.2. L’oléiculture dans le cadre de l’économie planifiée

Au lendemain de l’indépendance, le parc oléicole algérien s’étendait sur une superficie de


100 000 ha et comptait environ 11 500 000 oliviers. La consommation annuelle par habitant
était de l’ordre de 1,4 kg d’huile d’olive, et la consommation globale s’élevait à 15 000
tonnes. L’oléiculture du secteur traditionnel couvrait environ 90% de la superficie totale du
verger et s’étendait sur les régions montagneuses, notamment la Kabylie, la région de Sétif et
celle de Constantine. Les conditions naturelles y sont difficiles, caractérisées par un relief
accidenté et des terres pauvres. Couvrant à peine 1,3% de la SAU, l’oléiculture du secteur
traditionnel assurait une production annuelle de 15 000 à 20 000 tonnes d’huiles d’olive. Le
rendement était très bas ; on l’estimait à une moyenne d’environ 1,4 tonne d’olives à
l’hectare. Le taux d’extraction d’huile était également faible. Il était de l’ordre de 24%. La
qualité de l’huile était médiocre, avec un taux d’acidité variant souvent entre 4 et 5 degrés.
(Ibid., pp.45-46)

Cette faible performance s’expliquait par plusieurs facteurs, à savoir (Rouighi, 1974, p.49):

- Des facteurs humains : une proportion importante de la population masculine de la


Kabylie était absente des lieux de production. L’émigration, la part importante du revenu
extérieur dans le revenu global des familles, la perte d’intérêt des montagnards à l’égard
d’une oléiculture incapable de leur assurer le niveau de vie auquel ils aspirent, ont
conduit à un abandon progressif de l’entretien des oliviers. On n’assurait plus que la
cueillette.

- Des facteurs techniques : le vieillissement du verger ; l’appauvrissement du sol, dû à un


manque de fertilisation et l’érosion favorisée par la pente abrupt des terres cultivées;
l’abandon de la taille et des travaux aratoires ; une technique de récolte (gaulage)
destructrice de pousses fructifères et meurtrissant les olives ; ainsi qu’un parasitisme très

148
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

développé (Teigne, Daccus, etc.), sont des facteurs certains de faible productivité et de
baisse cumulative des rendements.

- Des facteurs économiques : les maigres ressources financières des agriculteurs et un


marché de l’huile d’olive défavorable aux producteurs, limitent les investissements
(plantation intensive, fertilisation) ainsi que l’entretien de l’oliveraie existante.

Afin de surmonter ces contraintes, les politiques agricoles durant les premières années
d’indépendance se sont efforcées de moderniser l’oléiculture, à travers des aides financières
aux oléiculteurs pour l’achat d’un matériel adéquat, la création d’huileries modernes et de
pépinières oléicoles, la fertilisation, la fixation des prix et l’assurance d’un prix minimum
garanti. En 1969, l’Office National Algérien des Produits Oléicoles (ONAPO) fut créé pour
promouvoir la production, les techniques de trituration, le traitement et la commercialisation
des olives de table. Cependant, les effets escomptés ne se sont pas manifestés et la dualité
entre le secteur traditionnel et le secteur moderne s’est maintenue, voire accrue. (Hadjou et al.
2013, p.37)

En effet, le secteur traditionnel de l’oléiculture orienté vers la production de l’huile d’olive


n’a jusqu’alors jamais été une priorité. Par conséquent, ce secteur a traversé une longue phase
de régression depuis l’indépendance. Les récoltes annuelles moyennes d’olives sont passées
de 180 932 tonnes en 1957 à 148 964,7 tonnes entre 1969 et 1972, puis à 133 170,5 tonnes
entre 1980 et 1982. Elles auraient ensuite stagné durant une longue période. Les exportations
d’huile d’olive cessèrent à partir de 1976. Les rendements obtenus, de l’ordre de 3,8 kg par
arbre entre 1973 et 1978 et de 3,6 kg par arbre entre 1979 et 1985, seraient parmi les plus
faibles du bassin méditerranéen. Enfin, la production d’huile d’olive a rarement atteint les
15000 tonnes en moyenne annuelle au cours des trois premières décennies de la période
postindépendance, alors qu’elle dépassait régulièrement les 20 000 tonnes, voire les 30 000
tonnes pour certaines récoltes exceptionnelles, au début du siècle. (Boukella, 1996, pp.28 ;
42)

Par ailleurs, l’essentiel de l’effort de développement de la filière des huiles oléagineuses


s’était concentré sur l’industrie des huiles de graine, favorisant systématiquement, par la
politique d’investissement, de prix et de consommation, les activités de raffinage d’huiles
brutes totalement importées. (Ibid., p.41). En effet, le rapport des prix à la consommation
entre les huiles de graines oléagineuses et l'huile d'olive a été de 5 à 6 fois supérieur pour

149
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

l'huile d'olive, alors que sur le marché mondial, ce rapport n'était en moyenne que de 2,2.
(Boudi et al. 2013, p.94)

Enfin, la dissolution de l’ONAPO en 1981 a fait place à des Offices régionaux qui, plutôt que
de contribuer au développement du secteur privé, le concurrençaient et l’ont évincé durant des
années en n’assurant que les tâches strictement commerciales de l’ex-ONAPO. (Ibid.p.94)
Cependant, les restructurations de 1987 organisant le désengagement de l’État du secteur de
l’agriculture se sont traduites par un affaiblissement du poids des Offices oléicoles publics au
profit des oléiculteurs et transformateurs privés. (Boukella, op. cit., p.28)

6.2.3. L’oléiculture depuis la transition vers l’économie de marché

Jusqu’au début des années 1990, la production des olives a fluctué entre 80 000 et 200 000
tonnes/an. Environ deux tiers de la production provenaient toujours de la région Centre qui
possède également entre 85% et 90% de la capacité de transformation de l’olive
(principalement dans les wilayas de Béjaïa et Tizi-Ouzou). Avec de bonnes conditions
climatiques en 1990 et 1991, la production d’huile d’olive a atteint des niveaux record de
24 000 et 30 000 tonnes respectivement. Jusque vers la fin des années 1980, 95% de l’huile
d’olive était produite dans plus de 1 500 petites huileries artisanales privées. A la fin des
années 1980 et au début des années 1990, il a été décidé de moderniser le secteur de l’huile
d’olive industrielle. Ceci a été en partie exécuté au moyen de l’installation d’environ 200
unités modernes, dont 11 seulement appartenaient au secteur public. Il existait également 75
grandes huileries avec procédé de trituration continu, de propriété publique et privée. Les
petites unités de transformation sont souvent mal entretenues et ont des taux d’extraction
faibles, d’environ 140 litres par tonne d’olives, ce qui représente une perte moyenne de 40
litres/tonne. En termes de qualité, en raison du stockage long et médiocre des olives après la
récolte, et des conditions non-satisfaisantes de stockage de l’huile, l’acidité est trop élevée
(70% de la production a un taux d’acidité supérieur à 3,5). Les prix à la consommation de
l’huile d’olive étaient entièrement libéralisés (Banque Mondiale, 1994, pp. 23-24)

Dans le cadre du Plan National de Développement Agricole (PNDA) au début des années
2000, les pouvoirs publics consentiront des efforts d’incitation à l’investissement dans la
filière. On assista alors à un engouement des oléiculteurs pour la taille de régénération, la
confection des cuvettes, la plantation d’oliviers dans les normes, ainsi que le forage de puits
pour l’irrigation. (Sahli, 2005, p.130). Il s’en est suivi une augmentation sensible de la

150
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

production d’olives (×394 %) ; des rendements (×264%) et de l’huile d’olive (×457%) entre
2003 et 2004. (Bedrani, 2008, p.43)

Vers la fin des années 2000, l’oléiculture algérienne comptait environ 13 955 070 oliviers
plantés en masse et 3 571 110 oliviers en isolés, et occupait une superficie de 200 000 ha,
représentant environ 43% du verger arboricole nationale, et à peine 2,3% de la SAU totale.
90% du verger était toujours concentré en Kabylie, dans les wilayas de Béjaïa, Tizi-Ouzou et
Bouira. Dans cette région, la majorité des exploitations oléicoles sont de régime privé,
morcelées, de petite taille et dans l’indivision. Dans la Wilaya de Béjaïa, le nombre
d’exploitations privées avoisinait les 30 000, dont 21 % avaient une superficie de moins d’un
hectare, 55% entre 1 et 4 Ha, 15% entre 5 et 9 Ha, 7,5 % entre 10 et 19 Ha et seulement 1,5 %
avaient plus de 20 Ha. (Sahli, 2009, p.314)

6.3. Le contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

La superficie totale du parc oléicole à l’échelle nationale s'élèverait actuellement à environ


389 000 ha, soit 2,30% de la SAU avec plus de 25 millions d'arbres. (Lamani et Ilbert, 2016b)
La production de l’huile d’olive avoisine les 20 000 tonnes par an en moyenne. La majeure
partie des exploitations (70%) du secteur traditionnel sont de petite taille (inférieur à 5
hectares) et de type familial. Le verger oléicole est vieillissant avec des rendements faibles. Il
est peu entretenu et voué à l’abandon et à la détérioration dans plusieurs zones, du fait de
l’exode rural et du désintérêt des jeunes personnes. L’irrigation et la fertilisation (chimique)
sont quasi absentes. Une large partie de la production est destinée à l’autoconsommation,
quoique certains ménages en tirent un complément de revenu. La structure variétale montre la
prédominance de trois variétés produisant des huiles ayant des caractéristiques particulières:
la variété Chemlal est locale, rustique et la plus répandue en Kabylie, dans l’Atlas Blidéen,
dans la Mitidja et dans la région des Bibans ; les variétés Azeradj et Bouchouk accompagnent
les peuplements de Chemlal et permettent sa pollinisation ; enfin, la variété Aberkane est
répandue dans la région de Seddouk dans la wilaya de Béjaïa. (Hadjou, op. cit., p.36)

6.3.1. Le processus de production et de distribution

En amont de la filière, l’oléiculture est généralement pratiquée avec des moyens et des
techniques archaïques. « [...] Les moyens de productions font généralement appel à des
technologies légères car le relief accidenté ne permet pas l’implantation d’infrastructures
lourdes [...], ce qui s’explique en partie par le relief et le milieu physique, mais aussi par les

151
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

conditions économiques faibles de ces régions montagneuses. Fonctionnant sur le modèle de


l’agriculture familiale, les grands travaux (retourner la terre, la taille des arbres ou encore
grimper sur les arbres pour la cueillette des olives, …) sont effectués par les hommes. Les
techniques de production restent traditionnelles : le travail de la terre se fait à la main, il n’est
pas mécanisé car les populations sont très pauvres. Elles font toujours appel aux animaux de
trait. Quant à l’entretien du verger et à la gestion des exploitations oléicoles, les seules
activités agricoles sont le labour et la taille des arbres... Ces activités sont généralement
réalisées durant le premier trimestre de l’année, juste après la fin de la récolte des olives […]
Au niveau des oliveraies, la cueillette des olives demeure familiale, […] Elle se fait encore à
la main par les paysans (pratique du gaulage). Le ramassage des olives est généralement
réalisé par les femmes, car l’utilisation du filet ne s'est pas encore généralisée en montagne.
Les olives récoltées sont majoritairement destinées à la production de l’huile d’olive. »
(Lamani et Ilbert, op.cit., p.152)

La récolte est stockée dans un premier temps dans de gros sacs en plastique au domicile des
oléiculteurs, avant d’être transportée et livrée aux oléifacteurs qui disposent pour la plupart
d’huileries traditionnelles, et accessoirement des huileries semi-modernes ou modernes. 85%
des huileries sur un total de 1705 huileries à l’échelle nationale seraient en effet
traditionnelles38. Les différents procédés de transformation coexistent et se développent en
parallèle sans synergie notable, avec une qualité d’huile, un rendement et des coûts variables.
« La trituration traditionnelle est ancrée dans les traditions locales et dans les savoir-faire
technique et socioculturel. Le goût, tel qu’exprimé comme déterminant du choix pour la
trituration traditionnelle, peut être interprété comme partie intégrante de la culture locale. En
effet, les choix en matière d’autoconsommation locale sont induits par les modes de vie et par
les milieux socioculturels. La répartition des fonctions sociales entre les hommes et les
femmes témoignent du poids des relations sociales dans l’organisation et la répartition du
travail et sont des facteurs qui déterminent les orientations techniques. » (Ibid., p.152). « [La]
faible capacité de trituration [des huileries traditionnelles], la vétusté et la non-conformité de
leur matériel aux normes modernes (stockage, manutention), l’absence de contrôle qualité,
l’inexistence de label et les délais d’attente nuisent à la qualité de l’huile.» (Hadjou et al.,
op.cit., pp.36-37).

Par ailleurs, certaines huileries traditionnelles ont cessé de fonctionner en raison de leur faible
productivité. D’un autre côté, seul 61% du potentiel des huileries modernes est exploité. En

38
Données du MADRP reportées par Hadjou et al. (2013, p.36) et Lamani et Ilbert (2016b, p.152)
152
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

effet, leur rendement effectif moyen est de 5 quintaux/heure, alors que leur capacité de
trituration théorique dépasse 8 quintaux/heure. De plus, la majeure partie des huileries
fonctionnent moins de 6 heures/jour au début de la période de récolte en raison de la faible
quantité d’olives qui y sont acheminées, alors qu’elles opèrent jusqu’à 16 heures/jour lorsque
la période de récolte bat son plein. Les huiles obtenues sont généralement stockées dans un
emballage de récupération (jerrycans et bidons en plastique) mais rarement dans des
réservoirs en acier inoxydable. Bien que le degré d’acidité de l’huile d’olive soit un critère
déterminant pour sa commercialisation, il n’est pas réellement pris en considération. Le
rendement en huile varie généralement entre 15 et 20 litres/100 kg d’olives pour la variété
prédominante « Chemlal » et entre 20 et 26 litres/100 kg d’olives de la variété « Azeradj ». En
matière d’environnement et de valorisation des sous-produits de l’oléiculture, les margines
sont déversées directement dans le système d’assainissement pour finir dans la nature sans
qu’elles soient filtrées ou recyclées au préalable. Les grignons d’olive également se retrouvent
dans la nature pour y être brûlés, après une période de stockage. Bien qu'il y ait eu des
mesures fiscales pour décourager ce genre de pratiques, leur impact n’a pas été significatif.
(Boudi et al. 2016, p.274)

Enfin, le mode de transaction dominant entre les oléifacteurs et les oléiculteurs est la
prestation du service de trituration. Autrement dit, les oléifacteurs « ne s’approvisionnent
pas » en matière première (olive) auprès des fournisseurs (oléiculteurs), mais se contentent
plutôt de transformer les olives pour chaque oléiculteur qui récupère l’huile extraite de sa
propre récolte en vrac contre paiement. Le règlement de la transaction s’effectue soit en
espèces soit en échange d’une quantité prédéfinie de l’huile d’olive extraite. Du reste,« […] la
commercialisation emprunte à 90% le circuit informel. Il n’existe que peu de circuits de
distribution structurés. […] La vente en détail se réalise dans les marchés locaux et dans les
huileries. La qualité de l’huile est souvent douteuse, frelatée et quelque fois mélangée avec
d’autres huiles végétales à faible prix. » (Hadjou et al., op.cit., p.37)

6.3.2. Le cadre institutionnel de l’activité oléicole

Lamani et Ilbert (2016b) distinguent quatre catégories d’acteurs institutionnels


d’accompagnement de la filière oléicole en Algérie, à savoir : (a) l’administration régionale et
territoriale ; (b) les instituts techniques et de recherche ; (c) les représentants agricoles au
niveau des communes ; ainsi que (d) des organismes de normalisation, de certification et de
contrôle.

153
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

a) L’administration régionale et territoriale

L’organisation et le développement de la filière oléicole sont assurés essentiellement par


l’État, qui intervient au niveau des différents maillons de la filière oléicole, à travers ses
structures administratives :

- Le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rurale (MADR) élabore des stratégies


et définit les différentes politiques de développement de la filière, notamment à travers :
la mise en place des modalités de soutien et mesures incitatives à l’amélioration des
productions ; la mise en œuvre de la politique de renforcement des infrastructures
adéquates de collecte et de transformation des olives ; l’organisation et l’animation
interprofessionnelle ; ainsi que la mobilisation des fonds nécessaires à la mise en œuvre
des programmes ou activités liées au soutien financier.

- La Direction des Services Agricoles (DSA) est une structure administrative d’application
et de suivi des différents programmes du MADR. Chaque wilaya est dotée d’une DSA,
laquelle a pour tâche essentielle la mise en œuvre des décisions du MADR au niveau de
la wilaya, notamment celle relative au développement de l’activité agricole et
l’amélioration des potentialités existantes. Chaque DSA est à la tête de plusieurs
subdivisions réparties sur le territoire de la wilaya. A titre d’exemple, la wilaya de Béjaïa
dispose de 11 subdivisions des services agricoles (SSA).

- Les Chambres d’Agriculture de Wilaya (CAW) sont des établissements publics à caractère
industriel et commercial (EPIC), placés sous la tutelle du MADR. Elles sont fédérées en
une Chambre Nationale d’Agriculture (CNA), le partenaire des institutions
administratives et techniques locales ou nationales du développement agricole. Les CAW
regroupent des agriculteurs, des associations professionnelles et des coopératives
agricoles, telle que l’Association pour le Développement de l’Oléiculture et des
Industries Oléicoles, de Bejaia. Elles permettent la coordination, l’échange et la diffusion
de l’information entre leurs membres et les institutions publiques. Elles élaborent les
programmes en collaboration avec les DSA, tels que : i) les programmes de formation et
de perfectionnement des agriculteurs et des vulgarisateurs ; ii) l’organisation des activités
d’animation et des concours au niveau local ; iii) la coordination et l’évaluation des
activités de vulgarisation.

154
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

b) Les instituts techniques et de recherche

L’ITAFV et l’INRAA assurent l’encadrement technique et économique des différents


programmes de développement ; l’élaboration des programmes de recherche empirique ; et
contribuent à la formation et le perfectionnement du personnel technique, vulgarisateurs, ainsi
que les agriculteurs. L’ITAFV serait même la seule institution publique qui assure l’analyse
physico-chimique et sensorielle des huiles d’olives, ainsi que les contrôles sanitaires du
matériel végétal et le contrôle phytosanitaire.

c) Les Agents Communaux de Vulgarisation

Un agent communal de vulgarisation (ACV) est présent au niveau de chaque commune, au


moins une fois par semaine. C’est le représentant des institutions publiques le plus proche des
agriculteurs. L’ACV est un vulgarisateur formé aux techniques de communication et bénéficie
de formations et d’actualisations fréquentes dans les domaines techniques et de vulgarisation.
Il a pour mission de prospecter et relever les potentialités agricoles et les contraintes de la
commune, à travers les relations professionnelles avec les agriculteurs. Dans sa relation avec
les agriculteurs, l’ACV a recours à des méthodes de proximité : des visites conseil, des
séances de démonstration et des journées d'information et de sensibilisation. Le vulgarisateur
agricole est également appelé « conseiller agricole » et son rôle consiste à apporter l'appui
conseil dans le domaine technique et aussi de la gestion de l'exploitation.

d) Les organismes de normalisation, de certification et de contrôle

Avec l’ouverture de l’économie aux marchés internationaux, l’Algérie a dû entreprendre une


transformation totale de son dispositif normatif pour être en harmonie avec la législation
internationale en la matière, mais aussi pour prémunir son économie contre des risques de
plus en plus accrus liés à l’ouverture du marché national.

La mise en œuvre de la politique algérienne de normalisation a été confiée dès 1998 à


l’Institut Algérien de Normalisation (IANOR), établissement public à caractère industriel et
commercial (EPIC), placé sous la tutelle du Ministère de l’Industrie et de la Promotion des
Investissements. Le comité technique national (CTN) N°42 installé en 1993 au siège de
l’IANOR fait partie des 57 CTN créés pour la mise en œuvre et le développement de la
normalisation nationale. Ce comité technique a comme domaine d’activité les industries
alimentaires. Il est chargé des travaux de normalisation en matière de : terminologie-

155
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

échantillonnage ; les méthodes d’essais et d’analyses ; les spécifications techniques ; les corps
gras, les graines oléagineuses, les produits dérivés ; etc.

Par ailleurs, le Centre Algérien du Contrôle de la Qualité et de l’Emballage (CACQE), créé en


1989 a pour objet la protection de la santé et la sécurité du consommateur en veillant au
respect des textes réglementant ; la qualité des produits mis à la consommation ;
l’amélioration de la qualité des biens et services ; et enfin, la promotion et le développement
de la qualité du conditionnement et de l’emballage des produits mis à la consommation.

Enfin, un organisme algérien d’accréditation « ALGERAC » a été créé en 2005, avec le statut
d’EPIC placé sous la tutelle du Ministère du Développement Industriel et de la Promotion de
l’Investissement.

Le dispositif est complété par la création d’un jury national de dégustation des huiles d’olives,
composé de dégustateurs relevant de centres et d’instituts publics avec un président désigné
par l’ITAFV. Il est chargé de procéder à l’évaluation sensorielle des huiles.

6.3.3. Caractérisation de la chaîne de valeur de l’huile d’olive

Une analyse SWOT effectuée par Boudi et al. (2016, pp.283-285) a mis en exergue, de façon
synthétique, les forces et les faiblesses de la chaine de valeur de l’huile d’olive en Algérie, en
particulier dans la wilaya de Béjaïa, ainsi que les opportunités et les menaces émanant de
l’environnement local et international :

Les forces

 Un patrimoine oléicole local ancien et adapté, composé d’une large gamme de variétés ;

 Un parc oléicole en pleine expansion, avec une tendance vers une croissance constante de
la production ;

 La préférence des consommateurs pour l’huile d’olive locale pour son goût et sa couleur,
et la prise de conscience récente quant au caractère national et au savoir-faire traditionnel
qui lui procurent sa spécificité. Cette spécificité pourrait d’ailleurs constituer un puissant
instrument de protection non-tarifaire et ouvrirait la voie vers les marchés les plus
différentiés et les plus développés ;

 Un potentiel considérable du soutien de l’État au développement de la filière huile


d’olive ;
156
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

 L’émergence d'unités de production modernes avec des conditions sanitaires et des


techniques de transformation susceptibles de préserver la qualité du produit ;

 L’émergence de nouveaux acteurs dotés des moyens et de la volonté de contribuer à la


réorganisation de la filière huile d'olive en vue de répondre aux exigences de la
réglementation nationale et internationale ;

 La possibilité d'accroître le développement de la valeur ajoutée du produit national à


l’avenir, y compris par des indications géographiques.

Les faiblesses

 Le patrimoine subit une fragmentation croissante des exploitations du fait de la


succession ;

 La prédominance des anciennes techniques agricoles notamment dans les zones


traditionnelles à vocation oléicole ;

 Des fluctuations importantes de la production en fonction des conditions pluviométriques


et des problèmes de disponibilité des ressources en eau dans certaines régions
productrices ;

 Le mauvais entretien des oliviers, ainsi que les processus inadéquats de récolte et de
transformation des olives, détériorent la qualité du produit final ;

 Une très mauvaise organisation de la filière et des dispositifs de soutien


et de contrôle des programmes de développement ;

 Absence d’un marché normalisé en raison de la prédominance du marché informel ;

 Le prix de l’huile d’olive est bien supérieur aux prix en vigueur sur la marché
international, compte tenu de sa qualité relativement médiocre ;

 Le contingent accordé par l’Union Européenne bénéficiant d’avantages fiscaux n’a


jamais été exploité ;

 Une connaissance limitée des marchés internationaux en raison du manque de


coordination entre les pouvoirs publics et les acteurs privés pour une approche commune
des marchés étrangers ;

157
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

 Un financement et une aide publique épars sans résultats significatifs ;

 Une configuration désavantageuse du parc oléicole, due à un relief majoritairement


vallonné et au régime extensif qui prédomine dans les zone traditionnelle à vocation
oléicole (une densité variant entre 50 et 100 oliviers/ha greffés sur de l’oléastre) ;

 Une activité peu respectueuse de l’environnement, où les sous-produits (margines et


grignons d’olive) sont déversés directement dans la nature, constituant une externalité
négative du point de vue écologique, mais également un manque à gagner significatif.

Les opportunités

 L’existence d’une volonté et des efforts continus pour le développement de la filière ;

 Une forte croissance des marchés local et international des produits oléicoles ;

 La possibilité d’identifier des produits spécifiques ainsi que l’importance croissante de la


dimension qualité ;

 Le développement des supermarchés en faveur de la normalisation de la qualité de l’huile


d’olive ;

 La possibilité de relancer l'industrie de la transformation de l’olive et le recyclage des


déchets industriels ;

 Un potentiel d'exportation d'une huile d'olive qui répondrait aux normes de l'agriculture
bio ;

 La valorisation des sous-produits de l’olivier qui constitueraient une source de revenu


potentielle, par exemple à travers la fabrication de l’huile de grignon d’olive ou des
produits chimiques à des fins industrielles, notamment dans les secteurs pharmaceutique
et cosmétique.

Les menaces

 Un effondrement des prix et des marges bénéficiaires sur le marché local avec l’entrée en
production de nouveaux domaines ;

 L’arrivée sur le marché national des produits étrangers suite à l'entrée de nouveaux
producteurs ;

158
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

 Des difficultés à commercialiser de nouveaux produits en raison de l’évolution très lente


des habitudes des consommateurs ;

 L'accentuation des contraintes financières des producteurs en raison de l’endettement


excessif vis-à-vis du système bancaire qui peut entraver considérablement le
fonctionnement de la filière déjà fragile ;

 L’impact de la pollution environnementale.

6.4. Les efforts actuels dans la R&D en oléiculture

Sur le plan de la R&D agricole, l'INRAA et l'ITAFV, tout deux ayant des annexes dans la
wilaya de Béjaïa, mènent des projets recherche et de vulgarisation dans le domaine de
l'oléiculture, soit de manière unilatérale ou en collaboration avec des organismes
internationaux. A titre d’exemple, l'Algérie participe actuellement à au moins trois projets de
R&D et de vulgarisation menés par le COI39. Ces projets portent sur l'amélioration génétique
des olives ; l'installation d'une unité de transformation pilote à des fins de démonstration et de
formation en vue d’améliorer la qualité de l'huile d'olive; et enfin, le recyclage et l’utilisation
des margines et les grignons d'olives comme engrais.

Par ailleurs, un projet intitulé « Production de référentiels technico-économiques des


exploitations oléicoles en Algérie : constitution d’un panel »40a été mené conjointement par
l’ONFAA et le COI sur une période d’une année entre avril 2015 et mars 2016. Les effets et
impacts clés attendus de ce projet étaient comme suit :

- La mise en place de bases de données et d’indicateurs technico-économiques permettant


de disposer des repères nécessaires à une meilleure pertinence et adaptation aux réalités
des plans, programmes et projets ;

- L’amélioration des performances techniques, économiques et sociales des exploitations


agricoles et de la filière oléicole nationale ;

- La promotion du conseil pour la gestion des exploitations agricoles, très insuffisant voire
quasiment absent jusqu’alors, vu la prédominance du conseil strictement technique
(conduite culturale, protection des végétaux, ...) ;

39
http://www.internationaloliveoil.org/estaticos/view/150-r-and-d-projects
40
http://onfaa.inraa.dz/index.php/a-propos/partenariat-international/item/83-lancement-d-un-projet-de-
cooperation-observatoire-des-filieres-agricoles-et-conseil-oleicole-international.html
159
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

- La contribution au plan de renforcement des capacités nationales à travers la poursuite du


soutien en expertise entamé dans le cadre du jumelage ; par la formation de spécialistes
qualifiés de l’ONFAA, des institutions partenaires et de jeunes chercheurs par
l’association d’étudiants en ingéniorat, master et thèse ;

- La définition et la mise en place d’un dispositif organisationnel et fonctionnel de collecte


d’informations relatives aux exploitations oléicoles défini, testé et validé, au niveau de 06
wilayas pilotes, avant sa généralisation aux autres zones concernées du pays ;

- La formation de conseillers techniques aux approches et procédures de collecte des


informations, et à la restitution des résultats du traitement et de l’analyse des
informations ; ainsi que les techniciens des institutions partenaires (Instituts techniques,
Chambres d’Agriculture).

