PRODUCTION FOURRAGERE EN ZONE TROPICALE ET CONSEILS AUX ELEVEURS Laitiers PDF
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PROCORDEL
2004
SOMMAIRE
Introduction, historique
4. Le choix de la plante
4.1. Les graminées
4.2. Les légumineuses
4.3. Les arbres et arbustes fourragers
4
Conclusion
Bibliographie
5
Introduction, historique
Depuis longtemps, des tentatives d'introduction de plantes fourragères cultivées ont été faites dans
de nombreux pays d'Afrique tropicale. Si les résultats sont satisfaisants, et même parfois
encourageants en station (Burkina-Faso : Farako-ba, Banankélédaga, Mali : Sotuba, Côte d'Ivoire :
Bouaké, Sénégal : Sangalkam, etc.) la vulgarisation pose problèmes et rares sont les villages où l'on
peut observer des cultures fourragères en place et en bon état. Des obstacles existent, qu'il faut
connaître avant de tenter l'introduction d'une culture fourragère.
Comme toute culture, celle des plantes fourragères nécessite des techniques appropriées. Les
paysans, agriculteurs ou agro-éleveurs, connaissent bien la culture des plantes vivrières (céréales,
arachide, niébé etc.) et de quelques cultures industrielles (coton). Ils ne sont pas familiarisés avec
les techniques culturales des plantes fourragères.
Les espèces fourragères cultivées se répartissent en 2 grandes familles, les graminées et les
légumineuses, dont la biologie et les exigences techniques sont différentes.
Les graminées
Comparées aux céréales qui sont aussi des graminées, les graminées fourragères sont souvent plus
difficiles à installer. Beaucoup d'entre elles ont un faible pouvoir germinatif (parfois quelques %
seulement), [ceci est du au fait que ce sont des vivaces, qui dans la nature se reproduisent plus par
division des touffes que par reproduction sexuée, à l'exception cependant d'Andropogon gayanus,
plante de jachère à pouvoir colonisateur élevé qui germe à 70 ou 80 %. Certaines variétés de
Panicum maximum améliorées, qui ont été sélectionnées pour le pouvoir germinatif, lèvent à 90 %.].
Enfin, la récolte des semences est souvent délicate (Panicum maximum, Andropogon gayanus).
L'autre solution pour pallier les difficultés du semis, est le bouturage. Les graminées cespiteuses ou
stolonifères reprennent très bien par éclat de souche ou bouturage de stolon. Cependant, la
technique est lente, et doit être appliquée en pleine saison des pluies pour une réussite assurée.
En revanche, les graminées, d'une manière générale, résistent bien au broutage, au piétinement et
même au feu. Elles sont stables et pérennes.
Les graminées pâturées ont besoin d'une fertilisation complète (NPK) ; certaines espèces sont
exigeantes en azote (Brachiaria ruziziensis).
La gestion
Les graminées comme les légumineuses nécessitent une gestion appropriée pour maintenir la culture
en place. Les graminées sont plus stables que les légumineuses, mais elles peuvent aussi régresser
par surpâturage. L'éleveur doit adapter la charge à la culture.
La gestion ne concerne pas seulement la plante, mais aussi l'animal. Dans un pâturage naturel,
l'animal choisit les espèces et le stade de développement. Dans une culture fourragère, c'est
l'exploitant qui doit choisir pour l'animal : les cultures fourragères sont plus difficiles à gérer. Une
graminée surtout, lorsqu'elle est exploitée trop tardivement, trop âgée, n'a plus une valeur
alimentaire suffisante. Elle peut être moins bonne que la savane environnante.
Une culture fourragère mal utilisée peut avoir des résultats désastreux sur les performances
zootechniques, même dans le cas de légumineuses. Le tableau I montre les mesures de production
laitière recueillies chez divers exploitants des élevages périurbains autour de Bobo-Dioulasso. Il n'y
a guère de relation entre la production laitière et les compléments alimentaires, qu'il s'agisse du
tourteau ou de la dolique (Lablab purpureus).
