Exemple de Dissertation Juridique 2
Exemple de Dissertation Juridique 2
Exemple de Dissertation Juridique 2
L’adage « Nemo judex in re sua »1 est destiné à garantir l'impartialité des décisions
de justice. Il semble d’ailleurs évident que la justice ne puisse guère être rendue légitimement
si elle se fonde sur un jugement partial. Néanmoins, cet adage révèle les incompatibilités et
les incapacités dont sont frappés les magistrats de l’ordre administratif. En effet, de par sa
relation privilégiée avec l’administration, il semble que le Conseil d’Etat se doit d’adopter un
comportement dont l’objectivité ne puisse être remis en cause en tant que juge suprême de
celle-ci. Néanmoins, il parait difficile d’appliquer ce principe d’impartialité compte tenu des
relations qui existent entre cette institution et l’administration. La position de ce juge suprême
de l’administration semble d’ailleurs paradoxale puisqu’il devrait être juge objectif d’une entité
avec laquelle il entretient des liens très étroits.
Le Conseil d’Etat est en effet la plus haute juridiction administrative en France. Créée en
1799 par Napoléon Bonaparte, cette institution publique trouve sa source au sein de l’article
52 de la Constitution du 22 frimaire an VIII qui lui confie une mission administrative (dite
« consultative ») au même titre qu’une mission contentieuse. C’est d’ailleurs en sa qualité de
juge suprême l’administration que se pose la question de son impartialité. Il se doit en effet
de juger les litiges liés à l’ensemble des services chargés d’assurer le fonctionnement d’un
Etat, d’une collectivité territoriale ou d’un service public. L'impartialité serait l'attitude qui lui
permettrait d'éliminer toute subjectivité dans son jugement de l’administration. Fondement
moral de la justice elle-même l’impartialité s’illustre par exemple à travers l’image de la
déesse Themis qui, pour rendre le justice, tient le glaive et la balance, mais surtout a les yeux
bandés, signe de complète objectivité. Toutefois, la relation de proximité que le Conseil d’Etat
entretient avec l’administration semble remettre en question l’existence d’un quelconque
jugement impartial de la part du juge administratif.
Il parait donc intéressant d’étudier l’effectivité de ce fondement de moralité sur lequel repose
toute la jurisprudence administrative, et in fine le droit administratif lui-même. Il est
effectivement nécessaire d’étudier ce principe sur lequel repose toute la crédibilité du Conseil
d’Etat, et par conséquent celle du droit prétorien qu’il produit.
Dans quelle mesure le Conseil d’Etat peut-il être qualifié de juge impartial envers
l’administration ?
Cette impartialité théorique parait tout d’abord ancrée dans des textes qui semblent
institutionnaliser ce principe moral (1). Néanmoins, il recouvre diverses dimensions (2) qu’il
est nécessaire d’étudier.
Nous verrons qu’il semble que l’impartialité du CE face à l’administration soit garantie de
manière évolutive (b), après avoir dans un premier temps étudié les règles fondatrices de
cette impartialité (a).
Tout d’abord, il existe des garanties textuelles de l’impartialité dont doit faire preuve le Conseil
d’Etat lorsqu’il juge l’administration. C’est par exemple le cas de l’article 20 de la loi du 24
mai 1872, qui instaurait le Conseil d’Etat républicain et consacrait en particulier le passage
de la « justice retenue » par le chef de l’Etat à la « justice déléguée » au Conseil d’Etat, mais
qui fut abrogée en 1940. La création du CE devait permettre à un organe extérieur à l’Etat
de juger ce dernier de manière objective. Par ailleurs, l’article 6-1 de la CESDH4 entré en
vigueur en 1953 définit le droit à un procès équitable et dispose que « Toute personne a droit
à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable,
par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ». De même, la règle du déport
instituée dans ce texte semble garantir, en droit, l’impartialité de la formation du jugement.
Cette dernière implique qu'un membre du Conseil d'État ne peut participer à une formation
de jugement examinant la légalité d'une décision s'il a contribué à un avis concernant cette
décision. Ainsi, à travers cet article fondateur de l’impartialité du Conseil d’Etat, il semble que
soit instituée cette condition de jugement objectif à tout litige concernant l’administration.
Par conséquent, nous avons étudié la base textuelle qui se doit de garantir l’impartialité du
CE lorsqu’il juge l’administration. Néanmoins, l’impartialité est en droit une notion complexe
qu’il est nécessaire d’étudier afin de juger de l’impartialité théorique du CE.
3 Droit administratif
4 Convention Européenne des Droits de l’Homme
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Justine DEBRET
Il est nécessaire d’étudier les diverses formes d’impartialité en droit (a), ainsi que de vérifier
l’application jurisprudentielle fondamentale de celles-ci (b).
En droit, il existe une distinction entre impartialité objective et impartialité subjective. Celle-ci
fut instaurée par la Cour Européenne des droits de l’Homme, notamment à travers la reprise
de son arrêt de 1982, Piersack contre Belgique. L’impartialité objective consiste à se
demander si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables
autorisent à suspecter l'impartialité de ce dernier. Quant à l’impartialité subjective, elle se
base sur une conception plus classique renvoyant à la conception personnelle du juge. Ainsi,
aucun des membres de la juridiction ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel.