Ce partenariat constitue une opportunité pour l’ONFAA dans la mesure où il offre une
possibilité d’échange de connaissances et d’expériences en matière de technicité et de savoir-
faire pour l’ONFAA et son partenaire l’ITAFV, tout en associant les autres structures et
institutions concernées, notamment au niveau local (Chambres de l’Agriculture, DSA,
Associations professionnelles, Instituts techniques, …). Ce projet est appelé également à
contribuer au renforcement de l’ONFAA et améliorer sa visibilité par la production de
données analysées et actualisées, et leur diffusion sur le site web de façon fluide et continue.

Enfin, à la demande du Gouvernement algérien, l'Organisation des Nations Unies pour


l'alimentation et l'agriculture (FAO) a fourni une assistance technique dans le cadre d’un
projet de coopération visant la promotion de la production de l’huile d’olive biologique en
Algérie. Ce projet s’étale sur une durée de 12 mois, de février 2017 à janvier 2018. Il a pour
objectif la mise en place, dans cinq zones pilotes (Tizi-Ouzou, Batna, Tlemcen, Tipaza et
Jijel), d’un modèle de développement de l’oléiculture biologique intégrée dans des zones
montagneuses sous une approche participative impliquant des oléiculteurs ; des coopératives
et associations agricoles ; des oléifacteurs et confiseurs ; les techniciens agricoles des services
régionaux (DSA et CAW) ; Le MADRP par le biais de ses Directions ; l’ITAFV ; l’INPV ;
l’Office National Interprofessionnel des fruits légumes et viandes (ONILEV) ; les institutions
d’enseignement et recherche agronomiques ; les institutions financières (la Caisse Nationale
de Mutualité Agricole (CNMA) et la Banque de l’Agriculture et du Développement Rural
(BADR)) ; les médias ; etc. La mise en œuvre de ce projet sera concrétisée à travers un certain
nombre d’activités, à savoir (Sengui, 2017):
160
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

- La réalisation d’un diagnostic institutionnel et technique de la situation actuelle de la


filière huile d’olive biologique, à travers :

 la collecte et l’analyse de toutes les données pertinentes sur l’agriculture biologique et


plus particulièrement l’huile d’olive biologique ;

 le répertoriage des acquis de la recherche ayant trait à l’agriculture biologique et l’huile


d’olive bio ;

 l’analyse des capacités des acteurs clés intervenants dans le domaine de l’agriculture
biologique.

- L’élaboration d’une stratégie de conversion vers le mode bio ;

- Le renforcement des capacités des acteurs clés (chercheurs, développeurs et agriculteurs)


à travers :

 L’organisation d’ateliers régionaux de formation en termes d’amélioration de la qualité


de production de l’huile d’olive ;

 La mise en place d’une plateforme de partage des connaissances pour faciliter la


diffusion et l’adoption du paquet technologique de conversion vers le bio ;

 La visite d’une oliveraie et d’une huilerie biologiques.

- Le développement d’un modèle de plan de marketing pour la promotion des produits


oléicoles biologiques ;

- La formulation d’un projet de plan national pour le développement du secteur de l’huile


d’olive biologique, et l’organisation d’un atelier national de validation des différentes
composantes du projet.

Les différentes activités à mettre en œuvre dans le cadre de ce projet feront l’objet d’un suivi-
évaluation afin de générer des informations fiables sur la mise en œuvre du programme et
l’impact des formations sur les bénéficiaires. Le suivi doit concerner à la fois l’évaluation
quantitative et qualitative des activités et la performance de la structure de gestion.

6.5. La valorisation du produit par les signes d’identification de la qualité et de l’origine

« En Algérie, il n’existe aucun label ou appellation d’origine contrôlée [pour l’huile d’olive].
De même, la qualité et le goût de l’huile changent selon les régions, les variétés, les processus
161
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

de production, de conservation et de transformation. Ces habitudes locales ou régionales


aboutissent à des spécificités de l’huile produite qui portent le nom souvent de leur Wilaya
d’origine […] Le marché de l’huile d’olive en Algérie dispose d’un atout, sa tradition oléicole
de consommation de l’huile à goût fort issu des pratiques ancestrales et sortant la production
des standards internationaux. Atout dans le sens qu’il existe une culture, une certaine
éducation qui différencie notablement le goût algérien de celui du consommateur classique.
Cette spécificité peut agir comme protection non tarifaire forte (préférence aux produits
locaux avec un goût spécifique) mais aussi un moyen d’accès aux marchés les mieux
différenciés et valorisés, à condition de lui donner les standards qualitatifs requis, une identité
géographique reconnue et l’appuyer d’une forte promotion. » (Boudi et al., 2013, p.106)

« Le MADR a fait appel, dans le cadre du projet de jumelage P3A concernant la valorisation
des produits agricoles de terroir par le système de qualité et par les indications géographiques,
à des experts et ce, dans le cadre de l’accord d’association avec l’UE afin de mettre en œuvre
un protocole d’enregistrement de trois produits agroalimentaires pour l’attribution d’une
indication géographique. Le choix s’est porté sur l’enregistrement de trois produits pilotes, à
savoir la datte Deglet Nour de Tolga (Biskra), la figue sèche de Béni Maouche (Bejaia) et
l’olive de table de Sig (Mascara). Une démarche de labellisation des huiles d’olive
algériennes est également pilotée par le MADR qui affirme travailler sur une législation
adéquate à ce type de label. Néanmoins, les résultats tardent toujours à voir le jour, l’échec est
patent notamment en ce qui concerne l’implication des principaux acteurs dans une démarche
ascendante. » (Hadjou et al., 2013, p.38)

« En ce qui concerne les Indication Géographiques (IG), l’État propose pour les huiles
d’olives vierges :

- IGP El-Horra : wilaya de Tlemcen, Mascara et Relizane ;

- IGP El-Soummam : wilaya de Bejaia et de Bouira ;

- IGP El-Djurdjura : wilaya de Tizi-Ouzou ;

- IGP El-Guelma : wilaya de Skikda et Guelma.

Dans le cadre des marques collectives, une coopérative a été crée en 2008 sous le nom de
coopérative « CHOK » [(Coopérative des Huiles d’Olive de Kabylie sise dans la wilaya de
Bouira)]. Mise en place par les services du MADR avec la participation de l’UE, la

162
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

Coopérative vise, avant tout, à organiser la filière oléicole tant sur le plan production que
commercialisation. Cette coopérative, ouverte aux oléiculteurs et oléifacteurs, compte aux
dernières nouvelles 14 professionnels de la filière oléicole. [Elle …] aura comme objectif
premier la collecte de l’huile d’olive dans toute la région Kabyle, son analyse, son raffinage et
sa commercialisation dans de meilleures conditions de qualité et de prix, tant au niveau
national qu’international sous une seule marque collective «Maillot-olive ». » (Ait Mouloud,
2013, p.78)

« Dans la wilaya de Bejaia, on compte actuellement (Enquête 2013)41 trois grands acteurs
privés qui se sont installés sur le marché oléicole: le premier et le plus ancien (SNC Khodja),
se situe dans la commune de Seddouk. Les deux autres sont situés dans la commune
d’Ouzellaguen (Ifri Olive & Huileries Ouzellaguen) […] L’entreprise Huilerie Ouzellaguen,
qui n’est implantée sur le marché que depuis 7 ans, a une stratégie d’approvisionnement
d’olives purement locales. Les olives triturées par cette entreprise sont récoltées localement au
niveau de la région d’Ouzellaguen. L’entreprise commercialise ses produits sous un nom
commercial sans lien avec son lieu de localisation et d’approvisionnement et on retrouve ses
produits sous une marque privée [«Numidia»]. Les deux autres opérateurs sont, quant à eux,
plus anciens sur le marché. L’entreprise SNC Khodja a plusieurs sources
d’approvisionnement. Les olives triturées par cette entreprise peuvent être locales, nationales
et même internationales, avec un seul fournisseur actuellement qui est la Tunisie. L’entreprise
assure une trituration locale et commercialise ses huiles d’olive sous la marque «Blady».
Contrairement à SNC Khodja, l’entreprise Ifri Olive ne fait pas appel au marché international.
Les olives triturées proviennent soit de la Kabylie, dont la principale variété utilisée est
«Chemlal», soit de l’Ouest d’Algérie, où la trituration se fait séparément et l’huile est
spécifiée comme étant de l’Ouest d’Algérie. L’entreprise a opté pour une connotation d’une
marque commerciale rappelant le nom [d’un village historique environnant son site
d’implantation]. » (Lamani et Ilbert, 2016a, p.24).

« L’opportunité d’une labellisation de l’huile d’olive algérienne se heurte à de nombreux


obstacles. Trois types d’obstacles ont été diagnostiqués :

– le mode de conduite agricole (zones montagneuses difficilement accessibles, verger


morcelé, moyens de production limités) ;

41
Lamani et Ilbert, 2016a, p.24
163
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

– les modes organisationnels (manque de structuration de la filière, absence d’organisation


collective dynamique) ;

– le modèle de consommation dominant (éloigné des exigences de mise en conformité


internationale : l’arôme, la couleur, la texture de l’huile d’olive de Kabylie ne répondent pas
aux standards du COI (Conseil oléicole international) mais ils répondent à l’attente des
consommateurs locaux et algériens).

Ces obstacles montrent que les conditions d’adhésion à la mise en œuvre des signes de
protection par les IG ne sont pas réunies. Le marché informel actuel écoule la production
nationale sans qu’il soit nécessaire de construire des cahiers des charges. L’absence de vision
commune entre les consommateurs, les opérateurs et le gouvernement pourrait, comme c’est
déjà le cas dans certains pays, amener l’État à porter le projet de labellisation dans une
démarche descendante. L’intervention en faveur de la création d’IG se transformerait alors
soit en contrainte supplémentaire (cahiers des charges imposés, etc.), soit en incitation à la
mise en cohérence avec les normes internationales (formations, soutiens indirects, etc.). En
aucun cas, elle ne pourrait permettre un développement territorial assurant la gestion
préservée et concertée de la ressource et de sa valeur symbolique. » (Lamani et al., 2015,
p.149)

6.6. Recommandations pour la modernisation de l’oléiculture en Algérie

De ce qui précède, il ressort que la problématique du développement de l’oléiculture en


Algérie sous la perspective de l’innovation, en particulier dans la wilaya de Béjaïa, n’a à ce
jour jamais été examinée d’une manière explicite. Toutefois, et bien qu’elle soit plutôt
implicite, l’innovation est pratiquement omniprésente dans le modèle proposé par Hadjou et
al. (2013, pp.42-43) comme alternative à « une démarche transversale répondant à une
logique verticale » de labellisation des huiles d’olive en Algérie. Ce modèle s’articule autour
de cinq objectifs, à savoir : l’opportunité de modernisation de l’outil de production ; une
meilleure organisation de la filière ; la formation, l’acquisition des techniques managériales et
de marketing ; l’amélioration de la traçabilité et la protection des produits algériens de terroir ;
et enfin, associer les indications géographiques à un projet territorial et dans la perspective de
développement du marché local et international.

164
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

Par ailleurs, l’innovation est également présente en arrière-plan d’un ensemble de


recommandations pour la mise à niveau (upgrading) de la chaîne de valeur de l’huile d’olive
en Algérie, formulées par Boudi et al. (2016, pp.285-287) :

- Améliorer la présentation des produits (emballage) et développer une spécification pour


la commercialisation de l'huile d'olive en Algérie via le respect des normes d'étiquetage et
de traçabilité, afin de réduire l’asymétrie actuelle de l’information au détriment des
consommateurs ;

- Éliminer du marché les produits douteux et impropres à la consommation à travers la


mise en œuvre progressive de la norme du COI dont l’Algérie est signataire ;

- Réduire le phénomène d’alternance de la récolte à travers l’amélioration des techniques


de culture ;

- Améliorer les techniques de gestion des ressources hydriques pour lutter contre la
sécheresse,

- Réduire la vulnérabilité et l’exposition des oliveraies aux dégâts causés par la neige à
travers notamment le redéploiement des techniques d’élagage ancestrales ;

- Accroître la densité des oliveraies en encourageant le greffage de l’oléastre ;

- Lutter contre les ravageurs, en particulier le Daccus (mouche de l’olive), avant et après la
cueillette. En effet, la cueillette planifiée avant la maturité totale des olives ; ainsi que le
transfert immédiat de la récolte vers les huileries ; et le respect des mesures d’hygiène par
les oléifacteurs réduiraient les chances de reproduction de ce ravageur ;

- L'introduction de sociétés de services spécialisées dans l’entretien des oliveraies afin


d’assister les oléiculteurs dans l’amélioration de la productivité des oliveraies
traditionnelles à travers la promotion des techniques de production ;

- L’amélioration des techniques de gestion des cultures et le respect des normes de


production afin d’accroître le rendement et améliorer la qualité du produit ;

- La transformation et le recyclage des sous-produits de l’oléiculture afin de compenser


une partie des coûts de production ; augmenter la valeur ajoutée ; et réduire l'impact
négatif sur l'environnement ;

165
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

- Le développement des supermarchés en faveur d'une huile de qualité standardisée,


contribuera à l'amélioration du produit en assurant une « vitrine » attrayante pour le
consommateur ;

- Promouvoir la consommation domestique de l'huile d'olive afin de réduire l’importation


des huiles de graines oléagineuses ;

- Conquérir de nouveaux marchés à l’exportation (ex. Afrique, Asie) ;

- Œuvrer dans le but de remplir des critères distinctifs tels que le label d’agriculture
biologique afin d’accéder à ces nouveaux marchés ;

- Exploiter les quotas d’exportations accordés par l’UE pour l'Algérie dans le cadre des
Accords d'Association afin de conquérir le marché de la diaspora algérienne en UE ;

- La participation à des expositions et des foires organisées à l'intérieur et à l'extérieur du


pays ;

- La mise en place de contrats entre les oléifacteurs et les oléiculteurs à propos des
conditions de livraison des olives, afin de garantir une certaine stabilité de la production ;

- Valoriser l’huile d’olive traditionnelle en mettant en avant ses qualités intangibles,


notamment à travers les indications géographiques ;

- Promouvoir la coopération et la mutualisation des ressources entre différents acteurs de la


chaîne de valeur de l’huile d’olive afin de réduire les coûts de production.

6.7. Conclusion

L’étude que nous venons d’effectuer à travers ce chapitre nous a permis de retracer
l’évolution historique de l’oléiculture en Algérie et de caractériser son contexte actuel. Ceci
constitue une étape primordiale de notre travail de recherche dans la mesure où elle révèle le
caractère structurel du sous-développement de l’oléiculture en Algérie et ses contraintes
actuelles.

Les analyses et les conclusions des travaux académiques antérieurs ont mis en lumière la
dualité du secteur de l’oléiculture en Algérie, avec un secteur « moderne » pour la production
des olives de table, et un secteur « traditionnel » destiné à la production de l’huile d’olive.

166
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

Depuis l’époque coloniale, l’oléiculture du secteur moderne, pratiquée sur les plaines de
l’Oranie a toujours bénéficié d’une attention relativement meilleure de la part des pouvoirs
publics. En effet, comme ce fut d’ailleurs le cas pour toutes les cultures destinées à
l’exportation, la production d’olives de tables a bénéficié du dispositif scientifique et
institutionnel particulièrement performant développé par la France coloniale. En revanche,
l’oléiculture destinée à la production de l’huile d’olive, pratiquée essentiellement en Kabylie,
n’a jamais suscité l’intérêt des autorités coloniales, et n’a par conséquent bénéficié ni de la
R&D agricole ni des avantages institutionnels de l’époque. Après l’indépendance, cette
dualité entre le secteur traditionnel et le secteur moderne de l’oléiculture s’est maintenue,
voire même accrue.

Bien que la performance globale de l’agriculture algérienne ait été sérieusement affectée par
la vicissitude des politiques économiques depuis l’indépendance, l’impact subi par
l’oléiculture destinée à la production de l’huile d’olive a été particulièrement sévère. En effet,
l’absence de mesures de soutien substantielles s’est traduite par un désintérêt de la population
rurale pour l’oléiculture, ajouté à cela l’impact de l’émigration et de l’exode rural. Par
ailleurs, le développement de l’industrie de transformation des graines oléagineuses
importées, encouragé durant la période de l’économie planifiée s’était fait au détriment de la
production et de la consommation domestique de l’huile d’olive.

Comme ce fut le cas durant la Guerre d’Indépendance (1954-1962), l’entretien du parc


oléicole a pratiquement été abandonné durant toute la décennie 1990 en raison de l’insécurité
accrue dans les zones rurales. En revanche, des efforts de modernisation ont été fournis en
aval de la filière oléicole à travers l’installation de plusieurs unités de trituration modernes au
début des années 1990.

Ce n’est qu’au début des années 2000 que l’oléiculture a connu un regain d’intérêt, d’abord de
la part des pouvoir publics dans le cadre du Programme National de Développement Agricole
(PNDA) rendu possible grâce à l’amélioration de la situation financière du pays ; et par la
suite, du côté des agriculteurs ayant fait preuve d’un certain engouement pour les mesures de
soutien à l’oléiculture. Durant cette période, le secteur de l’oléiculture a effectivement connu
une performance relativement meilleure en termes de production et de rendement. Toutefois,
cet embellissement fut loin des exigences du secteur en termes de compétitivité et de
conformité à la norme.

167
Chapitre 6 Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie

Dans le cadre de la Politique du Renouveau Agricole et Rurale menée depuis la fin des années
2000, l’oléiculture a été désignée comme l’une des filières stratégiques du secteur agricole et
agroalimentaire. Par conséquent, elle devait faire l’objet d’un plus gros effort en matière de
soutien public. Or, ceci ne semble pas être le cas sur le terrain, mis à part quelques projets
récents en matière de coopération internationale pour la R&D en oléiculture.

Ainsi, le secteur de l’oléiculture peine toujours à s’organiser et son développement constitue


encore un défi majeur. La diversité et la complexité des contraintes rendent la situation du
secteur de l’oléiculture inextricable. De même que les contraintes du secteur sont de nature
structurelle, les changements qu’il est nécessaire d’apporter doivent l’être également. Pour
qu’une dynamique de l’innovation technologique nécessaire au développement du secteur soit
enclenchée, des innovations institutionnelles et organisationnelles majeures constituent un
préalable sine qua non. Certes la dynamique du changement devrait être alimentée et
entretenue à la fois par les acteurs des secteurs public et privé. Toutefois, compte tenu de la
situation du secteur de l’oléiculture, il est du ressort des pouvoirs publics d’enclencher le
processus de changement. A cet effet, il apparait évident que la règlementation constitue le
levier le plus approprié. En effet, l’application et l’amélioration de la règlementation s’avère
nécessaire pour éradiquer les canaux informels de distribution de l’huile d’olive en aval qui
constituent en fait l’une des contraintes majeures du secteur. Parallèlement, le recours à la
règlementation serait également nécessaire, du moins dans un premier temps, pour faire
respecter les normes d’hygiène, de transparence et de traçabilité, ainsi que les normes
environnementales par les oléiculteurs et les oléifacteurs. Ce n’est qu’à partir de là que des
acteurs privés seraient en mesure de prendre des initiatives pour une action collective visant
une meilleure organisation du secteur. Outre la règlementation, des mesures incitatives non
contraignantes dans le cadre de la politique publique pourraient également encourager la
coopération et la mutualisation des ressources entre les acteurs privés. Ce n’est que dans un
cadre aussi favorable que la modernisation du secteur de l’oléiculture via l’innovation serait
possible. In fine, des démarches pour la valorisation de l’huile d’olive par les signes
d’identification de la qualité et de l’origine auraient abouti, et le marché international
deviendrait accessible à l’huile d’olive algérienne et à d’autres produits de l’oléiculture.

168
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

7.1. Introduction

L'innovation est un processus permettant aux agriculteurs d’améliorer leurs pratiques de


production et de gestion de l’exploitation agricole. Ceci comprend la plantation de nouvelles
variétés ; la combinaison des pratiques traditionnelles et les nouvelles connaissances
scientifiques, à travers par exemple de nouvelles pratiques d’agriculture intégrée et de post-
récolte ; ou la pénétration de nouveaux marchés. Toutefois, l'innovation en agriculture
nécessite l’intervention du secteur public qui, en collaboration avec le secteur privé, la société
civile, les agriculteurs et leurs organisations, doit créer un système d'innovation qui coordonne
les interactions de ces différents acteurs en vue de favoriser la capacité des agriculteurs à
innover. (FAO, 2014)

L’analyse des systèmes d’innovation peut être menée à chacun des trois niveaux du cadre
conceptuel micro-méso-macro, selon le contexte. Une micro-analyse du SI examine les
capacités internes des entreprises sélectionnées ainsi que leurs relations extérieures en matière
d’échange de connaissances avec d’autres entreprises ou organisations non-marchandes. Une
telle analyse est menée du point de vue de l’entreprise et vise à identifier d’éventuels
disfonctionnements le long de la chaîne de valeur. (Fischer, 2001)

Dans ce cadre, l’analyse effectuée à travers ce chapitre se focalise sur les facteurs
déterminants du changement dans les techniques de production, les modes d’organisation et
les canaux de commercialisation des exploitations oléicoles dans la wilaya de Béjaïa,
autrement dit, sur l’innovation à l’échelle de l’entreprise (OCDE et Eurostat, 2005).

Suivant la méthodologie adoptée, la présente étude (Maghni et Oukaci, 2018) est basée sur un
ensemble de données collectées auprès d’un échantillon d’exploitations oléicoles dans la
wilaya de Béjaïa. A partir de cette base de données, un indice d’innovation est ensuite calculé
pour chacune des exploitations de l’échantillon. Enfin, une analyse statistique est effectuée
essentiellement à travers la régression linéaire de l’indice d’innovation sur un ensemble de
variables définies à partir des résultats de l’enquête.

Ce chapitre est structuré comme suit : dans un premier temps, nous exposons la méthodologie
appliquée, suivie des hypothèses de recherche. Nous procéderont par la suite à la description
statistique des données, qui seront utilisées ultérieurement lors d’une analyse inférentielle.
Nous terminerons par l’interprétation des résultats et quelques recommandations.

169
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

7.2. Approche méthodologique

La présente étude a été réalisée sur une base de données en coupe instantanée (cf. Tableau 39
en Annexe 14), collectées auprès d’un échantillon de 60 exploitations oléicoles situées dans la
wilaya de Béjaïa. Afin de sélectionner les exploitations à enquêter, nous avons opté pour la
méthode d’échantillonnage stratifié à allocation proportionnelle. L’univers statistique a alors
été subdivisé en 52 strates, chacune correspondant à une commune de la wilaya de Béjaïa, en
utilisant le nombre d’oliviers par commune comme base de pondération. Le nombre
d’exploitations oléicoles enquêtées dans chaque commune est alors proportionnel au nombre
d’oliviers dont elle dispose, autrement dit, à son potentiel oléicole (cf. Tableau 38 en Annexe
12). Après avoir déterminé le nombre d’exploitations à enquêter dans chaque commune, la
sélection des exploitations au sein d’une même commune a eu lieu de façon aléatoire sur la
base des fichiers des Subdivisions des Services Agricoles.

Parmi les méthodologies expérimentées visant à adapter celle du Manuel d’Oslo


(OCDE/Eurostat, 2005) aux particularités du secteur de l’agriculture (Ibid., p.167), figure la
méthodologie développée par un groupe de chercheurs universitaires qui étudient différents
aspects des entreprises de l’agro-industrie en Colombie. (Ariza et al., 2013 ; Guaitero et al.,
2013 ; Saavedra et al., 2012)

Suivant cette méthodologie, les données collectées à partir de l’enquête ont été utilisées pour
la construction d’un indice d’innovation (Innov) et la définition d’un ensemble de variables
susceptibles en principe de contribuer à l’explication des variations de cet indice. A cet effet,
la méthodologie prévoit la régression de la variable Innov (variable endogène) sur l’ensemble
des autres variables (exogènes).

Notre enquête a été menée sous forme d’un entretien en face-à-face à l’aide d’un
questionnaire semi-directif (cf. Annexe13), comprenant des questions semi-ouvertes mais
également des questions ouvertes visant à identifier les éventuelles innovations à partir de la
motivation ou l’objectif de l’oléiculteur à travers leur mise en œuvre (réduction des coûts ;
amélioration du rendement ; amélioration de la qualité du produit ; gain de temps, réduction
des risques sanitaires, environnementaux et professionnels ; la pénétration d’un nouveau
marché ; etc.) (Saavedra et al., 2012).

L'identification, la sélection et la classification des innovations parmi les changements


introduits par les exploitations enquêtées ont été effectuées grâce aux orientations de

170
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

spécialistes employés dans les Subdivisions des Services Agricoles, conformément à la


définition suivante du concept d'innovation fournie par le Manuel d'Oslo (OCDE/Eurostat,
op.cit., pp.54-55): « Une innovation est la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou
d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de
commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de
l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures [...] Pour qu’il y ait
innovation, il faut au minimum que le produit, le procédé, la méthode de commercialisation
ou la méthode d’organisation soit nouveau (ou sensiblement amélioré) pour l’entreprise.
Cette notion englobe les produits, les procédés et les méthodes que les entreprises sont les
premières à mettre au point et ceux qu’elles ont importés d’autres entreprises ou
organisations. »

Le principe de base de l’indice d’innovation consiste à faire correspondre une valeur


numérique unique pour l’ensemble des innovations de chaque exploitation oléicole. L’indice
d’innovation Innov de l’exploitation i a été défini par la formule suivante (Ariza et al., op.cit,
pp.189-190 ; Guaitero et al.,op.cit., pp.07-08) :

Où,

 l’indice j correspond à la jème innovation (cf. Tableau 40 ci-après);

 n est le nombre total d’innovations recensées ;

 La fonction indicatrice Ij prend la valeur 1 si l’innovation j a été mise en œuvre dans


l’exploitation i, ou 0 dans le cas contraire ;

 est la fréquence relative de la jème innovation au sein de l’échantillon étudié; et


enfin,

 L’exposant prend les valeurs –1, –0.5 et 0 pour les innovations "majeures",
"intermédiaires" ou "mineures" respectivement.

La fréquence prend ses valeurs sur l’intervalle . Etant donné les valeurs associées à la
puissance , les innovations rares et les innovations "majeures" sont celles qui contribuent le
plus à la valeur de l’indice d’innovation (leurs contributions sont supérieures à 1). Les

171
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

innovations "mineures" ajoutent un 1 à la valeur de l’indice Innov, qu’elles soient rares ou


courantes.

La valeur minimale de la variable Innov est 0, correspondant à une exploitation n’ayant mis
en œuvre aucune innovation. Sa valeur maximale correspond au cas extrême où toutes les
innovations sont majeures, et une seule exploitation met en œuvre l’ensemble des innovations
recensées alors que les autres exploitations n'en introduisent aucune. Une démonstration
mathématique simple donnée par les auteurs de cette méthodologie permet de constater cette
valeur :

Soient n1, n2 et n3 le nombre d’innovations mineures, intermédiaires et majeures


respectivement. On a alors : n1 + n2 + n3 = n.