La mise en place d'une culture fourragère nécessite un gros travail : souvent un travail du sol,
défrichement ou sarclage, toujours un semis ou un bouturage. Il faut ensuite, dès que la plante est
levée, assurer sa protection, de préférence par une clôture, ou par une haie sèche ou vive. Le paysan
est surchargé de travail en saison des pluies, il accepte difficilement des efforts supplémentaires en
temps de travail pour des animaux qui peuvent se nourrir tous seuls.
La disponibilité en terres, et par là le système foncier, est sans doute l'obstacle majeur au
développement des cultures fourragères. Comment trouver un espace disponible quand on n'a pas
suffisamment de terre pour ses cultures vivrières ? Où trouver un espace pâturable dans le terroir
sans risquer des dégâts aux cultures vivrières ? Eloignées du village, les parcelles fourragères sont
ou inexploitées, ou pâturées par les troupeaux de passage ; proches du village, elles posent des
problèmes insolubles de gardiennage et de surpâturage.
L'intégration des cultures fourragères au sein du terroir doit se résoudre, non seulement à l'échelle de
l'exploitation, mais aussi à celle du terroir, par un consensus entre les différents utilisateurs des
ressources naturelles, sol, pâturage, forêt ...
Si les difficultés d'introduire des cultures fourragères sont grandes pour les éleveurs sédentaires,
elles le sont encore plus pour les éleveurs transhumants. L'absence de propriété foncière, en dehors
du terroir d'origine, et la stabilité précaire des terres de parcours, n'incite pas à la création de
parcelles fourragères. Peut-on cultiver un terrain que l'on n'est pas sur de pouvoir exploiter ?
Les remèdes résident dans l'organisation de la gestion du terroir par des cadres de concertation.
Le coût d'implantation reste élevé face au prix de vente des produits animaux. Le travail du sol, les
semences, une fertilisation minimale sont nécessaires pour assurer la réussite de la culture. Une fois
en place, la surveillance et la gestion ont aussi un coût.
La clôture dans bien des situations se révèle indispensable si l'on veut que le propriétaire de la
culture fourragère en soit aussi le bénéficiaire.
Ainsi, la mise en place d'une parcelle clôturée de Panicum maximum associé à Stylosanthes hamata
revient entre 90 et 175 000 F cfa/ hectare, en fonction du type de défrichement. Le coût annuel avec
un amortissement calculé sur 10 ans se situe entre 13 000 et 24 000 F cfa (MCD, 1991).
Enfin, l'organisation en troupeaux collectifs ne facilite généralement pas les investissements.
Aujourd'hui encore, la culture fourragère apparaît comme un luxe que seuls peuvent s'offrir les
exploitants les plus aisés.
Les remèdes consistent à réduire le coût de la culture fourragère par différents moyens.
On peut économiser :
– sur la fertilisation azotée par l'emploi de légumineuses pures ou associées.
– sur le travail du sol par des cultures sous couvert ou associées, semées dans les rangs de la
dernière année de céréale.
– sur la clôture en utilisant des haies vives ou sèches et des piquets vifs.
– une utilisation sélective et au stade optimal de la plante pour satisfaire des besoins nutritionnels
augmentés pour des raisons physiologiques (lactation, sevrage, saison de monte) ou pathologiques.
On peut citer par exemple le cas intéressant d'un éleveur qui réservait sa petite parcelle de cultures
fourragères pour les animaux malades. En sauvant chaque année trois ou quatre têtes de bétail, il
savait qu'il rentabilisait l'investissement de départ.
3,5
3,0
2,5
teneur en N, %
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
âge de la repousse en jours
Andropogon Loudetia limite
3,2 300
3,0
250
2,8
2,6
Teneur en N, %
200
GMQ, g/j
2,4
2,2 150
2,0
100
1,8
1,6 50
1,4
10 20 30 40 50 0
J F M A M J J A S O N D J F
Age de la repousse, j
Figure 1b. – Evolution de la teneur en N en Figure 2 – Effet saisonnier sur les GMQ des
fonction de l'age de la repousse d'une veaux de 0 à 12 mois. La période la plus
graminée fourragère (Dactylis glomerata). défavorable est la fin de la saison des pluies
D'après CRUZ in XANDE & ALEXANDRE 1987. (septembre) : mauvaise qualité de l'herbe,
difficultés de pâture et parasitisme.