In fine, en droit, on peut considérer que l’impartialité du CE suppose que les magistrats
n’aient aucun lien avec les parties et qu’ils ne peuvent être leur propre juge. Une fois de plus,
nous pouvons considérer que l’impartialité du juge administratif doit vérifier les adages « Nul
n’est juge en sa propre cause » et « Nul ne saurait être juge et partie ».
Par conséquent, il semble qu’en théorie le juge administratif que représente le CE doit juger
de manière impartiale l’administration lorsque celle-ci est impliquée dans un litige. Il semble
que divers textes se portent garant de cette objectivité nécessaire dans le traitement
d’affaires de justice. Néanmoins, dans la pratique et par divers éléments, il semble que cette
impartialité nécessaire ne soit que relative. Il semble ainsi pertinent d’étudier ce principe
moral et juridique censé être appliqué par le CE à l’égard de l’administration d’un point de
vue pratique (II).
Il semble que malgré la condition d’objectivité par laquelle peut être rendue la justice, le juge
administratif suprême et l’administration entretiennent une relation privilégiée (a) ainsi qu’un
passé commun (b).
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Justine DEBRET
La présidence du Conseil d'État est assurée par son vice-président (Jean-Marc Sauvé depuis
2006) qui donne des avis au gouvernement lorsqu’il préside l’Assemblée générale. Cette
dernière peut aussi être, dans certains cas, présidée des membres de l’Etat tels que le
Premier ministre ou bien le ministre de la justice et garde des Sceaux. Ainsi, il semble que
les membres qui se situent en haut de la hiérarchie au sein du CE entretiennent une relation
privilégiée avec l’administration étatique. Par ailleurs, il semble que le CE ait toujours un rôle
prépondérant en terme de compétences pour juger l’administration, bien au dessus de celles
accordés au TA5, à la CAA6 ou même au JAS7. Il est effectivement est compétent en premier
ressort pour des affaires délicates qui concernent l’administration comme en cas de recours
dirigés contre les décrets ou des actes règlementaires des ministres ou les décisions des
organismes à compétence nationale, ainsi qu’en cas de contentieux relatif à la carrière des
fonctionnaires nommés par décret du président de la République ou relatifs aux élections
régionales et européennes ou en cas de litiges nés à l’étranger. Il est compétent en appel
sur des affaires telles que les élections municipales et cantonales, ainsi qu’en cas de
questions préjudicielles en appréciation de la légalité ou l’interprétation d’actes relevant de
la compétence des TA en première instance. Enfin, le CE est compétent en cassation pour
tous les litiges administratifs (sauf contentieux énumérés précédemment), les litiges visés à
l’article R.222-13 du code de la justice administrative ou en cas de contentieux spécialisés
(juridictions financières, juridictions de l’aide sociale, …). Dans tous les cas, le jugement que
rend le CE est celui qui sera définitif puisqu’il est le juge suprême et se place en haut de la
hiérarchie pour juger des juridictions administratives. Ainsi, en tant que juge ultime des
administrations (pouvoir exécutif, collectivités territoriales, autorités indépendantes
établissements publics, organismes à prérogative de puissance publique) ses décisions sont
souveraines et donc ne sont susceptibles d’aucun recours.
Les fonctions liant le CE à l’administration, c’est-à-dire les rôles de conseiller et juge que
celui-ci entretient avec cette dernière, devraient en principe être distinctes et indépendantes
l’une de l’autre afin de garantir l’impartialité du CE lorsqu’il doit juger l’administration. Or il se
5 Tribunal administratif
6 Cour administrative d’appel
7 Juge administratif spécialisé
8 Ecole nationale d’administration
9 François Hollande
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Justine DEBRET
trouve que ces fonctions soient en interaction conflictuelle (a) et produisent des conflits de
nature jurisprudentielle (b).
Il survient en effet des situations de conflits et de confusion entre les fonctions consultatives
et juridictionnelles10 du CE. Celui-ci peut être amené à examiner, en tant qu'organe
juridictionnel, la conformité à la loi d'un décret pris en Conseil d'État. Ce cumul de fonctions
pose problème quant à l'exigence d'impartialité du juge. En effet, de par sa fonction
consultative, le CE a le soin de conseiller le gouvernement sur l’adoption de textes législatifs
ou celle de décrets adoptés par le gouvernement dans le cadre de son pouvoir réglementaire.
Tout texte qui doit passer par le conseil des ministres, avant d’être soumis, doit faire l’objet
d’un avis au CE (article 39 de la Constitution). Il en va de même pour les ordonnances du
gouvernement (article 38 de la constitution). Il arrive que l’indépendance des fonctions
juridictionnelle et consultative du CE, nécessaire à l’impartialité du juge suprême
administratif, ne soit pas effective. Ainsi, les juges administratifs, de par leur rôle consultatif,
peuvent être influencés dans leur jugement dans le cas où ils auraient précédemment pris
part à l’adoption du règlement que le justiciable conteste.