Soit p la taille de l’échantillon (nombre d’exploitations enquêtées).

Étant donné que seule une exploitation introduit toutes les innovations possibles et que les
autres exploitations n’en introduisent aucune, la fréquence de chaque innovation serait 1/p.

Dans ce cas,

Ceci est en général la valeur maximale de l’indice d’innovation. Dans le cas où l’ensemble
des innovations sont majeures, la valeur maximale de l’indice d’innovation serait :

On conclut ainsi que la valeur de l’indice d’innovation appartient à l’intervalle pour


chaque exploitation de l’échantillon étudié.

L’identification des éventuelles innovations mises en œuvre dans une exploitation oléicole a
nécessité la fixation d’une année de référence. La période 2010-2015 fut choisie dans le cadre
de notre enquête pour deux principales raisons : la première est que la période de cinq ans
correspond au délai généralement observé pour l’obtention des premières productions
appréciables d’une nouvelle plantation d’oliviers (COI, 2007). La seconde raison est qu’au-
delà de cette période, il aurait été difficile aux oléiculteurs questionnés de se souvenir de
façon assez précise des changements intervenus dans leurs exploitations.

172
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

Par ailleurs, Ariza et al. (2013) et Guaitero et al. (2013) soulignent la nature dynamique et
aléatoire de l’indice d’innovation. Il est en effet dynamique car notre questionnaire auprès des
oléiculteurs porte sur les éventuelles innovations mises en œuvre au cours des cinq dernières
années. Ainsi, l’indice d’innovation n’intègre que les innovations introduites dans
l’exploitation durant cette période. Il se pourrait alors qu’une exploitation très innovante ait
un faible indice d’innovation si la plupart de ses innovations (ou du moins ses innovations
majeures et rares) auraient été introduites avant cette période. Ça pourrait également être le
cas si la plupart de ses innovations sont mineures ou ont une fréquence relativement élevée.
Enfin, la nature aléatoire de l’indice d’innovation s’explique par le fait que sa valeur dépende
de l’échantillon étudié.

7.3. Hypothèses de recherche

A priori, nous supposons que la variabilité entre différentes exploitations oléicoles en matière
d’adoption des innovations s’expliquerait à la fois par des facteurs endogènes et exogènes du
point de vue de l’exploitation oléicole.

7.3.1. Les facteurs endogènes à l’exploitation oléicole

Les facteurs endogènes examinés se rapportent au profil de l’oléiculteur et la configuration


physique de l’exploitation oléicole.

a) Le profil de l’oléiculteur

Les facteurs inhérents au profil de l’oléiculteur sont relatifs à ses capacités cognitives et
accessoirement, à son degré d’aversion au risque. Ce dernier sera approché à l’aide d’une
variable proxy, à savoir l’âge de l’oléiculteur (Age). En effet, nous supposons qu’à mesure
qu’un oléiculteur avance dans l’âge, sa réticence à introduire des changements dans son
exploitation aurait tendance à s’accroître.

Quant aux capacités cognitives de l’oléiculteur, il s’agit à la fois de sa capacité d’absorption et


ses dotations en connaissances générales, spécifiques, formelles et tacites. Naturellement, les
capacités cognitives de l’oléiculteur sont supposées contribuer de manière déterminante et
positive à l’explication de la variation du degré d’innovation entre différentes exploitations.
Ainsi, le nombre d’années d’expérience (Exp) de l’oléiculteur dans le domaine de
l’agriculture en général, et l’oléiculture en particulier, est censé mesurer les connaissances
tacites de l’oléiculteur, acquises au fil des ans via les processus d’apprentissage par la
pratique, par l’utilisation et par l’interaction. Les connaissances formelles sont mesurées (en
173
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

partie) par le nombre total d’années d’études (Etud) de l’oléiculteur (connaissances


générales), ainsi que par d’éventuelles formations supérieures (ESA42) et/ou professionnelles
en agronomie (connaissances spécifiques) (ITMAS).

b) Les caractéristiques de l’exploitation oléicole

En ce qui concerne la configuration physique des exploitations oléicoles, quatre paramètres


ont été considérés dans notre étude, à savoir la superficie et le morcellement de l’exploitation,
l’intégration verticale, ainsi que l’accès à une route ou piste carrossable. En partant du
principe selon lequel la possibilité et la perspective de réaliser des économies d’échelle incite
les oléiculteurs à mettre en œuvre des innovations, nous supposons que la superficie de
l’exploitation oléicole serait un facteur déterminant de son niveau d’innovation.

Outre la taille généralement réduite des exploitations oléicoles, celles-ci sont également
caractérisées par le phénomène de morcellement (Disp). En effet, essentiellement dans les
zones de montagne, une même famille dispose généralement de plusieurs parcelles de terre,
situées dans différents endroits, et consacrées exclusivement ou partiellement à l’oléiculture.
Par conséquent, il est logique de s’attendre à ce que ce phénomène décourage l’innovation.

Par ailleurs, lorsqu’un oléiculteur est également oléifacteur (Huil), les innovations de produit
et de commercialisation qu’il mettrait en œuvre en aval constitueront des innovations de
commercialisation en amont. De ce fait, l’intégration verticale vers l’aval est supposée influer
sensiblement et positivement sur le niveau d’innovation.

Enfin, l’impact des infrastructures sur l’innovation a été examiné à travers l’accès de
l’exploitation oléicole à une route ou piste carrossable (Route). Nous supposons qu’une
exploitation ayant accès à une route serait plus susceptible d’introduire des innovations,
particulièrement les équipements mobiles à moteur et véhicules de transport.

7.3.2. Les facteurs exogènes à l’exploitation oléicole

Conformément à l’approche des Systèmes d’Innovation, nous avons suivi une démarche
ouverte à travers notre enquête en vue de définir les sources externes d’informations et de
connaissances, susceptibles d’influer sur le niveau d’innovation des exploitations oléicoles.
Ainsi, aucune source ne fut écartée a priori. En procédant de la sorte, nous avons pu définir
un certain nombre d’organisations publiques de recherche, d’enseignement et de formation

42
Enseignement Supérieur en Agronomie
174
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

agronomiques (INRAA, Univ, ITAFV, ITMAS) ; ainsi que des organisations publiques et
privées d’intermédiation et de vulgarisation agricoles (CA, SSA, UNPA, ADOIO, AT,
FEDAO).

Eu égard aux vocations de ces organisations, et en dépit de la description plutôt défavorable


du contexte actuel et de l’historique du secteur de l’oléiculture établie sur la base de la revue
de la littérature au chapitre précédent, on s’attend à ce que les interactions entre les
oléiculteurs et quelques unes desdites organisations auraient tout de même un impact positif et
significatif sur le niveau d’innovation.

Plus précisément, étant donné le travail de proximité réalisé par les Subdivisions des Services
Agricoles (SSA) en matière d’information, de vulgarisation et d’intermédiation, ainsi que la
vocation et l’emplacement géographique de la station régionale de l’ITAFV à Sidi Aïch, nous
supposons que les interactions avec ces organisations seraient celles qui contribueraient le
plus à la capacité d’innovation des oléiculteurs.

Par ailleurs, la domination historique de l’INRAA en matière de recherche agronomique à


l’échelle nationale justifie l’anticipation d’un impact significatif de son action sur l’innovation
en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa, et cela d’autant plus qu’il y dispose d’une station
régionale (à Oued Ghir) et que des sessions de vulgarisation y sont organisées, en plus des
travaux de recherche effectués sur le terrain en interaction avec des oléiculteurs de la région.
Toutefois, la supposition d’un impact relativement modéré comparé à celui des SSA et de
l’ITAFV se justifie par le cloisonnement institutionnel entre la recherche scientifique et les
services de vulgarisation, comme il a été établi au chapitre 5.

Une autre organisation dont on s’attend à ce qu’elle ait un impact assez significatif sur
l’innovation est la Chambre d’Agriculture (CA), en raison de l’ancrage de son rôle d’interface
entre les agriculteurs et les pouvoirs publics, mais aussi du fait qu’elle offre une opportunité
d’interactions fréquentes entre différentes partie-prenantes du secteur.

En matière de formation agricole, nous avons constaté au cours de notre enquête que
l’ITMAS de Tizi-Ouzou bénéficie d’une réputation assez favorable parmi les agriculteurs de
la wilaya de Béjaïa. Par conséquent, nous nous attendons à ce que cette organisation ait un
impact significatif sur le secteur de l’oléiculture.

175
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

En ce qui concerne l’impact de la recherche universitaire et des organisations d’agriculteurs,


nos interactions avec les oléiculteurs au cours de notre enquête de terrain nous ont plutôt
laissé septiques quant à une quelconque efficacité en matière d’innovation en oléiculture.

Concernant les interactions université/entreprise, le secteur de l’oléiculture ne ferait pas


exception par rapport aux autres secteurs de l’économie algérienne (Cf. Chapitre 4). Certes,
des travaux de recherche essentiellement fondamentale sont réalisés au sein des laboratoires et
unités de recherche universitaires, en l’occurrence ceux de biologie au sein de l’Université de
Béjaïa. Néanmoins, la valorisation de ces travaux peine à se concrétiser, et le manque de
coopération entre l’Université et le secteur agricole et agro-industriel demeure patent.

Par ailleurs, des associations et organisations de producteurs existent effectivement (UNPA,


ADOIO, AT, FEDAO), quoiqu’elles soient dénuées de dynamisme.

En matière de soutien public à l’oléiculture (Aides), la nature et l’ampleur des mesures en


vigueur ne laissent guère présager un effet considérable sur le niveau d’investissement ou
d’innovation dans les exploitations oléicoles. En effet, outre la modestie des aides proposées,
la majeure partie des mesures de soutien consistent à indemniser les oléiculteurs a posteriori,
ce qui ne parait pas les motiver outre mesure, ou susciter un quelconque engouement.

En revanche, les aides publiques, notamment sous forme de bonification du taux d’intérêt
bancaire, auraient plutôt bénéficié aux oléifacteurs. Toutefois, ayant focalisé notre étude sur
l’amont de la filière oléicole, l’impact des aides publiques sur l’aval de la filière n’a pas été
examiné. Par contre, il convient de souligner qu’aucun oléiculteur de notre échantillon
d’enquête n’a affirmé avoir bénéficié d’un crédit bancaire dans le cadre de son activité
oléicole, ce pourquoi nous ne nous sommes pas penché davantage sur cette question.

Enfin, concernant les interactions entre les oléiculteurs et les autres acteurs de la chaine de
valeur de l’huile d’olive (CV), en l’occurrence les fournisseurs d’intrants et d’équipements en
amont et les oléifacteurs en aval (Lundval, 1988), nous avons supposé que l’oléiculture ne
dérogerait pas à la taxonomie élaborée par Pavitt (1984), selon laquelle le secteur de
l’agriculture fait partie des secteurs dit dominés par les fournisseurs en matière d’innovation.
Concernant l’impact des interactions oléiculteurs/oléifacteurs sur l’innovation dans les
exploitations oléicoles, notre hypothèse va dans le même sens, quoique sa vraisemblance soit
supposée relativement moindre, en raison du mode de transaction dominant. Ainsi, l’impact
escompté reposerait plutôt sur l’information que l’oléiculteur peut se procurer auprès de

176
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

l’oléifacteur concernant les répercussions de la qualité des olives sur celle de l’huile. Au
demeurant, étant donné que les oléifacteurs exercent plutôt une prestation de service, ils n’ont
aucun intérêt à exercer une quelconque pression concurrentielle sur les oléiculteurs afin que
ces derniers se conforment aux normes.

7.4. Analyse descriptive des données

L’enquête nous a permis de recenser 29 innovations mises en œuvre par les exploitations
oléicoles. La classification de ces innovations selon la méthode du Manuel d’Oslo (cf. Figure
12 et Tableau 40 ci-après) montre que 69% sont des innovations de procédé, 24% sont des
innovations de commercialisation43 et seulement 7% sont des innovations d’organisation.

Figure 12 : Classification des innovations selon le Manuel d'Oslo (2005)

7%
Innovations de procédé
24% Innovations de commercialisation
Innovations d'organisation
69%

Source : réalisé par l’auteur

Les innovations furent également classées en fonction de leur degré technologique (Figure 13
ci-dessous). Ce critère fait référence au niveau ainsi qu’aux caractéristiques techniques de
l’innovation mise en œuvre par l’exploitation en termes de distance par rapport à la frontière
technologique dans le domaine en question, mais aussi en termes d’efficacité par rapport à
l’objectif pour lequel l’innovation a été introduite. Ainsi, en nous aidant des orientations de
spécialistes, les innovations furent classées en innovations "majeures", "intermédiaires" et
"mineures".

43
Étant donné que l’individu statistique étudié soit l’agriculteur et non le transformateur, la commercialisation
des olives sous une forme transformée (huile, olive de table, pâte) fut considérée comme une innovation de
commercialisation et non de produit. On n’a ainsi recensé aucune innovation de produit, chose qui n’est pas
surprenante vu qu’une innovation de ce type ne pourrait consister qu’en l’introduction d’une nouvelle variété
d’olive, plantée comme variété principale et non marginale en vue d’améliorer la pollinisation.
177
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

Figure 13 : Classification des innovations selon le degré technologique

17%
Innovations majeures

52% Innovations intermédiaires

31% Innovations mineures

Source : réalisé par l’auteur

Tableau 40 : Innovations introduites par les exploitations oléicoles familiales


classification
j description de l’innovation kj
des innovations
1 plantation d'une variété polinisatrice -0.5
2 greffage 0
3 culture intensive en haie -0.5
4 taille de fructification 0
5 sécateur télescopique -0.5
6 mares / cuvettes de rétention des eaux pluviales 0
7 forage de puits -0.5
8 irrigation souterraine -1
9 irrigation localisée avec goutteur -1
innovations
amendement du sol avec de la matière de procédé
10 0
organique (fumier, compost)
11 vibreur de tronc avec récepteur -1
12 secoueur vibrant -1
13 peigne électrique d'aide à la récolte -0.5
14 peigne manuel de récolte 0
15 Filets 0
acquisition de cuves en plastique
16 0
pour le stockage des olives
17 Labour 0
18 désherbage manuel ou biologique 0
19 terrasses et murets de soutènement 0
20 acquisition d'un tracteur -0.5
21 huile d'olive vierge extra -1
22 huile d'olive vierge -0.5
23 pâte d'olive 0
innovations de
24 bouteille en verre fumé -0.5
commercialisation
25 bouteille en plastique de couleur sombre 0
26 création d'un site web -0.5
27 foires, salons & concours 0
28 colocation de véhicule de transport innovations 0
29 entraide pour la récolte (avdil ou tiwisi) d'organisation 0
Source : réalisé par l’auteur

178
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

7.4.1. Description des variables quantitatives

Parmi les variables susceptibles de contribuer à l’explication de la variation de l'indice


d'innovation Innov, six sont de nature quantitative et furent définies comme suit :

- Age : âge de l’oléiculteur ;

- Etud : nombre total d'années d'études de l’oléiculteur ;

- Exp : nombre d’années d’expérience de l’oléiculteur ;

- Disp : nombre de parcelles de terrain non adjacentes (ou Dispersées) faisant partie de la
même exploitation ;

- Sup : superficie de l’exploitation oléicole (en hectares).

Les valeurs de ces six variables sont synthétisées dans le tableau 41 ci-après à l’aide de six
paramètres statistiques :

Tableau 41 : Statistiques descriptives des variables quantitatives


Variables Min Q1 Médiane Moyenne Q3 Max
Innov 2,00 6,87 7,97 13,68 10,00 311,13
Winsor. Innov 2,16 6,87 7,97 8,27 10,00 14,70
Sup 1,00 1,88 3,00 14,22 5,00 360,00
Winsor.Sup 1,00 1,88 3,00 3,99 5,00 9,69
Disp 1,00 1,00 3,00 3,50 4,00 27,00
Winsor.Disp 1,00 1,00 3,00 3,05 4,00 7,00
Age 25,00 43,75 53,50 54,23 65,00 86,00
Etud 0,00 6,00 9,00 8,93 12,00 19,00
Exp 4,00 19,50 29,50 31,50 42,25 68,00
Source : réalisé par l’auteur

Sur la deuxième ligne correspondant à la variable Innov, on relève un écart manifeste entre la
valeur médiane (7,97) et la valeur moyenne (13,68) de l’indice d’innovation. Un tel écart
entre la moyenne et la médiane nous laisse suspecter la présence de valeurs extrêmes (ou
aberrantes) auxquelles la moyenne est particulièrement sensible, alors que la médiane
constitue un paramètre de position dit robuste face à la présence de telles valeurs. L’écart
important entre le 3ème quartile (10) et la valeur maximale (311,13) de l’indice d’innovation
conforte en effet cette hypothèse.

La représentation graphique de la variable Innov sur la Figure 14.a ci-après illustre d’une
manière plus perceptible l’écart entre la valeur maximale de l’indice d’innovation
179
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

(correspondant à l’exploitation N°42) et le reste des observations. Outre la valeur maximale,


le diagramme met en évidence l’existence de quatre autres valeurs extrêmes (correspondant
aux exploitations N°09, N°11, N°12 et N°21).

La présence de ces valeurs extrêmes44 indique que quatre exploitations oléicoles de


l’échantillon sélectionné, en particulier l’exploitation N°42, présentent une capacité
d’innovation largement supérieure à celle de la plupart des exploitations. Par conséquent,
l’utilisation de ces valeurs à l’état brut risque d’influencer excessivement les résultats de
l’analyse inférentielle visant à expliquer les variations de ce même indice d’innovation. Il
convient alors de corriger au préalable la série statistique de la variable Innov de ces quatre
valeurs, de manière à la rendre plus homogène.

Figure 14 : Diagrammes en boîte de l'indice d'innovation avant et après winsorisation

Source : réalisé par l’auteur

La winsorisation est une technique statistique de traitement des valeurs extrêmes d'une
distribution, qui consiste à ramener à un seuil donné toutes les valeurs situées au-delà, ou en
deçà, de ce seuil45. Autrement dit, il s’agit de rapprocher les valeurs extrêmes de part et
d’autre de la série statistique, de manière à atténuer leur influence. Dans le cas de la variable
Innov, quatre valeurs extrêmes sont excessivement élevées, à savoir celles des observations
N°09, N°11, N°12 et N°42, alors que celle de l’observation N°21 est excessivement petite.
Par conséquent, nous allons procéder à la winsorisation des deux côtés de la série ordonnée.
Les valeurs limites vers lesquelles nous allons ramener les valeurs extrêmes correspondent
aux extrémités des pattes (supérieure et inférieure) de la boîte de Tukey (Diagramme en
boîte), égales au 3ème quartile augmenté de (1,5 x écart interquartile) pour la valeur maximale,

44
qui ne sont pas le résultat d’une erreur de calcul
45
http://www.irev.fr/sites/www.irev.fr/files/insee_fr_-_donnees_carroyees_mode_de_compatibilite_0.pdf
180
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

et au 1er quartile diminué de (1,5 x écart interquartile) pour la valeur minimale. La valeur
maximale après winsorisation de la série Innov sera ainsi égale à 14,70 (= Q3 + 1.5 x IQR) et
la valeur minimale égale à 2,16 (= Q1 - 1.5 x IQR). Comme indiqué sur la 3ème ligne du
Tableau 41 ci-dessus, la valeur moyenne de la variable Winsor.Innov (Indice d’innovation
après winsorisation) égale à 8,27 est sensiblement plus proche de sa médiane (7,97). La
représentation graphique de la variable Winsor.Innov sous forme de diagramme en boite sur la
Figure 14.b ci-dessus n’indique plus aucune valeur extrême pour l’indice d’innovation.

Les cinq autres variables quantitatives du Tableau 41 ont été définies dans le but d’évaluer
leur éventuel impact sur la variation de l’indice d’innovation. Par conséquent, elles seraient
utilisées comme variables exogènes dans les modèles de régression simple et multiple.

Une des variables qui pourrait éventuellement avoir un impact sur la variation de l’indice
d’innovation est la superficie de l’exploitation oléicole. Sur la quatrième ligne du Tableau 41,
on constate que la superficie moyenne des exploitations oléicoles s’écarte sensiblement de la
valeur médiane et du 3ème quartile. On remarque aussi un écart considérable entre la superficie
maximale et le 3ème quartile. La valeur de ce dernier paramètre indique en effet que 75% des
exploitations de l’échantillon étudié ont une superficie inférieure à 5 hectares, alors que la
plus grande exploitation s’étend sur une superficie de 360 ha. Ces écarts révèlent l’existence
d’une ou plusieurs valeurs extrêmes, comme il est clairement illustré sur la Figure 15.a ci-
après. De la même manière que nous l’avons appliquée à la variable Innov, la méthode de
winsorisation permet de traiter ces valeurs extrêmes. Ainsi, le diagramme en boîte de la
variable Winsor.Sup (superficie de l’exploitation oléicole après winsorisation) représenté sur
la Figure 15.b ci-dessous ne présente plus aucune valeur extrême.

Figure 15 : Représentations graphiques de la superficie de l’exploitation oléicole (Sup)

Source : réalisé par l’auteur

181
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

Par ailleurs, il apparait clairement sur la Figure 15.c qu’il existe une corrélation positive entre
les variables Winsor.Innov et Winsor.Sup. Le coefficient de corrélation de Spearman entre les
deux variables égal à 0,82 et est effectivement proche de 1. Ceci indique que dans
l’échantillon étudié, une plus grande superficie de l’exploitation oléicole s’accompagne en
générale d’un indice d’innovation plus important. Néanmoins, l’existence d’une telle
corrélation n’établie en rien un lien de causalité entre les deux variables. Cette causalité, si
elle existe, sera vérifiée par la méthode de régression simple et/ou multiple.

Figure 16 : Représentations graphiques du morcellement de l’exploitation oléicole (Disp)

Source : réalisé par l’auteur

Sur la sixième ligne du Tableau 41 est synthétisée la variable Disp. Bien que l’écart entre les
valeurs moyenne et médiane ne soit pas exessif, le nombre maximal de parcelles de terrain
d’une même exploitation (Disp=27) est largement supérieur au 3ème quartile (Disp=4). Le
diagramme en boîte de cette variable représenté sur la Figure 16.a ci-dessus montre en effet
l’existence de deux valeurs extrêmes pour la variable Disp correspondant aux exploitations
N°14 et N°24. Au même titre que les variables Innov et Sup, le caractère atypique de ces
valeurs extrêmes a été surmonté par la méthode de winsorisation comme illustré par la Figure
16.b ci-dessus. Le nombre maximal de parcelles de terrain d’une exploitation oléicole a ainsi
été ramené au nombre de 7 parcelles.

Le nuage de points sur la Figure 16.c vise à vérifier l’existence d’une corrélation entre les
variables Winsor.Innov et Winsor.Disp. La dispersion des points sur le plan ne montrant
aucune tendance particulière, ajouté au fait que la pente de la droite de régression soit
quasiment nulle, il en ressort que les deux variables ne sont pas corrélées. Le coefficient de
corrélation de Spearman mesuré à 0,07 est d’ailleurs proche de zéro.

Sur la 8ème ligne du Tableau 41, les valeurs des six paramètres statistiques ne laissent paraître
aucune anomalie dans la dispersion des données. L’âge moyen des principaux exploitants
182
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

oléicoles est en effet quasiment identique à sa valeur médiane (53,5  54 ,23  54 ans). Le
diagramme en boîte de la variable Age sur la Figure 17.a ci-dessous confirme cette
constatation.

Figure 17 : Représentations graphiques de l’âge des oléiculteurs (Age)

Source : réalisé par l’auteur

Le graphique ne met en évidence aucune valeur extrême et présente une répartition assez
homogène des données. Ainsi, 50% des oléiculteurs questionnés ont moins de 54 ans. La
valeur du premier quartile indique que 75% des exploitants oléicoles sont âgés de plus de 44
ans, ce qui donne un aperçu de la part marginale que représente la catégorie des jeunes
agriculteurs dans le secteur de l’oléiculture dans la wilaya de Béjaïa, du moins dans
l’échantillon étudié.

Par ailleurs, sur la Figure 17.b, on ne constate aucune corrélation apparente entre les variables
Age et Winsor.Innov. Le nuage de point ne montre aucune tendance dans la variation de l’une
des variables en fonction de l’autre et la droite de régression linéaire de la variable
Winsor.Innov sur la variable Age est quasiment horizontale. En outre, le coefficient de
corrélation de Spearman entre les deux variables est de -0,12. Ce coefficient quasiment nul,
indique qu’il n’y aurait vraisemblablement aucune relation, linéaire ou non, entre les deux
variables. Autrement dit, l’âge du principal exploitant n’aurait apparemment aucun impact sur
la variation de l’indice d’innovation.

Sur la Figure 18.a ci-après, on constate également que la variable Etudes ne présente aucune
variable extrême. L’information chiffrée lue sur la 9ème ligne du Tableau 41 va évidemment
dans le même sens que celle fournie par le diagramme en boîte. De même que pour la variable
Age, la confrontation des séries statistiques Winsor.Innov et Etudes sur la Figure 18.b ne

183
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

révèle aucun trend sur le nuage de points et la droite de régression linéaire est également très
proche de l’horizontale. La valeur du coefficient de corrélation de Spearman entre les deux
variables égale à -0,01 est aussi très proche de zéro, ce qui conforte l’observation du
graphique.

Figure 18 : Représentations graphiques du niveau d’études des oléiculteurs (Etudes)

Source : réalisé par l’auteur

Les mêmes conclusions peuvent être tirées de l’observation des graphiques représentés sur la
Figure 19 ci-dessus. Il apparait en effet que la série statistique de la variable Exp est assez
homogène (graphique (a)) et qu’il n’existerait apparemment aucune relation entre les
variables Winsor.Innov et Exp, vu que le nuage de point sur le graphique (b) ne montre
aucune forme particulière et que la droite de régression soit également très proche de
l’horizontale. Le coefficient de corrélation de Spearman entre les variables Winsor.Innov et
Exp mesuré à -0,11 est également proche de zéro.

Figure 19 : Représentations graphiques de l’expérience des oléiculteurs (Exp)

Source : réalisé par l’auteur

184
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

Sur la dernière ligne du Tableau 41, on constate que l’expérience moyenne et médiane en
oléiculture des exploitants questionnés est d’environ 30 ans. Cette dernière observation
concorde avec l’âge relativement avancé des agriculteurs, ce qui dénote d’ores et déjà une
éventuelle corrélation entre les deux variable Age et Exp.

Ainsi, à moins que la régression univariée ne prévoie autrement, la variable Winsor.Sup


semble être l’unique variable quantitative devant être utilisée comme variable exogène dans
une analyse multivariée avec d’autres variables catégorielles dans le but d’expliquer les
variations de l’indice d’innovation.

7.4.2. Description des variables qualitatives

Par ailleurs, 15 variables binaires jugées a priori susceptibles de contribuer à l’explication des
variations de l’indice d’innovation ont également été identifiées.