D'après LANDAIS, 1983.
Le fourrage des légumineuses est toujours plus riche en azote que celui des graminées (fig. 3). Tout
au long de l'année, sa richesse en matières azotées digestibles (m.a.d.) reste élevée. Cette relative
stabilité de la valeur nutritive procure une plus grande souplesse d'exploitation. Même en saison
sèche, même sous forme de foin, elles gardent une valeur protéique correcte.
Les légumineuses n'ont pas besoin de fertilisation azotée, au contraire, elles apportent au sol en
moyenne 50 à 200 kg d'azote par ha et par an (tableau II). Un sol riche en azote n'est pas favorable à
leur installation : on évitera par exemple les anciens parcs à bétail pour leur implantation.
En revanche, elles nécessitent une fertilisation phosphatée : 100 à 200 kg de superphosphate, selon
la durée de la culture (figure 4).
L'implantation des légumineuses est facile. Leur pouvoir germinatif est élevé. Les semences sont
relativement grosses, ce qui réduit les risques d'enfouissement trop profond.
10
Le principal inconvénient des légumineuses réside dans leur faible pérennité. Elles se laissent
facilement envahir par les adventices, surtout lorsqu'elles sont pâturées. En milieu villageois, elles
résistent rarement plus de 3 ou 4 ans.
250
M atière azotée diges tible, g/kg
200
150
100
50
0
3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
A ge de la repous s e, en s emaines
Figure 3 - Valeur azotée comparée des graminées (cercle) et des légumineuses (carré) fourragères.
Espèces Azote
en kg / ha / an
Calopogonium mucunoides 60 à 175
Macroptilium atropurpureum 66
Mucuna pruriens var. utilis 83 à 212
Mucuna cochinchinensis 230 à 250
Pueraria phaseoloides 58 à 66
Stylosanthes guianensis* 130 à 270
Stylosanthes hamata** 100 à 130
d'après Segda & Toe, 1998; * Toutain, 1983; ** Garba & Renard, 1994.
7000
6000
Production, kg/ha
5000
4000
3000
2000
1000
0
Sol basaltique Sol granitique
Témoin Phosphate
Les graminées pourront aussi fournir la paille nécessaire aux besoins variés du village : clôtures,
toitures, litières, fabrication de fumier etc. De plus en plus rare, la valeur marchande de la paille est
de plus en plus élevée.
12
L'intérêt des systèmes fourragers pour le maintient de la fertilité est un atout majeur des cultures
fourragères.
La nécessité d'améliorer la fertilité du sol est ressentie par tous les paysans, certainement d'une
façon bien plus cruciale que celle d'améliorer l'alimentation des animaux.
La figure 7, qui peut paraître théorique, illustre les échanges possibles entre le sol, la plante et
l'animal. La place des productions fourragères est prépondérante. Elles apparaissent comme la clé
du système, alimentant à la fois le bétail et les cultures. Pourtant, ce schéma n'a rien d'utopique ;
pour que le système puisse fonctionner, il suffit simplement que les surfaces fourragères, qu'il
s'agisse de jachères, de savanes ou de cultures, soient en bon état, non dégradées, riches en
graminées vivace, pour leur permettre d'assurer leur double rôle : nourrir l'animal et maintenir la
fertilité.
2000
1500
1000
500
0
A B C D E
400
200
0
Biomasse, g/m²
-200
-400
-600
-800
-1000
-1200
Jachère dégradée Jachère restaurée Savane
aérienne souterraine
2.3. Conclusion
En conclusion de ce chapitre sur le rôle et les avantages des cultures fourragères, il est possible de
fixer les divers objectifs qui justifient l'adoption des cultures fourragères. Pour l'exploitant, ces
objectifs sont au nombre de trois.
Produire du fourrage de bonne qualité.
Améliorer le sol
Augmenter les productions vivrières
Ainsi, l'usage des plantes fourragères dépasse largement le cadre de l'élevage.