Figure 20 : Diagramme en bâtons empilés des variables binaires


100%
90%
80%
70%
60%
50%
Modalité "0"
40%
Modalité "1"
30%
20%
10%
0%

Source : réalisé par l’auteur

La Figure 20 décrit les fréquences de ces variables définies comme suit :

 FEDAO : prend la valeur “1” si l’oléiculteur est membre de la Fédération Algérienne de


l'Olive, une organisation interprofessionnelle à but non lucratif ayant pour objectif de
coordonner les actions et mettre en relation les différents acteurs en amont et en aval de la
filière oléicole à l’échelle nationale ;

 INRAA : prend la valeur “1” si l’oléiculteur collabore et coopère de façon habituelle avec
des chercheurs de l’Institut National de Recherche Agronomique d’Algérie sis à Béjaïa ;
185
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

 AT : prend la valeur “1” si l’oléiculteur est membre de l’Association Tazarajt, une


association d’agriculteurs locale de la wilaya de Béjaïa ;

 Univ : prend la valeur “1” si l’oléiculteur collabore et coopère de façon habituelle avec
des chercheurs universitaires ;

 UNPA : prend la valeur “1” si l’oléiculteur est membre de l’Union Nationale des Paysans
Algériens ;

 ESA : prend la valeur “1” si l’oléiculteur est titulaire d’un diplôme d’Enseignement
Supérieur en Agronomie ;

 Huil : prend la valeur “1” si l’oléiculteur est également propriétaire d’une huilerie. Elle
reflète l’intégration verticale ;

 ITMAS : prend la valeur “1” si l’oléiculteur a suivi une formation à l’Institut de


Technologie Moyen Agricole situé dans la wilaya de Tizi-Ouzou, limitrophe de la wilaya
de Béjaïa ;

 ADOIO : prend la valeur “1” si l’oléiculteur est membre de l’Association pour le


Développement de l'Oléiculture et des Industries Oléicoles de la wilaya de Béjaïa ;

 Aides : prend la valeur “1” si l’oléiculteur a bénéficié des aides publiques ;

 SSA : prend la valeur “1” si l’oléiculteur se rend régulièrement à la Subdivision des


Services Agricoles de sa localité afin de s’enquérir des nouvelles mesures d’aide publique
et assister aux séances de vulgarisation ;

 CA : prend la valeur “1” si l’oléiculteur se rend régulièrement à la Chambre de


l’Agriculture de la wilaya de Béjaïa afin d’exposer les difficultés rencontrées, participer
aux débats et assister aux séances d’information et de vulgarisation ;

 CV : prend la valeur “1” si l’oléiculteur estime que ses interactions avec d’autres acteurs
de la chaîne de valeur (fournisseurs, clients ou d’autres oléiculteurs) ont contribué d’une
manière sensible à l’amélioration de son activité ;

 ITAFV : prend la valeur “1” si l’oléiculteur a suivi une formation à l’Institut Technique de
l’Arboriculture Fruitière et de la Vigne situé dans la wilaya de Béjaïa ;

186
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

 Route : prend la valeur “1” si l’exploitation oléicole dispose d’un accès direct à une voie
carrossable.

Sur le diagramme en bâtons empilés de la Figure 20 ci-dessus, on constate que la modalité "0"
est généralement la plus répandue. La variable Route fait toutefois exception puisqu’il
apparait que trois quarts des exploitations sélectionnées ont un accès direct à une voie
carrossable. On relève également que plus de la moitié des oléiculteurs ont suivi une ou
plusieurs formations à l’Institut Technique de l’Arboriculture Fruitière et de la Vigne (ITAFV)
ou assistent régulièrement à des séances de vulgarisation organisées à son niveau.

Par ailleurs, une analyse graphique de la variation de l’indice d’innovation en fonction des
modalités de chacune des variables catégorielles appuiera les résultats de la régression
univariée de la variable Winsor.Innov sur chacune d’elles. Les diagrammes en boîtes
représentés sur la Figure 21 ci-dessous mettent en évidence des différences plus ou moins
nettes du niveau de l’indice d’innovation entre les modalités des variables catégorielles. La
variation de l’indice d’innovation entre les modalités "0" et "1" est très manifeste sur la
majeure partie des graphiques à l’exception des graphiques (c) et (g) correspondant aux
variables AT et Huil respectivement. Sur le graphique (c) en effet, on ne constate qu’une
infime variation de la valeur médiane et du 3 ème quartile entre les deux modalités. Sur le
graphique (g) également, ces deux paramètres semblent assez proches. En outre, les
extrémités de la patte supérieure de la boîte de Tukey sont même identiques pour les
exploitations dotées d’une huilerie et celles qui ne le sont pas. Par ailleurs, tous les graphiques
indiquent que la valeur de l’indice d’innovation est globalement plus élevée pour la modalité
"1", ce qui est à peu près l’équivalent d’une corrélation positive entre la variable
Winsor.Innov et chacune des variables catégorielles.

187
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

Figure 21 : Diagrammes en boîte de la variation de l’indice d’innovation en fonction des modalités de chacune des variables catégorielles

(a) (b) (c) (d) (e)


FEDAO
1

1
INRAA

UNPA
Univ
AT
0

0
2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14

Winsor.Innov Winsor.Innov Winsor.Innov Winsor.Innov Winsor.Innov

(f) (g) (h) (i) (j)

ADOIO
1

1
ITMAS

Aides
ESA

Huil
0

0
2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14

Winsor.Innov Winsor.Innov Winsor.Innov Winsor.Innov Winsor.Innov

(k) (l) (m) (n) (o)


1

1
ITAFV

Route
SSA

CA

CV
0

0
2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14 2 4 6 8 10 12 14

Winsor.Innov Winsor.Innov Winsor.Innov Winsor.Innov Winsor.Innov

Source : réalisé par l’auteur à l’aide du logiciel R

188
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

7.5. Inférence statistique

L’analyse graphique que nous venons d’effectuer sur les résultats de l’enquête nous a permis
de visualiser clairement la structure de l’ensemble des données et la nature de la relation,
lorsqu’elle existe, entre la variable Winsor.Innov et chacune des autres variables quantitatives
ou catégorielles. Cependant, une telle analyse ne fait que décrire l’échantillon sélectionné et
ne permet pas de généraliser nos conclusions sur la population statistique constituée de
l’ensemble des exploitations oléicoles situées dans la wilaya de Béjaïa, en raison des
variations qui puissent exister entre différents échantillons.

Afin de tenir compte des fluctuations d’échantillonnage, nous allons recourir à l’analyse
inférentielle des données grâce à laquelle nous allons pouvoir généraliser sur l’ensemble de la
population statistique les informations obtenues à partir de l’échantillon étudié, avec un degré
de confiance de 95%.

7.5.1. Régression univariée

Avant de procéder à la régression multiple, nous avons dans un premier temps effectué une
présélection parmi les éventuelles variables explicatives. Pour cela, nous avons procédé à la
régression univariée entre la variable Winsor.Innov et chacune des autres variables
quantitatives (Tableau 42 ci-dessous).

Étant donné notre seuil de signification de 5% et les résultats de l’estimation du modèle de


régression univariée (Winsor.Innov ~ Winsor.Sup) portés sur la dernière ligne du Tableau 42,
Winsor.Sup sera l’unique variable quantitative à inclure comme variable exogène lors de
l’estimation du modèle de régression multivariée.

Tableau 42 : Résultats de la régression univariée


avec Winsor.Innov comme variable endogène
Variableexogène coefficient estimé erreur-type t de Student valeur-p
Age -0.02905 0.02686 -1.081 0.284
Etud 0.02129 0.07431 0.287 0.776
Exp -0.02611 0.02332 -1.119 0.268
Winsor.Disp -0.01371 0.20024 -0.068 0.946
Winsor.Sup 0.69975 0.08714 8.03 5.46e-11
Source : réalisé par l’auteur

Par ailleurs, afin de vérifier la variation de l’indice d’innovation en fonction des modalités de
chacune des variables binaires, nous avons effectué le test de Wilcoxon-Mann-Whitney sur la

189
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

variable Winsor.Innov et chacune de ces variables binaires. Les résultats des tests sont portés
sur le Tableau 43 ci-après.

À partir des résultats du Tableau 43, il apparait que seules les onze dernières variables devront
être testées par la régression multivariée.

Tableau 43 : Résultats du test de Wilcoxon-Mann-Whitney


avec Winsor.Innov comme variable quantitative
variable binaire valeur-p Décision
FEDAO 0.1115 La valeur-p du test de Wilcoxon-Mann-Whitney étant
AT 0.9053 supérieure au seuil de signification de 0,05, l’hypothèse
nulle selon laquelle la valeur de l’indice d’innovation ne
Huil 0.9926 varie pas en fonction de la modalité de la variable binaire, ne
Route 0.1684 peut être rejetée.
Aides 0.0008484
ESA 0.002498
INRAA 0.004529
ITAFV 4.553e-05
ITMAS 0.0004375 La valeur-p du test de Wilcoxon-Mann-Whitney étant
inférieure au seuil de signification de 0,05, l’hypothèse nulle
Univ 0.02608
selon laquelle la valeur de l’indice d’innovation ne varie pas
ADOIO 0.004155 en fonction de la modalité de la variable binaire, est rejetée.
UNPA 0.04879
CA 1.028e-06
SSA 2.477e-06
CV 0.006661
Source : réalisé par l’auteur

7.5.2. Régression multivariée

Étant donné le nombre important de variables exogènes que nous avons voulu inclure dans le
modèle de régression multiple, nous avons d’abord eu recours à la méthode dite de régression
"pas à pas" (stepwise regression) (Stowell, 2014; R Core Team, 2016), avant d’affiner le
modèle sélectionné manuellement.

190
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

Tableau 44 : Résultat de la régression multivariée généré par le logiciel R

Source : réalisé par l’auteur

7.5.3. Validation du modèle

Avant de retenir définitivement le modèle obtenu comme étant celui qui expliquerait le mieux
les variations de l’indice d’innovation, nous avons dû vérifier d’abord que le modèle
sélectionné respecte bien les hypothèses fondamentales de la régression linéaire, et que les
résultats n’ont pas été altérés par une ou plusieurs observations excessivement influentes.

À cet effet, nous avons d’abord procédé au test de Shapiro-Wilk sur la série des résidus
standardisés issus de la régression sélectionnée. Les résultats du test sont portés sur le Tableau
45 ci-dessous.

Tableau 45 : Résultat du test de normalité Shapiro-Wilk sur la série des résidus standardisés
Shapiro-Wilk normality test

data: rstudent (lm (Winsor.Innov ~ Winsor.Area + INRAA +VC, olive))

W = 0.99018 , p-value = 0.9119


Source : réalisé par l’auteur

On constate que la valeur-p du test Shapiro-Wilk est supérieure au seuil de signification de


5% (valeur-p = 0,9119 > 0,05). Par conséquent, il nous est impossible de rejeter l’hypothèse
nulle de normalité pour la distribution de la série des résidus issus de la régression. Au seuil
de 5%, l’hypothèse de normalité des erreurs a donc bien été respectée.

191
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

Tableau 46 : Résultats des tests d’hétéroscédasticité Breusch-Pagan


studentized Breusch-Pagan test

Test 1 data: lm (Winsor.Innov ~ Winsor.Area + INRAA + VC, olivdata)

BP = 4.2848 , df = 3 , p-value = 0.2323

Non-constant Variance Score Test

Test 2 Variance formula : ~ fitted.values

Chisquare = 0.2811941 Df = 1 p = 0.5959196


Source : réalisé par l’auteur

Afin de tester l’hypothèse d'homoscédasticité des erreurs, nous avons procédé aux deux
versions du test de Breusch-Pagan. Les résultats rapportés au Tableau 46 ci-dessus montrent
que la valeur-p dans les deux tests est supérieure au niveau de signification de 0,05. Par
conséquent, l'hypothèse nulle d'homoscédasticité des erreurs de la régression ne peut être
rejetée.

Tableau 47 : Résultat du test de Bonferonni sur les valeurs aberrantes


No Studentized residuals with Bonferroni p < 0.05

Largest :

rstudent unadjusted p-value Bonferroni p

15 2.654483 0.010367 0.62202


Source : réalisé par l’auteur

Par ailleurs, le résultat du test de Bonferonni, porté au Tableau 47 ci-dessus, ne met en


évidence aucune valeur aberrante. En effet, l’observation ou l’exploitation N°15
correspondant à la valeur absolue maximale des résidus standardisés, affiche une valeur-p
supérieure au seuil de signification de 5%. (< 0,62202).

Sur le Tableau 44, on constate que la valeur-p du test de Fisher est largement inférieure au
seuil de signification de 5% (valeur-p = 1.493 e-11 < 0.05), et que la valeur du coefficient de
détermination ajusté ( = 0,591) est plutôt proche de 1. Ces résultats indiquent que le modèle
estimé est globalement significatif. Ainsi, d’après le résultat du test de Fisher, l’hypothèse
nulle selon laquelle les coefficients du modèle seraient tous nuls est rejetée. Quant à la valeur
du coefficient de détermination ajusté, elle indique que le modèle estimé expliquerait environ

192
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

60% des variations de l’indice d’innovation entre les exploitations oléicoles de l’échantillon
d’enquête.

7.5.4. Résultats statistiques

Le résultat de la régression multivariée indique que seules trois parmi les douze variables
supposées a priori contribuer à l’explication des variations de la variable Winsor.Innov
auraient des coefficients significativement différents de 0, à savoir : Winsor.Sup, INRAA et
CV. En effet, la valeur-p du test de Student calculée pour chacun de ces coefficients est
inférieure au seuil de signification =5%. Ainsi, l'hypothèse nulle selon laquelle un de ces
coefficients est nul a été rejetée.

La valeur estimée du coefficient de la variable Winsor.Sup, égale à 0,56644, indique qu’en


moyenne, une exploitation oléicole dont la superficie dépasse celle des autres exploitations
d’un hectare, toutes choses étant égales par ailleurs, aurait un indice d’innovation supérieur
d’un écart égal à 0,56644.

D’une manière générale, la valeur estimée du coefficient d’une variable binaire exprime la
différence moyenne de l’indice d’innovation entre les exploitations dont la variable binaire
prend la modalité "1" et celles ayant la modalité "0", toutes choses étant égales par ailleurs.

Dans le cas présent, les coefficients des variables INRAA et CV sont positifs. Plus
précisément, les valeurs estimées des coefficients des variables INRAA et CV sont égales à
3,12665 et 1,25041 respectivement.

Ainsi, INRAA est la variable qui influence le plus la valeur de l’indice d’innovation, suivie par
CV puis Winsor.Sup.

7.6. Discussion des résultats

Un des résultats majeurs de ce travail de recherche est l’absence de l’impact attendu des
capacités cognitives de l’oléiculteur sur l’innovation. Contrairement à nos hypothèses de
départ, les éléments de base du profil de l’oléiculteur (l’expérience, le nombre d’années
d’études et même l’âge de l’oléiculteur) n’influenceraient en aucune manière le niveau
d’innovation de son exploitation. Les oléiculteurs ayant suivi des études supérieures (ESA)
et/ou professionnelles en agronomie (ITMAS) ne présentent pas non plus un niveau
d'innovation plus élevée.

193
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

En référence à la taxonomie définie par Possas et al. (1996), les résultats de notre étude ont
montré que les performances en matière d’innovation des exploitations oléicoles familiales de
la wilaya de Béjaïa proviennent d'une seule source institutionnelle publique, à savoir la
branche locale de l'INRAA. En revanche, ni l’institut technique et de recherche agricoles
(ITAFV), ni les interactions des oléiculteurs avec l'administration agricole locale (SSA et CA)
n’ont eu d’impact sur le niveau d’innovation dans les exploitations oléicoles au cours des cinq
années couvertes par la présente étude. Sur ce plan, nos hypothèses de départ ont ainsi été
infirmées, à l’exception de celle relative à l’efficacité de l’INRAA. En revanche, l’hypothèse
concernant la collaboration université/entreprise en matière de R&D agricole a été vérifiée.
Ainsi, les oléiculteurs ayant des interactions avec des chercheurs universitaires (Univ) ne se
distinguent pas par un niveau d'innovation plus élevé. Les associations et organisations à but
non lucratif (UNPA, ADOIO, AT, FEDAO) non plus n’ont pas été suffisamment efficaces
pour le développement de l'innovation.

Ainsi, les oléiculteurs semblent ne pas tirer avantage des externalités de connaissances
opérationnelles en provenance de la plupart des institutions et organisations existantes. Cela
pourrait s’expliquer sous différentes perspectives. La plus évidente serait l’inefficacité de la
gouvernance desdites institutions et organisations ; de la qualité des connaissances qu’elles
produisent ; et/ou des processus de transfert et de diffusion de connaissances.

Si l’on se réfère aux résultats théoriques (Pavitt, 1984; Dosi, 1988), la plupart des innovations
en oléiculture consisteraient en de nouveaux intrants et équipements. Notre étude a en effet
montré que les interactions des agriculteurs avec d'autres acteurs de la chaîne de valeur (CV)
constituent l'un des trois facteurs expliquant la performance des exploitations oléicoles en
matière d’innovation.

Pour que les oléiculteurs puissent introduire des innovations, des ressources financières
suffisantes leur sont nécessaires. Les aides publiques auraient en principe contribué à
surmonter cette contrainte, mais comme nous l’avions prévu, il ressort de notre étude qu'elles
ne motivent pas les agriculteurs à innover davantage.

Le troisième facteur d’innovation que notre étude a révélé est la taille des exploitations
oléicoles. Ce résultat est en accord avec notre hypothèse de départ. En effet, nous avons
supposé que la superficie de l’exploitation oléicole serait un facteur déterminant de son niveau
d’innovation. Parce que les grandes exploitations pourraient réaliser des économies d'échelle,
elles sont plus à même d'investir dans l'innovation. Toutefois, il s’est avéré que les autres
194
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

caractéristiques physiques de l’exploitation oléicole (morcellement, intégration verticale,


infrastructure) n’affectent en rien sa capacité d’innovation.

Sous la perspective des Systèmes d’Innovation Agricoles, les résultats de cette étude montrent
que :

- Le sous-système de l’enseignement et de la R&D agricoles dans le secteur de


l’oléiculture de la wilaya de Béjaïa serait dominé par l’INRAA, alors que la contribution
de l’enseignement supérieur et de l’enseignement professionnel en agronomie serait
marginale ou nulle ;

- Le long de la chaîne de valeur de l’huile d’olive, les interactions utilisateur/producteur


contribuent sensiblement à la performance des exploitations oléicoles en matière
d’innovation. Les économies d’échelle potentielles inhérentes à une plus grande surface
agricole utile constitueraient également une incitation à l’innovation dans les
exploitations oléicoles. En revanche, l’intégration verticale ne semble pas encourager
l’innovation en amont ;

- Dans le domaine des institutions-relais, ni la vulgarisation (ITAFV) ni les organisations


de coordination publiques (SSA et CA) ou privées (UNPA, ADOIO, AT, FEDAO) ne se
sont avérées efficaces. La collaboration université/entreprise non plus ;

- Enfin, le cadre environnemental également, décrit en termes d’infrastructures et de


soutien public, ne favorise pas la performance des exploitations oléicoles en matière
d’innovation.

195
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

7.7. Conclusion

L'étude que nous venons de réaliser a montré que les oléiculteurs de la wilaya de Béjaïa
semblent ne pas profiter de leurs interactions avec la plupart des sources institutionnelles de
connaissances et de l'information. Cela remet en question l'efficacité de la gouvernance de ces
institutions et/ou les connaissances qu'elles produisent, transfèrent et diffusent. Néanmoins,
une institution semble être une exception, à savoir la branche locale de l'INRAA. En effet,
notre étude a montré que les agriculteurs ayant des interactions directes avec des chercheurs
de cette institution ont en général, une meilleure capacité d'innovation.

Dès lors, la moindre des mesures que les pouvoirs publics devraient prendre est de définir les
priorités à long terme en matière de R&D agricole et leur assurer un financement soutenu.
Cependant, les mesures d’interventions doivent être suffisamment indépendantes des
fluctuations budgétaires, afin d’assurer une trajectoire de développement durable du secteur
oléicole. A cet effet, des mécanismes innovants, tels que des partenariats public-privé dans le
domaine de la recherche agricole, doivent être explorés pour stimuler le financement privé de
la R&D agricole, d’autant plus que l’État est jusque-là la principale source de financement.
(ASTI/IFPRI et INRAA, 2014).

L’efficacité avérée de l’INRAA constitue évidemment un point positif dans l’appréciation de


l’état du secteur de l’oléiculture dans la wilaya de Béjaïa, et devrait de ce fait être pleinement
exploitée et même renforcée. Néanmoins, l’absence d’impact des autres organisations sur
l’innovation en oléiculture constitue un constat alarmant. Bien qu’une meilleure gouvernance
desdites organisations soit nécessaire sinon souhaitable, il faudrait surtout mettre l’accent sur
le renforcement des interactions entre ces organisations et les oléiculteurs, ainsi que sur une
meilleure coordination des actions des diverses parties-prenantes, en vue de réaliser la
synergie nécessaire à la dynamisation du secteur de l’oléiculture.

Un autre résultat majeur de ce travail de recherche est l’absence de l’impact attendu des
capacités cognitives de l’oléiculteur sur l’innovation. Ce résultat nous laisse suggérer deux
explications plausibles. La première serait l’inefficacité en matière d’innovation des
connaissances des oléiculteurs, ce qui remet en question la qualité du système et de la
politique d’enseignement général, et ceux de l’enseignement supérieur et de la formation
professionnelle agronomiques en particulier. Dans ce cas, il serait à la charge des pouvoirs
publics un préalable sine qua non d’y remédier de façon structurelle, afin de pouvoir
escompter un éventuel dynamisme du secteur de l’oléiculture en matière d’innovation. La
196
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

seconde explication vraisemblable serait de nature systémique, en ce sens que l’impact


attendu du niveau des connaissances sur l’innovation soit conditionné par d’autres facteurs
fondamentaux, inefficaces en l’occurrence.

Outre la disponibilité et l'efficacité des sources publiques de connaissances et d'informations


agricoles, la question de l'innovation dans le secteur oléicole de la wilaya de Bejaia devrait
également être abordée du point de vue des incitations. Ainsi, les mesures de politique
publique devraient se concentrer non seulement sur le renforcement des institutions de
connaissances agricoles, mais aussi sur des leviers susceptibles d'encourager la coopération et
stimuler la concurrence le long de la chaîne de valeur de l'huile d'olive.

Les interactions entre les oléiculteurs et les autres acteurs de la chaine de valeur de l’huile
d’olive, en l’occurrence les fournisseurs d’intrants et d’équipement en amont, et les
oléifacteurs en aval, constituent d'ailleurs un deuxième facteur déterminant du niveau
d’innovation des exploitations oléicoles dans la wilaya de Béjaïa. En fait, ce résultat n’a fait
que confirmer notre hypothèse de départ. En nous basant sur la taxonomie élaborée par Pavitt
(1984), selon laquelle le secteur de l’agriculture fait partie des secteurs dits « dominés » ou
« poussés par les fournisseurs » en matière d’innovation, nous avons supposé que l’oléiculture
ne dérogerait pas à la règle. Concernant l’impact des interactions oléiculteurs/oléifacteurs sur
l’innovation dans les exploitations oléicoles, notre hypothèse allait dans le même sens,
quoique sa vraisemblance fût relativement moindre, en raison du mode de transaction
dominant, à savoir la prestation de service de trituration par les oléifacteurs.

En ce qui concerne la configuration physique des exploitations oléicoles, la taille de


l’exploitation oléicole s’est avérée être un facteur déterminant de son niveau d’innovation.
Toutefois, comme indiqué par notre échantillon d’enquête et confirmé par les travaux de
recherche précédents, le secteur de l’oléiculture dans la wilaya de Béjaïa est dominé par les
petites exploitations familiales. Afin de concilier cette configuration contraignante des
exploitations et les avantages des économies d’échelle en matière d’innovation, les pouvoirs
publics devraient promouvoir les coopératives agricoles comme forme d'organisation
appropriée en vue de mutualiser le capital physique mais aussi humain, et surmonter les
contraintes de taille de la plupart des exploitations familiales en réalisant des économies
d'échelle. Sur ce plan, le rôle principal des pouvoirs publics consiste à assurer la coordination
des actions des différentes parties prenantes et à vulgariser les règles de fonctionnement et les
avantages des coopératives agricoles dans une économie de marché et ce, afin de rompre avec

197
Chapitre 7 Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa

le spectre de la période d’économie planifiée et l’appréhension des agriculteurs et des


entrepreneurs à l’égard de toute forme de propriété collective ou de mutualisation de moyens
de production.

Enfin, pour que les oléiculteurs puissent introduire des innovations, des ressources financières
suffisantes leur sont nécessaires. Or, aucun des oléiculteurs interrogés au cours de notre
enquête n'a contracté un emprunt bancaire, ce pourquoi nous n'avons pas inclus le
financement bancaire comme variable de contrôle. Par ailleurs, l'oléiculture n'est pas la
principale source de revenus et/ou activité agricole de la plupart des exploitations familiales.
Par conséquent, il ne nous a pas été possible d'obtenir des informations sur la capacité
d'autofinancement des oléiculteurs. Néanmoins, la plupart des familles disposeraient de
revenus faibles ou modérés. Par conséquent, les agriculteurs trouveraient trop élevé le coût
d'opportunité du temps et de l'argent à engager dans les activités d'innovation en oléiculture.
Les subventions publiques auraient permis de surmonter cette contrainte, mais il ressort de
notre étude qu'elles ne motivent pas les agriculteurs à innover davantage.

198
Conclusion générale

Parmi les différentes démarches méthodologiques qui auraient pu être adoptées en vue
d’appréhender la question de la dynamique d’innovation en oléiculture dans la wilaya de
Béjaïa, celle qui a été sélectionnée afin de mener à bien ce travail de recherche a mis l’accent
sur la dépendance du secteur à sa trajectoire d’évolution historique ; le rôle de la connaissance
et de l’information, ainsi que les interactions de l’entreprise avec son environnement dans le
processus d’innovation.

Doté des principes théoriques adéquats et placé dans un cadre conceptuel éclairant, notre
travail n’a révélé son aspect pragmatique qu’à partir du quatrième chapitre, consacré à une
analyse comparative (benchmarking) des propriétés et des performances du Système
d’Innovation Agricole (SIA) en Algérie par rapport à un échantillon de huit pays en voie de
développement, à savoir : la Tunisie et le Maroc ; l’Égypte, la Jordanie, le Liban et la
Turquie ; ainsi que l’Argentine et le Chili. Ces pays ont été sélectionnés sur la base du volume
annuel moyen des exportations de l’huile d’olive sur la période 1990-2016. Cette analyse a
permis de constater, ou plutôt de confirmer la très faible performance relative du SIA en
Algérie, et de mettre en lumière les contraintes à l’innovation en agriculture dans les
différents domaines. L’ampleur relative des contraintes permettrait notamment de définir les
priorités des actions à entreprendre en matière de politique publique. Trois catégories de
contraintes ont été constatées : majeures, mineures et intermédiaires.

Les contraintes majeures de l’innovation en Algérie dans le secteur de l’agriculture se


rapportent aux dépenses publiques extrêmement faibles en matière de R&D agricole ; au
niveau du développement technologique excessivement bas ; au manque de collaboration
université/entreprise en matière de R&D agricole ; à la difficulté d’accès des agriculteurs
pauvres et de la gent féminine aux services de recherche et de vulgarisation agricoles ; à la
difficulté d’accès des petits agriculteurs aux marchés des intrants et des produits agricoles ;
aux dépenses insuffisantes en matière de technologies de l'information et de la
communication ; à la faible contribution des facteurs de l’innovation à la compétitivité de
l’économie nationale, et du secteur de l’agriculture en particulier ; ainsi qu’à la corruption.