Figure 7 – Schéma illustrant la place et le rôle que devraient avoir les productions
fourragères et les productions animales dans la gestion agronomique du terroir. On
remarque que toutes les flèches finissent par converger vers les cultures vivrières. Dans
la réalité de beaucoup de terroirs, les herbages mal gérés ne fournissent qu'une part
faible de leur potentiel fourrager, ils n'améliorent pas le sol, et la fertilisation animale est
sous-utilisée.
Les inconvénients de ces cultures sont une valeur nutritive limite en cas de vieillissement, des foins
de qualité médiocre (sauf Chloris gayana, dont les tiges sèchent facilement) et le besoin d'une
fertilisation complète et surtout azotée en cas d'exploitation intensive.
Pour réduire ces inconvénients, il est possible d'associer à la graminée une légumineuse (voir
§ 3.5.).
C'est une culture fourragère temporaire que l'on place dans un assolement vivrier, habituellement en
fin de cycle lorsque le sol commence à s'épuiser et que les adventices se multiplient. Son rôle est
triple : améliorer la fertilité du sol spécialement en matière organique et en azote, lutter contre les
adventices peu productives mais gênantes pour les cultures, produire un complément fourrager
supérieur en quantité et meilleur en qualité que la jachère naturelle.
Les plantes volubiles et rampantes sont les mieux adaptées à cet usage car elle sont plus couvrantes
et souvent meilleures fixatrices. Sa durée est de 1 à 3 ans. Au delà, la légumineuse risque de se
laisser envahir par les adventices et de ne plus accomplir son rôle restaurateur de la fertilité. Car
l'objectif est de maintenir la fertilité et d'obtenir un arrière effet favorable sur les céréales. Si la sole
de légumineuse de 2 ou 3 ans peut difficilement remplacer une jachère de 15 ans à Andropogon
gayanus, elle doit être au moins très supérieure à 3 années de jachère naturelle pâturée.
15
1600
Production fourragère, g/m²
1400
1200
1000
800
600
400
200
0
Andropogon gayanus Brachiaria ruziziensis Panicum maximum
On choisira pour cela une légumineuse bien couvrante. Pueraria phaseoloides, Mucuna pruriens,
Mucuna cochinchinensis, Calopogonium mucunoides, Lablab purpureus ont donné des résultats
intéressants. La première est franchement vivace, les autres ont plutôt un comportement d'annuelles,
elles conviendront aux soles de courte durée. L'implantation peut se faire dans les rangs de la
dernière céréale cultivée, ce qui permet de gagner un an et surtout d'économiser le travail du sol.
La légumineuse ne devra pas rester plus de 2 ou 3 ans en place. Elle procurera un bon pâturage
surtout en saison sèche. Pour plusieurs raisons, il est préférable de ne pas l'exploiter ou de l'exploiter
modérément en saison des pluies : 1, cela permet à la plante de se développer correctement et
d'accomplir son rôle améliorant – 2, cela permet d'avoir une réserve sur pieds en saison sèche quand
les animaux ont le plus besoin de fourrage riche en protéines – 3, ces soles fourragères qui sont
intégrées dans les cultures sont généralement difficiles à exploiter en saison des pluies sans causer
des dégâts aux cultures voisines.
Le terrain est ensuite réensemencé en culture vivrière, les céréales devant bénéficier de l'apport
d'azote fourni au sol par la légumineuse.
Dans les casiers rizicoles, il est souvent difficile de maintenir une production constante, malgré la
fertilisation (fig. 11). La chute de rendement est imputable aux exportations mais aussi à
l'envahissement par les adventices. Ici encore, l'alternance par quelques années de culture fourragère
17
bien couvrante (Mucuna, Pueraria, etc) peut rompre le cycle des adventices tout en rehaussant la
fertilité. Si la parcelle peut être irriguée, on pourra rentabiliser la culture fourragère par une bonne
production laitière de saison sèche.
Sans maîtrise de l'eau et avec de fortes inondations temporaires, on pourra tenter l'introduction de
Psophocarpus palustris.
4000 250
3500
200
Rendement en riz
3000
2500 150
Engrais
2000
1500 100
1000
50
500
0 0
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Rendement Engrais
Pour des plantes de couverture non pâturées et enfouies, Segda & Toe obtiennent une augmentation
de la production de maïs grain de 300 à 900 kg/ha (Fig. 12).
18
3000
2500
Production maïs grain, kg/ha
2000
1500
1000
500
0
Jachère Calopogonium M ucuna prur. Lablab Cajanus M ucuna coch.
Précédent
Au Bénin, Ehouinsou et al ont obtenu récemment des bons résultats en utilisant Aeschynomene
histrix et Stylosanthes scabra. On obtient après Stylosanthes scabra une augmentation du rendement
en grain de 68 % en station et de 28 % en milieu villageois. La production fourragère s'accroît de 45
et 35 % respectivement (fig. 13).
STATION VILLAGE
3000 3000
2500 2500
Production, kg/ha
Production, kg/ha
2000 2000
1500 1500
1000 1000
500 500
0 0
maïs grain paille maïs grain paille
Figure 13 – Production de maïs grain et de paille après un précédent fourrager, comparé à la jachère
Si la plante de couverture est exploitée par le bétail, l'effet améliorant sur le sol est nécessairement
amoindri. Plus la légumineuse est exploitée, moins la fertilité est restaurée. Il y a donc un choix a
faire, selon que l'exploitant privilégie ses rendements agricoles ou sa production animale.
19
Figure 14 - Une légumineuse à usage mixte, fourrager et vivrier, le niébé, Vigna unguiculata.
Les cultures fourragères en association graminée - légumineuse ont pour objectif de limiter en partie
les inconvénients des deux familles. La légumineuse tout en améliorant la ration de fourrage,
procure l'azote nécessaire à la graminée ; la graminée limite le développement des adventices. La
pérennité de la culture est accrue.
20
Parmi les graminées, Andropogon gayanus, Panicum maximum s'associent facilement avec
Stylosanthes hamata. Au Bénin, des associations ont été réalisées avec, outre les espèces
précédentes, Brachiaria ruziziensis comme graminée et Arachis pintoi comme légumineuse
(KINDOHIMOU & coll., 1998). Aux Antilles, Setaria sphacelata et Cenchrus ciliaris s'associent
bien avec Macroptilium atropurpureum (TOUVIN, 1987). En Bolivie, Glycine wightii mélangé à
Panicum maximum double le gain de poids à l'hectare par rapport à la graminée pure (PATERSON
& HORRELL).
350
250
200
150
100
50
0
A S O N D J F M A M J J
9
8
7
Biomasse en t/ha
6
5
4
3
2
1
0
Sols épuisés Sols moyens
Elle supporte des charges en bétail environ deux fois plus élevées que celles des jachères à
Andropogon gayanus. La charge moyenne dans la région de Korhogo atteint 1,3 UBT/ha/an., sur
des sols médiocres de jachères. Godet et coll. obtiennent durant huit mois de saison des pluies des
charges de 3 à 6 UBT/ha dans la région de Bobo-Dioulasso, dans des conditions un peu
particulières, la parcelle étant un bas-fond bien alimenté en eau.
Mattoni & Grimaud donnent pour la même région des productions laitières satisfaisantes pour des
zébus Peulh en pâturage permanent. Elles sont un peu plus faibles en pâturage rationné (fig. 19).
2,0
production laitière, l/j
1,5
1,0
0,5
0,0
1 2 3 4 5 6
mois de lactation
permanent rationné
Il s'agit de l'association d'une céréale avec une légumineuse fourragère. Notons que le paysan
connaît depuis longtemps l'avantage des cultures associées graminées - légumineuses. Au cours de
l'assolement, s'il constate une baisse de la fertilité, il associe spontanément des légumineuses
vivrières, (généralement arachide ou niébé) à ses céréales (maïs, mil ou sorgho). Dans ces
associations, au départ purement vivrières, l'intérêt fourrager n'est pas oublié. Les pailles de céréales
23
sont la plupart du temps consommées par les animaux au champ, les fanes de niébé et l'arachide
sont récoltées, séchée et distribuées aux animaux.
L'association devient mixte lorsque la légumineuse est une espèce à vocation fourragère : Lablab
purpureus, Calopogonium mucunoides..., ou même une variété mixte de niébé (figure 13).