Par ailleurs, des contraintes d’un niveau intermédiaire ont également été identifiées, à savoir :
une insuffisance des investissements publics pour le développement de la recherche, de
l’enseignement et de la formation agricoles ; une insuffisance des ressources humaines dans la
R&D agricole, en l’occurrence le nombre de chercheurs agricoles ; un retard visible en
matière de production scientifique ; l’inégalité d'accès des garçons et des filles à l'éducation

199
Conclusion générale

dans les zones rurales et un taux d'analphabétisme relativement élevé parmi les agriculteurs et
la population rurale en général ; une insuffisance des investissements publics pour le
développement de la vulgarisation et des coopératives agricoles ; l’inefficacité ou
l’insuffisance du transfert technologique via les IDE vers le secteur de l’agriculture en
Algérie; le niveau relativement bas du stock de capital et la sous-utilisation des intrants
modernes dans le secteur agricole ; la faiblesse relative du régime de protection des droits de
propriété physique et intellectuelle ; la mauvaise gouvernance, notamment en termes de
responsabilité et de transparence en matière d’allocation des ressources publiques,
particulièrement celles qui sont destinées au développement rural.

Enfin, des contraintes relativement mineures, quoique perceptibles, concernent : la qualité des
institutions de recherche scientifique et dans une moindre mesure, la qualité du système
éducatif ; l’insuffisance des investissements publics pour le développement des services
financiers agricoles ; un climat des affaires défavorable à l’investissement dans les zones
rurales ; l’insuffisance de l’aide extérieure à l’agriculture ; la qualité de l’environnement
politico-légal en faveur des organisations d’agriculteurs et de l’action collective ; ainsi que le
niveau de l’insécurité dans le pays, lequel est certainement meilleur que dans le passé (durant
la décennie 1990 et début des années 2000) mais qui demeure plutôt élevé en comparaison
avec les pays considérés dans notre étude.

Cet ensemble de contraintes révèle d’ores et déjà la complexité de la problématique du sous-


développement de l’agriculture en Algérie, et confirme nos hypothèses de départ quant à
l’environnement institutionnel défavorable, l’inefficacité des politiques publiques et le niveau
insuffisant du savoir-faire et du développement technologique.

En retraçant de manière plus ou moins approfondie (et certainement non exhaustive)


l’évolution du secteur de l’agriculture et de l’oléiculture en particulier, ainsi que la R&D
agricole en Algérie, depuis l’époque coloniale jusqu’aux années récentes (Chapitres 5 et 6),
notre hypothèse de recherche relative la dimension historique du problème s’est avérée.

La rétrospective historique basée sur une revue de la documentation a révélé qu’en moins
d’un demi-siècle, l’agriculture algérienne a été profondément chambardée sous au moins trois
régimes successifs et particulièrement dissemblables, ce à quoi s’ajoute l’impétuosité des
transitions d’un régime à l’autre.

200
Conclusion générale

Durant la période coloniale, l’agriculture constituait le secteur d’activité économique le plus


florissant. S’étant accaparé des meilleures terres agricoles et ayant à sa disposition une main
d’œuvre bon marché, le régime colonial a longtemps encouragé la mise en valeur et
l’exploitation efficiente des terres par les colons européens. Ainsi, la R&D agronomique,
l’enseignement, la formation et la vulgarisation agricoles ont été particulièrement développés,
notamment par la création de l’Institut Agricole Algérien (IAA) en 1889 et la station de Sidi-
Aïch pour l’arboriculture fruitière une cinquantaine d’années plus tard. Dans cette dynamique,
l’innovation fut alors une conséquence logique 46. Toutefois, ces performances n’ont bénéficié
qu’aux cultures sciemment favorisées, destinées au marché de l’exportation, essentiellement
vers la France métropolitaine. Dans le domaine de l’oléiculture en l’occurrence, la production
de l’olive de table dans l’Oranie a été largement développée. En revanche, l’oléiculture
destinée à la production de l’huile d’olive a demeuré archaïque, pratiquée comme culture
vivrière par la population indigène, essentiellement dans les régions montagneuses de
Kabylie. En outre, l’état de cette oléiculture dite traditionnelle s’est davantage dégradé durant
la Guerre de Libération. (Alloum, 1974)

Après l’indépendance, les fermes coloniales abandonnées furent exploitées par des collectifs
de travailleurs dans le cadre du système d’autogestion. Toutefois, cette économie coopérative
ou participative s’est vite transformée en une économie planifiée. Au début des années 1970,
dans le cadre de la révolution agraire, les terres agricoles privées non exploitées furent
nationalisées et de large Domaines Agricoles Socialistes (DAS) ont par la suite été créés.
(Bedrani et Bourenane, 1986 ; Bedrani, 1990 ; Sutton et Aghrout, 1992). En matière de R&D
agricole, le Centre Algérien des Recherches Agronomiques, Sociologiques et Économiques
(CARASE) a été créé durant cette période pour récupérer l’ensemble des infrastructures
existantes. En 1966, le CARASE a été remplacé par l’Institut National de la Recherche
Agronomique d’Algérie (INRAA). En matière d’oléiculture, la situation ne s’est guère
améliorée en dépit des quelques efforts consentis par les pouvoirs publics. Au contraire, outre
l’oléiculture traditionnelle, l’oléiculture destinée à la production d’olives de tables s’est
également dégradée durant cette période.

Cet échec patent de la politique engagée s’est accentué avec le contre-choc pétrolier de 1986,
à la suite duquel le secteur agricole connaitra une réforme dès 1987, marquée par une
politique d’austérité. La réforme fut surtout caractérisée par le désengagement de l’État dans
46
Comme en témoigne l’exemple de la clémentine, fruit des travaux de recherche menés conjointement par le
botaniste et médecin français, Louis Charles Trabut et de Vital Rodier (Frère Clément), chef des pépinières de
l’orphelinat agricole de Misserghin, près d’Oran.
201
Conclusion générale

la gestion des exploitations agricoles et le morcellement des DAS en Exploitations Agricoles


Collectives (EAC) et Exploitations Agricoles Individuelles (EAI) de tailles relativement
petites. Les agriculteurs se sont vus ainsi réattribuer l’autonomie de gestion des exploitations
et par là même la responsabilité de les rentabiliser (Pluvinage, 1990). Durant cette période, le
système de R&D agronomique a connu un changement structurel caractérisé par un certain
tâtonnement. Plusieurs organisations ont été créées alors que d’autres ont été restructurées,
comme ce fut le cas de l’Institut Technique d’Arboriculture Fruitière et de la Vigne (ITAFV),
créé en 1987 suite à fusion de l’IVV et de l’ITAF. Par ailleurs, la politique dite « des
industries industrialisantes » menée jusqu’alors a en fait relégué le secteur de l’agriculture au
second plan. En l’occurrence, le développement massif de l’industrie de transformation de
graines oléagineuses importées pour la fabrication d’huiles alimentaires a sensiblement
affecté le secteur de l’oléiculture (Boukella, 1996 ; Boudi et al., 2013).

Dans un contexte d’instabilité politique et sociale, la transition vers l’économie de marché au


début des années 1990 et la mise en place du Programme d’Ajustement Structurel (PAS)
pénalisa davantage l’agriculture algérienne. Les prix des intrants agricoles importés ont
sensiblement augmenté suite à la suppression des subventions et la libéralisation du
commerce extérieur ; les crédits bancaires accordés aux exploitations agricoles connurent une
nette diminution ; et le taux d’intérêt crût d’une manière significative. L’ensemble de ces
éléments eurent pour principale conséquence une tendance au désinvestissement dans le
secteur agricole. (Djenane, 1999) Durant cette période, un ambitieux Projet de Recherche
Agricole et de Vulgarisation agricole pilote a été mené en collaboration avec la Banque
Mondiale (Banque Mondiale, 1998). Toutefois, cette tentative de restructuration du système
de recherche et de vulgarisation agricoles s’est soldée par un échec, attribué principalement au
cloisonnement institutionnel et le manque de coordination et de coopération entre les
différentes organisations publiques de recherche, de formation et de vulgarisation agricoles.

Le PAS expira dès la fin des années 1990 et la situation financière de l’Algérie s’améliora
sensiblement grâce à la hausse du prix du pétrole. Cela a permis la mise en place d’un projet
de développement du secteur agricole à travers le Programme National de Développement
Agricole (PNDA) rebaptisé Programme National de Développement Agricole et Rural
(PNDAR) en 2002. (Bessaoud, 2008) Suite à l’engouement suscité par ces programmes chez
les agriculteurs, l’oléiculture a enregistré des performances remarquables en termes de
production au début des années 2000 (Sahli, 2005 ; Bedrani, 2008). La recherche
agronomique en revanche n’a connu qu’un timide changement durant cette période, marqué
202
Conclusion générale

par la réorganisation de l’INRAA en 2004, qui acquit le statut d’Établissement Publique à


Caractère Scientifique et Technologique (EPST). D’une manière générale, plusieurs facteurs
ont entravé le succès du programme de développement, y compris le manque de soutien aux
services de vulgarisation et le faible niveau d'enseignement et de formation agricole. (Laoubi
et Yamao, 2012).

Afin de remédier à ces lacunes, une politique plus large et plus ambitieuse (Politique du
Renouveau Agricole et Rural) a été lancée en 2009. L’un des principaux piliers de cette
politique s’est fixé pour objectif le développement et la remise à niveau des compétences de
tous les intervenants. Il se concentre notamment sur un investissement conséquent en matière
de R&D, de formation et de vulgarisation agricoles. Pour la première fois, l’oléiculture a été
désignée comme une filière prioritaire et stratégique. (MADR, 2012) Toutefois, le contexte
actuel de l’agriculture en Algérie, en particulier l’oléiculture destinée à la production de
l’huile d’olive, ne témoigne guère de l’efficacité des actions mises en œuvre jusque-là.

En effet, une analyse SWOT de la chaîne de valeur de l’huile d’olive en Algérie, focalisée
essentiellement sur la wilaya de Béjaïa, a révélé un ensemble de faiblesses, à savoir : une
fragmentation croissante des exploitations du fait de la succession ; la prédominance des
anciennes techniques agricoles notamment dans les zones traditionnelles à vocation oléicole ;
des fluctuations importantes de la production en fonction des conditions pluviométriques et
des problèmes de disponibilité des ressources en eau dans certaines régions productrices ; le
mauvais entretien des oliviers, ainsi que les processus inadéquats de récolte et de
transformation des olives, détériorant la qualité du produit final ; une très mauvaise
organisation de la filière et des dispositifs de soutien et de contrôle des programmes de
développement ; l’absence d’un marché normalisé en raison de la prédominance du marché
informel ; un financement et une aide publique épars sans résultats significatifs ; une
configuration désavantageuse du parc oléicole, due à un relief majoritairement vallonné et au
régime extensif qui prédomine dans les zones traditionnelles à vocation oléicole ; une activité
peu respectueuse de l’environnement, où les sous-produits (margines et grignons d’olive) sont
déversés directement dans la nature, constituant une externalité négative du point de vue
écologique, mais également un manque à gagner significatif ; une faible compétitivité-prix de
l’huile d’olive algérienne sur la marché international compte tenu de sa qualité relativement
médiocre ; une connaissance limitée des marchés internationaux en raison du manque de
coordination entre les pouvoirs publics et les acteurs privés pour une approche commune des

203
Conclusion générale

marchés étrangers ; et enfin, l’inexploitation du contingent accordé par l’Union Européenne


bénéficiant d’avantages fiscaux (Boudi et al. 2016).

Ainsi, la production actuelle de l’huile d’olive avoisine les 20 000 tonnes/an en moyenne
(Hadjou et al., 2013), alors qu’elle atteignait les 30 000 tonnes/an au début du 20ème siècle
(Alloum, op. cit. ; Boukella, op. cit.). La majeure partie des exploitations oléicoles (70%) sont
de petite taille (inférieure à 5 hectares) et de type familial. Le verger oléicole est vieillissant
avec des rendements faibles. Il est peu entretenu et voué à l’abandon et à la détérioration dans
plusieurs zones, du fait de l’exode rural et du désintérêt des jeunes personnes. L’irrigation et
la fertilisation (chimique) sont quasi absentes. (Hadjou, op. cit.) L’entretien du verger se fait
avec des moyens archaïques et se limite au labour et la taille des oliviers ; la récolte se fait
encore à la main, alors que l’utilisation du filet ne s'est pas encore généralisée en montagne.
(Lamani et Ilbert, 2016b)

Par ailleurs, la récolte est stockée dans un premier temps dans des sacs en plastique aux
domiciles des oléiculteurs, avant d’être transportée et livrée aux oléifacteurs qui disposent
pour la plupart d’huileries traditionnelles, et accessoirement des huileries semi-modernes ou
modernes. 85% des huileries sur un total de 1705 huileries à l’échelle nationale seraient en
effet traditionnelles47. La faible capacité de trituration des huileries traditionnelles, la vétusté
et la non-conformité de leur matériel aux normes modernes (stockage, manutention),
l’absence de contrôle de qualité et les délais d’attente nuisent à la qualité de l’huile. (Hadjou
et al., op.cit.). Certaines huileries traditionnelles ont carrément cessé de fonctionner en raison
de leur faible productivité. D’un autre côté, seul 61% du potentiel des huileries modernes est
exploité.

Les huiles obtenues sont généralement stockées dans un emballage de récupération (jerrycans
et bidons en plastique) mais rarement dans des réservoirs en acier inoxydable. Bien que le
degré d’acidité de l’huile d’olive soit un critère déterminant pour sa commercialisation, il
n’est pas réellement pris en considération. En matière d’environnement et de valorisation des
sous-produits de l’oléiculture, les margines sont déversées directement dans le système
d’assainissement sans qu’elles soient filtrées ou recyclées au préalable. Les grignons d’olive
également sont brûlés, après une période de stockage. Bien qu'il y ait eu des mesures fiscales
pour décourager ce genre de pratiques, leur impact n’a pas été significatif. (Boudi et al. 2016)

47
Données du MADRP reportées par Hadjou et al. (2013, p.36) et Lamani et Ilbert (2016b, p.152)
204
Conclusion générale

Enfin, le mode de transaction dominant entre les oléifacteurs et les oléiculteurs est la
prestation du service de trituration. Autrement dit, les oléifacteurs ne s’approvisionnent pas en
matière première (les olives) auprès des fournisseurs (oléiculteurs), mais se contentent plutôt
de transformer les olives pour chaque oléiculteur qui récupère l’huile extraite de sa propre
récolte en vrac contre paiement. Le règlement de la transaction s’effectue soit en espèces soit
en échange d’une quantité prédéfinie de l’huile d’olive extraite. Par conséquent, les
oléifacteurs n’ont aucun intérêt à exercer une quelconque pression concurrentielle sur les
oléiculteurs afin que ces derniers se conforment aux normes. Du reste, la commercialisation
emprunte à 90% le circuit informel. Il n’existe que peu de circuits de distribution structurés.
La vente en détail se réalise dans les marchés locaux et dans les huileries. La qualité de l’huile
est souvent douteuse, frelatée avec d’autres huiles relativement bon marché. (Hadjou et al.,
op.cit.)

Concernant la valorisation du produit par les signes d’identification de la qualité et de


l’origine, il n’existe aucun label ou appellation d’origine contrôlée pour l’huile d’olive en
Algérie. (Boudi et al., 2013) Bien qu’une démarche de labellisation des huiles d’olive
algériennes soit pilotée par le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural
(MADR), les résultats tardent toujours à voir le jour, l’échec est patent, notamment en ce qui
concerne l’implication des principaux acteurs dans une démarche ascendante. (Hadjou et al.,
op. cit.) En ce qui concerne les Indication Géographiques (IG), l’État en a proposé quatre pour
les huiles d’olives vierges, dont l’IGP El-Soummam pour la wilaya de Bejaia et de Bouira.
Cependant, l’opportunité d’une labellisation de l’huile d’olive algérienne se heurte à de
nombreux obstacles inhérents au mode de conduite agricole (zones montagneuses
difficilement accessibles, verger morcelé, moyens de production limités) ; aux modes
organisationnels (manque de structuration de la filière, absence d’organisations collectives
dynamiques) ; et au modèle de consommation dominant (les caractéristiques physico-
chimiques de l’huile d’olive de Kabylie ne répondent pas aux standards du Conseil Oléicole
International). (Lamani et al., 2015)

En matière de R&D agricole, nous avons notamment constaté une forte similitude entre les
facteurs entravant l’expression du potentiel de la recherche agronomique à la fin des années
2000 (Anseur, 2009) et ceux identifiés près d’une vingtaine d’années auparavant (Heddadj et
al.1993), ayant empêché le Système National de Recherche Agronomique de jouer le rôle
fondamental qui lui revient, d’impulsion et de soutien du développement agricole et agro-
alimentaire.
205
Conclusion générale

Anseur (op. cit.) a en effet mis en exergue une litanie de contraintes relatives à : l’instabilité
institutionnelle en matière de recherche agronomique, due à une succession de
restructurations conjoncturelles ; le cloisonnement des activités de recherche et la dispersion
des responsabilités, entravant une approche intersectorielle de la recherche et la cohérence
indispensable sur les plans naturel, technique et socio-économique ; une insuffisance en
matière d’élaboration d’une politique agricole et agroalimentaire définissant de manière
précise les objectifs de production et de développement à long terme ; le manque de clarté et
de continuité dans les orientations de la politique de recherche ; le manque de coordination et
de synergie entre les secteurs de la formation, de la recherche et celui de la vulgarisation ;
l’absence d’un système d’information performant qui aurait contribué à la valorisation de la
recherche et évité le manque de cohérence et la redondance dans les programmes de recherche
par méconnaissance des travaux antérieurs et en cours ; l’absence de processus et de critères
scientifiques d’évaluation de la recherche ; la faiblesse des ressources financières allouées à la
recherche, à laquelle s’ajoutent des méthodes de fonctionnement bureaucratiques ; le manque
d’un personnel hautement qualifié apte à conduire les programmes de recherche ; le nombre
très limité de publications issues des travaux de recherche ; l’absence d’un environnement
propice à l’exercice des activités de recherche, ce qui favorise le départ de cadres compétents
vers l’enseignement supérieur ou d’autres secteurs économiques beaucoup plus attrayants sur
le plan pécuniaire ; la prééminence de la hiérarchie administrative sur la fonction scientifique,
favorisant des actions impulsées par la tutelle, ce qui restreint l’implication des chercheurs
dans les prises de décision ; et enfin, les changements récurrents dans les missions assignées
aux instituts techniques ayant engendré une dispersion des actions, avec une marginalisation
des activités de recherche.

A l’issue du premier quinquennat depuis la mise en œuvre de la PRAR, les efforts consentis
en matière de R&D agricole ont demeuré insuffisants. Parmi les problèmes et insuffisances
mis en avant (ASTI/IFPRI and INRAA, 2014), on relève notamment un manque de précision
concernant les priorités de R&D à long terme ; un sous-investissement patent dans la R&D
agricole ; l’absence de mécanismes de financement fiables et durables ; la prédominance du
financement public de la R&D agricole et l’absence de mécanismes d’incitation du secteur
privé à y prendre part ; et enfin, la capacité limité de l’INRAA (et des autres centres de
recherche) en termes de nombre de chercheurs titulaires d’un doctorat, due à la disparité dans
le statut officiel des scientifiques travaillant en tant que chercheurs permanents dans les
centres de recherche (tels que l’INRAA et l’INRF) et des scientifiques universitaires

206
Conclusion générale

(enseignants-chercheurs), ce qui se traduit par le départ de nombreux jeunes chercheurs en


faveur des meilleures conditions dans les universités.

Enfin, dans le septième et dernier chapitre, nous avons réalisé une étude à la fois
microéconomique et méso-économique, focalisée sur les facteurs déterminants du
changement dans les techniques de production, les modes d’organisation et les canaux de
commercialisation des exploitations oléicoles dans la wilaya de Béjaïa (Maghni et Oukaci,
2018), autrement dit, sur l’innovation à l’échelle de l’entreprise (OCDE, 2005), en
l’occurrence l’exploitation oléicole familiale.

A priori, nous avions supposé que la variabilité entre différentes exploitations oléicoles en
matière d’adoption des innovations s’expliquerait à la fois par des facteurs endogènes et
exogènes du point de vue de l’exploitation oléicole.

Les facteurs endogènes examinés se rapportent au profil de l’oléiculteur et la configuration


physique de l’exploitation oléicole.

Les facteurs inhérents au profil de l’oléiculteur concernent essentiellement ses capacités


cognitives, à savoir sa capacité d’absorption et ses dotations en connaissances générales,
spécifiques, formelles et tacites. Naturellement, les capacités cognitives de l’oléiculteur furent
supposées contribuer de manière déterminante et positive à l’explication de la variation du
degré d’innovation entre différentes exploitations. Ainsi, le nombre d’années d’expérience de
l’oléiculteur dans le domaine de l’agriculture en général, et l’oléiculture en particulier, était
censé mesurer les connaissances tacites de l’oléiculteur, acquises au fil des ans via les
processus d’apprentissage par la pratique. Les connaissances formelles furent mesurées (en
partie) par le nombre total d’années d’études de l’oléiculteur (connaissances générales), ainsi
que par d’éventuelles formations supérieures et/ou professionnelles en agronomie
(connaissances spécifiques).

Un des résultats majeurs de ce travail de recherche fut l’absence de l’impact attendu des
capacités cognitives de l’oléiculteur sur l’innovation. Ce résultat nous laisse suggérer deux
explications plausibles. La première serait l’inefficacité en matière d’innovation des
connaissances des oléiculteurs, ce qui remet en question la qualité du système et de la
politique d’enseignement général, et ceux de l’enseignement supérieur et de la formation
professionnelle agronomiques en particulier. Dans ce cas, il serait à la charge des pouvoirs
publics un préalable sine qua non d’y remédier de façon structurelle, afin de pouvoir

207
Conclusion générale

escompter un éventuel dynamisme du secteur de l’oléiculture en matière d’innovation. La


seconde explication vraisemblable serait de nature systémique, en ce sens que l’impact
attendu du niveau de connaissance sur l’innovation soit conditionné par d’autres facteurs
fondamentaux, inefficaces en l’occurrence.

En partant du principe selon lequel la perspective de réaliser des économies d’échelle incite
les oléiculteurs à mettre en œuvre des innovations, nous avions supposé que la superficie de
l’exploitation oléicole serait un facteur déterminant de son niveau d’innovation.
Effectivement, cette hypothèse s’est avérée vérifiée par notre étude. Toutefois, comme
indiqué par notre échantillon d’enquête et confirmé par les travaux de recherche précédents, le
secteur de l’oléiculture dans la wilaya de Béjaïa est dominé par les petites exploitations
familiales. Afin de concilier cette configuration contraignante des exploitations et les
avantages des économies d’échelle en matière d’innovation, les coopératives agricoles
s’imposent comme le mode d’organisation le plus approprié, comme c’est le cas dans
quasiment toutes les économies disposant d’un secteur agricole performant. Or, comme nous
l’avons constaté, il n’existe à ce stade dans la wilaya de Béjaïa aucune coopérative
comprenant l’activité oléicole. Il serait donc particulièrement recommandé d’encourager, et
même de provoquer l’initiative des oléiculteurs et des oléifacteurs pour la création d’une ou
plusieurs coopératives, essentiellement à travers des mesures d’incitation d’ordre
institutionnel, mais également via la sensibilisation au sujet des avantages attendus ainsi que
par la formation des acteurs concernés en matière d’organisation et de fonctionnement des
coopératives agricoles dans une économie de marché et ce, afin de rompre avec le spectre de
la période d’économie planifiée et l’appréhension des agriculteurs et des entrepreneurs à
l’égard de toute forme de propriété collective ou de mutualisation des moyens de production.

Par ailleurs, conformément à l’approche des Systèmes d’Innovation, nous avions suivi une
démarche ouverte à travers notre enquête en vue de définir les sources externes d’information
et de connaissances, susceptibles d’influer sur le niveau d’innovation des exploitations
oléicoles. Ainsi, aucune source ne fut écartée a priori. En procédant de la sorte, nous avons pu
définir un certain nombre d’organisations publiques de recherche, d’enseignement et de
formation agronomique ; ainsi que des organisations publiques et privées d’intermédiation et
de vulgarisation agricoles. Eu égard aux vocations de ces organisations, et en dépit de la
description plutôt défavorable du contexte actuel et de l’historique du secteur de l’oléiculture
établie sur la base de la revue documentaire aux chapitres 05 et 06, il était attendu que les

208
Conclusion générale

interactions entre les oléiculteurs et certaines desdites organisations auraient un impact


significatif sur le niveau d’innovation.

Plus précisément, étant donné le travail de proximité réalisé par les Subdivisions des Services
Agricoles en matière d’information, de vulgarisation et d’intermédiation, ainsi que la vocation
et l’emplacement géographique de la station régionale de l’ITAFV à Sidi Aïch, notre première
hypothèse était que les interactions avec ces organisations seraient celles qui contribuerait le
plus à la capacité d’innovation des oléiculteurs. Par ailleurs, la domination historique de
l’INRAA en matière de recherche agronomique à l’échelle nationale justifiait l’anticipation
d’un impact significatif de son action sur l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa,
et cela d’autant plus qu’il y dispose d’une station régionale et que des sessions de
vulgarisation y sont organisées, en plus des travaux de recherche effectués sur le terrain en
interaction avec des oléiculteurs de la région. Une autre organisation dont on s’attendait à un
impact assez significatif sur l’innovation est la Chambre d’Agriculture, en raison de l’ancrage
de son rôle d’interface entre les agriculteurs et les pouvoirs publics, mais aussi du fait qu’elle
offre une opportunité d’interactions fréquentes entre différentes partie-prenantes du secteur.
En matière de formation agricole, nous avions constaté au cours de notre enquête que
l’ITMAS de Tizi-Ouzou bénéficie d’une réputation assez favorable parmi les agriculteurs de
la wilaya de Béjaïa. Par conséquent, on s’était plutôt attendu à ce que cette organisation ait un
impact significatif sur le secteur de l’oléiculture.

A l’issue de notre étude, il s’est avéré que seules les interactions des oléiculteurs avec
l’INRAA ont un impact déterminant sur la capacité d’innovation des exploitations oléicoles.
Cette efficacité avérée de l’INRAA constitue évidemment un point positif dans l’appréciation
de l’état du secteur de l’oléiculture dans la wilaya de Béjaïa, et devrait de ce fait être
pleinement exploitée et même renforcée à travers notamment une meilleure allocation des
ressources, l’encouragement de la contribution du secteur privé, essentiellement à travers les
partenariats public-privé. Néanmoins, l’absence d’impact des autres organisations sur
l’innovation en oléiculture constitue un constat alarmant. Bien qu’une meilleure gouvernance
desdites organisations soit souhaitable, il faudrait surtout mettre l’accent sur le renforcement
des interactions entre ces organisations et les oléiculteurs, ainsi que sur une meilleure
coordination des actions des diverses parties-prenantes, en vue de réaliser la synergie
nécessaire à la dynamisation du secteur de l’oléiculture.

209
Conclusion générale

En ce qui concerne l’impact de la recherche universitaire et des organisations d’agriculteurs,


nos interactions avec les oléiculteurs au cours de notre enquête de terrain nous ont plutôt
laissés septiques quant à une quelconque efficacité en matière d’innovation en oléiculture.
Cette impression s’est en effet confirmée à travers notre étude. Certes, des travaux de
recherche sont réalisés au sein des laboratoires et unités de recherche universitaires, en
l’occurrence ceux de biologie au sein de l’Université de Béjaïa. Néanmoins, la valorisation de
ces travaux peine à se concrétiser, et le manque de coopération entre l’Université et le secteur
agricole et agro-industriel demeure patent. Par ailleurs, des associations et organisations de
producteurs existent effectivement, quoiqu’elles soient dénuées de dynamisme. Sur ce plan,
l’intérêt et la détermination des oléiculteurs et oléifacteurs, ainsi que l’existence d’un
leadership à même d’orienter et de coordonner l’action collective constituent un préalable
indispensable.

En matière de soutien public à l’oléiculture, la nature et l’ampleur des mesures en vigueur ne


laissaient guère présager un effet considérable sur le niveau d’investissement ou d’innovation
dans les exploitations oléicoles. En effet, outre la modestie des aides proposées, la majeure
partie des mesures de soutien consistent à indemniser les oléiculteurs a posteriori, ce qui ne
paraissait pas les motiver outre mesure, ou susciter un quelconque engouement. Les résultats
de l’étude ont d’ailleurs confirmé cette hypothèse.

Enfin, notre travail de recherche a mis en lumière un troisième facteur déterminant du niveau
d’innovation des exploitations oléicoles dans la wilaya de Béjaïa, à savoir les interactions
entre les oléiculteurs et les autres acteurs de la chaîne de valeur de l’huile d’olive, en
l’occurrence les fournisseurs d’intrants et d’équipements en amont, et les oléifacteurs en aval
de la chaine de valeur. En fait, ce résultat n’a fait que confirmer notre hypothèse. En nous
basant sur la taxonomie élaborée par Pavitt (1984), selon laquelle le secteur de l’agriculture
fait partie des secteurs dits dominés par les fournisseurs en matière d’innovation, nous avons
supposé que l’oléiculture ne dérogerait pas à la règle. Concernant l’impact des interactions
oléiculteurs/oléifacteurs sur l’innovation dans les exploitations oléicoles, notre hypothèse
allait dans le même sens, quoique sa vraisemblance fût relativement moindre, en raison du
mode de transaction dominant. Ainsi, l’impact escompté reposait plutôt sur l’information que
l’oléiculteur peut se procurer auprès de l’oléifacteur concernant les répercussions de la qualité
des olives sur celle de l’huile. Sinon, étant donné que les oléifacteurs assurent plutôt une
prestation de service, ils n’ont aucun intérêt à exercer une quelconque pression concurrentielle
sur les oléiculteurs afin que ces derniers se conforment aux normes. La transformation
210
Conclusion générale

structurelle du mode transaction en vigueur entre l’oléiculteur et l’oléifacteur (la prestation de


service), pourrait d’ailleurs constituer un levier potentiel de la politique publique en vue de
faire naître la pression d’innovation qui jusque-là a fait défaut. À titre indicatif, un des leviers
susceptible de constituer un catalyseur de la concurrence et de la dynamique de l'innovation
est la réglementation. Cela pourrait être assimilé à l'hypothèse de Porter (Porter et van der
Linde, 1995). Toutefois, la réforme de la réglementation concernera beaucoup plus le contrôle
de qualité et la protection des consommateurs (en plus de l’aspect écologique faisant l’objet
de l'hypothèse de Porter) le long de la chaîne de valeur de l'huile d'olive. Plus précisément, il
convient d’encourager, sinon d’imposer le respect des règles d’hygiène et des normes
universelles de conditionnement de l’huile d’olive avant sa mise à la disposition du
consommateur final. Cette mesure aurait pour conséquence de contraindre les oléifacteurs à
introduire les changements nécessaires dans leur processus de production et de distribution, ce
qui constituerait en soi des innovations. Une autre conséquence serait que les oléifacteurs ne
seront plus indifférents à la qualité des olives avant trituration, mais plutôt contraint de
sélectionner les fournisseurs (oléiculteurs) dont le produit répond aux normes de qualité. De
ce fait, les oléiculteurs subiront une pression concurrentielle qui les obligerait à introduire à
leur tour les innovations nécessaires. Ce scénario, bien que schématique, donne un aperçu sur
des mesures pragmatiques de politique publique quasi indépendante des ressources
budgétaire.

De ce qui précède, il apparaît que les oléiculteurs de la wilaya de Béjaia semblent ne pas
profiter de leurs interactions avec la plupart des sources institutionnelles de connaissances et
d'informations. Cela remet en question l'efficacité de la gouvernance de ces institutions et/ou
les connaissances qu'elles produisent, transfèrent et diffusent. Néanmoins, une institution
semble être une exception, à savoir la branche locale de l'INRAA. Dès lors, la moindre des
mesures que les pouvoirs publics devraient prendre est de définir les priorités à long terme en
matière de R&D agricole et leur assurer un financement soutenu. Cependant, les mesures
d’interventions doivent être dans la mesure du possible indépendantes des fluctuations
budgétaires, afin d’assurer une trajectoire de développement durable du secteur oléicole. A cet
effet, des mécanismes innovants, tels que des partenariats public-privé dans le domaine de la
recherche agricole, doivent être explorés pour stimuler le financement privé de la R&D
agricole, d’autant plus que l’État est jusque-là la principale source de financement.
(ASTI/IFPRI et INRAA, op. cit.).

211
Conclusion générale

Outre la disponibilité et l'efficacité des sources publiques de connaissances et d'informations


agricoles, la question de l'innovation dans le secteur oléicole de la wilaya de Bejaia devrait
également être abordée du point de vue des incitations. Ainsi, les interventions politiques
devraient se concentrer non seulement sur le renforcement des institutions de connaissances
agricoles, mais aussi sur des leviers susceptibles d'encourager la coopération et la concurrence
le long de la chaîne de valeur de l'huile d'olive.

212
Références bibliographiques

Articles de périodiques

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Bases de données

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2014:http://visionofhumanity.org/app/uploads/2017/04/2014-Global-Peace-Index-
REPORT_0-1.pdf
2015:http://visionofhumanity.org/app/uploads/2017/04/Global-Peace-Index-Report-
2015_0.pdf
2016:http://visionofhumanity.org/app/uploads/2017/02/GPI-2016-Report_2.pdf
2017:http://visionofhumanity.org/app/uploads/2017/06/GPI-2017-Report-1.pdf
International Property Rights Index (IPRI):
https://internationalpropertyrightsindex.org/countries
OECD.Stat, Système de notification des pays créanciers (SNPC):
http://stats.oecd.org/Index.aspx?lang=fr&SubSessionId=6f1f9472-b063-4b07-b1f3-
a7ffad2fa3a9&themetreeid=-200

SCImago Journal & Country Rank:


http://www.scimagojr.com/countryrank.php?area=1100&year=2016

WEF, 2016. The Global Competitiveness Report 2016–2017. World Economic Forum,
Geneva.

Message personnel

Sengui R., 2017. RE: Documentation pour la recherche [courrier électronique]. Destinataire:
Billal MAGHNI. 30/07/2017. Communication personnelle.

Logiciels

R Core Team, 2016. R: A language and environment for statistical computing. R Foundation
for Statistical Computing, Vienna, Austria. URL https://www.R-project.org/.

224
Références bibliographiques

Sites web

http://www.mf.gov.dz/article/48/Zoom-sur-les-Chiffres-/143/Solde-global-du-
Tr%C3%A9sor.html

http://onfaa.inraa.dz/

http://onfaa.inraa.dz/index.php/a-propos/partenariat-international/item/83-lancement-d-un-
projet-de-cooperation-observatoire-des-filieres-agricoles-et-conseil-oleicole-
international.html

http://www.fao.org/plant-treaty/fr/

http://www.inraa.dz

http://www.atrbsa.dz

http://www.atrsnv.dz

http://bch.cbd.int/protocol/parties/

http://www.internationaloliveoil.org/documents/viewfile/4213-exportations1-ang/

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http://www.internationaloliveoil.org/?lang=fr_FR

http://www.irev.fr/sites/www.irev.fr/files/insee_fr_-
_donnees_carroyees_mode_de_compatibilite_0.pdf

http://www.upov.int/portal/index.html.fr

http://www.wipo.int/about-wipo/fr/index.html

https://link.springer.com/journal/191

https://www.wto.org/indexfr.htm

225
Table des matières

Remerciements……………………………………………………………………………… 2
Liste des figures…………………………………………………………………………….. 3
Liste des tableaux…………………………………………………………………………… 4
Liste des abréviations……………………………………………………………………….. 6
Sommaire…………………………………………………………………………............... 11
Introduction générale : Problématique et méthodologie de la recherche…………………… 12
Chapitre 1 : La théorie évolutionniste néo-schumpétérienne……………………………..... 22
1.1. Introduction…………………………………………………………………………….. 22
1.2. Origines schumpétériennes de la théorie économique évolutionniste………………..... 23
1.2.1. Émergence de la théorie schumpétérienne…………………………………………… 23
1.2.2. Flux circulaire et innovation………………………………………………………..... 24
1.2.3. Les modèles d’innovation chez Schumpeter…………………………………………. 24
1.3. La rationalité procédurale et le concept de Satisficing.................................................... 25
1.4. Les routines des organisations………………………………………………………..... 27
1.5. Principes de l’évolution : diversité, sélection et réplication…………………………… 28
1.5.1. Sélection de sous-ensemble et sélection générative………………………………...... 29
1.5.2. Les sources de la diversité…………………………………………………………… 30
1.6. Connaissance, apprentissage et innovation…………………………………………….. 31
1.6.1. Les paradigmes et les trajectoires technologiques…………………………………… 31
1.6.2. Les régimes technologiques………………………………………………………….. 33
1.7. Théorie formelle et modélisation évolutionniste……………………………………..... 36
1.7.1. La dynamique de réplication et le théorème de Fisher……………………………..... 36
1.7.2. Le modèle de concurrence schumpétérienne de Nelson & Winter…………………... 37
1.8. Cadre d’analyse micro-méso-macro de l’évolution économique……………………… 40
1.8.1. Concepts de base du cadre micro-méso-macro……………………………………..... 40
a) Le concept de règle……………………………………………………………………..... 40
b) Les vecteurs de règles…………………………………………………………………..... 41
c) La trajectoire d’une règle………………………………………………………………… 42
1.8.2. Trajectoires d’évolution dans le cadre micro-méso-macro…………………………... 42
1.9. Conclusion……………………………………………………………………………... 46
Chapitre 2 : Le processus du changement institutionnel dans la théorie économique……… 47
2.1. Introduction…………………………………………………………………………….. 47
2.2. Le rôle des institutions dans le changement technologique chez Veblen……………… 47
2.3. Le processus du changement institutionnel chez Douglass C. North………………….. 51
2.4. Les processus sous-jacents du phénomène de dépendance au sentier………………..... 54
2.4.1. La coordination et la cohérence des anticipations mutuelles………………………… 55
2.4.2. Les canaux d'information et les codes comme capital organisationnel
«irrécupérable»…………………………………………………………………………….... 56
2.4.3. Les interdépendances, les complémentarités et les antécédents……………………... 56
2.5. Les phases de développement du processus de dépendance au sentier………………... 58
2.5.1. La phase de préformation…………………………………………………………….. 58
2.5.2. La phase de formation………………………………………………………………... 59
a) Les effets de coordination………………………………………………………………... 59
b) Les effets de complémentarité…………………………………………………………… 60
226
Table des matières

c) Les effets d’apprentissage………………………………………………………………... 61


d) Les effets des anticipations adaptatives………………………………………………….. 61
2.5.3. La phase d’enfermement ou de verrouillage (lock-in)……………………………….. 61
2.6. Autres approches du changement dans la Nouvelle Économie Institutionnelle……….. 62
2.7. Le changement institutionnel dans la théorie de la régulation………………………..... 64
2.7.1. Le changement institutionnel par endométabolisme………………………………..... 64
2.7.2. Le changement institutionnel par hybridation……………………………………….. 65
2.7.3. L’État comme vecteur du changement institutionnel………………………………... 65
2.8. Conclusion……………………………………………………………………………... 67
Chapitre 3 : Le cadre conceptuel des Systèmes d’Innovation……………………………… 70
3.1. Introduction…………………………………………………………………………….. 70
3.2. Les Systèmes d’Innovation dans le cadre micro-méso-macro………………………..... 71
3.3. Les processus évolutionnistes sous-jacents des Systèmes d’Innovation……………..... 73
3.4. Émergence de l’approche des Systèmes d’Innovation………………………………..... 76
3.5. Caractéristiques de l’approche des Systèmes d’Innovation…………………………..... 78
3.6. Évolution du cadre conceptuel d’analyse de l’innovation en agriculture……………… 83
3.6.1. L’approche des Systèmes Nationaux de Recherche Agricole……………………….. 84
3.6.2. L’approche des Systèmes de Connaissances et d’Informations Agricoles…………... 85
3.6.3. L’approche des Systèmes d’Innovation Agricole…………………………………..... 86
3.7. Les trajectoires d’innovation en agriculture………………………………………….... 86
3.7.1. Les phases de développement dans la trajectoire planifiée………………………….. 87
a) La phase pré-planifiée…………………………………………………………………..... 87
b) La phase de fondation…………………………………………………………………..... 87
c) La phase d’expansion…………………………………………………………………….. 88
3.7.2. Les phases de développement dans la trajectoire guidée par le marché……………... 89
a) La phase naissante……………………………………………………………………….. 89
b) La phase d’émergence…………………………………………………………………… 90
c) La phase de stagnation…………………………………………………………………… 91
3.7.3. La phase du système d'innovation dynamique……………………………………….. 92
3.8. Structure et principaux éléments d’un Système d’Innovation Agricole……………….. 93
3.9. Conclusion……………………………………………………………………………... 94
Chapitre 4 : Benchmarking du Système algérien d’Innovation Agricole…………………... 96
4.1. Introduction…………………………………………………………………………….. 96
4.2. L’Indice d’Innovation et de Développement en Agriculture…………………………... 97
4.3. Le choix des pays de référence………………………………………………………… 97
4.4. Les différentes composantes de l’IIDA………………………………………………... 99
4.4.1. Les indicateurs du domaine de la connaissance……………………………………… 99
4.4.2. Les indicateurs du domaine des institutions-relais…………………………………... 101
4.4.3. Les indicateurs du domaine de l’entreprise………………………………………….. 101
4.4.4. Les indicateurs du domaine de l’environnement…………………………………….. 104
4.5. Unités de mesure et standardisation des indicateurs…………………………………… 107
4.6. Analyse graphique de l’IIDA…………………………………………………………... 108
4.6.1. Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de la connaissance…………….. 111
4.6.2. Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine des institutions-relais………….. 113
227
Table des matières

4.6.3. Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de l’entreprise………………..... 113


4.6.4. Les contraintes du SIA en Algérie dans le domaine de l’environnement…………..... 115
4.7. Conclusion……………………………………………………………………………... 117
Chapitre 5 : Évolution de la politique et de la R&D agricoles en Algérie………………….. 119
5.1. Introduction…………………………………………………………………………….. 119
5.2. Rétrospective de la politique agricole en Algérie……………………………………… 119
5.2.1. L’autogestion du secteur agricole…………………………………………………..... 121
5.2.2. La révolution agraire………………………………………………………………..... 123
5.2.3. Les Domaines Agricoles Socialistes………………………………………………..... 124
5.2.4. La transition vers l’économie de marché…………………………………………….. 125
5.2.5. La politique de développement agricole et rural durant les années 2000…………..... 126
5.2.6. La Politique de Renouveau Agricole et Rural (2009 à ce jour)……………………… 129
a) Le Renouveau Agricole………………………………………………………………….. 129
b) Le Renouveau Rural……………………………………………………………………... 130
c) Le Programme de Renforcement des Capacités Humaines et de l’Appui technique aux
producteurs (PRCHAT)…………………………………………………………………….. 130
5.3. Évolution du système de la R&D agricole en Algérie………………………………..... 130
5.3.1. La R&D agricole jusqu’aux premières années d’indépendance……………………... 131
5.3.2. La R&D agricole dans le cadre de l’économie planifiée…………………………….. 132
5.3.3. Le Projet de Recherche Agricole et de Vulgarisation agricole pilote………………... 132
5.3.4. La réorganisation de l’INRAA……………………………………………………….. 134
5.3.5. Le projet d’un Observatoire de la recherche agronomique en Algérie……………..... 135
5.3.6. Le projet de l’Observatoire National des Filières Agricoles et Agroalimentaires…… 136
5.3.7. Autres organisations de recherche et d’enseignement agronomique………………… 136
5.3.8. Le dispositif et la politique de formation agricole…………………………………… 137
5.3.9. Les limites du Système National de Recherche Agronomique……………………..... 139
5.4. Conclusion……………………………………………………………………………... 144
Chapitre 6 : Évolution et contexte actuel de l’oléiculture en Algérie……………………..... 146
6.1. Introduction…………………………………………………………………………….. 146
6.2. Évolution de l’oléiculture en Algérie…………………………………………………... 147
6.2.1. L’oléiculture durant la période coloniale…………………………………………….. 147
6.2.2. L’oléiculture dans le cadre de l’économie planifiée………………………………..... 148
6.2.3. L’oléiculture depuis la transition vers l’économie de marché……………………….. 150
6.3. Le contexte actuel de l’oléiculture en Algérie………………………………………..... 151
6.3.1. Le processus de production et de distribution………………………………………... 151
6.3.2. Le cadre institutionnel de l’activité oléicole………………………………………..... 153
a) L’administration régionale et territoriale………………………………………………… 154
b) Les instituts techniques et de recherche…………………………………………………. 155
c) Les Agents Communaux de Vulgarisation………………………………………………. 155
d) Les organismes de normalisation, de certification et de contrôle………………………... 155
6.3.3. Caractérisation de la chaîne de valeur de l’huile d’olive…………………………….. 156
6.4. Les efforts actuels dans la R&D en oléiculture………………………………………... 159
6.5. La valorisation du produit par les signes d’identification de la qualité et de l’origine… 161
6.6. Recommandations pour la modernisation de l’oléiculture en Algérie………………..... 164
228
Table des matières

6.7. Conclusion……………………………………………………………………………... 166


Chapitre 7 : Les déterminants de l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa…..... 169
7.1. Introduction…………………………………………………………………………….. 169
7.2. Approche méthodologique……………………………………………………………... 170
7.3. Hypothèses de recherche……………………………………………………………….. 173
7.3.1. Les facteurs endogènes à l’exploitation oléicole…………………………………….. 173
a) Le profil de l’oléiculteur………………………………………………………………..... 173
b) Les caractéristiques de l’exploitation oléicole…………………………………………… 174
7.3.2. Les facteurs exogènes à l’exploitation oléicole……………………………………… 174
7.4. Analyse descriptive des données………………………………………………………. 177
7.4.1. Description des variables quantitatives……………………………………………..... 179
7.4.2. Description des variables qualitatives………………………………………………... 185
7.5. Inférence statistique…………………………………………………………………..... 189
7.5.1. Régression univariée………………………………………………………………..... 189
7.5.2. Régression multivariée……………………………………………………………….. 190
7.5.3. Validation du modèle………………………………………………………………… 191
7.5.4. Résultats statistiques………………………………………………………………..... 193
7.6. Discussion des résultats………………………………………………………………... 193
7.7. Conclusion……………………………………………………………………………... 196
Conclusion générale………………………………………………………………………… 199
Références bibliographiques………………………………………………………………... 213
Table des matières…………………………………………………………………………... 226
Annexe 01…………………………………………………………………………………... 230
Annexe 02…………………………………………………………………………………... 231
Annexe 03…………………………………………………………………………………... 232
Annexe 04…………………………………………………………………………………... 233
Annexe 05…………………………………………………………………………………... 234
Annexe 06…………………………………………………………………………………... 235
Annexe 07…………………………………………………………………………………... 236
Annexe 08…………………………………………………………………………………... 237
Annexe 09…………………………………………………………………………………... 238
Annexe 10…………………………………………………………………………………... 239
Annexe 11…………………………………………………………………………………... 240
Annexe 12…………………………………………………………………………………... 241
Annexe 13…………………………………………………………………………………... 243
Annexe 14…………………………………………………………………………………... 250
Résumé

229
Annexe 01

Figure 1 : Structure computationnelle du modèle de Nelson et Winter

Source : Andersen et al. (1996, p.04)

230
Annexe 02

Tableau 1 : Indicateur de l’intensité de la R&D agricole dans le secteur public


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 0,20 1,23 1,74 0,41 2,01 0,97 0,49 0,66 0,51
min 0,20 0,20 0,20 0,20 0,20 0,20 0,20 0,20 0,20
max 2,01 2,01 2,01 2,01 2,01 2,01 2,01 2,01 2,01
x - min 0,00 1,03 1,55 0,22 1,82 0,77 0,30 0,46 0,32
max - min 1,82 1,82 1,82 1,82 1,82 1,82 1,82 1,82 1,82
(x - min) / (max - min) 0,00 0,57 0,85 0,12 1,00 0,42 0,16 0,26 0,17
9*(x - min) / (max - min) 0,00 5,11 7,67 1,07 9,00 3,82 1,46 2,30 1,56
Int_agrd 1,00 6,11 8,67 2,07 10,00 4,82 2,46 3,30 2,56
Source : calculé par l’auteur sur la base des données ASTI de l’IFPRI

Tableau 2 : Indicateur de l’investissement en capital humain dans la R&D agricole


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 16,48 377,87 70,44 114,01 228,65 582,75 18,21 58,91 34,26
min 16,48 16,48 16,48 16,48 16,48 16,48 16,48 16,48 16,48
max 582,75 582,75 582,75 582,75 582,75 582,75 582,75 582,75 582,75
x - min 0,00 361,39 53,96 97,53 212,17 566,27 1,73 42,43 17,78
max - min 566,27 566,27 566,27 566,27 566,27 566,27 566,27 566,27 566,27
(x - min) / (max - min) 0,00 0,64 0,10 0,17 0,37 1,00 0,00 0,07 0,03
9*(x - min) / (max - min) 0,00 5,74 0,86 1,55 3,37 9,00 0,03 0,67 0,28
Int_agrsrchr 1,00 6,74 1,86 2,55 4,37 10,00 1,03 1,67 1,28
Source : calculé par l’auteur sur la base des données ASTI de l’IFPRI

Tableau 3 : Indicateur des aides publiques au développement de la recherche agricole


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 0,0121 0,0130 0,0310 0,0334 0,0002 0,0803 0,1522 0,1795 0,0002
min 0,0002 0,0002 0,0002 0,0002 0,1795 0,0002 0,0002 0,0002 0,0002
max 0,1795 0,1795 0,1795 0,1795 0,0317 0,1795 0,1795 0,1795 0,1795
x - min 0,0120 0,0128 0,0308 0,0332 0,1793 0,0802 0,1521 0,1793 0,0000
max - min 0,1793 0,1793 0,1793 0,1793 0,1770 0,1793 0,1793 0,1793 0,1793
(x - min) / (max - min) 0,0666 0,0715 0,1718 0,1853 1,5932 0,4470 0,8479 1,0000 0,0000
9*(x - min) / (max - min) 0,5997 0,6431 1,5460 1,6675 0,0002 4,0231 7,6313 9,0000 0,0000
ODA_Agrd 1,5997 1,6431 2,5460 2,6675 2,5932 5,0231 8,6313 10,0000 1,0000
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de l’OECD.Stat et de la Banque Mondiale (2017)

Tableau 4 : Indicateur des aides publiques au développement de l’éducation et de la formation agricoles


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 0,0036 0,0149 0,0104 0,0119 0,0226 0,0584 0,0172 0,0264 0,0001
min 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001
max 0,0584 0,0584 0,0584 0,0584 0,0584 0,0584 0,0584 0,0584 0,0584
x - min 0,0035 0,0149 0,0104 0,0118 0,0225 0,0583 0,0171 0,0263 0,0000
max - min 0,0583 0,0583 0,0583 0,0583 0,0583 0,0583 0,0583 0,0583 0,0583
(x - min) / (max - min) 0,0602 0,2547 0,1775 0,2031 0,3861 1,0000 0,2929 0,4507 0,0000
9*(x - min) / (max - min) 0,5417 2,2924 1,5977 1,8283 3,4753 9,0000 2,6365 4,0561 0,0000
ODA_AET 1,5417 3,2924 2,5977 2,8283 4,4753 10,0000 3,6365 5,0561 1,0000
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de l’OECD.Stat et de la Banque Mondiale (2017)

231
Annexe 03

Tableau 5 : Indicateur de la qualité des institutions de recherche scientifique


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 3,4000 4,6000 4,3000 2,6000 4,0000 3,5000 3,1000 3,2000 3,3000
min 2,6000 2,6000 2,6000 2,6000 2,6000 2,6000 2,6000 2,6000 2,6000
max 4,6000 4,6000 4,6000 4,6000 4,6000 4,6000 4,6000 4,6000 4,6000
x - min 0,8000 2,0000 1,7000 0,0000 1,4000 0,9000 0,5000 0,6000 0,7000
max - min 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000
(x - min) / (max - min) 0,4000 1,0000 0,8500 0,0000 0,7000 0,4500 0,2500 0,3000 0,3500
9*(x - min) / (max - min) 3,6000 9,0000 7,6500 0,0000 6,3000 4,0500 2,2500 2,7000 3,1500
SciQual 4,6000 10,0000 8,6500 1,0000 7,3000 5,0500 3,2500 3,7000 4,1500
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) du WEF (2016)

Tableau 6 : Indicateur de la qualité du système éducatif


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 3,4000 3,3000 3,4000 2,1000 4,6000 5,1000 2,8000 3,1000 3,2000
min 2,1000 2,1000 2,1000 2,1000 2,1000 2,1000 2,1000 2,1000 2,1000
max 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000
x - min 1,3000 1,2000 1,3000 0,0000 2,5000 3,0000 0,7000 1,0000 1,1000
max - min 3,0000 3,0000 3,0000 3,0000 3,0000 3,0000 3,0000 3,0000 3,0000
(x - min) / (max - min) 0,4333 0,4000 0,4333 0,0000 0,8333 1,0000 0,2333 0,3333 0,3667
9*(x - min) / (max - min) 3,9000 3,6000 3,9000 0,0000 7,5000 9,0000 2,1000 3,0000 3,3000
EdSysQual 4,9000 4,6000 4,9000 1,0000 8,5000 10,0000 3,1000 4,0000 4,3000
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) du WEF (2016)

Tableau 7 : Indicateur du niveau de développement technologique


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 3,1000 4,1000 5,1000 3,3000 3,9000 4,0000 3,7000 3,7000 4,2000
min 3,1000 3,1000 3,1000 3,1000 3,1000 3,1000 3,1000 3,1000 3,1000
max 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000 5,1000
x - min 0,0000 1,0000 2,0000 0,2000 0,8000 0,9000 0,6000 0,6000 1,1000
max - min 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000 2,0000
(x - min) / (max - min) 0,0000 0,5000 1,0000 0,1000 0,4000 0,4500 0,3000 0,3000 0,5500
9*(x - min) / (max - min) 0,0000 4,5000 9,0000 0,9000 3,6000 4,0500 2,7000 2,7000 4,9500
TechReady 1,0000 5,5000 10,0000 1,9000 4,6000 5,0500 3,7000 3,7000 5,9500
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) du WEF (2016)

Tableau 8 : Indicateur de l’accès à l’éducation dans les zones rurales


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 4,00 4,67 6,00 3,67 4,67 6,00 3,00 5,67 4,33
min 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00
max 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00
x - min 1,00 1,67 3,00 0,67 1,67 3,00 0,00 2,67 1,33
max - min 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00
(x - min) / (max - min) 0,33 0,56 1,00 0,22 0,56 1,00 0,00 0,89 0,44
9*(x - min) / (max - min) 3,00 5,01 9,00 2,01 5,01 9,00 0,00 8,01 3,99
Edaccess 4,00 6,01 10,00 3,01 6,01 10,00 1,00 9,01 4,99
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) du FIDA (2005)