Des essais satisfaisants ont été réalisés au Mali, (maïs + Lablab purpureus), au Burkina-Faso (maïs,
mil, sorgho + Lablab purpureus ou niébé), au Bénin (maïs + Aeschynomene histrix, Calopogonium
mucunoides, Canavalia ensiformis, Stylosanthes scabra).
Il y a toujours un effet dépressif de la légumineuse sur la graminée, mais la production globale de
fourrage est supérieure et l'effet dépressif sur la production de grain de la céréale peut être compensé
par un arrière effet de la légumineuse les années suivantes.
La légumineuse peut apporter entre 30 et 70 % de fourrage en plus selon les résultats du Mali, mais
elle apporte surtout un fourrage de meilleure qualité, globalement plus riche en azote (fig. 20).
L'effet dépressif est faible, il oscille entre 3 et 12 % avec une moyenne 6 %, d'autant plus que dans
ces expériences, l'arrière effet sur les céréales des cycles suivants n'est pas souvent évalué. Il est en
effet intéressant de suivre la production pendant plusieurs années. Selon BENGALY &
BAGAYOGO (1998), le précédent maïs-Lablab purpureus accroît la production de sorgho grain de
400 kg/ha par rapport au précédent maïs pur. Voir les récents travaux de EHOUINSOU au Bénin.
5000
4000
production, kg/ha
3000
2000
1000
0
Grain-pur Grain-assoc. Fourr.-pur Fourr.-assoc.
Le choix du dispositif dépend donc de son utilisation, du rôle que l'on attend des ligneux. Ils
s'implantent soit à grand écartement (5 à 20 m), soit en ligne à forte densité (haies vives, cultures en
couloirs).
L'apport d'un complément sous forme de fourrage ligneux améliore sensiblement les performances
des animaux en croissance sur pâturage naturel (fig. 24). En introduisant 30 % de Leucaena
leucocephala dans un pâturage à graminée vivace, Paterson & al multiplient par 3 les GMQ des
bouvillons en saison sèche (figure 25). Selon ONDIEK & al., un complément de Leucaena
leucocephala équivalant à 40 % de la ration, se révèle meilleur que le concentré du commerce pour
la production laitière des chèvres (tableau III).
25
30 6
Hauteur et périmètre, cm
25 5
20 4
15 3
10 2
5 1
0 0
Témoin Leucaena Gliricidia Drèches
100 800
90 700
Leucaena, % du pâturage
Tableau III – Production laitière et qualité du lait de chèvres complémentées par du fourrage
ligneux ou du concentré du commerce, au Kenya (d'après Ondiek & al.).
5000
Rendement de maïs, kg/ha
4000
3000
2000
1000
0
Témoin Leucaena Gliricidia Cajanus cajan
leucocephala sepium
3000
2000
1500
1000
500
0
1 2 3 4 5
Années
allées de 3,6 m allées de 7,8 m culture pure
4. Le choix de la plante
4.1. Les graminées
Ce sont toutes des espèces vivaces, productives et résistantes au bétail. Cynodon nlemfuensis, par
son port rampant convient particulièrement aux zones à forte densité de bétail et pour la fixation des
digues. Les autres espèces se développent en touffes, parfois exubérantes, comme Pennisetum
purpureum, dont la croissance est très rapide.
Toutefois, les espèces adaptées à la zone sahélienne sont peu nombreuses. Le bourgou (Echinochloa
stagnina) procure un abondant pâturage aquatique exploitable en saison sèche.
Figure 29 – Une espèce locale utilisée comme arbre fourrager, Acacia nilotica.
32
En zone sahélienne, on veillera à préserver les graminées annuelles qui forment un assez bon
pâturage de saison sèche en proscrivant rigoureusement les feux.
Au sud, le feu peut favoriser la repousse et l'accessibilité des graminées vivaces, mais il n'est
d'aucune utilité sur une végétation d'annuelles. Au contraire, il élimine une ressource fourragère
indispensable au bétail en saison sèche.