232
Annexe 04

Tableau 9 : Indicateur de la production scientifique


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 0,0029 0,0164 0,0233 0,0068 0,0414 0,0081 0,0033 0,0291 0,0057
min 0,0029 0,0029 0,0029 0,0029 0,0029 0,0029 0,0029 0,0029 0,0029
max 0,0414 0,0414 0,0414 0,0414 0,0414 0,0414 0,0414 0,0414 0,0414
x - min 0,0000 0,0135 0,0204 0,0040 0,0385 0,0052 0,0004 0,0262 0,0028
max - min 0,0385 0,0385 0,0385 0,0385 0,0385 0,0385 0,0385 0,0385 0,0385
(x - min) / (max - min) 0,0000 0,3500 0,5304 0,1027 1,0000 0,1360 0,0111 0,6811 0,0725
9*(x - min) / (max - min) 0,0000 3,1502 4,7738 0,9247 9,0000 1,2236 0,0995 6,1301 0,6521
Journals 1,0000 4,1502 5,7738 1,9247 10,0000 2,2236 1,0995 7,1301 1,6521
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de SCImago Journal & Country Rank

Tableau 10 : Indicateur du taux d’émigration des universitaires


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 6,5000 2,5000 5,3000 4,2000 6,4000 29,7000 10,3000 9,6000 4,6000
min 2,5000 2,5000 2,5000 2,5000 2,5000 2,5000 2,5000 2,5000 2,5000
max 29,7000 29,7000 29,7000 29,7000 29,7000 29,7000 29,7000 29,7000 29,7000
x - min 4,0000 0,0000 2,8000 1,7000 3,9000 27,2000 7,8000 7,1000 2,1000
max - min 27,2000 27,2000 27,2000 27,2000 27,2000 27,2000 27,2000 27,2000 27,2000
(x - min) / (max - min) 0,1471 0,0000 0,1029 0,0625 0,1434 1,0000 0,2868 0,2610 0,0772
(-9)*(x - min) / (max - min) -1,3235 0,0000 -0,9265 -0,5625 -1,2904 -9,0000 -2,5809 -2,3493 -0,6949
MigrRate 8,6765 10,0000 9,0735 9,4375 8,7096 1,0000 7,4191 7,6507 9,3051
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de Docquier et Marfouk, (2004)

Tableau 11 : Indicateur du degré de collaboration université/entreprise


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 2,70 3,40 3,50 2,40 3,80 3,60 3,10 3,00 3,50
min 2,40 2,40 2,40 2,40 2,40 2,40 2,40 2,40 2,40
max 3,80 3,80 3,80 3,80 3,80 3,80 3,80 3,80 3,80
x - min 0,30 1,00 1,10 0,00 1,40 1,20 0,70 0,60 1,10
max - min 1,40 1,40 1,40 1,40 1,40 1,40 1,40 1,40 1,40
(x - min) / (max - min) 0,21 0,71 0,79 0,00 1,00 0,86 0,50 0,43 0,79
9*(x - min) / (max - min) 1,93 6,43 7,07 0,00 9,00 7,71 4,50 3,86 7,07
UniIndcoll 2,93 7,43 8,07 1,00 10,00 8,71 5,50 4,86 8,07
Source : calculé par l’auteur sur la base des données du WEF (2016)

Tableau 12 : Indicateur de l’intensité des aides publiques au développement de la vulgarisation agricole


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 0,0000 0,0058 0,0078 0,0023 0,0000 0,0891 0,0018 0,0094 0,0000
min 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000
max 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891
x - min 0,0000 0,0058 0,0078 0,0023 0,0000 0,0891 0,0018 0,0094 0,0000
max - min 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891 0,0891
(x - min) / (max - min) 0,0000 0,0652 0,0872 0,0261 0,0000 1,0000 0,0206 0,1059 0,0000
9*(x - min) / (max - min) 0,0000 0,5865 0,7844 0,2349 0,0000 9,0000 0,1853 0,9534 0,0000
oda_ext 1,0000 1,5865 1,7844 1,2349 1,0000 10,0000 1,1853 1,9534 1,0000
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de l’OECD.Stat et de la Banque Mondiale (2017)

233
Annexe 05

Tableau 13 : Indicateur de l’intensité des aides publiques au développement des coopératives agricoles
Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 0,0079 0,0012 0,0047 0,0075 0,0696 0,0812 0,0206 0,0033 0,0001
min 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001 0,0001
max 0,0812 0,0812 0,0812 0,0812 0,0812 0,0812 0,0812 0,0812 0,0812
x - min 0,0079 0,0012 0,0046 0,0074 0,0695 0,0811 0,0205 0,0032 0,0000
max - min 0,0811 0,0811 0,0811 0,0811 0,0811 0,0811 0,0811 0,0811 0,0811
(x - min) / (max - min) 0,0970 0,0145 0,0571 0,0912 0,8566 1,0000 0,2532 0,0396 0,0000
9*(x - min) / (max - min) 0,8728 0,1303 0,5140 0,8208 7,7093 9,0000 2,2788 0,3565 0,0000
oda_coop 1,8728 1,1303 1,5140 1,8208 8,7093 10,0000 3,2788 1,3565 1,0000
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de l’OECD.Stat et de la Banque Mondiale (2017)

Tableau 14 : Indicateur de l’accès des agriculteurs pauvres et des femmes à la recherche/vulgarisation agricoles
Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 3,00 3,88 5,00 4,00 3,25 3,00 3,25 3,50 3,75
min 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00
max 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00
x - min 0,00 0,88 2,00 1,00 0,25 0,00 0,25 0,50 0,75
max - min 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00
(x - min) / (max - min) 0,00 0,44 1,00 0,50 0,13 0,00 0,13 0,25 0,38
9*(x - min) / (max - min) 0,00 3,96 9,00 4,50 1,13 0,00 1,13 2,25 3,38
AgREaccess 1,00 4,96 10,00 5,50 2,13 1,00 2,13 3,25 4,38
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) du FIDA (2005)

Tableau 15 : Indicateur du coût moyen des formalités de création d’une entreprise


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 12,43 15,49 10,08 30,00 41,48 72,26 11,76 6,65 19,10
min 6,65 6,65 6,65 6,65 6,65 6,65 6,65 6,65 6,65
max 72,26 72,26 72,26 72,26 72,26 72,26 72,26 72,26 72,26
x - min 5,78 8,84 3,43 23,35 34,83 65,61 5,11 0,00 12,45
max - min 65,61 65,61 65,61 65,61 65,61 65,61 65,61 65,61 65,61
(x - min) / (max - min) 0,09 0,13 0,05 0,36 0,53 1,00 0,08 0,00 0,19
(-9)*(x - min) / (max - min) -0,79 -1,21 -0,47 -3,20 -4,78 -9,00 -0,70 0,00 -1,71
BizCosts 9,21 8,79 9,53 6,80 5,22 1,00 9,30 10,00 8,29
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de la Banque Mondiale (2017)

Tableau 16 : Indicateur de l’accès aux marchés des intrants et des produits agricoles
Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 4,00 5,00 5,63 4,50 4,75 5,25 4,00 5,50 4,50
min 4,00 4,00 4,00 4,00 4,00 4,00 4,00 4,00 4,00
max 5,63 5,63 5,63 5,63 5,63 5,63 5,63 5,63 5,63
x - min 0,00 1,00 1,63 0,50 0,75 1,25 0,00 1,50 0,50
max - min 1,63 1,63 1,63 1,63 1,63 1,63 1,63 1,63 1,63
(x - min) / (max - min) 0,00 0,61 1,00 0,31 0,46 0,77 0,00 0,92 0,31
9*(x - min) / (max - min) 0,00 5,52 9,00 2,76 4,14 6,90 0,00 8,28 2,76
MktAccess 1,00 6,52 10,00 3,76 5,14 7,90 1,00 9,28 3,76
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) du FIDA (2005)

234
Annexe 06

Tableau 17 : Indicateur du transfert technologique vers le secteur de l’agriculture via les IDE
Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 1,15 2,04 7,30 2,89 8,37 9,50 2,34 3,14 1,61
min 1,15 1,15 1,15 1,15 1,15 1,15 1,15 1,15 1,15
max 9,50 9,50 9,50 9,50 9,50 9,50 9,50 9,50 9,50
x - min 0,00 0,89 6,15 1,74 7,22 8,35 1,19 1,99 0,46
max - min 8,35 8,35 8,35 8,35 8,35 8,35 8,35 8,35 8,35
(x - min) / (max - min) 0,00 0,11 0,74 0,21 0,86 1,00 0,14 0,24 0,06
9*(x - min) / (max - min) 0,00 0,96 6,63 1,88 7,78 9,00 1,29 2,15 0,50
FDI 1,00 1,96 7,63 2,88 8,78 10,00 2,29 3,15 1,50
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de la Banque Mondiale (2017)

Tableau 18 : Indicateur de la contribution de l’innovation à la compétitivité de l’économie nationale


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 3,10 3,45 3,75 3,20 4,05 3,80 3,45 3,30 3,65
min 3,10 3,10 3,10 3,10 3,10 3,10 3,10 3,10 3,10
max 4,05 4,05 4,05 4,05 4,05 4,05 4,05 4,05 4,05
x - min 0,00 0,35 0,65 0,10 0,95 0,70 0,35 0,20 0,55
max - min 0,95 0,95 0,95 0,95 0,95 0,95 0,95 0,95 0,95
(x - min) / (max - min) 0,00 0,37 0,68 0,11 1,00 0,74 0,37 0,21 0,58
9*(x - min) / (max - min) 0,00 3,32 6,16 0,95 9,00 6,63 3,32 1,89 5,21
Innov 1,00 4,32 7,16 1,95 10,00 7,63 4,32 2,89 6,21
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) du WEF (2016)

Tableau 19 : Indicateur de la consommation moyenne d'engrais


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 17,38 37,77 455,54 582,90 763,94 317,25 57,77 39,13 91,89
min 17,38 17,38 17,38 17,38 17,38 17,38 17,38 17,38 17,38
max 763,94 763,94 763,94 763,94 763,94 763,94 763,94 763,94 763,94
x - min 0,00 20,39 438,16 565,52 746,56 299,87 40,39 21,75 74,50
max - min 746,56 746,56 746,56 746,56 746,56 746,56 746,56 746,56 746,56
(x - min) / (max - min) 0,00 0,03 0,59 0,76 1,00 0,40 0,05 0,03 0,10
9*(x - min) / (max - min) 0,00 0,25 5,28 6,82 9,00 3,61 0,49 0,26 0,90
Fertlzr 1,00 1,25 6,28 7,82 10,00 4,61 1,49 1,26 1,90
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de la Banque Mondiale (2017)

Tableau 20 : Indicateur de la machinerie agricole


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 93,52 79,94 162,62 196,64 174,67 161,65 30,98 87,25 176,24
min 30,98 30,98 30,98 30,98 30,98 30,98 30,98 30,98 30,98
max 196,64 196,64 196,64 196,64 196,64 196,64 196,64 196,64 196,64
x - min 62,54 48,96 131,64 165,66 143,70 130,67 0,00 56,27 145,26
max - min 165,66 165,66 165,66 165,66 165,66 165,66 165,66 165,66 165,66
(x - min) / (max - min) 0,38 0,30 0,79 1,00 0,87 0,79 0,00 0,34 0,88
9*(x - min) / (max - min) 3,40 2,66 7,15 9,00 7,81 7,10 0,00 3,06 7,89
Machine 4,40 3,66 8,15 10,00 8,81 8,10 1,00 4,06 8,89
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de la Banque Mondiale (2017)

235
Annexe 07

Tableau 21 : Indicateur de l’’intensité des aides publiques au développement des industries agroalimentaires
Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 0,0681 0,0045 0,0058 0,0442 0,0200 0,2164 0,0351 0,0173 0,0002
min 0,0002 0,0002 0,0002 0,0002 0,0002 0,0002 0,0002 0,0002 0,0002
max 0,2164 0,2164 0,2164 0,2164 0,2164 0,2164 0,2164 0,2164 0,2164
x - min 0,0679 0,0043 0,0056 0,0441 0,0198 0,2162 0,0349 0,0171 0,0000
max - min 0,2162 0,2162 0,2162 0,2162 0,2162 0,2162 0,2162 0,2162 0,2162
(x - min) / (max - min) 0,3142 0,0200 0,0260 0,2038 0,0918 1,0000 0,1615 0,0791 0,0000
9*(x - min) / (max - min) 2,8275 0,1797 0,2338 1,8344 0,8262 9,0000 1,4535 0,7120 0,0000
ODA_Agind 3,8275 1,1797 1,2338 2,8344 1,8262 10,0000 2,4535 1,7120 1,0000
Source : calculé par l’auteur sur la base des données(x) de l’OECD.Stat et de la Banque Mondiale (2017)

Tableau 22 : Indicateur de l’intensité des aides publiques au développement des services financiers agricoles
Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 0,0000 0,0008 0,0002 0,0704 0,0000 0,0000 0,0057 0,0059 0,0000
min 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000 0,0000
max 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704
x - min 0,0000 0,0008 0,0002 0,0704 0,0000 0,0000 0,0057 0,0059 0,0000
max - min 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704 0,0704
(x - min) / (max - min) 0,0000 0,0110 0,0028 1,0000 0,0000 0,0000 0,0806 0,0833 0,0000
9*(x - min) / (max - min) 0,0000 0,0987 0,0250 9,0000 0,0000 0,0000 0,7254 0,7500 0,0000
ODA_AgFin 1,0000 1,0987 1,0250 10,0000 1,0000 1,0000 1,7254 1,7500 1,0000
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de l’OECD.Stat et de la Banque Mondiale (2017)

Tableau 23 : Indicateur du climat des affaires dans les zones rurales


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 4,50 5,00 6,00 4,50 5,00 5,00 4,00 4,75 4,75
min 4,00 4,00 4,00 4,00 4,00 4,00 4,00 4,00 4,00
max 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00
x - min 0,50 1,00 2,00 0,50 1,00 1,00 0,00 0,75 0,75
max - min 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00
(x - min) / (max - min) 0,25 0,50 1,00 0,25 0,50 0,50 0,00 0,38 0,38
9*(x - min) / (max - min) 2,25 4,50 9,00 2,25 4,50 4,50 0,00 3,38 3,38
RuralInvest 3,25 5,50 10,00 3,25 5,50 5,50 1,00 4,38 4,38
Source : calculé par l’auteur sur la base des données(x) du FIDA (2005)

Tableau 24 : Indicateur des conditions de développement des services financiers dans les zones rurales
Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 4,00 3,50 5,00 3,25 4,50 4,00 4,00 3,50 3,00
min 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00 3,00
max 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00
x - min 1,00 0,50 2,00 0,25 1,50 1,00 1,00 0,50 0,00
max - min 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00
(x - min) / (max - min) 0,50 0,25 1,00 0,13 0,75 0,50 0,50 0,25 0,00
9*(x - min) / (max - min) 4,50 2,25 9,00 1,13 6,75 4,50 4,50 2,25 0,00
Ruralfin 5,50 3,25 10,00 2,13 7,75 5,50 5,50 3,25 1,00
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) du FIDA (2005)

236
Annexe 08

Tableau 25 : Indicateur du réseau routier


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 3,34 6,04 5,04 1,25 1,41 1,88 1,93 1,93 6,46
min 1,25 1,25 1,25 1,25 1,25 1,25 1,25 1,25 1,25
max 6,46 6,46 6,46 6,46 6,46 6,46 6,46 6,46 6,46
x - min 2,09 4,79 3,79 0,00 0,16 0,63 0,68 0,69 5,21
max - min 5,21 5,21 5,21 5,21 5,21 5,21 5,21 5,21 5,21
(x - min) / (max - min) 0,40 0,92 0,73 0,00 0,03 0,12 0,13 0,13 1,00
9*(x - min) / (max - min) 3,62 8,27 6,54 0,00 0,28 1,10 1,18 1,19 9,00
Roads 4,62 9,27 7,54 1,00 1,28 2,10 2,18 2,19 10,00
Source : calculé par l’auteur sur la base des données(x) de la Banque Mondiale (2008)

Tableau 26 : Indicateur des dépenses dans les technologies de l’information et de la communication


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 2,40 6,90 5,20 1,40 8,00 n/a 5,60 6,00 8,20
min 1,40 1,40 1,40 1,40 1,40 1,40 1,40 1,40 1,40
max 8,20 8,20 8,20 8,20 8,20 8,20 8,20 8,20 8,20
x - min 1,00 5,50 3,80 0,00 6,60 #VALEUR! 4,20 4,60 6,80
max - min 6,80 6,80 6,80 6,80 6,80 6,80 6,80 6,80 6,80
(x - min) / (max - min) 0,15 0,81 0,56 0,00 0,97 #VALEUR! 0,62 0,68 1,00
9*(x - min) / (max - min) 1,32 7,28 5,03 0,00 8,74 #VALEUR! 5,56 6,09 9,00
ICTexp 2,32 8,28 6,03 1,00 9,74 #VALEUR! 6,56 7,09 10,00
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de la Banque Mondiale (2008)

Tableau 27 : Indicateur de la qualité du régime de protection des droits de propriété physique et intellectuelle
Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 4 160,00 4 568,00 6 926,00 4 433,00 6 266,00 4 331,00 5 500,00 5 081,00 4 925,00
min 4 160,00 4 160,00 4 160,00 4 160,00 4 160,00 4 160,00 4 160,00 4 160,00 4 160,00
max 6 926,00 6 926,00 6 926,00 6 926,00 6 926,00 6 926,00 6 926,00 6 926,00 6 926,00
x - min 0,00 408,00 2 766,00 273,00 2 106,00 171,00 1 340,00 921,00 765,00
max - min 2 766,00 2 766,00 2 766,00 2 766,00 2 766,00 2 766,00 2 766,00 2 766,00 2 766,00
(x - min) / (max - min) 0,00 0,15 1,00 0,10 0,76 0,06 0,48 0,33 0,28
9*(x - min) / (max - min) 0,00 1,33 9,00 0,89 6,85 0,56 4,36 3,00 2,49
Property 1,00 2,33 10,00 1,89 7,85 1,56 5,36 4,00 3,49
Source : calculé par l’auteur sur la base des valeurs de l’International Property Rights Index (IPRI)

Tableau 28 : Indicateur du niveau de l’insécurité


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 2,2529 1,8719 1,6144 2,2994 1,9560 2,6309 1,9399 1,9103 2,4830
min 1,6144 1,6144 1,6144 1,6144 1,6144 1,6144 1,6144 1,6144 1,6144
max 2,6309 2,6309 2,6309 2,6309 2,6309 2,6309 2,6309 2,6309 2,6309
x - min 0,6385 0,2575 0,0000 0,6850 0,3416 1,0165 0,3255 0,2959 0,8686
max - min 1,0165 1,0165 1,0165 1,0165 1,0165 1,0165 1,0165 1,0165 1,0165
(x - min) / (max - min) 0,6281 0,2533 0,0000 0,6739 0,3361 1,0000 0,3202 0,2911 0,8545
(-9)*(x - min) / (max - min) -5,6532 -2,2799 0,0000 -6,0649 -3,0247 -9,0000 -2,8819 -2,6197 -7,6907
Conflict 4,3468 7,7201 10,0000 3,9351 6,9753 1,0000 7,1181 7,3803 2,3093
Source : calculé par l’auteur sur la base de la valeur moyenne du Global Peace Index (x) sur la période 2010-2017 ( IEP)

237
Annexe 09

Tableau 29 : Indicateur d’adhésion aux régimes, accords ou conventions internationaux relatifs à l'agriculture
Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 4 5 4 4 6 4 6 6 6
min 4 4 4 4 4 4 4 4 4
max 6 6 6 6 6 6 6 6 6
x - min 0 1 0 0 2 0 2 2 2
max - min 2 2 2 2 2 2 2 2 2
(x - min) / (max - min) 0,00 0,50 0,00 0,00 1,00 0,00 1,00 1,00 1,00
9*(x - min) / (max - min) 0,00 4,50 0,00 0,00 9,00 0,00 9,00 9,00 9,00
Ipregmmb 1,00 5,50 1,00 1,00 10,00 1,00 10,00 10,00 10,00
Source : calculé par l’auteur

Tableau 30 : Indicateur de la qualité de la gouvernance


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x -0,69 -0,29 1,18 -0,55 -0,01 -0,53 -0,33 -0,05 0,00
min -0,6917 -0,6917 -0,6917 -0,6917 -0,6917 -0,6917 -0,6917 -0,6917 -0,6917
max 1,1817 1,1817 1,1817 1,1817 1,1817 1,1817 1,1817 1,1817 1,1817
x - min 0,0000 0,4017 1,8733 0,1467 0,6833 0,1600 0,3633 0,6400 0,6950
max - min 1,8733 1,8733 1,8733 1,8733 1,8733 1,8733 1,8733 1,8733 1,8733
(x - min) / (max - min) 0,0000 0,2144 1,0000 0,0783 0,3648 0,0854 0,1940 0,3416 0,3710
9*(x - min) / (max - min) 0,0000 1,9297 9,0000 0,7046 3,2829 0,7687 1,7456 3,0747 3,3390
Govern 1,0000 2,9297 10,0000 1,7046 4,2829 1,7687 2,7456 4,0747 4,3390
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de Kaufmann et al., (2006)

Tableau 31 : Indicateur du niveau de la corruption


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 75,20 18,70 8,20 21,20 4,10 51,20 nd nd 45,70
min 4,10 4,10 4,10 4,10 4,10 4,10 4,10 4,10 4,10
max 75,20 75,20 75,20 75,20 75,20 75,20 75,20 75,20 75,20
x - min 71,10 14,60 4,10 17,10 0,00 47,10 nd nd 41,60
max - min 71,10 71,10 71,10 71,10 71,10 71,10 71,10 71,10 71,10
(x - min) / (max - min) 1,00 0,21 0,06 0,24 0,00 0,66 nd nd 0,59
(-9)*(x - min) / (max - min) -9,00 -1,85 -0,52 -2,16 0,00 -5,96 nd nd -5,27
Corrupt 1,00 8,15 9,48 7,84 10,00 4,04 nd nd 4,73
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de la Banque Mondiale (2008)

Tableau 32 : Indicateur de l’aide extérieure à l’agriculture


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 1,55 0,54 2,54 9,09 48,43 15,15 13,92 26,15 2,47
min 0,54 0,54 0,54 0,54 0,54 0,54 0,54 0,54 0,54
max 48,43 48,43 48,43 48,43 48,43 48,43 48,43 48,43 48,43
x - min 1,01 0,00 2,00 8,55 47,88 14,60 13,37 25,61 1,92
max - min 47,88 47,88 47,88 47,88 47,88 47,88 47,88 47,88 47,88
(x - min) / (max - min) 0,02 0,00 0,04 0,18 1,00 0,30 0,28 0,53 0,04
9*(x - min) / (max - min) 0,19 0,00 0,38 1,61 9,00 2,74 2,51 4,81 0,36
ODA 1,19 1,00 1,38 2,61 10,00 3,74 3,51 5,81 1,36
Source : calculé par l’auteur sur la base des données (x) de l’OECD.Stat et de la Banque Mondiale (2017)

238
Annexe 10

Tableau 33 : Indicateur de l’allocation et la gestion des ressources publiques pour le développement rural
Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 4,83 4,83 5,33 3,83 4,67 3,17 4,00 4,83 4,17
min 3,17 3,17 3,17 3,17 3,17 3,17 3,17 3,17 3,17
max 5,33 5,33 5,33 5,33 5,33 5,33 5,33 5,33 5,33
x - min 1,66 1,66 2,16 0,66 1,50 0,00 0,83 1,66 1,00
max - min 2,16 2,16 2,16 2,16 2,16 2,16 2,16 2,16 2,16
(x - min) / (max - min) 0,77 0,77 1,00 0,31 0,69 0,00 0,38 0,77 0,46
9*(x - min) / (max - min) 6,92 6,92 9,00 2,75 6,25 0,00 3,46 6,92 4,17
PubRsrce 7,92 7,92 10,00 3,75 7,25 1,00 4,46 7,92 5,17
Source : calculé par l’auteur sur la base des indices (x) du FIDA (2005)

Tableau 34 : Indicateur de la qualité du dialogue entre le gouvernement et les organisations rurales


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 4,25 4,00 5,00 3,50 4,00 3,75 3,75 4,00 3,75
min 3,50 3,50 3,50 3,50 3,50 3,50 3,50 3,50 3,50
max 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00
x - min 0,75 0,50 1,50 0,00 0,50 0,25 0,25 0,50 0,25
max - min 1,50 1,50 1,50 1,50 1,50 1,50 1,50 1,50 1,50
(x - min) / (max - min) 0,50 0,33 1,00 0,00 0,33 0,17 0,17 0,33 0,17
9*(x - min) / (max - min) 4,50 3,00 9,00 0,00 3,00 1,50 1,50 3,00 1,50
Dialogue 5,50 4,00 10,00 1,00 4,00 2,50 2,50 4,00 2,50
Source : calculé par l’auteur sur la base des indices (x) du FIDA (2005)

Tableau 35 : Indicateur de la politique et le cadre juridique pour les organisations rurales


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 3,80 3,80 5,20 3,60 4,20 4,40 4,20 4,00 3,20
min 3,20 3,20 3,20 3,20 3,20 3,20 3,20 3,20 3,20
max 5,20 5,20 5,20 5,20 5,20 5,20 5,20 5,20 5,20
x - min 0,60 0,60 2,00 0,40 1,00 1,20 1,00 0,80 0,00
max - min 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00 2,00
(x - min) / (max - min) 0,30 0,30 1,00 0,20 0,50 0,60 0,50 0,40 0,00
9*(x - min) / (max - min) 2,70 2,70 9,00 1,80 4,50 5,40 4,50 3,60 0,00
PolicyFrame 3,70 3,70 10,00 2,80 5,50 6,40 5,50 4,60 1,00
Source : calculé par l’auteur sur la base des indices (x) du FIDA (2005)

Tableau 36 : Indicateur de la responsabilité, la transparence et la corruption dans les zones rurales


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
x 3,78 4,33 4,83 3,67 4,00 4,00 3,78 4,00 3,78
min 3,67 3,67 3,67 3,67 3,67 3,67 3,67 3,67 3,67
max 4,83 4,83 4,83 4,83 4,83 4,83 4,83 4,83 4,83
x - min 0,11 0,66 1,16 0,00 0,33 0,33 0,11 0,33 0,11
max - min 1,16 1,16 1,16 1,16 1,16 1,16 1,16 1,16 1,16
(x - min) / (max - min) 0,09 0,57 1,00 0,00 0,28 0,28 0,09 0,28 0,09
9*(x - min) / (max - min) 0,85 5,12 9,00 0,00 2,56 2,56 0,85 2,56 0,85
Account 1,85 6,12 10,00 1,00 3,56 3,56 1,85 3,56 1,85
Source : calculé par l’auteur sur la base des indices (x) du FIDA (2005)

239
Annexe 11

Tableau 37 : Construction de l’Indice d’Innovation et de Développement en Agriculture (IIDA)