Les feux tardifs (fins de saison sèches) peuvent être utilisés comme moyen d'éclaircissage des
strates ligneuses, à condition que la savane n'ait pas été pâturée ni piétinée depuis le début de la
saison des pluies précédente. Dans ce cas, le combustible herbacé accumulé permet d'éliminer les
tiges des ligneux de 3 ou 4 cm de diamètre. L'opération peut être renouvelée tous les 4 ou 5 ans pour
entretenir une savane herbeuse.
plantes non broutées. Tout ceci entraîne la multiplication et le développement des ligneux.
Rapidement, la végétation s'embroussaille alors que le pâturage herbacé tend à disparaître.
Dans ces conditions, l'implantation de ligneux, mêmes fourragers, n'est pas toujours souhaitable. On
peut lutter contre l'embroussaillement par l'usage des feux tardifs (ci-dessus), ou en modifiant le
cheptel.
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Bovins Ovins Caprins
Il y a donc intérêt à exploiter les parcours naturels avec des troupeaux mixtes pour tirer le meilleur
parti des ressources végétales naturelles et limiter les dégradations (travaux de NOLAN & coll.)
que le disponible fourrager pourrait supporter sans problème une extension de l'élevage des ovins et
des caprins.
Adapter le cheptel aux disponibilités fourragères n'a pas encore été perçu comme une nécessité ;
c'est pourtant le seul moyen de préserver l'équilibre herbacé-ligneux, et de ce fait, la durabilité de
l'élevage.
Une action concertée est nécessaire pour gérer équitablement les ressources naturelles et en assurer
la pérennité. Les cultures fourragères peuvent participer à l'amélioration du potentiel, mais à
condition que leur exploitation soit organisée dans le cadre de la gestion consensuelle du terroir.
Dans le cas contraire, on s'expose à voir les soles fourragères détruites par les troupeaux de passage,
les cultures ravagées par le bétail, les réserves fourragères partir en fumée.
Enfin, il faut rentabiliser la culture. Justifier économiquement les investissements par une plus-
value sur les gains en production animale n'est pas aisé ; c'est encore plus difficile à démontrer sur
les gains de fertilité.
Cependant, le paysan doit être satisfait, si non, non seulement il ne recommencera pas, mais il
déconseillera la technique à ses voisins.
La gestion des associations est encore plus délicate car il faut conserver l'équilibre entre les deux
plantes (fig. 32). L'intervalle entre les pâtures doit être déterminé par la graminée. Ainsi, la figure 33
montre que le rythme de 25 jours, qui convient à l'association Panicum maximum et Stylosanthes
hamata, est trop rapide pour Andropogon gayanus qui régresse. L'association à Andropogon
gayanus et Stylosanthes hamata doit être exploitée à 45 jours.
Mais le rythme ne doit pas non plus gêner le développement de la légumineuse. Un intervalle plus
rapide avec l'association à Panicum maximum risquerait de faire disparaître Stylosanthes hamata.
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
26/06 16/07 08/08 03/09 28/09 23/10
1. Panicum 1. Stylosanthes
2. Andropogon 2. Stylosanthes
12 100
90
Production, t/ha ; charge, UBT/ha
10
80
70
8
60
6 50
40
4
30
20
2
10
0 0
1992 1993 1994 1995 1996 1997
Si l'on excepte les données de 1992, qui représentent la biomasse maximale et non la production
cumulée par coupes, la production fourragère globale se maintien entre 9 et 12 t/ha. La charge de
saison des pluies appliquée est forte, particulièrement les 3 dernières années. Cette charge ne
perturbe en rien le Panicum, dont le pourcentage s'accroît jusqu'à 80 %. Mais il semble qu'elle fasse
régresser le Stylosanthes qui disparaît presque en dernière année. Corrélativement, le sol nu
augmente, mais les adventices disparaissent, étouffées par le Panicum.
Cette expérience montre à quel point la gestion d'une association est délicate, car on n'a
généralement pas la possibilité dans un élevage de modifier la charge à la demande.
Aujourd'hui, la parcelle fourragère de Banankélédaga a 12 ans. Panicum maximum est toujours en
place et reste en bon état. Stylosanthes hamata est encore présent, bien que rare. Quelques
adventices, surtout légumineuses, ont tendance à se multiplier mais ne mettent pas en cause la
parfaite pérennité de Panicum maximum sous le climat de Bobo-Dioulasso.
Après disparition d'une légumineuse dans une association, un sursemis est possible. La graminée
sera rabattue par de fortes charges, puis la légumineuse ensemencée dans les raies d'une légère
scarification, si possible après fertilisation phosphatée.
Protéger et cultiver les ligneux sont deux aspects d'un même problème. Des projets de
développement ont investi dans la création de pépinières d'espèces fourragères locales, alors que ces
mêmes espèces se reproduisaient et se multipliaient parfaitement dans les formations naturelles
environnantes ; elles avaient seulement besoin d'une protection temporaire pour les aider à se
développer.
Car lorsque les jeunes ligneux sont en place, le travail n'est pas achevé. Il faut une protection du
bétail efficace pour leur permettre d'accéder à une dimension suffisante pour résister d'eux-mêmes
au broutage permanent. Si cette protection n'est pas garantie, il est inutile de tenter l'implantation de
ligneux fourragers.
La protection des jeunes ligneux peut être assurée soit par une clôtures périphérique de l'ensemble
de la parcelle, soit par une protection individuelle. La seconde solution est préférable dans le cas
d'arbres isolés. Outre son coût moins élevé, elle permet l'exploitation du pâturage herbacée et les
risques sont moindres car la rupture de la clôture rend vulnérable toute la parcelle.
La protection individuelle peut être faite par un entourage de branchages, épineux de préférence, ou
par un grillage, (environ 3 m de longueur par pied). Dans le cas de dispositifs en lignes, la clôture
périphérique est seule praticable.
Dans tous les cas, la sensibilisation et l'information, peuvent être utiles pour expliquer la nécessité
de protéger une ressource en voie d'épuisement.
L'éleveur doit être conscient de la fragilité de la ressource qu'il exploite, quelle soit naturelle ou
cultivée. Pour en assurer la pérennité, il devra veiller sur ses arbres comme il veille son cheptel.
Après un émondage sévère, l'arbre fourrager doit rester au repos pendant un an au moins pour lui
permettre de reconstituer son feuillage et ses réserves nutritives. Faute de quoi, il s'épuise et sa
production diminue.
les inflorescences avant la maturation dans des sacs en nylon (sacs de riz ou d'engrais) retournés.
Les semences sont récoltées dans les sacs à la fin de la période de dissémination. On atteint par cette
technique un pouvoir germinatif de l'ordre de 90 % pour la var. C1.
paysanne.
A Jachère naturelle à Andropogon gayanus; B. Jachère à Andropogon gayanus, améliorée par sur-semis de Stylosanthes
hamata ; C. Association ancienne à Panicum maximum et Stylosanthes hamata ; D. Association de 3 ans à Panicum
maximum et Stylosanthes hamata. (d'après César & Zoumana, 1998).
450
400
Po id s v if en kg
350
300
250
200
0 50 100 150 200 250 300
Jou rs
Conclusion
La culture fourragère reste encore pour la majorité des éleveurs ou des agro-éleveurs un travail de
spécialiste qui demande un encadrement poussé. C'est une technique difficile mais qui peut profiter
aussi bien aux animaux qu'au sol, aux éleveurs qu'aux agriculteurs.
Il existe un grand nombre de formes de cultures fourragères, adaptées à tous les milieux et pouvant
convenir à de nombreuses exploitations. Le choix de la forme, puis de l'espèce, doit se faire avec
beaucoup de prudence. La plante fourragère une fois installée, son exploitation demande encore
beaucoup de soins et une connaissance technique appropriée pour être rentable.
Elles conviennent donc particulièrement aux élevages en voie d'intensification. Elles apportent des
solutions aux problèmes d'alimentation des élevages laitiers et de tous ceux qui utilisent animaux
croisés génétiquement améliorés, mais exigeant un fourrage de qualité.
Les cultures fourragères sont de plus en plus nécessaires, face à l'évolution du milieu et à la
diminution des ressources pastorales naturelles.
Les productions fourragères seront vraisemblablement la clé du système agricole tropical de demain.
42
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