Algérie Argentine Chili Égypte Jordanie Liban Maroc Tunisie Turquie
Int_agrsrchr 1,00
Domaine de la Connaissance 6,74 1,86 2,55 4,37 10,00 1,03 1,67 1,28
EdSysQual 4,90 4,60 4,90 1,00 8,50 10,00 3,10 4,00 4,30
SciQual 4,60 10,00 8,65 1,00 7,30 5,05 3,25 3,70 4,15
MigrRate 8,68 10,00 9,07 9,44 8,71 1,00 7,42 7,65 9,31
Int_agrd 1,00 6,11 8,67 2,07 10,00 4,82 2,46 3,30 2,56
ODA_AET 1,54 3,29 2,60 2,83 4,48 10,00 3,64 5,06 1,00
ODA_Agrd 1,60 1,64 2,55 2,67 2,59 5,02 8,63 10,00 1,00
Journals 1,00 4,15 5,77 1,92 10,00 2,22 1,10 7,13 1,65
Edaccess 4,00 6,01 10,00 3,01 6,01 10,00 1,00 9,01 4,99
TechReady 1,00 5,50 10,00 1,90 4,60 5,05 3,70 3,70 5,95
Score 2,93 5,80 6,41 2,84 6,66 6,32 3,53 5,52 3,62
UniIndcoll 2,93 7,43 8,07 1,00 10,00 8,71 5,50 4,86 8,07
Domaine
oda_ext 1,00 1,59 1,78 1,23 1,00 10,00 1,19 1,95 1,00
des
oda_coop 1,87 1,13 1,51 1,82 8,71 10,00 3,28 1,36 1,00
Institutions-
AgREaccess 1,00 4,96 10,00 5,50 2,13 1,00 2,13 3,25 4,38
Relais
Score 1,70 3,78 5,34 2,39 5,46 7,43 3,02 2,85 3,61
BizCosts 9,21 8,79 9,53 6,80 5,22 1,00 9,30 10,00 8,29
Innov 1,00 4,32 7,16 1,95 10,00 7,63 4,32 2,89 6,21
ODA_AgFin 1,00 1,10 1,02 10,00 1,00 1,00 1,73 1,75 1,00
Domaine de l’Entreprise

ODA_Agind 3,83 1,18 1,23 2,83 1,83 10,00 2,45 1,71 1,00
Roads 4,62 9,27 7,54 1,00 1,28 2,10 2,18 2,19 10,00
RuralInvest 3,25 5,50 10,00 3,25 5,50 5,50 1,00 4,38 4,38
MktAccess 1,00 6,52 10,00 3,76 5,14 7,90 1,00 9,28 3,76
Ruralfin 5,50 3,25 10,00 2,13 7,75 5,50 5,50 3,25 1,00
Fertlzr 1,00 1,25 6,28 7,82 10,00 4,61 1,49 1,26 1,90
Machine 4,40 3,66 8,15 10,00 8,81 8,10 1,00 4,06 8,89
FDI 1,00 1,96 7,63 2,88 8,78 10,00 2,29 3,15 1,50
ICTexp 2,32 8,28 6,03 1,00 9,74 n/a 6,56 7,09 10,00
Score 3,18 4,59 7,05 4,45 6,25 5,76 3,23 4,25 4,83
Conflict 4,35 7,72 10,00 3,94 6,98 1,00 7,12 7,38 2,31
Domaine de l’Environnement

Property 1,00 2,33 10,00 1,89 7,85 1,56 5,36 4,00 3,49
Govern 1,00 2,93 10,00 1,70 4,28 1,77 2,75 4,07 4,34
Corrupt 1,00 8,15 9,48 7,84 10,00 4,04 n/a n/a 4,73
Ipregmmb 1,00 5,50 5,50 5,50 10,00 1,00 10,00 10,00 10,00
ODA 1,19 1,00 1,38 2,61 10,00 3,74 3,51 5,81 1,36
PolicyFrame 3,70 3,70 10,00 2,80 5,50 6,40 5,50 4,60 1,00
Dialogue 5,50 4,00 10,00 1,00 4,00 2,50 2,50 4,00 2,50
PubRsrce 7,92 7,92 10,00 3,75 7,25 1,00 4,46 7,92 5,17
Account 1,85 6,12 10,00 1,00 3,56 3,56 1,85 3,56 1,85
Score 2,85 4,94 8,64 3,20 6,94 2,66 4,78 5,70 3,68
IIDA 2,66 4,78 6,86 3,22 6,33 5,54 3,64 4,58 3,93
Source : calculé par l’auteur

240
Annexe 12

Tableau 38 : Résultat de l'échantillonnage stratifié (partie 1/2)


Commune Nombre d'oliviers en masse % Nombre d'exploitations
Béjaia 5 100 0,13 0
Tala Hamza 3 600 0,09 0
Oued Ghir 7 352 0,19 0
Boukhlifa 15 326 0,39 0
Aokas 21 200 0,54 0
Melbou 12 970 0,33 0
Tichy 19 500 0,50 0
S el Tennine 17 900 0,46 0
T. N' Berber 69 270 1,76 1
Tamridjet 16 900 0,43 0
Kherrata 49 400 1,26 1
Draa ElKaid 70 000 1,78 1
Taskriout 6 400 0,16 0
Darguina 15 500 0,39 0
Ait Smail 29 400 0,75 0
El Kseur 50 050 1,27 1
Toudja 17 000 0,43 0
Fenaia 104 930 2,67 2
Amizour 233 000 5,93 4
Semaoun 45 950 1,17 1
Feraoun 21 100 0,54 0
Béni Djellil 13 700 0,35 0
Barbacha 20 300 0,52 0
Kendira 26 040 0,66 0
Timezrit 78 660 2,00 1
Adekar 38 680 0,98 1
Source: Réalisé par l'auteur sur la base des données collectées auprès de
la Direction des Services Agricoles de la Wilaya de Béjaïa

241
Annexe 12

Tableau 38 : Résultat de l'échantillonnage stratifié (partie 2/2)


Commune Nombre d'oliviers en masse % Nombre d'exploitations
T. Ighil 22 870 0,58 0
Béni Ksila 6 600 0,17 0
Sidi Aich 10 015 0,25 0
El Flay 31 415 0,80 1
Tinabdar 48 019 1,22 1
Sidi Ayad 32 835 0,84 1
Tifra 11 400 0,29 0
Tibane 22 710 0,58 0
Chemini 129 940 3,31 2
S. Oufella 41 780 1,06 1
Akfadou 7 618 0,19 0
Seddouk 202 034 5,14 3
Amalou 232 000 5,90 4
M'cissna 55 565 1,41 1
Bouhamza 267 522 6,81 4
B. Maouche 275 800 7,02 4
Akbou 134 974 3,43 2
Chellata 99 500 2,53 2
Ouzellaguen 111 180 2,83 2
Ighram 100 119 2,55 2
Tamokra 243 648 6,20 4
Tazmalt 101 861 2,59 2
Ighil Ali 199 338 5,07 3
Boudjellil 242 000 6,16 4
B. Melikeche 76 560 1,95 1
Ait Rezine 214 500 5,46 3
Total Wilaya 3 931 031 100,00 60
Source: Réalisé par l'auteur sur la base des données collectées auprès de
la Direction des Services Agricoles de la Wilaya de Béjaïa

242
Annexe 13

Questionnaire d’enquête (page 1/7)

Présentation de l’exploitation oléicole

1.Subdivision des Services Agricoles


2. Commune
3. Village
4. Superficie
5. Nombre d’oliviers en masse
6. Nombre d’oliviers isolés
7. Nombre de parcelles cultivées

8. Statut de l’exploitation: 9.Terre exploitée:

Privée – Individuelle / Familiale Propriété individuelle


Privée – Collective / Associés Propriété familiale en indivision
EAI Location
EAC Métayage
Ferme Pilote Concession temporaire de la part de l’Etat
 Autre :.............................................................. Autre :.....................................................................................

10. Nature du relief : Plat  Pente Accidenté

11. Accès direct à une voie carrossable (piste ou voie bitumée) : Oui Non

12. Rendement en 2014

13. Rendement en 2013

14. Rendement en 2012

15. Possédez-vous (ou exploitez-vous) une huilerie ?  Oui  Non

Si oui :
16. Depuis quelle année ?....................................................................................................................................................................

17. Est-elle  Moderne ?  Traditionnelle ?

Profils des exploitants oléicoles


18. 19. 20. 21.
Âge Expérience en oléiculture Années d’études Formation en agriculture
Exploitant N° 01
Exploitant N° 02
Exploitant N° 03
Exploitant N° 04
243
Annexe 13

Questionnaire d’enquête (page 2/7)

Personnel employé dans l’exploitation oléicole

22.Quelle est la composition de la main-d’œuvre de votre exploitation oléicole ?


 Membres de la famille
 Employés saisonniers
 Employés permanents
 Autre(s) famille(s) (uniquement lors de la récolte – 50/50)

23.Disposez-vous d’un personnel d’encadrement technique au sein de votre exploitation


oléicole ?

 Ingénieur en agronomie
 Technicien Supérieur en agriculture
 Conducteur d’engins agricoles /Mécanicien
 Spécialiste de la maintenance du matériel industriel de l’huilerie

 Autres...................................................................................................................................................................

Information / Communication

24. Avez-vous régulièrement recours à internet pour avoir des informations relatives à
l’oléiculture ? Oui  Non

25.Êtes-vous membre d’une association (ou corporation) d’agriculteurs ou d’oléiculteurs ?


 Oui  Non

26.Si oui, laquelle ?


..................................................................................................................................................................................................................................

27. Avez-vous l’habitude de vous rendre à la Subdivision Agricole pour demander des
informations relatives à l’activité oléicole ?  Oui  Non

28. Si oui, a-t-on répondu à vos questionnements (en général) ?  Oui  Non

29.Des agents de vulgarisation se sont-ils déjà rendus à votre exploitation ?


 Oui  Non

30. Depuis 2010, assistez-vous régulièrement à des séances d’information / formation


organisées par les services publics de vulgarisation agricole ?  Oui  Non

31.Depuis 2010, avez-vous bénéficié des services d’un agronome ou expert en oléiculture ?
 Oui  Non

244
Annexe 13

Questionnaire d’enquête (page 3/7)

32.Depuis 2010, avez-vous eu des liens professionnels avec l’un de ces organismes pour des
échanges d’informations, connaissances ou technologies ?

 INRAA
 ITAFV
 Chambre d’Agriculture
 ENSA (Ex-INA)
Université :..............................................................................................................................
 Autres :…………………………………………………………………………...................

Financement / Aides

33.Depuis2010, avez-vous bénéficié d’une aide de l’Etat pour l’achat de plants, d’intrants ou
d’équipements pour votre oliveraie ?  Oui  Non

34.Avez-vous contracté un ou plusieurs crédits bancaires pour votre activité oléicole depuis
2010 ?  Oui  Non

Production

35. Avez-vous introduit un nouveau produit sur le marché durant la période 2010–2015 ?
 Oui Non

36. Si oui, lequel ?


…………………………………………………………………………………………………………………………………...………………

37. Procédez-vous à la taille des oliviers ?  Oui (Depuis : )  Non

38. Lesquelles de ces pratiques avez-vous introduits après2010 ?

Élimination des rejets de souche


Pincement (coupe de l’extrémité des pousses)
Ravalement (Suppression et rabattage des branches et/ou rameaux)
Élimination des caries
Rabattage (coupe du tronc)
 Autres (fréquence ; intensité ; etc.)……………………………………………………………............................

245
Annexe 13

Questionnaire d’enquête (page 4/7)

39. Avez-vous introduit de nouveaux instruments de taille depuis 2010 ?


 Oui  Non

40. Si oui, lesquels ?………………………………………………………………………………………………………….................

41.Avez-vous introduit un nouveau mode de conduite des oliviers (forme et dimension de la


frondaison) depuis 2010 ? Oui  Non

42. Si oui, lequel ?


 Gobelet libre
 Globe
 Autres :…………………………………………………………………..........................................................

43.Avez-vous procédé au renouvellement total ou partiel de l’oliveraie ou à l’installation de


nouvelles plantations depuis 2010 ? Oui  Non

oui, avez-vous modifié la distance entre les arbres par rapport à l’ancienne plantation ?
44. Si
 Oui (Anc. D. : ) (Nvelle D. :)  Non

45. Outre la variété principale, avez-vous planté une autre variété pollinisatrice (oliviers
pollinisateurs) ? Oui  Non

Si oui :
46. laquelle ?...................................................................................................................................................................................................
47. Quelle est leur proportion dans la nouvelle plantation ?.....................................................................................

Avant la plantation :
48. Avez-vous procédé au nivellement du terrain ?  Oui  Non
49. Avez-vous procédé au défrichement du terrain (des résidus et des racines des cultures
antérieures) ?  Oui  Non
50. Avez-vous procédé au défoncement du terrain (labour profond - jusqu’à 1 mètre) ?
 Oui  Non

51.Avez-vous apporté des changements à votre méthode de récolte ou introduit de nouveaux


moyens de récolte depuis 2010 ? Oui  Non

52. Si oui, lesquels ?……………………………………………………………………………………………………………………


.............................................................................................................................................................................................................................

53. Procédez-vous au diagnostic de l’état sanitaire de l’oliveraie avant l’application des


pesticides ?  Oui (Depuis : ) Non

54.Avez-vous apporté des changements ou introduit de nouvelles méthodes ou produits de


protection phytosanitaire depuis 2010 ? Oui  Non
246
Annexe 13

Questionnaire d’enquête (page 5/7)

55. Si oui, lesquels ?

 La désinfection du matériel de taille


 La cicatrisation des plaies de taille (avec du mastic de cicatrisation par exemple)
 Autres techniques / Nouveaux produits (insecticide, herbicides, etc.):
................................................................................................................................................................................................................
...........................................................................................................................................................................................

56.Procédez-vous au diagnostic de l’état nutritionnel de l’oliveraie avant l’application de


fertilisants ? Oui (Depuis : ) Non

57. Avez-vous apporté des changements à votre méthode de fertilisation depuis 2010 ?
 Oui  Non

58. Si
oui, lesquels ?
 Application de fertilisants en surface (épandage de l’engrais avant une pluie ou avant
l’irrigation ou l’enfouissement de l’engrais au moyen d’un labour superficiel)
 La fertigation ou l’application des engrais au sol par dissolution dans l’eau d’irrigation
 La fertilisation foliaire (Aspersion de la frondaison avec des solutions d’éléments
chimiques à l’aide d’un pulvérisateur)
 Autres :......................................................................................................................................................................................................
.........................................................................................................................................................................................................................

59. Avez-vous apporté des changements à votre méthode d’irrigation depuis 2010 ?
 Oui  Non

60. Si oui, lesquels ?

 Irrigation localisée avec goutteurs


 Irrigation localisée avec diffuseurs
 Irrigation souterraine
 Autres :.............................................................................................................................................................................................
................................................................................................................................................................................................................

247
Annexe 13

Questionnaire d’enquête (page 6/7)

61. Lesquelles de ces techniques de conduite du sol avez-vous introduit après 2010 ?

 Labour
 Non labour sur sol nu
 Couvertures inertes (pierres)
 Couverture de restes végétaux
 Couvertures végétales vivantes
 Talus de terre
 Terrasses
 Digues
 Mares
 Tranchées
 Apport de matières organiques (fumier)
 Amendement du sol avec les résidus de la trituration des olives
 Autres :.............................................................................................................................................................................................
................................................................................................................................................................................................................

Commercialisation / Distribution

62. Exportez-vous votre production ?  Oui  Non

Si oui :
63. Sous quelle forme ?......................................................................................................................................................................

................................................................................................................................................................................................................

63. Depuis quelle année ?..................................................................................................................................................................

64.Depuis 2010, quels changements avez-vous apporté à la présentation de votre produit


(emballage) ?
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

65.Depuis 2010, quels changements avez-vous introduits afin d’améliorer la promotion de


votre produit (Pub, foire, salons, concours, etc.)?
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

248
Annexe 13

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

Questionnaire d’enquête (page 7/7)

66.Depuis 2010, avez-vous eu accès à un nouveau marché (nouveaux clients importants,


nouvelles régions, nouveaux pays) ?  Oui  Non

67.Depuis 2010, quels changements avez-vous apporté à votre infrastructure et méthode de


stockage de la production ?
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

..................................................................................................................................................................................................................................

68.Depuis 2010, quels changements avez-vous introduits dans le transport de votre


marchandise ?
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

Remarques Diverses

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

………………………………………………………………………………………………………………………………………………….....

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………......

249
Annexe 14

Tableau 39 : Base de données en coupe instantanée réalisée à partir des résultats de l’enquête (partie 1/3)
Winso. Winsor. Winsor.
Exploiation Innov Age Etudes Exp Sup Huil Disp Route Aides ESA INRAA ITAFV ITMAS Univ ADOIO FEDAO AT UNPA CA SSA CV
Innov Sup Disp
N°01 10,07 10,07 53 11 30 3 3,00 0 4 4 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1
N°02 7,94 7,94 57 5 38 9 9,00 1 3 3 1 1 1 0 1 0 0 0 0 0 0 1 1 0
N°03 5,00 5,00 42 12 20 1 1,00 0 2 2 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1
N°04 5,00 5,00 44 12 26 1 1,00 0 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°05 8,00 8,00 35 19 20 2,5 2,50 0 5 5 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1
N°06 7,00 7,00 30 9 15 2 2,00 0 4 4 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1
N°07 10,01 10,01 60 6 42 8 8,00 0 3 3 0 1 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 1 1
N°08 9,95 9,95 52 0 34 5 5,00 0 2 2 1 1 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 1 0
N°09 14,89 14,70 25 15 10 30 9,69 0 2 2 1 1 1 0 1 0 0 1 0 0 0 1 1 1
N°10 6,00 6,00 50 0 25 1 1,00 0 1 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°11 26,58 14,70 48 17 25 15 9,69 1 3 3 1 1 1 1 1 0 1 1 1 0 0 1 1 1
N°12 31,00 14,70 49 9 32 20 9,69 0 1 1 1 1 1 1 1 0 0 1 0 0 0 1 1 1
N°13 8,94 8,94 84 0 66 4 4,00 0 2 2 1 1 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 1 0
N°14 7,88 7,88 86 0 68 6 6,00 1 10 7 1 1 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0
N°15 12,95 12,95 44 4 26 3 3,00 0 2 2 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 1 1 1
N°16 8,82 8,82 71 0 53 8 8,00 0 7 7 1 0 0 0 1 0 1 1 0 0 0 1 0 0
N°17 8,00 8,00 57 14 37 2 2,00 0 5 5 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 1 1
N°18 6,00 6,00 45 15 24 1 1,00 0 6 6 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1
N°19 10,95 10,95 67 6 49 4 4,00 0 1 1 1 0 0 0 1 1 0 0 0 0 0 1 0 0
N°20 4,00 4,00 81 6 63 1 1,00 0 3 3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Source : réalisée par l’auteur à partir des données de l’enquête de terrain

250
Annexe 14

Tableau 39 : Base de données en coupe instantanée réalisée à partir des résultats de l’enquête (partie 2/3)
Winso. Winsor. Winsor.
Exploitation Innov Age Etudes Exp Sup Huil Disp Route Aides ESA INRAA ITAFV ITMAS Univ ADOIO FEDAO AT UNPA CA SSA CV
Innov Sup Disp
N°21 2,00 2,16 80 6 62 1 1,00 0 1 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°22 7,00 7,00 70 0 52 1,5 1,50 0 2 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°23 7,00 7,00 36 17 13 2,5 2,50 0 7 7 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1
N°24 7,82 7,82 56 15 29 162 9,69 0 27 7 1 1 1 0 0 0 1 1 0 0 0 1 1 1
N°25 6,00 6,00 40 17 15 3 3,00 0 2 2 1 0 0 0 1 0 0 0 0 1 0 0 0 1
N°26 10,00 10,00 38 17 15 5 5,00 1 3 3 1 0 0 0 1 0 0 1 0 0 0 0 0 1
N°27 7,00 7,00 56 9 38 2 2,00 0 2 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°28 9,07 9,07 65 5 47 2,5 2,50 0 1 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°29 3,00 3,00 69 0 51 1 1,00 0 2 2 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°30 7,00 7,00 52 9 34 2 2,00 1 4 4 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°31 8,00 8,00 68 6 50 2 2,00 0 2 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°32 3,00 3,00 61 12 43 1 1,00 0 1 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°33 4,00 4,00 65 2 47 1 1,00 0 1 1 1 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°34 5,00 5,00 66 2 48 1 1,00 0 3 3 1 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°35 10,94 10,94 35 16 10 5 5,00 0 4 4 1 1 0 0 1 1 0 0 0 1 0 1 1 1
N°36 8,00 8,00 39 15 4 2 2,00 0 2 2 1 0 0 0 1 0 0 0 0 1 0 0 0 1
N°37 9,89 9,89 60 6 42 10 9,69 0 6 6 1 1 0 0 1 1 0 0 0 0 1 1 1 0
N°38 9,88 9,88 43 9 25 3 3 0 1 1 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 1 1 1
N°39 6,88 6,88 57 9 40 2 2 0 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°40 9,95 9,95 62 6 20 3 3 0 5 5 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 1 1
Source : réalisée par l’auteur à partir des données de l’enquête de terrain

251
Annexe 14

Tableau 39 : Base de données en coupe instantanée réalisée à partir des résultats de l’enquête (partie 3/3)
Winso. Winsor. Winsor.
Exploitation Innov Age Etudes Exp Sup Huil Disp Route Aides ESA INRAA ITAFV ITMAS Univ ADOIO FEDAO AT UNPA CA SSA CV
Innov Sup Disp
N°41 7,00 7,00 29 12 6 2,5 2,5 0 3 3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1
N°42 311,13 14,70 78 0 60 360 9,69 1 4 4 1 1 1 1 1 1 1 0 0 0 1 1 1 0
N°43 8,00 8,00 47 9 24 2,5 2,5 0 1 1 1 1 0 0 1 1 0 1 0 0 0 1 0 1
N°44 13,82 13,82 67 12 20 72 9,69 1 1 1 1 0 1 0 1 0 1 0 0 0 1 1 1 1
N°45 7,94 7,94 48 10 17 4 4 0 5 5 1 1 0 0 1 1 0 1 0 0 0 1 1 0
N°46 7,00 7,00 44 12 10 2 2 0 8 7 1 1 0 0 1 0 0 1 0 0 0 0 0 1
N°47 9,89 9,89 70 9 10 4 4 0 3 3 1 1 0 0 1 1 0 0 0 0 0 1 1 0
N°48 11,01 11,01 52 6 34 12 9,69 0 3 3 1 1 0 0 1 1 0 1 0 0 0 1 1 1
N°49 11,07 11,07 34 6 16 4 4 0 5 5 1 0 0 0 1 1 0 1 0 0 0 1 1 1
N°50 11,07 11,07 39 12 21 3 3 0 3 3 1 0 0 0 1 0 0 1 0 0 0 0 0 1
N°51 10,00 10,00 36 10 18 3,75 3,75 0 3 3 1 1 0 0 0 1 0 1 0 0 0 0 1 0
N°52 7,94 7,94 50 16 20 17 9,69 0 1 1 1 1 0 0 1 1 0 1 0 0 0 1 1 1
N°53 8,00 8,00 61 11 42 5 5 0 1 1 1 1 0 0 1 1 0 0 0 0 0 1 1 1
N°54 11,89 11,89 75 6 57 13 9,69 0 1 1 1 1 0 0 1 1 0 0 0 0 1 1 1 0
N°55 6,82 6,82 61 8 40 2 2 1 2 2 0 1 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 1 0
N°56 5,00 5,00 41 15 22 1 1 1 10 7 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1
N°57 4,00 4,00 54 9 35 1 1 0 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°58 6,88 6,88 65 12 5 1,5 1,5 1 1 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0
N°59 7,00 7,00 50 14 30 3 3 1 4 4 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
N°60 5,00 5,00 55 9 15 1 1 1 6 6 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Source : réalisée par l’auteur à partir des données de l’enquête de terrain

252
Résumé : Ce travail de recherche a pour objet de mettre en évidence les enjeux et les défis en
matière d’innovation dans le secteur de l’oléiculture de la wilaya de Béjaïa. A cet effet, nous
avons adopté une méthodologie axée sur l’approche des Systèmes d’Innovation Agricole,
développée sur la base de la théorie évolutionniste néo-schumpétérienne, ainsi que différentes
approches du changement institutionnel. Dans un premier temps, le Système algérien
d’Innovation Agricole a fait l’objet d’une analyse comparative par rapport à ceux d’un
échantillon de pays exportateurs d’huile d’olive. Par ailleurs, une analyse rétrospective a porté
sur la politique et la R&D agricoles, ainsi que sur l’oléiculture en Algérie. Enfin, nous avons
effectué une analyse statistique microéconomique afin de mettre en exergue les déterminants de
l’innovation dans les exploitations oléicoles. A l’issue de ce travail de recherche, il s’est avéré
que l’innovation en oléiculture dans la wilaya de Béjaïa fait face à des contraintes structurelles
inhérentes à l’évolution historiques du secteur de l’agriculture en Algérie. Ce travail a également
montré que les oléiculteurs de la wilaya de Béjaïa ne profitent guère de leurs interactions avec la
plupart des sources institutionnelles de connaissances et d'informations.
Mots clés : Innovation ; oléiculture ; politique agricole ; R&D agricole ; wilaya de Béjaïa ;
Algérie.

Abstract: This study aims to highlight the issues and challenges of innovation in the olive sector
in Bejaia province. To do this, we used a methodology based on the Agricultural Innovation
Systems approach, built around the neo-Schumpeterian evolutionary theory, as well as different
approaches to institutional change. First of all, the Algerian Agricultural Innovation System has
been compared to a sample of olive oil exporting countries. In addition, a retrospective analysis
focused on agricultural policy and R&D, as well as olive growing in Algeria. Finally, we have
carried out a microeconomic statistical analysis to find out about the determinants of innovation
in olive farms. The main result from this research is that innovation in olive growing in Bejaia
province faces structural constraints inherent in the overall historical evolution of agriculture in
Algeria. In addition, it turns out that olive farmers in Bejaia province seem not to take advantage
of their interactions with most of knowledge and information institutions and organizations.
Keywords: Innovation; olive sector; agricultural policy; agricultural R&D; Bejaia province;
Algeria.

‫وتحديات الابتكار في قطاع الزيتون‬


َ ‫الضوء على قضايا‬َ ‫ تهدف هذه الأطروحة إلى تسليط‬: ‫ملخص‬
‫ اعتمدنا منهجية تقوم على نهج نظم الابتكار الزراعي الذي يرتكز على‬،‫ لهذا الغرض‬.‫في ولاية بجاية‬
‫ تم مقارنة‬،‫ في هذا الإطار‬.‫نظرية علم الاقتصاد التطوري فضلا عن نهج مختلفة للتغيير المؤسسي‬
‫تم‬
َ ،‫ علاوة على ذلك‬.‫النظام الجزائري للابتكار الزراعي مع عيَنة من البلدان المصدرة لزيت الزيتون‬
‫إجراء تحليل تاريخي على السياسة الزراعية والبحث والتطوير الزراعي وكذلك زراعة الزيتون في‬
.‫ أجرينا تحليلا ً إحصائيًا و اقتصاديًا لإبراز العوامل المحددة للابتكار في بساتين الزيتون‬،‫ و أخيرا‬.‫الجزائر‬
‫ اتضح أن الابتكار في زراعة الزيتون في ولاية بجاية يواجه عوائق هيكلية‬،‫في نهاية هذا البحث‬
‫ كما أظهر هذا البحث أن مزارعي الزيتون‬.‫متأصلة في التطور التاريخي للقطاع الزراعي في الجزائر‬
.‫في ولاية بجاية لا يستفيدون من تفاعلاتهم مع معظم المصادر المؤسسية للمعرفة والمعلومات‬

;‫ الابتكار; قطاع الزيتون; السياسة الزراعية; البحث والتطوير الزراعي; ولاية بجاية‬:‫الرئيسية‬
َ ‫الكلمات‬
.‫الجزائر‬

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